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Violer la loi un jour, la respecter un

autre, enfonce la justice
Publié le 2022-02-17 | lenouvelliste.com
Hier, le Premier ministre Ariel Henry avait trouvé un artifice pour installer les
membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) à qui le président
Jovenel Moïse n’avait pas eu le temps ou refusait de donner investiture avant son
assassinat.
On se rappelle qu’il a fallu pétitions, notes de presse et d’autres démarches des
associations de magistrats pour porter Ariel Henry à installer les six nouveaux
membres du CSPJ le 1er octobre 2021.
Cette décision du Premier ministre allait à l’encontre de la loi et de l'opposition de
certaines organisations de défense des droits humains qui estimaient qu’il revenait
au président de la République d’installer les membres du CSPJ. « … qu'avant leur
entrée en fonction, les membres du CSPJ prêtent serment sur la Constitution,
devant le président de la République et en présence des président.es du Sénat et
de la Chambre des députés », évoquaient 16 organisations de droits humains, dont
le RNDDH, la FJKL, le POHDH, la SOFA, le BAI dans une lettre conjointe en août
dernier pour justifier leur opposition à l’installation des membres du CSPJ par Ariel
Henry.
Le Premier ministre, faisant fi de la mise en garde des organisations de défense
des droits humains, avait installé les nouveaux membres du CSPJ sous pression
des magistrats et autres membres de l’appareil judiciaire.
Aujourd'hui, on se demande si le Premier ministre Ariel Henry attend que le CSPJ
lui retourne l’ascenseur.
A travers le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Bertho Dorcé, le
gouvernement, dans une correspondance, a soumis, le mercredi 16 février 2022,
au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) les noms de neuf juges
pressentis pour siéger à la Cour de cassation. Le CSPJ est invité à choisir trois
parmi ces juges pour compléter ladite Cour.
« Réuni à l'extraordinaire, le Conseil a décidé, par une résolution, de ne pas
donner suite à cette requête, vu que son rôle se limite seulement à donner son avis
sur une liste déjà constituée, par qui de droit, de trois (3) candidats par poste à
pourvoir, conformément à la législation en vigueur ». Telle est la réponse du CSJP
au ministre de la Justice, dans une lettre responsive signée du directeur
technique Me Jean Robert Constant.
Attendons la réponse du gouvernement au CSPJ. Il peut aussi arriver que le
Premier ministre Ariel Henry ignore la réponse du CSPJ et cherche une autre voie
pour compléter la Cour de cassation, dysfonctionnelle depuis plus d’un an.
Cette affaire illustre bien ce qu’est la justice haïtienne aujourd’hui. C’est aussi une
caricature de la démocratie haïtienne à un moment où le pays n’a pas de
Parlement fonctionnel. Le pouvoir judiciaire existe, mais ne fait peur qu’aux plus
faibles de la société. Le pouvoir exécutif, seul maître à bord, est dirigé par un
Premier ministre qui ne trouve pas sa légitimité dans la Constitution de 1987
amendée. Ce n’est donc pas un hasard si l’Etat haïtien présente l’image d’un chien
édenté. Il faut ajouter qu’au Bicentenaire et dans d’autres régions du pays ce sont
les hommes de loi – juges, avocats et autres acteurs du système judiciaire – qui
fuient les bandits.
L’avortement des négociations annoncées entre les représentants de l’Accord de
Montana et les protagonistes de l’Accord du 11 septembre ne montre pas que les
hommes politiques et les membres de la société civile qui nous dirigent ou qui
rêvent de diriger le pays comprennent la gravité de la situation. Après le kidnapping
en série dans la zone métropolitaine, quel autre signe attendent-ils pour
comprendre que l’heure est grave ?

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