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SomIntroChap1Auteurs DevUrbains
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Serge Miranda
Edouard Malsch
numérisée qui lui est attachée. Dans ce cadre les conditions de la coproduction et
Présentation de la distribution de cette valeur, par et pour les entreprises, les pouvoirs publics, la
société civile, les habitants, deviennent un enjeu de pouvoir. Renforcer la démocratie
locale, c’est s’assurer qu’il n’y ait pas « un maître des données », public ou privé, mais
que cette richesse informationnelle circule entre tous ceux qui tissent la ville ».
Maryse Carmes et Jean-Max Noyer
Cette interrogation est reprise d’un point de vue différent par Francesca Musiani
qui pense le rapport entre « Interfaces urbaines et techno-politiques d’infrastructure
Les contributions de ce livre appréhendent plusieurs transformations affectant (décentralisée) ». Elle note que nombres d’initiatives, promues par des collectifs
les écologies urbaines sous les conditions de l'extension du milieu numérique qui citoyens aussi bien que par des institutions, cherchent aujourd’hui à informer et
leur est associé. construire les « villes intelligentes » du futur proche – ces villes qui seront gouvernées
et gérées au moyen de l’utilisation omniprésente de dispositifs numériques.
Dans le premier article Valérie Peugeot aborde la transformation urbaine en cours
sous les conditions des réseaux et technologies numériques et la met en perspective À partir de travaux menés sur les architectures-réseau décentralisées, et en contre-
en rappelant que « l’histoire de la ville occidentale est marquée par l’irruption de point d'approches promues de manière top-down par des institutions nationales
nouvelles techniques qui à échéance régulière, viennent soulever des controverses HWORFDOHVDLQVLTXHSDUOHVHFWHXUSULYpODUpÁH[LRQGHIUDQFHVFD0XVLDQLSRUWH
quant au projet de « vivre ensemble », avec en motif récurrent, la tension entre GRQFVXUOHVGLIIpUHQWHVPDQLqUHVGRQWOHVUHFRQÀJXUDWLRQVGHVLQIUDVWUXFWXUHVHW
centralisation et distribution. Elle met en évidence ce qu’elle nomme la « mise sous GHVDUFKLWHFWXUHVLQÁXHQFHQWO·©RXYHUWXUHªGHO·LQWHUIDFHXUEDLQHHWV·HQYRLHQW
tension » des technologies de l’information et de la communication et les différentes informées en retour. À partir de son organisation la plus invisible et souterraine,
ÀJXUHVGHODYLOOHTXLV·DFWXDOLVHQW(QWUHPRGqOHVFHQWUpVHWDFHQWUpVHOOHPRQWUH sont étudiés des dispositifs et des processus par lesquels la « ville intelligente »
que la question de la production de l’information, de son stockage, de son contrôle SUHQGIRUPH/HFDVGH&RPPRWLRQYLOOHGH'HWURLWHWGHV5pVHDX[VDQVÀOPHVK
et de sa réutilisation est au cœur de l’avenir de la ville de demain. La ville de demain comme infrastructure urbaine participative, montre comment ces technologies
(qu’elle soit dite, intelligente, en transition, collaborative ou « en Commun ») est, et infrastructures décentralisées peuvent éclairer la performativité des objets
de toutes les manières, de plus en plus productrice d’informations, qu’il s’agisse de de communication, la participation des publics, l’invention de « technologies
données (quantités d’ordures ménagères, mouvements migratoires, géolocalisation PpGLDWLTXHVUpVLOLHQWHVªSRXUODUHFRQÀJXUDWLRQGHODYLOOH(QFRQQHFWDQWGHV
des services publics, mesure d’impact énergétique, etc.) ou de contenus (archives objets techniques pour former un réseau maillé indépendant et en permettant
de la ville, projets urbains, etc.). Au point qu’il lui semble plus pertinent et moins une communication entre points plus ou moins mobiles, le réseau mesh est
normatif de parler de « data city » plutôt que de « smart city ». utilisé à Détroit pour mettre en communication des capteurs entre eux mais
aussi pour déployer des zones Wi-Fi gratuites. Pour sa part, le cas de la Place
Dans cette perspective, l’auteure pose l’hypothèse que le partage de l’information General Vara del Rey (ville de Madrid) illustre l'émergence de nouveaux « paysages
par, pour et sur la ville, constitue une pierre angulaire de la démocratie à l’heure infrastructurels » : tout en préservant l’usability de la place pour les citoyens, celle-
numérique. Cette hypothèse soulève de multiples interrogations. ci devient un dispositif de production d’énergie et de gestion de l’eau.
La data city est en effet le fruit d’une multiplicité de données d’origines différentes. À la suite de ses travaux passés sur les architectures de réseau décentralisées,
Modèle distribué et ascendant versus modèle centralisé, divers imaginaires se qu’elle a déjà résumé sous l’étiquette « nains sans géants », elle précise les enjeux
mélangent dans la conception de la ville augmentée de ses technologies et de ses de ces techno-politiques urbaines émergentes où les infrastructures numériques
données. Cette tension nous oblige à revisiter la question de la gouvernance de la jouent un rôle fondamental. La dissémination des capteurs et objets intelligents,
ville à la lumière de la production, de la gestion, et de la circulation de l’information la production et les croisements des dits big data, impose aux devenirs urbains
Présentation 11 12 Devenirs urbains
la question des interfaces, des applications, des réseaux, des architectures et des produites par les habitants et transmises grâce à la multitude de capteurs qui
protocoles – de leur centralisation ou décentralisation. Son analyse contribue de imprègne la sphère urbaine. Du contrôle centralisé à la recherche d’une autonomie
manière forte à l’exploration des manières dont la « ville intelligente » prend forme SUpVHUYpHO
H[SpULHQFH6RQJGRPRQWUHTX·LO\D©XQHELHQÀQHGLIIpUHQFHHQWUH
jSDUWLUGHFHVGHUQLHUVHWSURSRVHGHVSLVWHVGHUpÁH[LRQVXUFHTXHFRQVWLWXH l'informatique pervasive et l'informatique invasive, et que l'une des conséquences
l’intelligence de la ville, dans la ville. GHFHODVHUDG
DLGHUjHQFODULÀHUODIURQWLqUHª/HVSURFHVVXVG·K\SHUORFDOLVDWLRQ
et la montée de « folksotopies », c’est-à-dire des différents territoires augmentés
À travers un certain nombre d’exemples et en particulier celui de « New par les contributions d’autres urbains : « un environnement à la fois collectif et
Songdo City » en Corée, Edouard Malsch multiplie les interrogations sur les individuel ; entièrement cliquable », sont mis en évidence. « La navigation entre
formes d’actualisation des intelligences et des modes d’existence dans la ville. ces lieux réels, réinvestis par le digital, s’effectuent par le biais d’interfaces que l’on
Il met l’accent sur les effets de la révolution numérique et sur le remodelage SRXUUDLWTXDOLÀHU©G·K\SHUOLHX[ªHQDQDORJLHVDX[©K\SHUOLHQVªGHO·,QWHUQHWDYHF
des structures urbaines, économiques, sociales et culturelles accompagnant le toujours cette idée, que l’usage du lieu où l’on se trouve ou que l’on traverse, est
processus de création de la ville actuelle. Selon lui, la « Metropolis de demain » DXJPHQWpVHUYLFHVSHUVRQQDOLVpVÁXLGLWpHWUpDFWLYLWppFKDQJHVHWSDUWDJHVGHV
est une ville fondamentalement numérique, conçue en exploitant les TIC, en ÁX[G
LQIRUPDWLRQGHFRQYHUVDWLRQGHWUDQVDFWLRQOLpVDX[GLIIpUHQWVFRQWH[WHVª
utilisant des outils de simulation et de modélisation, afin d'améliorer son La question du « Local » est là présentée en résonance implicite avec cette théorie
fonctionnement. C'est une ville dont les éléments (qu’il s’agisse des conduites de des milieux chère à P. Sloterdijk, à la nécessaire pensée du « Local », à l’heure des
gaz ou d'eau potable, des feux rouges, des usagers eux-mêmes) sont connectés réseaux et de la mondialisation. Ville hybride donc, transformation de l’espace
à un réseau, reçoivent et produisent en permanence des données qui peuvent SXEOLFO·pPHUJHQFHLQVWDEOHHWFRQÁLFWXHOOHG·XQXUEDQLVPH©FURZIXQGHGªVRQW
être récupérées et utilisées en temps réel pour optimiser son fonctionnement. encore travaillés comme marques de la virtualisation de l’urbain.
« Tel un plombier qui déploie ses réseaux d’eau chaude et d’eau froide au sein de
la Ville, Cisco Systems développe les réseaux numériques qui permettront aux À partir d’un savoir faire fort dans le secteur du développement des applications et
résidents de suivre, en temps réel, leurs consommations d’eau et d’électricité, d’une pratique inscrite dans la mouvance de l’émergence de l’Internet des objets,
de travailler, d’étudier ou de passer une visite médicale depuis leur domicile. La Serge Miranda présente une introduction stratégique et technique basée sur plus
liste n’est pas exhaustive. L’omniprésence de capteurs permet, par exemple, de de vingt ans d’innovation sur les systèmes d’information du futur prototypés
surveiller les produits jetés dans les poubelles recyclables ou encore de détecter dans le cadre du master MBDS de l’ Université Nice Sophia en synergie avec le
automatiquement une chute dans une maison de personnes âgées. Ce système monde industriel et les utilisateurs (dont une dizaine d’années sur la mobiquité).
révolutionnaire a pour objectif une minimisation extrême des pollutions et une Serge Miranda examine la convergence entre la MOBIlité du téléphone devenu
mutation des modes de vie actuels ». Il rappelle aussi que « le « master-plan » de ordinateur (le Smartphone) et l’ubiQUITE d’Internet devenu 2.0, et marqué par
Songdo City est l’œuvre de l’agence d’architecture américaine Kohn Pedersen Fox l’arrivée du haut débit dans la poche. Il indique qu’une véritable ingénierie des
(KPF), et résulte d’une habile combinaison entre différents exemples de systèmes usages (services ou applications) mobiquitaires est en train de se développer.
urbains : Pékin, Shanghai, Paris, Vienne et Londres. La Mobiquité repose notamment sur des étiquettes du monde réel (les tags)
SRXYDQWrWUHOXHVSDUOHWpOpSKRQHPRELOH45&RGH1)&ODUpDOLWpPRGLÀpH
Une réalisation qui met en lumière les nombreux enjeux contemporains de la ville (augmentée ou diminuée), le transmedia, le big data. Les architectures des systèmes
numérique: de l’utilisation des données personnelles à la traçabilité intrusive des d’information mobiquitaires sont en cours d’évolution rapide: au niveau serveur
individus, du Smart Grid au monitoring généralisé des infrastructures urbaines, de base de données, au niveau serveur d’applications, au niveau serveur mobile
etc. Il établit aussi le lien entre ville numérique et développement durable et ses (autour de HTML5), au niveau serveur EDGE (gérant les objets communicants,
formes ubiquitaires. La place centrale du smartphone est souligné avec force les tags comme les capteurs), jusqu'au niveau des serveurs d’interaction (purement
et la question politique des interfaces est stratégique. La ville ubiquitaire doit recherche aujourd’hui) encapsulant de l’intelligence au plus près de l’utilisateur
pouvoir se corriger et s’améliorer d’elle-même, grâce aux différentes informations pour optimiser les performances. De nombreuses expérimentations et recherches
Présentation 13 14 Devenirs urbains
l’état contemporain de l'urbanisation traversé au moins par deux dynamiques imprégnances quotidiennes et ontologiques, des pratiques intermittentes, des
contradictoires de trans-formation. De plus l’auteur propose alors de nouvelles PXOWLSOHVUHÁHWV,QWHUIDFHVGHO·LQWLPHGDQVXQHYLOOHTXLQRXVpFKDSSHGDQVFH
notions pour dire les états successifs et en tension de l'urbanisation . « Ces mots, que nous en percevons. » L’auteur développe ainsi « une affectologie urbaine (qui)
(ces notions) ont à énoncer le démantèlement de la ville, par l'isolation en des intègre les réalités parallèles engendrées à la fois par la dimension autopoïétique
lieux multiples et discontinues, et par le rapprochement en des lieux multiples et mystérieuse de la cité et par les braconnages sensibles des habitants selon des
interreliés. C'est pourquoi il suggère d'utiliser « urbain sans ville » pour exprimer DIIRUGDQFHVHQYLURQQHPHQWDOHV8QHSRpWLTXHGHO·LPDJLQDWLRQVHIDXÀOHjWUDYHUV
la première mise en forme, et « urbain contre-ville », qu'on raccourcira en contre- les bougés de la perception, les bifurcations du sensible. » Ce faisant Alain Mons
ville, pour explorer la deuxième. La contre-ville se présentant, non pas comme propose une écriture puissante à même de pouvoir nous aider à capturer les
une opposition et une rébellion face à la ville mais comme agencement spatial de modes perceptifs, les modes énergétiques, les nouveaux sensualismes expressions
ÁX[TXLGpERUGHODYLOOHpWULTXpH/
DXWHXULQYLWHGRQFjUpÁpFKLUjFHWWHGRXEOH et exprimés des nouveaux territoires existentiels peuplés d’interfaces nomades
G\QDPLTXH6HORQOXL©O·LVRODWLRQDSRXUFRUUpODWOHÀOWUDJHO
pORLJQHPHQWGH proliférantes, et où le plissement numérique dessine, produit, fabrique de
l'autre, la fermeture par des frontières multipliées. Tous ces actes rendent la ville nouvelles architectures à la fois molaires et moléculaires, invisibles pour partie et
caduque, et nous donnent à penser un urbain sans ville. La densité est là, car si dissoutes dans les luminescences pâles et pourtant sans fond, vers les systèmes de
nombreux sont les isolats on s'isole souvent à plusieurs. Cependant la diversité UHODWLRQVLQWHUQHVWLVVDQWOHVÀJXUHVGHO·8UEDLQHWVHVQRXYHDX[UpJLPHVGH'pVLU
SURSUHjODSODFHFHQWUDOHDELHQGLVSDUX2QREWLHQWDORUVXQHÀJXUHG
DUFKLSHO Les rapports des « Dedans et des Dehors » se creusent et nous dit l’auteur, ce « qui
archipel d'îles. Entre ces îles, ceux qui se rapprochent le plus, se trans-forment est alors interrogé c’est la production de la subjectivité comme la désigne Félix
HWÁXLGLÀHQWOHVUHODWLRQVOHSOXVIRUPHQWXQDUFKLSHOGHPHUVGHFRXUDQWVHWGH Guattari, puisque c’est elle qui oriente les sociétés à travers des agglomérations
vaguelettes qui caressent et abreuvent les îles. Si ces courants, certes, emportent existentielles ». L’auteur fourni là des grilles d’intelligibilité à même de troubler
aux aussi la ville urbaine, c'est pour mieux multiplier ses places, sa densité et sa les performativités procédurales attachées aux formes de plus en plus riches
GLYHUVLWpGDQVGHVÁX[SOXVUDSLGHV&
HVWFHTX·LODSSHOOHODFRQWUHYLOOH/HVGHX[ GH PRGpOLVDWLRQ ©UHÁHWVª SURMHFWLRQ LPPHUVLRQ j OD FDSWXUH LQWHQVLYH HW
UpDOLWpVVRQWÀJXUpHVSDUODGXDOLWpGHO
DUFKLSHOFHWWHÀJXUHTXLUHQGO
DJHQFHPHQW FRPSXOVLYHGHVWUDFHVFRPSRUWHPHQWDOHVHWGHVÁX[VpPLRWLTXHVGHUHKDXVVHUOH
entre ces deux dynamiques d'urbanisation. Voir seulement les îlots c'est tomber prestige et la labilité-créativité des micros-narrations, des événements dans la ville.
GDQVOHFDWDVWURSKLVPHjOD0LNH'DYLVVXLYUHVHXOHPHQWOHVÁX[SrFKHUSDUH[FqV
d'optimisme pour rendre l'urbain invivable. » (QÀQpORLJQpGHVUpÁH[LRQVVXUOHVIRUPHV©GDWDFHQWULTXHVªGHO·8UEDLQSULVGDQV
une autre histoire, Abdelkader Lakjaa explore les pratiques urbaines en Algérie. Il
De son côté, Alain Mons fait surgir avec force la ville émotionnelle comme V·DSSXLHVXUO·K\SRWKqVHGHODPDQLIHVWDWLRQG·XQFRQÁLWHQWUHOHVLQWHQWLRQVGHV
milieu de l’expérience de soi. Il propose une perspective anthropologique de concepteurs de la ville, tant coloniaux que nationaux, et les Algériens habitant
l'intime, émotionnelle et nous invite à la penser comme agencement désirant, les villes. Il présente des enquêtes de terrain à travers lesquelles l’observation
milieu riche de production de subjectivités. La ville est un milieu « qui n’est ni un de données factuelles se mêle à l’écoute du discours des acteurs. Son travail a
cadre, ni une contrée, qui est un rapport plutôt qu’un support, un milieu, entre SRXUEXWGHSURGXLUHXQHLQWHUSUpWDWLRQLGHQWLÀDQWHjODOXPLqUHGXVHQVTXHOHV
les lieux ». L'auteur nous rappelle combien l'imaginaire est lui-même constitutif, acteurs urbains injectent dans leurs pratiques des espaces urbains. Pour ce faire,
de manière permanente, de nos expérimentations urbaines. En résonance, entre Abdelkader Lakjaa aborde la société urbaine algérienne en essayant de décrypter
autre, avec l’élaboration par Gilles Deleuze et de Felix Guattari d’une théorie les pratiques et les imaginaires qui donnent du sens à ce qui est urbain ici et
des géographies libidinales et affectives, la ville émotionelle d’Alain Mons est PDLQWHQDQW0pWKRGRORJLTXHPHQWVDSUpRFFXSDWLRQFRQGXLWjGpÀQLUOHGRPDLQH
« la cité subjective et coexistentielle dans laquelle nous évoluons aujourd’hui. de recherche « par deux orientations principales: d'une part, la détermination des
/·DXWHXUDSSUpKHQGHO·DXWUHVFqQHOLpHDXMHXLQÀQLGHO·LQWpULHXUHWGHO·H[WpULHXU limites et des variations à l'intérieur desquelles la société reste approximativement
GHOHXUPLVHHQWURXEOH&HUWDLQHVFUpDWLRQVOLWWpUDLUHVRXÀOPLTXHVHQUHQGHQW elle-même; d’autre part, le repérage des processus par lesquels la société devient
comptent parfaitement. Cette scène secrète de la ville se déploie à travers des
Présentation 19
FUpDWULFHGHGLIIpUHQFLDWLRQHWQRQSOXVGHUpSpWLWLRQª'LIIpUHQFLDWLRQVLJQLÀH
ici, processus générateur de sens nouveau, le sens comme « porteur de valeur
et de différence ». Création, plus de différenciation que de répétition, c'est ce
TXLLGHQWLÀHVHORQQRVREVHUYDWLRQVODG\QDPLTXHGHFRQVWUXFWLRQGHODVRFLpWp
urbaine émergente en Algérie à propos de laquelle « le problème se pose moins
en termes d'identité perdue que de convergence à venir; et sous des formes que
nous sommes mal préparés à concevoir » .
Notre introduction rappelle qu’il n’y a donc pas, à l’évidence, une ligne unique
de techno-politique urbaine et un seul type de couplage entre les technologies
numériques et la ville. Le plissement numérique du monde s’incarne dans
les mondes urbains de manière protéiforme. Plus encore, le couplage entre
Urbanisation et Numérique, Urbanisation et Internet des objets, semble produire
une sorte de vertige anthropologique autour du fondement de notre milieu
associé. C'est à l'éclairage des possibles devenirs urbains, de leurs potentialités
créatrices mais aussi des débats politiques qui les accompagnent déjà, que cet
ouvrage veut contribuer.
22 Devenirs urbains
montre un ensemble de facettes de la ville intelligente : réduction de ses impacts à la fragmentation ; elle semble même en avoir fait un principe urbanistique. Les
écologiques et optimisation énergétique ; gestion intelligente des déplacements et liens sociaux, d’une part, en l’absence d’espaces publics, se (restreignant) à l’espace
GHVÁX[GDQVODYLOOHFUpDWLRQVGHVHUYLFHVUHQRXYHOODQWOHVUHODWLRQVGHVKDELWDQWV des communautés résidentielles fermées “ à la Truman Show ” et des “ méga-
à leur ville mais aussi, transformation des relations sociales ; déploiement de enclaves ” économiques autorégulées (zones franches, centres commerciaux, pôles
capteurs nourrissant un ensemble de bases de données indissociables d’un GHGpYHORSSHPHQWVSpFLDOLVpVGDQVODVDQWp,QWHUQHWHWPrPH«OHVpFKHFVª7.
SLORWDJHHIÀFLHQWGHO·DFWLRQSXEOLTXH«
De l’autre côté, nous avons une incarnation expérimentale différente, celle des
Truly smart cities will emerge as inhabitants and their many electronic devices « Urban Living Lab » qui se sont développés dans le cadre d’un programme européen
are recruited as realtime sensors of daily life. Networking the ubiquitous en 2006. Ils prennent principalement pour axes stratégiques, les problèmes liés à
sensors and linking them to government databases can enhance a city’s O·pQHUJLHHWjO·HQYLURQQHPHQW9LQJWGHX[YLOOHVHWWHUULWRLUHVEpQpÀFLHQWDXMRXUG·KXL
LQYHQWLYHQHVVHIÀFLHQF\DQGVHUYLFHVª du label européen « Urban Living Lab ». Parmi eux, Saint-Quentin-en-Yvelines
(France), Helsinki (Finlande), Barcelone (Espagne), Trente (Italie) etc. D’autres sont
&HQXPpURGH6FLHQWLÀF$PHULFDQSODoDLWVRQDSSURFKHVRXVOHSRVWXODWVXLYDQW en cours de création en Chine et au Brésil8 Plus précisément ils s’appuient sur le
“the city is a solution to the problems of our age, and this week, we present it in concept de « laboratoire vivant » conçu comme un écosystème d’innovation centré
the true urban spirit : best ideas forward ”.5 sur l’utilisateur, agissant dans un contexte territorial (ville, agglomération, région).
« The concept is based on a systematic user co-creation approach integrating
Les formes de cette expérimentation sont donc variées et souvent de nature research and innovation processes. These are integrated through the co-creation,
opposées. Elles vont donc de Dubaï au réseau « Urban Living Lab ». exploration, experimentation and evaluation of innovative ideas, scenarios, concepts
and related technological artefacts in real life use cases. Such use cases involve
D’un côté, Dubaï et son projet « Smart city » associant la performativité user communities, not only as observed subjects but also as a source of creation.
des procédures au maintien voire au renforcement d’un dispositif politique This approach allows all involved stakeholders to concurrently consider both the
« a-démocratique ». Tel est bien en effet le projet de Shaikh Mohammad qui global performance of a product or service and its potential adoption by users.
souhaite mieux connecter sa ville pour améliorer la coopération entre « résidents » This consideration may be made at the earlier stage of research and development
et « émirat »6. Pourtant, comme l’indique François Cusset, « Dubaï n’échappe pas and through all elements of the product life-cycle, from design up to recycling ».
5 6FLHQWLÀF$PHULFDQ, September 2011 et aussi dans le même numéro, “7KHHIÀFLHQWFLW\” by Mark 1RXVVRPPHVjSUpVHQWGDQVFHSURFqVJpQpUDOHWO·DUWLÀFLDOLVDWLRQGXPRQGHHQ
Fischetti .
cours renforce le caractère protéiforme du processus d’urbanisation [Mongin,
6 Shaikh Mohammad says « As a smart city, government departments will be inter-connected to
provide faster services and information to all citizens and guests. We strive to create a new smart
2013], son creusement intensif.
FRQFHSWLQUXQQLQJFLWLHVª>«@©7KURXJKH[SHULHQFHZHKDYHOHDUQHGWKDWWKHUHLVQRRQHPRGHO
ÀWVDOOIRUGHYHORSPHQW:HVWULYHWRFDWDO\VHLQQRYDWLRQDQGSXVKWKHOLPLWVRI XVLQJWHFKQRORJ\ Dans un article de 1994, Françoise Choay écrivait
WREHQHÀWSHRSOHª7KURXJKWKHSURMHFWKLJKVSHHGZLUHOHVVLQWHUQHWFRQQHFWLRQVZLOOEHSURYLGHG
in public locations. Smart sensors will be installed throughout the city to provide live information
and services with the aim of providing all residents and visitors with a better quality of life. The L’Europe est aujourd’hui triomphalement urbaine. L’espace rural et les
SURMHFW·VPDLQIRXQGDWLRQLVDQFKRUHGRQÀEUHRSWLFQHWZRUNVWKDWIDFLOLWDWHDFFHVVWRKLJKVSHHG populations rurales s’y amenuisent chaque jour tandis que se multiplie le
internet in main public areas. Fibre optics are strands of very thin optically pure glass that carry
digital information over long distances at extremely fast speeds.« Our goal is to improve the quality
of life as we aim to harness technology for the establishment of a new reality in the city of Dubaï, services and much more, any time, anywhere. » http ://gulfnews.com/news/gulf/uae/general/
a different life, and a different development model. We want our services to reach every child, shaikh-mohammad-announces-smart-city-project-to-transform-Dubaï-1.1244658.
mother, youth, businessman, and tourist to make a new quality of life for all, » he said. Because 7 François Cusset in [Davis, 2007].
of the available infrastructure for connectivity, every smartphone user will be able to access up- 8 Voir http ://www.openlivinglabs.eu/news/enoll-strategic-project-involvement et http ://www.
WRWKHPLQXWHLQIRUPDWLRQRQZHDWKHUWUDIÀFHQWHUWDLQPHQWWRXULVPÁLJKWVGLQLQJHPHUJHQF\ openlivinglabs.eu/news/isj-special-issue-smart-cities).
Introduction 25 26 Devenirs urbains
nombre des megalopoles, conurbations, communautés urbaines, technopoles Y A-T-IL ÉQUIVALENCE ENTRE « URBANISATION » ET « PRODUCTION DE VILLE » ?
et technopôles. « Ville » est devenu un maître mot de la tribu politique, un
mot à tout faire de la tribu médiatique, le mot alibi des clans des urbanistes, Qu’en est-il par exemple de cet urbain qu’évoque Augustin Berque,
d’aménageurs, d’architectes, d’administateurs, de sociologues qui la scrutent,
l’auscultent et/ou prétendent lui donner force. [Choay, 2006] Urbain diffus qui succède au monde urbain (et qui) ne peut pas faire monde
à son tour-comme la campagne l’avait fait par rapport à la forêt, puis la
ville par rapport à la campagne – non seulement parce qu’il n’est pas viable
écologiquement, mais, en outre, parce qu’il n’a aucune limite qui puisse
l’instituer comme tel. Il ne peut pas exister, il est acosmique. »[Berque, 2012]
De son côté, pour Olivier Mongin, l’évolution actuelle se caractèrise par des
©VFpQDULRVFRQWUDVWpVHQWUHORFDOHWJOREDO«HWWURLVWHQGDQFHVORXUGHVª,O
dégage une typologie qui « renvoie à l’hybridation de l’immatériel et du matériel
dans le registre spatial et de scénarios urbains transnationaux qui ne sont pas
la particularité d’une culture ou d’une zone géographique et qui peuvent co-
habiter au sein d’un même territoire ». [Mongin, 2013] Les tendances selon lui
sont au nombre des trois, les espaces hybrides au nombre de trois également et
OHVÀJXUHVXUEDLQHVSULYLOpJLpHVDXQRPEUHGHKXLW/HVWURLVWHQGDQFHVORXUGHV
VRQWOHVVXLYDQWHVODSUpYDOHQFHGHVÁX[VXUOHVOLHX[9 ; le recul de la mixité urbaine
par rapport à la volonté de démarcation ; la privatisation de la vie publique (des
espaces et des territoires) qui prend le dessus sur les espaces publics et communs,
ou en tout cas en change la nature ». De même, dans son ouvrage, « Internet,
FKDQJHUO·HVSDFHFKDQJHUODVRFLpWp/HVORJLTXHVFRQWHPSRUDLQHVGHV\QFKRULVDWLRQ », Boris
Beaude [Beaude, 2012] insiste sur ce fait qu’Internet n’est pas tant un lieu de
synchronisation, qu’un lieu de synchorisation, à savoir un espace qui rend possible
une action en commun : l’interaction. La ville « OLHXSULYLOpJLpGHO·LQWHUDFWLRQ>«@
est d’autant plus attractive qu’elle associe dès lors toutes les modalités du contact,
maximisant plus que jamais le potentiel d’interaction sociale de ses habitants, avec
elle-même, mais aussi avec son altérité. Avec la généralisation de la géolocalisation,
Schémas tirés de Hans Schaffers, Nicos Komninos, Marc Pallot, Brigitte Trousse, Michael Nilsson, l’hybridation de l’espace s’est accélérée. Elle associe étroitement les territoires et
$OYDUR2OLYHLUD6PDUWFLWLHVDQGWKH)XWXUH,QWHUQHW7RZDUGV&RRSHUDWLRQ)UDPHZRUNVIRU2SHQ
Innovation, 2010 9 Ce point est pensé de manière autre par P. Sloterdijk.
Introduction 27 28 Devenirs urbains
les réseaux, le matériel et l’immatériel, l’analogique et le numérique, au point d’en distribués et omniprésents et les relier aux bases de données des divers dispostifs
changer les qualités. L’hybridation de l’espace suppose aussi la considération du de gouvernance, pour améliorer l’inventivité des villes, des mondes urbains leur
corps, de l’identité désincarnée et de l’interspatialité (lorsque l’on est tout à la fois HIÀFDFLWpHWOHVVHUYLFHV(WDFFRPSDJQDQWO·pFRORJLVDWLRQGHVWHUULWRLUHV©O·open
sur Internet et dans une salle de cours par exemple) »10. data power »12 qui se veut nouvel horizon de la politique de la ville, participe
de cette création quasi sans limites de données et des dispositifs de traitements
Nous habitons cette transformation des lieux et nous constatons chaque jour adéquats convoquants open source, énergies alternatives, etc.
davantage, combien la prolifération des interfaces numériques affecte la notion de
local, et combien cette prolifération comme avant garde d’interfaces numériques « The vast amount of data that is emerging is the starting point for making
immersives, d’espaces immersifs, précédés par les devenirs indoors, ouvre vers des HIÀFLHQWLQIUDVWUXFWXUHSURJUDPPDEOHVRWKDWSHRSOHFDQRSWLPL]HDFLW\·V
urbanités nouvelles. Urbanités où s’éprouvent, sous de nouvelles conditions, les daily processes. Extracting information about real-time road conditions, for
voies qui ont fait émerger l’immuno-politique, la volonté immunitaire face à la H[HPSOHFDQUHGXFHWUDIÀFDQGLPSURYHDLUTXDOLW\>«@7KHSRWHQWLDOIRU
volonté communautaire, contre mais aussi tout contre cette dernière. GHYHORSLQJPRUHRI WKLVNLQGRHIÀFLHQWLQIUDVWUXFWXUHLVYDWV²DQGDJRRG
fraction can be unleashed through smart systems. It is thus no surprise that
La quête compulsive de nouvelles interfaces-applications est donc aussi dédiée many large corporations, such as IBM, Cisco Systems, Siemens, Accenture,
ou orientée par la poursuite du mouvement d’intériorisation de l’extériorité, Ferrovial and ABB, are setting theirs sights on the urban space » ? 13
du dehors. Avoir en vue la créativité comme recherche des conditions pour se
soustraire aux processus d’altération11 et assurer notre « occupation permanente »
(l’occupation de nos esprits, de nos corps, etc.) ainsi que l’activation des LES MAÎTRES-MOTS DU PLISSEMENT NUMÉRIQUE URBAIN
processus anaphoriques qui vont avec et maintiennent les collectifs dans des états
métastables et sous contrôle, tel est un des moteurs de l’innovation numérique, Les manières dont ce mouvement d’urbanisation est traversé, porté par le
dans sa stabilité même. 6RUWHGHÀQDOLWpVDQVÀQ" plissement numérique s’expriment, s’incarnent, à travers un certain nombre de
notions. Les notions, qui suivent, sont l’expression de politiques enchevêtrées et
Cela étant, on ne cesse de le répéter et de l’entendre, les villes ne seront vraiment d’actions et de gouvernances hybrides.
LQWHOOLJHQWHVTXHORUVTXHOHXUVKDELWDQWVOHXUVLQWHUIDFHVHWDSSOLFDWLRQVHQÀQ
couplés, seront des capteurs infatiguables et « en temps réel » des activités Il y a tout d’abord celle de &\EHU&LWLHV qui met l’accent sur la question de la
de la vie quotidienne. Pour cela, il faut mettre en réseau les capteurs partout gouvernance et du contrôle des territoires et des milieux en particulier en s’appuyant
VXUODFDSWXUHGHGRQQpHVHWODPLVHHQSODFHG·LQIUDVWUXFWXUHVVSpFLÀTXHV&HWWH
notion porte aussi sur les questions de cybercriminalités et elle met en jeu les
10 Extraits disponibles à l’adresse http ://www.beaude.net/icecs/
SUREOqPHVGHWUDoDELOLWpG·LQGHQWLÀFDWLRQSRXYDQWDOOHUMXVTX·DXFRQWU{OHPLOLWDLUH
11 Sur ces points voir les analyses de R. Esposito et N. Luhmann. On rappelle que pour Luhmann
« une série de tendances historiques depuis le début de l’époque moderne et particulièrement sur les villes. Pour ne citer que lui, Stephen Graham dans son article « When Life
du XVIIe siècle, [ont amené] une implication croissante dans la réalisation d’une immunologie Itself is War : On the Urbanization of Military and Security Doctrine » fait de
sociale ». [Luhmann, 1984]. R. Esposito analyse fort justement la manière dont Luhmann pense
manière claire le lien entre technologies de contrôle militarisées et vie urbaine
le rapport système environnement dans lequel écrit-il, « le problème du contrôle systémique des
turbulences produites par le milieu est résolu non pas simplement en réduisant la complexité du numérisée »14.
milieu, mais plutôt en transformant sa complexité externe en complexité interne au système lui-
même ». [Esposito, 2010] Aux seuils catastrophiques prés. Et de continuer, qu’à cette première 12 http ://datascienceseries.com/blog/download-open-data-power-smart-cities
©LQWpULRULVDWLRQDFWLYpHSDUOHSURFHVVXVLPPXQLWDLUHª>«@V·DMRXWHXQHDXWUHFRQVpTXHQFH©OD McKinsey Global Institute, 2SHQ GDWD : Unlocking innovation and performance with liquid
suppression de la différence entre système et milieu en incluant complètement le milieu dans le information, 2013.
système, ce qui revient objectivement à le supprimer ». Ces points sont à examiner, et la radicalité 13 Carlo Ratti, Anthony Townsend, The social Nexus, In 6FLHQWLÀF$PHULFDQ, September 2011.
de l’adoption, par Luhmann, du concept d’autopoïèse à discuter. On sait aussi combien une certaine
©6FLHQFHÀFWLRQRX6SHFXODWLYH)LFWLRQªDWLVVpGHQDUUDWLRQVDXWRXUGHFHVTXHVWLRQV 14 Voir aussi [Graham, 2012].
Introduction 29 30 Devenirs urbains
La notion de 'LJLWDO &LWLHV, quant à elle insiste davantage sur les modes de utopies présentes18. Il n’empêche que ce vaste champ de transformation est en
représentation de la ville et leur caractère plus ou moins immersif (simulation : expérimentation généralisée.
avatars, second life cities, Sim city). Elle met l’accent sur les interfaces et les
nouveaux modes de connection dans des milieux urbains ou des territoires '·DXWUHVGpÀQLWLRQVUHODWLYHPHQWJURVVLqUHVVRQWDXVVLjO·±XYUHTXLWUDYDLOOHQW
hybrides pour partie ou massivement numériques. et transforment la compréhension que nous avons des précédentes. Les fortress
cities, les gang cities, les chaos cities indiquent d’autres dimensions socio-politiques
La troisième notion « d’intelligent cities » exprime la transformation des qui sont à l’œuvre aujourd’hui. Ces notions sont à la fois au cœur des approches
intelligences de la ville : c’est-à-dire les principes d’intelligibilité de la ville et les socio-politiques et au cœur de la Politique Fiction et « Speculative Fiction » depuis
conditions collectives (plus ou moins) de la production des intelligences sous les plusieurs décennies. Les procès d’urbanisation sont en effet parcourus par une
conditions des réseaux et des infrastrutures, des protocoles et des agencements polémologie des narrations spatiales (le plus souvent dans le cadre de la politique
de citoyens. Bref tout ce qui complique le caractère distribué des intelligences, de ÀFWLRQG\VWRSLTXHRXUHOHYDQWGHVXWRSLHVQpJDWLYHVRXDQWLXWRSLHVTXLHQYHORSSH
la cognition distribuée pour la gouvernance (polycentrique ou pas) des villes, le et parfois précède les instaurations de nouveaux territores, de nouveaux habitats.
crowdsourcing, les dispositifs délibératifs et collaboratifs bottom up, etc.
(QÀQ OD QRWLRQ GH Smart cities, qui est la plus en vogue et peut-être la plus LES AGENCEMENTS SOCIO-TECHNIQUES IMPLIQUÉS
importante, vise sous des formes variées la gestion « optimiseé » et écologique
GHVYLOOHVGHVÁX[pQHUJpWLTXHVGHVSRSXODWLRQVGHO·LQIRUPDWLRQGHODPRELOLWp Le tissage continu via les données, entre des êtres, des objets, des lieux, des
etc. Il y a, dans l’approche des smarts cities adossée à la question de la transition architectures, etc., ne cesse de croître. L’explosion de l’Internet des « objets »
énergétique et de la maîtrise anthropo-technique et politique de nos milieux nous conduit vers un nouveau dialogue entre les populations d’éléments humains
associés urbains, une visée « constructale » problématique15. C’est en effet dans et non-humains – pour le dire rapidement – et vers des populations d’actants
la gestion urbaine que s’exprime de la manière la plus avancée, l’extension de plus en plus hybrides. Cette évolution est liée entre autre, aux nouvelles
JpQpUDOLVpHGHODQXPpULVDWLRQGHVVROVHWGHVEkWLPHQWVGHVÁX[pQHUJpWLTXHV écologies urbaines (des smart cities aux villes sécuritaires en passant par le devenir
des mouvements de populations16. C’est donc là encore que se manifeste de la agricole des villes19) en train d’émerger. Elle pose de nombreux problèmes et
manière la plus forte le lien politique entre big data/2SHQGDWD/Algorithmique17. Ce
OLHQQRXVQHFHVVRQVGHOHYpULÀHUHVWFHQWUDOHWSUREOpPDWLTXH>1R\HUDE@ 18 Voir par exemple Julien Damon : les quatres piliers et les dix tendances de la smart city.« L’écosystème
qu’est la ville constitue un ensemble à quatre métiers, qui peuvent répondre à dix besoins urbains d’une
Mais, force est aussi de constater que le rabattement idéologique est constant qui manière plus intelligente. « Les meilleures métaphores pour les villes sont celles qui les décrivent
tente de dire les bonnes formes de ce lien. « Villes ouvertes, villes intelligentes » comme des organismes vivants. Plus précisément comme des systèmes artério-veineux de réseaux et
ne sont souvent que des slogans ou dans les cas les plus positifs, expressions des GHÁX[/·LQWURGXFWLRQGHGDYDQWDJHG·LQWHOOLJHQFHF·HVWjGLUHHQUpDOLWpODFDSWDWLRQHWO·XWLOLVDWLRQ
collective de toutes les intelligences de la ville, vise l’usage optimum de ce qui est en place et des
projets de développement. Tout ceci, naturellement, est largement fonction des particularités, et il n’y
a pas un modèle de métropole intelligente qui se plaquerait partout. Il n’y a pas de ©RQHVPDUWÀWVDOOª
Cet écosystème intelligent qu’est la ville, résultante des intelligences individuelles, est un ensemble à
quatre piliers (qui sont les quatre principaux métiers de la ville). » http ://www.slate.fr/monde/79518/
quatre-piliers-dix-tendances-smart-city, Julien Damon 05/12/2013.
15 7URXYHUODIRUPHLGpDOHG·XQV\VWqPHDÀQTX·LORIIUHXQUHQGHPHQWRSWLPDOWHOHVWOHEXWGHOD 19 David Biello, How green is my city, in 6FLHQWLÀF$PHULFDQ September 2011 et Moustier et M’Baye
théorie constructale dont il est relativement aisé de percevoir qu’appliquée aux sociétés humaines, (1999) : « on appelle agriculture urbaine l’agriculture « localisée dans ou à la périphérie de la ville,
elle se présente plutôt comme idéologie de la maîtrise absolue, comme moment d’éradication de la dont les produits – on ajouterait aujourd’hui les services – sont au moins en partie dirigés vers la
créativité comme processus et alWpUDWLRQ«9RLUVXUODWKpRULHFRQVWUXFWDOHHWVHVDSSOLFDWLRQVGDQV ville et dont les ressources productives font l’objet d’un usage agricole ou urbain ouvrant la porte à
le monde des ingénieurs : André Béjan Professeur d’ingénierie spécialiste de thermodynamique. GHVFRQFXUUHQFHVIRQFLHUHDX«PDLVDXVVLGHVFRPSOpPHQWDULWpVPDLQG·±XYUH«ª9RLUDXVVL
16 Charith Perera etc. Sensing as a Service Model for smart cities supported by internet of things . http ://www.natureparif.fr/228-non-categorise/1337-agriculture-urbaine-et-biodiversite ; Lufa
Farm ; Whole Foods Garden et Potager expérimental d’AgroPArisTech T4P.
17 2SHQGDWD powering smart cities 2013 In Analytics big data.
Introduction 31 32 Devenirs urbains
fait varier plus rapidement que prévu les socles anthropotechniques et politiques nouveaux milieux20 avec leurs régimes de désir (ces derniers associés à la tension
de nos sociétés, organisations et collectifs de pensée, ainsi que les processus forte entre des devenirs indoors très puissants et la recherche de nouveaux dehors de
de subjectivation. Elle ouvre la question de l’ichnologie numérique [Merzeau, nouvelles lignes de fuite). On trouve aussi – et ce n’est pas le moins important – la
2009 ; Carmes, 2013] à des débats juridiques et politiques majeurs et renforce prolifération des interfaces et des applications logicielles et la croissance vertigineuse
celle des rapports tendus entre description/anticipation-prédiction/préemption des traces (avec leurs capteurs) numériques, climatiques, comportementales,
au sein des sociétés performatives [Noyer, 2013a] ; elle conduit à s’interroger sur bio-techniques, sémantiques, sémiotiques, etc., couplées à des traces dites de
la place hégémonique et controversée de l’algorithmique [Carmes, Noyer, 2014]. géolocalisation, de coordonnées spatio-temporelles plus ou moins complexes.
Les mondes animaux, les mondes techniques, les mondes végétaux et minéraux
entrent dans de nouveaux rapports et entament de nouveaux dialogues et cela Il y a bien d’un côté une stratégie généralisée des interfaces et donc des normes,
ne va pas sans affecter les crises en cours. Une ingiénerie sociale puissante se qui constitue un des piliers majeurs de la transformation de la gouvernementalité
PHWHQSODFHTXLSUpWHQGDLQVLGpÀQLUOHVSROLWLTXHVSDUODPDvWULVHFRQWLQXHGHV aujourd’hui dans le cadre du mouvement général d’urbanisation, lui même pris
relations entre acteurs humains et non-humains. Le big data est au cœur de cela et GDQVOHGHYHQLU©HPSLUHªWHOTX·LOHVWGpÀQLSDU$1HJULHW0+DUGW21. On assiste,
le contrôle continu de la réalité (ici urbaine) est de plus en plus fondamentalement d’un certain point de vue en effet, à un affaiblissement relatif des systèmes de
« performatif ». contrôle centralisé [Hardt, Negri, 2000], et à un renforcement des systèmes de
contrôle, de veille, immanent au système de production des réseaux distribués. La
Plus encore, le couplage entre urbanisation et numérique, urbanisation et gestion de ces vastes et complexes réseaux acentrés se faisant en partie sur un
Internet des objets, semble produire une sorte de vertige anthropologique mode multifractal, avec un grand nombre de boucles récursives et de règles locales,
autour du fondement de notre milieu associé, semble faire monter une menace ces dernières portées par des interfaces machiniques numériques de plus en plus
d’abyssalité (des « data jusqu’en bas »), liant le sort des territoires et des habitats sophistiquées. Se situe également au centre de cette transformation, la question
aux parthénogenèses du Grand big data, auto-producteur, auto-concepteur de VpFXULWDLUHHWODUHFKHUFKHGHQRXYHDX[PRGHVGHSDFLÀFDWLRQVRFLDX[GHIDEULFDWLRQ
notre réalité urbaine. du consentement, modes qui couvrent un spectre de plus en plus étendu.
Cela engage certes une nouvelle anthropologie et l’apprentissage de nouvelles D’un autre côté, cette prolifération des interfaces dans les villes accroît aussi les
langues, écritures, de nouvelles pragmatiques tenant compte notamment, des labyrinthes, la différenciation des régimes perceptifs et sémiotiques, les modes de
nouveaux agencements d’hybrides mais cela ouvre une béance puissante au cœur propagation énergétiques qui passent par eux. Il semble que nous soyons devant
machinique de la production de nouveaux sols. une mise en abîme des trouées qui dans les espaces de plus en plus multifractaux
des mondes urbains, tracent les cartographies intenses du vide, sans lequel nous
Dans le cadre de l’anthropocène et de la montée en puissance des dimensions ne pourrions ni vivre, ni exister.
DUWLÀFLDOLVWHVGHSOXVHQSOXVPDUTXpHVGHVGHYHQLUVGHQRVPLOLHX[DVVRFLpVFH
plissement numérique (jusqu’aux interfaces immersives) va donc occuper les 'DYLG%LHOOR+RZJUHHQLVP\FLW\5HWURÀWWLQJLVWKHEHVWZD\WRFOHDQXSXUEDQOLYLQJKWWS
économies politiques à venir ainsi que les formes de gouvernances de plus en plus ZZZVFLHQWLÀFDPHULFDQFRPDUWLFOHKRZJUHHQLVP\FLW\
« It was to be the ultimate urban paradise. Hundreds of pages of plans, maps and charts detailed
SRO\FHQWULTXHVTXLYRQWOHVDFFRPSDJQHU'HPDQLqUHSDLVLEOHRXFRQÁLFWXHOOH the construction of a state-of-the-art eco-city called Dongtan on China’s Chongming Island, at the
PRXWKRI WKH<DQJW]H5LYHU(QHUJ\HIÀFLHQWEXLOGLQJVZRXOGEHFOXVWHUHGWRJHWKHUWRHQFRXUDJH
Au centre de ces transformations on trouve donc la fameuse transition énergétique residents to travel on foot ; only battery- or hydrogen-powered cars would be permitted in the
development. Surrounding organic farms would supply food ; sea breezes and the burning of husks
comme symptôme majeur, la question trouble des nouveaux modes d’existence à of China’s staple crop, rice, would furnish power. Canals and ponds would incorporate the local
venir qui l’enveloppe et d’un certain point de vue la surplombe, la fabrication de wetlands, providing restful views for humans and continued respite for migrating birds. »
21 Ce point est plus complexe qu’il n’y paraît, la numérisation urbaine et les gouvernances qui
l’accompagnent s’incarnant dans des mixtes relativement élaborés de systèmes centrés et acentrés.
34 Devenirs urbains
Peut-être serait-il temps de s’inquiéter, au-delà du songe des smart cities optimisant algorithmie/big data – open data. On peut dire que la performativité d’une politique
notre présence au monde au plan énergétique, climatique, au plan de notre s’accroît à proportion des informations dont elle dispose concernant son milieu
mobilité, au plan de notre cérébralité en expansion et sous la plage démocratique associé. « Ainsi l’accroissement de la puissance et son autolégitimation, passent à
« nettoyée », des différenciations en cours, des devenirs en puissance inégaux des présent par la production, la mise en mémoire, l’accessibilité et l’opérationnalité »
réseaux locaux plus ou moins fermés/ouverts, plus ou moins arborescents, plus des data. Tout cela allant en galère, à la grâce d’une hétéro-organisation divinement
ou moins acentrés, et fondés sur des procédures de négociations et des modes de numérique. Peut-être serait-il temps de s’inquiéter plus profondément, répétons-
traductions plus ou moins arbitraires ; peut-être serait-il temps de s’inquiéter des le, de cette l’alliance nouée entre capture insomniaque des traces numériques dans
inégalités fondées par une algorithmie insomniaque et autolégitimante. les villes, des traces comportementales, socio-sémantiques spatio-temporelles et
du désir de prédiction comme impératif catégorique, ainsi que du paradigme
VFLHQWLÀTXHGH-LP*UD\&KULV$QGHUVRQTXLOXLHVWDVVRFLpFRPPHKRUL]RQG·XQ
DONNÉES ET PRODUCTION DES COLLECTIFS : DEVENIRS DÉMOCRATIQUES DYHQLUUDGLHX[GHODSHQVpH«jPRLQVTXHFHQHVRLWFHOXLGHVKDXWHXUVEpDQWHV
[A. Zinoviev, 1976, 1978]25.
Dans les sociétés performatives et les mondes urbains qui vont avec, les contraintes
qui sont fabriquées (produire, capturer beaucoup de données numériques et Ce qui est donc engagé avec le développement croissant des Smart cities, c’est la
multiplier les interfaces) pour que ces derniers puissent s’utiliser comme instances, refondation de la gestion des collectifs à travers des physiques des ingiéneries
leurs propres opérations conduisent à faire face de manière forte à la question de sociales d’un nouveau type dans lesquelles les empiries numériques jouent un rôle
savoir si « les données personnelles sont une anomalie ».247RXWHIRLVODÀ[DWLRQ central. Ces physiques sociales sont ouvertes et incertaines. Elles explorent sans
provisoire sur la question dite des données personnelles n’est pas assurée de limite l’hégémon du Réseau comme forme incontournable, indépassable dans
sa pertinence démocratique. En tout cas elle oblige à distinguer « données laquelle semble s’épuiser le questionnement politique. Mais les réseaux ne sont,
personnelles », « sphère de l’intime » et « régime de visibilité et d’invisibilité » ; d’un point de vue politique, porteurs en eux-mêmes de rien de libérateur. D’une
HQÀQHOOHFRQGXLWjUHGpÀQLUODODELOLWpRXSDVGHV]RQHVGHVHFUHWDLQVLTXHOH certaine manière, ils mettent en place de nouvelles formes de contrôle qui opèrent
statut et la place des objets cryptiques : qui en détient les clefs de production et à un niveau anonyme, non-humain, matériel. Et les normes partout distribuées,
de dissémination ? $PLQLPD donc cette question doit être approchée de manière OHVLQWHUIDFHVTXLDVVXUHQWUpFXUVLYLWpHWUpÁH[LYLWpQHSRUWHQWSDVGHPDQLqUH
très nuancée et pragmatique, différenciée et négociée de manière ouverte et la DXWRPDWLTXHGHVXQLYHUVGpPRFUDWLTXHV(QÀQQRXVVDYRQVRXGHYULRQVVDYRLU
transparence relative des processus de production des données, de leur exploitation qu’il n’y a pas d’opposition binaire entre réseaux centralisés et réseaux décentralisés.
HW©UHXVHªSRVpHFRPPHXQHFRQGLWLRQGHODFRQÀDQFH
« Pour avoir un réseau, il faut des nœuds, une multiplicité de nœuds.
Pour suivre de près Jean-François Lyotard, le big data participe pleinement de Cependant d’une multiplicité de nœuds il ne suit pas mécaniquement un ordre
©ODOpJLWLPDWLRQSDUODSXLVVDQFH>«@&HWWHGHUQLqUHV·DXWROpJLWLPDQWFRPPH démocratique, œcuménique, égalitaire. » Leur opposé est tout à fait possible.
semble le faire un système réglé sur l’optimisation de ses performances » [Lyotard,
1979]. Or c’est précisément ce contrôle sur le contexte que dit fournir l’alliance
25 Nous devons prêter une attention toute particulière à l’avertissement de Peter Sloterdijk
DSSHOODQWGDQVFHFRQWH[WHjXQHWKpRULHGHVOLHX[«GHVLPPHUVLRQV©ODSKLORVRSKLHHQWDQWTXH
forme de pensée et de vie de l’ancienne Europe, est indéniablement épuisée ; la biosophie vient
24 Pour Vint Cerf, le concept même de vie privée est le fruit de « la révolution industrielle et de la tout juste d’entamer son travail ; la théorie des atmosphères se consolide à peine et laborieusement ;
croissance des concentrations urbaines ». Au sens historique, il s’agit donc d’une anomalie. Avec le la théorie générale des systèmes immunitaires et des systèmes communs en est à ses débuts ; une
GpYHORSSHPHQWGHVUpVHDX[VRFLDX[LOHVWLPHTX·LOVHUD©GHSOXVHQSOXVGLIÀFLOHªG·DVVXUHUOHUHVSHFW théorie des lieux, des situations, des immersions se met timidement en marche, le remplacement de
de la vie privée. « Notre comportement social cause des dommages, estime-t-il. Il est nécessaire ODWKpRULHGHVUpVHDX[G·DFWHXUHVWXQHK\SRWKqVHHQFRUHSHXUHoXHOHVUpÁH[LRQVVXUODFRQYRFDWLRQ
de développer des conventions sociales plus respectueuses de la vie privée des gens ». La question G·XQFROOHFWLI FRPSRVpGHPDQLqUHUpDOLVWHDÀQGHSURPXOJXHUXQHQRXYHOOHFRQVWLWXWLRQSRXUOD
transhumaniste et son rêve de pouvoir instaurer un contrôle continu de la réalité pointe là son nez. société globale du savoir ont à peine montré plus que leurs contours ».
Le meilleur moyen de la contrôler est de la créer pour le contrôle et la prédiction. CQFD.
Introduction 37 38 Devenirs urbains
De plus, il y a un impensé radical de nature anthropologique et politique dans Ces dispositifs s’inscrivent en effet dans les enchevêtrements des différences
l’approche des smart citiesTXLQHSHQVHQLQ·HQYLVDJHODFRQÁLFWXDOLWpSROLWLTXH politiques, des régimes de désirs hétérogènes dans lesquels ils viennent se loger, dans
de manière topologique, diagrammatique. Et pourtant il est nécessaire de OHVPDFKLQHULHVPRODLUHVHWPROpFXODLUHVjIDEULTXHUGXFRQVHQWHPHQWHWFHODGpÀQLW
comprendre comment les réseaux fonctionnent aussi bien comme URJXHVZDUP les manières dont ils viennent heurter les mécanismes de la servitude volontaire.
que comme mainframe grid. Dans les smart cities, dans les metacities la connectivité Ces dispositifs pouvant conduire, par- delà les incarnations toujours fragiles du désir
HVWXQLPSpUDWLI FDWpJRULTXHWRXWHQpWDQWXQHPHQDFHXQHSROpPRORJLH« démocratique et sous couvert de la recherche d’un consensus, les habitants à être
auto-gestionnaires savants de leur propre domination. Cette recherche (dans ses
La question des smarts cites, est donc complexe et le politique tend parfois à PLVHVHQVFqQHVQXPpULTXHVVHUYDQWHQÀQGHFRPSWHjQHXWUDOLVHUO·pPHUJHQFHGH
s’y dissoudre, pris dans les diverses strates desnouveaux actants qui en sont VLWXDWLRQVFRQÁLFWXHOOHVFRQoXVDORUVFRPPHDUFKDwVPHVRXSDWKRORJLHV
l’expression. La nature des infrastructures26, les types de protocoles des réseaux27,
la nature des capteurs28 et des bases de données qui sont fabriquées, le type d’objets Le « consensus est souvent le masque qui cache les rapports de domination et
nomades (les interfaces et les applications logicielles) dont les habitants se servent d’exclusion. On n’approfondira pas la démocratie en recherchant l’accord coûte
pour exister dans ces villes, tout cela est très différencié et offre un univers des TXHFRWH/DSROLWLTXHHVWO·DUWGHWUDLWHUOHVGpVDFFRUGVOHVFRQÁLWVOHVRSSRVLWLRQV
SRVVLEOHVSOXVRXPRLQVYDVWHSOXVRXPRLQVÁXLGHSOXVRXPRLQVGpPRFUDWLTXH et pourquoi pas de les faire surgir, de les multiplier, car c’est ainsi que les chemins
inattendus s’ouvrent, que les possibles se multiplient ». [Callon, HWDO, 2001]
C’est la raison pour laquelle, par exemple, tous les dispositifs qui, dans la ville, sont
progressivement mis en place pour favoriser la participation des publics aux projets Ces dispositifs collaboratifs dont certaines des instances politiques exhibent parfois
G·DPpQDJHPHQWGHO·HVSDFHGHVPLOLHX[HWTXLVHPEOHQWPDUTXHUXQHLQÁH[LRQ DYHFSUpFLSLWDWLRQO·HIÀFDFLWpGpPRFUDWLTXHGRLYHQWrWUHFRQoXVHWDQDO\VpVHQWHQDQW
GDQVOHVSUDWLTXHVFROODERUDWLYHVGpPRFUDWLTXHVGHODSODQLÀFDWLRQXUEDLQH compte de cela ; ils doivent être analysés encore comme producteurs de nouvelles
doivent être abordés à partir d’une perspective large liée à la transformation plus inégalités socio-cognitives, de nouvelles asymétries dans les jeux de savoirs-
générale de la politique comme « performative », à partir d’une conception réaliste SRXYRLUVLOVGRLYHQWrWUHH[DPLQpVHQÀQjO·DXQHGHODSDFLÀFDWLRQWUDQVKXPDQLVWH
des agencements collectifs d’énonciation très différents à l’intérieur desquels et des voies étroites que cette dernière semble vouloir laisser à la puissance créatrice
ils s’expriment ou se déploient, des asymétries socio-cognitives qui sont leurs GHO·DOWpULWpHWVRQFRUWqJHGHFRQÁLWVGHUpVLVWDQFHVjODSXLVVDQFHGHVGHYHQLUV
milieux, des subjectivités très différenciées qu’ils portent.
Et le lien entre big data/open data/datamining, doit être – si l’on ose dire – urbanisé,
26 Francesca Musiani : Villes de nains et de géants : Interfaces urbaines et techno-politiques pour comprendre les manières non-collaboratives et non démocratiques de
d’infrastructure (décentralisée), 2014.
différencier les populations (leurs expressions et désirs et jugements), de les
27 Voir l’article de Sommer MathisThe Rise and Fall and Eventual Rise Again of the “Smart
City”(2014) à propos du livre d’Anthony Townsend Smart cities, (2013) : « It would have been FRQYRTXHUHWG·HQSHQVHUOHVUDSSRUWVGHPDQLqUHÀQHDYHFOHVSODWHVIRUPHV
KDUGWRPLVVWKHPHVVDJLQJRYHUWKHODVWÀYH\HDUV0DMRUJOREDOWHFKÀUPVOLNH,%0&LVFRDQG dites collaboratives. Comment pouvoir continuer à parler barbare sur les agoras
Siemens seemingly all adopted the same « smart cities » mission at the same time. And they weren’t numériques et ailleurs ? Les plates-formes comme « agoras numériques » entrent
alone. Across the globe, technology companies of all sizes have taken aim at the burgeoning smart
city market, a nebulous term that can include anything from complex networks of government- (ou doivent co-exister) avec d’autres formes d’appréhension des dynamiques au
controlled sensors and cameras to a parking meter that sends you a text message when you run out sein des représentations des populations fragmentées. Le numérique offre des
of time on the meter.For Anthony Townsend, research director at the Palo Alto-based Institute for voies variées et les enjeux de pouvoirs ne passent pas seulement par le théâtre
the Future and an adjunct assistant professor of planning at NYU Wagner, the rise of the « smart
city » concept is both the result of global economic forces and the culmination of decades of démocratique des dites plates-formes, théatre aux acteurs peu nombreux. La
technological progress. But with his new book Smart cities, Townsend also sounds the alarm that the WUDQVIRUPDWLRQGHVUDSSRUWVHQWUHSODQLÀFDWHXUVHWKDELWDQWVUHVWHGRQFFRPSOH[H
UHDO©VPDUWªFLW\RI WKHIXWXUHFDQ·WDQGVKRXOGQ·WPHUHO\EHDUHÁHFWLRQRI ZKDWODUJHWHFKQRORJ\ et incertaine. [Lippman, 2008]
companies would like to sell to local governments. Recently we chatted with Townsend about his
research and current work on smart cities.
28 La nature des artefacts à quoi se reconnaissent les smart cities.
Introduction 39 40 Devenirs urbains
PROPOSITION DE MOUVEMENTS ET DE DÉPLACEMENTS concevoir des formations plus consistantes au devenir algorithmique des sociétés
largement urbanisées.
Il y a plusieurs moyens, plusieurs types de forces et plusieurs types de résistances,
de mouvements possibles, pour affronter ces questions. Il s’agirait de mettre en place des processus d’utilisation les plus extensifs de
dispositifs permettant de lutter contre la concentration des moyens de production
Parmi ces moyens, un consiste à imaginer des dispositifs de redistribution de la et d’extraction des savoirs, de lutter contre le bridage des écologies cognitives,
production de savoirs et de connaissances et de favoriser l’appropriation étendue bridage qui s’effectue et se perpétue entre autres, par la non dissémination
des technologies de data mining ; d’une manière générale, il s’agit de travailler à une des micro-outils de data mining, de cartographies etc. Pour enfoncer encore
diffusion des technologies intellectuelles, à leur adoption en vue d’usages socio- le clou, ce qui doit être visé c’est ce qui fait face, contourne, enveloppe le
cognitifs distribués et créatifs à partir de collectifs variés et hétérogènes, selon maintien des dispositifs qui favorisent la spécialisation du savoir, les monopoles
GHVpFKHOOHVYDULDEOHVHOOHVDXVVLHWFHDÀQTXHOHVSUDWLTXHVGHdata management , professionnels qui vont avec, les asymétries dans la réutilisation des données.
c’est-à-dire les pratiques d’extraction de savoirs et de connaissances, se déploient
ERWWRPXS au milieu des processus de création, d’adaptation et d’innovation sociale, Et quand bien même nous arriverions à faire proliférer les boucles récursives
environnementale etc. SURGXFWULFHVGHUpÁH[LYLWpSRXUPDLQWHQLURXYHUWODSRVVLELOLWpGHFRQWUHSRXYRLUV«
il conviendrait d’aller plus loin encore. Pour suivre les voies proposées en 1972
&HODVLJQLÀDQWHQFRUHTXHFHVFROOHFWLIVGHWDLOOHVWUqVYDULDEOHVUHVWHQWDXSOXV dans l’anti-Œdipe « ce n’est pas seulement par la dissémination de noo-machines
SUqVGHODGpÀQLWLRQVRFLDOHHWSROLWLTXHGHVSURFHVVXVGHIDEULFDWLRQGHVHPSLULHV relativement simples et petites que doit se faire la résistance créatrice mais au nom
numériques, de ce qu’impliquent ces processus de capture, ces modes narratifs à de l’innovation machinique elle-même au cœur de ce que certains nomment la
savoir leur extension, leur puissance ainsi que les labyrinthes anthropologiques et noopolitik (J.Arquilla-D. Ronfeldt), la noopolitique (B.Stiegler) ou laQHRFRUWLFDOZDU
politiques qu’ils ouvrent. (US-Army).
[Donzelot, Mongin, 2013] Donzelot Jacques, Mongin Olivier, « Tous périurbains ! Tous
collectifs hybrides (évoqués au début de notre introduction dans le contexte urbains !}Esprit 3/ 2013 (Mars/Avril), p. 18-22
d’une hyperconnectivité et surabondance de données) et « la tendance historique
[Esposito, 2010] Esposito Roberto, &RPPXQDXWp LPPXQLWp ELRSROLWLTXH, trad. de Bernard
DX[IRUPHVGHYLHLQGLYLGXDOLVWHVGpYRLODQWVDVLJQLÀFDWLRQLPPXQRORJLTXH
Chamayou, préface de Frédéric Neyrat, Les Prairies ordinaires, coll.
DXMRXUG·KXLGDQVOHVVRFLpWpVDYDQFpHV>«@FHVRQWOHVLQGLYLGXVTXLHQWDQWTXH « Penser/croiser », 2010
vecteurs de compétences immunitaires, se séparent de leurs corps de groupes
[Graham, 2012] Stephen Graham, Villes sous contrôles, la militarisation de l’Espace urbain, Editions
(jusqu’ici avant tout protecteurs) et veulent massivement détacher leur bonheur La Découverte, 2012
et leur malheur de l’être en forme de la commune politique.
[Guattari, 1989] Guattari Félix, Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989
Nous vivons aujourd’hui la mutation vraisemblablement irréversible, de collectifs [Hardt, Negri, 2000] Michael Hardt, Antonio Negri, Empire, Paris, Exils, 2000
de sécurité politiques en groupes dotés de designs immunitaires individualistes
[Laruelle, 1981] Laruelle François, Homo ex machina, Revue de Métaphysique, N°3, 1981
(et cette tendance resterait en vigueur, même si, en raison d’un retour à la guerre
prétendu ou réel, on en venait à un primat renouvelé de la politique – la guerre [Lippman, 2008] Lippman Walter, Le public fantôme, présentation de Bruno Latour,Ed.
revenant aurait toujours un caratère thérapeutique, défensif et immunitaire, le Demopolis, 2008
groupe individualiste remilitarisé ne pourrait retomber qu’épisodiquement dans [Luhmann, 1984] Luhmann Niklas, 6\VWqPHVRFLDX[IRQGHPHQWVG·XQHWKpRULHJpQpUDOH, Suhrkamp,
des ambiances collectivistes). [Sloterdijk, 06] 1984
[Davis, 2007] Davis Mike, Le stade Dubaï du capitalisme, Les Prairies Ordinaires, 2007
374 Devenirs urbains
Jean-Max Noyer
Les auteurs
Jean-Max Noyer, est enseignant-chercheur à l’Université de Nice-Sophia
Antipolis. Il est aussi consultant et co-fondateur du Grico. Il travaille sur les
Maryse Carmes technologies intellectuelles, la question des écritures, et étudie les transformations
anthropo-techniques en cours. Il est co-fondateur des archives ouvertes en
Maryse Carmes, est co-fondatrice avec Jean-Max Noyer du GRICO (réseau de sciences de l’information et de la communication, a animé de nombreux
recherche et de consultance sur les devenirs numériques) dans le cadre duquel séminaires de recherche dans le cadre de l’Adest et du groupe Solaris, et intervient
elle a réalisé plusieurs programmes de recherche appliquée liée aux dispositifs depuis plusieurs années au Maghreb. Dans le cadre des entreprises, il étudie les
et pratiques numériques. Elle est maître de conférences au CNAM-INTD, transformations du procès de travail, les pratiques collectives distribuées, les
responsable pédagogique du titre supérieur professionnel en « ingénierie des modes d’existence au travail et la question des territoires. (noyer@grico.fr).
données, documents, connaissances ». Membre du laboratoire DICEN-IDF.
Ses travaux portent sur la construction et l'évolution des politiques publiques
numériques ainsi que sur la transformation des milieux organisationnels et des Edouard Malsch
agencements socio-techniques du travail. ( carmes@grico.fr)
Edouard Malsch est Géographe Urbaniste, diplômé de l’Université Jean Moulin
Lyon 3, titulaire d’un Master 2 en Aménagement et Urbanisme et d’une Licence
Nicolas Douay de Géographie. Integration à l’Agence de Paysagistes & d’Urbanistes ILEX en
2012. Au sein de l’Agence ILEX il participe à la conception et intervient dans
Nicolas Douay est maître de conférences en aménagement–urbanisme à la production générale des différentes études urbaines. Il participe également à la
l’Université Paris-7 Diderot et chercheur au laboratoire Géographie-cités (équipe mise en place d’une stratégie globale de communication, grâce à l’utilisation active
CRIA). Après un doctorat en cotutelle entre l’université de Montréal et Aix- des différents outils créés pour l’Agence. (edouard@urbanews.fr).
Marseille Université, il a séjourné au Centre d’études français sur la Chine
contemporaine (CEFC, HongKong). Ses recherches font une large place aux
approches comparatives entre l’Asie (Chine et Hong Kong), l’Europe (France) et Serge Miranda
l’Amérique du Nord (Canada) et se focalisent sur le processus de métropolisation,
HQSDUWLFXOLHUVRXVO·DQJOHGHVSROLWLTXHVXUEDLQHVGHVSURFHVVXVGHSODQLÀFDWLRQ Serge Miranda est professeur d’informatique à l’Université de Nice Sophia Antipolis
territoriale et des usages du numérique (nicolas.douay@gmail.com). (UNSA), France, après avoir soutenu une thèse d’état à l’Université de Toulouse en
1980 et une thèse de Master à UCLA - Univ de Californie Campus de Los Angeles,
Directeur et fondateur du Master MBDS (www.mbds-fr.org) de l’UN.
Abdelkader Lakjaa
Abdelkader Lakjaa est Professeur de sociologie, Université d’Oran, HDR, Sociologie Alain MONS
urbaine et Anthropologie urbaine (Oran et Paris 7), Laboratoire de Recherche
Philosophie, Sciences et Développement en Algérie (lakjaa.abdelkader@yahoo.fr). Alain MONS est Professeur à l’université de Bordeaux III Michel de Montaigne
et membre du Mica. Anthropologue du contemporain et de la ville, écrivain. Il a
publié notamment L’ombre de la ville-essai sur la photographie contemporaine
Les auteurs 375 376 Devenirs urbains
(1992), et Paysage d’images-essai sur les formes diffuses du contemporain (2006). Alexandre Rigal
(alainmons03@gmail.com).
Alexandre Rigal est assistant-doctorant à l’École Polytechnique Fédérale de
Lausanne, sous la direction de Vincent Kaufmann et Jérôme Chenal. Il participe
Francesca Musiani au projet “Post-Car World” avec lequel s’articule sa thèse. Par ailleurs, il tient un
carnet de recherche pour démêler ses intuitions et expérimenter d’autres formats.
Francesca Musiani est chercheuse post-doctorante à l’École des Médias et du Il est aussi secrétaire de l’association de jeunes chercheurs en Sciences Humaines
Numérique de la Sorbonne et au Centre de Sociologie de l’Innovation de MINES et Sociales, Lettres et Arts, &ROOHFWLI &RQÁXHQFH qui assure la rencontre, la
ParisTech. Elle a récemment été Yahoo! Fellow in Residence à la Georgetown promotion et la diffusion du savoir des jeunes chercheurs, notamment par des
University et chercheuse associée au Berkman Center for Internet and Society Cafés à la Bibliothèque Municipale de la Part-Dieu et à la Bibliothèque Nationale
de la Harvard University. Ses travaux interdisciplinaires sur la gouvernance de de France. (alexandre.rigal@sciencespo-lyon.fr).
l'Internet ont été récompensés en 2013 par le Prix Informatique et Libertés
de la CNIL. À partir d'octobre 2014, elle rejoint l’Institut des Sciences de la
Communication du CNRS en tant que chargée de recherche. Son site web : Marta Severo
http://www.csi.mines-paristech.fr/People/musiani/
Marta Severo est maître de conférences à l’Université de Lille 3 (équipe Geriico)
en sciences de la communication et de l’information. Elle travaille sur les thèmes
Valérie Peugeot de la communication du territoire. Elle contribue au développement de nouvelles
méthodes numériques pour étudier les données internet concernant le territoire.
Valérie Peugeot est en charge des questions de prospective au sein du laboratoire Après un doctorat en gestion et technologies de patrimoine culturel à l’École des
de sciences humaines et sociales d’Orange Labs. Par ailleurs, elle préside Hautes Études IMT Lucca, elle a été chercheuse post-doctorante à Sciences Po
l’association Vecam qui met en débat les questions politiques et sociales liées aux Paris (2010) et au Politecnico de Milan (2009). Pendant deux ans, elle a été ingénieur
technologies de l’information et de la communication. Depuis Janvier 2013, elle de recherche pour le GIS CIST de Paris. Depuis 2012, elle est responsable de l’axe
est vice- présidente du Conseil National du Numérique, en charge des questions de recherche « médias et territoire » du CIST. (martaseve@gmail.com).
liées aux transitions numériques et à la société de la connaissance. (valerie.
peugeot@gmail.com).
Alberto Romele
Chabane Debiche, Directeur Adjoint DSI Groupe, Groupe La Poste Manuel Zacklad, Directeur du Laboratoire Dicen-IDF, Professeur des
universités, CNAM
Jean-Louis Galzin, Ingénieur Civil des Mines, consultant en organisation