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Candidat : Călburean Liviu

PLAN DE LEÇON

1. Niveau: lll-ème année


2. Sujet: L’objet indirect
3. Objectifs opérationnels:
a) informatifs :
La reprise, en vue de fixation du spécifique syntaxique et des valeurs sémantiques que cette
structure présente en contexte discursif.
b) formatifs :
À part une bonne maîtrise du fonctionnement de la langue, les étudiants devront intérioriser
les traits syntactico-sémantiques de ce membre du GV, afin d’en tirer profit plus tard, lors
de la PRATIQUE en classe de français, langue étrangère. Le rôle du professeur est, en ce
sens, capital, car d’une bonne maîtrise de la structure en occurrence, l’étudiant devra, à son
tour, être à même de mettre en place des stratégies didactiques adéquates, compte tenu des
particularités ontogénétiques de ses élèves. On passe d’une didactique du premier niveau (le
niveau du professeur à l’université) à une didactique du second niveau (celui du professeur de
FLE dans l’enseignement secondaire).

4. Type: Leçon de fixation et de pratique du fonctionnement de la langue

5. Méthodes: Exercices, conversation dirigée, étude de cas. Il faut absolument faire une
précision essentielle : l’acquisition du métalangage n’est pas un but en soi. Cela servira à
une meilleure compréhension du spécifique de l’objet indirect, afin d’enlever les ambiguïtés
et les imprécisions de la grammaire normative. On adoptera donc un point de vue
méthodique (cf. Riegel et alii, Grammaire méthodique du français) et communicatif, qui ne
devra en aucun cas favoriser telle ou telle tendance de la linguistique théorique moderne.

6. Équipement: polycopies (ou rétroprojecteur), recueils d’exercices (p. ex., Tutescu,


Mariana, Du mot au texte. Exercices de français pour les avancés, Editura Cavaliotti,
Bucurşti,1996), sites Internet téléchargés (p. ex. www.bonjourdefrance.fr, ou bien
www.paroles.net, pour un corpus d’exemples plus riche. S’il n’y a pas d’ordinateur dans la
salle, le professeur pourra polycopier les documents qu’il prend pour essentiels).

7. Déroulement (schématique) de la leçon (les points ci-dessous seront illustrés par des
exemples et des exercices) :
- Point de départ : exemples d’énoncés contenant un C.O.I. datif et un C.O.I.
prépositionnel.
- Définition(s) du C.O.I (perspectives traditionnelle et structuraliste), suivie(s) de la liste de
réalisateurs
- Les tests de la pronominalisation, de la thématisation (position frontale, extraite + reprise
anaphorique) et de la simple permutation (placement en tête de phrase, non suivi de
reprise anaphorique.
- Le cumul des pronoms personnels compléments d’objet, en insistant sur la distribution du
C.O.I.
- Perspective sémantique (la grammaire des cas Fillmore) : le bénéficiaire, le locatif et
l’instrumental idéalisés, etc.
- Travail sur un texte tiré de la version électronique de « Paris Match » afin de revenir sur
les aspects abordés pendant la leçon.

8. Durée : 90 minutes (10 minutes de pause à la moitié de la leçon), dont environ 9 minutes
pour les activités 1-8 et environ 18 minutes pour la dernière.

9. Projet didactique proprement dit

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Déroulement de la classe Indications méthodologiques
1. Point de départ :
Exemples de phrases avec : 1. Les étudiants seront priés de remplacer les
a) Un C.O.I. – en suivant deux situations C.O.I. par les pronoms convenables (conjoints
différentes : l’objet introduit par la et disjoints, selon la situation), de distinguer
préposition à qui ne garde pas cette entre le C.O.I. datif et le C.O.I. prépositionnel
préposition après 1a pronominalisation et, et de formuler des exemples similaires.
respectivement, l’objet qui garde la
préposition (Le livre appartient à mon ami
/ J’ai donné le livre à mon ami / Il pense à Si un cours ex catedra repose généralement sur
sa sœur). la méthode hypothético-déductive (on lance
une hypothèse qui devra être confirmée par les
b) Un C.O.I. pronominalisable par y et, faits langagiers), le séminaire (certains diraient
respectivement, en (Il pense à ses parents / l’atelier) de langue française contemporaine
Elle parle de sa famille) devra, selon nous, partir d’exemples, qui
justifieront l’approche théorique (la méthode
analytico-inductive).

2. Problèmes de définition
Le professeur proposera deux définitions 2. Les étudiants seront priés d’étudier ces deux
a) Celle fournie par la grammaire normative : types de définitions et d’en relever les
« Le complément indirect est le complément inconvénients :
d’objet construit indirectement… » (cf. A. a) La définition traditionnelle est grossièrement
Jeanrenaud, 269 : 1996) circulaire (on emploie des mots appartenant
b) Celle utilisée par les grammaires non seulement à la même sphère sémantique,
structurale et transformationnelle : la mais aussi à la même famille lexicale –
définition en termes de position, voire la indirect, indirectement – ou, ce qui est
représentation arborescente et, beaucoup plus grave, on utilise les mêmes
respectivement l’indicateur syntagmatique unités lexicales : complément)
du GV : b) L’étiquette GPrép ne saurait rendre compte
d’un pronom C.O.I. comme lui même si ce
GV = V + GPrép (Le livre appartient à mon dernier et le résultat du passage de la structure
ami.) profonde à la structure superficielle. Le résultat
GV = V + GN2 + GPrép (Je donne le livre à en est que l’analyse, si cohérente qu’elle soit,
mon ami.) ne répond pas à une autre exigence du modèle
génératif, à savoir la cohérence (sic !).
3. La liste des réalisateurs (à la fois au plan de
la phrase simple et au niveau de macrostructure
– appelée traditionnellement complétive 3. N.B. Ce sera aux étudiants eux-mêmes de
d’objet indirect) : dresser cette liste
- un nom :
Il écrit une lettre à Pierre. Si les exigences de la linguistique moderne
- un pronom : portent sur l'exhaustivité d’une taxinomie, les
personnel : Il lui écrit une lettre. documents actuels en matière de didactique du
Possessif: : Elle se souvenait avec pitié des FLE imposent au professeur de renoncer à
siens. (Romain Rolland) la tendance d’épuiser les membres d’un
Indéfini : Je ne parle à personne. paradigme de réalisateurs. Il faut, par
3
Etc. conséquent, distinguer nettement entre le
- une macrostructure (une complétive) : professeur en secondaire et le spécialiste.
Je m’adresse à quiconque veut m’écouter.
4. Des exercices (structuraux) de
remplacement du GPrép C.O.I. souligné par un
pronom conjoint ou disjoint. Pour mettre en 4. Le professeur préparera le terrain pour
évidence les particularités de construction du l’étude de la relation d’ordre et de cumul, en
C.O.I., l’étudiant sera mis dans la position de focalisant l’attention de l’étudiant sur le
discriminer entre ce dernier et le C.O.D. comportement syntaxique des pronoms
D’abord on lui demandera de pronominaliser compléments. Sans une bonne maîtrise de ces
un seul C.O.D. ou C.O.I. : derniers, l’étudiant aura du mal lorsqu’il
Il tient le volant. s’agira de cumuler les deux types de
Il tient à la vie. compléments d’objet.
La fortune sourit aux jeunes.
Tu reproches à Jean de taire la vérité.
Etc.
(Tutescu, M., 1996 : 103)
5. Les relations d’ordre et de cumul :
En principe, le professeur pourra revenir aux 5. Avant de passer aux exercices proprement
énoncés de l’exercice antérieur qui se prêtent à dits, le professeur exposera le tableau illustrant
une double pronominalisation des objets direct l’ordre des pronominaux C.O.D. et C.O.I.,
et indirect. selon le mode du verbe qui entre dans la
D’autres exemples de phrases s’ajouteront, constitution du GV (impératif / non impératif),
cette fois-ci avec double pronominalisation : le statut de la phrase (affirmatif ou négatif) et
J’ai défendu à mon fils d’aller à la piscine. la personne du complément d’objet (cf. Cristea,
(Attention à l’ordre des pronoms T., 1979 : 263) :
compléments!) Ainsi, si le mode du verbe est autre que
Tu as dit toute la vérité à Jean. l’impératif affirmatif, on aura le schéma
etc. suivant :
1. 2. 3.
me le lui
te la leur
nous les
vous

Par contre si le mode du verbe est l’impératif


affirmatif, on aura le schéma suivant :
1. 2. 3. 4.
nous le nous lui
vous la vous leur
les moi
toi

Même si ces structures ont fait l’objet du cours


une reprise suivie de systématisation est
absolument nécessaire.
6. Les pronoms C.O.I. pronominalisables par y
et en avec les restrictions dues aux règles de
sous-catégorisation des noms qui occupent 6. Le schéma qui rend compte des relations
4
cette position – [- Humain] = y et en, [+ d’ordre et de cumul sera « raffiné », en y
Humain] = de / à moi, toi, lui, etc. introduisant les deux pronoms dits
Rappel suivi d’exercices : « adverbiaux » :
Il mange du gâteau.
Jean obéit à sa sœur. 1. 2. 3. 4. 5.
Il prête de l’argent à sa sœur. me le lui y en
te la leur
nous les
vous

Observations :
1. Le professeur insistera sur le syncrétisme
des cas (Accusatif et Datif) pour les pronoms
occupant la première position dans le tableau
ci-dessus (tout comme dans le tableau numéro
1.)

2. À cette étape de la leçon le professeur pourra


et devra proposer des contextes à double
pronominalisation.
7. Le test de la thématisation
Le professeur proposera des contextes où les
étudiants devront opérer certaines 7. Les étudiants analyseront la différence entre
transformations : les deux phrases et comprendront que la
Phrase de départ : thématisation véritable s’associe à la reprise
Je viens d’écrire à Jean. anaphorique.
a) À Jean, je viens d’écrire (simple
permutation) Ensuite ils proposeront des contextes
b) Jean, je viens de lui écrire (la thématisation similaires.
(= le placement du nom C.O.I. en position
frontale, extraite) laisse des traces au niveau du
fragment rhématique, voire la reprise
anaphorique de l’objet indirect au moyen du
pronom conjoint lui.)

8. Perspective sémantique (la grammaire des


cas –Fillmore) : 8. Les étudiants découvriront le sens profond,
Des exercices d’identification : pour ainsi dire, de la phrase, voire les relations
a) C.O.I. datif : qui s’instaurent entre les entités phrastiques du
Il lui baigna le front avec l’eau fraîche de point de vue actanciel : bénéficiaire,
l’Arve. – datif possessif (Cristea apud Aragon) instrumental et le locatif idéalisés, etc. Le
Je vais vous fournir les informations professeur présentera bref les actants
nécessaires. principaux de tout énoncé, en précisant que
etc. l’agent est, de règle, le propre du sujet
b) C.O.I. prépositionnel : superficiel, tandis que le destinataire
J’ai pensé à ton dernier succès. (bénéficiaire ou perdant) actualise d’habitude
Tu t’intéresse à l’histoire. un objet indirect.
etc. Ensuite les étudiants passeront à
l’identification, dans des énoncés, du type
5
d’agent.
9. Travail sur le texte
L’étudiant relèvera dans un texte tiré de la
version électronique de « Paris Match » les 9. Le professeur passera en revue les situations
réalisateurs de l’objet indirect, en effectuant la présentées pendant la leçon, en prenant appui
pronominalisation convenable (là où le cas sur le texte susmentionné.
s’impose).

Bibliographie :
1. Cristea, T., Grammaire structurale du français contemporain, EDP, 1979.
2.Jeanrenaud, Alfred, Langue française contemporaine (Morphologie, Syntaxe),
POLIROM, Iaşi, 1996.
3. Riegel, M., Pellat, J-C., Rioul, R., Grammaire méthodique du français, PUF, 1996.
4. Tutescu, Mariana, Du mot au texte. Exercices de français pour les avancés, Editura
Cavaliotti, Bucurşti,1996.

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Annexe

Les polycopies à distribuer

1. Dans les phrases qui suivent, pronominalisez les compléments du verbe (compléments
d’objet direct et / ou compléments d’objet indirect), tout en veillant aux modifications
syntaxique dans l’ordre des mots.

1. Il tient le volant. 2. Il tient à sa vie. 3. Il parle de ce film à un ami. 4. Il tient cet optimisme
de son père. 5. L’enfant obéit à ses parents. 6. Nous remercions nos devanciers de toute leur
peine. 7. La fortune sourit aux jeunes. 8. J’ai défendu à mon fils d’aller à la piscine. 9. Tu
reproches à Jean de taire la vérité. 10. Je parle souvent de mon fils. 11. Rappelez-vous les
vacances passées au bord de la mer ! 12. Souvenez-vous des vacances passées au bord de la
mer ! 13. Il boit du thé. 14 Tu as acheté un bout de terrain à ton voisin. 15. J’ai acheté aux
fleuristes de belles fleurs. 16. Daniel avait emprunté de l’argent à son éditeur. 17. Le
conducteur ne peut emprunter la moitié gauche de la chaussée. 18. Prête-moi de l’argent, s’il
te plaît ! 19. Il prête de l’argent à ses amis. 20. Jacques s’est prêté à cette espièglerie.

2. Relevez dans le texte suivant - tiré de la version électronique de « Paris Match » - les
réalisateurs de l’objet indirect, en effectuant la pronominalisation convenable (là où le
cas s’impose) :

Julie Depardieu mène bien sa barque.


Pas facile de se faire un prénom quand on porte le nom le plus célèbre du cinéma
français. Discrètement, en une dizaine de films, elle y est arrivée

Mademoiselle Julie tient le bon cap. Plus personne ne voit seulement en elle la fille de…
Grâce à Josée Dayan, sans doute, qui l’a fait tourner à la télévision, dès 1991, quand elle
n’avait que 18 ans, puis en 1996, et en 1998 dans « Le comte de Monte-Cristo ». L’année
suivante, Olivier Assayas la convie dans ses « Destinées sentimentales ». Depuis, Julie ne
quitte plus les plateaux. Le 18 juillet, elle sera pour la première fois la vedette d’un
long-métrage, écrit et dirigé par Marie de Laubier, « Veloma » (en malgache « au revoir
», « adieu » ou « soyez vivant »). Elle s’apprête à tourner, pour T.f.1, sous la direction
d’Aline Issermann, une suite d’« Une femme en blanc », avec Sandrine Bonnaire. Elle
enchaînera avec un film de Claude Miller, et devrait se produire au théâtre dès la
rentrée. Désormais, la carrière de Julie D. tient plus du tourbillon que du fleuve
tranquille.

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Paris Match. Dans le film “Veloma”, vous jouez la femme d’un navigateur qui disparaît en
mer. Pourtant, vous ne montrez aucune émotion, ni cris ni larmes. Pourquoi?
Julie Depardieu. C’est le caractère de cette fille. Elle est la seule à ne pas croire à la mort de
son compagnon. Son entourage pense qu’elle est dingue. Elle préfère continuer d’espérer. Je
crois que l’on sent, quand un proche meurt. Et elle ne le sent pas. Elle a plutôt le
pressentiment qu’il avait envie de fuir.
P.M. Vous détestez la mer, vous n’auriez donc jamais pu être une femme de marin?
J.D. On peut vivre avec quelqu’un sans partager la même passion. Elle, par exemple, ne met
jamais un pied sur son bateau. Elle n’est pas du tout dans la fusion, contrairement à moi dans
la vie. Elle l’aime, mais cela l’arrange peut-être qu’il soit loin.
P.M. Votre jeu est assez naturel. Avez-vous pris des cours de comédie?
J.D. Non, ça se voit d’ailleurs. [Rires.] J’ai essayé et ça n’a pas marché. A l’origine, je ne
voulais pas faire ce métier. Je me disais: ce n’est pas pour moi. J’étais timide. En classe, je ne
répondais jamais, je voulais être seule. Surtout, je ne me voyais pas comédienne.
P.M. Il a bien dû y avoir un déclic où vous vous êtes dit: moi aussi je veux être actrice?
J.D. Non, vraiment. J’y suis venue par hasard, grâce à Josée Dayan, une amie de ma mère.
Elle n’arrêtait pas de me dire: “Allez, viens dans mon film, c’est pour quatre jours...” Cela ne
me plaisait pas trop. Et je me suis laissé convaincre. J’ai joué un petit rôle en 1991puis dans
“Les liens du cœur”, en 1996. A 23 ans, je n’étais plus une jeune première. Si j’avais voulu
faire ce métier, j’aurais commencé à 17 ans.
P.M. Si ce n’est pas un choix, pourquoi avoir continué après cette première expérience?
J.D. Mais parce que cela m’a plu! Je me souviens encore de ma première réplique, c’était
atroce. Je devais être ulcérée, au bord des larmes, et dire à Tcheky Karyo: “Tu as volé le
denier du culte.” C’était intense comme phrase! Je pensais ne jamais y arriver, que personne
n’y croirait. C’est vrai, je m’en fichais un peu du denier du culte. [Rires.]
P.M. Vos parents vous ont-ils aidée dans cette voie?
J.D. Non. Ils m’ont laissé faire, sans me guider. De toute façon, je ne risquais pas la filière
porno de l’Est!
P.M. Vous ne semblez pas croire en vous...
J.D. Qui croit en soi? Je ne sais pas ce qu’il faut faire pour avoir un rôle. Je ne calcule pas. Je
n’aime pas toujours ce que je fais mais ce n’est pas grave, on ne peut pas se trouver
sensationnelle tout le temps. Heureusement, je n’ai pas trop d’orgueil.
P.M. La définition d’une grande actrice, selon vous?
J.D. Isabelle Huppert. Elle compose d’une façon très précise et, en même temps, elle donne
énormément d’émotion. Dans “La pianiste”, elle est incroyable. J’adore aussi Béatrice Dalle.
Elle ne contrôle pas tout mais c’est ça qui est beau. En musique, par exemple, j’ai une passion
pour Cecilia Bartoli qui, comme Huppert, allie la technique et l’émotion.
P.M. Vous continuez à faire des retraites dans le monastère jésuite de Chantilly?
J.D. Non, c’est fini. Mais c’est parce qu’il a fermé, sinon je suis sûre que j’y serais retournée.
J’y ai séjourné deux fois deux mois, durant l’hiver 1995-1996, pour faire le point car je
n’allais pas très bien à cette époque. Et comme je n’avais pas d’autres occupations, je révisais
mes examens. Et j’ai eu des super notes! Parfois, cette solitude me pesait mais en même
temps j’avais besoin de me retrouver et puis j’étais copine avec le frère jardinier.
P.M. Vous auriez pu choisir un autre métier. A un moment, vous disiez que vous auriez pu
être fleuriste...
J.D. Oui, j’ai suivi un stage de fleuriste mais je n’ai aucun talent commercial. Je suis la
championne du monde des stages, surtout l’été, car je ne supporte pas les vacances et je
déteste voyager. J’ai aussi eu une idée un soir: tenir un bar à tisanes, un lieu hyperdesign,
pour tous les gens qui ont trop bu et qui maintenant doivent faire attention...
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P.M. Votre image excentrique vient d’où?
J.D. On me le dit souvent mais je vis plutôt comme une sexagénaire. Je suis beaucoup sortie
mais, maintenant, je préfère m’occuper de mes pétunias. J’ai vraiment une vie de vieille.
P.M. Aucun regret de cette vie nocturne effrénée?
J.D. Oh non! La nuit, c’est dépravation, décadence, narcissisme. Voilà ce que sont les gens.
Et cette vie, je n’en veux plus. J’en ai eu marre qu’il ne se passe rien. Maintenant, j’ai 75 ans
et je le revendique. Quand je ne tourne pas, je reste chez moi, je lis, je jardine, je joue du
piano ou j’écoute de l’opéra.
P.M. Côté look, vous n’êtes pas conventionnelle. Comme aujourd’hui où vous portez des
Méphisto!
J.D. Oui, des chaussures de vieux. J’adore. Même si c’est complètement ringard. La mode
m’exaspère. Ma penderie est déprimante. Je ne la renouvelle pas sans cesse, je ne suis pas
une fan de boutiques. Je vis sur mes acquis et grâce à des copines couturières. Je ne suis pas
glamour, je ne le serai jamais et ce n’est pas mon ambition. Donc je ne fais pas trop d’efforts
de présentation. Je mets ma touche personnelle, on aime ou on n’aime pas. J’aime bien les
vêtements déjà portés. Je peux faire 50 bornes pour trouver des pétunias, mais pas pour des
fringues.
P.M. Vous sentez-vous privilégiée ou en avez-vous bavé dans ce métier comme dans la vie?
J.D. Dans ce métier, je ne suis rien. Et dans la vie, je suis privilégiée, ne serait-ce que par la
liberté de pensée de ma famille. Pour moi, la vraie rébellion aurait été d’être comptable ou
inspectrice des impôts. [Rires.] J’ai dû bosser pour essayer de me rebeller justement... Tout
ou presque était permis chez moi. Mes parents m’ont toujours fait confiance.
P.M. Cela vous énerve que l’on vous parle sans cesse de votre famille?
J.D. Non. Enfin parfois quand c’est trop axé sur mon père. Certes, il a mis la graine mais ne
m’a pas élevée 24 heures sur 24. C’est assez personnel. Nous avons de bons rapports depuis
toujours. En même temps, c’est très pudique. Il est très présent après avoir été bien absent.
Mais les gens font ce qu’ils peuvent et lui ce qu’il a pu faire pendant vingt ans, c’est
travailler. Je le lui ai reproché à mes 18 ans mais maintenant j’en ai 29 et j’ai compris. C’est
un grand enfant qui aime bien s’amuser.
P.M. Vous l’accompagniez sur les tournages?
J.D. Non, je m’ennuyais sur les plateaux. J’y allais surtout pour faire encore et toujours des
stages. Je les ai tous faits: régie, mise en scène, maquillage, peinture, décoration, et aussi de
la figuration.
P.M. Vous ne forcez pas un peu votre optimisme?
J.D. J’ai pris le parti, quoi qu’il arrive, de me marrer. L’existence est tellement glauque. Et
puis je me dis toujours: tu ne peux pas faire la gueule avec une fleur turquoise dans les
cheveux ou avec une robe à carreaux! Je me stimule tout le temps. Sinon ma vraie nature
reprendrait le dessus, car moi aussi je peux déprimer. Actuellement, ça va.
P.M. Vous continuez votre analyse?
J.D. Oui, plus ou moins. C’est comme une enquête car on ne parle pas que de soi, de ses
petits problèmes. Et on arrive à éviter certains écueils de sentiments usants à éprouver.
Maintenant, je suis mieux, certaines choses m’énervent encore mais pas de la même façon. Je
ne me sens pas du tout anormale ou déséquilibrée.
P.M. Il y a quelques années, vous disiez: je n’ai pas de maison, je vis chez l’un, chez l’autre,
je ne possède rien, sauf ma bagnole et une trousse de maquillage. Et maintenant?
J.D. J’ai toujours ma trousse de maquillage dans ma bagnole... Avant je n’étais pas bien chez
moi. J’ai habité pendant trois ans à Paris et j’ai détesté. Aujourd’hui, je suis installée à
Bougival, dans une petite maison à côté de celle de ma mère, de mon frère Guillaume et de
ma tante. A un moment, j’ai voulu partir, m’émanciper. Mais je suis revenue.
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P.M. Vous êtes installée avec quelqu’un?
J.D. Plus maintenant. Je vis seule.
P.M. Dans “Veloma”, vous interprétez une jeune maman. Dans la vie, ce rôle vous attire-t-il?
J.D. Au départ, c’était une petite angoisse de jouer une jeune mère. Je pensais que personne
n’y croirait car je n’y croyais pas moi-même. Donc j’ai décidé de lui parler comme à un
adulte et cela a bien fonctionné. Pour autant, je n’ai pas spécialement envie d’avoir des
enfants. En tout cas, pas tout de suite.

(propos recueillis par Aurélie Raya, Paris Match, 10 Juillet 2002,


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