Vous êtes sur la page 1sur 21

LES

MOTS, LA MORT, LES SORTS


Jeanne Favret-Saada

Chapitre 1 - 5

Quelqu’un a un rôle d'annonciateur : cette personne va donner la position de prise ou pas
prise (envoûtée ou désenvouteuse).
Les gens/indigènes qui se considèrent comme ensorcelés ne vont en parler à personne qu'ils
estiment comme non pris car cette personne ne comprendrait pas ce que ça fait.
La sorcellerie est un acte de parole : savoir qui parle et à qui (Voir pts 2).

L'auteur à subit 5 situation où elle a été prise à partie :
1. Elle a été considéré comme désenvoûteuse ;
2. Elle a été considérée comme ensorcelée et quelqu’un a assumé le statut d'être son
annonciateur ;
3. Elle a soumis des éléments de sa vie personnelle à une désenvoûteuse ;
4. On lui a demander de faire déprendre.
5. Sa désenvoûteuse lui demanda un guérisseur pour ses propres douleurs corporelles et
l'assister.

Limitations :
1. On ne peut vérifier aucune affirmation. (Le témoin n'est pas impartial et il est
impossible d'interroger des tiers).
2. On ne peut pas entendre les deux parties (ensorcelés et sorciers).
3. Il est difficile d'enquêter dans son "quartier" car il faut de la distance entre celui qui
parle et celui qui écoute.
4. Impossible de mettre sur pied une stratégie d'observation : il y a une barrière de la
part du devin/désorceleur (j'ai un don,...) et de la part de l'ensorcelé (amnésie,
impuissance à dire ce qui doit être non-dit,...).

Question initiale : qu'est-ce que les intéressés cherchent à mettre en forme à l'occasion d'une
crise de sorcellerie ?
La position de sorcier n'est pas une position possible d'énonciation, personne ne se dira
sorcier.

Les désorceleurs excentriques pratiquent des rituels inventés et qui ne leurs ont pas été
transmis, il n'y a pas de tradition derrière. On se moque des rituels des désorceleurs
excentriques, pas des autres, ET le client est moqué pour sa crédulité non pour s'être dit
ensorcelé.

Discour d’ensorcelé :
1) dénégation inaugurale ("on en a jamais eu affaire avant" : se place dans la même
position extérieure que la personne à qui l'ensorcelé parle);

1

2) Notation de la déroute du savoir positif (ex: les médecins donnaient un bon pronostic
DONC il y a eu erreur de diagnostic, non de pronostic);
3) Annonciation de son état à l'ensorcelé (ex: l'homme de quelaine qui dit "c'est pas
naturel", elle a une position d'annonciatrice).

Histoire classique d'ensorcellement :
1. la quête de l'identité du sorcier ;
2. Indications des moyens de lui nuire et de se protéger des maléfices ;
3. Mise en œuvre d'un rituel magique + adoption des façons caractéristiques de se
comporter ;
4. Interprétation des effets produits (déroute pour le sorcier et retour à la normale pour
l'ensorcelé);
5. Maintient d'un transfert indéfini entre le désorceleur et le client.

Cas Fourmond : Pas très important

Le père Fourmond souffre d'un cancer de la peau. Les médecins n'ont plus aucun espoir. Un
oncle parle de l'homme de Quelaine et le guérisseur tente de guérir le père. Celui-ci finit par
mourir et la réputation des Fourmond est très mauvaise.
Les gens en voulaient au Fourmond car ils leurs ont fait espérer qu'ils défieraient la mort. Ils
leurs "ont fait frôler des abîmes dangereux". Ils ont donc commencer à les considérer comme
des traîtres à la cause de la raison.
1. La sœur de la mère a tenu la place de l'ensorcelée au lieu de la mère. La sœur y
croyait plus et le désorceleur a donc pu lui enseigner les étapes de l'ensorcellement,
contrairement à la mère et la fille Marie qui n'y croyaient pas assez.
2. La mère, Suzanne Fourmond, n'y croit pas mais est qd même retournée le voir une
fois.
3. La sœur fournit son enseignement au sujet des sorciers supposés : les Pottier.
4. Hypothèses sur la réaction des Pottier du au fait que le désorceleur a transformé la
maladie (de Duboust) en sort et fait du voisin (Pottier) un sorcier :
o Pottier va se défendre en disant de Lenain (le désorceleur) qu'il est un sorcier.
Il rend la monnaie de sa pièce à Lenain qd le père Fourmond meurt.
o Lenain et Duboust sont proches, la fille de Duboust fréquenterait le neveu de
Lenain.
5. Question des sorts dans la paroisse :
o Abbé Tranchant : non reconnu par la hiérarchie ecclésiastique mais par ses
patients chez qui il se rendait pour les soigner de leurs sorts.
o La hiérarchie n'apprécie pas et c'est l'abbé Pilorge qui le remplace à sa mort. Il
est strict sur la question des sorts et coupe les ponts avec les Fourmond quand
il apprend à propos du père Fourmond.
o L'abbé Faucheux jouait la discrétion, "il y croyait un peu" pour ne pas avoir
d'ennuis avec la hiérarchie. Il est confus car il ne sait pas trop comment il était
sensé guérir/aider les gens sans pouvoir utiliser le désensorcellement.

2

o L'abbé sauvage a pris le parti de la charité qui visite madame Fourmond sans
lui parler du passer.

Impossibilités :
1. On voulait maintenir madame Fourmond dans sa place de personne crédule.
2. Les Fourmond entretenaient une relation ambiguë avec la sorcellerie : ils "n'y croyaient
pas assez".
a) Marie a été voir Lenain mais n'est pas satisfaite de sa réponse quand elle lui demande
ce qui a tué son père. Elle le trouve sincère quand il "touche" mais pour le
désorcèlement, elle admire, d'une part, sa force d'âme, elle lui reconnaît le don mais
pas dans sa famille, elle n'y croit pas.
b) Madame Fourmond ne croit pas non plus aussi sort dans sa famille mais elle considère
tout de même Lenain "fort avec les sorts".
c) Madame Fourmond va conseiller à sa fille de cesser de voir l'ethnolographe car celle-
ci est trop "prise" : les sorts, il ne faut pas en parler ni chercher à le comprendre : façon
de conserver quand même une croyance inassumable. Elle lui a d'ailleurs demander si,
puisqu'elle en savait autant, est-ce qu'elle saurait lever un sort ?
Cette ambiguïté permet de laisser ouverte la question de savoir à quelle fatalité a été
victime Monsieur Fourmond, il ne faut donc pas avoir à en parler.

3. La subjectivité de l'ethnolographe s'est retrouvée "prise" par l'histoire : les gens ne lui
parlaient que de "que vous ont dit les Fourmond" et il lui était impossible de répondre à
des questions comme "qu'est-ce qui a fait fonction de détonateur" ou "Pourquoi Pottier
s'acharnait-il sur eux ? Par rivalité ou par enjeux de sorcellerie entre lui et Lenain ?".
L'ethnolographe a du prendre une position d'intériorité car si la position avait été
extérieure, elle aurait dû s'interdire tout contact avec les Fourmond. Elle aurait été coincée
entre le bourg, les accusant d'y croire, Lenain, les accusant de ne pas y croire et les
intéressées, muettes.
Il y a aussi le fonctionnement inconscient de l'ethnolographe qui entre en jeu. (Voir chptre 8).


Chapitre 6 : moins on en parle, moins on y est pris.

Les ensorcelés disent que "ceux qui n'ont pas été pris ne peuvent pas en parler" car ceux qui
ne sont pas passé par cette expérience ne pourraient pas en parler. Et ceux qui ont été pris
ne doivent pas en parler afin de ne plus être pris.

I :
Léon Turpin gagne sa vie en faisant les jardins de quelques commerçants et artisans du bourg.
L'ethnolographe entend parler pour la première fois des "encrouilleurs" (de crouiller =
vérouiller).
Turpin rit des désorceleurs mais leurs reconnaît une force, dont un certain Grippon. Il est soit
sorcier soit désorceleur en fonction que ce soit un patient ou un ennemi qui en parle.

3

Histoire d'ensorcellement classique :
• L'ensorcelé est très naïf et attribue ses maux explicables rationnellement à un
innocent.
• Le désorceleur jette de la poudre aux yeux du patient pour en tirer un profit maximal.
• Les prédictions du désorceleur ne sont que les conséquences rationnelles d'une
situation que tout le monde aurait pu prévoir sauf la "sotte victime".

Renée Turpin (la bru de Léon) raconte que, quand elle avait 10ans, son voisin Manceau a été
pris dans une cris de sorcellerie. Ses bêtes, de différentes espèces, meurent l'une après l'autre
et lui-même tombe gravement malade. On fait venir des médecins et un prêtre mais bientôt,
puisque le médecin n'a plus d'espoir, on fait venir Grippon. Il fait un combat contre le sorcier
qui devient malade et se fait amputé une partie des intestins tandis que Manceau guérit. Dans
ce cas, les enjeux sont importants (vie/mort, force/effondrement), le combat brutal et
Grippon ne tient pas pour acquis son triomphe. Tout est centré sur la notion de "force".
Il y a deux catégories de forces :
La force magique, d'une part, qui produit des effets (le sorcier essaye de prendre la force vitale
de L'ensorcelé et le désorceleur tente de mobiliser une force plus grande pour qu'il rende
cette force vitale à l'ensorcelé).
Et la force vitale d'un être dépourvu de moyens magiques. La défaite du sorcier est la perte
d'une certaine force vitale. Ce qui circule lors d'une crise de sorcellerie, c'est la force vitale
mais ce qui l'a fait circuler est la force magique.

Il y a trois moments dans cette crise de sorcellerie :
1) Le moment de la déperdition. Manceau (faible) souffre d'une déperdition de sa
force vitale, dû au sorcier Tripier (fort).
2) Le moment du recours. Le faible va faire appel à Grippon (fort) pour qu'il se
substitue à lui et rendre la lutte égale.
3) Le moment du retournement. Le désorceleur prend, ici, le dessus, il occupe
désormais la situation avantageuse et le faible initial (Manceau) retrouve sa force.
Principes : un fort et un faible entrent en contact magique et la mort du faible est en jeu. La
position de fort ne saurait pas être occupé par deux humains a la fois : s'ils se rencontrent
c'est pour un duel à mort.
Jamais le sorcier ne sera appelé ensorcelé et le désorceleur, sorcier. Quoi qu'ils fassent l'un
est du bon côté et l'autre du côté du mal.
La nomination du sorcier pourrait être une tentative pour contenir dans une figure ce qui
échappe à la figuration : aussi longtemps qu'elle reste innommée, la déperdition (de l'énergie
vitale de l'ensorcelé) est absolue.
Le moment du recours est aussi le moment de la mesure où le désorceleur va choisir le mode
sur lequel il va mesurer sa force et celle du sorcier.

La mort ou une atteinte corporelle grave peut être provoquée par un contact métaphorique :
1) Grippon répond au geste du sorcier par un geste et à la parole par un défi.
2) Il ne faut pas toucher le sorcier pour que le contact métaphorique de développer
tout ses effets car le contact matériel reviendrait à une ouverture/communication.

4

3) Le sorcier ne croit pas s'en sortir autrement qu'en se faisant amputer d'une partie
de son intestin.

Quand l'ethnolographe essaye de prendre contact avec les Manceau, ils refusent car
§ Elle n'est pas prise dans l'histoire et ils ne veulent pas risquer de réactiver un crise.
§ Ils ont pu interpréter de 3 façons sa fascination :
o novice en sorcellerie qui ferait mauvais usage de leur parole.
o ensorcelée en quête de vérité.
o désorceleuse mais lui parler reviendrait à accepter une cure magique et le
intéressé ne voulaient pas être repris.

II :
Lorsque l'ensorcelé se donne l'illusion qu'il est innocent du dénouement de la crise de
sorcellerie. L'annonciateur, Babin vient chez l'ethnolographe, identifiée comme désorceleuse
par le frère cadet de Babin et lui raconte une histoire (car il se sent obligé vis-à-vis d'elle du
fait de son frère cadet).
Les Régnier tombent malade, leurs bêtes aussi et Babin fait office d'annonciateur, il les
instruits de leur état et ceux-ci se rangent à son interprétation. Il y a d'abord une guérisseuse
qui vient mais ça n'améliore rien et, finalement, les Régnier acceptent de voir une femme plus
"forte" : Madame Marie. Elle vient plusieurs fois et fait sauter du gros sel dans une poêle
chauffée à blanc. Elle refuse de nommer les sorciers car elle ne veut pas en avoir la
responsabilité. Un soir elle dit "celui qui vous l'a fait, y n'le refera plus." et mère Chicot meurt
d'un mal mystérieux après avoir été internée dans un hôpital psychiatrique.
Pour ensorcellement, il faut qu'il y ait un contact physique avec le corps ou les biens de la
victime. (Il y aurait donc difficilement ensorcellement en ville car tout contact est superficiel.)
L'ethnolographe va voir les Régnier (Louise, la femme, en particulier) et elle prend la position
de l'impossibilité d'en parler : elle pouvait dire qu'elle avait vécu quelque chose mais elle
n'avait pas de position d'énonciation particuliére.

Elle ne voulait donc pas en parler pour 5 raisons :
1. Le mari n'est jamais là.
2. Elles ne peuvent pas parler seule à seule.
3. Ils ne sont pas sûr d'être quitte.
4. Elle n'en est pas sûre car elle ne connait pas le nom des sorciers.
5. Elle n'en est pas sûre non plus car ils n'ont pas appliqué tout ce que Madame Marie
recommandait. Madame Régnier se place comme quelqu'un qui n'est pas pris, elle
tient exactement le même discours. Elle parle de ses malheurs mais à aucun
moment elle ne fait mention des sorciers qui sont sensés être liés ses malheurs.

Elle voudrait qu'il ait s'agit d'un sort mais qu'elle en ait été débarrassé sans blesser personne,
elle a honte de la mort de la mère Chicot. Ainsi, il était impossible pour eux/elle d'en parler.
Ils ont aussi peur que l'ethnolographe cherche à traiter les symptômes résiduels (symptômes
qui reviennent chez Louise Régnier). Seul un prêtre-désorceleur qui jouerait des registres

5

religieux et magiques saurait les guérir de leurs maux et leur donner l'absolution de leur crime
passé.
Les conditions de la mort de la mère Chicot sont étranges : elle souffrait d'anxiété intense,
délirante. Elle ne dit rien d'autre que "j'ai peur". Elle avait aussi des ecchymoses de taille et
d'âge différent. Le psychiatre suppose qu'elle a eu un accident cérébral.


Chapitre 7 : si vous pouvez faire quelque chose.

Elle va voir un exorciste qui l'a renvoie vers des psychiatres qui prennent les paysans presque
comme des animaux. En les confrontant a son ethnographie, elle leur fait comprendre la
sorcellerie comme un système symbolique pourvu de sa rationalité propre.

I. Ensorcelé à l'hôpital :
Elle rencontre Jean Babin (frère de Louis Babin, annonciateur des Régnier). Il est entré à
l'hôpital pour désintoxication alcoolique. Causes de sa maladies : chagrin, excès de boisson,
ensorcelé.
Dans le couple, la femme de Jean Babin (Joséphine Babin) parle à la place de son mari. Il peut
se permettre de ne pas croire trop aux sorts parce que sa femme y croit pour eux deux.
Les infirmiers essayaient de le faire parler des sorts mais il ne parlait que de ses soucis
professionnels et du fait qu'il souffrait de ses "nerfs". Il est paisible, soumis et adapté à
l'existence pavillonnaire. L'ensorcellement serait lié aux avortements épizootiques de ses
bêtes.
Le docteur Davoine a fait des notes et Babin ne paraît pas fou au docteur : Babin reconnaît
croire aux sorts mais se réfugie derrière la croyance de sa femme, plus vive que la sienne.
Louis Babin a essayé de voir le médecin pour guérir son frère des ses impuissances (à son insu,
puisque, le temps de son hospitalisation, il est dépossédé de son corps).
Jean Babin a épousé la sœur jumelle de la femme de Louis Babin. Les femmes désorceleuses
prédominent dans son histoire.
Louis Babin, en donnant des conseils, se pose comme ayant le sang fort contrairement à son
cadet qu'il présente comme imprudent et poltron.
Parfois, les sorciers font masse et les désorceleurs doivent eux aussi, alors, lutter en masse.

II. C'est-y une magicienne :
Les Babin l'ont positionnée en tant que désorceleuse et l'ont tout de suite acceptée car ils
avaient besoin de rencontrer quelqu’un d’extérieur au réseau qu'ils connaissaient et parce
qu'elle n'avait pas risquer en parlant des sorts : si elle n'a pas rit, c'est qu'elle y est prise.
L'ethnolographe ressent une différence culturelle : l'une des valeurs fondamentale du bocage
est le silence et le secret tandis qu'elle vient d'une culture de la parole.

III. Le malentendu :
L'ethnolographe avait écrit une lettre et les services de poste ne l'ont pas cachetée, les Babin
ont interprété cela comme une preuve de la "force" magique. L'ethnolographe se présenta
comme chercheuse dans un laboratoire et il n'ont retenu que le mot "laboratoire". Son lien
6

avec la science et l'hôpital la rend d'autant plus intéressante. Et le fait qu'ils utilisent le terme
"pour le bien" montre la place qu'ils veulent lui donner : désorceleuse.
Ils lui demandent combien ils lui doivent mais elle refuse et c'est la confusion totale dans les
deux parties.

IV. Impuissants contre l'impuissance :
Les Babin voulaient qu'elle guérisse l'impuissance sexuelle de Jean. D'après eux, trois
semaines avant ses noces (1964), Jean reçoit un madrier sur la tête et ne peut consommer son
mariage.
a) Jean a séjourné après son mariage une clinique psychiatrique pour "les nerfs".
b) Sa mère a consulté un guérisseur.
c) Ils évitent de faire allusion à d'autres désorceleurs sauf le curé de Torcé qui était
évidemment moral. Mais que s'est-il passé entre 1964 (apparition des symptômes) et 1969
(maintenant) ?
Si les organes génitaux de Jean sont normaux, c'est que son mal est le fait d'un sort. Les Babin
désignent le voisin qui souhait que Jean épouse une fille pour pouvoir continuer a la
fréquenter (La femme du voisin étant tout aussi "mauvaise") mais Jean refusa, évidemment.


Chapitre 8 : la toute puissance du sorcier.
La nomination est souvent le prélude d'un combat.

I. Impérissable salaud.
Les pires maladies ne viennent pas l'achever (le voisin/sorcier) parce que sa méchanceté est
telle qu'elle rebute même les entités surnaturelles. Cette puissance, quand elle rencontre un
ensorcelé produit des effets catastrophiques sur le faible.

II. La parole.
Le voisin ne leur parle (aux Babin) que quand il est assuré de sa force, c'est-à-dire de l'efficacité
magique de sa méchanceté. Babin devrait se mettre à l'abri de toute requête venant de son
sorcier et, si jamais il y est soumis, il doit lui répondre pour ne pas provoquer le dépis du
"mauvais". Le sorcier créé des "beurrées" ("fromage" qui sont en fait des champignons) qu'il
faut brûler et détruire d'une certaine façon pour s'en débarrasser. Nul ne se fait de
représentation précise de ce genre de processus.

Équivalences :
Ø s'agissant du sorcier, il y a équivalence entre la "force" et la méchanceté/puissance
sexuelle/enrichissement.
Ø s'agissant de l'ensorcelé, il y a équivalence entre la faiblesse et la
bonté/innocence/l'impuissance sexuelle/l'appauvrissement.
NB: le sorcier est d'office qqn de la même classe sociale que l'ensorcelé, plus ou moins.
Paradoxalement, les forces sont "équilibrées" sous certains points de vues.

7

Il y a une disproportion entre les prédictions du sorcier et la précipitation de sa mise en acte
par l'ensorcelé, la malédiction est dûe par sa prise en charge par l'ensorcelé qui devient ainsi
l'agent du destin.

III. Le toucher.
Dans le cas des Babin, la poignée de main est considérée comme un toucher magique et les
événements "malheureux" qui surviennent après sont pris comme des conséquences du
contact. Incapable de résister à la fascination du sorcier et sans doute accablé par les
remontrances de son épouse et son frère, Jean se réfugie dans l'alcool ce qui l'amène à
l'hôpital psychiatrique.

IV. Le regard.
Il produit des effets dévastateurs, sauf si Jean "touche" son sel. Il y a des mesures de
protection que Joséphine (épouse) utilise :
o Ne pas serrer la main.
o Jamais laisser le dernier mot au sorcier.
o Le regarder en dernier.

Donc, les contacts directs doivent à évité et les contacts indirects doivent être soutenus.
Un sorcier, s'il a tant de force, peut être capable de se rendre invisible pour empêcher
l'ensorcelé de soutenir son affront. Jean avait déjà eu le coup avec le père Coquin.
C'est toujours le chef de famille qui est ensorcelé, les autres membres faisant corps avec lui.

V. La mort d'un conducteur.
Les sorciers sont encore plus fort quand ils s'allient : Ribault (sorcier des Babin) a marié sa
fille au fils de Coquin. Ils mettent en commun leurs savoirs maléfiques. Appartement, l'un des
fils de Coquin tenta de brûler les livres pour retirer les pouvoirs de son géniteur mais il échoua
et, pour le punir, le père Coquin lui tira le lait de ses vaches. Cependant, il appartient toujours
aux "mauvais" et reste un conducteur involontaire de la sorcellerie de ses ascendants.
L'ethnolographe demande de rencontrer Pierre Coquin mais les Babin refusent, la considérant
comme une désorceleuse débutante.
En sorcellerie, qui n'est pas agresseur est victime, qui ne tue pas, meurt et nul n'échappe a
cette violence. Les gens passent de l'amour à un haine mortelle d'une rapidité stupéfiante.
L'ethnolographe fait une expérience perturbante : elle est pourvue de solides connaissances
scientifiques et fait la rencontre brutale d'un autre monde que son système de référence
échoue à décrire ou à nommer.


VI. Après coup.
Remarques :
1. Comment des gens se laissent encore prendre au discours de la sorcellerie ? Il est question
de sorcellerie dans les situations où il n'y a pas de place pour deux, où l'on doit tuer ou mourir.
La question de rationalité du système est relégué au second plan.

8

2. Il y a une mise en forme symbolique de ce à quoi chacun se débat ordinairement en silence
: la mort.
3. Il y a eu une déconstruction des fantasmes de l'ethnolographe car elle a du reconnaître,
parfois, que tel fantasme agissait dans telle situation et le fantasme est propre a produire du
plaisir tant qu'il n'est pas reconnu par celui qui en jouit.

La mort de Pierre Coquin lui fit des effets contradictoires : quand elle était avec les ensorcelés,
son destin lui paraissait évident mais quand elle s'interrogeait sur la réalité des sorciers, sa
mort semblait lui échapper.

1. Le discours des ensorcelé est le seul qui ait cours sur la sorcellerie, la mort de Pierre Coquin
était le vœux que Joséphine et Flora exprimaient librement (contrairement a l'ethnolographe).
Puisque sa désorceleuse lui dit qu'elle est menacée et après l'examination des cas,
l'ethnolographe se sent menacée et en danger, parce qu'elle était "prise". Mais si elle avait pu
se souvenir que le récit n'était pas fait par la famille Coquin mais par une ensorcelée et une
désorceleuse, la panique aurait été absente.
Les ensorcelés : dans un premier cas, les Bocains considèrent que les individus et les biens font
corps avec l'ensorcelé. Un ensorcelé peut ne pas être malade mais, sa femme, oui : celui qui
est visé c'est le chef de famille. Il y a la représentation d'un espace solidaire qui vaut. Par
contre, dans une situation ordinaire, quand il n'y a pas d'"anormal" les corps et les biens
marqués du nom du chef de famille sont considérés séparément.

Les sorciers : les enfants sont inclus dans un ensemble sorcier. Il y a trois issues ouvertes aux
enfants d'un sorcier :
v "Tel père tel fils" : l'enfant prend connaissance des livres de ses parents et devient sorcier
a son tour. Les sorciers ne sont jamais ennemis entre eux, ils sont nécessairement
complices. Il y a un ensemble sorcier dans lequel sont les deux éléments (le père et le fils)
et ils investissent deux ensembles ensorcelés. Le produit de cet investissement revient à
l'ensemble sorcier non aux particuliers.
v Quelques que soient les dispositions subjectives d'un individu, il n'en est pas moins "pris"
dans la définition de l'ensemble auquel il appartient. L'innocent est utilisé comme
conducteur involontaire. Le fils (innocent) est aussi celui qui est le plus vulnérable car il
ne dispose d'aucune force magique pour se défendre des attaques que les désorceleurs
soumettent au père qui, lui, les devient vers le fils.
v Conséquences du fils qui s'est rebellé : il est ensorcelé par son parent qui pompe tout de
même sa force vitale car il est ni inclu ni exclu de l'ensemble sorcier ; ou alors il est utilisé
comme conducteur de l'ensemble. Il ne peut donc pas faire appel à un désorceleur, par
exemple. S'il en sort (de l'ensemble) ce n'est que pour mourir.

2. Les repères subjectifs de l'ethnolographe ont vacillé en une occasion où l'éventualité de sa
propre mort s'était inscrite dans l'ordre du réalisable. Les sorciers se disent toujours innocent,
ce que les ensorcelés prétendent être le fait de leur hypocrisie fondamentale.

9

Deux accusations imaginaires :
a. Il existe des livres de magie dont on peut avoir hériter ou acheter à bas prix (chose
qui serait excentrique car ils doivent être ancien et ne pas faire intervenir de
transactions monétaires). Il est sensé y avoir aux pages de ses livres des inscriptions
tel que "tourne la page si tu l'oses/le peux/le veux/etc." Mais l'ethnolographe n'a
jamais rien vu de tel.
b. Les sorciers sont supposés pratiquer des rituels précis d'envoûtement. Mais nul ne
les a jamais vu faire. Les ensorcelés pensent que les sorciers sont comme cela car
ils possèdent des livres contenant les rituels précis d'envoûtement.


Hypothèses de la mort de Pierre Coquin :
1. Il y a peu de chances pour que ce soit le père et son beau-père qui lui aient posé des
charmes.
2. La liaison du père et du beau-père renforce l'impression que le pouvoir des sorciers est
illimité.
3. Plusieurs positions : le journal local voit sa mort comme un banal accident. Le bourg la voit
comme la triste fin d'un raté. Selon les ensorcelés, c'est le fait de la puissante sorcellerie du à
sa rébellion.
4. Il aurait été victime de son père et de son discours qui l'aurait, dès l'enfance, sacrifié.


Chapitre 9 : prendre à son compte.
(Voir annexe V pour une chronologie des évènements)

I. Malheurs inexplicables.
Les Babin racontent à l'ethnolographe une série d'infortune qui résiste à toute tentative
d'explications rationnelles. Il y avait d'abord les vaches avortées, Babin refusait de croire que
c'était le fait de la brucellose. Il y a aussi eu quelque chose qui marchait/faisait du bruit dans
le grenier.

II. L'autre sorcier.
Il y eu deux sorcier (voisin et oncle) qui semblent avoir opéré indépendamment l'un de l'autre,
étant d'ailleurs combattus par des désorceleurs distincts.

Le discours de Babin montre, en deux points, qu'ils sont bien ensorcelés :
• Depuis que Jean a repris la ferme, il y a des choses anormales.
• Certains symptômes ont été levés par un désorceleur, preuve qu'ils étaient de faits
magiques.
• L'étrangeté des symptômes dit à elle seule qu'il s'agit d'un sort.
• La spécialité de "l'homme de la tante" est de leurs envoyer des "beurrées". Ces beurrées,
qui suscitent la stupéfaction et qui font partie d'une sorte de végétal inconnu sont donc
interprétées comme étant du fait de la sorcellerie.

10

• Ils firent venir le curé de Torcé pour bénir les lieux mais la bénédiction resta sans effets
puisqu'il ne croyait pas aux sorts. (Il y eu un temps où les ensorcelés recevaient une
réponse religieuse et non pas thérapeutique.) L'ethnolographe demande alors comment
le sorcier s'y prend pour faire ses "tours de force" et la réponse suggère trois remarques :
1) l'ensorcelé ne peut vraiment savoir comment le sorcier opère, il ne peut que faire
une déduction après coup. De plus, quand le sorcier est identifié, le rôle de
l'ensorcelé est de ne plus avoir de contact avec lui, dès lors, il n'y a que le
désorceleur qui peut en dire quelque chose.
2) l'essentiel de ce que l'ensorcelé sait sur la sorcellerie, il l'a appris de son
thérapeute/désorceleur.
3) l'expression ouverte d'un désir ou la reconnaissance explicite d'un désir du sorcier
sur l'ensorcelé suffit à marquer le sorcier comme sorcier.
• Quand Jean tombait sous le regard du sorcier, il oubliait qu'il ne devait pas lui serrer la
main ni le regarder.
• Un preuve que les Babin étaient ensorcelés, c'est que les mesures prises par le curé mirent
fin aux phénomènes étranges et aux visites de leurs parents. Par contre, l'impuissance de
Jean, elle, n'est pas guérie mais elle est du fait d'un autre sorcier.
• La mort anormale de l'oncle constitue un signe certain de ce qu'il était bien sorcier. Une
personne serait entrée dans le café où se trouvaient les sorciers et aurait fait des
prédictions sur leurs morts à venir.
Les Babin lui demandaient d'occuper la place de désorceleuse ou même de cette personne
annonciatrice de vérité.


Chapitre 10 : rendre le mal par le mal.

Nul n'aura jamais le total de cette histoire. Ce qui est résolu pour l'ensorcelé marque
l'ouverture d'une crise et d'un récit distincts pour le sorcier présumé. Le récit montre
comment s'organise le discours aussi longtemps que le sort n'est pas levé ou que le symptôme
central n'est pas réduit.

I. Madame Marie d'Alençon.
Elle avait d'abord essayé de guérir Jean de son eczéma. Ce fut un prêtre venu prêcher le
carême qui le guérira entièrement grâce à des prières et la prise de levain le matin. Il aura
établi un lien sans équivoque entre les symptômes de Jean et la possibilité de se marier. Jean
a préféré le prêtre car c'était un homme et un prêtre et car il s'est contenté de soigner les
symptômes sans les mettre dans un contexte magique. Jean ne l'a plus engagée en tant que
désorceleuse car elle lui a paru "drôle", cette description justifiant son refus de l'engager,
donc. Elle leur disait de faire qqch sous peine que leur mariage soit un échec (après six ans,
s'ils ne faisaient rien) etc.

II. Madame Marie d'Izé.
Jean, paniqué, va consulter successivement cinq désorceleurs :

11

a) "La petite mère de Torcé" : elle avait levé les petits sorts et était "pour le bien". Elle avait
pu les guérir d'un sort faible de sorciers qui "tiraient" de l'argent, du lait, de la force, le desir
etc.
b) Quatres désorceleurs "pour le bien" : trois hommes et une femme. On lui dit que ses
malheurs persisteraient jusqu'à ce qu'il se suicide (l'ethnolographe remarquera que ce sera
surtout quand le désorceleur est proche de réussir). On fit alors appel à la "femme d'Izé".

1. Un sort encastré.
Histoire d'un père qui voulait tuer sa fille. Le sort est encastré dans le mur ("caricature" de la
fille dans les pierres). Le père en veut à sa fille depuis qu'elle est petite et particulièrement
depuis qu'elle a eu un enfant. Le voisin vient en tant qu'annonciateur. Les soupçons vont sur
le père Poisson, et il est à la fois le père de l'ensorcelée et le persécuteur objectif et contre qui
l'ensorcelée est sans recours. Madame Marie d'Izé vient les désorceler et elle réussit.

Les Babin en ont deux preuves indirectes :
§ le père a dit à sa fille (alors qu'ils n'étaient pas sensé se parler) : "surtout ne me fait pas
plus de mal qu'on ne t'en a fait". D'après eux, le sorcier s'est dénoncé par cette seule
phrase. Ils sont donc maintenant sur que le père Poisson était bien le coupable.
§ après le passage de la désorceleuse, la caricature d'Angèle (la fille) a perdu de sa "force"
et les symptômes ont disparus.

2. Joséphine ensorcelée.
Les parents de Joséphine sont ensorcelés. Dès qu'ils entrent, les désorceleurs sentent s'il y a
des forces. La preuve qu'il y a un sort est que le malheur se déplace d'une espèce à l'autre.
Certaines bêtes sont guéries avec du sel bénit. Les troubles s'inscrivent dans la série des
maladies de bêtes qui sont apparues à l'occasion d'un ensorcellement et n'ont pas cessé de se
reproduire quand ils sont contraints d'abandonner la ferme pour satisfaire à leurs obligations
sociales (enterrement, noces, naissances, communions,...)

Joséphine a établit une distinction entre deux types de douleurs :
a) Elle a les "vertèbres déviées" et elle allait se guérir chez le rebouteux.
b) Des douleurs transitoires apparaissant hors de toute causes mécaniques et
disparaissant sans raisons apparentes.

Joséphine pense que le voisin voulait marier son frère (de Joséphine) avec sa fille (du voisin)
mais le frère en épousa une autre. Ce serait Joséphine qui aurait tout prit car elle n'a pas été
veiller le père Filoche quand il est mort.
La sorcière serait la mère Filoche. Il y eut un affrontement silencieux entre elle et Joséphine.
La mère Filoche est pourvue des attributs ordinaires des sorciers : elle est increvable. La
désorceleuse est même venue d'elle-même.
Elle est à l'opposé des désorceleurs excentriques : elle est constamment engagé dans
l'affrontement surnaturel. On comprend alors l'attachement profond qui lie les ensorcelés à
leurs désorceleurs qui jouent leurs vies pour que le patient n'ait pas à le faire lui-même. Cette
position suppose un courage et une force extrêmes, expliquant le refus de certaines

12

personnes a se laisser initier. L'efficace de la cure passe par l'agencement d'un certain
discours, lequel tombe dans l'oubli quand il a produit son effet, laissant dans la mémoire de
l'ensorcelé le souvenir de la série de malheur et celui du moment où le rituel fut mis en œuvre.
À partir du moment où les sorcier ont été identifiés, les comportements changent et chaque
faits et gestes sont surveillés, interprétés. L'effet des accusations sur un sorcier, même
innocent, provoque en général la panique. Par contre, chez les Letort (ensorcelés), tout rentra
dans l'ordre.

3.Un rire démonstratif.
On a là un exemple de l'ambiguïté fondamentale du discours de sorcellerie.
§ C'est toujours le contexte qui décide du sens de l'expression "faire le tour" (sens général
= rendre visite, sens religieux = pélerinage qui cerné toutes les paroisses d'un certain Saint,
sens magique-agressif, sens magique défensif).
§ C'est la relation du locuteur avec celui qui "fait le tour" qui décide du sens de l'expression.

Ainsi, Jean Babin qui l'utilise à propos de son sorcier, met en évidence la vulnérabilité de
l'ensorcelé (les Angot) : on ne sait pas si Foubert vient pour rendre visite, comme le ferait un
beau-frère ou s'il cherche à cerner les biens de sa victime. En effet, le sorcier opère toujours
en se cachant et mieux vaut ne pas le surveiller pour ne pas s'exposer à son terrible regard.
Il n'y avait pas de dispute dans le couple Angot, et le mari faisait, par exemple, en sorte que la
femme n'ait pas de contact avec les vaches. N'ayant plus aucun recours, l'ensorcelé en vint à
l'affrontement avec son beau-frère. Les Babin (qui racontent l'histoire) expriment leur
jugement négatif à propos de la violence physique pour rompre un encerclement
(vérouillage/encrouillage) :
1. Il y a un contact physique dont le sorcier fera immanquablement un contact maléfique.
2. Le sorcier ne peut être battu que par une force magique supérieure, cette correction
par la victime ne devient qu'une raison de plus pour le sorcier d'employer des forces
magiques.

L'usage de la violence verbale serait tout aussi inutile : il ne faut pas que le sorcier sache
qu'on se doute de lui car ça peut engendrer un redoublement de haine.
Une défaite publique sans parole ni contact physique peut être faite : le sorcier est vaincu par
le rire du public qui prend parti de l'ensorcelé. Par contre, aucune personne du public n'aurait
donné un discours commun sur la chute du sorcier :
a) Il n'y a pas de reconnaissance commune d'un "sorcier du village", la sorcellerie
n'engage que deux familles.
b) Un ensorcelé, par peur du ridicule, ne parle pas de sorts.

Ce rire que l'ensorcelé a peur d'engendrer est tout de même un argument pour prouver que
telle ou telle personne est un sorcier : il serait une indication de l'opinion publique. Pourtant,
en aucun cas, le nom d'un sorcier ne peut devenir public alors que le nom du désorceleur peut
être répété par tous. D'ailleurs, un sorcier niera son statut tandis que le désorceleur se
reconnaîtra comme tel.

13

4. La copule.
La copule est le sachet que la femme d'Izé avait donné aux Babin pour annuler la prédiction
de la femme d'Alençon qui leur disait que "d'ici 6 ans, ils ne seraient plus ensemble s'ils ne
faisaient rien". Dedans, il y avait des herbes, un morceau d'acier d'une faucheuse et un clou
droit (chose étrange puisque les clous droits sont réservés à ceux qui ne sont pas "pris dur").
En demandant d'ouvrir la copule, ils conclurent en l'ethnolographe la nouvelle désorceleuse
qu'ils attendaient et tentèrent de lui en faire prendre la place.

III. Si vous vous sentez capables...
Il y eu trois types de réactions à l'étude de l'ethnolographe :
• ce n'est pas de la science ;
• elle est psychotique ou en tout cas gravement névrosée ;
• on attend qu'elle rentre après s'être rendue compte de l'impossibilité de subjectiver le
terrain.

Si, dans le bocage, on voulait la payer, c'est qu'il y avait inversion des positions puisque,
normalement, c'est l'ethnolographe qui renumère ses informateurs. Ainsi, l'ethnolographe
ayant pris une place de désorceleuse auprès de Joséphine et Jean Babin, elle reçu un
payement (volaille). Elle se sentais mal à l'idée d'être payée car elle ne se reconnaissais
d'aucune tradition magique (ce sera différent plus tard où elle deviendra l'assistante de sa
désorceleuse).
La mort de la désorceleuse Marie d'Izé était vu comme une défaite. Puisqu'il s'agit de sort,
toute mort a pour cause les sorts. Quel que soit le physique d'un désorceleur, il est interprété
comme le signe visible de sa force magique.

Raisons pour lesquelles les Babin n'ont pas été chez Madame Auguste :
a) Avant le sort, Jean était fort et reconnu pour cela. Maintenant, il se définit comme un
être fondamentale faible. Et il est impossible pour lui de demander la guérison de sa
faiblesse à une forte femme (force magique / physique / de caractère).
b) La femme d'Izé a tenté d'isoler son impuissance sexuelle de l'ensemble des
symptômes. Mais en changeant de désorceleur (le curé de Torcé), ils pouvaient se
demander si la copule servait encore à quelque-chose.
c) Le curé de Torcé fut aisément le vainqueur des sorciers secondaires mais se déclara
impuissant devant l'impuissance de Jean. Mais, dès lors, il maintenait ce symptôme
ultime dans un isolement relatif.
d) À la mort de Madame Marie, Jean fut à nouveau dominé par le regarde de son sorcier
principal (Ribault) et, au lieu d'aller voir madame Auguste, il se jeta dans une crise
d'ivrognerie qui le conduisit à l'hôpital psychiatrique.

Ils identifièrent des points communs entre Madame Marie et l'ethnolographe et l'identifièrent
donc comme leur désorceleuse. Elle est donc passée du côté du savoir magique qui ne doit
pas rencontrer le savoir positif. Mais Jean ne souhaitait pas engager en son nom propre
quelque cure que ce soit, il préfèrait consommer passivement les médicaments du docteur.
Vu son ambiguïté, l'ethnolographe pris alors la décision de se distancer un peu, laissant à Jean

14

le loisir de la rappeler ou non. Mais qu'elle lui ait offert la possibilité de faire appel à elle le
conforta et le calma. Mais, puisque la parole appelle à l'engagement de l'ensorcelé et du
désroceleur, l'ethnolographe n'avait plus de raison de retourner les voir.


Chapitre 11: N'y pas trop croire.

Elle alla retrouver les Babin 16 mois plus tard pour leurs proposer les services de Madame
Flora avec qui l'ethnolographe entreprit une cure désorcelage après qu’un annonciateur lui
ait fait une remarque. En effet, elle fut considérée comme ensorcelée par tous les discours
qu’elle écoutait des ensorcelés. Madame Flora la désorcela et l'aida même dans son
entreprise, la laissant assister à ses consultations. Sa proposition des services de Madame
Flora pour les Babin était fondée sur sa certitude qu’ils souhaitaient être désorcelés et qu’ils
n’avaient pas pu l’être qu’à cause des circonstances.
Maintenant qu’elle avait rencontré Madame Flora elle comprenait mieux pourquoi elle avait
pu décevoir les Babin :
1. Même quand une cure de désorcelage passe exclusivement par les mots, cela n’était
jamais dit expressément.
2. De toute façon, ces mots sont prononcés dans des situations ritualisées.
3. Même si l’ensorcelé assume sa demande de cure et son souhait que meure le sorcier,
le désorceleur « prend tout sur lui », y compris le non-dit du patient qu’il exprime à
sa place avec beaucoup de violence.

Et pourtant, Jean allait lui opposer un refu devant sa proposition et Joséphine décidera
d’entreprendre seule la cure. Jean était dans une situation inextricable du point de vue de la
sorcellerie. Le chapitre est consacré à comprendre comment elle peut le dire et comment il
peut le vivre.

I : Si elle peut travailler sur la photo...
Après 16 mois, tout était normal à part l’impuissance de Jean. Il avait même tenu tête à son
sorcier principal, Ribault.
Joséphine affirme qu’elle ne retournera plus chez le docteur avec Jean car ce même docteur
avait profiter de leur visite pour combattre leurs convictions qui, d’après lui, ne collaient pas
à la réalité. Joséphine s’est sentie humiliée face au discour moralisateur du docteur. De plus,
il tenta de les convaincre que la raison de l’impuissance de Jean n’incombait non pas à un sort
mais à Joséphine. (Quel connard...) Surtout que c’était sans doute le contraire puisque Jean
était toujours effrayé qu’elle tente d’éveiller son désir et qu’il attendait qu’elle soit endormie
pour la rejoindre dans le lit conjugal.
C’est lorsque Joséphine parla du fait que certain pensaient que Jean était un sorcier que
l’ethnographe eu du mal à retranscrire les paroles. Elle explique qu’elle était parfois prise
d’amnésie et, lorsqu’elle enregistrait les entretiens à l’aide d’un magnétophone pour pallier à
ce problème, en réécoutant les enregistrement, elle était incapable de noter une partie de
l’entretient, celle-là même qu’elle ne voulait pas entendre. Son hypothèse est qu’elle ne
voulait pas entendre le récit en question parce que le prendre en considération l’aurait
15

conduite à réviser la version qu’elle s’était constituée de l’histoire des Babin. Si l’origine
première des troubles était une accusation de sorcellerie, qu’espéraient-ils d’un désorceleur
et que lui avaient-ils demandé 16 mois plus tôt ?
Si Jean « n’y croyait pas trop » aux sort, c’est parce qu’il avait expérimenté les limites des
compétences des désorceleurs :
a) L’un d’eux l’avait accusé à tort d’avoir ensorcelé son voisin.
b) Aucun désorceleur n’avait jusqu’ici été capable de lever les sorts dont il était victime.

Mais il ne devait pas s’étonner que ses thérapeutes ou ses désorceleurs aient échoués de le
guérir s’il leur omettait à eux également qu’il ait, un jour, été sorcier pour quelqu’un même,
et surtout, si l’accusation était injuste. C’est une situation typique : celle où l’ensorcelé se dit
comme tel après une accusation de sorcellerie. En effet, pour tout ensorcelé, il existe un
sorcier dont la survie dépend de son aptitude à répondre à l’accusation.
Joséphine considérait que, si son époux ne guérissait pas, c’était à cause de « son sang
puissant, ça le travaille ! » et tenait régulièrement en échec la « force » des désencrouilleurs.
Jean refusera de travailler avec Madame Flora à moins qu’elle ne le fasse par photo, ce qu’elle
ne faisait que si le sorcier était dans la famille mais l’ensorcelé devait y aller, lui.

II : L’ensorcelé sorcier
Le désorcelage de Joséphine fut comme les précédent, inefficace et les Babin étaient toujours
incapable de consommer leur mariage. Joséphine ne dit pas un mot à Madame Flora de
l’accusation dont son époux avait été l’objet mais en parla beaucoup à l’ethnographe après la
révélation. Elle put le faire car elle l’avait définitivement déchue du statut de désorceleuse
chargée de son destin.
Jean était véritablement devenu un ivrogne après qu’un voisin (Nouet de La Guimetière) l’eut
accusé d’être un sorcier : le désorceleur des voisins leur avait dit que la première personne
qui leur demanderait un service serait leur sorcier. Ce fut Jean dont la mobilette tomba en
panne devant chez eux et leur demanda un outil. Depuis, il ne veut pas trop y croire.
NB : quand c’est l’accusé qui parle du désorceleur de son accusateur, le procédé invoqué pour
reconnaître le sorcier est toujours rudimentaire, sinon stupide.
Chacun interpréta l’ivrognerie soudaine de Jean comme l’effet d’un sort.

L’histoire des Babin illustre la situation dans laquelle un ensorcellé, « pris » dans la répétition
du malheur biologique à la suite d’un accusation de sorcelleire, se trouve devant l’impossibilié
d’en faire état à son désorceleur. Imposibilité propre au discour de sorcellerie.
La question est donc de savoir, puisqu’il y autant de sorciers que d’ensorcelés, comment les
nombreux accusés parviennent à s’arranger d’une semblable imputation.
3 voies :
1. L’accusation les atteint de plein fouet : ils savent que l’accusation est fausse mais ils
sont tellement convaincu de l’efficacité magique qu’ils se conduisent comme des
condamnés à mort. Certains meurent effectivement (mère Chicot), d’autres quittent
le pays (Tripier).
Les survivant de cette catégorie n’étaient pas interrogeables puisqu’ils n’avaient de
chance de pouvoir subsister qu’à condition de taire la passer. Mais l’ethnographe ne

16

voir pas ce qu’ils auraient pu dire puisqu’ils ne pouvaient prétendre que l’accusation
était injuste et en même temps expliquer que les rituels du désorceleur ait pu les
atteindre si profondément.
2. Le sorcier présumé répond par ironie et le sarcasme : « je ne suis pas ton sorcier parce
que les sorts n’existent pas, ce sont des croyances d’arriérés mentaux ». Si cette
position est tenue, le désorceleur n’a aucun effet. Certains avaient quand même des
contradiction, affirmant ne pas croire au sort mais se vantant que leur sang fort avait
mis le désorceleur en échec. D’autres voient simplement que les imputations des
accusateurs n’avaient eu aucun effets, cela ne pouvait que vouloir dire que ce n’était
pas eux, les sorciers.
3. D’autres, comme Jean, déclarent ne pas y croire mais leur comportement ne cesse de
démentir leurs paroles. Ils entrent dans un processus de réinterprétation de leur
histoire jusqu’à la présenter comme celle d’un ensorcelé ordinaire. Il faut donc
supprimer toute allusion à l’épisode de l’accusation et trouver un désorceleur capable
d’authentifier l’histoire remaniée.

Les allusions à l’accusation de Jean n’avaient pas échappé aux précédentes désorceleuses.
Par exemple, la femme d’Alençonne put guérir l’eczéma de Jean, prenant en compte les
sorts, contrairement au curé de Torcé qui ne prit en compte que le symptome.
Il est cependant intéressant de remarquer que Joséphine puisse dire à la fois que le
désorceleur de Nouet (l’accusateur de Jean) a jeté un sort à son époux et que les sorciers
de Jean se nomment Ribault et Chicot.
La nommination de Ribault allait de soi puisqu’il était manifestement mécontant du choix
de Jean d’épouser Joséphine au lieu de sa servante.
La nommination de Chicot est plus complexe. C’est l’installation de Jean qui leur a déplu.
Mais c’est aussi parce qu’ils avaient entretenu un lien étroit avec La Guimetière. Ce serait
Chicot (ancien propriétaire de La Guimetière) qui ensorcelait les Nouet et l’accusation,
ainsi que le sort, seraient tombés sur Jean.

Façon dont le nom du désorceleur des Nouet fut occulté à profit de celui de Chicot :
1) Les Nouet sont ensorcelés (-) et sont affectés du fait d’un sorcier surpuissant (+).
2) Les Nouet font appel à un désorceleur qui conduit Nouet à désigner Jean comme
sorcier. Il y a donc les Nouet (-) d’un côté et le sorcier Chicot (+) de l’autre ainsi que
Jean, supposé sorcier (+) mais en fait (-) et enfin le désroceleur (+).
3) Le désorceleur engage un combat avec Jean, étant naturellement très faible, qui
est aisément vaincu. Mais aucun retournement de force ne s’opère puisque Jean
n’en avait déjà pas. Mais le rituel du désorceleur (+) produit un autre
retournement : il transforme Jean, individu sans force magique (-), en ensorcelé.
4) Le sorcier initial n’a pas perdu sa force et, comme tout sorcier, est contraint de
l’utiliser sans relâche, sous peine de voir cette force se retourner contre lui et la
détruire. Ean est alors une victime toute désignée pour Chicot qui l’ensorcelle
directement, cette fois.
5) Jean ne peut faire appel à un désorcelé qu’à condition de taire le passé et de faire
commencé sa carière d’ensorcelé au moment où il a « pris à son compte ». Ils ne

17

purent être débarassé de Chicot que par des désorceleurs bénévoles, les autres se
désistant devant leur silence ou face à l’évocation de l’accusation.

Les Babin lui parlèrent de Chicot pour deux raisons :
• Ils avaient été fasciné par la mort de récente de l’« homme de la tante » (mère Chicot).
• En lui faisant le récit, ils lui désignaient la place où ils entendaient qu’elle se tienne : celle
d’une désorceleuse occasionnelle tout comme ces deosrceleurs bénévoles.

Jean ne fut pas guérit de son impuissance car il n’alla jamais voir Madame Flora. Nul ne saurait
guérir quelqu’un pour qui le maintient de son symptome central est une question de vie ou
de mort. Car son impuissance est le seul moyen quil ait trouvé pour s’affirmer comme un sujet
autonome face à sa famille qui avait décidé de son destin (il était intelligeant et doué pour
l’étude, il aurait voulu devenir infirmier mais sa familles s’y opposa. De plus, il ne voulait pas
épouser sa belle-soeur et, bien qu’il estime pour elle de l’estime et de la tendresse, il ne
semble pas l’avoir jamais désirée.).

Il est très probable que les personnes accusées d’être sorcier parviennent à transformer leur
histoire en celle d’un ensorcelé. Si on considère :
§ que les accusés sont innocents.
§ Qu’il est difficile d’échapper au discours de la sorcellerie. On est conduit à supposer qu’une
grande proportion des ensorcelés est constituée d’ancien sorcier présumés. Cette
accusation appartenant à un passé forclos dont personne en provenance de l’extérieur
n’en saura jamais rien.

Trois conditions doivent être remplies pour que la transformation de « sorcier » à
« ensorcelés » puisse se faire :
a) Celui que l’ensorcelé auccuse ne doit avoir aucun lien avec celui qui l’a autrefois accusé.
b) Il doit assumer la responsabilité de ne pas « tout dire » à son désorceleur. C’est aussi le
seul moyen qu’a chaque ensorcelé pour ne pas se trouver aliéné au désir du désorceleur.
c) Sans pouvoir en parler, l’ensorcelé doit pouvoir s’arranger de la contradiction : « s’il est
vrai que je puisse être ensorcelé du fait d’un sorcier, personne ne peut me mettre à la
place du sorcier ».

L’accusation ne peut être dite et le discours de sorcellerie ne peut être fait qu’à condition de
laisser chacun se débrouiller en silence. Il ne faut pas en conclure que ce discours est plus
faux ou illusoire qu’un autre mais, comme tout discours, il trouve à la fois la condition et la
limite de son efficacité dans l’occultation d’une partie du réel.


Chapitre 12 : En attendant la suite.

L’ethnographe distingue deux catégories de forces : la force vitale et la force magique. La
force vitale circule tandis que c’est la force magique qui la fait circuler.

18

Un crise de sorcellerie consisterait en ceci : un sorcier attire à lui la force vitale d’un individu
dépourvu de moyens magiques de défendre sa force vitale. Quand un ensorcelé est ainsi
investi, il fait appel à un désorceleur, étant capable de lui opposer une force magique plus
intense pour restituer la force vitale à l’ensorcelé. La défaite du sorcier se traduit par une
perte de sa force vitale pouvant conduire jusqu’à la mort.
L’objet du livre est de prendre la force magique au sérieux, sans la désigner comme erreur de
logique ou croyance.
Les Bocains, eux, ne distinguent pas deux types de force et n’utilisent qu’un terme : « force ».

I.Concepts et présupposés.
1.L’ensorcelé et son domaine
Le sorcier vise le chef d’une exploitation, qui est aussi le chef d’une famille : c’est toujours lui
qu’on dit ensorelé, même s’il ne souffre de rien.

Le sorcier met en place une graduation à ses effets en fonction de deux critères :
• La distance qu’entretient l’élément visé avec le chef de famille.
• La résistance de chaque éléments à l’agression magique.
Cela suppose que l’attaque de sorcellerie s’inscrive dans la durée.
L’élément attaqué ne l’est jamais pour lui-même mais en fonction de sa relation avec le chef
de famille/d’exploitation car c’est son domaine et l’attaque vise le possesseur qui est affecté
par ce qu’il advient d’un élément de son domaine. Dans un tel ensemble, on ne sait distinguer
corps et biens car ils font tous corps avec le possesseur.

2.Potentiel bio-économique de l’ensorcelé
L’ensorcelé et/ou chacune de ses possessions est atteint dans sa « force », sa force vitale (ou
encore potentiel bio-économique), c’est-à-dire dans sa capacité de :

o Survie.
o Reproduction.
o Production.

Trois dimensions qui ne sont pas distinguées dans le parlé local. Un sort est plus « dur » s’il
atteint la survie et moins « dur » s’il atteint la production. Mais à terme, c’est la capacité de
survie qui est en question et c’est pourquoi il n’y a pas lieu de distinguer les 3 dimensions.

3.Les deux présuppositions du système :
a) Il n’existe pas d’espace vital vacant, pas de nouvelles frontières à conquérir : tout
l’espace vital est marqué au nom du possesseur.
b) Quel que soit la situation envisagée, il y a deux points de vues à distinguer :

§ Topologique : tout chef de famille est pourvu d’un domaine à son nom
(dimension du visible).
§ Dynamique : ce domaine est investi par la force du possesseur (dimension de
l’invisible).

19


4.Suffisance ou excès de force par rapport à l’espace
Toplologiquement, il y a un espace vital limité au nom du possesseur. Dynamiquement, il peut
y avoir deux situations :
• Cas de l’indiviu quelconque :
On ne parle pas de magie tant que la force d’un individu s’investi intégralement dans
le périmètre de son domaine, dans la limite de son nom.
• Cas des possesseurs de force magique :
Les sorciers sont capable d’accroître leur potentiel bio-économique, leur activité n’est
pas contenue dans ce système de nom et leur force excède leur domaine. Force qui
ne peut être repérée directement mais seulement par des interprétations de la part
des ensorcelés. La force des sorciers sont d’une grandeur inconnue mais bien
suppérieure à celle des ensorcelés. Les sorciers sont aussi des êtres jaloux, parce que
son domaine lui est toujours insuffisant à utiliser la totalité de sa force. Le sorcier a de
la force mais la force a le sorcier.
Les sorciers « se communiquent » et « font masse », ils ne s’attaquent jamais entre
eux.

La force des désorceleurs ne se repère pas non plus de façon directe. Les ensorcelés
voient les désorceleurs pratiquer des rituels, ceux-ci agissant à distance.

Toute atteinte à la force magique, du sorcier ou du désorceleur, se traduit par un effet sur les
éléments du domaine où la force est investie. Le reste n’est que déduction.
Pour des paysans que l’ont dit stupides, l’invention d’un tel système suppose un certain talent
philosophique.

III.L’attaque de sorcellerie et sa parade
L’attaque de sorcellerie est la force excédentaire du sorcier qui vient investir de la victime et
faire intrusion dans le domaine de l’ensorcelé. L’effet visible de cette attaque est une
diminution du domaine de l’ensorcelé et le domaine du sorcier qui s’accroît. L’effet invisible
c’est la force qui circule de l’ensorcelé vers un sorcier qu’on ne voit pas.
La force « magique » du sorcier est d’autant plus grande que :

• Le sorcier n’est pas identifié, tant qu’il n’est pas contenu dans le système de nom.
• Acune force magique ne vient se placer contre la sienne pour y faire obstacle.

Lorsqu’un sorcier est maîtrisé par un désorceleur, il est dans un état comparable à celui de
l’ensorcelé, menacé de ruine et de mort.
Le sorcier est un être dont la force n’a pas de domaine propre puis que celle-ci l’excède
toujours, ainsi, l’ensemble du sorcier qui est marqué du signe (-) dû au manque que celui-ci
éprouve. Mais quelques éléments de cet ensemble, prélevés à autrui, sont eux marqués du
signe (+).
Le désorceleur apparaît et les ensorcelés définissent son statut par deux caractéristiques :

20

1. Il n’est pas jaloux comme le sorcier, il ne veut pas s’emparer des possessions d’autrui. S’il
veut s’enrichir, il passe par les voies ordinaires. Et, puisque son espace vital lui suffit, il
peut marquer son domaine d’un signe (+).
La preuve ne est qu’il ne prélève pas de possessions pour lui-même quand il est vainqueur
d’un sorcier.
2. Pourtant, comme le sorcier, il a une force excédentaire et il se considère comme
manquant des parties des parcelles de domaines qui ont été dérobées à ses patients (on
peut donc aussi lui attribuer un signe (-)) mais, puisque son domaine lui suffit, ça n’entraîne
aucun accroîssement de ses possessions. Cette conception suppose que le désorceleur
fasse corps avec l’ensorcelé.

Parce qu’il dispose de (+) et de (-) le désorceleur peut faire office de transformateur logique :
avec son (-), il vient bloquer le (-) du sorcier tout en branchant son (+) à l’ensorcelé. Son (-)
étant utilisable que contre un être pourvu, lui aussi, d’un signe (-).
Les désorceleurs n’attaquent jamais personne qui ne fait pas de mal à leur patient mais les
ensorcelés ont quand même des doutes, quelques fois, sur l’utilisation qu’ils peuvent faire de
leur signe (-).
Pour que l’interposition réussisse, il faut que le (-) du désorceleur surpasse celui du sorcier
et, s’il échoue, le désorceleur peut déclarer forfait en prétendant ne pas être assez fort.

Conséquences d’un désenvoûtement réussi :
• L’ensorcelé récupère son domaine initial tandis que le sorcier voit diminiuer le sien et
celui du désorceleur restant constant (avec une déperdition si momentanée qu’il est
inutile de le dire mais bref).
Le sorcier perd d’une part la partie qu’il avait dérobée à l’ensorcelé et d’autre part une
autre parcelle due à la punition que lui inflige le désorceleur pour ses intentions non
réalisées. Cette part sortira du circuit : si elle revenait au désorceleur, il ne pourrait plus
prétendre au signe (+) car il serait manquant de quelque chose et deux sorcier ne peuvent
s’attaquer mutuellement.
• Le sorcier est appauvri par sa défaite et va de toute urgence attaquer une autre victime
pour refaire le plein de possession dont il est doublement manquant. Il peut le faire en
espérant que sa prochaine victime, ne sachant rien de sa défaite puisque les choses sont
tenues secrètes, lui oppose un désorceleur plus faible. Il est « focré de jouer un tour
chaque jour ».

21

Vous aimerez peut-être aussi