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Christophe MOUNIER

Mise au vert : deux mois,

Mis en vers… par moi !

Éditions Rhymet
Christophe MOUNIER

Mise au vert : deux mois,


Mis en vers… par moi !

Eh, dis… Si on rimait ?


Un jour on oubliera défaites,
Déboires, déroutes, désastres
En faisant de nouveau des fêtes
Placées sous le signe des astres.

Quand sortir devient interdit,


Il nous reste les mots qu’on dit,
Pour désarmer l’anxiété
Baignant avec satiété
Nos regards désormais avides
De ne pas se mouvoir à vide.

Mais malgré la mise en demeure,


Nul ne peut faire que se meure
L’ardente étincelle des yeux,
Tels deux amants silencieux
Dans le désert d’isolement
Des villes en confinement.

Prenons le temps de voir autrui,


Offrons-lui de l’amour gratuit,
Laissons aussi croître en nos cœurs,
Comme d’enivrantes liqueurs,
De viscérales passions
Pour gommer nos crispations.

Profitons de ces portes closes


Et accordons-nous une pause,
Quand la mort lève son tribut ;
Que tous rallient leur tribu,
Qu’ils parlent de la vie et rient,
Ivres de riches rêveries.

Je veux voir s’ouvrir les fenêtres,


Entendre un chant d’espoir renaître,
Repris par cent voix inconnues,
Fortes de maints cris retenus,
Ranimant les énergies lasses
Qui s’éploient enfin et s’enlacent…
15 mars

Il faut combattre le pire


Avec les armes du rire.
16 mars

Rien de plus facile


De s’en sortir
Pour chacun s’il
Reste sans sortir.
17 mars

Même si l’on est confinés,


Il va bien falloir in fine
Oublier ces remparts obscènes
Et mettre notre vie en scène…
Donnons des couleurs au matin,
Habillons nos nuits de satin,
Pour faire que reste lointaine
La crise de la quarantaine.
18 mars

Pour que le confinement


Reste con, mais finement,
Il faut bien l’organiser
Car il va s’éterniser.
19 mars

Voir le confinement décrété


En éduquant les mentalités
Pourra-t-il permettre d’écrêter
Cette vague de mortalité ?
20 mars

Toi qui nous prends pour cible,


Ennemi invisible,
Tu n’es pas invincible,
Et sache, nuisible
Hautement transmissible,
Qu’unis, indivisibles
Face au mal indicible,
On a l’espoir plausible
Tous d’être insubmersibles
Pour qu’une vie paisible
Redevienne possible
Sans qu’on pète un fusible !
21 mars

Sans cesse il faut dire : Pas le moindre contact !


Aux cons - mais avec tact,
Dans le but d’éviter que chacun ne contracte
L’affreux virus. Dont acte.
22 mars

Je voudrais t’attraper, sale petit covid,


Pour te dire en face tes quatre vérités.
Mais tu es si minus, je ne parle qu’au vide,
Hélas pour ces blâmes que tu as mérité !
23 mars

N’imitez surtout pas les Russes


Qui ingèrent de la vodka,
Croyant échapper au virus,
Car ce n’est nullement le cas.

Pour éviter la mise en bière,


Miser sur un abus d’alcool,
Absinthe, whisky, rhum ou bière,
N’a rien du parfait protocole.

Plus que boire une Corona,


C’est rester là où l’on habite
Qui nous sauve du corona
Et empêche… la mort subite.
24 mars

A force de confinement
Mes jours sont paisibles mais gris,
Et je vis si mesquinement
Qu’en fin de compte je m’aigris
Car ce long enracinement
M’ôtant l’appétit, je maigris.
25 mars

Il y aura dorénavant,
On le sait déjà, un avant
Et un après ce mauvais vent.
Confinés comme en un couvent,
Nous voilà déroutés devant
Ce séisme si éprouvant
Qui nous bloque sur le divan…
On doit trouver des adjuvants,
Des exutoires captivants
Des moments de plaisir fervent,
Des apprentissages savants,
Des comportements innovants
Pour passer ce temps énervant
A des agréments motivants
Qui le rendent moins décevant.
Mentalement, oui, c’est crevant,
Et les ordres nous entravant
Donnent envie bien trop souvent
D’aller dehors en n’observant
Pas la règle, ainsi aggravant
Un état déjà éprouvant.
Mon conseil est donc le suivant :
Même coincés jusqu’à l’Avent,
Subsistez en vous activant,
Buvant, mangeant des vol-au-vent,
Ecrivant, rêvant, cultivant
Vos hobbies, sans qu’un dissolvant
N’y mette un terme, nous prouvant
L’erreur de faire le brave en
Bravant les lois et s’absolvant
D’elles : n’allez pas au-devant
De gros ennuis vous desservant.
Et si l’avenir qu’on nous vend
A moins de fun qu’auparavant,
Vous rend déprimés ou bavants,
Soyez un cas non émouvant –
Restez chez vous, restez vivants !
26 mars

Nous eussions aimé très fort


Que le succès couronnât
Nos méritoires efforts
Contre ce vil corona…
27 mars

J’adore les auteurs qui jouent avec des mots,


A l’art aussi subtil que ciseleurs d’émaux,
Sculpteurs ou orfèvres, car ils font mes délices,
Fleuristes agençant des roses et des lys
Pour susciter dans l’âme un bouquet d’émotions –
Et j’en suis sans trêve l’agent de promotion :
Ainsi, dès le réveil, quand j’entends le coq tôt,
Je me délecte aux poèmes de Jean Cocteau ;
Sur le coup de midi, à l’heure où vaquent nos
Hardis cordons-bleus, je relis du Queneau.
Puis, lorsque je me sens, tel le zèbre ou l’hippo,
Prisonnier au zoo, je convie l’Oulipo :
Même en confinement, la pratique des livres
Aiguise l’intellect et du stress nous délivre.
28 mars

Fini le temps de l’insouciance…


Même quand disparaîtra le mal,
Nous aurons appris que la science
N’offre qu’un garde-fou minimal.

La mort est venue rôder tout près,


Et l’on sait par ce revers cuisant
Qu’il faudra toujours se tenir prêt
En profitant de l’instant présent.
29 mars

A force, le confinement, ça pèse…


Alors pour que ce désarroi s’apaise,
Puisque l’on a bien du temps à tuer,
Utilisons-le pour effectuer
Toutes les tâches repoussées sans fin
Jetons-nous dessus tels des morts de faim.
30 mars

Je déteste les mots virus, déclin,


Deuil.
J’aime largement mieux faire des clins
D’œil.
31 mars

Vous qui subissez ce poison d’avril,


Je vous souhaite de n’être fébriles
Ni dans votre corps ni dans votre tête,
Bien qu’on ne puisse lui crier : Arrête !
Ce méchant virus aux effets barbares
Nous empêche tous d’aller dans les bars,
Mais ayons l’esprit positif au lieu
De nous lamenter, bloqués en un lieu :
Sachons rester frais comme des gardons
Dans cette tempête et surtout gardons
Le moral, qu’en haut toujours il se perche ;
Tendons pour ce faire aux autres la perche,
Phosphorons un max en mangeant des truites
Sans dire aigrement : Ma vie est détruite…
Bref, cette épreuve nullement ne m’empêche
Sur tous les tons de dire : Ayez la pêche !
1er avril

Confiné, si tu es juste un type au logis


Relevant malgré toi de la typologie
Des hommes qui s’ennuient, bois du thé au logis,
Révise les bases de la théologie,
Cesse de traînasser, l’âme usée, au logis,
Deviens un connaisseur en muséologie
Cuisine choux, poireaux et radis au logis,
Suis des cours en ligne sur la radiologie,
Ne te sens plus misanthrope au logis
Initie-toi à l’art de l’anthropologie
Elabore du rhum arrangé au logis,
Consacre des heures à la géologie,
Pourchasse le cafard ou la mite au logis,
Relis les histoires de la mythologie,
Prends le temps de ranger ton fourbi au logis,
Vois des blogs de chimie et de biologie,
Construis des maquettes, frégate ou aviso au logis,
Potasse des bouquins sur la zoologie,
Compose des morceaux de musique au logis,
Et dans ce but apprends la musicologie,
Rends-toi chaque jour beau comme un astre au logis,
Prédis ton avenir grâce à l’astrologie ;
Crée des champignons en céramique au logis
Avant de t’adonner à la mycologie,
Oublie que tu avais de la honte au logis
En pratiquant morale, logique, ontologie :
Mais ne reste jamais sans idée au logis,
Que cela constitue ton idéologie,
Même si tu ne fais d’inepties qu’au logis
Ce sera positif pour ta psychologie,
N’aie plus de malaise qui te hante au logis,
Rédige des recueils et des anthologies,
Car sache-le, celui qui s’est mis au logis
A travailler peinture ou sémiologie
Ne manque en aucun cas de méthode au logis –
Voilà la plus belle des méthodologies !
2 avril

Imaginons un peu que l’odieux virus


Soit arrivé chez nous par des voyageurs russes
Aux premières années du siècle précédent :
Aurait-on vu la France entière sur les dents,
Critiquant sans filtre le tsar et Raspoutine
Ou, comme de nos jours pour Vladimir Poutine,
Se serait-elle tue humblement ? Si Zola
Avait recommandé que chacun s’isolât,
Les gens seraient-ils tous partis se confiner ?
Aurait-on dû sévir contre les obstines ?
Et pour le scolaire, comment faire à l’époque,
Quand aujourd’hui déjà le contexte provoque
Du spleen chez chaque élève, y compris les brillants ?
Sans aide informatique, Aristide Briand
Voire Georges Leygues seraient-ils parvenus
A ce que malgré tout l’école continue ?
Et je ne parle pas de ce télétravail
Si utile à présent, une belle trouvaille
De la modernité… Combes ou Clémenceau,
Qui ne pouvaient pourtant être tenus pour sots,
Auraient-ils vraiment su sauver l’économie
D’un pays entravé par une pandémie ?
Pas sûr… Estimons-nous par conséquent chanceux,
Nous sommes équipés, contrairement à ceux
Qui vivaient autrefois, pour résister au mal
Et revenir bien vite à un état normal !
3 avril

Je voudrais tellement que ma plume légendaire


Devienne légère comme le courant d’air
Pour nous faire oublier l’espace d’un instant
L’étrange pesanteur qui sévit en ces temps…
4 avril

Même si notre avenir est opaque,


Achetez durant les fêtes de Pâques,
Plutôt que nombre de bières par pack,
Quelques kits de survie en multi-pack…
5 avril

Suite au confinement, les enseignants


Récriminent à l’envi, se plaignant
D’un supplément de travail contraignant.
Mais ce n’est rien par rapport aux soignants,
Qui fournissent un labeur astreignant
Sans se montrer timorés ou feignants,
Et, malgré cette pandémie régnant,
Suivent les consignes leur enjoignant
D’accomplir leur tâche, s’ingéniant
Sans trêve à sauver des vies en joignant
Tous leurs efforts. Ne soyons pas geignants,
Oublions nos discours vains et gnangnan,
Honorons chacun d’entre eux, témoignant
Notre gratitude en mots poignants
Envers ces héros jamais ne craignant
D’affronter certains gros inconvénients…
6 avril

Nul n’aurait pu dire hier encore


Que nous vivrions un temps nouveau,
Qui nous retournerait le cerveau
En contraignant chacun à s’enclore…
Où sont-ils, les devins, les prophètes,
Quand il faut annoncer que le pire
Vient tous nous pomper comme un vampire
Et que demain rime avec défaite ?
7 avril

Nous sommes tous égaux devant la loi…


Ou bien un virus de mauvais aloi,
Et le puissant comme le misérable
N’a point une chance considérable
De s’en tirer s’il ne respecte pas
Les recommandations car le trépas
Est à craindre pour tous les imprudents.
Alors quand on veut fuir l’impudent,
Il faut appliquer les gestes barrières :
Efforçons-nous d’assurer nos arrières
En restant à chaque instant vigilants
Durant ces lents moments horripilants…
8 avril
Il faut que le monde connaisse
Une crise sans précédent
Pour qu’il change enfin et renaisse
Par un mouvement ascendant.
Le virus n’en a pas fini,
Mais déjà les choses bougent –
Dommage que craque le vernis
Juste quand on est dans le rouge !
9 avril

La solidarité cesse d’être un concept


Pour s’expérimenter dans la vie quotidienne,
Si naturellement qu’elle se fait précepte
Chez la plupart des gens comme une saine antienne.
Cet état de grâce va-t-il se prolonger
Quand se terminera le confinement
Ou redeviendrons-nous des sans-cœur enragés
De nouveau fourvoyés dans nos égarements ?
La réponse d’ici trois ou quatre semaines
Pour savoir s’il faut croire en la nature humaine…
10 avril

A Christina
En quelques semaines, cent mille morts, ça cube !
Alors certains se repaissent d’apéricubes,
Pour oublier que rôde un virus, tel l’incube,
Et prier que jamais au fond d’eux il n’incube…
11 avril

C’est dans l’adversité qu’on se révèle,


A soi, et aux autres. La routine nivelle,
Les écueils réveillent. On découvre les gens,
Défauts et qualités : de pseudo-dirigeants
Se montrent inaptes, certains prétendus pros
Ont des airs d’amateurs, d’empotés ou d’escrocs,
Tandis que sous d’autres qu’on traitait de pouraves
Percent des figures de géants et de braves ;
Comme Sartre le dit, chacun se définit
Par son comportement, même s’il s’ingénie
A nier l’évidence – on doit, pour être un aigle,
Procéder comme tel, pas d’entorse à la règle
Et cette pandémie nous offre un bon exemple
Des changements qu’autour de soi tous l‘on contemple.
12 avril

Pour notre système de santé,


Mal organisé, désargenté
Cette épidémie dans le Grand Est
A été au fond un flagrant test.
13 avril

Cet enfer où l’on est fermement enfermé


Aura-t-il pour effet un nouveau paradigme ?
Bien malin qui pense répondre à cette énigme,
Voyons si les graines de l’espoir vont germer…
14 avril

Chacun reste confiné sous son toit,


Avec eux, elles, nous, vous, lui, moi ou toi…
Et qu’on soit Brestois, Franc-comtois, Sarthois,
Nous voilà dorénavant tous pantois
D’avoir à vivre auprès de gens matois,
En compagnie de porcs et de putois
Voire d’individus fort discourtois
Sans pouvoir grimper sur le cacatois !
15 avril

Oublier, en ce moment spécial,


Les représentations sociales,
Rester en tête-à-tête avec soi-même,
Se décider à faire ce qu’on aime,
Son temps, le prendre enfin avec largesse
Voilà le début de la vraie sagesse.
Le reste ? C’est demeurer confiné,
Même de manière non raffinée !
16 avril

Avec la pandémie, on voit des pros fanés,


Nos rituels sont vains, caducs et profanés,
Ce que nous pensions immuable évolue ;
Mais en contrepartie, on a le temps voulu
Pour s’adonner à l’art du pur raffinement
Revenu en vogue grâce au confinement.
17 avril

Mieux vaut rester patient chez soi


Que le devenir à l’hôpital :
C’est malcommode, je le conçois,
Voire à la limite un peu brutal,
Mais même si seuls certains s’assoient
Sur des sièges en bois de santal
Agrémentés de coussins en soie,
L’inconfort, lui, n’a rien de fatal !
18 avril

Quand je pense au corona, j’entends tombes,


Epidémie qui se répand en trombe,
Gens qui malgré les soignants partout tombent…
Ah, vivement la fin de l’hécatombe !
19 avril

Je veux offrir ce poème aux soignants


Et à leur dévouement en me joignant
Aux personnes qui saluent ces héros
Dont certains sont restés sur le carreau
Dans ce rude combat sous les assauts
Du terrible virus. Tel Picasso
Dédiant aux victimes Guernica,
Pour tous ceux que cette guerre niqua
Mais dont les hauts faits nous rendront vainqueurs,
J’envoie ces mots du tréfonds de mon cœur.
20 avril

Le confinement ? Dur à supporter !


Mais puisqu’on ne peut pas le reporter,
Par crainte d’être bon pour rapporter
Partout ce virus ou le colporter,
Nul motif néanmoins de s’emporter –
De quoi seulement plus mal s’en porter :
Ne laissons pas la grogne l’emporter,
Restons à la maison sans exporter
Notre aigreur, il faut se bien comporter
Même si notre vie a comporté
Déjà des jours meilleurs ayant porté
La joie, qu’on ne se sent pas transportés
Par le présent loin de nous apporter
Tout autant et qu’on n’est pas à portée
De la sortie, il doit nous importer
Qu’on ne nous ait pourtant pas déportés
Mieux : que le combat sera remporté !!
21 avril

Fin du confinement : 11 mai.


Il demeure cependant un mais :
On ne pourra pas, c’est ça la plaie,
Faire encore tout ce qui nous plaît.
22 avril

Depuis que le monde s’est tu


Certains se sentent abattus,
Impuissants comme des fétus.
Changeons plutôt notre statut,
Trouvons de nouvelles vertus,
Evacuons ce qui nous tue –
Et tout ira mieux, le sais-tu ?
23 avril

Même si celui-ci le masque,


Par une carence d’Etat,
Gants, surblouses, charlottes, masques…
Il nous en a manqué des tas.
24 avril

L’humanité vit un âge climatérique,


Une période qu’on appelle historique,
Propice évidemment aux discours hystériques,
Diffusés par certains de façon pléthorique,
Thèses complotistes ou ton ésotérique…
Aimez sans baratin, foin de la rhétorique !
25 avril

Ce n’est pas du temps perdu,


Que ces moments suspendus
Qui surviennent tel un dû
Certes très inattendu
Laissant certains confondus,
Mais si loin du flux tendu
De notre vie distordue
Nous rendant souvent rendus :
A beaucoup d’individus
Ils offrent bien entendu
Une idée de défendu
Plus que d’instants détendus,
De familles éperdues
Et bipèdes morfondus,
Sur le sofa répandus,
Vains comme des invendus,
Des rebuts, des résidus,
Sans tonus et trop dodus….
Le triste malentendu,
La disgrâce prétendue,
Les impressions indues !
Pour ne pas que l’étendue
Des heures paraisse ardue
Et les jours trop distendus
Avant la quille attendue,
Ayez l’esprit étendu,
A l’art devenez mordus,
Des fondues soyez fondus,
Faites des comptes rendus,
Parlez en sous-entendus,
Mettez des jupes fendues,
Jouez à l’indix, au pendu,
A Crypt et ses coups tordus,
D’une manière assidue
Lisez Gon, Tif et Tondu,
Le Prince de Motordu,
Precious, Un secret, Vendues !
26 avril

Mais oui, on vivra des jours meilleurs,


Je vous le dis, foi de rimailleur !
Alors les brailleurs, les criailleurs,
Les aboyeurs et les piailleurs,
Allez donc vous faire pendre ailleurs…
Pensez un peu à ces travailleurs,
Soignants valeureux et batailleurs,
Chauffeurs de bus, coursiers, balayeurs,
Caissières, boulangers, fossoyeurs,
Plombiers, pharmaciens ou convoyeurs –
Sans parler des sportifs, des tailleurs,
Des cinéastes, des orpailleurs,
Des barmen, des croupiers, des voyeurs
Pour qui le virus est bousilleur
D’activité. Donc ô vétilleurs,
Zoïles, médisants, larmoyeurs,
Parasites, fâcheux, gaspilleurs,
Bâilleurs, flemmards, roupilleurs,
Soyez plutôt pétillants, railleurs,
Subtils, spirituels, gouailleurs,
Inspirés, mystiques, éveilleurs
Quantiques, militants, guerroyeurs,
Même en cas d’angoisse ou de frayeur !
Et n’oubliez pas : les conseilleurs
Diffèrent constamment des payeurs
27 avril

Depuis que, confinés, on vit des hauts


Et surtout des bas,
On se sert beaucoup de la vidéo
Pour cours et débats.
28 avril

Nous vivons une époque inédite


Et c’est une chance. Si vous dites,
Puisqu’elle n’a pas été prédite,
Cette satanée crise maudite,
De par son irruption la susdite
Pour l’éternité se discrédite,
Jamais qu’elle ne se réédite,
Vu toutes les choses interdites –
Oubliez ce négatif audit,
Pensez : Je m’apaise et je médite.
29 avril

De force, les gens se réinventent :


Au lieu de céder à l’épouvante,
Circonstance ô combien aggravante
En cette période éprouvante,
Ils nous offrent des jeux aux savantes
Enigmes, des musiques ferventes,
Des scènes drôles ou émouvantes
Des innovations captivantes,
Des occupations motivantes….
Face à la mort qui rôde, énervante,
L’humanité n’est pas décevante
Quand elle se montre si vivante !
30 avril

Etrange fête du muguet !


Le jour qui s’écoule est longuet
Et l’on ne trouve pas ça gai…
Devenir chasseur à sagaie,
Marcher dans les bois aux aguets
A traquer sangliers, daguets
Zébus, pangolins ou margays,
Piloter un biplan Breguet,
Partir loin d’ici en pagaie,
Tirer sur un yacht des braguets !
Fini le temps de qui larguait
Les amarres, quand on vaguait
Comme un étalon camarguais,
En frétillant tel un sarguet,
Et qu’à l’étranger on fuguait
En des lieux où chacun giguait –
Mais vous savez que je blaguais :
Chez aux aussi les gens s’égaient.
1er mai

Manifeste-t-on assez de respect


Pour tous ceux qui, de par leur métier, paient
Leur tribut au virus plein de toupet
Alors qu’ils nous servent de parapet ?
N’est-ce pas un point qui nous échappait
Quand nous ne retenons qu’un seul aspect,
Qu’ils nous aident à fermer le clapet
Du covid pour qu’il nous fiche la paix ?
2 mai
En attendant d’être déconfinés,
Nul ne doit jouer au déconfit-né.
On aurait tort de perdre le moral
Et de ne s’en remettre qu’au mot : râle !
La libération n’est plus très loin,
Pas la peine de faire les chafouins…
3  mai

En évoquant la rentrée des élèves,


De tous côtés moult réserves s’élèvent ;
Ils ne veulent pas être pris de court,
Ceux qui reprendront le chemin des cours !
Et quand on leur parle du 18 mai,
De nombreux enseignants disent : Oui, mais…
4 mai

Pour ceux qui vivent sans compagne


Et n’habitent pas à la campagne,
Au bord de la mer, dans la montagne,
En plein cœur du bocage ou des fagnes,
Dans quelque village de Bretagne,
En Artois, Pays d’Ouche, Limagne,
A Cabris, Gordes, Salers, Aubagne
Où sur le Garlaban paît l’étagne,
Le confinement ressemble au bagne :
C’est bien loin de la vie de cocagne –
Alors pour le 11 mai, champagne !
5 mai

D’aucuns nous masquent des manques


Pendant qu’il manque des masques.
Sont-ils cachés dans des planques,
Bien à l’abri dans des banques ?
Nul ne le sait. Mais ces frasques
Ont de quoi nous rendre flasques
Car à part ceux qui sont branques,
Pas facile pour qu’on flanque
Sa raclée à la Tarasque
Sans équipement ni casque…
6 mai

La distanciation sociale :
Je trouve l’expression glaciale…
En ces temps, il est pour moi crucial
De voir autrui, non d’un air martial,
Avec un sourire commercial
Ou comme objet d’œuvres paroissiales
Mais en tant que personne spéciale –
Je préfère donc le mot spatiale.
7 mai

Avec sa tactique et son armée


Le Führer se croyait invincible :
Nous qui servons désormais de cibles
Ne pensions pas être des pygmées
Devant ce minuscule virus…
Mais il y a une différence
Entre aujourd’hui et la référence
A Hitler : il perdit contre Russes
Et Américains, tandis que le moment
De notre victoire s’approche à tout berzingue –
L’humanité s’unit pour qu’enfin on dézingue
A jamais le covid, peu importe comment !
8 mai

Jour cinquante-quatre : quand on est


Cantonné, non du fait d’un tréponème,
Mais suite à un virus cantonnais,
Chacun rit jaune, parce qu’on aime
Mieux les nems que le confinement,
Même si l’un n’empêche pas l’autre.
Acceptons donc l’enracinement
Et l’idée que chez soi l’on se vautre.
9 mai

Même si le temps est lent, fermement


Je tiens, sans céder à l’enfermement
Car j’ai bien compris que l’enfer me ment
Mais qu’au bout du tunnel l’éden va se pointer.
Je ne me sens donc pas vraiment désappointé
Par la situation, dédaignant m’accointer
Avec tous ceux dont les combats douteux se mènent
Continuellement depuis ces huit semaines.
Je ne fais pas de bortsch, d’asado ou de smen :
Au lieu de cuisiner je mitonne ces vers
Pour adoucir l’impact de ce moment sévère
Et pour mon équilibre à fond je persévère !
10 mai

Libérés, délivrés ! Nous voici le jour J,


Et Paris s’éveille. Pourtant comme au mois d’août
De quarante-quatre, quittons notre logis
En toute prudence, déconfinés sans doute,
Mais avec la guerre pas encore finie.
Rions, chantons, dansons, l’esprit toujours prêt
A repartir au front face au virus honni
Même si nous entrons dans l’ère de l’après !
11 mai
Que va-t-il advenir de notre monde ?
Sera-t-il désormais bien moins immonde ?
Mènera-t-on une vie d’ange heureux
Ou poursuivrons-nous nos jeux dangereux ?
Je l’ignore, comme chacun de vous.
Mais si tous à l’unisson se dévouent,
A l’exemple des premiers de cordée,
Envers autrui, nous pouvons accorder
Que l’espoir peuplera nos lendemains
Pour peu qu’on se donne enfin la main…

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