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UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

FACULTÉ DE MÉDECINE

DIPLÔME INTERUNIVERSITAIRE D’HYPNOSE MÉDICALE

Intégration de l’hypnose au cours d’une


séance de thérapie manuelle en technique
Bowen

Mémoire présenté par


Julien SENTILHES

Masseur-Kinésithérapeute D.E.

Années universitaires : 2019/2021

Directeur de l’enseignement : Docteur Isabelle NICKLES


INTRODUCTION

Les thérapeutes en thérapies manuelles, qu’ils soient masseurs-kinésithérapeutes,


physiothérapeutes, ostéopathes, chiropracteurs, cherchent la plupart du temps à rééquilibrer
des tensions tissulaires de leurs patients. En effet, si il existe souvent une zone corporelle
douloureuse, de tension palpable, elle ne peut se traiter durablement qu’en traitant la cause qui
est parfois située dans une autre zone corporelle. Ainsi nous traitons nos patients de façon
globale et holistique.
La technique Bowen, bien que peu répandue, est une technique de choix pour répondre
à ces objectifs. Ce qui frappe autant les thérapeutes que les patients qui découvrent cette
technique, ce sont les effets profonds et les bénéfices durables de ce type de traitement.
L’hypnose, quand elle est pratiquée dans un but d’analgésie, vise également, via une
suggestionnabilité des fonctions biologiques, à rééquilibrer des tensions génératrices de
douleurs tout en travaillant sur la perception et le vécu de la douleur.
En pratiquant cette technique, et en connaissant l’hypnose, on ne peut s’empêcher de
relever de nombreux points communs. Puisque ces techniques ont des modes d’action et des
effets qui se rapprochent, ne pourrait-on pas les associer ? C’est ainsi qu’est apparue l’idée de
ce travail, visant donc à développer une méthode qui permettrait d’intégrer l’hypnose au cours
d’une séance de thérapie manuelle en technique Bowen. Le but visé est d’augmenter l’efficacité
de chacune de ces techniques en les associant et donc d’améliorer le bien-être de nos patients.
SOMMAIRE

Partie I

1. Description de la technique Bowen


1.1. Description générale
1.2. Le réflexe parasympathique et l’homéstasie
2. Le processus hypnotique en technique Bowen
2.1. Points communs observables
2.2. Principes communs
2.3. Association des deux techniques

Partie II

1. Choix de la technique d’induction en fonction du patient


1.1. Difficultés liées à la position en decubitus ventral
1.2. Catégorisation des patients et choix de position pour l’induction
2. Déroulement de la séance
2.1. Identification du problème et des attentes du patient et description du lieu de
sécurité
2.2. Induction et mise en place du lieu de sécurité
2.3. Suggestions thérapeutiques adaptées
2.4 Suggestions post-hypnotique et ré-association

Partie III
Illustration par quelques cas cliniques

1. Madame A. et la sensation de fraîcheur


2. Monsieur C. et la solidité du chêne
3. Madame R. et l’équilibre du mât du voilier
Partie I

1. Description de la technique Bowen

1.1 Description générale

La technique Bowen, parfois appelée Myo-Neuro-Modulation, est une thérapie réflexe et


neuromusculaire.
Comme dans d'autres thérapies réflexes, le thérapeute va stimuler un récepteur situé dans le
muscle, la peau, le fascia. Ce récepteur va transmettre une information au système nerveux,
périphérique puis central. Celui-ci pourra alors le traiter et élaborer une réponse. Pour permettre
une meilleure intégration des informations et laisser le temps au système nerveux d’élaborer sa
réponse, le thérapeute Bowen laissera une pause, appelée "le temps d'intégration somato-
sensoriel". Ce temps de deux minutes fait partie intégrante de la technique. Il permet non
seulement la mise en place de la réponse du système nerveux, mais aussi de ne pas
interrompre par un deuxième geste un réflexe provoqué par un premier geste antérieur.

Le geste du praticien, appelé « move » doit être précis. Les moves musculo-tendineux
sont les plus fréquents dans les procédures Bowen, mais certains sont ligamentaires et d’autres
encore cutanés. Ils se composent donc de la mise en tension douce, effectuée
transversalement au sens de la fibre, puis, quand on arrive au maximum de cette mise en
tension, la structure visée va rouler sous les doigts et revenir par élasticité à sa position
d’origine. L’appui du thérapeute est toujours modulé pour être efficace mais non douloureux.
Les nocicepteurs envoient des informations qui sont traitées prioritairement par le système
nerveux central. Ils ne doivent pas être activés. Le patient a donc la consigne de signaler toute
douleur ressentie. L’application du geste et l’adaptation de son intensité en fonction du seuil
d’activation des phénomènes douloureux propre à chacun, sont donc des éléments essentiels
pour la réussite du traitement.

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Une soixantaine de procédures alternant des moves et des temps d’intégration
somatosensorielle sont décrites et composent l’ensemble de la technique. Les temps
d’intégration somatosensorielle font partie intégrante du traitement. Le respect de ces temps se
justifie de la manière suivantes :

« Le thalamus est le principal relai pour les influx sensitifs qui vont de la moelle épinière, du
tronc cérébral, du cervelet et de différentes parties du cerveau jusqu’au cortex cérébral. Les
signaux qui traversent le thalamus sont de deux types :

- L’un, constitué par des potentiels d’action rapidement transmis, n’excite l’encéphale que
pendant quelques millisecondes. L’origine de ces signaux est située dans des neurones à très
grand corps cellulaire, répartis sur l’ensemble de l’aire réticulaire. Leurs terminaisons nerveuses
libèrent l’acétylcholine, une substance neurotransmettrice qui agite en tant qu’excitateur
seulement pendant quelques millisecondes avant sa destruction.

- Le second type de signaux prend origine dans un grand nombre de très petits
neurones, déployés à travers la formation réticulaire activatrice. La plupart de ces signaux se
dirigent vers le thalamus, mais cette fois par l’intermédiaire de petites fibres à conduction lente.
De là, d’autres petites fibres sont distribuées à tous les points du cortex cérébral. L’effet
excitateur provoqué par ce système de fibres se développe pendant plusieurs secondes
voir plus d’une minute, ce qui suggère que ces signaux sont particulièrement importants dans
le contrôle à plus long terme du niveau de fond d’excitabilité cérébrale. Le niveau d’activité de la
zone activatrice du tronc cérébral et, par conséquent, le niveau d’activité de l’ensemble du
cerveau, sont déterminés dans une très grande mesure par les signaux sensoriels
périphériques qui atteignent cette zone. » (Louise TREMBLAY, Le temps d’intégration
somatosensorielle, édition SULLY 2015).

Ne sachant pas quel type de stimulation va prendre quelle voie, rapide ou lente, mais comme
nous voulons que la stimulation induite par le thérapeute soit traitée par le système nerveux
central, nous respectons ce temps de pause de deux minutes. Il s’agit là d’une précaution pour
être certain que toutes les informations envoyées parviennent à leur but sans être interrompues
par les informations envoyées immédiatement à la suite.

L’environnement dans lequel se déroule une séance a une grande importance : on


tentera de limiter au maximum les influences extérieures. Tout ce qui pourrait stimuler les sens
de notre patient et capter son attention doit être écarté. Les stimulations sensorielles
susceptibles de détourner l’attention du patient devront être autant que possible évitées : les

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stimulations visuelles avec des écrans et des images en mouvement, mais aussi auditives (le
bruit comme la musique d’ambiance et à fortiori des sonneries de téléphone ou de porte
d’entrée) et olfactives (les odeurs d’encens ou d’huiles essentielles).

L’installation du sujet devra être le plus confortable possible. Le patient est généralement
placé en décubitus ventral pour la première partie de la séance, puis se tourne en décubitus
dorsal. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de points d’appuis désagréables, de tensions dues à la
position et la morphologie du patient, et, le cas échéant, y palier avec l’utilisation de différents
coussins, voire en adaptant la position ou en la changeant.

Le fait de couvrir le patient avec un drap ou une couverture a aussi une importance. D’abord
parce que celui-ci va rester immobile et déshabillé (ou vêtu de vêtements légers) pendant la
durée de la séance. Cela lui permettra donc de ne pas ressentir de sensation de froid. Mais
aussi parce que le fait d’être couvert peut permettre de se sentir plus à l’aise pour certaines
personnes. Le thérapeute découvre donc juste la zone dont il a besoin pour travailler à un
moment donné.

Le but de toutes ces précautions est que notre patient reste concentré sur les sensations
qu’il ressent lors du move ou après. Tous les éléments qui pourraient amoindrir l’efficacité du
traitement en détournant son attention, une position inconfortable, une sensation de froid, ou
une quelconque stimulation extérieure, doivent par conséquent être évités autant que possible.
Ceci est clairement décrit par Louise Tremblay : « Les informations,qu’elles soient transmises
par voies antérolatérales ou par les colonnes postérieures, vont toutes se rendre au niveau de
la formation réticulée. De là, elles seront transmises dans d’autres régions du cerveau
seulement si elles passent le filtre de ce système. Pour y parvenir, ces stimulations doivent être
plus « intenses », ou plus fortes ou plus bizarres que les autres stimulations qui proviennent de
l’environnement extérieur ou intérieur. Mais si cette information était unique, si on réduisait le
plus possible l’impact des autres informations extérieures, ne pourrait-on pas accroître ainsi la
possibilité qu’elle soit « entendue» et qu’elle passe le filtre ? » (Le temps d’intégration
somatosensoriel, Louise TREMBLAY, édition SULLY 2015)

Ce raisonnement est basé sur l’effet de contraste, mode sur lequel fonctionnent les
récepteurs somesthésiques : Un même bruit paraîtra plus intense au milieu d’une pièce
silencieuse la nuit (sans afférence visuelle) que au milieu de l’agitation d’une rue passante aux
heures de pointe. La figure 1 avec sa bande uniformément grise au centre qui apparaît plus

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claire à gauche et plus sombre à droite suivant qu’elle soit encadrée de gris clair ou foncé, est
également une illustration de cet effet de contraste.

Fig 1 :Bande grise unie devant un dégradé gris, illusion d'optique classique Jean-Jacques MILAN

1.2. Le réflexe parasympathique et l’homéostasie.

Le grand principe d’action de la technique Bowen ou Myo-Neuro-Modulation est la


stimulation d’un réflexe parasympathique permettant un déploiement de l’homéostasie.

La mise en place de ce réflexe parasympathique se fait par l’activation, lors du move du


thérapeute, des fibres afférentes des groupes III (ou A∂) des terminaisons nerveuses libres ou
des terminaisons spécialisées (douleur et pression) et des fibres afférentes du groupe IV4/22
(ou C)
des terminaisons nerveuses libres (douleur et température). Louise Tremblay, enseignante de
la technique Bowen, a montré ceci à partir d’études portant sur l’activité vagale (par mesure de
fréquence cardiaque, tension artérielle et variabilité de la fréquence cardiaque) suite à un
étirement musculaire (1). L'étirement musculaire passif augmente la fréquence cardiaque et
diminue l'activité parasympathique au début de l'étirement, mais réduit la fréquence cardiaque
et augmente l'activité parasympathique pendant une période de récupération longue de
plusieurs minutes après l’étirement musculaire (période pouvant aller jusqu’à 30 minutes lors de
certains protocoles). En étudiant plus précisément les voies afférentes des fibres des groupes
III et IV, les zones du système nerveux central qu’elles activent, Louise Tremblay a pu expliquer
à partir de ces expériences comment le réflexe parasympathique se met en place et comment
l’homéostasie se déploie pendant les minutes qui suivent un étirement musculaire lent.
Je me propose de résumer une partie de son travail qui sera décrit dans un livre à paraître
prochainement, avec la figure suivante :

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On voit dans ce travail une justification de plusieurs principes de la thérapie manuelle en
technique Bowen :
- l’importance du respect du temps d’intégration somatosensoriel, temps pendant lequel
le réflexe parasympathique se met en place.
- le fait de demander au patient de signaler toute sensation inhabituelle, ce qui serait un
signe d’activation du cortex insulaire.
- attendre que cette sensation ait disparue avant de continuer le traitement, car cette
sensation est la conséquence d’une activation de processus de déploiement de l’homéostasie,
ce qui ne doit pas être interrompu.

Les fibres sensitives de petit diamètre innervent tous les tissus du corps. Elles sont
sensibles à tout changement des conditions mécaniques, thermiques ou chimiques des tissus.
≪ Elles fournissent le feedback nécessaire de chaque infime partie du corps, ce qui est
absolument essentiel pour les systèmes de contrôle homéostatique qui maintiennent les
conditions physiologiques du corps. Elles fournissent les signaux vitaux qui indiquent que le
corps est vivant. ≫ (Craig, A.D. 2015, p. 110)
≪ Le but de l'intégration des données sensorielles homéostatiques doit être d'améliorer
l’efficacité et l'efficience du contrôle homéostatique. ≫ (Craig, A.D., 2015)

2. Le processus hypnotique en technique Bowen

Une séance d’hypnose et une séance en technique Bowen comportent de nombreux


points communs. Des similitudes sont observables par le patient et le thérapeute, et d’autres
plus théoriques, sur le mode d’action.

2.1. Points communs observables

- De la même façon que pendant une séance d’hypnose, on essaie de limiter les
éléments qui empêcheraient le patient de rester focalisé (on demande au patient de couper son
téléphone, on évite un environnement exagérément bruyant, des stimulations visuelles
permanentes…), une séance en technique Bowen se fera dans un environnement le plus
neutre possible.

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- De nombreuses « pauses » sont faites dans les deux techniques. En hypnose le débit
de parole du thérapeute est lent et on laisse des silences entre les phrases, pour laisser le
temps au patient d’imaginer et de s’approprier les suggestions. En technique Bowen, le temps
d’intégration somato-sensoriel suit chaque séquence de « move ».
- On observe une distorsion du temps : les patients ne peuvent pas dire combien de
temps a duré leur séance, et si on leur demande de donner une estimation, celle-ci est toujours
très inférieure à la durée réelle.
- Les patients décrivent des sensations diverses : picotements, fourmillements, sensation
de chaleur ou de froid, décharges électriques, sensations plus profondes au niveau viscéral,
sensation d’avoir de l’eau qui coule sur un membre, vertiges… Ces sensations peuvent être
localisées sur une partie du corps ou diffuses, parfois fugaces, parfois elles durent plusieurs
minutes. Elles surviennent alors qu’aucune stimulation ne les induit. En hypnose on ne touche
généralement pas ou très peu le patient. En technique Bowen, on observe que ces réactions
surviennent généralement pendant les pauses, alors que le thérapeute n’est plus dans la salle.
Il s’agit donc de sensations générées par le systèmes nerveux du patient qu’on peut qualifier
d’hallucinations sensorielles.
- Qu’il s’agisse d’une séance de Bowen ou d’hypnose, ce que décrivent les patients une
fois la séance terminée, se ressemble étrangement. Ils parlent de sensations de bien-être, de
relâchement profond et d’un engourdissement du corps. Certains parlent de sensation de
« repos cérébral », d’un arrêt du flot continuel de pensées qui les épuise, d’autres évoquent un
« éclaircissement de leurs idées ». Ils se sentent comme au réveil d’un sommeil profond et
réparateur, alors qu’ils n’ont pas dormi puisqu’ils ont entendu les bruits du cabinet, les
consignes et ont senti tous les gestes du thérapeute.

2.2. Principes communs

- Le thérapeute n’induit pas directement une correction sur le patient, mais stimule le
patient pour mettre en place des mécanismes d’autorégulation. Dans les deux cas c’est le
système nerveux du patient qui réagit de façon à rétablir un état de bonne santé. Le thérapeute
a stimulé ou suggestionné, mais n’a pas agit de façon directe.
- En hypnose, on focalise toujours le patient sur des perceptions sensorielles, et non sur ses
émotions ou d’autres pensées qui l’envahissent habituellement. Lors d’une séance en
technique Bowen, le thérapeute, à chaque fois qu’il pose ses mains sur le patient puis effectue
le move, focalise l’attention du patient sur des perceptions kinesthésiques : le toucher sur la

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peau et les récepteurs à la tension du muscle, tendon ou ligament sollicité. La stimulation
provoque une sensation inhabituelle, assez intense (sans être douloureuse) et durable pour que
le patient ne puisse pas faire autrement que de focaliser son attention dessus.
- Le rythme d’une séance Bowen provoque une saturation sensorielle. Le patient en
décubitus ventral, le visage dans la têtière est le plus souvent privé d’afférences visuelles. Le
thérapeute entre dans la salle, fait son geste, ressort, revient deux minutes plus tard et
recommence. Tous les bruits de porte, de pas du thérapeute (le sol de mon cabinet est en
parquet flottant), provoquent une saturation auditive par stimulations alternatives. Cette
saturation auditive est ajoutée aux stimulations kinesthésiques évoquées plus haut.
- Un réflexe parasympathique se met en place. Il est indispensable au bon déroulement
de la séance et à son efficacité. Il est même consubstantiel de l’hypnose comme de la
technique Bowen. En hypnose le thérapeute cherche à l’objectiver en observant certains signes
tel qu’un réflexe de déglutition, des mouvements occulaires sous les paupières, un relâchement
musculaire et un ralentissement du rythme respiratoire. En technique Bowen, le sujet est
souvent en décubitus ventral, ce qui rend les observations au niveau du visage plus difficiles.
On observe cependant bien un relâchement musculaire et un ralentissement du rythme
respiratoire.

2.3. Association des deux techniques

Tous ces éléments permettent de penser que lors d’une séance de technique Bowen
telle qu’elle est enseignée par l’AIMTC (Académie Internationale des Méthode Thérapeutiques
Contemporaines), il se met en place un processus hypnotique. Ainsi est apparue l’idée
d’augmenter la profondeur de la transe hypnotique avec une technique d’hypnose
conversationnelle suivie d’une induction en début de séance, puis de faire des suggestions au
cours de la séance Bowen qui pourraient augmenter les effets thérapeutiques. Il a donc fallu
mettre en place une méthode, à la fois reproductible et adaptable à chaque patient.

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Partie II

1. Choix de la position et de la technique d’induction en fonction du patient

1.1. Difficultés liées à la position en décubitus ventral

Bien sûr, certains patients nécessitent une adaptation du fait qu’ils ne peuvent pas
supporter la position prolongée en décubitus ventral à cause de particularités physiques liées à
leur morphologie (cyphose dorso-lombaire importante, femme enceinte), un déficit d’amplitude
articulaire (flessum de hanche), un point d’appui douloureux (plaie, cicatrice récente…).

En dehors de ces cas particuliers, une séance de technique Bowen débute généralement en
décubitus ventral, position qui permet notamment d’effectuer les 4 séquences de base, puis se
poursuit en décubitus dorsal pour effectuer d’autres procédures. Cette position de départ, avec
le visage caché dans la têtière de la table, pose problème pour l’hypnothérapeute qui souhaite
objectiver les signes de transe hypnotique. En effet, ne pas voir le visage de notre patient nous
prive d’information précieuses comme la fermeture des paupières, les mouvements des globes
occulaires sous les paupières, le réflexe de déglutition, l’aplatissement des traits du visage. La
privation de ces informations peut être gênante, notamment pour un thérapeute peu
expérimenté en hypnose, même si d’autres signes de transe restent observables : la diminution
générale du tonus musculaire, les fasciculations musculaires, les petits mouvements des pieds
et des mains.

Inversement, placer le patient en position permettant d’observer son visage peut aider pour la
phase d’induction, mais présente l’inconvénient de devoir demander au patient de se retourner.
Ce changement de position peut le ressortir de sa transe et nécessiter une seconde induction,
plus rapide en décubitus ventral. On peut cependant en tirer avantage puisqu’on sait que les
dissociations et ré-associations successives favorisent les transes profondes.

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1.2. Catégorisation des patients et choix de position pour l’induction.

En tenant compte de tous ces éléments, il a été fait le choix de catégoriser les patients et
de leur proposer une technique et une position qui seront les plus adaptées pour eux et le
thérapeute.

- Pour les patients ne connaissant pas l’hypnose, ne pratiquant pas non plus l’auto-
hypnose, on choisira de les installer en décubitus dorsal, de façon à voir leur visage. Puis
ensuite on leur demandera de se retourner. Alors on refera une induction très courte qui les
replongera dans une transe hypnotique encore un peu plus profonde.

- Pour les patients qui ont déjà suivi des séances de thérapie comportant de l’hypnose et
pour lesquels cela s’est bien passé, ou pour les patients qui pratiquent l’auto-hypnose, on
choisira de les installer directement en décubitus ventral. Cela évite de les faire se retourner et
donc de les ressortir de leur transe. On connaît pour ces patients leur capacité à basculer en
état d’ hypnose et à y rester.

- Pour certains sujet réticents à la pratique de l’hypnose, on peut les installer en décubitus
ventral et faire une induction sous forme d’hypnose conversationnelle. On aura donc les
difficultés décrites précédemment pour objectiver la transe hypnotique. Si l’hypnose
conversationnelle est efficace, on aura les bénéfices de l’hypnose ajoutés à ceux de la séance
de technique Bowen. Si l’hypnose conversationnelle ne fonctionne pas (ou pas assez bien)
avec ce sujet, on aura seulement les effets de la séance de technique Bowen, ce pourquoi la
personne est venue consulter. Ceci peut donc se faire techniquement et déontologiquement
sans réserve. En ajoutant l’induction par hypnose conversationnelle, on tente d’ajouter un
bénéfice supplémentaire à la séance.

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2. Déroulement de la séance.

Après avoir accueilli le patient, recueilli les informations administratives ou contextuelles


nécessaires, nous devons bien entendu expliquer le dérouler de la séance. Une description de
l’hypnose, accompagnée d’une rectification d’éventuelle fausses représentations la concernant
est souvent nécessaire, ainsi qu’une description de la technique Bowen, notamment du geste,
le move, mais aussi du temps de pause qui peut surprendre le patient et lui donner une
impression d’abandon voir de laxisme de la part du thérapeute. Déjà à ce moment précoce de
la séance, les mots choisis ont leur importance et on peut débuter un saupoudrage de mots à
valence positive . On peut ainsi parler « d’un geste léger de mise en tension du muscle », de
« réflexe profond de détente et de relâchement » ou encore « du temps de pause nécessaire au
corps pour rétablir un équilibre » (on peut mimer avec les mains les plateaux de la balance qui
retrouvent leur position d’équilibre). Ces premières phrases, tout comme l’attitude corporelle du
thérapeute, sont des éléments clefs pour l’établissement de l’alliance thérapeutique. On sait
que dès la première minute d’une rencontre on juge une personne par son langage, mais aussi
et surtout par son langage corporel. Le thérapeute peut donc se servir de ces connaissances
pour adopter une position basse tout en gardant une place de thérapeute avec son savoir qui
permettra d’aider son patient. L’utilisation du miroring notamment, aide à gagner la confiance du
patient et donc de l’efficacité et du temps.

2.1. Identification du problème et du lieu de sécurité

Il convient en premier lieu d’identifier le problème du patient qui l’amène à consulter. Ce


problème doit être le plus précis possible. Il ne s’agit pas de lui faire décrire tous les
désagrément que sa pathologie (parfois ancienne) et ses complications peuvent lui causer. En
tant que kinésithérapeute, les motifs de consultation sont essentiellement des douleurs
articulaires et musculaires, mais il peut arriver d’avoir à traiter des pathologies respiratoires et
même digestives. On demande alors au patient de décrire, avec le plus de détails sensoriels
possibles, la sensation la plus gênante pour lui au moment de la consultation et on fixe comme
objectif de la séance la diminution de cette sensation.

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Ensuite, on identifie le lieux de sécurité du patient et on lui demande également de le
décrire avec le plus de détails sensoriels possibles (Visuels, Auditifs, Kinesthésiques, Olfactifs,
Gustatifs).

Pour favoriser la production de détails sensoriels dans ces deux étapes, nous utiliserons
les outils de communications hypnotiques suivants :

- Ratification des sensations

- Reformulation des descriptions en utilisant les mots du patient

- Le thérapeute parle au présent, de préférence sur l’expiration du patient

- Utilisation d’une prosodie lente, avec des silences entre les phrases ou les mots

- Utilisation du « yes-set » avec des truismes

- Saupoudrage de mots évoquants le confort, la sécurité

- Miroring

- Le thérapeute ne suppute jamais sur ce qui est agréable ou pas pour le patient, il s’en tient
strictement à la description que lui fait celui-ci.

2.2. Induction et mise en place du lieu de sécurité

Le patient, à ce moment là de la séance, est déjà installé sur la table de soin. Afin que le
patient reste immobile, ce qui facilitera la séance de technique Bowen, il est plus aisé de choisir
une technique d’induction par saturation sensorielle :

Pour un patient en décubitus dorsal, on peut par exemple, en utilisant un langage dissociatif,
focaliser l’attention du patient sur « ce que ses yeux voient » puis on lui demande de fixer un
point du regard. On porte ensuite son attention sur « ce que ses oreilles entendent ». Et enfin,
sur les sensations que son corps ressent, par exemple les sensations d’appuis sur la table de
soin.

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Pour un patient installé en décubitus ventral, le visage posé dans la têtière de la table de soin,
on fera le même type d’induction sans utiliser le canal visuel. La respiration peut aussi être un
moyen plurimodal de focalisation très efficace. En effet, se focaliser sur la respiration revient à
se focaliser à la fois sur des sensations kinesthésiques internes (le flux et reflux d’air) et
périphériques (sensations d’appuis sur la table de soins qui changent avec l’abdomen et la
cage thoracique qui montent et descendent), et des sensations auditives. Les inspirations et
expirations se succédant, il s’agit d’un mode d’induction alternatif.

On peut déjà mettre en place un signaling, notamment pour les patients en décubitus
ventral. En effet le thérapeute ne pouvant observer la fermeture des yeux, le signaling peut
nous renseigner sur l’acceptation du patient concernant les suggestions d’induction. Une
phrase comme : « Et si tout va bien pour vous et que vos yeux sont fermés, vous pouvez me
faire un signe de votre choix, peut-être en soulevant une main ou un doigt... » Il convient
également de convenir d’un autre signal si quelque chose dérange le patient. Ceci servira
autant pour la partie hypnose de la séance, que pour la partie en technique Bowen, puisqu’on
demande toujours au patient de nous signaler et décrire toute sensation inhabituelle.

Vient ensuite la phase de mise en place du lieu de sécurité. Le thérapeute décrit alors le
lieu choisi par le patient en reprenant ses éléments de langage et tous les détails sensoriels. Il
insiste sur les sensations de confort, de sécurité que le patient ressent dans ce lieu par un
saupoudrage de mots choisis :

« si agréable » « si confortable » « ce lieu où vous vous sentez tellement bien » « juste à la
bonne place/couleur/température pour vous »… Quand on pense que le patient est bien installé
dans son lieu de sécurité, on ratifie cette information par signaling. La phase de thérapie
manuelle va donc pouvoir commencer.

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2.3. Les procédures Bowen et les suggestions thérapeutiques

Le thérapeute peut informer le patient que, alors qu’une partie de lui reste dans le lieux
sécure, une autre partie de lui va pouvoir recevoir les gestes du thérapeute. Ces gestes vont
contribuer à mettre en place le réflexe de détente et de relâchement déjà évoqué, qui lui même
permettra au corps de se rééquilibrer. Ainsi, son confort et son bien être augmenteront
sensiblement. On peut préciser suivant la pathologie en quoi va consister cet équilibre : « le
juste équilibre entre la partie droite de votre dos et la partie gauche », « le juste équilibre entre
force, puissance, quand vous en avez besoin, et relâchement lorsque vous êtes au repos » ou
encore « le juste équilibre qui permettra à vos pas de se placer juste comme il le faut pour que
votre marche soit harmonieuse, sécure et agréable... ».

Le choix des procédures reste à déterminer par le thérapeute, comme lors d’une séance
de technique Bowen classique, en fonction de la pathologie, des effets recherchés et des
séances déjà effectuées. Les moves et les temps de pause peuvent ainsi s’enchaîner sans que
d’autres suggestions soient faites. Cependant, pour accentuer encore les effets thérapeutiques,
d’autres suggestions pourront se faire au moment de la séance que le thérapeute juge opportun
mais après une série moves et avant un temps de pause. Cela permet au sujet de s’approprier
la suggestion pendant le silence du temps de pause qui suit. Le type de suggestion dépendra
évidemment du problème identifié en début de séance ainsi que du lieu de sécurité. Il peut
s’agir de suggestions directes ou indirectes, d’un travail de réification ou métaphorique, mais
toujours portant sur la sensation vécue comme problématique.

Si on décide de faire d’autres suggestions thérapeutiques, il faut s’assurer que la


sensation problématique est encore présente car la première partie de la séance peut avoir
suffit à la faire disparaître. On utilise alors le signaling mis en place. Si la sensation est
présente, on peut utiliser des techniques d’hypno-analgésie comme par exemple suggérer de la
fractionner, en intensité ou dans le temps, de la substituer par une autre sensation vécue
comme plus agréable, ou encore de la déplacer sur une autre partie du corps où elle serait
mieux tolérée.

On peut aussi agir sur la sensation problématique via une métaphore. Il faudra alors
qu’elle soit en adéquation avec le lieu de sécurité. Il serait malvenu de choisir une métaphore
montagnarde pour quelqu’un qui a un lieu de sécurité sur une plage ou inversement. Le travail

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sur la métaphore permet d’agir soit directement sur la sensation problématique, soit
indirectement en travaillant autour de cette sensation ou en créant un outil qui permette de
modifier ou atténuer cette sensation.

Les dernières procédures Bowen peuvent ensuite être poursuivies jusqu’à leur terme. Il
reste alors à faire prendre conscience au patient de ses nouvelles sensations et pour cela lui
demander d’identifier « ce qui a changé ». Cela sous-entend que quelque chose a forcément
changé et le sujet va alors chercher ce changement. Si on pose la question différemment,
comme par exemple : « est-ce que quelque chose a changé pour vous ?», on laisse la
possibilité que rien n’ait changé et les patients résistants au changements, comme très souvent
les patients souffrants de douleurs chroniques, vont saisir cette opportunité de refuser le
changement.

Une fois que ce changement est perçu par le patient, on s’assure qu’il le soit comme
étant positif, soit en utilisant le signaling, soit en demandant au patient de s’exprimer, ou
simplement en observant les expressions du patient qui peuvent être très évocatrices et
dispenser de formuler la question. La méthode décrite ici a été plusieurs fois réalisée et aucun
changement négatif n’a pour le moment été noté. La nouvelle sensation peut alors être
généralisée dans le corps.

Exemple de généralisation dans le corps : « Et vous pouvez laisser cette sensation si agréable
gagner d’autre parties de votre corps, remonter/descendre, se diffuser et s’infuser pour gagner
de nouvelles zones, et peut-être même votre corps entier... ».

Éventuellement, un ancrage peut être effectué si cela semble facile à mettre en œuvre et
adéquat. On peut proposer au patient de poser la main à l’endroit où il éprouve la sensation
agréable, ou encore d’associer un geste à cette sensation, comme par exemple une pince
pouce-index. Il est important que ce geste soit choisi par le patient. Le thérapeute peut en
suggérer plusieurs, mais c’est le patient qui décidera lequel lui semble être le bon. Il peut tout
aussi bien en choisir un autre, de son imagination.

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2.4. Suggestion post-hypnotique et ré-association

Peuvent ensuite venir les suggestions post-hypnotiques, qui permettront au sujet de


retrouver après la séance les sensations éprouvées, en cela d’autant plus facilement si un
ancrage aura été établi.

Exemple de suggestion post-hypnotique : « Et maintenant que votre sensation gênante a bien
diminué, vous savez que vous pourrez profiter de ce confort en rentrant chez vous, et même
lorsque que vous... ( décrire ce qu’il fait habituellement ou un moment incontournable de la
journée où la douleur est vécue comme particulièrement gênante) ferez votre promenade du
soir/préparerez le repas...

Après une séance de thérapie manuelle, on prévient le patient de la possibilité qu’un


effet nommé « effet rebond » puisse se produire dans les heures voir les jours à venir.
Expliquer en quoi consiste cet effet rebond, comment il va se manifester et à quoi il correspond
physiologiquement, permet au patient de mieux comprendre et accepter ce qui lui arrive alors.
Comme le patient à ce moment donné de la séance est toujours en état de transe hypnotique,
qu’il est généralement allongé sur le dos et donc peut voir facilement le thérapeute s’il ouvre les
yeux, on va profiter de cette étape pour renforcer les suggestions post hypnotiques. Les deux
formes les plus fréquentes d’effet rebond ressenties par les patients sont une fatigue, parfois
importante, et un pic de douleur, de la zone traitée ou d’une autre partie du corps. Le fait de
donner une signification à ces phénomènes peut constituer une suggestion post hypnotique
puissante. On explique que :

1) La fatigue qui pourra être ressentie sera due au fait que le système nerveux utilise
beaucoup d’énergie à « régler un problème » ou « rétablir l’équilibre » et que, par conséquent,
le corps dispose de moins d’énergie pour son fonctionnement habituel.

2) Une douleur ressentie comme plus importante, ou à un endroit du corps différent de


celle du motif de consultation, sera due au fait que le corps cherche son nouveau point
d’équilibre. La métaphore de la balance qui oscille lorsqu’elle penche d’un côté et que l’on met
des poids dans le plateau opposé pour rétablir l’équilibre, est très efficace. Le fait de demander

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au patient d’ouvrir les yeux et de regarder le thérapeute qui mime avec ses mains les deux
plateaux de la balance qui oscillent et qui s’arrêtent au même niveau, renforce cette suggestion.

La ré-association du sujet peut alors se faire. On demande au patient quelque chose qui
va le ramener aux sensations que son corps éprouve présentement. On peut lui demander de
faire plusieurs grandes inspirations/expirations, de ressentir ses appuis, de faire quelques
mouvements légers ou de s’étirer. Le thérapeute pratique alors un mirroring qui aidera son
patient. En dernier lieu, on lui demandera de rouvrir les yeux « quand ce sera le bon moment
pour lui/elle » si cela n’a pas été fait spontanément.

La séance n’est pas terminée pour autant, il convient de veiller à ce que le patient se
relève bien de la table de soin, sans perte d’équilibre. Pendant qu’il récupère ses affaires, le
thérapeute donne généralement des consignes de conduite à tenir ou à éviter dans les 24
heures suivant la séance. En technique Bowen, on demande au patient de rester au calme, afin
de favoriser l’émergence de réactions de son système nerveux, et de bien s’hydrater pour
favoriser l’élimination des toxines. On peut alors prendre congé de notre patient.

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Partie III
Illustration par trois cas cliniques

1. Madame A et la sensation de fraîcheur

Madame A. est une patiente de 73 ans, soignée depuis plusieurs années pour un cancer
du péritoine, sur un terrain inflammatoire due à une maladie de Behçet. Elle se plaint de
douleurs articulaires diverses mais surtout du côté gauche et essentiellement de l’épaule
gauche. Son sommeil est perturbé : difficulté à l’endormissement puis réveil vers 4h du matin
sans parvenir à se rendormir. Cette patiente a déjà effectué des séances de technique Bowen
après lesquelles elle se sent soulagée quelques jours et dort bien (elle fait généralement une
sieste le jour de la séance). Les séances se font en décubitus dorsal, car la position sur le
ventre lui est impossible du fait de son abdomen gonflé et douloureux.

Comme lieu de sécurité, elle me décrit un lac dans le département du Tarn à côté duquel
elle habitait. Après une induction par saturation sensorielle, elle se replonge dans son lieu de
sécurité et je commence les moves Bowen. Je commence la procédure nommée « paroi
postérieure de l’abdomen » et qui consiste à faire un point d’appui sur l’insertion basse du
muscle psoas jusqu’à ce que le patient ne sente plus de gêne mais seulement la pression des
doigts du thérapeute. Je commence par le côté droit, la patiente décrit un inconfort côté à 4/10
qui passe rapidement à 0/10.

Lorsque je fais ce point d’appui côté gauche, elle décrit assez rapidement une sensation
de fraîcheur agréable sous mes doigts. Je suggère alors que la sensation peut se diffuser, et
elle me dit que ça descend dans la cuisse, puis la jambe puis jusqu’au pied, et que « ça lui fait
un bien fou ». Après quelques instants de silence et de maintient de l’appui, je lui suggère que
peut-être, cette sensation si agréable, qui fait tant de bien, peut remonter dans le haut du corps.
Assez rapidement ce fut ce qu’elle me décrit, la fraîcheur qui gagnait tout son corps, jusqu’à la
tête, particulièrement sur son épaule gauche, et même du côté droit. Une fois la sensation
généralisée et bien intégrée, je termine la séance avec les suggestions post-hypnotiques et la
ré-association de la patiente.

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Elle a trouvé incroyable cette sensation, très agréable, très puissante aussi. Elle m’a
avoué en fin de séance avoir été partagée entre l’envie de profiter de cette sensation et une
certaine peur tellement cela lui paraissait profond et puissant. Elle se sentait cependant bien et
rassurée en repartant. Dans les jours qui ont suivi, son niveau de douleur général avait baissé,
elle évaluait cette baisse à 50 %, et elle avait gagné 1h de sommeil en se réveillant un peu plus
tard. Une deuxième évaluation un mois plus tard, montrait que ce gain avait perduré mais
tendait à se réduire la dernière semaine.

2. Monsieur C. et la solidité du chêne

Monsieur C. présente un flexum actif du genou gauche depuis plusieurs mois. Ce flexum
est apparu avec une douleur de genou suite à un effort inhabituel. Les amplitudes en
mobilisation passive sont correctes mais on note un déficit de flexion active de 10° en position
assise et de 20° à la marche, ce qui engendre une boiterie. Les jours où il marche beaucoup il
se plaint de sciatalgie droite le soir et le lendemain, sans doute une conséquence de sa
boiterie. Nous avons déjà essayé de faire des séances de tonification du quadriceps mais cela
engendre des douleurs consécutives à la séance qui étaient contre-productives.

Il aime se promener en forêt au pied des Cévennes et me décrit une forêt sur un flanc de
montagne avec ses différents arbres. Je lui demande alors s’il y a un arbre particulier qu’il aime
et il me parle d’un grand chêne sans doute multi-centenaire à ses yeux. Après une induction
avec focalisation sur la respiration, les suggestions de bon souvenir de cette promenade qu’il
affectionne particulièrement, les premières procédures de technique Bowen commencent.
Quand j’arrive au moment de la procédure du genou, je lui évoque ce grand chêne, à la fois la
solidité et la résistance du tronc et des grosses branches, mais aussi sa mobilité et la souplesse
de ses branches hautes qui plient au vent. J’insiste en saupoudrant sur ces deux
caractéristiques qui lui ont permis de traverser les siècles. La séance se termine sans autre fait
remarquable.

La semaine suivante, son flexum actif était identique, mais son genou étant moins
douloureux nous avons pu recommencer la tonification du quadriceps et notamment du vaste
interne pour verrouiller l’extension du genou, ceci sans douleurs après les séances. Du fait de
ce travail musculaire, le flexum s’est à ce jour réduit, à 10° en charge (à la marche) et 0° en
position assise. Nous continuons la rééducation.

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3. madame R. et l’équilibre du mât du voilier.

Madame R. est une patiente que je vois depuis des année pour des rachialgies
chroniques. Ses douleurs sont soit lombaires soit cervicales et parfois les deux. Chaque
semaine, la séance de Bowen la soulage jusqu’à ce qu’elle ait une activité quelconque
(ménage, long trajet en voiture, jardinage ou bricolage divers) qui lui déclenche à nouveau ses
douleurs. Nous avons déjà pratiqué plusieurs séances d’hypnose ensemble et cela lui a apporté
un mieux-être et une autonomisation puisqu’elle pratique depuis quasi quotidiennement l’auto-
hypnose. Ceci l’a notamment beaucoup aidé lors du confinement de mars et avril 2020. Au
cours de ces séances d’hypnose, nous avions travaillé sur un bon souvenir qui était une
promenade sur une plage au printemps. Sur cette plage elle voyait l’embouchure du port, d’où
sortaient et entraient des bateaux de pêches et des voiliers de plaisance. En kinésithérapie, on
parle souvent du haubanage musculaire et ligamentaire de la colonne vertébrale, ce qui m’a
inspiré les suggestions de cette séance avec Madame R.

La patiente pratiquant l’auto-hypnose de façon régulière, l’induction par saturation


idéique a été rapide, la patiente installée en décubitus ventrale m’a fait un signe qui indiquait
qu’elle était en transe hypnotique et revivait cette promenade. Vers le milieu des procédures
Bowen, je fais une suggestion évoquant un beau voilier qui sort du port et gagne la mer. Je
décris ce voilier comme un fier navire avec son mat bien dressé. J’évoque sa position
d’équilibre quand il n’a pas hissé ses voiles, la tension également répartie sur les haubans,
mais aussi la force des voiles qui poussent vers tribord quand le vent vient de bâbord et
inversement (confusion) la tension des haubans et autres câbles et cordages qui contre la force
du vent. Je parle même de la force incroyable du vent pendant une tempête et du mât qui
résiste grâce au travail parfaitement bien reparti de tous ces cordages et de leurs actions
conjointes.

En fin de séance, madame R. a eu, avec un grand sourire, cette phrase : « Oh là là ! j’ai
vu ce magnifique voilier tout le long de la séance ! ». Les quatre séances qui ont suivi, madame
R. ne s’est plaint d’aucune douleur. Par la suite les douleurs sont réapparues, mais moins fortes
et moins fréquentes. J’ai réussi à lui faire accepter d’espacer les séances de deux semaines,
ceci depuis maintenant trois mois sans demande de sa part de revenir au rythme précédent.

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Conclusion

Les techniques de thérapie manuelle et d’hypnose s’associent très bien au cours d’une
même séance. Techniquement, il est facile pour le thérapeute qui connaît ces deux techniques
de les pratiquer simultanément. Les patients sont à la recherche d’un confort et de détente, ils
acceptent donc parfaitement l’hypnose. La pratique confirme donc bien le sentiment préalable
comme quoi ces deux techniques sont non seulement compatibles, mais aussi que les
bénéfices de l’une s’ajoutent à l’autre.

D’un point de vue pratique, la technique Bowen demande une organisation particulière
dans un cabinet de masso-kinésithérapie car les séances sont longues et doivent se dérouler
dans un contexte particulier de calme, comme nous avons pu le voir. Cependant la présence
des temps de pauses permet de traiter plusieurs patients simultanément puisque le thérapeute
peut très bien faire un move sur un patient dans une salle pendant qu’un autre profite de ce
temps d’intégration somatosensorielle dans une salle adjacente. Le fait de rajouter la pratique
de l’hypnose au cours d’une séance impose de ne traiter qu’un patient à la fois. En effet, même
si les temps de pauses persistent, l’attention que demande l’hypnose au thérapeute ne permet
pas de se disperser. L’importance de faire les bonnes suggestions, au moment le plus adéquat
est cruciale et demande une disponibilité complète du thérapeute quelle que soit son
expérience.

Une autre difficulté se présente concernant l’évaluation objective qui reste toutefois
difficile pour plusieurs raisons :

- Le faible nombre de séances pratiquées pour l’instant (16), ce qui ne permet pas de
tirer des données fiables.

- Les motifs de consultations variés font que les objectifs de séances ne sont pas les
mêmes. Il est par exemple difficile de comparer une évolution d’amplitude articulaire et une
diminution sur une échelle d’évaluation de la douleur.

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- Les procédures en technique Bowen ainsi que les techniques d’hypnoses diffèrent d’un
patient à l’autre puisqu’elle sont adaptées à la pathologie, au patient, aux sensations qu’il
perçoit au cours de la séance, etc. Nous n’avons donc pas un protocole unique et reproductible
qui permettrait ensuite de mettre en place une grille d’évaluation.

Il serait donc intéressant d’appliquer un protocole plus standardisé sur une série de
patients présentant un motif de consultation unique. Ceci est difficile à instaurer dans une
activité libérale en milieu rural du fait de la diversité des pathologies, mais pourrait se concevoir
dans un centre spécialisé, par exemple un centre anti-douleur de CHU, où les patients
présentant un même type de douleur pourraient bénéficier de cette prise en charge. Une grille
d’évaluation et la mise en place de scores de réussite pourrait alors avoir lieu afin de valider ces
premiers essais.

La satisfaction que m’a apportée cette expérience est en grande partie due à la
satisfaction des patients eux-mêmes qui décrivent pour la plupart des effets profonds et
durables. Certains sentent qu’un changement a eu lieu, ils utilisent des mots forts comme
« incroyable », « extraordinaire ». En tant que thérapeute, j’ai pu voir des changements qui se
produisaient au cours de la séance chez mes patients. J’ai par exemple observé des
disparitions de boiterie, des changements de postures (un patient qui se tient droit en fin de
séance, qui est bien en appui sur ses deux pieds…) et des visages détendus et souriants chez
des personnes qui étaient arrivées tendues ou en pleurs. Tous ces éléments motivent donc à
continuer de pratiquer cette association de technique, mais aussi de la fiabiliser et de tenter de
la diffuser pour que de plus en plus de patients puissent en bénéficier.

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Bibliographie

Livres :

BECCHIO Jean & SUAREZ Bruno. Du nouveau dans l’hypnose. Odile Jacobs 2021

CLOS Jean & MULLER Yves. Homéostasie et grandes régulations. Nathan 1999

CORYDOND Hammond. Metaphore et suugestion. Le Germe, 2009

CRAIG A.D. How do you feel ? A, interoceptive moment with your neurobiologicalself. Princeton
University Press, 2014

CUNGI Charly. L’alliance thérapeutique. Retz, 2016

MOSELEY G. Lorimer & BUTLER David S.. Explain Pain Supercharged. Noigroup, 2017

SHERWOOD Lauralee. Physiologie humaine. De Boeck superieur, 2015

TREMBLAY Louise. Le petit livre Bowen. 2007

TREMBLAY Louise. Le temps d’intégration somatosensorielle. Sully, 2017.

Sites internet :

https://associationslibres.wordpress.com/2016/10/14/petit-guide-exhaustif-des-biais-cognitifs/
BUSTER BENSON

https://www.aimtc.ca Louise TREMBLAY

https://www.louisetremblay.com Louise TREMBLAY

https://www.campus-hypnoses.com/medium/
W1siZiIsIjIwMjAvMDIvMTEvM2Q1enFhcjQyb19sZV9tYXJ0ZWxvdF9kZWN1bHBhYmlsaXNlcl9s
ZV9jb3Jwcy5wZGYiXV0/le-martelot-deculpabiliser-le-corps.pdf?sha=dd2cd9dec0da92f3 Yves
LE MARTELOT

https://www.campus-hypnoses.com/ressources-pro/publications/effet-placebo-et-reeducation
Grégoire VIROT

https://www.campus-hypnoses.com/ressources-pro/publications/hypnose-douleur-chronique
Patrick SINQUIN

https://www.campus-hypnoses.com/ressources-pro/publications/hypnose-douleurs-chroniques-
fascinations Dr Luc FARCY

https://lecerveau.mcgill.ca/
Remerciements

- A l’ensemble de l’équipe pédagogique du DIU d’hypnose médicale et thérapeutique de la


faculté de médecine de Montpellier.

- Au Dr. Guilaine TRAN, qui m’a accueilli en stage en encouragé à me lancer dans la pratique
de l’hypnose

- A Louise TREMBLAY, pour les formations en technique Bowen qu’elle dispense et pour tout
l’énorme travail de recherche qu’elle fait pour donner un sens et une justification scientifique à
nos pratiques de thérapies manuelles.

- A Pierre Saine, un autre de mes formateurs en technique Bowen qui m’a également beaucoup
appris et qui pratique l’hypnose sans le savoir.

- A mes patients, coopératifs ou réfractaires, engagés dans leur processus de soin ou


complètement passifs, grâce à qui j’apprends.

- A ma famille qui a accepté de bonne grâce d’être privée d’un père et d’un conjoint pendant
tous ces temps de formations, de révisons et de rédaction de ce mémoire, au cours de deux
années passées.

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