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2 mars 2016 06:16 - Revue de psychanalyse 2-2016 - Mémoire - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 570 / 646 2 mar

Réponse à la discussion de Dominique Bourdin

Maxime Benhamou

Je remercie vivement Dominique Bourdin de sa discussion profonde et


enrichissante. Notamment, pour avoir si bien su relever dans mon texte ses
lignes de forces comme ses points de faiblesses, que j’interprète comme une
invitation de sa part à approfondir et à affiner ce travail de recherche et de
réflexion au-delà des quelques propositions conclusives succinctes et très
évasives en clôture de l’article. Car, à vrai dire, ma principale ambition était
de proposer une méthodologie qui s’affranchirait des limites imposées à nos
esprits par l’usage de métaphores spatiales pour tenter de décrire le fonction-
nement psychique. On connaît la réticence de Freud à l’égard de ce type de
métaphores bien qu’il n’eut cesse d’en faire l’usage (l’amibe et ses pseudo-
podes, l’oiseau dans son œuf, le bloc-notes magique…), ou bien celle de même
nature qui conduira Lacan ou Bion à s’aventurer vers les attraits de la formali-
sation mathématique. Là aussi le but étant d’échapper aux pièges de la sidé-
ration des images mais finalement pour échouer sur d’autres écueils non moins
nuisibles, une certaine forme d’éloignement et de détachement vis-à-vis de
l’expérience sensible. D’où l’intérêt de notre méthodologie par simulation,
empruntée ici à la robotique, dont le principal avantage est de s’approcher
au plus près de l’objet d’étude avec le minimum d’a priori forcement réduc-
teurs. Ainsi, notre modélisation du Projet de Freud aura permis d’avérer sans
la moindre équivoque la validité et l’extrême fécondité de quelques-unes des
hypothèses de bases de cette œuvre géniale, l’épreuve de la satisfaction et les
prémices de fonctionnement du Moi. À ce propos, j’accepte volontiers la cri­-
tique de Dominique Bourdin lorsqu’elle affirme à juste titre que la modéli-
sation ne concerne qu’une petite partie du Projet et que certaines attentes sus-
citées chez le lecteur par l’intitulé de l’article puissent être déçues. J’ai sans
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2 mars 2016 06:16 - Revue de psychanalyse 2-2016 - Mémoire - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 571 / 646

Réponse à la discussion de Dominique Bourdin 571

aucun doute ici failli, mais moins à l’ambition qu’au recours à un raccourci
simplificateur. Toutefois, si l’on considère que tout l’édifice du Projet ne repose
finalement que sur quelques axiomes de bases, principalement l’épreuve de la
satisfaction (mais aussi celle de la douleur), à partir desquels sera déduit tout
son enchainement ultérieur alors on peut légitimement prétendre que le Projet
est quasi-synonyme de l’épreuve de la satisfaction. C’est d’ailleurs essentiel-
lement ce principe générique de fonctionnement qui aura retenu l’intérêt des
psychanalystes après Freud pour son Projet. Ce qui me place entièrement du
côté de Dominique Bourdin lorsqu’elle propose que cette modélisation robo-
tique de l’épreuve de satisfaction concerne principalement « la construction du
principe de plaisir ». Mais, là où je me désolidarise c’est lorsque sont associées
capacités discriminatives avec la mise en place de l’épreuve de réalité. Car s’il
est reconnu au robot (et par extension au nourrisson) des aptitudes discrimi-
natives qui lui permettent d’évoluer et de s’enrichir de nouvelles compétences
on ne peut pas pour autant affirmer que cela lui octroie un principe de réa-
lité, du moins tel qu’on a l’habitude de le définir en psychanalyse. En effet,
comment serait-il possible de concevoir un authentique principe de réalité sans
des appuis représentationnels ? Autrement dit, comment apprécier les variabi-
lités qualitatives du monde environnant, la réalité tant matérielle qu’humaine,
sans la possibilité de se les représenter intérieurement ? Mais, en contrepartie,
s’il « n’est pas besoin de la notion de représentation pour que se développe
un principe de plaisir », comme le certifie Dominique Bourdin en appui à mes
propositions, on se trouve alors devant une forme de difficulté théorique pour
essayer de décrire un type de fonctionnement psychique capable d’évoluer dans
son environnement mais sans l’étayage d’un principe de réalité. C’est préci-
sément sur ce point que la simulation robotique du Projet proposée devient
intéressante et riche en ouvertures tant théoriques que cliniques et qu’elle nous
incite à re-questionner nos concepts. Imaginer un Au-delà du principe de plai-
sir insoumis au principe de réalité fut l’aboutissement d’une réflexion intense
qui amena Freud à proposer l’idée d’une pulsion de mort. Si j’ai proposé le
cadre du narcissisme primaire comme référence c’est parce qu’il me semblait
qu’il pouvait y avoir une autre option d’un Au-delà du principe de plaisir qui
puisse rendre compte de certaines aptitudes humaines axées non pas sur le
manque mais sur l’idée de puissance dans la quête du plaisir. Le rêve, « abso-
lument égoïste » selon Freud, est un modèle supplémentaire, sans doute le
modèle par excellence, qui peut aider à entrevoir tous les enjeux d’un système
de pensée de type narcissique insoumis au principe de réalité et pourtant doté
de puissances créatives et auto-organisatrices dans sa quête du plaisir.

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