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Abstract
A rare prose document , this petition from Mindoro magistrates to the Archbishop of Manila - dated December 28, 1665 - provides
insights into the state of Tagalog in the middle of the Seventeenth Century, and into its use as an administrative medium. The
text's main features are important variations of Latin and baybáyin characters, the use of ay_ as a multi-level discourse marker,
an aspectual contrast between -ungm- and -wn-, an odd magpag- verbal form, ka- as a quasi-specifier , and tthe use of the
second person singular to address a lord.
Potet Jean-Paul. La pétition tagale : Caming manga alipin (1665). In: Cahiers de linguistique - Asie orientale, vol. 16 n°1, 1987.
pp. 109-157.
doi : 10.3406/clao.1987.1220
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/clao_0153-3320_1987_num_16_1_1220
Jean-Paul POTET
LA PETITION TA GALE
ABSTRACT
Introduction
En 1665, les autorités indigènes de MINDORO
adressent à l'archevêque de MANILLE Miguel DE
POBLETE une pétition dans laquelle ils solli
citent l'envoi de Pères Jésuites plutôt que
celui de réguliers ou de séculiers.
A la différence des autres requêtes du même
type, celle-ci n'est pas rédigée en espagnol,
mais en tagal (dans sa transcription latine de
l'époque). En outre, certains pétitionnaires
ont signé en caractères philippins. L'intérêt
historique de ce document se double donc d'un
intérêt linguistique qui est d'autant plus
grand que la majorité des textes tagals des
XVIe et XVIIe siècles ont été commis par des
prêtres espagnols dont la compétence linguisti
que a occulté le discours tagal authentique.
Alors que Ghislaine LOYRÉ et votre serviteur
travaillaient encore sur cette lettre, le mis
sionnaire néerlandais Antoon POSTMA (SVD) en
faisait paraître sa traduction anglaise dans un
opuscule consacré aux populations autochtones de
MINDORO ("ňangyan encount&U! icut and U&ót (1570-
1985", Вша, 0с1о1ел 1985), Une correspondance
avec cet eminent spécialiste établi à PANAYTAYAN/
MANSALAY (ORIENTAL MINDORO) nous a permis de cla
rifier un certain nombre de divergences qui sub
sistaient entre ses travaux et les nôtres ainsi
que de corriger de graves erreurs: je pense en
particulier à la date que nous lisions *1669 alors
que POSTMA a prouvé qu'il s'agissait de 1665!
J'avais, en revanche, déchiffré toutes les si
gnatures sauf une (D7), ce que notre maître n'a
vait pu faire en raison de la mauvaise qualité du
111
LA TETITIOU TAGALE GAMING MANGA ALIPIN (1665)
Contexte
comme
L'île
un arc
de dont
MINDORO
la corde
(- 10.244km2)
donne sur la
se Mer
présente
de
Chine et le cintre sur la mer intérieure de l'ar
chipel philippin.
Les plaines de la partie orientale connaissent
un climat de pluies à peu près uniformes qui en
font l'un des greniers à riz des Philippines mal
gré son infestation par les rats. Au contraire,
la partie occidentale subit une saison sèche qui
s'étend de novembre à avril et présente un relief
élevé et accidenté.
Les ports qui font face à LUÇON {Luzon), MARIN-
DUQUE (naainduque.) et TABLAS ont toujours été des
escales de choix pour les navires assurant les
liaisons avec MANILLE (ňani£a /HAYUlLK) ,
Les Chinois s'y arrêtent depuis au moins le dé
but du XIe siècle pour y échanger leurs produits
finis contre du bétel, des carapaces de tortues,
de la cire, du coton et des plantes médicinales.
112
Jean-Paul POTET
POTET Jean-Paul
Commentaire
1 . CARACTÉRISTIQUES DE LA PIÈCE
1.1. DESCRIPTION MATÉRIELLE
II s'agit d'un manuscrit opisthographe trouvé
séparément par Ghislaine LOYRÊ et William Henry
SCOTT dans les archives de la REAL ACADEMIA DE LA
HISTORIA de MADRID (Ms. 9-2668).
Le papier est assez mince et il y a des traces
aux verso de ce qui est écrit au recto et vice-
versa. Le fac-similé a été traité afin d'effacer
ces interférences.
Les dimensions de ce document sont à peu près
celles du format A4 (21x29, 7cm).
115
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
ЕD *д С
<Э J à
l£ j/ у
i Q
R <р Z ^
116
POTET Jean-Paul
1.3. ABRÉVIATIONS
1.3.1. Ce texte de 49 lignes comprend 25 abrévia
tions. Le ia "etc." au milieu de la ligne 32 ré
vèle qu'il était destiné au traducteur espagnol
auquel il était laissé tout loisir de mettre la
formule la plus appropriée.
1.3.2. Neuf de ces abréviations sont celles de pré
noms, о p
L'abréviation J& représente Juan et non Ju-
iio dans la mesure où la signature G4, en caractè
res philippins, présente effectivement la séquence
7du}/hu-wa}/ba-si-ni}/.1 "Don Juan BASINQIL" .
Il fallait voir dans Vp^^ les lettres
grecques Xpo. abréviation fif de "Christo-"
suivies de u^ "val" et lire OuuAtbual
Aguóitn c/f^J Телпапао^р* Juan
?/мпс1осоФ**Ч Nicoíaó
* Ignacio &naf PexUo Ф^
1.3.3. Sept sont des abréviations de titres espa
gnols. /r> tGi
Ben£.£Lciado Vjeveýk PacUe.
Capiton Cif* Su lûu&zÎAima J /**.
Don Й VuetUa IňuUUima
Jean-Paul POTET
PÉTITIONNAIRES SIGNATURES
Le titre espagnol Don est placé devant chacun des noms des
pétitionnaires et des signataires. Il n'apparaît pas dans D7.
Signatures: L = en caractères latins, P * en caractères
Pedro De ABILA (philippins.
Christóval De ARILLANO
Juan BASINGIL G4 P
Estevan DOMONDON G3 P
Franzcisco HABIER{ G2 P
Phelipe IACOBE D6 P
D4 P Francisco LIMO
Fernando LONTOC DI L
Franzcisco MAGCOLANG G5 P (Dî MAGCOLANG)
Juan MAGQUILAT Gl L
Ignazcio MANAGA D3 P
Andrés MANIMTIM
Geronimo Di MAPILIT
Juan Di MAQUILING
Juan MAROCOT D2 L (De MAROCOT)
G6 L Juan MATANGNAN
Nicolas MILO
Pedro MONYOS fïiïûz
G7 L Diego SALCEDO
Augustin SOLIT D5 P
D7 P X
1.5.3. Les signatures sont en deux colonnes. Elles
sont séparées les unes des autres par des croix. Il
y a deux grands traits entre G4 et G5. Cette derni
èresemble être associée à D6 par un trait d'union.
Les signatures en caractères latins s'ornent de
paraphes compliqués. A l'exception1 de D3, dont le
GA final est aussi monstrueux que la finale des
précédentes, les signatures en caractères philip
pinssont simples. Elles se terminent par les deux
traits verticaux de ponctuation à l'exception de
D3, en raison de son paraphe, et de D6, qui a une
croix.
1.5.4. Les neuf signatures tagales que nous fournit
ce document ne se laissent pas lire facilement, en
premier lieu parce que les consonnes de fermeture
ne sont pas notées, conformément au système, en se
cond lieu parce que les signes sont très déformés
en comparaison des orthogrammes de la Dodbiina
САл-iftiana et, en troisième lieu, parce que les pré-
119
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
x
7du}/pa-da}-si}-ku/ha-bi-)£
dun pa dan sis ku ha bir (d = г)
Don Francisco HABIER (= JAVIER/XAVIER)
La première syllabe de Francisco est décomposée
en deux syllabes par l'insertion d'une voyelle é-
penthétique entre les deux consonnes initiales.
(Cette voyelle est toujours identique à celle dé
jà présente. V. POTET: 1983: 1:29 & 11:136.)
Le (j) (I) et le (e) (E) de JAVIER se sont con
fondus en un seul phonème: /i/. S'il n'en était
pas ainsi, nous aurions /ha}-ji}/.
hab jir
La transposition de esp. (f) en tag. (p) et de
esp. (x) en tag. fhl est classique.
En tagal, (i), (i) et fei sont les réalisations
du phonème /i/, et (u) , (uj et (o) celles du /u/.
Les points de vocalisation ne notent donc que les
phonèmes. Il s'ensuit que les voyelles espagnoles
(e) et (o) sont assimilées aux réalisations res
pectives de ces phonèmes pour être notées, sans
qu'ensuite il soit possible de les restituer à
l'aide d'une règle grapho-phonologique tagale.
1.5.6. G3:
CD tt
/du}/hu-wa}/ba-si-r)i}/.
1) Ces symboles sont expliqués dans l'annexe E.
120
Jean-Paul POTET
?du}/hu-wa}/ba-si-r)i}/
dun hu wan ba si nil
Don Juan BASINGIL
1.5.8. G5:
^ ^
Le prefixe Don
/du^/pa-da^-si^-ku/di-ma^-ku-la}/
négatif
dun Francisco
pa dan
Di^ sis
n'apparaît
Di-MAGCOLANG
ku di pas
magdans
ku la
lantrans
dun 9ig na si ju ma na ga
Don Ignacio MANAGA
1.5.10. D4:
DI-LIPÎ
non
"ainsi
di° race
li que
pi7
suivre
DASON
les
da roturiers"
sun
DIN din
aussi
122
Jean-Paul POTET
1.6. ORTHOGRAPHE
1.6.1. Les noms, les prénoms et les titres espa
gnols, d'une part, tous les mots tagals, d'autre
part, sont écrits selon les règles de l'orthogra
phe espagnole qui prévaudra jusqu'au milieu du
XIXe siècle.
Ses caractéristiques sont bien connues; conten
tons-nous donc d'en comparer les principales à
celles des systèmes actuels.
-En espagnol, F a remplacé PH, L a remplacé LL
quand il se prononçait (l) et Z a remplacé Ç.
-En tagal, К a remplacé С (devant A, 0 et U) et
QU (devant E et I) et W a remplacé U/V.
1.6.2. Dans ce document, la lettre 0 semble être
utilisée dans la pénultième lorsque celle-ci est
inaccentuée. Au contraire, c'est U qui apparaît
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LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
motif-même
de" (DAHILANde SA):
la plainte
les districts
introduit
de NAUJAN
par "â et
cause
de
POLA connaissent une situation désastreuse.
Plus loin le premier paragraphe de la lettre
se termine par une réitération de la plainte.
2.2.2. Entre temps sont énoncés deux attendus:
-seul l'archevêque peut recevoir cette plainte
-le bénéficier est mort.
Chacun est introduit par YAYANG, qui a disparu
du tagal actuel, et ils sont séparés par AY.
2.3. L'OBJET
2. 3.1. Les pétitionnaires réclament des Jésuites
(et ne veulent pas de séculiers).
Le "donc" (KAYA) qui introduit l'objet n'en
fait que la conséquence formelle des attendus.
2.3.2. Le but d'une telle demande est le rétablis
sementde la prospérité dans les districts de NAU
JAN et de POLA.
126
Jean-Paul POTET
que"
L'articulation
(AT ÛPAN) et rhétorique
AY sépare les
est deux
fournie
parties.
par "afin
Ce procédé permet aux pétitionnaires d'établir
une comparaison favorable aux Jésuites entre la
situation actuelle et celle qu'ils ont connue.
Se révèle en même temps leur mémoire politique
collective puisqu'une vingtaine d'années ont dû
s'écouler entre la période de prospérité qu'ils
regrettent et le marasme actuel qu'ils déplorent.
2.3.3. Le sort des Mangyans et la visite du cé
lèbre Jésuite Diego LUIS (DE) SAN VÎ(C)TORES font
l'objet de tout le deuxième paragraphe de la let
tre.
La transition est assurée par l'expression "II
nous faut dire aussi à sa Seigneurerie" (AT ANG
ISA PANG BAGAY NA IPINAGSASALITA NAMIN SA SU ILUS-
TRISIMA).
L'archevêque est d'abord informé que SAN VlCTO-
RES a baptisé plus de cent-vingt Mangyans sans com-
ter les catéchumènes. Au cours d'un deuxième temps
il est menacé d'une défection de ces nouveaux Ca
tholiques si ce ne sont pas des Jésuites qui s'oc
cupent d'eux.
L'articulation entre le rapport des faits et la
menace au discours indirect est exprimée par "c
ependant/toutefois" (DATAPWA). Il s'agit de faire
comprendre aux autorités espagnoles que rien n'est
acquis définitivement et qu'un suivi constant est
absolument nécessaire. Si les gens de MINDORO sa
vent se souvenir, ils peuvent aussi décider d'ou
blier.
2.3.4. Pour enlever tout doute à l'archevêque quant à
la volonté des Mangyans de se convertir plutôt qu'à
une quelconque coercition, il est fait état de ceux
qui sont sortis de leur montagne à l'arrivée de SAN
VICTORES (nous comprenons que les autres étaient dé
jà présents dans les colonies tagales).
C'est la formule "II y a encore une chose dont nous
devons informer Sa Seigneurerie" (AT ANG ISA PANG
IPINAHAHAYAG NAMIN SA SU ILUSTRISIMA) qui introduit
ce dernier argument.
Le texte ne précise pas dans quelle langue ces
Mangyans se sont confessés.
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LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
2.4. CLOTURE
2.4.1. Une formule en forme de serment quant à la
véracité des faits marque la fin de la lettre.
2.4.2. Suivent le lieu et la date.
2.. 4.3. Les signatures sont sur deux colonnes
correspondant peut-être aux deux districts concer
nés:NAUJAN et POLA.
2.5. ARTICULATION DE L'ARGUMENTATION
Les pétitionnaires ont eu soin de distinguer
l'acquis» dont ils décrivent la dégradation, des
perspectives d'expansion. Le premier concerne les
colonies tagales de la côte, les secondes les au
tochtones habitant les montagnes.
Nulle part dans leur lettre n'apparaît un conflit
entre eux et les Mangyans. Leur propos est de dé
montrer que les intérêts des deux communautés con
cordent et que seuls les Jésuites pourraient satis
faire leur demande commune.
On peut noter aussi que tout ce qui relève des
problèmes administratifs et fiscaux est associé aux
municipes tagals de NAUJAN et de POLA alors que les
questions religieuses ne sont évoquées qu'à propos
des Mangyans.
L'attention de l'archevêque est donc sollicitée
sur deux points et quand bien même le recouvrement
de l'impôt ne relèverait pas de sa compétence, il ne
lui serait pas possible d'ignorer l'argument en fa
veur des conversions.
La forme extrêmement administrative et respectueu-.
se de cette pétition et l'organisation du discours
qu'elle contient révèlent une longue pratique de
l'argumentation juridique qui efface sans rémission
l'image du bon sauvage que certains dans le MANILLE
de l'époque ou même dans l'Europe du XXe siècle ont
des Philippins.
Enfin, on comprendra aisément l'émotion qui doit
s'emparer des Catholiques pratiquants (l'auteur de
ces lignes n'en fait plus partie) à l'évocation de
Diego LUIS SAN VÍTORES puisque le témoignage
porté en faveur de cet illustre Jésuite provient de
populations plus ou moins récemment converties et
non de ses supérieurs hiérarchiques.
128
Jean-Paul POTET
3. LA PARTICULE AY
3.1. Les nombreux exemples d'emploi de la parti
cule AY que présente ce document sont d'autant
plus importants que, comme nous l'avons déjà si
gnalé, il s'agit d'un texte authentique en prose
et qu'il a été rédigé à une époque où l'espagnol
n'était pas diffusé en dehors de MANILLE.
En ce qui concerne la langue actuelle, on voit
dans cette particule un marqueur d'inversion
(SCHACHTER & OTANES:1972), de thème (COYAUD:1979)
ou d'antéposition (POTET: 1983).
3.2. Cette particule se prononce (?ae)/(9ai)/(e)
dans sa forme pleine et (j) dans sa forme réduite
(fY). Cette prononciation n'a pas dû varier depuis
1593 puisque la Doctnina Cfoiiltinna transcrit CCS
/7i}/ par ae (au lieu de ť»/7a}/ par ai).
ex* In ЧК (î\ &*P\\~ v$ vrQW
Ang otos
ordre nang
de Dios.
Dieu ae. fangpouo
dix
"Les commandements de Dieu sont au nombre
de dix."
La lecture à haute voix de la pétition donne
l'impression que la particule AY était à l'origine
une sorte de ponctuation sonore propre à une tra
dition oratoire ancienne, comparable au /wa/ "et"
de l'arabe (j ) et de l'hébreu (1 ) (d'où les "et"
intempestifs des traductions de la Bible).
3.3. Elle n'apparaît dans aucune proposition con
stituant un énoncé surbordonné à un autre.
REMARQUES
1 ) Les composants de la phrase seront simplement représentés
par les lettres de l'alphabet prises dans l'ordre pour éviter
les problèmes de catégorisation (foyer^sujet^thème).
2) Le numéro marginal renvoie à la ligne de l'annexe В où se
trouve le premier mot de la citation.
Le lecteur s'y reportera pour le mot-à-mot.
3.3.1. énoncés du type A ang В
20 (yáyang) ipinatáiuag ná ng P.D. ANG ámiňg benepisyádořig ...
(attendu que.) Ы SeJxpewi dieu, a wppeM à Lui notne.
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LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
4. FORMES VERBALES
Cette pétition fournit un corpus de trente-et-une
formes verbales. Hormis leur orthographe, la plu
part d'entre elles sont tout à fait conformes à
l'usage actuel. Il en est cependant quelques unes
qui retiennent l'attention du lecteur moderne.
4.1. L'utilisation des formes plurielles y est plus
fréquente que dans la langue actuelle.
4.1.1. Contrairement à l'usage actuel, IBA ne de
vait pas impliquer le pluriel en s 'opposant à ISA.
31 NAGSIALIS ANG IBA cf. UMALlS ANG IBA
partir+pl. autre+0 partir+0 autre+0
"les autres sont partis"
5. TUTOIEMENT
II est difficile de ne pas conclure que le vous-
soiement sous la forme de la deuxième personne du
pluriel ou de la troisième personne du singulier
ou, mieux, du pluriel (SCHACHTER & OTANES:1972:89)
est un calque de l'espagnol non seulement en rai
son des analogies flagrantes entre les deux systè-
136
Jean-Paul POTET
6. NUMÉRAUX
Seuls les montants de l'impôt et les divers re
censements de Mangyans sont rédigés en toutes let
tres. La date de la pétition est en chiffres.
6.1. Hormis l'emploi de PUO "dix", devenu PO en
tagal actuel, les nombres sont exprimés dans le
système moderne et non dans l'ancien (v. LAKTAW:
1929:352).
"cent vingt"
40 moderne SANDAAN AT DALAWAMPUO
un L cent et deux L dix
ancien LABI SA RAAN DALAWAMPUO
dépassant (à) cent deux Ldix
II semble donc que déjà en 1665 l'ancien systè
meétait sorti de l'usage.
6.2. Contrairement à l'usage actuel, il n'y a pas
de ligature (L: NA/-NG) entre l'expression numéri
que et l'objet compté. En outre, ce dernier est
pourvu du préfixe KA-.
40 SANDAAN AT DALAWAMPUO KATAO
cent et vingt personne
"cent-vingt personnes"
48 SAMPUO KATAONG MAHIGIT
dix pers. L dépassant
"plus de dix personnes"
137
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (166 S)
7. LA LIGATURE NA/-NG
RAPPEL
En tagal actuel, la forme /na/ suit les mots terminés par une
consonne quelconque» tandis que la forme /r|/ remplace la finale
lorsque cette dernière est (n), (h) ou (9).
Nous venons de voir que la ligature ne précède
par l'objet compté. D'autres particularités sont
à noter.
7.1. En n'étaient
"afin" 1665, les pas
conjonctions
pourvues deKUN
la "si"
ligature
et UPAN
com
me de nos jours: KUŇG, UPAŇG. (v. l. 26 & 43).
7.2. La ligature garde la forme NA quelle que soit
la finale du mot précédent lorsqu'elle introduit
une relative, (v. l. 5, 12, 39 & 41).
7.3. Inversement, la forme -NG est utilisée lors
que la ligature intervient à l'intérieur d'un
groupe nominal.
1) Gê /kà/ est devenu /ka/ ou /ko/ en sino- japonais*
138 Jean-Paul POTET
8. ONOMASTIQUE
II serait dommage de ne pas utiliser les noms
propres de cette pétition pour illustrer cette ques
tion souvent ignorée des linguistes philippinolo-
gues.
8.1. TOPONYMIE
Les toponymes mentionnés dans la pétition nous
apparaissent tels qu'ils étaient avant leur his-
panisation et la tagalisation de leur forme his-
panisée.
Tag. AWia/^/NAWHANG (nau-ha.n) -► esp. NAUJAN
(na.u-xan) •*• tag. NAWHAN (na:u-han). POSTMA pense
qu'il s'agit peut-être d'un mot chinois.
Tag. Po£a/?VLk (pu-la. h) ■* esp. POLA (po.-la) +
tag. POLA (po:-lah). PULA signifie "rouge". POSTMA
confirme que la terre y est rougeâtre.
8.2. ANTHROPONYMIE
Nous avons consulté pour référence l'ouvrage de
Francisco COLIN, LaUon. e.vanqe.lica , Madrid, 1663,
dans sa traduction anglaise (B&R, Vol. 40, pp. 57-60),
ainsi que des sources secondaires.
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665) 139
CONCLUSION
Ce document représente une contribution importan
te à une chrestomathie linguistique tagale non seu
lement parce qu'il s'agit d'une prose authentique
datée avec précision, mais aussi parce que les faits
de langue qui s'y trouvent nous renseignent utile
ment sur le système verbal, la ligature et l'an té-
poseur.
141
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
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143
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
G1
D1
G6
G7
Jean-Paul POTET
TRANSCRIPTION DES SIGNATURES
novembre 1986
G1 Don Juan MAGQUILAT Don Fernando LONTOC D1
G2Don Franzcisco HABIER Don Juan DEMAROCOT D2
G3Don Estevan DOMONDON
Don Ignazcio MANAGA D3
Don Franzcisco LIMOT 04
G4 Don Juan BASINGIL
Don Avgustín SOLIT 05
G5Don Franzcisco DIMAGCOLANG Don Phelipe IACOBE 06
G6Don Juan MATANGNAN di-lípi dasón rín 07
G7Don Diego SALCEDO
144
Jean-Paul POTET
.
Felipe Pedro MUŇOZ Juan
33 Seigneurie"
Ilustrísima 3Ona
ill.ma |_na panginoon
Panginoón
seigneur ânamin
námin
nous ang РадсалЬш.
pagkasirà
ruine de
папд
ng
ILLUSTRISINA destruction
34 ámiňg báyan: itó ang dahíláňg ipinagmámakaa^wá-áwa
aming (hajan. 31jto ang dahiůmg IPinagmamacawia aua
notre+L ville ceci cause+L provoquer la pitié
NOTES
ANNEXE El CONVENTIONS
1 . ACCENTUATION DES MOTS TAGALS
Le système utilisé dans cet article est celui
préconisé par l'Institut de la Langue Nationale
(SURI AN NG WIKANG PAMBANSA -»- SWP) augmenté par
nos soins (POTET).
1.1. Nous mettons l'accent aigu sur la pénultiè-
me accentee.»
PHOMĚTIQUE SUP PQTET TRADUCTION
ba:gaj bagay bágay chose
ta?o.n taón taón année
ba:goh bago bago nouveau
? i ba • h ibá ibá autre
lu: pa7 lupa lupa terre
?uli ? uli uli - à nouveau
1.2. Nous mettons en mémoire les finales (n) ,
(h) et (7) en les représentant respectivement
par le tilde ( (n) ■+■<>.), le tréma ((h) ■*■ ••) et
l'accent grave ( (9) •*- s).
ta^ur) taóng taóňg année+L
ba: gut bago't bago't nouveau+et
lu:paj lupa' y lupa 'ý terre+ANT
1.3. Dans les mots dérivés, nous mettons en mémoi
re l'accent principal de la base en souscrivant le
guillemet double („) lorsqu'il était sur la pé
nultième et le guillemet simple (t) lorsqu'il
était sur l'ultime.
da:mih dami dámi grand nombre
kárami: han karamihan kar^míhan majorité
da ji. Г] daíng daíng plainte
dajina.n daingán daj.ngán se plaindre à
1.4. Les enclitiques sans accent écrit dans l'or
thographe officielle sont pourvus de l'accent ai
gu.
ta pus na.h Tapós na. Tapós ná. C'est fini.
na tapo.s na tapós. na tapós. (qui est) fini.
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
3. SYMBOLES GRAMMATICAUX
ay 1 antéposeur pá 1 continuation ou
ANTJ (v. §3) + J adjonction
na/-ngl ligature rín/dínl répétition ou
L J (v. §7) = J insistance
na 1 interruption ou
/ J changement
156
Jean-Paul POTET
BIBLIOGRAPHIE
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Ce court rapport manuscrit, rédigé en tagal, signale le pas
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15?
LA PETITION TAGALE CAMING MANGA ALIPIN (1665)
Jean-Paul POTET
C.N.R.S. - C.R.L.A.O
B.P. 46, 92114 Clichy Cedex