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Les noms de lieux dans

la région lyonnaise aux


époques celtique et [...]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Devaux, André (1845-1910). Les noms de lieux dans la région lyonnaise aux époques celtique et gallo-romaine / par l'abbé A. Devaux,.... 1898.

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LES NOMS DE LIEUX
dans la Région Lyonnaise

X\ÏK ÉPOQUES CELTIQUE ET GALMMloàlAINK

*>#n l'Abbé A. 0£YA<JX,

Pèwfesseur à la Faeulh' catholique îles Mires.

LYON
IMPRIMERIE MOUQIN-RUSAND
3, Rue Stella, S

1898
#OMSde LIEUX

DANS U REGION LYONNAISE

Aux époques -Celtique ci -Gallo-romaine


LES NOMS DE LIEUX
dans la RégionLyonnaise

CEI/TIQUE ET GALLO-HOMAINL
AUXvJ^OQUES

l)$U *>*t* l'Abb* A. OGYAV1C,

Professeur à la Faculté catholique des hellm.

LYON

IMPRIMERIE MOUQIN-RU8AND

3, Hue Stella, 8

1898
LÈS NOMS DE LIEUX

DANS LA RÉGION LYONNAISE

Aux époques -Celtique et •Gallo^omatne (ff

MKSSIKUIIS,

La Société de Géographie de Lyon ne redoute pas le


côntrasto dans les matières do ses conférences. Je me
félicite do sa large hospitalité, puisqu'elle nie vaut,
après uno très gracieuse invitation, l'honneur de
prendre, ce soir, la parole devant vous, sans être ni un
voyageur, ni un géographe de profession. Vous êtes habi-
tués à des récits do voyages, à des conférences sur notre
domaine colonial, à des rapports sur le mouvement
géographique de l'annêo ou sur les progrès "t\ l'étranger
de l'influence catholique et fronçaiso : tous sujets, ou
l'intérêt do l'actualité, Intérêt souvent do premier ordre,
soutient si heureusement la parolo du conférencier. Mis-
sionnaires, explorateurs, maîtres en l'enseignement de la
Géographie viennent tour a tour vous dire comment on
découvre, comment on civilise, comment on oxploito un
pays. Ce soir, ce sera une exception.
Le seul voyago que j'aie a vous raconter, c'est un voyage
accompli au pays... des Cartnlaires lyonnais : pays
évidemment très respectable et non moins évidemment

(I) Conférence du 31 mnrs ISVK, k lu Sociélô de Géographie.


— o

très respecté. Ce n'est pas par caravanes qu'on le


parcourt, faute, sans doute, de l'espoir d'y découvrir des
terres nouvelles, ou même d'y rencontrer quelque oasis.
Assez rares sont les voyageurs qui s'y aventurent, et
l'intérêt qui les y attire ne ressemble guère a celui qui
fascine, les explorateurs des tenvs lointaines. Sans
doute, do part et d'autre, il y a, comme mobile, une
curiosité à satisfaire; mais tandis qu'aux pays nouveaux
celle curiosité est surtout orientée vers l'avenir, sur
notre vieille terre ligure, celtique, gallo-romaine, bur-
gonde ou féodale, elle est toute tournée vers le passé. .
L'énigme qu'elle cherche à pénétrer est celle d'hier, non
celle de demain. IÀ plaisir qui accompagne ladécouverte,
(piand découverte il y a, est d'essence tout intellectuelle
et spéculative, aussi pure que possible de toute arrière-
pensée intéressée. Si je n'avais pas devant moi un audi-
toire d'une aussi courtoise bienveillance, je dirais que ce
plaisir n'a pas souvent la chance de se faille partager.
L'exploration, dont je vais vous présenter les Irop
modestes résultats, était d'ordre à la fois philologique et
géographique, ou pour parler plus exactement, une élude
de philologie appliquée à la géographie de la région lyon-
naise. Le terrain choisi peut paraître vaguement déli-
mité. Je prends ici le terme de région lyonnaise dans son
acception là plus ancienne, c'est-à-dire au Sens de la
dvilitz gallo-romaine, du grand ptujm franco-buigonde,
de l'ancien diocèse de Lyon : vaste pays qui n'a guère
changé de limites, du moins au point de vue de l'admi-
nistration religieuse, depuis l'Empire romain jusqu'aux
approches de la Révolution française, et qui comprenait ;
sur la rive droite de la Saône et du Rhône, le territoire
des Ségusiaves; entre la Saône et le Rhône, celui des
A m barres, et sur la rive gauche du Rhône, une enclave
dans le territoire altobroge. «"elle région correspond
aujourd'hui, d'un côté, aux départements du Rhône cl
de la Loire, de l'autre, à la moitié ouest du département
de l'Ain et, dans l'Isère, à quelques cantons des arron-
- 3 —

dissemenls de Vienne et de la Tour-du-Pin. Ui langue a


été longtemps la même dans toulc celle contrée; ce n'est
guère qu'à l'époque féodale qu'on voit apparaître, dans
le gallo-roman du L\ onnais, les premiers germes de
'
différences dialectales qui, développés de siècle en
siècle, ont fini par constituer tant de patois différents.
Pour la période ancienne, c'est-à-dire approximativement
jusriu'au xi* ou xne siècle, on peut donc considérer tous
les noms de lieux de la région lyonnaise, du moins sous
la forme bas-latine ou vulgaire que leur donnent les
documents, comme appartenant à la même langue elles
réunir dans la même élude. Toutefois, forcé de me
restreindre, sous peine de rester dans tes vagues généra-
lités, je m'attacherai de préférence aux noms»do lieux
des départements du Rhône et de la Loire, en ne deman-
dant à ceux de l'Ain cl de l'Isère, que des termes de
comparaison.
A quels caractères peut-on reconnaître, parmi ces
noms, ceux qui sont antérieurs à la conquête romaine,
et ceux qui ont été fermés à l'époque gallo-romaine ? Dans
quelle mesure est-il possible d'en déterminer la significa-
tion primitive? Age et élymologie de nos plus anciens
noms do lieux, tel est donc l'objet de cette élude som-
maire.

1. — LA MKTIIODK

Il est clair que je vous dois, au préalable, quelques


explications sur la méthode à suivre dans cet ordre do
recherches; c'est d'autant plus à propos que la science
étymologique, de création relativement récente, n'a pas
fait disparaître partout encore le sourire à demi scep-
tique qui saluait si généralement, il y a quelque trente
ans à peine, la seule annonce d'une élymologie géogra-
phique. C'est que depuis longtemps on fait de l'élymo-
logiCjCt depuis longtemps aussi, on en fait sans méthode,
-4-

Sans remonter aux Romains et aux Grecs, constatons


que les scribes du moyen Age avalent déjà la prétention
d'expliquer les noms de lieux. Quand par exemple, ils
*
traduisaient le Cambodttbrum de l'Ain, aujourd'hui
*
Champdor, par Campus hutibm (1), le champ de la déri-
sion ou le Tremnnc de l'Isère, par Tre* ashti (2), les trois
Anes, ils se livraient à un véritable exercice étymologique,
tout en n'aboutissant qu'à de grossiers calembours. Le
jeu n'était pas toujours innocent : il a produit parfois
d'étranges déformations sous lesquelles il est bien impos-
sible de deviner la forme primitive des noms. Pourrions-
nous supposer que Sahtt-lguy (canton de Monsols)
représente un nom gallo-romain Stmlhtiacus, si nous do
rencontrions pas ce dernier dans le Carlulairc de
Cluny (3)? Quand le mot arriva à la forme normale de
SaHlifjiiifles scribes y virent un nom de saint, coupèrent
le mot en deux, et leur bévue se fixa dans la langue. Le
phénomène du moins n'est pas fréquent en Lyonnais 0) ;

(1) M.-C. GUIOUK, Topographie historique tlit départehient de FAm, e. v.


Ctitmpdor.
(2) U. CfifcVAMBn, Inventaire des ùrehïres de» dauphins (13(6), n»82(.
(3/ DMJKI,, Cari, de Cluny, L p. 115 (a. 0(3). — Co nom est écrit encore
Santigniacus dans un pouillé de IIJOOenviron fI(B(tKAitu, Carlulairc de Aforri-
gtvjrl tFAhaig, II, p. tOfC noie;.
f4) \JO phénomène s'est certainement produit pour les deux noms de
StdifBet (Ithône) et do Saint'l'algue* (Loire). Le premier se rencontre sou»
les formes de Hambael (Cari. dêSae., I, cit. 911, «. 1102;, Sambeelli (ift.,
cli. 80Eî, xi* s.;, Hainbeel (ib.f cli. 730, xi« s.), Senbel (ib.-, cli. ORS,a. (286) cl
Sanclns Jlellus {ib., il, p. 901, 088, xvi« s.). Les formes Sambael, Sainbeel, h
(a date où elles apparaissent, supposent la chute d'uncdentalolnlerrocalique
i:trontsongeràiinprimiUr\Srtml!MfW/inMOii\S«nt&A^//iiiii(dugaii1oi3*.S(r>>i^r'
*
<fa»,supposé par .SWIIWo;. A l'appui de tfrtmMW/imi.on pourrait citer le nom
de personneSmn W/mw,de ta môme région (DKHHAUD, Cari, deSae., I. ch. 4,
40, 109), continue vraisemblaMement dans le nom de famille Sambin, et
dont le sen» primitif doit être • né un samedi », comme Ûominicu* a dft
signifier d'alionl « né un dimanche », comme Calendinus a clé, h l'époque
gallo*rom*ine, un surnom désignant l'enfant « né le Jour de* calendes ».
'
Si l'hypothèse n'est pas trop téméraire, Sambalelltts en serait le synonyme
31 dés lors Sain-lie! aurait signifié à l'origine : fundus Sambàleltas, la pro-
priété de Sambaletla* ict. Flaetanellus fundus, lloldcr, s. t. ello). Il aurait
uissi son continuateur dans le nom de famille Hamltel. Mais, pour plusieurs
. — 5 —

d'ordinaire, la prononciation du peuple a protégé les


formes normales contre les maladresses des scribes.
Mais le peuple, lui aussi, semble avoir eu, do temps à
autre, la manie étymologique, et vous devinez ce qui
s'en est suivi. Ainsi, Gambomt*, dans la Loire, une fois
parvenu à l'étape de, Chambo, on a vu du « boeuf » dans
ce mot, cl on s'est mis a l'écrire Chamboeuf ; phénomène
analogue dans le nom do Saint-PieiTe-dc-/ia?«/' (canton
de Pélussin), anciennement lioeium (1). La langue admi-
nistrative n'est pas innocente de celle sorte de méfaits,
si mémo, dans les cas précédents, elle n'est pas la vraie
coupable. Qui donc, à entendre prononcer le nom de
Ilottry-Arycnlal, ne songerait pas immédiatement à aryen-
talis et, par conséquent, à une étymôlogîcoù Yarycnt
jouerait un rôle? Pourtant, le nom est écrit Aryentao dès
l'époque mérovingienne, ce qui nous reporte ait nom
gaulois Arycnlavtts, qui est aussi la forme constante aux
xi" et xii*siècles (2), parallèlement au gallo-roman Aryen-
tau, son successeur régulier; d'ailleurs, la prononciation
du patois actuel correspond parlaitemcnt a celte élynio^
lôgic./lïv/<?»fVi7 doit donc être mis au compté de fa langue
administrative, compte visiblement assez riche. N'est-ce
pas elle qui a si singulièrement affublé d'un ^ tant de
noms en ûvt dans notre région, et d'un Mes noms de
l'Ain en ia 7(3) Ne vient-elle pas de changer dans l'Isère,
le nom de Saint-André-lc-6'ifrt (c'est-diro le yttê de la

* —
raisons, l'hypothèse du celtique Seiiibettellum semble préférable.
Quant & Saint-l'otgues, toutes les 'Hyinologie* qui en ont été proiiosëes, par
exempte celle de Dernard qui en fait la corruption de Sanrlntn sepulerum
{ib.. Il, p. 1657), eu celle, plus plaisante, de La Mure qui y voit sannm et
pulerum (!), tombent devant c-* fait que, parallétem'nt h SanUPtdgo et h
Sanl'Porr/o, on rencontre Sa§totgo(G. GuiOtiR, Cari, de-fiefs de l'Église de
Lyon, p. £5, o. (3fîl et nilloiir»), forme probablement plus ancienne.

(I) U. CtiftVAMKR, Cari, de 8aint*André-tc-Bast ÎJoeius, ch» 179, a. (001.

(?) DBCilAnMM*Pr.uoKRôM.r.set M.-C. Guiotl*, Cari, de Sainl'Sauveur-en*


Hue, pass.
i'X Ce n'est guère qu'au xvin* siècle que cette anomalie se généralise.
— « —

Itourbre) en Sainl-André-lc-(*7i:(l)'/C'est du travail pour


les étymologlsles de l'avenir, cgiii auront a se demander
si ce gaz provenait tlu marais voisin ou d'une usine.
Mais enfin, on peut dire, A la décharge des scribes du
moyen^e, tlu peuple et même de l'Administration,
qu'ils 11ont fait do l'élymologic qu'A l'occasion et sans
doute à leur insu, comme M. Jourdain faisait de la prose.
Voici venir les élymologislcs de profession, et vous allez
voir s'ils réussiront A s'affranchir do la méthode pure-
ment conjecturale. On peut distinguer, depuis la Renais-
sance jusqu'au milieu tic notre siècle, deux périodes au
point de vue des recherches étymologiques, et que
j'appellerai la période de Ménage et la période de
lliillot
Ménage, le Yadius de Molière, avait une connaissance
profonde des langues anciennes, — j'entends le latin et
le grec. — Chacun sait l'usage qu'il en Ht en matière
d'étymologic. Il n'hésitoil pas, par exemple, A dériver
hariml do faba. C'était plus qu'il n'en fallait pour justi-
fier Tépigramme qui a sauvé de l'oubli le nom de
d'Aceilly. Le pis est qu'il eut des imitateurs, et qui le
dépassèrent. On n'imagine pas A quelles débauches
étymologiques se livrèrent les érudits de second ou de
troisième ordre, demandant, non seulement au grec,
mais encore au phénicien, le sens des noms de lieux que
le latin ne pouvait expliquer. Le P. Mcnestiicr, A qui
l'histoire de Lyon doit de si grands services, ne put

(1; Si l'on rencontré dans les documents anciens la forme Huât ou (Sat,
il faut l'expliquer comme le cas Sujet dérivé de radus. Il est bien clsfr que
ceux qui ont substitué (in: a Hua dans le nom de la localité dauphinoise,
n'ont pas obéi A ce scrupule d'archaïsme, lequel, d'ailleurs, efit bien été
déplacé Ici, puisque dans Soinl-Âmlrt'de-Gua, le second terme est au c».«
régime.
(2 II serait Inique, évidemment, de rendre ces deux écoles responsables
de tous les méfaits étymologiques des derniers siècles. On a fait de pitoyables
étymologicf, n l'aidé du latin et du grec, avant Ménage, et à l'aide du
celtique, avant Hullet Mais ce sont ces deux noms qui personnifient le
mieux les deux tendances.
— 7 ~ .

échapper complètement A l'influence do'colle école aven-


tureuse. Sans doute, il faut lui savoir gré d'avoir protesté
contre c les rêveries des grammairiens et des histo-
riens » en matière d élymologie, notamment contre les
explications phéniciennes de Bochart, surtout d'avoir
proclamé que c les élymologics doivent être autorisées
par des témoignages irrécusables provenant des plus
anciens auteurs ou juslifices par des monuments publics
aussi anciens (1) ». Celait parler en sage, en un temps oïi
les élymologislcs ne l'étaient guère. Mais le P. Mcneslriér
lui-môme dérive encore le nom du Forez, non seulement
île Forum (Feurs) (*2), mais encore de bornm et"'clo Furan,
qui n'ont rien de commun entre eux ; il fait venir Trhn
do triumvir, Chazay de Camus, Tramoye* (Ain) de strami-
tiibits, parce que, entre autres motifs, les m;;isons y sont
couvertes do paille, efc. C'est l'époque où l'on explique
le tuy i\ô Uiydununt, par lÀirim^ prénom de son fonda-
teur, ou par lueltts, A cause du deuil quidut aécoiïi-
pagner l'incendie de la colonie sous Néron; ou bien
encore par /M.V, parce que, suns doute, bAli sur les hau-
teurs de Kourvièrc, Liigdunum échappe mieux tpio la
plaine aux brouillards. Lyon n'avait pas le privilège de
ces fantaisies. 'Kri Daupliiné, nous n'avons pas été mieux
avisés. Quoique Taclc de naissance du nom dé Grenoble
se trouve autlicntiquement dans GralianàpoU*, la ville de
Gralien, on s'obstina A traiter ce nom comme une
énigme. Les uns y voyaient la Graiorum polia, la ville
fondée par les Crées; les autres la GrantiopolU, la ville
protégée par Grannos, un Apollon gaulois ; d'autres,
enfin, moins modestes, l'expliquaient par Gràtiarum
potk, la ville des GrAces, d'où les trois roses do ses
armoiries.
Vers le milieu du xvii'i* siècle, exactement fie -1751 A

Cl) llisl, munie, de Lyon,p.-il et M.


CS) Plus exactement, Foret (anciennemenl Foreis) eut le conlinuateur de
Forentis, adjectif dérivé de Forum.
— 8 -

1770, parurent, en (rois volumes in-folio, les Mémoires do


llullet sur la langue celtique, avec un dictionnaire des
termes qui la composent. L'infatigable savant y dépensait
une érudition énorme A reconstituer l'ancien celtique A
l'aide du bas-breton, mais, — est-il besoin de le dire?—
sans principes et sans méthode. L'oeuvre, ou l'hypothèse
ta la chimère tenaient uno. si large place, fournit un véri-
table arsenal A la celtomanic. On ne se borna pas A ten-
ter l'explication des noms de lieux par le celtique, ce qui,
ainsi que nous le dironr bientôt, est souvent légitime ;
on alla jusqu'à dériver lu langue française du gaulois:
tentative qui prouve, comme on l'a remarqué depuis
longtemps, que les cellomancs ne connaissaient ni le
celtique, ni le latin, ni les langues néo-latines. Pour ne
parler que de l'application quia été laite du celtique A
l'interprétation des noms de lieux eu Lyonnais, disons
sommairement qu'elle n'a été ni plus téméraire ni plus
sage qu'ailleurs. Quand on se trouvait en face d'un nom
d'apparence plus ou moins bizarre, on cherchait parmi
les termes soi-disant celtiques, en circulation dans les
livres depuis Rullcl, celui qui, pour la forme et le sens,
semblait le mieux cadrer avec le nom A expliquer. On
aboutissait souvent de la sorte A une double méprise:
lel nom, parfaitement explicable par le latin, était attri-
bué au celtique; lel autre, certainement celtique, était
rattaché A un radical d'existence problématique. Com-
bien de mots, donnés par nos élymologislcs comme cel-
tiques, ne se trouveront pas de longtemps dans un dic-
tionnaire vraiment critique de la langue gauloise! Si aux
bévues de l'école de Ménage on ajoute celles do l'école
deUullet ou des cellomancs,on comprend qu'il y ail bien
des rectifications A faire parmi tant d'étymologies long-
temps admises comme certaines ou plausibles. Je ne
parle pas de ceux qui, plus téméraires encore, ont pré-
tendu trouver dans notre contrée des noms d'origine
arabe.
On peut sourire aujourd'hui de telle ou telle élymo-
— 0 —

logie surannée; mais, aux élymologislcs eux-mêmes, on


ne tloitpas refuser ce qu'on appelle au Palais le bénéfice
tîcs| circonstances atténuantes. S'ils se sont trompés,
c'était, d'ordinaire, plus la faute du temps que la leur.
Nous no pouvons les blAmcr, — au contraire, — d'avoir
cédé A l'impérieux instinct de la curiosité intellectuelle,
A ce besoin de comprendre qui torture parfois l'intelli-
gence, surtout devant, ces noms familiers qui semblent
garder le mystère de nos origines ethniques. Ce qu'ils
ont fait, c'est A peu près ce que fait le voyageur dans un
pays inexploré, quand il n': iroiive ni roule tracée ni
guide: ils s'avancèrent A tâtons. Aujourd'hui, nous n'au-
rions plus la même excuse. Le terrain de l'élymologic
géographique est savamment exploré, de larges routes y
ont élô pratiquées et les guides expérimentés ne man-
quent plus. Pour parler sans figure, (a méthode, une
méthode vraiment scientifique est enfin créée. Kilo repose
sur quelques principes peu nombreux cl très clairs,d'une
clarté d'axiome.
Premier principe: Dans l'explication d'un mot quel-
conque, par conséquent aussi d'un nom de lieu, il faut
lenir compte, non seulement de sa forme actuelle, mais
de toutes les formes attestées par les documents, pour
essayer d'atteindre la forme première dont toutes déri-
vent graduellement, et remonter de la plus ancienne A
la plus récente.
Deuxième principe : Comme tous les noms de lieux,
antérieurs au moyen Age, qu'ils viennent du celtique ou
du germanique, sont entrés dans le moule latin pour
suivre l'évolution qui amena le latin aux langues uéo-
(alincs, c'est par les règles du dialecte auquel appartient
le nom étudié qu'il faut expliquer ses transformations
phonétiques.'
Troisième principe: En ce qui concerne les noms
d'origine celtique, on n'a le droit île préciser leur base
celtique qu'autant que celte base est nuthentiquement
connue comme celtique.
- tu -

.Le simple énoncé de ces règles, aujourd'hui élémen-


taires, prouve qu'elles ne pouvaient s'établir ou être pra-
tiquées : 1° avant la publication critique des recueils de
chartes;2* avant l'élude scienlillque, d'une pari, des
langues romanes, d'autre part, des langues celtiques.
Sous la puissante impulsion partie de l'Ecole des Char-
tes, les savants de province ont rivalisé de zèle avec les
maîtres de la capitale pour nous fournir desCartulaires
édités suivant toutes les lois de la critique paléographi-
que. Vous savez qu'à cet égard notre région est des mieux
partagées, grftco surtout aux publications de MM. Auguste
Homard, Guigne, de Charpin-Fciigcrollcs, le chanoine
U. Chevalier et Drucl (pour le Carlulairc tle Cluny qui
intéresse tant le Lyonnais), sans parler de nos savanls
épigraphisles, MM. do Doissicu, Allmeret Dissard, dont
les travaux, quoique d'ordre différent, sont si utiles aux
études dont nous nous occupons. Si nous n'avons pas la
bonne fortune de posséder, comme d'autres départe-
ments, notre Dictionnaire topoyrapltiquc (I), du moins les
instruments de travail les plus essentiels ne nous man-
quent pas pour les recherches étymologiques relatives
aux noms de lieux.
Pareillement la méthode linguistique ne fait plus défaut.
La science des langues romanes est si solidement cons-
tituée qu'on ne peut plus lui apporter que des modifica-
tions de détail, incapables d'atteindre ses lois essentiel-
les. Quant aux lois, eu particulier, du dialecte lyonnais,
elles sont assez connues grâce aux travaux de Clair Tis-
seur et de M. Philipon. Co qui est moins connu, ce sont
les progrès du cellicisme scienlillque. Il lui a fallu du
temps pour s'imposer à l'attention publique. C'est que,eu
outre des formidables difficultés inhérentes A la matière
celtique, il avait A triompher du prodigieux discrédit

(1) Nous avons bien celui du département de l'Ain, par Il.-C. Guigue,
qui a relevé soigneusement tontes les formes anciennes des noms de lieux ;
malheureusement il a nrglipé de les dater, ce qui oblige encore A recourir
directement AUX sources.
— Il -

qu'un siècle d'aberrations celtomancs avait attaché a.


nom de cellisant. Il y a cinquante ans que paraissait »
G ranimai iea ccl lira do Zeuss, vrai point de départ de lu
renaissance celtique. Depuis lors, en France, en Allcma
gne, en Angleterre, en Italie et ailleurs, on s'est mis avec
ardeur A déblayer le terrain celtique et A le fouiller dans
tous les sens. Les fouilles sont loin d'être terminées,
puisque le terrain s'élargit d'un jour A l'autre par les
découvertes de la numismatique et de l'épigraphie, telles
par exemple, que la récente découverte de Coligny.
Cependant les matériaux amassés, classés et contrôlés,
sont assez considérablespourque M. Iloldcrait pu entre-
prendre, en 1801, la publication du Trésor de Vancien cel-
tifjue (All-ccllischer Spraehschatz).vaste dictionnaire com-
prenant tous les mois celtiques ou qui renferment un
élément celtique, avec référence, pour chaque mot, A
tous les documents ou textes d'oui 1 provient. Malheu-
reusement pour celte conférence, il n'en est encore qu'au
dixième fascicule, soit au mot Slediolanon.
Recueils de textes lyonnais et méthode linguistique,
c'est beaucoup déjA pour l'étude de nos noms de lieux.
Nous avons plus encore : des modèles. Si le livre dé
Quicherat sur la Formation française des anciens noms de
lieu ne se trouve pas toujours, après trente ans, au cou-
rant de la science, les travaux de ses élèves, MM. d'Ar-
bois dcJubainviHc et Longnou, peuvent et doivent ser-
vir de guides dans l'application de la philologie à la géo-
graphie. C'est, d'un côté, le grand ouvrage de M. d'Arbois
tic ittbainville, Jlccherchcs sur Vorigine de ta propriété fon-
cière et les noms de lieux habiles en France (1890), de l'au-
tre, le dictionnaire de M. Holder, qui ont inspiré et dirigé
le travail que j'ai l'honneur de vous présenter (1), sous
la réserve, bien entendu,de contrôler, A l'occasion l'auto-
rité de ces maîtres de la philologie celtique par celle des
maîtres de la philologie romane.

(I) J'ai tiré profil aussi du substantiel chapitre de M. Ciry sur les nomsde
tieujr, dans son Traité de diplomatique (Paris, 180$, p. 317).
- 12 -

II. - PKlilODK CKI/TIQUK

Quand César arriva dans la Caulc, il y trouva une


nomenclature toponyinique comprenant deux catégories
de noms: les noms désignant Icsaccidcnls géographiques,
cours d'eau ou monlagncs, et les noms tle lieux habités.
On conçoit que les premiers échappent mieux tpie les
seconds au changement ; ils participent en quelque sorte
A l'immutabilité des choses qu'ils désignent. Le peuple
qui arrive n'a d ordinaire aucun intérêt A les changer; il
les reçoit cl les transmet aux peuples tpii lui succèdent,<
en ne leur imprimant pas d'autre modification que celle
de la phonétique de sa langue. On peut donc dire qu'en
général les noms actuels de nos cours d'eau, abstraction
faitedo leurs métamorphoses phonétiques, sont les noms
mêmes qu'ils portaient A l'Age celtique (1). Il y a plus :
comme les Gaulois, A leur arrivée dans nos pays vers le
vie siècle avant notre ère, curent A refouler les Ligures,
on peut présumer qu ils gardèrent en général les dénomi-
nations géographiques laissées par leurs devanciers. C'est
I idée, assez plausible,de M. d'Arbois de Jubainville.
Ligures ou celtiques sont donc les noms du Rhône
(Wiodanus), de la Saône (SatteonnaJ, de la Loire (Uyer),
et de leurs affluents ou sous-aflluents : l'Ain (Idanus, nu
moyen Age Ilinnis, Knnis, Km, etc.) ; le Chéruy ou la
llourbre (Carusiiis, nu moyen Age Charois, Citant ist

(1) On pourrait concevoir quelques doutes A l'égard du nom actuel de la


Saône, puisqu'il n'apparaît qu'au iv*siècle chez Ammicn Marcellln (XV, 11),
sous la forme Sauconna, devenu Saugonna, Sagonna, Saonna cl enfin Saône.
Mais le nom *st si évidemment « anté- romain ». comme celui du Sagouin
du Cher, qu'on peut présumer qu'au temps de César, la rivière portait les
deux noms d'Arae et de Sanconna, suivant les pays. A en croire le pseudo-
liularque {De punis, 0;, elle se serait même appelée primitivement
Brigoulos et n'aurait du son second nom qu'A un jeune celle, Arar, noyé dans
ses eaux. Mais ici nous sommes évidemment dan* le domaine de ta légende,
- J3 ~

— * llulbara, I tu Uni rus, llulbrttm, etc.); l'Ozon (Mso} (1); la


Chalaronnc (Catamnaj; l'Azergucs (Asclya); la lire venue
(Ikbronna) ; le Lignon (tJnioJ; la Coise (Cosia) ; Icfïier
/• Gants) (2), cic. Il serait très téméraire, on le conçoit
d'attacher un sens précis A ces vocables antiques; on ne
le peut tpie pour un très petit nombre, par exemple, pour

(1) « Ad Atsono » {Cari, de Ctuny, I, p. 29, a. 881}. Alsone {ib., p. 178,


a. 013}, nu m. Age Anton (Les Mautres île l'Isle-ltarb *, éd. GUIOUE, I, p. 125,
a. Il RU), Oman {ib., p. 017, a I3UJ}. — Ce nom, assez fréquent en France,
se retrouve qualre fois dans la Loire : I* Alton (fi. Guiaut, Ont. des Fiefs de
VKglise de Lyon, p. 350 et suiv., hoc. français de l'a. 1311), auj. l'Onzon
(Carte de la France du Ministère de l'Intérieur;, prononcé VOntyoa, affluent
duFurens; 3* l'Auzon, affluent du Lignon ; '&*l'Ozon, ruisseau nfllucnl delà
Mare; i* l'Onzon, affluent de i'Aix. — Le Ï prouve que la forme primitive
avait une voyelle entre I et * comme VAtiso (Almcj, affluent de la l.ippo et
VAIisontia (Klz) du Luxeml>ourg; le nom est apparenté peut-être au nom
d'Alesia-Alisla.
(2) Je n'hésite pas A restituer ainsi le nom primitif «lu Oier, qui n'a pas été
relevé par M. Ifolder.
M. le chanoine Condamin {Histoire de Saint-Chamond, p. 5), signale la for-
me/dm, qui désigne certainement le Cier dans ta légende de saint Ferréol.
Mais celte forme, qui est aussi dans saint Adon {Marlyrol. XIV kal. oct.,
peut être considérée, A cause d*s variantes des mis. de la légende Jarem,
/mvNi^nfivfni.etccommeinlIuencée.sotusIapliimed'unViennois.parlenom
de la Gère, Jaira, Jayra (0. CiiP.vAf.iKn, Cari, deSn'nd'André-le-lhts). D'ail-
leurs, A l'époque de salrd Adon i+ %i*),Jaris pouvait A la rigueur être une
forme vulgaire de Garni, puisque des documents has-lalins de notre région
montrent la graphie Ja pour (in dés le commencement du x* siècle. Ojioi
qu'il eu soit, le dérivé Harensis, antérieur A Jarensis, d'un document de 868
tM.-C. GiJiuuK, Cari, lyonnais, I, ch. 3i et le nom du Gnron, voisin d'em-
liouchure du Gier cl vraiseinhlahlemenl son diminutif, postulent liant*,
devenu Hier comme earus-ehier, d'où lîerlus, dans le latin médiéval. A
remarquer qu'il renferme précisément le radical de llarumna, qui signilie,
d'après les cellislc*, « la bruyante ».
Il faut ajouter A la liste précédente les noms de rivières terminés
aujourd'hui en an ou in, tels que le Conan, affluent de la Urévennc, et le
Sornin, affluent de la Loire. M. A. Thomas a démontré qu'en dépit de la
différence du genre, ils représentent le cas régime de la déclinaison fémi-
nine d'origine germanique qui a donné, en français, Uerle-lkrlain, etc.
Ainsi le 'lonan est le cas régime de l'ancien Cotna, le Furens (Loim), le cas
régime de Fura cf. l&Fure, dans l'Isère,, le Tnindmutan, le cas régime du
nom qui A donné Tramboute, etc. J'ajouterai A la liste de M. A. Thomas :
le Meter'm (ruis. nffl. du Gier), le Shrinel le Mnrinand (mis. nfil. du llhônc),
le Slarecrand [ afll. de la Saône,, et le Thoranchin (afll. de In Tnrdinc;, dont
la Thoranrhc (afll. de la Loire) représente le cas sujet.
—u -
Ikbronna^ dérivé de Itebros, nom gaulois du castor, ce
qui signifie c la rivière des castors ».
Pour les noms de montagnes, je ne signalerai que le
mont Verdun (MON* Verdunus), d'un caractère si nette-
ment celtique, et le Mont-d'Or, A cause des discussions
dont ce nom a été l'objet. On a voulu souvent voir dans
le second terme iVOr l'altération de dor, lequel représen-
terait le diirum gaulois, forteresse. I,c malheur est
qu'aucun document, A ma connaissance du moins, ne
favorise celle explication. Le Carlulairc d'Ainay ne four-
nil que les formes Mous Aureus, Attrcaccnsis, Auriacensis,
Aureocensist cl celui de Cluny Monlcoriocensis (I. p. 770,
a. 051-2). Assurément il est fort possible qu'A cette date
dor, successeur de doro (ditrum), ait été, par une méprise
étymologique, traduit par aurenx, puisque an depuis
longtemps s'était réduit A o; mais lanl qu'on n'aura pas
signalé une forme renfermant mie/, comme nions doras
ou dorius, ce ne sera qu'une hypothèse, sans autre fon-
dement que la persistance ordinaire des noms géogra-
phiques.
Les lieux habités en Gaule A l'arrivée de César, étaient
tic trois sortes : Voppidttm ou urbs, entouré de murs,
avec une population sédentaire, et capable, au surplus,
en temps d'alerte, de servir de refuge aux populations
voisines ; le victts, simple village analogue A nos com-
munes, el sans murailles; cnlln, les tvdificia, petits
groupes éparpillés dans la campagne, comprenant la
maison de maître et les bâtiments d'exploitation agricole ;
c'est l'antécédent delà villa gallo-romaine(1). Lesoppida
et les vici avaient des noms; on peut présumer que les
wdi/icia en avaient aussi, celui du propriétaire tout au
moins, que la propriété, chez les Gaulois indépendants,
fût personnelle ou simplement précaire.
A la période antérieure A la conquête appartiennent les
noms en osais, s'il est vrai, comme l'admettent en géné-

(I) Cf. D'Annois DB JUBAINVII.LK, op. e., p. 78 sq.


- 15 -

rat les cellistes A la suite de M. d'Arbois de Jubainville.


tpic ce suffixe, forme secondaire de ascus, soit d'origine
ligure. Je relève dans notre région, Camboscus, nom pri-
mitif de trois communes : Cliambosl, dans le canton de
Saint-Laurent-dc-Cliamousset et dans le canton de lia
Mure (Khône), et Ghambvui (Loire, cant. de Saint-Cal-
mier), tous représentés au moyen Age par Chambosc, et
«lui signifie : propriété ou exploitation du gaulois Cambos
(= le courbe). De même Jarnioux (Hbône), anciennement
Gemiosl, Jamiost, remonte 1res vraisemblablement A

Gemiosctts, domaine du gaulois Gemios (1). A y joindre
sans doute, Chaponosl (Ilhônc), au moyen Age Chaponno,
Chaponnoz ou Chaponosl, qui nous reporterait A Cappo,
onis : domaine du surnommé Cappo([e chapon) (2). Peut-
être en est-il de même dettibost (Khône), quoique les
textes du moyen Age ne fournissent que Uisbocus ou Mis-
boc. En tout cas, Chavanox (Isère) esl sûrement de celte
catégorie, avec ses formes médiévales de Chavannoseo,
Chavanose, Chavanosl, Chavano, dont le sens est :
domaine de Cavannos, surnom signifiant le hibou. VoilA,
suivant une hypothèse fort plausible, de précieux témoins
de l'occupation ligure en notre région. Toutefois, comme
en d'autres parties delà France, le suffixe osais s'est
joint A des noms latins, on ne saurait dire avec certitude
si nos noms de lieux, dérivés du ligure oscus, ont lotis
été formés avant la conquête.
J'en dirai autant des noms A terminaison sûrement
gauloise, comme les composés de dunumt dttrum, mayus,
etc.; comme le gaulois a été parlé, au moins dans IA
campagne, jusqu'au v« siècle aprè3 J.-C. on conçoit que
ces terminaisons ne puissent établir une ligne de démar-

(1) Ce nom se déduit de Uerniara <rio7fr,Gernfcourt (Aisne,cf. IloLDRR, S.


v., — (ierniosi figure dans un nouille du xv* siècle (IIMm no, Cari, de Sut.
Il, p. 000;. Jarnosse(cant. de Relmont,Loire), (îernoussc,M xvï* s.lfteRMAR»,
ib., p, loto) est un autre dérivé du même nom, ou plus exactement de
'
(iernos.
(ï) On retrouve ce nom dans Chaponnav (Isère), de* Capponacum.
- lo-

cation entre la période do l'indépendance ol celle delà


conquête. Le doute est surtout pot mis, sinon commandé,
quand lo premier élément do ces noms composés osl un
nom do personne; dans lo cas contraire, on peut, sans
trop de témérité, les considérer comme antérieurs A
l'époquo gallo-romaino.
Ainsi on est-il de Liiydiinitm, nom certainement
préexistant A rétablissement do la colonie de Plancus en
43 avant J.-C. L'étymologio do ce nom a soulevé, depuis
la Renaissance, bien dos discussions. On peut dire quo
la publication du dictionnairo do M. Ilolder Irancbo la
question, dans lo sens de M. rt'Arbois do Jubainvillo qui
l'explique par la « forteresso du dieu Lugus» (un nom du
Mercure gaulois, dieu des arts et du commerce;. Il est
absolument certain, aux points de vue historique et pho-
nétique, qu'il faut partir do Lugudumnn; la question est
de savoir ce que signifié Lugu. Les uns y voient le nom
du corbeau, Xoryo;, lequel n'est attesté que parle
pseudo-Plutarque, tandis qu'il y a les meilleures raisons
do croire quo le nom gaulois du corbeau était brànos; les
autres, ainsi que je viens de le dire, y reconnaissent le
dieuLugus, dont lenom se retrouve dans quelques ins-
criptions et dans un Certain nombre de noms composés.
Et puis, si Ton songe qu'une quinzaine de villes au
moins, dans le monde celtique, portaient le nom de Lug-
dunum, peut-on bien supposer qu'il y ait eu, A la fonda-
tion do toutes, un heureux augure tii-ô du vol des cor-
beaux pour leur donner le nom de cet oiseau ? Que si la
médaille, do fondation do la colonio romaine do Lyon
porte le symbole du corbeau, on peut admettre simple-
ment, jusqu'A preuve du contraire, que lo corbeau était
le symbole de Lugus.
Un terme qui entre quelquefois dans la composition
des noms de lieux gaulois, c'est dubront eau; au pluriel
dubrat lequel, isolé, a produit, dans l'Ain, lo nom do
Douvres (canton d'Ambérieu). Je crois le retrouver dans
les noms de Champdor (Ain) et de Mardore (Rhône).
Les formes si diverses du premier : Candolbria, Can*
dolbrio, Gandrobrum, Chandobrio, Chandouro, Ghan-
dore (1) etc., permettent do remontera* Cambodubrum $),
qui signifie t eau courbe » ; le village est A une sinuosité
do l'Albarine, De mémo pour Mardore, la forme ancienne
Mardubrius (3), semble supposer un primitif gaulois
Marod u bru m, c grande eau » ; par le fait, il est situé sur
un bras de la Trambouze.
PIus ôn ignmtique encore est le nomd'Aiguorando (canton
et Kgarande (Loire), Esguerando
' do Belleville), Iguorando
(Ain). A ne considérer que la forme actuelle de ces noms
et la situation de ces localités au voisinage d'un cours
d'eau, on pourrait être tenté d'y chercher un composé
hybride de aqua avec twi<fa,c bord de l'eau • (4). L'expli-
cation est inadmissible, par la raison qu'elle ne peut
rendre compte de tous les noms analogues, d'origine
identique, disséminés, presque au nombre de trente,
sur tout lo territoire français; d'ailleurs, les formes
anciennes s'opposent a cette élymologie. Les savants qui
se sont occupés spécialement de cette question,
MM. J. Havct, Longnonet A. Thomas (5), n'ont pas abouti
à résoudre l'énigme. M. Holderenregistre le type primitif
sous la forme de Ewi (Igui-Egui?) randa, ce qui montre
assez son embarras. Il ne résulte de la discussion qu'une
chose de vraisemblable, c'est que randa signifiait
c limite » et que le nom d'Aigiierande, lguerande, etc.,
signale la frontière d'une circonscription ancienne.
Voici des noms, simples, dérivés ou composés (mais
dont les éléments composants ne sont pas aisés à déter-
miner) qu'on peut regarder comme celtiques. — La

(1) GVIQVF., Topogr. Mst. de VAiu, s. r.


(2) S. Grégoire de Tours mentionne une localité en France du nom de
Canibidobrum fVila Palrttm, 4,4; 5,3».
(3) DÈnxARD. Cari, de Sav., II, p. 1040, dans un pouillé du xvi* s.
(4) C'est l'explication donnée par M. A. Steyert {Xourelle hisl. de Lyon,
11, p. 315).
(5) Cf. Annotes du Midi, t. ^ OgftrMtt et 232. 3
- 18-

leltro 11 indique ceux qui ont été relevés par M. llotder.


Atnbcrtai (|), Ambierle (Loire);
Ampucius (H.) (2), au moyen ago Amputeus, Ampois,
Ampuis, Ampuis (Ithono);
Haon (IL), Pans (Rhône);
llovimn (U.), Saint-Pierre-de-//^//' (|^)jro) ;
llrogilum, t bois •, au moyen Age Urolius, Hroliacus
(erreur do scribe), U HiuelyU>llnwilr \& Breuil (Rhône) ;
JhogiloUsiï) (abl.), « petitsbois .,uu moyeu ago Jhulloles,
lhuijlhlcs Prullioles (H h une) ;
Cambonem (4), « lieu cultivé », LoChambon (Loiro) ;
Celosia (II.) (S), au moyen âge Celoisi, Cclttyxi,
Soleize (xvi* s.), Solaiso (Isère) ;
Comne (6), au moyen Ago Cosan, Couzon (lthôno) ;
* Costobrum
(7), Cou (ouvre (taire) ;

(lj Cari, de Clmy, II, p. S«, a. 091, et Ctrl, de Sue., II, p. Dit. etc. ; la
forme Ambirliicus {Cari. d<eSae.t II, p. U3tf, xi*« s.) est évidemment une
faute de senne, mais intéressante eu ce qu'elle fournit la date approxima-
tive de la substitution de I à f.
{%) t (n agro Ampucictsn&so » {Cari, de CI., I. p. 31,a. 88i. — Amputent,
qu'on trouve fréquemment aa m. âge, est une traduction dM»i/>Ht>,tnftuen*
cée p*r puleus. ~ Je prêstune que le nom d>mplepuls, au in. Age Amplus
FnieuM, représente, par suite d'une méprise analogue, un plus ancien
Antplum Podium.
CM U. Iloldt r indique, comme forme celtique île ce nom. llruitlolst. Mais
nos textes présentent nue forme plus ancienne, llrugdolis {Cari, de Sae.,
ch. 187, a. V77;, de même que Prugillotis pour llrulliote, hameau de l'ouelns
(Loire), (ib., «h. yi8, r. 1OJ0). C'est simplement le diminutif, au pluriel, de
brogitums bois, taillis ».
(i) M. À. Thomas regarde ce mot comme « pcuMtro d'origine celtique •
{Essais de phi toi. fr.t p. l'il.. Il n'est pas raro dans les documents de la
région lyonnaise comme nom commun et dans le sens de « champ cultivé »,
co qui détruit l'explication, par calembour, de campus bonus.
(»; Cclosui {Cari, de CL, I, p. CfO, a. 910). Celusia (U. Chevalier, Cari, de
S. André le-ltas. p. U», u. I03>70). Dans la Cari, de Ctnny, Klosiaeensi
doit é;ra corrigé en Celosiacensi. On voit ce quo devient l'étyrao-
(I, \: tilt)
i<n;ie qui i attachait Solaite i sotalium, lequel n'aurait pu donner, comme il l'a
fuit du re»t»», que soûlas, solas.
Iiî, 1JEUNA HO, Cari. d'Ainay >k lé suite du Car t. de Sac, ch.33, v.KJOO).
7) Costobrum se déduit do Cosioere (GUIUUK, Cari, lyoan. I, p. 309, a. 1219.
•et de tUAhobrum (UtthNAiio, Cari, de Sae., Il, p. lOVi, xvi* s.). La persistance
•du f prouve qu'il était appuyé.
*
Grappona (!), Crapoune (Rhône);
Fmlt renoue (2), au moyen Ago Sanleriioii, Sautrenon,
Sua t renon, otc., Sou ternon (Loire) ;
'iconium (IL), au moyen Ago [oing, Oingt (Rhône) ;
hmimia (3), Lo%anne (Hhône);
Melomun, au moyen Age Medono, Meow, liions (Isère);
Modonimn, au moyen Age Moing, Moind, Moingt
(Loire);
Mornantus, Montant (Rhône) ;
Itodumna, au moyen Age iïodenmi, llodemi, Itodaua,
Roanno (Loire) ; t
Taralrum 0), au moyen Age Turadruin, Tararum,
Tararo, Tarare (Rhône) ;
Tarnanlus, au moyen Ago 7'anwni, Tentant, Tcrnantl
(Rhône)(Ô).

(I) M. IlolJer donne CrajioANa pour le Crapoiine d-i la Ilaute*Loiro. !«


Crsponne lyonnais est repiésenlé par Craimiea {Cari. d'AInay.eh. 190. v. 970
et Craponna (Cari, lyonn., p, 217, a. 1*21/; c'est do et t ta forme, avec
double p quo provient Cr^poune. Le mol, qui nVst pas rare dans notre région
*
(Crapoii, Crsponox, etc.), se-nblo se rattacher A l'adj. Krappo* '(cy. craff.)
qui veut dire « fort, ferme »(Cf. IIOLOMI. S. V. Crappaus) «

li) t'.vwvK. flbil. Lnjil. Fccl., p. Il, SaltreMtus {ib., p. 153). Salternone,
G. GUIGL'K, Cari, des Fief* de t'Fgl. de Lyon, p. 00, a. KWO., , .-
(Hj liKitNAiiD, Gtfrt, ir.li/i., cit. 71, v. 1938. Il comporte pciit-étro la mémo
explication que IAUSOMM [lA>sana\ qui a donné Lausanne (Cf. Hoixen,*. v.),
(fi Tara friim, tarière, mot du lat. populaire* auquel on attribut, à tort ou
a raison, une origine celtique* (A. THOMAS, Rtsalsdephilal.fr,, p. •31! h- Le
nom a-Ml été donné à la bourgade par suite d'une métaphore populaire,
inspirée par sa situation? Dans ce cas, ce serait un nom quelque peu
analogue à celui de Pertuis.
(5j II n'est pas aisé de reconstituer la foimo primitive du nom d'Uzore,
porté par une montagne et par deux communes de la LoirolChalain-d'Uzore
et Saint-Paul-d'Uzorcj; du moins est-il certainement celtique ou ligure. Ou
ne le trouve, que je sache, pas avant le milieu du x* siècle, et il désigne
une villa aussi bien que la montagne, sans qu'on puisse déterminer avec
certitude s'il a été originairement un nom de lieu habité. On peut l'admettre
puisque dès l'an 1M5 c'est le nom II'IIIM: villa et qu'il u'apparail qu'eu 1019
comme nom do la montagne. Quoi qu'il en soit, voici les formes qu'il revêt :
Usourus (Cari. deSav., ch. 7>, a. 915}, Isionro'(a.; 970,, Yzourus fa. 10l0;.
J'imagine que, comme Coutouvre et Solore, il se terminait en obrum, peut-
*
être Itiobrum. En tout cas, il ne semble pas qu'on puisse songer au nom
delà déesse Isl*.
-20 ~

Il est clair quo cette liste pourrait s'allonger encore,


surtout si l'on voulait y joindre, parmi les noms disparus
au cours des siècles, ceux qui remontaient certainement
A la période celtique. Tels étaient entre autres les noms
do Condqte, [tagus Condalensis, révélé parles inscriptions
lyonnaises et qui désignait lo territoire actuel de la Croix-
Rousse, t lo confluent » ; de Lunwt, station de la voie
romaine entre Lugdunum et Matisco (Maçon), et qui se
trouvait à Saint-Jean d'Ardièros (C. de Belleville); de
Mediolanum, t la terre du milieu », ville importante des
Ségusiavcs;de Solobrum (ager Solubrensist Solob remis,
au moyen Ago Sotaw, Soiodrus — forme retraduite - ) et
qui a vécu jusqu'à la lin du dernier siècle, dans le nom
de Saint-I,aurenl-en-Soloro (auj. Saint-tauront-Rocheforl
(Loire).

III. - PKIUODK fîALLO-HOMAlNK

Est-il vrai qUo les Gaulois indépendants n'aient connu,


en fait de propriété immobilière, que la propriété collec-
tive et tpie ce soit lo système d'impôts établi par Auguste
qui a donné naissance chez nous à la propriété privée?
M. d'Arbois do Jubainvillo le croit, et tout son livre a
pour but de le prouver. Quoi qu'il en soit, il est certain,
à ne considérer que lo nombre cl la forme des noms de
lieux à l'époque gallo-romaine, que la propriété privée
prit alors un immense essor. On peut les diviser en deux
catégories : ceux qui viennent d'un nom de chose et ceux
qui viennent d'un nom do personne. Si les premiers ne
nous apprennent rien sur les conditions de la propriété,
les seconds, par contre, attestent évidemment l'établis-
sement ou, du moins, la grande extension de la propriété
personnelle. Ce sont des noms de villas, c'est-à-dire
d'exploitations rurales, premiers noyaux de bon nombre
de nos communes actuelles, et tous ces noms rappel-
lent sans doute le premier propriétaire. Il est intéressant
-ai-

de voir comment se sont formés, et dans quelle propor-


tion, les noms do ces doux catégories,

A. NOMS DK MKUX YKNAXT m .NOMSUK CIIOSKS.


Ces noms sont originairement des noms communs,
substantifs ou adjectifs pris substantivement. Voici les
principaux pour notre région :
Halueolis (abl.), « petits bains », au moyen Age Pagneuhy
Uaignolz, liagnoux, etc., Ragnols (Rhône);
Ganaba, « hutto, boutique », dans Velula Canalta, un
moyen Ago Veillieheneva, YieUieheneva, Vieille-Chenève
(tlu xvi* au xviii»siècle), Villccuenôve (Rhône) ;
Çapaimas, « cabanes», Chavannes(Ain), et nombre do
lieux dits dans lo Rhône et la Loiro ;
Gasellast % maisonnettes », Chazelles (Loire) ;
Golonieas (l), < exploitations rurales », au moyen Ago
Colonges, etc.,Cotlonges (Rhône), et nombreux hameaux
dans toute la région ;
Fabricas, t forges », Fargos (lieux dits du Rhône, de la
Loire et do l'Ain), Favcrges (communes ou hameaux de
l'Isère, de la Savoie et do l'Ain ;
Forum, c marché » au moyen Age Fucw, Fuer, Feurs
(Loire) ;

Furnellost t petits fours », Fourneaux (Loiro) ;
Novales (s.-e. terras) « en jachèro, ou nouvellement
défrichées », au moyen Age Novate, Nitalz, Noauoe, Neaux
(Loire);
*
Pomarios, « pommiers », au moyen Ago Pomci's,
Pomiei's, Pommiers (Rhône et Loire) ;
•Sorharios, t sorbiers», au moyen ùgoSorbci-s, Sor-
biei's, Sorbiers (IfOire) ;
Strala (s.-e. via), « roule pavée »,au moyen Age
Ijestrada^
ïjestra, fjelray\M\tK (Rhône;et Lestra(Loire);

(I) Cari. CL, I. p. 770, a. 031-2 : - in pago Lugduuense, in agro Montée*


riocense, in villa que dicitur Colonicas. » Dans Ausone,ro/on/m a le sens de
chaumière».
Uhmis, • ormeau > au moyen Age hmna, |,es Ûlmes
(Rhône);
IVeiw, « villago*, VieU'd'(/,enave(Ain).
A ces noms, qui paraissent bien dater do l'époque
gallo-romnino, ou pourrait joindre pout-ètro : Leyssard
(Ain), do*<u$<ii-/iiM, «défriché », nom si fréquent dans
les lieux dils ; Ksserlines (Loire), Cerlines (Ain), nom
tlérivédu précédent par le suffixe inus, * F.rarlinas terras
« terres d'essart », au moyen Ago Fxartiniis (Cari, de Sav.
ch. 0, a. 019), Feertinis (th., ch. 218, a. 077), Fssarline.%
Sarlines, Essertines; Machey.nl (Loire), an moyeu Age Mas-
ehasal (xiu*s.), Maehesal (xvi's.), qui semble un juxta-
posé do mansum et decvt>»Yi/e(l) ; peut-être aussi Yiricelles
(Loire), au moyen Age Virieella (xui* s.), Verisselle, Viris-
selle, et qui semble tlériverde Velericella, comme Viriville
(Isère) dérive do Veleri villa. Mais ces noms, sauf lo der-
nier,— si l'élymologio proposée est exacte — pourraient
fort bien ne remonter qu'A l'époque mérovingienne.
Il faut faire une place A part aux noms dérivés A l'aide
de suffixes qui leurdonnentun sens collectif. CessufOxes
sont : le suffixe atono ius-ia et les suffixes accentués mm
et et uni.
Ius-ia.C'esl ce suflixo qui nous a donné les noms de
La Chassagno (Rhône), Cassania, dérivé du gaulois * Cas-
sanumt chêne »,et qui signifie par conséquent* chênaie »;
llaute-Ri voire (Rhône), au moyen Ago Alla lïivoria (Cari,
de Sav., ch. 430, a. JOOO),Alla liivoiri (xiue s.), représen-
tant le latin roburia, dérivé semblablement do robur
c chêne» (2).
Aria. — Lo suffixe aria signifie parfois en latin classique
lo lieu où se fait, où se trouve une chose : Argenlaria

(1) Un curieux juxtaposé où entre easale, c'est Chirassimont (Loire), nu


moyen ûge Chusalsymont Ocm* et xiv« s ), Charassimont (xv* s.}, Chirassu-
monl(xvi«s.) « le chasal, ferme ou manoir de Simon t ; mais il semble, a cause
du nom propre, de l'époque féodale.
(2) Cf. A. THOMAS, Essais, etc., p. 8Ï-83.
~*3 -

mino d'argent ou boutique do changeur. Joint A des


noms de minéraux, tlo végétaux ou d'animaux, il servit
sous l'Km pi ro et plus tard encoro à former des noms
désignant des localités notables sous l'un ou l'autre de
ces rapports. Signalons dans notre région :
Argenlaria, c miné d'argent *,au moyen Ago Aryenleria
(v. 1000) L'Argentièro (Rhône) ;
Asinarias, « lieu où se pratique l'élève des Anes », au
moyen Ago Asineriw (xur siècle), Asnières (communo do
Villette-d'Anton, Isère, cl plusieurs hameaux do l'Ain);
*
Buxarias, « lieu où abonde lo buis », au moyen Age
Btwerias, iiuysseres, Ruimères, Russières (Loire);
Caprarias,€ lieux propres aux chèvres », au moyen Ago
Cltavreres (xiii* sièclo), Chivreres (xivf siècle;, Chevreres
(xv«siècle), Chivritres (xvr 5 siècle), Chevrièivs (Loire) ;
Carbonarias, < lieu où so fait, se débite lo chai bon tlo
bois », uu moyen Age Charbonneires (xiu*siècle*,Charbon-
nières (Rhône);
Cervaria, « pays des cerfs », au moyen Age Cerveiri
(xiu* siècle), Serrera (xivesiècle, fautif), Corviôres(Loiro);
Fabarias, « champs do fèves », au moyeu Age Fiweriis
(xvi* siècle), Faveres ixv siècle», Saint-Cyr-de-Favières
(Loire);
• t champs tlo panis », au moyen Age
Panieiarias,
Paniceres (xivc siècle), Panieieres ixv* sièclo), Panicires
(xvi« sièclo, Panissièi es (Loire) ;
Vitrarias, « verreries », au moyen Ago Vedrerias%
Vereires(\\\\* siècle), Verreres(xi\* siècle), etc., Verrières
(Loire) (I).

(I. Quoique le nom de l*s Chères ilthône) n'appartienne pas à l'époque


romaine, à raison do son origine germanique, je le signale ici à cause de
*
sa fortune. Qui songerait à y voir un dérivé, avec aria, du francique Uskat
qui adonné, en français* lalche r,sorte de caicx?Et pourtant rien déplus
certain : le nom écrit successivement Liscaria* (Cari. dAln., ch. SI, a. 987-
00), Lischeria, Ijescheria, etc., ne se dédouble, par élymologie populaire, en
l.es Chères que dans les temps modernes. — M. Ilolder a donc toi t de l'enre-
gistrer comme un nom celtique sous la forme lischeria*.
Notons, avec M. d'Ai bois do Jubainvilto (I), quo jamais
A l'époque ancienne, le suffixe aria no se joint A un nom
do personne; co sera seulement au moyen Ago qu'on lui
donnera cette extension. Nous verrons naître alors dos
noms tels quo la Pacaudière (Loire), lieu d uno famille
Pacaud, et la Guillotièrc, — moutioiméo au commence-
ment du xv» siècle, - lieu habité par une famille (iuillol.
Etum.—Co suffixe, joint A des noms do végétaux, mar-
quait lo lieu où ils croissent en abondance : qucivetum,
chênaie. Phonétiquement il aboutit A W dans notre région,
écrit parfois, abusivement, ay. De 1A :
I inctum, « lieu où abonde lo pin », au moyen Age
Piney txiir* et xiv-siècles), Pinay (Loiro)(2);
l'omet uni, t lieu planté do pommiers », au moyen Age
Pomei, Pomey, l*omeis{\\'iii* sièclo», Pomeys (Rhône) (3).

Vernelum, « lieu où abonde l'aune », au moyen Age
Vernei, Vernay (Rhôno), et lieux dits dans toute la région.
Par analogie, de Casa on a fait Caselum, réunion do
chaumières, do cabanes, au moyen Age Chasei, Chasey,
Chuzay (Rhôno) et Cha/.ey (Ain).

R. - NOMS DP. I.IKIIX VKNAXT DP. NOMS OP. PKIISONNKS.

Pour bien comprendre la théorie do celle famille de


noms, il faut se rappeler qucllo était, eu fait do noms de
personnes, la coutume gauloise, et comment la conquête
romaine la modifia. A l'époque tlo l'indépendance, les
Gaulois ne connaissaient que lo nom proprement per-
sonnel, ordinairement avec un surnom, suivi ou non, du
nom du père. Dès la conquête, ils s'empressent, — ceux

(1) op. cil., p. 013.


(2j On trouve, il est vrai, Espiuey (xiv* siècle;, comme nom de celte loca-
lité, ce qui prouve une confusion avec Spinelum, c lieu d'épines ».
(;)) \!s de l'omers, de date si récente, est dû à l'analogie, peut-être de son
voisin Meys. M. A. Steyert a tort de l'expliquer par Pomedius, vers Mrys
(Xouv.hitt. de Lyon, I, p. 149.. Pomedius est une /orme retraduite à une
époque où ni<i répondait à metlium.
-v> ~
au moins qui ont obtenu le titre de citoyen romain, —
d adopter tes tria nomina tlo Rome : lo prénom, le geuti-
lice ou nom de famille, et lo surnom affecté A l'individu
ou A sa famille. On peut prendre pour type les Ma nomina
doCicéron : .V*ireus est lo prénom, ce que nous appelle-
rions lo nom do baptême, Tullius, son geutilico, le nom
do Uxyens Tullia, et Gima, son surnom. Sur co modèle,
les Gaulois romanisés prennent trois noms, empruntés,
en toutou en partie, A lonoinastiquo romaine. Quelque-
fois, ils se font même un gentilico, c'est-à-dire un nom
do famille, A l'aide tlo leur nom gaulois ; par exemple du
nom gaulois Cumula*, « ami, allié », on lirolo gentilico
Caranliiis, recoiinaissablo dans le nom do Carantiaem,
Gliarancieu (Isère) il .
Ceci posé, on peut subdiviser en (rois classes, les
noms de lieux tirés do noms de personnes ; les noms
simples, les noms composés et les noms dérivés.

Noms simples. — C'est un nom do


personne, genli-
lice ou surnom, traité comme adjectif, en sous-cntendant
ri lia, pour les noms féminins, et fundus, pour les noms
masculins. On sait que ce procédé était connu du latin
classique, par exemple, /lumen Hhenum, ludus /Jimi-
lius, etc.
Comme exemple tlo nom masculin, on peut citer Mar-
coux (Loire), Merrurius dans les documents anciens, ce
qui supprimo tout doute. C'est donc le fundus, non pas
consacré au dieu Mercure, mais appartenant A un nommé
Me, utius, surnom latin esse/, fréquent (2). Do même, lo
iirin do Serin (A f.von), écrit .Nm-m/x dans leCarlulairo do
C.hinv/(I, p. 023, a. 015), au moyen Age Sereins (Guigne,
Obù, LAtyd. eeel., p. 177, a. 1150) et Scions (ib.f\). 189,
a. 1209), rappelle cerlaincm^nl le fundus d'unScrcnus. Jo

(1) Je ne fais ici que.résumer les idées de M. d'Artois de JuUainville


{op.c.,p.I29etsuiv.).
(-2) D'Aneoib tut JuiiAixrii.i.t;, o/». c., p. 4UÎ.
serai plus résorvô pourlo nom do Meys, d'aspect assos
énigmattque. Pourtant, comme il est écrit au moyen
Age, Madis, Madisus ot Madisiusii), plus taiil Mais, Mays,
Meys, on peut, sans trop de témérité, le rattacher A Mali'
siu$, nom gaulois cité par M. Holder, et qui dérive do
•nici/i*, u~u. A remarquer quo Maliaco (Maçon) dérivo
de * Maliscos. Meys voudrait donc dire \o fundus du gau-
lois Ma isius.
Les noms féminins sont plus fréquents, par suite tle
la prédominance do l'appellation do villa. Dans Villeur-
banne (Rhône), le substantif est resté soudé au surnom
personnel L'rbanus, dans les anciens textes Villa Urbanà,
Villorbana ; c'est la villa d'un Vrbanus, et non une
villa urbaine, co qui n'aurait aucun sens. Champagne
(Rhône), dans loCartniairod'Ainay Campania villa (Ber-
nard, Cari, de Sav., II, ch. 138, a. 001-928, etc.)» rappelle
la villa d'un Campanius, gentilico romain qui entre dans
beaucoup de noms do lieux : Champagny, Champagnal,
clc. Cottanco (Loire), au moyen Ago Constances^ Costances,
CW/amvrf, représente Comianlias terras, domaine des
Constantius. Quel est le Lyonnais qui no s'est pas
demandé d'où venait lo nom do Yaise? Or, j'observe qu'il
est écrit, A partir do 970, Vesia, Veisa, Veisia. Or, Vesia,
forme la plus ancienne, est précisément lo nom d'une
famillo romaine de notre région, très reconnaissable
dans Vesiacus quia donné Yeyziat (Ain). Jo vois donc
dans Yaise une ancienne villa Vesia, villa des Yesitis.
Quant A Avcizo (Rhône), Avcsia* dans le Carlulairc de

(I) • Uadisius villa, in vallé Ilevronica » I]wiNAiin,Ca*"f.i/<?S<ir.,cli.5QI, v.


1000). — M. A.Stejrcit iXour. Mst.deL., I, p.497;,pour prouvev l'établisse-
ment d'une colonie sarmate dans le pays séguslave, s'appuie sur cer-
tains noms tels que Meys, l'omejrs, Cublize, auxquels il attribue une élymo-
logie suive Meys correspondrait à Malilza, m petite méie », métaphore dési-
gnant la source delà lliéveune. Explication inadml:sibte : !• La source de
la llrévenne n'est pas à Mevs, mais h Mi-riogcs; *• A supposer que matiita
ait appartenu, et tous celle forme, au tlavon des iv« et v* siècles et qu'il ait
été appliqué à ino localité de tos pays, il sciait continué par un nom &
désinence féminine, tel que : Mause, Ueisrc.
Savigny (Ch, 139, a, 971), Aveym au moyen Age, je suis
porté Acroiro qu'il a signifié d'abord Avelim terras, des
terres d'Avetius »; c'est un nom gaulois enregistré par
M. Holder et qui se retrouve vraisemblablement dans
*Aveiiaeu8t Avei/.ieux (Loire). Xeulise (Loiro), avec ses
formes de Xulisia, Nulleysi, Xovalisim, rappelle sans
doute une villa Novalisia, la villa des Xovalisius,
On ne connaît pas do formo ancienne pourCiiblfee
(Rhôno), A moins qu'on ne puisse, comme le propose
A. Rernard, corriger 1*4ubliacemis ager d'un Cartulalre
tlo MAcon en Cubiiaeensis. Mais si on remarque qrto Gup-
/W///ïi<«x a donné Corn blizy dans la Marne, l'oxistenco du
nom CupiH'liliu* est attestée en Gaule. Pourquoi, alors,
Cubli/.o ne viendrait-il pas de Cuppelilia, villa d'un Cup*
pelitius? Ce n'est qu'une hypothèse, mais assurément
plus plausible, jusqu'à co qu'on ait découvert la forme
ancienne du nom de Cublize, qu'une hypothèse recou-
rant A une langue parléo on dehors de la Gaule (2*.

Noms composés. — Co sont les noms formés de


deux termes, dont l'un marque le genre ou jdôo princi-
pale et l'autre, l'espèce ou idée déterminante : par
exemple, dans Kugiidunum, l'idée principale est dunnm
(forteresse), et l'idée déterminante Lugus, la forteresse de
Lugus. Les noms gaulois qui ont servi, dans nos pays, A
la composition des noms de lieux sont : dunnm (forte-
resse), durum {d'un sens analogue») et mayas (champ'.
comme de dunnm : *
Signalons composés Àrlodumim,
au moyen Age Arteduno t3*, Arleun, Arleon, Arthun
(Loire) = la forteresse d'Artos, surnom signiflant
c l'ours»;

. {ijCarl. deSav., II, p. 1088.


(i) Voir IIOLoen,s.v. Cuppelitiacus.— M.A.Steyert (for.e.)expliqueCublizo
par le slavou Kouptit:, signiflant c marché », nom que les Sarmales auraient
donné à leur établissement, à l'inflation de Feurs f/bric»).Mals : I* lé mot
Kouplilz est-il contemporain de la colonie supposée ? 2» s'il existait alors et
et sous cette forme, il n'aurait pu produire dans notre dialecte, qu'un nom
masculin tel que Cublls, et non pas un nom à désinence féminine.
l3) Cari, de Cluny, III, p. 433, a. 800.
* au moyen Ago Botedono (1), Botheon,
Bottodunum,
Boleon, Rauthôon (Loiro), la forteresso de Rottos (nom
gaulois cité par M. Holder);
*
Cambodunum, au moyen Ago Cambeldonus, Combe-
dono, Cambechono(îwl\t), Ghamlteo, lr//iam6eon,Chambéon
(Loire), la forteresse do Cambos (lo courbe) ;
*
Tolvodunum, au moyen Ago To/tw/umim (2), auj. nom
d'une montagne sur la communo do Cheneletto (Rhône),
lo Tourvéon, la fortei-esso do * Toi vos.
Un composé certain de durum, c'est Isarnodurum, au
moyen Age Isarnodorum, fsarnodero, fsarnobero (fautif),
fsernoro, etc., aujourd'hui Izornore (Ain), qui signilio
« la forteresso d'Isarnos » (l'homme do fer).
Commo représentant des composés avec magus, jo no
puis également en citer qu'un dans noire région : Usson
(Loire), sur la carto do Peutinger Fcidmago, qu'on a
corrigé en Jciomago, ce qui signifie « le champ
d'Iccius (3) ».

Noms — L'immense
dérivés. majorité do nos noms
do lieux A base personnelle et datant do l'époquo gallo-
romaine, so compose de noms dérivés. I<a dérivation
peut se faire avec un suffixe gaulois, comme avec un
suffixe latin. La constatation est intéressante ; elle prouve
que les noms où un élément gaulois est ainsi soudé A un

(I) IIMINARD, Cari de Sttv.,ll. p. 10GÛ xvi* s.). IJ6 maintien du f dans ce nom
prouve qu'il était redoublé ou appuyé.
(3) Qui a donné son nom au TtJretluncnsis ager. C'est du mémo nom
gaulois, sans doute, que dérive Tolvou (Isère, cant. do Voiron*.
(3) O'ARBOIS DR JUBUNVIU.B,O/>.C, p. XI, 1W,»». Qu'on me permette une
observation à propot de ce nom d'Iccius. il. Holder, à la suite de M. d'Ar-
boisde Jubainville, croit le ictrouver à la base, non seulement d'Issofre, ce
qui est absolument certain, mais encore d'Izeure. La philologie romane ne
• tsiodurum
peut admettre ce processus : Izeuro exige pour point de départ
*
ou Itiodurum, et comme le nom d'Itius est attesté en Gaule, c'est la
secondé formé qui doit être proposée. Ce qui hit illusion, «/est la forme
leioduro (Izéure) de l'époque mérovingienne; mais ont sait qu'à cette date
l'écriture confondait ci et /i.
élément latin dato bien d'une époque où lo gaulois était
toujours usuel; si l'on trouvo encore le suffixe gaulois
ayts en des mots formés A l'époque mérovingienne, la
maladresse do l'emploi montrera quo co n'est plus qu'un
signe traditionnel (1).

I. mm DKRIVKS AVKU SÙWIXK UAULOIS.

Les suffixes gaulois employés pour la dérivation des


noms do lieux sont, dans notre région, avus, iscus, acus.
Avus. — Jo n'ai à citer quo le Uourg-Argental, Arycntao
A l'époque mérovingienne, Argent avus cl Argentan m
moyen-Ago t la propriété du gaulois Argantos (2) > ; et
Izonavo(Ain), fsinava,(\o* hinos, qui so déduit de Isinisca,
(v. HOMIKH, s. v.). C'est justement lo suffixe qui so trou-
vait dans lo nom ethnique des Segusiavi; on voit qu'ils
n'en ont pas abusé pour la formation de leurs noms de
lieux,
Iscus. — Une commune de l'Ain (canton de Ceyzériat),
plusieurs hameaux du mémo déparlement, une commune
do Saône-et-Loire (cantondo la Chapclie-de-Guinchay)et
un hameau do l'Isère (commune de Roche-Thoirih)
portent le nom do Romanècho. Ecrit au moyen Age
Romaneschi, Homancchi, il remonte à llomanisca, t là pro-
priété d'un Romanus ». En dehoi-s dé ce nom, iscus ne
semble plus représenté que dans les noms de quelques
hameaux : lo Caltiscus du carlulairc d'Ainay iCh. 29,
a. 1003), quo M. d'Arbois de Jubainville rattache A Cal-
lius ou A un surnom dérivé de x«Xô;; aujourd'hui, ce
semble être Chalay, sur la commune do Chasselay
(Rhône); et le Lodiscus, Luiscus du cartulaire de Savigny

(1) Qulclieral avait cru à l'existence de deux suffixes acus et iacus pendant
la période romaine ; 11. d'Arbois de Jubainville a fort bien démontré qu'il
n'y en avait «u qu'un, acus, et que c'est à l'époque mérovingienne qu'on
forma, par suite d'une méprise, le suffixe iacus (op. e., p. XIV).
(3j Le nom d'Argaotos ou Argentos est entré dans un certain nombre de
nomade lieux, notamment dans Argentorate, l'ancien nom de Strasbourg.
Le genUÎice qui en dérive, Argentius, a formé, dans notre région, le nom
d'Argencieux(hameau de Soucieu-en-Jarcz .
— 30 —

(ch. 30, a. 908, etc., ch. 360, a. 1000, qlc.) qui n'est plus
qu'un hameau de Mornant, le Luet: ib rappelle un pro-
priétaire gallo-romain Jjodius ou'Jj)lus(i).
Acus. — Mais c'est le suffixe acus qui occupe la première
place dans .cette catégorie de noms formés à l'époque
gallo-romaine. Il y a longtemps qu'on soupçonnait à la
base de ces noms de lieux en l'eu, y, é, ia, ay, as, si abon-
dants chez nous, un nom propre de forme latine. Ce n'est
tliic depuis peu qu'ils ont été scientifiquement étudiés et
les résultats de ces études n'ont pas encore été suffisam-
ment vulgarisés. Vous entendez dire encore que le nom
d'Albigny, par exemple, rappelle un Albinus, Mcssimy un
Ma irrius, Lucenay un Lucianus, clc. Tout cela manque
d'e actitude et de précision.
Il faut partir de ce principe que le suffixe gaulois acus
marquant un rapport d'appartenance,se joint d'ordinaire
à un gentilico terminé en tus, comme Albinius ou Caran-
tius, d'autres fois A un gentilice en enus — équivalent de
tus — ou à un nom ou surnom gaulois à radical conson-
nanliqtie. Dans le premier cas, le nom tic lieu se termine
par i-acm : Albini-acus, et dans le second cas, par acus
précédé d'une consonne : Bessen-actts. Cavann-acus. Il
faut soigneusement distinguer, ce qu'on n'a pas toujours
assez fait (2), ces deux catégories de noms, à cause de la
forme à laquelle les a définitivement amenés la phoné-
tique locale S.
l°i-acus. — Dès l'époque de la formation du dialecte
lyonnais, la désinence iacus, a subi, suivant les lieux,
deux traitements différents. Dans une région assez éten-

(1! Cf. ItOLDKIt, S. v.

[i\ L'explication qu'en donne Clair Tisseur fDicl.étym. du patois lyon., p.


xxviii*, laisse beaucoup A désirer).
(3) Primitivement, les noms en acus sont d«s adjectifs: fundus Albiniacus,
rilfa AIMniaca : une preuve, entre autres, nous eu est fournie par une
inscription du m* siècle, celle de Talicsieu (Ain), pour le nom d'Ameyzieu:
VALENTINVS ACTOR FVNM AMMATIACI c domaine d'un Amalius. •
— 31 —

due du département de l'Ain (1) et, sporadiquement, en


dehors de cette aire, les noms en iacas, comme Monta-
macus, ont laissé tomber toute la partie post-tonique, et
Monlaniacus, par exemple, a donné Montantes au cas sujet
et Montania au cas régime, tout comme mauducalus-
manducalum donnait, en franco-provençal, mungiés et
manyia. Naturellement, ces noms ont suivi le sort de la
déclinaison à deux cas ; la forme en tes, presque exclusi-
vement employée au xiuc siècle, a presque disparu au
xiv 1, au profit de la forme en t'a (2). Tels sont :
* Atinics (xm« s.), Aligna (xiv* s.), aujour-
Altiniacus,
d'hui Attignat, e. propriété des Attinius » ;
Floriacus, Fiertés (xm« s.), Fluyria (xiv* s.), Fleyrîat
(hameau de Virial), «propriété des Florins » ;
Germaniacus, Germagnies (xiv* s.), G et mania (xvs s.),
Germagnat, c propriété des Germanius * ;

Pauliacus, Polies, (xmc s.), Pollia (xivJ s.), Pouillat,
« propriété des Paulius » ;
Variacus, Varies (xui* s.), Vayria (xiv* s.), Veyriat,
• propriété des Varius » ;
Viriacus, Viries (xm* s.), Viria (xiv* s.), Viriat, • pro-
priété des Virius • (3).

\) Pour la répartition des noms en ht, voir l'élude de M. le D' Martin, lie
la répartition de arlains noms géographiques daas le dépar. de l'Ain,clc,
Lyon, 1800. (Extrait du C. R. du Congrès national dé Géographie de Bourg,
session de 1888).
(*2) Dans les pooillés lyonnais seulement (Bsn.NAfto, Cari, de Sae., Il) on
relève, pour le xin» siècle, il noms en les et 6 en in, et pour le xtv« siècle,
9en ie»et 33en fa.
•3) Toutes les formes en ies des noms de l'Ain n'ont pas cédé la place aux
formes en ta. Quelques noms, ayant conservé le cas sujet, même après la
disparition de ladéclinaison, ont abouti à i (y. Par exemple, Albinie* (xui*
siècle), malgré Arbignia >xtv«s.), est devenu Arbigny ; Vimies,forme Cons-
tante au moyen Age, devint Vimy auxvt*siècle (nom remplacé par N'euvllle-
sur-Saône au xvn* s) ; et 17»»iV*«*(de Vinieiaeus, propr. des Vinfeius), est
représenténu xri'siècle par WmW.quiest encore la prononciation populaire :
exemple curieux qui prouve qoe Vénissieux (Rhône) n'est qu'une orthogra-
plie administrative, ne correspondant à aucune forme parlée du passé.
D'autres «ont représentés aujourd'hui par des noms en é : exemple, Bau-
- 32 —

En dehors du domaine de iat, les noms en iacus, dans


notre région, ont eu une destinée très remarquable. Au
lieu de subir l'apocope de la partie post-tonique, ils ont
laissé tomber la gutturale inlervocaliquc et ont conservé
Vu qui la suivait : un nom tel que Albiniacus, en passant
\vdvAlbinego, est devenu Albincu. C'est la règle générale:
tous les noms lyonnais dérivés de iacus, comme ceux de
l'Isère et d'une partie de l'Ain, aujourd'hui en ieti, y ou é,
sauf de rares exceptions, ont dû passer par l'étape eu;
nos anciens documents en font foi pour un grand nom-
bre : Albineu (Albigny), Lenlil/eu (Lcntilly), Ambaireu
(Ambérieux), Moireu (Moiré), Moranceu (Morancé), etc.
Plus tard, à l'époque de la diphtongaison de è, IV de eu
s'est diphtongue en iè, et ce nouveau phénomène a pro-
duis suivant les localités, des noms en icu (Ambérieux),
ou bien, par la chute de Pu final, des noms en i (Albi-
gny), en ié (Quincié), en é (Dcnicé) (I).
Il est bien évident que nous ne pouvons étudier ici,
ni mémo citer tous ces dérivés de iacus, qui figurent par
centaines dans notre région. Signalons les plus carac-
téristiques de chaque série.

Noms en ieu. — Les uns proviennent d'un gentilico


romain :
Floriacus, moyen Age Floireu, Fluyreu, Flurien, Flcu-
rieux (Rhône), du gentilice Florius = propriété des
Florius;
Gratiacus,Gra'/seu,GreysibU, Grézicux (Khône et Loire),
du gentilice Gratins ;

gies (xiii* s., de Batgiacus}, aujourd'hui Bagé ; Rancies (pendant* tout le


moyen âge), aujourd'hui fiancé. Mais, par contre, tous les noms actuels en
iat ont passé par la déclinaison ies-ia ; s'ils sont parfois écrits avec eu,
comme Montagoat et Mespiiliat qu'on trouve au moyen Age sous les formes
de Montagneu et Mespilleu, il faut y voir des méprises de scribe.
(I) On pourrait se demander si,dans les noms en é, l'u n'est pas tombé
avant la diphtongaison. Comme on trouve pour ces noms quelques formes
anciennes en in:, il faut admettre que é est successeur de ié.
- 33 -

Isatiniacus, JMiyneu, Lagnieu (Ain)et Leigneux (Loire),


gent. Latinius;
Licîniacus, Usinai, Lisiyncu, Lesigneu, Lézigneux
(Loire), gent. Licinius ;
Prtsciacus, Preysseu, Prisseu, Pressicu, Precieu, Pré-
cieux (Loire), gent. Priscius;
Qutnliucus, Quinceu, Quiucicux (Rhône), gent. Quiulius ;
Severiacus (I), Sivriacus, Syvreu, Civrieux (Rhône),
gent. Severius.
D'autres proviennent d'un nom ou gentilice gaulois en
tus (ios) :
Ambariacus, Ambaireu, Ambérieux(Rhônc et Ain), gent.
Ambarius(2);
Beleniacus, Biliyneu, Belliyneu, Réligneux (Ain), gent.
I3elenius(3);
Gonrtacus (4), Condreu, Coindreu, Condrieu (llhôr*)),
*
du nom gaulois Conrios ;
*
Cotiacus, Cuyseu, Cuysieu, Cuzicux (Loire), du nom
gaulois Colins (5);
*
Curisiacus, Corciacus, Corziacus, Corzeu, Courzictt
(Rhône), nom gaulois Curisius ;

(I) Forme attestée dans Guiouu, Ob. Lugd. Eccl. p. G0,à cétô de Seremica
p. 51.

i) On attribue d'ordinaire la fondation de ces villages h des Aml«rrcs:


ce n'est pas exact. Le nom veut simplement dire que le premier proprié-
taire du domaine qui a donné naissance à Ambérieux avait pour gentilice
Ambaeius, lequel provenait sans doute d'un surnom ethnique « l'Amtarre >.

(3) Nom dérivé de Delenos, Apollon gaulois; c'est donc un nom d'ori-
gine religieuse, comme Mercurius chez les Romains (Cf. n'Annois DEJLIUIK-
VII.LR, op. c, p. 170-180.. Il nous a donné encore les noms de Déligny
(Rhône) et de Bel lignât (Ain).

(t) Forme attestée par le Cari, de Clmy (II,p. 188,a. A'*), : « in agroCon-
riacense ». — Notons que, dans celle charte, le nom Fumant* doit être
corrigé en Sumonfe i= sut» monte), puisqu'il désigne nettement Semons,
comme Tfpianis y désigne Tupin.

(5/ Nom gaulois, enregistré par M. Holder; Cotio,tpti en est dérivé, a été
trouvé à Lyon (Af.f,MKii et HISMIUD, Inser. ont., I. IV, p. 3£};. 3
- 31.-
*
lliacus, moyen âge Ysiacus, Ysètt, V/.ieux {Loire), nom
gaulois Ititis (1);
Masiactts, Maiseti, Meyzieu (Isère), nom gaulois
Masius (2).
Il faut excepter de la catégorie des noms en iacus :
Charlicti (Loire) qui vient de Cartts locus cl C.unicux
(ham. de Vaugncray) qui s'explique par Cuniculus (3), au
moyen âge Cunils (4).

Noms en i (y). — Dérivés d'un gentilice romain :


Albiniwis, Albineu, Albigny (Rhône), gent. Albinius ;
Balbiniacus, Balbineu, Barbiyneu, Ralbigny (Ixnrc),
gent. Balbinius;
Cassiacus (5), Chaisscu, Chessicu, Cbcssy (Rhône), gent.
Cassius ;
*
Domiliacus, Domziacus, Donziaevs, Donzeu, Donzy
(Loire), gent. Domilius;
Firminiacus, Firmiyncu, Firminy (Loire), gent. Firmi-
iiius;
*
Graniacus, Griyncu, Grigny (Rhône), gent. Granius ;
Maximiacus, Maissimeu, Meissimieu, Messimy (Rliônc)
cl Meximicux (Ain), gent. Maximius;
*
Pauliacus, Poilleu, Pollen, Pollicu, Pouîlly (2 com-
munes dans le Rhône et 3dans la Loire), gent. Paulius;
*
Tiliacus, Tisiacus, Thizy (Rhône), gent. Titius.
Dérivés d'un nom ou gentilice gaulois :
*
CarilliacU3,Charleu, Cliarly(Rhônc), gaulois Carillius;

il) Izieux ne peut venir d'fsis, acus ne se joignant jamais à un nom de


divinité (cf. llor.nK.i»vs. v aco;.
'
(-2) J'avais proposé Maliacum comme forme primilire c possible s do
Mai.seu (Esnai sur la langue vulgaire du Danphiné, p. 313/; mais, le gaulois
Ma*im élanl bien mieux attesté que Âlatiu», il me semble aujourd'hui pré-
férable de S'expliquer par Masiacm, qui se trouve dans les anciens textes.
'3 Cari, de Sur., ch. 29, a. 011 : « loco qui dîcitur Cuniculus ».
il) GuiriUK. Obit. Lugd. Eccl., p. 137.
(5) Cauiatus est dans le Cari, de .*>V»r*/.7Hj/(ch.S0i,n.U8O,; il doit donc rem-
placer le Chaimiaeus «le M. Ilot* 1er.
- :iô —

*
Coniacus, Coiyneu, Cogny (Rhône), gaulois Conios;
lïxcoliacus, Exculiacus, Fscuillcu, Ecully (Rhône), gau-
lois Kxcolios (1) ;
*
Renniacus, Riyniacus, Riniacas, Rincu, Régny (Loiro),
geni. gaulois Rcnnitis pi).

Noms en é, ié. — Ces noms, presque tous en Beau-


jolais ou dans la Loire, ne s'expliquent pas autrement :
Juliacus, Julliô (Rhône), gent. Julitis ;
Juriaeus, Gittreu, Jttreu, Jttyrcu, Juré (Loire), gent.
*
Jurius (prob. gaulois) ;
lAtliacus, Laisiacus, fx'.yseu, Uleysieu (xvi« s.), Glcizé
(Rhône) (3), gent. Latins ;
fAiriacus, Luireu, Lu ré (Loire), gent. Lttrius (prob. gau-
lois) ;
MaurentiacHs, Moranciacus, Moranccn, Morawieu (xv* et
xvic), Morancé(Rhône),gent. Maurcnlius;
Matirtacus, Moriacus, Moiriacus, Moireu, Moiré (Rhône),
gent. Maurius ;

(I) Le nom d'Kcully a longtemps préoccupé les étymologistes lyonnais.


I.es uns y ont vu le no*n latin du chêne /rtrulu*. Mais, outre que, dans ce
cas, on aurait eu .Esculacus, incapable d'aboutir n Kcully, il ne "ut pas
oublier qu'on doit toujours chercher dans les noms de lieu en acus — <lu
moins en dehors des pays bretons — un nom de personne; il est
extrémc-J
ment douteux que ont* se soit jamais joint, dans la Gaule romaine, h des
noms de choses pour former des noms de lieux (Cf. o'Annois DR JunAix-
VILLK, p. 173/. La forme Ej-coliactufCart. de Sac., ch. 180.a. 0*)> cadre fort
bien avec le nom gaulois Exrolios, signalé par M. Holder. Il m* reste
pourtant quelque! doutes, parce que je n'ai pas rencontré la première
forme qui a dû sortir d'Frottât.;»,c'cslh-(lire Eseoileu, comme Floireu de
Ftoriacus. — Deux antres noms de lieux, dans la Loire, ont la même ori-
gine qu'Kciilly.: Kciilicux (ham. «je Marcilly-!c-I*avé) et Kcullieux (Main, de
La rotiilloiise;.
t'J) Gentilice gaulois d'origine religieuse, dérivé d'nprù « M. d'Arbois »î>
Jubainville (op. e., p. 3.M), d.» nom de fleuve Hcnos, consiiléré comme dieu
et devenu nom d'homme. Ce gentilice, lré« répandu tlxm U Gaul-*, n r>ro-
duit dans notre région, outre le nom de Régny, ceux de Kégnié (llhône} et
de flignat, de Rigncu-le-ltésert, de Rignicuxde-Franc, dans l'Ain.
(3) Le passage de taysca h Gteyiitu, d'où Gleizé, s'explique proba-
blement par l'agglutination de la syllab: cl de eecltla, dans la locution
m ecctesfa Laisiacensis ».
- 30 —

Taliacus, Tasiacus, Tayzeu, Theyzieu, Theizé (Rhône),


gent. Tatius (1).
Le nom do Vaugneiay mérite une mention spéciale.
Tous nos documents prouvent qu'il est composé de Vallis
et de Neriacum ; c'est même Neriacum, tout seul, qui a
été Son premier nom. Or, Neriacum provient de Ncrius
qu'on retrouve dans le nom deNéris (Allier) et dcNeyrieu
(Ain)! A ce compte, le nom actuel devrait être Vavgnerteu
ou Vauynery, ou Vaugneré. Par le fait, on le trouve quel-
quefois écrit au moyen âge, Vaneyrcu ou Vaunereu. La
notation actuelle paray, semble donc le résultat d'une
confusion avec les noms en ay, dont nous allons nous
Occuper, plutôt qu'une faussegraphie pour et, ey : ce traite*
mentdcmcMs nescmblc commenccrqu'enSaône-et-Loire.
2* Acus.-— Le suffixe acus, précédé d'une consonne,
est également traité de deux manières différentes: ou
bien toute la partie post-tonique a été apocopée, ou bien
la gutturale c, après s'être atténuée en g, a passé ky.
Dans le premier cas, on a eu des noms en as, au cas sujet
et en a au cas régime: Albuciondcus = Ârbuczonas;' —
Arbuzona, comme appeUalus—appeUalum a donné appe-
las—appela (2) ; dans le second cas, nous avons des noms
en ay, Dessenacus=z Bessenay. Comme on le voit, c'est te
pendant exact du double traitement de iacus, sauf que»
c'est le cas sujet qui a définitivement triomphé dans les
noms en as-a. Seulement, la répartition dans notre région
en est bien différente : tandis que les noms en tVs-t'asont
à peu près cantonnés dans le nord de l'Ain, les noms en
as-a sont un peu disséminés dans le Rhône, l'Ain et l'Isère

<!>Urfé(Loire, au moyen âge Vtfett, Ulpheu, Ulphieu, vient probable-


ment de Vulfiacus, < propriété d'un Wolf », et ne peut étr* intérieur par
''
conséquent, à l'époque mérovingienne.
(î) M.Joret (Du C dan* tes tangué* romanes, p. G3)hésite pour l'explication
de V* dans les noms en as, entre rhypothèse d'une transformation phoné-
tique du Vet l'hypothèse de l'« de déclinaison. t/hésltâtion ne Aie semble
pas possible avec les indications fournies par nos anciens documents.
-37 -

avec, cependant, une prédominance marquée dans le


Beaujolais,
^'est toujours un nom de personne qui est à leur base,
que Ce nom soit romain ou gaulois. Quand il est romain,
c'est d'ordinaire un gentilice, non plus en i«*, mais en
enus.M. d'Arbois de Jubainville a fort bien démontré
leur équivalence, dételle sorte quo Bcssenui, Lucenux,
doivent être considérés comme devrais genlilices aussi
bien que Bessius, Lucius (1).

Noms en as. — Les uns viennent d'un gentilice '


en
enus. Par exemple :
Avenacus, Avenas (Rhône), du gentilice Avenus, équiva-
lent d'Avius;
Frontenacus, Frontenas (Rhône), de Frontenus = Fron-
teius ;
*
fMccenàcus, au moyen âge Lacennaa (=?*û), Laccnas,
Lacena, Lacenna, Laccnas (Rhône), de Lacce'nûs == I*ac-
cius(2).
Restent deux noms qui présentent une difficulté parti-
culière : Juliénas et Orlténas (Rhône). On ne peut douter
qu'ils ne viennent aussi de noms en acus,quoiqu'on nelcs
trouve pas sous cette forme dans nos anciens docu-
ments (3); les formes vulgaires de Jullenuy et Jullienas,
d'une part, dfOrlenasf Orlienas, Orlicnnos de Yaulrc, îi la
date où elles apparaissent, correspondent exactement
aux formes des noms autlientiquemenlen ac//s. La mouil-
lure de VI s'oppose à rhypothései^

(1) op. e. p. .449, «q. C'est ainsi qu'une vigne du pays des llelvicna s'ap-
pelle ritis Elrenaca (Pline et Col.), comme et le pou rirait s'appeler Eleiaca.
(2) La sifflante e (sa s) du mot Lacenas exige un type arec e redoublé ; jo
le trouve dans/<<r<r<if« 'gentilice gaulois) révélé par Laceiaeus(cL\lotjam,».\.}.
(3> Aurelianum, nom donné à Orliénas par une charte de 861, no peut être
la forme primitive; ainsi que nous le verrons tout à l'heure, Aurelianus,
dans nos pays, aurait abouti à Ortins. M. Holder rattache Juliénas à Juliniacum
(de Jullinus); explication inadmissible, car noni aurions alors JtdUgny,
Jitlligné ou InUignieu. , v
- 38 -

Aurilcnajtis ; j'y verrais donc la combinaison directe de


acus avec Jitliànus,Aurclianusf noms romains qui peuvent,
du reste, avoir été portés par des Gaulois; d'où • Juliu-
*
nâcus, Aurclianacus.
Par la, ils font la transition avec les noms de lieux qui
suivent, dérivés d'un nom ou surnom, gaulois ou latin :
Albucionacus, au. moyen age Albuczona, Arbuczonus,
Arbuzoua, Albussonas, Arbuissonnas '.Rhône, du nom
latin Albucio, nis, dérivé d'Albuciiis vl> ;
*
Aldonacits, au moyen Age Audona, O.lcnnai, Odenas
du nom * Aldo
(Rhône*, gaulois (2) ;
A r/iacus, au moyen age Amas, Arna, Arnas (Rhône),
du nom gaulois * Arinus (3) ;
*
Gaunacus, au moyen age Jauna, Jouas, Gênas, Cenas
i Isère, du nom gaulois Gaunos (4) ;
* au moyen âge Marcottai,
Marciomcus, Marezona,
Marczoniais, Marsonnas lAin*, de Marcio, onis, dérivé de
Mardis* (5;.
Ici se place un nom dont l'élymologie n'apparaît pas, à
première vue, comme facile, le nom de Blindas «Rhône).
Comme il figure, dans nos documents, sous les formes de
BrietuUtco, Briandas, Briendas et enfin Brindas, on doit
nécessairement remonter à • Briandacus, d'un plus
ancien * Briganlacus. On sait que le nom de Briandus,
qui n'était pas rare en Irlando et en Bretagne, se trouve
plusieurs fois dans les cartulaires lyonnais. C'était celui,
notamment, d'un soigneur de Lavieu, maison à laquelle
appartenait l'archevêque de Vienne, Briandus de Lavieu

(1) C'est Albucio qui a donné Aubusson (Creuse).


(2) Se déduit de Atdenus, Aldiniacus, Cf. HoLDBR, s. v. Atdene.
ttj Proposé par M. d'Arbois de Jubainville, v. Hor.DRR, s. v. Arnacus.
(4) Jauna te trouve dans le cart, du Temple dé Vaulx, éd. par If. D. Deta-
chenal (ch. 17, *24,; Jonas, depuis le Xii'jusqu'au Xiv*siècle; Gênas, depuis
lors. C'est le même nom qui a formé Gaunlssa (Gonesse, Seine-et-Oise ;
d'ailleurs le nom est connu (IloLDRn, s. v. Càunus).
(5) Ainsi s'explique le nom de Quinsonnas (hameau de sérezin, prés ftour-
'
goin): Quintidnacus, de Quintio, onis, dérivé de Qulntus.
-30 -

11306-17;. Quant nu nom lui-même, il est certainement


à *
celtique et doit remonter Brlganlos, dérivé d'un parti-
cipe qui veut dire c qui s'élève, élevé », et qui apparaît
dans' le nom de Briancon (Briganlio).

Noms en ay. — En voici quelques-uns qui dérivent


d'un gentilice :
Bessenacus, Bcssenay (Rhône), a propriété d'un Besse-
nus»=r Bessius ;
Cavennacus, Chivincy, Chivennay, etc., Chevinay
(Rhône), de Cave nus = Cavius;
* Luccenacus
(i), Lucennay Lucenayt Rhône), de Luc-
cenus = Luccius ;
. Quant à Pollionnay (Rhône), écrit au moyen age Polle-
naj, Polonay, Pollennay, PoilUnay, Pollioney fxv'iip s.) ;
il me semble comporter la même explication que Julié-
nas et Orliéuas, c'est-à-dire de *
provenir Pattlianacus,
« propriété d'un Paulianus s, plutôt que de * Paulenacus
qui ne rendrait pas compte de VI mouillée.
D'autres proviennent d'un nom.pérégrin ou d'un nom
'
gaulois:
Athanacus i2),/iynnaco(x' s.),/it'nay, Enay,\\my (Lyon),

(1) Ce nom fait difficulté. Le r de LnccAOcum, seule forme latine de nos


documents, aurait di'i aboutir a la sifflante douce, cm-ima II l'a fait dans le
nom de Luzinay (Isère) qui en vient certainement. Le type primitif adn être,
*
ce semble, Luccenacum, de Luecenus, équivalent du gentilice Luccius,
variante de /.wrîtw, qu'on retrouve dans Lucctaeus(l.oucé, Orne). — Cf. Hok-
nr.n, qui rattache, doublement h tort, Lucenay n l.uciniactu,'"qui nous aurait
donné Luzigny, Luztgné ou Luzignéu.
(2) Encore un nom qui a donné du mal aux étymologisles.On a voulu par-
fois le rattacher au nom de la tlèetse'AHn, tout nu moins à l'Athcnasum
sur les ruines duquel se serait construite l'abbaye. Clair Tisseur, en proposant
Athenacus comme point de départ, semble avoir partagé Cette opinion. Mais
ou sait aujourd'hui que le suffixe acus rie se joint jamais a un nom de divi-
nilé, et probablement jamais, dans la Gaule romaine, à un nom de chose
pour former des noms de lieux. Force nous est donc de lechercher dans
Athanacus un nom de personne. M. d'Arbois de Jnbain ville, eu considération
sans doute de la population prveque de l'Ile d'AInay à l'époque impériale,»
proposé'Méttt accepté par M. Holder. M. A. steyert iN. hisi. de Lyon, I,
p. :»71) présente une explicalion nouvelle. U nom d'AInay aurait été Inconnu
- 40-

de 'AOX'V*;,nom grec dont 'AOXVJWW; est le dérivé;


CavannaîHs, Chavanay (Loire), du surnom gaulois
Cavannos (le hibou» ;
Carantacus, Charantay (Rhône;, du surnom Carantos
(ami).
Charnay (RhônNe) a certainement la même origine ;
mais je n'oserais ta dériver, avec M. d'Arbois de Jubain-
ville, du celtique Cumoi, parce que nos anciens docu-
ments nous préscnlei/t plus d'une fois Chaarnaco, ce qui
suppose la chute d'une dentale intervocalique et fait
songer à un primitif* Catarnacus. Quant à Chasselay
(Rhône), Cacellacus, Chaneetlaco (1), il provient sans doute
d'un surnom, mais difficile à déterminer. Notons en pas-
sant que l'Ambronay de l'Ain, Ambronacus, suppose le
nom ethnique \mbro, onis, et signifie la propriété non

avant l'arrivée des Hurgoudes ; ce sont les llurgondes qui, en repeuplant l'Ile
devenue déserte après la ruine du commerce des vins, l'auraient appelée du
nom d'un personnage notable, Athan, en empruntant le suffixe gaulois ac,
d'où Athanac. Faule de références dans le livredeM.Steycrt,ilest difficile de
discuter point par point les faits allégués. Tenons-nous-en a la question pure-
meniphilologique,en faisant observer toutefois que le texte de saintGrégoire
de Tour*, qui signale pour la première fois le nom d'Ainay(«locusille,inquo
passi sont, Athanaco vocalur, idc&pie et ipsi martyres a quibusdam vocanlur
Alhonacense*.* De glor. mari., 49;, sans être explicite, semble plutôt plaider
en faveur de l'antiquité du nom. L'explication proposée est-elle vraisem-
blable? Je ne le pense pas : il est probable qu'à celte époque tardive, un nom
burgonde, comme Athan, à supposer qu'on eût voulu recourir au vieux
suffixe gaulois pour le transformer en nom de lieu, se serait soudé, non h
acust, maisàiariM, comme c'est arrivé pour Urfé ( Vutf-iacus) et presque tous
les noms de lieux rie cette catégorie dérivés d'un nom germanique; il est plus
probable encore que les Burgondes auraient gardé à Lyon comme ils l'ont fait
aux alentours, et h Ainay comme ils l'ont fait à Fourviére pour le nom de
Flacanges, leur propre suffixe in ga (in^o; voir la estante étude deM.Philipou,
sur l'emploi, dans nos pays, de celsufflxe burgonde {lîerue de plut, franc.
I. XI, p. 109,. Toutes les vraisemblances restent donc en faveur de l'explica-
tion de M. d'Arbois de Jubainville : Ainay doit être considéré comme gallo-
romain et noncommo burgonde. Ajoutons que les règles de notre dialecte
ne permettent pas de dire qu'Ainay se soit jamais appelé Athanae, surtout au
v« siècle. La chute des finales n'a eu lieu qne bien plus lard, et quand ce
phénomène se produisit,ce c était certainement métamorphosé, probablement
or, y, ayo, d'où il resta ay : Ainay.

(1) tîuir.UE, Obil. Lvyl. Eeel., p. 107.


— 41 -

pas précisément d'un Ambron, mais d'un propriétaire


dénommé ou surnommé Ambron.
t II arrive quelquefois que le nom de lieu en acus soit
employé au pluriel iéminin, en sous-entendant un nom
commun, tel que domus, silvw, terrse. Il y en a un cas
dans* le voisinage de Lyon : c'est Brignais. Ce nom appa-
raît dans un document de 868, villam Briniacas (1) ; au
XIII* siècle, il revôt les formes suivantes : Brinnaies,
Brinhaies, Brinntcs, Briynaies, Brinnaes, Brinaes, et enfin
au xiv* siècle, il est écrit Brignays. Kn dépit de l'exemple
Briniacas, qui n'aurait pu produire chez nous que JBri-
*
gnies, il faut partir de Brinnacas, et admettre que l'n ne
s'est mouillé, c'est-à-dire changé en gn, qu'après la trans-
formation de aces en aies. Le nom dérive du gaulois Brin-
nos, variante de Brennos, et signifie « les terres ou les bois
deBrennos».
Notons à ce propos que les scribes du moyen age, ne
sachant pas exactement l'emploi de iacus, écrivent très
souvent par iacus des noms en acus et môme à tort et à tra-
vers des nomsqui n'appartiennent pas à cette famille «2) ;
quand il y a conflit entre les deux notations, c'est la forme
actuelle des mots qui le tranche.

II. — DKIUVKS AVKC SUFKIXK LATIN.

Il n'y a à citer ici qu'un suffixe latin qui serve à laire


d'un nom de personne un nom de lieu ; mais il est très
intéressant, au moins pour noire région : c'est le suffixe
anus, lequel se joint à un gentilice en ius. Très fréquent
en Italie, oit il correspond, pour l'importance et avec un
sens analogue, à notre acus, il est relativement rare dans
l'ensemble de la Gaule. Quand le radical tics noms en
anus est latin, le nom ainsi formé atteste que le proprié-

(I) GuiOL'E, Cari, lyonnais, p. 7.


(S) Par exemple : Broliacus pour llrolhtm, Vernaeus pour Vernclum; le
dernier se trahit comme une latinisation maladroite de la forme vulgaire
Vernry.
- 42 -

taire du domaine est un colon italien ou bien un Gaulois


romanisé; si le radical est gaulois, l'adoption du suffixe
latin anus semble prouver qu'on no boude pas la conquête.
Pour reconnaître les noms de cette catégorie, il faut
savoir qu'en notre pays franco-provençal ianns aboutit
à in (ins, au cas sujet'. Ainsi, dans le voisinage tle Lyon,
Cxsarianus, lo « fundus d'un Ctusarius », a produit, par
l'intermédiaire de Ccsirin, Ccrisin, Séré/.in • Isère) (I).
D'ailleurs ces noms sont sensiblement plus fréquents
dans l'Isère que dans les départements voisins : Rlandin
(Blandianus , Chimilin (Camitlianus , Tullins (Tullianw),
Flévin iFUwianns), etc. Le doublet en acus de tous ces
noms se retrouve en France, parfois même, pour ainsi
dire, côte à côle. Par exemple, à Bhndianus correspond
Blandiactis (Rlanzy, Saône-ct-Loire), Camillianui a pour
pendant t amiiliacus •Clicmillcu, ham. de Passin, Ain).
Dans l'Isère, on a en regard l'un de 1autre : Asiintts(E\"/.in,
canl. de Vienne) et Asiacus lAxieti, canl. de Meyzieu);
Mapiutius (Mépin, cant. de Saint-Jean-de-Bournay), et
Mapiacus (Mépictt, cant. de Morestel); Flavianus (Flévin,
com. de Cliampicr, cant. do La Côte-Saint-André», cl
Flaviactts {Vlév'ien, com. de Tcrnay, cant. de Saint-Sym-
phorien-d'Oxon). Ce parallélisme fournil donc un bon
critérium pour les cas douteux.
Dans le département de l'Ain, Poncin, au moyen Age
Castrant Ponliancnsc, vient su renient tle Ponlianus,

l'.XMtrianu» {Cari, de Ciuny, p. Itil», a. '.T.")), Ciniriano 'ib., I, p. 2W, a. OU).


Cetarino tib.. Il, p. IOî», a. tfiti», etc., Crrhin et Ceresin, nu xv« siècle. (I**
Mature» de l'hle-llarbe, I. p. ."jOOI.a. lt'J7). La forme intermédiaire nous est
fournie pour le nom deSére/in 'cant. de llourgoin , qui est de même élymo-
logie : Cetirin (Lf. Chevalier, Cari, de Saint-lluf, p. 20, a. iïll. C'est donc
au moyen Age, du xir* nu xv* siècle, qu'a eu lieu la métalhése destinée A
facliler la prononciation du nom. M. Holder. après M. Longnon {Géogr. il?
la Gaule, au \i* s. p. SOI., rapporte SèrethihCisarianus; c'est a mi-chemin
de. la vérité, au point de vue de la forme; sans compter que le mot n'a rien
île celtique, ce que M. Holder semble almellre comme possible. On voit ce
qu'il faut penser de l'étymologie qui rai lâche le nom de Sérezin au passage
des Sarrasins en nos p>y«
- «i -

« fundus d'un Pontius >; de même pour le Poncinsde la


Loire, écrit Pondants au moyen Age. Plus curieux est le
Qiarancin de l'Ain, puisque c'est le gentilice gaulois
Car an tins qui s'est joint A anus, Caranliantts.
Pour le Rhône, un nom de ce genre est hors de doute:
c'est Ttipin (canton de Condrieu), écrit Tipiano au
ixc sièclo (1), Tepianis au xe (2), Tepine. au xiue{3): c'est
la propriété d'un * Tcpius ou * Tipius. Je ne puis avoir de
doute non plus pour Otillius, quoique je ne connaisse
de ce nom aucune forme latine en anus. Ou lui a sup-
posé une parenté avec les Ollières, c'est-à-dire avec alla,
marmite, poterie •%). On oubliait qu'il est écrit Aullins
dans tout le moyen Age, et Ullins au xvie siècle, tandis
que Ollarias donne invariablement Olercs, Olieres, par
un o. On oubliait aussi qu'il y a un Ouilly près de Ville-
franche cl un Huillioiix dans l'Ain, tous deux continua-
teurs de At.liàcus. On doit donc admettre que notre
Oullins était primitivement Aulianus, « la propriété d'un
Aulius».
Irigny est constamment écrit Iriynins au moyen âge,
sauf une fois Iriynis; il a donc changé sa syllabe finale,
sous l'influence des noms de pays voisins en »/. Il devait
être A l'origine Irenianus, « propriété d'un * Irenios » (5 .
Même observation pour Agny, resté dans le nom de
Saint-Laurcnt-d'Agny. Ce nom était au moyen Age
Dayninus,Daynins,Dayynins. D'ot'i il résulte ((tic la forme
actuelle présente une double infidélité A la tradition : la
séparation du d initial, considéré comme une préposi-
tion, et le changement tle ins en y, comme pour Irigny.

(I) Galtia Chrhl., XVI, », a. 820.


Inslr.
m Cari, de CI., H, p. 1*8, a.OCO.
(3) CUICVK, Obil. Lugtl. Ecrl., p. H2.
(i> Par exemple, M. Philipon, dans son étude sur le patois de Saint-Gcnis-
les-Olliéres (lier, de» jnttois, I, p. 2TJO).
(5) On connail le nom gaulois Ireniltus (Cf. Holder), d'où se déduit
treniox.
- 44 -

M. A. Vachoz, dans sa savante étude sur YAgir Gofia-


eenm (1), assigne la date tlo 1550 au premier phénomène.
Si nous considérons que, dans l'Ain, il y a un Dagneux
(DaniacusJ, nous avons le droit de voir son doublet dans
Dagnins et de l'expliquer par Danianus, c propriété d'un
Danius > ; c'est un nom gaulois, connu par les inscrip-
tions de Lyon ot tlo Vienne et dérivé do l'adjectif* danos,
< hardi » fêi.

Telle est la situationgéographique que révèle en notre


contrée, pour l'époque celtique et l'époque gallo-romaine,
la philologie appliquée ù l'interprétation des noms de
lieux. Celte situation est scientifiquement assurée dans
son ensemble et ne laisse place a la contestation que
pour des points de détail. Kilo donno lieu A quelques
observations générales qui serviront de conclusion A
cette V. ,:-.
Les^c^uiiirs linguistiques laissés chez, nous par l'oc-
cupation ligure sont rares et d'un caractère assez-vague,
même en ce qui concerne les noms de rivières; la science
n'a pu jeter sur ce point qu'un» lumière incertaine, et,
malheureusement, ressemblant beaucoup plus à un cré-
puscule qu'A une aurore. Il est bien A craindre qu'elle ne
puisse arriver A pénétrer dans la nuit profonde de ces
origines lointaines, autrement qu'elle ne l'a fait jusqu'ici,
A la lueur vacillante de l'hypothèse. Par contre, l'em-
preinte celtique est encore assez marquée chez nous,
même dans les noms des lieux habités, malgré !a perte,
A travers les âges, de certains noms authentiquement
gaulois. Ici l'étymologie se trouve sur un terrain plus
solide, grâce aux progrès du cellicisme scientifique, et
elle nous permet de voir,souvent avec certitude, de quelle
façon nos ancêtres les Gaulois dénommaient les lieux

il) Imprimerie impériale,iSCH,p.2t.


i-2»Cf. HoLDfut. s. v.
-45-

habités, empruntant leurs noms tantôt aux conditions du


sol, tantôt A la divinité protectrice, tantôt au propriétaire
ou du moins au fermier do la terre.
Mais les souvenirs, oxclusivement gaulois,de notre topo-
nymie, no sont que peu do chose en regard des souve-
nirs gallo-romains. U y a, après la conquête, un lel épa-
nouissement tle propriété foncière, qu'il faut convenir
tout au moins que, si elle no l'a pas créée, elle l'a bien
vite organisée. Et dans ce travail d'appropriation du sol,
on peut voir, A la lumière de la linguistique, avec quel
empressement le vaincu accepta la loi du vainqueur. Co
fut du Gaulois au Romain, au point de vue des moeurs
comme de la langue, une des plus rapides assimilations
tlont l'histoire ait gardé le souvenir : prouve évidente que
la conquête fut acceptée, dès le premier jour, comme un
honneur et un bienfait ; c'était l'hommage d'un peuple
avisé, et déjà civilisé, à la supériorité de la civilisation
romaine.
L'histoire connaît des annexions qui n'ont, ni chez lo
vainqueur l'excuse des Romains, ni chez le vaincu, et
pour cause, cette soumission empressée. Eh bien, dans
ce remarquable phénomène d'assimilation, il semble bien
que les peuplades groupées autour de Lyon so soient par-
ticulièrement distinguées. Je n'en veux pour prouve que
la fréquence et le caractère îles noms de lieux dérivés
d*un gentilice avec acus. N'oubliez pas que ces noms veu-
lent dire, non pas par exemple qu'Albigny a été fondé
par un Romain Albinus, Civrieux par un Romain Seve-
rus, Jullié par un Romain Julius,et ainsi des autres noms,
mais par quelqu'un qui avait pour nom do famille Albi-
nius, Sevérins ou Julitis. Or, si ce gentilice ou nom de
famille pouvait être, à l'occasion, celui d'un colon romain,
il était, dans la grande majorité des cas, celui d'un Gau-
lois romanisé, ce qui, du reste, est évident, quand le
gentilice ou bien le nom et le surnom sont celtiques.
Ceci posé, voyez quelle est, par rapport A tout le terri-
loiVe fronçais, la proportion des noms de cette catégorie
sur le territoire lyonnais.
- 40 -

On n calculé qu'on Franco les noms on acus représen-


tent le 5 O/o dos noms do lieux habités. Chez nous le
pourcentage est bien plus considérable, A ne prendre
que les noms de communes, et par conséquent abstrac-
tion faite des lieux dits, les noms en acus sont au nombre
do 31 0/o dans la partie do l'Isèiv qui routine au Rhône
(arrondissements do Vienne ut do Lu Tour-du-Pin), do
plus do 28 0/o dans lo Rhône, do 27 0/o dans l'Ain, et
presque do 17 Q'o dans la Loin'. On est donc en droit tle
conclure que e.'esl sur les bords du Rhône, do la Saône
et do la Loire, chez les Allobrogos, les Ségusiaves et les
Amharrcs, que la population gauloise s'est lo plus vite
et le plus profondément ivtmanisée. Il est bien A présu-
mer qu'on dehors des avantages exceptionnels qif olfrail
aux Romains la situation topographiqtio do l.tigdiiuiim,
ils se laissèrent influencer, dans l'octroi îles privilèges
qu'ils accordèrent A cette cité, par la considération de la
loyale et intelligente sympathie tics peuplades dont colle
ville était le centre. Si la philologie, à elle seule, n'a guère
les moyensde résoudre les grands problèmes historiques,
elle peut apporter A leur solution une aide qu'on ne doit
pas dédaigner, no fût-ce (prune confirmation.
Ne disons pas pourtant que nous sommes des Romains ;
ne disons pas davantage que nous sommes dos Celtes
ou des Francs ; nous sommes lotit cela parce que, sur
la terre de Gaule, comme en un crcuscl, la Providence a
opéré la fusion do toutes ces races potiron fairesortir une
race une, malgré la diversité tle ses origines, amoureuse
de l'idéal comme les Celles, ouvrière de la civilisation
comme les Romains, prompte A se faire le soldat du
droit et de Dieu comme les Francs : la race française. Si
les noms do lieux do noire région nous rappellent les
peuples qui ont successivement mis quelques gouttes de
leur sang dans nos veines, d'autres noms que nous
n'avons pu étudier ce soir, les noms empruntés A la reli-
gion, attestent que, dans cette élaboration séculaire de iu
race française, c'est l'Kvangile qui a pétri son Ame. Nous
47

devons les respecter les mis et les autres, A cause de ce


qu'ils nous disent du passé. S'attacher à les compren-
dre et A les aimer, c'est encore, si humble qu'elle paraisse,
IIIIO façon d'aimer son pays.

Index de* Nom* de \Aeux

Agny S.-Murent d',, 13. Chacey, -21.


UeuhS..Pi.rre-de);>.l8.|
Aiguerando. 17. Ilourhre, 12. i Cliemilleii, il
Aio. 12. Ilourg Argeulal, 5, 20. Chères» Le»., 21.
Ainay, .'*». Iloiilliéon, 28. Cliêruy, 12.
AILigny, TU, 3-2,31. Ilreuil (I*, 18 Cliessy, 8|.
Amltéricux, 3J, 3:1 llréveiine, 13. ! Clievin-iy, 30.
Ambierle, l.'l. Ilriant.-oii, 30. i Chevriéres. 23.
Ambronay, 10. liriguaia.il. Cliiinilii, 1*2.
Amei/ieii, .'f ». Ilnndas, 38. Cliirassimout, 22.
Auiplepuis, 18. Ilruhiole, 18. Civrieux, il.
Ampuis, 18. Umllioles, 18. j Cogny, 3î.
Arbigny. 3i. liussiéres, 43. Coise, 13.
ArbuU&onnas, 38. Col longes, 21.
Chitines, 3*2 .
Argeucieux, 2t. 13.
Certriéres, 21. ' Conan,
Argenlièrc 1/, 21. Condale, 20.
Cliatarotine, 13. j
Arnas, 38. Condrieu, 33.
Clialay. £1.
Arlliu», 27. Cotlance, 20.
Cliamliéon, '28. ;
Asiiiéres, 21. Courzieu, 33.
Cliainboeuf, 5, 15.
Atlignal, 31 Coi itou vre, 18.
Clmmbon (l.e}. 18.
Aul»ii!>soi),3H. [ Couzon, 18.
CliamlKist, Vô. s
AMZOO, 13. C.*a pon ne, 19.
Champagne, 2«ï.
Areiïe,W. Cublize, 27
Cliampdor, f, 17.
Aveizieux. 27. Cunieux, 31.
Cliapouuay, 13.
Aveuas. 37. Cuzieux, 33.
Chapotiosl, 15.
Azergucs, 13. Denicé, 32.
Charaueieu, 35.
Azieu, 12. Donzy, 3t.
Cliarantay. 10.
l'ouvres, 10.
Ilâgé, :&. Charbonnières, 21. |
21. Cltarlieu, 31. Kculieux, 'Ai.
Ilaguols, ;
31. 3t. Eciillieux, Si.
Italbigny, Charly.
Mans. 18. 40. Kcullr, 35.
Charnay,
33. I La*, 2*2. Kgaraade, 17.
Kélignenx, Ctiassagne
38. 10. Rsguerande, 17.
Béligny, Cliasselaf,
33. tf». Esse rti nos, 22.
Ilellignat, Cliavanny,
.'fil. t'.lia van nés, 21. Kyzin, (2.
liessenay.
liibost, 15. Chavanoz, 15. Farges, 21.
nianrim, 1*2. Chazay, 2t. Faverges, 21.
Illanzy, 12. Chazelles, 21. Katières (S.-Cyr-de., 21.
-48-

l'eu* s, 7, 21. Luziuay, 39. O/uiuc é, 32-


r irminy, 3t. I.yo», 7, 10- Qulncieux, 33.
Fleurieux, 32- Machezal. 22. Quiiwonnaa, 38.
Ftévieu, 41- Màcon, 20. Ilaocé, 32
néviu, 42. Marcoux, 25 Itégnié, 35.
Fle]rial,3l. Mardore. 17. Ilégny, :r».
Fores, 7. Marsonna?, 38. Ilignal, 'Si.
Fourneaux. 2t. Marverand, 13. Itigiieu, 35.
Frontenas. 37. 20. \ Itignieux. «*5
Mfdto'aHVtn,
22.
Fureus, 13. Mépie-i, 42. I Rirolre tllaule),
Itoanne, 19
Gênas, 38. Mépin. 42.
20-
Germagnat, 31. Metpillal, 32. j Kotnanèclie
Gter, 13. Messimy,3|. j Sain Bel. 4.
Gleixé, 35. Ileximieux, 31. îSaône, 12
tirenoble, 7. Meya, 20. I Semons, 33.
Grézieux, 32. Meyzieu, 3t. | Séréxin,
M
Grigny, 31. Mezerin. 13. •Serin, 25.
Gua (S.-André-le;, 3. liions. 19. Solaise, I*-
Guillotière (U), 21. Moingt, 19. Solore, 20.
Huiltieux. 43. Moiré. 33. 35. Sorbiers, 21.
MontagaO, 31. 'Al Sornin, 13.
Igny (Saint). 1-
Mont-d'Or, 14- Souternon, 19.
Iguerande, 17.
Morancé, 32, :ïi. > Tarare, 19.
Irigny, 13.
ls*oire. 28. Morin, 13. Ternand 19.
Izenave, 29. Morinand, 13. Theizé. 30,
Izeroore, 28. Mornant, 19. Thizy, 34.
Izeur*. 28. Neaiix, SI. Thoranchin, 13.
Izieux, 31. Neulise, 27. Tolvon. 28.
15. Odanas, 38. Tourréon, 28.
Jarnioux,
Trambouzan, 13.
Jarnosse, 15. Oingt, 19.
22. Tullins. 42.
Juliénas, 37. Olmes(Les).
Jullié, •'« Onzon, 13. Tupin, 33.43.
Juré, 35. Orliénas, 37. Crfé, 30. 40.
I.acenas, 37. Ouilly, 43. l'sson, 28.
I.agneu, 33. Oullins, 4:1. Czore. 19.

I.eigneux, 3:1. Ozon 13.


Vaise, 20.
Untilly, 32. Pacaudière (U), 2t. Vaugneray, 30.
Utra. 31. Panistières, 21. Vénissieux, 31.
Lestra. 21. Pinay. 21. Verdun (Mont), 11.
toyssard, 22. Polguea (Saint;, t. Vernay, 2t. 4L
I.ézigncux, 33. Pollionnay, 39. Verrières. 23.
Lignon, 13. Pomeys, 24. Veyriat, 31.
l.oire, 12. Pommiers, 21. Vejrzial, 20.
Lozanne, 10. Poncin, 42. Vieu-d'lzenave. 22.
Lucenay, 39. Poncins, 43. Villechenèrc, 21.
I.uet (Le), 30. Pouillat. 31. VilleurlKinne, 20.
Lunna, 30. Pouilly, 3t. Virialrarr-^
Luré, 35. Précieux, 33.

— i
I.ymt. Imp. Motijrin-llii-'ai»!. rws/lla^S
Index des Noms de Lieux
Agny S.-Laurent d'.,
Aiguerande,
Ain,
Ainay,
Albigny,
Ambérieux,
Ambierle,
Ambronay,
Ameizieu,
Amplepuis,
Ampuis,
Arbigny,
Arbuissonnas,
Argencieux,
Argentière L,
Arnas,
Arthun,
Asnières,
Attignal,
Aubusson,
Auzon,
Aveize,
Aveizieux,
Avenas,
Azergues,
Azieu,
Bâgé,
Bagnols,
Balbigny,
Bans,
Béligneux,
Béligny,
Bellignat,
Bessenay,
Bibost,
Blandin,
Blanzy,
Boeuf (S.-Pierre-de),
Bourbre,
Bourg Argental,
Bouthéon,
Breuil (Le,
Brévenne,
Briançon,
Brignais,
Brindas,
Brultiole,
Brullioles,
Bussières,
Certines,
Cervières,
Chalaroune,
Chalay,
Chambéon,
Chamboeuf,
Chambon (Le),
Chambost,
Champagne,
Champdor,
Chaponnay,
Chaponost,
Charancieu,
Charantay,
Charbonnières,
Charlieu,
Charly,
Charnay,
Chassagne (La),
Chasselay,
Chavanay,
Chavannes,
Chavanoz,
Chazay,
Chazelles,
Chazey,
Chemilleu,
Chères Les,
Chèruy,
Chessy,
Chevinay,
Chevrières,
Chimilir,
Chirassimont,
Civrieux,
Cogny,
Coise,
Collonges,
Conan,
Condute,
Condrieu,
Cottance,
Courzieu,
Coutouvre,
Couzon,
Craponne,
Cublize,
Cunieux,
Cuzieux,
Denicé,
Donzy,
Douvres,
Ecu eux,
Ecullieux,
Ecully,
Egarande,
Esguerande,
Essertines,
Eyzin,
Farges,
Faverges,
Favières (S.-Cyr-de.,
Feurs,
Firminy,
Fleurieux,
Flévieu, .
Flévin,
Fleyriat,
Forez,
Fourneaux,
Frontenas,
Furens,
Genas,
Germagnat,
Gier,
Gleizé,
Grenoble,
Grézieux,
Grigny,
Gua (S.-André-le),
Guillotière (La),
Huillieux,
Igny (Saint),
Iguerande,
Irigny,
Issoire,
Izenave,
Izernore,
Izeure,
Izieux,
Jarnioux,
Jarnosse,
Juliénas,
Jullié,
Juré,
Lacenas,
Lagneu,
Leigneux,
Lentilly,
Létra,
Lestra,
Leyssard,
Lézigneux,
Lignon,
Loire,
Lozanne,
Lucenay,
Luet (Le),
Lunna,
Luré,
Luzinay,
Lyon,
Machezal,
Màcon,
Marcoux,
Mardore,
Marsonna ,
Marverand,
M um, .
Mépien,
Mépin,
Mespil iat,
Messimy,
Meximieux,
Meya,
Meyzieu,
Mezerin,
Mions,
Moingt,
Moiré,
Montagnat,
Mont-d'Or,
Morancé, .
Morin,
Morinand,
Mornant,
Neaux,
Neulise,
Odenas,
Oingt,
Olmes (Les),
Onzon,
Orliénas,
Ouilly,
Oullins,
Ozon
Pacaudière (La),
Panissières,
Pinay,
Polgues (Saint),
Pollionnay,
Pomeys,
Pommiers,
Poncin,
Poncins,
Pouillat,
Pouilly,
Précieux,
Quinc é,
Quincieux,
Quinsonnas,
Rancé, .
Régnié,
Régny,
Rignat,
Rigneu, .
Rignieux,
Rivoire (Haute),
Roanne,
Romanèche .
Sain-Bel,
Saône,
Semons,
Sérézin,
Serin,
Solaise,
Solore,
Sorbiers,
Sornin,
Souternon,
Tarare,
Ternand
Theizé,
Thizy,
Thoranchin,
Tolvon,
Tourvéon,
Trambouzan,
Tullins,
Tupin,
Urfé,
Usson,
Uzore,
Vaise,
Vaugneray,
Vénissieux,
Verdun (Mont),
Vernay, .
Verrières,
Veyriat,
Veyziat,
Vieu-d'Izenave,
Villechenève,
Villeurbanne,
Viriat, .

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