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Revue des Études Anciennes

Paul-Marie Duval, Cherchel et Tipasa. Recherches sur deux villes


fortes de l'Afrique romaine. Institut français d'Archéologie de
Beyrouth. Bibliothèque archéologique et historique. T. XLIII, 1946
Pierre Grimal

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Grimal Pierre. Paul-Marie Duval, Cherchel et Tipasa. Recherches sur deux villes fortes de l'Afrique romaine. Institut français
d'Archéologie de Beyrouth. Bibliothèque archéologique et historique. T. XLIII, 1946. In: Revue des Études Anciennes. Tome
49, 1947, n°3-4. pp. 351-355;

http://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1947_num_49_3_3385_t1_0351_0000_2

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fut assuré par les moines, et cela à partir du vme siècle. Ainsi
s'expliquerait la superposition matérielle de la diaconie de S. Maria in Via Lata
aux magasins dont la première forme remontait au temps d'Hadrien.
De même, la diaconie de S. Teodoro se superposa aux Horrea Aggrip-
piana, S. Vito au Macellum Liuiae (mais peut-on légitimement identifier
le MaceUum augustéen à des Horrea?), etc.
Enfin, rattachant ce dernier développement à son identification du
Lauacrum Agrippae, M. Sjöquiet essaie de retrouver l'origine des
baptistères à plan circulaire. A la vérité, sa démonstration se borne ici à une
simple suggestion, et, comme à propos de la Porta Triumphalis, on doit
avouer qu'une hypothèse brillante ne suffit pas à emporter la
conviction.
Quoi qu'il en soit, même à n'en retenir que la première partie, sans
contredit la plus solide, le travail de M. Sjöquist demeure de toute
première importance et quiconque se penchera désormais sur cette région
du Champ de Mars devra en tenir compte.
Pierre GRIMAL.

Pani-Marie Dava!, Chercha et Tipasa. Recherches sur deux villes fortes de


l'Afrique romaine. Institut français d'Archéologie de Beyrouth.
Bibliothèque archéologique et historique. T. XLIII. Paris, Geuthner,
1946 ; 1 vol. gr. in-4°, 180 pagesi, 25 fig., XIV planches, 1 plan hors
texte.
M. Duval, auquel on doit, récemment, un rapport magistral sur ses
fouilles de Cimiez *, nous donne ici le résultat des recherches exécutées
par lui en Afrique du Nord, à Tipasa, puis à Cherchel. Ces recherches,
continuant celles qui avaient été amorcées par MM. JeanBérard, J. Las-
sus et Meunier, notamment, avaient pour objet de retrouver, dans toute
la mesure du possible, les fortifications de Iol-Caesarea, la capitale
romaine de Mauritanie Césarienne, et celles de Tipasa. Ces deux villes
furent choisies parce que leurs enceintes sont de celles qui peuvent
encore, au prix de quelques sondages, se lire sur le terrain. De plus,
l'analogie de leur situation, sur la route côtière, la stabilité et la durée
de leur occupation à l'époque romaine les rendent, a priori, comparables
entre elles.
L'ouvrage de M. Duval se présente d'abord comme une description
minutieuse de tout ce qui peut être actuellement retrouvé de l'enceinte
des deux villes. Des sondages ont été effectués, les résultats des fouilles
plus anciennes ont été contrôlés, parfois complétés, et s'il reste encore
des incertitudes, c'est ou bien que telles portions des murailles ont
définitivement disparu, ou bien que, pour quelque cause, la fouille n'a pu

1. P.-M. Duval, Rapport préliminaire sur les fouillée de Cemenelum (Cimiez) (1943) ;
GaUia, IV (1946), p. 77 à 136.
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être exécutée. Il est peu vraisemblable, d'ailleurs, que, si ces lacunes


viennent un jour à être comblées, les résultats de l'enquête de M. Duval
en soient sensiblement modifiés. Ce que l'auteur a vu — et bien vu —
suffît à étayer des conclusions définitives.
L'enquête de M. Duval est la première de ce genre qui soit consacrée
aux villes d'Afrique du Nord, et, sur bien des points, l'auteur a été
gêné, comme tous les précurseurs, par le manque de termes de
comparaison. On souhaite, avec lui, l'établissement d'un Corpus de l'architecture
militaire antique. Et le présent volume servirait de modèle à ceux du
futur.
Mais la minutie, l'exactitude, la conscience de ces relevés ne sont
qu'un des moindres mérites de ce travail. L'auteur n'abordait pas en
novice l'étude des enceintes fortifiées. Familier de Paestum, il éclaire
l'architecture militaire africaine d'une parfaite connaissance des
modèles hellénistiques. Et cela lui permet d'établir que Cherchel et Tipasa
présentent deux types entièrement distincts de fortification. Tipasa est
entouré d'une enceinte de plaine et dérive directement du « camp
romain » ; la disposition d'ensemble est massive, sans aucune des subtilités
qu'aimaient à prodiguer les ingénieurs hellénistiques. L'enceinte de
Cherchel est beaucoup plus complexe. D'une grande étendue (le
périmètre urbain a plus de sept kilomètres, dont les trois quarts sont
fortifiés, le front de mer n'étant défendu que par des ouvrages isolés), elle
enferme non seulement l'agglomération proprement dite, qui s'étendait
dans la plaine côtière, mais elle gravit les pentes de la colline et protège
des exploitations agricoles et des « villes » luxueuses. Au lieu d'une
enceinte de plaine, nous avons là une véritable ville à acropole, de plan
grossièrement rectangulaire, largement ouverte sur la mer, et dont le
sommet, vers l'intérieur, est couvert de plusieurs fortins, « monnaies » de
l'acropole théorique. Une telle disposition, nous dit l'auteur, dérive des
modèles hellénistiques, bien plus que des types romains, qui, eux, ne
connaissent que rarement les citadelles.
Cette différence des plans répond à une différence des dates et des
conditions de la construction. On constate, en effet, que l'enceinte de
Tipasa fut construite de toutes pièces, en une seule fois, et
probablement après le milieu du me siècle de notre ère, alors que commençait
une période d'insécurité générale en Afrique romaine. Celle de Caesarea
date au contraire, dans son premier état, du temps de Claude. Elle
aurait suivi le tracé de la ville numide, sans que l'on soit autorisé à
supposer l'existence d'une fortification indigène antérieure. Plus tard — et
précisément vers l'époque où l'on construisit l'enceinte de Tipasa — on
répara celle de Cherchel, qui fut deux fois démolie partiellement, jusqu'à
une réfection par les troupes d'occupation byzantines.
Les arguments sur lesquels M. Duval appuie cette démonstration
nous ont paru probants — même lorsque la pauvreté des analogues
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datés oblige l'auteur à des considérations d'un caractère général. Il


n'était pas aisé de transformer une chronologie relative garantie par la
minutie et la précision des observations en une chronologie absolue,
lorsqu'il s'agit de dater des types d'appareil pour lesquels n'ont pas été
faits des relevés exhaustifs, et lorsque les références possibles le sont à
des faits aussi espacés dans le temps que ceux qui constituent pour nous
l'histoire de l'Afrique romaine1. Quoi qu'il en soit, M. Duval fait
définitivement justice de l'hypothèse autrefois avancée par St. Gsell, et qui
voulait que l'enceinte de Tipasa fût contemporaine de celle de Caesarea.
Ni l'appareil ni le plan des portes, par exemple, ne permettent de
considérer les deux travaux comme l'œuvre d'un même âge. Et cela éclaire
d'un jour nouveau les vicissitudes de l'occupation romaine, sa période
de croissance, sous le Haut-Empire, lorsque les villes indigènes sont
prises comme points d'appui, jalons de la progression future ; puis,
l'insécurité venant, c'est le resserrement des cités existantes. Au premier
temps répond le rempart de Cherche!, au second celui de Tipasa.
Telles sont les grandes lignes et les conclusions de l'ouvrage. Mais,
dans le détail, les notes erudites, les rapprochements ingénieux
suggèrent maintes observations, dont nous voudrions ici proposer quelques-
unes.
Par exemple, lorsque M. Duval (p. 18, n. 2) établit un relevé (très
provisoire, il va sans dire) des enceintes d'Afrique du Nord, il range — sur
la foi, sans doute, de notre exploration, vieille de dix ans — Siga parmi
les sites non fortifiés. Or, notre inexpérience, et le caractère partiel des
sondages exécutés alors sont loin de permettre une telle affirmation.
Bien des muraillements inexpliqués sur la colline de Ras Char (l'Acropole
de Siga) peuvent avoir fait partie de fortifications. L'insuffisance de la
fouille est, là, manifeste. Et il en est certainement de même pour bien
d'autres sites d'Afrique du Nord.
A Tipasa, M. Duval a reconnu l'existence d'une tour recouvrant un
bassin d'adduction d'eau (p. 57 et suiv., et fig. 9). Il suppose qu'il s'agit
là d'une piscina limaría, un bassin de décantation. Mais en est-il bien
ainsi? Le plus souvent, les bassins de décantation sont situés à la tête de
l'aqueduc, et pourvus d'un système de chicanes destiné à ralentir le
courant et rendre la décantation plus complète. Si près de la ville, et en
présence d'un bassin circulaire à compartiment unique, nous penserions
plus volontiers à un bassin régulateur, ou, si l'on préfère, à un casteUum

1. L'un des principaux arguments de l'auteur pour attribuer à Claude l'enceinte de Cher-
chel est l'emploi du bossage à la porte Sud. Aux exemples qu'il rapporte, il faut peut-être
ajouter celui de l'amphithéâtre de Saintes, indiscutablement claudien, et où l'on remarque,
dans une partie peu accessible, il est vrai, et, à notre connaissance, encore inédite du
monument, un remarquable ensemble de ce style.
De même, la présence d'une tête de taureau comme élément décoratif d'un arc de porte
impose de rappeler l'arc d'Auguste qui, dans l'enceinte aurélienne, devint la porte Tibur-
tine. Cet arc est daté de 5 av. J.-C.
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de distribution. L'analogie devient alors complète avec le castellarti du


Rivus Herculaneus, entre la Porte Majeure et la Porte Tiburtine, à
Rome. Nous ne savons à quelle hauteur le tuyau d'entrée pénétrait dans
la chambre. Nous savons du moins que l'eau sortait presque au ras du
sol, ce qui est peu concevable pour un bassin de décantation, où entrée
et sortie se faisaient au niveau de la surface. Ici, au contraire, il apparaît
que ce bassin fonctionnait comme un véritable régulateur de pression et
répondait à l'un des besoins les plus impérieux des adductions antiques.
Celles-ci se faisaient, le plus souvent, dans des conduites dont la section
n'était pas entièrement mouillée, et, par conséquent, la pression y était
presque nulle. Si l'on voulait, au moment de la distribution, par exemple,
ou pour établir un siphon, mettre l'eau sous pression, il fallait avoir
recours à un château d'eau, dans lequel il était facile, à l'aide d'une
vanne, de maintenir une hauteur d'eau, et par conséquent une charge
sensiblement constantes. C'est à cette nécessité (ou, si l'on préfère, cette
gaucherie) de la technique que l'on droit les nombreux bassins qui
jalonnent la campagne romaine, ainsi que les puits d'aération dont étaient
percés les aqueducs. Il y en avait à chaque « palier », à chaque « nœud »
de l'adduction, sans que cela répondît, le plus souvent, à des besoins de
décantation. A Rome, on peut citer, entre autres, le fameux bassin ad
Gemellos.
A Cherchel, M. Duval remarque encore le rapport qui unit les
aqueducs et les portes. C'est là, en effet, quelque chose de fréquent. Pourquoi
M. Duval, sur la foi de G. Lugli (p. 119, n. 2), affîrme-t-il qu'à Rome il
ne se présentait que dans le cas d'une conduite aérienne? Assurément,
le plus ancien aqueduc de Rome, l'Appia, franchissait, sur des arcs, la
Porte Capène. Mais il est fort probable que VAnio Vêtus pénétrait dans
la ville à la hauteur de la Porte Esquilme, et, à cet endroit de son
parcours, il était forcément souterrain. Si l'on se réfère maintenant à
l'enceinte aurélienne, on constate que l'Appia et VAnio Vêtus passent sous
la Porte Majeure, tandis que tous les autres aqueducs de la même région
sont aériens et servent précisément d'appui à l'enceinte, dont le tracé
est, là, déterminé par le leur. Il est certain que les aqueducs sont pour
une ville une nécessité vitale, et que les ingénieurs devaient avoir le
souci de les protéger. Ce n'est sans doute pas un hasard si les portes sont
en rapport avec les adductions. La porte forme un point d'appui défensif
auquel l'assaillant ne s'attaquait pas volontiers. Auprès d'elles, les
conduites d'eau jouissaient d'une sécurité accrue en cas de siège. Elles ne
risquaient pas non plus, si elles étaient souterraines, d'être coupées par
les mines ou les terrassements. Mais tout le problème est dominé par les
conditions de la construction : l'aqueduc est-il antérieur à l'enceinte —
lui est-il postérieur? Si l'on accepte — comme cela est nécessaire — les
conclusions générales de M. Duval, l'aqueduc de Tipasa rentre dans le
premier cas. Par contre, à Cherchel, aqueducs et enceinte claudienne
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seraient contemporains. Leur adaptation était donc réciproque,


contrairement à ce qui s'est passé à Rome pour l'enceinte aurélienne. Et, tandis
qu'à Rome on a posé la porte au nœud d'adductions que constitue le
lieu-dit Ad Spem Veterem, à Cherchel, l'aqueduc a été systématiquement
conduit vers la porte, dont l'emplacement était déterminé par celui de la
route qui la traversait. Il y a là une technique dont l'étude reste à faire,
et ne pourra être faite que le jour où nous posséderons beaucoup de
monographies semblables à celles de M. Duval.
Lorsque l'auteur insiste, avec justesse, sur la rareté des acropoles dans
les fortifications romaines, il soulève le problème de l'enceinte servienne
qui, elle, s'appuie sur le Capitole. Et cela confirme le caractère
hellénistique — étranger — de cette première fortification. Tout l'effort
politique et stratégique tendra précisément à éliminer cette « citadelle », à
l'éloigner de la vie publique, en la rejetant au delà du Tibre, au sommet
du Janicule, dont la fortification triangulaire a bien des analogies avec
celle que l'on nous donne ici comme d'inspiration hellénistique. Il y a un
problème, que ce n'est pas ici le lieu d'examiner, mais dont la solution
peut apporter une intéressante contribution à l'histoire de la
topographie romaine.
Enfin, et bien que ce ne puisse être dans le travail de M. Duval qu'une
indication sommaire, l'auteur suggère que certains traits des enceintes
africaines peuvent caractériser un type local, qui aurait son origine
dans des modèles puniques. Orientée dans ce sens, la recherche pourrait
conduire à des résultats inattendus. Lorsque nous voyons l'enceinte de
Cherchel englober des terrains non habités, ne peut-on songer à telles
villes berbères qui étendent démesurément leurs murailles et y
comprennent de véritables terrains vagues? L'étude de l'architecture
militaire nord-africaine, postérieure à la fin de l'occupation (mais non de
l'influence) romaine, réserverait sans doute des surprises. C'est ainsi que
le plan de Honaïn, à quelque vingt kilomètres à l'ouest de la Tafna, sur
la côte algérienne, n'est pas sans analogie, malgré la grande différence
des époques, avec celui de Caesarea.
On voit que l'important ouvrage de M. Duval ouvre des perspectives
nouvelles dans l'archéologie nord-africaine. Et l'on ne peut manquer de
souhaiter, à sa lecture, que la tradition si brillamment inaugurée de la
sorte soit bientôt continuée.
Pierre GRIMAL.

Loáis Châtelain, Le Maroc des Romains, étude sur les centres antiques de
L· Maurétanie occidentale (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes
et de Rome, fase. 160). Paris, de Boccard, 1944 ; 1 vol. in-8°, vin +
234 pages, 54 planches hors texte (non parues).
Cette thèse a été soutenue avec succès à Rennes par l'auteur, inspec-

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