Intérêts et limites de la cartographie du mobilier archéologique pour
l’histoire économique antique : l’exemple des sigillées, parois fines et
lampes italiques
par Eleni SCHINDLER KAUDELKA *
La cartographie peut livrer un excellent départ pour un
certain nombre de réflexions en archéologie. Une carte
thématique du mobilier fournit l’indication illustrée sur le
lieu, où un objet ou bien une structure a été repéré. Toute
affirmation ou conclusion déduite de cette base constitue un
pas vers l’interprétation historique.
1. L’intérêt
La cartographie du mobilier archéologique tend à résumer
les connaissances et les données sur la production artisanale,
agricole et artistique ainsi que sur la distribution et la
commercialisation des marchandises. L’étude du commerce
à longue distance avec les exportations ou les importations et
leur changement profite d’une carte pour arriver à formuler
des hypothèses et soutenir les conclusions.
La présence ou l’absence de certains produits et artefacts
dans certaines régions, provinces, cités, territoires informe
sur les contacts au niveau local, régional ou international. La
quantification des données utilisées met l’accent sur le
transport, la diffusion, l’acheminement et la distribution et
sur les rapports et interdépendances ainsi que sur les circuits
commerciaux dans l’Antiquité.
L’interprétation simultanée de données entrecroisées
déduites de plusieurs champs de réflexion fonctionne
essentiellement sur un plan non verbal. L’intérêt principal du
travail avec une carte thématique consiste à associer de façon
compacte et compréhensible les paramètres géographiques
avec les sources archéologiques. Le second point d’intérêt
fondamental concerne l’établissement d’une meilleure
structure des idées au rassemblement et au traitement des
données. La carte du mobilier ajoutera des dimensions
supplémentaires aux conclusions historiques possibles à
déduire.
* Fouilles de Magdalensberg (Autriche).
2. Les dangers
Une carte thématique représente un outil de travail
reflétant l’état plus ou moins actuel des connaissances. La
remise en cause au fur et à mesure du progrès des recherches
est programmée dès le début.
La qualité du produit dépend de plusieurs facteurs, et les
symboles apposés sur un fond de carte demandent la même
prudence et précaution que la sélection des données utilisées.
Pour obtenir des résultats convaincants et utiles, le respect de
mesures très strictes sur la forme et le contenu est essentiel.
Il est absolument nécessaire d’énoncer clairement les
axiomes de départ. La tendance à les abréger représente un
inconvénient à éviter puisque ces abréviations forment le
début de courts-circuits où un malaise de la recherche se fait
sentir sans ajouter à la solution d’un problème.
L’insouciance de mélanger hypothèses et faits prouvés
peut mener à la constitution de cartes pseudo-scientifiques
qui ne sont guère plus qu’un rassemblement d’inconnues
douteuses voire fausses pour camoufler des incertitudes. Un
outil de travail temporaire très pratique pour soutenir la
réflexion du chercheur ne va pas nécessairement être inclus
dans une publication.
En général les échantillonnages s’avèrent trop restreints
pour détourner le danger des affirmations équivoques. Il
convient de se rappeler dans ce contexte que la majeure
partie des hypothèses repose sur un total estimé de 1 %-3 %
du mobilier en circulation dans l’Antiquité. “La nécessité de
se servir des moindres informations disponibles augmente le
risque d’interpréter les cas particuliers comme des thèses
générales” 1 .
3. Le rappel des généralités de la
cartographie thématique
La sélection du fond de carte et des marques
topographiques qui y figurent aura une influence sur les idées
discutées. Les cartographes conseillent d’éviter de
1 Morel 1983.
260
surcharger, de garder sur les fonds uniquement les marques
topographiques en rapport avec le sujet et d’éliminer toute
information superflue pour garantir la qualité de la lecture.
Un excès d’indications est aussi contre-productif que les
informations trop partielles ou unilatérales qui augmentent la
difficulté de la lecture. Une allusion à des indicateurs
géographiques actuels facilite l’orientation générale. Les
encarts limités gagnent par l’addition d’informations
supplémentaires comme la localisation de ceux-ci sur une
carte miniature.
Le respect des conventions dans les points cardinaux va de
soi. Les fleuves principaux, les passages de cols importants,
les voies routières de l’époque rendent la carte plus vivante.
Leur intérêt primaire consiste à soumettre les renseignements
plus ou moins aléatoires à un ordre et ces indications servent
à la réduction des confusions.
Une carte bien élaborée tient compte des données
essentielles sans accumuler trop de symboles. Un maximum
de quatre symboles géométriques, que l'on peut décliner en
deux couleurs et en quatre dimensions différentes, est de
rigueur. La division d’une quantité supérieure de données
impossibles à comprimer sur plusieurs fonds de cartes
produit des résultats plus lisibles. Une carte bien élaborée
évite la corrélation de deux indices à valeur différente. Le
recyclage des cartes existantes additionnées de données non
congruentes est déconseillé pour des raisons d’altération de
lecture. L’utilisation des cartes préalables ne demande
pourtant pas un départ à zéro pour l’addition d’un seul
symbole.
La dimension mathématique des repères mérite une
certaine considération. Le poids graphique des éléments
évoque une association différente selon la taille et la forme.
La surface est une donnée à grandeur fixe au premier plan de
la perception, toutes les autres grandeurs lui sont
subordonnées. Les mesures relatives ou absolues accordées
aux données et aux symboles qui les représentent peuvent
changer l’apparence du résultat jusqu’à en affirmer le
contraire. Les diagrammes et les symboles géométriques (qui
comptent dans la visualisation comme des points), les lignes
(en général réservées au fond cartographique) ou les surfaces
(qui peuvent désigner des superficies séparées, adjacentes ou
emboîtées) changent l’échelle des valeurs. Les surfaces
hachurées et les surfaces colorées ouvertes ou délimitées
sont interprétées de façon différente. À partir d’une même
base de données, deux cartes à signification complètement
contraire peuvent être dessinées.
La réduction des textes explicatifs en dehors de la carte,
qui risquent d’être supprimés ou déplacés par l’imprimeur
LES ROUTES DE L’ADRIATIQUE ANTIQUE
est indispensable. Tous les textes nécessaires, le titre, la
légende ou l’échelle, la date et l’auteur sont à placer à
l’intérieur de la carte.
Il convient de s’interroger sur l’image qu’une carte
thématique veut communiquer. Les informations primaires
latentes du lecteur, même absentes de l’illustration, risquent
de détourner l’intention de l’auteur et mener à des
interprétations inattendues.
Ma gratitude va à mon fils Konrad Schindler pour ses
explications et conseils concernant la cartographie.
4. Les limites
Les exemples ci-dessous, loin d’être exhaustifs, font
référence uniquement aux données fournies par une partie du
mobilier de céramique fine d’Italie des premiers siècles
avant et après notre ère. L’état de la recherche céramologique
en Italie est satisfaisant. Néanmoins les connaissances sur les
mécanismes de la production des céramiques fines d’Italie
restent fragmentaires et lacunaires. Le classement parfois
confus donne l’impression d’un travail d’amateur
spécialement à la comparaison des réalités existantes sur les
provenances et la localisation des ateliers et des affirmations
déduites sur les origines des céramiques.
L’opinion admise sur certaines aires de production en
Italie laisse sans précision la position de la plus grande partie
des centres de production. La localisation de la majorité des
ateliers reste inconnue. La tendance à utiliser les faux indices
ou des évidences insuffisantes pour la proposition des
ateliers mène à la création de légendes difficiles à déraciner.
D’autre part, la définition des typologies pour une partie
des ateliers ou groupe d’ateliers sûrement identifiés à partir
des estampilles ou des fouilles fait toujours défaut et un vaste
champ de questions reste ouvert. Une des majeures sources
d’erreurs dans l’établissement des cartes de distribution et de
diffusion des céramiques de table italiques repose sur
l’impossibilité de soumettre toutes les pièces non
déterminées d’apparence équivoque à l’analyse.
4.1. Les sigillées italiques
La carte de diffusion des terres sigillées ne fournit pas
nécessairement d’information sur la provenance. Répétition
triviale, mais indispensable à faire : la provenance ne peut
être déterminée que par des fouilles d’ateliers de potier, à la
rigueur par l’identification d’équipement de production, et
non pas par des trouvailles aléatoires de fragments de
INTÉRÊTS ET LIMITES DE LA CARTOGRAPHIE DU MOBILIER ARCHÉOLOGIQUE
céramique déformés. Le support offert par les sciences
exactes n’apporte qu’une aide supplémentaire 2.
Dans de rares cas comme Venosa, la lecture des
estampilles donne une indication primaire pour énoncer une
hypothèse. L’accumulation des produits de P. Crepereius 3
ensemble avec la prosopographie de la gens tirée d’autres
sources suggère une production temporaire de sigillées au
milieu du premier siècle à Venosa 4. Les exemples seraient à
multiplier comme le suggèrent les estampilles de Sisenna 5 à
Loron 6.
Les recherches sur les qualités géochimiques des pâtes
italiques, ou encore celles sur les différences dans la
composition des produits fabriqués dans des régions
géographiques différentes sont en cours. À l’heure actuelle il
est difficile d’évaluer les critères de base et leur poids en vue
de l'élaboration d’une carte de distribution lisible et valable.
L’analyse chimique des sigillées estampillées Arretinum 7
renforce l’hypothèse qu’il s’agit d’une marque déposée
plutôt que d’une indication de provenance, puisqu'aucun des
vases estampillés connus à l’heure actuelle n’a été produit en
terre d’Arezzo.
Sur certains de ses grands plats, l’artisan A. Titius informe
correctement qu’il est un figulus arretinus 8. L’indication
d’origine donnée par L. Rasinius Pisanus 9 est exacte et
dernièrement il a trouvé sa place dans les productions
pisanes 10.
Les analyses chimiques ont contribué à mettre hors service
certains ateliers de céramique fine. La filiale de Sextus
Annius 11 à Ostie a été proposée à partir d’un mouton que les
analyses ont bien relocalisé à Arezzo 12.
La sigillée tripolitaine provient en réalité du golfe de
Naples 13.
Dans plusieurs cas les hypothèses des sciences naturelles
ont été soutenues par des cartes de distribution. L’hypothèse
avancée par M. Schindler sur des provenances diverses des
sigillées padanes précoces et du groupe d’artisans aux tria
nomina abrégés comme LMV 14, QSP 15 ou CTP 16 de la
2 OCK, fig. 2, 25.
3 OCK, 687-688.
4 Torelli 1988.
5 OCK, 1972.
6 Maggi 2001.
7 OCK, 242-244.
8 OCK, 2169.
9 OCK, 1690.
10 Menchelli 1995.
11 OCK, 184.
12 Olcese, à paraître.
13 Soricelli 1987.
14 OCK, 1085.
261
seconde moitié du Ier siècle p.C. à partir de la classification
empirique des pâtes 17 semble confirmée, vingt-cinq ans plus
tard, par la synthèse de trois observations. La géochimie, une
série d’analyses chimiques et un nombre de cartes de
répartition indiqueraient que les terres sigillées tardopadanes
(= les TSTP) n’ont pas été produites dans la région padane
mais dans une zone en marge du versant sud des Alpes
italiennes propice au transport par la via Gallica et la via
Postumia 18.
La découverte des ateliers arétins provinciaux contribue à
la complication des données. L’établissement de filiales
(encore non localisées en plaine padane) par les potiers
arétins C. Sertorius Ocella, A. Titius, P. Attius, A. Sestius et
C. Sentius 19 a été confirmé par des analyses. Actuellement il
est impossible de distinguer les estampilles des maisons-
mères et des succursales 20. D’autres comme Ateius 21 et ses
collaborateurs sont allés s’installer à Pise et, par la suite, à
Lyon avec un groupe de leurs collègues padans 22. Torrita di
Siena semble le domaine d’un membre de la gens Umbricia,
L. Umbricius Cordus 23. La nature de ses rapports avec
Manneius 24, dont les estampilles et une matrice a placca
pour décors appliqués ont été trouvées sur place, nous
échappe, mais on peut envisager une filiale. Le moule à
appliques de Torrita di Siena a été produit à Arezzo 25. La
circulation des moules semble avoir été une affaire normale,
comme l’avait déjà montré un moule de provenance arétine
trouvé à Lyon 26. Ancharius 27, dit jadis d’Arezzo, gérait avec
un groupe de potiers un atelier à Vasanello, mais n’avait
selon toute vraisemblance pas d’association avec
l’Ancharius dont les esclaves Nicepor et Buccio produisirent
des vernis rouge pompéien 28. Les artisans tardifs de
Scoppieto, L. Plot Zosimus et consorts 29, semblent avoir
acheté des moules d’une grande entreprise arétine pour
l’utilisation dans leurs ateliers. Une série de rebuts de cuisson
15 OCK, 1765.
16 OCK, 2027.
17 Schindler & Scheffenegger 1977, 20.
18 Kenrick 2000 ; Picon 2000.
19 Respectivement OCK, 1912, OCK, 2166, OCK, 347, OCK, 1926 et
OCK, 1861.
20 Zabehlicky-Scheffenegger 1991.
21 OCK, 266-318.
22 Menchelli 2001.
23 OCK, 2446.
24 OCK, 1099.
25 Pucci 1992.
26 Picon 1977.
27 OCK, 94.
28 Porten Palange 1992.
29 OCK 1484-1489.
262
de vases moulés du groupe Perennius 30 suggère une
relation 31.
La question des ateliers lyonnais produisant des sigillées
de style italique est résolu 32.
La norditalica decorata présente encore plus de problèmes
et les ambiguités et les incertitudes augmentent. La
discussion fondamentale pour les céramiques de Sarius et
d’Aco est toujours ouverte – s’agit-il de centres producteurs
de vases ou seulement de regroupements stylistiques? Une
localisation des centres de production ou des ateliers de la
norditalica decorata à partir des moules ou fragments de
moules trouvés est impossible, par contre l’idée d’une
fabrication concentrée dans quelques grandes entreprises et
la commercialisation de moules semble actuellement la plus
plausible 33. Le regroupement selon les critères stylistiques
des poinçons et des compositions des décors aboutit à une
impasse, de nouveaux critères restent à définir. Un seul
tesson mal fait, sans estampille, attribué à l’officine de
Clemens et considéré comme raté de cuisson, a mené à
l’hypothèse d’un atelier de vases moulés à Aquilée. Il est
caractéristique que la tradition en ait fait immédiatement une
certitude incontestée. L’analyse n’a pas confirmé cette
hypothèse 34.
4.2. Les parois fines italiques
Les difficultés n’en sont pas moindres pour les céramiques
à paroi fine. La production des parois fines est très diversifiée
dès les débuts et des régionalismes assez prononcés sont
perceptibles à travers les formes, les décors et l’aspect des
gobelets et bols. Néanmoins, à l’intérieur de l’Italie, les
données demeurent assez vagues. À l’heure actuelle, une
traduction en termes géographiques des divisions
typologiques et chronologiques manifestement présentes
dans le matériel céramique à paroi fine s’avère impossible.
La définition de groupes ne présente aucune difficulté, mais
l’essai de raccrocher ces groupes à des zones de production
bien calées ou à des ateliers d’existence réelle a mené, à
quelques exceptions près, à des échecs. La production de
parois fines ne nécessite pas une technologie avancée ni une
compétence spéciale de la part des potiers. Les migrations
des potiers et l’aisance pour maîtriser la technique a très vite
abouti à des productions régionales faciles à cerner hors
30 OCK 1408.
31 Bergamini, à paraître.
32 Desbat 1997.
33 Schindler Kaudelka 1998 ; Ead. 2000.
34 Schneider, à paraître.
LES ROUTES DE L’ADRIATIQUE ANTIQUE
d’Italie comme les parois fines de Sirmium 35, de
Carnuntum 36 ou de Lyon 37. Il en est de même pour les divers
ateliers de la péninsule Ibérique 38.
En Italie on dispose de peu de données sûres. Les lieux de
productions et d’emplacements d’ateliers ou groupes
d’ateliers assurés sont minoritaires. Comment définir des
aires de diffusion? À part Sutri 39, Crémone, via Platina 40 et
Eporedia 41, la majorité des ateliers reste hypothétique, et
l’attribution géographique fondée sur le seul classement des
groupes n’est pas admissible dans une recherche correcte.
Même en l’absence de paramètres, qui définissent la
production, et d’ateliers fouillés, le travail avec des
attributions empiriques continue et a mené à un nombre
considérable de centres producteurs fantômes. Le risque de
s’aventurer dans des hypothèses douteuses augmente et la
répétition de données fausses ne contribue pas à leur
vérification. Aquilée aurait eu une production de parois fines
prouvée par un mouton. L’analyse chimique attribue les
vases entassés et collés les uns aux autres à des sources
différentes 42. L’atelier de vases à paroi fine d’Adria est une
chimère. Les analyses des soi-disants ratés de cuisson du
dépotoir de località Retratto déterminent plusieurs
provenances inconnues 43. La production de parois fines à
Angera est une fantaisie due à l’interprétation fausse de
résultats d’analyse 44. La production des parois fines de
Ravenne est définie par un regroupement stylistique sans
l'appui d'analyses chimiques. Qu’en est-il avec les parois
fines d’Akrai définies il y a 30 ans à partir d’un mouton? Et
les exemples seraient à multiplier.
4.3. Les lampes italiques
Les rares connaissances réelles sur les lampes mélangées à
des hypothèses et des prémisses anciennes falsifiées forment
un fond peu adapté pour dresser des cartes utiles afin
d’éclairer les questions de distribution ou de diffusion.
De nombreux surmoulages difficiles à identifier brouillent
l’image, étant donné le manque de connaissances sur la
signification et l’origine de la pratique. S’agit-il d’un travail
à l’intérieur d’un atelier, est-ce un surmoulage fortuit ou le
35 Premk 1987.
36 Gassner 1992.
37 Desbat 2000.
38 Lopez Mullor 1989.
39 Duncan 1964.
40 Breda 1996.
41 Brecciarolli Taborelli 2000.
42 Schneider, à paraître.
43 Olcese 1999.
44 Olcese 1999.
INTÉRÊTS ET LIMITES DE LA CARTOGRAPHIE DU MOBILIER ARCHÉOLOGIQUE
résultat obtenu par un plagiaire? Quelle en est la provenance?
Même à la comparaison directe des fragments une
identification peut poser des problèmes, et pour la plupart,
surtout en Italie, on se dispense de cette confrontation pour
travailler uniquement avec la bibliographie.
Pline (Nat., 35.160-161) précise que Modène était le siège
d’une production géante de céramiques, et les Firmalampen
en livrent une évidence nette. Les estampilles Menander
Mut(inae) fecit et Mutina Priscus mentionnent une
provenance correcte. Les Firmalampen non surmoulées en
pâte dure polie orangée portant les signatures Fortis,
Communis et Strobilis sont à rattacher, par des analyses
chimiques, à la production de Modène. Un grand projet du
laboratoire archéométrique de l’université de Berlin a
rassemblé des données très convaincantes sur ce problème 45.
La plupart des marques de potier qui peuvent être
observées sur les fonds des lampes de tous les types restent
énigmatiques. Rares sont les localisations des nombreuses
productions de Bildlampen, que la logique tendrait à associer
aux autres productions céramiques fines de la péninsule. Là
où on les connaît, comme à Scoppieto, les typologies des
formes et des décors attendent leur publication. Les ateliers
qui ont fabriqué des Vogelkopflampen, soupçonnés dans la
partie ouest de la région padane ne sont pas mieux identifiés.
Il manque toujours la localisation assurée de l’atelier de
C. Vibi Tibur qui signe des Tiegellampen tardorépublicaines.
Les lampes sont entrées très vite dans les répertoires des
ateliers en dehors de l’Italie et, en effet, la recherche sur ces
produits provinciaux comme, par exemple, à Lyon 46 ou à
Poetovio/Ptuj 47 est plus avancée que celle de l’artisanat en
Italie.
Une cartographie basée sur une série de données tellement
lacunaire, comme celle dont nous disposons dans le cas des
lampes produites en Italie, n’est à l’heure actuelle pas en
mesure de livrer des résultats utiles.
5. Les données chronologiques
La recherche sur les aspects de datation est moins
frustrante, mais les restrictions quelque peu secondaires
restent néanmoins valables. Bien que les données
chronologiques des céramiques de table italiques soient très
avancées et, par rapport à d’autres questions, elles peuvent
être admises comme des certitudes, il faut signaler que les
45 Schneider 2000 ; Flügel 2000.
46 Elaigne 1997.
47 Istenic 2000.
263
90 % des séquences de datation ont été rassemblées sur des
sites hors de la péninsule italienne. Par conséquent, la
recherche s'appuie au départ sur une chronologie de la
consommation qui n’est pas nécessairement congruente avec
la date de production, surtout si la datation se réfère à des
ensembles funéraires.
La question chronologique des sigillées italiques est
résolue depuis le Conspectus.
Des divergences notables entre les dates respectives
proposées par les séquences chronologiques de la norditalica
decorata sur des sites différents manquent toujours
d’explication plausible. Quarante ans de différence entre
l’apparition du gobelet Sarius de Bolsena 48 avec le groupe
des Sarius de Montirone 49 posent la question d’une
réutilisation éventuelle de moules ou de poinçons.
La différence entre les dates des premières importations
des gobelets Aco du Magdalensberg et le début de la
production dans les centres de production de Lyon, Vienne et
St-Romain-en-Gal sont dues à une problématique dans
l’historique de la recherche. La reprise des données a mené à
rectifier la chronologie qui est maintenant parallèle et
convergente 50.
Les parois fines s’avèrent très utiles pour soutenir des
chronologies dans un système de contextes, mais les
régionalismes des produits interdisent souvent la création
d’analogies sur des sites différents.
Des écarts de datation notables de site en site pour des
lampes quasi identiques et un changement dans les rares
paramètres valables rendent l’étude chronologique des
lampes difficile sinon impossible.
Les conclusions
Loin de vouloir être complet, ce petit panorama n’est bien
sûr pas le premier à aborder la cartographie thématique en
archéologie du côté méthodologique 51. Il n’a pas été dressé
dans l’intention d’éviter à jamais la production des cartes de
diffusion ou d’empêcher dorénavant toute réflexion à partir
de la répartition de l’un ou de l’autre groupe de céramiques.
Au contraire, il faut rester partisan de tout support non verbal
pour essayer d’avancer la recherche, sans pourtant
s’acharner à attribuer un poids et une valeur trop grands. Les
cartes de distribution des trouvailles archéologiques méritent
d’être faites et utilisées avec la même précaution que tout
48 Goudineau 1968.
49 Lavizzari Pedrazzini 1995.
50 Schindler Kaudelka, à paraître.
51 Martin-Kilcher 1994 avec la bibliographie antérieure.
264
autre instrument destiné à approfondir les connaissances sur
l’Antiquité.
La pratique continue de marquer des points sur une carte
en pleine conscience des limites dans les données de base
pour en déduire des tracés commerciaux, pour parler
d’unions économiques et pour souligner les hypothèses et
idées historiques traduit un goût d’imprudent et même de
négligeant. Il est temps d’avouer l’existence de lacunes
substantielles qui s’opposent à des affirmations et de déclarer
“pour toute une série de conclusions les données sont encore
trop partielles”.
Pour conclure l’accent est mis sur un ton plus optimiste.
Le Conspectus a considérablement augmenté les
connaissances sur les sigillées italiques. Compilé par un
groupe de travail à l’instigation de H. Comfort pour former
l’instrument typochronologique qui servirait à la réédition du
Corpus vasorum arretinorum, il fait maintenant la référence
de choix pour toutes les questions liées aux sigillées italiques
et à leurs dérivées régionales. Dix ans après sa première
parution l’ouvrage de base résumant la typologie suffit
toujours dans la plupart des cas. L’édition issue en 2000 du
CVArr de Oxé-Comfort préparée par P. Kenrick est équipée
d'un logiciel aidant à réaliser des cartes sur une base de
données de 36 000 estampilles publiées. La recherche
archéologique dispose actuellement d’un excellent outil de
travail pour les cartes de distribution des sigillées italiques.
Bien qu’un catalogue de cette sorte ne risque jamais d’être
complet, il dispense d’apposer manuellement des points sur
une carte tout en minimalisant les risques d’erreur.
Il reste à espérer que dans les années à venir la recherche
pourra disposer d’un outil aussi efficace pour la fabrication
de cartes du mobilier en parois fines et en lampes italiques.
L’état actuel des connaissances dans ce domaine incite à la
prudence et à l’attente de conditions plus favorables.
Il est inutile et même superflu d’illustrer les présentes
remarques par des images, vu que les comptes rendus de
l’ouvrage contiennent un grand nombre de cartes bien
élaborées.
LES ROUTES DE L’ADRIATIQUE ANTIQUE
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