Vous êtes sur la page 1sur 945

Oeuvres de Tite-Live :

histoire romaine avec la


traduction en français. Tome
1 / publiées sous la direction
de M. [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Tite-Live (0059? av. J.-C.-0017). Auteur du texte. Oeuvres de Tite-
Live : histoire romaine avec la traduction en français. Tome 1 /
publiées sous la direction de M. Nisard, .... 1839.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart


des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le
domaine public provenant des collections de la BnF. Leur
réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet
1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus ou dans le
cadre d’une publication académique ou scientifique est libre et
gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment
du maintien de la mention de source des contenus telle que
précisée ci-après : « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale
de France » ou « Source gallica.bnf.fr / BnF ».
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait
l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la
revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de
fourniture de service ou toute autre réutilisation des contenus
générant directement des revenus : publication vendue (à
l’exception des ouvrages académiques ou scientifiques), une
exposition, une production audiovisuelle, un service ou un produit
payant, un support à vocation promotionnelle etc.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de


l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes
publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation


particulier. Il s'agit :

- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur


appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés,
sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable
du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les
bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à
s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de
réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le


producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du
code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica


sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans
un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la
conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions


d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en
matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces
dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par
la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition,


contacter
utilisation.commerciale@bnf.fr.
ŒUVRES
DE TITRE-LIVRE
(HISTOIRE ROMAINE)

AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS

PUBLIÉES SOUS LA PIRECTION

DE M. NISARD
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
INSPECTEUR CÊNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

TOME PREMIER

PARIS
CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET CTE, LIBRAIRES
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCH
RUE JACOB, 56

M DCCC LXIX
TITE-LIVE
HISTOIRE ROMAINE
IABIS. — TVPOCB APILLL DL FIRMIN DIDOI FRFRIS, THISIN (It BIT JACOR, 06
ŒUVRES
DE TITE-LIVE
(HISTOIRE ROMAINE)

AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS

SOUS LA DIRECTION

DE M. NISARD
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
INSPECTEUR GÊNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

TOME PREMIER

PARIS
CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C'L, LIBRAIRIES
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRAKGE
RUE JACOB, 56

M DCCC LX1X
TABLE DES MATIÈRES.

Avts nrs
NOTICE sur
ÉDITEURS.
Tite-Live.
rages.
xv
xvn
Démarate, vient de Tarquinie, ville d'Ètrurie,
à Rome; admis dans l'intimité d'Ancus, il prend
HISTOIRE ROMAINE. (La traductiondecepre- le nom de Tarquin et monte sur le trône après
mier volume est de MM. Lebas, de l'Institut, la mort d'Ancus. Il augmente de cent le nombre
Charles Nisard, Kermoisan, Théophile Baude- des sénateurs, soumet les Latins, trace l'enceinte
ment, Bouteville de MM. Boistel, Magin, Paret, du cirque et institue des jeux. Attaqué par les
Le Prévost, Leudière, Capclle, professeurs, et de Sabins il augmente les centuries des chevaliers.
M. Bellaguet, chef du bureau des travaux histori-

PRFFACE.
Pour mettre à l'épreuve la science de l'augure
ques au ministère de l'instruction publique. ) Attius Navius il lui demande si ce qu'il pense
dans le moment est possible, et sur sa réponse
LIVRE PREMIER. -Descente d'Énée en Italie;ses ex- affirmative, il lui ordonne de couper un caillou
ploits.-Règned'Ascagne à Albe, et des Silviusses avec un rasoir, ce que l'augure fait sur-le-champ.
successeurs. -La fille de Numitor surprise par -Défaitedes Sabins; Romeentourée de muraille.;
Mars, devient mère de Romulus et de Rémus.- construction des égouts. Tarquin est assassiné
Meurtred'Amulius. — Fondationde Rowe.-Éta- par les fils d'Ancus après un règne de trente-huit
blisementdu sénat.-Guerre contre les Sabins.- ans. II a pour successeur Servius Tullius fils
Consécrations de dépouilles opimes à Jupiter-Fé- d'une noble captive de Corniculum la tradition
rétrien.—Division du peuple en curies.-Défaite rapporte que dans son enfance on avait vu, dans
des Fidénates et des Véïens.—Apothéosede Ro- son berceau des feux briller autour de sa tête;
mulus.-NumaPompilius institue les cérémonies défaite des Véiens et des Étrusques. Établisse-
religieuses, élève un temple à Janus, fait la paix ment du cens, qui porte, dit-on, à quatre-vingt
avec tous les peuples voisins, et ferme le premier millele nombre des citoyens. Cérémonie du lustre.
les portes de ce temple.-A la faveur des entre- Division du peuple par classes et par centuries.
tiens nocturnes qu'il feint d'avoir avec la nymphe Le roi recule le Pomærium pour réunir à la ville
Égérie, il inspire à ce peuple farouche des senti- les monts Quirinal, Viminal et Esquilin. De con-
ments religieux.-TullusHostilius porte la guerre cert avec les Latins, il élève un temple à Diane
chez les Albains.-Combat des Horaces et des sur le mont Aventin. Il est tué par L. Tarquin
Curiaces.-Horace absous.-Supplice de Mettius fils de Priscus à l'instigation de sa fille Tullie,
Suffétius.—Ruined'Albe; incorporation de ses après un règne de quarante-quatreans. A sa mort.
habitants dans Rome.-Guerre déclarée aux Sa- L. Tarquin le Superbe, sans l'aveu du sénat ni
bins.—Tullus périt frappé de la foudre.—Ancus du peuple, s'emparedu trône le jour de l'usur-
Marcius renouvelle les cérémonies instituées par pation, l'infâme Tuilie fait passer son char sur le
Numa; il défait les Latins, leur donne droit de corps de son père. Tarquin s'entoure de grandes
cité, et leur assigne le mont Aventin pour de- armées pour la sûreté de sa personne. Turnui
meure.-Seconde prise de Politorium, ville du Herdonius périt victime de sa perfidie. Tarquin
Latium, dont les anciens Latins s'étaient empa- fait la guerre aux Volsques, et de leurs dépouilles
rés, et ruine de cette ville. Ancus jette un pont élève un temple à Jupiter dans le Capitole. Le
de bois sur le Tibre, unit le mont Janicule à la dieu Terme et la déesse de la Jeunesse résistent
ville, et recule les frontidres de son empire, bâtit à la destruction, et leurs autels restent debout dans
Ostie et meurt après un règne de vingt-quatre le nouveau temple. La ruse de Sextus Tarquin.
des Gabiens.
ans. Sous son règne, Lurumon, fils du Corinthien son fils, met en son pouvoir la ville
Pages
Ses fils se rendent à Delphes, consultent l'oracle quin-le-Superbe revient attaquer Rem. à la tête
pour savoir auquel d'entre eux doit échoir la cou- d'une armée de Latins. Victoire du dictateur
renne l'oracle répond que celui-là régnera qui A. Postumius près du lac Regille. Le peuple
donnera le premier baiser à sa mère. Ils se mé- à l'occasion des prisonniers pour dettes se retire
prennent sur le sens de l'oracle Junius Brutus sur le mont Sacré Ménénius Agrippa par ses
qui les avait accompagnésse laisse tomber comme sages conseils, arrête la sédition. Il meurt, et sa
par mégarde, et baise la terre l'événement ne pauvreté est si grande qu'il est enseveli aux frais
tarde pas à justiiier son interprétation en effet de l'état. Création de cinq tribuns du peuple.
la tyrannie de Tarquin-le-Superbeayant soulevé Prise de Corioles ville des Volsques; elle
la haine générale, son fils Sextus y met le comble est due au courage et à l'activité de C. Marcius,
en ravissant l'honneur à Lucrèce qu'il avait sur- que cette circonstance fait surnommer Coriolan.
prise la nuit par la violence; celle-ci fait appeler Ti. Atinius plébéien, reçoit dans une vision
Trisipitinus, son père, et Collatin, son mari, et l'ordre de communiquer au sénat certains faits
se poignarde sous leurs yeux après leur avoir fait qui intéressent la religion il négligede le faire,
jurer de ne pas laisser sa mort sans vengeance.Ce perd son fils et est lui-même frappé de paralysie.
serment s'accomplit, grâce aux efforts de Brutus Porté en litière au sénat, il s'acquitte de sa mis-
surtout. Après un règne de vingt-cinqans Tar- sion, recouvre l'usage de ses jambes et s'en re-
quin est chaesé.—Création des premiers consuls, tourne à pied chez lui.-C. Marcius Coriolan
L. Junius Brutus et L. Tarquinius Collatin. a condamné à l'exil devient général des Volsque*
LIVRE II.-Brutus fait jurer au peuple qu'il ne souf- et conduit une armée devant Rome. Les députés,
frira plus de roi dans Rome; il force Tarquin Col- puis les prêtres qu'on lui envoie le conjurent
latin, son collègue, devenu suspect comme parent vainement de ne point faire la guerre à sa patrie;
des Tarquins,à abdiquer le consulat et à sortir de Véturie sa mère et Volumnie son épouse obtien-
la ville; il livre an pillage les biens de la famille nent qu'il se retire. — Première loi agraire.
royale, consacre à Mars le terrain appelé depuis Sp. Cassius, personnage consulaire, accusé d'as-
Champ-de-Mars fait frapper de la hache de pirer à la royauté, est condamné et mis à mort.
jeunes patriciens, ses fils mêmes et ceux de son La vestale Oppia, convaincue d'un inceste, est
frère, qui avaient conspiré pour rétablir les enterrée vivante. Les Véiens profitent de leur
Tarquins donne la liberté à leur dénonciateur, voisinage pour attaquer Rome; leurs hostilités
l'esclave Vindicius, et de là est venu le mot vin- sont plus incommodes que dangereuses. La
dicta. Il conduit l'armée contre les princes famille des Fabius demande à être chargée du
qui venaient faire la guerre à Rome avec les trou- soin de cette guerre eUe marche contre les en-
pes réunies de Véïes et de Tarquinies; il périt nemis au nombre de trois cent six combattants
dans le combat avec Aruns, fils de Tarquin-le- qui sont tous taillés en pièces près de la Crémère:
Superbe. Les dames romaines portent son deuil il ne reste de cette famille qu'un enfant en bas âge
pendant un an. Le consul Valérius porte une laissé à Rome. Le consul Appius Claudius à
loi qui consacre le droit d'appel au peuple. la suite d'un échec qu'il éprouve contre les Vols-
Dédicace du Capitole. Porsenna, roi de Clu- ques par l'insubordinationde son armée, décime
sium, s'arme en faveur des Tarquins, et s'avance ses soldats, et fait périr sous le bâton ceux que le
jusqu'au Janicule mais la bravoure d'Horatius
Coclès l'empêchede traverserle Tibre Horatius,
pendant qu'on coupe derrière lui le pont de bois,
soutient seul le choc des Etrusques, et quand le
pont est rompu se jette tout armé dans le fleuve
sénat et lepeuple.
sort désigne. Expéditions contre les Volsques,
les Èques et les Véiens. Dissensions entre le

LIVRE III.—Troublescauséspar lesloisagraires.—Le


Capitole,tombé au pouvoir d'esclaveset de bannis,
55

et rejoint les siens à la nage.-Un autre exemple est délivré, et ceux-ci massacrés. Deux dénombre-
de courage est donné par Mucius il pénètre dans ments le premier présente cent quatre mille deux
le camp ennemi pour tuer Porsenna, assassine un cent quatorze ci toyens,sans compterles célibataires
secrétaire, qu'il prend ponr le roi est arrêté des deux sexes; le second cent dix-sept mille deux
pose samain sur l'autel où l'on venait de sacrifier, cent dix-neuf. Revers éprouvés contre les
la laisse brûler, et déclare que trois cents Ro- Èques.—L. Quinctius Cincinnatus, nommé dic-
mains ont comme lui juré la mort du roi.-Vain- tateur, est tiré de la charrue pour conduire cette
eu par l'admiration que lui inspirent ces actes guerre. Il bat les ennemis et les fait passer sous
énergiques Porsenna accepte des conditions de le joug. On augmente le nombre des tribuns
paix renonce à la guerre et reçoit des otages du peuple, que l'on porte à dix, trente-six ans
parmi lesquels se trouve une jeune fille Clélie, après la création de cette magistrature.—Des dé-
qui trompe la vigilance des sentinelles et retourne putés vont recueillir et apportent à Rome les lois
auprès des siens en traversant le Tibre à la nage. d'Athènes. On charge de les rédiger et de les pro-
On la rend à Porsenna, qui la renvoie honorable- mulguer des décemvirs, qui remplacent les con-
ment. Ap. Claudius quitte le pays des Sabins suls, et tiennent lieu de tous les autres magistrats;
pour venir s'établir à Rome, ce qui donne lieu à ainsi, l'an 103 de la fondation de Rome, le pou-
la formation de la tribu Claudia. Le nombre des voir, qui avait passé des rois aux consuls, passe des
tribus est augmenté et porte à vingt et utu. Tar- consuls aux décemvirs. lie rédigent dix tablea
Pages. Pages.
de loi, et la douceur de leur administration fait as reposerdu service militaire.—Pour la première
conserver pour l'année suivante cette forme de foie, les cavaliers s'équipent à leurs frais.-Une
gouvernement. Ils ajoutent deux nouvelles ta- crue subite du lac d'Albe ayant eu lieu, on enlève
blce aux premières, abusent de leur pouvoir, re- un devin aux ennemis pour avoir l'interprétation
fusent de s'en dépouiller, et le conservent une de cet événement.-FuriusCamille, dictateur,
troisième année, jusqu'à ce que l'incontinence prend Véies après un siège de dix ans, transporte
d'Appius Claudius mette un terme à leur odieuse à Rome la statue de Junon, envoie à Delphes la
domination. Épris d'une jeune fille il aposte dixième partie du butin, qu'il offre à Apollon.
un de ses affidés pour la réclamer comme son es- -Le même, créé tribun militaire, assiège Falé-
clave, et réduit Virginius, père de cette infor- ries un traître lui ayant livré les enfants de l'en-
tunée, à l'égorger avec un couteau saisi dans une nemi, il les renvoie à leurs parents; à l'heure
boutique voisine, seul moyen de sauver sa fille même Faléries se soumet à lui, et la victoire
du deshonneur.—Lepeuple, soulevé par ce cruel devient ainsi le prix de son équité.—Un des cen-
abus de pouvoir, se retire sur l'Aventin et force seurs, C. Julius, meurt; on le remplacepar M. Cor-
les décemvirs d'abdiquer. Appius et le plus cou- nélius on renonça depuis à cet usage, parce que,
pable de ses collègues, après lui, sont jetés en durant ce lustre, Rome fut prise par les Gaulois.
prison; exil des autres. -Victoiressur les Sabins, -Furius Camille, cité en jugement par L. Apul-
les Èques et les Volsques. Décision peu hono- lius, tribun du peuple, s'en va en exil.-Pendant
rable du peuple romain; choisi pour arbitre entre que les Gaulois-Sénons assiégent Clusium, les

deux villes se
LIVRE IV.-Une
disputaient.
Ardee et Aricie, il s'adjuge le territoire que ces

loi relative aux mariagesentre pra-


410
députés envoyés par le sénat pour rétablir la paix
entre eux et les Clusiens restent parmi ces der-
niers et combattent contre les Gaulois: indignés
triciens et plébéiens, proposée par les tribuns du de cette conduite, les Sénons marchent avec une
peuple, est, malgré l'opposition des patriciens, armée contre Rome, battent les Romains près du
adoptée après de longs débats.—Tribunsmilitai- fleuve Allia, et prennent la ville, moins le Capi-
res.—Lesaffaires du peupleromain,tantaudedans tole où la jeunesse s'était renfermée. Les vieillards
qu'au dehors, sont pendantquelques années, con- revêtus des insignes de leurs dignites, assis sous
fiéesà l'administration decetteespèce de magiatrats. le vestibulede leurspalais, sont massacrés. Comme
—Les censeurs sont également créés alors pour les Gaulois étaient déjà parvenus, par un sentier
la première fois. Le territoire enlevé aux Ar- détourné, au faîte du Capitole, ils sont trahis par
déates par un jugement du peuple romain, reçoit 1 les cris des oies, et précipités du haut en bas par
une colonie, et est rendu à ses premiers maîtres. la jeunesse romaine, au milieu de laquelle se dis-
Pendant une famine qui désolait Rome, tingue M. Manlius. Ensuite la famine contraint
Sp. Mélius,chevalier romain, distribue à ses dé- les Romains d'acheter, au prix de mille livres
pens, du blé au peuple. Ayant, par ses largesses, d'or, la levée du siège; au moment où l'on pèse
gagné la multitude, il aspirait au trône, quand, l'or, Furius Camille, qu'on avait créé dictateur
sur l'ordre du dictateur Quinctius Cincinnatus, il en son absence, arrive avec son armée, et, six
est mis à mort par C. Servilius Ahala, général de mois après leur entrée, chasse les Gaulois de la
la cavalerie. —L. Minucius, révélateur du com- ville et les taille en pièces.-Un temple est élevé
plot, est récompensé par le don d'une génisse en l'honneur d'Aîus Locutius, au lieu où, avant
dorée.—Des statues sont élevées dans les rostres la prise de la ville, une voix avait prédit l'arrivée
aux députés de Rome assassinés par les Fidénates, des Gaulois.-Comme Rome était incendiée et
parce qu'ils avaient péri pour le service de la détruite, on parle d'émigrer à Véïes; sur les in-
république.—CossusCornélius, tribun militaire, stances de Camille, on renonce à ce projet. Le
tue Tolumnius, roi des Véîes, et remporte les peuple fut surtout déterminé par le mot d'un cen-
secondesdépouillesopimes.—Mam.Emilius, dic- turion qui lui parut prophétique ce centurion
tateur, ayant réduit à dix-huit mois la durée de en arrivant au Forum avait dit à sa troupe
la censure, qui d'abord était de cinq ans, est pour « Arrête, soldat! nous serons bien là;
restons-y!». 221
cela même noté par les censeurs.—Fidènes est LIVRE VI. — Guerres et succès contre les Volsques, les
conquise, et l'on y envoie une colonie que les ha- Èques et les Prénestins.-Quatre nouvelles tribus
bitants égorgent.—Les Fidénates, révoltés, sont sont établies, la Stellatine, la Sabbatine, la Tro-
vaincue par le dictateur Mam. Émilius, et leur mentine et l'Arnienne. M. Manlius, qui avait
ville est prise. Conjuration des esclaves, défendu le Capitolecontre les Gaulois, libère les
étouffée.—Postumius,tribun militaire, est, à débiteurs, vient en aide aux détenus insolvables,
cause de sa cruauté, assassiné par ses soldats. et, accusé pour cela d'aspirer à la royauté, est
-L'armée reçoit, pour la première fois, une condamné et précipité de la roche Tarpéienne.

Fidénates et lesFaliaques.
paie du trésor.—Guerrecontre les Volsques, les

Livre V.-Au siège de Véïea, on construit des loge-


170
-Pour flétrir sa mémoire, on interdit par un sé-
natus-congulte à la famille Manlia le surnom de
Marcus.—C. Licinius et L. Sextius, tribuns du
ments d'hiver aux soldats: cette nouveautésoulève peuple, proposent une loi pour l'admission des
l'indignation des tribuns du peuple qui se plaignent plébéiens au consulat, jusque-là réservé aux patri-
qa'on ne laisse pas même l'hiver au peuple pour tiens. Cette loi, après de longs débats, et malgré
Pages Pages.
l'opposition des patriciens, soutenus de ces mé les fait revenir de leur egar, ment et les rend à la
mes tribuns du peuple, seuls magistrats
pendant patrie. — Cuerres et succes divers contre Ics Her-

tcrrc.
cinq ans, est adoptee.—L. Sextius, premier niques, les Gaulois, les Ttburtes, les Privernates,
consul plébeien.—Pi-omulgation d'une autre loi les Tarquiniens, les Saninites et les Volsques. 510
LIVRE VIII.-Dérection des Latins et des Campa-
par laquelle il est défendu aux particuliers de pos-
seder par tête plus de cinq cents arpents de niens leur deputation demande au sénat une des
270 deux places consulaires pour leur nation, comme
Livre VII.-Création de deux nouvelles magistra- une condition de paix.-Le préteur Annius, leur
tures, la préture et l'edilite curule.-Rome est député. au sortirduCapitoleoùil venait deremplir
malade d'une peste rendue célebre par la mort sa mission tombe sur les degres et meurt de sa
de Furius Camille.—En cherchant un remede chute. T. Manlius, consul fait mourir sous
et un terme à ce mal dans de nouvelles pratiques la hache son fils vainqueur, pour avoir combattu
religieuses, on établit les premiers jeux scéniques. contre les Latins, malgré sa défense.—P. Decius,
-L. Manlius est assigné par M. Pomponius, tri- son conllegue, voyant son armée plier, se devoue
bun du peuple, pour avoir agi dans une levee pour elle, et se jette à bride abattue au milieu
avec trop de rigueur, et banni aux champs, des bataillons ennemis; il y périt, mais sa mort
rend la victoire aux Romains. — Soumission des
sans aucun grief, son fils T. hlanlius; mais ce
jeune homme, dont le bannissement était un des Latins. An retour de T. Manlius à Rome, la
actes reprochés à son père, vient trouver au lit le jeune noblese affecte de ne point allerau-devant
tribun, et, le fer à la main, l'oblige à jurer solen- de lui. Condamnation de la vestale Minucia
nellement qu'il ne poursuivra pas son accusation. convaincue d'inceste. — Défaite des Ausoniens.
-La terre s'étant ouverte au sein de la ville, la On leur enlève Calès, où l'on établit une colonie.
patrie entière s'épouvante, et l'on jette dans les Autre colonie envoyée à Frégelles. Dames
profondeurs du gouffre toutes les richesses de la romaines surprises à préparer des poisons la
cité romaine; Curtins, tout armé et monté sur plupart les boivent pour prévenir leur supplice,
son cheval, s'y précipite et l'abime est comblé. et périssent sur le-ehamp.-Loi nouvelle portée
-T. Manlius, ce jeune homme qui avait délivré contre l'empoisonnement. Révoltes des Pri-
son père des persécutions d'un tribun, descend vcrnates; ils sont vaincus et incorporés aux Ro-
en combat singulier contre un Gaulois qui defiait mains. Les Palæpolitains, las de la guerre et
les soldats de l'armée romaine, le tue et lui arra- d'un long siège, se donnent aux Romains.
che son collier d'or; lui-même il se fait ensuite Q. Pubhlius, le premier à qui le sénat ait pro-
une parure de ce collier, et en conséquenceon le rogé le commandement des troupes et donné le
surnomme Torquatus.—On crée deux nouvelles tiue de proconsul, obtient le triomphe pourcette
tribus,la Pomptina et la Publilia. — Licinius Stolo expédition. Les créanciers perdent le droit
est condamné en vertu de sa propre loi, comme qu'ils avaient sur leurs debiteurs insolvables.
possédant plus de cinq cents arpents de terre. La passion infâme de L. Papirius pour C. Pu-
—M. Valérius, tribun militaire, provoqué par un blius, son débiteur, qu'il avait voulu corrompre,
Gaulois,le tue, secondé par un corbeau qui, pen- donne lieu à cette réforme.-Dictaturede L. Pa-
dant le combat, se perche sur son casque, et, des pirius Cursor; il retourne à Rome pour prendre
ongles et du bec, harcèle l'ennemi. Il reçoit pour de nouveauxauspices. Q. Fabius, général de la
cela le nom de Corvus, et, pour prix de sa va- cavalerie, trouvant l'occasion favorable, attaque
leur, il est créé consul l'année suivante, à l'âge les Samnites, malgré la défense du dictateur, et
de vingt-trois ans.—Alliance avec les Carthagi- les bat. Papirius le menace du dernier supplice.
nois.-Les Campaniens, attaqués et pressés par Fabius se réfugie à Rome; sa cause n'y de-
tes Samnites, demandent contre eux au sénat un vient pas meilleure. Reconnu coupable, il obtient
secours qu'ils n'obtiennent pas ils livrent leur sa grâce a la prière du peuple. Divers succès
ville et leur territoire au peuple romain. En con-
séquence, le peuple romain se décide à défendre
des Romains contre les Samnites.
LIVRE IX.-Les consulsT.Véturiuset Sp. Postumius
349

par les armes, contre les Samnites, ce pays de- engagent l'armée danstes Fourches Caudines. Dans
venu son bien.—Engagée par A. Cornélius, con- l'impuissance absolue d'en sortir, ils capitulent
sul, dans une position défavorable, l'armée se avec les Samnites, donnent six cents chevaliers ro-
trouve en grand péril; P. Décins Mus, tribun mi- mains en otage, et obtiennent la liberté de se re-
litaire, parvient à la sauver; s'étant emparé d'une tirer avec le reste des troupes après avoir passé
colline qui commande la hauteur où sont postes sous le joug. Sp. Postumius propose au sénat de
les Samnites il donne moyen au consul de se re- livrer aux Samnites tous ceux qui avaient pris
tirer dans une position meilleure; pour lui mal- part à cette honteuse capitulation, afin d'affran-
gré les ennemis qui l'entourent, il échappe.—Les chir la république de l'engagement contracté en
soldats romains laissés en garnison dans Capoue son nom. Ils sont remis aux Samnites avec deux
ayant conspiré pour s'emparerde cette ville, et le tribuns du peuple, et tous ceux qui avaient signé
complot ayant été découvert, ils quittent, par le traité. Les Samnites refusent de les recevoir.
erainte du supplice, le parti de Rome; mais par Bientôt après, Papirius Cursor bat leur armée,
ses remontrances, M. Valérius Corvus, dictateur, délivre les six cents chevaliers retenus en otage,
Pages.
fait subir la peine du joug aux vaincus, et lave fleuve Tésin les Romains sont vaincus dans un
ainsi la tache imprimée au nom rornain. Créa- combat de cavalerie; P. Cornélius Scipion at-
tion des tribus Ufentina et Valérina. Colonies teint d'une blessure, est sauvé par son fils, qui de-
envoyées à Suessa et à Pontia.—Appius Claudius, puis fut surnommé l'Africain.—Seconde victoire
censeur, fait construire un aqueduc et paver une d'Annibal auprès de la Trébia; fatigues inouïes,
route, ouvrages auxquels on a depuis donné son tempêtes affreuses essuyées par son armée au
nom. II agrége au sénat des fils d'affranchis; passage de l'Apennin. Cn. Cornélius Scipien
association déshonorante, à laquelle les consuls
de l'année suivante n'ont aucun égard ils convo-
quent le sénat tel qu'il était avant la censure
el fait prisonnier Magon, leur chef.
obtient des succès en Espagne sur les Carthaginois,

LIVRE XXII. — Annibal,épuisé de veilles, perd


un
485

d'Appius. Divers succès des Romains contre œil dans les marais d'Étrurie, à la suite d'une
les Apuliens, les Étruriens, les Ombriens, les marche forcée pendant quatrejours et trois nuits.
Marses, les Pétigniens, les Èques et les Samnites, Le coneul Flamir ius, homme téméraire, parti
encore infracteurs de la paix. Flavius, gref- sous des auspices défavorables, arrache Je terre
lier, né d'un affranchi, parvient à l'édilité curule les enseignes qu'on ne pouvait lever, et tombe de
par le cré lit de la faction Forense. Troubles cheval la tête la première surpris dans une em-
causés par cette faction devenue trop puissante, buscade, il est tué près du lac Trasimenc, et
dans les comices et dans lesassembléesdu Champ- son armée est taillée en pièces. Six mille
de-Mars. Q. Fabius, censeur, réunit les fac- hommes qui s'étaient fait jour à travers l'ennemi
ticux en quatre tribus, qu'il fait appeler tribus de et s'étaient livrés à la foi de Maltarbal, sont
la ville; cette opération lui vaut le surnom de chargés de fer par une perfidie d Annibal.

Maximus. Mention d'Alexandre, qui vivait Deuil à Rome à la nouvelle de cette défaite.

en ces temps-là.— Parallèle de sa puissance avec Deux mères qui contre leur attente, ont revu
celle des Romains l'historien en conclut que si leurs fils, meurent de joic.— Consultés à l'occa-
ce prince eût passé en Italie, il n'aurait pas sion de ce désastre, les livres de la svbillc ordon-
triomphe des Romains aussi facilementqu'il avait nent le vœu d'un printemps sacré.
subjugué les nations orientales.
Livre X.-Envoide coloniesàSora, à Albe et à Car-
588 Q. Fabius Maximus, nomme dictateur, et envoyé
contre Annibal, évite d'en venir aux mams avec
Ensuite

séoles. — Augmentation du collége des Augures, un ennemi fier de nombreux succès, et d'exposer
dont les membres sont portés à neuf, de quatre aux chances d'un combat ses soldats effrayes de
qu ils étaient auparavant.—Loi de l'appel au peu- tant de revers il se borne à oppeser une sage ré-
ple, portée alors pour la troisième fois par le consul sistance aux efforts du Carthaginois. Mai3 M. Mi-
Valérius. — Deux tribus sont ajoutées aux autres, nucius, maître de la cavalerie, accuse le dictateur
l'Aniensis et la Térentine. La guerre est dé- 'de faiblesse et de lâcheté, et obtient, sur l'ordre
clarée aux Samnites, contre lesquels on combat du peuple, une autorité égale à cellj de Fabius.
avec succès en beaucoup de rencontres. Di- -L'armee est partagée; Minucius livre bataille
verses expéditions des généraux P. Déciiis et dans une position désavantageuse les légions
Q. Fabius contre les Etrusques, les Ombriens, vont être accablées, lorsque Fabius, arrivant
les Samnites et les Gaulois. Extrême danger avec des troupes le délivre du péril, vaincu par
que court l'armée romaine. P. Décrus, à cette générosité, il passe dans le camp du dreta-
l'exemple de son père, se dévoue pour l'armée, teur, le salue du titre de pève etordonneasessol-
et, par sa mort assure dans ce combat la victoii e dats d'imiter son exemple. Annibal, qui a ra-
au peuple romain. Papirius Cursor met en vagé la Campanie se laisse enfermer par Fabius
déroute une armée samnite, qui, obligée par entre la ville de Cabilinum et le mont Callicula.
serment aux plus grands efforts de courage, lui il attache des sarments aux cornes de plusieurs
avait présente la bataille. Dénombremmtdes bœufs, y met le feu dissipe la division romaine
citoyens et clôture du lustre. Le nombre des portée sur le mont Callicula et se tire ainsi de ce

LIVRE XXI.
vingt-deux.
citoyens est fixé à deux cent soixante-deux mille
trois cent
Origine de la seconde guerre pu-
458
mauvais pas. Au milieu de la dévastation des
champs voisins il épargne les terres de Fabius,
afin de le rendre suspect de trahison. Sous la
nique. — Annibal, général des Carthaginois, consulat de Paul Emile et de Térentius Varron
passe l'Ebre contre la teneur du traité, attaque funeste bataille de Cannes; il y périt quarante-
Sagonte, ville alliée de Rome, et,la prend auprès cinq mille Romains, avec le consul Paul-emile,
un siège de huit mois. Une députation est envoyée quatre-vingts sénateurs et trente personnages qui
à Carthagc pour porter plainte de cette rupture. avaient été ou consuls, ou préteurs, ou édiles.
-Refus de donner satisfaction.—Rome déclare Le désespoir fait prendre aux jeunes gens des
la guerre aux Carthaginois. Annibal franchit premières familles de Rome le dessein d'aban-
les Pyrénées défait les peuples de la Gaule qui donner l'Italie. Au moment où ils délibèrent,
veulent arrêter sa marche et arrive au pied des P. Cornélius Scipion, alors tribun des soldats,
Alpes, qu'il traverse avec beaucoup de peine depuis surnomme l'Africain, tire le glaive sur
obligé souvent de repousser les attaques des mon- leur tête et jure de traiter comme ennemi de la
laguards. — Il descend en Italie, auprès du patrie quiconque refusera de prêter le sergent
?Dam
qu'il va dicter, et les contraint de jurer après lui faveur de Carthage. On doclare la Guerre à
que désormais ils ne songeront plus à quitter Philippe roi de Macédoine ce prince vaincu
l'Italie. Alarmes et deuil à Rome, Heureux pendant la nnit, et mis en fuite auprès d'Apol.
succès obtenus en Espagne. — Les vestales Opi- lonie, regagne difficilement son royaume avec
rnia et Floronia condamnées pour inceste. Le des troupes presque désarmées. Le préteur
petit nombre de soldats libres forcé d'armer huit Valérius est chargé du soin de cette expcdition.
mille esclaves. Les prisonniers, dont on avait — Avantages obtenus en Espagne sur les Cartha-

blique.
la faculté de payer la rançon ne sont point ra- ginois par P. et Cn. Scipio.—AUiancefaite avec
chetés. On va au-devant de Varron on lui Syphax, roi de Numidie. — Défait par Masinissa
rend grâce de n'avoir pas désespéré de la répu- roi des Massyliens et alors allié des Carthagi-
530 nois, Syphax passe avec des forces imposantes
LIVRE XXIII.- Révolte des Campaniensen faveur dans le pays des Maurusiens, du coté de Gades
d'Annibal. — Envoyé à Carthage pour y porter la où l'Espagne est séparée de l'Afrique par un dc-
nouvelle du triomphe de Cannes, Magon répand au troit. Les Celtibériens sont admis également au
milieu du vestibuledu sénat les anneaux d'or arra- nombre des alliés de Rome. Pour la première
chésaux doigts des Romains tués dans l'action: il y
en avait, dit-on, plus d'un boisseau.-A cettenou-
velle,Hannon, l'un des citoyens les plus distingués
soldats
LivaE XXV.
mercenaires
fois la république reçoit dans ses armées des

Pub. Cornélius Scipion depuis


62

de Carthage, conseille au sénat de cette ville de Scipion l'Africain est nommé édile avant l'âge.
demander la paix aux Romains; mais son avis est -De jeunes Tarentins, sortis pendant la nuit
rejeté à cause de la vive opposition de la faction sous prétexte d'aller à la chasse, livrent leur ville
barcine. Le préteur Claudius Marcellus, atta- à Annibal qui s'en empare, à l'exception toutefois
qué dans Nole par Annibal fait une sortie où il de la citadelle, où s'était réfugiée la garnison ro-
remporte l'avanta0e. L'armée carthaginoise maine. Des jeux Apollinaires sont institués
qui a pris les quartiers d'hiver à Capoue, s'énerve d'après les livres de Marcius, lesquels avaient
dans les délices et perd à la fois l'énergie de prédit le désastre de Cannes. Succès de Q.
l'âme et celle du corps.—Casilinum, assiégé par Fulvius et d'Ap. Claudius, consuls contre Han-
les Carthaginois, et en proie à la famine, est ré- non, chef des Carthaginois. — Tib. Sempronius
duit à manger les peaux les cuirs arrachés aux Gracchus, proconsul, attiré dans une embûche
boucliers, et jusqu'aux rats des noix, que les par les artifices d'un Luranien, son hôte, est as-
Romains ont jetées dans le Volturne servent de sassiné par Magon. — Contentius Penula, centu-
nourriture aux habitants. Le nombre des sé- rion, demande une armée au sénat, promettant
nateurs complété par l'admission de cent quatre- s'il l'obtient de vaincre Annibal. On lui donne
vingt dix-sept chevaliers. Le préteur L. Pos- huit mille hommes, dont il est nommé chef. Il
tumius, vaincu et tué par les Gaulois avec Ion livre bataille à Annibal, mais il est tué et son
armée. Les deux Scipions Cnéius et Publius, armée détruite. Cn. Fluvius est égaiement de-
battent Asdrubal en Espagne, et soumettent cette fait par Annibal; seize mille hommes perissent
province. — Les soldats, débris de la déroute dans ce combat et le preteur est obligé de luir
de Cannes retegués en Sicile avec ordre d'y avec deux cents cavaliersseulement.—Capoueest
servir jusqu'à la fin de la guerre. Traité d'al- assiégé par Q. Fulvius et App. Claudius, consuls.
liance emre Philippe roi de Macédoine et Syracuse est prise après trois ans de siège par
Annibal. Le cowsul Sempronius Gracchus Claud. Itlarcellus, qui y déploie tous les talents
taille en pièces les Campaniens. Heureux suc- d'un grand généra. Dans le premier tumulte
cès du preteurT. Manlius, en Sardaigne, contre qui suit la prise de cette ville, Arrhimède, occupé
les Carthaginois et les Surdes. Asdrubal, à tracer sur le sable des figures géométriques, est
général en chef; Magon et Hannon, faits tué par un soldat. — Reverséprouvés en Espagne
prisonniers. Le pretenr Claudios Marcellus par P. et Cn. Scipion après huit ans de succès.
défait l'armée d'Annibal et la met en fuite près de Tous deux sont tués, et leur armée est presque
Nole; le premier il rend quelque espoir aux Ro- entièrement détruite. -L'Espagne qui allait être

LIVRE
desastres.
mains dans une guerre marquée pour eux par
tant de
XXIV. — Hicronyme, rni de Syracuse,
580
perdue est conservée grâce au courage et à l'habi-
leté d'un chevalier romain, L. Marcius, lequel
rassemble les dobris de l'armée, et s'empare de
dont l'aïcul Hiéron avait été l'ami constant du deux camps ennemis après avoir exhorté ses
peuple romain embrasse le parti des Carthagi- soldats. Trente-sept mille ennemis sont tués,
noie; tyran farouche et cruel il est massacré par
ses sujet, Ti. Sempronius Gracchus pro-
consul, remporte auprès de Bénévent une vic-
Marciusest nommé
LIVRE XXVI.
général.
et trente mille huit cents faits prisonniers.

Annibil campe à trois mille de


667

toire sur les Carthaginois, et sur Hannon leur Rome, au-dessus de l'Anio il s'avance en per-
chef il doit son succès principalement aux es- sonne, avec deux mille chevaux, jusqu'à la porte
claves; il lour rend la liberte.-Claudius Mar- Capène, pour examiner la situation de la ville.
cellus, cohsul assiége Syracuse en Sicile con-
— Trois jours de suite les
deux armées se rangent
trée qui s'était presque tout entière soulevée en en bataille; trois fois un orage sépare les com-
Pages.
battante; le calme renait lorsqu'ils sont rentrét l'Espagne, Scipion, fils de Publius, qui avait péri
dans leur camp. — Prise de Capoue par les con- danacette contrée, se présente pour demander ce
suls Q. Fulvius et Ap. Claudius. Les premiers ci- département; il est nommé d'un consentement
toyens de cette ville s'empoisonnent. Dans le unanime. En un jour il emporte d'assaut Cartha-
moment où les sénateurscampanienssont attachés gène, à l'âge de vingt-quatre ans. On lui attribuait
au poteau, pour être frappés de la hache, Q. Ful- une origine céleste, parce que, depuis qu'il avait
vius reçoit du sénat une lettre qui lui ordonne de pris la robe virile, il se rendait chaque jour au
faire grâce au lieu de la lire, il la met dans un Capitole, et qu'on avait souventaperçu un serpent
pli de sa toge, et fait, au nom de la loi achever mystérieuxdans la chambre de sa mère.—Affaires
l'exécution. Dans les comices sur le refus de de Sicile.-Allianceavec les Étoliens. Guerre
tous ceux qu'il désigne, le peuple cherchant un
général qui veuille prendre le commandementde Macédoine.
contre les Acarnanienset contre Philippe roi de
710
AVIS DES ÉDITEURS.

Cette traduction est l'ouvrage de plusieurs mains. A l'époque où nous vivons, il n'est
personne qui, remplissant d'ailleurs toutes les conditions de savoir et de talent qu'exige une
œuvre de ce genre, soit assez libre de l'emploi de son temps pour se dévouer pendant plu-
sieurs années à traduire un auteur aussi volumineux que Tite-Live. On sait de plus le
peu de réputation littéraire que le public y attache; et ce n'est pas une des moindres contra-
dictions de ce temps, que plus il est devenu nécessaire d'y populariser les traductions des
auteurs anciens, plus le temps manque pour les entreprendre, et moins la tâche en est
appréciée.
Il n'y a qu'un moyen de mener à fin une traduction nouvelle de Tite-Live, c'est d'en charger
plusieurs personnes. C'est ce qui a été fait pour celle-ci. Du reste, la distribution de ce grand
travail n'a pas été arbitraire. Parmi plusieurs traducteurs, tous également versés dans la
latinité, chacun a pris la portion de l'ouvrage qu'il avait étudiée particulièrement, soit
par goût, soit pour en avoir fait, comme professeur, le sujet de son enseignement. Il en est
résulté une traduction sans langueur et sans passages sacrifiés, où ce qui n'eût été dans une
traduction faite par une seule main qu'un de ces morceaux de répit, pour ainsi parler, où
l'auteur se serait cru le droit de se relâcher, est devenu, dans une traduction partagée entre
plusieurs personnes, un morceau de choix, où l'auteur a redoublé d'efforts et de soins.
Si nous ne craignions rien tant que de paraître rechercher le paradoxe, surtout dans un
avertissement qui doit être pour nous une affaire de conscience, nous dirions qu'il nous semble
même qu'une traduction qui est l'œuvre de plusieurspeut avoir plus de vivacité et de naturel
qu'une traduction faite par un seul, chacun terminant sa tâche avant que la lassitude se soit
fait sentir. Toutefois c'est à deux conditions l'une que toutes ces mains soient également
habiles; I'autre que cette diversité n'empêche pas l'unité, sans laquelle une œuvre de ce
genre, quel que fût d'ailleurs le talent particulier de chaque collaborateur, ne serait pas sup-
portable.
Cette unité est précisément l'œuvre de la direction. C'est à elle qu'il appartient de veiller
à ce que les mêmes mots, surtout lorsque ces mots sont des formules, soit religieuses, soit
politiques, soient traduits de la même manière; à ce que les mêmes tours, quand ils sont
rappelés par les mêmes idées et les mêmes circonstances, soient exprimés en français par des
formes identiques; à ce que les disparates inévitables que pourraient offrir tous ces fr,y-
ments de traduction, soient effacées d'une main ferme et sûre, qui ne laisse que les qualités
par où l'ouvrage de plusieurs est un enfin à ce que ce soit partout, et autant qu'il est permis
à une traduction, la même langue, une langue rapide, ferme, élégante, qui permette au
moins d'entrevoir les belles formes d'un historien du siècle d'Auguste.
Nos lecteurs apprécieront si les efforts qui ont été faits par la direction pour mettre en ln-
mière, au profit de l'unité de l'ouvrage, le talent particulier de chaque traducteur ont été
aussi heureux qu'ils ont été consciencieux et soutenus.
Quant aux notes, notre Tite-Live offrira un travail entièrement nouveau, non-seulementsi
on le compare aux traductionsqui ont précédé la nôtre mais encore eu égard aux habitudes
que nous avons suivies jusqu'à présent.
Indépendamment des notes, en très-petit nombre, qui ont été empruntées aux éditions
antérieures, et qui sont en quelque sorte du domainepublic de la science, notre commentaire
s'est enrichi 1 ° d'une réfutation des principales critiques dirigées par Niehbur, ses devan-
ciers et ses imitateurs, contre l'authenticité de l'histoire de Rome; 2° de la reproduction
presque intégrale des savantes dissertations de Lachmann sur les sources auxquelles a puisé
Tite-Live; 5° de citations nombreuses empruntées aux admirables réflexions que les décades
de Tite-Live ont suggérées à Machiavel et à Montesquieu, ces commentateurs de génie
d'un écrivain de génie; 4° des passages où nos plus grands poëtes ont demandé des inspira-
tions au plus grand historien de Rome 5° d'un extrait d'une dissertationinédite sur le pas-
sage des Alpes par Annibal' 6° enfin d'une chronologie de Tite-Live, où l'on s'est efforcé
de résoudre toutes les difficultés que la supputation des temps peut présenter dans cet écri-
vain. Cette partie de notre publication demandait une main accréditée. M. Lebas, membre
de l'académie des Inscriptions et Belles-Lettres, a bien voulu s'en charger.
Il n'est besoin que de peu de mots pour nous justifierd'avoir donné cette étendue aux notes
dans le Tite-Live, en ayant été très-sobres dans les volumes précédents.La vraie et un ique raison,
c'est que Tite-Live étant et devant être longtemps encore, dût la science des Niebuhr faire
des progrès en sagacité et en audace conjecturales le fondement même de l'histoire de la
république romaine, il nous a paru que nous rendrions un véritable service à ceux qui étu-
dient ou qui enseignent cette histoire en publiant un travail qui, outre les notes ordinaires,
renferme à la fois les sources de Tite-Live c'est-à-dire l'indication de tous les auteurs où il
a pu puiser, et par lesquels on le peut compléter ou modifier, la chronologie des chefs de la
république romaine, des éclaircissements sur l'un des plus grands événements de son his-
toire, enfin quelques-uns des traits les plus profonds d'un commentairequi jette sur les faits
les plus considérables de l'histoire romaine des lumières bien autrement sûres que les pré-
tendues vues synthétiquesde quelquescritiquesmodernes.
Notre traduction est pour tous les lecteurs nos notes sont pour ceux qui étudient particu-
lièrement et l'histoire politique et l'histoire littéraire.

1 Nous devons la communication de cet extrait, où la science est si ingémeuse et si solide, à l'obligeance de
M. Imbert-Desgranges,substitut da procureur-généralà Grenoble.
NOTICE SUR TITE-LIVE.

On ne sait presque rien de la vie de Tite-Live. Il à-dire environ vingt et un ans. Il en publiait les par-
naquit à Padoue, l'an de Rome 695, cinquante-huit ties principales à mesure qu'il les avait achevées, et
ans avant l'ère chrétienne.Il eut, dit-on, deux fils et il les lisait, dit-on, à Auguste. Mais cette déférence
quatre filles mais on réduit plus généralementà deux pour l'empereur ne lit jamais tlécliir l'impartialité
le nombre de ses enfants, une fille et un fils. Quinti- de l'historien. Dans ce que nous possédons de son
lien nous apprend que Tite-Live avait écrit pour ce ouvrage, Auguste, nommé en deux endroits seule-
fils un petit traité des études de la jeunesse, dans le- ment, l'est avec une sobriété de louanges qui con-
quel il lui recommandait surtoutla lecture de Demos- traste avec les basses flatteries des écrivains contem-
tliène et de Cicéron. On y lisait aussi cette petite porains. Loin de cacher son admiration pour les
anecdote, qu'un maître de rhétorique de son temps plus grands ennemis de la maison des Césars, Tite-
grand ennemi de la clarté dans le discours, ne s'at- Live louait hautement Brutus, Cassius et surtout
tachait qu'à la proscrire dans ceux de ses élèves, et Pompée, au point qu'Auguste l'appelait en plaisan-
les obligeait à retoucher leurs compositions jusqu'à tant le Pompéien.Honorant cette indépendance, le
ce qu'elles fussent devenues parfaitement obscures. prince avait confié à Tite-Livel'éducation du jeune
Il leur disait alors « Voilà qui est bien mieux main- Claude, depuis empereur, qui, à l'exemple et d'a-
tenant je n'y entends rien moi-même. » Quant à la près le conseil de son maître, avait, non sans quel-
fille de Tite-Live, elle epousa un rheteur, nommé que succès, entrepris d'écrire l'histoire.
Magius, dont les auditeurs furent quelque temps as- Tite-Liverecueillit de son vivant des témoignages
sez nombreux, mais qu'on allait entendre, nous dit extraordinaires d'admiration. Pline-le-Jeune rap-
Sénèque le rhéteur, plutôt à cause de la célebrité du porte, dans une de ses lettres, qu'un Espagnol,après
beau-père que du talent du gendre. la lecture de ses écrits, fit le voyage, alors très-pé-
Tite-Live, ambitionnant plus d'un genre de gloire, nible et très-long, de Cadix à Rome, uniquement
avait, au rapport de Sénèque le philosophe, com- pour voir cet historien, et s'en retourna dès qu'il
posé des ouvrages philosophiques et des dialogue l'eut vu. « C'était sans doute quelques chose de mer-
qui appartenaient autant à la philosophie qu'à l'his- veilleux, dit à ce sujet saint Jérôme, qu'un étran-
toire. Mais son plus grand ouvrage est l'Ilistoire ger, entrant dans une ville telle que Rome, y cher-
romaine en cent quarante ou cent quarante-deux chât autre chose que Rome même.» Mais ce fameux
livres, qui, montrant Rome à son berceau, ne s'arrê- docteur de l'église chrétienne a lui-mvme altéré le
tait qu'à la mort de Drusus et embrassaitles annales merveilleux de ce fait, en le rendant commun à plus
de sept cent quarante-trois années. Plusieurs passa- d'un contemporain de Tite-Live, et en disant que
ges de celte œuvre immense ont fait conjecturerqu'if plusieurs personnages considérables de l'Espagneet
y avait employé tout le temps qui s'écoula depuis la des Gaules entreprirent le voyage de Rome dans le
bataille d'Actium jusqu'à la mort de Drusus, c'est- même but que l'Espagnol.
A ce peu de faits se borne ce que l'on connaît de a l'universitéde Leyde, assure que les Arabes possé-
Tite-Live. Après la mort d'Auguste, il retourna à daient dans leur langue une traduction complète de
Padoue, et y mourut à l'âge de soixante-seize ans, Tite-Live. Mais les uns la plaçaient à Fez, les autres
l'an de Rome 770, la quatrième année du règne de à la Gouletta,d'autres enfin dans la bibliothèque de
Tibère, et le même jour, a-t-on dit, qu'Ovide mou- l'Escurial. Tout le monde la chercha; personne ne la
rut à Tomes. Théodore de Bèze a composé sur ce vit. Le voyageur Piétro della Valle avaitpretendu
synchronisme, qui n'est nullementprouvé, une élé- qu'en 1615 la bibliothèque du sérail possédait un
gie latine où sa muse éplorée donnait des larmes à un Tite-Live entier; cet ouvrage fut dès lors ardem-
rapprochementde dates probablement imaginaires. ment convoité de toute part. Le grand-duc de Tos-
La mémoirede Tite-Live est restée chère aux Pa- cane en fit vainement, dit-on offrir 20,000 piastres.
douans. Ils crurent, en 1413, avoir retrouve son Instruit de ce refus, l'ambassadeur de France,
tombeau, et, quelques années après, en 1431, ils ti- Acliille de Harlay eut recours à un autre moy en il
rent, non sans douleur, présent de son bras droit à fit proposer secrètement à celui qui avait la garde
Alphonse V, roi d'Aragon, qui l'avait fait demander des livres du sérail 10,000 écus de celui-là. Le mar-
par l'entremise d'Antoine de Palerme, célèbre par clié fut conclu mais on avait prévenu le gardien in-
sa passion pour les lettres latines. Ce prince mourut fidèle, qui ne put pas retrouver l'ouvrage. En 1682,
avant d'avoir érigé à l'historien le monument où il si l'on en croit l'abbé Bourdolot, des Grecs de l'ile de
voulait en déposer les restes. L'li6tel-de-vilte de Chio vinrent traiter avec Colbert d'un Tite-Live en-
Padoue semble élevé à la gloire de Tite-Live, tant il tier, dont le prix fut fixé à 60,000 francs; ils repar-
est plein de son image et de son nom. On y voit son tirent, et on ne les revit plus. On a dit encore que
mausolée, œuvre considérable accompagné d'in- Tite Live étaitmystérieusementconservé, en Ecosse,
scriptions et surmonté d'un très-ancien buste de dans la petite île d'Iona, fière de posséder seule ce
marbre de cet historien. Ailleurs, au-dessus d'une trésor. Chapelain, dans une lettre à Colomiés, ra-
des portes, est une autre statue en pierre qui le re- conte que des manuscrits donnés par l'abbaye de
présente tenant un livre ouvert. Fontevrault à l'apothicairedu couvent, furent ven-
De la grande histoire de Tite-Live, il ne nous est dus par lui à un mercier de Saumur, qui en couvrit
parvenu que trente-cinq In res, c'est-à-dire à peine la longtemps les objets de son commerce, et qu'un ache-
quatrième partie; plusieurs de ces livres même ne teur sans doute plus lettré que l'apothicaire et le
sont pas entiers. Le désir de retrouver tout l'ouvra Te mercier reconnut ainsi des titres latins des huitième,
a été l'occasionde recherches, de voyages et de né- dixième et onzième décades mais le reste du ma-
gociations importantes, dont l'histoiren'est pas sans nuscrit n'était déjà plus dans la boutique du mar-
intérêt. Les premières éditions de Tite-Live, de la chand, et la découverte en demeura là. En 1772,
fin du quinzième siècle et du commencement du Paul-Jacques Bruns, que le docteur Kennicott avait
seizième, ne contiennent que la première, la troi- envoie à ses frais en Italie, pour y examiner les
sième et la quatrième décade, ou serie de dix livres; manuscrits latins, distingua, dans la bibliothèque du
division adoptée, à ce qu'il parait, par l'historien Vatican, sous le texte des livres de Tobie, de Job et
lui-même. Suivant le père Niceron, deux livres fu- d'Esther, une ancienne écriture en lettres onciales.
rent retrouvés et publiés, en 1518, par L lric de Hut- Les noms de quelques généraux romains et celui de
ten, à qui l'on doit Pline, Quintilien et Ammien- Tite-Live en haut du recto ne lui permirent plus de
Marcellin. Pétrarque, aussi célèbre parmi les savants, douter qu'il venait d'en découvrir une partie; mais
pour sa connaissance et son amour de l'antiquité, c'en était une bien petite: il av ait seulementretrouvé é
qu'il l'est, dans le monde, pour ses sonnets à Laure, un fragment du quatre-vingt-onzièmelivre, qu'il fit
n'épargna rien, ni correspondance, ni voyages, ni bientôt paraître, et qu'ont reproduit depuis les meil
argent, pour retrouver au moins la secontle décade leures éditions.
mais tous ses efforts furent inutiles. On decouvrit Cette découverte est la dernière. On n'a encore
depuis, dans la bibliothèquede Mayence, une partie rien pu déchiffrer, dans les manuscrits d'tlercula-
des troisièmeet treutième livres, et ce qui manquait num, qui fasse espérer de voir un jour combler ces
au quarantième. Les cinq derniers furent trouvés, lacunes, que Freinsheimius a cependant essayé de
en 1531, dans l'abbaye de Saint-Gall, en Suisse, remplir, dans la langue même de l'historien latin,
par Simon Grynee, l'ami de Luther et de Mélanch- par des suppléments, meilleurs il est vrai que ceux
ton. Enfin le père Horrion jésuite, retrouva, qu'il a faits pour Quinte-Curce.
parmi les manuscrits de la bibliothèque de Bam- Ce n'est pas seulement aux outrages du temps
berg, la première partie du troisièmeet du trentième qu'il faut attribuer ces pertes, mais peut-être aussi
livre, et il les publia deux ans après. à la haine stupide d'un empereur et au zèle fanati-
Là s'arrête l'histoire, non de ces recherches, mais que d'un pape. Caligula, associant Tite-Live à sa
de ces découvertes partielles; ce qui suit n'en est haine pour Homère et Virgile, avait, on le sait, or-
plus guère que le roman. Thomas Derp, professeur donne de bannir de toutes les bibliothèque leurs
écrits et leurs images et, six siècles plus tard, Gré- voulu comparer à Thucydide. On sait seulement,
goireVII, dans la crainle que les prodiges rappor- d'après ce grammairien célèbre, que Pollion, connu
In, cette histoire ne parussent favorables à la pour la pureté de son goût, reprochait à Tite-Live
cause du paganisme, en fit, à son tour, brûler pieu- sa patarinité. Mais quel est ce reproche?Les savants,
sement tous les exemplaires qu'on put trouver. Sous comme d'ordinaire, ne s'accordent point sur le sens
Domitien, admirer Tite-Liveétait un crime; et cet qu'on doit attacher à ce terme. Les uns croient que
empereur, suivant Suétone, lit mettre à mort Métius le reproche s'appliquait à l'orthographe de certains
Pomposianus, qui portait toujours sur lui les haran- mots où Tite-Live, en qualité de Padouan, employait
gues extraites de l'historien, et avait fait prendre à une lettre pour une autre, sibe qunse, pour sibi,
quelques-unsde ses esclaves les noms d'Annibal et quasi: et d'autres, à l'emploi de plusieurs synony-
de Magon. mes dans la même phrase, ce qui, à Rome, faisait
Il existe de curieux témoignages de l'admiration aussitôt distinguer ceux que la province avait vus
dont Tite-Live a été l'objet. Au moment de la re- naitre. Tomasini, auteur d'une vie de Tite-Live, a
naissance des lettres, on voit un savant, Antoine de donné une autre explication, un peu forcée, ce
Palerme, vendre une de ses terres pour acheter un semble. Les Padouans, dit-il, avaient, dans la
exemplaire de son histoire, copié de la main du guerre civile, embrassé la cause de la république.
Pogge. Alphonse V, roi d'Aragon, déclare publi- Pollion, attaché au parti d'Antoine, n'avait pu for-
quement qu'il doit ses plus grands plaisirs et la cer Padoue à lui livrer des armes et de l'argent, et,
guerison d'une longue maladie à la lecture de Tite- ne pardonnant point au PadouanTite-Liveson affec-
Li\e; il est vrai que d'autres disent à celle de tion pour les républicains, il l'accusait de pataviuité
Quinte-Curce. Cosme de Medicis, pour obtenir une dans le même sens qu'Auguste l'appelait Pompèien.
heureuse issue d'une négociation entamée à la cour Rollin, après Sossius, interprète ce mot par des ex-
de lraples, n'imagine pas de meilleur mo3en que pressions sentant la province, et conjecture que
d'envoyer à ce même Alphonse une belle copie de Tite-Li, e, né et elev é à Padoue n'avait pu acquérir
l'historien qui guérit ses maux. Un pape fonde une entièrement cette délicatesse de l'urbanité romaine,
diaire pour expliquer Tite-Live, dans ce même qui ne se communiquaitpas à des étrangers aussi fa-
Calitole d'où l'avait anathematisc un autre pape et cilementque le droit de bourgeoisie;ddicatesse qu'il
proscrit un empereur. Enfin, Henri IV eut, disait- nous est impossible d'apprécier, mais qui ne pouvait
il, donné une de ses provinces pour la découverte échapperau goût des Romains, même les moins let-
d'une decade de l'historien latin. trés. C'est l'histoire de ce célèbre écrivain grec, qui,
Nous n'avons point à discourir dans cette notice après un long séjour à Athènes, y fut, à sa pronon
sur le mérite de Tite-Live; Quintilien l'a mieux ap- ciation, reconnu pour un provincial par une mar-
precié, en l'égalant à Hérodote, que ceux qui l'ont chande d'herbes.
HISTOIRE ROMAINE.
HISTOIRE ROMAINE.

PRÉFACE.

Aurai je lieu de m'applaudir de ce que j'ai progrès jusqu'à cette dernière époque où elle
voulu faire, si j'entreprends d'écrire l'histoiredu commence à plier sous le faix de sa propre gran-
peuple romain depuis son origine?" Je l'ignore; et deur je crains encore que les origines de Rome
si je le savais, je n'oserais le dire, surtout quand et les temps les plus voisins de sa naissance n'of-
je considère combien les faits sont loin de nous, frent que peu d'attraits à la plupart des lecteurs,
combien ils sont connus, grâce à cette foule d'écri- impatients d'arriver à ces derniers temps, où cette
vains sans cesse renaissants, qui se flattent, ou de puissance, dès longtemps souveraine, tourne ses
les présenteravec plus de certitude, ou d'effacer, forces contre elle-même. Pour moi, je tirerai de
par la supériorité de leur style, l'âpre simplicité ce travail un grand avantage; celui de distraire
de nos premiers historiens. Quoi qu'il en soit, un instant du spectacle des maux dont notre épo-
j'aurai du moins le plaisir d'avoir aidé, pour ma que a été si longtemps le témoin mon esprit oc-
part, à perpétuer la mémoire des grandes choses cupé tout entier de l'étude de cette vieille histoire,
accomplies par le premier peuple de la terre; et si et délivré de ces craintes qui, sans détourner un
parmi tant d'écrivains mon nom se trouve perdu, écrivain de la vérité, ne laissent pas d'être pour
l'éclat et la grandeur de ceux qui m'auront éclipsé lui une source d'inquiétudes.
serviront à me consoler. Les faits qui ont précédé ou accompagné la fon-
C'est d'ailleurs un ouvrage immense que celui dation de Rome se présentent embellis par les
qui, embrassant une période de plus de sept cents fictions de la poésie, plutôt qu'appuyéssur le té-
années, et prenant pour point de départ les plus moignage irrécusable de l'histoire je ne veux
faibles commencements de Rome, la suit dans ses pas plus les affirmer que les contester. On par-

PRÆFATIO. exiguis profecla initiis, eo creverit, utjam magnitudine


Facturusne opéras pretium sim, si a primordio urbis laboret sua et legentium plerisque, baud dubito, qui
res populi Romani perscripserim, nec satis scio; nec si primæ origines proximaque originibus minus præbitura
sciam, dicere ausim quippe qui, quum veterem, tum voluptalis sint, festinantibus ad hæc nova, quibus Jsm-
vulgatum esse rem, videaru, dum novi semper scriptores, pridem prævalentis populi vires se ipsae couficiunt. Ego
aut in rébus certius aliquid allaturos se, aut scribendi arte contra hoc quoque laboris præmium petam, ut me a con.
rudem vetustatem superaturos, credunt. Utcunqueerit, spectu malorum, quæ nostra tot per annos vidit ætas,
juvabit tamen, rerum gestarum memoriseprincipis ter- tantisper, certe dum prisca illa tota mente repeto, aver-
rarum populi pro virili parte et me ipsum consuluisse; et tam, omnis expers cura;, quae scribentis animum, etsi
si in tanta scriptorum turba mea fama in obscuro sit, no- non flectere a vero, sollicitum tamen efficere pusait. Quai
bilitate ac magnitudine eorum, meo qui nomini officient, ante conditam condendamve urbem, poeticis magis de-
me consoler. Res est præterea et immeusi operis ut quæ cora fabulis, quam incorruptis rerum gestarum mnnu-
supra septingentebinium annum repctatnr; et quae, ab mentis, traduntur, ce nec aflirmare, nec refellere, in
donne à l'antiquité cette iiiterveillioli des dieux avantage de l'histoire, c'est d'exposer a vos re-
dans les choses humaines, qui imprime à la nais- gards, dans un cadre lumineux des enceigne
sance des villes un caractère plus auguste. ments de toute nature qui semblent vous dire
Or, s'il est permis à un peuple de rendre son Voici ce que tu dois faire dans ton intérêt, dans
origine plus sacrée, en la rapportant aux dieux, celui de la république; ce que tu dois éviter, car
certes c'est au peuple romain et quand il veut il y a honte à le concevoir, honte à l'accomplir.
faire du dieu Mars le père du fondateur de Rome Au reste, ou je m'abuse sur mon ouvrage, ou ja-
et le sien, sa gloire dans les armes est assez grande mais république ne fut plus grande, plus sainte,
pour que l'univers le souffre, comme il a souffert plus féconde en bons exemples aucune n'est res-
sa domination. Au reste qu'on rejette ou qu'on tée plus longtemps fermée au luxe et à la soif des
accueille cette tradition, cela n'est pas à mes yeux richesses plus longtemps fidèle au culte de la
d'une grande importance. Mais ce qui importe, tempérance et de la pauvreté, tant elle savait me-
et doit occuper surtout l'attention de chacun, surer ses désirs à sa fortune.
c'est de counaître la vie et les mœurs des premiers Ce n'est que de nos jours que les richesses ont
Romains, de savoir quels sont les hommes, engendré l'avarice, le débordement des plaisirs,
quels sont les arts qui, dans la paix comme dans et je ne sais quelle fureur de se perdre et d'abi-
la guerre ont fondé notre puissance et l'ont mer l'état avec soi dans le luxe et la débauche.
agrandie; de suivre enfin, par la pensée, l'af- Mais ces plaintes ne blesseront que trop, peut-être,
faiblissement insensible de la discipline et ce pre- quand elles seront nécessaires; ne commençons
mier relâchement dans les mœurs qui, bientôt donc pas par là ce grand ouvrage. Il conviendrait
entrainées sur une pente tous les jours plus ra- mieux, si l'historien avait le privilége du poète,
pide, précipitèrentleur chute jusqu'à ces derniers de commencer sous les auspices des dieux et des
temps, où le remède est devenu aussi insupporta- déesses, afin d'obtenir d'eux, à force de vœux et de
ble que le mal. Le principal et le plus salutaire prières, l'heureux succès d'une si vaste entreprise.

animo est. Datur hæc venia antiquitati, ut, miscendohu- salubre ac frugiferum omnis te exempil documenta in
mana divinis, primordiaurbium augustiora faciat. Et, si illustri posita nonumento inlueri inde tibi tuæque rei-
cui populo licere oportet.consecrare origines .suas, et ad publie&, quod imitere, capins ioie, fœdum inceptu,
deos referre auctores, ea belli gloria est populo Romano, fœdum eiitu, quod vites. Ceterum aut me amor negotii
ut, quum suunt conditorisque sui parentem Martem po- suscepti f-illit, aut nulla unquam respublica nec major,
tissimum ferat, tam et hoc gentes humanæ patiantur nec sanctior, uec bonis exemplis ditior fuit nec in quam
æquo animo, quam imperium pa.iuntur. Sed hac et his civitatem tam serx avaritia luxuriaque immigravermt
similia, utcunque animadversa aut existimata erunt, haud nec ubi tantus ac tam diu paupertati ac parcimoniæ bo-
iu magno equidem p namdiscrimine.Ad illa mihi pro se nos fuerit adeo, quanto rernm minus, lanto minus cu-
quisque Lcr ter iutendat animum, quæ vna, qui mores piditatis erat. lruper divitiæ avaritiam, et abundantes vo-
luerint. per quos viros, quihusqueartibus, domi mili- luptales desiderium per luxum atque libidincm pereundi
tiæque, et partum et iuckuni iinperium sit. Labcnte de- perdendique omnia invexere. Sed querelaû, ne tum qui-
inde paullatim disciplina, velut desidentes prinlo mores dem gratæ futuræ, quum forsitan et necessariae eruut, ab
scquattir :mimn; deinde ut magis magisque lapsi sint; initio certe tantae ordiendæ rei absint. Cum bonis potines
tum ire cœperint pra;cipites donec ad hæc ttmpora, ominibus votisque ac precationibus deorum dearumque,
quibus nec vitia nostra, nec remedia pali possumus,per- si, ut poetis, nobis quoque mos esset, libentius incipere-
ventum es!. Hoc illud est præcipue in cognitione rerum mns, ut orsis tanti operis successusproapcros darent.
LIVRE PREMIER.

SOMMAIRE. — Descented'Énee en Italie; ses eaploits. — Règned'Ascagne à Albe, et des Silvius ses successeurs.—
La fille de Numitor, surprise par devient mère de Romulus et de Remus. Meurtre d'Amulius. — Fonda-

tion de Rome. — Etablissement du sénat. —Guerre contreles Sabins.—Consécration de dépouilles opimes à Jupiter-
Feretrien. — Division du peuple en curies. — Défaite des Fidfnates et des Véïens. — Apothéose de Romutus. —
Numa Pompilius institue les cérémonies religieuses elève un temple à Janus; fait la paix avec tous les peuples
voisins et ferme, le premier, les portes de ce temple. A la faveur des entretiens nociurnes qu'il feint d'avoir avec
la nymphe Egerie, il inspire à ce peuple farouche des sentiments religieux. -'l'ullus Hostilius porte la guene
chez les Albains. — Combat des Horaces et des Curiaces. — Horace absous. — Supplice de Mettais Suffctius.
Ruine d'Albe; incorporation de ses habitants dans Rome.-Guerre déclarée aux Sibius.— Tullus périt frappe de
la foudre.-Ancus Marciusrenouvelle les cérémonies instituées par Numa; il défait les Latins leur donne di oit de
cité, et leur assignele mont Aventin pour demeure. Seconde prise de Politorium, ville du Latium, dont les anc ein
Latins s'etaient emparés, et ruine de cette ville. Ancus j, tte un pont de bois sur le Tilrre; unit le mont Jamcule a la
ville, et recule les frontieres de son empire; bàtit Ostie, et meurt après un règne de vingt-quatreans. Sous son
règne, Lucumon, fils du Corinthien Démarate, vient de Taryuinie, ville d'Etrurie, à Rome; admis daus l'mn-
mite d'Ancus, il prend le nom de Tarquin, et monte sur le trùne après la mort d'Ancus. 11 augmente de cent le
nombre des senateurs; soumet les Latins; trace l'enceinte du cirque, et institue des jeux. Attaque par les Satins,
il augmente les centuries des chevaliers. Pour mettre à l'épreuve la science de l'augure Attius Navius, il lui de-
mande si ce qu'il pense dans le moment est possible, et, sur sa réponse affirmative, il lui ordonne de couper uu
caillou avec un rasolr, ce que l'augure fait sur-le-champ.-Defaite des Sabins Rome entourée de murailles;
construction des egouts. — Tarquin est assassine par les fils d'Ancus après un règne de trente-huit ans. — Il a pour
successeur Servius Tullius, fils d'une noble captive de Coruiculum la tradition rapporte que dans son enlance
on avait vu, dans son berceau, des feux briller autour de sa tète défaite des \Mens et des Ltrusques. Ethlisse-
ment du cens, qui porte, dit-on, à quatre-vingt mille le nombre des citoyens. Cerémonie du lustre. Division du
peuple par classes et par centuries. Le roi recule le Pomarmm, pour reuuir à la ville les monts Quirlllal, Vimi-
nal et Esquilin. De concert avec les Latins, il élève un temple à Diane sur le mont Aveutin. -11 est tué par L.'l'ar-
quin, fils de l'riscns, à l'instigation de sa lille Tullie, après uu règne de quarante-quatreans. A sa mort, L. Tar-
quiu le Superbe, sans favcu du senat ni du peuples, s'empare du trône le jour de l'usurpation l'iu âme Tullie
fait passer sou char sur le corps de son père. Tarquin s'eutc ure de grandes armees pour la sûreté de ta personne.
Turuus Herdonius périt victime de sa perfidie. Tarquin fait la guerre aux Volsques, et de leurs dcl omlles eleve
un temple a Jupiter dans le Capitole. Le dieu Terme et la deesse de la Jeunesse résistent a la destruction et leurs
autels restent debout dans le nouveau temple. La ruse de Sextus Tarquin, son fils met en son pouvoir la ville
des Gahicus. Ses fils se rendent à Delphes, consultent l'oracle pour savoir auquel d'entre eux doit ce wir la cou-
ronne l'oracle repond que celui-là regnera qui donnera le premier baiser à sa mère. Ils se meprennent sur le
sens de l'oracle; Junius Brutus qui les avait accompagnes se laisse tomber comme par mcgarde, et baise la terre
l'événement ne tarde pas à justifier son interprétation; en effet, la tyrannie de Tarquin le Superbe ayant souleve
la haiue génerale, son fils Sextus y met le comble en ravissant l'honneur à Lucrèce qu'il avait surprise la nuit par
la violence; celle-ci fait appeler Trisipitinns son père, et Collatin son Mdri, et se poignarde sous leurs yeux après
leur avoir fait jurer de ne pas laisser sa mort sans vengeance. Ce serment s'accomplit, gràce aux eflurls de Brutus
surtout. Apres un regne de vingt-cinq ans Tarquin est chasse. -Creation des premiers consuls, L. Junius Brutus
et L. Tarquimus Collatin.

1. C'est d'abord un fait assez constant, qu'après conseils qu'ils avaient toujours donnés, de rendre
la prise de Troie la vengeance des Grecs, s'étant Hélène et de faire la paix, engageassent le vain-
exercée sur le reste du peuple troyen, ne respec- queur à les épargner. C'est encore une chose uni-
ta qu'Énée et Anténor, soit que le droit d'une versellement connue, qu'après diverses aventures,
ancienne hospitalité les protégeât, soit que les Anténor, à la tête d'une troupe nombreuse d'Hé-

LIBER PRIMUS. Helenæ semper auctorcs fuerant, omne jus belli Achivos
I. Jam primum omnium satis emstat, Troja capta in ahstinmsse. Gasibus deinde variis Anleuorem cum multi-
ceteros sævitum esse Trojanos; duobus, Unea An eno- tudine Henetuin, qui, seditione ex Paphlaf;onia pulsi, et
reque, et vetustijure hosi atu, et quia pacts red lendæque sedes et ducem, rege Pylæmene ad Tro am amisso, quæ-
nètes, qui, chassés de la Paphlagenie par une Troyens, que leur chef était Énée, Ols d'Ancàise
sédition, et privés de leur roi Pylémène, mort et de Vénus, et que, fuyant leur patrie et leurs
sous les murs de Troie, cherchaient un chef et maisons en cendres, ils cherchaient un asile et un
une retraite, pénétra jusqu'au fond du golfe Adria- emplacement pour y bâtir une ville, pénétréd'ad-
tique, et que, chassant devant eux les Euganéens miration à l'aspect de ce peuple glorieux et do
établis entre la mer et les Alpes, les Hénèles, réu- celui qui le conduisait, les voyant d'ailleurs dis-
nis aux Troyens prirent possession de leur terri- posés à la guerre comme à la paix, il tendit la
toire. Le lieu où ils descendirent d'abord a con. main à Éuée, pour gage de leur future amitié. Le
servé le nom de Troie, ainsi que le canton qui en traité se fit alors entre les chefs et les armées se
dépend et toute la nation formée par eux porte rapprochèrent Énée devintl'hôte de Latinus, et,
le nom de Venètes. Énée, rejeté de sa patrie par dans son palais, à l'autel de ses dieux pénates,
la même catastrophe, mais destiné par le sort à Latinus pour resserrer par des nœuds domesti-
fonder de bien plus grandes choses, arriva d'abord ques l'union des deux peuples, lui donna sa fille
en Macédoine, passa de là en Sicile, d'où, cher- en mariage. Cette alliance affermit les Troyens
chant toujours une patrie, il vint aborder avec dans l'espérance de voir enfin un établissement
sa flotte au rivage de Laurente, appelé aussi du durable fixer leur destinée errante. Ils bâtissent
nom deTroie. A peine sur cette plaôe, les Troyens, une vil le. Éntée la nomme Laviuium, du nom de
auxquels une si longue navigation sur ces mers, sa nouvelle épouse. De ce marinage naquit bientôt,
où ils erraient depuis tant d'années, n'avait laissé comme du premier, un fils qui reçut de ses pa-
que des armes et des vaisseaux se répandent rents le nom d'Ascagne.
dans les campagnespour chercher du butin, lors- II. Les Aborigènes et les Troyens curent une
que le roi Latins et les Aborigènes, qui occu- guerre commune à soutenir. Turnus, roi des Ru-
paient alors le pays, accourent en armes de la tules, à qui Lavinie avait été promise avant l'ar-
ville et des alentours, pour repousser t'agression rivée d'Énée, indigné de se voir préféré un étran-
de ces étrangers. Suivant les uns, ce ne fut qu'a- ger, avait à la fois déclaré la guerre à Latinus et
près une défaite que Latinus fit la paix et s'allia à Énée. Aucune des deux armées n'eut à s'applau-
avec Énée. Suivant d'autres, les armées étaient dir de l'issue du combat les Rutules furent vain-
en présence, et on allait donner le signal, lorsque cus la victoire coûta aux Aborigènes et aux
Latinus s'avança entouré de l'élite des siens, et Troyens leur chef Latinus. Turnus et les Rutules,
invita le chef de ces étrangers à une entrevue. se défiant de leur fortune, cherchent un appui
Il lui demanda quelle était leur nation d'où ils dans la puissance alors très-florissante des Étrus-
venaient, quel malheur les avait exilés de leur ques et de leur roi Mézence. Ce prince, qui dès
pays, et quel projet les amenait sur les rivages l'origine avait établi le siége de son empire à
Laureutius. Lorsqu'il eut appris qu'ils étaient Céré, ville fort opulente n'avait pas vu sans om-

rebant, venisse in intimum maris Hadriatici sinum Eu- domo profugos sedem condendæque urbi locum qutercre,
gantisque, qui inter mare Alpesque incolebant, pulsis, et nobditalem admiratum gentis virique, et animum vol
Henetos Troy mosque cas tenuisse terras; et in quem pri- hello Tel paci paratum, dextra data fidem futuræ ainici-
mom egi-essi bunt locum, Troja vocatur, p,lgoque inde tix sanvisse. Inde fœdus ictum inter duces, inter exerct-
Trojano nomen est gens un:versa Yeneti appellati. tus salutationem factam, Ænean apud Latinum fuisse in
Æneau, ab simili claie domo profugum, sed ad majora hospiuo; ibi Latinum apud penates deos dumesticum pu-
rerum initia ducentibus fatis, primo in Mac'don am ve- blicoadjanxisse fædus, filia Ajnca'in matrinioniumdalii.
ni,se: inde in Siciliam qua'reatem se,les delatum ab Si- Ea res utique Troj mis spem aflirmat tandem stabili ccr-
rilia classe ad f.aurcutem agruin tenuisse; Trojæ et hnic taque sede finicndi erruris. Oppidum condunt. Æneas ab
loco nomen est. Ibi egresbi Trojani, ut qnibus ab im n mine uxoris Laviuium appellat. Brevi stirps quoque
menso prupeerrore nihil, præter arma et naves, super- vnilis ex novomatrimon fuit; cui Ascanium parentes
esset, quum prædam et agris agerent, Latinus rax Abo- dixere nomen.
riginesyue, qui tum ea tenebantloca, ad arcend un vim il. Bello deinde Aborigines Trojanique simul pet ti.
advenarum armati ex urbe atque agris concurrunt. Du- Turnus rex Rutulorum, cui pacla Lavmia ante adventum
plex inde fama es'. Alii prælio victum Latiuum pacem Æncæ fuerat, pretatum sibi advenam ægre pat eus, si-
cum Æncea, deinde affinitatem juaxisse tradunt alii, mul Æneæ Latiuoque b(Ilum inlulerst. feutra acies læta
quum instractæ acies conttitiss nt, priusquam signa ca- ex eo certmine abiit. Victi Rutuli; victores Aborigines
uerent, processisse Latinum inter primores, ducemque Trojaoique ducem Latinum amisere. Inde Turnus Ru-
advenarum evocasseadcolloquium.Percunctatum deinde, tulique, diffisi rebus, ad Ilorentes Etruscorum opes Mye-
qui mortates essent, unde, aut quo casu profecti do- zeutiumyue, eorum regem, coulugmunt; qui, Cære, opu-
mo, quidve quæreutes in agrum Laurtntem exissent; lento tum upp do, imperitans, jam inde ab initie mimme
postquam audierit, multitudmenm trojanos esse, ducem lætus novæ origine urbis, et tum mmio plus, quam satis
Ænean, filium Anrhisae et Veneris, cremala patria et tutum esset accolis, rem Trojanam crescere ralus, baud
brifge s'élever une cité nouvellc: croyant bientôt et qui accompagna sou père dans sa fuite; de ce-
la sûreté des peuples voisins menacée par le ra- lui enfin qui portait le nom d'Iule, et auquel la
pille accroissement de la colonie troyenne, ce fut famille Julia rattache son origine. Cet Ascagne
sans répugnance qu'il associa ses armes à celles donc ( quelle que soit sa mère et le lieu de sa
des Rutules. Pressé de faire face à une ligue si for- naissance, il est certain qu'il était fils d'Énée),
midable, Énée, pour s'assurer contre elle du dé- voyant la population de Lavinium s'augmenter à
vouement des Aborigènes, voulut réunir sous le l'excès, laissa cette ville, déjà florissante et con-
même nom deux peuples déjà soumis aux mêmes sidérable pour ces temps-là, à sa mère ou à sa
luis il les confondit sous la dénomination com- belle-mère, et alla lui-même fonder, au pied du
mune de Lalins. Dès ce moment les Aborigènes mont Albin, une ville nouvelle, qui, étendue en
ne le cédèrent aux Troyens ni en fidélité ni en zèle long sur le flanc de la montagne, prit de cette
pour Énée fort de ces dispositions, Énée avec situation le nom d'Albe-la-Longue. Entre la fon-
ces deux peuples dont l'union se resserrait chaque dation de Lavinium et l'établissement de cette co-
jour, osa braver la puissance des Étrusques, qui louie sortie de son sein, il s'était écoulé environ
remplissaient alors du bruit de leur nom la terre trente ans. Et dans cet intervalle cet état avait
et la mer dans toute la longueur de l'ltalie, de- pris un tel accroissement, surtout par la défaite
puis les Alpes jusqu'au détroit de Sicilc; et bien des Étrusques, qu'à la mort même d'Énée, et
yu'il eût pu à l'abri de ses murailles, tenir tète ensuite pendant la régence d'une femme et l'ap-
à l'ennemi, il lit sortir ses troupes et présenta le prentissage que faisait son jeune fils de l'art do
combat. La victoire resta aux Latins; mais c'est régner, ni Alézence et ses Étrusques, ni aucun
là que se terminèrent les travaux mortels d'Enée autre peuple voisin n'osèrent remuer. Le traité
de quelque nom qu'il soit permis de l'appeler, il de paix avait établi pour limile entre les Étrus-
est enseveli sur les bords du Numicius on le ques et les Latins, le fleuve Albula, aujourd'hui
nomme Jupilcr-Indigète. le Tibre. Ascagne a pour successeur Silvius son
111. Ascagne, fils d'Énée, n'était pas encore fils, né, je ne sais par quel hasard, au fond des
en âge de régner toutefois il atteignit la puberté forêts. Il est père d'innée Silvius, qui a pour fils
sans que son pouvoir eût souffert d'atteinte. La Latinus Silvius. Celui ci fonda quelques colonies;
tulelle d'une femme tant Lavinie avait de force ce sont les Anciens Latins, et depuis ce temps,
d'âme ) suflit pour conserver aux Latins leur puis- Silvius resta le surnom commun de tous les rois
sance, et à cet enfant le royaume de son aîeul et d'Albe. Puis se succèdent de père en fils, Alba,
celui de son père. Je ne déciderai point ( car com- Atys, Capys, Capétus, Tibérinus celui-ci se
ment certifier des faits d'une si haute antiquité? ) noie en traversant le fleuve Albula, auquel il
si c'est bien d'Ascagne qu'il s'agit, ou d'un autre donne son nom, devenu si célèbre dans la posté-
enfant né de Creuse, avant la chute de Troie, rité. Tibérinus a pour fils Agrippa, qui lui suc-

gravatim socia arma Rutulis junxit. Æneas, adversus comesque indepaternoefugae, quem Iulum eumdem Julia
tanti belli terrorem ut animos Aboriginum sibi concilia- gens auctorem nominis sui nuncupat. Is Ascanins, ubi-
ret, ne sub eodem jure solum, scd etiam nomine, omnes cunque et quacunque matre genitus, (certenatum Ænea
essent, Lalinos utramque gentem appellavit. hicc deinde constat) abundante Lavinii multitudine, llorentem jam
Aborigines Trojanis studio ac fide crga regem Ænean ut tum res erant, atque opulentam urbem matri seu no-
cessere fretusque his animis coalescentium in dies ma- vercae, reliquit; novam ipse aliam sub Albino monte con-
gis duorurn populorum Æneas, quanquam tanta opibus didit qum, ab situ porrectae in dorso urbis, Longa Alba
Etruria erat, ut jam non terras solum, sed mare etiam appellata. Inter Liviuium et Albam Longam coloniam
per tolam Italiæ longitudinem,ab Alpibus ad fretum Si- deductam triginta ferme interfuereanni. Tantum tamen
culum, fama uominis sui implesset, lameu, quum mœni- opes creverant, maaime fusis Etruscis, ut ne morte qui-
bus bellum propulsare posset, in aciem copias eduxit. dem Æneæ, nec deinde, iuter muliebrem tutelam rudi-
Secundum inde prælium Latinis, Æneæ etiam ultimum meutumque primum puerilis regni, movere arma aut
operum mortalum fuit. Situs est, quemcunque eum dici Mezentius Etruscique, aut uni alii accolæ ausi sint. Pax
jus fasque est, super Numicium flumen. Jovem Indige- ita cunveourat, ut Etruscis Latmisque fluvius Albula,
tem appellant. quem nunc Tiherim vocant, fiuis esset. Silvius deinde
III. Nondum maturus imperio Ascanius Æncæ filius regnat, Ascanii filins, casu quodam in silvis Datus. Il
erat tamen id imperium ei ad puberem ætatem inco- Æuean Silvium creat is deinde Latinum Silvium. Ah en
fume mawit. Tantisper tutela muliebri tanta indoles coloniae aliquot deductæ, Prisci Latini appellati. Mansit
in Lavinia erat) res Latina et regnnm anitum paternum- Silviis postea omnihus cognomen, qui Albæ regnarunt.
que puero sietit. Hau t nihil ambigam ( quis enim rem Latino Alba ortus, Alba Atys, Atye Capys, Capye Cape-
tam veterem pro certo aflirmet ?) hiccine fiierit Ascanius, tus, Capeto Tiberinus; qui, in trajeclu Albulæ amnis
au major, quam hic, Creusa malrc Ilio incolumi natus, submersus, celebre ad posteros nomen Qumiui dédit.
cède et transmet le trône à Romulus Silvius. Ce encore assez profondes pour noyer des enfants.
Romulus, frappé de la foudre comme le nôtre, Croyant donc remplir la commission royale, ils
laisse le sceptre aux mains d'Aoenliuus. Ce der- les abandonnèrent aux premiers flots, à l'endroit
nier, enseveli sur la colline qui fait aujourd'hui où s'élève aujourd'hui le figuier Ruminal, qui
partie de la ville de Rome, lui donna sou nom. porta, dit-on, le nom de Romulaire. Ces lieux
Prncas, son successeur, père de Numitor et d'A- n'étaient alors qu'une vaste solitude. S'il faut en
mulius. lègue à Numitor, l'aîné de ses fils, l'an- croire ce qu'on rapporte, les eaux, faibles en cet
tique royaume de la race des Silvius. Mais la vio- endroit, laissèrent à sec le berceau flottant qui
lence prévalut sur la volonté d'un père et sur le portait les deux enfants une louve altérée, des-
respect pour ce droit d'aînesse. Amulius chasse cendue des montagnes d'alentour, accourut au
son frère, et monte sur son trône et, soutenant bruit de leurs vagissements, et, leur présentant la
un crime par un nouveau crime, il fait périr tous mamelle, ouhlia tellement sa férocité, que l'in-
les enfants mâles de ce frère sous prétexte d'ho- tendant des troupeaux du roi la trouva caressant
norer Rhéa Silvia, fille d'Amulius, il en fait une de la langue ses nourrissons. I'austulus ( c'était,
vestale; lui ôte, en la condamnant à une éternelle dit-on, le nom de cet homme) les emporta chez
virôinilé, l'espoir de devenir mère. lui et les confia aux soins de sa femme Larentia.
IV. Mais les destins devaient sans doute au Selon d'autres, cette Larentia était une prostituée
monde la naissance d'une ville si grande, et l'éta- à qui les bergers avaient donné le nom de Louve;
blisseruent de cet empire, le plus puissant après c'est là l'origine de cette tradition merveilleuse.
celui des dieux. Devenue par la violence mère de Telle fut la naissance et l'éducation de ces enfants.
deux enfants, soit conviction, soit dessein d'en- A peine arrivés à l'âge de l'adolesccnce, ils dédai-
noblir sa faute par la complicité d'un dieu, IaVes- gnent l'oisiveté d'une vie sédentaire et la garde
tale attribue à Mars cette douteuse paternité. Mais des troupeaux; la chasse les entiaîue dans les fo-
ni les dieux ni les hommes ne peuvent soustraire rêls d'alentour. Mais, puisant dans ces fatigues la
la mère et les enfants à la cruauté du roi la prê- force et le courage, ils ne se bornent plus à don-
tresse, chargée de fers, est jetée en prison, et ner la cltaase aux bêtes féroces; ils attaquent les
l'ordre est donne de précipiler les enfants dans le brigands chargés de butin et partagent leurs dé-
fleuve. Par un merveilleux hasard signe éclatanl pouilles eutre les bergers. Une foule de jeunes pâ-
de la protection divine, le Tibre débordé avait tres, chaque jour plus nombreuse, s'associe à
franchi ses rives, et s'était répandu en étangs dont leurs périls et à leurs jeux.
les eaux languissantes empêchaient d'arriver jus- V. hès ce terups-là, la fête des Lupercales était
qu'à son lit ordinaire; cependant, malgré leur célébrée sur le mont Palatin appelé d'abord Pal-
peu de profondeur et la tranquillité de leur cours, lantium, dc Pallantée, ville d'Arcadie. C'est là
coux qui exécutaient les ordres du roi les jugèrent qu'Évandre, un des Arcadiens établis longtemps

Agrippa inde Tiberini filius; post Agrippam Romulus qnamvis languida mergi aqua infantes, spem ferentibus
bilvius, a patre accepto imperio, regtiat. Aventino, ddbat. Ita velut defuncti régis imperio, in proxima al-
fulmine ipse ictus, regnum per maous tradidit is, luvie, ubi nunc ficus Ruminalis est, (Romularem voca-
sepultus in eo colle, qui mine est pars Romanæ urhis, tam ferunt ) pueros exponunt. Vastæ tum in iis locis soli-
cognomeu colli fecit. Proca deiude régnât is Numitorem tndines erant.Tenet fama, quum fluitantem alveum, quo
atque Amulium prucreat. Numitori, qui stirpis maximus expositi erant pueri, tennis in sicco aqua destituisset, lu-
erat, regoum vêtus uni Silviæ gentis legat. Plus tamen pain sitientem ei montibus, qui circa sunt, ad puerilem
vis potuit, quam voluntas patris aut verecuodir ætalis. vagitum cursum flexisse eam sununissas iufantibus adeo
Pulso fralre, Amul us régnât addit sceleri scelus stir- miem prabuisse mammas, ut lingua lambentem pueros
pein fratris virilem interimit fratris filiæ Rheæ Silviæ magister regii pecor.s invenerit. Faustulo fuisse nomen
per speciem honur s, quum Vestalem eam legisset, per- ferunt ab eo ad stabula Lareutiae uxori educandos latos.
pétua virginitate spem partus adimit. Suut qui Laureobam, vulgato corpore, lupam inler pas-
IV. Sed debebatur, ut opinor, fatis tantee origo urbis, tnres vocatam putent; inde locum fabulæ ac miraculo
maximique secundum deorum opes imperii principium. dalum. Ita geniti, itaque educati, quum primum adole-
Vi compressa Vestalis, quum geminum partum edidis- vit a,tas, uec in stabu is, nec ad pecora segues, venando
.et, seu ita rata, seu quia deus auctor culpx bonestior peragrare circa sattus. Ilinc, robore corporibus animlsque
erat, Martcm incertæ stirpis patrem nuncusat. Sed nec sumplo, jam non feras tanlum subsislere, sed in latrones,
dio, uec hommes, aut ipsam, aut stirpem a crudelitate præda onustos, impetus facere, pastoribusque rapta di-
rrgia viudicjut sacerdus vincta in custodiam datur; videre, et cuin his, cresceute in dies grege juvenum,
pueros in prolluentem aquam mitti jultet. Forte quidam set ia ac Joeos celebrare.
divinitus super rIpas Tiberis eftusus lenibus stagnis, nec V. Jam lum in Palatino monte Lupercal hoc fuisse lu-
adiri usquam ad justi cursum poterat amnis; et, posse derum ferunt. et a Pallanteo, urbe Arcadica, Pallautinum
auparavant dans ces contrées, avait inslilué, d'a- Romulus, trop faible pour agir à force ouverte, se
près la coutume de son pays, cette solennité, où garda bien de venir à la tête de ses pâtres il leur
des jeunes gens, emportés par l'ivresse d'nue joie ordonne de se rendre au palais à une heure con
licencieuse, couraient tout nus en l'tonneur de venue et par des chemins différents; la ils tombent
l'an, protecteur des troupeaux, et que les Ro- sur le roi à la tête des gens de Numilor, Rémus
mams ont appelé depuis du nom d'Inuus. Au mi- leur prête main-forte, et Amuliusest massacré.
lieu de ces fêtes, dont la célébration avait élé an- VI. A la faveur du premier trouble, Numitor
noncée, surpris à l'improviste par les brigands va s'écriant que l'ennemi a pénétré dans la ville,
furieux de l'enlèvementde leur butin, Romulus qu'il assiége le palais, et il en écarte la jeunesse
se défend avec vigueur, Rémus est pris; ils livrent Albaine en l'envoyant occuper et défendre la cita-
leur prisonnier au roi Amulius, et le noircissent delle puis, quand il voit les jeunes vainqueurs
à ses yeux. Ils l'accusent surtout de faire, avec accourir en triomphe après ce coup de main, il
son frère, des incursions sur les terres de Numi- convoque une assemblée, rappelle les attentats de
tor, et d'y conduire au pillage, comme en pays son frère contre sa personne, l'origine de ses pe-
ennemi, une troupe armée de jeunes vagabondas. lits-fils, leur naissance, comment ils ont été éle-
Rémus est donc livré à la vengeance de Numitor. vés, à quels indices on les a reconnus, et il an-
Dès le commencement, rauslulus s'était flatté de nonce la mort du tyran, et s'en déclare l'auteur.
l'espérance que ces nourrissons étaient de sang Les jeunes frères se présentent au milieu de l'as-
royal; car l'ordre donné par le roi, d'exposer des semblée à la tête de leur troupe, saluent roi leur
enfants nouveau-nés, était connu de lui, et l'épo- aïeul, et la multitude entraînée lui en confirme,
que où il les avait recueillis coïncidait avec cette par d'unanimes acclamations, le titre et l'autorité.
circonstance mais il n'avait pas voulu révé!er ce Numitor ainsi replacé sur le trône d'Albe, Ro-
secret avant le temps, à moins que l'occasion ou mulus et Rémus concurent l'idée de fonder une
la nécessité ne le fissent parler la nécessité arriva ville aux lieux témoins de leurs premiers périls et
la première. Cédant à la crainte, il dévoile à llo- des soins donnés à leur enfance. La multituded'ha-
mulus le secret de sa naissance. Le hasard avait bitants dont regorgeait Albe et le Latium, grossie
voulu que, de son côté, Numitor, maître de la per- encore du concours des bergers, faisait espérer
sonne de Rémus, apprit que les deux frères étaient naturellement que la nouvelle ville éclipserait
jumeaux, et qu'à leur âge, à leur noble fierté, Albe et Lavinium. A ces projets d'établissement
le souvenir de ses pelits-lils se réveillât daus son vient se mêler la soif du pouvoir, mal héréditaire
cœur; à force de questions il touchait à la vérité chcz eux, et une lutte monstrueuse termine uu
et n'était pas loin de reconnaitre Rémus, Aiusi débat assez paisible dans le principe. Ils etaien'
de tous côtés un complot s'ourdit contre le roi. jumeaux, et la prérogative de l'âge ne pouvait

dcin Palltium, montem appellatum. Ibi Evandrum, qui régi dolus nectitur. Romulus, non cum globo juvennm,
ex co genere Areadum multis ante tempestatibus tenuerat (nec emm erat ad vim apertam par) sed alris alio itiuere
loca, sollenne allatum ex Arcadia instituisse, ut nudi ju- jussis certo tempore ad regiam venii-e pastoribus, ad
vones, Lyeum Pana dvenerantes, per lusum atque lasci- regem impetum facit et a domo Numitoris alia compa-
viam currerent; quem Rom mi deinde vocarunt Inunn. rata manu adjurat Remus. Ita regem obtruncant.
Huie drditis ludicro, quum sollenne notum esset, insidia- VI. Numitor,inter primum tumultum hostes invasisse
los oh iram prædæ. missæ latroues, quum Romulus vi se urbem atque adortos regidm diclilans, quum pubem AI-
se defendisset, Remum cep sse; cnptum regr Amutio tra- banam iu arcem præsidio armis lue oblinend1lm avoc; s-
d dise, ultro accusautes. Crimani maxime dabant, in set postquam juvenes, perpetrata cæde, pergere ad se
Numtoris agros ab his impetum fieri inde eos, colleca gratulantes vidit, extemplo advocato concilio, scelera iu
Juvenum manu, hostilem in modum prædas agere. Sic se fratris, originem nepotum, ut geniti, ut educati, ut
Numiori ad supplicium Remus deditur. Jam inde ab cogniti essent, cædem deiuceps tyranni, seyue e us anc-
iuilio Faustulo spes fuerat, regiam stirpem apud se edu- torem ostendit. Juvenes, per mediam concionem aguune
cari nam et expositos jussu régis infantes soiebat, et ingressi quuni avum regem salutassent, secu a ex omni
tempus, quo ipse eos sustulisset, ad id ipsum congruere. multitudine consentiens vox ratum nomen imperiumque
Sed rem immaturam, ni,i aut per occasiouem, aut per régi effec,t. Ita Numitori Albana permissa re, Romul mi
mcessitatem, aperiri nolueral. Necessitas prier venit Remumque cupido cepit, in his locis, uhi expositi ubi-
ita, metu sabactus, Romulo rem aperit. Forteet Num- que educati erdnt, urbis condendæ, Et supererat mul-
ton quum iu custodia Remum haberet, audissetque, titudo Albauorum Latinorumque ad id pastores quoque
gemmos esse fratres, comparando et ætatem eorum, et acccsserant, qui omnes facile spem lacerent, parvam
ipsam minime servilem indolem, tetigerat animum me- Albam, parvum Lavinium præ ca urbe, quæ conderetur,
moria nepotum scisci.audoque co demum pervenit, ut fore. Interveuit demde his cogitationibusavitum malum,
haud procul esset, quin Remum agnosceret. Ita undique regni cupido, atque indefœdem certamen coortum a salis
décider entre eux ils remettent donc aux divi- pâtre du canton nommé Cacus, d'une force re-
nités tutélaires de ces lieux le soin de désiôner, doutable, séduit par la beauté de ces boeufs, ré-
par des augures, celui qui devait donner son nom solut de détourner une si riche proie. Mais, comme
et des lois à la nouvelle ville, et se retirent, Ro- il craignait qu'en les chassant droit devant lui,
mulus sur le mont Palatin, Rémus sur l'Aventin, leurs traces ne conduisissent leur maître à sa ca-
pour y tracer l'enceinte augurale. verne lorsqu'il les chercherait, il choisitseulement
VII. Le premier augure fut, dit-on, pour Ré- les plus beaux, et les saisissant par la queue, il les
mus c'étaient six vautours; il venait de l'annon- traîne à reculonsdans sa demeure. Hercule,s'éveil-
cer, lorsque Romulus en vit le double et chacun lantaux premiers rayons de l'aurore, regarde son
fut salué roi par les siens; les uns tiraient leur troupeau, et s'apercevantqu'il lui en manque une
droit de la priorité, les autres du nombre des oi- partie, il va droit à la caverne voisine, dans l'idée
seaux. Une querelle s'ensuivit, que leur colère fit que les traces y conduiraient.Toutes se dirigeaient
dégénérer en combat sanglant; frappé dans la en sens contraire, aucune n'allait d'un autre côté
mêlée, Rémus tomba mort. Suivant la tradition dans le trouble où l'incertitude jetait ses esprits,
la plus répandue, Rémus, par dérision, avait il s'empresse d'éloigner son troupeau de ces dan-
franchi d'un saut les nouveaux remparts élevés gereux pâturages. Au moment du départ, quel-
par son frère, et Romulus, transporté de fureur, ques génisses marquèrent par des mugissements,
le tua en s'écriant a Ainsi périsse quiconque comme c'est l'ordinaire, leur regret d'abandonner
franchira mes murailles. » Romulus resté seul leurs compagnes; celles que l'antre recélait ré-
maître, la ville nouvelle prit le nom de son fonda- pondirent, et leur voix attira de ce côté l'attention
teur. Le mont Palatin, sur lequel il avait été éle- d'Hercule. Il court à la caverne Cacus s'efforce
vé, fut le premier endroit qu il eut soin de forti- de lui en disputer l'entrée, implorant, mais en
fier. Dans tous les sacrifices qu'il offrit aux dieux, vain, le secours des bergers; il tombe sous la re-
il suivit le rite Albain; pour Hercule seulement, doutable massue. Évandre, venu du l'éloponèso
il suivit le rite Grec tel qu'Évandrel'avait institué. chercher un asile dans ces nouvelles contrées, les
C'est dans cette contrée, dit-on, qu'Hercule, gouvernait bien plus par son ascendant que par
vainqueur de Géryon, amena des bœufs d'une l'effet d'une autorité réelle. Il devait cet ascen-
beauté merveilleuse; après avoir traversé le Tibre dant à la connaissance de l'écriture, merveille
à la nage, chassant son troupeau devant lui, il toute nouvelle pour ces nations ignorantes des
s'arrêta sur les rives du fleuve, dans de gras pâ- arts; et plus encore à la croyance répandue sur sa
turages, pour refaire et reposer ses bœufs; et, mère Carmeola qu'on regardait comme une di-
lui-mvme, fatigué de la route, il se coucha sur vinité, et dont les prédictions, antérieures à l'ar-
l'herbe là, tandis qu'appesanti par le vin et la rivée de la Sibylle en Italie, avaient frappé ces
nourriture, il dormaitd'un profond sommeil, un peuples d'admiration. Attiré par le concours des

miti 1 rincipio. Quoniam gemini essent, nec œtatis vere- quiète et pabulo lato reficeret boves, et ipsum fessum via
cundia discrimen facere posset, ut dii, quorum tutelœ ea procubuisse. Ibi quum eum, cibo vinoqne gravatum, sopor
loca essent, auguriis tegerent, qui nomen novœ urbi da- oppressisset, pastor accola ejus loci, nomine Cacus, ferox
ret, qui conditax) imprio regeret, Palaiium Romulus, viribus, captus pulchritudine boum, quum avertere eam
Remus Aventinmn ad in mgarandum lempla capiunt. prxdam vcllet, quia, si agendo armentum in speluncam
VII. Priori Remo augurium venisse fertur, sex vultu- compulissel, ipsa vestigia quærentemdominum eo deduc-
res jamque, nuntiato augurio, quum duplex numerus tura erant; aversos boves, eximium quemque pulchritu-
llomulo se ostendisset, utrumque regem sua mullitudo dine caudis in speluncam traxit. Hercules, ad primam
consalulaverat: temporeilli præcepto, at hi numero avium, auroram somno excitusquum gregem perlustrasset oculis,
regnnm trahebant. Inde cum altercationecungressi,cer- et partem abesse numéro sensisset, pergit ad proximam
tamine irarum ad cadem vertuntur ibi in turba ictus speluncam, si forte eo vestigia ferrent. Quas ubi omnia fo-
Remus cecidit. Vulgatior fama est, ludibrio fratris Re- ras versa vidit, nec in partem aliam ferre confusus atque
mum novos Iransiluisse muros iode ah irato Romulo, incertus animi, ex loco infesto agere porro armentumoc-
quum verbis quoque increpitans adjecisset,sic deiude, cepit. Inde quum actae boves quædam ad desiderium, ut
quicumque alius transiliet mœnia mea, » interfectum. Ita fit, relictarummugissent, reddita inclusarum ex spelunca
soins potitus imperio Romulus; condita urbs conditoris boum vox Herculem convertit. Quem quum vadentemad
nomine appellala. I'alatium primum, in quo ipse erat speluncam Cacus vi prohibere conatus esset, ictus clava
educatus, niun it sacra diis aliis Albano ritu Græco fidem pastorum neqmcquam invocans, morte occubuit.
H: rculi, ut ab Evandro instituta eraut, facit. Herculem Evander ton ea, profugus ex Peloponneso,auctoritate
in ea lora, Geryone interempto, boves mira specie ab- magis, quam imperio, regehat loca vrnerabilis vir mi-
egisse memorant, ac prope Tiberim Ouvium, qua, prae raculo litlerarum, rei novæ inter rudes artium homines;
ite armentum agens, naudo trajeccrat, loro herbido, ut veterabilior divinitate crcdita Carmentæ matris, quam
pasteurs assemblésen tumulte autour de cet étran- expiation de leur sacrilége. De tous les cultes in-
ger, que leurs cris désignaient comme nu meur- stitués alors par Romulus, ce fut le seul qu'il em-
trier, il apprend en même temps et le crime et la prunta aux étrangers il applaudissait dès lors à
cause qui l'a fait commettre. Puis, frappé de l'air cette apothéose du courage, dont les destins lui
auguste du héros, et de la majesté de sa taille, si préparaient l'honneur.
supérieure à celle des hommes, il lui demande VIII. Les cérémonies religieuses régulièrement
qui il est. A peine a-t-il appris son nom, celui de établies, il réunit en assemblée générale cette
son père et de sa patrie « Fils de Jupiter, Iler- multitude dont la force des lois pouvait seule faire
cule, s'écrie-t-il, je te salue; ma mère, fidèle un corps de nation, et lui dicta les siennes et
interprète des dieux, m'a prédit que tu devais persuadé que le plus sûr moyen de leur imprimer
augmenter le nombre des habitants de l'Olympe, un caractère sacré aux yeux de ces hommes gros-
et qu'en ces lieux s'élèverait en ton honneur un siers, c'était de se grandir lui-même par les
autel destiné à recevoir un jour de la pius puis- marques extérieures du commandement, entre
sanie nation du monde le nom de Très-Grancl, autres signes distinctifs qui relevaient sa dignité,
et dont tu réglerais toi-même le culte. » Hercule il affecta de s'entourer de douze licteurs. On pense
lui tendant la main, répond qu'il accepte le pré- qu'il régla ce nombre sur celui des douze vau-
sage, et que, pour accomplir les destinées, il va touts qui lui avaient présagé l'empire; mais je
dresser un autel et le consacrer. Il choisit alors la partage volontiers le sentiment de ceux qai, re-
plus belle génisse de son troupeau, et le premier trouvant chez les Étrusques, nos voisins, l'idéo
sacifice est offert à Ilercule. Les l'otitiens et les première des appariteurs et de cette espèce d'of-
Pinariens, les deux familles les plus considérables ficiers publics, comme celle des chaises curules
du canton, choisis pour ministres du sacrifice et de la robe prétexte, pensent que c'est dans
prennent place au banquet sacré. Le hasard fit leurs coutumes qu'il faut rechercher aussi l'ori-
que les Pétitions seuls assistèrent au commence- gine de ce nombre. Ils l'avaient adopté parce que
ment du festin, et qu'on leur servit la chair de la les douze peuples qui concouraient à l'élection de
victime elle était consommée à l'arrivée des Pi- leur souverain fournissaient chacun un licteur à
nariens, qui prirent part au reste du banquet son cortège. Cependant la ville s'agrandissait, et
c'est l'origine de l'usage, perpétué jusqu'à l'ex- son enceinte s'élargissait chaque jour, mesurée
tinction de la famille Pinaria, qui lui interdisait plutôt sur ses espérances de population future que
les prémices des victimes. Les Potitiens, instruits sur les besoins de sa population actuelle. Mais
par Évandre, restèrent pendant plusieurs siècles pour donner quelque réalité à cette grandeur,
les ministres de ce culte, jusqu'au moment où, Romulus, fidèle à cette vieille politique des fon-
ayant abandonné à des esclaves ces fonctions hé- dateurs de villes qui publiaient que la terre leur
réditaires dans leur famille, ils périrent tous en avait enfanté des habitants, ouvre un asile dans

fatiloquam, ante Sibyllse in Ilaliam adventum, mirata rum interiit. IIa'c tum sacra Romulus una ex omnibus
hae geutes fuerant. Is tum Evander, concursu pastorum peregrinasusrepit; Jam tnm immorlillitatis ,irtute partæ,
trepidantiumcirca adveuam manifest;e réuni cædis, ex- ad quam eum sua fdta ducebaut, fautor.
citus, postquam facmus facmorisque causam audivit, VIII. Rebusdivinisrite perpelratis, con-
habitum formamquevirialiquantum ampliorem auguslio- cilium multitudine, quæ cualescereiu populi unius cor-
remque hnmana intuens, rogitat, qui vir esset? Ubi no- pus nulla re, prælerquam legibus, poterat, Jura dedit
mon patremque ac patriam accepit Jove nate, Hercu- quæ ita sancta generi homiuum agresti fore ratus, si se
les, salve, inquit; te mihi mater, veridica interpresdeum, ipse veuerabilem iusiguibus imperii fecisset, quum cetero
aucturum coelestium numerum cecinit; tibique aram hic habitu se augustiorem, lum maxime lictoribus duodccmt
dicatum iri, quam opulentissima olim in terris gens sumptis, fecit. Alii ab numero avium, quæ augurio re-
Maximam vocet, tuoque ritu colat. Dextra Hercules data, gnum purtenderant, eum secutum numerum putaut. Me
accipere se omen impleturumque fata, ara condita atque haud pœnitet eorum sententiæ esse, quibus et apparitores
dicata, ait. Ibi tum primum bove eximia capta de grege et hoc genus ab Etruscis linitimis, unde sella curulis,
sacrum Herculi adhibitis ad ministerium dapemque uude toga prætexta sumpta est, numerum quoque ipsum
Potitüs ac Pinariis. quae tum familiæ maxime inclutae ea ductum placct et ita hahuisse Etruscos, quud, ex duo-
loca incolebant, factum. Forte ita eveuit, ut Potitii ad decim populis commumter creato rege, siugulos singuli
tempus præsto essent, iisque exta apponerentur; Pinarii, populi lictores dcderint. Crescebat iuterim urbs, muni-
extis adesis, ad ceteram veuireut dapem. Inde institutum tionibus alia atque alia appetendo loca, quum in spein
maosit, donec Pinarium genus fuit, ne extis sollennium magis futuræ multitudinis quam ad id quod tum homi-
vescerentur. Potitii, ab Evandro edocti, antistites sacri num erat, munirent. Deinde, ne vana urbis magnrtudo
ejus per multas ætates fuerunt donec, tradito servis esset, allicicndtemultitudinis causa, veterp consilio con-
pubhers sollenni famillæ mmiaterio, genusomuePotitio- dentium urbes, qui obscuram atque hunulem concrende
re lieu fermé aujourd hui par une palissade qui se puissancequi s'élevait menaçante au milieu d'eux.
trouve à la descente du Capitole, entre les deux La plupart demandèrent aux députés en les con-
hois. Esclaves ou hommes libres, tous ceux qu'ex- gédiant « Pourquoi ils n'avaient pas ouvert aussi
citent l'amour du changement viennent en foule un asile pour les femmes?Qu'au fond c'était le seul
s'y léfgier. Ce fut le premier appui de notre moyen d'avoir des mariages sortables. » La jeu-
grandeur naissante. Satisfit des forces qu'il avait nesse romaine ressentit cette injure, et tout sem-
conquises, Romulus les soumet à une direction bla dès !ors faire présager la violence. Mais, dans
régulière il institue cent sénateurs, soit que ce la pensée de ménager une circonstance et un lieu
nombre lui parîrt suffisant, soit qu'il n'en trouvât favorables, Romulus dissimule soi) ressentiment et
paî plus qui fussent dignes de cet honneur. Ce qui prépare, en l'honneur de Neptune Équestre, des
est cerlain, c'est qu'on les nomma Pères, et ce jeux solennels, sous le nom de Consuales. Il fait
nom devint leur titre d'honneur; leurs descendants annoncer ce spectacle dans les·antons voisins, et
reçurent celui de Patriciens. toute la pompe que comportaient l'état des arts
IX. Déjà Rome était assez puissante pour ne et la puissance romaine se déploie dans les prépa-
redouter aucune des cités voisines; mais elle man- ratifs de la fête, afin de lui donner de l'éclat et
quait de femmes, et une génération devait em- d'éveiller la curiosité. Les spectateurs y accourent
porter avec elle toute cette grandeur sans espoir en foule, attirés aussi par le désir de voir la nou-
de postérité au sein de la ville, les Romainsétaient velle ville, surtout les peuples les plus voisins
aussi sans alliances avec leurs voisins. C'est alors les Cénmiens, les Crustuminiens, les Antemnates.
que, d'après l'avis du sénat, Romulus leur en- La nation entière des Sabins vint aussi avec les
voya des députés, avec mission de leur offrir l'al- femmes et les enfants. L'hospitalité leur ouvrit
liance du nouveau peuple par le sang et par les les demeures des Romains, et à la vue de la ville,
traités. « Les villes, disaient-ils comme toutes de son heureuse situation, de ses remparts, du
les choses d'ici-bas, sont chétives à leur naissance; grand nombre de maisons qu'elle renfermait, déjà
mais ensuite, si leur courage et les dieux leur ils s'émerveillaient de son rapide accroissement.
viennent en aide, elles se font une grande puis- Arrive le jour de la célébration des jeux. Comme
sance et un grand nom. Vous ne l'ignorez pas, les ils captivaient les yeux et les esprits, le projet
dieux ont présidé à la naissance de Rome, et la concerté s'exécute au si;;nal donné, la jeunesse
valeur romaine ne fera pas défaut à cette céleste romaine s'élance de toutes parts pour enlever les
origine; vous ne devez donc pas dédaigner de mê- jeunes filles. Le plus grand nombre devient la
ler avec des hommes comme eux votre sang et l'foie du premier ravisseur. Quelques unes des
votre race. » Nulle part la députation ne fut bien plus belles, réservées aux principaux sénateurs,
accueillie, tant ces peuples méprisaient et redou- étaient portées dans leurs maisons par des plé-
taient à la fois pour eux et leurs descendants cette béiens chargés de ce soin. Une entre autres, bien

ait se mnltitndinem, natam e terra sibi prolem ementie- adeo simul spernebant, simul tantam in medio crescen-
bantur; locum, qui nunc sæptus descendentibus inter tem mnlem sibi ac posteris suis meluebant. A plerisque ro-
duos lucos est. as) lum aperit. Eo ex finitimis populis gilaulibus dimissi, « Ecquod femims quoque asylum ape-
turba omnis sine discrimine, liber an servus esset, avida ruissent ? id enim demum compar connubium fore. » Ægre
novarum rerum perfugit idque printmn ad cœplam id Romana pubes passa, et haud dubie ad vim spectare
magmtudinem roboris fuit. Quum jam virium haud pœ- res cœpit. Cui temp is lucumque aptum ut daret Romu-
niteret, consil um deinde viribus p;irat. Centum créât lus, ægritudinem animi dissimulaus, ludos ex industria
senatores sive quia is numerus satis erat; sive quia soli parat, Neptuno Equestri sotlennes Consualia vocat.
centum erant, qui creari patres possent. Patrcs certe ab Indici deinde finitimis spectaculum jubet quautoque ap-
honore, Fatricüque progenies eorum appeilati. paratu tum sciebant, autpoterant, concélébrant;ut rem
IX. Jam res Romain adeo erat valida, ut cuilibet fini- claram exspectatamque fdeerent. lllulti morta'es conve-
timarum civitatum bello par esset; sed, penuria mulie- nere, studio etiam videndæ novæ urbis; maxime proximi
rum, hominis a-tatem duratura magnitude erat; qu'ppe yui lue, Caumenses, Crustumini, Antemnates. Jam Sa-
qui! us nec dumi spes prvrlis, nec cum finitirnis connubia binorum omuis multitudo, cum li beris ac con ugibus,
essent. Tum ex consilia Patrnm Romulns legatos circa venit. Invitati hospitaliter per domos, quum situm mœ-
vicinas gentes misit, qui societaternconnubiutnque novo niaque et fréquentent tectis urbem vidi,sent, mirantur,
polrulo peterent.. Urh s quoque, ut cetera, ex intime tam breti rem Romanam crépisse. Ubi speclaclllitempus
nasci deinde, quas sua virtus ac dtiluvent, magnas opes venit, deditæque eo mentes cum oculis erant, mm ex
s bi magnumque nomcu facere. Satis scire, origioi Ro- composito orta vis signoque dato juventus Iiomana ad
mauœ et deos affuisse et non defuturam virtutem. Pro- rap endas virgiues discurrit. Magna pars forte, ut in
inde ne gravarentur homines cum horninilms sanguinem quem quæque incidcrat, raptæ; quasdam forma excei-
et genus miscere. » Nus puam benigne legatio atidila est; lente, primoribusPatrum destinatas, ex plebe homines,
supérieure à ses compagnes par sa taille et sa X. Elles avaient déjà oublié leur ressentiment
beauté, était, dit-on, entraînée par la troupe lorsque leurs parents, plus irrités que jamais, et
d'un sénateur nommé Talassius; comme on ne les habits souillés en signe de deuil, soulevaient les
cessait de leur demanderà qui ils la conduisaient, cités par leurs plaintes et leurs larmes. Leur dés-
pour la préserver de loute insulte ils criaient en espoir ne se renfermait pas dans les murs de leurs
marchant: à Talassius. C'est là l'origine de ce villes; ils se rassemblaient de toutes parts auprès
mot consacré dans la cérémonie des noces. La ter- de Titus Tatius, roi des Sabins. Le nom de ce
leur jette le trouble dans la fête, les parents des prince, objet de la plus haute considération dans
jeunes filles s'enfuient frappés de douleur; et, se ces contrées, attirait autour de lui leurs envoyés,
récriant contre cette violation des droits de l'hos- tes Cuniniens, les Crustuminiens et les Antemna-
pilalité, invoquent le dieu dont le nom, en les tes étaient au nombre des peuples qu'avait frap-
attirant à la solennité de ces jeux, a couvert un pés cet outrage. Tatius et ses Sabins leur parurent
perfide et sacrilège guet-apens. Les victimes du trop lents à prendre un parti. Ces trois peuples se
rapt partaient ce déscepooir et cette indignation liguent pour une guerre commune. Mais les Crus-
mais Romulus lui-même, les visitant l'une après tutniniens et les Antemnales étaient encore trop
l'aulre, leur représente « que celle violence ne lents à se lever au gré des Céuiniens et de leur
doit être imputée qu'à l'orgueil de leurs pères, et impatiente vengeance; seuis avec leurs propres
à leur refus de s'allier, par de, mariages à un forcer, ceux-ci envahissent le territoire romain.
peuple voisin que cependant c'est à titre d'épou- Mais, tandis qu'ils pillaient en désordrr, Romu-
ses qu'elles vont partager avec les Romains leur lus vient à leur rencontre avec son armée. La fa-
fortune, leur pairie, et s'unir à eux par le plus cile victoire qu'il remporte leur apprend que la
doux nœud qui puisse attacher les mortels en de- colère sans la force est toujours impuissante, il
venant mères. Ettes doivent donc adoucir leur enfonce leurs rangs, les disperse, les poursuit
ressentiments et donner leurs cœurs à ceux que dans leur déroute, tue de sa main leur roi, et
le sort a rendus maîtres de leurs personnes. Son- se pare de sa dépouille. La mort du chef ennemi
vent le sentiment de l'injure fait place à de ten- lui livre la ville. Au retour de son armée victo-
dres affections. Les gages de leur bonheur domes- rieuse, Itomulus, qui au génie des grandes choses
tique sont d'autant plus assurés, que leurs époux, alliait l'habileté qui les fait valoir, suspend à un
non contents de satisfaire aux devoirs qu'impose trophée disposé à cet effet les dépouillcs du roi
ce titre, s'eflorceront encore de remplacer auprès mort, et monte au Capitule. La il les dépose au
d'elles la famille et la patrie qu'elles regrettent. » pied d'un chêne consacré par la vénération des
A ces paroles se joignaient les caresses des ravis- pasteurs, en fait hommage à Jupiter, et trace l'en-
seurs, qui rejetaient la violence de leur action sur ceinte d'un temple qu'il dédie à ce dieu sous un
celle de leur amour, excuse loute-puissaute sur nouveau surnom « Jupiter Férétrien, s'écrie-
l'esprit des femmes. t-il, c'est à toi qu'un roi vainqueuroffre ces armes

quiluis datum negotium erat, domos deferebant.Unam, X. Jam admodum miligali animi raptis erant: at rap-
longe ante ahas specie ac pulchritudille inslgnem, a globo tarum parentes tum maxime sordida veste laciymisque
TalasMi cujusdam raptam forunt; multisque scrscitanti- et querelis cititates concitabant. Ncc domi tantuin indig-
bns, cubam eam terrent, identidem, ne quis violaret, natinnes continebant, sed congregahantur undiqne ad
Talassio » fcrri clamitatum:indeuuptialem hancvocem Titum Tatium, regem Sabinorum et legationes eo,
factam. Turhalo per metum ludiero, mœsti parentes vir- quod maxinwm Tatii noinen in bis regionibus erat con-
gm um profugunt, incusantes violati hospitii fœdus, tenifbant. Cæninenses Crustumiuique et Antemnales
denm lue mvocantes, cujus ad solleune ludosque, per las erant, ad quos ejus injuria; pars perlinebat. Lente agero
ac fidem deeepti, venissent. Nec raptis nul spes de se iis Tatius Sabinique visi sunt. Ipsi inler se tres populi
mehor, aut indignatio est minor sed ipse liomulus cir- communiter bellum parant. Pie Crustumini quidem alque
cumbat, docebatque « patrum id superlna fdctum, qui Antomnates, pro ardureiraque Caeninensium satis se im-
connubium finitumis negassent illas famen in matrimo- pigre movent ita per se ipsum nomen Cteninum inagrum
mo, in socielate fortunarum omuium civitalisque, et, Romanum impetum facit. Sed efluse vastintibus fit ob-
quii mhil carius humano geueri sit, tiherum fore. hlolli- vius cum exercitu Romulus, levique certamine docet,
rent modo iras, et, quibus fors corpora dedisset, darent vanam sine viribus tram esse exercitum fundit fugalque;
ammes. Sæpe ex injuria postmndum gratiam ortam eo- fusum persequitur; regem in pralio obtruncat et spoliat;
que meli ribus usuias viris, quod annisurus pro se quisque duce hostium occiso, urbem prirno impetu capit. Inde
sit, ut, quum suam vicem tunctus ollicio sit, parentum exercitu victore reducto, ipse quum factis vir magnifi-
eli III patriæque expleat desiderium.» Accedebant blandi- cus, tum factoruiu ostentalor haud minor, spolia ducis
t ie viroruni, factum purgantium cupiditate atque amore; hostium cæsi suspensa fabricato ad id apte ferculo gerens,
quæ maxime ad mubebre ingemum efficaces preces sunt. in Capitolium ascendit ibique ea quum ad que. eum
d'un roi, et qu'il consacre le temple dont sa pen- tandis que de fréquentes émigrations, de la part
sée vient de mesurer l'enceinte. Làseront déposées surtout des familles appartenant aux femmes en-
les dépouilles opimes que mes descendants.vain- levées, venaient de ces lieux mêmes grossir la po-
queurs à mon exemple, arracheront avec la vie pulation romaine. La dernière guerre fut celle des
aux rois et aux chers ennemis. Telle est l'origine Sabins ce fut aussi la plus sérieuse car ce peu-
de ce temple, le premier dont Rome ait vu la ple agit sans précipitation ni colère; ses menaces
consécration. Dans la suite, les dieux ont voulu ra- ne précédèrentpoint l'agression; mais sa pru-
tifier la prédiction des fondateurs du temple, eu dence ne rejeta point les conseils de la ruse. Spu-
appelant ses descendants à l'imiter, sans permet- rius Tarpéius commandait dans la citadelle de
tre toutefois qu'elle s'étendit trop, de peur de s'a- Home. Sa fille, gagnée par l'or de Tatius, promet
vilir. Dans un si grand nombre d'années remplies de livrer la citadelle aux Sabins. Elle en était
par tant de guerres, on ne remporta que deux fois sortie par hasard, allant puiser de l'eau pour
les dépouilles opimes, tant la fortune fut avare les sacrifices. A peine introduits, les Sabins l'é-
de cet honneur. crasent sous leurs armes, et la tuent, soit pour
XI. Tandis que les Romains sont à ces solen- faire croire que la force seule les avait rendus maî-
nités religieuses, les Antemnates saisissent l'occa- tres de ce poste, soit pour prouver que nul n est
sion, et envahissent leurs frontières abandonnées. tenu à la fidélité envers un traître. On ajoute que
Une légion romaine s'y porte aussitôt, et surprend les Sabins, qui portaient au bras gauche des bras-
l'enncmi dispersé dans la campagne. A la pre- selets d'or d'un poids considérable et des anneaux
mière attaque, au premier cri de guerre, les An- enrichis de pierres précieuses, étaient convenus
leumatessunt mis en fuite, leur ville prise. Alors de donner, pour prix de la trahison, les objets
Hersilie, femme de Itomulus, obsédée par Icssup- qu'ils avaient à la main gauche. De là, ces bou-
plications de ses compagnes enlevées, profite de cliers qui au lieu d'anneaux d'or, payèrent la
l'enivrementd'une double victoire pour supplier jeune fille, et qui l'ensevelirent sous leur masse.
le vainqueur de faire grâce à leurs parents et de Selon d'autres, en demandantaux Sabins lesorne-
les recevoir dans la ville naissante c'est le moyen, ments de leurs mains gauches, Tarpéia entendait
suivant elle, d'en accroître la puissance par la effectivement parler de leurs armes; mais les Sa-
concorde. Elle l'obtient sans peine. 11 marche en- bins, soupçonnant un piège, l'écrasèrent sous le
suiie contre les Crustuminiens qui venaient l'at- prix même de sa trahison.
taquer; mais ceux-ci, déjà découragés par les XII. Quoi qu'il en soit, ils étaient mattres de
revers de leurs alliés, font encore moins de ré- la citadelle. Le lendemain, l'armée romaine, ran-
sistance. On envoya des colonies chez les uns et gée en bataille, couvrait de ses lignes l'espace
chez les autres. Il se présenta plus de monde pour compris entre le mont Palatin et le mont Capito-
Crustuminum, à cause de la fertilité du pays; lin. Les Sabins n'étaient point encore descendus à

pastoribus sacram deposuisset,simul cum dono designa- ceciderant animi, certaminis fuit. Uroque coloniæ mis-
vit tempto Jovis fines, cognomenque addidit deo: 'Jupiter sæ. Plures inventi qui propter ubertatemterrœ in Crus-
Feretri, inquit, htec tibi victor Romulus rez regia arma tumiuum nomiua darent et Romam inde freyuenter mt-
fero, templumque iis regionibus, quas modo auimo me- gratumest, a parenlibusmaxime ac propinquis raptarum.
talus sum, dedico, sedem opima spoliis, quæ, regibus Novissimumab Sabinis bellum ortum multoque id maxi-
ducibusque hoslium carsis, me auctorem sequentes, pos- mum fuit. Nihil enim per iram aut cupiditatem actunt
teri ferent.. Ilaec templi est origo, quod primnm omnium est nec ostenderunt bellum prius, quam intuterunt.
Romæ sacratum est. Ita deinde diis visum, nec irritam Consilio etiam additus dolus. Sp. Tarpeins Romanae præ-
conditoris templi vocem esse, qua laturos ea spolia pos- erat arci. llujus filiam virgmem auro corrumpit Tatius,
térus nuncupavit; nec multitudine compotum ejus doui ut arniatos in arcem accipiat. Aquam forte ea tum sacris
vulgari laudem. Bina postea inter tot annos, tot bella, extra mœnia petitum ierat. Accepii obrutam armis ne-
opima parta sunt spolia adeo rara ejus forluna decorisfuit cavere sru ut vi capta potius arx videretur,seu prodendi
XI. Dum ea ibi Romani gerunt, Antemuatmm exerci- exempt causa, ne quid usquam fidnm proditori esset.
tus per occasionem ac solitudillem hostiliter in fines Ro- Additur fabulæ, quod vulgo Sabini aureas armillas magni
manos incursiouem facit. llaptim et ad hos liomaua legio ponderis brachio lævo, gpmmatosque magna specie an-
ducta palatos in agris oppressit. Fusi igitur primo impetu nulos habuerint, pepigisse eam, quod in sinistris mani-
et clamore hostes; oppidum captum duplicique Victoria bus habereut co scuta un pro aureis donis congesta. Sunt
ovautem Romulum Hersilia conjux, precibus raptarum qui cam ex pacto tradendi, quod in sinistris mambus
faligata, orat, ut parenlibus earum det veniam, et in ci- esset, directo arma petisse dicant et fraude visam agere,
vitatem accipiat ita rem coalescere concordia posse. Fa- sua ipsam peremptammercede.
cileimpetratum.Inde contra Crustuminos prol'ectus, bel- XII. Tenuere lamen arcem Sabini alque inde postero
lum inferentes. Ibi nuuus etiam, quod alienis cladibus die, quum romanus exercitus instructus, quod inter l'a-
sa rencontre, que, déjà transportée par la colère ces lâches ennemis; ils savent cnfin qu'autre chose
et le désir de reprendre la place, elle s'élance sur est d'enlever de jeunes filles, autre chose de com-
la hauteur. De part et d'autre les chefs animent battrc des hommes. » A cette orgueilleuse apostro-
les combattants; c'était Mettus Cursius du côté plie, Romulus fond sur Mettius avec une troupe
des Sabins; du côté des Romains, Hostus Hostilius. de jeunes gens des plus braves. Meltius alors com-
Crlui-ci, placé au premier rang et malgré le dés- battait à cheval; il devenait plus facile de le re-
avantage de la position, soutenait les siens de son pousser. On le poursuit, et le reste de l'armée
audace et de son courage; mais à peine fut-il Romainc, enflammé par l'audace de son roi, en-
tombé que l'armée romaine plie tout à coup, et fonce les Sabins à leur lour. Mettius, dont le che-
est refoulée jusqu'à la vieille porte l'alaline. En- val est épouvanté par le tumulte de la poursuite,
traîné lui-même par la multitude des fuyards, est jeté dans un marais. Le danger qui environne
Romulus élève ses armes vers le ciel « Jupiter, un personnage aussi important attire l'attention
s'écrie-l-il, c'est pour obéir à tes ordres, c'est des Sabins. Les uns le rassurent et l'appellent,
sous les auspices sacrés qu'ici, sur le mont Pala- les autres l'encouragent, et Mettius parvient en-
lin, j'ai jeté les fondementsde cette ville. Déjà la fin à s'échapper. Le combat recommenceau milieu
citadelle, achetée par un crime, est au pouvoir du vallon mais là encore l'avantage demeure aux
des ennemis; eux-mêmes ont franchi le milieu du Humains.
vallon, et ils avancent jusqu'ici. Mais loi, père XIII. Alors, les mêmes Sabmes, dont l'enlè-
des dieux et des hommes, repousse-les du moins vement avait allumé la guerre, surmontent, dans
de ces lieur rends le courage aux Romains, et leur désespoir, la timidité naturelle à leur sexe,
suspends leur fuite honteuse. Ici même je le voue,se jettent intrépidement, les cheveux épars et tes
sous le nom de Jupiler Stator, un temple, élernel vêtements en désordre, entre les deux armées et
monumentdu salut de Rome préservée paria pro- au travers d'une grêle de traits elles arrêtent les
tectionpuissante. » Il dit; et, comme s'il eût seuti
hostilités, enchaînent la fureur, et s'adressant
sa prière exaucée « Romains, poursuit-il, Jupiter tantôt à leurs pères, tantôt à leurs époux, elles
très-bon et très-grand ordonne que vous vous les conjurent de ne point se souiller du sang, sa-
arrêtiez et que vous retourniez au combat. » Ils cré pour eux d'un beau-père ou d'un gendre, de
s'arrêtent en effet, comme s'ils obéissaient à la ne point imprimer Ics stigmates du parricide au
voix du ciel. Romulus wle aux premiers rangs. front des enfants qu'elles ont déjà conçus, de leuis
Menus Curlius à la tète des Sabins, était des- fils à eux et de leurs pelils-fils. a Si cette parenté,
cendu de la citadelle, et avait poursuivi les Ro- dont nous sommes les liens, si nos mariages vous
mains en déroule dans toute la longueurdu Fo- sont odieux tournez contre nous votre colère
rum. Il approchait déjà de la porte du Palatium nous la source de celte guerre, nous la cause des
et criait « Ils sont vaincus, ces hôtes perfides, blessures et du massacre de nos époux et de nos

latinum Capitolinumque collem campi est, complesset, spatium est. Nec procul jam a porta Palatii erat, clami-
non prius descenderunt in æquum, quam, ira et cupidi- tans:.Vicimus perfidos hospites, imbelles hostes. Jam
talc recuperandæ areis stimulante animos, in adversum sciunt, longe aliud esse virgines rapere, aliud puguare
Romaui subiere. Principes utrimque pugnam eiebaut; ab cumviris.. In eum,haec gloriantem, cum globo ferocisti-
Sabins Mettus Curtius, ab Romanis Hostus Uostihus. Ibc morum juvenum Romulus impetum facit. Ex equo tum
rem Romanam iuiquo loco ad prima signa an mo atque forte Mettus pugnabat eo pelli facilius fuit pulsum Ro-
audacia sustinebat. Ut Hostus cecidit, confestim romana mani perseqlluntur. Et alia romana acies, audacia regis
incliuatur acies; fusaque est ad veterem portam l'alatü. acceusa, funditSabinos. Mettus in paludem sese strepitu
Romulus,etipse turba fugientium actus, arma ad cœlum sequentium trépidante equo, conjecit;adverteratque ea reg
tollcns, Jupiter, tuis, inquit, jussus avibus hic in Palatio etiam Sabinos tanti periculo viri. Et ille quidem, annuenti-
prima urbi fundamenta jeci. Arcem jam, sectere emptam, bus ac vocantibus suis, favore multorum addito animo
Sabini habent; inde hue armati, superata media voile, evadit. Romani Sabiniquein media convallcduorummon-
tendunt. At tu, patcr deum homiuumque, hiuc saltem tium redimegrantprælium sed res romana erat superior.
arce hostes deme terrorem Romanis, lugamque fœdam XIII. Tum Sabinæ mulieres,quarum ex injuria bcllum
siste. Hic ego tibi templum Statori Jovi, quod monumen- ortum erat, cri ni bus passis scissaque veste, victo inalis
tum sit posteris, tua præsenti ope servatam urbem esse, muliebri pavore, ausae se inter tfla volantia inferre, ex
voveo. » Hæc precatus, veluti si sensisset auditas preces, transverso impetu facto, dirimere infestas acies,dirimere
Hinc, inquit, Romani, Jupiter optimus maximus rens- iras; hinc patres, bine viros orantes, ne se sanguine ne-
tere atque iterare pugnam juhet.' Restitere Romani, tan- fando soceri generique respergerent ne parricidio ma-
quam coelesti voce jussi ipse ad primores Romulus pro- cularent parlus suos, nepotum illi, liberum hi proge-
vulat. blettus Curtius ab Sabinis princeps ab arce decu. niem.« Si affinitatisinter vos, si counubii piget, in nos ver-
currerat, et effusos egerat Komauos, toto quantum foro tite iras nos causa belli, nos vulnerum ac cædium viris
hères, nous aimons mieux périr que de vivre sans gens. Mais le crédit et les sollicitations des agres-
vous, veuves ou orphelines. n Tous ces hommes, seurs eurent plus de succès auprès de Tatius;
chefs et soldats, sont émus; ils s'apaisent tout à aussi leur châtiment retomba-t-il sur sa tête. Il
coup et gardent le silence. Les chefs s avancent était venu à Lavinium pour la célébration d'un
pour conclure un traité, et la paix n'est pas seu- sacrifice solennel; il y fut tué au milieu d'un sou-
lement résolue, mais aussi la fusion des deux états lèvement. Romntus ne montra pas, dit-on, dans
en un seul. Les deux rois se partagent l'empire, cette circonstance, toute la douleur convenable,
dnnt le siège est établi à Itome. Ainsi, la puissance soit qu'il n'eût partagé le trône qu'avec regret,
de Rome est doublée. Mais, pour qu'il soit accordé soit que le meurtre de Tatius lui parût juste. Il
quelque faveur aux Sabins, les Romains prennent, ne prit pas même les armes seulement comme
de la ville de Cures, le surnom de Quiriles. En l'outrage reçu par les députés voulait être expié,
iiiémoire de ce combat, le marais dans lequel Home et Lavinium renouvelèrentleur traité. Mais
Curtius faillit d'être englouti avec son cheval fut cette paix inspira peu de confiance. Un autre orage
appelé le lac Curlius. Une paix si heureuse, suc- plus menaçant éclatait presqueauxportesde Rome.
cédant tout à coup à une guerre si déplorable, Le voisinage de cette ville, dont la puissance gran-
rendit les Sabincs plus chères à leurs maris, à dissait chaque jour, inquiétait les Fidenates: sans
leurs pères, et surtout à Romulus. Aussi, lors- attendre qu'elle réalise tout ce que semble lui pro-
qu'il partagera le peuple en trente curies, il les mettre l'avenir, ils commencent à lui faire la
désigna par le nom de ces femmes. Leur nombre guerre, Ils arment leur jeunesse, la mettent en
surpassait sans doute le nombre des curies; mais campagne et dévastent le territoire qui est entre
la tradition ne nous a poiut appris si leur âge, Rome et Fidènes. De là, ils tournent vers la gau-
leur raug, celui de leurs maris, ou le sort enfin che. parce que, sur la droite, le Tibre leur op-
décidèrent de l'application de ces noms. A la même posait un obstacle et sèment devant eux la ter-
époque, on créa trois centuries de chevaliers, reur et la désolation. Les habitants des campagnes
appelées, la première, Ramnenses, de Romulus; fuient en tumulte, et kur reliaite précipitée dans
la seconde, Titienses, de Titus Tatius. On ignore Rome y porte la première nouvelle de l'invasion.
l'étymologie de Lucères, nom de la troisième L'imminence du péril n'admettait pas de retard.
Depuis ce temps, non-seulement la souveraineté Romulus alarmé fait sortir son armée, et vient
fut commune aux deux rois mais elle fut aussi camper à un mille de Fidènes. Là, il laisse une
exercée par l'un et l'autre dans une parfaite har- garde peu nombreuse, et se remet en marche avec
monie. toutes ses forces. Il en met une partie en embus-
XIV. Quelques années après, des parents du cade dans des lieux couverts de broussailles, et
roi 'l'alius ayant mallraité les députés des Lauren- marche ensuite avec la plus grande partie de son
lins, ce peuple réclama, au nom du droit des infanterie et toute sa cavalerie. Ce mouvement

ac parcntibus sumus. llielius peribimus, quam sine alteris Laurentiam puisant; quumque Laurentes jure gentium
vestrum viduæ aut orbæ vivemus. Movet res tum multi- agerent, apud Tatium gralia suorum et preces plus pote-
tudmem, tum duces. Sileutium et repentma fit quies. raut. Igitur illorum pœuam in se vertit nain Laviuü
Inde ad fœdus faciendum duces prodcunt nec pacem quum ad sollenne sacrificium eo venisset,coucursu ficto,
modo, sed et civitatem unam ex duabus faciunt rognum interficitur. Eam rem minus ægre, quam dignum erat,
consociaut imperium omne conferunt Romam. Ita pe- tulisse Romulum ferunt seu oh infidam societatem regni,
minata urbe ut Sabinis tamen aliquid daretur, Quintes seu quia haud injuria cæsum credebat. Itaque bello qni-
a Curibus appellati. Monumeutum ejus puguæ, ubi pri- dem abstinmt ut tamen expiarentur legatorum injuriæ
mum ex profunda emersus palude equui Curtium in vado regisque caedes, fœdus inter R mam Laviniumque urbes
statuit, Curtium lacum appellarunt. Ex bello tam tristi rcuovatum est. Et cum his quidem iuspcrata pax crat
læta repente pax cariores Sabinas viris ne parentibus, et aliud multo propms, atque in ipsis prupe portis bellum
aute omues Romulo ipsi, fecit. Itaque, quum populum ortum. Fidenates, nimis vicinas prope se couvalesce,'e
in curias triginta divideret, nomina carum euriis impo- opes rati, priusquam tantum rohoris es·et, qusntum lu-
suit. Id non traditeur, quum haud dubte aliquanto nume- turum apparebat, occupant bellum facere. Juventute ar-
rus major hoc mulieram fuerit, ætate, an dignititibus mata immissa, vastatur ag i, quod in er urbem ac Fide-
suis virorumve, an sorte lectæ sint, quæ nomiua curiis nas est. Inde ad lævam versi, quia dextra Tiberis arcebat,
darent. Eodem tempore et centuria; tres eyuitum con- cum maf,na trepidaiiunc grestium populantur tumul-
seriptæ sunt, Ramnenses ab Romulo, ab Tito Tatio Tr- tusque repens, ex agris iu in bem illatus, pro nuntio fuit.
tienses appellaii. Lucerum nominis et originis causa in- Exeitus Romulus ( ne que emm (1-1 itionem pati tam ei-
ceita est. tnde mon moco commune, sed ce icors mam, num bellum p terat) exerci um ed ic t: c stra a Fid cu s
regnum duobus regibus fuit. pi ll > pas uum locat. IL' m )di ·o præsidio relic o, ogre
XIV. Post jl quot annos p or'nqui reg's T.tii legatos sus i' ml us c p s, p st tem mi u n l c's cnca d nsa cb-
opéré avec une apparence de bravade et de dés- menacer tous les voisins. Ils se répandent donc
ordre, et les incursions de la cavalerie jusque sur ses frontières, hlntôt pour s'y livrer au pil-
sous les portes de la ville, attirent les ennemis lage, que pour y faire une guerre en règle. C'est
c'était là ce que voulait Romulus. Des charges de pourquoi ils ne se fixent nulle part, ils n'atten-
cavalerie rendirent aussi plus naturelle la fuite que dent pas l'armée romaine. Chargés de butin, ils
ses soldats devaient simoler. En effet, tandis que reviennent à Véïes. Les Romains, trouvant la cam-
les cavaliers exécutent leurs manœuvres, et qu'ils pagne libre, se disposent néanmoins à provoquer
semhlent hésiter entre le désir de fuir et l'hon- un engagement décisif; ils pissent le Tibre, et
neur de combattre, l'infanterie lâche pied ans- plantent leur camp. A la nouvelle de leurs pr(;pa-
sitôt les Fidénates ouvrent les portes de la ville; ralifs et de leur marche sur la ville, les Véïens
ils affluent dans la plaine, se jettent en masse sur sortent et s'avancent à la rencontre de l'ennemi.
l'armée romaine, la chassent devant eux et en- Il leur semblait plus convenable de vider la que-
traînés par l'ardeur d'une poursuite acharnée, relie dans une bataille, que de se retrancher der-
s'engagent dans l'embuscade. Mais les soldats ro- rière des murs, et d'y combattre pour leurs foyers.
mains qui l'occupent se montrent tout à coup, Dans celte circonstance, Romulus., dédaignant la
fondent sur eux et les prennent en flanc ceux-ci ruse, vainquit avec l'aide seule do ses troupes
s'épouvantent, et la réserve du camp, qui s'é- déjà vif illies au métier de la guerre. Il poursui-
branle à son tour, accroît encore leur frayeur. vit les Veïens battus jusque sous leurs remparts,
L'effroi, qui les frappe de toutes parts, laisse à et n'essaya pas d'assiéger leur ville, doublement
peine à Romulus et à sa cavalerie le temps de faire forte par ses muraillcset par sa position. Il re\int
voile face ils prennent la fuite et, comme cette sur ses pas, et ravagea le pays, plutôt pour user
fuite est réelle, ils regagnent la ville avec plus de de représailles que par amour du bulin. Ces dé-
désordre et de précipitation qu'ils n'en avaient vastations, jointes à la perle de la bataille, ache-
mis à poursuivre ceux qui ne fuyaient que par ar- vèrent la ruine des Véïens. Ils envoient desdépu-
tifice mais ils n'échappent pas davantage à l'en- lés à Rome, et proposent la paix une trêve de
nemi. Les Romains les poussent l'épée dans les cent ans leur est accordée, mais au prix d'une par-
reins, et, avant qu'on ait eu le temps de refer- tie de leur territoire. Tels sont à peu près les
mer les portes, vainqueurs et vaincus entrent en- événements militaires et politiques du règne de
semble, comme si ce n'était qu'une seule armée. Romulus. Ils s'accordent assez avec l'opinion de
XV. Des Fidenates, le feu de la guerre se com- la divinité de l'origine de ce roi et ce qu'on a
munique aux Véïens, lesquels, descendant comme écrit touchant les circonstances miraculeuses qui
eux des Étrusques, étaient liés à leur cause par la suivirent sa mort. Rien ne dément cette opiniou
communauté d'origine, et par l'irritation de leur surtout si l'on considère le courage que déploya
défaile; outre qu'ils songeaient avec crainte à la Romulus dans 10 rétablissement de son aïeul sur
proximité d'une ville dont les armes devaient le trône, son projet gigantesque de bâtir une ville,

bila virgulta obscuris subsidere in insidiis jussit; cum fuerunt), et quod ipsn propinquitas loci si romana arma
parte majore atque omni equitatu profectus, id quod quæ- omnibus infesta finitimis essent, stimulabat. In fiuos Ro-
rebat, tumultuoso et minaci génère pugna', adeqmtando manos excnrurrerunt, populabundi magis, quam justi
ipsis prope portis, hostem excivit. Fugæ quoque, quoe more belli. Itaque non castris positis, non exspectatohos-
simulanda erat, eadem equebtris pugna causam minus tium exercitu, raptam ex agris prædam portantes, \eios
mirabilem dedit et quum, velut inter pugnæ fuga'que rediere Romanus contra postquam hostem in agi is nou
consilium trépidante equitatu, pedesquoquereferret gra- invenit, dimicationi ultimæ instructusintentusque, Tibe-
dum, plenis repente portiseffusihostes, impulsa romana rim transit. Quem p )stquam castra ponere et ad urbem
acie, studio instandi sequendique trahuntur ad locum in- accessurum Veientes audivere obviam egressi, utpolius
sidiarum. Inde subito exorti Romani transversam inva- arie decernerent, quam inclusi de tectis mœmbusque di-
dunt hostium aciem. Aildunt pavorem mota e castris signa micarent. Ibi, viribus nulla arte adjutis, tantum veterani
eorum, qui in præsidio rclicti fuerant. lia multiplui robore exercitus rex romanus vicit persccutusque fusos
terrore percusi F idenatcs, prius pæne qu un Romulus, ad mœnia hostes, m be valida muris ac situ ipso munita
quique cum co equis ierant, circumagerent frenis equos, abstinuit agros rediens vastat, uleiscends magis, quam
terga vertunt multoque efmsius (quippe vera fuga) qui prædæ, studio. Eaque clade, haud minus quam adversa
simulantes paullo ante setuti crant, oppidum rep etebant. pugna, subacti Veientes p cem pe titum oratores Romam
Iron tamen n'tpuere se hosU bærens iu terga Romanus, mittunt. Agri perte mu ta,is iu centum annos in futræ
1
rius quam fores porlarum obj'cerentur, velut agm ne datæ. Hær feime, Romulo resmante, domi militiæque
uno irrumpit. gesta quorum nihi! absonum fidei divin,p oriei iN divi-
i
XV. Kelli Fidenitis conlar jonc in- tati Veientium ani- nitatisque post mort m credita ft; n Il i' lu in re no
d
roi, et ce n ai gu nl te (I.I)P t t s o to P e lud avito rcci, cian lo, n n oi de ndæ ur s con um. Lo n
et son habileté à la rendre forte, par le parti qu'il Romulus de leurs propres mains; le bruit même
savait tirer, soit de la paix, soit de la guerre. s'en répandit, mais n'acquit jamais beaucoup de
Cette force, qu'elle recevait de son fondateur, consistance. Cependant l'admiration qu'il inspi-
Rome en usa si bien, que, depuis ces premiers rait, et la terreur du moment, ont consacré le
progrès, sa tranquillité, pendant quarante ans merveilleux de la première tradition. Ou ajoute
ne fut jamais troublée. Romulus fut cependant que la révélation d'un citoyen vint fortifier encore
plus cher au peuple qu'au sénat mais il était sur- cette croyance. Tandis que Rome inquiète déplo-
tout aimé des soldats. il en avait choisi trois cents, rait la mort de son roi et laissait percer sa haine
qu'il appelait Célères, pour garder sa personne, contre les sénateurs, Proculus Junius, autorité
et il les conserva toujours, non-seulementdurant grave, dit-on même à propos d'un fait aussi ex-
la guerre, mais encore pendant la paix. traordinaire, s'avança au milieu de l'assemblée,
XVI. Après ces immortels travaux, et un jour et dit « Romains, le père de cette ville, Romu-
qu'il assistait à une assemblée dans un lieu voi- lus, descendu tout à coup des cieux m'est ap-
sin du marais de Capra pour procéder au recen- paru ce matin au lever du jour. Frappé de terreur
sement de l'armée survint tout à coup un orage, et de respect, je restais immobile, tâchant d'ob-
accompaâné d'éclats de tonnerre, et le roi, enve- tenir de lui par mes prières, qu'il me permît de
loppé d'une vapeur épaisse, fut soustrait à tous les contempler son visage « Va dit-il, annoncer
regards Depuis, il ne reparut plus sur la terre. à tes concitoyens que cette ville que j'ai fondée,
Quand l'effroi fut calmé; quand à l'obscurité pro- ma Rome, sera la reine du monde; telle est la
fonde eut succédé un jour tranquille et pur, le volonté du ciel. Que les Romains se livrent donc
peuple romain voyant la place de Romulus inoc- tout entiers à la science de la guerre; qu'ils sa-
cupée, semblait peu éloigné de croire au témoi- chent, et après eux leurs descendants, que nulle
gnage des sénateurs, lesquels, demeurés près du puissance humaine ne pourra résister aux armes
roi, affirmaient que, pendant l'orage, il avait été de Rome. » A ces mots continua Proculus, il s'é-
enlevé au ciel. Cependant, comme si l'idée d'être leva dans les airs. » il est étonnant qu'on ait si
à jamais privé de son roi l'eîit frappé de terreur, facilementajouté foi à un pareil discours, et aussi
il resta quelque temps dans un morne silence. combien la certitude de l'immortalitéde Romulus
Enfin, entrainés par l'exemple de quelques-uns, adoucit les regrets du peuple et de l'armée.
tous, par acclamations unanimes, saluent Romu- XVII. Cependant l'ambition du trône et les ri-
lus, Dieu, fils de Dieu roi et père de la ville ro- valités agitaient le sénat. Nul, parmi ce peuple
maine. Ils lui demandent; ils le conjurent de jeter nouveau n'ayant encore de supériorité constatée,
toujours un regard propice sur sa postérité. Je les prétentions ne s'élevaient pas encore entre les
suppose qu'il ne manqua pas alors de gens qui ac- citoyens la question se débattait entre les deux
cusèrent tous bas les sénateurs d'avoir déchiré races de peuple. Les Sabius d'origine, qui depuis

bello ac pace firmandæ. Ab illo enim profectu viribus i Patrum manibus taciti arguerent manavit enim hæc
datis tantum valuit, ut in quadraginta deinde annos tulam quoque, sed perobscura fama. Illam alteram admiratio
pacem haberet. Multitudini tamen gratior fuit, quam Pa- vit i et pavor præsens nobilitavit. Consilioetiam unius ho-
tribus longe ante alios acceptissimus militum animis minis addita rei dicitur fides. Namque Proculus Julius,
treeenlosque armatos ad custodiam corporis, quos Cele- sollicita civitate desiderio régis et infensa patribus, gra-
res appellavit, non in bello solum, sed etiam in pace, vis, ut traditur, quamvis magnæ rei auctor, in concionem
babuit. prodit. « Romulus, inquit, Quirites, pareus urbis bujus
XVI. Hisimmortalibus editis operibus, quam ad exer- prima hodierna luce cœlo repeute delapsus, se mibi ob-
citum recensendum concionemin campo ad Caprae palu- vium dedit. Quum, perfusus horrorevenerabundusqueas
dem baberet, subito coorta tempestas cum maguo fra- titissem, petensprecibus, ut contra intueri fas esset Abi,
gore tonitribusque tam denso regem operuit nimbo ut nuntia, inquit, Romanis, cœlestes ita velle, ut mea Roma
conspeclum ejus concioui abbtulerit. Nec deinde in terris caput orbis terrarum sit proiude rem militarem colaut;
Romulus fuit. Romana pubes, sedato tandem pavore, scimtque, et ita posteris tradant, nullas opes humanas
postquam ex tam turbido die serena et tranquilla lux re- armis romanis resistere posse. » Hæc, inquit, locutus, sub-
diit, ubi vacuam sedem regiam vidit, etsi salis credebat limis abiit. » Mirum, quantum illi viro, nuntianti hæc,
Patribus, qui proximi steterant, sublimem raptum pro- lidei fucrit; quamque desiderium Romuli apud plebem
cella tamen velut orbilatis metu icti mœstum aliquam- exercilumque, facta fide immortalitalis, lenitum sit.
din silentiumobtinuit. Deinde a paucismilio facto deum XVII. Patrum interim animos certamen regni ac cu-
deo natum, regem, parentemque urbis romanæ salvere pido versabat. necdum ad singulos, quia nemo magno-
universi Romulum jubent pacem precibus eaposcunt, pere eminebat in novo populo, perveaerat factionibus
uli volens propitius suam semper sospitet progeniem. in!er ordines certabatur. Oriundi ab Sabinis, ne, quia
Fuisse credo tum quoque ali juos, qui discerptum regem post Tatii mortem ab sua parte non erat regnatum, iu
la mort de Tatius n'avaient pas eu de roi de leur car ils subordonnèrent l'élection du roi par la
nalion et qui, dans cette société fondée sur l'éga- peuple à la ratification du sénat. Cette prérogative
lité des droits, craignaient de perdre ceux qu'ils usurpée s'est perpétuée jusqu'ici dans le sénat,
avaient à l'empire, exigeaient que le roi fut élu pour la sanction des lois et les nominations aux
dans le corps des Sabins. Les vieux Romains, de emplois de la magistrature; mais ce n'est plus
leur côté, repoussaient un roi étranger. Cepen- qu'une formalité vaine. Avant que le peuple aille
dant ce conflit de volonté n'empêchait pas les ci- aux voix, le sénat ratifie la décision des comices,
toyens de vouloir unanimement le gouvernement quelles qu'elles soient. Mais, à cette époque, l'in-
monarchique. On ignorait encore les douceurs de terroi convoqua l'assemblée, et dit « Romains,
la liberté. Mais cette ville sans gouvernement, au nom de la gloire, du bien-être et de la prospé-
cette armée sans chef, environnées d'une foule de rité de Itome, nommez vous-mêmes votre roi tel
petits états toujours eu fermentalion, faisaient est le vœu du sénat. Nous ensuite, si vous donnez
craindre aux sénateurs l'attaque imprévue de à Romulus un successeur digne de lui nous rati-
quelque peuple étranger. Ou sentait le besoin d'un fierons votre choix. o Le peuple fut si flaué de
chef, mais personne ne pouvait se résoudre à cé- cette condescendance, que pour ne pas êti*
der. Enfin, il fut convenu que les sénateurs, au vaincu en générosité, il se contenta d'ordonner
nombre de cent, seraient partagés en dix décuries, que l'élection serait déférée au sénat.
dont chacune devrait conférer à l'un de ses mem- XVIII. Dans ce temps-là vivait Numa Pompi-
bres l'exercice de l'autorité. La puissance était lius, célèbre par sa justice et par sa piété. Il
colleclive un seul en portait les insignes, et mar- demeurait à Cures, chez les Sabins. C'était un
chait précédé des licteurs. La durée en était de homme très-versé, pour son siècle, dans la con-
cinq jours pour chaque individu et à tour de rôle. naissance de la morale divine et humaine. C'est
La royauté resta ainsi suspendue pendant un an, à tort qu'à défaut d'autre on lui a donné pour
et l'on donna à cette vacance le nom d'interrègne, maître Pythagore de Samos. Il est avéré que ce fut
encore en usage aujourd'hui. Le peuple, alors, sous le règne de Servius Tullius, plus de cent ans
se plaignit vivement de ce qu'on eût aggravé sa après Numa, que Pythagore vint à l'extrémité de
servitude, et qu'au lieu d'un maître il en eût l'Italie, dans le voisinage de Métapont, d'Iléraclée
cent. Il paraissait décidé à ne plus souffrir désor- et de Crotone, tenir une école de jeunes gens
mais qu'un roi, et à le choisir lui-même. Les sé- voués au culte de ses théories. Et même en admet-
nateurs conclurent de ces dispositions du peuple tant qu'il eût été contemporain de Numa, de
qu'ils devaient résigner volontairement les pou- quels lieux eût-il attiré des hommes épris de l'a-
voirs qu'on allait leur arracher. Mais, en aban- mour de s'instruire? par quelle voie le bruit de
donnant au peuple la toute-puissance, ils en re- son nom était-il arrivé jusque chez les Sabins?
tinrent effectivementplus qu'ils n'en accordaient; quelle langue l'aidait à communiquer? et com-

societate e'qua possessionemimperii amitterent, sui cor- jussissetid sic ratum esset, si patres auctores fierent;
poris creari regem volebant. Romani veteres peregrinum hodieque in le gibus magistratibusquerogandis usurpalur
regem aspernabantur.In variis voluutatibus regnari ta- idem jus, vi adempta. Priusquam populua suffragmm
men omnes volebant, libertatis dulcedine nondum ex- iueat, in iucertum comitiorum eventum patres auctores
perta. Timoo deinde patres incessit, ne civitatem sine fiunt. Tum interrei, concioae advocata « Quod bonum,
imperio, exercitum sine duce, multarumcirca civitatum faustum, felüque sit, inquit, Quirites, regem create
irritatis animis, vis ahqna externa adoriretur. Et esse ita patribus visum est. Patres deinde, si dignum, qui se-
igitur aliquod caput placebat; et nemo alteri concedere cundus ab Romulo numeretur, crearitis, auctores lient.»
in animum inducebat. Ita rem inter se centum patres, Adeo id gratum plebi fuit, ut, ne victi beoeflcio videreu-
decem decuriis factis, singulisque in singulas decurias tur, id modo sciscerent juberentque, ut senatus deccrnc-
creatis, qui summse rerum præessent, consociant. De- ret, qui Romæ regnaret.
cem tmperitahant. unus cum insignihus imperii et licto- XVIII. Incluta justitia religioqne ea lempestate Numæ
ribus erat; quinque dieruni spatio finiebatur imperium, Pompilii erat. Curibus sabinis babitabat, consultissimus
ac per omnes in orbem ibat annmnque intervallum regni vir ut in illa quisquam ætate esse poterat, omnis divini
fuit. Id ab re, quod nunc quoque tenet uomen, inter- atque humani juris. Auctorem doctrinæ ejus, quia non
regnum appellatum. Fremere deinde plebs, multiplica- 1 eisLat alius, falso Sammm Pythagoran edunt quem,
tam servitutem, centum pro uno dominos factos; nec ul- Servio Tullio regnaute Romæ, centum amplius post au-
tra nisi regem, et ab ipsis creatum, videbantur passuri. nos, in ultima Itahæ ora, cirra MetapontumHeracleam-
Qunm sensissent ea moveri patres, offerendum ultro que et Crotona juvenum æmulantium studia cœtus h t-
rati, quod amissuri erant, ita gratidm ineunt, summa buisse constat. El quibus locis, etsi ejusdem ætatis fuis-
polestate- populopermissa, ut non plus darent luris. quam set, qua' fama in Sabinos, aut quo linguæ commercio,
retinerent. Decrevernnt enim, ut, quum populus regem qucmquam ad cupiditatem discendi excivisset ? quove præ-
ment enfin un homme seul aurait-il pu pénétrer de Numa, il prononça cette prière « Jupiter,
à travers tant de nations, aussi différentes de père de la nature, si telle est ta volonté que Numa,
mœurs que de langage? Je pense plutôt que Numa dont je touche la tête, règne sur les Romains, ap-
puisait en lui-même les principes de vertu qui prends-nous cette volonté par des signes non équi-
réglaient son âme, et que le complément de son voques, dans l'espace que je viens de fixer. Il dé-
éducation fut moins l'effet de ses études dans les finit ensuite la nature des auspices qu"il deman-
écoles philosophiquesétrangères, que de la disci- dait, et lorsqu'ils se furent manifestés, Numa,
pline mâle et rigoureuse des Sabins, la nation la déclaré roi quitta le temple.
plus austère de l'antiquité. A ce nom de Numa, et XIX. Désormais maître du trône, Numa voulut
bien que l'élection d'un roi parmi les Sabins dût que la ville naissante, fondée par la violence et par
sembler constituerla prépondérance de ce peuple, les armes, le fut de nouveau par la justice, par
personne, parmi les sénateurs romains, n'osa les lois et la sainteté des mœurs et comme il lui
préférer à un tel homme, ni soi, ni tout autre de semblait impossible, au milieu de guerres perpé-
son parti, sénateur ou citoyen, et tous, sans ex- tuelles, de faire accepter ce nouvel ordre de choses
ception, décernèrent la couronne à Numa Pompi- à des esprits dont le métier des armes avait nour-
lius. Mandé à Rome, il voulut, à l'exemple de ri la férocité, il crut devoir commencer par adou-
Romulus, qui n'avait jeté les fondements de la cir cet instinct farouche, en le privant par de-
ville et pris possession de la royauté qu'après grés de son aliment habituel. Dans ce but, il éleva
avoir consulté les augures, interroger les dieux le temple de Janus. Ce temple, construit au bas
sur son élection. Un augure, qui dut à cet honneur de l'Argilite, devint le symbole de la paix et de la
de conserver à perpétuité ce sacerdoce public, guerre. Ouvert, il était le signal qui appelait les
conduisit Numa sur le mont Capitolin. Là, il fit citoyens aux armes; fermé, il annonçait que la
asseoir sur une pierre le nouveau roi, la face paix régnait entre toutes les nations voisines. Deux
tournée au midi, et lui-même, ayant la tête voi- fois il a été fermé depuis le règne de Numa, la
lée, et dans la main un bâton recourbé, sans première, sous le consulat de T. Manlius, à la fin
nœuds, appelé liluus, prit place à sa gauche. de la première guerre punique; la seconde, sous
Alors, promenant ses regards sur la ville et la César Auguste lorsque par un effet de la bonté
campagne, il adressa aux dieux ses prières; il traça des dieux, nous vîmes, après la bataille d'Actium,
en idée des limites imaginaires à l'espace compris la paix acquise au monde, et sur terre et sur mer.
entre l'Orient et l'Occident, plaçant la droite au Quand donc Numa l'eut fermé quand par des
midi et la gauche au nord; puis, aussi loin que sa traités et par des alliances il eut consommél'union
vue pouvait s'étendre, il désigna, en face de lui, entre Rome et les peuples circonvoisins; quand il
un pointimaginaire. Enfin, prenantle liluus dans eut dissipé les inquiétudes sur le retour probable
la main gauche, et étendant la droite sur la tête de tout danger extérieur, il redouta l'influence

sidio unns per tot gentes, dissonas sermone moribusque, lituo iu lævam manum traoslato, dextra in caput Numae
pervenisset? Suopte igitur ingenio temperatum ammum imposita, precatus est ita .Jupiter pater, si est fas, bune
virtutibus fuisse opinor magis; instructumque non tam Numam Pompilium, cujus ego caput teneo, regem Romæ
peregrinis artibus, quam disciplina tetrica ac tritli vele- esse, uti tu signa nobis ceria acclarassis inter eos fines,
rum Sabinorum quo genere nullum quondam incorrup- quos feci. » Tum peregit verbis auspicia, quæ mitti vellPt:
tius fuit. Audilo nomine Numze, Patres Romani, quan- quibus missis, declaratus rex Numa de templo descendit.
quam inclinari opes ad Snbinos, rege inde sumpto, vide- XIX. Qui, regno ita potitus urbem novam, condi-
bantur, tamen, neque se quisquam, nec factionis sua tam vi et armis, Jure eam legibusque acmoribus de inte-
alium, nec denique Patrum aut civium quemqnam prae- gro condere parat. Quibus quum iuter bella assuescere
terre illi viro ausi ad unum omnes Numæ Pompilie re- videret non posse, quippe efferatos militia animos mi-
goum deferendum decernunt. Accitus, sicut Romulus tigandum ferocem populum armorum desuetudine ralus,
augurato urbe condenda regnum adeptus est, de se quo- Janum ad infimum Argiletum, indicem pacisbellique,
que deos consuli jussit. Inde ab augure ( cui deinde, ho- fecit apertus ut in armis esse civilatem, clausus pacatos
noris ergo, publicum id perpetuumque sacerdotium fuit) circa omnes populos significaret. Bis deinde post Numæ
deductus in arcem in lapide ad meridiem versus conse- regnum clausus fuit; semel T. Manlio consule, post pu-
dit. Augnr ad lævam ejus, rapite velato, sedem cepit, nicum primum perfectum bellum iterum, quod nostræ
deitra manu baculum sine nodo aduncum tenens, quem ætati dii dederunt, ut videremus, post bellum actiacum,
lituum appellaverunt. Inde ubi prospectu in urbem ab imperatore Cæsare Augusto pace terra marique parta.
agrumquecapto, deos precatus, regiones ab oriente ad Clauso eo, quum omnium circa fimtimorum socielate
occasum determinavit; dextras ad meridiem partes, læ- ac fœderibus junxisset animos, positis externorum peri-
vas ad septentrionem esse dixit. Signumcontra, quo Ion culorum curis, ne luxuriarentur otio animi, quos metus
gissimeconspectum oculi ferebant, ammo finivit. Tum hostium disciplinaque militariscontinuerat;omnium pri-
pernicieuse de l'oisiveté sur des hommes que la donna la chaise curule parcille à celle des rois. il
crainte de l'ennemi et les habitudes de la guerre lui adjoignit deux autres flamines, l'un consacré
avaient contenus jusqu'alors. Il pensa d'abord à Mars, l'autre à Quirinus. Il fonda ensuite le
qu'il parviendrait plus aisément à adoucir les collége des Vestales, sacerdoce emprunté aux Al-
mœurs grossières de cette multitude et à dissiper bains, et qui n'était point étranger à la famille
son ignorance, en versant dans les âmes le senti- du fondateur de Rome. Il leur assigna un revenu
ment profond de la crainte des dieux. Mais ce but sur l'état, afin de les enchaîner exclusivement et
ne pouvait être atteint sans une intervention mi- à toujours aux nécessités de leur ministère le vœu
raculeuse. Numa feignit donc d'avoir des entre- de virginilé et d'autres distinctions achevèrent de
tiens nocturnes avec la déesse Égérie. Il disait que, leur imprimer un caractère vénérable et sacré. Il
pour obéir à ses ordres, il instituait les cérémo- institua aussi en l'honneur de Mars Gradivus
nies religieuses les plus agréables aux dieux, et douze prêtres, sous le nom de saliens; il leur
un sacerdoce particulier pour chacun d'eux. donna pour insignes la tunique brodée, recou-
Avant tout, il divisa l'année suivant les cours de verte, sur la poitrine, d'une cuirasse d'airain;
la lune, en douze mois; mais comme chaque ré- leurs fonctions étaient de porter les boucliers sa-
volution lunaire n'est pas régulièrement de trente crés qu'on nomme anciles, et de courir par la
jours, et que par conséquent l'année solaire eût ville en chantant des vers et en exécutant des dan-
été incomplète, il suppléa cette lacune par l'in- ses et des mouvements de corps particulièrement
terposition des mois Intercalaires, et il les disposa affectés à cette solennité. Il nomma grand ponlife
de telle façon que tous les vingt-quatre ans, le so- Numa Marcius, fils de Marcus, sénateur; il lui
leil se retrouvant au même point d'où il était par- confia la surveillance do tout ce qui tenait à la
ti, chaque lacune annuelle était réparée. Il établit religion. Par des règlements consignés dans des
aussi les jours fastes et les jours néfastes, car il registres spéciaux, il lui conféra la prérogative de
pressentait déjà l'utilité d'ajourner quelquefois diriger les cérémonies religieuses, de détermi-
avec le peuple. ner la nature des victimes, à quels jours et dans
XX. Il songea ensuite à créer des prêtres, quoi- quels temples elles seraient immolées, quels fonds
qu'il remplît lui-même la plupart des fonctions subviendraientà toutes ces dépenses, et enfin, la
qu'exerce aujourd'hui le flamine de Jupiter. Mais juridiction sur tous les sacrifices célébrés soit pu-
il prévoyait que cette cité belliqueuse compterait bliquement, soit dans l'intérieur des familles.
plus de princes semblables à Romulus qu'à Numa, Ainsi, le peuple savait où venir puiser des lumiè-
de princes faisant la guerre et y marchant en per- res, et la religion ne courait pas le risque d'être
sonne et, de peur que les fonctions de roi ne gê- offensée par l'oubli des rites nationaux et l'intro-
nassent les fonctions de prêtre, il créa un flamine, duction des rites étrangers. Le.grand pontife ne
avec mission de ne jamais quitter les autels de réglait pas seulement les sacrifices aux dieux du
Jupiter, le revêtit d'insignes augustes, et lui ciel, mais encore les sacrifices aux dieux mânes,

mum rem ad multitudinem imperitam, et illis sæculis vit, insignique eum veste et curuli regia sella adornant.
rudem, efficacissimam,deorum metum inliciendum ra- Huic duos flamines adjecit Marti unum alterum Qui-
tus est. Qni quum descendere ad animos sine aliquo com- rino. Virginesque Veste legit, Alba oriendum sacerdo-
mento miraculi non posset, simulat sibi cum dea Egeria tium, et genti conditoris baud alienum. His, ut assiduæ
congressus nocturnos esse ejus se monitu, que acceptis- templi antistites essent, stlpendium de publico statuit
sima diis essent, sacra instituere; sacerdotessuos cuique virginitate aliisque cæremoniis venerabiles ac sanctas fe-
deorum prœficere. Atque omnium primum, ad cursum cit. Salios item duodecimMarti Gradivo legit, tunicæque
lunæ, in duodecim menses describit annum quem, quia pictæ insigne dedit et super tunicam æneum pectori te-
tricenos dies singulis mensibus luna non explet, desunt- gumen cœlestiaque arma, quæ ancilia appellantur,ferre,
que dies solido anno, qui solstitialicircumagitur orbe, ac per urbem ire canentes carmina cum tripudiis sollen-
intercalaribna mensibus iaterponendis, ita dispensavit, nique saltalu jussit. Pontiflcemdeinde Numam Marc um,
nt.quarto et vigesimo anno ad metam eamdemsolis, unde Marci filium, ex Patribus legit, eique sacra omnia ex-
orsi essent, plenis annorum omnium spatiis dies congrue- scripta euignataque attribut; quibus hostiis, quibus die-
rent. Idem nefastos dies fastosque fecit, quia aliquando bus, ad quæ templa sacra flerent, atque unde in eos
nibil cum populo agi utile futurum erat. sumptus pecunia erogaretur. Cetera quoque omnia pu-
XX. Tum sacerdotibuscreandis animum adjecit, quan- blica privataque sacra pontiflcis scitis subjecit ut esset,
quam ipse plurima sacra obibat, ea maxime, quæ nunc quo consultum plebes veniret; ue quid divini juris, ne-
ad dialem flaminem pertinent. Sed, quia in civitate bel- gligendo patrios ritus, peregrinosque asciscendo, turba-
licose plures Romuli, quam Numæ, similes reges pu- retur. Nec cœlestesmodo caeremonias, sed justa quoque
tabat fore, iturosque ipsos ad bella; ne sacra regiæ vicis funebria placandosque Mânes, ut idem pontifes edoce-
desererentur, flaminem Jovi assiduum sacerdotem crea- ret quaque prodigia, fui minibus aliove quo visu missn,
et les cérémonies funéraires, et il apprenait aussi cré à elle seule. Numa voulul que les prêtres de ce
à distinguer, parmi les prodiges annoncés par la temple y allassent montés dans un char couvert,
foudre et d'autres phénomènes, ceux qui deman- à deux chevaux, et qu'ils eussent, pendant les
daient une expiation. Pour obtenir des dieux la cérémonies, la main enveloppée jusqu'aux doigts;
connaissancede ces secrels, Numa dédia, sur le voulant dire que la bonne foi devait être protégée,
mont Avenlin un autel à Jupiter Élicius, et con- et que la main en est le symbole et le siège. 11 in-
sulta le dieu par la voie des augures, sur les pro- stitua beaucoup d'autres sacrifices, et les lieux
diges qui étaient dignes d'attention. destinés à leur célébration reçurent des prêtres le
XXI. Ces expiations, ces rapprochements intimes nom d'Argies. Mais la plus belle, la plus grande
entre le peuple et les ministres de la religion, cette de ses œuvres, lut d'avoir maintenu, pendant
tendance nouvelle des esprits vers les exercices toute la durée de son règne, la paix et la solidité
pieux, firent perdre àcette multitude ses habitudes de ses institutions. Ainsi deux rois agrandirent
de violence et tomber ses armes; et, la constante successivement la cité romaine, l'un par la guerre,
sollicitude des dieux qui paraissaient intervenir l'autre par la paix. Romulus avait régné trente-
dans la direction des destinées humaines, pé- sept ans, Numa quarante-trois. Rome alors était
nétra les coeurs d'une piété si vive, que, la puissante, et les arts dont elle était redevable à la
foi et la religion du serment, à défaut de la fois à la paix et à la guerre, avaient perfectionné
crainte des lois et des châtiments, eussent suffi sa civilisation.
pour contenir les citoyens de Rome. Tous, d'ail- XXII. La mort de Numa ramena nu interrègne.
leurs, réglaient leurs mœurs sur celles de Numa Mais le peuple élut roi Tullus Hostilius, pelit-lils
leur unique exemple; aussi les peuples voisins, de cet Ilostilius qui s'était illustré contre les Sa-
qui jusqu'alors avaient vu dans Rome, non pas bins, dans le combat au pied de la citadelle. Le
une ville, mais un camp planté au milieu d'eux sénat ratifia l'élection. Ce prince loin de ressem-
pour troubler la tranquillité générale, se senti- bler à son prédécesseur, était d'une nature plus
rent peu à peu saisis pour elle d'une telle vénéra- belliqueuse encore que Romulus. Sa jeunesse, sa
tion, qu'ils eussent considéré comme un sacrilége vigueur et la gloire de son aieul, animaient son
la moindre hostilité contre une ville occupée courage. Persuadé qu'un état s'énerve dans l'in-
tout entière au service des dieux. Plus d'une fois, action, il cherchait de toutes parts des prétextes
sans témoins, et comme s'il se fut rendu à une de guerre. Le hasard voulut que des laboureurs
conférence avec la déesse, Numa se retirait dans des pays de Rome et d'Albe se livrassent les uns
un bois, traversé par une fontaine dont les eaux envers les autres à des déprédations réciproques.
intarissables s'échappaient du fond d'une grotte Albe alors était gouvernée par C. Cluilius. Chaque
obscure. Ce bois fut par lui consacré aux muses, parti envoya, presque dans le même temps, des am-
parce qu'elles y tenaient conseil avec son épouse bassadeurs pour demanderréparation. Tullus avait
Égérie. La Bone-Foi eut aussi un temple consa- ordonné aux siens d'exposer, avant tout, leur re-

susciperenlur atque procurarentur. Ad ea elicienda ex cere signiflcantes fidem tutandam, sedemque ejus etiam
meotibus divinis, Jovi Elicio aram in Aventinodicavit, in dextris sacratam esse. Diulta alia sacrificia locaque sa-
deumque con·uluit auguriis, quæ suscipienda essent. cris faciendis, quæ Argeos pontifices vocant, dedicavit.
XXI. Ad hæe consultanda procurandaque, multitudine Omnium tamen maximum ejus operum fuit tutela, per
omni a ti et armis conversa, et animi aliquid agendo oc- omne regui tempus, haud minor pacis, quam regni. I:a
cupati erant, et deorum assidua insidens eurd, quum in- duo deinceps reges, alius alia via, ille bello, hic pace, ci-
teresse rehus humanis cœleste numen videretur, ea pie- vitatem auxeruut. Itomulus septem et triginta regnavit
tate canuium pectora imbuerat, ut fides ac jusjurandum, annos Numa très et quadraginta.Tum valida, tum tem-
proximo legum ac pœnarum metu civitatem regerent. Et perata et belli et pacis art bus, erat chitjs.
quum ipsi se homiues in regis, velut umci exempli, mores XXII. Numæ morte ad interregnum res rediit. Inde
formatent; tum finitimi et am populi, qui ante, castra, Tullum Hostilium, nepotem Hostilii, cujus in infima arce
non urbem positam in medio ad sollicitandam omuium clara pugna adversus Sabinos fuerat, regem populus jus-
pacem, crediderant, in eam verecundiam adducti sunt, sit. Paires auctores facti. Hic non sulum proximo regi
ut civitatem, totam in eu tum versam deorum, violari du- dissimilis, sed ferocior etiam Romulo fuit. Tum ætas vi-
cerent nefas. Lucns erat quem medium ex opaco specu resque, tum avita quoque gloria animum slimulabat. Se-
tous perenui rigabat aqua. Quo quia se perampe Numa uescere igitur civitatem otio ratus, undique materiam
sine arbitris, velut ad congressum deæ, inl'erebat, Came- eicitaudi belli quærebat. Flirte eveoit, ut agrestes Ro-
uis eum lucum sacravit; quod earum ibi concilia cum mani ex Albano agro, Albani ex Romano prædas in vieem
conjuge sua Egeria essent. Et soli Fidei solleuneinstituit. agerent. Imperitabat tum C. Cluilius Alba·. Utrimque
Ad id sacrarium l1amines b gis, curru arcuato, vehi jus- legati fere sub idem tempus ad res repetendas missi. Tul-
vit, manuque ad digitos usque involpia rem divinam fa- lus præceperatsuis, ne quid prius, quam mandata age-
quête il t'attendaitun refus de la part des AI- la fusion s'opéra entre les deux peuples. Les AI-
bains, ce qui lui fournissait un légitime sujet de bains envahirent les premiers, avec une armée
guerre. Les Albains mirent plus de lenteur dans la formidable, le territoire de Rome. Leur camp
négociation. Accueillis par Tullus, admis à sa ta- n'en était pas à plus de cinq milles ils l'avaient
ble, ils rivalisèrent avec le prince de prévenance entouré d'un fossé, lequel fut, pendant quelques
et de courtoisie. Dans cet intervalle, les députés siècles, appelé du nom de leur chef, le fossé Clui-
romains avaient présenté leurs réclamations, et lius, jusqu'à ce que le temps eût fait disparaitre
sur le refus des Albains, ils leur avaient déclaré et la chose et le nom. Cluilius, étant mort dans
la guerre pour le trentième jour. Tullus en est in- le camp, les Albains créent dictateur Mettus
formé. Il mande alors à une conférence les dépu- Fuffétius. Mais le fougueux Tullus, dont l'audace
tes d'Albe, et les requiert d'expliquer le motif de s'était accrue par la mort de Cluilius s'en va
leur voyage. Ceux-ci ne sachant pas encore ce publiant partout que la vengeauce des dieux,
qui s'est passé, et afin de gagner du temps, allè- après s'être manifestée d'abord sur la personnedu
guent de vaines excuses e C'est bien malgré eux chef, menace de punir du crime de cette guerro
qu'ils s'exposent à déplaire à Tullus mais ils su- impie quiconque porte le nom Albain. Puis, h
bissent la loi de leurs instructions. Ils viennent la faveur de la nuit, il tourne le camp ennemi et
i éclamer la restitution de ce qu'on leur a enlevé envahit à son tour le territoire d'Albe. Ce coup
est, s'ils ne l'obtiennent, ils ont ordre de déclarer de main fait sortir Mettus de ses retranchements.
la guerre. » cela Tullus répond t Annoncez Il s'approche le plus possible de l'ennemi et dt
donc à votre roi que le roi des romains atteste les là il envoie un émissaire à Tullus, avec ordre
dlieux que celui des deux peuples qui le premier d'exposer au roi l'utilité d'une entrevue avant
a dédaigné de faire droit à la requête des députés d'engager l'action; que s'il accorde celle entrevue,
doit être responsable des conséquences funestes il a, lui Mettus, à faire des propositions dont la
de cette guerre. » teneur intéresse Rome et Albe tout ensemble.
XXIII. Les Albains portent chez eux cette ré- Tullus ne se refuse point à l'entrevue, quoi-
ponse. Des deux côtés on se prépare avec ardeur qu'il en attende peu de fruit, et range son armée
à la guerre. Ce conflit avait tout le caractère d'une en bataille. Le même mouvement s'exécute parmi
guerre civile, car il mettait, pour ainsi dire, aux les Albains. Alors le général albain prend la pa-
prises les pères et les enfants. Les deux peuples role « Des attaques injustes, dit-il, du butin en-
étaient de sang troyen Lavinium tirait son ori- levé contre la foi des traités, réclamé et non rendu,
gine de Troie; Albe de Lavinium; et les Romains sont les causes de cette guerre. Ce snnt celles du
descendaient des rois d'Albe. Cependant l'issue de moins que j'ai entendu donner par notre roi Clui-
la guerre rendit la querelle moins déplorable. On lius, celles que tu produiras sans doute aussi toi-
ne combatlit point en bataille rangée; on détruisit même ô Tullus Mais, sans 'recourir à des rai-
seulement les maisons de l'une des deux villes, et sons spécieuses, et pour'déclarer ici la vérité, je

rent salis sciebat negalurum Albanum; ita pie bellum bis, duo populi in nnum r,onfirsi sunt. Albani priores in-
indici poçse. Ah Albanis socordius res acta excepti hot- genti exercitu iu agrum Romanum impetum fecere. Cas-
pitio ab Tullo blande ac bénigne, comiter regis convivium tra ab urbe haud plus quinque rnillia passuum locant.
celebrant. Tantisper Romani et res repetiverant priores, fossa circumdant fossa Cluilia ab nomme ducis per ali-
et neginti Albano bellum in trigesimum diem indixerant. quot sacula appellata est, donec cum re nomen quoque
Hæc renuntiant Tullo. Tum legatis Tullus direndi potes- vetustate abolevit. lu his caslris Cluilius Albanus rex mo-
tatem, quid petentes venerint, facit. Illi, omnium ignari, ritur dictatorem Alhani Mettum Fuffetium créant. Inte-
primnm purgando terunt tempus « Se iwitos quicquam, rim Tullus ferox, præcipue morte regis, magnumque
quod minus placeat Tullo, dicturos; sed imperio subigi deorum numen ab ipso capite orsum, in omne nomen
res repetitum se venisse. Ni reddantur, bellum indicere Allranumexpetiturum pœnas ob bellum impium dictitans,
jussos. » Ad bæc Tullus « Nuntiate, inquit, regi vestru, nocte, praeteritis hostium castris, infesto exercitu iu
regem Rnmanum deos facere testes, uter prius populus agrum Albanum pergit. El res ab stativis excivit Mettum.
res repetentes legatos aspernatus diiniserit, ut in eum Ducit, quam proxime ad hostem potest inde legatum
omnes expetant hujusce clades belli. praemitsum nuntiare Tullo jubet, priusquam dimicent,
XXIII. Hæc nuntiant domum Albani. Etbellumutrim- opus esse colloquio si secum congressus ait, satis scire,
que summa ope parabatur, civili simillimum bello, prope ea se allatllrum, quæ nihilo minus ad rem Romanam,
inter parentes uatnsque; Trojanam utramque prolem, quam ad Albanam, pertineant. Haud aspernatus Tullus,
quum Lavinium ab Troja, ab Lavinio Alha, ab Albano- tametsi vana afferebantur, in aciem educit. Exeunt contra
rum stirpe regum oriundi Romani essent. Eventus ta- etAlbani. Postquam instructi utrimque stabant, cum pau-
meu belli minus miserabilem dimicationemfecit quod cis pracerum in medium duces procedunt. Ibi infit Alba-
sec acie certatum est; et, tectis modn dirutis alterius ur- nus « Injurias et non redditas reg fi fœdere, quæ repe-
dis que l'ambition seule arme l'un contre l'autre Toutefois cette illustration même n'a pas prévalu
deux peuples voisins, deux peuples unis par les contre l'incertitude qui subsiste encore aujour-
liens du sang. Si nous faisons bien ou mal, c'est d'hui, de savoir à quelle nation les Horaces à la-
ce dont je ne décide pas ce soin regarde les au- quelle les Curiaces appartenaient. Les auteurs va-
teurs de la querelle. Quant à cette guerre, comme rient là-dessus. J'en trouve cependant un plus
chef des Albains, je dois la soutenir. Je veux, grand nombre qui font les Horaces Romains; et
Tullus, te soumettre un simple avis. Nous som- j'incline vers cette opinion. Chacun des deux rois
mes environnés, toi et les miens, par la nation charge donc ces trois frères de combattre pour la
strusque; le danger est grand pour tous, plus patrie. Là où sera la victoire, là sera l'empire.
grand même pour vous; et vous le savez d'autant Cette condition est acceptée, et l'on convient du
mieux que vous êtes plus voisins. Les Étrusques sont temps et du lieu du combat. Préalablement, un
tout-puissants sur terre, et plus encore sur mer. traité conclu entre les Romains et les Albains porte
Souviens-toi qu'au moment où tu donneras le si- cette clause principale, que celui des deux peuples
gnal du combat, ce peuple, les yeux fixés sur les qui resterait vainqueur exercerait sur le vaincu
deux armées, attendra que nous soyons épuisés un empire doux et modéré. Dans tous les traités,
et affaiblis pour attaquer à la fois le vainqueur et les conditions varient; la formule de tous est la
le vaincu. Puis donc qu'au lieu de nous conten- méme. Voici l'acte de cette espèce le plus an-
ter d'une liberté assurée, nous courons les chan- cien qui nous ait été transmis. Le fécial, s'adres-
ces de la servitude, en convoitant la conquête sant à Tullus, lui dit « Roi, m'ordonnes-tude
d'une domination douteuse; au nom des dieux, conclure un traité avec le père patrat du peu-
trouvons un moyen qui, sans dommage sérieux ple albain? » Et sur la réponse affirmative, il
pour les deux peuples et sans effusion de sang, ajouta « Je te demande l'herbe sacrée.-Prends-
puisse décider enfin lequel des deux doit comman- la pure répliqua Tullus. » Alors le fécial ap-
der à l'autre. » Tullus, bien que l'espérance de porta de la citadelle l'herbe pure, et s'adressant
la victoire le rendit plus intraitable, agréa néan- de nouveau à Tullus « Roi, dit-il, me nom-
moins cette proposition. Mais, tandis que les deux mes-tu l'interprète de ta volonté royale et de
chefs chercliaient ce moyen, la fortune prit soin celle du peuple romain, descendant de Quirinus?
de le leur fournir. Agrées-tu les vases sacrés, les hommes qui m'ac-
XXIV. Il y avait par hasard dans chacune des compagnent ? Oui, répondit le roi, sauf mon
deux armées trois frères jumeaux, à peu près de droit et celui du peuple romain. » Le fécial était
même force et de même âge. C'étaient les Horaces M. Valérius il créa père patrat Sp. Fusius, en
et les Curiaces. L'exactitude de leur nom est suffi- lui touchant la tête et les cheveux avec la ver-
samment constatée, et les annales de l'antiquité veine. Le père patrat prêta le serment et sanc-
olfrent peu d'actions aussi illustres que la leur. tionna le traité. Il employa, à cet effet, une lon-

tita1 sint, et ego rrgem nostrum Cluilium, causam Curiatiosque fuisse, satis constat; nec ferme res antiqua
bujusce esse Ixlli, audisse videor nec te dubito, Tulle, alia est nobilior; tamen in re lam clara nominum error
eadem præ te ferre. Sed, si vera potius, quam dictu spe- manet; utrius populi Horatii, utrius Curiatii fuerint.
ciosa, dicenda sunt, cupido imperii duos coguatos vici- Auctores utroque irabunt; plures tamen invenio, qui Ru-
nosque populns ad arma stimulat. Neque, recte, an per- manos Horatios tocent. Hos ut sequar, inclmat ammus.
perain, interpretor fuerit ista ejus d.'hberatio, qui bel- Cum trigeminis agnnt reges, ut pro sua quisque patria
lum suscepit. Me Albani gereudo bello ducem creavere. dimicent ferro; ibi imperium fore, unde Victoria fuerit.
Illud te. Tulle, munitum velim etrusca res, quanta circa Nihil recusatur: tempus et locus convenit. Priusquam
nos teque maximesit, quo propior es Etruscis, hoc magis dimicarent, fœdus ictum inter Romano. et Albanos est
scis. Multum illi terra, plurimum mari pollent. Memor esto bis legibus, ut cujusqtje populi cives eo c.rtamine vicis-
jam, quum signum pugna' dabis, lias duas acies specta- sent, is alteri populo cum bona pace imperitaret. Fœdera
culo fore; ut fessos confectosque, simul victorem ac vic- alia aliis legibus, ceterum eodem modo omnia fiunt.
tum, aggredianlur. Itaque, si nos dii amant, quoniam, Tum ita factum accepimus, nec ulliua vetustior fœderis
non cooteuti libertate certa, in dubiam imperii servitiique memoria est. Fetialis regem Tullum ita rogavit « Jubesne
altain mus, ineamus aliquam viam, qua utri utris impe- me, rex, cum paire patrato populi Albani fœdus ferire?»
rent, siue magna clade, sine multo sanguine utriusque jubente rege, .Sagmina,inquil, te, rei, posco. » Rex ait:
populi, decerrii possit.. Haud displicet res Tullo, quan- .Puram tollito. » Fetialis ex arce graminis herbam puram
quam. tum ir dole aoimi, tum spe victoriæ, ferocior erat. attulit: postea regem ita rogavit: Rex, facisne metu re-
Quærentibu, utrimque ratio initur, cui et fortuna ipsa gium nuntium populi Romani Quiritium? vasa, cnmites-
præbuit maseriam. que meos? » Rex respondit:.Quod sine fraude mea popu-
XXIV. Forte in duobus tum eiercitibus erant trige- lique Roraaui Quiritium fiat, facio.. Fetialis erat M. Va-
n'ni fratres, net a tate, nec viribus dispares. Horatios leriua: palrem patratum Sp. Fus;um fecit, verbena caput
Içue série de formules consarées qu'il est inu- fortune d'un si petit nombre de combattants. Tous
tile de rapporter ici. Ces conditions lues, le lé- ces esprits tendus et en suspens attendent avec
cial reprit « Écoute, Jupiter, écoute, père pa- anxiété le commencement d'un spectacle si peu
trat du peuple albain; écoute aussi, peuple al- agréable à voir. Le signal est donné. Les six
bain. Le peuple romain ne violera jamais le pre- champions s'élancent comme une armée eu ba-
mier les conditions et les lois. Les conditions in- taille, les glaives en avant, portant dans leur
scrites sur ces tablettes ou sur cette cire viennent cœur le courage de deux grandes nations. Tous,
de vous être lues, depuis la première jusqu'à la indifférents à leur propre danger, n'ont devant les
dernière, sans ruse ni mensonge. Elles sont, yeux que le triomphe ou la servitude, et cet ave-
dès aujourd'hui, bien entendues pour tous. Or, nir de leur patrie, dont la fortune sera ce qu'ils
ce ne sera pas le peuple romain qui s'en écartera l'auront faite. Au premier choc de ces guerriers
le premier. S'il arrivait que, par une délibération au premier cliquetis de leurs armes, dès qu'on vil
publique ou d'indignes subterfuges, il les enfrei- étinceler les épées, une horreur profonde saisit
gnit le premier, alors, grand Jupiter, frappe le les spectateurs. De part et d'autre l'incertitude
peuple romain commeje vais frapper aujourd'hui glace la voix et suspend le souffle. Tout à coup
ce porc; et frappe-le avec d'autant plus de ri- les combattants se mêlent; déjà ce n'est plus le
gueur que ta puissanceet ta force sont plus gran- mouvement des corps, ce n'est plus l'agitation des
des. » Il finit là son imprécation, puis frappa le armes, ni les coups incertains, mais les blessures,
porc avec un caillou. De leur côté, les Albains, mais le sang qui épouvantent les regards. Des
par l'organe de leur dictateur et de leurs prê- trois Romains deux tombent morts l'un sur
tres, répétèrent les mêmes formules, et pronon- l'autre; les trois Albains sont blessés. A la chute
cèrent le même serment. des deux Horaces, l'armée albaine pousse des cris
XXV. Le traité conclu, les trois frères, de cha- de joie les Romains, déjà sans espoir, mais non

que côté, prennent leurs armes, suivant les con- sans inquiétude, fixent des regards consternés sur
venlions. La voix de leurs concitoyens les anime. le dernier Horace déjà enveloppé par les trois Cu-
Les dieux de la patrie, la patrie elle-même, tout riaces. Par un heureux hasard, il étaitsans blessure.
ce qu'il y a de citoyens dans la ville et dans l'armée Trop faible contre ses trois ennemis réunis, mais
ont les yeux fixés tantôt sur leurs armes, tantôt d'autantplusredoutable pourchacun d'eux en par-
sur leurs bras. Enflammés déjà par leur propre cou- ticulier, pour diviser ;eurattaqueil prend la fuite,
rage, et enivrés du bruit de tant de voix qui les persuadé qu'ils le suivront selon le degré d'ardeur
exhortaient, ils s'avancent entre les deux armées. que leur permettront leurs blessures. Déjà il s'était
Celles-ci étaient rangées devant leur camp, à l'a- éloigné quelque peu du lieu du combat, lorsque,
bri du péril, mais non pas de la crainte. Car il tournant la tête, il voit en effet ses adversaires le
s'agissait de l'empire, remis au courage et à la poursuivre à des distances très-inégales, et un

oepillosque tangens. Pater patralus ad juajurandnm pa- sentis, quam curæ, expertes quippe imperiumagebatur,
trandum, id est, sanciendum fit fœdus; multique id ver- in tam paucorum virtute atque fortuna positum. Itaque
bis, quae longo elfata carminé non operae est referre, ergo erecti suspensique in minime gratum speclaculum
peragit. Legibus deidue recitatis «Audi, inquit, Jupiter; animo intenduntur. Datur signum infestisque armes,
audi pater patrate populi Albani audi tu popule AI- velut acies, terni juvenes, magnorum exercituum animos
bane ut illa palam, prima, postrema, ex illis tabutisgerentes, concurruut nec bis, nec illis perieulum suum;
cerave recitata sunt sine dolo nialo, utique ea hic hodie publicum imperium servitiumque obversatnranimo, fu-
rectissime inlellecla sunt. illis legibus populus Komanus turaque ea deinde patriae fortuua, quam ipsi ferissent.
prior non deficiet. Si prior defecit publico consilio, dolo
Ut primo statim concursu increpuerearma,micantesque
malo; tu illodie, Jupiter, populum Romanum sic lerito, fulsere gladii borror ingens spectantes perstringit; et,
ut ego huuc porcum hic hodie leriam tantoque magis neutro inclinata spe, torpebat vox spiritusque. Consertis
fei ito, quanto magis potes pollesque.» Id ubidilit, porcum
deinde manibue, quum jam non motus tantum corporum,
saxo silice percussit. Sua item carmina Albaui suumque agitatioque anceps telorum armorumque, sed vulnera
jusjurandum per suum dictatorem suosque sacerdotes quoque et sanguis spectaculo essent; duo Romani, super
peregerunt. alium alius, vulneratis tribus Albanis, exspirantes cor-
XXV. Fœdere icto, trigemini, sicut convenerat, arma ruerunt. Ad quorum casum quum conclamasset gaudio
capiuut. Quum sui utrosque adhortarentur, deos patrios, Albanus exercitus, Romanas legiones jam spes tota, non-
patriam ac parentes, qmcquid civium domi, quicquid in dum tamen cura, deseruerat, exanimes vice unius, quem
exercitus sit, illorum tune arma, illorum intueri manus tres Curiatii circumsteterunt.Forte is integer fuit, ut
feroces et suopte ingenio, et pleui adhortantium vocibus, universis solus nequaquam par, sic adversus siogulos fe-
in médium inter duas acies procedunt. Consederant roi. Ergo ut segregaretpugnameorum, capescit fugam,
utrimque pro caslris duo eierritus periculi magis præ- ita ratus secu'uros, ut quemquc vulnere affectum corpus
seul le sorrer d'assez près. Il se retourne brusque- quelque distance les uns des autres suivantqu'ils
ment et fond sur lui avec furie. L'armée albaine avaient combattu.
appelle les Curiaces au secours de leur Irère; XXVI. Mais, avant qu'on se séparât, Mettus,
mais, déjà vainqueur, Horace vole à un second aux termes du traité, demande à Tullus ce qu'il
combat. Alors un cri, tel qu'eu arrache une joie ordonne « Que tu tiennes la jeunesse albaine
inespérée, part du milieu de l'armée romaine; le sous les armes, répond Tullus; je l'emploierai
guerrier s'anime à ce cri, il précipite le combat, contre les Véïens, si j'ai la guerre avec eux. o Les
et, sans donner au troisième Curiace le temps deux armées se retirent ensuite. Horace, chargé
d'approcher de lui, il achève le second. Ils res- de son triple trophée, marchait à la tête des Ro-
taient deux seulement, égaux par les chances du mains. Sa sœur, qui était fiancée à l'un des Cu-
combat, mais non par la confiance ni par les riaces, se trouve sur son passage, près de la porte
forces. L'un, sans blessure et fier d'une double vic- Capèue; elle a reconnu sur les épaules de son frère
toire, marche avec assurance à un troisième com- la cotte-d'armes de son amant, qu'elle-mêmeavait
bat l'autre, épuisé par sa blessure, épuisé par tissue de ses mains alors, s'arrachant les che-
sa course, se traînant à peine, et vaincu d'avance veux, elle redemande son fiancé et l'appelle d'une
par la mort de ses frères, tend la gorge au âlaive voix étouffée par les sanglots. Indigné de voir les
du vainqueur. Ce ne fut pas même un combat. larmes d'une sœur insulter à son triomphe et
Transporté de joie, le Romain s'écrie o Je viens troubler la joie de Rome, Horace tire son épée,
d'en immoler deux aux mânes de mes frères ce- et en perce la jeune fille en l'accablant d'impréca-
lui-ci, c'est à la cause de cette guerre, c'est afin tions « Va, lui dit-il, avec ton fol amour, va
que Rome commande aux Albains que je le sacri- rejoindre ton fiancé, toi qui oublies et tes frères
fie. e Curiace soutenait à peine ses armes. Horace morts, et celui qui te reste et ta patrie. Périsse
lui plonge son épée dans la gorge, le renverse et ainsi toute Romaine qui osera pleurer la mort d'un
le dépouille. Les Romainsaccueillent le vainqueur enuemi. » Cet assassinat révolte le peuple et le
et l'entourent en triomphe, d'autant plus joyeux sénat. Mais l'éclat de sa victoire semblait en di-
qu'ils avaient été plus près de craindre. Chacun minuer l'horreur. Toutefois il est traîné devant
des deux peuples s'occupe ensuite d'enterrer ses le roi, et accusé. Le roi, craignant d'assumer
morts, mais avec des sentiments bien différents. sur sa tête la responsabilité d'un jugement, dont
L'un conquérait l'empire, l'autre passait sous la la rigueur soulèverait la multitude; craignant
domination étrangère. On voit encore les tom- plus encore de provoquer le supplice qui suivrait
beaux de ces guerriers à la place où chacun d'eux le jugement, convoque l'assemblée du peuple:
est tombé; les deux Romains ensemble, et plus « Je nomme, dit-il, conformément à la loi, des
près d'Albe; les trois Albainsdu côté de Rome à duumvirs pour juger le crime d'Horace. » La loi

sineret. Jam aliyuantum spalii ex eo loco ubi pugnatum cecidit duo Romana uno loco propius Albam, tria Al-
est, aufugerat, quum respicieiis videt magnis intervailis bana Romam versus; sed distantia locis, et ut pugna-
sequentes uuum liacd procul ab sese abesse. In eum tum est.
magno impclu redüt. Et, dum Alhanus exercitus incla- XXVI. Priiisquaiii inde digrederentur, roganti Metto,
mat Curiatiis, uti opcm feront fratri, jam Aoralius, cieso ex fœdere icto quid imperaret, intperat Tullus, uti ju-
hoste tictor, secundam pugnam petebat. Tum clamore, ventuiem in armus habeat; usurum se eorum opera, si
qualisex iusperato faventium solet, Romani adjuvantmi- belluni cum Veientibus foret. lta exercitus inde domos
litom suum; et ille defungi prælio festinat. Prins itaque, abducti. Princeps Horatius ibat trigemina spolia præ se
quam alter, qui nec 1)rociil aberat, consequi possel, et gerens. Cui soro virgo, quæ desponsa uni ex Cunatiis
alterum Curiatium conficit. Jamque, aequato Marte, sin- tuerat,obvia ante portam Capenamfuit: congnitoquesuper
guli supereratn; sed nec spe, nec viribus pares. Alteruin bumeros fuatr s paludamento sponsi, quod ipsa confece-
intactum fvrro corpus et geminaa victoria ferocem in rat, solvit criues et flebiliter nomine sponsum mortuum
ceraem terliuin dabant; alter, fessum vulnere, fessum appeltat. llfov et teroci juveni an'mun) comploratio soro-
,cursu trahens corpus, vietusque fratrum ante se stra2e, ris in victoria sua tantoque gaudio publico. Stricto itaque
victori objicitur hosti. nec illud prælium fuit. Romanes gladio, simul verbis increpaus, transfigit puellam. « Abi
exsultans, « Duos, in(luit, fratrnm Manibus dedi tertium hiuc cum iminaturo amure ad spousum, iuquit, oblita
causæ belli hujusce, ut Romanus Albano imperet, dabo. » fratrum morluorum vivillue, oblita patriæ. Sic eat quæ-
Male sustineuti arma gladium superne jugulo derigit, ja- cumque Romana lugebit hostem.. Atrox visum id facinut
ceutem spotiat. Romani ovantes ac gratulautes lluratmm Patribus ptehique; sed revens meritum facto obstabat;
accipiunt; eo majare cum gaudio, quo prope metum res tamen raptus in jus ad regem. Rex, ne ipse tam tristis
fuerat. Ad sepulturam inde suorum nequaquam paribus' ingratique ad vulgus judicii, aut secundumjudicium,sup-
animis vertuntur; quippe imperio alteri aucti, alteri di- plicii auctor esset, concilio populiadvocato, Duumviros,
tionit alienæ facti. Sepulcra entrant. quo quisque loco inquit, qui Horatio perduellonem judicent, secundum
était d'une effrayante sévérité: « Que les duum- dans la ville si tu le veux pourvu que ce soit de-
virs jugent le crime, disait-elle; si l'on appelle du vant ces trophées et ces dépouilles; hors de la
jugement, qu'on prononce sur l'appel. Si la sen- ville, pourvu que ce soit parmi les tombeaux des
tence est confirmée, qu'on voile la tête du cou- Curiaces. Dans quel lieu pourrez-vous le conduire
pable, qu'on le suspende à l'arbre fatal, et qu'on où les monuments de sa gloire ne s'élèvent point
le batte de verges dans l'enceinte ou hors de l'en- contre l'horreur de son supplice? o Les citoyens,
ceinte des murailles. » Les duumvirs, d'après vaincus et par les larmes du père, et par l'inlré-
cette formule de la loi, n'auraient pas cru pou- pidité du fils, également insensible à tous les pé-
voir absoudre même un innocent, après l'avoir rils, prononcèrent l'absolution du coupable et
condamné. « P. Horace, dit l'un d'eux, je dé- cette grâce leur fut arrachée plutôt par l'admi-
clare que tu as mérité la mort. Va, licteur, atta- ralion qu'inspirait son courage, que par la bonté
che-lui les mains. » I e licteur s'approche déjà il de sa cause. Cependant, pour qu'un crime aussi
passait la corde, lorsque, sur l'avis de Tullus, éclatant ne restât pas sans expiation on ob-
interprète clément de la loi, Horace s'écrie: « J'en ligea le père à racheter son fils, en payant une
appelle. » La cause fut alors déférée au peuple. amende. Après quelques sacrifices expiatoires,
Tout le monde était ému, surtout entendant le dont la famille des Horaces conserva depuis la
vieil Horace s'écrier que la mort de sa fille était tradition, le vieillard plaça en travers de la rue
juste; qu'autrement il aurait lui-même, en vertu un poteau, espèce de joug, sous lequel il fit
de l'autorité paternelle, sévi tout le premier con- passer son Ils, la tête voilée. Ce poteau, con-
tre son fils, et il suppliait les Romains, qui l'a- servé et entretenu à perpétuité par les soins de
vaient vu la veille père d'une si belle famille, de la république, existe encore aujourd'hui. On l'ap-
ne pas le priver de tous ses enfants. Puis em- pelle le Poteau de la Sœur. On éleva un tombeau
brassant son fils et montrant au peuple les dé- en pierre de taille, à l'endroit où celle-ci reçut le
pouilles des Curiaces, suspendues au lieu nommé coup mortel.
encore aujourd'hui le Pilier d'Horace o Romains, XXVII. La paix avec les Albains ne fut pas de
dit-il celui que tout à l'heure vous voyiez avec longue durée. Le dictateur n'eut pas assez de fer-
admiration marcher au milieu de vous, triom- meté pour résister à la haine du peuple, qui lui
phant et paré d'illustres dépouilles, le verrez- reprochait d'avoir abandonné le sort de l'état à
vous lié à un infâme poteau, battu de verges et trois guerriers; l'événement ayant trompé ses
supplicié? Les Albains eux-mêmes ne pourraient bonnes intentions, il eut recours à la perfidie pour
soutenir cet horrible spectacle! Va, licteur, atta- recouvrer la faveur populaire. De même qu'il
che ces mains qui viennent de nous donner l'em- avait cherché la paix dans la guerre, de même il
pire va, couvre d'un voile la tête du libérateur chercha la guerre dans la paix. Mais, trouvant
de Rome; suspends-le à l'arbre fatal frappe-le, dans les siens plus de courage que de force, il fait

legem facio. » Lex horrendi carminis erat Duumviri paullo ante armatae imperium populo Romano pepere-
perduellionem judicent. Si a duumviris provocant,pro- ruot. I, caput obnube liberatorisurbis huius; arbori in-
vocahone certato; si vin eut, caput obnubito; infelici ar- felici suspende verbera, vel intra pomœrium, modo in-
bori reste suspenditn; verberato vel intra pomoerium, vel ter illa pila et spolia hostium; vel extra pomœrium, modo
extra pomœrium. » Hac lege duumviri creati, qui se absol- inter sepulcra Curialiorum.Quo enim ducere hune juve-
vere non rebantur ea lege, ne innoxium quidem, posse, nem potestis, uhi non sua décora eum a tanta fœdibte sup-
quurn cnndemnassent: tum aller ex his: P. Horati, tibt plicii vindicent? « Non tulit populus nec patris lacrymas,
perduelhonem judico, inquit. J, lictor, colliga manus. -Ac- nec ipsius parem in omni perieulo animum absokerunt-
cesserat lictor, injiciebatque laqueum. Tum Horatius, que admiratione magis virtulis, quam jure causæ. Ita-
auctore Tullo, clemeute legs interprcte: « Provoco,» in- que, ut cædes manifesta aliquo tamen piaculo lueretur,
quit. Ha de proiocalione certatum ad populum est. Moti imperatum patri ut filium expiaret pecunia publica. Is,
homines sunt in eu jud cio, maxime P. Horatio pâtre pro- quibusdam piacularibussacrifices factis, quæ deinde genti
clamante, se filiam jure cæsam judicare ni ita esset, pa- Horatia' tradita sunt, transmisso per viam ligillo, capile
trio jure in filium animadversurum fuisse. Orabat deinde adoperto, velut sub jugum misit juvenem. Id hodie quo
ne se, quem paulo ante cnm egregia stirpe conspexissent, que publice semper refectum manet. Sororium tigillum
orbum liberia facerent. Inter haec scuex, juvenem am- vocant. Horatiae sepulcrum, quo loco corruerat icta, con-
plexus, spolia Curiatiorum fixa co loco, qui nunc Pila llo- structum est saxo quadrato.
ratia appcllatur, ostentdns.fluoccine, aiebat, quem modo XXVII. Nec diu pax Albana mansit. Invidia rulgi,
decoratum ovantemquevicloria incedentemvidistis,Qui- quod tribus militibus fortuna publica commissa fuerit,
rites, eum sub furca vinctum inter verbera et cruciatus vannum ingenium dictatoris corrupit; et, quoniam recta
viderc poteslis? quod vu Albanorum oculi tam déforme consilia haud bene evenerant,pravis reconciliare popula-
spectaculum ferre possent. I, lictor. cnlhga Manus qum rium animos cœpit. Igitur, ut prius m bello pacem, oc
uu appel aux autres peuples; il les pousse à dé- donne ensuite au cavalier d'une voix menaçante
1;larer la guerre a Rome, à la lui faire ouverte- et assez haute pour être entendue de l'ennemi, de
ment. Il se réserve, à lui et aux siens, la faculté retourner au combat, et de ne point s'alarmer;
de trahir, tout en conservant les apparences d'une ajoutant que le mouvement des Albains s'exécute
union sincère. Les Fidénates, colonie romaine, d'après son ordre pour prendre à dos les Fidé-
associent les Véïens au complot; et, encouragés nates. Il lui commande en même temps d'enjoin-
par les assurances de Mettus qui promettait de dre aux cavaliers de tenir les lances hautes. Cette
se joindre à eux, ils prennent les armes, et se manœuvre habile dérobait à la plus grande par-
préparent à la guerre. Quand la révolte a éclaté, tie de l'infanterie romaine la vue de la retraite
Tullus donne ordre à Mettus de venir avec ses des Albains. Quant à ceux qui avaient aperçu
troupes, marche ensuite aux ennemis, traverse cette retraite, trompés par les paroles du roi,
l'Anio, et vient camper au confluent de cette ri- qu'ils croyaient sincères, ils en combattent avec
vière et du Tibre. Les Véïens avaient passé le Ti- plus d'ardeur. La terreur gagne les Fidénates. Ils
bre entre ce point et la ville de Fidènes. Leurs li- avaient entendu aussi la réponse du roi, et l'a-
gnes formaient l'aile droite, et se déployaient sur vaient comprise; car, la plupart d'entre eux,
les bords du fleuve à l'aile gauche étaient les Fi- ayant été détachés de Rome pour fonder la co-
dénales, plus rapprochés des montagnes. Tullus lonie, savaient la langue latine. Craignant que les
conduit ses soldats contre les Véiens, et oppose Albains, descendus brusquement des hauteurs,
les Albains au corps d'armée des Fidénates. Met- ne leur coupent le chemin de la ville ils lâchent
tus n'était pas plus brave que fidèle; aussi, n'o- pied et tournent le dos. Tullus les presse, met en
sant ni garder le poste qui lui est confié, ni pas- déroute le corps des Fidénates, et revient avec
ser ouvertement à l'ennemi, il se rapproche plus d'audace contre les Véiens, étourdis déjà de
insensiblement des montagnes. Lorsqu'il se croit la défaite de leurs alliés. Les Véïens ne peuvent
assez loin des Romains, il commande halte à sa soutenir le choc; ils se débandent et prennent la
troupe; puis, ne sachant plus que faire, il déploie fuite. Mais le fleuve, qui coule sur leurs derrières,
ses colonnes, pour gagner du temps. Son dessein les arrête. Arrivés sur ses bords, les uns jettent
était de porter ses forces du côté où tournerait la lâchement leurs armes et s'élancent au hasard
fortune. Les Romains, qui gardent leur position dans les flots, les autres hésitant entre la fuite
s'étonnentd'abordd'un mouvement qui laisse leur et le combat, sont égorgés au milieu de leurs
flanc à découvert mais bientôt un cavalier ac- irrésolutions. Dans aucune bataille les Romains
court à toute bride informer Tullus que les Albains n'avaient encore versé tant de sang ennemi.
se retirent en effet. Tullus, épouvanté, fait vœu XXVIII. Alors, l'armée albaine, qui était
de consacrer à Mars douze prêtres saliens, et de demeurée spectatrice du combat, descend dans
bâtir un temple à la Pâleur et à la Peur. Il or- la plaine. Mettus félicite Tullus de sa victoire,

io pace bellum quærens, quia suæ civitati aoimorum plus fanaque Pallori ac Pavori. Equitem,clara increpans voce,
quam virium cernebat esse, ad bellum palam atque ex ut hostes exaudirent,redire in praelium jubet «Nihil tre-
edicto gerendum alios concitat populos suis per speciem pidatione opus esse suo jussu circumduciAlbanum exer-
societatisproditionem réservât. Fidenates, colonia roma- citum, ut Fidenatiumnuda terga invadant. » Idem impe-
na, Veientibussociis consilii assumptis, pacto transitionis rat, ut hastas équités erigere jubeat. Id factum magna)
Albanorum ad bellum atque arma incitatar. Quum Fi- parti peditum Romanorum conspectum abeuntis Albaui
denæ aperte descissent, Tullus, Metto exercituque ejus exercitus intersspsit qui viderant, xd, quod ab rege au-
ab Alba accito, cootra hostes ducit. Ubi Anienem transiit, ditum erat, rati, eo acrius pugnant. Terror ad hostes
ad confluentes collucat castra. Inter eum locum et Fide- transit: et audiveraut clara voce dictum, et magna pars
uas Veientium exercitus Tiberim transierat. Hi et m acie Fidenatium, ut qui coloui additi Romanis essent, latine
prope flumen tenuere dextrum cornu in sinistre Fide- sciebant. Itaque, ne subito ex collibus decursu Albano-
nates propius mootes consistant. Tullus adversus veien- rum intercluderentur ab oppido, terga vertunt. lustat
tem hostem dirigit suos Albanos contra legionem Fide- Tullus, fusoque Fidenatium cornu, in Veientem, alieno
natium collocat. Albano non plus animi erat, quam Bdei. pavore perculsum, ferocior redit. Nec illi tulere impe-
Nec manere ergo, nec transire aperte ausus, sensim ad tum sed ab effusa fuga (lumen objectum a tergo arcebat.
montes auccedit. Inde, ubi satis subisse sese ratus est, Quo postquam fuga inclinavit,alii, arma fœde jactantes,
erigit totam aciem fluctuansque animo, ut tereret tem- in aquam caeci ruebant alii, dum cunetantur in ripis,
pus, ordines explicat. Consilium erat, qua fortuna rem inter fugae pugnæque consilium oppressi. Non alia ante
daret, ea inclinare vires. Miraculo primo esse Romanis, Romana pugna atrocior fuit.
qui proximi steterant, ut nudari latera sua sociorum di- XXVIII. Tum Albanus exercitus, spectator certami-
gressu senserunt inde eques citato equo nuntiat regi, uis, deductus in campos. Mettus Tullo devictos hostd
sbire Albanos. Tullus in re trépida duodecim vovit salios, gratulatur contra 1'ullus Mettum bénigne alloquitur
et Tullus le remercie avec bonté. Pour assurer les moi-même. si j'avais voulu changer mes disposi-
heureux effets de cette journée, Tullus ordonne tions. Mettus seul a dirigé le mouvement; Met-
aux Albains de réunir leur camp à celui des Ro- tus, le machinateur de cette guerre, Mettus, le
mains, et prépare, pour le lendemain, un sacri- violateur du traité juré par les deux nations. Mais
fice lustral. Dès qu'il fait jour, et que tout est je veux désormais qu'on imite son exemple, si je
prêt, il convoque suivant la coutume, les deux ne donne pas aujourd'hui, en sa personne, une
armées à une assemblée générale. Les hérauts, éclatante leçon aux mortels. » Alors les centurions
commençant l'appel par les derniers rangs, font armés entourent Mettus. Tullus continue « Pour
avancer les Albains les premiers. Ceux-ci, cu- le bonheur, la gloire, la prospérité du peuple ro-
rieux de voir ce qui allait se passer, et d'entendre main, et de vous aussi peuple d'Albe j'ai ré-
la harangue du roi des Romains, se tiennent tout solu de transporter à Rome tous les habitants
près de sa personne. La légion romaine, aux ordres d'Albe, de donner le droit de bourgeoisie au peu-
de Tullus, se range, tout armée, autour des Al- ple, et aux grands le droit de siéger au sénat; de
bains. Les centurions avaient ordre d'exécuter ne faire, en un mot, qu'une seule ville, un seul
avec promptitude tout ce qui leur serait com- état. Albe s'était jadis partagée en deux peuples.
mandé. Tullus, alors, commence en ces termes Eh bien 1 qu'elle se réunisse maintenant en un
a Romains si jamais, dans aucune guerre, vous seul. e A ces mots, les Albaius, sans armes, au mi-
avez dir rendre grâces d'abord aux dieux immor- lieu de cette troupe armée, sont agités par des
lels, et ensuite à votre courage, ç'a été dans le sentiments divers; mais, contenus par la terreur,
combat d'hier. En effet, vous avez eu à vous dé- ils gardent le silence. Tullus reprend « Mettus
fendre, non-seulement contre les armes de vos en- Fuffétius, si tu pouvais encore apprendre à gar-
nemis, mais, chose bien plus dangereuse, contre der la foi des traités, je te laisserais vivre, pour
la trahison et la perfidie de vos alliés; car, afin recevoir de moi cette leçon mais la perfidie est
que vous ne demeuriez pas plus longtemps dans un mal incurable que ton supplice enseigne donc
l'erreur, sachez que je n'avais point ordonné aux aux hommes à croire à la sainteté des lois que tu
Albains de gagner les montagnes.Il est vrai que je as violées. De même que tu as partagé ton cœur
feignis d'avoir donné cet ordre; mais c'était par entre Rome et Fidènes, de même ton corps sera
prudence, et pour ne pas vous décourager, en partagé, et ses lambeaux dispersés. » On fait ap-
vous dévoilant la désertion de Mettus c'était en- procher ensuite deux chars, attelés de quatre che-
core pour effrayer les ennemis et les mettre en vaux, et Tullus y fait lier Mettus. Les chevaux,
désordre, en leur faisant croire qu'ils allaient être lancés en sens contraire, ciitrainent chacun, avec
enveloppés. Je n'accuse pas tous les Albains; ils l'un des chars, les membres décliirés et sanglants
ont suivi leur chef, comme vous m'auriez suivi de Metlus. Tous les regards se détournent de cet

Quod bene vertat, castra Albanos Romanis castris jun- fœderisromani albanique ruptor. Audeat deinde talia alius,
gere jubet sacrificium lustrale in diem posterum parât. nisi in bunc insigne jam documentum mortalibus dedero
1 bi illuxit, paratis omnibus, ut assolet, vocari ad cou- Centuriones armali Mettumcircumsistunt rex cetera, ut
cionein utrumqueexercitumjubet. Præconcs, abextremo orsus erat, peragit.. Quod bonum, faustum, felixque sit
orsi, primos excivere Albanos. Hi, novitate etiam rei populo Romano ac mihi vohisque, Albani populum
moti, ut regem Romanum conclonantem audirent, oninem Alhanum Romam traducere in animo est; civils-
proximi constilere. Ex composito armata circumdatur tem dare plebi; primores in patres legere; unam urbem,
Romana legio centurionibus datum negotium erat, ut unam rempublicam facere. Ut ex uno quondam iu duos
sine mora imperia exsequerentur.Tum ita Tullus iafit populos divisa Albana res est, sic nunc in unum redeat.9
Romani, si unquam ante alias ullo in bello fuit, quod Ad hac Aibana pubes, inermis abarmatis saepta, in va-
primum dils immortalibusgratias agerelis, dcinde vestrm riis voluntatibus, coromuui tamen metu cogeute, silen-
ipsorum virtuti, hesternum id prælium fuit. Dimicatum tium tenet. Tum Tullus: « Mette Fuffeti, iuquit, si ipso
est enim noo magis cum hostibus, quam, quæ dimicatio discere posses [idem ac fœdera servare, vivo tibi ea dis-
major atque periculosior est, cum proditione ac perfidva ciplina a me adhibita esset. Nunc quoniam tuum insaua-
sociorum. Nam, ne vos falsa opinio teneat, injusdu meo bile ingenium est, at tu tuo suppliciodoce humanum ge-
Albam subiere ad montes nec imperium illud meum, nus ea sancta credere, quia a te violata sunt. 1Jt igitur
sed consilium et imperii simulatio fuit nt nec, vobis paulloaute auimum inter Fideuatem Romauamque rem
ignorautibue deseri vos, averteretura certamineanimus; aucipitem gessisti, ita jam corpus passim distrahendum
et hostibus, circumveniri se a tergo ratis, terror a fuga dabis.- Exsude, duabus admotis quadrigis, in currus ea-
injiceretur. Nec ea culpa, quam arguo, omnium Alba- rum distcutum illigat Mettum deinde in diversum iter
norum est. Ducem secuti sunt ut et vos, si quo ego inde equi concilati, laccrum in utroque curru corpus, qua
agmen dechmare voluissem,fecissetis. Mettus ille est ductor inhaseraût vinculis membra portantes. Avertere ommea
itrners btilus, Mettus idem hujus mach nator belli,Mettus a tanta fœditate speclaculi oculos. Primum ultimumque
horrible spectacle. C'était le premier, et ce fut le dait aussi des cris lamentables, ceux des femmes,
dernier exemple, parmi les Romains d'un sup- surtout, lorsqu'elles voyaient, en passant, les tem-
plice où les lois humaines aient été méconnues. ples des dieux investis de soldats, et les dieux eux-
C'est même un de leurs titres de gloire d'avoir mêmes qu'elles laissaient, pour ainsi dire, en cap-
préféré toujours les châtiments plus doux. tivité. Dès que les Albains furent sortis, les édifi-
XXIX. Cependant on avait déjà détaché la ca- ces publics, les maisons privées, furent indistinc-
valerie, pour transporter à Rome tous les habi- tement rasés. Albe existait depuis quatre cents
tants d'Albe. On y conduisit ensuite les lé-ions ans: une heuresuflit à sa dévastation et à sa ruine.
pour détruire la ville. A leur entrée elles ne vi- On épargna pourtant les temples des dieux; Tul-
rent point ce tumulte ni cette terreur qui trouble lus l'avait ainsi ordonné.
d'ordinaire les villes conquises, lorsque les portes XXX. Cependant Rome s'augmentaitdes débris
ont été brisées, les murs renversés par le bélier de sa rivale, et doublait le nombre de ses habi-
et la citadelle emportée d'assaut; lorsque l'en- tants. Le mont Célius est ajouté à la ville; et, pour
nemi pousse des cris de mort, court et se répand y attirer la population Tullus y bâtit son palais
dans les rues, et porte partout le fer et la flamme; et y fixe sa demeure. il veut aussi que le sénat ait
une tristesse morne et silencieuse serrait tous sa part dans l'agrandissementde l'état, et il ou-
les cœurs. On ne savait que laisser, que pren- vre les portes de ce conseil auguste aux Tullius,
dre la crainte leur avait ôté le conseil. On s'in- aux Servilius, aux Quinctius, aux Geganius, aux
terrogeait les uns les autres ceux-ci reslaient Curiatius et aux Clœlius. Pour les membres du sé-
immobiles sur le seuil de leurs portes; ceux-là nat, devenus ainsi plus nombreux, Tullus fait con-
erraient à l'aventure, au sein même de leurs mai- struire un édifice qu'il destine à leurs assemblées,
sons, pour les revoir une dernière fois. Mais et qu'on appelle encore aujourd'hui le palais Hos-
quand la voix menaçante des cavaliers leur enjoi- tilius. Enfin pour que l'adjonction du nouveau
gnit de sortir; quand le fracas des maisons abat- peuple fût profitable en quelque chose à tous les
tues se fit entendre de toutes les extremités de la ordres de l'état, il crée dix compagnies de cheva-
ville; que la poussière, soulevée de toutes paris et liers, choisis tous parmi les Albains. Il complète
du milieu des ruines, enveloppa l'espace d'un ainsi ses anciennes légions, et il en forme de nou-
nuage épais, chacun emporta précipitamment ce velles, tirées du sein de celte même population.
qu'il put, et s'éloigna abandonnant ses lares, ses Alors, plein de confiance dans ses forces, il déclare
pénates, le toit sous lequel il était né, sous lequel la guerre aux Sabins, la nation la plus considéra-
il avait grandi. De longues files d'émigrants rem- ble à cette époque, et la plus belliqueuse après
plissaient les rues. Le spectacle de leurs misères les Étrusques. Les deux peuples se plaignaient ré-
communes renouvelait leurs larmes on enten- ciproquement de quelques injures, dont on avait

ifluid supplicium apud Romanos exempli parum memoris vocesque etiam miserabiles exaudiebantur; mulierum
legum humanarum fuit. In aliis gloriari licet, nulli gen- preecipue, quum obsessa ab armatis templa augusta prm-
tium mitiores placuisse pœnas. terirent, ac velut captos relinquerent deos. Egress a ur-
XXIX. Inter hæc jam pra'missi Albam erant equites, bem Albauis, Romanus passim publca privataque omnia
qui nmltitudiuem traduccrent Romam. Legiones deinde tecta adæquat solo, unaque hora quadringentorumanno-
duclæ ad diruendam urhem. Quæ ubi intravere portas, rum opus quibus Alba steterat, excidio ac ruinis dedit.
non quidem fuit tumultus ille, nec pavor, qualis capta- Templis tamen deum ( ita enim edictum ab rege fuerat)
rum esse urbium solet; quum, effractis portis, stratisve temperatun est.
ariete muris, aut arce vi capta clamor hostilis et cursus XXX. Roma interim crescit Albæ ruinis. Duplicatur
per urbem armatorum omnia ferro flammaque miscet civium numerus Cœtius additur urbi mons; et, quo fre-
sed silentium triste ac tacila mœstilia ita defixit omnium quentius babitaretur, eam sedem Tullus regiæ capit, ibi-
auiinos, ut, præ metu obliti, quid relinquerent, quid que hahitavit. Principes Albanorum in patres, ut ea quo-
secum ferrent, déficienteconsilio, rogitantesque alii alios, que pars reipublicæ cresceret, legit Julios, Servilios,
nunc in limiuibus slarent, nunc errabundi domos suas, Quinctios Geganios, Curiatios, Clœlios: templumque
ultimum illud visuri, pervagarentur. Ut vero jam equi- ordiui ab se aucto curiam fecit, quæ Hostilia usque ad
tum clamor exire jubentium instabat jam fragor tecto- patrum nostrorum tetatem appeliala est. Et, ut omnium
rum, quæ diruebantur,ultimis urbis partibus audiebatur, ordinum viribus aliquid ex novo populo adjiceretur,equi-
pulvisque, ex distantibus locis ortus, velut nube inducta tum decem turmas ex Albanis legit. Legiones et veteres
omnia impleverat; raptim quibus quisque poterat ela- eodem suppleinento explevit, et novos scripsit. Hac 0-
tis, quum larem ac penates tectaque, in quibus natus ducia virium Tullus Sabiuis bellum iudicit, genti ea tem-
quisque educatusque esset, relinquentes exirent: jam pestate secundum Etruscos opulentissimw viris armis-
contineus agmen in grantium impleverat vias et cons- qne. Utrimque injuriæ factae, ac res nequicquam erant
pectus aliorum mutua miseratione integrabat lacrymas repehtæ. Tullus ad Feroniæ fanum mercatu frequeuli
inutilement demandé la réparation de part et d'au- toire si glorieuse pour le règne de Tullus, et pour
Ire. Tullus alléguait que, près du temple de Fé- elle si féconde, lorsqu'on annonça au roi et aux
ronie, des marchands romains avaient été arrê- sénateurs qu'une pluie de pierres était tombée sur
tésen plein marché les Sabins, qu'on avait retenu le mont Albain. Comme on avait peine à croire ce
quelques-uns de leurs concitoyens prisonniers à prodige, on envoya sur les lieux pour s'en assu-
Rome, quoiqu'ils se fussent réfugiés dans le bois rer. Ceux qui furent chargés de ce soin virent
sacré. C'étaient l'a les prétextes de la guerre. Les en effet tomber du ciel une grande quantité de
Sabins, qui n'avaient pas oublié que Tatius avait pierres, aussi pressées que la grêle, lorsque le
transporté à Rome une partie de leurs forces, et vent la chasse sur la terre. Ils crurent même en-
que la puissance romaine venait encore de s'ac- tendre sortir d'un bois sacré au sommet de la
croître par la réunion des Albains, cherchèrent montagne, une voix retentissante, qui ordonnait
autour d'eux des secours étrangers. Voisins de aux Albains de faire des sacrifices suivant le rite
l'Étrurie, ils confinaient au territoire des Véiens, de leur pays car ce devoir avait été négligé,
lesquels,dominés encore par le ressentiment d'an- comme si, en quittantleur patrie, les Albains eus-
ciennes défaites, n'étaient que trop portés à une sent aussi abandonné leurs dieux, soit pour adop-
rupture. Toutefois les Sabins n'en purent tirer ter ceux des Romains, soit par mépris de toute re-
que quelques volontaires; l'argent leur amena ligion, ce qui est l'effet ordinaire du ressentiment
aussi quelques aventuriers de la dernière classe du contre la mauvaise fortune. Les Romains, de leur
peuple. La cité elle-même ne leur fournit aucun côté, en expiation de ce prodige, célébrèrentdes
secours, et (chose moins surprenante de la part sacrifices publics qui durèrent neuf jours; et, soit
de tout autre peuple), le respect pour la trêve que la voix céleste du mont Albain eût, au rap-
conclue avec Romulus arrêta les Véîens. On fai- port de la tradition prescrit cet usage, soit que
sait donc de part et d'autre les plus grands pré- les aruspices l'eussent conseillé, il est certain qu'il
paralifs. Mais, comme le succès pouvait dépen- fut maintenu et que des fêtes se succédaient pen-
dre beaucoup de la promptitude avec laquelle on dant neuf jours, toutes les fois que le même pro-
préviendrait l'ennemi, Tullus entre le premier dige se répétait. Peu de temps après, Rome fut
sur le territoire des Sabins. Un combat sanglaut désolée par une maladie pestilentielle qui inspira
eut lieu près de la forêt Maliciosa. L'excellence de le dégoût absolu de la guerre à ses habitants. Mais
leur infanterie, et surtout l'augmentation récente le belliqueux Tullus ne leur donnait point de re-
de leur cavalerie, y servirent puissamment les lâche. il estimait le séjour des camps plus pro-
Romains. La cavalerie, par une charge soudaine, pice que celui des villes à maintenir le corps en
mit les Sabins en désordre; ils ne purent ni sou- santé. Enfin, il ressentit lui-même les atteintes
tenir le choc, ni se rallier, ni s'ouvrir un chemin du fléau. L'épuisement de ses forces accabla cet
pour fuir on en fit un grand carnage. esprit turbulent, et ce prince, qui trouvait indi-
XXXI. Rome goûtait déjà les fruits de cette vic- gne d'un roi de s'occuper de religion, donna tout

negotiatores Romanos comprehensos querebatur. Sa- que opibus regnum Tulli ac tota res Romana esset, non-
bmi suos prius iu lucum confugisseac Romae retentos. tiatum regi Patribusque est, in monte Albano lapidibus
Hæ causæ belli ferebantur.Sabini, baud parum me- pluisse. Quod quum credi vil posset, missis ad id visen-
mores, et suarum virimn partem Romæ ab Tatio lo- dum prodigium, in conspectu, haud aliter quam quum
catam, et Rominam rem nuper etiam adjectione populi grandinem venti glomeratam iu terras agunt, crebri ce-
Albam auctam circumspicere et ipsi externa auxilia. cidere cœlo lapides. Visi etiam audire vocem ingentem
Etruria erat vicina; proximi EtruscorumVeientes. Inde, ex summi cacumims luco, ut patrio ritu sacra Albam fa-
ob residuas bellorum iras maxime sollicitatisad defectio- cerent, que, velut diis quoque simul cum patria retiens,
nem anmis, voluntarios traxere et apud vagos quosdam oblivioni dederant et aut Romana sacra susceperant
ex inopi plebe etiam merces valuit. Publico auxilio nullo aut, forluuoe, ut fit, obirati, cullum reliquerant deum.
adJuti sunt; valuitqueapud Veientes nam de ceteris mi- Romanis quoque ab eodem prodigio novendiale sacrum
nus mirum est) pacta cum Romulo induciarum fides. publice susceptum est seu voce ccelesti ex Albano monte
Quum bellum utrimque summa ope pararent, vertique missa ( nam id quoque traditur), aeu haruspicum monitu.
in eo res videretur, utri prius arma iuferrent, occupat Mansit certe sollenne, ut quandoque idem prodigium
Tullus in agrum Sabinum transire. Pugna atrox ad Sil- nuntiaretur, feriae per novem dies agerentur. Haud ila
am Muliliosam fuit ubi et peditum quidem robore, ce- multo post pestilentia laboratum est. Undequum pigritia
terum equitatu aucto nuper, plurimum Romana acies militandi oriretnr, nulla tamen ab armis quies dabatur
valuil. Ab equitibus repente inveclis turbati ordines sunt ab bellicoso rege, salubriora etiam credente mi,itiée, quam
Sabinorum nec pugna deinde illis constare, nec fuga domi, juvenum corpora esse donec ipse quoque lon-
explicari sine magna carde potuil. ginquo morbo est implicitus. Toncadeo fracti simul cum
XXXI. Devictis Sabinis, quam in magna gloria mugnis- corpore sont spiritua illi feroces, ut, qui nihil ante ratua
à coup dans les superstitions même les plus fri- aux textes de Numa, et de les exposer aux regards
voles, et remplit la ville de cérémoniesreligieuses. du public. Ce début fit espérer aux citoyens avi-
A son exemple les Romains, revenant aux habi- des de repos et aux étals voisins que le nouveau
tudes qui avaient marqué le règne de Numa, cru- roi imiterait les mœurs et le gouvernement de son
rent que l'unique remède à leurs maux était d'a- aïeul. Aussi les Latins, qui s'étaient liés à Tullus
paiser et de fléchir les dieux. On dit même que par un traité sortirent de leur inaction, et re-
Tullus, ayant découvert, en feuilletant les livres prirent courage. Ils firent des incursions sur les
de Numa, le récit de certains sacrifices secrets terres de Rome, et répondirent avec arrogance
institués en l'honneur de Jupiter Élicius, se ca- aux députés qu'on leur envoya pour demander sa-
cha pour vaquer à ces mystérieuses cérémonies; tisfaction car ils s'étaient imaginé que l'indolent
mais qu'ayant négligé soit dans les préparatifs, Ancus passerait sa vie dans les temples et aux
soit dans la célébration, certains rites essentiels, pieds des autels. Mais Ancus unissait au caraclère
il n'évoqua le fantôme d'aucune divinité; que Ju- de Numa celui de Romulus, et il sentait bien que
piter, irrité, au contraire, de semblables profa- si la paix avait été nécessaire à son aïeul pour
nations, frappa de sa foudre le prince et le palais, civiliser une nation nouvelle de mœurs si farou-
et les consuma tous deux. Tullus régna trente- ches, il pourrait difficilementprétendre au même
deux ans, et laissa une glorieuse réputation mili- résultat sans essuyer d'injures. On commençait
taire. par tenter sa patience, on finirait par la mépriser.
XXXII. Après la mort de Tullus, l'autorité re- Ces circonstancesréclamaient donc un Tullus plu-
vint, selon l'usaëe, aux mains des sénateurs. tôt qu'un Numa. Mais Numa avait fondé des in-
Ceux-ci nommèrent un interroi. Les comices as- stitutions religieuses pour les temps de paix An-
semblés, Ancus Marcus fut élu roi par le peuple. cus en créa pour les temps de guerre. Il voulut
Le sénat ratifia l'élection. Ce prince était petit-fils qu'un rite particulier fût consacré à la guerre,
de Numa par sa fille. A peine commença-t-il à pour les formes à observer tant dans la con-
régner, que plein de la gloire de son aieul, et duite que dans la déclaration des hostilités. Il
considérant combien le règne précédent avait été emprunta aux Équicoles, ancien peuple de l'Ita-
malheureux, malgré tout son éclat, soitàcausede lie, beaucoup de leurs usages; ce sont les mêmes
l'indifférence de Tullus pour les cérémonies reli- qu'observent encore aujourd'hui les féciaux dans
gieuses, soit à cause des altérations qu'il leur avait leurs réclamations. Le fécial arrivé sur les
fait subir, il regarda comme son premier devoir de frontières du peuple agresseur, se couvre la tête
les ramener à la pureté de leur institution, et d'un voile de laine et dit « Écoute, Jupiter;
ordonna au grand-prêtre d'en transcrire les pré- écoutez, habitants des frontières (et il nomme
ceptes sur des tablettes blanches, de se conformer le peuple auquel elles appartiennent ) écoute

esset minus regium, quam sacris dedere animum, re- Numa instituta erant, facere; omnia ea ei commentariis
pente omnibus magnis parvisque superstitionibus obno- regis pontiflcemin album relata, proponere in publico
xius degeret, religionibusque etiam populum impleret. jubet. Iode et civibus otii cupidis, et flnitimiscivitatibus
Vulgo jam homines, eum statum rerum, qui sub Numa facta spes, in avi mores atque instituta regem abiturum.
s-ege fuerat, requirentes, unam opem ægris corporibus Igilur Latini, cum quibus, Tullo regnante, ictum faedua
relictam, si pax veniaque ab diis impetrata esset, cre- erat, sustulerantanimos et quum incursionem in agrum
debant. Ipsum regem tradunt, volventemcommeutarios Romanum fecissent, repetentibus res Romanis superbe
Numæ, qoum ibi quaedam occulta sollennia sacrillcia respoosum reddunt; desidem Romanum regem inter sa-
Jovi Elicio facta invenisset, operatum his sacris se abdi- cella et aras acturum esse regnum rati. Medium erat in
disse sed non rite initum aut curatum id sacrum esse; Anco ingenium, et Numæ, et Romuli memor et, prae-
nec solum nullam ei oblatam cœleslium speciem, sed ira terquam quod avi regno magis necessarium fuisse pacem
Jovis, sollicitati prava religione, fulmineictum cum domo credebat, quum in oovo, tum feroci populo; etiam quod
conflagrasse. Tullus magna gloria belli regnavit annos illi contigisset utium, sine injuria id se baud facile habi-
duos et triginta. turum tentari patientiam et tentatam contemni; tem-
XXXII. Mortuo Tullo, res, ut institutum jam inde ab poraque esse Tullo regiaptiora, quam Numæ. Ut tamen,
initio erat, ad patres redierat bique interregem nomi- quoniam Numa in pace religiones instltuisset. a se bel-
naverant. Quo comitia habente, Ancum Marcium regem licæ cæremoniæ proderentur; nec gererentur solum, sed
populus creavit patres fuere auctores. Numæ Pompilii etiam indicerenturbella Aliquo ritu jus ab antiqua gerte
regis nepos, Glia ortus, Ancus Marcius erat. Qui ut reg- Æquicolis, quod nunc fetiales habent, descripsit, que
nare coepit, et avilae gloriæ memor, et quia proximum res repetuntur. Legatus, ubi ad fines eorum venit, unde
regnum, cetera egregium, ab una parte haud satis pro- res repetuntur, capite velato fila (lanæ velamen est)
sperum fuerat, aut neglectis religiouibus, aut prave Audi, Jupiter, inquit, audite, fines; (cujuscumque geu-
cullis, longe antiquissimum ralus, sacra publica, ut ab tis eunt, nominat) audiat Fas. Ego sum publicus nuntius
aussi,Justice: je suis le héraut du peuple romain alors « Je pense que, pour faire valoir nos droits,
je viens chargé par lui d'une mission juste et la guerre est juste et légitime; en conséquence,
pieuse qu'on ajoute foi à mes paroles. » Il explose j'y donne mon plein et entier consentement. On
ensuite ses griefs; puis, attestant Jupiter, il con- interrogeait ainsi chacun à son tour, et si la ma-
tinue: « Si moi, le héraut du peuple romain, jorité adoptait cet avis, la guerre était décidée.
j'outrage les lois de la justice et de la religion, en L'usage était alors que le fécial portât aux frontiè-
demandant la restitution de ces hommes et de res du peuple ennemi, un javelot ferré, ou un
ces choses, ne permets pas que je puisse jamais pieu durci au feu et ensanglanté. Là, en présence
revoir ma patrie. » Cette formule, il la dit en de trois jeunes gens au moins, il disait « Puis-
franchissant la frontière, il la dit au premier que les anciens Latins, peuples et citoyens, ont
homme qu'il rencontre, il la dit en entrant dans agi contre le peuple romain, fils de Quirinus, et
la ville ennemie, il l'a dit encore à son arrivée sur failli envers lui, le peuple romain, fils de Quiri-
la place publique; mais en faisant de légers chan- nus a ordonné la guerre contre les anciens Latins;
gements soit au rythme, soit aux termes du ser- le sénat du peuple romain, Gls de Quirinus, l'a
ment. S'il n'obtient pas satisfaction, après trente- proposée, décrétée, arrêtée, et moi et le peuple
trois jours délai prescrit solennellement il romain, nous la déclarons aux anciens Latins,
déclare ainsi la guerre « Écoute, Jupiter, et toi, peuples et citoyens, et je commence les hostilités. »
Junon, Quirinus, et vous tous, dieux du ciel, de En disant ces mots, il lançait son javelot sur le
la terre et de l'enfer, écoulez Je vous prends à territoire ennemi. Telles furent alors les formali-
témoin de l'injustice de ce peuple (et il le nomme) tés auxquelles on eut recours, dans les réclama-
et de son refus de restituer ce qui n'est point à tions adressées aux Latins, et dans la déclaration
lui. Au reste, les vieillards de ma patrie délibé- de guerre. Cette coutume a depuis été constam-
reront sur les moyens de reconquérir nos droits. » ment observée.
Le héraut revenait aussitôt à Rome pour qu'on en XXXIII. Ancus, après avoir laissé aux flamines
délibérât, et le roi communiquait immédiatement et au reste des prêtres, le soin des sacrilices, mar-
l'affaire aux sénateurs à peu près en ces termes che à la tête d'une armée nouvellement enrôlée
« Les objets, griefs et procès que le Père palrat contre Politorium, ville des Latins, qu'il emporte
du peuple romain, fils de Quirinus, a redeman- d'assaut. A l'exemple des rois, ses prédécesseurs,
dés, exposés, débattus auprès du Père patrat et qui avaient agrandi l'état, en conférant le droit
du peuple des anciens Latins, et desquels il at- de cité aux ennemis vaincus, il Gt transférer à
tendait la restitution, la réparation et la solution, Rome tous les habitants. Et, comme les anciens
n'ont été ni reslitués, ni réparés, ni résolus; dis- Romains avaient fixé leur demeure autour du
moi donc, demandait-il au premier à qui il s'a- mont Palatin, les Sabins sur le Capitole et dans
dressait, ce que tu en penses. » Celui-ci répondait la citadelle, les Albains sur le mont Coelius, il as-

populi Romani, juste pieque legatus venio, verbisque quid censes? Tum ille « puro pioque duello quærendas
meis fides sit.. Peragit deinde postulata. Inde Jovem tes- censeo,itaque conseutio, conciscoque. » Inde ordine alii ro-
loin facit « Si ego injuste impieque illos homines illasque gabantur quandoque pars major eorum, qui aderaot, in
res dedier nuntio populiRomani mihi eiposco, tum patriæ camdem sententiam ibat, bellum erat consensu. Fieri so-
compotem me nunquam siris esse. » Hæc, qllum fines su- litum, ut feliahs hastam ferralam aut sanguiaeam præustam
prascandit, haie, quicumque ei primus vir obvius fuerit, ad filles eorum ferret, et, non minus tribus pulreribus præ-
hæc, portam ingrediens, bæc, forum ingressus, paucis sentibus, diceret: .Quid populi priscorum Latinorum ho-
verbis carmiuisconcipiendique jurisjurandimutatis, per- minesque prisci Latini adversus 1 oputum Romanum Qui-'
agit. Si non deduotur, quos exposcit, diebus tribus et ritium fecerunt, deliquerunt, quod populus Romanus
triginta ( tot enim solennes sunt) perachs bellum ita in- Quiritium bellllm cum priscis Latinis jnssit esse, sena.
dicit: « Audi, Jupiter, et tu, Juno, Quirine, diique om- tusque populi Romani Quiritiumcensuit, consensit, con-
nes cmlestes, vosque terrestres, vosque inferai audite. scivit, ut bellum cum priscis Latinis fieret: ob eam rem
Ego vos tester, populum illum, ( quicumque est, uo- ego populusque romanus populis priscorum Latinorum
minat) injustum esse, neque jus persolvere. Sed de istis hominibtisque priscis Lalinis bellum indico facioque. » Id
rébus in patria majores natu consulemus, quo pacto jus ubi dixisset, hastam in fines eorum emittebat. Hoc tum
noslrumadipiscamur..Cumhis nuntius Romam ad consu- mndo ab Latinis repetitæ res, ac bellum indictum mo-
lendum redit.Confestimres bis ferme verbis Patres con- rcmque eum posteri acceperunt.
sulebat «Quarum rerum, litium, causarum conduit pater XXXIII. Ancus, demandata cura sacrorum Oaminibus
patratuspopuli Romani Quiritium patri patratopriscorum sacedotbusque aliis, exercitu novo conscripto profectut,
Latinorum hominibusquo priscis Latinis, quas res dari, Politorium, urbem Latinorum, vi cepit; secutusqu8
Oeri, solvi oportuit quas res nec dederunt, nec fecerunt, née merem regum priorum, qui rem Romannm auxerant
lolvcnint, die, inquit ei, quem primum sententiamrogabat, hostibus in civitatem accikpiendis. multitudinem ommem
signa Ie mont Aveulin aux derniers venus. La aus- tude, les bons et les mauvais citoyens, et les cri-
si trouvèrent place les citoyens de Tellène et de mes, moins connus, se multipliaient. Pour impri-
Ficane, quand les Romains eurent conquis ces mer la terreur et arrêter les progrès de la perver-
deux villes. Bientôt on fut ohligé d'attaquer une sité, Ancus bt construire, au centre la ville, une
seconde fois Politorium, dont les anciens Latins prison qui dominait aussi le Forum. Soua ce règne,
s'étaient ressaisis, depuis quelle avait été aban- le territoire de Rome et ses frontières s'accrurent
donnée par ses habitants; et on la rasa de peur autant que la ville elle-même. On prit aux Véiens
qu'elle ne servit encore de retraite aux ennemis la forêt Mœsia; l'empire fut reculé jusqu'à la mer,
de Rome. La guerre s'étant enfin concentrée de- Ostie fondée à l'embouchuredu Tibre, des salines
vant Médullia les chances du combat y furent établies autour de cette ville, et le temple de Ju-
quelque temps balancées, et la victoire indécise, piter Férétrien agrandi, en reconnaissance des
car la place était forte et bien pourvue, et la gar- derniers succès.
nison nombreuse; de plus, l'armée latine, cam- XXXIV. Pendant le règne d'Ancus, un étranger
pée dans la plaine, en vint maintes fois aux prises nommé Lucumon, homme actif et opulent, vint à
avec les Romains. Mais Ancus, appuyé de tou- Rome. Il y fut attiré principalementpar l'ambition
tes ses troupes, fait un dernier effort les La- et l'espérance d'y obtenir les honneursqu'on lui
tins sont vaincus en bataille rangée. Possesseur refusait à Tarquinium, où sa famille était égale-
d'un immense butin, Ancus revient à Rome, où ment étrangère. Démarate, son père, obligé de
il admet au rang de citoyens plusieurs milliers de fuir Corinthe, sa patrie, à la suite de troubles ci-
Latins. Il les établit auprès du temple de Vénus vils, s'était, par hasard, retiré à Tarquinium. Là,
Murcia, comme pour opérer la jonction entre les il s'était marié et avait eu deux enfants, Lucumon
monts Palatin et Aventin. Le Janicule aussi est et Arons. Lucumon survécut à son père, dont il
lié au corps de la ville, non par défaut de terrain, recueillit seul l'héritag e; Arons était mort aupa-
mais pour garantir cette position contre les sur- ravant, laissant sa femme enceinte. Démarate,
prises. On atteignit ce but non-seulement par le qui l'avait suivi de près, ignorant la grossesse de
moyen d'un mur prolongé jusqu'aux habitations, sa bru, ne fit aucune mention de son petit-fils
mais par un pont de bois, le premier qu'on éleva dans son testament; de sorte que l'enfant, étant né
sur le Tibre, et qui rendit facile le passage d'une postérieurementà la mort de son aïeul n'eût au-
rive à l'autre. Le fossé des Quirites, très-propre cune part dans la succession et fut laissé dans
à interdire l'accès du côté de la plaine, est aussi un état de misère qui lui fit donner le nom d'Égé-
l'œuvre d'Ancus. Depuis ce prodigieux accroisse- rius. Héritier, au contraire, des richesses pater-
ment de Rome, il était devenu plus difficile de nelles, Lucumon en conçut un orgueil que sa
reconnaître, au milieu d'une aussi grande multi- femme Tanayuil s'attacha encore à développer.

Romam traduiit. Et, quam circa Palatium, sedem ve- quum in tanta multitudine hominum, discrimine recto
terum Romanorum, Sabini Capitolium atque arcem, an perperam facti confuso, facinora clandestina fierent,
Cœhum iiioutcm Albaoi implessent, Aventinum novæ carcer ad terrorem increscentis audaciæ média urbe,
multitudni datmn. Addili eodem haud ita multo post, imminens foro ædificatur. nec urbs tantum boc rege cre-
1'ellenis Ficanaque captis, novi cives. Politorium inde vit, sed etiam ager finesque. Silva Mæsia Veientibus
rursus bello repedtum, quod vacuum occupaverant prisci adempta, usque ad mare imperiumprolatum, et in ore
Latini eaque causa diruendm urbis ejus fuit Romanis, Tiberis Ostia urbs condita salinae circa factæ, egregie-
ne hostium semper receptaculum esset. Postremo omui que rebus bello gestis, a'dis Jovis Feretrii amplificata.
bello Latino Medulliamcompulso, aliquamdiu ibi Marie XXXIV. Anco régnante, Lucumo, vir impiger ac di-
incert) varia victoria, puguatum est nam et urbs tuta vitiis potens, Romam commigravit, cupidine maxime ac
munitionibus, præsidioque(irmata valido erat, et, eastris spe magni honoris, cujus adipiscendi Tarquiniis (nam
iu aperto positis, aliquoties exercitus Latinus comiuus ibi quoque peregrinastirpe oriundus erat) facullas non
cum Romanis signa contulerat. Ad ultimum, omuibus fuerat. Damarati Corinthii filius erat; qui, ob seditiones
coplis connisus, Ancus acie primum vincit inde, iu- domo profugus, quum Tarquiniisforte consedisset, uxore
geuti pra'da poiitus, Romam redit, tum quoque multis ibi ducta duos filiox geount. ISominabis Lucumo atque
millibus Latioorum in cilitatem acceptis; quibus, utjun- Aruns fuerunt; Lucumo superfuit patri, bonorum om-
gerelur Palatio Aventiamu, ad Murciae datoe sedes. Jaui- nium hères Aruns prior, quam pater, moritur, uiore
culum quoque adjectum; non inopia loci, sed ne quando gravida relicta. Nec diu manet superstrs 6lio pater
ea arx hostmm ebset. Id non muro solum, sed etiam, ob qui quum, iguorans nurum ventrem ferre, immemor
commoditatem ilineris, ponte sublicio, tum primum iu iu testando nepotis decessisset, puero, post avi mor-
Tiberi facto, coujungi urbi placuit. Quiritum quoque tem m nullam sortem bonorum nato, ab inopia Egerio
fussa, baud parvum muoimentum a planioribus aditu indilum nomeu. Lucumuoi contra, omuium beredi bo-
loi is, Anci regis opus est. Ingenti incremento rébus auctis. norum, quum divitiae jam animos facerent, auiit ducla
Fille d'une haute naissance, Tanaquil n'était nul- du ciel d'où il est descendu, le dieu dont il est le
lement disposée à descendre eu acceptant une al- messager elle ajoute que le prodige s'est accom-
liance qui l'eût fait déchoir. Le mépris des Étrus- pli sur la partie du corps la plus haute que l'or-
ques pour Lucumon, ce fils d'un étranger, d'un nement dont les hommes couvrent leur tête n'a
proscrit, était un affront qu'elle ne pouvait souf- été enlevé un instant de la sienne que pour y être
frir et, pl us sensible à l'élévation de son mari qu'à replacé ensuite par la volonté des dieux. Tout
l'amour de sa patrie, elle résolut de quitter Tar- remplis de ces pensées, ils entrent à Rome et y
quinium. Le séjour de Rome parut lui convenir da- achètent une maison. Lucumon prit le nom de
vantage. Elle espérait que chez un peuple nouveau, Tarquinius Priscus. Sa qualité d'étranger et ses
on la noblesse datait d'un jour et n'était que le richesses le firent bientôt distinguer des Romains
fruit du mérite personnel, un homme courageux lui-même aidait la fortune et se conciliait la fa-
et entreprenant comme Lucumon trouverait bien- veur par son affabilité, par une hospitalité géné
lôt sa place. Tatius et Numa, tous deux étrangers, reuse et par les bienfaits avec lesquels il cherchait
avaient régné dans Rome; on était même allé à à s'attacher tout le monde. Enfin son nom parvint
Cures offrir cet honneur à Numa; Ancus était fils jusqu'au roi. Une fois connu du prince, il ne larda
d'une Sabine, et n'avait pour titre de noblesse que pas à gagner son amitié par ses manières libérales
l'illustration de ce même Numa. Elle n'eut pas de et son habileté à remplir les chargesqui lui furent
peine à persuader l'ambitieux Lucumon fort peu confiées; il était de tous les conseils publics et pri-
attaché d'ailleurs à sa patrie, à laquelle il ne te- vés, et consulté sur la guerre et sur la paix. Après
nait que par sa mère. Ils se rendent donc à Rome l'avoir éprouvé en toutes choses, le roi finit par le
avec leur fortune. Comme ils approchaient du Ja- nommer, dans son testament, tuteur desesenfants.
nicule, Lucumon sur son char et Tanaquil à côté XXXV. Ancus avait régné vingt-quatre ans,
de lui, un aigle s'abattant avec lenteur, enlève le aussi grand qu'aucun autre de ses prédécesseurs,
bonnet qui couvre la tête de Lucumon; puis re- dans la paix comme dans la guerre. Déjà ses fils
prenant son vol et planant avec de grands cris touchaient à la puberté; et Tarquin insistait d'au-
au-dessusduchar, il s'abat de nouveau, et, comme tant plus vivement sur la nécessité d'élire un nou-
s'il eût été chargé de ce soin par les dieux, vient veau roi. Quand les comices furent convoqués;
replacer le bonnet sur la tête de l'étranger. Il se il avait su d'avance éloigner les jeunes princes,
perd ensuite dans les nues. Tanaquil, savante, sous le prétexte d'une partie de chasse. 11 fut le
comme tous les Étrusques, dans l'art d'expliquer premier, dit-on, qui osa briguer ouvertement la
les prodiges célestes, reçut, dit-on, ce présage royauté, et haranguer le peuple pour capter ses
avec transport. Elle embrasse son époux; elle veut suffrages. « Sa demande n'était pas sans exemple,
qu'il s'abandonne aux plus magnifiquesespéran- disait-il et il n'était pas le premier, ce qui d'ail-
ces qu'il considère l'espèce de l'oiseau, la région leurs eût pu surprendre et indigner tout le monde,

in matrimonium Tanaquil, summo loco nata, et quæ culmen hominis auspicium fecisse levasse humano super-
baud facile iis, iu quibus nata erat, humiliora siniret ea, positum capiti decus, ut divinitns eidem redderet. Has
quæ innupsisset. Spernentibus Etruscis Lucumonem ex- spes cogitationesque secum portantes, urbem ingresn
sule advena ortum, ferre indignitatem non potuit; obli- sunt; domicilioqueibi comparato, L. Tarquinium Pris-
taque ingeuitæ erga patriam caritatis, dummodo virum cum edidere nomen. Romanis conspieuum eum novitas
houoratuw videret, consiliiim migrandi ab Tarquiniis divitiæque faciebaDt et ipse fortunam benigno alloquio,
cepit. Roma est ad id potissimum visa. In novo populo, comitate invitandi, beneficüsque, quos poterat, sibi con-
ubi omuis repentina atque ex virtute nobilitas ait, futu- ciliando, adjuvabat; donec in regiam quoque de eo fama
rum locum forti ac strenuo viro reguasse Tatinm Sabi- perlata est notitiamque eam brevi, apud regem libera-
nom; arceasitum in regnumNumam a Curibus et An- liter dextreque obeundo officis, in familiaris amicitiæ ad-
cum Sabins matreorlnm, nobilemqueuna imagine Numæ duxerat jura, nt publicis pariter ac privatis consiliis belli
esse. Facile persuadet, ut cupido honorum, et cui Tar- domique interesset: et, per omnia expertus, postremo
quinii materna tantum patria esset. Sublatis itaque rebus tutor et;am liberis regis testamento institueretur.
commigrautRomam. Ad Janiculum forte ventum erat. XXXV. Regnavit Ancus annns quatuor et viginti, cui-
Ibi ei, carpento sedeuti cum uxore, aqtiila, suspensis de- libet superiorum regum belii pacisqueet art bus et gloria
missa leniter alis, pileum aufert superque carpentum par. Jam filii prope puberem arlatem erant eo magia
cum niagno clangore volitans, rursus, velut ministerio Tarquiniusinstare,ut quam primum comitia regi creaudo
divinitus missa capiti apte reponit inde aubliutis abiit. fiereut. Quibus indictis, sub tempus pueros venatum ah-
Accepisseid augurium le'ta dicitur Tanaqud, perita, ut legavit isque primus et petisse ambitiose regnum, et
vulgo Etrutcij cæleslium prodigiorum mulier. Eicelsa orationem dicitur babuissead conciliandosplebis animoa
et aita sperare complexa virum jubet; eam alitem ea re- compositam Quum se non rem novam pctere; quippe
gione cæli et ejus dei nuotiam venisse circa summum qui non primus, quod quisquam indign8n mirarive per
1.
mais le troisième étranger qui prétendait à la appelée aujourd'hui le grand Cirque. Il destina
couronne. Tatius n'était pas seulement étranger; des places particulières aux sénateurs et aux che.
il était ennemi, et pourtant on l'élut roi. Numa valiers, et chacun d'eux y lit construire des loges,
ne connaissait Rome que de nom, et cependant il soutenues sur des échafauds de douze pieds de
avait été appelé à y régner, sans qu'il eût la hauteur, et qu'on nomma Fori. Les jeux étaient
pensée de le demander. Pour lui, dès qu'il avait des courses de chevaux et des combats d'athlètes,
pu disposer de sa volonté, il était venu à Rome dont les acteurs étaient tirés la plupart de l'Étru-
avec sa femme et toute sa fortune et, depuis qu'il rie. Ils devinrent annuels; on les appela tantôt
était arrivé à cet âge où l'homme peut rendre à les Grands Jeux, tantôt les Jeux Romains. Tarquin
un état des services utiles, il avait plus vécu à fit encore distribuer à des particuliers le terrain
Rome que dans son ancienne patrie. Dans la paix qui environne le Forum, afin qu'ils y élevassent
et dans la guerre, il s'était formé sur les leçons des portiques et des boutiques.
d'un assez grand maître, Ancus lui-même; c'est XXXVI. Il se préparait aussi à entourer la ville
à lui qu'il devait la connaissance des lois et du d'une muraille de pierres, lorsque la guerre des
culte de Rome. Il avait rivalisé avec tous les ci- Sabins vint traverser son projet. Leur attaque fut
toyens d'attachement et de respect envers le roi, si subite, qu'ils avaient déjà franchi l'Anio avant
et, avec le roi, de bonté envers tous les citoyens. » qu'il fût possible à l'armée romaine d'aller à leur
Comme il ne disait rien qui ne fût vrai le peu- rencontre et de les arrêter. La terreur avait gagné
ple, d'un consentement unanime, lui déféra la Rome. A la première bataille, le carnage fut grand
royauté. Cet homme, si remarquable d'ailleurs, de part et d'autre, et la victoire indécise. Mais
porta sur le trône le même génie ambitieux qui les ennemis s'étant retirés dans leur camp lais-
lui en avait ouvert le chemin. Aussi attentif à af- sèrent aux Romains le temps de lever de nouvelles
fermir son autorité qu'à étendre les bornes de son troupes. Tarquin vit que la faiblesse de son armée
royaume, il nomma cent nouveaux sénateurs, venait de l'insuffisance de sa cavalerie; il résolut
désignés depuis sous le nom de patriciens de se- d'ajouter de nouvelles centuries aux trois déjà
conde classe. Il se créait ainsi ostensiblement un formées par Romulus, les Ramnès, les Titienses
parti, qu'il enchaînait à lui par des honneurs. Sa et les Lucères et de les honorer de son nom.
première guerre fut contre les Latins; il prit d'as- Comme Romulus avait consulté les augures avant
saut la ville d'Appioles, et rapporta de cette ex- d'organiser cette milice, Attus Navius, le plus
pédition des richesses plus considérables qu'il n'en célèbre d'alors, prétendit qu'on n'y pouvait rien
pouvait attendre d'une conquête de si peu d'im- changer ni rien ajouter sans obtenir l'autorisa-
portance. Il les employa à célébrer des jeux avec tion des auspices. Le roi fut blessé de la liberté
plus de pompe et de magnificence que les rois ses du pontife. On rapporte que, se raillant de sa
prédécesseurs. Ce fut alors qu'il traça l'enceinte science, il dit « Or çà, devin, consulte tes pro-

set, sed tertius Romm peregrinus regnum affectet et cas est loca dhisa patribus equitibusque,ubi spechcula
Tatium non ex peregrino solum sed etiam ex hoste, re- sibi quisque facerent; fori appellati. Spectavere furcis
gem factum et Numam ignarum Urbis, non peteniein, duodenos ab terra spectacula alta sustmentibus pedes.
in regnum ultro accitum tum se, ex quo sui potens fue- Ludinrum fuit equi pugilesque ex Etruria maxime ac-
rit, Romam cum con juge ac fortunis omnibus commi- citi. Sollennes deinde annui mansere ludi, Romani Ma-
grasse majorem partem ætatis ejus, qua civilibus officiis gnique varie appellati. Ab eodem rege et circa forum pri-
fungantur homines, Rumm se, quam in vetere patria vatis ædificanda divisa sunt loca, porticus taberua'que
vixisse; domi msliliæquesub baud pœnitendo magistro, factæ.
ipso Anco rege, romana se jura, romanos ritus didi- XXXVI. Muro quoque lapideo circumdare urbem pa-
cisse obsequio et observanlia in regem cum omnibus, rabat, qunm Sabinum bellum cmptis in ervenit adeo-
benignitate erga alios cum rege ipso certasse » Ha'c eum que ea subita resfuit, ut prius Anieuem transirent hos.es,
baud falsa memorantem ingenti consensu populus Roma- quam obviam ire ac prohiber exercitus romanus posset.
nus regnare jussit. Ergo virum, cetera egregium, secuta, Itaque lrepidatum Romæ est et primo dubia victoria
quam in petendo bahuerat, etiam regnantemambitio est. magna utrimqne caede pugnatum est. Reductis deinde in
Nec minus regni sui firmandi, quam angendae reipublicae, castra hostium copiis, datoque -,patio Romanis, ad com-
memor, centum in patres legit; qui deinde minorum parandum de integiobellum, Tarquinius, equitem maxi-
gentium sunt appellati faclio baud dubia regis, cujus me suis deesse viribus ratus, ad Ramnes. Titienses,
beneûcio in curiam venerant. Bellum primum cum Lati- Luceres quas centurias Romulus scripserat. addere alias
nit gessit, et oppidum ibi Apiolas vi cepit; praedaque inde constituit, suoque indignes relinquere nomine. Id quia
majore, quam quanta belli fama fuerat, revecta, Judos inaugurato Romulus fecerat, negare Attus Navius, in-
opulentius instructiusque,quam prioresreges, fecit. Tum clutus ea tempestate augur, neque mutari neque novum
primumcirco, qui nunc maximus dicitur, designatus lo- constitui, nisi avesaddixisseut, posse. Ex eo ira regi mota-
nostics, et dis-moi si ce que je pense maintenant et qu'on jeta tout enflammédans le fleuve. Le venl
est faisable? o Le devin interrogel'augure, et ré- favorise l'incendie, et ces bois, la plupart réunis
pond affirmativement. e Eh bicn 1 ajoute le roi, en radeaux, viennent s'attacher aux pilotis du
je pensais qui tu couperais cette pierre avec un pont, et l'embrasent. Ce spectacle épouvante les
rasoir. Prends-la donc et fais ce que ces oiseaux Sabins pondant qu'ils combattent, et devient un
ont déclaré possible. » Alors, sans hésiter, Navius, obstacle à leur retraite lorsqu'ils sont mis eu dé-
dit-on, trancha la pierre. La statue de cet Atlus, route. Un grand nombre, échappé au fer des Ro-
représenté la tête voilée, se voyait sur la place mains, périt dans le fleuve; et leurs armes, em-
des Comices, à l'endroit où ce fait eut lieu et sur portées par le Tibre jusqu'à Rome, y annoncent
les degrés, à gauche, de la salle du sénat. On l'éclatante victoire de Taquin, avant l'arrivée du
ajoute que la pierre y fut aussi placée pour con- messager qui en apportait la nouvelle. La cava-
sacrer à perpétuité le souvenir de ce prodige. Ce lerie eut presque tout l'honneur de cette journée.
qu'il y a de certain, c'est que, dès ce moment, Placée aux deux ailes et voyant le centre de l'in-
les augures acquirent tant de crédit, et leur sacer- fanterie romaine lâclrer pied, elle fondit avec tant
doce tant de considération, que, dans la suite, on d'impétuosité sur le flanc des légions sabines, que
n'osa plus rien entreprendre, ni dans la guerre non-seulement elle les arrêta dans l'ardeur de
ni dans la paix, sans les avoir préalablement con- leur poursuite, mais qu'elle les força bientôt à
sultés. Les assemblées du peuple, les levées de fuir. Les fuyards coururent vers les montagnes,
troupes, les délibérations les plus graves, étaient mais peu y trouvèrentun abri le reste fut, comme
interrompues et ajournées si les oiseaux ne les nous l'avons dit, culbuté dans le fleuve par la
approuvaient.Tarquin ne Gt alors d'autre chan- cavalerie. Tarquin, persuadé qu'il fallait profiter
gement aux compagnies de centuries, que d'en de la terreur des vaincus, envoya le butin et les
doubler le nombre, en sorte que trois centuries prisonniers à Rome; puis, pour accomplir un
formaient un corps de dix-huit cents hommes. vœu fait à Vulcain, il mit le feu aux dépouilles en-
Pour désigner les derniers incorporés, on ajouta nemies, entassées en un vaste monceau, et entra
le mot nouveaux à l'ancienne dénomination; mais sur le territoire des Sabins. Ceux-ci, malgre leur
aujourd'hui, qu'on les a doublées, on les appelle défaite et leur peu d'espoir pour l'avenir, n'ayant
les six centuries. pas d'ailleurs le temps de délibérer, vinrent au-
XXXVII. Cette arme ainsi augmentée Tar- devant des Romains avec des troupes levées sans
quin livre une seconde bataille aux Sabins. S'ai- ordre et à la hâte. Une seconde défaite, anéantis-
dant encore de la ruse, malgré ce développement sant presque toutes leurs ressources, les obligea
de forces nouvelles, il Gt mettre le feu à une à demander la paix.
quantité de bois amassé sur les bords de l'Anio, XXXVIII. Ils perdirent Collatie et tout son ter-

cludensqueartem,utferunt, « Agedum, inqnit, divine tu, tem, ardentem in flumen conjicerent ventoque juvante
inaugura, fierine possit, quod nunc ego mente concipio.» accensa ligna, et pleraque in ratibus; impacta sublicis
Qaum ille, in augurio rem experlus, profecto futuram quum bærerent, pontem incendunt. Ea quoque res in
diusset. « Atqui hoc auimo agitavi,inquit, te novacula co- pugna terrorem attulit Sabinis. Eflusis eadem lugam im-
lein discissurum. Cape haec, et perage, quod aves tuæ pediit multique mortales, quum hostem eflugissent, in
Ocri posse portendunt. » Tum illum haud cunclanter disci- flumine ipso periere quorum fluitantia arma ad Urbem
disse cotem ferunt. Statua Atti capite velato, quo in loco cognita in Tiberi prius pa'ne, quam nuntiari posset, in-
res acta est, in comitio, in gradibus ipsis ad lævam Cu- signem victoriam fecere. Eo prælio praecipua equitum
riæ fmt cotem quoque eodem loco sitam fuisse memo- gloria fait; utrimque ab coruibus positos, qoum jam pel-
rant, ut esset ad posteros miraculi ejus monumentum. leretur médiapeditum suorum acies, ita incurrisse ab la-
Augurtis certe sacerdolioque augurum tantus bonos ac- teribus ferunt, ut non sisterent modo sabinas legiones,
cessit, ut nihil belli domique postea nisi auspicato, gere- ferociter instantes cedentibus, sed subito in fugam aver
retur concilia populi, exercitus vocati, summa rerum, terent. Montes effuso cursu Sabini petebant, et pauci
ubi aves non admisissent, dirimerentur. Neque tum Tar- tenuere; maxima pars, ut ante dictum est, ab equitibus
quinius de equitum centuriisquicquam mutavit numero in flumenacti sunt. Tarquinius instandum perterritis ra-
alterum tantum adjecit, ut mille et octinginti equites in tm, præda captivisque Romam missis, apoliis hostium
tribus centuriis essent. Posteriores modo sub iisdem no- (votum id Vulcano erat) ingenti cumulo accensis, pergit
minibus, qui adddi erant, appellati sont quas nunc, porro in agrum sabinum exercitum inducere. Et, quan-
quia geminatæ sunt, sex vocant centurias. quam male gesta res erat, nec gesturos melius sperare
XXXVII. Hac parte copiarum aucta iterum cum Sa poterant, tamen, quia consuleadi res non dabat spatium,
binis confligitur. Sed præterquam quod viribus creverat iere obviam Sabini tumultuario milile iterumque ibi
Romanus eiercitus, ex occulto etiam additur dolus, fusi perditis jnm prope rebus, pacem petiere.
missis, qui magnamvim lignorum, iD Anienis ripajacen- XXXVIII. Collalia, et quicquid circa Collatiam agri
titoire. Le gouvernement en fut donné à Égérius, has de la ville, autour du Forum, et des vallées
neveu de Tarquin. Voici comment les habitants se qui sont entre les collines, il les dessécha au moyen
rendirent, et la formule dont on usa en cette cir- d'égouts qui les reçurent de ces différents points
constance. Le roi, s'adressant aux députés, leur et les conduisirent, ainsi que celles des hauteurs
demanda a
Êtes-vous les députés et les orateurs de la ville, jusqu'au Tibre. Il traça ensuite l'en-
envoyés par le peuple collatin, pour vous mettre, ceinte du temple que, pendant la guerre des Sa-
vous et le peuple de Collatie, en ma puissance ? bins, il avait voué à Jupiter Capitolin, et dont les
Oui. Le peuple coliatin est-il libre de disposer fondations présagèrent dès lors la majesté future.
de lui? Oui. Vous soumettez-vous à moi et XXXIX. Vers ce temps-là, un prodige, aussi
au peuple romain, vous, le peuple de Collatie, extraordinaire par lui-même que par les événe-
la ville, la campagne, les eaux, les frontières, ments qui le suivirent, se manifesta dans le pa-
les temples, les propriétés mobiliaires, enfin tou- lais. Une flamme embrasa, dit-on la chevelure
tes les choses divines et humaines? Oui. -Eh d'un enfant endormi, nommé Servius Tullius. Un
bien j'accepte en mon nom et au nom du peuple pareil miracle excita de tous côtés, dans le palais,
romain. o La guerre des Sabins terminée, Tar- des cris qui attirèrent le roi et sa famille. Comme
quin rentra triomphant dans Rome. Il tourna eu- un des serviteurs s'empressaitd'apporter de l'eau
suite ses armes contre les anciens Latins. Il n'en pour éteindre la flamme, la reine le retint, et,
vint jamais avec eux à une action décisive mais, faisant cesser le tumulte, défendit de toucher à
en attaquant séparément toutes les villes de leur cet enfant, jusqu'à ce qu'il s'éveillât de lui-même.
pays, il subjugua tous ceux qui portaient le nom Mais bientôt la flamme s'évanouit avec le sommeil
de Latins. Il prit Corniculum l'ancienne Ficuléa, de l'enfant. Alors Tanaquil, ramenant son mari
Camérie Crustumérium, Amériola,Médullia, No- dans l'intérieur du palais « Vois-tu, lui dit-elle,
mentum, villesqui avaient de touttempsappartenu cet enfant que nous élevons dans une condition si
ou qui s'étaient données aux Latins. La paix con- humble? Sache qu'il sera la lumière qui doit ra-
clue, il commença, dans l'intérieur de la ville, nimer un jour nos espérances prêtes à s'éteindre,
des travaux considérables, et y déploya plus d'ac- et soutenir notre trône ébranlé. Entourons donc de
tivité encore qu'il n'en avait montré dans les tous nos soins et de toute notre tendresse ce gage
guerres qu'il venait de soutenir. Le peuple, ren- d'une gloire immense pour Rome et pour nous.
tré dans ses foyers, n'y eut pas plus de repos que Depuis ce moment ils traitèrent Servius commes'il
dans les camps. Tarquin fit en effet continuer le eût été leur fils, et lui firent apprendre tout ce
mur de pierres de taille dont la guerre des Sa- qui excite les esprits et leur donne l'ambition d'une
bins avait interrompu la construction, et fortifia haute fortune. Les desseins des dieux ne pouvaient
la ville dans toute la partie encore ouverte. Comme manquer de s'accomplir. Les qualités d'un roi se
les eaux s'écoulaient difficilement des quartiers développèrent chez cet enfant avec la jeunesse,

erat, Sabinis ademptum. Egerius ( fratris hic filius erat collibus convalles, quia ex planis locis haud facile evehe-
regis) Collatix in praesidio relictus deditosque Collati- bant aquas, cloacis e fastigio in Tiberim ductis siccat et
nos ita accipio, eamque deditionis formulam esse. Rex aream ad æadem in Capitolio Jovis, quam voverat bello
interrogavit Estisue vos legati oratoresque missi a po- Sabino, jam præsagiente animo futuram olim amplitudi-
pulo Collatino, ut vos populumque Collatinum dederitis? nem loci, occupât fundamentis.
Sumus. Estne populus Collatinus in sua potestate? Est. XXXIX. Eo tempore in regia prodigium visu eventu-
Deditisne vos, populumque Collatiuum, urbem, agros, que mirabile fuit. Puero dormienti, cui Ser. Tullio uo-
aquam, termiuos, delubra, uteusilla, divina, bumaua- men fuit, caput arsisse ferunt mullorum in conspectu.
que omnia, in meam populique Romani ditionem? De- Plurimo igitur clamore inde ad tantæ rei miraculum orto
dimus. At ego recipio.uBelloSabino perfecto, Tarquinius excitos reges et quum quidam familiarium aquam ad
triumpbans Romam rediit. Inde priscis Latinis bellum restinguendum ferret, ab regina retentum sedatoque
fecit; ubi nusquam ad universæ rei dimicationem ventum eam tumultu, moveri vetuisse puerum; dooec sua sponte
eat. Ad siogulaoppida circumferendo arma omne nomen experrectus esset. Mox cum somno et flammim abdsse.
Latinum domuit. Corniculum, Ficulea vetus, Cameria, Tum abducto in secretum viro Tanaquil, « iden' tu pue
Crustumerium, Ameriola, Medullia, Nomentum, haec rum hune, inquit, quem tam humili cultu educammr
de priscis Latinis, aut qui ad Latinos defecerant, capta Scire licet, hune lumen quondam rebus nostris dubiis fu
oppida. Pai deinde est facta. Majore inde animo pacis turum, praesidiumque regiae afllicæ: proinde materiem
opéra incohata, quam quanta mole gesserat bella ut ingentis publice privatimque decoris omni indulgentia
uon quietior populus domi esset, quam militiæ fuisset. nostra nutriamus.Inde puerum liberum loco cœptum ha-
Nam et muro lapideo, cujus exordium operis Sabino bello beri, crudiriqueartibus, quibus ingenia ad magna; for-
turbatum erat, urbem qua nondum munierat, ciugere tunæ cultum excitautur. Evenit facile, quod diis cordi
parat et infima urbis loca circa forum aliasque interjectas esset. Juvenis eratit vere indolis regiam nec, yuum
et lorsque Tarquin chercha un gendre, personne, d'un esclave; qu'ainsi cette ville, où un siècle
parmi les jeunes Romains, ne méritantd'être com- auparavant Romulus, fils d'un dieu, et dieu
paré à Tullius, c'est à lui qu'il donna sa fille. Cet lui-même, avait régné tout le temps de son séjour
honneur insigne, quelle qu'en fût la cause, ne sur la terre, allait obéir, aprcs lui. au fils d'une
permet pas de croire que Servius Tullius fût ne esclave, destiné lui-même à l'esclavage. lis con-
d'une esclave, et qu'il l'eût été lui-même dans sidéraient la honte du nom Romain, celle de leur
son enfance. J'accepte plus volontiers l'opinion propre maison, surtout si, du vivant des fils
suivante. On prétend qu'à la prise de Corniculum, d'Ancus, on laissait le trône à des étrangers, à des
Servius Tullius, chef de cet état, périt, laissant esclaves. Le fer seul pouvait empêcher cette in-
sa veuve enceinte; que, reconnue parmi les au- jure. Mais leur ressentimentles animait plus con-
tres captives, cette femme, par la seule considé- tre Tarquin que contre Servius. Le roi s'il sur-
ration de sa naissance, obtint de la reine d'être vivait à son gendre, tirerait de cet assassinat une
rendue à la liberté, et fut logée à Rome, dans le vengeance plus terrible que ne ferait un simple
palais de Tarquin l'Ancien; que là elle accou- particulier, outre qu'après la mort de Servius
cha de Servius, et que sa reconnaissance pour il ne manquerait pas d'assurer la possession du
une hospitalilé généreuse établit entre les deux trône au nouveau gendre qu'il lui plairait do
femmes une étroite intimité; que l'enfant, né et choisir. C'est donc contre le roi lui-même qu'ils
élevé dans le palais y fut l'objet de la tendresse méditent de diriger leurs coups. Ils choisissent,
et des égards respectueux de tous, et qu'enfin le pour l'exécution du complot, deux pâtres déter-
sort de sa mère, tombée au pouvoir de l'ennemi minés. Ces hommes, munis de leur équipement
après la conquête de sa patrie, avait fait croire de pâtre, pénètrent dans le vestibule du palais,
qu'il était fils d'une esclave. et y engagent, avec le plus de bruit possible, une
XL. Tarquin avait presque atteint la trente- querelle simulée qui attire sur eux toute l'atten-
huitième année de son règne, et Servius Tullius tion des gardes. Comme ils imploraienttous dem
jouissait de la plus haute considération, non-seu- la justice du prince, et que leur voix, retentissant
lement auprès du roi, mais aussi parmi les séna- dans le palais, arrivaitjusqu'aux oreilles de Tar-
teurs et le peuple. Les deux fils d'Ancus, toujours quin, celui-ci les fait venir en sa présence. D'a-
indignés de la perfidie de leur tuteur, qui les avait bord ils parlent tous deux à la fois, sans que l'un
chassés du trône paternel, et de la domination veuille donner à l'autre le temps de s'expliquer.
d'un roi qui loin d'être citoyen de Rome, n'était Mais le licteur, leur imposant silence, leur or-
pas même d'origine italienne, sentirent plus vive- donne de parler chacun à son tour. Ils cessent
ment cet affront lorsqu'ilsprévirent que le scep- alors de s'interrompre, et l'un d'euz commence
tre, non-seulement leur échapperait encore après à exposer le fait, de la façon convenue. Pendant
Tarquin, mais tomberait, déshonoré, aux mains que le roi, tourné vers cet homme, est tout en-

qutereretur gêner Tarquinio,quisquam Romanæ juven- inde porro ad servitia caderet ut in eadem civitate post
tutis ulla arte conferri potuit filiamque ei suam rex des- centesimum fere annum, quam Romulus deo prognatus,
pondit. Ilic quacunque de causa tantus illi honos habitus deus ipse, tenuerit regnum, donec in terris fuerit, id
credere prohibet, serva natum eum, parvumque ipsum servus serva natus possideat. Tum commune Romani no-
servisse. Eorum magis sententiæ sum, qui Cornioulo minis, tum proecipue id domus suæ dedecus fore; si,
capto. Ser. Tullii, qui princeps in illa urbe fuerat, gra- Anci regis virili stirpe salva, non modo advenis, sed ser-
vidam viro occiso uxorem, quum inter reliquas captivas vis etiam, regnum Romm pateret. Porro igitur eam
cognita esset, ob unicam nobilitatem ab regina romana arcere contumeliam statuunt. Sed et injuriw dolor in
prnbibitam ferunt servitiupartum Romæ edidisse, Prisci Tarquiuium ipsummagis,quaminServium, eos stimu-
Tarquinii domo. Inde tanto beneficimet inter mulieres labal et quia gravior ultor cædis, si superesset, rex
familiarilatem auctam et puerum, ut in domo a parvu futurus erat, quam privatus; tum, Servio occiso, quem-
eductum, in caritate atque honore fuisse fortunam ma- cunque alium generum delegisset,eundem regui hære-
tris, quod capta patria in hostium manusvenerit, utserva dem facturus videbatur. Ob ha'c ipsi regi insidiæ parau-
natus crederelur, fecisse. tur. Ex pastoribus duo ferocissimi delecti ad facinus,
XL. Duodequadragesimoferme anno, ez quo regnare quibus consueti erant uterque agrestibus ferramentis, iu
eœperat Tarquinius, non apud regem modo, sed apud vestibulo régiæ, quam potuere tumultuosissime specie
patres plebemque longe maximohonore Ser. Tulliuserat. rixæ in se omnes apparitores regios couvertunt inde
Tum Anci filii duo etsi antea semper pro indiguissimo quum ambo regem appellarent, clamorque eorum peui-
habuerant, se palrio regno tutoris fraude pnlsos, regnare tas in regiam perveuisset, vocati ad regem pergunt.
Romæ advenam, non modo civicæ. sed ne Italicæ qui- l'riroo uterque vociferari et certatim aller alteri obstre-
dem stirpis: tum impensius his indignitas crescere, si ne pere coerciti ab lictore, et jussi in vicem dicere, tandem
ab Tarqusio quidem ad se rediret regnum, sed præceps ohloquidesistunt. Unus rem ex composito orditur. Quum
tier à son récit, l'assassin lève sa hache, lui en et l'exhorte b se rassurer. « La soudaineté du coup
décharge un coup sur la tête, et, laissant le fer a étourdi le roi, dit-elle, mais la plaie n'est pas
dans la blessure; s'échappe avec son complice. profonde; il a déjà repris ses sens; sa blessure a
XLI. Tarquin tombe mourant dans les bras de été examinée, le sang étanché, et le prince est
ceux qui l'entourent; mais les meurtriers, qui hors de danger. Llle se flatte que dans peu ils le
fuient, sont arrêtés par les licteurs. Des cris s'é- verront lui-même. En attendant, il leur ordonne
lèvent le peuple accourt et demande avec éton- d'obéir à Servius Tullius. C'est Tullius qui rendra
nement ce qui se passe. Au milieu du tumulte, la justice, et remplira les autres fonctions roya-
Tanaquil donne l'ordre de fermer les portes du les.» Servius sort revêtu de la trabée, et, précédé
palais, et écarte les témoins. En même temps elle des licteurs, s'assied sur le trône prononce sur
prescrit les secours que réclame la blessure de son quelques affaires, et feint de vouloir, sur d'autres,
mari, comme si elle espérait encore le sauver, et consulter le roi. Ainsi, Tarquin, depuis quelques
elle se ménage d'autres ressources si cet espoir jours, avait cessé de vivre, et Servius, cachant
vient à lui manquer. Faisant appeler Servius, et cette mort, affermissait sa puissance, sous pré-
l'ui montrant Tarquin près d'expirer, elle le con- texte d'exercer celle d'un autre. Enfin, la vérité
jure, en lui prenant la main de venger la mort est déclarée, et, an milieu des lamentations qui
de son beau-père, et ne pas souffrir que sa belle- retentissent dans le palais, Servius, entouré d'une
mère devienne le jouet de ses ennemis. « Si tu es garde sûre, s'empare de la royauté. Ce fut le pre-
un homme, ajoute-t-elle, le trône est à toi, Ser- i mierexemple d'un roi nommé par le sénatseul et
vius, et non pas à ceux qui ont recouruàdesmains sans la participationdu peuple. Les fils d'Ancus,
étrangères pour consommer le plusaffreuxdetous sur la nouvelle que les assassinsavaient été pris
les crimes. Lève-toi, obéis aux dieux qui t'ont des- que le roi vivait, et que l'autorité de Servius était
tiné à la puissanceroyale, toi, dont ils annoncèrent plus solide que jamais, s'étaient exilés volontaire-
la haute fortune par la flamme céleste qui brilla ment à Suessa-Pométia.
jadis autour de ta tête. Que cette flammet'échauffe XLII. Servius, après avoir mis sa puissance à
aujourd'hui; qu'aujourd'hui ton réveil commence. l'abri de toute opposition de la part du peuple,
Et nous aussi, quoique étraugers, n'avons-nous voulut aussi la préserver des accidents domesti-
pas régné? Songe qui tu es, et non d'où tu sors. ques et, a6n de n'être pas traité par les enfants
Si l'imprévu empêche ta résolution, du moins du feu roi comme celui-ci l'avait été par les fils
laisse-moi te conduire. » Cependant la multitude d'Ancus, il fait épouser ses deux filles aux deux
redouble ses cris son empressement devient irré- jeunes Tarquins, Lucius et Aruns. Mais la pru-
sistible. Alors, d'une fenêtre élevée qui dominait dence de l'homme fut déjouée par l'inflexible loi
la rue Neuve ( car le roi habitait près du temple du destin, et la soif de régner fit naître de toutes
de Jupiter Stator ) Tanaquil harangue le peuple, parts, au sein de la maison royale, des ennemis

mtentus in eum se rex totus averteret, alter elatam secu- populum Tanaquil alloqnitur. Jubet bono animo esse
rim in caput dejecit relictoque in vulnere telo, ambo se « sopitum fuisse regem
subito ictu ferrum baud alte in
foras ejiciunt. corpus descendisse jam ad se redisse. Inspectum vulnus,
XLI. Tarquinium moribundum quum, qui circa absterso cruore omnia salubria esse confidere prope-
excepissent, illos fugientes lictores comprehendunt. Cla- diem ipsum eosvisuros. Interim Ser. Tullio jubere popu-
mor inde concursusque populi, mirantium quid rei es- lum dicto audientem esse. Eum jura redditurum,obitu-
set. Tanaquil inter tumultum claudi regiam jubet, arbi- rumque alia regis munia esse.» Servius cum trabea et lic-
trosejicit; simul, quæ curando vulneri opus sunt, tan- toribus prodit; ac, sede regia sedens, alia deceruit, de
quam spes subesset, sedulo comparat simul, si destituat aliis consulturum se regem esse siniulat. Itaque, per ali-
spes, alia prasidia molitur. Servio propere accito quum quot dies, quumjamexspirasset Tarquillius, celata morte,
poene exsanguem virum ostendisset; dextram tenens orat, per speciem alienæ fungendx vicissuas opes firmavit. Tum
ne inultam mortem soceri ne socrum inimicis ludibrio demum palam facto, et comploratione in regia orta Ser-
esse siuat. Tuum est, inquit, Servi, si vir es, regnum vius, præsidio firmo munitus, primus injussu populi vo-
non eorum, qui alienis manibus pessimumfacinus fecere. luutate Patrum regnavit. Anci liberi, jam tum compre-
Erige te, deosque duces sequere, qui clarmu hoc fore heusis sceleris miuistris, ut vivere regem, et tantas esse
exsula-
caput divino quondamcircumfusoigni portenderunt.Nunc opes Servii nuntiatum est, Suessam Pometiam
te illa cœlestis excitet ffamma nunc expergiscere vere. tum ierant.
Et nos peregrini regnavimus. Qui sis, non unde natus XLII. Nec jam publicis magis consiliis Servius, quam
sis, reputa. Si tua re subita consilia topent, at tu mea privatis, munire opes. Et ne, qualis Auci liberum ani-
seqiiere. » Quum clamor impetusque multitudinis vix sus- mus adversus Tarquiuium fuerat, talis adversus se Tar-
tineri posset, ex superiore parte aedium per fenestras,in quinii liberum esset, duas filias juvenibus regiis, Lucio
noyamviam versas (habitabatcnimrex ad Jovis Statoris) i atque Aruuti Tarquiniis, jungit. Nec rupit tamen fati ne-
et des traîtres. Heureusement pour la tranquillité d'ouvriers, qui servaient sans porter d'armes, et
présente de Servius, la trève avcE les Véieus et les devaient préparer les machines de guerre. La se-
autres peuples de l'Étrurie était expirée, et la conde classe comprenait ceux dont le ceus était
guerre recommença. Dans cette guerre, le bon- au-dessous de cent mille as, jusqu'à soixante-
heur de Servius éclata comme son courage. II tailla quinze mille, et se composait de vingt centuries
les ennemis en pièces, tllalgré leur nombre, et re- de citoyens, jeunes et vieux. Leurs armes étaient
vint à Hume, roi désormais reconnu, soit qu'il les mêmes que celles de la première classe si ce
en appelât aux sénateurs, soit qu'il en appelâtau n'est que le bouclier était plus long et qu'ils n'a-
peuple. Ce fut alors que, dans le loisir de la paix, vaient pas de cuirasse. Le cens exigé pour la troi-
il entreprit une œuvre immense et si Numa fut sième classe était de cinquante mille as le nom-
le fondateur des institutions religieuses, la posté- bre des centuries, la division des âges, l'équipe-
rité attribue à Servius la gloire d'avoir introduit ment de gnerre sauf les bottines, que Scrvùu
dans l'état l'ordre qui distingue les rangs, les for- supprima, tout était le même que pour la seconde
tunes et les dignités, en établissant le cens, la classe. Le cens de la quatrième classe étaitnde
plus salutaire des institutions, pour un peuple vingt-cinq mille as, et le nombredes centuries égal
destiné à tant de grandeur. Ce réglement impo- à celui de la précédente mais les armes différaient.
sait à chacun l'obligation de subvenir aux besoins La quatrième classe n'avaitquela lance et ledard.
de l'élat, soit en paix, soit en guerre, non par La cinquième classe, plus nombreuse, se compo-1
des taxes individuelles et communes comme aupa- sait de trente centuries elle était armée de fron-
ravant, mais dans la proportion de son revenu. des et de pierres, et comprenait les accensi, les
Servius forma ensuite les diverses classes des ci- cors et les trompettes divisés en trois centuries.
toyens et les centuries, ainsi que cet ordre, fondé Le cens de cette classe était de onze mille as, et
sur le cens lui-même aussi admirable pendant la le reste du menu peuple, dont le cens n'allait pas
paix que pendant la guerre. jusque-là, fut réuni en uneseulecenturie, exempte
XLIII. La première classe était composéedeceux du service militaire. Après avoir ainsi composé et
qui possédaientun cens de cent mille as et au delà; équipé son infanterie, il leva, parmi les premiers
elle était partagée en quatre-vingts centuries, qua- de la ville, douze centuries de cavaliers; et des
rante de jeunes gens et quarante d'hommes plus trois que Romulus avait organisées, il en forma
mûrs. Ceux-ci étaient chargés de garder la ville, six, en leur laissant les noms qu'elles avaient re-
ceux-là de faire la guerre au dehors. On leur donna çus au moment de leur institution. Le trésor pu-
pour armes défensives, le casque, le bouclier, les blic fournit dix mille as pour achat de chevaux
bottines et la cuirasse, le tout en métal de cuivre; dont l'entretien fut assuré par une taxe annuelle
et pourarmes offensives, la lance et l'épée. A celle de deux mille as, payée par les veuves. Ainsi re-
première ctasse Servius adjoignit deux centuries tombaient sur le riche toutes les charges, dont lo

cessitatem humanis consiliis, quin invidia regni etiam in- dius. Additæ huic classi duæ fabrum centurie, quœ sine
Icr domesticos iufida omnia atque infesta faceret. Perop- armis stipendia facerent datum munus, ut machinal iu
portune ad pra'sentia quietem status bellum cum Veieuli- bello ferrent. Secunda classis intra centum usque ad quin-
bus (jam enim indutiæ exierant) aliisque Etruscis sump- que et septuagiuta millium censum instituta; et ex his
tum. In eo bello et virtus et fortuna enituit Tullii; fusoque senioribus junioribusque, viginti conserlptæ centuriæ
ingenti hostiuin exercrtu, haud dubius rex seu Patrum, arma imperata, scutum pro clipeo, et præter loricam
seu plebis animos perielitaretur, Romam redoit. Aggre- omnia eadem. Tertix classis in quinquaginta millium cen-
diturque inde ad pacis longe maximum opus ut, quem- sum essevoluit. Totidem centurias et hæ, eodemque dis-
pdrnodum Numa diviui auctor juris fuisset, ita Servium crimine aetatium factæ nec de armis quicquam muta-
conditorem omuis in civitale discrimmis ordinumque, tum; ocreae tantum ademptæ. In quarta classe censui
quibus inter gradus dignitatis fortuua?que aliquid inter- quiuque et viginti millium; totidem cenluriæ faelæ arma
lucet, posteri fama ferrent. Censum enim instituait, rem mutata; nihil piæter hastam et verulum datum. Quinta
saluberrimamtinio futuro imperio ex quo belli pacis- classis aucta, centuriæ triginta faclæ fundas lapidesque
que munia non viritim, ut ante, sed pro habitu pecunia- missiles hi secum gerebant. In his accensi cornicines
rum fierent. Tum classes centuriasque et hune ordinem tubicinesque, in tres centurias distributi. Undecim mil-
ex censu descripsit, vel paci decorum vcl bello. libus hapc classis censebatur. Hoc minor ceusus reliquam
XLIII. Ex iis, qui centum millium aeris aut majorem, multitudinem habuit: inde una centuria facta est,immu-
censum baberent, octoginta confecit centurias, quadra- nis militia. Ita pedestri eaercitu ornato dtstributoque,
genas seniorum ac juniurum. Prima classis omnes appel- equitum ex primoribus civitatis duodecim scripsit centu-
Jati. Seniores, ad urbis custodiam ut præsto essent juve- rias. Sei item alias centurias,tribus ab Romulo institutis,
nes, ut foris bella gererent. Arma his imperata galea sub iisdem, quibus inauguratæ erant, nominibns fecit.
ehpeum, ocrea:, lorica; omnia ex æpre. Hæc ut tegu- Ad equos emendos dcna millia aeris ex publiro dala et,
menta corporis esscot tela in hostem, hastaque et gla- quibus equos alercut, viduæ attributae, quae b'na millha
pauvre était soulagé; mais le riche trouva des dé- dans sa centurie. Là, il rangea les troupes en ba-
dommagements dans les priviléges honorifiques taille, et les purifia en immolant à Mars un suo-
que lui conféra Tullius; car si, jusque-là, suivant vetaurile. Ce sacrifice, qui marquait la fin du re
l'exemple de Romulus et la tradition des rois ses censement, s'appelait la clôture du lustre. On dit
successeurs, les suffragesavaient été recueillis par que le nombre des citoyens inscrits alors fut de
tête, sans distinction de valeur ni d'autorité, de quatre-vingt mille. Fabius Pictor, le plus ancien
quelque citoyen qu'ils vinssent, un nouveau sys- des historiens romains, ajoute que ce nombre ne
tème de gradation dans la manière d'aller aux comprenait que les hommes en état de porter les
voix concentra toute la puissance aux mains des armes. Cet accroissement de population obligera
premières classes, sans paraître toutefois exclure Tullius à donner aussi plus d'étendue à la ville. Il
qui que ce fût du droit de suffrage. On appelait y enferma d'abord les monts Quirinal et Viminal,
d'abord les chevaliers, puis les quatre-vingts cen- et après eux les Esquilies puis il fixa lui-mêmes
turies de la première classe. S'ils ne s'accordaient sa demeure dans ce quartier, afin d'en relever
pas, ce qui arrivait rarement, on prenait les voix l'importance. Il entoura la ville de boulevards, de
de la seconde classe; mais on ne fut presque ja- fossés et d'un mur, et en conséquence porta plus
mais obligé de descendre jusqu'à la dernière. Il loin le Pomœrium. Ce mot, à n'en regarder que
ne faut pas s'étonner que le nombre des centuries, l'étymologie, désigne la partie située au-delà des
porté maintenant à trente-cinq, et par conséquent murs c'est plutôt un espace libre que les Étrus-
doublé, et celui des centuries de jeunes gens et de ques laissaient autrefois en deçà des murs, lors-
vieillards, no se rencontrent plus avec le nom- qu'ils bâtissaient une ville; consacrant toujours
bre anciennement fixé par Tullius; car il avait par une inauguration solennelle toute la partie
divisé la ville en quatre quartiers, formés des qua- du terrain qu'ils avaient marquée, et autour de
tre collines alors habitées et c'est lui qui donna laquelle devait s'étendre leur muraille. Ainsi, au
a ces quartiers le nom de tribus, à cause, j'ima- dedans, les maisons ne pouvaient être contiguës
gine, d'un tribut qu'il leur imposa, et dont il aux remparts, ce qui ne s'observe généralement
proportionna la quotité aux moyens de chaque plus aujourd'hui, et au dehors, restait une portion
particulier. Ces tribus n'avaient rien de commun du sol interdite aux profanes envahissements des
avec la division et le nombre des centuries. hommes. 11 n'était permis ni de bâtir sur ce ter-
XLIV. Lorsqu'à l'aide de la loi qui menaçait rain, ni d'y labourer. Les Romains l'appelèrent
de prison et de mort ceux qui négligeraient de se Pomœrium autant parce qu'il était en deçà du
faire inscrire, Tullius eut accéléré le dénombre- mur, que parce que le mur était au-delà. Cet es-
ment, il ordonna, par un édit, à tous les citoyens, pace consacré reculait à mesure que la ville s'a-
cavaliers et hommes de pied, de se rendre au grandissait et que les remparts recevaient de dé-
Champ-de-Mars, dès la pointe du jour, chacun veloppement.

xris in annos singulos penderent. Hæc omnia in dites a que centuriis, in campo Martio prima luce adessent. Ibi
pauperibus inclinata onera. Deinde est bonos additus instructum exercitum omnem suovetaurilibus luslrevit
non enim, ut ab Romulo traditum ceteri servaverant re- idque conditum lustrum appellatum, quia is censendo
ges, viritim suffragium eadem vi eodemque jure promis- finis factus est. blillia octoginta eo lustro civium censa di-
eue omnibus datum est sed gradus facti ut neque ex- cuutur. Adjicit scrtptorum antiquissimus Fabius Pictor,
clusut quisquam suffragio videretur, et vis omuis pênes corum, qui ferre arma possent, eum numerum fuisse.
primores civitatis esset. Equités euim vocabantur primi; Ad eam multitudinem urbs quoque amplilicanda visa est.
octoginta inde prima: classis centuriæ ibi si variaret, Addit duos colles, Quirinalem Viminalemque. Inde dein-
quod raro iucidebat, ut secundæ classis vocarentur nec ceps auget Esquilias ibique ipse, ut loco dignitas fieret,
fere unquam infra ita descendereut ut ad infimos perve- habitat. Aggere et fossis et muro circunidat urbem ita
nirent. Nec mirari oportet hunc ordinem, qui nunc est, Pomoeriuni profert. Pomœrium, verbi vim solam intuen-
post expletas quinque et triginla tribus, duplicalo earum tes, postmoerinm iuterpretantur esse. Est autem magis
numéro, centurtis juniorum seniorumque ad institutam circa murumlocus quem in coudeudis urbibus quondam
ab Ser. Tullio aummim non convenire. Quadrifariam Etruscl, qua murum ducturi erant, certis circa termmis
enim urbe divisa regionibus collibusque, quæ habitaban- inaugurato consecrabaut; ut neque interiore parte adifl-
tur partes, Tribus eas appellavit; ut ego arbitror, ab cia mœnibus contiuuareutur qua3 nunc vulgo etiain con-
tribulo nam ejus quoque æqualiler ex censu conferendi jungunt et extrinsecus puri aliquid ab humano cuitu pa.
ab eodem inita ratio est. Neque hae tribus ad centuriarum teret soli. IIoc spatiurn, quod neque habilari neque arari
distributionem numerumque quicquam pertinuere. fjs erat, non magis quod post murum esset, quam quod
XLIV. Censu perfecto, quem maturaveratmetu legis marus post id Pomœrium Romani appellarunt et in
de incensis la te cum vinculorum nimis mortisque,edixit, urbis incremento semper, quantum mœnia procesaura
ut omnes cives romani, équités peditesyue in suis quis- erant, tantum termini hi conserrati proferebantur
XLV. Servius, après avoir augmenté la force vint à Rome présenter sa génisse au temple. Le
matérielle de Rome et sa grandeur morale, après prêtre romain frappé de la grandeur extraordi-
avoir formé tous les citoyens aux exercices de la naire de cette victime, que la renommée avait
guerre et aux travaux utiles de la paix, résolut, déjà rendue célèbre, et se rappelant la prédiction,
pour ne pas devoir l'accroissement de sa puissance interpelle ainsi le Sabin Étranger, que vas-tu
au succès seul de ses armes, de l'étendre encore faire? Offrir à Diane, sans avoir d'abord pris soin
par la politique, tout en continuantd'embellir la de te purifier, un sacrifice impie? Que ne vas-tu
ville. Déjà, dès cette époque, le temple de Diane, auparavant te tremper dans les eaux du fleuve?
à Éphèse, avait une grande célébrité. On disait Le Tibre coule au fond de la vallée. o A ces pa-
qu'il était l'oeuvre de la piété commune de toutes roles, des scrupules s'éveillent dans l'âme de l'é-
les cités de l'Asie. Servius, à force de vanter tranger. Voulant d'ailleurs que tout fût accompli
aux principaux chefs latins, avec lesquels il avait selon les rites, afin que l'événement répondît au
contracté à dessein des liaisons d'amitié et d'hos- prodige, il quitte le temple et descend vers le Ti-
pitalité publiques et particulières, cet accord par- bre. Pendant ce temps, le prêtre immole la gé-
fait dans le culte des mêmes dieux et de la mêmes nisse cette supercherie remplit d'allégresse le
religion, finit par les engager à se joindre aux Ro- roi, et la ville entière.
mains, pourconstruireà Rome un temple deDiane, XLVI. Un si long exercice de la royauté pouvait
commun aux deux peuples. C'était proclamer la faire croire à Servius qu'elle lui était irrévocable-
suprématie de Rome, cette prétention qui avait ment acquise; mais, apprenant que le jeune Tar-
causé tant de guerres. Les Latins, après tantd'inu- quin contestait quelquefois son élection comme
tiles efforts pour conquérir cette suprématie, sem- ayant eu lieu sans le concours du penple, il s'at-
blaient y avoir renoncé, lorsqu'un Sabin crut avoir tacha d'abord à gagner la faveur de la multilude,
trouvé l'occasion de la revendiqueret de la rendre en lui partageant des terres prises sur l'ennemi.
à sa patrie. Une génisse, d'une beauté extraordi- Bientôt après il osa lui demander si sa volontéet l'or-
naire, était née, dit-on, chez cet homme ses dre des Romains étaient qu'il régnât sur eux. Il ne
cornes suspendues pendant plusieurs siècles lui manqua aucun des suffrages qu'avaient eusses
dans le vestibule du temple de Diane attestèrent prédécesseurs. Tarquin n'en perdit pas pour cela
l'existence de cette merveille.On la regarda comme l'espérance de remonter sur le trône de son père;
un prodige, et avec raison, et les devins annon- et, comme il s'était aperçu des dispositions hos-
cèrent que celui qui immolerait cette victime à tiles du sénat contre le partage des terres, il crut
Diane assurerait l'empire à sa nation. Cette pré- le moment favorable pour se plaindre à cette com-
diction était venue à la connaissance du ministre pagnie, et pour y établir son crédit, en ruinant,
du temple de la déesse. Lorsque le Sabin jugea que par ses attaques, celui du roi. Son âme était dé-
le jour convenable pour le sacrifice était arrivé, il vorée d'ambition etTullie, sa femme, irritaiten-

XLV. Aucta civitate magnitudine Urbis, formatis om- visa est, bovem Romam actam deducit ad fanum Diana'.
nibus domi et ad belli et ad pacis usus, ne semper armis et ante aram statuit. Ibi antistes Romanus, quum eum
opes acquirerentur, consdio aupere imperium conatus magnitudo victimae celebrata fama movisset memor res-
est; simul et aliquodaddere urbi decus. Jam tum erat in- ponsi Sabinum ila alloquitur Quidnam lu, huspes, pa-
clutum Didnæ Ephesiæ fannm id communiter a civita- ras ? inquit, inceste sacrificium Dianæ facere? Quin tu
tibus Asiæ factum fama ferebat. Quum consensum deos- aute vivo perfunderis Oumine ? Infima valle pra'tluitTi-
que consociatos laudaret mire Servius inter proceres La- beris.- Religione tactus bospes qui omnia ut prodigio
tinorum, cum quibus publiceprivatimque hospitia amici- responderet eventus, cuperet rite facta, et templo des-
tiasque de industria junxerat; sæpe iterando eadem per- cendit ad Tiberim. Interea Romanus immolât Dianæ bo-
pulit tandem, ut Roma' fanum Dianm populi Latini cum vem id mire gratum regi atque civitati fuit.
populo Romano facerent. Ea erat confessio, caput rerum XLVI. Servius, quanquam jam usu baud duhium reg
Romam esse, de quo toties armis certatum fuerat. Id num possederat, tameu quia interdum jactari voces a
quanquam omissum jam ex omnium cura Latinoruin, ob juvene Tarquinio audiebat, se injussu populi regnare,
rem toties infeliciter tentatam armis, videbatur; uni se conciliata prius voluntate plebis, agro capto ex boatibus
ex Sabinis forsdare \isa est prhato consilio imperii recu- viritim diviso, ausus est ferre ad populum, vellent, ju-
perandi. Bus in Sabinis nata cuidain patrifamiliæ dicitur, berentne, se regnare? tantoque consensu, quauto baud
miranda magnitudme ac specie. Fixa per multas ælates quisquam alius ante, rex est declaratus. Neque ea res
cornua in veslibulo templi Dianæ monumenlum ei fuere Tarquiuio spem affectandi regni minuit imo eo impeu-
muraculo. Habita ut erat, res prodigi loco est et ce- sms quia de agro plebia adversa Patrum vuluntatesenserat
cinere vates, cujus civitatis eam civis Dianie immolasset, agi criminandi Servii apud Paires, crescendique in curia
ibr fore imperium idque carmen perveuerat ad antis- sibi occasionemdatam ratus est, et ipse juvenis ardent
titem fani Dianæ Sabinus, ut prima apta dies cacrficio animi, et domi uiore Tullis inquietum auimum stimu
core ses turbulentes inquiétudes. Le palais des pour elle d'être veuve, et pour lui, de vivre dans
rois de Rome devint alors le théâtre de tragi- le célibat, que d'être unis l'un et l'autre à des
ques horreurs, comme si l'on eût voulu hâter par êtres si indignes d'eux, et de languir honteuse-
le dégoût de la monarchie l'arrivée de la liberté, ment sous l'influence de la lâcheté d'autrui. Si,
et que celui-là fût le dernier règne qui devait s'ou- disait-elle, les dieux lui eussent donné l'époux
vrir par un crime. Ce L. Tarquin fils ou petit- qu'elle méritait, elle verrait bientôt dans ses
fils de Tarquin l'Ancien (ce qui n'est pas suffi- mains le sceptre qu'elle voyait encore dans celles
samment établi mais, sur la foi de la plupart des de son père. Elle ne tarda pas à remplir le jeune
auteurs, je le suppose fils de ce dernier), avait uu homme de son audace. Entin, la mort presque si-
frère, Aruns Tarquin, jeune homme d'un carac- multanée d'Aruns et de la sœur de Tullia per-
tère doux et inoffensif. Les deux Tullies, aussi re- met à celle-ci et à son complice de contracter un
marquables que les Tarquins eux-mêmes par une nouveau mariage, que Servius n'approuva point,
grande différence de mœurs, avaient comme je mais qu'il n'osa empêcher.
l'ai dit plus haut, épousé ces deux princes. Mais XLVII. Dès ce moment la vieillesse de Tullius
le hasard et aussi, je pense, la fortune de Rome, leur fut de jour en jour plus odieuse, et son rè-
voulurent que le mariage ne réunît pas dans la gne plus pesant. Impatiente de passer d'un crime
même destinée les deux naturels violents. Ce fut, a un autre, Tullia nuit et jour harcèle son mari,
saus doute, afin de prolonger le règne de Servius, et le presse de recueillir le fruit de leurs premiers
et de donner aux mœurs romaines tout le temps parricides. Ce qui lui avait manqué, disait-colle,
de se former. L'altière Tullie s'indignait de ne ce n'était pas un époux, un esclave qui partageât
trouver dans son époux ni ambition ni courage. en silence sa servitude; c'était un homme qui se
Toute sa sollicitude était tournée sur l'autre Tar- crût digne de régner, qui se souvînt qu'il était Gls
quin, tout son enthousiasme était pour lui lui de Tarquin l'Ancien, et qui aimât mieux saisir la
seul était un homme, le vrai sang des rois. Elle puissance que l'attendre. « Si, ajoutait-elle, tu es
méprisaitsa sœur, qui était l'épouse de cet homme vraiment cet homme que j'ai cherché, que je pen-
et qui en empêchait les généreuses pensées par la sais avoir trouvé, je te reconnais pour mon époux
timidité de ses conseils. Cette conformité de goûts et pour mon roi sinon mon sort est pire qu'au-
ne tarda pas à rapprocherle beau-frère et la belle- paravent, puisque le crime s'y joint à la lâcheté.
sœur, car le mal appelle toujours le mal. Mais ici Que tardes-tu? Il ne t'a pas fallu, comme tou
ce fut la femme qui provoqua le désordre. Dans père, arriver de Corinthe et de Tarquinies, pour
les entretiens secrets qu'elle s'était ménagés, de enlever, par l'intrigue un trône étranger Tes
longue main, avec l'homme qui n'était point son dieux pénates, ceux de ta patrie, l'image de tou
époux, elle n'épargne aucune iuvective, ni à son père, ce palais qu'il habita, ce trône où il s'assit,
mari, ni à sa sœur ajoutant qu'il vaudrait mieux le nom de Tarquin, tout annonce que tu es roi,

lante. Tulit enim et Romana regia sceleris tragici exem- elangnesrendum aliena ignavia esset. Si sibi eum quo
ptum, ut tadio regum maturior veniret libertas, ulti- digua esset, dii dedissent virum domi se propediem vi-
munulue regnum esset, quod scelere partum foret. Hic suram regnum fnisse, quod apud patrem videat. Celeri-
L. Tarquiiiius (Prisci Tarquinii regis filius neposue fue- ter adolescentem suie lemeritalis implet. Lucius Tarqui-
rit, parum liqaet; pluribus tamen auctoribus filium edi- nias et Tullia miuor prope continuatis funeribus qunm
deritn) fratrem hahuerat Aruntem Tarquinium, mitis dumos vacuas novo tmatrimoniofecissent, junguntur nup-
ingenii juvenem. His duobus, ut ante dictum est, duæ tiis, magis non prohibenteServio, qunm approbante.
Tulliæ, regis filiæ, nupserant, et ipsw longe dispares XLV1I. Tum vero iu dies imfestion Tullü senectus,
moribus. Forte ita iuciderat, ne duo violenta ingénia ma- infesiiuscœpit regnum esse. Jam enim ab scelere ad aliud
Irimonio jungerentur, fortunam, credo, populi romani, spectare mulier scelus nec nocte, nec interdiu virum
quo diuturnius Servii regnumesset, constituique civitatis conquiescere pali ne gratuita prmterita parricidia essent.
mores possent. Angebaturferox Tullia, nihil materix in Non sibi defuisse cui nupta diceretur, nec cum quo ta-
viro neque ad cupidi atem neque ad audaciam esse. Tota cita serviret defusse, qui se regno dignum putaret
in alterum versa Tarquinium, eum mirari, eum virum qui memiuisset, se esse Prisci Tarquiaii filium qui ha-
dicere, ac regio sanguine ortum spernere sororem, bere, quam sperare, regnum mallet. « Si tu is es cui
quod virum nacla muliebri cessaret audacia. Contrahit nuptam esse me arbitror, et virum et regem appello
celeriter similitudo eos, ut fere fit malum malo aptissi- sin minus eo nunc pejus mutata est res quod istic cum
mum sed iniliuiu turbandi omnia a femina ortum est. ignavia est scelus. Quin accingeris? Non libi ab Coriu-
Ea, secretis viri alieni assuefacta sermonibus, nullis ver- tho, nec ab Tarquiniis, ut patri tun, peregrina régna
borum contumelüs parcere, de viro ad fratrrm de so- moliri necesseest. Dii te penates patriique, et patris ima-
rore ad virum; et se rectius viduam. et illnm cœhbem gu, et domus regia et in domo regale solium, et nomen
futurum fuisse contendere, quam cum impari jungi ut Tarquinium crcat vocatque regem. Aut si ad hæc parum
tout te convie à l'être, Si ton cœur est froid en amertume la basse extraction de Servius. e Cet
présence de ces hautes destinées, pourquoi trom- esclave, dit-il, fils d'une esclave, après l'indigne
per Rome plus longtemps?Pourquoi souffrir qu'on assassinat de Tarquin l'Ancien sans qu'il y eût
te regarde comme le fils d'un roi? Va à Tarqui- d'interrègne, suivant l'usage, sans qu'on eût.
nie ou à Corinthe rentre dans l'état obscur pour son élection, assemblé les comices, et ob-
d'où tu es sorti, digne frère d'Aruns, fils indigne tenu les suffrages du peuple et le consentement
de Tarquin. » Ces reproches, et d'autres encore, du sénat, a reçu des mains d'une femme, ce
enflamment le jeune homme. Elle-même ne pou- sceptre comme un présent. Les effets de son usur-
vait se contenir à l'idée de Tanaquil, de cette pation répondent à la bassesse de son origine. Ses
étrangère qui réussit deux fois, par le seul ascen- prudilections pour la classe abjecte dont il est
dant de son courage, à faire deux rois, de son mari sorti, et sa haine pour tous les liommes honora-
et de son gendre; tandis qu'elle, Tullia, issue du blcs, lui ont inspiré l'idée d'arracher aux grands
sang royal, serait impuissante à donner la cou- ce sol qu'il a partage aux plus vils citoyens. Tou-
ronne aussi bien qu'à l'ôter. Dominé bientôt lui- tes les charges de l'état, autrefois communes à
même par l'ambilion effrénée de sa femme Tar- tous, il les a fait peser uniquement sur les pre-
quin commence à s'insinuerauprès des sénateurs, mières classes et il n'a établi le cens qu'afin de
ceux de la dernière création surtout; il les flatte, signaleur la fortune du riche à l'envie du pauvre,
il leur rappelle les bienfaits de son père, et en ré- et Je savoir où prendre, quand il le voudrait, do
clame le prix. Ses libéralités lui gagnent les jeunes quoi fournir à ses largessesenvers des misérables.»
gens; ses magnifiques promesses, ses accusations XLVIII. Averti par un messager, dont l'émotion
contre Servius grossissent de toutes parts le nom- le fait hâter, Servius arrive, pendant ce discours, et
bre de ses parlisans. Enfin, quand il juge le mo- s'écrie, du vestibule même du sénat « Qu'est-ce
ment favorable pour exécuter son projet, il se fait cela, Tarquin? Qui te rend si audacieux de con-
suivre d'une troupe de gens armés, et s'élance voquer le séuat moi vivant, et de t'asseoir sur
tout à coup dans le Forum. Au milieu de la terreur mon trône? » Tarquin répond avec fierté qu'il
universelle, il monte sur le siége du roi, en face occupe la place de son père place plus digue du
du sénat, et fait sommer ensuite, par un héraut, fils d'un roi, d'un héritier du trône que d'un es-
tous les sénateurs de se rendre auprès du roi Tar- clave que depuis assez )longtemps Servius insulte
quin. Ils accourent aussilôt; les uns comme étant à ses maîtres, et se passe insolemment de leur
dès longtemps préparés à ce coup de main; tes concours. A ces mois, les partisans des deux rivaux
autres, de peur qu'on ne leur fasse un crime de poussent des cris confus; le peuple se porte en
leur absence, étonnés d'ailleurs de cet étrange foule vers la salle d'assemblée il est aisé de
événement, et persuadés que c'en est déjà fait de voir que celui qui régnera sera celui qui aura
Servius. Tarquin commence par attaquer avec vaincu. Tarquin, entraiué par sa position critique

est animi quid frustraris civitatem? quid te ut regium ut antea, iuito; non comitiis habitis, non per suf ragium
juvenem conspiei sinis Facesse hmc Tarquinios, aut populi, non auctoribus Patribus, muliebri dono reguum
Corinthum. Devolvere rétro ad stirpem fratri similior, occupasse. Ita natum, ita creatum rcRem fautorem in-
quam patri.» IIis aliisqueincrepando juvenem insligat, nec fimi generis h iminum, ex quo ipse bit, odio alienæ ho-
conquiescere ipsa potest si quum Tanaquil, pereprina nestatis ereptum primoribus agrum sordidissimo cuique
mulier, tantum moliri potuisset animo, ut duo continua divisisse omnia onera, quæ communia quondam fuerint,
regna viro, ac deinceps genero dedisset; ipsa, regio inclinasse in primores civit slis ins ituisse censum, utiu-
semine orta, nullum momentum in dando adimendoque signis ad invidram locupletiorum fortuna esset, et parât),
regno facerrt. Ilia muliebribus instinctus furies Tarqui- unde, ubi vellet, egentissimis largiretur..
nins circumire et preusare, minorum maxime geutium, XLV III. Ilui corationi Servius quum intervenisser, tre-
Patres; admonere paterni beneficii, ac pro cu gratiam pido nuntio czcilatus, extemplo a vestibulo Curia magua
repetere; allicere doms juvenes tum de se ingentia pol- voce, «Quid hoc, iuqmt, Tarquini, rei est? qua tu auda-
licendo, tum regis crimiuibus omnibus locis erescere. cia me vivo vocare ausus es Patres? aut in sede considere
l'ostremo, ut jam agendæ rei tempus visum est, stipatus mea?» Quum ille ferociter ad haec, se patris sui tenere se-
agminearmatorum, in forumirrupit; iode, omnibus per- dem, muito, quam serwm, putiorein filium regis regni
culsis pavore, in regia sede pro curia sedens, Patres in beredem; satis ilium diu ler liceliliam eludentem insul-
curiam per præconem ad regem Tarquinium citarijus- tasse dominis; clamor ab utriusquc fautoribus oritur, et
sit. Convenere extemplo, alii jam ante ad hoc præparati, coucursus populi fiebat in curiam; apparebatque regna-
alii metu ne non vemsse fraudi esset, novitate ac mira- turum, qui vicisset. Tum Tarqumius, necessitate jam
culo attoniti, et jam de Servioactumrati. lbi Tarquiuius, ipsa cogente ulUma audere, multo et ætate et viribus vali-
maledicla ab stirpe ultima orsus:.Servun, servaquc Da- dior, medium arripit Scrvium: elatumque e Curia in in-
turn, post mortemindignant parcntis sui, non interregno, fcriorcm partem pcr gradus dejie t. Inde ad cogendum
à tout oser, pius jeune d'ailleurs et plus vigou- du sang paternel elle poussa ses roues souillées
reux que Servius, saisit ce prince par le milieu du jusqu'aux pieds des dieux pénates, qui lui étaient
corps, l'emportehors du sénat, et le précipite du communs avec son mari. Mais la colère de ces
haut des degrés. il rentre ensuite pour rallier les dieux préparait à ce règne infâme une catastrophe
sénateurs. Les appariteurs du roi, les officiers qui digne de son commencement. S. Tullius régna
l'entourent, prennent la fuite. Servius lui-même, quarante-quatre ans, avec une telle sagesse, qu'il
à demi mort, et suivi de ses gens épouvantés, se eût été difficile, même à un successeur bon et
réfugiait vers son palais, lorsque, arrivé en haut modéré de balancer sa gloire. Ce qui ajoute en-
de la rue Cypria, des assassins, envoyés à sa pour- core à cette gloire, c'est qu'avec lui périt la mo-
suite par Tarquin, l'atteignent et le tuent. On croit narchie légitime; et cependant, cette autorité si
que ce crime (ceux qu'elle avait déjà commis douce, si modérée il avait, dit-on, la pensée de
rendent le fait assez vraisemblable) fut le résul- l'abdiquer, parce qu'elle était dans la main d'un
tat des conseils de Tullie. Ce qui n'est pas dou- seul et ce desseingénéreux il l'aurait accompli
teux, c'est que, montée sur son char, elle pénétra si un crime domestique ne l'eût empêché de ren-
jusqu'au milieu du Forum, et là, sans se décon- dre la liberté à son pays.
certer à l'aspectde tant d'hommes rassemblés, elle XLIX. Tarquin prit, sans hésiter, possession
appela hors du sénat son mari, et la première le du trône. Il fut surnommé le Superbe, parce que,
salua du nom de roi mais, sur l'ordre que lui gendre du roi il refusa la sépulture à son beau-
donna Tarquin de s'éloigner de toutes ces scènes père, disant que Romulus avait eu le même sort.
de tumulte, elle reprit le chemin de sa maison. Il fit périr les premiers des sénateurs qu'il soup-
Arrivée en haut de la rue Cypria, à l'endroit où çonnait d'avoir servi le parti de Tullius; et, sen-
s'élevaitjadis un petit temple de Diane, le conduc- tant trop bien que l'exemple qu'il donnait, en
teur de son char, tournant par la rue Virbia, pour s'emparant du trône par la violence, pourrait
gagner le quartier des Esquilies, arrêta les che- tourner contre lui-même, il s'entoura de gardes.
vaux, et, tout pâle d'horreur, lui montra le cada- Car tout son droit était dansla force, lui qui n'avait
vre de son père étendu sur le sol on dit qu'alors eu ni les suffrages du peuple, ni le consentement
elle commit un acte infâme, et d'une affreuse bar- du sénat. Ne pouvant compter sur l'affection des
barie. Le nom de la rue, qui depuis s'est appelé la citoyens, il lui fallait régner par la terreur.
rue Scélérate, a perpétuéjusqu'à nous cet horri- Afin d'en étendre les effets, il s'affranchit de tous
ble souvenir. Cette femme égarée, en proie à tou- conseils, et s'établit juge unique de toutes les
tes les furies vengeresses qui la poursuivaient de- affaires capitales. Par ce moyen, il pouvait mettre
puis le meurtre de sa sœur et de son mari lit pas- à mort, exiler, priver de leurs biens non-seule-
ser, dit-on, les roues de son char sur le corps de ment ceux qui lui étaient suspects ou qui lui dé-
son père. Puis, toute couverte et toute dégoul tante plaisaient, mais encore ceux dont il ne pouvait rien

senatum in Curiam redit. Fit fuga regis apparitorumat- regnavit annos quatuoret quadraginta, ita utbono ctiam
que comitum. Ipse prope exsanguis quum semianimi moderatoque succedenliregi difficdis a'mulatio esset. Ce-
regio comitatu domum se reciperet, perveuissetque ad terum id quoque ad gloriam accessit, quod cuin illo si-
summum Cyprium vicum, ab iis, qui missi ab Tarquinio mul justa ac legitima regua occiderunt.Id ipsum tain mite
fugientem consecuti erant, interficitur. Creditur, quia ac tam moderatum imperium tamen, quia unius esset,
nou abuorret a cetero scelere, admonitu Tulliæ id fac- deponere eum in animo habuisse quidam auctores sunt;
tum. Carpento certe ( id quod satis constat ) in forum m- ni scelus intestinum liberandae patriæ consilia agitanti in-
vecta, nec reverita cœtum virorum, evocavit virum e tervenisset.
Curia regemque prima appellavit. A quo facessere jussa XL1X. Inde L. Tarquinius regnare occepit, cui Su-
ex tanto tumultu quum se domum reciperet, pervenisset- perbo cognomen facta indiderunt, quia socerum gener
que ad summum Cyprium vicum, ubi Dianium nuper sepultura prohibuit, Romulum quoque insepultum pe-
fuit; uectenti carpentum dextra in Urbiumclivum, ut in risse dictitans primores Patrum quos Servii rebus fa-
collem Esquiliarium eveheretur, restitit pavidus, atque visse credebat interfecit conscius deinde, male qua'-
inhibuit frenos is, qui jumenta agebat, jacentemque do- rendi regni ab se ipso adversus se exemplum capi posse,
mina- Serviumtrucidatum ostendit. Fœdum inhumanum- armatis corpus circumsa'pstt. Neque enim ad jus regni
que inde traditur scelus, monumentoque locus est Sce- quicquam præter vim habebat; ut qui neque populi jussu,
leratum vicum vocant, quo amens, agitantibus furiis so- neque auctoribus Patribus regnaret. Eo accedebat, ut in
roris ac viri, Tullia per patris corpus carpemum egisse caritate civium nihil spei reponenti metu reguum tutan-
ferlur; partemque sanguinis ac cwdis paternæ cruento dum esset quem ut pluribus tncuterct, cogniuonescapi-
vehiculo, contamiuata ipsa respersaque, tulisse ad pe- talium rerum sine consiliis per se solus exercebat per-
nates suos virique sui quibus iratis, malo regni princi- que eam causam occidere in exsilium agere bonis mul-
pio simtles propcdiem exitus sequerentur. Ser. Tullrus tare poterat non suspectos modo aut invisos, sed uude
espérer que leurs dépouilles. Cette politique fa- donius, d'Aricie, s'irritait surtout de l'absence de
rouche avait eu pour but principal de diminuer Tarquin: « Fallait-il s'étonner que Rome l'eût sur-
le nombre des sénateurs; Tullius résolut de n'en nommé le Superbe (Car c'est ainsi qu'ils le desi-
point nommer d'autres, atin que leur affaiblisse- gnaientdéjàdans leurs secrets murmures)? Quoi de
ment les rendît méprisables et qu'ils souffrissent plus insolent, en effet, que de se jouer ainsi de
avec plus de résignation l'ignominie de ne pou- toute la nation latine? Faire venir ses chefs loin de
voir rien dans le gouvernement. C'est en effet le leurs demeures, et manquerlui-même à son appel?
premier roi qui ait dérogé à l'usage suivi par ses N'est-ce pas tenter leur patience, afin de les écraser
prédécesseurs de consulter le sénat sur toutes les sous le joug, s'ils se montrent disposés à le subir?
affaires. Il gouverna sous l'inspiration de conseils Qui ne voit sa tendanceà dominer toutle Latium?
occultes. Il fit la paix ou la guerre suivant son ca- Encore, si ses sujets avaient lieu de se féliciter de
price, conclut des traités, lit et délit des alliances, leur choix; si du moins il devait le trône à leur
sans s'inquiéter de la volonté du peuple. Il recher- volonté, et non pas à un parricide, les Latins
chait surtout l'amitié des Latins, afin de se faire aussi pourraient se fier à lui, bien qu'après tout
à l'étranger un appui contre ses sujets. Il s'atta- leur qualité d'étrangersne les oblige pas à la même
chait leurs principaux citoyens, non-seulement défiance. Mais si, au contraire, les Romains gé-
par les liens de l'hospitalité, mais aussi par des missent de leur tolérance, s'ils sont assassinés les
alliances de famille. Il donna sa fille à Octavius uns après les autres, exilés, ruinés, de quel droit
Mamilius Tusculanus, qui tenait le premier rang les Latins espéreraient-ils un meilleur traitement?
parmi les Latins, et qui, si l'on en croit la renom- S'ils voulaient l'en croire, ils retourneraient cha-
mée, tirait son origine d'Ulysse et de Circé. Cette cun dans ses foyers, et ne se mettraient pas en
union mit dans ses intérêts tous les parents et tous peine d'être plus exacts à l'assemblée que celui
les amis de Mamilius. quil'avait convoquée. » Turnus étaitun esprit tur-
L. Il exerçait déjà une grande influence sur les bulent et factieux, et c'est à cela même qu'il de-
chefs des Latins, quand il leur proposa de se vait son influence. Comme il parlait ainsi, Tar-
rendre, à un jour marqué, au bois sacré de la quin arrive et l'interrompt. L'assemblée se tourne
déesse Férentina, ajoutant qu'il voulait les entre- vers le roi pour le saluer, et le silence s'établit.
tenir de leurs intérêts communs. ils s'y réunis- Ceux qui sont près de Tarquin l'avertissent de se
sent en grand nombre, au point du jour. Tarquiu justifier de son retard à l'assemblée. Tarquin dit
y vient aussi, mais un peu avant le coucher du qu'il a été pris pour médiateur entre un père et
soleil. Dans cet intervalle et pendant toute la jour- un fils; que son désir de les réconcilier l'a retenu,
née, différentes questions avaient jeté le trouble et que, cette circonstance ayant fait perdre la
parmi les membres de l'assemblée. Turnus Her- journée, il leur exposera, le lendemain le motif

nihil aliud quam prædam, sperare posset. Ita Patrnm mirum esse, Superbo inditum Rome cognomen (jam
præcipue numero imminuto, statuit nullos in Patres le- enim ita clam quidem mussitantes,vulgo tamen, eum ap-
gere quo contemptior paucitate ipsa ordo esset, minus- pellabant ). An quicquam superbius esse quam ludificari
que per se nihil agi indignarentur.Hic enim regum pri- sic omne nomen Lalinum? Principibus longe ab domo
tnus traditum a prioribus momm de omnibus senatum eicitis, ipsum, qui concilium indixerit, non adessse: ten-
consulendi solvit domesticis consiliis rempublicam ad- tari profecto patientiam, ut, si jugum acceperint, ob-
ministravit bellum, pacem, foedera, societates per se noxios premat. Cui enim non apparere, affectare eum
ipse, cum quibus voluit, injussn populi ac senatus, fecit imperium in Latinos? Quod si sui bene crediderintcives,
diremitque. Latinorum sibi maxime gentem conciliabat, aut si creditum illud, et non raptum parricidio sit, cre-
ut peregrioia quoque opibus tutior inter cives esset ne- dere et Latinos (quanquam ne sic quidem alienigenæ)
que hospitia modo cum primoribus eorum, sed affinitates debere. Sin suos ejus pœniteat ( quippe qui alii super
quoque, jungebat. Oclavio Mamilio Tusculano (is longe alios trucidentur, exsulatum eant, bona amittant ) quid
princeps Latini nominis erat si famæ credimus ab Ulixe spei melioris Latinis portendi? Si se audiant, domuni
deaque Circe oriundus), ei Mamilio filiam nuptum dat; suam quemque inde abituros neque magis observaturos
perque eas nuptias multos sibi cognatosamicosque ejus diem concilü, quam ipse, qui indixerit, observet. » Hæc
conciliat. atque alia eodem per tinentia sedniosus facinoroousque
L. Jam magna Tarquinii auctoritas inter Latinorum homo, bisque artibus opes domi nactus, quum maxme
proceres erat quum, iu diem certain utadlucumFeren- dissereret, intervenit Tarquinius. Is finis orationi fuit.
aioæ conveniant, indicit eue, quae agere de rébus com- Aversi omnes ad Tarquinium salutandum qui, silentio
munibus velit. Couveniunt fréquentes prima luce. Ipse facto, monitus a proximis, ut purgaret se, quod id tem-
Tarquinius diem quidem servavit; sed paullo ante, quam poris venisset, disceptatorem,ait, se sumptum inter pa-
sol occideret, venit. Multa ibi tota die in concilio variis trem et filium cura reconciliondi eos in gratiam mora-
jactata sermonibus erant. Turnus Herdonius ab Aricia fe- tum esse et quia ea rem exemissetillum diem postera
rociter in absentem Tarquinium erat inveclus « Hand die acturum, quie constilruissot. » No id quidem ab Turno
pour lequel il les a convoqués. Turnus, dit-on, ne ces du conspirateur. Nul doute maintenant, si les
goûta point cette excuse, et rompit le silence rapports sont vrais, que demain, au lever du jour,
o Il n'y a pas, dit-il, de
différends plus prompts Turnus ne se présente à l'assemblée, les armes à
à terminer que ceux d'un père et de son fils, et la la main, avec tous ses complices. On dit qu'on a
question se décide en peu de mots Que le fils porté chez lui une grande quautité d'épées. Pour
obéisse ou qu'il soit puni. » vérifier ce fait, lui, Tarquin, les prie de le suivre
LI. Le citoyen d'Aricia, après avoir ainsi re- t
chez Turnus. Le caractère violent de Turnus
levé les paroles du roi de Rome, quitte l'assem- ses paroles de la veille, le retard de Tarquin,
blée. Mais, plus sensible à cette injure qu'il ne le cause probable de l'ajournementdu crime, toute,s
fit paraître, Tarquin jura intérieurement d'im- ces circonstances font naître les soupçons. Les
moler Turnus, et par là d'inspirer aux Latins la chefs latins suivent Tarquin, poussés par un sen-
terreur qui comprimait tous les esprits. Mais, timent de crédulité naturelle, mais bien résolus
comme il n'avait pas le droit de le faire périr pu- de déclarer l'accusation mensongère s'ils ne trou-
bliquement, il imagina de lui intenter une accu- vaient point ces armes qu'on leur dénonçait. Tur-
sation calomnieuse. Par l'entremise de quelques nus dormait encore lorsqu'ils arrivèrent. Des
habitants d'Aricie, il suborne un esclave de Tur- gardes l'entourent; on saisit les esclaves qui se
nus, et en obtient, à prix d'or, qu'il laissera por- préparaient à défendre leur maître, et l'on ap-
ter secrètement, dans la maison de son maître, porte en même temps les épées de tous les coins
un grand nombre d'épées. Une nuit suffit à l'exé- de la maison. La conspiration semble alors avérée.
cution de ce projet. Tarquin un peu avant le jour, Turnus est chargé de chaînes, et l'assemblée des
mande auprès de lui les principaux des Latins, Latins convoquée tumultueusement. La vue des
et, affectant l'émotion que cause un événement armes, exposées à tous les regards, excite une
extraordinaire, il leur dit que, « grâce aux dieux, telle indignation que, sans donner à Turnus le
dont la providence a retardé hier son départ, temps de se défendre, on le condamne à périr
ils ont été sauvés, eux et lui, d'un grand pé- d'un nouveau genre de supplice. On le couvre
ril. 11 a su, en effet, que Turnus, afin de régner d'une claie chargée de pierres, et on le noie daus
seul sur les Latins, avait formé le projet de 1 as- les eaux de Férentina.
sassiner, ainsi que les principaux citoyens du pays; LII. Tarquin rappelle ensuite les Latins à l'as-
projet qui avait dû s'exécuter la veille pendant semblée, et, après les avoir félicités du châtiment
J'assemblée, mais que l'absence de celui qui l'a- qu'ils ont infligé à ce factieux, dont les complots
vait convoquée, età qui Turnus en voulait le plus, parricides étaient manifestes, il ajoute que :« Les
l'avait fait différer. De là cette colère contre un Latins étant originairesd'Albe, et celte ville avec
retard dont la prolongation trompait les espéran- toutes ses colonies ayant été soumise à l'empire

tulisse tacitum ferunt: dixisse enim nullam breviorem Tentum in concilium sit, instructus cum conjuratorum
esse cogmtionem quain iuter patrem et filium, paucis- manu armatusque venturus sit. Dici, gladiorum ingentem
que transigi verbis posse ni pareat patri, habiturum in- numerum ebse ad eum convectum id vanum necne sit,
tortuniuiu esse.» extemplo sciri posse. Rogare eos ut inde secum ad Tur-
LI. Hæc Aricinus in regem romanum increpans ex con- num veniant.. Suspectam fecit rem et ingenillm Turni
cilio abiit. Quam rem Tarquiuius aliquauto, quam vide- ferox, et oratio hesterna et mora Tarquinii; quod vide-
batur, aeqrius ferens, conlestim Turno necem machina- batur ob eam differri caedes potuisse. Eunt tuchnatis qui-
tur; ut eundem terrorem quo civium animos domi op- dem ad credendum animis tamen nisi gladiis deprehen-
presserat, Latinis injiceret et quia pro imperio palam sis, cetera vana existimaturi. Ubi est eo ventum, Turnum
interfici non poterat, oblato falso crimine insonlem op- ex somno excilatum circumsis unt custodes comprehen-
pressit. Per adversae facUonis quosdain Aricinos servum sisque servis, qui caritate domini vim parabant, quum
Turui auro corrupit, utin detersorium ejus vim magnam gludii abditi ex omnibus locis deverticuli prolrabcrentur
gladiorum inferri clam sineret. Ea quum una nocte per- enimyero man festa res visa, injectæque Turno catenæ;
tecta essent, Tarquinius, paullo ante lucem accitis ad se et confestim Latinorum concilium magno rum tumultu
principibusLatinorum, quasi re nova perturbatus, «mo- advocatur. Ibi tam atrox invidia orta est, gladiis in me-
ram suam hesternam, aelut deorum quadam providentia dio positif, ut, indicta causa, novo génère leti, dejectus
illntam, ait, saluti sibi atque illis fuisse. Ab Turno dici ad caput aqux Ferentinz, crate superne injecta saxisque
sibi et primoribus populorum parari necem ut Latino- congestis, mergeretur.
rum soins imperium teneat. Aggressurum fuisse hesterno LII. Revocatis deinde ad concilium Latinis, Tarqui-
die in coucilio dilatam rem esse, quod anctor concilii nius, collaudalisque, qui Turnum novantem res pro ma-
abfuerit, quem maxime peteret. Inde illam absentid insec- nifesto parricidio merita pœna affecissent, ita verba fe-
tationem esse nalam, quod morando, spem destituerit. cit «Posse quidem se vetusto jure agere, quod quum
Non dubitare, si vcra deferantnr, quin prima luce, ubi omnes Latini ab Alba oriundi sint, in eo fœdere teneau-
de Rome par un traité conclu sous le règne de plus de deux centsaus. Il prit d'assaut leur ville,
Tullus, il pourrait bien faire valoir auprès d'eux Suessa Pométia; il en vendit le butin, et tira de cette
un droit aussi ancien à la souveraineté sur tous vente quarante talents d'or etd'argent. Ce fut alors
les peuples Latins. Mais il croit qu'il serait plus qu'il conçut l'idée d'élever à Jupiter ce vaste tem-
avantageux à tous de renouveler ce traité; qu'il ple, digne du roi des dieux et des hommes, digne
vaut mieux pour les Latins s'associer à la fortune de l'empire romain, digne enfin de la majesté du
de Rome, que de craindre sans cesse, comme il lieu où furent assis ses fondements. L'argent pris
leur était arrivé, sous le règne d'Ancus d'abord, sur l'ennemi fut mis en réserve pour la construc-
ensuite sous celui de son père, la destruction de tion de cet étlilice. Tarquin entreprit ensuite con-
leurs villes et le ravage de leurs campagnes.Bien tre Gabies, ville voisine de Rome, une guerre dont
que ce traité contînt la reconnaissanceexplicite de l'issue ne fut ni aussi heureuse, ni aussi prompte
la suprématie romaine, il ne fut pas diffieile de qu'il l'avait espéré. Repoussé après un assaut inu-
persuader aux Latins d'y souscrire. lis voyaient tile, obligé même de renoncer, par suite de cet
les plus considérables d'entre eux d'intelligence échec, à un siège régulier, il résolut, ressource
avec le roi, et la mort récente de Turnus était peu digne d'un Romain, d'employer la ruse et la
un avertissementpour ceux qui pouvaient être perfidie. Tandis que, paraissant ne plus songer à
tentés de résister. Le traité fut renouvelé, et la la guerre, il feignait d'être uniquement occupé
jeunesse du pays latin reçut de Tarquinl'ordre de de la construction du temple de Jupiter, et d'au-
se trouver en armes au bois de Férentina, à un tres ouvrages commencés dans la ville, Sextus,
jour indiqué. Tous, de toutes les contrées du La- le plus jeune de ses trois fils, d'accord avec lui,
tium, se rendirent à l'appel. Mais, voulant qu'ils s'enfuit chez lesGabiens, se plaignant eux de la
n'eussent ni chefs distincts, ni signes secrets de cruauté intolérable de son père. Il dit « que Tar-
ralliement, ni drapeaux particuliers, Tarquin les quin, non content d'exercer sa tyrannie sur les
incorpora dans les centuries romaines. Latins et autres, la fait peser sur sa propre famille. Il re-
Romains, comptant chacun par moitié dans les doute le nombre de ses enfants, et comme il a
centuries, celles-ci furent doublées, et reçurent dépeuplé le sénat, il veut aussi dépeupler sa mai-
pour chefs des centurions romains. son, et ne laisser d'héritiers ni de son nom ni de
LIII. Si Tarquin méconnut les lois de la justice sa couronne. Quant à lui, Sextus, échappé au
pendant la paix, il fut loin, cependant, d'ignorer glaive de son père il n'a cru trouver nulle part
l'art de la guerre. Il eût même égalé sous ce rap- un asile plus sûr que chez les ennemis de Tarquin.
port les rois ses prédécesseurs, si la gloire du gé- Car, il faut bien qu'ils le sachent, la guerre, qui
néral n'eût été ternie par les vices du roi. Il com- paraît abandonnée, est toujours menaçante; elle
mença contre les Volsques cette guerre qui dura recommencera dans l'occasion, et fondra sur eux

tur, quo ab Tullo res omnis Albana cum colonis suis in nos movit, Suessamque Pometiam ex his vi cepit. Ubi
romanum cesserit imperium. Ceterum se utilitatis id ma- quum divendenda praeda quadraginta lalenta argenti au-
gis omnium causa censere ut renovetur id fœdus secun- rique refecisset, concepitaoimoeamainpliludinem Jovis
daque potius fortuna populi Romani nt participes Latini templi quae digna deum hominumque rege, quæ ro-
fruantur, quam urbium excidia vastationesqueagrorum, mano imperio, qua; ipsius etiam loci majestate esset. Cap-
quas Anco prius, pâtre deinde suo regnante, perpessi sint, tivam pecuniam in a'dificationem ejus templi sepusuit.
semper aut exspectent, ant patiantur.. Haud difficullor Kicepit deinde eum lentius spe bellum quo Gabios pro-
persuasum Latinis, quanquam in eo fœdere superior pinquam Urbem, nequicquam vi adortus, quum obsi-
roniana res erat. Ceterum et capila nominis Latini stare dendi quoque urbem spes pulso a mmnibus adempta es-
ac sentire cum rege videbant, et Turnussuicuique peri- set, postremo minime arte romana, fraude ac dolo,
culi, si adversatus esset, recens crat documentum. Ita re- aggressus est. Nam quum, velut posito bello, fundamen-
novatum tœdus, indiciumquejumoribus Latiuorum, ut ex lis templi jaciendis alüsque urbanis operibus mtentum se
fœdere die cerla ad lucum Ferentinæ armati frequentes esse simularet, Sextus filius ejus, qui minimus ex tribus
adessent. Qui ubi ad edictum romani regis ex omnibus erat, transfugit ex composilo Gabios, patris in se sævi-
po?ulis convenere, ne ducem suum neve secretum im- tiam intolerabilem conquerens «Jam ab alienis in suos
perium, propriave signa haberent, miscuit manipulos ex vertisse superbiam: et liberorumquoque eum frequentim
Latinis Romanisque,ut ex binis singulos faceret, binos- tædere; ut, quam in Curia solitudinem fecerit, domi quo-
que ex singulis. Ita geminatis manipulis centuriones im- que faciat ne quem stirpem ne quem hæredem regni
posuit. relinquat. Se quidem, inter tela et gladiospatris elapsum,
LIII. Nec, ut injustus in pace rei, ita dux belli pravus nihil usquam sibi tutum, nisi apud hustes L. Tarquinii,
fuit. Quin ea arte æquasset superioresreges, ni degene- credidisse. Nam, ne errarent, manere bis bellum, quod
ratum in aliis huic quoque decori offecisset. Is primus posilum simuletur; et per occasionem eum incautos in-
Volscis bellum in ducentos amplius post suam ætatem an- vasurum. Quod si apud eos supplicibus locus non sit, per-
ù i'improviste. S'ils repoussent ses prières, il par- que ses actes que ses paroles conformes à soi
courra tout le Latium; il ira chez les Volsques, plan de fausseté, augmentaientson influence fa
chez les Èques et chez les Herniques, jusqu'à ce tale il finit par obtenir le commandement géné-
qu'il trouve un peuple assez généreux pour dé- ral de l'armée des Gabiens. Pour ne pas laisser en.
fendre les fils contre la persécution et la cruauté trevoir ses desseins il livrait souvent de petits
impie de leur père. Peut-être en rencontrera-t-il combats où l'avantage restait aux Gabiens. Aussi
un à qui une juste indignation fera prendre les l'enthousiasme devint-il si vif que, grandset petite
armes contre le plus orgueilleux de tous les rois, tous regardaient son arrivée à Gabies comme unf
et le plus ambitieux de tous les peuples. » Les faveur des dieux. Magnifique d'ailleurs envers le
Gabiens craignant, s'ils ne cherchent à le retenir, soldat, auquel il abandonnait le butin, et dont il
qu'il ne quitte leur ville irrité contre eux l'ac- partageait les fatigues et les dangers, il gagna tel-
cueillent avec bonté. Ils lui disent « Qu'il ne lement son affection, que son père n'était pas plus
doit point s'étonner, lui-même que Tarquin traite puissant à Rome que lui à Gabies. Quand il se
ses propres enfants comme il a traité ses conci- croit assez fort pour tout oser, il dépêche à son
toyens, ses alliés; qu'à défaut d'autres victimes, père un des siens, chargé de lui demander ce qu'il
sa cruauté devait se tourner contrelui-même; doit faire, maintenant que les dieux lui ont ac-
qu'au reste, lui, Sextus, est le bien-venu parmi cordé un pouvoir absolu dans la ville de Gabies.
eux et qu'ils espèrent pouvoir bientôt, aidés de Le messager, dont la fidélité, j'imagine, parut
son courage et de ses avis porter la guerre des douteuse, ne reçut pas de réponse verbale; mais
murailles de Gabies sous celles de Rome. » Tarquin, prenant un air pensif, passa dans les
LIV. Depuis ce jour, Sextus fut admis dans jardins du palais, suivi de l'émissaire de son fils.
leurs conseils. Là, il adoptait hautement, sur Là, dit-on, se promenant en silence, il abattait,
toutes les affaires civiles, l'opinion des anciens avec une baguette, les têtes des pavots les plus éle-
Gabiens auxquels elles étaient plus familières. vées. Fatigué de questionner et d'attendre une ré-
Mais il n'en était pas ainsi pour la guerre, qu'il de- ponse, le messager s'en retourne à Gabies, croyant
mandait de temps en temps, disant que sur ce avoir échoué dans sa mission. Il rapporte ce qu'il
point ses avis étaient d'autantmeilleurs qu'il con- a dit, ce qu'il a vu, et ajoute que le roi, soit par
naissait mieux les forces des deux peuples, et haine, soit par colère, soit enfin par un effet de
combien la tyrannie de Tarquin était odieuse aux cet orgueil qui lui est naturel, n'a pas prononcé
Romains, insupportable même à ses enfants. Tan- une seule parole. Mais Sextus, pénétrant sous cette
dis qu'il poussait insensiblement les premiers de énigme le sens de la réponse et les intentions d'
la ville à la révolte, que lui-même, avec une son père, fit périr les principaux citoyens, les une
troupe de jeunes gens entreprenants, il allait faire en les accusant devant le peuple, les autres, e.
des incursions, piller sur le territoire de Rome; profitant de la haine qu'ils avaient soulevée con-

erraturum se omne Latium,Volscosque se inde, et Æquos, dut ad ultimum belli legitur. Ibi quum, inscia multitu-
et Hernicos petiturum donec ad eos perveniat, qui a dine, quid ageretur, praelia parva inter Romam Gabios-
patrum crudehbus atque impiis suppliciis tegere liberos que fierent, quibus plerumque Gabina res superior esset;
sciant. Forsitan etiam ardoris aliquid ad bellum armaque tum certatim aummi infimique Gabinorum Sex. Tarqui-
se adversus superbissimum regem ac ferocissimum po- nium dono deum sibi missum ducem credere. Apud mi-
pulum inventurum.»Qunm, si nihil morarentur, infensus lites vero obeundo pericula ac labores, pariter prædam
ira porro inde abiturus viderelur, benigne ab Gabinis munifice largiendo tanta carilateesae ut non pater Tar-
excipitur. Vetant mirari, si, qualis iacives, qualis in so quinius potentior Roma, quam filins Gabiisesset. Itaque,
cios, talis ad ullimum in liberos esset. In se ipsum pos- postquam satis virium collectum ad omnes conatus vide-
tremo sæviturum, si alia desint. Sibi vero gratum adven- bat, tumesuisunumeciscitatum Romam ad patrem mit-
tum ejus esse futurumque credere brevi, ut, illo adju- tit, quidnam se facere vellet? quandoquidem, ut omnia
vante, ab portis Gabinissub romanamœnia bellum trans- unus Gabiis posset, ei dii dedissent. Huic nuntio, quia
feratur. credo, dubiæ lidei videbatur, nihil voce responsum est.
LIV. Inde in consilia publica adhiberi ubi, quum de Rex, velut deliberabundus, iu bortum ædium transit,
aliis rebus assenlire se veteribus Gabinis diceret, quibus sequente nuntio filii ibi, inambulans tacitus, summa
hæ notiores essent, ipse identidem belli auctor esse, in papaverum capita dicitur baculo decussisse.Interrogando
eo sibi prîecipuam prudentiamassumere, quod utriusque exspectandoque responsum nuntius fessus, ut re imper-
populi Tires nosset, sciretque, invisam profecto super- fecta, redit Gabios; qua dixerit ipse, quæque viderit,
hiam regiam civibus esse, quam ferre ne liberi quidem refert seu ira, seu odio, seu superbia insita ingenio,
potuissent. Ita quum sensim ad rebellaudum primores nuliam eum vocem emisisse. Sexto ubi, quid vellet pa-
Gabinorum incitaret, ipse cum promptissimis juvenum rens, quidve præciperet tacitia ambagibus, patuit, pri-
prædatum atque in expeditiones tret. et dictis faclisque mores civitatis, criminando alios apud popnlum, alios
omuibus ad fallendum instructis vana accresceret fides, sua ipsos invidia opportunosinteremit. Multi palam; qui-
tre eux. Pinsieurs furent condamnés publique- de son sanetnaire sur le mont Tarpéien, présageait
ment quelques-uns, offrant moins de prise aux la solidité et la durée de la puissance romaine. Ce
accusations, périrent en secret. D'autres purent premier prodige, qui montrait la perpétuité do
fuir sans obstacles; d'autres furent exilés; les l'empire, fut suivi d'un autre qui en présageait la
biens des bannis et des morts furent partagés au grandeur. On dit qu'en creusant les fondationsdu
peuple. Ces largesses, le produit de ces spolia- temple, on trouva une tête humaine parfaitement
lions, les séductions de l'intérêt privé, étouffèrent conservée. Ce nouveau phénomène désignait clai-
le sentiment des mallieurs publics, jusqu'au jour rement que là serait aussi la tête de l'empire et
où Gabies, privée de conseils et de forces, tomba l'interprétation en fut ainsi donnée par les devins
enfin sans résistance au pouvoir de Tarquin. de Rome et par ceux qu'on avait fait venir d'É-
LV. Maître de Gabies Tarquin fit la paix avec trurie. Tous ces présages portaient de plus en
les Èques, et renouvela le traité avec les Toscans. plus le roi à ne pas épargner les dépenses. Les
Il donna ensuite toute son attention aux ouvrages richesses de Pométia, qui devaient servir à termi-
intérieurs de Rome. Le plus important était le ner l'entreprise, suffirent à peine pour les fonda-
temple de Jupiter, qu'il bâtissait sur le mont Tar- tions. A cet égard, Fabius historien plus ancien
peïen, et qu'il voulait laisser comme un monu- d'ailleurs, me semble plus digne de foi que l'ison.
ment de son règne et du nom de Tarquin. C'était Le premier fait monter la valeur de ces richesses
en effet l'ouvrage de deux Tarquins le père avait à quarante talents; le second prétend que Tar-
fait le vœu, le fils l'avait accompli. Et, afin que quin avait mis en réserve, pour la construction
l'emplacement du Capitole fût réservé tout entier du temple, quarante mille livres pesant d'argent,
à Jupiter, à l'exclusion de toute autre divinité, il somme exorbitante qui ne pouvait provenir du
résolut d'en faire disparaître les autels et les petits pillage d'aucune ville d'alors, et qui suffirait, et
temples que Tatius y avait élevés, consacrés et au-delà, pour construire encore aujourd'hui les
inaugurés, conformément au vœu qu'il en avait monuments les plus magnifiques.
fait pendant un combat contre Romulus. Tandis LVI. Tarquin, uniquement occupé du désir
qu'on jetait les premiers fondements de l'édifice, d'achever ce temple, fit venir des ouvriers de
la volonté des dieux se révéla, dit-on, par des toutes les parties de l'Étrurie, et mit à contri-
signes qui annonçaient la puissance future de bution, non seulement les deniers de l'état,
l'empire romain. Les augures permirent qu'on mais encore les bras du peuple. Ce fardeau ajouté
enlevât tous les autels, excepté celui du dieu Ter- à celui de la guerre ne semblait pourtant pas
me et l'on interpréta cette exception de la ma- trop lourd au peuple, glorieux, au contraire, de
nière suivante le dieu Terme gardant sa place, bâtir de ses mains les temples des dieux. Mais on
et seul de tous les dieux n'ayant pas été dépossédé l'employa dans la suite à d'autres ouvrages, qui,

dam, in quibus minus speciosa criminatio erat futura finibus, firma stabiliaque cuncta portendere. Hoc perpe-
clam iuterfecti. Patuitquibusdam volentibus fuga,aut in tuitatis auspicio accepto, secutum aliud, maguiludinem
exsilium acti sunt, absentiumque bona juxta atque inter- imperii portendens, prodigium est. Caput humanum in-
emptorum divisai fuere. Largitionis iude prædæque et tegra facie aperientibus fundamenta templi dicitur appa-
dulcedine privali commodi seusua malorum publ corum misse. Quæ visa species, baud per ambages arcem eam
adimi donec, orha consilioauxil,oque, Gabina res regi imperii caputque rerum fore portendebat idque ila ce-
romano sine ulla dimicationein manum traditur. cinere vates, quique in Urbe erant, quosque nd eam rem
LV. Gabiis receptis, Tarquinius pacem cum Æquo- consultandam ex Etruria acciverant. Augebatur ad iin-
rum gente fecit; fmdus cum Tuscis renovavit. Inde ad pensas regis animus. Itaque Pometinæ manubias, quæ
negotia urbana animum converlit quorum erat primum, perducendo ad culmen operi dettinatie erant, vii in fun-
ut Jovis templum in monte Tarpeio, monumentum regni damenta suppeditavere. ho magis Falno, praeterquam
sui nominisque,relioqueret Tarquinios reges ambos, quod antiquior est crediderim, quadragiuta ea solata-
patrem vovisse, fllium perfecisse. Et, ut libera a ceteris lente fuisse, quam Pisoni; qui quadraginta millia pondo
religionibus area esset tota Jovis templique ejus, quod argenti seposita in eam rem scribit, summam pecuniæ
inædificaretur, exaugurare fana sacellaque stdtuit qux neque ex unius tum urbis praeda sperandain, et nullius,
aliqaot ibi a Tatro rege, primum in ipso discrimine ad- ne borum quidem magnificentiæ operum, fundameuta
versus Romulum pugnx vota, consecrata inaugurataque non exsuperaturam.
postea fuerant.Inter principia col1dendi hujus operis mo- LVI. Intentus perficiendo templo, fabris undique ex
visse numen ad indicandam tanti imperii molem tradilur Etruria accitis, non pecuniasolum ad id puhlica est usus,
deos nam, quum omnium sacellorum exaugurationes sed operis etiam ex plebe. Qui quum baud parvus et ipse
admitterent aves, in Termini fano non addixere. Id omen militiæ adderetur labor minus tamen plebs gravabatur,
auguriumque ita acceptum est; non motam Termini se- se templa deum exaedifleare mambus suis quæ posthac
dem, unumque eum deorum non evocatum sacratis sibi et ad alia, ut specie minora, sic laboris aliquanto mayoris
1.
pour avoir moins d'éclat n'en étaient pas moins prit dès ce moment le parti de ne rien laisser voir
pénibles. C'était la construction des galeries au- dans son caractère ni dans sa fortune qui peut
tour du cirque, et le percement d'un égout desti- donner de l'ombrage au tyran, et exciter sa cupi-
né à recevoir les immondices de la ville deux ou- dité en un mot, de chercher dans le mépris
vrages que la magnificencede nos jours est à peine d'aulrui une sûreté que la juslice ne lui offrait
parvenue à égaler. Outre ces travaux, qui tenaient pas. Il contrefit l'insensé, livrant sa personne
le peuple en haleine, Tarquin, persuadé qu'une à la risée du prince, lui ahandonnant tous ses
population nombreuse est à charge à l'état quand biens, et acceptant même l'injurieux surnom de
elle est inoccupée, et voulant d'ailleurs, par des Brulus. C'est à la faveur de ce surnom que le li-
colonies nouvelles, étendre les limites de l'em- bérateur de Rome attendait l'accomplissement de
pire, envoya des colons à Signia et à Circeï, pla- ses destinées. Conduit à Delphes par les Tarquins,
ces qui devaient un jour protéger Rome du côté dont il était le jouet plus que le compagnon, il
de la terre et du côté de la mer. Au milieu de apporta, dit-on, au dieu, un bâton de cornouil-
tous ces travaux, on vit avec terreur un nouveau ler, creux et renfermant un bâton d'or, emblème
prodige. Un serpent, sorti d'une colonne de bois, mystérieux de son caractère. Arrivés enfin, les
jeta l'épouvante parmi tous les habitants du pa- jeunes princes, après avoir exécuté les ordres de
lais, et les mit en fuite. Tarquin d'abord moins leur père, eurent la curiosité de savoir auquel
effrayé, en conçut pourtant de graves inquiétu- d'entre eux reviendrait le trône de Rome. On pré-
des pour l'avenir. Les devins étrusques étaient or- tend qu'une voix répondit du fond du sanctuaire
dinairement consultés sur les présages qui se ma- m Celui-là possédera la souveraine puissance, qui
nifestaient en public; mais ce dernier paraissant le premier de vous, jeunes gens, baisera sa mère.
menacer sa famille, Tarquin résolut de consulter Les Tarquins exigent le plus rigoureux silence sur
l'oracle de Delplies, le plus célèbre du monde. cet incident, à l'égard de Sextus, leur frère, qui
Toutefois ne sachant quelle serait la réponse était resté à Rome, afin qu'ignorant la prédiction
du dieu, il n'osa confier à des étrangers le soin il perdît toute chance à l'empire. Quant à eux,
de l'aller recevoir, et envoya deux de ses fils en ils abandonnentà la fortune le soin de décider le-
Grèce, à travers des contrées alors inconnues, quel des deux, à leur retour, baisera sa mère.
et des mers plus inconnues encore. Titus et Aruns Mais Brutus, donnant une autre interprétation
partirent accompagnésdu fils de Tarquinia, sœur aux paroles de la Pythie, feignit de se laisser tom-
du roi, de Junius Brutus, lequel était d'un ca- ber, et baisa la terre, la mère commune de tous
ractère bien différent de celui qu'il affectait de les hommes. Lorsqu'ils revinrent à Rome, on y
montrer en public. Instruit que les premiers de faisait de grands préparatifs de guerre contre les
l'État, que son oncle, entre autres, avaient péri Rutules.
victimesde la cruauté de Tarquin, ce jeune homme LVII. Les Rutules habitaient la ville d'Artlée.

traducebatur opera foros in circo faciendos, cloacamque statuit, contempluque tutus esse, ubi in jure parum prae-
maximam, receptaculum omnium purgamentorumurbis, sidii esset. Ergo ex industria factus ad imitationem stul-
sub terram.agendam quibus duobus operibus vix nova titiæ, quum se suaque prædæ esse regi sineret, Bruti
hæc magmficentia quicquam adaequare potuit. His la- quoque baud abnuit coguomen; ut sub ejus obtentu cog-
bor bus exer cita plebe, quia et urbi mullitudinem,ubi nominis liberator iile populi romaui aunnus latens uppe-
usns non esset, oneri rebatur esse, et colonis mittendis riretur tempora sua. la tum ab Tarquiairs ductus Del-
occupari latius imperii fines volebat; Siguiam Circeios- phos, ludibrmm ver us, quam comes, aureum baculum,
que colon es misit, proesidia urhi futura terra marique. inclusum corneo cavato ad id baculo, tulisse donum Apoi-
Hæc ageuti porten um terribile visum. Anguis, ex co- lim dicitur per ambages efligiem ingenii sui. Quo post-
lumna lignea elapsus, quum terroi-em fugamque in re- quam veutum est, perfectis patris mandatis, cupido m-
giam fecistet, ipsius regis non tam subito pavore percu- cessit animos juvenum suiscitaudi, ad quem eorum reg-
lit pectus, quam anxiis implevil euris. It que quum ad num romanum esset venturum. Ex infimo bpecu vocem
publica prodigia Etrusci tantum vates adbiberentur, hoc reddit. m terunt a Imperium summum Romæ habobit
velut domestico ext rritus visu, Delphos ad maxime in- qui vestrum primus o juvencs! osculum matri tulerit. »
eluium in terris oraculum mittere statuit; neque responsa Tarquinii, ut Sextus, qui Romx relictus fuerat, ig iarus
sortium ulli alii committere ausus, duos filios per ignotas respnnsi expersque imperii esset, rem summa ope taceri
ea tempestate terras, ignotiora maria, in Graciam misit. jubent ipsi inter se uter prior, quum Romam red ssent,
Titus et Aruns profecti. Cognes his additus L. Junius Bru- matri osculum daret, sorti permittuot. Brutus, alio ratus
tus, Tar'juinia sorure regis natus, juvenis longe alius spectare Pythicam m cem velut si nrolapsus cecidisset
ingenio, quam cujus simulaliooem induerat. Is, quum terram osculo contigit; scilicet, quod ea commums mater
primorescivitatis, in quibus fratrem &uum ab avuuculo omnium mortalium esset. Reditum inde Romam, ubi ad-
interfectum audisset, neque in animo suo quicquam regi
versus Rutulos bellum summa vi parabatur.
limendum, neque in fortuna concupiscendumrelinquere LVII. ArdeamRulili habebant, gens, ut in es regione
C'étaitunenationpuissanteet riche, et pour le temps à bride abattue. lis y arrivèrent à l'entrée de la
et pour le pays. La guerre leur fut déclaréeà cause nuit. De là ils vont à Collatie, où ila trouvent
de l'épuisement des finances, résultat des tra- les belles-filles du roi et leurs compagnes au mi-
vaux somptueux, entrepris par Tarquin, lequel dé- lieu des délices d'un repas somptueux; et Lucrèce,
sirait de combler le vide et de regagner en même au contraire, occupée, au fond du palais, à filer
temps, par l'appât du butin, le cœur de ses sujets. de la laine, et veillant, au milieu de ses femmes,
Ceux-ci, en effet, irrités de son orgueil et de son bien avant dans la nuit. Lucrèce eut tous les bon-
despotisme s'indignaient que le prince les en- neursdu défi. Elle reçoit avec bonté les deux Tar-
chaînât depuis si longtempsà des travaux de man- quins et son mari, lequel, fier de sa victoire,
œuvres et d'esclaves. D'abord on essaya de pren- invite les princes à rester avec lui. Ce fut alors
dre Ardée d'assaut; mais cette tentative eut peu que S. Tarquin conçut l'odieux désir de posséder
de succès. On convertit lesiége en blocus, et l'en- Lucrèce, fût-ce auprix d'un infâme viol. Outre la
nemi fut resserré dans l'enceinte de ses murs. beauté de cette femme, une réputationde vertu si
Durant ce blocus, et comme il arrive ordinaire- éprouvée piquait sa vanité. Après avoir achevée
ment dans une guerre moins vive que longue, on la nuit dans les divertissements de leur âge, ils
accordait assez facilement des congés mais aux retournent au camp.
officiers plutôt qu'aux soldats. De temps en temps LVIII. Peu de jours après, Sextus, à l'insude
les jeunes princes abrégeaient les ennuis de l'oisi- Collatin, revient à Collatie, accompagné d'uu
veté par des festins et des parties de débauche. Un seul homme. Comme nul ne soupçonnait ses des-
jour qu'ils soupaient chez Sextus Tarquin, avec seins, il est accueilli avec bienveillance, et on le
T. Collatin, fils d'Égérius, la conversation tomba conduit, après souper, dans son appartement. Là,
sur les femmes; et chacun d'eux de faire un éloge brûlant de désirs, et jugeant, au silence qui l'en-
magnifiquede la sienne. La discussions'échauffant, vironne, que tout dort dans le palais, il tire son
Collatin dit qu'il n'était pas besoin de tant de pa- épée, marche au lit de Lucrèce déjà endormie, et,
roles, et qu'en peu d'heures on pouvait savoir appuyant une main sur le sein de cette femme
combien Lucrèce, sa femme l'emportait sur les a Silence, Lucrèce, dit-il, je suis Sextus: je tiens
autres. a Si nous sommes jeunes et vigoureux, mou épée, vous êtes morte, s'il vous échappe
ajouta-t-il, montons à cheval, et allons nous assu- une parole. » Tandis qu'éveillée en sursaut et
rer nous-mêmesdumérite de nos femmes. Comme muette d'épouvante, Lucrèce, sans défense, voit
elles ne nous attendent pas, nous les jugerons par la mort suspendue sur sa tête, Tarquin lui déclare
les occupations où nous les aurons surprises. » son amour; il la presse, il la menace et la conjure
Le vin fermentait dans toutes les têtes. « Partons, tour tour, et n'oublie rien de ce qui peu agir sur
s'écrièrent-ils ensemble, » et ils courent à Rome lecœur d'une femme. Mais, voyant qu'elle s'affer-

atque in ea aetate, divitiis pra?pollens; eaque ipsa causa inde Collatiam; ubi Lucretiam, baudquaquam ut regias
belli fuit, quod rez Romanus tum ipse dilari exhaustus nurus, quas in convivio luxuque cum æqualibus viderant
magniflcentia publicorum operum, tum præda delinire tempus tarentes, sed nocte sera deditam lauæ inter lucu-
popularium ammes atudehat; prêter aliam superbidm brantes ancillas inmedio ædium sedentem invemunt. Mu-
regno infestos etiam, quod te in fabrorum minis eriis ac liebris certamiuis laus penes Lucretiam fuit. Adveniens
servili tam dm babitos opere ab rege indignabantur. vir Tarquiniique excepti benigne victor maritus commter
Tentala res est, si primo impetu capi Ardea posset; ubi invitât regios juveues. Ibi Sei. Tarquinium mala libido
id parum processit, obsidione munitionibusque cœpti Lucretiæ per vim stuprandæ capit; tum forma, tum
premi hostes. In iis stativis, ut fillongo magis, quam spfctata castitas incitat. Et tum quidem ab nocturuo ju-
acri bello, satis liberi commeatus erant; primorimbus veuili ludo in castra redeunt.
tamen magis, quam militibus. Regii quidem juvenes LVIII. Paucis iuterjectis diebus, Sei. Tarquinius, in
inlerdum otium conviviiscomissatiouibusqueinter se te- scio Collatino, cum comite un Collatiam vemt. Ubi ex-
rebant. Forte potantibus his apud bei. Tarquinium, ubi ceptus benigne ab ignaris consilii, quum post cœnam in
et Collatinus cœnabal Tarquinius, Egerii filius, incidit hospitale cubiculum deductus esset, amore ardens, post-
de uxoribus mentio; suam qui,que laudare miris modis. quam satis tuta circa, sopitique omnes videbantur, stricto
Inde certamme accenso, Collatious negat, verbis opus gladio ad dormieutem Lucretiamvenit, sinistraque manu
esse paucis id quidem horis posse sciri, quantum cete- mulieris pectore oppresso, Tace, Lucretia,inquit, Sei.
ris praestet Lucretia sua. Quin, si vigor juventæ inest, Tarquinius sum; ferrum in manu est moriere, si emi-
conscendimus equos, invisimusque præsentes nostrarum seris vocem.»Quumpavida ex somno mulier nullam openi,
ingema? Id cuique spectatissimum sit, quod nec opinato prope mortem imminentem, videret tum Tarquinius fa-
Tiri adveatu occurrerit oeulis. Incaluerant vin. « Age teri amorem, orare, miscere precibus minas, versare in
aane,. omnes. Citatis equis avolant Romam. Quo quum, omnes partes muliebrem animum. Ubi obstinatam vide-
primis se intendentibus tenebris, pervenissent, pergunt bat, et ne mortis quidem metu inclinari addit ad metum
mit dans sa résistance, que la crainte même de la teur de la violence; ils lui disent que le corps
n'est pas coupable quand le cœur est innocent, et
mort ne peut la fléchir, il tente de l'effrayer sur sa
qu'il n'y a pas de faute là où il n'y a pas d'inten-
réputation. Il affirme qu'après l'avoir tuée, il pla-
cera près de son corps le corps nu d'un esclave tion. C'est à vous, reprend-elle, à décider du
égorgé, afin de faire croire qu'elle aurait été poi-sort de Sextus. Pour moi sije m'absous du crime,
gnardée dans la consommation d'un ignoble adul- je ne m'exempte pas de la peine. Désormais que
tère. Vaincue par cette crainte, l'inflexible chas- nulle femme, survivant à sa honte, n'ose invo-
teté de Lucrèce cède à la brutalité de Tarquin, quer l'exemple de Lucrèce 1 » A ces mots, elle
et celui-ci part ensuite, tout fier de son triomphe s'enfonce dans le cœur un couteau qu'elle tenait
sur l'honneur d'une femme. Lucrèce, succom- sous sa robe, et, tombant sur le coup, elle expire.
bant sous le poids de son malheur, envoie un Son père et son mari poussent des cris.
messager à Rome et à Ardée, avertir son père et LIX. Tandis qu'ils s'abandonnent à la dou-
son mari qu'ils se hâtent de venir chacun avec un leur, Brutus retire de la blessure le fer tout dé-
ami sûr; qu'un affreux événement exige leur pré- goûtant de sang, et, le tenantlevé: « Je jure,dit-
sence. Sp. Lucrétius arrive avec P. Valérius, fils il, et vous prends à témoin, ô dieux! par ce sang,
de Volésus, et Collatin avec Brutus. Ces deux si pur avant l'outrage qu'il a reçu de l'odieux fils
derniers retournaient à Rome de compagnielors- des rois; je jure de poursuivre par le fer et par le
qu'ils furent rencontrés par le messager de Lu- feu, par tous les moyens qui seront en mon pou-
crèce. Ils la trouvent assise dans son appartement, voir, l'orgueilleux Tarquin, sa femme criminelle
et plongée dans une morne douleur. A l'aspect des et toute sa race, et de ne plus souffrir de rois à
siens, elle pleure; et son mari, lui demandant Rome, ni eux, ni aucun autre. » Il passe ensuite
si tout va bien a Non, répond-elle; car, quel le fer àCollatin, puis à Lucrétiuset à Valérius
bien reste-t-il à une femmequi a perdu l'honneur? étonnés de ce prodigieux changement chez un
Collatin, les traces d'un étranger sont encore dans homme qu'ils regardaient comme un insensé. Ils
ton lit. Cependant le corps seul a été souillé; le répètent le serment qu'il leur a prescrit, et, pas-
cœur est toujours pur, et ma mort le prouvera. sant tout à coup de la douleur à tous les sentiments
Mais vous, jurez-moi que l'adultère ne sera pas de la vengeance, ils suivent Brutus, qui déjà les
impuni. C'est Sext. Tarquin, c'est lui qui, ca- appelait à la destruction de la royauté. Ils trans-
chant un ennemi sous les dehors d'un hôte, est portent sur la place publique le corps de Lucrèce,
venu la nuit dernière ravir, les armes à la main et ce spectacle extraordinaire excite, comme ils
un plaisir qui doit lui coûter aussi cher qu'à moi- s'y attendaient, une horreur universelle. Le peu-
même, si vous êtes des hommes. » Tous deux ple maudit l'exécrable violence de Sextus; il est ému
lui donnent leur parole, et tâchent d'adoucir son par la douleur du père, par Brutus, lequel, con-
désespoir, en rejetant toute la faute sur l'au- damnant ces larmes et ces plaintes inutiles, pro-

dedecus; cum mortua jugulatum servum nudum positu- afuerit, culpam abesse. « Vos, inquit videritis, qnid illi
rum ait, ut in sordido adulterio necata dicatur. Quo ter- debeatur ego me, etsi peccato absolvo, supphcio non
rorequum vicisset obstinatam pudicitiam velut victrix li- libero. Nec ulla deinde impudica Lucretiæ exemplo vivet..
bido, profectusque inde Tarquinius, ferez expugnato Cultrum, quem sub veste abditum habebat, eum in corde
decore muliebri, esset; Lucretia, meesta tanto malo, defigit; prolapsaque in vulnus, morlbundacecidit. Cou-
nuntium Romam eundem ad patrem, Ardeamque ad vi- clamant vir paterque.
rum mittit, ut cum singulis fidelibus amicis veniant ita LIX. Brutus, illis luctu occupatis, cultrum ex vulnere
facto maturatoque opus esae; rem atrocem incidisse. Sp. Lucretiæ extractum, manantem cruore pre' se tenens,
Lucretius cum P. Valerio Volesi filio, Collatinus cum «Per hune, inquit, castissimum ante regiaminjuriamsan-
L. Junio Bruno venit; cum quo forte Romam rediens ab guinem juro, vosque, dii, testes facio, me L. Tarqui-
nuntio uxoris erat conventus. Lucretiam sedentem mœs- nium Superbum, cum scelerata conjuge et omni libero-
tam in cubiculoinveniunt. Adventu suorum lacrymæ ob- rum stirpe, ferro, igni, quacunque dehine vi possim,
ortæ quærentique viro,Satin' salvæ? «Minime, inquit; exsecuturum nec illos, nec alium quemquam regnare
quid enim salvi est mulieri, amissa pudicitia? Vestigia Romae passurum.» Cultrum deinde Collatino tradit, inde
viri alieni, Collatiue, in lecto sunt tuo. Ceterum corpus Lucretio ac Valerio, stupentibus miraculorei, unde no-
est tantum violatum, auimusinsons; mors testis erit. Sed vum in Bruti pectore ingedium.Ut praeceptum erat, ju-
date dextras fi Jemque, baud impune adultero fore. Sex. rant totique ab luctu versi in iram Brutum jani iude
est Tarquinius, qui hostis pro bospite priore nocte vi ar- ad expugnandum regnam vocantem, sequunturducem.
matus mihi sibique, si vos viri estis, pestiferum hinc abs- Elatum domo Lucretiæ corpus in forum deferunt, con-
tulit gaudium.Dant ordine omnes fidem; consolantur cientque miraculo, ut fit, rei nova* atque indignitate ho-
ægram anlmi, avertendo noxam ah coacta in auctorem mines pro se quisque soelus regium ac vim queruntur.
delieli meutem peccare, non corpus; et, unde consilium Movct tum patris mœstitia, tum Brutus, casligator lacri
pose le seul avis digne d'être entendu par des Servius, et cette fille impie faisant passer son char
hommes, par des Romains, celui de prendre les sur le corps de son père; puis il invoque les dieux
armes contre des princes qui les traitent en enne- vengeurs des parricides. De pareils forfaits et
mis. Les plus braves se présentent spontanément d'autres plus atroces sans doute, qu'il n'est pas
tout armés; le reste suit bientôt leur exemple. On facile à l'historien de retracer avec la même
en laisse la moitié à Collatie pour la défense de la force que ceux qui en ont été témoins, en0am-
ville, et pour empêcher que la nouvelle de ee ment la multitude. Entraînée par l'orateur, elle
mouvement ne parvienne aux oreilles du roi l'au- prononce la déchéance du roi, et condamne à
tre moitié marche vers Rome sur les pas de Bru- l'exil S. Tarquin, sa femme et ses enfants. Brutus
tus. Aleur arrivée, et partout où cette multitude lui-même, ayant enrôlé et armé tous les jeunes
en armes s'avance, on s'effraie, on s'agite; mais, gens qui s'empressaient de donner leurs noms,
orsqu'on les voit guidés par les premiers citoyens marche au camp devant Ardée, afin de soulever
le l'état, on se rassure sur leurs projets, quels l'armée contre Tarquin. 11 laisse le gouverne-
qu'ils soient. L'atrocité du erime ne produisit pas ment de Rome à Lucrétius, que le roi lui-même
moins d'effet à Rome qu'à Collatie. De toutes les avait nommé préfet de la ville quelque temps au-
parties de la ville, on accourt au Forum, et la paravant. Au milieu du tumulte général, Tullia
voix du héraut rassemble le peuple autour du s'enfuit de son palais, recueillant partout sur son
tribun des Célères. Brutus était alors revêtu de passage les exécrations de la foule, et entendant
cette dignité. Il harangue le peuple, et sa parole vouer sa tête aux furies vengeresses des parricides.
est loin de se ressentir de cette simplicité d'esprit LX. Lorsque la nouvelle en arrive dans le camp,
qu'il avait affectée jusqu'à ce jour. Il raconte la le roi, surpris et effrayé, accourt à Rome en
passiou brutale de Sextius Tarquin, et la violence toute hâte, pour y étouffer la révolution naissante.
infâme qu'il a exercée sur Lucrèce; la mort dé- Brutus est informé de son approche, et, pour ne
hlorable de cette femme, et la douleur de Tricipi- pas le rencontrer, il se détourne de sa route. Ils
tinus, qui perdait sa fille, et s'affligeait de cette arrivèrent tous deux presque en même temps par
perte moins encore que de l'indigne cause qui des chemins opposés, Brutus au camp, et Tarquin
l'avait provoquée. Il peint le despotisme orgueil- à Rome. Tarquin trouva les portes fermées, et on
leux do Tarquin, les travaux et les misères du lui signifia son exil. L'armée, au contraire, reçut
peuple, de ce peuple plongé dans des fosses, dans avec enthousiasme le libérateurde Rome, et chassa
des cloaques immondes qu'il lui faut épuiser; il de ses rangs les enfants du roi. Deux d'entre eux
montre ces Romains, vainqueurs de toutes les suivirent leur père en exil à Céré chez les Étrus-
nations voisines, transformés en ouvriers et en ques. Sextus, qui s'était retiré à Cabies comme
maçons. Il rappelle les horreurs de l'assassinat de dans ses propres états, y périt assassiné par ceux

marum atque inertium querelarum, auctorque, quod et invecta corpori patris nefando vehiculo filia, invocati-
viros, quod Bomanos deceret, arma capiendi adversus que ultores parentum dii. His atrocioribusque, credo,
hostilia ausos. Ferocissimus quisque juvennm cum armis aliis, quæ præsens rerum indignitas haud quaquam re-
voluntarius adest; sequitur et cetera juventut. Inde, pari latu scriptoribus facilia subjicit, memoratis incensam
præsidio relicto Collatiæ ad portas, custodibusque datis, multitudinem perpulit, ut imperiumregi abrogaret, ci-
ne quis eum motum regibus nuntiaret, ceteri armati, sulesque esse juberet L. Tarquinium cum conjuge ac li
duce Bruto, Romam profecti. Ubi eo ventum est, qua- bcris. Ipse, junioribus, qui ultro nomina dabant, lectis
cunque incedit, armata multitudo pavorem ac tumultum armatisque, ad concitandum inde adversus regem exer-
facit. Runus, ubi auteire primorescivitatis vident, quic- citum Ardeam in castra est profectus; imperium in urbo
quid sit, haud temere esse rentur. Nec minorem motum Lucretio pra'fecto urbis jam ante ab rege instituto, relin-
auimorum Romæ tam atrox res facit, quam Collatiw fe- quit. Inter hune tumultum Tullia domo profugit, exse-
cerat. Ergo ex omnibus locis urbis in forum curritur. crantibus, quacumque inredebat, invocaulibusque pa-
Quo simul ventum est, praeco ad tribunum Celerum m rentum furias viris mulieribusque.
quo tum magistratu forte Brutus crat, populum advoca- LX. Harum rerum nuntiis in castra perlatis, quum re
vit. Ibi oratio habita, nequaquam elus pectoris ingeniique nova trepidus rex pergeret Romam ad comprimcndos mo-
quod simulatum ad eam diem fuerat, de vi ac libidine tus, flexit viam Brutus, (senserat enim adventum) ne ob-
Sei. Tarquinii, de stupro infando Lucretioe et miserabili vius fieret; eodemque fere tempore, diversis itineribus,
cæde, de orbitateTricipitini. cui morte filiæ causa mor- Brutus Ardeam TarquiuiusRomam,vencrunt.Tarqui-
tis indignior ac miserahilior esset. Addita superbia ipsius nio clausx portæ, exsiliumque indictum; liberatorem
regis, miseritrque et labores plebis in fossas cloacasque urbis lala castra accepere; exactique iude liberi regis.
exhauriendas demersae.Romanos humines, victores om- Duo patrem secuti sunt, qui exsulatum Cære in Etruscos
nium circa populorum, oplices ac lapicidas pru bellato ierunt. Sex. Tarquinius, Gabios, tanquam in suum reg-
ribus factos. IndiguaSer. Tulln régis memurata cædes, uum, profectus, ab ultoribus veterum simultatum, quas
dont ses meurtres et ses rapines avaient autrefois mices alors assemblés par centuries, et convoqués
soulevé les haines. Le règne de Tarquin-le-Superbe parle préfet de Rome, suivant le plan de Servius,
fut de vingt-cinq ans; et celui de tous les rois, de- nommèrent deux consuls, Junius Brutus et Tar-
puis la fondationde Rome jusqu'à son affranchis- quin Collatin.
sement, de deux cent quarante-quatre. Les co-

sibi ipse caedibus rapinisque conciverat, est inlerfectus. 1 comitiis centurlatis a praefecto Urbis ex commentariis
L. Tarquin us Superbus regnavit annos quinque et vi- Ser. Tullii creati sunt, L. Junius Brutus et L. Tarqui-
ginti. ReRnatumRomæ ab condita urbe ad liberatam an- nius Collatinus.
nos ducentos quadraginta quatuor. Duo consules inde
LIVRE DEUXIÈME.

SOMMAIRE.—Brutus fait jurer au peuple qu'il ne souffrira plus de roi dans Rome; il force Tarquin Collatin, son
collègue, devenu suspect comme parent des Tarquins à abdiquer le consulat et à sortir de la ville; il livre au pil-
lage les biens de la famille royale, consacre à Mars le terrain appelé depuis Champ de-Mars; fait frapper de la
hache de jeunes patriciens, ses fils memes et ceux de son frère qui avaient conspiré pour rétablir les Tarqmns;
il donne la liberte à leur dénonciateur, l'esclave Vindicius, et de là vient le mot due vindicta. Il conduit l'armée
contre les princes, qui venaient faire la guerre à Rome avec les troupes reumes de Veies et de Tarquimes; il périt
dans le combat avec Aruns, fils de Tarquin-le-Superbe. Les dames romaines portent son deuil pendant un an.
-Le consul Valerius fait passer une lui qui consacre le droit d'appel au peuple. — Dedicacedu Capitole.—Porsenna.
roi de Clusium,s'arme en faveur des Tarquins, et s'avance jusqu'auJanicule; mais la bravoure d'Iioratius Coclès
l'empêche de traverser le Tibre lioratms, pendant qu'on coupe dei rière lui le pont de bois, soutient seul le ch )c
des Étrusques, et quand le pont est rompu se jette tout arme dans le fleuve et rejoint les siens à la nage. —Un
eutre exemple de courage est donné par Mucius; il penètre dans le camp ennemi pour tuer Porsenna, assassine un
secrétaire qu'il prend pour le roi; est arrèté; pose sa main sur l'autel où l'on venait de sacrifier, la laisse brûler
et déclare que trois cents Romains ont comme lui juré la mort du roi. -Vaincu par l'admiration que lui inspirent
ces actes énergiques, Porsenna accepte des conditions de paix, renonce à la guerre et reçoit des otages, parmi
lesquels se trouve une jeune fille, Clelie, qui trompe la vyilanre des sentinelles et retourne auprès des siens en
traversant le Tibre Il la nage. On la rend à Porsenna qui la renvoie honorablement. Ap. Claudius qmtte le pays
des Sabins pour venir s'etaplir à Rome, ce qui donne heu à la formation de la tribu Claudia. Le nombre des
tribus est augmenté et porté à vingt et une. Tarquin-le-Superberevient attaquer Rome à la tète d'une armée de
Latins.— Victoire du dictateur A. Postum us près du lac Regille. — Le peuple, à l'occision des prisonniers pour
dettes, se retre sur le mont Sacré: Menenius Agrippa, par ses sages conseils, arrête la sedition. Il meurt, et sa
pauvreté est si grande qu'il est enseveli aux frais de l'état.-Création de cinq tribuns du peuple.-Prise de Co-
rioles, ville des Volsques; elle est due au courage et à l'activité de C. Marcius, que cette circonstance fait surnom-
mer Coriolan. T. Atinius, plebéien, reçoit, dans une vision, l'ordre de communiquer au sénat certains fa ts qui
intéressent la religion; il ncglige de le faire, perd son fils et est lui-même frappé de paralysie. Porté en hlière au
sénat, il s'acquitte de sa mission, recouvre l'usage de ses jambes et s'en retourne à pied chez lui. C. Marcius
Coriolan, condamné à l'exil, devicut général des Volsques et conduit une armée devant Rome. Les députes, puis
les prêtres qu'on lui envoie le conjurent vainement de ne point faire la guerre à sa patrie; Véturie sa mère et
Volumnie son épouse obtienuent qu'il se retire.-Première loi agraire.-Sp. Cassius, personnage consulaire,
accusé d'aspirer à la royauté, est condamné et mis à mort. — La vestale Oppia, convaincue d'un inceste, est en-
terrée vivante. Les ciens profitent de leur voisinage pour attaquerRome; leurs hoslilitessont plus incommodes
que dangereuses. La famille des Fabius demande à être chargee du soin de cette guerre; elle march » conte les
ennemis au nombre de trois cent six combattants qui sont tous tailles en pièces près de la Crémère il ne reste de
cette famille qu'un enfant en bas âge laissé à Rome. — Le consulAppius Claudias à la suite d'un échec qu il éprouve
contre les Volsques par l'insubordination de son armee, décime ses soldats, et fait périr sous le bâton ceux que le sort
désigne. — Expeditionscontre les Volsques, les Eques et les Veiens. — Dissensions entre le senat et le peuple.

I. Je vais raconter maintenant ce que le peuple été la cause, car ses prédécesseurs avaient régné
romain, désormais libre, fit tant dans la paix que de telle sorite, que dans la suite ou les regarda
dans la guerre je dirai l'éiablisseinent de ses ma- tous, avec justice, comme les fondateurs de ces
gistrats annuels, et l'empire des lois, plus puis- parties de la ville qu'ils assignèrent pour demeure
sant que celui des hommes. Si la liberté fut ac- à la multitude, augmentée sous leur règne; et l'on
cueillie avec joie, l'orgueil du dernier roi en avait ne saurait douter que ce même Brutus, qui mé-

LIBER SECUNDUS. regis superbia fecerat. Nam priores ita regnarunt, ut


haud immerito omnes deinceps conditnres partium certe
Liberi jam hinc populiRomani res, pace belloque gestas, urbis, quas novas ipsi sedes ab se auctæ multinud ni ad-
annuos magistratus, imperia legum, potentiora quam ho- diderunt, numerentur neque ambigitur, quin Brulw
minum, peragam. Quw libertas ut lwtior esset, proximi idem, qui tantum gloriæ, Superbo exacto rege, meruit,
rita tant de gloire, par l'expulsion de Tarquin-le- siasme du peuple pour la liberté naissante, et crai-
Superbe, n'eût fait le plus grand tort à l'état, si, gnaut que plus tard il ne se laissât séduire par les
dans le désir d'une liberté prématurée il eût ar- prières ou par les présents du roi il lui fit prêter
raché le sceptre à l'un des rois précédents. En ef- le serment solennel de ne plus souffrir que per-
fet, que serait-il arrivé, si ce rassemblement de sonne régnât dans Rome. Ensuite, afin que le sé-
bergers et d'hommes de toutes les contrées, fuyant nat reçût une nouvelle force du nombre de ses
leur patrie, et ayant obtenu sous la protection membres, que la cruauté du dernier roi avait con-
d'un temple inviolable, sinon la liberté, du moins sidérablement réduit, il le porta à trois cents, et
l'impunité, une fois délivré de la crainte du le compléta en choisissant les personnages les plus
pouvoir royal, eût commencé à être agité par les distingués de l'ordre équestre. De là vient qu'on
tempêtes tribunitiennes; et si, dans une ville qui distingua, parmi les sénateurs, les pères et les
lui était encore étrangère, il eût engagé la lutte conscrits; or, on nommait conscrits ceux qui
contre les patriciens, avant que les liens du ma- avaient été appelés à faire partie du nouveau sénat.
riage, de la paternité, et l'amour du sol même On ne sauraitcroire combien cette mesure contri-
auquel le temps seul nous attache, n'eussent réuni bua à maintenir la concorde dans l'état, et à atta-
tous les esprits par des intérêts communs. L'état cher le peuple aux sénateurs.
encore sans vigueur eût été anéanti par la discorde; II. On s'occupa ensuite de la religion; et comme
tandis que l'influence tranquille d'un pouvoir mo- les rois avaient eu le privilége d'offrir eux-mêmes
déré développa tellement ses forces, que, parve- certains sacrifices publics, on fit disparaître tout
nue à la maturité, cette plante féconde put porter prétexte de les regretter en créant un roi des sa-
les fruits généreux de la liberté. Au reste, si l'on crifices. Ce sacerdoce futsoumis au souverain pon-
doit faire dater de cette époque l'ère de la liberté, tife, de peur que si l'on ajoutait quelque préroga-
c'est plutôt parce que la durée de l'autorité consu- tive à ce nom, on ne portât préjudice à la liberté,
laire fut fixée à un an, qu'à cause de la diminu- qui était alors l'objet de tous les soins; et je ne
tion que put éprouver la puissance royale; car les sais s'ils n'outrepassèrent pas les bornes en pre-
premiers consuls en conservèrent tous les droits nant pour la fortiGer les précautions les plus mi-
et tous les insignes. Seulement pour ne pas pa- nutieuses. En effet, lorsqu'il ne resla plus rien
raître avoir doublé la terreur qu'inspire le pouvoir qui pût leur porter ombrage, le nom'du second
suprême,on se garda bien d'accorder les faisceaux consul devint pour eux un sujet d'inquiétude.
aux deux consuls à la fois. Brutus les eut le pre- « On disait que les Tarquins étaient trop accoutu-
mier, et les dut à la déférence de son collègue més à la royauté; que le pouvoir royal avaitcom-
Brutus, qui n'avait pas montré plus d'ardeur pour mencé poureux dans la personne de Tarquin l'An-
conquérir la liberté,qu'il n'en montra depuis pour cien qu'à la vérité Servius Tullius avait régné
la conserver. Avant tout, profitant de l'enthou- ensuite mais que malgré cette interruption,

pessimo publico id faclurus fuerit, si libertatis immaturæ regnare. Deinde, quo plus virium in senatu frequentia
cupidine priorum regum alicui regnum extorsisset. Quid eliam ordinis faceret, cædibus regis deminutum patrum
euim futurumfuit, si illa pastorum eonvenarumque plebs, numerum, primoribus equestris gradus lectis, ad tro-
transfuga ex suis populis, sub tutela inviolati templi aut li- centorum summam explevit traditumqueinde fertur, ut
bertatem, aut certe impunitatemadepta, boluta regiometu, in senatum vocarenlur, qui patres, quique conscripti
agitari cœpta esset tribuniciis procellis, et in aliena urbe essent. Conscriptos videlicet in novum senatum appella-
cum patribus serere certamina, priusquam pignora oon- bant lectos. Id mirum quantum profuit ad roncordiaif
jugum ac liberorumcaritasque ipsius soli, cui longo tem- civitatisjungendosque patribus plcbis animos.
pore assuescilur, animos eorum consociasset?Dissipatæ Il. Rerum deinde divinarum habita cura; et, quia
res nondum adultæ discordia forent: quas fovit tranquilla quædam pulrlica sacra per ipsos reges factitala erant, no
moderatio imperii, eoque nutriendo perduxit, ut bonam uhiubi regum desiderium esset regem sacrificulum
rugem liberlatis maturisjam viribus ferre possent. Li- créant. Id sacerdotium pontifici subjecere, ne additus no-
bertatis auiem originem inde magis, quia annuum im- mini honos aluluid libertati, cujus tuuc prima erat cma,
perium consulare factum est, quam quod deminutum officeret. Ac nescio, an, nimis unique eam minimis quo-
quicquam sit ex regia potestate, numeres. Omnia jura, que rebus muuiendo, mo loin excesserint. Consulis enim
omuia insignia primi consules tenucre; id modo cautum alterius, quum niliil aliud offenderit, nomen invisum et-
est, ne, si ambo fasces haberent, duplicalus terror vi- vitati fuit. «Nimium Tarquinios regno assuesse, initium a
doretur. Brutusprior, concedente collega fasces habuit Prisco factum. Régnasse deinde Scr. Tollium. Ne inter-
qui non acrior vindex libertaiis fuerat, quam deinde valloqnidem facto, oblitum, tanquam alieui, regni Su-
custosfait. Omuium primum avidum novoe libertatis po- perbum Tarquimum, velut bereditatem geutis, scelere
pulum, ne postmodum llecti precibus aut donis regiis ac vi repetisse. Pulso Superbo, penes Collatinum impe-
posset, jui ejut audo adegit, nemmem Romæ pjssuros rium esae. Nescire Tarquinios privatos vivcic; non pla
Tarquin-le-Superbe n'avait pas renoncé à la cou- esprits sont persuadés que la royauté ne peut dis-
ronne et que, bien loin de la regarder comme paraitre de Rome qu'avecla famille des Tarquins.
lui étant étrangère il s'en était emparé par la L'étonnement qu'excita chez le consul une démar-
violence et par le crime, ne voyant en elle qu'un che si inattendue et si subite lui Ôta d'abord l'u-
patrimoine de sa famille; qu'après l'expulsion de sage de la parole. Lorsqu'ensuite il voulut répon-
ce dernier, le pouvoir était passé entre les mains dre, les premiers citoyens de Rome l'entourèrent
de Collatin; que les Tarquins ne pouvaient pas vi- et lui réitérèrent, avec instance les mêmes prie--
vre dans une condition privée, que leur nom seul res. Cependant, on ne pouvait rien gagner sur lui
déplaisait; qu'il était dangereux pour la liberté. mais, lorsque Sp. Lucretius, usant de l'autorité que
Ces discours, destinés à sonder les esprits, se ré- lui donnait son âge, sa dignité personnelle et son
pandent peu à peu dans toute la ville, et éveillent titre de beau-père, et recourant à tous les moyens
les soupçons du peuple, dont Brutus convoque de persuasion, l'eut prié lui eut conseillé tour à
l'assemblée. Là, il prononce la iormule du ser- tour de céder au vœu unanime de ses concitoyens,
ment, par lequel tous les Romainss'étaient enga- le consul, craignant que lorsqu'il serait redevenu
géi à ne jamais souffrir dans Rome ni roi ni qui- simple particulier on exigeât de lui le même sacri-
conque pourrait mettre la liberté en danger. Il fice, et qu'on y ajoutât la couGscation de ses
ajoute ensuite que c'est là le but auquel on doit biens, et d'autres mesures ignominieuses,abdiqua
tendre, et qu'il ne faut rien négliger de ce qui enfiu le consulat puis, ayant fait transporter sa
peut y conduire; qu'il faisait cette proposition à fortune à Lavinium il sortit de Rome. Brutus, en
regret, en pensant au personnage qui y donnait vertu d'un sénatus-consulte, fit prononcer par le
lieu, et qu'il ne l'eût point faite si l'amour de la peuple le bannissement de tous les membres de la
république ne l'emportait chez lui sur toute autro famille des Tarquins. Ensuite, ayant rassemblé
affection; que le peuple romain ne croit pas avoir les comices par centuries il se donna pour collè-
recouvré la liberté entière; que la race des rois, gue P. Valerius, qui l'avait aidé à chasser lis
le nom des rois existe encore dans Rome qu'elle rois.
occupe la magistrature suprême; que cela nuit, III. Personne ne doutait à Rome qu'on n'eût
que cela met obstacle à la liberté. a 0 Lucius Tar- bientôt une guerre à soutenir contre les Tarquins,
quin 1 s'écrie-t-il délivre-nous volontairement de et pourtant elle eut lieu plus tard qu'on ne s'y at-
cette crainte nous nous en souvenons, nous ai- tendait. Mails, ce qu'on était bien loin de craindre,
muns à le reconnaître, tu as chassé les rois; achève la liberté fut sur le point d'être détruite par la
cette tâche généreuse emporte loin d'ici un nom perfidie et la trahison. 11 y avait dans Rome quel-
odieux. Tes concitoyens, j'en suis garant, te ren- ques jeunes gens d'une naissance distinguée,
dront tous tes biens, et même, au besoin, leur qui, sous la royauté, s'abandonnaientlibrement à
munificence les augmenteraencore. Vadonc! pars leurs passions. Ils étaient du même âge que les
l'ami du peuple romain 1 Délivre la république jeunes Tarquins, compagnonsde leurs plaisirs, ac-
d'une crainte, peut-être mal fondée; mais tous les coutumés à la vie des cours; aussi, depuis que

cere nomen periculosum libertati esse.' Hic primo sen- pientem primores civitatis circumsistunt, eadem mullis
sint tentantium animos sermo per tolam civitatem est precibus orant. Et ceteri quidem movebant minus. t'ost-
datus, sollicitamquesuspicione plebem Brutus ad concio- quam Sp. Lucretius, major ætate ac diguitate. socer
nem vocat. Ibi omnium primum jusjurandum populi re- præterea ipsius, agere varie, rogando alternis suaden to-
citat. Neminem regnare passuros, nec esse Romæ, unde que, ccepit, ut vinci se consensu cmtatis pateretur; ti-
periculum libertali foret. Id summa ope tuendum esse; mens consul, ne postmodum privato sibi eadem illa cum
neque ullam rem, quæ eo pertineat, contemnendam. bonorum amissione, additaque alia insuper ignominia,
Inmtum se dicere hommis causa; nec dicturum fuisse acciderent. abdicavit se consulatu rebusque suis omni-
ni caritas reipublicæ vinceret. Non credere populum Ro- bus Lavinium translatis, civitate cessit. Brutns et se·na-
manmn, solidam libertatem recuperatam esse. Regium tusconsulto ad populum tulit, ut omnes Tarquiniæ gentis
geuus, regium uoinen, non solum in civitatc, sed etiam etsules essent collegam sibi comitiis centuriatis creavit
,in imperio esse. Id officere, id obstare libertati, Hune P. Valerium, quo adjutore reges ejecerat.
tu, inquit, tua voluntate, L. Tarquiai, remove metum. III. Quum haud cui'luam in dubio esset, bellurn ab
Memmimus, fatemur, elecisti reges. Absolve bencficium Tarquiniisimnunere id quidem spe omnium serins fuit.
tuum. Aufer hinc regium nomen. Res tuas tibi non solum Cetcrum, id quod non timebant, per dolum ac pro litio-
reddeutcheslui, auctore me; srd, si quid dcest, munifice nem prope libertas amissa est. Erant in Romana juven-
augebunt. Amicus ahi, exouera civitatem vano forsilan tule adolescentes aliquot, nec ii teuui loco orli, quoium
metn. Ita persuasum est animis, cum gente Tarquinia in regno libido solutior fuerat, æquales sodalesque ado-
regnum hiuc abiturum.Consuli prrmo tam novæ roi ac lescentium Tarquiniorum, assueti more regto vivere
subitæ admiratio incluserat vocem. Dicere dem-ie inci- Lain tum, æquato Iure omnium, licentiam quærentes,
tous les droits étaient devenus égaux ils regret- res Vitellius et Aquilius. Une sœur des Vitellius
taient leurs priviléges, et se plaignaient entre eux avait épousé le consul Brutus, et de ce mariage
de ce que la liberté des autres s'était tournée pour étaient nés deux fils, Titus et Tibérius, déjà dans
eux en esclavage. « Un roi, se disaient-ils, est un l'adolescence. Leurs oncles les admettent dans la
homme dont on peut tout obtenir, qu'on ait des conspiration,et s'adjoignent encore comme com-
droits ou non; uu homme auprès duquel le champ plices quelques jeunes nobles dont le temps a
ést ouvert à la faveur, ouvert aux bienfaits, qui fait oublier lesnoms. Cependant, l'opinion de ceux
peut puniret pardonner, et qui sait mettre une dif- qui voulaient qu'on rendit les biens avait prévalu
férence entre un ami et un ennemi. Leslois, au con- dans le sénat alors, les envoyés, prenant pour
traire, sourdes, inexorables, sont plus favorables, prétexte de la prolongation de leur séjour le dé-
plus utiles au pauvre qu'à l'homme puissant. Point lai qu'ils avaient obtenu des consuls, afin de ras-
d'indulgence, point de pitié pour quiconque a osé sembler les voitures nécessaires pour enlever ce
les enfreindre. N'est-il pas dangereux, au milieu qui appartenait à la famille royale, employerent
de tant d'erreurs où la faiblesse humaine entraîne, tout ce temps à se concerter avec les conjurés, et
de n'avoir d'autre appui que son innocence?» Les obtinrent d'eux, à force d'instances, une lettre
esprits s'étaient ainsi exaspérés lorsque des en- pour les Tarquins; car, sans cela, comment pour-
voyés de la famille royale arrivèrent à Rome; ils raient-ils s'empêcher de croire que tous les rap-
venaient réclamer les biens des Tarquins, sans ports de leurs envoyés, sur un sujet aussi im-
faire mention de leur retour. Le sénat leur donna portant, ne sont que de vaines illusions? Cette
audience et délibéra pendant plusieurs jours sur lettre, remise par les conjurés, comme un gage
l'objet de leur mission. Refuser, c'était donner un de leur sincérité, servit à constater leur crime.
prétexte pour déclarer la guerre; rendre, c'é- En effet, la veille de leur départ, les envoyés sou-
tait fournir des secours et des ressources pour la pant par hasard chez les Vitellius; et là les cou-
faire. Cependant les envoyés faisaient, chacun de jurés, après avoir écarté tous les témoins, s'étant,
son côté diverses tentatives; ils parlaient ouver- comme cela arrive trop souvent, entretenus lon-
tement de la restitution des biens, et préparaient guement de leurs nouveaux projets, un de leurs
secrètement les moyens de recouvrerle trône. Fei- esclaves, qui s'était déjà aperçu de ce qui se pas-
gnant de chercher à faire réussir l'affaire qui pa- sait, recueillit leurs discours, mais attendit le mo-
raissait les avoir amenés, ils circonvenaient les ment où la lettre fut remise, afin que la saisie de
jeunes patriciens et sondaient leurs dispositions. A cette pièce ne laissât aucun doute sur la trahison.
ceux qui accueillentleursouvertures,ils remettent Dès qu'il fut convaincu que les envoyés l'avaient
des lettres des Tarquins, et s'entendent avec eux entre les mains, il alla tout révéler aux consuls.
pour les introduire de nuit et en secret dans la ville. Ceux-ci vinrent aussitôt arrêter les ambassadeurs
IV. Ce projet fut d'abord communiqué aux frè- et les conjurés, et étouffèrent la conspiration sans

libertatem aliorum in suam vertisse servitu.em inter se riusque eos quoque in societatem consilii avunculi assu-
conquerebantur.« Regem hominem esse, a quo impetres, munt. Pra'terea et nohiles aliquot adolescentes conscii
ubi jus, ubi injuria opus sit; esse gratiæ locum, esse be- assumpli,quorum vetustate memoria abiit. Interim quum
neficio; et irasci et iguoscere posse inter amicum alque in senatu vicisset sententia, quæ ceusebat reddenda bona;
iniinicum discrimen nosse. Leges rem surdam inexora- eamque ipsam causam moræ in urbe haberent legati,
bilem esse, salubiiurem melioremque inopi, quam po- quod spatium ad vehicula comparandaa consulibussump-
tenti nibil laxamenti nec veniœ habere, si modum cx- sissent, quibus regum asportarent res; onine id tempus
cesseris. Periculosum esse, in tot humanis erroribus sola cum conjuratis consultando absumunt, evincuntque in-
innocentia vivere. Ita.jam sua sponte ægris animis, le- stando, ut literæ sibi ad Tarquinios darentur nam ali-
gati ab regibus superveniunt,sine mentione reditus bona ter qui credituros eos, non vana ab legatis super rebus
tantum repetentes. Eorum verba postquam in senatu au- tantis afferri? Datæ literæ, ut pignus fidei essent, mani-
dita suut, per aliquot dies ea consultatio tenait; ne non festum facinus fecerunt. Nam quum pridie quam Iegati
reddita, belli causa; reddita, belli miteria et adjumen- ad Tarquimos proficiscereutur, et ca'uatum forte apud
tum essent. Intérim legati alü alia moliri, apei te bona Vitellios esset, conjuratiqueihi, remotis arbitris, multa
repetentes, clam recuperandi regni consilia struere. Et, inter se de novo, ut fit, consihoegissent;sermonem eo-
tanquam ad id, quod agi videbantur, ambientes nobilium rum ex servis unus excepit, qui jam antea id senserat
adolescentium animos pertentant a quibus placide ora- agi sed eam occasionem, ut literæ legatis darentur,
tio accepta est, bis litteras ab Tarquiniis reddunt; et de qua' deprehensae rem coarguere possent, exspectabat.
accipiendisclam nocte in urbem regibus colloquuntur. Postquam datas sensit, rem ad consulesdetulit. Consules,
IV. Vitelliis Aquiliisque fratribus primo commissa res ad deprehendendos legatos conjuratosque profectidomo,
est. Vitelliorum soror consuli nupta Bruto erat; jamque sine tumultu rem omnem oppressere literarum in prl-
ex eo matrimonto adolescentes erant liberi, Titus Tibe- mis habita cura, ne interciderent. Proditoribusextemplo
aucun éclat. Leur premier soin fut de s'assurer de faire donner la mort à ses propres enfants, et que
la correspondance; les traîtresfurent sur-le-champ le sort choisit précisément pour assister à l'exécu-
jetés dans les fers; mais on hésita un instant au lion celui qui aurait dû être éloigné d'un pareil
sujet des envoyés de Tarquin; et, quoiqu'ils pa- spectacle. On voyait attachés au poteau des jeunes
russent s'être exposés à être regardés comme en- gens de la plus haute noblesse; mais les regards se
nemis, le respect pour le droit des gens prévalut. détournaient de tous les autres, comme s'ils eus-
V. Quant aux biens du roi, dont la restitution sent été des êtres inconnus, pour se fixer unique-
avait été d'abord décrétée, la chose fut remise en ment sur les fils du consul et l'on déplorait peut-
déliberation dans le sénat, qui, cédant à son res- être moins leur supplice que le crime qui l'avait
sentiment, refusa de les rendre et refusa même mérité. Comment concevoir que ces jeunes gens
de les réumrau domaine public. On en abandonna aient pu, dans cette même année, former le des-
le pillage au peuple, afin qu'ayant une fois porté la sein de trahir la patrie à peine délivrée, leur père,
main sur les dépouilles royales, il perdît pour tou- son libérateur, le consulat qui a pris naissance dans
jours l'espoir de faire la paix avec les rois. Les leur famille, le sénat, le peuple tous les dieux et
champs des Tarquins, situés entre la ville et le tous les citoyens de Rome, pour les livrer à un
Tibre, furent consacrés au dieu Mars, et ce fut scélérat qui, jadis tyran orgueilleux, ose mainte-
depuis le Champ-de-Mars.Il s'y trouvait alors du nant les menacer du lieu de son exil? Les consuls
blé prêt à être moissonné, et comme on se faisait viennent s'asseoir sur leurs chaises curules, et or-
un scrupule religieux de consommer la récolte de donnent aux licteurs de commencer l'exécution.
ce champ on envoya une grande quantité de ci- Aussitôt ceux-ci dépouillent les coupables de leurs
toyens, qui coupèrent les épis avec la paille, et les vêtements, les frappent de verges, et leur tran-
ayant déposés dans des corbeilles,les jetèrent tout chent la tête. Pendant tout ce temps, les regards
à la fois dans le Tibre, dont les eaux étaient bas- des spectateurs étaient fhés sur le père; on obser-
ses, comme elles le sont toujours dans les grandes vait le mouvement de ses traits, l'expression de
ctaleurs. On prétend que ce blé s'arrêta par mon- son visage, et l'on put voir percer les sentiments
ceaux sur les bas-fonds du fleuve, en se couvrant paternels au milieu de l'accomplissement de la
de limon; et que peu à peu, tout ce que le Tibre vengeance publique. Après la punition des cou-
emportait dans son cours s'étant accumulé sur ce pables, les Romains voulant, par un autre exem-
point, il s'y forma enfin une île. J'imagine que dans ple, également remarquable, éloigner de sembla-
la suite on y rapporta des terres, et que la main bles crimes, accordèrent pour récompense au dé
des hommes contribua à rendre ce terrain assez nonciateur une somme d'argent prélevée sur le
élevé et assez solide pour porter des temples et trésor, et de plus la liberté et les droits de ci-
des portiques. Après le pillage des biens de la fa- toyen. Ce fut, dit-on le premier esclave mis en
mille royale, on condamna les traitres au sup- liberté par la vindicte; quelques-uns même pen-
plice et ce supplicefut d'autant plus remarquable, sent que le nom donné à cette baguette vient de
que le consulat imposa à un père l'obligation de cet homme, et qu'il s'appelait Vindicius. Depuis

in vincula conjectis, de legatis paullulum addubitatum quod pœnæ capiendæ ministerium patri de liberis consu-
est et quanquam visi sunt commisisse, ut hostium loco latus imposuit, et, qui spectator erat amovendus, enm
essent, jus tamen gentium valuit. ipsum fortuna exactorem supplicü dedit. Stabant dcl gati
V. De bonis regiis, quæ reddi ante censuerant, res ad palum nobilissimi juvenes sed a ceteris, velut ab
integra refertur ad patres. Illi victi ira vetuere reddi, ve- ignotis capitibus, consulis liberi omnium in se averterant
tuere iu pulUicum redigi. Diripienda plebi sunt data, ut oculos, miserebatque non pœnæ magis homines, quam
contacta regia præda, spem in perpetuum cum his pacis sceleris, quo pnenam meriti essent; illos, eo potissimum
aunitteret. Ager Tarquiuiorum qui inter m bem ac Ti- anno patriam liberatam, patrem liberatorem,consatatum
berun fuit, consecratus Marti, Martius deinde campus ortum ex domo Junia, pitres, plebem qnicquid deorum
luit. Forte ibi tum seges farris dicitur fuisse matura n)e.ssi hominumque Romanorum esset, induxisse in animum.
quem campi fructum quia religiosum erat cousumere, ut superbo quondam regi, tum infesto exsuli, prode-
desectam cum stramento segetem magna vis hommaum rent. Consules in sedem processere suam, missique lir-
simul immissa corbibus ludere iu Tiberun, tenui fluentem tores ad sumendum supplicium nudatos virgis cædunt.
aqua, ut mediis caloribus solet. ita in vadis hæsitantis securique feriunt quum inter omue tempus pater, vol-
frumenti acervos sedisse illitos lirno insulam inde paul- lusque, et os ejus, spectaculo esset emineute ammo pa-
atim, et aliis, quæ fert temerc flumen, eodcm invec is, trio inter pubacæ pœnæ ministerium. becundum pœnam
factam postea credo additds moles, manuque adjutum, nocentium, ut in uiramque partem arcendis sceleribus
ut tam eminens area, frrmaque templis quoque ac porti- exemplum nobile esset, pra'mium indici. pecunia ex
cibus sustinendis esset. Direptis bonis regum, damnati arario, libertas et civitas, data. Ille primum diiiturvin-
proditores, sumptumque supplicium, conspectius eo, dictaliberatus.Quidam vindictæ quoque nomen tractum
on se fit une règle constante de regarder comme parentédécidèrentles Tarquiniens. Ils trouvaient
jouissant du droit de cité tout esclave affranchi de honorable pour eux que des princes de leur sang
cette manière. régnassent à Rome. Deux armées envoyées par ces
VI. Au récit de ces événements, Tarquin, dés- deux villes suivent Tarquin pour lui rendre son
espéré de voir d'aussi belles espérances déçues, royaume et faire une guerre acharnée aux Ro-
s'abandonna k la haine et à la fureur. Convaincu mains. Dès que l'ennemi fut arrivé sur le terri-
que toutes les voies étaient fermées à la ruse, et toire de Rome, les consuls marchèrent à sa ren-
que désormais il devait faire ouvertement la contre. Valérius commandait l'infanterie rangée
guerre, il parcourt en suppliant toutes les villes en bataillon carré, et Brulus prit les devants avec
de l'Étrurie, et implore surtout les Véïens et les la cavalerie, pour aller reconnaître l'ennemi qui
Tarquiniens. « Il les conjure de ne pas souffrir avait adopté le même ordre; sa cavalerie marchait
qu'un prince issu de leur sang, banni, dépouillé aussi la première, sous la conduite d'Aruns Tar-
d'un si puissant royaume, périsse sous leurs yeux, quin, Gls du roi; puis venait le roi lui-même, à
avec ses fils encore dans l'adolescence; que d'au- la tête des légions. Aruns, de loin, reconnaît le
tres rois avaient été appelés d'un pays étranger consul à ses licteurs. Il s'approche, et n'en peut
pour régner à Rome, et que lui, déjà roi, alors plus douter, ce sont les traits de Brutus. A cette
qu'il agrandissait l'empire romain par la force de vue, enflammé de colère Le voilà donc cet
«
ses armes, avait été chassé par la criminelle con- homme qui nous a chassés de notre patrie, le voilà
juration de sesproches; que personne, parmi eux, qui s'avance orgueilleusement, décoré des marques
n'ayant été trouvé digne de régner, ils s'étaient de notre pouvoir Dieux vengeurs des rois, soyez-
partagé le royaume et avaient abandonné au peu- moi propices 1 o En disant ces mots, il pique des
ple le pillage de ses biens, afin que toute la nation deux et se précipite sur le consul la lance en
eût part au crime. C'est sa patrie c'est son avant. Brutus voit qu'il vient à lui; et, comme,
royaume qu'il veut reconquérir ce sont des su- à cette époque, il était honorable pour les géné-
jets ingrats qu'il veut punir. Qu'ils viennent donc raux de porter les premiers coups, il se présente
à son secours; qu'ils le secondent; qu'ils vengent au combat avec ardeur. Ils se précipitèrent l'un
leurs anciennes offenses, leurs légions si souvent sur l'autre avec tant de fureur que chacun d'eux,
taillées en pièces, et l'usurpation de leur terri- songeant seulement à frapper son adversaire et
toire. » Ces paroles émurent les Véïens, et chacun nullementà défendre son propre corps, ils se per-
d'eux répète en frémisssant et d'une voix mena- cèrent en même temps d'un coup qui traversa leurs
çante, que maintenantdu moins puisqu'un Ro- boucliers, et tous deux renversés de cheval, péri-
main s'offre à eux pour général, ils doivent effa- rent attachés l'un à l'autre par leurs deux lances.
cer leur honte et reprendre ce que la guerre leur Aussitôt toute la cavalerie engagea le combat, et
a enlevé. La conformité du nom et les liens de la peu de temps aprèsl'infanteriesurvint. La victoire

ab illo putant; Vindicio ipsi nomen fuisse. Post illum movet; pulchrum videbatur, suos Romæ regnare. Ita
observatum; ut, qui ita liberati essent, in civitatem ae- duo duarum civitatium exercitus, ad repetendum regnum
cepti viderentur. belloque persequendos Romanos, secuti Tarquinium.
VI. Ilis, sicut acta erant, nuntiatis, incensus Tarqui- Postquam in agrum Romanum ventum est, obviam hosti
nius non dulore solum tantæ ad irritum cadentis spei, consules eunt. Valerius quadrato agmine peditem ducit;
sed etiam odio iraque, postquam dolo viam obsæ ptam Brutus ad explorandum cum equitatu antecessit. Eodem
vidit, bellum aperte moliendum ratus, circumire sup- modo primus eques hostium agminis fuit. Præerat Aruns
plez Etruriae urbes; orare maxime Veientes Taryuiuien- Tarquinius, ftlius regis; rez ipse cum legionibus seque-
sesque,ne se ortum, ejusdemsanguinis, extorremegen- batur. Aruns, ubi ex lictoribus procul consulem esse;
tem ex tauto modo regno, cum liberis adolescentibus deinde jam propius ac certius facie quoque Brutum co-
ante oculos suos perirc sinerent. Alios peregre in regnum gnotit, inflammatus ira, « Ille estvir, inquit, qui nos ex-
Romam accitos: se regem, augentem bello Romanum torres expulit patria. Ipse, en, ille, nostris decoratus in-
imperium, a proximis scelerata conjuratione pulsum. signibus, magnifice incedit. Dii regum ultores adeste.»
Eos inter se, quia nemo unus satis dignus regno visus Concitat calcaribus equum, atque in ipsum infestus con-
tit, partes rcgui rapuisse; bona sua diripienda populo sulem dirigit. Sensit in se iri Brutus. Decorum erat tum
dedisse, ne quis expers scelerisesset. Patriam se regnum- ipsis capessere pugnam ducibus. Avide itaque se ccrta-
que suum repetere, et perscqui ingratos cives velle. Fer- mini offert; adeoque infeslis animis concurrerunl.neuter,
rent opem adjuvarent; suas quoque veteres injurias ul- dum hostem vulneraret, sui protegendi corporis memor,
tum irent, toties cwsas legioues, agrum ademptum.» Hæc ut contrario ictu per parmam uterque transfixus, duabus
moverunt Vmcntes; ac pro be quisque, Romano saltem bærentes hastis moribundi ex cquis lapsi sint. Simul et
duce, ignominias demcndas, belloqueamissa repetenda, cetera equestris pugna cœpit; neque ita multo post et pe-
minaciter tremunt. Tarquinienses uotucn ac cognatio dites superveniunt. lbi varia victoria, et vclut æque
fui indécise, et l'on combattit de part et d'autre çons et à des accusations odieuses. On prétendit
avec un énal avantage. Dans les deux armées, faite qu'il voulait s'emparer de la royauté, parce qu'il
droite fut victorieuse et la gauche battue. Les ne s'était pas donné de collègue après la mort de
Véicns, habitués à être vaincus par les soldats Brutus, et faisait bâtir une maison au sommet de
romains, furent rompus et mis en déroute; les Vélia, sur uu emplacement fortifié par son éléva-
Tarquinicns, au contraire, ennemis nouveaux, tion, el qui deviendrait un jour une citadelle inex-
tinrent ferme et repoussèrent même les Romains pugnable. L'indignité de cette accusation repau-
qu'ils avaient en tête. due partout et partout accueillie blessa vivement
VII. A la suite d'un pareil combat, Tarquin et le consul. Il convoque rassemblée du peuple;
les Etrusques furent saisis d'une telle frayeur, que puis ayant fait abaisser les faisceaux, il monte à
les deux armées, celle de Tarquiniens et celle des la tribune. Ce fut un spectacle bien doux pour la
Véïens abandonnantleur entreprise, s'en relour- multitude, que de voir les insignes du pouvoir
nèrent de nuit dans leurs foyers. On ajoute quel- souverain abaissées devant elle, puisque c'était
ques circonstancesmiraculeuses. Pendant Ie silence avouer que la majesté et la puissance du peuple
de la nuit qui suivit la bataille, une voix formida- étaient supérieures à celles du consul. Quand Va-
hie sortit de la forêt Arsia; on crut que c'était celle lérius eut commandé le silence, il commença par
du dieu Sylvain. Elle fit entendre ces paroles vanter le bonheur de son collègue, « qui, après
« Les Etrusques ont perdu un homme de plus; les avoirdélivrésa patrie, et revêtu de la magistrature
Romains sont vainqueurs. » Ce qu'il y a de cer- suprême, était mort en combattantpour la répu-
tain, c'est que les Romains se retirèrent en vain- blique dans toute la maturité de sa gloire, avant
queurs, et les Étrusques en vaincus. Dès que le qu'elle fût flétrie par la Iraine; tandis que lui, qui
jour parut et qu'on ne vit point d'ennemis en pré- survivait à la sienne, il n'avait conservé l'e\is-
sence, le consul P. Valérius fit ramasser les dé- tence que pour se voir en butte aux accusations
pouilles, et revint triomphant à Rome. Il y célé- de l'envie; libérateur de sa patrie, on le confon-
bra les funérailles de son collègue, avec toule la dait avec les Vitellius et les Aquilius. Eh quoi
pompe possiblc à cette époque; mais la distinction s'écria-t-il, n'y aura-t-il jamais à vos yeux do
la plus honorable pour le mort, ce fut la tristesse vertu assez éprouvée pour n'être pas souillée par
publique, dont le trait le plus digne de remarque le soupçon Moi, l'ennemi le plus implacable des
fut la résolution que prirent les dames romaines, rois, devais-je m'attendre à me voir accuser d'as-
de porter, pendant un an, comme pour un père, pirer à la royauté? Eh! quand j'habiterais au Ca-
le deuil due cet ardent vengeur de la pudeur outra- pitole, dans la citadelle mcme, devrais-je penser
gée. Ensuite, tant les affections de la multitude que je serais un objet de crainte pour mes conci-
sont variables Ie consul qui avait survécu, après toyens ? Ma réputation parmi vous a-t-elle donc
avoir joui de la plus grande faveur, devint un ob- d'aussi frêles appuis? Votre confiance en moi re-
jet de haine, et se vit même en butte aux soup- pose-t-ellc donc sur des fondements assez peu so-

Marte pugnatum est: dextra utrimque cornua vicere, cum affectare, fama ferebat; quia nec collegam subroga-
læva superata. eientes, viuci ab Romano milite assueti, verat in locum Bruti et ædificabat in summa Velia ibi
fusi fugatique. Tarquiniensis, novus hostis, non stetit alto atque munito loco arcem inexpugnabilem fore. Hacc
selum, sed etiam ab sua parte Romanum pepulit. dicta vulgo creditaquequum indignitate angerent cousu-
VIF. Ita quum pugnatum esset, tantus terror Tarqui- lis animum, vocato ad concilium populo, summissis fasci-
nium atque Etruscos incessit, ut, omissa irrita re, nocte bus in concionem escendit. Gratum id multitudini specta-
ambo exercitus, Veiens Tarquiniensisque, suas quisque culum fuit; summissa sibi esse imperii insignia confes-
abirent domos. Adjiciunt miracula huic puguæ; silentio sionemque factam, populi, quam consulis, majestatem
proximæ noctis ex silva Arsia ingentem editam vocem; vimque majorem esse. Ubi audire jussi, consul laudare
Silvani vocem eam creditam;hæc dicta, « Uno plus Etrus- fortunam collegae, quod, liberata patria, in aummo ho-
corum cecidissein acie; vincere bello Romanum. « Ita certe nore, pro republica dimicans, matura gloria, needum se
inde abiereRomani, ut victores Elrusci pro victis. Nam, vertente in invidiam, mortem occubuisset. Se supersti-
postquam illuxit, nec quisquam hostium in conspectu tem glorix aux ad crimen atque invidiam superesse; es
erat, P. Valerius consul spolia legit, triumphansqueinde liberatore patriae ad Aquillios se Vitelliosque recidisse.
Romam rediit. Collegm funus, quanto tum potuit appa- « Nunquamoe ergo, inquit, ulla adeo a vobis spectata vir-
ratu, fecit; sed multo majus morti decus publica fuit tus erit, ut suspicione violari nequent? Ego me, illum
mœstitia, eo ante omnia insignis, quia matronæ annum, acerrimum regum bostem, ipsum cupiditatis regni cri-
ut parentem, eum luierunt, quod tim acer ultor violatæ men subiturum timerem? Ego, si in ipsa arce Capitolio-
pudicitiæ fuisset. Consuli deinde, qui superfuerat, ut que habitarem, metui me cre derem posse a civibus meis?
mnt mutabiles vulgi animi, ex favore non invidia modo, 1 Tam levi momento mea apud vos fama pendet? Adeone
ted suspicio etiam cmn alroci crimiue, orta. Regnum est fuodata leviter fides, ut, ubi sim, quam qui sim, ma-
lides, pour qu'il vous importe plus de savoir où tif, son nom est tombé dans l'oubli. On n'avait
je suis, que de considérer qui je suis? Non, l'ha- pas encore fait la dédicace du temple élevé à Ju-
bitation de P. Valérius ne sera point un obstacle piter sur le Capitole. Les consuls Valérius et Ho-
à votre liberté. Vélia ne vous inspirera plus de ratius tirèrent au sort à qui aurait cet honneur. Il
crainte. Je transporterai ma demeure dans la échut à Horatius, et Publicola partit pour aller
plaine; je la placerai au pied même de la colline, faire la guerre aux Véicns. Les amis de Valérius
afin que vous habituiez au-dessus de moi, au-dessus virent, avec un mécontentement peu convenable,
de ce citoyen devenu suspect. Que ceux-là bâtis- que le soin de consacrer un temple si fameux fût
sent sur Vélia à qui votre liberté peut être plus réservé à Horatius. Ils tentèrent tous les moyens
sûrement confiée qu'à P. Valérius. Il Tit trans- possibles pour empêcher cette cérémonie, et,
porter aussitôt tous les matériaux au pied de la voyant que tous leurs efforts étaient inutiles, ils
colline, et fit construire sa maison dans le lieu le firent annoncer au consul, qui tenait déjà le jam-
plus bas, là où est maintenant le temple de la bage de la porte et adressait ses prières aux dieux,
Victoire. une nouvcllc sinistre, la mort de sou fils;ils ajou-
Vlll. Les lois qu'il proposa ensuite effacèrent tent que les malheurs qui frappent sa famille ne
les soupçons formes contre lui, et produisirent permettent pas qu'il consacre le temple. S*il ne
même un effet opposé elles le rendirent popu- crut pas à cette nouvelle, ou s'il eut assez d'em-
laire, et c'est à elles qu'il dut son surnom de Publi- pire sur lui-même pour surmonter sa douleur,
uola. Celles, entre autres, qui autorisaient les ci- c'est ce qui n'est point attesté et ce qu'on ne sau-
toyens à en appeler au peuple de la sentence d'un rait décider facilement; mais, sans interrompre
magistrat, qui devouaient aux dieux infernaux la la dédicace, il se contente d'ordonner à l'envolé
tête et les biens de quiconque formerait le projet de faire enscvelir son fils, et tenant toujours le
de se faire roi, furent paiticulièrement agréables jambage, il continue sa prière, et achève la céré-
à la multitude. Après avoir, seul, fait passer ces monie. Tels sont les événements civils et militaires
lois, afin d'en avoir seul le mérite, il assembla les de la première année qui suivit l'expulsion des
comices pour le remplacement de son collègue. rois. L'année suivante, P. Valérius fut nommé
On nomma consul Sp. Lucrétius; mais sa vieil- consul pour la seconde fois, et on lui donna pour
lesse avancée ne lui laissait pas assez de forces collègue T. Lucrétius.
pour remplir les fonctions consulaires, et il mou- IX. Cependant les Tarquins s'étaient réfugiés
rut peu de jours après. M. Horatius Pulvillus le chez le Larte Porsenna, roi de Clusium. Là, mê-
remplaça. Je ne trouve aucune mention de Lucré- lant le conseil à la prière, ils le suppliaient de ne
tius dans quel lues anciens historiens qui font im- pas souffrir que des princes originaires d'Étrurie,
médiatement succéder lloralius à Brutus. Sans du même sang et du même nom que lui, vécussent
doute que Lucrélius ne signala son consulat par dans l'exil et dans la misère. Ils lui représentaient
aucune action remarquable, et que, pour ce mo- qu'il ne fallait pas laisser impunie cette coutume

gis referat? Non obslahunt P. Valerii ædes libertati ve- insignem fecerit consulatum, memoria intercidisse. Non-
stræ, Quirites; tuta erit vobis Velia. Deferam non in dum dedicata erat in Capitolio Jovis a·des. Vaerius IIo-
planum modo aèdes, sed col.i etiam subjiciam; ut %os su- ratiusque consul s surtiti, uter dedicaret.Iloratio sorte
pra suspectum me civem bahilctis. Jn Velij ædificent, evemt. Publiculaad Veientiumbellum profectus. Ægrius,
quibus melius, quam P. Valerio, creditur libertas.» De- quam dignum erat, tulere Valerii necessarn, dedicatio-
lata coulestim materia omnis iufra Veliam, et, ubi nunc nem tam incluti templi Horatio dari. Id onmibus modis
Vicæpotæ est, domus in infin o clivo aedificata. impedire conati, postquam alia frustra tentate eraut,
VIII. Latae deinde legcs, non solum quæ regni suspi- postem jam teneuli consuli fœdum inter precationem
cione consulem absolverent, sed quae adeo in contrarium deum nuntium incutiuut; mortuum ejus filiuin esse, fu-
verterent, nt popularem etiam facerent; inde cognomen nestaque familia dedicare eum templum non posse. 1\ou
factum Publicolæ est. Anle omnes de provocatione adver- crediderit factum, an tantum animo roboiis fuerit, nec
sus magistratus ad populum, sacrandoque cum bonis ca- traditur cerlum, nec interpretalio est facilis. Nihil aliud
pite ejus, qui regni occupandi consilia inisset, gratæ in ad eum nuntium a proposito aversus quam ut cadaver
vulgus leges fuere. Quas quum solus pertul sset, ut sua efferiijuberet, tenens postem, precalionem pet-agit, et
unius m his gratia esset, tum deinde comitiacollegeesub- dedicat templum. Hæc post evactos regesdomi militiæque
rogaudo habuit. Creatus Sp. Lucretiuscousul, qui magno gesta primo anno. Inde P. Valerius iterum, T. Lucre-
natu, non suilicientibus jam viribus ad consularia mu- tius consules facti.
nera obeunda intra paucos dies moritur. Suffectus in IX. Jam Tarquinii ad Lartcm Porsenam, Clusinnm
Lucrctii locum M. Horatius Pulvillus. Apud quosdam ve- regem, peifugerant. lbi, miscendnconsilium precesque,
teres auctores non invenio Lucretium consulem; Bruto unnc orabant, ne se, oriundos ex Etruscis.ejusdemsan-
statim Horatium suggerunt. Credo, quia nulla gesta res guinis nommisque, egontes eisulare pateretur nunc
naissante de chasser les rois que la liberté avait que les derniers des citoyens comme les premiers
asssez d'attraits par elle-même; que si les rois ne montrèrent une égale haine pour le nom de roi
défendaient pas leurs trônes avec autant d'ardeur et que jamais, dans la suite, personne ne put,
que les peuples en mettaient à conquérir la liberté, par des moyens illicites, se rendre aussi populaire
tous les rangs seraient bientôt confondus, il n'y que le fut alors tout le sénat, par une sage admi-
aurait plus dans les gouvernements ni distinctions, nistration.
ni suprématie; que c'en était fait de la royauté, X. A l'approche des ennemis, les habitants de
cet admirable intermédiaire entre les hommes et la campagne se réfugient dans la ville. L'enceinte
les dieux. Porsenna, persuadé qu'il serait avan- de Rome est garnie de postes nombreux. Elle pa-
tageux pour les Toscans qu'il y eût un roi à Rome raissait bien défendue d'un côté par ses murailles,
et un roi de la race des Étrusques, marcha contre et de l'autre .par le Tibre qui se trouvait entre elle
cette ville, à la tête d'une armée formidable. Ja- et l'ennemi; cependant un pont de bois allait
mais, jusqu'alors, une si grande terreur ne s'était donner passage à l'ennemi, sans un seul homme,
emparée du sénat, tant était redoutable, à cette Horatius Coclès, qui, dans ce jour, fut l'unique
époque, la puissance de Clusium, tant était grand rempart de la fortune de Rome. Il se trouvait par
le nom de Porsenna. On necraignait passeulement hasard chargé de la garde du pont; lorsqu'ils'a-
les ennemis, mais les citoyens de Rome eux-mê- perçoit que le Janicule avait été emporté par une
mes car le peuple effrayé pouvait recevoir les rois surprise, que les ennemis accouraient à pas pré-
dans la ville, et acheter la paix au prix même de cipités, et que ses compagnons effrayés quittaient
sa liberté. Aussi, tant que dura cette crise, le sé- leurs rangs et leurs armes, il en arrête quelques-
nat employa auprès du peuple tous les moyens de uns, s'oppose à leur retraite, et, attestant les dieux
séduction. Avant tout, l'on s'occupa de lui procu- et les hommes, leur représente que « c'est en vain
rer des vivres, et l'on envoya chez les Volsques, qu'ils abandonnent leur poste que la fuite ne peut
et même à Cumes, pour acheter du blé. Le mono- les sauver; s'ilslaissent derrière eux le passage du
pole du sel, qu'on vendait à un taux excessif fut pont libre, ils verront bientôt plus d'ennemis sur
retiré aux particuliers et réservé à l'état. On af- le mont Palatin et sur le Capitole qu'il n'y en a sur
franchit le peuple des droits d'entrée, et en géné- le Janicule. Qu'il leur recommande donc, qu'il
ral de tout impôt. Aux riches seuls fut laissé le leur ordonne de mettre en usage le fer, le feu ettous
soin de contribueraux besoins de l'état puisqu'ils les moyens possibles pour couper le pont. Quant
pouvaient supporter ce fardeau; tandis que les à lui, autant que peut le faire un seul homme,
pauvres lui pay aient un tribut assez fort en élevant il soutiendra le choc des ennemis. » il s'élance
leurs enfants. Cette condescendancedu sénat con- aussitôt à la tête du pont, et d'autant plus remar-
serva si bien la concorde parmi les citoyens, même quable qu'on la voyait, au milieu des siens qui
pendant les horreurs du siège et de la famine tournaient le dos et abandonnaient le combat, se

mouchant clam, ne orientem morem pellendi reges in- adeo concordem civitatem tennit, ut regium nomen non
ultum sineret. Satis libertatem ipsam habere dulcedmis. summi magis, quam infimi, horrerent nec quiàquain
Nisi, quanta vi civitates eam expetant, tanta regua reges unus malis artihus postea tam popularis esset quam tuum
defendant, æquari summa infimis; nthil excelsum, nihil, bene imperando universus senatus fuit.
quod supra cetera emineat, in civitatibus fore. Adesse X. Quum hostes adessent, prose quisque in urbem ex
finein regnis, rei inter deos hominesque pulcherrimæ.» agris demigrant urbem ipsam sæpiunt præsidiis. Alia
Porsena, tum regem esse Romæ, tum Etruscx gentis muris, alia Tiberi objecto videbantur tuta. Pons subli-
regem, amplum Tuscis ratus, Romam mfesto eiercitu cius iter pæne h ostibus dédit ni unus vir fuisset, Hora-
veod. Non unquam alias aute tantus terrur senatum in- tius Cocles (id munimentum illo die fortuna urbis ro-
vasit adeo valida res tum Clusina erat, maguumque manæ habuit) qui, positus forte in statione pontis, quum
Porsenæ nom(n. llec hostes modo timebant, sed suos- captum repentino impetu Janiculum, alque inde citatos
met ipsi cives, ne Rumana plebs, inetu perculsa,receptis decurrere hostes vidisset, trepidamqne turbam suorum
in urbem regibus, vel cum servitute pacem acciperet. arma ordinesque relinquere, reprehensanssingulos, ob-
Mulla igilur Ulandimenla plebi per id tempus ab senatu sistens, obtestaosque deum et hommum fidem, testaba-
data. Aunonæ in primis habita cura, et ad frumentum tur, nequicquamdeserto præsidio eos fugere. Si trans-
comparandum missi, alii in Volscos, alii Cumas. Salis itum pontem a tergo reliquissent. jam plus hostium in
quoque vendeodiarbitrium, quia impenso pretio venibat, Palatio Capitolioque, quam inJaniculo, fore.» Itaque mo-
in publicum omne sumptum, ademptuin privatis. Porto- nere, prædicere, ut pontem ferro, igni, quacumque vi
rilsque et tributo plebes liberata, ut divites conferrent, possent, interrumpant. Se impetum hostium, quantum
qui oneri ferendo essent; pauperes satis stipendii pen- corpore uno posset obsisti, excepturum. Vadit Inde in
dere, si liberos educarent. Itaque hæc indulgentia pa- primum aditum pontis insignisqueinter conspectaoeden-
trum, asperis postmodmn rebus in obsidione ac fame, tmm pugnæ terga, obversis comiuus ad ineundum pras·
présenter, les armes en avant, pour résister aux flèches qu'on lui lance de l'autre rive sans pouvoir
larusques, il frappe les ennemis de stupeur par l'atteindre, il rejoint ses concitoyens, après avoir
ce prodige d'audace. Cependant l'honneur avait osé un exploit qui trouvera dans la postérité plus
retenu près de lui Sp. Lartius et T. Herminius, d'admiration que de créance. Home se montra
tous deux distingués par leur naissance et par leur reconnaissante d'une aussi haute valeur. Ellelui fit
courage. il soutint d'abord avec eux le premier ériger une statue sur la place des comices, et on
choc et la première fureur des assaillants; mais lui donna autant de terres que put en renfermer
bientôt ceux qui rompaient le pont les ayant rap- un cercle tracé par une charrue dans l'espace d'un
pelés, il force ses deux compagnons de se retirer jour. A ces honneurs publics les particuliers vou-
par un étroit passage qu'on avait conservé à des- lurent ajouter un témoignage de leur gratitude,
sein. Ensuite, jetant sur les chefs des Étrusques et, dans la disette générale, chacun retrancha sur
des regards menaçants et terribles, tantôt il les sa propre nourriture, pour contribuer, en propor-
provoque l'un après l'autre, tantôt il les accuse tion de ses ressources, à la subsistance de ce héros.
tous ensemble de lâcheté, leur reprochant« d'être XI. Porsenna, repoussé dans cette première
les esclaves d'orgueilleux tyrans, et d'oublier leattaque, et renonçant au dessein de prendre la
soin de leur propre liberté pour venir attaquer la ville d'assaut, convertit le siège en blocus, laissa
liberté d'autrui. » ils hésitent quelque temps, se un corps d'observation sur le Janicule, et vint
regardant les uns les autres, comme pour voir camper dans la plaine aux bords du Tibre. Puis il
qui commencerait le combat; mais enfin la honte rassemble des barques de tous côtés pour s'opposer
s'empare de la troupe entière; ils poussent un à ce qu'on introduise du blé dans la ville, et se
grand cri et font pleuvoir sur un seul homme une ménager la possibilité de faire, sur différents
nuée de javelots tous les traits demeurent alta- points, passer ses troupes de l'une à l'autre rive,
chésau bouclier dont il secouvre. Quand ils voient toutes les fois qu'il s'offrirait une occasion favora-
qu'inébranlable dans ses résolutions et ferme dans ble pour le pillage. Bientôt il rendit les environs
sa résistance, il demeure maître du pont qu'il de Rome si peu sûrs, que les habitants ne se bor-
parcourt à grands pas, les ennemis cherchent, en nèrent pas à transporter dans la ville tous leurs
se jetant sur lui, à le précipiter dans le fleuve; mais
effets, ils y firent aussi entrer leurs troupeaux,
tout à coup le fracas du pont qui se brise, et les et personne n'osa plus les envoyer hors des portes.
cris que poussent les Romains, joyeux du succès de Au reste, cette grande liberté que les Romains
leurs efforts, les glacent d'épouvante, et arrêtentlaissaient aux Etrusques était moins l'effet de la
leur impétuosité. Alors Coclès « Dieu du Tibre, peur que de la ruse; le consul Valérius, qui épiait
s'écrie-t il père de Rome, je t'implore. Reçois l'instant de les attaquer à l'improviste lorsqu'ils
avec bonté dans tes flots ces armes et ce soldat 1 seraient dispersés en nombreux détachements,
Il dit, se précipite tout armé dans le fleuve, et, laissait impunis les pillages de peu d'importance,
le traversant à la nage, au milieu d'une grêle de réservant tout le poids de sa vengeance pour des

lium armis, ipso miraculo audaciæ obstupefecit bostes. tisque superincidentibus telis incolumis ad suos tranavit,
Duos tamen cum eo pudor tenuit, Sp. Lartium ac T. Her- rem ausus plus fanue habituram ad posteros, quam fldei.
mimum, ambos claros génère factisque.Cum bis primam Grata erga tantam virtutem civitas fuit; statua in comi-
periculi procellam et quod tumultuosissimum pugnæ tio posita, agri quantum uno die circumaravit,datum.
erat, parumper sustiouit; deinde eos quoque ipsos, exi- Privata quoque inter publicos honores studia eminebant;
gua parte pontis relicta, revocanlibus, qui rescindebant, nam in magna inopia pro domesticiscopiis unusquisque
cedere in tutum coegit. Circumfereus inde truces mina- ei aliquid, fraudans ce ipse victu suo, contulit.
citeroculos ad proceres Etruscorum, nunc singulos pro- XI. Porsena, primo conatu repulsus, consiliis ab op-
verare,nunc inerepare omnes, a servitia regum superbo- pugnanda urbe ab obsidendam versis praesidio in Jani-
rum, suae libertatis immemores, alienam oppugnatum culo locato, ipse in piano ripisque Tiberis castra posuit;
venire. » Cuoclatialiquamdiu sunt, dum alius alium ut navibus undique accitis, et ad custodiam, ne quid Ro-
prælium incipiant, circumspeclant pudor deinde com- mam frumenti subvebi sineret, et ut prædatum mihtes
movit aciem et, clamore sublato undique in unum bos trans flumen per occasionesaliis atque aliis locis trajiceret;
tem tela coujiciunt. Quæ quum in objecto cuncta scuto brevique adeo infestum omnem romanum agruin reddi-
hæsissent,neque ille minus obstinatus ingenti pontem ob- dit, ut non cetera solum ex agris, sed pecusquoque omne
tineret gradu, jam impetu conabanturdeirudere virum; in urbem compelleretur, neque quisquam extra porta%
quum simul fragor rupti poutis,'simul clamor Romano- propellere auderet. Hoc tantum liceutiae Etruscis non
rum, alacritate perfecti operis sublatus pavore subito metu magis, quam consilio, concessum. Namque Vale-
impetum sustinuit. Tum Codes, Tiberine pater, inquit, rius consul, iutentus in occasionem multos simul et effu-
te sancte precor, hæc arma et bunc militem propitio flu- sos improviso adoriundi, in parvis rebus negligens ultor,
mine accipias.b Ita sic armatus in Tiberimdesiluit; niul- gravem se ad majora vindicem servabat. Itaque ut eli-
occasions plus sérieuses. Daus 1 intention d'attirer senna se flatlait de prendre la ville sans quitter
les fourrageurs, il ordonne aux Romains de sortir ses postions, lorsque C. Mucius, jeune patricien,
en grand nombre, le jour suivant, par la porte Es- indigné de voit- que le peuple romain, alors qu'il
quiline, la plus éloignée de l'ennemi et de chas- était esclave et sous des rois, n'avait jamais été,
ser devant eux leurs troupeaux; persuadé yue les dans aucuue guerre, assiégé par aucun ennemi,
ennemis en seraient instruits par les esclaves infi- taudis qu'à présent qu'il était libre, il élait blo-
deles que le siège et la famine fai,aient passer dans qué par ces mêmes Étrusques dont il avait si sou-
leur camp. Les Étrusques en furent effectivement vent mis les armées en déroute, entreprit de ven-
informés par un transfuge, et traversèrent lefleuve ger, par une action grande et audacieuse, la honte
en plus grand nombre que de coutume, espérait de ses concitoyens. D'abord il voulait, de son pro-
s'emparer de (ont ce butin. Cependant P. Va- pre mouvement, pénétrer dans le camp des enne-
lérius envoie T. Herminius avec quelques troupes mis mais, craignant que, s'il sortait sans l'ordre
s'embus quer à deux milles de Rome sur la roulede des consuls et sans que personne en eût connais-
Gabies, et ordonne à Sp. Lartius de se tenir à la sance, il ne fût arrêté par les sentinelles romaines
porte Colline avec ce qu'il y avait de plus agile et ramené dans la ville comme un transfuge, ac-
dans la jeunesse, d'y rester jusqu'à ce que les en- cusation que le sort de Rome ne rendait que
nemis aient passé outre, et de se jeter ensuite en- trop vraisemblable, il se rendit au sénat, et là
tre lui et le fleuve pour leur fermer la retraite. « Pères conscrits, dit-il, je veux traverser le Ti-
l'autre consul, T. Lucrétius, sort par la porle bre et entrer, si je le huis, dans le camp des en-
Névia avec quelques manipules de légionnaires, nemis, non pour y faire du butin et tirer ven-
tandis que Valérius lui-mvme descend le mont geance de leurs pillages; j'ai, si les dieux me
Cœlius avec des cohortes d'élile. Ce fut ce corps secondent, un plus noble dessein. » Aulorisé par
qui, le premier, se présenta à l'ennemi. Hermi- le sénat, il cache un poignard sous ses vêtements,
nius, dès qu'il entend le bruit de l'engagement, et part. Dès qu'il est arrivé, il se jette dans le plus
accourt de son embuscade, prend en queue les épais de la foule qui se tenait près du tribunal de
Étrusques qui résistaient à Valérius, et en fait un Porsenna. On distribuait alors la solde aux trou-
grand carnage. Dans le même temps, à droite et à pes un secrétaire était assis près du roi, vêtu à
gauche du côté de la porte Colline et du côté de la peu près de la même manière, et, comme il
porte Névia, on répond à ses cris. Ainsi envelop- expédiait beaucoup d'affaires, que c'était à lui
pés, les fourrageurs, qui n'étaient pas égaux en que les soldais s'adressaient, Mucius, craignant
force, et à qui tout moyen de fuir était enlevé, que s'il demandait qui des deux était Porsenna,
furent taillés en pièces par les Romains. Cette af- i ne se fit découvrir en laissantvoir son ignorance,
faire mit fin aux excursions des Étrusques. s'abandonna au caprice de la fortune, et tua le
XII. Cependant le blocus continuait toujours, secrétaire au lieu du prince. Il se retirait au mi-
et la cherté des grains augmentait la disette. Por- lieu de la foule effrayé, s'ouvrant un chemin avee

ceret prædatores, edicit suis postero die frequentes Porsena habebat quum C. Mucius, adolesceus nobilis
porta Esquilina, quæ aversissima ah hoste erat, expelle- cui indignum videbatur, populum romanum servientem
rent pecus; sciluros id hostes ratus, quod in obsidione quum sub regibus esset, nullo bello nec ab hostilus ullis
et fame servitia infida transfugerent.Et sciere perfugæ obsessum esse liberum eundem populum ab iisdem
indicio; multoque plures, ut in spem universæ prædæ, Etruscis obsideri quorum swpe exercitus fuderit. Ilaque,
flumen trajiciunt. l'. Valerins inde T. Ilerminium cum magno audacique aliquo facinore eam indigmtatem vin-
modicis copiis ad secundum lapidem Gabina via occul- dicandam ratus, primo sua sponte penetrare in hostium
tum considère jubet Sp. Lartium cum expedita juven- castra constituit dein metuens, ne, si consulum injussu
tute ad portam Collin im stare, donec hostis prætereat et igr.aris omnibus iret, forte deprehensus a custodibus
deinde se objicere, ue sit ad flumen reditus. Consulum romanis relraherctur ut transfuga fortuna tum urbis
aller T. Lucrettus porta Nævia cum aliquot manipulis crimen affirmante, senatum adiit Transire Tiberim
mihtum egressus ipse Valerms Cœlio monte cohortes inquit, Patres, et intrare, si possim, castra hostium
delectas educit hique primi apparuere hostr. Herminius, volo; non prædo, nec populationum in vicem ultor
ubi tumultum sensit, concurrit ex insidiis, versisque in majus, si dii juvant, in animo est facinus.» Approhant
Valerium Etruscis terga cædit dextra la!vaque, hinc a Patres: abdito intra vestem ferro, pi-oficiscitur. Ubieo
porta Collina, illmc ab Nævia, redditus clamor. Ita cæsi venit, in confestissima turba prnpe regium tribunal con-
in medio pra'datores, neque ad pugnam viribus pares, stitit. Ihi quum stipendium forte militibus daretur, et
et ad fugam sæptis omnibus Tiis fiuisque ille tam effuse scriba, cum rege sedens pari fere ornatu, multa ageret,
evagandi Etruscis fuit. eum milites vulgo adirent, timens sciscitari, uter Por-

t XII. Obsidio crat nihilo minus et frumenticum summa


itate inopi.i sedendoqueexpugnaturum se urbcm spem
aena esset, ne ignorando regem semetipse aperiret, quia
esset, quo temero traxit fortuna facinas, soribam pro
so fer ensanglanté, lorsqu'au cri qui s'éleva an J'applaudirais à ton courage s'il était destiné à
moment du meurtre, les gardes du roi accouru- servir ma patrie. Va, je n'userai point des droits
rent, le saisirent, et le menèrent devant le tribu- que me donne la guerre je te renvoie libre, ta
nal. Là, sans défense et au milieu des plus terri- personne estdésormais inviolable. Alors Mucius,
bles menaces du deslin, bien loin d'être inlimidé, commepour reconnaîtretant de générosité « Puis-
il était encore un objet de terreur, c Je suis un que tu sais, dit-il, honorer le courage, tu obtien-
citoyen romain, dit-il; on m'appelle C. Mucus. dras de moi, par tes bienfaits, ce que tu n'as pu
Ennemi, j'ai voulu tuer un ennemi, et je ne suis obtenir par tes menaces. Nous sommes trois cents,
pas moins prêt à recevoir la mort que je ne l'étais l'élite de la jeunesse romaine, qui avons juré la
à la donner. Agir et souffrir en homme de cœur mort. Le sort m'a désigné le premier les autres
est le propre d'un Romain. Et je ne suis pas le viendront à leur tour, et tu les verras tous suc-
seul que ces sentimentsaniment. Beaucoup d'au- cessivement, jusqu'à ce que l'un d'eux ait trouvé
tres, après moi, aspirent au même honneur. Ap- l'occasion favorable.
prête-toi donc, si tu crois devoir le faire, à com- XIII. En renvoyant Mucius, à qui la perte de
battre pour la vie à chaque heure du jour. Tu sa main droite 6t donner, dans la suite, le nom
rencontrerais un poignard et un ennemi jusque de Scévola, Porsenna ordonneà des ambassadeurs
sous le vestibule de ton palais. Cette guerre, c'est de le suivre. Le danger qu'il venait de courir, et
la jeunesse de Rome, c'est nous qui te la décla- dont la méprise de son meurtrier l'avait seule
rons. Tu n'as à craindre aucun combat, aucune préservé et plus encore ce combat qu'il aurait à
bataille. Tout se passera de toi à chacun de nous. o soutenir tant qu'il resterait un seul des conjurés,
Alors le roi, tout à la fois enflammé de colère et l'avaient tellement ému qu'il fit, de son propre
épouvanté du danger qu'il court, ordonne que mouvement,despropositions de paix aux Romains.
Mucius soit environné de flammes, et le menace Il chercha vainement à mettre au nombre des con-
de l'y faire périr s'il ne se hâte de lui découvrir le ditions le rétablissement de la famille royale, et,
complot mystérieux dont il cherche à l'effrayer. s il le fit, ce fut plutôt parce qu'il ne pouvait re-
« Vois, lui répliqaa Mucius, vois combien le corps fuser cette démarche aux Tarquins, que dans la
est peu de chose pour ceux qui n'ont en vue que conviction qu'il n'éprouverait point un refus. La
la gloire. » Et en même temps il pose sa main sur restitution du territoire de Véïes fui consentie, et
un brasier allumé pour le sacrifice, et la laisse les Romains se virent obligés de livrer des otages
brûler comme s'il eût été insensible à la douleur. pour obtenir l'évacuation du Janicule. La paix
Étonné de ce prodige de courage, le roi s'élance conclue à ces conditions, Porsenna retira ses trou-
de son trône, et, ordonnant qu'on éloigne Mucius pes de ce poste, et sortit du territoire de Rome.
de l'autel « Pars lui dit-il, toi qui ne crains pas Le sénat, pour récompenser l'héroïsme de C. Mu-
de te montrer encore plus ton ennemi que le mien. cius, lui donna, au-delà du Tibre, des terres qui,

rcge obtruncat. Vadentem inde, qua per trepidam tur- in te magis, quam in me hostilia ausns. Juberem macte
ham cruento mucrone sibi ipse fecerat viam, quum, con- virtute esse, si pro mea patria ista virtus staret. Nunc jure
wrsu ad clamorem facto, comprehensum regii satellites belli libernm te intactum inviolatumque hinc dimitto..
retraxissent, ante tribunal régis destitutus, tum quoque, Tum Mucius, quasi remunerans meritum .Quandoqui-
iutcr tantas fortunæ minas, metuendus magis quam me- dem, inquit,est apud te virtuti honos, ut beneficio tuleris
tuens «Romanus snm, inquit, civis C. blucium vocant. a me, quod minis nequisti trecenti conjuravimus prin-
Hoslis hostem occidere volui nec ad mortem minus ani- cipes jurentutis romanæ, ut in te bac via grassaremur.
mi est, quam fuit ad cxdem. Et facere et pati fortia, ro- Mea prima sors fuit ceteri, ut colique ceciderit primo,
manum est. lrec unus in te ego hos animos gessi longus quoad te opportunum fortuna dedcrit, suo quisque tem-
post me ordo est idem petentium decus. Proinde in hoc pore, aderunt.
discrimen ci juvat, accinl«ere, ut in siugulas horas ca- XIII. Mucium dimissum, cui postea Scævolæ a cl ide
pite dimic s tuo; ferrum boslemque in vestibulo habeas dextræ manus cognomen inditum, legati a Pursena Ro-
regiæ. lioc tibi juventus romana iudicimus bellum. Nul- mam secuti sont. Adeo moverat eum et primi periculi ca-
lam aciem, nulluin prælium timucris. Uni tibi, et cum sus, quo nihd se prarter errorem insidiatoris texisset, et
singuüs, res erit. Quum rex, s mul ira infensus, peri- subeunda dmicatio toties, quot conjurati superessent, ut
culoque conterritus circumdari ignes minitabundus ju- pacis conditiones ultro ferre Romanis. Jactatum in con-
beret, nisi ecpromcret propre, quas insidiarum sibi mi- ditionibus nequicqnam de Tarquiniis in regnum resti-
uas per ambages jaceret «En tibi, inquit, ut sentias, tuendis, magis quia id negare ipse nequiverat Tarquinuinns
quam vile coi pus s t iis, qui maguam gtoriam vident » dex- quam quod negatum iri s'bi ab Romanis ignoraret. De
tramque accenso ad sacrificitum foculo injicit. Quam quod agro Veientibus restituendo impetrntum; expressaque
velut alienato ab sensu torreret animo, prope atronitus nécessitas obsides dandi Romanis, si Janirulo præsidium
miraculo rex quum ab sede sua prosiluissel, amoveri- deduci vellent. His cond tronibus compusila pace, eter-
yuc ab altaribus juvenem jussisset .1'u vero abi, inqu t, citum ab Janiculo dfdmit Porsena, et agro romano ex-
depuis, ont été appelées de son nom, les Prés ordinaire, un courage aussi extraordinaire dans
Muciens. Cet honneur, accordé au courage, excita une femme; on lui décerna une statue équestre;
les femmes à mériter aussi les distinctions publi- et l'on plaça au haut de la voie sacrée l'image de
ques. Comme le camp des Étrusques n'était pas Clélie à cheval.
très-éloigné des bords du Tibre, Clélie, l'une des XIV. On ne saurait concilier, avec cette retraite
jeunes Romaineslivrées en otage, trompe les sen- si pacifique du roi des Élrusques, un ancien usage
linelles, et, se mettant à la tête de ses compagnes, qui s'est conservé jusqu'à nos jours, et qui con-
traverse le fleuve au milieu des traits ennemis, siste à proclamer la vente des biens du roi l'cr-
et, sans qu'aucune d'ellcs eût été blessée, elle les senna, toutes les fois qu'on met des biens à l'en-
ramène à Rome et les rend à leurs familles. A la can. Il faut ou que cette coutume se soit établie
nouvelle de cette évasion, le roi indigné, envoie pendant la guerre, et qu'ensuite elle se soit per-
à Rome pour réclamer Clélie, sans paraitre tenir pétuée après la paix ou qu'elle doive son origine
beaucoup aux autres; mais bientôt, passant de la à des sentiments plus pacifiques que ne semble
colère à l'admiration et mettant ce trait d'audace l'indiquer cette formule de vente si lioslilc. La
au-dessus des actions des Coclès et des Mucus; il conjecture la plus vraisemblable qui nous ait été
déclare que si on ne lui rend pas son otage, il re- transmise, c'est que Porsenna, lorsqu'il évacua le
gardera le traité comme rompu mais que si on Janicule, avait un camp abondamment pourvu
la remet en son pouvoir, il la renverra à ses con- de vivres, tirés des campagnes fertiles de l'Étru-
citoyens sans lui faire essyer aucun mauvais trai- rie, peu distantes de Rome, et qu'il fit don de
tement. On tmt parole de part et d'autre les tous ces approvisionnements aux Romains, qu'un
Romains, conformément au traité, rendirent à long siège avait réduits à la disette; que ces
Porsenna les gages de la paix; et, de son côté, vivres, afin d'éviter que le peuple ne les pillât si
le roi des Étrusques voulut que non-seulement la on les lui abandonnait, furent vendus et appelés
vertu fût en sûreté auprès de lui, mais qu'elle y biens du roi Porsenna, et que cette formule ex-
fût même honorée. Après avoir donné des éloges à primait plutôt la reconnaissance d'un bienfait,
Clélic, il lui fit présent d'une partie des otages, et qu'un acte d'autorilé exercé sur des propriétés
lui en abandonna le choix. Lorsqu'on les eut tous royales qui n'étaient pas au pouvoir du peuple
amenés en sa présence, elle choisit, dit-on, les romain. Ayant renoncé à la guerre contre Rome,
plus jeunes, croyant, par respect pour la pudeur, Porsenna, pour ne pas paraître avoir inutilement
et elle obtint, à cet égard, l'entier consentement amené son armée sur ce point, envoya son fils
des otages eux-mêmes ) devoir soustraire avant Aruns, avec une partie de ses troupes, faire le
tout aux ennemis celles que leur âge exposait le siège d'Aricie. Les habitants de cette ville furent
plus aux outrages. La paix rétablie, les Romains d'abord consternés d'une attaque aussi imprévue.
récompensèrent, par un genre d'honneur extra- Mais les secours qu'ils obtinrent des peuples la-

eessit. Patres C. Mucio virtutiscausa tranaTiberim agrum vam in femina virtutem novo genere honoris, statua
dono dedere, quæ postea sunt Mucia prata appellata. Er- equeari, donavere. In snmma Sacra via fuit posita virgo
go, ita honorata virtnte, feminae quoque ad publica de- insidens æquo.
cora excitatæ. Et Cltelia virgo, una ex obsidibus, quum XIV. Huic tam pacatæ profectioni ab urbe regis Etru,ci
castra Elruscorurn forte haud procul ripa Tiberis locata abhorrens mos, traditus ab antiquis, usque ad nostram
esseut, frustrata custodes dui agruinis virginum inter ætatem inter cetera sollennia manet bonis veudendis,
tela hostium Tiberim tranavit. sospitesque omnes Romam bona Porsenæ regis vendendi. Cujus origineui moris,
ad propinquos restituit. Quod ubi regi nuntiatum est, necesse est, aut inter bellum ualam esse, neque omissam
primo mcensus ira, oratores Romam misit ad Clæliam in pace; aut a mitiore crevisse prmcipio, quam hic praj
obsidem deposcendam alias haud magni facere deinde se ferat titulus bona hostiliter vendendi. Proumum vero
in adinirationem versus, supra Coclites Muciosque dicere est ex iis, quie traduntur, Porsenam, discedentem ah
id facmus esse, et pra se ferre, quemadmodum si non Janiculo, castra opulenta, coovecto ex propinquis ac fer-
dedatur obses, pro rupto se fœdus habiturum sic dedi- tilibus Etrnriae arvis commeatu, romanis dono dedisse
tam, mviolatam ad suos remissurum. Utrimque consti- iuopi tum urbe ab longinqua obsidione ea deinde, ne
tit fides et Romani pignus pacis ex fœdere restituerunt pnpuloimmissodireperenturhostiliter, venisse, bonaque
et apud regem Etruscum non tuta soluni, sed houorata Porsenæ appellata, gratiam muneris magis significante
etiam, virtus fuit laudatamque virginem parte obsidum tituio, quam auctionem fortuua; regis, qua ne in potes-
se dmare dixit ipsa, quos vellet, legeret. Productis tatem quidem populi romani esset. Omisso romano bello,
omnibus, elegisse impubes dicitur; quod et virginitati de- Porsena ne frustra in ea loca exercitus adductus videre-
corum, et consensu obsi lum ipsorum probabile erat tur, cum parte copiarum filium Arutem Ariciam op-
eam ætatem potissimum liberari ab hoste, qum maxime pugnatum uiittit. Primo Aricinos rcs nemoinata percul-
opportuna mjuriæ esset. l'ace red ntegrata, romani no- erat; arcessits deinde auxilia, et a Latmis populis, et a
lius et de Cumes, leur rendirent tant de confiance, que si l'on avait préféré députer auprès de lui les
qu'ils osèrent livrer une bataille. Dès que l'on en principaux du sénat, plutôt que de faire à Rome
vint aux mains, les Étrusques se précipitèrent même cette réponse à ses ambassadeur, c'était
avec une telle impétosité que leur choc suffit pour pour que, désormais, il ne fut plus mention de
disperser les Ariciniens. Les cohortes de Cumes cette affairequi, après tant de bons rapports, ne
opposant l'habileté à la force, firent un mouve- pouvait qu'irriter, de part et d'autre, les esprits;
ment oblique, puis changeant de front tout à que la demande du roi était contraire à la liberté
coup, tombèrent sur les derrières de l'ennemi, du peuple romain, et que les Romains, à moins de
que l'ardeur de la poursuite avaient emporté et consentir aveuglément à leur perte, se voyaient
mis en désordre. Grâce à cette manœuvre, les dans la nécessitéde répondre par nu refus à un
Étrusques, au moment d'être victorieux, furent prince auquel ils ne voudraient rien refu,er; que
enveloppés et taillés en pièces. Le peu qui s'é- Rome n'était plus une monarchie, mais un état
eliappa, ayant perdu leur ctef, et ne voyant pas libre, et qu'elle était fermement résolue à ouvrir
de refuge plus proche, se retirèrent, sans armes, ses portes plutôt à ses ennemis qu'àses rois que
à Rome, où ils se présentèrent dans l'attitude de telle est la volonté de tous le dernier jour de la
suppliants. ils y furent accueillis avec bienveil- liberté sera celui de Rome. Que si donc il veut
lance chacun s'empressa de leur donner l'hospi- que Rome existe ils le conjurent de souffrir
talité. Leurs blessures guéries, les uns retour- qu'elle soit libre.» Le roi, honteux de sa démarche,
nèrent dans leur patrie, où ils vantèrent l'hospi- répondit « Paisque c'est une résolution irruvo-
talité et les bienfaits qu'ils avaient reçus, beaucoup cablement prise, je ne vous fatiguerai plus d'iuu-
d'autres furent retenus à Rome par l'attachement tiles importunités: mais je n'abuserai plus les
qu'ils portaient à la ville et à leurs hôtes. Ou Tarquins par l'espoir d'un secours qu'ils ne peu-
leur assigna pour demeure le terrain qui, dans vent attendre de moi. Que, s'ils songent à la
la suite, s'est appelé de leur nom, Quartier guerre, ou au repos, ils devront chercher ailleurs
des Étrusques. un lieu d'exil; rien ne doit plus troubler la paix
XV. P. Lucrétius et P. Valérius Publicola sont que j'ai faite avec vous. » Sa conduite, plus en-
ensuite nommés consuls. Ce fut dans le cours de core que ses paroles, prouva ses intentions ami-
cette année que, pour la dernière fois, des am- cales il rendit ce qui lui restait d'otages, et
bassadeurs de Porsenna vinrent à Rome demander restitua le territoire de Véïes que le traité du Ja-
le rétablissement des Tarquins. On leur répondit nicule avait enlevé aux Romains. Tarquin, voyant
que le sénat enverrait de son côté auprès du roi, tout espoir de retour perdu pour lui, s'exila à
et l'on fit partir sur-le-champ les plus distingués Tusculum, auprès de son gendre Mamilius Octa-
d'entre les sénateurs, avec ordre de lui dire vius. Une paix durable s'établit ainsi entre les Ro-
Que sans doute on aurait pu déclarer briève- mains et Porsenna.
ment qu'on se refusait au retour des rois; mais XVI. Les consuls suivants furent M. Valérius,

Cumis, tantum spei fecere, ut scie decernere auderent. meotio ejus rei fiairetur, neu in tantis mntuis beneficris
Prælio inito, adeo concitatoimpetu se intulerant Etrusci, in vicem animi solticitarentur; quum ille peteret, quod
ut funderent ipso incursu Aricinos. Cumanæ cohortes contra libertatem populi romani esset; Romani, nistn
arte adversus vim usæ, declinavere paullulum efluseque peruiciem suam faciles esse vellent, negarent, cni nihil
orælatos hostes conversis signis ab tergo adortae àunt. ]ta negatum vellent. Non in regno populum romanum, sed
in medio prope jam victores cæsi Etrusci pars perexi- in libertate esse. Ita induxisse in ammum, hostibus po-
giia, duce amisso, quia nullum propius perfugium erat, tius, quam regibus, portas patefacere. Eam esse volun-
llomam inermes et fortuna et specie supplicum delati tatem omnium, ut, qui libertati crit in illa urbe finis,
sunt. Ihi benigne excepti divisique in hospitia. Curatis idem urbi sit. Proinde, si salvam esse vellet Romam, ut
vulneribus, alii profecti dom s, nuntii hospitalium bene- patiatur liberam esse orare.» Rex verecundia victus:
ficiorum multos Romæ hospitum urbisque caritas te- Quando id certum atque obstinatum est, inquit, neque
nuit. llis locus ad habitandum datus, quem deinde Tus- ego obtundam sapius eadem nequicquam agendo; nec
cum vicum appellarunt. Tarquinios spe auxilii, quod nullum in me est, frustra-
XV. P. Lucretins inde et P. Valerius Publicolaconsules bor. Alium hiuc, seu hello opns est, sen quiete, eibilio
tarti. Eo anno postremum legati a Porsena de redueendo quærant locum, ne quid meam ,obiscum pacem distmeat.
in repuutn Tarqu'nio venerunt. Quitus quum respon- Dictis facta amicioraadjecit. Obsidumquod reh juuni erat,
nom esset, imssurum ad regem senatum legate s missi reddidit: agrum Veientem, fœdere ad Janiculum iclo
confestim honoralissimusquisque ex Patribus.«Non, quin ademptuin, restituit. Tarquinius, spe omni reditusin-
brevitrr reddi responsum potuerit, non recipi reges, cisa, exsu atum ad generum Mamilium Octavium Tuscu-
ideo potius delectos Patrum ad eum missos, qu,im lega- lum aliiit. Romanis pax fida ita cum Porsena fuit.
tis ejus Romæ daretur responsum sed ut iu perpetuum XVI. Consules M. Valerius, P. Postumius. Eo anno
et P. Postumius. Celle année-là on combattit avec modique qu'elle ne put suffire aux frais de ses
succès contre les Sabins, et les consuls obtinrent funérailles. Elles furent faites aux dépens de l'État,
les honneurs du triomphe. Les Sabins ne s'en pré- et les dames romaines prirent le deuil pour lui
parèrent qu'avec plus d'ardeur à recommencer la comme pour Brutus. Cette même année, deux
guerre. Pour leur tenir tête et pour prévenir une colonies latines, Pométia et Cora, se réunirent aux
attaque soudaine du côté de Tusculum, qui sans Aurunces, ce qui donna lieu à une guerre avec
avoir déclaré la guerre, était soupçonnée de dis- ce peuple. Une armée nombreuse, qui vint fière-
positions hostiles, on créa consuls P. Valérius ment s'opposer aux consuls, sur la frontière, fut
pour la quatrième fois, et T. Lucrétius pour la mise en déroute et le fort de la guerre se con-
seconde. Des dissensions qui éclatèrent chez les centra sur Pométia. Le sang ne coula pas moins
Sabins, entre les partisans de la guerre et ceux après le combat que pendant le combat même; le
de la paix, vinrent donner de nouvelles forces aux nombre des tués surpassa celui des prisonniers,
Romains. En effet, Attiis Clausus, qui depuis fut et les prisonniers eux-mêmes furent t massacrés sur
appelé à Rome Appius Claudius, se voyant, comme différents points. Le vainqueur, dans sa colère,
chef du parti de la paix, opprimé par ceux qui n'épargna même pas les otages, qui étaient au
excitaient à la guerre, et incapable de résister à nombre de trois cents. Ltcette année Rome vit en-
leur faction, s'enfuit de Ilégille, suivi d'une foule cote un triomphe.
nombreuse de clients, et vint se réfugier à Rome. XVII. Les consuls nommés l'année suivante
On leur donna le droit de cité et des terres au-delà furent Opiter Virginius et Sp. Cassius. Ils tentè-
de l'Anio. Ils formèrent la tribu appelée l'ancienne rent d'enlever Pométia d'assaut et recoururent
Claudia, dans laqucllc on incorpora tous les nou- ensuite aux mantelets et à d'autres ouvrages. Les
veaux citoyens venus du même lieu. Appius fut Aurunces, poussés par une haine implacable
admis dans le sénat et ne tarda pas à s'y faire dis- plutôt que par l'espoir ou par l'occasion, s'élan-
tinguer. Cependant les consuls envahirent, à la cèrent sur les travailleurs, armés de torches bieu
tête de leur armée, le territoire sabin qu'ils ra- plus encore que d'épées, et mirent tout à feu et à
vagèrent, et après avoir fait essuyer aux ennemis sang. ils incendièrent les mantelets, blessèrent et
une si terrible défaite que de longtemps on n'eut tuèrent un grand nombre d'ennemis, et peu s'eu
pas à craindre de voir ce peuple reprendra les fallut qu'ils n'ôtassent la vie à l'un des deux cou-
armes, ils rentrèrent à Rome en triomphe. P. Va- suis (les liistoricns ne le nomment pas), qui, gra-
lérius, qui de l'aveu de tous tenait le premier vement blessé, était tombé de cheval. Après cet
rang, soit comme capitaine, soit comme homme échec, l'armée rentra dans Rome, laissant dans
d'état, mourut l'année suivante, sous le consulat le camp beaucoup de blessés, et entre autres le
d'Agrippa Ménénius et de P. Postumius riche de consul, qu'on espérait peu de sauver. Après un
gloire, sans doute, mais laissant une fortune si court espace de temps, qui avait suffi pour guérir

bene pugnatum cum Sabinis consules triumpharunt. est elatus. Luxere matronæ, ut Brutum. Eodem anuo
Majore inde mole Sabini bellum parabant. Adversus eos, duw coloniae latinæ, Pometia et Cora, ad Auruucos defl-
et ne quid simul ab Tusculo, unde, etsi non apertum, ciunt. Cum Auruncis bellum inituni fusoque ingenti
suspectum tamen bellum erat, repenlini periculi orire- exercilu, qui ingredientibus liues consul,bus ferociter
tur, P. Valerius quartum, T. Lucretius Uerum consules obtulerat, se Auruncum bellum Pometiam compul-
omne
facti. Seditio inter belli pacisque auctores orla in Sabi- 1 sum est. ISec magis post prœlium, quam in prœlio, cæ-
nis, aliquantum inde virium transtuht ad Roii Nam- dibus temperatum est et caesi aliquanto plures erant,
que Altos Clausus, cui postea Ap. Claudio fuit Romæ quam capti; et captos passim trucidaverunt. Ne ab obsi-
nomen, cum pacis ipse auctor a turbatoribus belli pre- dihus quidem, qui trecenti accepti numero erant, iram
meretur, nec par factioni esset, ab Regillo, magua clien- belli hostis abstinuit. Et boc anuo Romæ triumphatum.
lium conitatus manu, liomam transfugit. His civitas data XVII. Secuti consules, Opiter Virginius et Sp. Cas-
agerque trans Anienem vetus Claudia tribus additis sius, Pometiam primo vi, deinde vineis alüsque operi-
postea novis tribulibus, qui ex co venirent agro, appel- bus, oppugnaverunt.In quos Aurunci, magis jam inex-
lata. Appius, inter Patres lectus, haud ita multo post in piabili odio, quam spe aliqua aut occasionc, coorti,
principum dignatioucm perveuit. Consules, iufesto exer- quum plures igui, quam ferro, armati excueurrissent,
citu in agrum Sabinum profecli, quum ita vastalione, cæde incendioque cuneta complent. Vineis incensis, mul-
dein prælio, affliaissent opes hostium, ut diu nihil inde tis hostium vulneratis et occisis, consulum quoque alte-
rebethonis timere possent, triomphantes Romam redie- rum ( sed utrum, nomen auctores non adjiciunt), gravi
runt. P. Valerius, ommum consensu princeps bclli pa- vulnere ex equo dejectum prope interfecerunt. Romam
cisque artibus anno post, Agrippa Menenio, P. Postu- inde, male gesta re, reditum; inter multos saucios cou-
mio consulibus noritur, gloria ingenti, copiis famlliari- su) spe incerta vitæ relictus. Interlecto deinde haud
sus adeo exiguis, ut funeri sumptut dcesset. De publico magno spatio, quod vulneribus cnrandis supplendoque
les blessures et recruter l'armée, on revint, avec ciens auteurs que T. Lartius fut le premierélevé à
une nouvelle ardeur et de nouvelles forces, assié- la dictature, et que Sp. Cassiusfut nommé général
ger Pométia. Les mantelets et les autres ouvrages de la cavalerie. L'élection fut faite par les consu-
réparés, le soldat était au moment d'escalader les laires, ainsi que le voulait la loi relative à la créa-
murs, quand la ville se rendit. Malgré cette ca- tion d'un dictateur; ce qui me porterait encore
pitulation, elle ne fut pas moins rigoureusement à croire que Lartius, consulaire, fut préféré à
traitée que si elle eût été prise d'assaut les prin- Manius Valérius, fils de Marcus et petit-fils de
cipaux Aurunces furent, sans distinction, frap- Volésus, qui n'avait pas encore été consul, puis-
pés de la hache, les autres habitants vendus à qu'il s'agissait de donner aux consuls un chef qui
l'encan, ainsi que le territoire, et la place fut pût les diriger. Si l'on eût tenu à choisir un dic-
rasée. Les consuls durent les honneurs du triom- tateur dans la famille Valéria, ou eût élu de pré-
phe plutôt à la rigueur de la vengeance qu'ils ve- férence à son fils, M. Valérius, homme d'un mé-
naient d'exercer, qu'à l'importance de la guerre rite reconnu et personnage consulaire. Après l'é-
à laquelle ils avaient mis fin. lection du premier dictateur, quand on vit à
XVIII. L'année suivante eut pour consuls Pos- Rome les haches portées devant lui, une grande
tumus Comiuius et T. Lartius. Cette même année, terreur s'empara du peuple et le disposa à plus
à Rome, durant la célébration des jeux, de jeunes d'obéissance. On ne pouvait plus, comme avec les
Sabins, dans un moment d'effervescence, enlevè- consuls, dont le pouvoirétait égal, chercher un
rent quelques courtisanes, et occasionnèrent un recours auprès de l'un contre l'autre ou en ap-
attroupement qui fut suivi d'une rixe et faillit peler au peuple; il ne restait d'autre ressource
amener un combat. On craignit que cet incident qu'une prompte obéissance. Les Sabins aussi
frivole ne fit éclater une nouvelle insurrection tremblèrent à la nouvelle de la création d'un dic-
des Sabins. On n'avait pas seulement à craindre tateur à Rome, d'autant qu'ils croyaient cette
une guerre contre les Latins trente peuples, ex- mesure dirigée contre eux. Ils envoient donc
cités par Octavius Namilius,s'étaient ligués contre des ambassadeurs pour demander la pai\. Ceux-
Home on n'en pouvait douter. Dans l'inquiétude ci conjurent le dictateur et le sénat d'excuser
que causait l'attente d'aussi grands événements, chez des jeunes gens un moment d'erreur; on
on parla pour la première fois de créer un dicta- leur réponditqu'on pouvait pardonner à des jeu-
teur. Mais eu quelle aimée et à quels consuls don- nes gens, mais non pas à des vieillards qui lai-
na-t-on celte marque de détiance, parce que, saient sans cesse naître la guerre de la guerre. Ce-
suivant la tradition, ils étaient de la faction des pendant on traita de la paix et les Sabins l'eus-
Tarquins? quel fut le premier Romain créé dicta- sent oblenue, s'ils avaient, comme on le deman-
teur? ce sont autant de points sur lesquels on n'est dait, consenti à payer les frais des préparatifs.
l'as d'accord. Je trouve cependant chez les plus an- La guerre fut donc déclarée; mais une trêve

exercitui satis esset, tum ira majore belli, tum viribus dictato.rem primum, Sp. Cassium magistrum equitum,
ctiam auclis, Pometiæ arma illata; et quum, vineis re- crcatos invenio. Comulares legere ita lex lubebat de
fectis aliaque mole b Ili jam iu eu esset, ut iu muros eva-
dictatore creandu lata. Eo magis abducor, ut credam,
drrrt miles, dedinu est facta. Ceterum nihilominusfœde, Lartium qai consularis erat, potius, quam M. Valerium,
ddita urbe, quam si capta foret, Aurunci passim priu- 111. Glium, Volesi nepotem, qui nondum consul fuerat,
cipes securi percussi, sub corona venierunt coloui alii; moderatorem et magistrum cousu'ibus appositum. Qui,
oppidum dirutum, ager veniit. Cousules, n)agis ob iras si maiinic ex ea fin.il a legi dictatorem vellent, patrem
raviter ullas, quam ob magmtudinem perfcctibelli, multo potius M. Valerium, speclatæ virtutis et cousula-
triumpharuut. rem virum, legissent. Creato dictatore primum Romæ,
XV III. Iusequens annus Postumum Cominium et T. postquam præferri secures viderunt, maguus plebem me-
Lartium consules bahuit. Eo auuo Romæ, quum per tus incessit, ut mtentiores essent ad dicto parendum. Ne-
ludos ab Sabiuorum juveutute per lasciviam scorta rape- que enim, ut in consulibus, qui pari polestate essent, al-
rentur, concursu hominum rixa ac prope prœhum fut; terius auxilium, meque pruvncatio erat; neque ullum us-
parvaque ex re ad rebethonem spectare rcs videbatur quain, msi in cura parendi, auxilium. Sabims etiam
Supra beth Latini metum id quoque accesserat, quod creatus Romæ dictator ( co magis, quod propter se crea-
triginta jam conjurasse populos, concitante Oetaviu Ma- tum crediderant) metum incussit. Itaque legatos de pace
milio, sasis constabat. lu bac tantarum exspectatione re- mittunt quibus, orautibus dictatorem senatumque,ut
i um sollicita civitate, dictatoris primum creandi mentio veniam erroris hommibus adolescentibus darent, resppn-
urta sed nec quo aunu. nec quibus consulibus, quia ex sum « Ignosci adolescentibus pusse, senibus non pusse
tactioue Tarquinia essent (id quoque enim traditur), pa- qui bella ex bellis serrent.» Actum tamen est de pace
rum creditum s t, nec qms primum dictateur creatus sit, impetralaque foret, si, quod impensæ factum in bcllum
satis coustat. AI ud veterrimos tamenauctores T. Lartium erat, præstare Sabmi (id enmi postulatum erat) in am-
tacite maintint ta tranquillitédurant cette année. ces se croisent, ils se rencontrent, et leur choe
XIX. Le consulat de Servius Sulpicius et de est si violent, qu'Æbutius a le bras traversé, et
Manius Tullius n'offre rien de mémorable. Le sui- que Mamilius est frappé à la poitrine. Les Latins
vant, celui de T. tEbutius et de C. Vétusius, fut l'entraînent aussitôt dans leur seconde ligne. Ponr
signalé par le siège de Fidènes, la prise de Crustu- fEbutius, qui de son bras blessé ne pouvait plus
méria, et la défection de Préneste, qui abandonna tenir son arme, il quitte le cliamp de bataille. Le
les Latins pour Rome. La guerre contre le Latium, général latin, sans faire attention à sa blcssure,
qui fomentait sourdement depuis quelques an- ranime le combat, et, voyant ses soldats attérés,
nées, ne fut pas différée plus longtemps. A. Pos- il fait avancer la cohorte des exilés romains, com-
tumius, dictateur, et T. Æbutius, général de la mandés par le fils de L. Tarquin. Ces derniers,
cavalerie, partirent à la tête d'une infanterie irrités par la colère d'avoir perdu leurs biens et
et d'une cavalerie nombreuse, et rencontrèrent leur patrie, montrent plus de courage et rétablis-
l'ennemi près du lac Régille sur le territoire de sent un peu le combat.
Tusculum. Quand les Romains apprirent que les IX. Les Romains commençaient à larlier pied
Tarquinsétaient dans l'armée latine, leur colère sur ce point, quand M. Valérius, frère de Publi-
fut si violente, qu'ils en vinrent aux mains sans cola, aperçoit le jeune Tarquin qui se montrait
plus tarder. Aussi, cette bataille fut-elle la plus plcin de fierté à la tête des transfuges. Exalté par
importanteet la plus acharnée qu'ils eussent livrée la gloire de sa maison et voulant que la même fa-
jusyue-là. En effet, les généraux eux-mêmes, non mille qui avait eu l'honneur d'expulser les rois eût
contents de diriger les mouvements,s'attaquèrent aussi celui de les tuer, il enfonce les éperons dans
et se mesurèrent corps à corps, et, si l'on excepte le flanc de son cheval, et fond sur Taquin, la lauce
le dictateur romain, il n'y eut presque aucun des en arrêt. Tarquin, pour se dérober à la fureur de
chefs, dans l'une et l'autre armée, qui sortit du son ennemi, se réfugie dans les rangs des siens. Va-
combat sans blessures. Postumiusétait sur le front lérius, emporté par son ardeur inconsidérée, vient
de la première ligne, occupé à ranger ses troupes heurter le fron t des exilés, et reçoit dans le flanc un
et à les exhorter, quand Tarquin-le-Superbe, coup qui le perce de part en part. Sa blessure ne
oubliant son âge et sa faiblesse pour ne songer qu'à ralentit pas la fougue de son cheval; mais le cava-
sa haine, lance son cheval contre lui; blessé au lier expirant tombe à terre et ses armes tombent
flanc, le vieux roi est aussitôt entouré par les sur lui. Le dictateur Postumius, en voyant un si
siens qui le mettent en sûreté. A l'autre aile, Æbu- brave guerrier frappé à mort, les exilés pleins
tius, général de la cavalerie, allait se précipiter d'arrogance s'avancer au pas de course, et les
sur Oclavius Mamilius; le chef tusculau le voit siens, dans leur elfroi commencer à plier, donne
venir et pousse son coursier contre lui. Leurs lan- à sa cohorte, troupe d'élite qu'il gardait auprèsde

mum induisent. Bellum indictum tacite indutiæ quie- Nec fefellit veniens Tusculanum ducem; contra quem et
tum annum tenuere. ille concitat equum tantaque vis infestis venieutium has-
XIX. Cousulea Ser. Sulpicius, M. Tullius. Niliil dig- tis fuit, ut brachium Æbutio trajectum sit, Mamilio pec-
num memoria acluni. T. Æbutius deinde et C. Vetustus. tus percussum. Iluuc quidem in secundum acicm Latme
Ilis consulibus Fidenæ obsessæ, Crustumeria capta recepere Æbutius, quum saucio brachio tenere teum
Præneste ab Latinis ad Romanos descivit nec ultra bel- non posset, pugua eacessit. Latinus dux, nihil deteiritus
lum Lalinum, gliscens jam per aliquot annos, dilatum. vulnere, prœlium ciet; et, quia suos perculsos videbat,
A Postumius diciator, T. Æbutius magister equitum arcessit cohortem exsulum Romauorum, cui L. Tarqui-
magnis copiis pe Htum equitumque profecti, ad lacum nii filins præerat. Ea, quod majore pugnabat ira ob erepta
Regillum in agro Tusculano agmmi hostium occurrerunt; bona patriamqueademptam pugnam parumper restituit.
et, quia Tarquinios esse in exercitu Latinorum audilum XX. Referentibus jam pedem ab ta parte Romanis,
est, sustiueri ira non potuit, qum eatemplo coufligerent. M. Valerius, Publicolæ frater, conspicatus ferocem ju-
Ergo etiam prælium aliquanto, quam cetera, gravius at- venem Tarquiuium, ostentantem te in prima exsulum
que atrociue fuit. Non enim duces ad regendam mado acie, domebtiea etiam gloria accensus, ut, cutus familix
consilio rem affuere, sed suismetipaiscorporibus dimi- decus ejecti reges eranl, ejusdem intcrfecti forent, sub-
cautes, miscuere certamina nec quisquam procerum dit calcaria equo, et Tarquinium infenso spiculo pcut.
ferme lac aut illa ex acie sine vulnere, pre'ter dictato- Tarquinius retro in agmen suorum infesto cessit hosti.
rem romanum, excessit. In Postumium, prima in acie Valerium, temere invectum in exsulum aciem, es trans-
suos adhortantem iustruentemque, Tarquiniusbuperbus, verso quidam adortus transfigit nec quicquam equitis
quanquam jain ætate et viribus erat gravior, equum in- vulnere equo retardato, moribundus romanus, lnbenti-
feslua admisit ictusque ab latere, cuncnrsu suurum re- bus super corpus armis, ad terram defluxit. Dictatur
et,plus in tutum est. Et ad alterum cornu Æbutius magis Postumius, postquam cecidisse talem virum, exsules fe-
ter equitum in Octavium Mamilium unpetum dederat. rociter citato agmme iuvchi, suos perculsus cedere sur-
lui pour sa défense, l'ordre de traiter en ennemi nemi, et l'infanterie marche sur leurs traces. Dans
tout Romain qu'ils verront fuir. Ainsi placés entre cette circonstance, le dictateur, n'oubliant aucune
deux craintes, les Romains ne songent plus à la des ressources que pouvaient lui offrir les dieux
fuite et reprennent leurs rangs. La cohorte du dic- et les hommes, voua, dit-on, un temple à Castor,
tateur donne alors pour la première fois, et ce et proclama des prix pour le premier et le second
corps, dont les forces et le courage sont intacts, soldat qui entreraient dans le camp des Latins.
taille en pièces les exilés épuisés de fatigue. Alors L'ardeur fut telle, que, du mcme élan qui dispersa
un nouveau combat s'engage entre les chefs. Le l'ennemi, les Romains s'emparèrent de son camp.
général latin, voyant la cohorte des exilés pres- Telle fut la bataille du lac Régille. Le dictateur et
que enveluppée par le dictateur, Lire de sa réserve le général de la cavalerie rentrèrent triomphants
quelques manipules qu'il conduit vivement sur sa à Rome.
première ligne. Le lieutenant T. Herminius voit XXI. Durant les trois années suivantes, il n'y
cetle troupe qui s'avance en bon ordre, et, re- eut ni paix ni guerre réelles. Les consul, furent
connaissant au milieu d'elle Mamilius à ses vête- Q. Clælius et T. Lartius; puis A. Semprouius et
ments et à ses armes, il l'attaque avec plus de fu- M. Minucius, sous lesquels eut lieu la dédicacedu
reur encore que ne venait de le faire le général de temple de Saturne et l'institution de la fêle des
la cavalerie, et, du premier coup, lui perce le flanc Saturnales. Ils eurent pour successeurs A. l'ostu-
d'outre en outre, et le renverse mort. Mais lui- mius et T. Virginius. Je trouve dans quelques au-
même, pendant qu'il dépouille le corps de son teurs, que ce fut cette année seulement qu'eut lieu
ennemi, est frappé d'un dard, et ramené vain- la bataille du lac Régille; que A. Postumius, se
queur dans le camp il expire aux premiers soins défiant de son collègue, abdiqua le consulat et fut
qu'on lui donne. Aussitôt le dictateur court à sa créé dictateur. La diversité des traditions sur la
cavalerie, la conjure, maintenant que l'infanterie successiondes magistrats, expose à tant d'erreurs
est fatiguée, de mettre pied à terre et de ranimer chronologiques qu'on ne peut, à une si grande
le combat. Ils obéissent, sautent à bas de cheval, distance des événements et des historiens, déter-
volent sur le front de l'armée, et remplaçant le pre- miner avec certitude les consuls et les faits de cha-
mier rang, opposent à l'ennemi leurs petits bou- que année. A A. Postumius et à T. Virginius suc-
cliers. L'infanterie reprend sur-le-champ courage cédèrent Ap. Claudius et P. Servilius. L'événement
quand elle voit cette élite de la jeunesse se mettre le plus remarquable de cette année fut la moit
ainsi de niveau avec elle, et prendre sa part des de Tarquin, arrivée à Cumes où, après la défaite
dangers. Alors enfin, l'armée latine est ébranlée des Latins, il s'était retiré près du tyran Aristo-
et commence plier. Les cavaliers se font ramener dème. Cette nouvelle transporta de joie et le sénat
leurs clievaux, afin de pouvoir poursuivre l'en- et le peuple; mais cette joie, chez les patriciens, ne

madvcrtit; cohorti suæ, quam delectam manum præsidii tem posset: secuta et pedestris acies. Ihi, uihil nec di-
causa c rca se habebat, dat signum, ut, quem suorum viuae nec humanæ opis dictator pra·termittens, Tdem
fugi ntom viderint, pro hoste habeant. Ita metu ancipiti Castori vovisse fertur ac pronuntrasse militi præmia,
versi a tuga Romani in hostem et restituta acies. Cohors qui primus, qui secundus, castra hostium intrasset
didatot is tum primum prœlium init integris corpori- tantusque ardor fuil, ut.eodem impctu, quo fuderant
bus ammisque tessos adorti exsules cædunt. Ibi alia inter hostem, Romani castra caperent. Hoc modo ad lacum Re-
proceres coorta pugua. Imperjtor Latmus, ubi cohortem gillum pugnalum est. Dictator et magister equitum trium-
exsulum a dictature romano prope circumventam vidit, phant s in Urbem rediere.
exsubsitiatis mauipulosaliyuot m primam aciem secum XXI. Triennio demde nec certa pax, nec bellum fuit.
rapit. Hos agmine vementes T. Hermmius legatus conspei- Consules Q. Clœlius et T. Lartius. Inde A. Sempromus
catus, interque eos insignem veste armisque Mamilium et M. Minucius. Ilis consulibus a'des Saturno dedicata
nose tans, tanto vi majore, quam paullo aute magister Saturnalia institutus festus dies. A. deinde Postumius et
equnum, cum hostium duce prœmium iuiit, ut et uno T. Virginius consules facti. Hoc demum anno ad Regil-
irlu transfixum per latus occiderit Mamilium, et ipse in- lum lacum pugnatum, apud quosdam iwemo; A. Postu-
ter spoliand im corpus hostis veruto percussus, quum vie- mium, quia collega dubiæ lidei fuerit, se consulatu ab-
lur in c.slra esset relatns, inter primam curationem ex- dicasse dictatorem iude factuin. Tanti errores imphcant
si iraverit. Tum ad equites dictator advolat ohtestaus, temporum, aliter apud alios ordinatis magistratibus, ut,
ut febso jam pedite, descendant ex equis, et pugn un ca- nec qui consules secundum quosdam, nec quid quoque
pessant. Dreto paruere; desiliunt ex equis, provolant in anno actunrsit, in tanta vetustate, non rerum modo, sed
primum et pro antesignanis parmas nbjiciunt. Kecipit etiam auctorum digerere possis. Ap. Claudius deinde et
extemplo animum pedestris acies, postqum juventutis P. Servilus consules fdcti. Imisgis hic anuus est nunlm
proceres æquato genere pugnæ secum partem periculi Tarquinii mortis. Mortuus est Cumis, quo se post fraclas
sustmentes vidit. Tum denum impulsi Latini, perculsa- opes Latmorum ad Aristodemum tjrannum conlulcrat.
que incltuw t acies. Fquiti admoti equi, ut perse lui hos- Eo nuntio erecli Patres, erecta plebes sed Patribus ni
eonnut pas de bornes; et le peuple, qu'on avait nat. Il fut tellement satisfait de cette conduite,
jusqu'alors ménagé avec le plus grand soin, se vit, qu'il rendit aux Latins mille prisonniers, et, re-
dès ce moment, en butte l'oppression des grands. prenant le projet d'une alliance qui semhlait avoir
Celte même année on conduisit à Signia une nou- été refusée pour toujours, en renvoya la solution
velle colonie, qui compléla celle que le roi Tar- aux prochains consuls. Ce fut alors que les Latins
quin y avait établie. On forma à Home vingt et purent se réjouir de leur démarche, et que les
une tribus. La dédicace du temple de Mercure eut partisans de la paix furent chez eux en grand hon-
lieu aux ides de mai. neur. Ils envoyèrent une couronne d'or à Jupiter
XXII. Pendant la guerre du Latium, on n'avait Capifolin; et les députés, chargés de porter cette
été ni en paix ni en guerre avec les Volsques. Ils offrande, furent accompagnés par la foule nom-
avaient levé des troupes qu'ils devaient envoyeraux breuse des prisonniers rendus à leurs familles. A
Latins; mais le dictateurromain les avait prévenus, lour arrivée, ils se dispersent dans les maisons où
afin de n'avoir pas à lutter tout à la fois contre les ils avaient été esclaves, remercientleurs anciens
Latins et contre les Volsques. Pour tes en punir, les maîtres des bons traitements et des soins dont ils
consuls conduisirent les légions sur leur territoire. ont été l'objet dans leur infortune, et s'uuissentà
Les Volsques, qui ne s'attendaient pasà être punis eux par les liens de l'hospitalité. Jamais, jusqu'a-
d'un simple projet, furent effrayés de cette menace lors, union plus étroite des particuliers et des
soudaine, et, sans songer à prendre les armes, états n'avait existé entre la confédération latine et
ils livrent, comme otages, trois cents enfants des l'empire romain.
premières familles de Cora et de Pométia. Ainsi, XXIII. Cependant la guerre avec les Volsques
tes légions revinrent sans avoir combattu. Peu de était imminente, et la république en proie à la
tempsaprès, lesVolsques, délivrés de cette crainte, discorde fruit des haines intestines qui s'étaient
reprennent leur caractère. Ils se préparent secrè- allumées entre les patriciens et le peuple, surtout
tement à la guerre; et associent les Herniques à à l'occasion des détenus pour dettes. « Eh quoi 1
leurs projets. En même temps ils envoient de tous disaicut-ils dans leur indignation, nous qui com-
côtés pour soulever le Latium. Mais la defaite ré- battons au dehors pour la liberté et pour l'empire,
cente que les Latins avaient essyée près du lac nous ne trouvons au dedans que captivité et op-
Régille leur avait inspiré tant de colère et de haine pression la liberté du peuple romain est moins
contre tous ceux qui leurconseilleraient la guerre, en danger durant la guerre que durant la paix,
qu'ils ne respectèrent pas même le caractère des au milieu des ennemis que parmi des concitoy ens.
députés, Ils les arrêtent et les conduisent à Rome; Le mécontentement ne ferment lit que trop de
là ils les livrent aux consuls, et annoncent que les lui-même, quand la vue du malheur d'une de
Volsques et les Ilerniques se préparent à faire la ces tristes victimes fit éclater l'incendie. Un vieil-
guerre aux Romains. L'affaire fut soumise au sé- lard se précipite dans le forum tout couvert des

mis luxuriosa ea fuit iaetitia plebi, cui ad pain diem diti consulibus indicalumque est, Volscos Hernicosque
summa ope inservitum erat, injuriæ a primoribus ficri parare bellum Romanis. Relata re ad scnatum, adeo luit
cœpere. Eodem anno Signia colonia, quam rex Tarqui- gratum Patribus, ut et captivorum sex millia Latinis re-
nius deduxerat, suppleto numéro eolonorum, iterum de- mitterent, et de fœ lere, quod prope in perpetuum ne-
ducta est. Romæ tribus una et viginti factæ. Ædes Mer- gatum fuerat, rem ad novos magistratus rejicerent. Emm-
curii dedicata est Idibus Maiis. vero tum Latini gaudere facto, pacis auclores in ingenti
XXII. Cum Volscorum gente latino bello neque pax, gloria esse. Coronam auream Jovi donum in Capitolium
neque bellum fuerat; nam et Volscicomparaverant auxi- mittunt. Cum legatis donoque, qui caplivorum remssi
lia qua· mitterent Latinis, ni maturatum ab dictatore ad suos fuerant, magna circumfusa rnultitudn venit. Per-
rumano esset; et maturavit Komanus, ne prœlio uno cum guut dumos eorum, apud quem quisque servierant; gra-
Latmo Volscoquecontenderet. flac ira consules in Vols- lias agunt, liheraliter habiti cullique in calamitate sua
cum agrurn legiones duxere. Volscos, consilii pœnam inde hospitia jungunt. Nunquam ahas ante publice prlva-
non metuentes,necopinata res percullt. Armorum iinme- timque Latinum nomen romano imperio conjunctus fuit.
mores obsides dant trecentus principum a Cora atque XXIII. Sed et bellum "olscum imminebat, et civitas,
l'omets liberos. lta sine certamine iude abductae legiones. secum ipsa discors, intestine inter patres plebemque fla-
Nec ila multo post Volscis levatis metu sunm redilt in- grabat odio, maxime Iropter nexos ob .es alienum. Fre-
genium: rursus occultum parant bellum Ilernicis in so- mebant, « se, foris pro I berlate et imperio dimicanles,
cit tatem armorum assumptis. Legalos quoque ad sollici- domi a civibus captos et oppressos esse; tutioremque in
tanduin Latium passim dimitlunt. Sed recens ad ltcgil- bello, quam in pace, inter hostes, quam inter cives li-
lum lacum accepta clades Latinos ira odioque ejus, qni- bertatcm plebis esse: invidiamque eam, sua sponte glis-
cun lue arma suaderet, ne ab legatis quidem violandis centem, insignis unius calamitas accendit. Magno natu
allst uuit. Comprehensos Volscos Romam duxere. lbi tra- quldam eum omuium malorum suorum insignibus se in
marques de ses nombreuses souffrances; ses vête- toute part dans la place publique; tous implorent
ments sales et en lambeaux offraient un aspect l'appui de leurs concitoyens. Partout la sédition
moins hideux que sa pâleur, et l'extrême mai- renconire des soutiens les rues sont remplies de
greur de son corps exténué une longue barbe, troupes nombreuses qui se rendent, en poussant
des cheveux en désordre, donnaient une expres- des cris, au forum. Les sénateurs qui s'y trouvè-
sion farouche a ses traits. On le reconnaissait ce- rent coururent un grand danger au milieu de cette
pendant tout défiguré qu'il était; on disait qu'il multitude. On ne les aurait point épargnés si les
avait été centurion tous, en plaignant son sort, consuls P. Servilius et Ap. Claudius ne fussent
rappelaient ses autres récompenses militaires; lui- intervenus pour comprimer la sédition. La multi-
même montrait sa poitrine couverte de nobles ci- tude se tourne aussitôt vers eux elle leur monti e
catrices qui témoignaient de sa valeur en plus ses chaines et tout ce qui atteste ses souffran-
d'une rencontre. On lui demandait pourquoi cet ces était-ce donc là ce qu'ils avaient méritéaprès
extérieur? pourquoi ces traits ainsi défigurés? et, avoir tant de fois combattu pour la république;
comme la foule qui se pressait autour de lui était ils demandent avec menaces plutôt qu'avec priè-
presque aussi nombreuse qu'une assemblée du res que le sénat soit convoqué par les consuls; puis
peuple, il prit la parole «Pendant qu'il servait ils entourent la curie pour influencer et diriger
contre les Sabins, dit-il, sa récolte avait été dé- les délibérations. Un petit nombre de sénateurs,
truite par les dévastations de l'ennemi; bien plus, présents par hasard, se réunissent autour des
sa ferme avait été brûlée, ses effets pillés, ses consuls; la crainte empvche les autres de se rendre
troupeaux enlevés. Obligé de payer l'impôt dans à la curie et même au forum. On ne peut donc
une détresse aussi grande, il s'était vu contraint rien faire, puisque le sénat n'est pas en nombre.
d'emprunter; ses dettes, grossies par les intérêts, La multitude croit alors qu'on la joue, qu'on veut
l'avaient dépouillé d'abord du champ qu'il tenait traîner les choses en longueur; elle prétend que
de son père et de son aieul, puis de tout ce qu'il les sénateurs absents ne sont retenus ni par un
possédait encore bientôt, s'étendant comme un accident ni par la crainte, mais par la volonté
mal rongeur, elles avaient atteint sa personne d'entraver toute mesure; elle accuse les consuls
elle-même. Saisi par son créancier, il avait trouvé de tergiverser, de se faire, on n'en saurait douter,
en lui non un maitre, mais un geôlier et un bour- un jeu de sa misère. Déjà la majesté du consulat
reau. » Là-dessus il montre ses épaules toutes allait être impuissante pour retenir la colère de
meurtries des coups qu'il vient de recevoir. A ces malheureux, lorsque les sénateurs, ne sa-
cette vue, à ces paroles, un grand cri s'élève; chant si par leur absence ils ne s'exposaient pas à
le tumulte ne se borne plus au forum, il se ré- plus de danger que par leur présence, se rendent
pand dans toute la ville. Les débiteurs esclaves eu entin au sénat. L'assemblée était en nombre; mais,
ce moment, et ceux qui sont libérés, s'élancent de sénateurs et consuls, personne n'était d'accord.

fnrum projecit. Obsita erat squalore vestis, fœdior corpo- per omnes vias cum clamore in forum curritur. Magno
ris habitus pallore ac macie perempti. Ad hoc, promissa cum periculo suo qui forte Patrum in foro erant, iu
barba et capilli efferaverant speciem oris. Noscitabatur eam turbam inciderunt nec lemperatum mambus foret,
tameu in tanta deformitate, et ordines duxisse aiebaut, ni propere consules, P. Servilius et Ap. Clauaius, ad
aliaque militiae décora vulgo, miserantes eum, jactabaut. comprimendam seditionem intervenissent. In eos multi-
Ipse, testes honestarum aliquot locis pugnarum, cica- tndo versa ostentarevincula sua deformitatentyuealiam.
trices adverso pectore ostemabat. Sciscitantibus, unde ille Haec se meritos dicere exprobrantes suam qui.que alius
habitus? unde deformitas? yuum circumfusa turba esset alibi militiam. Postulare multo minaciter magis, quam
prope in concionis moduin, «Sabioo bello, ait, se mili- suppliciter, ut senatum vocarent; Curiamque, ipsi futuri
tautem, quia propter poputationes agri non fructu modo arbitri moderatoresque publici consilii, cireuwsistuat.
caruerit, sed villa incensa fuerit, direpta omnia, pecora Pauci admodum Patrum quos casus obtulerat, contracti
abacta tributum iniquo suo tempore imperatum,æs alie- ad consules ceteros metus non Curia modo, sed etiam
num fecisse: id, cunrulatum usuris, primo se agro paterno foro arcebat nec agi quicquam per infrequenliam poterat
aviloque exuisse, deinde fortunis aliis; postremo, velut senatus. Tum vero eludi atque extrahi se multitudo pu-
tabem, pervenisse ad corpus. Ductum se ab creditore, tare et, Patrum qui abessent, non casu, non metu, sed
nou in servitium, sed in ergastulum et carnificinam esse.» impediendaerei causa abesse et consules ipsos tergiver-
Iode ostentare tergum fœdum recentibus vestigiis ver- sari nec dubie ludibrio esse miserias suas. Jam prope
bernm. Ad hæc visa auditaquu clainor ingens oritur. Non erat, ut ne consulum quidem majestas coerceret iras ho-
jam foro se tumultus continet, sed passim totam urbem mmum. Quum, incerti, morando, an veniendo, plus
pervadit. Nemu vincti solutique se undique iu publicum perieuli contrahcrent, tandem in senatum veniunt; fre-
proripiunt, implorantQuiritium fidem. Nullo loco deest quentique tandem euria, non modo inter Patres, sed ne
seditionis voluntarius comes multis passim agmimbus inter consules quidem ipsos, satis convenieba. Appiue,
Appius, homme d'un caractère violent, voulait proposer un autre objet que la guerre. Lors même
faire agir l'autorité consulaire qu'on en saisît un que le danger serait moins pressaut, il ne serait
ou deux et le reste, disait-il, se calmerait bien ni honorable pour le peuple de n'avoir pris les
vite. Servilius, poi té à employer des remèdes plus armes pour défendre la patrie qu'après avoir reçu
doux, pensait qu'il était plus sür et plus facile sa récompense; ni de la dignité du sénat de pa-
d'adoueir que d'abattre des esprits irrités. raître avoir soulagé l'infortune de ses concitoyens
XXIV. Au milieu de ces débats, survient un plutôt par crainte que par bon vouloir, comme il
plus grave sujet de terreur. Des cavaliers latins pourrait le faire ultérieurement. Et, pour que l'as-
accourent avec des nouvelles menaçantes une semblée ajoutât foi à ses paroles, il publia un édit
armée formidable de Volsques vient assiéger Rome. qui défendait « de retenir dans les fers ou en pri-
Cette nouvelle ( tant la discorde avait partagé son aucun citoyen romain, et de l'empêcher ainsi
Rome en deux villes ) affecta bien différemment de se faire inscrire devant les consuls; de saisir
les patriciens et le peuple. Le peuple, dans l'exal- ou de vendre les biens d'un soldat tant qu'ilscrait
tation de sa joie, s'écriait que les dieux allaient à l'armée; enfin, d'arrêter ses enfants ou ses pe-
tirer vengeance de l'insolence patricienne. Les ci- tits-enfanls. » Aussitôt qu'il a publié cet édit, tous
toyens s'exhortaient les uns les autres à ne point les détenus qui étaient présents s'enrôlent, et les
se faire inscrire « il valait mieux périr tous en- autres, comme leurs créanciersn'ont plus de droits
semble que périr seuls. C'était aux patriciens sur eux, s'échappent des maisons où ils étaient
de se charger du service militaire, c'était aux gardés, et accourent eu foule de toutes les parties
patriciens de prendre les armes; les dangers de de la ville au forum pour prêter le serment mili-
la guerre seraient alors pour ceux qui en recueil- taire. Ils formèrent un corps considérable, et ce
laient tout le fruit. » Mais le sénat, triste et fut celui qui, dans la guerre contre les Volsques,
abattu, en proie à la double crainte que lui in- se distingua le plus par son ardeur et son énergie.
spirait le peuple et l'ennemi, conjure le consul Le consul marcha aussitôt contre les ennemis, et
Servilius, dont l'esprit était plus populaire, de il vint établir son camp près du leur.
délivrer la patrie des terreurs qui l'assiégent de XXV. Dès la nuit suivante, les Volsques, comp-
toute part. Alors le consul lève la séance et se rend tant sur les dissensionsdes Romains, s'approchent
à l'assemblée du peuple là il représente que le du camp, espérant provoquer ainsi quelque dé-
sénat est tout occupé des intérêts du peuple; mais sertion nocturne ou quelque trahison. Les senti-
que la délibération relative à cette grande partie nelles s'en aperçoivent et donnent le signal. En un
de l'état, qui pourtant n'en est qu'une partie, a instant toute l'armée est sur pied, et court aux
été interrompue par le danger que court la répu- armes. Ainsi la tentative des Volsques échoua Le
blique tout entière; qu'il est impossible, quand reste de la nuit fut, de part et d'autre, consacré
l'ennemi est presque aux portes de Rome, de se I au repos. Le lendemain, dès la pointe du jour,

vehementis ingenii vir, imperio consulari rem agendam laxamenti aliquid, aut plebi honestum esse, nisi mercede
censebat; uno aut alteroarrepto, quieturosalios.Servi- prius accepta, arma pro patria non cepisse; neque Pa-
liua, lenibua remediis aptior, concitalos animos flecti, tribus satis decorum, per metum potius, quam post-
quam frangi, putabat quum tutius, tum facilius esse. modo voluntate, afllictis civium suorum forunis cousu-
XXIV. Inter hæc major alius terror. Latini equites luisse. Concioni deinde edicto addidit fidem quo edixit
cum tumultuoso advolant nuntio Volscos infesto exer- «Ne quis civem romanum vinctum aut clausum teneret,
citu ad urbem oppugnandam venire. Quæ audita ( adeo quo minus ci nominis edendi apud courules poleslas fie-
ret. Ne quis militis, dones in castris esset, bona possi-
duas ex una civitate discordia fecerat) longe aliter patres
ac plebem affecere. Exsultare gaudio plebes; ultores su- deret, aut veuderet liberos nepotesve ejus moraretur.»
pcrbixpatrum adesse dicere deos. Alius alium conlinuare, Hoc proposito edicto, et, qui aderaut, nexi profiteri ex-
ue uomina darent cum ommbus potius, quam solos, templo nomina; et undique ex tota urbe proripieauntu
perituros.Patres militarent, Patres arma caperent, ut se ex pl1vato. quum retubebdi jus credltori non esset,
penes eosdem pericula belli, penes quos præmia, essent.» concursus in forum, ut sacramento dicerent, tieri. Magna
At vero Curia, msesta ac trepida ancipiti metu et ab cive ea manus fuit; ueque aliorum magis in Volsco bello vir-
et ab hoste, Servilium consulem, cm ingenium magit tus atque opéra enituit. Consul copias contra hostem edu-
populare erat, orare, ut tantis circumveutam terroribus cit parvo dirimente intervallo castra pouit.
espediret rempulicam. Tum consul, misso senatu, iu XXV. Proxima inde nocte Voisci, discordia Romaua
concionem prodit. Ibi cura; esse Patribus ostendit, ut freli, si qua nocturna trunsitio proditiove fieri possit,
cousulatur plebi ceterum deliberationi de maxima qui- tentant castra. Senseie vigdes; excitatus exercitus: signo
dein illa, sed tamen parte civitatis, metum pro universa dato concursum est ad arma. Ha frustra id inceptum Vol-
repubica intervenisse; nec posse, quum hostes prope ad scis fuit; reliquum noctis utrimque quieti datum. Postero
portas esscut, bello prævertrsse quicquam nec, si sit die prima luce Volsci, fossis repletis, vaJ!um invadunt.
les Volsques comblent les fossés et attaquent les dictateur dans la guerre contre les Latins, et il fut
retranchements. Déjà les palissades étaient arra- suivi bientôt par le consul Servilius à la lête d'une
chées de tous côtés et vainement l'armée tout infanterie d'elite. Les ennemis, errant sans ordre,
entière, les débiteurs surtout, demandaient à furent enveloppés par la cavalerie et quand ar-
grands cris le signal du combat. Le consul différait riva l'infanterie,la légion sabine ne put lui résister.
d'en venir aux mains, afin de s'assurer de leurs Fatigués de la marche, des dévastations de la nuit,
dispositions. Dès qu'il ne peut plus douter de leur la plupart répandus dans les métairies, gorgés de
ardeur, il donne le signal de l'attaque, et lance vin et de nourriture, trouvèrent à peine assez de
contre l'ennemi ses soldats avides de combattre. force pour fuir. Une seule nuit avait appris et ter-
Dès le premier choc les Volsques sont repoussés; miné la guerre contre les Sabins. Le jour suivant,
ils prennent la fuite, et l'infanterie les taille en chacun se flattait déjà qu'on avait conquis la paix,
pièces aussi loin qu'elle peut les atteindre. La ca- quand une députation des Aurunces se présenta
valerie les poursuit, frappés d'épouvante,jusqu'à dans le sénat « Si les Romains dans le même mo-
leur camp bientôt le camp lui-même est entouré ment n'évacuent le territoire des Volsques, ils
par les légions; et comme déjà la peur en avait leur déclarent la guerre. » Dans le même mo-
chassé les Volsques, il est pris et livré au pillage. ment où partaient les députés, l'armée des Au-
Le lendemain l'armée est conduite devant Suessa- runces s'était mise en campagne. Quand on ap-
Pométia où s'était réfugié l'ennemi. En peu de prit qu'elle s'était montrée non loin d'Aricie, cette
jours la ville est prise et saccagée; ce fut une nouvelle excita une telle agitation parmi les Ro-
ressource pour le soldat nécessiteux. Le consul, mains, que le sénat ne put délibérer dans les for-
couvert de gloire, ramena son armée à Rome, mes, ni faire une réponse mesurée aux agresseurs,
Dans sa marche il reçut une députation des Vols- obligé qu'il était lui-mcme de prendre les armes.
ques Écétrans, que la prise de l'ométia faisait On se porte à marche forcée sur Aricie, et non
trembler pour eux-mêmes. Un sénatus-consulte loin de là, on en vient aux mains avec les Aurun-
leur accorda la paix; mais en les dépouillant de ces une seule action termina la guerre.
leur territoire. XXVII. Après la défaite des Aurunces, les Ro-
XXVI. Aussitôt après, lesSabins jelèrentl'alarme mains, tant de fois vainqueurs en si peu de jours,
dans Rome ce fut plutôtunealerte qu'une guerre. attendaient l'effet des promesses de Servilius et
On vint, de nuit, annoncer dans la ville que l'ar- des engagements pris par le sénat. Mais Appius,
mée sabine s'était avancée jusqu'aux bords de l'A- ne prenant conseil que de la dureté naturelle de son
nio, ravageant tout sur son passage; que, parve- caraclère, et du désir qu'il avait de diminuer le
nue là, elle pillait et brûlait les métairies du voi- crédit de son collègue, déploya la plus grande ri-
sinage. On envoya sur-le-champ contre eux, avec gueur dans le jugement des débiteurs. Il faisait li-
toute la cavalerie, A. Postumius, qui avait été vrer aux créanciers ceux qui avaient été détenus

Jamque ab omni parte munimenta vellebantur, quum equitum A. Postunmx, qui dictator bello Latino fuerat;
consul, quanquam cuncti undique, et ned ante omnes, seculus consul Scrr ilius cum delecta peditum mauu. Ple-
ut signum daret, clamabant, experiendi animos militum rosque palantes equcs circumvenit; nec advenienti pedi-
causa parumper moratus, postquam satis apparebat in- tum agmini restitit Sabma legio. Fessi tum itinere, tum
gens ardor, dalo tandem ad erumpendum sgno, mili- populatutue noclurna, magna pars in villis repl ti cibo
tem avidum certaminis emittit. Primo statm incursu vinoque, vix fugæ quod satis esset virium habuere. Nocte
pulsi hostes; fugientibus, quoad insequi pedes potuit, una audito perfectoque bello Sabmo, postero die, in
terga cæsa; eques usque ad castra pavidos egit. Mox ipsa magna jam spe undique partæ pacis, legati Aurunci se-
castra, legionibus circumdatis, quum \olscos mde etiam uatum adeunt, ni decedatur Volsco agro, bellum indi-
pavor expulisset, capla direptaque. Postero die ad Sucs- centes. Cum legatis simul exercitus Auruncorum domo
sam Pometiam, quo confugerant hostes, legiombus duc- profeetns erat; cujus fama, haud proeul jam ab Aricia
tis, intra paucos dies oppidum capitur; ciptum prædæ visi, tmto tumuttu concivit Romanos, ut nec consuli or-
datum inde paullum recreatus egens miles. Consul rum diuc patres, nec pac.itum responsum arma inferentibus
maxima gloria sua victorem exercitum Romani reducit; arma ipsi capicntesdare posseut. Ariciam infesto agmme
decedentem Romam EcetranorumVolscorum legati ré- itur; ncc procnl inde cum Auruucis sigua coliat i, piæ-
bus suis timentes post Pometiam captam adeunt. His ex tioqne uuo deb llatnm est.
senatusconsulto data pax, ager ademptus. XXVII. Fusis Auruncis, victor tot intra paueos dies
XXVI. Confestim et Sabini Romanos terrilavere; tu- bellis Romanus promissa consulis fidemque senatus ex-
niultus l'nim fuit venus, quam bUlum. Nocte in urbe sp ctabat; quum Appius, et insila superbia ammo, et ut
numtiatum est, exercitum Sabinum prædabundum ad co legæ vanam faceret fidem, quam asperrime polterat,
Amenem amnem pervenuse; ibi passim diripi alque in- jus de creditis pecuni s dicere. Deinceps et, qui anle nexi
ceudi villas. blissus extemplo co cum omnibus copins fueraut, crednoribus tradebantur, et dectebantur aln.
précédemment,et leur en abandonnait d'autres en- cru, s'engageait dans une voie toute différente de
core. Quand ces arrêts tombaient sur un soldat, il en celle qu'il avait suivie d'abord. Désespérant d'ob-
appelait au collègue d'Appius. On courait en foule tenir aucun secours du sénat et des consuls, dès
auprès de Servilius on faisait valoir ses promes- qu'il voyait traîner en justice un débiteur il
ses, et tous lui rappelaient leurs services et leurs accourait de toutes parts; le bruit et les cla-
blessures, comme pour lui reprocher son manque meurs empêchaient d'entendre l'arrêt du consul
de foi. Ils demandaient ou qu'il soumit l'affaire au et quand il était prononcé, personne n'obéissait;
sénat, ou qu'il protégeât ses concitoyens, comme on recourait à la violence. La terreur et le dan-
consul ses soldats, comme général. Ces discours ger de perdre la liberté passa des débiteurs aux
ébranlaient Serv ilius, mais les circonstances l'obli- créanciers, quand ceux-ci virent que, sous les
geaient de tergiverser. Ce n'était pas seulement yeux même du consul, la multitudeosait les mal-
son collègue c'était toute la faction des nobles qui traiter l'un après l'autre. La crainte d'une guerre
s'était précipitée avec ardeur dans le parti opposé. avec les Sabins vint encore agraver la situation.
Aussi, en restant neutre, il ne put ni éviter la On ordonna une levée de troupes: personne ne ré-
haine du peuple ni se concilier la faveur du sé- pondit à l'appel. Appius, furieux, s'en prenait à
nat. Les patriciens voyaient en lui un consul sans la lâche condescendance de son collègue, qui, par
énergie, et un ambitieux; le peuple, un homme son silence populaire, trahissait la république, et
sans-parole: et l'on put bientôt se convaincre qu'il qui, non content de ne pas juger les débiteurs,
était aussi odieux qu'Appius. Les deux consuls se ne faisait pas la levée ordonnée par le sénat.
disputaientl'honneur de faire la dédicace du tem- e Toutefois, ajoutait-il, la république n'est pas
plc de Mercure. Le sénat renvoya au peuple la dé- entièrementabandonnée, l'autorité consulaire li-
cision de cette affaire, en ordonnant que celui des vrée au mépris. Quoique seul je saurai venger la
deux que le peuple aurait chargé de la consécra- majesté du sénat et la mienne. » Et, comme de-
tion, serait chargé de la surintendance des vivres, venue plus hardie par l'impunité, la multitude
établirait le collége des marchands, et célébrerait entourait chaque jour son tribunal, il fait arrêter
les solennités religieuses au lieu et place du pon- l'un des instigateurs de,la sédition. Celui-ci, en-
tife. Le peuple confia la dédicace du temple à traîné par les licteurs, en appelle au peuple de la
M. Lactorius, centurion du premier manipule des sentence du consul. Appius, certain d'avance de
Triaires. Il était facile de reconnaître qu'il en avait la décisiondu peuple, n'aurait pas fait droit à l'ap-
agi ainsi moins pour honorer Lactorius, en lui pel, si les conseils et l'autorité des principaux sé-
décernant une mission au-dessus de son rang, que nateurs, plus encore que les cris de la multitude,
pour faire un affront aux consuls. Dès ce moment, n'eussent, et cela non sans peine, triomphé de
Appius et les patriciens s'abandonnèrentà leur fu- son opiniâtre résistance; tant il était fermement
reur mais le peuple, dont le courage s'était ac- résolu à braver la haine de ses ennemis. Cepeu-

Quod uhi cui militi inciderat, collegam appellabat; con- quum lu jus duci debitorem vidissent, undique convola-
cursus ad Senvilium fiebat, illius promissa jactabant, illi bant. Neque decretum exaudiri consulis proe strepilu et
exprobrabant sua quisque belli merita cicatricesque ac- clamore poterat; neque, quum decresset, quisquam ob-
ceptas. Poslulabant, ut aut referret ad senatum; aut ut temperabat. Vi agebatur, metusque omnis et periculum
auxilioesset consul civibus suis, imperator mihtibus, Mo- libertatis, quum iu conspectu consulis singuli a pluribus
vebant consulemha:c; sed tergiversarires cogebat; adeo violarentur, in creditores a debitoribus verleraut. Super
in alteram causam non collega solum præceps ierat, sed ha?c timor incessit Sabini belli; delectuque decreto, ne.
omnis factio nobilium. Ita, medium se gerendo, nec ple- mo nomen dedit, furente Appio, et insectante ambitio-
his vitavit odium, nec apud patres gratiam iniit. Patres nem collegæ, qui populari silentio rempublicam pro-
tnullemconsulem et ambitiosum rati; plebes fallacem deret, et ad id, qnod decredita pecunia jus non dixisset,
brevique aplaruit, æquasse eum Appii odium. Certamen adjiceret, ut ne delectum quidem ex senatuseoonsulto ha-
consulibus mciderat, uter dedicaret Mercurii ædem. Se- beret. « Non esse tamen desertam omnio rempublicam,
natus a se rem ad lopulum rejecit; utri eorum dedicatio neque projeclutn consulare imperium. Se unum et sua-
jussu populi data esset, eum præesse annonæ, mercato- et patrum majestatis vindicem fore.. Quum circumstaret
rum collegium institurer, snllenuia pro pontifici jussit quotidiana multitudo licenlia accensa, arripi unum insig-
suscipere. Populus dedicalionem a-dis dat M. Lætorio, nem ducem seditionum jussit. llle, quum a licloribus
pruni puli centurioni; quod facle appareret, non tam ad jam traberetur, provocavit, nec cessisset provocationi
houorem ejus, cui curatro altior fastigio suo data esset, consul, quia non dubium erat populi ludicium, msi œgre
lactum, quam ad consulum ignominiam. Sævire inde victa pertinacia foret, consilio magis et auctoritate prin-
atique consulum aller patresqne; sed plebi creverant cipum, quam populi clamore adeo supererant animi ad
animi; et longe alia quam primo institurant, ria gras- sustinendam invidiam. Crescereindemalumin dies, non
isbantur. Desperato enim consulum senatusque amxilio, clamoribus modo apertis, sud, quod multo pernielosius
dant 1e mal croissaitde jour en jour ce n'étaient ternient dans leur conduite toute l'aclivité, toute
plus seulement des clameurs, mais, chose plus l'énergie que le sénat pourrait exiger. On leur en-
pernicieuse encore, on s'attroupait à l'écart, on joint de presser l'enrôlement avec la plus grande
tenait des conférences secrètes. Enfin les deux vigeur; la licence du peuple vient de son désœu-
consuls,odieuxaupeuple, sortirentdecharge, Ser- vrement. La séance levée, les consuls montent sur
vilius détestédes deux partis, Appius chéri des pa- leur tribunal; ils citent par leur nom tous les jeu-
triciens. nes gens mais personne ne répond, et la foule
XXVIII. A. Virginius etT. Vetusius leur succé- qui les entoure, aussi nombreuse que dans une as-
dèrent dans le consulat. Cependant le peuple, in- semblée générale, déclare « qu'il n'est plus possi-
certain des dispositions qu'il rencontrerait dans ble de tromper le peuple qu'on n'aura pas un sol-
les nouveaux consuls, tenait des assemblées noc- dat avant d'avoir rempli des engagements contrac-
turnes aux Esquilies et sur l'Aventin. Il voulait tés solennellement; qu'il fallait rendre la liberté au
éviter, dans le Forum, l'agitation des résolutions peuple avant de lui donner des armes; qu'ils veu-
soudaines et ne plus agir aveuglément et au ha- lent combattre pour une patrie, pour des conci-
sard. Les consuls virent bien à quel point cette toyens, et non pour des tyrans. Les consuls
conduite était dangereuse ils firent leur rapport n'oubliaient pas ce que le sénat leur avait pres-
au sénat; mais il leur fut impossibled'obtenir une crit mais de tous ceux qui avaient parlé si haut
délibération régulière. Ils furent accueillis par les dans l'enceinte de la curie aucun ne se présen-
clameurs tumultueuses et par l'indignation géné- tait pour partager avec eux la haine du peuple, et
rale des sénateurs, qui ne pouvaient concevoir que la lutte paraissaitdevoirêtre opiniâtre. Avant done
des consuls, quand ils devaientagir de leur propre que d'en venir aux dernières extrémités, ils jugè-
autorité, voulussent faire retomber sur le sénat rent à propos de consulter de nouveau le sénat;
l'odieux de leurs mesures. « Assurément si Rome maisalors tous les jeunes patriciens s'élancent vers
avait des magistrats, on n'y tiendrait que des as- leurs sièges consulaires, et leur ordonnent d'abdi-
semblées publiques. Mais aujourd'hui tous ces quer le consulat, de quitter une dignité qu'ils
couciliabules, qui se réunissentles uns aux Esqui- n'ont pas le courage de défendre.
lies, les autres sur l'Aventin, divisent et morcel- XXIX. Après cette triste expérience des disposi-
lent la république en mille sénats en mille comi- tions de l'un et l'autre parti, les consuls prennent
ces. Oui, par Hercule, un seul homme (car enfin la parole « Vous ne nous reprocherez pas,
l'homme fait plus que le consul), un seul homme, Pères conscrits, de ne pas vous l'avoir prédit une
les qu'Ap. Claudius, eût, en moins d'un instant lerribleséditionnous menace. Nous demandons que
dissipé tous ces rassemblements. » A ces repro- ceux-là qui nous accusent de lâcheté se tiennent à
ches, les consuls répondirent en demandant ce nos côtés lorsque nous procéderons à l'enrôlement.
qu'on voulait qu'ils fissent, assurant qu'ils appor- Puisqu'on le veut ainsi, nous conduirons cette af-

erat, secessione occultisque colloquiis. Tandem invisi tum quam acerrimum habeant; otin lascivire plelrem.
plchi consules magistratuabeunt, Servilius neutris, Ap- Dimisso senatu, consules in tribunal ascendunt; citant
pius patribns mire gratus. nominatim juuiores.Quum ad nomen nemo respunderet,
XXV III. A. Virginius inde et T. Vetusius consulatum circumfusa multitudo in concionis modum negare, ultra
ineunt.Tum vero plebes, incerta quales habitura cousu- deripi plehem posse. « Nunquam unnm militem habituros,
les esset, cœtus nocturnos, pars Esquiliis, pars in Aven- oi præslarelur fides publica. Libertatem unicuique pr us
tino, facere; ne in foro subitis trepidaret consiliis, et reddendam esse, quam arma danda; ut pro patria civi-
omnia temereac fortuito ageret. Eam remconsules rati, busque, non pro dominis, pugnent.» Coosules,quid man-
ut erat, perniciosam, ad patres deferunt sed delatam datum esset a senatu, videbant; sed eorum, qui intra
consulere ordine non hcuit adeo tumultuose excepta est parietes Curiæ ferociter loquerentur, nemmem adesse,
clamoribus undique et indignatione patrum, si, quod invidiæ suæ participem et apparebat atroi cum plebe
imperio consulari exsequendum esset, invidiam ejus cou- certamen. Prius itaque, quam ultima experireulur, se-
snles ad senatum rejicerent. « Profecto si essent in repu- natum iterum consulere placuit. Tum vero ad sellas con-
blica magistratus, nullum futurum fuisse Romæ, nisi sulum prope contotavere minimus quisque natu patrum.
publicum, concilium. Nunc in mille curias concionesque abdicare consulatum jubentes, et deponcre imperium,
(quum alia in Esquiliis, alia in Aventino fiant concilia) ad quod tuendum animus deesset.
dispersant et dissipatam esse rempublicam. Unum, her- XXIX. Ltraque re satis esperta tum demum consu-
cule, virum id emm plus esse, quam consulem ) qualis les: « Ne prædrctum negeiis, patres conscripti ad, sim-
A p. Claudus fuerit, momento temporis discussurum illos
gens seditio. Postulamus, ut ii, qui maxime ignaviam
cœtus fuisse, » Correpti consules quum, quid ergo se facere increpant, adsint nobis habentibus delectum. Acerrimi
vellent, nihil enim segnius molliusve, qnam patribus cujusque arlrilrio, quando ita placet, rem agemus. Re-
placeat, acturos » percunctarentur, decernunt, utdelec- deunt in tribunal, citari nominalim umum ex ils, qui la
faire au gré des esprits les plus fougueux. o Ils re- qui s'étendit tous; que faire des distinctions en-
leurnent à leur tribunal et font à dessein citer de tre les débiteurs, c'était plutôt allumer la discordo
prélércnce un des citoyens qui étaient sous leurs que l'éteindre. Ap. Claudius, dont la dureté na-
yeux. Comme il restait à sa place sans répondre turelle était encore exaspérée par la haine du peu-
et que déjà la foule se pressait autour de lui pour ple et par les louanges des sénateurs, s'écria que
empêcher qu'on lui fit violence, les consuls en- c'était moins la misère que la licence qui avait
voient, pour le saisir, un licteur, qui est repoussé; donné lieu à tous ces désordres; qu'il y avait dans
alorsccux des sénateurs qui se tenaient auprès des le peuple plus d'insolence que de désespoir, et
consuls s'écrient que c'est un indigne attentat, et que tous ces maux venaient du droit d'appel. Qu'il
ils s'élancent du tribunal pour prêter main forte ne restait aux consuls que des menaces et non du
au licteur. Le peuple aussitôt abandonne le licteur pouvoir, depuis qu'il était permis aux coupables
qu'il avail seulement empêchéd'arrêter le citoyen, d'en appcler à leurs complices. « Croyez-moi
et veut se jeter sur les sénateurs,; mais les consuls ajouta-t-il, créons un dictateur dont les jugement
interviennent et apaisent la rixe, où toutefois l'on soient sans appel et cette fureur, qui menace de
n'en était venu ni aux pierres ni aux traits, et où tout embraser, vous la verrez s'éteindre à l'instant
l'on avait vu recours aux cris et à la colère bien même. Oseront-ils repousser un licteur lorsqu'ils
plus qu'à la violence. Le sénat, rassemblé tumul- sauront que le droit de faire frapper de verges le
tueusement, délibère plus tumultueusement en- coupable et de lui Ôter la vie appartient exclusi-
core. Les sénateurs qui venaient d'être maltraités vcment au magistrat dont on aura outragé la
demandent une enquête; les plus emportés les majesté?
appuient moins de leur opinion que de leurs vo- XXX. La plupart trouvaient l'avis d'Appius ce
ciférations et de leur bruit. Enfin, lorsque cet qu'il était en effet, d'une rigueur atroce. D'un
emportement se fut calmé à la voix des consuls, autre côté, ceux de Virginius et de Lartius étaient
qui se plaignent de ne pas trouver plus de sa-esse d'un dangereux exemple et celui de Lartius sur-
au sénat qu'au forum, la délibération devint plus tout était de nature à ruiner tout crédit. L'opinion
régulière. Trois avis furent proposés. P. Virginius deVirginius paraissait sagement modérée et égale-
dcmandait que la mesure ne fût pas générale, et ment éloignée des deux excès.Mais l'esprit de parti
qu'elle s'étendit seulement à ceux qui, se fiant à et les considérations personnelles, ces ennemis
la bonne foi du consui P. Servilius, avaient porté constants du bien public, firent triompher Appius;
les armes contre les Volsques, les Aurunces et les peu s'en fallut même qu'il ne fût nommé dicta-
Sabins. T. Larlius disait que ce n'était point le teur, ce qui eût pour jamais aliéné le peuple dans
moment de ne payer que les services rendus; que une circonstance ci itique où le hasard voulut que
tout le peuple étant noyé de dettes, on ue pou- les Volsques, les Èques et les Sabins prissent tous
vait arrêter le mal qu'en prenant une décision à la fois les armes; mais les consuls et les plus

conspectu erant, dedita opera jubent. Quum staret ta- discordiam, quam sedari. Ap. Claudius, et natura im-
ctus, et circa eum aliquot hominum, ne forte violare- mitis, et efferatus hinc plebis odio, illine patrum laudl-
tur, con,tilis,et plobus, lictorem ad eum consules mit- bus, Non miseriis, ait, sed licentia, tantum concitum
tunt. Quo repulso, tum vero, « iodiguum facinus esse,» turbarum; et lascivire magis plebem, quam sævire. Id
clamitantes, qui patrum consulibus aderant, devolant de adeo malum ex provocatione natum; qmppe minas esse
tribunalt, ut lictori auxilio essent. Sed ab lictore, nihil coosulum, non imperium, ubi ad eos, qui una peccave-
alind quam prehendere prohibito, quum couversus in rint, prmocare liceat. Ageduin, inquit, dictatorem, a
t'atres impetus esset, consulum intercursurixa sedata est: quo provocatio noo est, creemus. Jam hic, quo nunc mn-
in qna tamen, sine lapide, sine telo, plus clamoris atque nia ardent, conticescet furor. Pulset tum mihi liclorem,
irarum. quam injuriæ, fuerat. Senatus, tumultuose vo- qui sciet, jus de tergo vitaque sua penes unum ilium esse,
catus, tumultuosius consulitur, quæstionempostulantibus cujus majestatemviolarit. »
iis, qui puisati fueraut, decernente ferocissimo quoque, XXX. Muftis, ut erat, horrida et atrox videbatur
non sententiis magis, quam clamore et strepitu. Tandem Appii sententia rursus Virginii Lartiique elemplo haud
quum iræ resedissent, eiprobrantibusconsulibus,nihilo salubres; utique Lartii putabant sententiam, quai totam
plus sanitalis in Curia, quam in foro, esse, ordine con- fidem tolleret: medium maxime et moderatum utroque
suli eœpit, Tres fuere sententiæ. P. Virginius rem non consilium Virginii habebatur. Sed factione respectuque
vulqahat: de iis tantum, qui, fidem secuti P. Servili rerum privatarum, qux semper offecere officientque pu-
consulis, Volsco, Aurunco, Sabinoque militassent bello bilicis consihis, Apprus vicit ac prope fuit, ut dictator
agendum censebat. T. Lartius, non id tempus esse, ut !lie idem crearetur. Quæ res utique alienasset plehem pe-
mérita tantummodo exsolverentur; totam plebem aère rtculosissimo tempore, quum Volsci Æquique et Sab ni
alieno demersam esse nec sisti posse, ni omuibusconsu- forte una omaes in armis essent. Sed curæ tuit consuli-
latur. Quin si alia aliorum sit conditio, accendi magis bus et senioribus putrum, ut imperium, suo ve.icmctu.
âgés des sénateurs curent soin de confier une ments. Les Vasques l'emportaient un peu par le
magistralure violente par elle-mcme, à un homme nombre; fiersde cet avantage, ils marchèrent les
d'un caractère conciliant on créa dictateur Ma- premiers au combat, en désordre et avec une
mus Valurius, fils de Volésus. Le peuple voyait sorte de mépris. Le consul ne fit point avancer son
bien que c'était contre lui qu'on avait créé un dic- armée; il défendit à ses soldats de crier, leur or-
tateur mais, comme la loi sur l'appel avait élé donnantde rester en place, lejavcloten terre, etde
portée par le frère de Valérius, il ne croyait avoir ne s'élancer que lorsqu'ils seraient à portée mais
à redouter de cette famille aucun acte de colère alors de les attaquer vivement et de terminerl'af-
ou d'orgueil. L'édit publié sur-Ic-cliamp par le faire à coups d'épée. Les Volsques, fatigués de cou-
dictateur rassura les esprits il était presque sem- rir et de crier, arrivent en face des Romains, dont
blable à celui du consul Servilius; mais, comme ils prennent l'immobilité pour l'étonnement de la
on avait plus de confiance dans l'homme et daus frayeur. Mais, quand ils les voient se mettre en
son aulorité, on se Gt inscrire sans résiatance. mouvement, quand ils voient les épées briller à
Jamais armée n'avait été aussi nombreuse on put leurs yeux ils se troublent et s'enfuient comme
former dix légions, On en donna trois à chacun s'ils étaient lombés dans une embuscade; et comme
des consuls, le dictateur se réserva les quatre au- ils avaient chargé au pas de course, il ne leur reste
tres. On ne pouvait différer plus longtemps la pas même assez de forces pour fuir. Les Romains,
guerre. Les Èques avaient envahi le Latium; des au contraire s'élant tenus tranquilles au com-
orateurs, députés par les Latins, venaient de- mencement du combat, pleins de vigueur, attei-
mander au sénat ou de leur envoyer du secours, gnirent sans peine un ennemi fatigué, emportèrent
ou de leur permettre au moins de prendre les ar- son camp d'assaut et le pokirsuinireiit jusqu'à Vé
mes pour la défeuse de leurs frontières. il parut litres. Vainqueurs et vaincus se précipitèrent
plus prudent de défendre les Latins désarmés, pêle-mêle dans la ville, et là, dans le massacre
que de leur remettre les armes à la main. Le clé- de tous les citoyens, sans distinction, on répan-
part du consul Vétusius fit cesser les ravages. Les dit plus de sang que dans le combat. On n'épar-
Lques se retirèrent de la plaine, et se fiant à de gna qu'un petit nombre d'habitants qui vinrent
fortes positions bien plus qu'à leurs armes, ils désarmés se rendre à discrétion.
cherchèrent leur sûrclé sur le sommet des mon- XXXI. Pendant cette expédition chez les Vois-
tagnes. L'autre consul, parti contre les Volsques, ques, te dictateurcombat les Sabins, où était le plus
se mit, pour ne pas perdre de temps, à ravager le fort de la guerre, les défait, les met en fuite et s'em-
territoireennemi, puis tes força de rapprocherleur pare de leur camp. Par une charge de sa cavalerie
camp du sien, et d'en venir à une bataille rangée. il avait jeté la confusion dans le centre de leur
Une plaine séparait les deux camps les deux armée, dont ils avaient inhabilement diminué la
armées s'y dévcloppèrcnt devant leurs relranche- profondeur, pour donner plus de développementà

mansueto permitteretur ingenio. M. Valerium dictatorem temptim pugnam iniere. Consul romanus nec promovit
Volesi filium créant. l'lebes, etsi adversus se creatum aciem, nec clamorem reddi passus, defixis pilis stare
dictatorem videbat, tamen, quum provocationem fratris suos jussit ubi ad manum vemsset hostis, tum coortos
lege haberet, nihil ex ea familia triste nec superbum ti- tota vi gladiis rem gerere. Volsci, cursu et clamore fessi,
mahat. Edictum deinde a dictatore propositum confir- quum se velut stupentibus metu intulissent Romanis,
mavit animos, Servilii fere consulis edicto conveniens: postquamimpressionemsensere ex adverso factam, étante
sed et homini et poteslatimelius rati credi, om.sso certa- oculos micare gladios, baud secus, quam si in insidias
mine nomina dedere. Quantus non ¡uam ante exercitus, iucidissent, turbati vertunt terga; et ne ad fugam quidem
legioncs decem effeclæ: ternae inde datæ consulibus, satis virium fuit, quia cursu m prælium ierant. Rumani
quatuor dictator usus. Nec poterat jam bellum differri. contra quia principio pugnae quieti steterant, vigentes
Æqui Latiniim agrum iuvaserant. Oratores Latinorum a corporibus. facile adepti fessos, et castra impetu cepe-
seoatu pelebant, ut aut mitterent subsidhum, autse ipsos runl, et castris exulum hostem V elitras persecuti, uno
tuendorum fimum causa capere arma sinerent. Tutius agmine victores cum victis in urbem irrupere plusque
visum est, defendi inermes Latinos, quam pati retraclare ibi sanguinis, promiseua omnium generum cæde, quam
arma. etusius consul missus est; is finis pnpulationihus in ipsa dimicat one, factum. Pauci. data venia, qui iner-
fuit. Cessere Æqui campis, locoque magis, quim armais, mes in deditionem venerunt.
freti summis se jugis mnutium tutabautur.Alter consul, XXXI. Dum hœc in Volscis geruntur, diclator Sabinos,
in Volscos profectus, neet ipse tereret tempus, vastaudis ubi longe plurimum belli fuerat, fundil, fugatque, exuit
maxime agris hostem ad conferenda propius castra dmli- que castris. Equitatu immisso mediam turbaveratbostium
canduinque acie caciv it. Medio inter castra campo, ante aciem qua dum se coruua latius paudunt, parum apte
suum quisque vallum infestis siguis constitere. Multitu- int orsum ordinibus aciem firmaverant. Turbatos pedes
dine aliquantum Volsci siperabant. Itaque effusi et con- imvasit; cooem impeta castra cap'a debellatunqueest.
scs ailcs. L'infanterie se précipite sur les enno- lui-même. Valérius, après le retour du consul
mis en désordre. Du même effort, on emporta le Vétusins, voulut que le sénat s'occupât, avant
eamp, et l'on mit fin à la guerre. Après la bataille toutes choses, du sort de ce peuple victorieux, et
du lac Régille, il n'y eut point, dans cette pé- lit un rapport sur le pai li qu'on devait prendre à
riode, de combat plus mémorable. Le dictateur l'égard des débiteurs insolvables. Voyant sa pro-
rentra dans Rome en triomphe. Indépenlamment position rejelée. u Je vous déplais, dit-il, parce
des h «meurs accoutume, on lui accorda, pour que je conseille la concorde. Vous désirenz bien-
lui etses descendants, une place particulière dans tôt, j'en atteste le dieu de la bonne foi, que les
le Cirque pour assister au spectacle, et l'on y fit patrons du peuple me ressemblent. Pour moi, je
poser une chaise curule. Les Volsques vaincus se ne veux point tromper plus longtemps me, conci-
virent eulever le territoire de Vélitres, que l'on toyens, et garder une magistrature inutile. Les
repeupla en y envoyant une colonie romaine. discordesciviles, les guerres étrangères ont force
Quelyue temps après on en vint aux mains avec les la république à recourir à la dictature. La paix est
Èques: ce fut, il est vrai, contre l'avis du con- assurée au dehors, elle trouve des obstacles au
sul, qui trouvait la position défavorable pour atta- dedans. J'aime mieux être témoin de la sédition
quer l'ennemi; mais, accusé par ses soldats de comme citoyen que comme di 'tateur. o A ces mots
trainer les choses en longueur pour laisser le dic- il sortit du sénat, et abdiqua la dictature. Les
tateur sortir de charge avant leur retour dans la plébéiens virent dans l'indignation que lui ins-
ville, et rendre par là ses promesses aussi vaines pirait leur sort le motif de son abdication. Aussi,
que l'avaient déjà été celles du consul, il se dé- l'ayant en quelque sorte slégagé de sa parole, puis-
cida, peut-être imprudemment,à gravir les mon- qu'il n'avait pas été en sou pouvoir de la remplir,
tagnes qu'il avait devant lui. Cette téméraire en- ils le conduisirent à sa maison au milieu des élo-
treprise eut un heureux succès, grâce à la lâcheté ges et des applaudissements.
des enuemis, qui, sans attendre qu'on fût à la XXXII. Les patriciens craignirent alors que si
portée du trait, effrayés de l'audace des Romains, on licenciait l'armée, il ne se formât de nouveau
abandonnèrent leur camp que fortifiait la position des conciliabules et des conjurations. Aussi, quoi-
la plus avantageuse, et se précipitèrent dans la que ce fût le dictateur qui eût levé l'armée, comme
vallée opposée. Le butin fut considérable, et la les troupes avaient prêté serment entre les mains
victoire ne coûta point de sang. Malgré le triple des consuls, le sénat, persuadé que les soldats
succès obtenu dans la guerre, les patriciens et le étaient liés par leur serment, prétendit que les
peuple n'avaient point cessé de songer àl'issue des Èques avaient recommencé la guerre, et, sur
ce
affaires intérieures. Les créanciers avaient em- prétexte, ordonna aux légions de sortir de la ville;
ployé tout leur crédit et tout leur art pour frus- cette mesure hâta la sédition. Et d'abord il fut, à
trer, non-seulement le peuple, mais le dictateur ce qu'on dit, question de massacrer les consuls,

Post pugnam ad Regillum lacum non alia illis annis pugna babuit pro victore populo, retulitque, quid nelis fieri
clarior fuit. Dictator triumphans Urhem invehitur super placret. Quæ quum rejecta relatio esset, Non placeo,
solitos honores locus in Circo ipsi poaterisque ad specta- inquit, concordiæ auctor optabitis, medius fidius, pro-
clilum datus; sella iu eo loco curulis posite. Volscis de pediem, ut tnei similes Romana plebes patronos habent.
victis Veliternus Dger adeptus; Velilras coloni ab urbe Quod ad me atlinet, neque frustrabor ultra cives meos,
missi et colonia deducta. Cum Æquis post aliquanto pug- neque ipse frustra dictator ero. Discordiæ intestinæ,
natum est, invito quidem coiisule, quia loco iniquo sub- bellum externum fecere, ut boc magistratuegeret respu-
eundum erat ad hostes sed milites, extrahi rem crimi- blica. Pax foris parta est, domi impeditur.Privatus po-
nantes, ut dictator, priusquam ipsi redirent in urbem, tius, quam dictator, seditioni interero. Ita, Curia egres-
magistratu abiret, irritaque, sieut ante consulis, pro- bus, dictatura se abdicavit. Apparuit causa plebi, suam
missa elus caderent, perpulere, ut forte temere in ad- vicem indignatem magistratu abisse. Itaque velut per-
versos montes agmen erigeret. Id male commissumigna- soluta ride, quoniam per eum non stetisset, quin pre'sta-
via hostium in bonum vertit; qui, priusquam ad conjec- retur, decedeutem domum cum favore ac laudibus pro-
tum teli veniretur, obstupefach audacia Romanorum, secuti sunt.
reliclis castris, quæ munilissimis tenuerant locis, in XXXII. Timor inde patres incesait, ne, si dimissus
averses valles desiluere: ubi satis prædæ et victoria in- exercitus foret, rursus co'tus occulti coniurationesque
cruenta fuit. Ita trifariam re bello bene gesta, de domes- fièrent. Itaque, quanquam per dictatorem delectus habi-
ticarum rerum eventu nec patribus nec plebi cura deces- tus esset, tamen, quoniam in consulum verba jurassent,
seral; tanta quum gratia, tum arte præparaverantfene- sacramento teneri militem rati, per causam renovati ab
ratores, quæ non modo plebem, sed ipsum eham dicta- Æquis belli educi ex urbe legiones jussere quo facto
torem frustrarentur. Namque Valerius post Vetusii maturata est seditio. Et primo agitatum dicitur de consu-
consulis reditum, omnium actionum in senatu primam lum cwde, ut solverentur sacramento doctos deinde,
afin de se degager du serment; mais comme on par leurs soins, leurs travaux, leur ministère,
leur représenta que le crime ne saurait relever tandis que, tranquille au milieu d'elles, il ne fai-
d'un engagement sacré, les soldats, d'après l'avis sait que jouir des plaisirs qu'elles lui procuraient.
d'un certain Sicinius, et sans l'ordre des consuls, Elles formèrent donc une conspiration les mains
se retirèrent sur le mont Sacré, au delà du fleuve refusèrent de porter la nourritureà la bouche, la
Anio, à trois milles de Rome. Cette tradition est bouche de la recevoir, les dents de la broyer.
plus répandue que celle de Pison, qui prétend que Tandis que, dans leur ressentiment, ils voulaient
la retraite eut lieu sur le mont Aventin. Là, sans dompter le corps par la faim, les membres eux-
aucun chef, ils restèrent tranquilles durant quel- mêmes et le corps tout entier tombèrent dans une
ques jours dans un camp fortifié par un retranche- extrême langueur. Ils virent alors que l'estomac
ment et par un fossé, ne prenant que ce qui était ne restait point oisif, et que si on le nourrissait,
nécessaire pour leur sabsistance, n'étant point il nourrissait à son tour, en renvoyant dans toutes
attaqués et n'attaquant point. L'effroi était au les parties du corps ce sang qui fait notre vie et
combledans la ville; une défiance mutuelle tenait notre force, et en le distribuant également dans
tout en suspens. La portion du peuple abandon- toutes les veines, après l'avoir élaboré par la di-
née par l'autre craignait la violence des patri- gestion des aliments. La comparaison de cette sé-
ciens les patriciens craignaient le peuple qui res- dition intestine du corps avec la colère du peuple
tait dans la ville, et ne savaient que souhaiter de contre le sénat, apaisa, dit-on les esprits.
son séjour ou de son départ. Combien de temps XXXIII. On s'occupa ensuite des moyens de ré-
la multitude retirée sur le mont Sacré se tiendrait- conciliation et les conditions auxquelles on s'ar-
elle tranquille?Qu'arriverait-il si quelque guerre rêta furent que le peuple aurait ses magistrats à
étrangère survenait dans l'intervalle? Il n'y avait lui; que ces magistratsseraient inviolables; qu'ils
plus d'espoir que dans la concorde des citoyens il le défendraient contre les consuls, et que nul pa-
fallait l'obtenir à quelque condition que ce fût. On tricien ne pourrait obtenir cette magistrature. On
se détermina donc à députer vers le peuple Méné- créa donc deux tribuns du peuple, C. Licinius et
nius Agrippa, homme éloquent et cher au peuple, L. Albinus; ils se donnèrent trois collègues, parmi
comme issu d'une famille plébéienne. Introduit lesquels se trouvait Sicinius, le chef de la sédi-
dans le camp, Ménénius, dans le langage inculte tion on n'est pas d'accord sur le nom des deux
de cette époque ne fit, dit-on que raconter cet autres. Quelques auteurs prétendentqu'on ne créa
apoloôue Dans le temps où l'harmonie ne régnait que deux tribuns sur le mont Sacré, et que c'est
pas encore comme aujourd'hui dans le corps hu- là aussi que fut portée la loi sacrée. Pendant la
main, mais où chaque membre avait son instinet retraite du peuple, les consuls Sp. Cassius et Pos-
et son langage à part, toutes les parties du corps tumus Cominius entrèrent en charge. Sous leur
s'indignèrent de ce que l'estomac obtenait tout consulat, un traité fut fait avec les peuples Latins;

mullam scelere relig'onem exsolvi, Sicinio quodam auc- suns sermo fuerat, indignalas reliquas partes, sua cura,
tore, injussu consulum iu Sacrum montem secessisse auo labore ac ministerio ventri omnia quæri: ventrem in
( trans Anienem amnem est) tria ab Urbe millia passuum. medio quietum, nihil aliud, quam datis voluptatibus frui.
Ea frequentior fama est, quam cujus Piso auctor est, in Conspirasse inde, ne manus ad os cibum ferrent, nec os
Aveutinum secessionem factam esse. Ibi sine ullo duce acciperet datum, nec dentes conlicerent. Hac ira dum
vallo tossaque communitis castris quieti, rem nullam, ventrem fame domare vellent, ipsa una memhra totum-
nisi necessarium ad victum, sumendo, per aliquot dies, que corpus ad extremam tabem venisse. Inde apparuisse,
neque lacessiti neque lacessentes, sese tenuere. Pavor in- ventris quoque baud segne ministerium esse nec magis
gens in urbe, metuque mutuo suspensa erant omnia. Ti- ali, quam alere eum, reddentem in omnes corporis par-
mere relicta ab suis plebes violentiam patrum, timere tes hune, quo vivimus vigemusque, divisum pariter in
patres residem in urbe plebem, incerti, manere eam, an venas maturum, confectocibo, sanguinem. Comparando
abire mallent. Quam diu autem tranquillam, quæ seces- bine, quam intestina corporis seditio similis esset ira
serit, multitudinem fore? quid futurum deinde, si quod plebis in patres, flexisse mentes hominum.
eiternum interim bellum exsistat? nullam profecto, nisi XXXIII Agi deinde de concordia cœptum, concessum-
in concordia civium, spem reliquam ducere eam per que in conditiones ut plebi sui magistratus essent sacro-
æqua, per iniqua, reconciliandam civilati esse. Placuit sancti, quibus auxilii latio adversus cnnsulesesset; neve
igitur oratorem ad plebem milti Menenium Agrippam, cui patrum capere eum mngistr.itum liceret. Ita tribuni
facundum virum et, quod inde oriundus erat, plebi ca- plebei creati duo, C. Licinius et L. Albinus.Hi tres col-
rum. Is, intromissus in castra, prisco illo dicendi et hor- legas sibi creavernnt in his Sicinium fuisse, seditionis
rido modo nihil aliud, quam hoc, narrasse fertur tem- auctorem; de duobus quifuerint, mioue convenit. Sunt,
pore, quo in homine non, ut nunc, omnia in unum con- qui duos tantum in Sacro monte creatos tribunos esse di-
sentiebant, sed singulismembria suum cuique consilium, cant, ibique aarratam legem Lilam. Per sccessionem ple-
pour le conclure, l'un d'eux resta à Rome; l'au- que par un seul consul, Sp. Cassius, en l'abseuce
Ire, envoyé contre les Volsques, bat et met en de son collègue, on aurait oublié que Postumus
fuite les Volsques Antiates, les chasse, les pour- Cominius a fait la guerre aux Volsques. Cette même
suit jusque dans la ville de Longula et s'empare année mourut Ménénius Agrippa, homme égale-
de leurs murs. Il prend ensuite Polusca, autre ment cher pendant toute sa vie aux patriciens et au
ville des Volsques; puis il attaque Corioles avec peuple, et devenu plus cher aux plébéiens depuis
une grande vigueur. Il y avait alors à l'armée un leur retraite sur le mont Sacré. L'arbitre et le pa-
jeune patricien, C. Marcius, homme de conseil et cificateur des citoyens, l'ambassadeur du seuat
d'action qui depuis fut nommé Coriolan. Tandis auprès du peuple, celui enfin qui avait ramené
que l'armée romaine assiégeait Corioles et portait le peuple dans Rome, ne laissa pas de quoi payer
toule son attention sur les habitants qu'elle tenait ses fnnérailles les plébéiens en firent les frais, au
renfermés dans la ville, sans craindre aucune atta- moyen d'une contribution d'un sextant par tête.
que extérieure, les légions Volsques, parties d'An- XXXIV. Les consuls suivants furent T. Géganius
tium, vinrent tout à coup fondre sur elle, et dans et P. Minucius. Cette année, alors qu'on était en-
le même temps les ennemis 6rent une sortie de la tierement rassuré contre la guerre du dehors,
place. Par hasard, Marcius était de garde. A la que les dissensions intérieures étaient apaisées,
tête d'une troupe d'élite, il repousse l'attaque de un autre fléau bien plus redoutable fondit sur
l'ennemi sorti de ses murs, et, par la porte, qui Rome: les terres étant demeurées incultes pendant
est restée ouverte, s'élance impétueusement dans la retraitedu peuple sur le mont Sacré les grains
la ville. Là il fait un affreux carnage dans le quar- renchérirent et il s'en suivit une famine, telle
tier le plus voisin de la porte, et trouvant du feu qu'en éprouvent des assiégés. Les esclaves et le
sous sa main, il incendie les maisons qui dominent peuple seraient morts de misère si les consuls,
le rempart. Les cris que la frayeur arrache aussitôt par une sage prévoyance, n'eusseut envoyé en
aux assiégés, se mêlant aux lamentations des fem- différents endroits faire des achats de blé, à la
mes et des enfants, augmententle courage des Ro- droite d'Ostie, sur les côtes de l'Étrurie; et à
mains et jettent le trouble dans l'armée des Vols- gauche, tout le long de la mer, à travers le pays
ques, qui voient au pouvoir de l'ennemi la ville des Volsques, jusqu'à Cumes. On alla même jus
qu'ils étaient venus secourir. C'est ainsi que les qu'en Sicile tant la haine des peuples voisins
Volsques Antiates furent battus et que la ville de forçait de recourir à des ressources lointaines. A
Corioles fut prise. La gloire de Marcius éclipsa tel- Cumes le blé était déjà acheté, quand le lyrau
lement celle du consul que si la colonne d'airain Aristodème retint les vaisseaux, pour s'indem-
sur laquelle est gravé le traité conclu avec les La- niser des biens des Tarquins, dont il était l'hé-
tins ne nous apprenait que ce traité ne fut signé ritier. Chez les Volsques et dans le Pomptinum,

bis Sp. Cassins et Postumus Cominius consulatum inie- ænea insculptum, monumento esset, ab Sp. Cassio uno,
runt. His consulibus cum latinis populis ictum fœdus. Ad quia collega abfuerat, ictum, Postumum Cominium bel-
id feriendum consul alter Romæ mansit; alter; ad Vols- lum gessisse cum Volscis, memoria cessisset. Eodem
cum bellum missus, Antiates Volscos fundit fugatque anno Agrippa Menenius moritur, vir omni vita pariter
compulsosin oppidum Longulam persecutus, mœnibus patribus ac plebi carus; post secessionem carior plebi
potilur. Inde Poluscam, item Volscorum, cepit; tum lactus. Huic interpreti arbitroque concordiæ civium,
magna vi adortus est Coriolos. Erat tum in castris inter legato patrum ad plebem, reductori plebis Romanœ in
primores juvenum C. Marcius, adolescenset consilio et urbem sumptus funeri defuit. Eitulit eum plebs sextanti-
mauu promptus, cui cognomen postea Çoriolano fuit. bus collatis in capila.
Quum subito exercitum Romanum, Coriolos obsidentem, XXXIV. Consules deinde T. Geganius, P. Minucius
atque iuoppidauos, quos intus clausos habebat, intentiun facti. Eo anno, quum et forisquieta omnia a bello essent,
sine ullo metu extrinsecus imminentis belli, Volscæ le- et domi sanata discordia, aliud mulla gravius malum ci-
giones, profectæ ab Autio, invasissent, eodemque tem- mlatem invasit caritas primum annonæ, ei incultis po r
pore ex oppidoerupissent hostes, forte iu statione Marcius secessionem plebis agris; fames deiude, qualis clausis
fuit. Is, cum delecta militum manu, non modo impetum solet. Ventumque ad interitum servitiorum utique et
erumpentium retudit, sed per patentem portam ferni plebis esset, ni consules providissent, dimissis passim ad
irrupit: cædeque in proxima urbis facta, ignem, temere frumentum coemendum, uon in Etruriam modo deitris
arreptum, imminentibus muro ædificirs injecit. Clamor ab Ostia litoribus, lævoque per Volscos mari osque ad
inde oppidanorum, midus muhebri pucrilique ploratu, Cumas, sed quaesitum in Siciliam quoque adeo finiti-
ad terrorem, ut solet, primnm ortus et Romanis auxit mornm odia longinquis coegerant indigere auxiltis. Fru-
animum, et turbavit Volocos, utpote capta urbe, cui ad mentum Cumis quum coemptum esset, naves pro bonis
ferendam opem venerant. lis fusi Volsci Aotiates, Co- Tarquiniorum ab Aristodemo tyranno, qui beres erat,
rioli oppidum captum; tautnmque sua laude obstitit famie retentæ suut. In Volscis Pomplinoque ne emi quidem po-
consulis Marcius, ut, nisi fœdus cum Latinis, columna tuit; periculum quoque ab impetu hominnm ipsis fru-
on ne put faire aucune acquisition, el les com- jouissent des ressources qu'ils doivent à leurs fu-
missaireseux-mêmes coururent risque de leur vie. reurs. J'ose vous répondre que, domptés par l'ex-
Le blé des Toscans nous arriva par le Tibre, et ser- cès du mal, ils iront d'eux-mêmes labourer nos
vit à sustenter le peuple. Dans cet affreux dénû- terres, bien loin d'en empêcher la culture par
ment, la guerre fut au moment de mettre le comble une scission à main armée, a Je ne saurais décider
à nos maux; mais les Volsques, qui prenaient ce qu'il eût convenu de faire mais je pense qu'il
déjà les armes, furent attaqués par une peste hor- n'eût pas été difficile aux patriciens, en baissant
rible. Ce fléau jeta la consternation dans leur es- le prix du blé, de se délivrer du pouvoir des tri-
prit, et, afin de pouvoir les contenir encore par buns et des autres innovations qu'on leur avait
quelque autre moyen, au moment où le fléau cesse- arrachées.
rait, les Romains renforcèrent leur colonie de XXXV. Le sénat trouva l'avis trop violent, et
Vélitres, et en établirent une nouvelle à Norba la multitude, dans sa colère, fut au moment de
dans les montagnes, afin de dominer de là tout le courir aux armes « On les attaquait maintenant
Pomptinum. L'année suivante, sous le consulat de par la famine, comme des ennemis; on leur eu-
M. Minucius et d'A. Sempronius une grande levait la subsistance et la nourriture. Le blé étran-
quantité de blé arriva de Sicile, et on délibéra ger, seule ressource qu'ils devaient à une faveur
dans le sénat sur le prix auquel on le livrerait au inespérée de la fortune, on le leur arrachait de la
peuple. Plusieurs sénateurs pensaient que l'occa- bouche, s'ils ne consentaient à livrer leurs tribuns
siou était venue d'abaisser le peuple et de ressaisir pieds et mains liés à C. Marcius, si le peuple ro-
les droits qu'il avait arrachés aux patriciens par main ne présentait lui-mûme son dos aux verges
sa retraite et par la violence. A leur tête était du licteur. Marcius était pour eux un bourreau
M. Coriolan, ennemi déclaré de la puissance tri. qui ne leur laissait le choix que de la mort ou de
bunitienne « S'ils veulent les grains sur l'ancien l'esclavage. » Ils se seraient jetés sur lui à la sortie
pied, dit-il, qu'ils rendent au sénat ses anciens du sénat, si les tribuns ne l'eussent, fort à pro-
droits; pourquoi vois-je ici des magistrats plé- pos, cité à comparaître devant le peuple. Celle
béiens, un Sicinius tout puissant? M'a-t-on fait mesure calma leur fureur ils devenaient ainsi les
passer sous le joug? Ai-je été forcé de racheter juges et les arbitresde la vie etde la mort de leur
ma vie à des brigands? Et je souffrirais ces indi- ennemi. D'abord Marcius n'écouta qu'avec mé-
gnités plus longtemps que la nécessité ne l'exige! pris les menaces des tribuns « Leur autorité, di-
Moi qm n'ai pas voulu souffrir Tarquin pour roi, sait-il, se bornait à protéger, et ne s'étendait pas à
je souffrirais un Sicinius! Eh bienl qu'il se retire punir; ils étaient tribuns du peuple, et non pas
encore une fois, qu'il entraîne le peuple; le che- du sénat. n Mais le peuple soulevé montrait des
min du mont Sacré ou des autres collines lui est dispositionssi hostiles, que les patriciens ne purent
ouvert; qu'ils viennent enlever le blé de nos cam- se soustraire a ce danger qu'en sacrifiant un des
pagnes, comme ils l'ont fait il y a trois ans; qu'ils membres de leur ordre. Cependant ils luttèrent

mentetoribus fuit. Ex Tuscis frumentum Tiberi venit; puere. Utantur annona, quam fnrore suo fecere. Audeo
eo sustentata est plebs. Incommodo bello in tam artis dicere, hoc malo domitos ipsos potius cultores agrorum
commeatibus vexati forent, ni Volscos, jam moventes fore, quam ut armati per secessionem coli prohibeant. »
xma, pestilentia ingens invasisset. Ea clade conterritis Haud tam facile dictu est, facieodumne fuerit, quam po-
hostium animis, ut etiam, ubi ea remisisset, terrore ali- tuisse arbitror fleri, ut conditionibus laxandi annonam,
quo tenerentur, et Velitris auxere numerum colonorum et tribunitiam potestatem,et omnia invitis jura imposita
Romani, et Norbæ in montes novam coloniam quae an in patres demerent sibi.
Pomptmo esset, miserunt. M. Minuciodeinde et A. Sem- XXXV. Et senatui uimis atroi visa aententia est, et
pronio consulibus, magna vis frumenti ex Sicilia advecta plebem ira prope armavit.. Fame se jam, sicut hostes,
agitatumque in seoatu, quanti plebi daretur. Multi ve- peti; cibo victuque fraudari peregrinum frumentum,
nisse tempuspremendæplebis putabant, recuperandique quæ sola alimenta ex insperato fortuna dederit, ab ore
jura, quæ extorta secessione ac vi patribus essent in rapi, nisi C. Marciovincti dedantur tribuni, nisi de tergo
primis Marcius Coriolanus, hostis tribuniciae potestatis, plebis Romanæ satisriat. Eum sibi carnificem novum ex-
Si annonam, inquit, veterem volunt, jus pristinum red- ortum, qui aut mori, aut servire jubeat. » In exeuntem e
dant patribus. Cur ego plebeios magistratus, cur Sici- curia impetus factus esset, ni peropportunetribuni diem
nium potentem video, sub jugnm missus, tauquam a dixissent. Ibi ira est suppressa. Se judicem quisque, se
latronibus redemptus? Egone bas indignitates diutius pa- dominum vitæ necisque inimici factum videbat. Con-
liar, quam necesse est? Tarquinium regem qui non tule- temptim primo Marcius audiebat minas tribunitias
rim, Sicinium feram? Secedat nunc, avocet plebem; «auxilii, non pœnæ, jus datum illi potestati; plebisque,
patet via in Sacrum montem aliosquecolles. Rapiant fru- non patrum, tribunosesse. Sed adeo infeosa erat coorla
menta ex agris noatris, quemadmodum tertio anno ra- plabs, ut unius pœna defungendum esset patribus. Res-
contre ce débordement de haine, et employèrent, ressentiment,une haine que le temps avait éteinte.
suivant l'occurrence, leur crédit personnel etl'in- XXXVI. On préparait alors à Rome une nou-
fluence de l'ordre entier; d'abord ils essayèrent, en velle célébration des Grands-Jeux voici quel
disséminant de tous côtés leurs clients, d'éloigner en était le motif Le matin des jeux, un père de
chacun en particulier des conciliabules et des ras- famille, avant le commencement du spectacle
semblements, et de détourner ainsi l'orage; ensuite avait poursuivi jusqu'au milieu du Cirque, en lu
ils s'avancèrenttous en corps, comme s'il y avait battant de verges, un esclave, la fourche au cou.
autant d'accusés que de sénateurs, et pressèrent le On commença ensuite les jeux comme si cette cir-
peuple de leurs prières. « Ils ne demandaient que constance ne devait inspirer aucun scrupule reli-
la grâce d'un seul citoyen, d'un seul sénateur. Si gieux. Peu de jours après, un plébéien, Titus Ati-
on refusait de l'absoudre comme innocent, que nius eut un songe. Jupiter lui apparut et lui dit
du moins, à leur prière, on lui pardonnât comme « Que la danse qui avait préludé aux jeux lui avait
coupable. » Coriolan, n'ayant point comparu au déplu que si on ne célébrait de nouveau ces jeux
jour prescrit, le peuple fut inflexible. Il fut con- avec magnificence, la ville courait de grands dan-
damné par contumace, et se retira en exil chez gers qu'il allât porter cet avertissement aux cou-
les Volsques, menaçant sa patrie, et formant, suls. o Quoique l'esprit de cet homme fût loin
dès lors, contre elle, des projets de vengeance. d'être dégagé de toute craintereligieuse, son res-
Les Volsques l'accueillirent avec bienveillance; pect pour la dignité des magistrats l'emporta sur
et cette bienveillance devint chaque jour plus sa frayeur; il craignit de devenir la risée publi-
vive, à mesure que sa haine contre les Ro- que. Cette hésitation lui coûta cher; il perdit son
mains éclatait avec plus de violence et s'exha- fils au bout de quelques jours; et, pour qu'il n'eût
lait tantôt en plaintes et tantôt en menaces. aucun doute sur la cause de cette perte soudaine,
Il recevait l'hospitalité chez Attius Tullus, per- le malheureux accablé par sa douleur revit en
sonnage le plus considérable de la confédération songe cette même figure qui s'était déjà présentée
volsque, et de tout temps l'ennemi implacable des à lui. Elle lui demandait « S'il n'était pas assez
Romains. Poussés, l'un par une vieille haine, payé de son mépris pour les ordres des dieux? Un
l'autre par courroux récent, ils se concertèrent châtiment plus grand le menaçait, s'il n'allait
sur les moyens de susciter une guerre aux Ro- promptement tout annoncer aux consuls. » Le
mains. lis ne croyaient pas facile de décider les danger devenait plus pressant; mais, comme Ati-
Volsques à reprendre les armes, si souvent mal- nius hésitait encore, et différait de jour en jour
heureuses après tant de pertes faites dans tant de il fut atteint d'une maladie grave qui paralysa tous
guerres, et le fléau récent qui avait frappé leur ses membres. Ce fut pour lui un avertissement de
jeunesse, leur courage était abattu; il fallait user la colère des dieux. Fatigué de ses maux passés et
de ruse et ranimer, par quelque nouveau motif de de ceux qui le menacent, il réunit ses parents

titerunt tamen adversa invidia, usique sunt, qua suis XXXVI. Ludi forte es instauralione magni Rome pe-
quisque, qua lolius ordinis viribus. Ac primo tentata res rabantur instaurandi hæc causa fuerat. Ludis mane ser-
est, si, dispositis clientibus, absterrendo singulos a coi-vum quidam paterfamilia;, nondum commissospectaculo,
tionibus conciliisque, dislicere rem possent. TJniversi sub furca ca'sum medio egerat circo. Cœpti inde ludi,
deinde processere (quicquid erat patrum, reos diceres) velut ea res nihil ad religionem pertinuisset. Haud ita
precibus plebem exposcentes Unum sibi civem, unum multo post Tit. Atinio, de plebe homini, somnium fuit.
seoalorem si iunoccntem absolvere nollent, pro nocente Visus Jupiter dicere, sibi ludis praesultatorem diàpli-
donarent.» Ipse quum die dicta non adesset, perseveratum cuisse nisi magnifice iostaurarentur hi ludi, periculum
in ira est. Damnatus absens in Volscos exsulatum abiit, urbi fore. Iret, ea cousulibuenuntiaret.» Quanquam haud
minitans patriæ, hostilesque jam tum spiritus gerens. sane liber erat religione animus, verecundia tamen ma-
Venientem Volsci benigne excepere benigniusque in dies jestatis magistratoum timorem vieil, ne in ora hominum
rolehaut, quo major ira in suoa eminebat, crebraque pro ludibrio abiret. Magno illi ea cuuctalio stetit; filium
nunc querelæ, nunc minæ percipiebantur. Hospitio ute- namque intra paucos dies amisit. Cujus repentinæ cladis
batur Attii Tulli. Longe is tum princeps Volsci nominis ne causa dubia esset, ægro animi eadem illa in soiunisob-
erat, Romanisqne semper infestus. Ita quum alterum versata species visa est rogitare,. Satin' magnam apreti
vêtus odiuro, alterum ira recens stimularet, consilia con- numinis haberetmercedem? majorem instare, ni eat pro-
ferunt de romano bello. Haud facile credebant, plebem pere, ac nuntiet consulibus. » Jam præsentior res erat;
suam impelli posse, ut toties infeliciter tentata arma ca- cunctantem tamen ac prolatantem ingens vis morbi ad-
porent. Multis sæpe bellis, pestilentia postremo amissa orta est debilitate subita. Tum eninivero deorum ira ad-
juventute, fractos spiritus esse arte agendum in exoleto monuit. Fessus igitur malis præteritis instantibusque,
jam vetustate (dio, ut -ecenti aliqua ira exacerbareulur consilio propinquorum adhibito, quum visa atque au
animi. dila, et observatum toties somno Juvem, minas irasque
leur raconte ce qu'il a vu et entendu les appari- imprudente et téméraire. C'est dans votre intérêt,
tions fréquentes de Jupiter pendant son sommeil c'est dans le nôtre, consuls, que je me suis décidé
les menaces et la colère du ciel, prouvées par ses à vous communiquer mes craintes. Pour moi, je
malheurs. L'avis des assistants est unanime on le suis résolu à retourner sur le champ dans mes
porte sur une litière au Forum devant les cou- foyers. Je ne veux pas que ma présence me fasse
suls, qui ordonnent de le transporter au sénat. Le soupçonner d'être le complice d'actions ou de pa-
récit de ses visions remplit d'étonnement tous les roles criminelles. Cela dit, il se retire. Les consuls
esprits mais un nouveau miracle s'opère sui- font leur rapport au sénat sur ce danger, qui ne
vant la tradition, ce même homme, qu'on avait leur paraît pas certain, bien que la dénonciation
porté dans le sénat, perclus de tous ses membres soit claire et précise et suivant l'usage, l'autorité
des qu'il eut accompli sa mission, put retourner du dénonciateur, bien plus que l'importance de
à pied dans sa demeure. l'affaire, fait prendre aux sénateurs des précau-
XXXVII. Le sénat décrète que des jeux seront tions, même superflues. Un sénatus-consulte en-
célétrés avec la plus grande magnificence. Per- joint à tous les Volsques de sortir de la ville des
suadés par Atlius Tullus, un grand nombre de hérauts sont euvoyés pour leur signifier l'ordre de
Vohques vinrent à Rome pour y assister. Avant le partir tous avant la nuit. Saisis d'abord d'une
commencement du spectacle, Tullus, suivant le grande frayeur, ils courent de côté et d'autre pour
plan arrêté avec Coriolan, se rend auprès des con- reprendre leur bagage chez leurs hôtes. Mais, dès
suls, et leur dit qu'il veut leur faire part d'un se- qu'ils se mettenten route, l'indignationsuccède à
cret qui intéresse la république. Lorsqu'ils furent la crainte « Se voir chassés des jeux, un jour de
seuls. « C'est malgré moi, dit-il, que je viens fêle repoussés pour ainsi dire de la société des
parler contre mes concitoyens. Ce n'est pas que je hommes et des dieux Sont-ils donc des scélérats,
les accuse de quelque crime, mais je veux les em- souillés de quelque crime? »
pêcher de devenir coupables. Les Volsques ont l'es- XXXVIII. Comme ils formaient dans leur mar-
prit beaucoup plus mobile que je ne le voudrais. che une file presque continue, Tullus qui les a
Nos nombreuses défaites ne nous en ont que trop devancés près de la source Férentine, s'adresse, à
convaincus et si nous vivons encore, ce n'est pas mesure qu'ils arrivent, aux plus distingués d'entre
à notre conduite, mais à votre clémence que nous eux, s'associe à leurs plaintes et à leur indigna-
le devons. Il y a, en ce moment, à Rome, un grand tion et voyant qu'ils écoutent avec empressement
nombre de Volsques, des jeux se préparent et ses paroles, qui flattent leur colère, il les entraîne,
la ville entière ne sera occupée que de ce specta- et par eux le reste de la multitude,dans un champ
cle. Je n'ai pas oublié les excès commis ici par la au-dessous de la route. Là, il prend la parole et
jeunesse sabine, dans une circonstance semblable, leur adresse une sorte de harangue « Les an-
et je tremble de voir renouveler cette tentative ciennes injustices du peuple romain, les défaites

cœlestes, repræsentatas casibus suis, exposuisset; con- quid iuconsulte ac temere fiât. Hæc, nostra vestraque
lemu inde haud dubio omnium, qui aderant, in forum causa, prius dicenda vobis, Consules, ratus sum. Quod ad
ad consules lectica affertur. Inde in curiam jussu cousu- me attinet, extemplo hinc domum abire in animo est, ue
lum delatus eadem illa quum patribus ingenti omuium cujus facti dictive contagione praesens violer. » Hæc locu-
admiratione enarrasset; ce aliud miraculum. Qui cap- tus abiit. Consules quum ad patres rem dubiam sub auc-
tus omnibus membris delatus in curiam esset, eum fune- tore certo detulissent, auctor magis, ut fit, quam res, ad
tum offlcio pedibus suis domum rediisse,traditum memo- præcavendum vel ex supervacuo movit factoque sens-
riæ est. tusconsulto, ut urbem excederent Volsci, praecones di-
XXXVII. Ludi quam amplissimi ut fierent, senatus mitlulltur. qui omnes eos profisci ante noctem juberent.
decrevit. Ad eos ludos, auctore Attio Tullo, vis magna Ingens pavor primo discnrrentes ad suas res tollendas in
Volscorumvenit. Priusquamcommitterenturludi, Tullus, hospitia perculit. Proticiscentibus deinde indignatio ob-
ut domi compositum cum Marcio fuerat, ad consules ve- orta: se, nt consceleratos contamioatosque ah ludis,
nit. Dicit esse, quæ secrelo agere de republica velit. festis diebus, cœtu quodammodo hominum deorumque,
Arbilris remotis, « Invitus, inqmt, quod sequius sit, de abactos esse. »
meis civibus Ioquor. Non tamen admissum quicquam ab XXXVIII. Quum prope continuatoagmineirent.pra:-
lis criminatum venio, sed cautum, ne admittant. Nimio gressus Tullus ad caput Ferentinum, ut quisque veniret,
plus, qua m velim, noslrorum ingénia sunt mobilia. Multis primores eorum excipiens, querendo indignandoqne, et
id cladibus sensimns quippe qui non nostro merito, sed 1 eus ipsos sedulo audientes secunda ira: verba, et per eos
vestra patientia, incolumes simus. Magna hic nunc Vols- multitudinem aliam in subjectum viæ campum deduxit.
corum multitudo est; ludi sunt spectaculo iutenta civitas Ibi in concionis modum orationem exorsus, «Veteres po-
trit. Memini, quid per eandem occasionem ab Sabinorum puli romani injurias, cladesque gentis Volscorum, ut
tuventute in bac urte commissum sit borret animus, ne omnia, inquit, obliviscamini alta hodiernam banc con-
de la nation des Volsquos, et tant d'autres griefs, quel on fondait le plus d'espoir. Cet espoir, il ne
quand vous les oublieriez, l'affrontd'aujourd'hui, le trompa nullement, et l'on put facilement se con-
comment pourrez-vous le supporter? C'est par vaincre que Rome devait sa force, plus à ses gé-
notre honte qu'ils ont préludé à leursjeux. N'avez- néraux qu'à ses soldats. Il se dirige d'abord sur
vous pas senti qu'en ce jour on a vraimenttriom- Circeii, en chasse les colons romains, et livre aux
phé de vous; qu'en vous retirant, vous avez servi Volsques la ville devenue libre. Ensuite, par des
de spectacle à tous, aux citoyens, aux étrangers, chemins de traverse, il gagne la voie latine il en-
et à tant de peuples voisins; que vos femmes, que lève Satricum, Longula, Polusca, Corioles, con-
vos enfants ont défilé honteusement sous leurs quêtes récentes des Romains. Puis il reprend La-
yeux Et ceux qui ont entendu la voix du héraut, nuvium, et se rend maitre de Corbion, Vitellia
et ceux qui vous ont vu partir? et ceux qui ont Trébia, Lavices, Pedum alors il dirige son ar-
rencontrévotre honteux cortége? qu'ont-ils pensé, mée de Pedum sur Rome, et va camper près des
seloo vous, sinon que nous sommes souillés de fosses Cluiliennes à cinq milles de la ville, dont
quelque crime, d'un crime si horrible, que notre il ravage le territoire. Parmi les fourrageurs, il
présence aux jeux eût été un sacrilége qui les eût envoie des sauve-gardes qui doivent préserver de
profanés, et qui aurait exigé une expiation; que tous dégât les terres des patriciens, soit qu'il fût
c'estce motifqui nousexclutdelademeuredes hom- surtout irrité contre les plébéiens, soit qu'il vou-
mes vertueux, de leur société, de leurs réunions. lût par là exciter la discorde entre le sénat et le
Eh quoi ne voyez-vouspas que nous ne devons peuple et certes il y serait parvenu tant les ac-
:a vie qu'à la précipitation de notre départ? si cusations des tribuns animaient contre les grands
toutefois c'est un départ et non pas une fuite. Et la multitudedéjà trop exaltée; mais la crainte de
vous ne regardez pas comme une ville d'ennemis, l'étranger, ce lien le plus puissant de la concorde,
celle où nous aurions tous péri, si nous eussious réunissait tous les esprits, malgré leur défiance et
tardé un seul jour 1 On vous a déclaré la guerre leur haine mutuelles. Le seul point sur, lequel ils
malheur à ceux qui vous l'ont déclarée, si vous différassent, c'est que le sénat et les consuls ne
êtes vraiment des hommes. 1 Déjà tout pleins de voyaient d'espoir que dans les armes tandis que
leur propre colère, ils sont encore animés par ce le peuple préférait tout à la guerre. Sp. Nautius
discours, ils se retirent ensuite dans leurs diffé- et Sex. Furius étaient alors consuls. l'endant
rentes villes; chacun d'eux excite ses concitoyens, qu'ils passaient en revue les légions, et qu'ils dis-
et toute la nation des Volsques se soulève contre tribuaient des corps armés le long des murs et
Rome. dans d'autres lieux où ils avaient jugé utile de pla-
XXXIX. Les généraux chargés de la guerre, d'a- cer des postes et des sentinelles, une foule nom-
près le consentement de toute la nation, furent breuse de gens, qui demandaient la paix, vint les
Attius Tullus et C. Marcius, l'exilé romain, sur le- effrayer par des cris séditieux; ensuite, elle les

lumeliam quo tandem animo fertis, qua per nostram ig- spem nequaquam fefellit; ut facile appareret, ducibus
nominiam ludoscommisere? An non seusistis, triumpha- validiorem,quam eiercilu rem romanam esse. Circeios
tum hodie de vobis esse? vos omnibus, civibus, peregri- profectus, primum colonos inde Romanos expulit, libe-
nis, tot finitimis'populis, spectaculo abeuntes fuisse? ramque eam urbem Volscis tradidit. Inde, in Latinarn
vestras conjuges, vestros liberos traductos per ora homi- viam transversis Iramittibus transgressus,Satricum, Lon
num? Quid eos, qui audivere vocem præconis? quid, qui gulam Poluscam, Coriolos novella hac Romanis op-
vos videre abeuutes? quid eos qui huic ignomimoso ag- pida, ademit. Inde Lavinium recepit; tune deinceps Cor-
mini fuere obvü, existimasseputatis? Nisi aliquod profecto bionem, Vitelliam, Trebiam, Lavicos, Pedum cepit.
nefas esse, quo, si intersimus spectaculo, violaturi simus Postremum ad Urbem a Pedo ducit; et, ad foasas Cluilias
ludos, piaculumque merituri ideo nos ab sede piorum, quinque ab urbe millia passuum castris positis, populatur
cœtu, concilioqueabigi. Quid, deinde? illud non suceur- iude agrum Romanum; custodibus inter populatores
rit, vivere nos, quod maturarimusproficisci? si boc pro- missis, qui patriciorum agros intactos servarent sive
fectio, et non fuga est. Et hanc urbem vos non hostium infensus plebi magis, sive ut discordia inde inter patres
ducitis, ubi, si unum diem morati essetis, moriendum plebemque oriretur. Quæ profecto orla esset adeo tri-
omnibus fuit? Bellum vobis indictum est; magno eorum buoi jam ferocem per se plebem criminando in primores
malo, qui indixere, si viri estis.. Ita et sua sponte ira- civitatis instigabant. Sed eiternus timor, maiimum con-
rum pleoi, et incitati, domos inde digressi sunt, insti- cordiæ vinculum,quamvit snspectos infensosqueinter se
gandoque suns quisque popules effecere, ut omne Vols- jungebat animos. Id modo non conveniebat, quod sena-
cum oomen deBceret. tus consulesque nusquam alibi spem, quam in armis.
XXXIX. Imperatores ad id bellum de omnium popu- ponebaut plebes omnia, quam bellum, malebat. Sp.
loruro sententia Iccti Altiua Tullus et C. Marcius exsul Nautius jam et Sex. Furius cousules erant. Eos, recen-
rumanua, in quo aliquanto plus apei repositum. Quam seutes legiones præsidia per muros aliaque, in ynibus
obligea de convoquer le sénat, et de proposer l'en- ambassadeurs, ni l'appareil touchant et sacré de
voi d'une députation vers C. Marcius. Les séna- la religion, dans la personne de ses prêtres, n'avait
teurs acceptèrent la proposition, quand ils eurent pu émouvoir, se promettait d'être plus insensible
vu le courage du peuple chanceler. Les députés encore à des larmes féminines. Mais, quelqu'un
envoyés à Marcius pour traiter de la paix rappor- de sa suite ayant reconnu, dans la foule, Véturie,
tèrent cette dure réponse:. Si l'on rend aux Vols- remarquable par l'excès de sa douleur, debout au
qnes leur territoire, on pourra traiter de la paix. milieu de sa bru et de ses petits-enfants, vint lui
Mais si les Romains voulaient jouir de leurs con- dire « Si mes yeux ne me trompent ta mère, ta
quêtes au sein du repos, lui qui n'a oublié ni femme et tes enfants sont ici. » Coriolan éperdu
l'injustice de ses concitoyens, ni les bienfaits et comme hors de lui-même, s'élance de son siège,
de ses hôtes, il s'efforcera de faire voir que l'exil et court au devant de sa mère pour l'embrasser
a stimulé et non abattu son courage. » Envoyés mais elle, passant tout à coup des prières à l'indi-
une seconde fois, les mêmes députés ne sont pas gnation « Arrête lui dit-elle avant de recevoir
admis dans le camp. Suivant la tradition, les prê- tes embrassements, que je sache si je viens auprès
tres aussi, couverts de leurs ornementssacrés se d'un ennemi ou d'un fils; et si dans ton camp je
présentèrent, en suppliants, aux portes du camp suis ta captive ou ta mère? N'ai-je donc tant vécu,
ennemi; ils ne parvinrent pas plus que les dépu- ne suis-je parvenue à cette déplorable vieillesse,
tés à fléchir le courroux de Coriolan. que pour le voir exilé, puis, armé contre ta patrie?
XL. Alors, les dames romaines se rendent en As-tu bien pu ravager cette terre qui t'a donné le
foule auprès de Véturie mère de Coriolan, et de jour, et qui t'a nourri? Malgré ton ressentiment et
Volumnie sa femme. Cette démarche fut-elle le tes menaces, ton courroux, en franchissant nos fron-
résultat d'une délibération publique, ou l'effet tières, ne s'est pas apaisé à la vue de Rome tu ne
d'une crainte naturelle à ce sexe ? je ne saurais le t'es pas dit derrière ces murailles sont ma mai-
décider. Ce qu'il y a de certain c'est qu'elles ob- son, mes pénates, ma mère, ma femme et mes en-
tinrent que Véturie malgré son grand âge, et fants ? Ainsi donc, si je n'avais point été mère
Volumuie, portant dans ses bras deux fils qu'elle Rome ne serait point assiégée; si je n'avais point
avait eus de Marcius, viendraient avec elles dans de fils, je mourrais libre dans une patrie libre.
le camp des ennemis, et que, femmes, elles défen- Pour moi, désormais, je n'ai plus rien à craindre
dissent, par les larmes et les prières cette ville qui ne soit plus honteux pour toi, que malheureux
que les hommes ne pouvaient défendre par les ar- pour ta mère, et quelque malheureuse que je sois,
mes. Dès qu'elles furent arrivées devant le camp, je ne le serai pas longtemps. Mais, ces enfants,
et qu'on eut annoncé à Coriolan qu'une troupe songe à eux si tu persistes, une mort prématurée
nombreuse de femmes se présente lui que, ni la les attend ou une longue servitude. » A ces mots,
majesté de la république, dans la personne de ses l'épouse et les enfants de Coriolan l'embrassent;

stationes vigiliasque esse placuerat, loca distribuentes, riolano, adesse ingens mulierum agmen; in primo, ut
niultittid ) ingens pacem posceotium primum seditioso qui nec publica majestate in legatis nec in sacerdotibus
clamore conterruit deinde vocare senatum, referre de tanta offusa oculis animoque religione motus esset, multo
legatis ad C. Marcium mittendis coegit. Acceperunt rela- obstinatior adversus lacrimas muliebres erat. Dein fami-
tionem patres, postqtiam apparuit, labare plebis animos; liarium quidam, qui insignem mœstitia inter ceteras cog-
imssique de pace ad Marcium oratores atma responsum noverat Veturiam, inter nurum nepotesque stantem
retulet unt: « si Volscis ager redderetur, posse agi de pace: « Nisi me frustrantur, inquit, oculi, mater tibi conjux-
si pra-da belli per otium frui velint, memorem se et ci- que et liberi adsunt. » Coriolanus, prope ut amens, con-
vium injuriæ, et hospitum beueticii, annisurum, ut ap- sternatus ab sede sua, quum lerret matri obviæ com-
pareat, exsuio bibi irritatos, non fractos, animos esse.» plexum, mulier in iram ex precibus versa «Sine, prius-
Iterum deiude iideni missi non recipiuntur in castra. Sa- quam complexum accipio sciam, inquit, ad hostem, an
cet dutes quoque, suis insiguibus velatos, isse supplices ad ad filium, venerim captiva materue in castris tuis sim?
castra bostium, traditum est; nihilo magis quam legatos In boc me longa vita et uifelix seuecta traxit, ut exsulem
liexisse animum. te deiude hostem viderem Potuisti populari hanc ter-
XL. Tuiu matronæ ad Veturiam, matrem Coriolani, ram, quæ te genuit atque aluit? 1\on tibi, quamvis in-
Volu umamque uxorem fréquentes coeunt. Id publicuni festo animoet minaci perveneras, ingredienti fines ira ce-
consilium, an muliebris timur fuerit, parum invemo. cidit/ non, quum in conspeclu Roma fuit, succurrit:
Pervicere certe, ut et Veturia, ruagno natu mulier, et intra illa mœnia domus ac penates mei suut, mater, cnn-
Volumnia, duos parvos ex Marcio lerens filios secum jux, liberique? Ergo ego uisi peperissem, Roma non op-
in castra hostium irent et, quam armis viri defendere pugnaretur nisi filium haberem, libera in libera patria
mbem non possent, mulieres precibus lacrimisque de- mortua essem. Sed ego nihil lam pati, nec tibi turpius
fenderent. Ubi ad castra ventum est, nnntiatumque Co- quam mihi miserius possum nec, ut sim miserrima
les larmes que versent toutes ces femmes, leurs XLI. Les consuls suivants furent Sp. Cassius et
gémissements sur leur sort et sur celui de la pa- Proculus Virginius. Ou conclut a\ ec les Herniques
trie, brisent enfin ce cœur inflexible; après avoir un traité qui leur enleva les deux tiers de leur ter-
serré sa famille dans ses bras, il la congédie, et va ritoire. Cassius se proposait d'en donner la moitié
camper à une plus grande distance de Rome en- aux Latins, et l'autre moitié au peuple. Il voulait
suite, il lit sortir les légions du territoire romain, ajouter à ce présent quelques portions de terri-
et périt, dit-on, victime de la liaine qu'il venait toire, qu'il accusait des particuliersd'avoir usur-
d'encourir. D'autres historiens rapportent sa mort pées sur l'état. Un grand nombre de patriciens
d'une manière différente. Je lis dans Fabius, le étaient alarmés du danger qui menaçait leurs in-
plus ancien de tous, qu'il vécut jusqu'à un âge térêts et leurs propres possessions; mais le sénat
avancé; du moins, il rapporte que souvent il répé- tout entier tremblaitpour la république, en voyant
tait, à la fin de sa vie: L'exil est bien plus pénible un consul se ménager, par ses largesses, un crédit
pour un vieillard. Les Romains n'envièrent point dangereux pour la liberté. Ce fut alors, pour la
aux femmes la gloire qu'ellesvenaientd'acquérir; première fois, que fut promulguée la loi agraire,
tant l'on connaissait peu alors l'enviequi rabaisse qui depuis cette époque jusqu'à la nôtre, n'a ja-
le mérite d'autrui. Pour perpétuer le souvenir de mais été mise en question sans exciter de violentes
cet événement, un temlle fut élevé, et on le con- commotions. L'autre consul s'opposait au partage,
sacra à la fortune des femmes. Ensuite les Vols- soutenu par les sénateurs, et n'ayant pas même à
ques, secondés par les Èques, reparurent sur le lutteç contre tout le peuple, dont une partie com-
territoire romain; mais les Èques ne voulurent pas mençait à se dégoûter d'un présent qu'on enlevait
obéir plus longtemps à Attius Tullus. Alors, les aux citoyens pour le leur faire partager avec les
deux peuples se disputèrent pour savoir qui des alliés; d'ailleurs, il entendait souvent le consul
Volsques ou des Èques, donnerait un général à l'ar- Virginius répéter dans les assemblées, comme s'il
mée confédérée; il s'ensuivit une sédition qui se obéissait à une inspiration prophétique, «que les
termina par un sanglant combat. Dans cette lutte, faveurs de son collègue étaient empoisonnées que
aussi désastreuse qu'opiniâtre, la fortune du peu- ces terres deviendraient,pour leurs nouveaux pos-
ple romain détruisit les deux armées des ennemis. sesseurs, un instrument de servitude qu'on se
L'année suivante, T. Sicinius et C. Aquillius fu- frayait le chemin de la royauté. Pourquoi donc
rent créés consuls. Sicinius fut chargé de combat- accueillir ainsi les alliés et les Latins? Pourquoi
tre les Volsques; Aquillius, les Herniques, qui rendre aux Herniques, naguère les ennemis de
avaient pris aussi les armes. Cette année, les Iler- Rome, le tiers du territoire conquis sur eux, si ce
niques furent vaincus; dans la guerre contre les n'est pour que ces peuples mettent à leur tête Cas-
Volsques, les avantages furent balancés. sius, au lieu de Coriolan? » L'adversaire de la loi

diu fulura sum. De bis videris quos, si pergis, aut im- XLI. Sp. Cassius deinde et Proculus Virginius consu-
matura mors, aut longa servitus manet.. Utjrdeinde ac les facti. Cum Hernicis fœdus ictum agri parles d'iae
tiberi amplexi fletusque ab omni turba mulierum ortus, ademptæ inde dimidium Latinis, dimidium plebi divi-
et comploratiosui patriæque, fregere tandem virum. Com- surus consul Cassius erat. Adjiciebat huic muneri agri ali-
plexusinde suos dimittit: ipse retro ab urbe castra movit. quantum, quem publicum possideri a privatis criniinaba-
Abductis deinde legionibus ex agro romano, invidia rei tur. Id multos quidem Patrum, ipsos possessores peri-
oppressum peu sse tradunt; alii alio leto. Apud Fabium, culo rerum suarum terrebat. Sed et publica Patribus sol-
longe antiquissimiim anctorem us lue ad senectutem licitudo inerat, largitione consulem periculosas libertati
vixisse eundem invenio. Itefert certe, hanc saepe eum opes struere. Tum primum lex agraria promulgata est;
cvacta ælate usurpasse vocem « Multo miserius seni ex- nunquam deinde usque ad hanc memoriam sine uiaximis
silium esse. » No n inviderunt laudes suasmulieribus viri motibus rerum aguata. Consul alter largitioni resistebat,
Romani adeo sine obtrectatione gloriæ alienæviveb,itur. auctoribus Patribus, nec omni plebe adversante quæ
Monumento quoque qnod esset, templum Fortunæ Mu- primo cœperat fastidire, munus vulgatum a civibus isse
liebri ædificatumdedicatumque est. Rediere deinde Vols- in socios. Sæpe deinde et Virginium conselem in concio-
ci, adjunctis Æquis, in agi-uni romanum sed Æqui mbus velut vaticmantem audiebat « Pestilens collegæ
Attium Tullum band ultra tulere ducein. Hinc ex certa- muous esse. Agros illos servitutem iis, qui acceperint,
mine, Volsci Æquine imperatorem conjuncto exercitui laturos regno viam fieri. Quid ita enim assumi socios et
darent, seditio, deinde atroi pra'lmm orlum. Ibi fortuna nomen latinum? Quid atlmuisse Hernicis, paulo ante
pupuli romani duos liostium exercitus, haud minus per- hostibus, capti agri partem tertiam reddi nist ul hæ gen-
mciuso quam pertinaci certamine,confecit. Consules T. Si- tes pro Coriolaoo dnce Cassium habeant? » Popularis jam
cmius et C. Aquillius. Sicinio Volsci, Aquillio Hernici esse dissuasor et intercessor legis agraria; ca'perat. Uter-
(nam ii quoque in armis erant) provinciaevenit. Eo anuo que deiude consul certatim plebi indulgere. Virgiuius di-
Hernici devicti. rnm Volscis æquo Marte discessum est. cere, passurum se assignari agros, dum ne cui, msi civi
agraire commençait, malgré son opposition, à ga- cupidité du peuple fut encore enflammée par l'a-
gner de la popularité. Bientôt, l'un et l'autre con- varice des patriciens, qui, après une victoire sem-
sul flattèrent le peuple à l'envi. Virginius décla- portée cette année sur les Volsques et les Èques
rait qu'il consentirait au partage des terres, pourvu frustrèrent le soldat du butin. Tout ce qu'on avait
qu'on n'en disposât qu'en faveur des citoyens ro- pris sur l'ennemi fut vendu par le consul Fabius,
mains. Cassius, que sa condescendance intéressée et le prix en fut porté dans le trésor. La conduite
pour les alliés dans la distribution des terres, du dernier consul avait rendu le nom de Fabius
avait rendu méprisable aux yeux des citoyens, vou- odieux au peuple. Cependant les patriciens par-
lait, pour se réconcilier les esprits par un nouveau vinrent à faire nommer Caeson Fabius consul avec
bienfait, qu'on fit remise au peuples de l'argent reçu L. Émilius; la fureur du peuple s'en accrut, et
pour le blé de Sicile. Mais le peuple rejeta dédai- les troubles civils attirèrent une guerre étrangère;
gneusement ce don, comme s'il y voyait le prix et la guerre, à son tour, suspendit les troubles
de la royauté. Ainsi ce soupçon, une fois enraciné civils. Les patriciens et le peuple, d'un mowe-
dans les esprits, faisait mépriser, comme au sein ment unanime, marchèrent contre les Volsques
de l'abondance, les présents que leur faisait le con- et les Èques, qui avaient repris les armes, et, sous
sul. A peine sorti de charge, il fut condamné et les ordres d'Émilius, remportèrent une grande
mis à mort; voilà ce qui est certain. Quelques au- victoire. Toutefois la déroute coûta la vie à plus
teurs prétendent que son père ordonna lui-même d'ennemis que le combat tant les cavaliers s'a-
son supplice; qu'ayant instruit dans sa maison le charnèrent à la poursuite des fuyards. Cette même
procès de son fils, il le fit battre de verges et mettre année, aux ides de Quinctilis, eut lieu la dédicace
à mort, et consacra son pécule à Cerès. On en fit du temple de Castor. C'était un vœu que le dicta-
une statue avec cette inscription DONNÉ PAR LAFA- teur Postumius avait fait dans la guerre contre
MILLE CASSIA. Je trouve dans quelques historiens les Latins; son fils, nommé duumvir à cet effet,
et ce récit me paraît plus vraisemblable,qu'il fut présida à la cérémonie. L'appât de la loi fut en-
accusé de haute trahison par les questeurs Cæson core mis en avant cette année pour séduire les es-
Fabius et L.Valerius, et condamné par un jugement prits du peuple. Les tribuns relevaient l'impor-
du peuples, qui ordonna aussi que sa maison fût tance de leur populaire magistrature par cette loi
rasée; c'est la place qu'on voit devant le temple de populaire. Les patriciens, jugeant que la multitude
la Terre. Au reste, que son arrêt ait été prononcé n'était par elle-même que trop portée à la vio-
par son père ou par le peuple, il fut condamné lence, redoutaient ces largesses comme autant
sous le consulat de Serv. Cornelius et de Q. Fabius. d'encouragements à l'audace. Ils trouvèrent dans
XLII. Le courroux du peuple contre Cassius ne les deux consuls des chefs qui dirigèrent la résis-
fut pas de longue durée, et la loi agraire, quand tance avec vigueur. Cet ordre l'emporta donc cette
on en eût fait disparaître l'auteur, offrait par elle- année et assura sa victoire pour l'année suivante,
même un grand charme à tous les esprits; cette en donnant le consulat à M. Fabius frère de

romano, assignenlur.Cassius, quia in agraria largitione qui, devictis eo aono Volscis Æquisque, militem præda
ambitiosus in socios, eoque civibus vilior erat, ut alio fraudavere. Quicquid captum ex hostibus est, vendidit
munere sibi rcconciliaret civium animos, jubere, pro Fabius consul, ac redegit in publicum. Invisum erat Fa-
Siculi) frumento pecuniam acceptam retribui populo. Id bium nomen plebi propter novissimum consulem te-
vero band secus, quam præsentem mercedem regni as- nuere tamen Patres ut cum L. Æmilio K. Fabius con-
pernata llebes adeo propler suspicioneminsitam regni, sul crearetur. Eo intestior facta plebes seditionc domes-
velut abundarent omnia munera ejus in animis homi- tica hellum externum excivit belle deinde civiles
hum respucbantur.Quem, ubi primmn magistratuabiit, discordiæ intermissae.Uno animo Patres ac plebes rebel-
damnatum necatumque constat. Sunt, qni patrem aucto- lantes Volsquos et Æquos, duce Æmilio, prospera pugna
rem ejus supplicii ferant eum, cognita domicausa, ver- vicere. Plus tamen hostiuin fuga, quam prælium, ab-
berasse ac necasse, peculinmque filii Cereri consecravisse; sumpsit adeo perlinaciter fusos insecuti sunt equites.
siguum inde faclnm esse, et inscriptum, EX CASSU FAMILIA Castoris aèdes eodem anno Idibus Quintilibus dedicata
DATUM. Invenio apud quosdam, idque propius fidem est, est. Vota erat latino belle, Postumio dictatore; filius ejus,
a quæstoribus K. Fabio et L. Valerio diem dictam per- duumvir ad id ipsum creatus, dedicavit. Sollicitati et eo
duellionis, damnatumque populi judicio dirutas publice anno sunt dulcedine agrariæ legis animi plebis. Taibuni
ædes. Ea est area ante Telluris ædem. Ceterum sive illud plebis popularem poiestatem lege populari celebrabant.
domesticum, sive publicum fuit judicium, damnatur Patres, satis superque gratuitifuroris in multitudine cre-
$er. Cornelio, Q. Fabio consulibus. dentes esbe, largitiones temeritatisque invitamenta hor-
XLII. Haud diuturua ira populi in Cassium fuit. Dul- rebant. Acerrimi Patribus duces ad resistendum consules
çedoagrariae legis ipsa per se, deotpto auctore, subibat fuere. Ea igitur pars reipublicar vicit nec in præsens
animos accensaque ca cupidilas est malignitate Patrum modo, sert iu veateutem etiam aunum Il. Fabium Kæso-
Caeson, et à L. Valérius, encore plus odicux aux ville des Latins; les Véiens, rassasiés de pillage,
plébéiens, pour avoir accusé Cassius. La lutte con- menaçaient déjà d'assiéger Iiome elle-même. Ces
tinua cette année contre les tribuns. La loi fut pré- craintes, qui auraient dû calmer la fureur du peu-
sentée vainement, et ses défenseurs virent s'é- ple, ne faisaient que l'irriter. Il enrevenait à
mousser dans leurs mains cette arme vaine. Le l'habitude de se refuser au service militaire. Ce
nom de Fabius devint considerable,après trois con- n'était pas, il est vrai, de son propre mouvement;
sulats consécutifs, qui furent presque une guerre c'était le tribun Sp. Licinius qui, croyant le mo-
continuelle contre le tribunat; aussi cette dignité ment favorable et l'extrémité où l'on se trouvait
resta-t-elle quelque temps dans cette famille, assez pressante pour imposer la loi agraire aux
comme ne pouvant être mieux placée. Bientôt patriciens, avait entrepris de s'opposer aux enrôle-
commença la guerre contre les Véiens, et une nou- menls. Du reste toute la haine qu'inspirait le tri-
velle rébellion des Volsques. Mais Rome semblait bunatse tourna contre lui, et ses proprescollègues
avoir des forces surabondantes contre l'ennemi furent pour lui des adversaires non moins violents
étranger; elle en usait l'excès dans des luttes in- que les consuls qui, avec leur secours, parvinrent
testines. A cette funeste disposition des esprits, se à effectuer les levées. Deux armées sont formées
joignirent des prodiges célestes qui, presque cha- pour les deux guerres qu'on avait tout à la fois.
que jour, à la ville et dans la campagne, annon- L'une, conduite par Fabius, marche contre les
çaient de nouvelles menaces. Les devins, que Èques; l'autre, sous Furius, va combattre les
consultent et l'état et les pariieuliers, sur les en- Véiens. La guerre contre les Véiens n'offrit rien
trailles des victimes et sur le vol des oiseaux dé- de remarquable; quant à Fabius, il eut plus à
clarent que la colère des dieux n'a d'autre cause faire avec ses soldats qu'avec l'ennemi. Ce grand
que l'inexactitude apportée dans l'accomplisse- homme, ce consul soutint seul la république, que
ment des rites sacrés. Ces terreurs eurent cepen- son armée, en haine du consul, trahissait autant
dant pour résultat la condamnation de la vestale qu'il était en elle. En effet, indépendamment des
Oppia, qui paya de sa mort la violation du vœu autres preuves qu'il donna de ses talents militai-
de chasteté. res, soit dans les préparatifs, soit dans les opé-
XLIII. Q. Fabius et C. Julius, sont ensuite rations de la guerre, il avait si bien disposé ses
nommés consuls. Cette année, les discordes inté- troupes, qu'une charge de la cavalerie suffit seule
rieures ne s'apaisèrentpas, et la guerre extérieure pour enfoncer les ennemis; mais l'infanterie re-
fut plus terrible encore les Èques prirent les ar- fusa de poursuivre les fuyards; insensibles, non
mes les Véiens vinrent ravager le territoire de pas seulement aux exhortations d'un chef odieux,
Rome. Ces guerres inspirant une inquiétude tou- mais même à leur propre déshonneur, à la honte
jourscroissante,on nomme consuls CæsonFabiuset qui, pour le moment présent, allait rejaillir sur
Sp. Furius. Les ÈqUes faisaient le siège d'Ortona, la république, et aux dangers qui les menaçaient

nis fi-atrem, et magis invisum alterum plebi, accusatione pleni jam populationum,Romamipsamse oppugnaturos
Sp. Cassii, L. Valerium consules dedit. Certatum eo minabantur. Qui terrores, quum compescere deberent,
quoque anno cum tribunis est. Vana lex, vanique logis auxere insuper animos plebis redibatque non sua sponte
auctores, jactaudo irritum muuus, facti. Fabium inde plehi mos detrectandi militiam. Sed Sp. Liciuius tribunus
nomen ingens post tres continuos consulatus, unoquo ve- plebis, venisse tempus ratus per ultimam necessitatem
lut tenure omnes expertos tribunittis certamioibus, babi- legis agrariæ Patribus injungendæ, susceperat rem mili-
tum. Itaque. ut bene locatus, mansit in ea familia ah- tarem impediendam. Ceterum tota invidia tribunitiæ po-
quamdiu honos. Belluminde Veiens initum et Vulsci re- testatis versa in auctorem est; nec in eum consulesacrms,
hellarunt. Sed ad bella externa prope supereraut vires; quam ipsi ejus collegæ, coorti suut auiilioque eorum
abutebanturqueiis inter semetipsoscertando. Accessere ad delectum consules habent. Ad duo simut bella eiercitus
agras jam omnium mentes prodigia cœlestia, prope quo- seribitur ducendus Fabio in Æquos in Veientes Furio
tidianas in urbe agrisque ostentautia minas; mutique ira ddtur. Et in Veientibus quidem mhil dignum memoria
numinis causam nullam aliam vates canebant, publice gestum est. Fabio aliquauto plus negotii cum civibus,
privatimque, nunc extis, nunc per aoes, consuiti quam quam cum hostibus, fuit. Unus ille vir, ipse consul,
baud rite sacra fieri. Qui terrores tamen eo evasere, ut rempublicam sustinuit, quam eiercitus odio consulis,
Oppia, virgo Vcstalis, damnata iucesti pœnas dederit. quautum in se fuit, prodebat. Nam quum cousul, præter
XLIII. Q. Fabius inde et C. Julius cousules facti. Eo ceterasimperatoriasartes,quas paraudo gereudoque bello
anuo non segnior discordia domi et bellum loris atrocius edidit plurimas ita instruxisset aciem ut, solo eqmtatu
fuit. Ab Æquis arma sumpta. Veientes agrum quoque emisso, exercitum hostium fundel'et, insequi fusos ptdes
Romannrum populantes mieruut. Quorum bellorum cres- noluit nec illos, etsi non adhorlatiu invisi ducis, suum
ceute cura, K. Fabius et Sp. Furius consules fiunt. Or- saltem Oagitium et publicum in præsentia dedecus, post-
tonam, lal1uam urbem AEqui oppugnabant. Veientes. modo periculum, si animus hosti redisset, cogere potutt
eux-mêmes dans l'avemr, si les ennemis repre- qu'il n'était besom que d'un seul contre tous les
naient courage ils s'obstinèrentà ne point avan- autres. Que c'était aux consuls et aux patriciens
cer d'un pas, et ne voulurent même point rester les plus influents à gagner, sinon tous les tribuns,
en bataille. Sans en avoir reçu l'ordre, ils quittent au moins quelques-unsd'entre eux, à la cause de
leurs rangs, et tristes (on dirait presque vaincus), la république et du sénat. » Les patriciens suivi-
maudissant tantôt le consul, tantôt le dévouement rent le conseil d'Appius; tous parlaient aux tri-
de la cavalerie, ils rentrent dans le camp. Le gé- buns avec douceur et bienveillance; les consulai-
néral ne trouva aucun remède contre la contagion res, selon qu'ils avaient plus ou moins de droits
d'un tel exemple tant il est vrai que les plus sur chacun d'eux en particulier, obtinrent, les
grands hommes trouvent plus facilement le secret uus par affection, les autres par autorité, qu'ils
de vaincre l'ennemi que celui de conduire les ci- n'emploieraient les forces du tribunat que dans
toyens. Le consul revint à Rome, ayant moins l'intérêt de la république. Secondés par quatre
ajouté à sa gloire qu'irrité et exaspéré la haine des tribuns contre le seul qui entravait le service pu-
soldats contre lui. Les patriciens eurent cependant blic, les consuls parviennent à faire les levées.
assez d'influence pour maintenir le consulat dans Ensuite ils marchent contre les Véiens, auxquels
la maison des Fabius. Ils nomment consul M. Fa- l'Étrurie avait de toute part envoyé des secours,
bius, auquel on donne pour collègue Cn. Man- moins à cause de l'intérêt qu'ils inspiraient, que
lius. dans l'espérance de voir Rome se détruire elle-
XLIV. Cette année, un nouveau tribun se pré- même par ses discordes intestines. Dans toutes les
senta pour soutenir la loi agraire; ce fut Ti. Pon- assemblées les chefs de l'Étrurie répétaient
tificius. Suivant la même marche que Sp. Licinius, « Que la puissance de Rome serait éternelle, sans
comme si elle eût réussi, il arrêta quelque temps les séditions où les Romains se déchiraient les uns
les levées. Les sénateurs s'en troublèrent de nou- les autres. C'était là, suivant eux, le seul poison,
veau mais App. Claudius leur dit « Que la puis- le seul principe de mort qui pût amener la ruine
sance tribuuitienne avait été vaincue l'année pré- des États puissants. Ce fléau, longtemps comprimé
cédente, qu'elle l'était dans le présent par le fait par la sagesse du sénat et la patience du peuple,
même, et pour l'avenir par l'exemple puisqu'on avait atteint son dernier période. D'une cité, la
avait découvert qu'elle pouvait se dissoudre par discorde en avait fait deux, dont chacune avait
ses propres forces qu'il se trouverait toujours ses magistrats et ses lois. D'abord c'est à l'occasion
quelque tribun disposé pour lui-même à rempor- des levées, que s'est déchaînée leur fureur mais
ter la victoire sur son collèâue, et dans l'intérêt une fois en campagne, ils obéissaient encore à la
public à se concilier la faveur du premier ordre voix du général. Aussi, quelque eût été l'état inté-
de l'État. Que si plusieurs étaient nécessaires, plu- rieur de la ville, elle avait pu conserver sa puis-
sieurs seraient prêts à soutenir les consuls mais sance, parce que la discipline militaire s'était

gradum accelerare;aut, si aliud nihil, instare instructos. modo et consules et primoresPatrum operam ut, si mi-
Injussu signa referunt mæstique ( crederes victos), ex- nus omnes, aliquos tamen ex tribunis reipublicæ ac se-
secrantes uunc imperatorem nuuc navatam ab equite natui conciliarent. » Præceptis Appii moniti Patres, et
operam, redeunt in castra. Née huic tam pestilentiexem- universi comiter ac benigne tribunos appellare; et cousu-
plo remédia ulla ab imperatore quæsita sunt adeo excel- lares, ut cuique privatim aliquid juris adversus singulos
lentibus ingeniis cilius defuerit ars, qua civem regaot, erat, partim gratia, partim auctoritate, obtinuere, ut
yuam qua hostem superent. Consul Romam rediit, non tribunitiæ potestatisvires salubres vellent reipublicæ esse;
tam belli glnr a aucta, quam irritato exacerbatoque in se quatuorque tribunorum adversus unum moratorem pu-
militum odio. Obtinuere tamen Patres, utm Fabia gente blici commodi auxilio delectum consules habent. Iude ad
consulatus maneret. M. Fabium consulem creant Fabio Veiens bellum profecti quo undique ex Etruria auxilia
cullega Cn. Manlius datur. conveueraot, non tam Veientium gratia concitala, quam
XLIV. Et hic anuus tribunum auclorem legis agraria; quod in spem ventum erat, discordia intestina dissolvi
habuit. Ti. Pontificius fuit. ls, eandem viam velut pro- rem romanam posse. Principesque in omnium Etruriæ
cessisset Sp. Licinio, ingressus, delectum paulisper im- populorum couciliis fremebant Æternas opes esse ro-
pediit. Perturbatis iterum Patribus, Ap.Claudius « Vic- mauas, nisi inter semetipsi seditiunibus saviaut. Id unum
tam tribumtiam potestatem, dicere, priore anno; in præ- venenum, eam labem civitatibus opulenlis repertam, ut
sentia re ipsa exemplo in perpetuum qu,mdo inventum magna imperia mortalia essent. Diu sustentatum id ma-
sit, suis ipsam viribus dissolvi. Neque enim unquam de- Imn, partim Patrum consilits, partim patientia plebis.
fuwrum qui et ex collega victoriam siUi et gratiam me- jam ad extrema venisse.Duascivitates ex una faclas suos
lioris partis bono publico velit quæsitam. Et plures, si cuique parti magistratus, suas leges esse. Primum in de.
piuribus opus sit, tribunos ad auxilium paratos lectibus saevire sulitos; eosdem in bello tamen pai uisse
fore; et uuum vel adversus oinnes satis esse. Darent ducibus. Qualicumque urbis statu, manente disciphua un-
maintenue; mais aujourd'hui, le soldat romain I lesilence et l'inaclion chez (les hommes qui ont
prenait au camp même l'habitude de désobéir à les armes à la main 1 Puis c'étaient des saillies,
ses magistrats. Dans la dernière guerre, sur le fondées ou non sur l'origine récente des Romains,
champ de bataille, au moment même du combat, et sur l'obscurité de leur race. Ces insultes, qui
l'armée, d'un accord unanime avait livré volon- viennent retentir jusqu'au pied même des retran-
tairement la victoire aux Èques déjà vaincus. Elle chements et jusqu'aux portes du camp, les con-
avait déserté ses drapeaux, abandonné son géné- suls les supportent avec une joie secrète. Mais la
ral pendant l'action, et était rentrée dans le camp multitude, qui ne peut s'expliquer cette impassi-
sans attendre aucun ordre. Certes, pour peu qu'on bilité de ses chels, se sent agitée par l'indignation
fit d'efforts Rome serait vaincue par ses propres et par la honte, et peu à peu oublie les querelles
soldats; il sufliraitde lui déclarer, de lui montrer intestines. Ils ne veulent pas laisser impunie l'in-
la guerre les destins et les dieux feraient d'eux- solence des Étrusques; ils ne veulent pas non plus
mêmes le reste. » Ces espérancesavaient armé les assurer le triomphe des patriciens, des consuls;
Étrusques, après tant d'alternatives de défaites et la haine de l'étranger et la haine des ennemis do-
de succès. mestiques combattent dans leurs cœurs; enfin, la
\LV. Les consuls, de leur côté, ne redoutaient haine de l'étranger l'emporte, tant l'ennemi mon-
rien tant que leurs forces, que leur armée. Le trait d'orgueil et d'insolence dans ses sarcasmes.
souvenir du funeste exemple donné pendant la Les Romains entourent en foule le prétoire; ils
dernière guerre les détournait de s'engager assez demandent le combat, ils veulent qu'on en donne
pour avoir à craindre deux armées à la fois. Aussi, le signal. Les consuls, sous le prétexte de délibé-
renfermés dans leur camp, ils évitaient le com- rer, se retirent à l'écart et prolongent la confé-
bat, dans la crainte d'un double péril « Le temps rence. Ils désiraient combattre; mais il leur fallait
et peut-être même une occasion fortuite, calme- réprimer et cacher ce désir, pour que leur résis-
rait les ressentiments, et guérirait les esprits ma- lance et leurs délais donnassent un nouvel élan
lades. » Mais cette conduite ne fit qu'accroître la au courage déjà si excité des soldats. Ils répon-
présomption des Véiens et des Étrusques ils dent enfin que la demande est prématurée; qu'il
défiaient les Romains au combat; et d'abord, pour n'est pas encore temps de combattre qu'il faut
les provoquer, ils vinrent caracoler le lonâ du se tenir renfermés dans le camp. Puis un édit for-
camp; puis, voyant qu'ils n'obtenaient rien, ils mel défend le combat quiconque combattra
accablaient de railleries insultantes l'armée et les sans en attendre l'ordre, sera traité en ennemi.
consuls eux-mêmes. « Ils feignaient, disaient-ils Ainsi congédiés, les soldats, qui sont convaincus
pour pallier leur terreur, d'être en proie aux dis- de la répugnance des consuls pour le combat,
cordes intestines, et les consuls se défiaient du n'en ressentent que plus d'ardeur guerrière. D'un
courage de leurs troupes bien plutôt que de leur autre côté, les ennemis s'approchent avec encore
obéissance. Gtranae sédition sans donte que plus d'arrogance, dès qu'ils apprennent la défense

lilari, sisti potuisse. Jam non parendi magistralibus mo- militibus. Novum seditionis genus, silentium otiumque
rem in castra quoque romanum militem sequi. Proximo iuter armatos.. Ad hæc in novitatem generis origiaisque,
bello in ipsa acie, in ipso certamme, consensu exercitus qua falsa, qua vera, jacere. Hæc, yuum sub ipso vallo
traditam ultro victoriam victis Aiquis signa deserta, im- portisque streperent, haud ægre consul es pati. At impe-
peratorem in acie relictum, injussu in castra reditum. ritæ multitudinis nunc indignalio, nunc pudor, pectora
Profecto, si instetur, suo milite vinci Romam posse. Ni- versare, et ab intestmis avertere malis: nolle inultos bos-
hil aliud opus esse, quam indici ostendique bellum ce- tes, nolle successum, non Patribus, non consulibus ex-
tera sua sponte fata et deos gesturos.. Ea spes Etruscos terna et domestica odia cergare in animis. Tandem supe-
armaverat, multis in vicem casibus victos victoresque. rantexterna adeo superbe insolenterque hostis eludebat.
XLV. Consoles quoque Romani nihil præterea aliud Frequentes in prætorium conveuiuut, poscunt pugnam,
quam suas vires, sua arma, horrebant memoria pes- postulant, ut signum detur. Consules, velut deliberabun-
simi proximo bello exempli terrebat, ne rem committe- di, capita conferunt, diu colloquuntur.Pugnare cupie-
rent eo, ubi duæ simul acies timendæ essent. Itaque castris bant sed retro revocanda et abdenda cupiditas erat, ut
se tenebant, tam ancipih periculo aversi diem tempus- adversando remorandoqueincitato semel militi adderent
que forsitan ipsum lemturum iras, sanitatemque animis impetum. Redditur responsum, immaturam rem agi,
allaturum. Veiens hostis Etruscique eo magis praspro- nondum tempus pugnæ esse castris se tenerent. Edicunt
pere agerc; lacessere ad pugnam; primo obequitando inde, ut abstineant pugna si quis injussu pugnaverit, ut
castris provocandoque postremo, ut nihil movebaut, qua in bostem aniniadversuros. Ita dimissis, quo minus con-
consulesipsos, qua exercitum increpando Simulatiu- sules velle credunt, crescit ardor pugnandi, Accedunt in.
oem intestinæ discordiae remedium timoris inventum et euper bottes ferociusmulto, ut statuisse non pugoare con-
consoles magis non conlidere, quam non credere, suis sules cognitum est. Quippe impune se insultaturos, non
des consuls. Leurs insultes seraient désormais im- cent des injures; que cet ennnemi, si hardi en
punies on n'osait plus confier des armes au sol- paroles, vienne les affronter, maintenant qu'ils
dat tout finirait bientôt par la plus violente ex- ont des armes Tous, en ce jour, plébéiens et pa-
plosion, et la puissance romaine touchait à son triciens firent des prodiges de valeur. Mais les Fa-
terme. Forts de cet espoir, ils courent aux portes, bius se distinguèrent entre lous les luttes intes-
ils accablent l'armée d'invectives ils ne se défen- tines leur avaient aliéné l'affection du peuple, ils
dent qu'avec peine d'attaquer le camp. Les Ro- veulent la reconquérir dans ce combat. L'armée
Étrusques
mains ne pouvaient plus longtemps supporter ces se range en bataille les Véiens et les
affronts. De toutes les parties du camp on accourt ne refusent point l'engagement.
auprès des consuls. Ce n'est plus, comme la pre- XLVI. Ils se tenaient presque assurés que les
mière fois, avec des ménagements et par l'entre- Romains ne se battraient pas plus contre eux que
mise des principaux centurions qu'ils présentent contre les Èques ils croyaient même pouvoir
leur demande tous à la fois réclament à grands compter sur quelque résolution plus éclatante dans
cris. Le moment était venu; toutefois les consuls l'état d'irritation où se trouvaientles esprits, dans
tergiversent encore. Fabius, enfin, voyant le tu- une occasion doublement avantageuse. L'événe-
multe s'accroître, et son collègue près de céder ment trompa leur attente jamais, dans aucune
dans la crainte d'une sédition, ordonne aux trom- guerre, les Romains n'avaient engagé l'action avec
pettes de sonner le silence « Je sais, Cn. Man- plus d'acharnement, tant les insultes de l'ennemi
lius, dit-il à son collègue, que ces soldats peu- et les retards des consuls les avaient exaspérés. A
vent vaincre; mais j'ignore s'ils le veulent; et peine les Étrusques eurent-ils le temps de se dé-
eux-mêmes en sont la cause. Aussi ai-je pris la ployer, à peine, dans le premier trouble, eurent-
ferme résolution de ne point donner le signal ils jeté au hasard plutôt que lancé leurs javelots,
du combat, qu'ils n'aient juré de revenir vain- que déjà on en était venu aux mains que déjà on
queurs. Le soldat a pu tromper une fois son géné- se frappait de l'épée, celui de tous les genres de
ral sur le champ de bataitle il ne saurait trom- combats où Mars déchaîne le plus ses fureurs. Aux
perlesdieux. » Alors un centurion, M. Flavoléius, premiers rangs, les Fabius donnaient un beau
l'un des plus ardents à demander le combat, s'é- spectacle, un bel exemple à leurs concitoyens.
crie « M. Fabius, je reviendraivainqueur. » S'il L'un d'eux, Quintus Fabius, consul trois ans au-
manque à sa parole, il appelle sur lui la colère de paravant, s'avançait le premier contre les rangs
Jupiter, de Mars, père des combats, et de tous sérrés des Véiens, lorsqu'un soldat Étrusques, fier
les autres dieux. L'armée entière répète après lui de sa force et de son adresse, le surprend au mi-
le même serment et les mêmes imprécations. On lieu d'un gros d'ennemis et lui perce le sein de
donne alors le signal tous prennent leurs armes son épée Fabius arrache le fer de sa blessure, et
et volent au combat pleins de courroux et d'es- tombe. La chute d'un seul homme se fit sentir dans
pérance. Que maintenant les Étrusques leur lan- les deux armées. Déjà même les Romains lâchaient

credi militi arma rem ad ultimum seditionis erupturam, tum hostem offerri. Omnium illo die, qua plebis, qua
finemque venisàe romano imperio. His freti occursant Patrum eximia virtus fuit. Fabium nomen Fabia gens
portis, ingerunt probra tegre abstinrent,quin castra op- maxime euituit. hlullis civilibus certamiuibus infensos
pugnent. Enimvero non ultra contumeliam pati Romanus plebis auimos illa pugna sibi reconciliare statuunt. In-
posse totis castris undique ad consules curritur. Non jam struitur acies nec Veiens hostis Etruscaequelegionesde-
senaim ut aute per centurionum principes postulant trectant.
sed passim omnes clamoribus agunt. Mature res erat; XLVI. Prope certa spes erat, non magissecum pugna-
tergiversanlur tamen. Fabius deinde, ad cresceutem tu- turos, quam pugnaverint cum Æquis majus quoque ali-
multu jam metum seditionis collega concedente,quum si- quod, in lam irritatis animis et occasione aucipiti, haud
lentium classico fecisset « Ego istos, Cn. Manli, posse desperandum esse facinus. Res aliter longe evenit. Nam
vincere scio; velle ne scirem ipsi fecerunt. Itaque cer- non alio ante bello infestior Romanus (adeo hinc contu-
tum atque decretum est, non dare signum, nisi, victores meliis bostes, binc consules mora exacerbaverant)prx-
se redituros ex bac pugna jurant. Consulem romanum lium iniit. Vit explicandi ordinis spatium Etruscis fuit,
miles semel in acie fefellil; deos nunquam fallet.. Centu- qnum, pilis inter primam trepidationem abjectis temere
rio erat M. Flavoleius, inter primores pugnae ftagitator. magis, quam emissis, pugna jam in manus, jam ad gla-
« Victor, inquit, M. Fabi, revertar ex acie. » Si fallat, dios, ubi Mars est atrorissimns, venerat. Inter prnnores
Jovem patrem Gradivumqne Martem, aliosque iratos genus Fabium insigne spectaculo exemploque civibus
invocat deos. IHem deinceps omnis exercitus in se quis- erat. Ex bis Q. Fabium tertio hic sono anie cousua
que jurât. Juratis datur signum arma capiunt eunt in fuerat), prmcipem in confertosVeientes euntem, ferox
pugnam, irarum speique pleni. Nunc, jubent Etruscos viribus et armorum arte Tuscus, incautum inter multas
probra jacere nnnc armatis sibi quisque lingua promp- versantem bostium manus, gladio per pectus transfigit.
pied, lorsque le consul M. Fabius s'élance en que lui-même, victorieux à l'autre aile, venait
avant du corps de son parent, et présentant son les soutenir, n'eût, par sa présence, arrêté la dé-
bouclier à l'ennemi « Soldats, s'écrie-il, avez- route. lVlanlius aussi vient s'offrir à leurs yeux
vous juré de rentrer en fuyards dans votre camp? pour rétablir le combat. La vue des deux consuls,
Vous craignez donc plus de lâches ennemis que qu'ils connaissent bien, enflamme le courage des
Mars et Jupiter, par qui vous avez juré. Pour soldats déjà, d'ailleurs, la ligne des ennemis avait
moi, qui n'ai pas fait de serment, je retournerai dejà perdu de sa profondeur; car, se 6ant sur la
vainqueur ou je tomberai en combattant près de supériorité de leur nombre ils avaient détaché
toi, Q. Fabius. » Alors Caeson Fabius,consul de l'an- leur réserve, pour l'envoyer assiéger le camp.
née précédente, s'adressant à Marcus « Est-ce Elle l'emporte d'assaut, sans beaucoup de résis-
par des paroles, mon frère, que tu crois obtenir tance mais tandis qu'elle oublie le combat, pour
d'eux qu'ils combattent. Les dieux seuls l'obtien- ne songer qu'au butin, les triaires romains, qui
dront, les dieux témoins de leurs serments. Pour n'avaient pu supporter le premier choc, font don-
nous, comme il convient aux premiers de l'état, ner avis aux consulsde l'état où en sont les choses;
comme il est digne du nom des Fabius, sachons puis, se ralliant autour du prétoire, ils retournent
par notre exemple, plutôt que par nos exhorta- d'eux-mêmes à l'attaque. Pendant ce temps, le
tions, enflammer le courage de nos soldats.» Aus- consul Manlius revient au camp, place des soldats
sitôt les deux Fabius volent au premier raug, la toutes les portes, et ferme à l'ennemi toute issue.
lance en arrêt, et entraînent avec eux toute l'ar- Le désespoir enflamme les Toscans, non pas tant
mée. d'audace que de rage. Après avoir, à plusieurs
XLVII. C'est ainsi que le combat s'etait rétabli reprises, tenlé inutilement de s'échapper par les
de ce côté. Dans le même temps le consuls Cn. points où l'espoir leur montrait une issue, un pe-
lVlanlius luttait avec non moins de vigueur à l'au- loton de jeunes guerriers se jette sur le consul lui-
tre aile où la fortune se montra presque la même. même, qu'ils reconnaissent à son armure. Les
En effet, tantque Manlius, de même que surl'autre premiers traits furent parés par ceux qui l'entou-
point Q. Fabius, avait poussé l'épée dans les reins raient mais bientôt ils ne purent résister à un
l'ennemi déjà presque en déroute, ses soldats l'a- choc si violent le consul, blessé à mort, tombe,
vaient suivi pleins d'ardeur mais lorsqu'une et tout se dissipe. L'audace des Toscans redouble;
grave blessure l'eût forcé de quitter le champ de les Romains, poursuivis par la terreur, courent,
bataille, persuadés qn'il était mort, ils commen- dans leur effroi, d'un bout du camp à l'autre, et
cèrent à lâcher pied et ils auraient même pris la le malallait être sans remède, si les lieutenants,
fuite, si l'autre consul, accourant ventre à terre après avoir fait enlever le corps du consul n'eus-
sur ce point, avec quelques escadrons de cavale- sent ouvert une porte pour donner passage à
rie, et criant que son collègue vivait encore, et l'ennemi. Il se précipite par cette issue; mais cette

Telo extracto praeceps Fabius in vulnus abiit. Sensit tus, vivere clamitans collegam, se victorem fuso altero
utraque acies uuma viri cabum, cedebatque inde Roma- cornu adesse rem inclinatam sustinuisset. Manlius quo-
nus quum M. Fabius consul transiluit jacentis corpus, que ad restituendam aciem se ipse coram offert. Duorum
ubjectaque parma Hoc jurastis, inquit, milites, fu- consulum cognita ora accendunt militum animos. Simul
gienles vos in castra rediluros? adeo ignavissimos bustes et vanior jam erat bostium acies, dum, abundante mul-
magis tirnetis, quam Jovem Martemque, per quos juras- titudine freti, suhtracta suhsidia mittunt ad castra oppug-
tis At ego iujuralus aut victor revertar, aut prope te nanda. In quæ haudmagnocertamineimpelufacto, dum
hic, Q. Fabi, dimicans cadam. Consuli tum K. Fabius prædæ magis, quam pugnæ, memores terunt tempus
prioris anui consul, « Verbisneistis, frater, ut pugnent, triarii Romani, qui primam irruptionem sustincre non
le impetraturumcredis? Dii impetrabunt, per quos jura- potuerant, missis ad consules nuntiis, quoloeores essent,
vere. Et nos, ut decet proceres, ut Fabio nomine est dig- conglobati ad prætoriumredeunt, et sua sponte ipsi præ
num, pugnaudo potius, quam adbortando, accendamus limn renovaut et Manlius consul revectus in castra ad
militum animos. » Sic in primum infestishastis provolant omnes portas milite opposito hostibus viam clauserat.
duo Fabii, totamque moveruot secum aciem. Es desperatio Tuscis rabiem magis quam audaciam ac-
XLVII. Prœlio ex parte una restituto, nihilo segnius cendit. Nam qunm incorsanles, quacuuque exitum osten-
in altero cornu Cn. Alanlius consul pugnam ciebat ubi deret spes vano aliquotiesimpetu issent, globns juvenum
prope similis fortuna est versata. Nam ut altero in cornu unus in ipsum consulem insiknem armis invadit. Prima
Q. Fabium, sic in hoc ipsum cousulemManlium,jam velut excepta a circumstantibus tela sustiueri deinde vis ne-
fusos agentem hostes, et impigre milites secuti sunt; et, quit. Consul mortifero vulnere ictus cadit, fusique eirca
ut ille gravi vulnere ictus ex acie cessit, interfectum rati, omnes. Tuscis crescit audacia Romanos terror per tota
gradum retulere cessissentqueloco, ni consul alter, cum castra trepidos agit. Et ad extrema ventum foret, ni legati,
aliquot turmis equitum in eam partem citato equo adveo- raplo consulis corpore, pateferissent una porta bostibus
troupe en désordre rencontre dans sa fuite l'autre comme il était permis d'en concevoir l'espérance,
consul victorieux, qui la taille en pièces et la met rétabli la concorde et réconcilié le peuple avec
en déroute. La victoire était glorieuse mais at- les patriciens. Dans cette intention, il proposa
tristée par ces deux grands trépas. Aussi, le con- dès le commencement de l'année, au sénat, de ne
sul, quand le sénat lui décerna le triomphe, ré- pas attendre qu'un tribun eût mis en avant une
pondit, « Que si l'armée pouvait triomphersans le loi agraire mais de prendre les devants et de par-
général il y consentiraitvolontiers en considé- tager au peuple, le plus également qu'il se pour-
ration de sa brillante conduite dans cette guerre rait, les terres prises sur l'ennemi. « Il est juste,
mais que pour lui, quand sa famille était frappée disait-n, que ceux-là les possèdent qui les ont ac-
par la mort de son frère Q. Fabius, quand la ré- quises par leurs sueurs et par leur sang. u Les séna-
publique était orpheline de l'un de ses consuls, il teurs rejetèrent cet avis avec dédain quelques
n'accepterait pas un laurier flétri par le deuil pu- uns même se plaignirent de voir que le caractère
blic et par celui de sa famille. Ce triomphe refusé autrefois si énergique de Caeson s'était amolli et
fut plus glorieux pour lui que tout l'éclat d'une affaissé sous le poids de sa gloire. Toutefois il n'y
pompe triomphale, tant il est vrai que la gloire eut pendant cette année aucuns troubles civils.
refusée à propos revient parfois plus éclatante et Les Latins étaient fatigués par les incursions des
plus belle. Fabius célébra ensuite les funérailles Èques; Caeson, qu'on envoie à leur secours avec
de son collègue et celles de son frère. Chacgé de une armée, pénètre à son tour sur le territoire des
Èques, qu'il ravage. Alors ils se renferment dans
prononcer l'éloge funèbre de l'un et de l'autre; il
leur accorda les louanges qu'ils avaient méritées, leur ville et se tiennent cachés derrière leurs mu-
et dont la plus grande part lui revenait. Toujours railles, en sorte qu'il n'y eut aucun engagement
occupé du projet qu'il avait conçu dès son entrée remarquable. Mais du côté des Véieus on essuya
au consulat, de reconquérir l'affection du peuple, un grand échec par la témérité de l'autre consul
il répartit le soin des soldats blessés entre les fa- et c'en était fait de l'armée, si Caeson Fabius n'é-
milles patriciennes. Ce fut aux Fabius qu'il en tait venu à temps la secourir. Depuis ce moment
donna le plus, et nulle part ils ne furent mieux on ne fut avec les Véiens ni en paix ni en guerre,
traités. Dès lors cette famille devint chère au peu- et les hostilités s'étaient pour ainsi dire transfor-
ple, et cet amour elle ne le dut qu'à des moyens mées en brigandages. Apprenaient-ils que les lé-
salutaires pour la république. gions romaines s'étaient mises en campagne, ils
XLVIII. Aussi, Caeson Fabius, que les suffrages se retiraient dans leurs villes à peine les savaient-
du peuple, non moins que ceux des sénateurs, ils éloignées, ils recommençaient leurs incursions,
avaient porté au consulat avec T. Virginius, réso- opposant tour à tour l'inaction à la gucrre la
lut de ne s'occuper ni de guerres ni d'enrôlements, guerre à l'inaction. Ainsi il était impossible d'a-
ni d'aucun autre soin, qu'il n'eût, avant tout, bandonner cette lutte, impossible de lui donner

viam. Ea erumpunt; consternatoque agmine abeuntes in agere, quam ut, jam aliqua ex parte inchoata concordiæ
victorem alterum inciduntconsulein. Ihi ilerum cxsi fusi- spe, primo yuoyue tempore cum Patribus coalescerent
que passim. Victoria egregia parta, tristis tamen duobus animi plebis. Itaque principio anui censuit, priusquam
tam claris funeribus. Itaque consul decernente senatu quisquam agrariæ legis auctor tribunus existeret, occu-
triumphum Si exercitus sine imperatore triumphare parent Patres ipsi suum munus facere captivum agrum
possit, pro eximia eo bello opera facile passurum res- plebi quam maxime eequatiter darent. Verum esse, ba-
poudit se, familia funesta Q. Fabii fratris morte, re- Uere eos, quorum sanguine ac sudore partus sit. Asper-
publica ex parte orba consule altero amisso, publico pri- nati Patres sunt questi quoquequidam,nimia gloria luiu-
vatoyue deformem luctu lauream non accepturum..Omni riai e et evanescere vimdum quondam illud Kæsonis in-
acto triumpho depositus triumphus clarior fuit adeo geuium. Nullæ deinde urbanx factionesfuere. Vexabantur
bpreta in tempore gloria interdum cumulatior redit. Fu- incursionibus Æquorum Latini. Eo cum exercitu Kæso
nera deinde duo deinceps collegæ fratrisqueducit; idem missus in ipsorum Æquorum agrum depopulandum
in utroque laudator,quum,concedendo illis suas laudes, transit Æqui se in oppida receperunt, murisque se tene-
ipse maximam partem earum ferret. Neque immemur bant eo nulla pugna memorabitis fuit. At a Veieote hoste
ejus, quod imtio consulatus imbiberat, reconciliandi ani- clades accepta temeritate alterius consulis actumque de
mos plebis, sauciosmilites curandos dividit Patribus.Fa- exercitu foret, ni K. Fabius in tempore subsidio venisset.
biis plurimi dati; nec alibi majore cura habiti. Inde po- Ex eo tempore neque pax neque bellum cum Veientibus
pulares jam esse Fabii nec hoc ulla nisi salubri reipu- fuit; res proxime formam latrocinii veuerat. Legiouihus
blicæ, arte. romanis cedebant in urbem ubi abductas senserant le-
XLVIII. Igitur non Patrum magis quam plebis, stu- giones, agros incursabant, bellum quiete, quietem bello
diis K. Fabius cum T. Virginio consul factus neque in vicem eludentes. Ita ueque omitti tota res, nec perfici
bella, neque deleclus, neque ullam aliam priorem curam poterat: et alia bella aut praesentia mstabant, ut ab Æquis
une fin. On avait d'ailleurs à s'occuper d'autres nue une affaire, une querelle privée! Ah! s'il
guerres; car les Èques et les Volsques, qui ne existait dans Rome deux familles pareilles, et que
restaient jamais en repos que le temps nécessaire l'une réclamât pour elle les Volsques, l'autre les
pour oublier leur dernière défaite, étaient déjà Éques, Rome, sans sortir d'une paix profonde,
en armes; et d'un autre côté on pouvait prévoir verrait bientôt tous les peuples voisins soumis. »
que les Sabins, toujours ennemis de Rome, al- Le lendemain, les Fabius prennent leurs armes;
laient bientôt se mettre en mouvement, ainsi ils se réanisssent au lieu prescrit. Le consul, l'e-
que toute l'Étrurie. Les Véiens, ennemis plus vêtu de la chlamyde de général sort, et trouve
importuns que redoutables, plus insolents que sous le vestibule sa famille entière rangée en ba-
dangereux, inquiétaient cependant les esprits, taille. Il se place au centre et fait lever les ensei-
car on ne pouvait en aucun temps les perdre gnes. Jamais on ne vit déliler dans Rome une ar-
de vue, et ils ne permettaient pas qu'on por- mée si petite par le nombre et si grande par sa
tât son attention ailleurs. Dans cette conjonc- 1 renommée et par l'admirationpublique.Trois cent
ture, la famille des Fabius se présente au sénat, six guerriers, tous patriciens, tous d'une même
et le consul parle au nom de sa famille Vous le famille, dont pas un n'eût été jugé indigne de
savez. Pères conscrits, la guerre contre Viies de- présider le sénat dans ses plus beaux jours, s'a-
mande plutôt des forces toujours actives que des vançaient contre un peuple tout entier, menaçant
forces considérables. Occupez-vous des autres de l'anéantir avec les forces d'une seule famille.
guerres, et opposez les Fabius aux Véiens. Nous Derrière eux marchait la troupe de leurs parents
nous faisons fort que de ce côté la majesté du et de leurs amis, qui ne roulaient dans leur es-
nom romain n'aura rien à souffrir. Celte guerre, prit rien de médiocre, mais dont les espérances
qui sera pour nous comme une affaire de famille comme les craintes ne connaissaient point de bor-
nous voulons la soutenir à nos propres frais. Que nes. Puis venait la foule du peuple, qui, dans
la république porte ailleurs et son argent et ses son vif intérêt et son admiralion pour eax, élait
soldats. o On leur fait de grands remerciements. comme frappé de stupeur « Qu'ils partent pleins
Le consul, au sortir du séuat, retourne chez lui, de courage, qu'ils partent sous d'heureux auspi-
accompagné de toute la troupe des Fabius qui était ces, et que le succès soit digne de leur entreprise;
restée sous le vestibule de la curie, attendant le qu'ils comptent à leur retour sur les consulats,
sénatus-consulte. Après avoir reçu l'ordre de se les triomphes, toutes les récompenses et tous les
trouver, le lendemain eu armes à la porte du con- honneurs. » En passant devant le Capitole, la ci-
sul, ils se retirent chez eux. tadelle et les autres temples, ils implorent toutes
XLIX. Cette nouvelle se répand dans toute la les divinités qui s'olfrent à leurs yeux, ou à leur
ville; on élève aux nues les Fabius « Une seule esprit; ils les conjurent de veiller sur cette noble
famille avait pris sur soi un fardeau qui pensait troupe et de la rendre bientôt saine et sauve à sa
sur toute la république! La guerre de Véïes deve- patrie, à sa famille. Inutiles prières les Fabius,

Vnlscisque, non diulius, quam recens dolor proximæ cla- cant, hxc Volscos sibi, illa Æquos populo romano tran-
dis transiret, quiescentibus: aut moi moluros se appare- quillam pacem ageute, oinnes fimtimos subigi populos
hat Sabinos semper infestos, Etruriamque omnem. Sed posse. » Fabil postero die arma capiunt quo jussi erant
Veieus hostis, assiduus magis, quam gravis, contume- conveniunt. Consul, paludatus evrediens, in vestibulo
liis sæpius, quam periculo, animos agitabat; quod nullo geulem omoem suam inslructo agmine videt acceptus
tempore negligi poterat, aut averti alio sinebat. Tum in medium, signa ferri juhet. Nunquam exercitus nequo
Fabia gens senatum ad;it. Consul pro gente loquitur minor numero, neque clarior fama et admiratione homi-
Assiduo mngis, quam magno, præsidio, ut scitis, Pa- num, per urbem incessit. Sex et trecenti milites, omnes
tres conscripti bellum V eieus eget. Vus alia bella curate; patricii, omnes unius genl is, quorum neminem ducem
Fabios hostes Veiemibus date. Auctores sumus, tutam ibi sperneret egregius quibuslibet temporibus âenatus, ibant,
majestatem Remani nominis fore. Nostrum Id nobis velut uuius farmliæ viribus Vrieuti po pulo pestem minitantes.
ramiliare bellum, privato sumptu gerere in animo est. Sequebaturlui ha, propria ali.i cognatorum sodahumque,
Respublica et milite illic et pecunia vacet. » Gratiæ ingen- mhil medium, nec spem nec curam, sed immense om-
tes actæ. Consul e Curia egressus, comitante Fabiorurn nia volventiumanimo; alia publica, sollicitudineexcitata,
ag uine, qui in veslibulo Curiae senatusconsultum exspec- favore et admiratione stupens « Ire fortes, ire felices
tantes steterant domum rediit. Jussi armati postero die jubent, inceptis eventus pares reddere consulatusinde
ad hmen cousulis idesse, domos inde discedunt. ac triumphos omnia prœmia ab se, omnes honores ape-
XLIX. Manat tota urbe rumor Fabios ad cœlum lau- rare. » Prætereuntibus Capitolium arremque et alia
dibus fcruut.. Familiam unam subisse civitatis onus templa, quicquid deorum oeulis, quicqmd animo occur-
Veiens bellum in privatam curam, in privala arma ver- rit, precantur, ut illud agmen faustum alque felis mit-
sum. Si sint duæ roboris ejusdem in urbe gentes, depos- tant, sospitesbrevi in palriam ad parentes restituant. lu-
1.
partis par le Janus, à droite de la porte Carmen- n'étaient plus seulement des incursions sur le ter-
tale, suivent la route appelée depuis 6lalheureuse, ritoire ennemi, des escarmouches entre des partis
et arrivent sur les rives du Crémère; cette posi- qui se rencontraient, mais quelquefois aussi des
tion leur parait avantageuse et ils la fortifient. affaires sérieuses, des combats dans les formes, et
Dans l'intervalle, L. Æmilius et C. Servilius sont souvent une seule famille romaine remporta la
nommés consuls. Tant que la guerre se borna au victoire sur l'une des cités les plus puissantes alors
ravage des campagnes, les Fabius suffirent à la de l'Étrurie. Les Véiens trouvèrent d'abord ces
défense de leur position ils purent même, fran- défaites dures et humiliantes puis la circonstance
chissant la frontière qui sépare les Toscans des même leur suggéra le dessein d'attirer dans une
Romains, mettre à couvert le territoire de Rome embuscade leur fougueux ennemi. Ils se réjouis-
et porter la terreur chez les ennemis. Cependant saient de voir que des succès multipliés avaient
ces dévastations furent pour quelque temps sus- accru l'audace des Fabius. Aussi ces derniers,
pendues car les Véiens ayant appelé des troupes dans leurs excursions, rencontraient-ils souvent
de l'Étrurie, viennent attaquer le fort de Cré- des troupeaux qui semblaient se trouver là par
mère. Aussitôt le consul L. Æmilius amène les hasard, mais qu'on leur livrait à dessein; d'un
légions romaines et engage le combat avec les autre côté, la fuite des laboureurs laissait les cam-
Étrusques, si toutefois on peut donner le nom de pagnes désertes, et des corps de troupes, envoyées
combat à un engagemeut où les Véieus eurent à pour repousser les pillards, lâchaient pied avec
peine le temps de se ranger en bataille; car au une frayeur plus souvent simulée que réelle. Bien-
milieu du désordre des premiers mouvements, tôt les Fabius en vinrent à mépriser tellement leur
tandis qu'ils se placent derrière les enseignes, et ennemi, qu'ils se crurent invincibles et se persua-
que leur corps de réserve prend position, la ca- dèrent que dans aucun temps et dans aucun lieu
valerie romaine fait sur leurs flancs une charge si on n'oserait leur résister. Cette confiance devint
soudaine, qu'elle ne leur laisse le temps ni d'en ve- telle qu'apercevant un jour des troupeaux à une
nir aux mains, ni même de se former ainsi pour- grande distance de Crémère, et sans s'inquiéter
suivis jusqu'aux Rochers-Rouges, où ils avaient leur de quelques soldats ennemis qui se montraient
camp, ils demandent humblement la paix; mais épars dans la plaine, ils quittentleur position, et,
à peine l'eurent-ils obtenue que, cédant à leur lé- dans leur imprévoyance, s'élancent en désordre
gèreté naturelle, ils s'en repentirent, avant même au-delà de l'embuscade placée dans le voisinage
que les Romains eussent abandonné le poste de du chemin puis se répandent dans la campagne
Crémère. pour rassembler le bétail que la frayeur a, comme
L. La lutte se trouvait de nouveau engagée en- d'ordinaire, dispersé çà et là. Tout à coup les
tre les Fabius et le peuple Véien, sans que Rome troupes embusquées s'élancent. Devant, derrière,
mît en campagne de plus grandes forces, et ce de tous côtés sont les ennemis. D'abord, des cris

cassum missw preces. Infelici via dextro Jano portæ Car- modo in agros, aut subiti impetus ineursantium, sed ali-
mentalis profecti ad Cremeram flumen perveniuut. Is quoties æquo campo collatisque signis certatum gens-
opportunusvisus locus comnmniendo præsidio. L. Æmi- que una populi romani sæpe ex opulenlissima, ut tum
lius inde et C. Servilius consules facli. Et, donec nihil res erant, Etrusca civitate victoriam tulit. Id primo acer-
aliud quam in populationibus res fuit, non ad praesidium bum indignumque Veientibus visum. Inde consilium ex
modo tutandumFabii satis erant, sed tota regione, qua re natum insidiis ferocem hostem captaodi gaudere
Tuscus ager romano adjacet, sua tuta omnia, infesta etiam multo successu Fabiis audaciam crescere. Itaque
hostium vagantes per utrumque finem, fecere. Inter- et pecora pra'dantibusaliquoties, velut casu incidissent,
vallum deinde haud magnum populationibus fuit dum obviant acta et agrestium fuga vasti relicti agri et sub-
et Veientes, accito ex Etruria exercitu, præsidium Cre- sidia armatorum, ad arcendas populationes missa, sæ-
merae oppugnant; et romane legiones, ab L. Æmiho pius simulato, quam vero, pavore refugerunt. Jemque
consule adductæ, cominus cum Etruscis dimicant acie Fabii adeo contempserant hostem, ut ava invicta arma
quauquam vix dirigendi aciem spatium Veientibus fuit neque loco neque tempore uHu crederent sustineri posse.
adeo inter primam trepidationem,dum pnst signa ordi- Hæc spes provexit, ut ad conspecta procul a Cremera
nes introeunt, subsidiaque locant iuvecta subito ab la- maguo campi intervallo pecora (quanquam rara hostium
tere romana equitum ala, non pugnm modo incipiendæ, apparebant arma ) decurrereut. Et quum improvidi ef-
sfd consistendi, ademit locum. Ita, fusi retro ad Sain fuso cursu iusidias circa ipsum iter locatas superassent,
Rubra ( ibi castra habebant) pacem supplices petunt. palatique passim vaga ut fit pavore iojecto raperent pe-
Cujus impetratæ, ab insita animis levitate, ante deduc- cora subito ex insidiis consurgitur, et adversi et undique
tum Cremera romanum præsidium pœnituit. hostes erant. Primo clamor circumlatua exterruit; dein
L. Ltursus cum Fabiis erat Veient populo, sine ullo tels ab omni parte accidebant coeuntibus Etruscis jam
majoris helli apparatu, certamen nec erant incursiones coutinenti agmine armatorum sæpti, quo magis se hostis
s'élèvent autour des Fabius et les épouvantent, bien- vinrent occuper le Janicule. Rome eut à eu sup-
tôt les traits pleuvent de toutes parts. Les Étrus- porter un siége et la famine se serait jointe à la
ques serrent leurs rangs, et les Fabius se voient guerre pour l'accabler ( car les Étrusques avaient
entourés d'un mur épais de soldais plus l'en- passé le Tibre ), si le
consul Horatius n'eût été
nemi se rapproche,plus, l'espace se rétrécissant, rappelé du pays des Volsques. Ce qui prouve que
ils sont eux-mêmes forcés de se ramasser. Cette cette guerre eut lieu sous les murs de Rome, c'est
manœuvre fait ressortir et leur petit nombre, et qu'un premier combat, qui laissa la victoireindé-
la multitude des Étrusques, dont les rangs se re- cise, se livra près du temple de l'Espérance, un
doublent sur un terrain trop étroit. Renonçant second à la porte Colline. Dans ce dernier, quel-
alors à faire face de tous côtés, comme ils l'avaient que faible qu'eût élé t'avantage des Romains, l'ar-
essayé d'abord, ils se portent, tous à la fois, sur mée, en recouvrant son ancien courage, put es-
un seul point, puis, concentrant là tous leurs ef- pérer de plus brillants succès pour les combats à
forts, ils se torment en coin, et s'ouvrent un pas- venir. A. Virginius et Sp. Servilius sont nommés
sage. Ils arrivèrent ainsi à une colline d'une pente consuls. Depuis l'échec essuyé dans la dernière
douce où ils s'arrêtèrent. Bientôt, dès que l'avan- affaire, les Véiens évitaient les batailles rangées:
tage du lieu leur eut donné le temps de respirer ils se contentaientde ravager les campagnes; et,
et de se remettre d'un si grand effroi, ils repous- du haut du Janicule, comme d'une citadelle, ils
sèrent les assaillants; et, forts de leur position, se précipitaient de tous côtés sur le territoire de
ils allaient être vainqueurs malgré leur petit nom- Rome. Plus de sûreté nulle part, ni pour les trou-
bre, si un corps de Véiens, qui parvint à la tour- peaux, ni pour les gens de la campagne. Enfin ils
ner, ne se fût montré au sommet de la colline furent pris dans le même piège où ils avaient fait
l'ennemi alors regagne sa supériorité. Tous les Fa- tomber les Fabius,. En poursuivant les troupeaux
bius, sans exception, furent taillés en pièces, et qu'à dessein on avait disséminés çà et là pour les
leur fort tomba au pouvoir de l'ennemi. Il en pé- attirer, ils donnèrent tôle baissée dans une em-
rit trois cent six; c'est un fait avéré. Un seul, buscade et, comme ils étaient plus nombreux,
près d'entrer dans l'âge de puberté, et qui, pour on en fit aussi un plus grand carnage. Le vif res-
ce motif avait été laissé à Rome, devint la souche sentiment de cet échec fut pour eux la cause et le
des Fabius, et c'est à lui que, dans les temps dif- prélude d'un échec plus terrible encore. En effet,
ficiles, le peuple romaine, en paix comme en ayant, de nuit, passé le Tibre, ils tentent de for-
guerre, devra ses plus fermes soutiens. cer le camp de Servilius; mais, repoussés avec
Li. Au moment où ce désastre vint frapper une grande perte, ils eurent beaucoup de peine
Rome, C. Horatius et T. Ménénius étaient déjà à se retirer sur le Janicule. Sans perdre de lemps,
consuls. Ménéniusfut sur-le-champenvoyé contre le consul, à son tour, traverse le Tibre, et vient
les Étrusques enorgueillis de leur victoire; mais le camper au pied du Janicule. Le lendemain, au
sort des armes lui fut contraire, et les ennemis point du jour, enorgueilli par le succès de la veille,

inferebat cogebanturbreviore spatio et ipsi orbem col- ierant enim Etrusci Tiberim) ni Horatius consul el Vols-
ligere. Quae res et paucitatem eorum insiguem et mulli- cis esset revocatus adeoque id bellum ipsis institit mœ-
tudinem Etruscorum, multiplicatis in arto ordinibus, fa- nibus. ut primo pugnatum ad Spei sit aequo Marte, ite-
ciebat. Tum, omissa pugna, quam in omnes partes parem rum ad portam Collinam. Ibi quanquam parvo momento
intenderant, in unum locum se omnes inclinant. Eo nisi superior romana res fuit, meliorem tamen militem, re-
corporibua armisqne, rupere cuneo viam. Duxit via in ceptn pristiuo animo, in futura prœlia id certamen fecit.
editum leniter collem. Inde primo restitere moi, ut A. Virgiuius et Sp. Servilius consules riunt. Post accep-
respirandi superior locus spatium dedit, recipiendique a tam proximam pugnæ cladem Veientes ahslinuereacie.
pavore tanto animum, pepulere etiam subeuntes vince- Populationes erant, et velut ab arec Janiculi passim in
batque auxilio loci paucitas ni jugo circummissus Veiens romanum agrum impetus dabant non usquam pecora
in verticem collis evasisset. lia superiorrursus hostis fac- tuta, non agrestes erant. Capti deinde eadem arte sunt,
tus. Fabii cæsi ad unum omnes, praesidiumque expug- qua ceperant Fabios. Secuti dedita opera passim ad ille-
natum. Trecentos ses perisse satis coovenit ununt prope cebras propulsa pecora, præcipitavere io insidias. Quo
puberem ætate relictum, stirpem genti Fabiæ,dubiisque plures erant, major cædes fuit. El bac clade atrox ira
rebut populi romani sæpe domi bcllique vel maximum majoris cladis causa atque initium fuit. Trajecto enim
futurum auxilium. nocte Tiberi castra Servilü consulisadorti sunt oppug-
LI. Quum ha'c accepta clades esset, jam C. Horatius nare inde fusi magna cæde in Janiculum se rgre rece-
et T. Menenius consules eraot. Menenius adversus 1'us- pere. Confestim consuls et ipse transit Tiberim, castra
cos victoria elatos confestim missus. Tum quoque male sub Janiculo communit. Postero die luce orta nonnihil
pugnatum est, et Janiculum hostes occupavere; obtessa- et besterna felicitate pugna; ferox, magis tamen, quod
que urbs foret, super bellum annona premente (trans- inopia frumenti, quamvis in præcipitia, dum celeriora
mais poussé surtout par la disette aux résolutions qu'il ne put supporter le chagrin de cette igno-
les plus décisives,fussent-ellesmême dangereuses, minie, et qu'une maladie l'emporta. Bientôt, sous
il gravit témérairement le Janicule pour s'emparer le consulat de P. Nautius et de G. Valérius, on
du camp ennemi. Mais, repoussé plus honteuse- vit comparaitre un nouvel accusé; c'était Sp. Ser-
ment qu'il n'avait repoussé l'ennemi la veille, vilius. A peine sorti de charge, il fut, dès lecom-
il ne dut son salut et celui de ses troupes qu'à mencement de l'année, assigné par les tribuns
l'arrivée de son collègue. Pris entre deux ar- L. Cædicius et T. Statius. Mais ce ne fut point,
mées, et fuyant tour à tour l'une et l'autre, les comme l'avait fait Ménénius, avec ses prières ou
Étrusques furent taillés en pièces. C'est ainsi celles des patriciens, mais bien avec la confiance
qu'une heureuse témérité mitfin àlaguerrecontre que lui inspirait son innocence et son crédit, qu'il
Véies. soutintlesattaquesdes tribuns. Soncrimc à lui c'é-
LII. Rome, avec la paix, vit aussi diminuer le tait ce combatqu'il avait livré aux Étrusques près
prix des vivres; car on fit venir des blés de la du Janicule; mais, aussi intrépide dans ses pro-
Campanie, et, quand la crainte de la famine fut pres dangers que dans ceux de la république, il
dissipée, ceux qu'on avait tenus cachés reparu- réfuta par un discours énergique et les tribuns et
rent. Mais l'abondance et l'oisiveté portèrent de le peuple. Il Gt plus, il reprocha au peuple la
nouveau lesesprits à la licence; et, dans l'absence condamnation et la mort de T. Ménénius, dont le
des maux qui venaient autrefoisdu dehors, on en père lui avait rendu ses droits, donné ces magis-
chercha dans Rome même. Les tribuns enivrent tratures et ces lois, dont il faisait aujourd'hui les
le peuple avec leur poison habituel, la loi agraire. instrumentsde ses fureurs. Tant d'audace écarta
Ils l'animent contre les patriciens qui leur résis- le danger. Il fut aidé aussi par son collègue Vir-
tent, et non pas seulement contre tous, mais con- ginius, qui, appelé en témoignage, lui fit parta-
tre chacun eu particulier. Q. Considiuset T. Géuu- ger sa gloire. Mais, ce qui le servit encore mieux,
cius, qui avaient proposé la loi agraire, assignent ce fut la condamnation de Ménénius, tant les es-
devant le peuple T. Ménénius. llslui font un crime prits étaient changés.
d'avoir laissé enlever le fort de Crémère, dont LIII. Les luttes intestines avaient cessv la
son camp n'était pas éloigné. Il succomba. Mais guerre recommença contre les Véiens, auxquels
les efforts du séuat, qui le défendit avec autant les Sabins avaient uni leurs forces. Le consul Pu-
de chaleur que Coriolan, et la popularité de sou blius Valérius, quand on eut fait venir les trou-
père Agrippa, dont le souvenir n'était pas en- pes auxiliaires des Latins et des Herniques, fut
core effacé, adoucirentl'arrêt des tribuns. Après envoyé contre Véies avec son armée, et attaqua
avoir demandé une condamnation capitale, ils aussitôt le camp des Sabins, qui s'étaient établis
réduisirent la peine à une amende de deux mille devant les murs de leurs alliés. L'alarme qu'il ré-
as. C'était encore uu arrêt de mort on prétend pandit fut extrême, et tandis que les ennemis en

esent, agebat consilia, temere adverso Janiculo ad caslra Alius deinde reus Sp. Servilius, ut consulatu abiit,
hostium aciem erexit, fœdiusque, inde pulsus, quam pri- C. Nautio et P. Valerio consulibus, initio statim anni
die pepulerat, interventu collegæ ipse exercitusque ejus ab L. Caedicio et T. Statio ti ibunis die dicta, non, ut Me-
est servatus. Inter duasacies Etrusci, quum iu mcem bis nenius, preeibus suis aut Patrum, sed cum multa fiducia
atque illis terga darent, occidione occisi. Ita oppressum innocentiæ gratiæque tribunitios impetus tulit. Et huic
temeritate felici Veiens bellum. prœlium cum Tuscis ad Janiculum erat crimini. Sed fer-
LII. Urbi cum pace laxior eliam annona rediit, et ad- vidi animi tir, ut in publico periculo ante, sic tum in suo,
vecto ex Gampania frumento, et, postquam timor ubi non tribunos modo sed plebem oratione feroci refutan-
cuique futuræ inopias abiit, eo, quod abditum fuerat, do, exprobrandoqueT. Menemi damnationem niortem-
prolato. Ex copia deinde otioque lascivire rursus auimi; que (cujus patriæ munere restituta quondam plebs eos
et pristina mala, postquam forisdeerant,domi quærere. ipsos, quibus tum sæviret, magislratus, eas leges habe-
Tribuni plebem agitare suo veneno, agraria lege; in re- ret), periculum audacia discussit. Juvit et Virginius col-
sistentes incitHre Patres, nec in uui versos modo, sed in lega, testis productus, participando laudes magis ta-
singulos. Q. Considius et T. Genucius, auclores agrariie men Menenianum (adeo mutaverant animum) profuit ju-
legis T. Menenio diem dcunt. Invidiæ erat amissum Cre- dicium.
meræ praesidium quum baud procul iude stativa consul LIII. Cerlamina domi finita. Veiens bellum eiorlum;
babuisset. Eum oppresseront.Quum et Patres baud mi- quibus Sabini arma coujunierant. P. Valerius consuls,
nus quam pro Coriolano,anmsi essent, et patris Agrippæ accitis Latinorum Hernicorumqueauxiliis, cum exercitu
favor haud dum exolevisset, in multa temperarunttri- Veios missus, castra Sabina, quæ pro mœmbus sociorum
huai; quum capitis anquisissent, duo millia æris damnato locata erant, confeslim aggreditur; tantamque trepida-
multam dixerunt. Ea in caput vertit. Negant tulisse igno- tionem injecit, ut, dum dispersi alii alia mauipulatiin ex-
miniain rgritudinemquc mde morbo absumpfum esse. currunt ad arcendam hostium vim, ea porta, cui signa
désordre s'élancent par manipules épars pour re- trêve de quarante ans, et on la leur acoorda,
pousser le choc des assaillans, il s'empare de la moyennant un subside en argent et en blé. A la
première porte sur laquelle il avait dirigé d'abord paix extérieure succèdent immédiatement les dis-
son attaque. Une fois les retranchements forcés, cordes civiles la loi agraire était toujours l'ai-
ce n'est plus un combat, mais un carnage. Du guillon dont les tribuns stimulaient la fureur du
camp le tumulte se répand dans la ville; on eût peuple. Les consuls, que n'effrayent ni la con-
dit que Véies était prise, à voir les habitants ef- damnation de Ménénius, ni le danger de Servi-
frayés courir aux armes. Les uns volent au secours lius, opposent une résistance énergique mais, au
des Sabins; les autres se jettent sur les Romains sortir de charge, ils sont accusés par le tribun
yue l'assaut du camp occupe tout entiers. Celte Cn. Génucius. L. Æmilius et Opiter Virginius
attaque les arrête et les trouble uu moment; mais obtiennent le consulat. Je trouve dans quelques
bientôt ils font face des deux côtés, et la cavalerie, annales Vopiscus Julius à la place de Virginius.
lancée par le consul, enfonce et met en déroute Au reste, cette année, quels qu'en aient été les
les Toscans ainsi à la même heure, furent vain- consuls, Furius et Manlius, mis en jugement,
cues deux armées et deux nations les plus puis- prennent des habits de deuil, et s'adressent moins
santes et les plus grandes des nations voisines de encore an peuple qu'aux jeunes patriciens ils les
Rome. Tandis que ces événements se passent de- à
exhortent, ils les engagent « renoncer aux hon-
vaut Véies, les Volsques et les Èques étaient venus neurs et au gouvernement de la république; à ne
camper sur le territoire latin, et ravageaient les plus regarder les faisceaux consulaires, la prétexte
frontières. Les Latins,quin'ontreçu de Rome ni un et la chaise curule, que comme les ornements
général, ni des secours, vont d'eux-mêmes, sou- d'une pompe funèbre; tous ces brillants insignes
tenus par les Herniques, enlever le camp ennemi; sont comme les bandelettes dont on parc la vic-
ils y reprirent tout ce qu'on leur avait enlevé, et time pour la conduire à la mort. Si le consulat a
lirent, en outre, un riche butin. Cependant on pour eux tant de charme, qu'ils se persuadent
envoya de Rome contre les Volsques le consul bien que cette magistratureest désormais asservie
C. Nautius. On trouvait mauvais, je pense, que et opprimée par la puissance tribunitienne. Que
des alliés prissent l'habitude de faire ainsi la guerre le cousul, devenu l'appariteur des tribuns, doit
de leur propre mouvement et avec leurs propres attendre, pour agir, un signe, un ordre de ses
forces sans qu'on leur envoyât de Rome un chef et chefs. Pourpeuqu'il fasse un mouvementettourne
une armée. il n'est sorte d'hostilités et d'outrages ses regards vers le sénat, pour peu qu'il pense
qu'on ne fit essuyer aux Volsques, et cependant que dans la république il y a un autre élément
on ne put les amener à livrer une bataille. que la plèbe, l'exil de Coriolan, la condamna-
LIV. L. Furiuset C. Manlius sont nommés con- tion et la mort de Ménénius, doivent s'offrir aus-
suis. La guerre contre Véies échut à Manlius; mais sitôt à ses yeux. o Animés par ce discours, les pa-
elle n'eut pas lieu. Les Véiens demandèrent une triciens tiennent, non plus en public, mais eu

primum intulerat, caperetur. Intra vallum deinde cædes in annou quaaragmta petentibus datæ, frumeub) stipen-
magis, quam prœlium, esse. Tumultus e castris et in ur- dioque imperato.Paci externæ confestim continuaturdit
bem pénétrât; tanquam Veiis captis, ita pavidi Veientes cordia domi. Agrariæ legis tribuuitiis stimulis plebs fu-
ad arma currunt pars Sabinis eunt subsidio; pars Ro- rebat. Consules nihil Menenii damnalione,nihil periculo-
manos, toto impetu intentos in castra, adoriuntur. Pau- deterriti Servilii, summa vi resistunt. Abeuntes magis-
lisper aversi turbaliqne sunt. Deinde et ipsi utroque ver- tratu Cn. Genucius tribunus plebis arripuit. L. Æmilius
sis signis resislunt; et eques, ab consule immissus,Tus- et Opiter Virginius consulatum ineunt. Vopiscum lulimu
cos ftindil fugatque; eademque hora duo exercitus, duæ pro Virginio in quibusdam anoalibus consulem invenio.
potentissimæ et maximæ finitimæ gentes superatæ sunt. Hoc anno qunscunque consules habuit ) re ad populum
Dum bæc ad Veios geruntur, Volsci Æquique in latino Furius et Manlius circumeunt sordidati non plebem ma-
ugro posuerant caslra, populatique fines erant. Eos per gis, quam junioresPatrum. Suadent, monent, « honoribus
se ipsi Latini, assumptis Hernicis, sine romano aut duce et administratione reipublicæabstineant; consulares vei o
aut auxilio castris exuerunt. lagenti præda proeler suas fasces, prætextam,curulemquesellam,nihil aliud, quam
recuperatas res potiti sont. Missus tamen ab Roma con- pompam funeris, putent. Claris insignibus velut infu is
sul in Volscos C. Nautius. Mos credo, non placebat, sine velatos ad mortem deslinari. Quod si consolatus tant)
romano duce exercituque socios propriis viribusconsiliis- dulcedo sit, lam nunc ita in animum inducant, consula
que bella gerere. Nullum genus calamitalis contumeliæ- tum captum et opprcssum ab tribunitia potestale esse:
que non edilum in V olscos est; nec tamen perpelli po- consuli, velut apparitori tribunitio omnia ad nutum im-
tuere, ut acie dimicareut. periumque tribuni agenda esse. Si se commoverit, si
LIV. L. Furius inde et C. Manlius consules. Manlio respeierit Patres, si aliud, quam plebem, esse in repu-
Veientes prnvincia evenit. Noo tamen bellatum. Indutiæ blica crediderit, exsilium C. Marcü, Menenii dam
secret, des assemblées où ils n'admettent qu'un consuls. C'en était fait, disaient-ils, de leur li-
petit nombre d'amis. Là, comme il n'était ques- berté on en revenait à l'ancien état de choses:
tion que de sauver les accusés par des voies j ustes avec Génucius était morte et descendue dans le
ou injustes, les avis les plus violents étaient ceux tombeau la puissance tribunitienne il fallait re-
qu'on goûtait le plus, et il ne manquait pas de courir, aviser à d'autres moyens de résister aux
bras prêts à exécuter les projets les plus hardis. patriciens la seule ressource qui restât au peu-
Aussi, le jour du jugement arrivé, le peuple, qui ple, puisqu'il n'avait plus aucun appui, c'était
ce tenait sur le forum dans une attente pleine d'im- de se défendre lui-mvue. Les consuls avaient au-
patience, s'étonne d'abord de ne pas voir le tri- tour d'eux vingt-quatre licteurs; mais ces licteurs
bun descendre dans le forum. Ensuite, ce long étaient eux-mêmes des hommes du peuple; rien
délai commence à paraître suspect; on croit que, n'était plus méprisable, plus faible que cette bar-
gagné par les grands, il s'est désisté de son accusa- rière, si l'on osait la mépriser; tout cela n'était
tion; et l'ou se plaint qu'il ait abandonné et trahi imposant et terrible que par l'idée qu'on s'en fai-
la cause publique. Enfin, ceux qui se trouvaient sait. » Tandis qu'ils s'animent aimsi l'un l'autre,
devant le vestibule du tribun, viennent annoncer un licteur vient, par ordre des consuls, saisir
qu'on l'a trouvé mort chez lui. A peine ce bruit Publilius Voléron, homme du peuple, qui, ayant
s'est-il répandu dans l'assemblée, que, semblables été centurion, refusait de servir comme soldat.
à une armée qui a perdu son géuéral, tous se dis- Voléron en appelle aux tribuns et aucun d'eux
persent de côté et d'autre. Les plus effrayés étaient ne venant à son secours, les consuls ordonnent
les tribuns, qui apprennent, par la mort de leur qu'on le dépouille de ses vêtements, et qu'on pré-
collègue, à quel point les lois sacrées sont pour pare les verges « J'en appelle au peuple, s'écrie
eux un faible secours. Les patriciens, de leur côté, Voléron, puisque les tribuns aiment mieux voir
ne savent pas assez modérer l'expression de leur un citoyen romain frappé de verges sous leurs
joie; on se repentait si peu de ce crime, que ceux- yeux, que de s'exposer à être égorgés par vous
là mêmes qui en étaient innocents, voulaient en dans leur lit, » Plus ses cris étaient violents, plus
paraître complices, et l'on disait hautementqu'il le licteur mettait d'acharnement à déchirer ses
n'y avait que la violence qui pût dompter la puis- habits et à le dépouiller. Alors, Voléron, doué
sance tribunilienne. d'une grande vigueur par lui-même, et soutenu,
LV. Aussitôt après cette victoire, d'un si perni- d'ailleurs, par ses partisans, repousse le licteur,
cieux exemple, parait l'édit qui ordonne les en- et, se retirant au plus épais de la foule, là où les
rôlements. Les tribuns épouvantés ne font aucune citoyens indignés faisaient entendre les clameurs
opposition, et les consuls procèdent librement à les plus violentes en sa faveur J'en appelle au
la levée des troupes. Le peuple alors s'irrite plus peuple, s'écrie-t-il, j'implore son appui 1 A moi,
encore du silence des tribuns que de la rigueur des l
citoyens 1 à moi, camarades vous n'avez rien à

nem et mortem, sibi proponat aute oculos.Hi accemsi vo- magis silentio, quam consulum imperio, et dicere « Ac-
cibus Patres consilia inde, non publica, sed in privato, tom esse de libertate sua, rursus ad aotiqua reditum,
seductaque a plurium couscientia, habere. Ubi quum id cam Genucio una mortuam ac sepultamtribunitiam po-
modo constaret, jure an injuria eripiendos esse reos, testatem. Aliud agendum, ac cogitandum, quomodo re-
atrocissima qumque maxime placebat sententia nec auc- sistatur Patribus. Id autem uuum consilium esse, ut se
tor quamvis audaci facinori deerat. Igitur judicii die, ipsa plebs, quanto aliud oihil auxilii habeat defendat.
quum plebs in foro erecta exspectatione staret, mirari Quatuor et viginti lictores apparere consulibus, et eos
primo, quod non descenderet tribunus; deinde, quum ipsos plebes hommes. Nihil contemptius, neque infir-
jam mora suspectior fieret, deterritum a primoribus cre- mius, si sint, qui contemnant. Sibi quemque ea magna
dere, et desertam ac prodilam causam publicam queri. atque horrenda facere.. His vocibus alii alios quum inci-
Tandem, qui obversati vestibulo tribuni fuerant, nun- tassent, ad Voleronem Publilium, de plebe hominem,
tiant, domi mortuum esse inventum. Quod ubi in totam quia, quod ordines duxisset, negaret se militem fieri de-
cancionem pertulit rumor, sicut acies funditur duce oc- bere, lictor missus est a consulibus. Volero appellut Iri-
ciso, ita dilapsi passim alii alio. Præcipuus pavor tribu- bunos. Quum auililio nemo esset, consules spoliari ho-
nos invaserat, quam nihil auxilii sacratæ leges baberent, minem, et virgas expediri jubent. Provoco, inquit, ad
morte collegaj monitos. hec patres satis moderate ferre populum, Volero, quoniam tribuni civem romanum in
lfetitiam adeoque neminem noxiæ pœnitebat, ut etiam conspectu suo virgis caedi malunt, quam ipsi in lecto suo
insontes fecisse videri vellent, palamque ferretur, malo a vobis trucidari.. Quo ferocius clamil;ibat, eo intestus
domaudam tribunitiam potestatem. circumsciudere et spoliare lictor. Tum Volero, et pra;-
LV. Sub bac pessimi exempli Victoria delectus edici- valens ipse, et adjuvantibus advocatis, repulso lictore,
tur paventibusque tribuuis, sine intercessione ulla con- ubi indignantium pro se acerrimuserat clamor, eo se in
suies rem peragunt. Tum vero irasci plebes, tribunorum turbam coufertissimam recipit, clamitans, « provoco, et
attendre des tribuns, qui, eux-mêmes, ont besoin de leurs clients, les hommes qu'ils avaient choisis.
de votre secours. » Ainsi excitée, toute cette mul- Cette proposition, si agréable au peuple, les pa-
titude se prépare comme pour un combat; on triciens la combattirentde toutes leurs forces; et,
n'en pouvait douter la crise était menaçante bien que leur seul moyen de résistance leur eût
aucune considération, soit publique, soit privée, manqué, le crédit des consuls et des principaux
ne pourrait les retenir. Les consuls, qui voulurent sénateurs n'ayant pu déterminer aucun membre
résister à cette violente tempête, éprouvèrent du collége des tribuns à former opposition, ce-
bientôt que la majesté du pouvoir est un appui pendant une question si importante par elle-même
peu sûr sans la force. On maltraite les licteurs, donna lieu à des débats qui conduisirent jusqu'à
on brise leurs faisceaux, et les consuls sont re- l'année suivante. Voléron fut renommé tribun.
poussés du forum dans la curie, sans savoir jus- Le sénat, voyant que cette affaire se terminerait
qu'où Voléron pousserait sa victoire. Enfin, quand par un combat à outrance, créa consul App.
le tumulte commence à s'apaiser, ils convoquent Claudius, fils d'Appius, qui, depuis les démélés
le sénat, se plaignent de leurs injures, de la vio- de son père, était odieux et hostile au peuple. IL
lence du peuple, de l'audace de Voléron. Après lui adjoignit pour collègue T. Quinctius. Dès le
plusieurs avis, dictés par la violence, celui des commencement de cette année, on ne s'occupa
anciens l'emporta il fut décidé que le courroux que de la loi. Elle n'était pas seulement appuyée
des patriciens ne lutterait pas contre l'emporte- par Voléron, dont elle était l'ouvrage Lælorius,
ment du peuple. collègue de ce tribun, montrait, pour la soutenir,
LVI. Voléron devint l'objet de la faveur du un zèle d'autant plus vif qu'il s'en était plus récem-
peuple; et, aux comices suivants, il fut nommé ment constitué le défenseur; son audace élait ex-
tribun pour l'année où les consuls L. Pinarius et citée par l'éclat de sa gloire militaire; car c'était
P. Furius entrèrent en charge. Contre l'opinion l'homme le plus intrépide de son siècle. Voyant
générale qui s'attendait à le voir user de la puis- que Voléron se bornait à la défense de la loi, et
sance tribunicienne pour inquiéter les consuls s'abstenait de toute invective contre les consuls,
de l'annéeprécédente, Votéron, sacrifiantàl'intérêt Lætorius débute par accuser Appius et toute cette
général ses ressentiments personnels, et sansmemo famille si orgueilleuse et si cruelle envers le peu-
leur adresser une parole outrageante, propose ple il prétend que les patriciens ont créé, non
au peuple un projet de loi pour qu'à l'avenir les pas un consul, mais un bourreau pour tourmen-
magistrats plébéiens fussent élus dans les comices ter et torturer le peuple. Mais, chez ce soldat,
par tribus. Elle n'était pas sans importance, cette peu accoutumé à la parole, la langue ne secon-
loi qui, à la première vue, se présentait sous un dait pas la liberté et le courage, et l'expressiou ve-
titre peu alarmant elle enlevait aux patriciens la nant à lui manquer « Romains, dit-il, puisque
possibilité d'appeler au tribunat, par les suffrages je parle moins facilement que je ne sais agir, trou-

lidem plebis imploro. Adeste cives adeste commilitonesi prima specie minime atroci ferebatur; sed quae patriciis
nihil est, quod exspectetis tribunos, quibus ipsis vestro omnem potestatem per clientium suffragia creaudi, quos
auxilio opus est. Concitati homines, veluti ad prselium, vellent,tribunosauterret. Huic actioni, gratissimae plcbi,
se etpediunt apparebatque, omne discrimen adesse; quum summa vi résistèrentPatres nec, quæ una vis ad
nihil cuiquam sanclum, non publici fore, non privati resisteudum erat, ut intercederet, aliquis ex collegio auc-
juris. Huic tantæ tempestati quum se consulea obtulis- toritate aut consulum aut principum adduci posset; res
sent. facile exiierli sunt, parum tutam majestatem sine tamen, suo ipsa molimine gravis, certaminibua in anuum
viribus esse. Violatis lictoribus, fascihua fractis, e foro eitrabitur. Plebs Voleronem tribunum reficit Patres,
in Curiam compelluntur; incerti, qnatenus Volero exer- ad ultimum dimicationis rati rem venturam, Ap. Clau-
ceret victoriam. Conticescente deinde tumultu, quum in dium, Appii filium, jam inde a pateruis certaminibus in-
senatum voceri jussissent, queruntur injurias suas, vim visum infestumque plebi, consulem faciunt. Collega ei
plebis, Voleronis audaciam. Multis ferociter dictis sen- T. Quinctius datur. Principio statim anni nihil prius,
tentiis, vicere seniores, quibus ira Patrum adversus te- quam de lege, agebatur. Sed ut inventor legis Volero,
meritatem plebis certari, non plaicuit. sic Loetorius, collega ejus, auctor quum recentior, tum
LVI. Voleronem amplexa favore plebs proximis comi- acrior erat. Ferocem faciebat belli gloria iugens, quod
tiis tribunum plebi creatin euin annum,qui L. Pinarium, ætatis ejus haud quisquarn manu promptior erat. Is,
P. Furium consules hahuit contraque omnium opinio- quum Volero nihil, praeterquam de lege, loqueretur,
nem, qui eum vexandis prioris anni consutibus permis- insectatioue abstineos consulum, ipse in accusationem
surum tribunatumcredebant,post publicam causam pri- Appii. familiæquesuperbissimmac crudelissimæ in ple-
veto dolore habito ne verbo quidem violatia consulibus, bem Romanam,exorsus, quum a Patribusnon consulem
rogationem tulit ad populum ut plebei magistratus sed carnificem ad vexandam etlacerandam plebem crca-
tribulis comitiis fierent. Haud pana res sub titulo tum esse contenderet, rudis in militari hom ne lingua
vez-vous xi demain je mourrai sous vos yeux, que lui-même, par ses prières, s'efforçait d'apai-
ou j'emporterai la loi. Le lendemain, les tribuns ser la fureur du peuple, et conjurait les tribuns
s'emparent de la tribune aux harangues; les con- de congédier rassemblée. Il les prie « de laisser
suls et la noblesse s'établissent dans l'assemblée aux passions le temps de se calmer. Un délai, loin
pour s'opposer à la loi. Laetorius commande d'é- d'ôter rien à leur puissance, ajouterait la prudence
carter tous ceux qui n'ont pas droit de voter. Il à la force; le sénat pourrait montrer de la défé-
se trouvait là quelques jeunes nobles qui refusaient rence pour le peuple, et le consul pour le sénat.
d'obéir au viateur. Lætorius ordonne qu'on en LVII. Quinctius eut beaucoup de peine à calmer
arrête quelques-uns; le cousul Appius s'y oppose, le peuple; les patriciens en eurent plus encore à
et prétend que le tribun n'a de droit que sur les calmer l'autre consul. Enfin, l'assembléeest dis-
plébéiens, qu'il est le magistrat, non du peuple, soute, et les consuls convoquent le sénat. D'abord
mais de la plèbee; que lui-même, consul, ne pou- la crainte et la colère tirent émettre tour à tour
vait, en vertu de son autorité, faire retirer un des avis très-différents; mais à mesure que le temps
ciloyen que cela était contraire aux usages anti- s'écoule, et que l'emportement fait place à la ré-
quels, puisque la formule est ainsi conçue « Re- flexion, tous les esprits renoncent à l'idée d'une
tirez-vous, citoyens, s'il vous plait. » Il était fa- lutte viulente, et l'on en vint à rendre des actions
cile d'embarrasser Laotorius sur des questions de de grâce à Quinctius, pour avoir, par ses soins,
droit, même en les traitant légèrement. Trans- apaisé les discordesciviles. On conj ure Appius «de
porte de colère, le tribun ordonne à son viateur consentir à ce que la majesté consulaireu'ait que
de saisir le consul, et le consul à son licteur de le degré de puissancecompatible avec la concorde.
s'emparer du tribuu, en s'écriant qu'il n'est qu'un Tandis que les consuls et les tribuns tirent chacun
simple particulier, sans pouvoir, sans magistra- de leur côté, le corps de l'état reste sans force
ture. La personne du tribun n'eût pas été respec- on s'arrache la république; on la déchire; chaque
tée, si toute l'assemblée ne se fût soulevée avec parti songe moins à la conserver intacte qu'à dé-
violence contre le consul, en faveur du tribun, cider entre quelles mains elle refera. Appius,
et si, en même temps, une foule de citoyens, ac- de son côté, prenait à témoin les hommes et les
courant de tous les quartiers de la ville, ne se fût dieux « Qu'on trahissait, qu'on abandonnait lâ-
précipitée dans le forum. Néanmoins, Appius ré- chement la république que ce n'était pas le cou-
sistait à cette tempête avec l'opiuiâtreté de son sul qui manquait au sénat, mais le sénat au con-
caractère, et il y aurait eu du sang répandu, si sul qu'on subissait des lois plus dures que celles
Quinctius, son collègue n'eût chargé les consu- du mont Sacré. » Vaincu toutefois par l'opposition
laires d'employer la force, à défaut de tout autre unanime des sénateurs, il se lait, et la loi passe
moyen, pour enlever Appius du forum, tandis sans opposition.

non suppctebit libertati animoque. Itaque, deficiente data, ut collegam vi, si aliter non possent, de foro ab-
oralione « Quandoquidem non facile loquor, inquit, ducerent, ipse nunc plebem sævientem precibus lenisset,
Quirites, quam, quod locutus sum, præsto, crastino die nunc orasset tribunos, ut conciliumdimitterent. « Dareut
adeste. Ego hic aut in coaspectu vestro moriar, aut per- irw spalium. Non vim suam illis tempus adempturuiu
feram legem. » Occupant tnbuni templum postero die; sed consilium viribus additurum. Et Patres in populi, et
cumules nobilitasque ad impediendam legem iu coucione consulem in Palrum fore potostate. »
cousislunt. Summoveri Lwtorius jubet præterquam LVII. A';grc sedala ab Quinctio plebs, multo ægrius
qui suflragmm ineant. Adolescentes nobiles stabant, consul alter a Patribus. Dimisso tandem concilio plebis,
mhil cedcntes riatori. Tum ex bis prehendi quosdam Læ- senatum cousules habent. Ubi quum timor atque ira in
torius jubet. Consul Appius negare, jus esse tribuno io vicem sententias variassent, quo magis, spatio interposilo,
quemquam, nisi in plebeium. Non enim populi, sed ple- ab impelu ad consultandum advoc;tbantur, eo plus ab-
bis, eum magistratum esse nec illum ipsum summovere borrebant a certatione anitni adeo ut Quinctio gratias
pro imperio posse more majorum quia ita dicatnr Si agerent, quod ejus opéra mitigata discordia esst. Ab
vobis videtur, dlaceclile, Quirites. » Facileetcontemptim Apoio pelitur «ut tantam consularem majestatem esse
de jure disserendo perturbare Læterium poterat. Ardens vellet, quanla esse in concordi civitate posset. Dum tri-
igilur ira tribunus viatorcm mitlit ad consulem, consul buni consulesque ad se quisque omnia trahant, mhil re-
1 etorem ad tribunum, privatum esse clamitans, sine im- lictum esse virmm in medio distractam laceratamque
perio, sine magistratu; violatusque esset tribunus ni et rempublicam magis, quorum in manu ait, quam ut in-
coucio omnis atrox coorta pro tribuno iu consulem esset; cotumis srt, quæri. » Appius cuutra teslari deos atque ho-
et concursus hominum in forum ex tola urbe conc tata' mines, « rempublicam prodi per melum ac deseri. Non
mulliludinis fier. t. Sustinebat tanien Appius pertinacia consulem senalui, sed senatum consuli déesse. Graviures
tautam tempeslatm certatniquehaud incruento prælio accipi leges, quam in Sacro monte acceptæ sint. » Victus
uret, ni Quinctius, consul alter, cousitlaribus negotio tamen patrum consensu quieT t: te: silentio perfertur,
LVIII. Alors, pour la première fois, les comi- vrage. En sa présence, ils baissaient la tête et
ces, par tribus, nommèrent des tribuns. S'il faut sur son passage ils murmuraientdes imprécations;
en croire Pison, ce fut dans cette circonstance que en sorte que cette âme endurcie contre la haine
leur nombre fut augmenté de deux, comme si du peuple en était quelquefois émue. Quand il
jusque là ils n'avaient été que deux. Il donne eut épuisé, sans succès, tous les moyens de ri-
même leurs noms. C'étaient C. Siciuius, L. Nu- gueur, il finit par n'avoir plus de rapports avec
niitorius, M. Duilius, Sp. leilius, L. Mæcilius. ses soldats. Il disait que les centurions avaient
La guerre des Volsques et des Èques s'était rallu- corrompu son armée, aussi les appelait-il quel-
mée pendant les dissensions de Rome. Ils avaient quefois pour les railler, des tribuns du peuple,
ravagé la campagne, aliu d'offrir un asile au peu- des Volérons.
ple, s'il venait à quitter encore une fois la ville. L1X. Rien de tout cela n'était ignoré des Vols-
Ces troubles une fois apaisés, ils se retirèrent. ques, qui en pressaient d'autant plus vivement
Appius fut envoyé contre les Volsques; le sort as- l'armée romaine, dans l'espoir qu'elle opposerait
signa les Èquus à Quiuctius. La dureté qu'Appius à Appius l'esprit de résistance qu'elle avait déjà
avait montrée à Rome, il la déploya plus libre- déployé contre le consul Fabius. La révolte contre
ment à l'armée, n'étant plus retenu par les entra- Appius fut encore plus violente. L'armée de Fa-
ves du tribunat. Lui, qui haissait le peuple d'une bius s'était bornée à refuser de vaincre, celle
haine plus violente quu celle de son père, avoir d'Appius voulut être vaincue. A peine rangée en
été vaincu par le peuple Sous le consulat du seul bataille, elle prend honteusement la fuite et rega-
hommequ'on pût opposer à la puissance tribuni- gne le camp. Elle ne s'arrêla qu'en voyant les
tienne, on avait fait passer la loi tandis qu'avec Volsques se diriger contre les retranchements,
moins d'efforts, et alors que les patriciens conce- après avoir fait un horrible massacre de l'arrière-
vaient moins d'espérance, les consuls précédents garde. Alors ils se font une loi de combattre pour
l'avaient arrêtée. Ces sentiments de colère et d'in- repousser l'ennemi hors des palissades; mais il était
dignation portaient ce caractère violent à tour- évident qu'ils n'avaient voulu qu'empêcher la
menter son armée par toutes les rigueurs du com- prise du camp. Du reste, ils se réjouissent de leur
mandement. Mais elle était indomptable tant défaite et de leur déshonneur. L'âme altière du
l'esprit de résistance avait fait de progrès. Tout se consul n'en fut pas ébranlée: il voulait déployer
faisait avec lenteur avec paresse avec uégli- plus de sévérité encore et assemble l'armée
gence, avec un dédain qui tenait de la révolte. mais les lieutenants et les tribuns accourent au-
Ni l'honneur ni la crainte n'avaient action sur près de lui; ils lui conseillent « de ne pas mettre
eux. Appius voulait-il accélérer la marche, on af- plus longtemps à l'épreuve une autorité qui tire
fectait de la ralentir; venait-il encourager les tra- toute sa force du consentement de ceux qui obéis-
vaux, tous spontanément interrompaientleur ou- sent les soldats, disaient-ils, refusent générale-

LVIII. Tum primum trihutis comitiiscreati tribuni sunt;Omni nequicquam acerbitate prompla, nihil jam cum mi-
numero etiam additos tres période ac duo anlea fuerint, litibus agere; a cenlurionibus corruptum exercitum di.
Piso anctor est. Nominat quoque tribunos, C. Sicinium, cere tribuns plebei cavillaus iuterdum et Volerones
L. Numitorium, M. Duiliuni, Sp.Icilium, L. Mæcilium. vocare.
Volscum Æquicumque inter seditionem Romanam est LIX. Nihil eorum Volsci nesciebant, iustabaolque eo
bellum coortum.Vabtaverant agros, ut, si qua secessio magis, sperautes, idem certamen animorum adversus
plebis fieret, ad se receptum haberet. Gompositisdeinde Appium babiturum exercitum Romanum, quod adversus
rebus, castra retro movere. Ap. Claudius iu Volscos mis- Faitium consulemhabuisset. Ceterum multo Appio, quam
sus Quinctio Æqui provincia evenit. Eadem in militia Fabio, violentior fuit. Non euim vincere tantum noluit
sævitia Appii, qnas domi esse liberior, quod sine tribu- ut Fabianus exercitus, sed vinci voluit. Productus in
nitiis vinculs erat. Odisse plebem plus quam patemo aciem turpi fuga petitcaslra; nec ante restitif quam signa
odio; se victum ab ea se uuico consule objecto adversus iuferentem Volscum munimentis vidit fœdamque extremi
tribunitiam potestatem,perlatam legem esse; quam mi- agminis ca;dem. Tum expressa vis ad puguandmn ut
nore couatu, nequaquam tauta Patrum spe, priorcs impe- viclor jam a vallo summoveretur hostis satis tamen ap-
dierint consules. tlac ira indiguatioque ferocem animum pareret, capi tantum castra militem Romanum noluisse.
ad vezandum sævo imperiu exercitum stimulabat nec Alii gaudere sua clade atque ignominia. Quibus nihil iu-
ulla vi domari polerdl. Tautum certamen animis inbibe- fractus ferox Appii animus, quum insuper ssevire vellet,
rant. Segniter, oiiobe, negligenter, contumaciter omnia concionemque advocaret, concurruut ad eum legati tri-
agere uec pudor, nec metus coercebat. Si eitius agi vel- bunique, monentes, « ne utique experiri vellet imperium,
let agmen, lardius sedulo incedere; si adhortatoroperis cujus vis omnis in consensu obedientium essel. Negare
adesset, omues sua sponte motam remittere industriam vulgo milites, se ad concionem itnros; passimque exau-
præsenti vultus demittere, tacite prastereuntemeisecrari din voces postulantium,ut castra ex Volsco agro mo-
ut tnttctus ille odio plebeio animus interdum moveretur. veantur. Hostem viclorem paul!o ante prope in pot Ita ac
ment de se rendre à l'assemblée; on entend mème LX. Dans l'autre armée, au contraire, le consnl
des voix demander qu'on lève le camp et qu'on et le soldat luttaient de bienveillance et de bons
sorte du territoire des Volsques on venait de voir procédés. Quinctius, il est vrai, était naturelle-
l'ennemi vainqueur s'avancer jusqu'aux portes et ment plus doux qu'Appius; et le malheureux
jusqu'aux retranchements.On n'en était pas aux effet des rigueurs de son collègue l'avait encore
simples soupçons du mal on en avait les preuves porté à suivre ses penchants. Aussi les Èques, in-
certaines sous les yeux 1 e Le consul cède enfin, struits de la bonne intelligence qui régnait entre
puisque aussi bien les coupables n'y gagneront le général et ses troupes, n'osèrent point se pré-
autre chose qu'un sursis il révoque l'ordre de senter au combat, et laissèrent l'ennemi parcou-
s'assembler, et fait annoncer le départ pour le rir et dévaster impunément leur territoire. Ja-
lendemain. Dès la pointe du jour, les trompettes mais, dans aucune guerre, le pillage ne s'était
donnèrent le signal. Au moment où l'armée se dé- étendu plus loin. Tout le butin fut abandonné aux
plo)ail hors du camp, les Volsques, comme ap- troupes, et le consul y joignit des éloges non moins
pelés par le même signal, viennent tomber sur chers au soldat que les récompenses. L'armée re-
l'arrière-garde. Le désordre gagne les têtes de co- vint à Romemieux disposée pour son général, et,
lonne les rangs, les corps, tout se confond; on à cause de son général, pour l'ordre entier des
n'entend plus les commandements, on ne peut patriciens. Elle disait que le sénat lui avait donné
se former en bataille. Chacun ne songe qu'à fuir; un père, tandis que l'autre armée n'en avait reçu
toute l'armée débandée s'échappe à travers des qu'un maître. Cette alternative de revers et de
monceaux d'armes et de cadavres et tel est son succès, les dissensionscruelles qui éclatèrent tant
effroi, que l'ennemi se lassa de poursuivre avant à Rome que dans les camps, et Iien plus, l'éta-
qu'on cessât de fuir. Enfin, le consul parvient à blisserneut des comices par tribus, rendent cette
réunir les débris épars de ses troupes qu'il a vai- année particulièrement remarquable. Du reste,
nement poursuivies pour les arrêter dans leur la victoire du peuple dans la lutte où il s'était eu-
fnite, et va camper hors du territoire ennemi. gagé donne à cette innovation plus d'importance
Là, il assemble l'armée, s'emporte avec raison que les avantages qui en résultèrent pour lui;
contre une armée qui a lâchement trahi la disci- car, en écartant les patriciens de ces assemblées,
pline militaire, abandonné les aigles, et de- on enleva aux comices une partie de leur dignité,
mande à chaque soldat désarmé ce qu'il a fait de sans fortifier beaucoup le parti populaire ou affai-
ses armes, à chaque porte-enseigne ce qu'il a blir celui du sénat.
fait de son étendard. Bien plus, les centurions LXI. Aussi, l'année suivante, qui eut pouc con-
et les duplicaires qui ont quitté les rangs sont suls L. Valérius et Tib. Æmilius, fut-elle plus
battus de verges et frappés de la hache; le reste orageuse encore, tant à cause des contestations
de l'armée est décimé, et le sort désigne les vic- sur la loi agraire entre les deux ordres, qu'à cause
times. du jugement d'Appius Claudius. Comme ce re-

Vallo fuisse; ingentisque mali non suspicionemmodo, sed LX. Contra ea in Æquis inter consulem ac militem
apertam speciou obversari ante oculos.. a Victustandem, romilate ac beneficiis certatum est. Et natura Quinctius
(quandoquidem nihil prêter tempns noxæ lucrarentur), erat lenior, et sævitia infelix collegæ, quo is magis gau-
remissa conciune, iter in insequentem diem pronuntiari deret ingenio suo, ef ecerat. Huic tantæ concordiæ ducis
quum jussisset, prima luce classico signum profectionis exetcitusque non ausi offerre se, Æqui vagari popula-
dedit. Quum maxime agmen e casiris exphcaretur, Volsci, bunduin hostem peragros passi. Nec ullo ante bello latius
ut eodem Nigno excitati, novissimosadoriuntur. A quibus inde actæ prædæ onmis militi data est. Addebantur et
perlatus ad primos tumultus, eo pavore signaque et or- laudes, quibus, baud minus quam preemio, gaudent mi-
dines turbavit, ut neque imperia exaudiri, neque instrui litum animi. Tum duci, tum propter ducem Patribus
acies poàsent. Nemo ullius, nisi fugæ, memor. Ita effnso quoque placatior exercitus rediit; sibi parentem, alteri
agnune per stragem corporum armorumqueevasere, ut exercitui dominum dalum ab senatu, niemorans. Varia
prius hostes desisteret sequi, quam Romanua fugere. fortuna belli, atroci discordia domi forisqne annum exac-
Tandem collectis ex dissipato cursu militibus, cousul tum, insignem maxime comitia tributa eificiuot; res ma-
quum revocaudo nequicquam suos persecutus esset, in jor victoria suscepti certaminis, quam usu plus enim
pacato agrncastra posuit; advocataqueconcione, invectus dignitatis comitiis ipsis detractum est, Patribusex concilia
haud falso in prudilorem exercitum militaris disciplinæ, summovendis, quam virium aut plebi additum est aut
desertoremsignorum; ubi signa, ubi arma essent, siu- demptum Patribus.
gulos rogitans, inermes milites, sigoo amisso siguiferos; LXI. Turbulentior inde annus excepit, L. Valerio, Ti.
ad hoc centuriones duplicariosque,qui reliquerantordi- Æmilio cuusulibus, quum propter certamina ordinum de
pes, virgis caesos securi percussit.Cetera multitudo sorte lege agraria, tum propter judiciumAp. Claudii cui acer-
decimus quiaquead supplicium lecti. rimo adversario legis, causamque possessorum publici
doutable adversaire de la loi défendait la cause le peuple ne voulut point qu'un si grand homme
des possesseurs de terres conquises avec autant fût à son dernier jour privé de cet honneur su-
d'arrogance que s'il eût été un troisième consul, prême et, après sa mort, il écouta son éloge
M. Duilius et C. Sicinius l'appelèrent en justice. d'une oreille aussi favorable qu'il avait écouté son
Jamais accuse plus odieux aux plébéiens n'avait accusation durant sa vie. Bien plus, il se porta en
comparu devant le tribunal du peuple; à la haine foule à ses funérailles.
qu'il inspirait, se joignait encore celle qui avait LXII. La même année, le consul Valérius mar-
pesé sur son père. Jamais aussi les patriciens ne cha avec une armée contre les Èques; et ne pou-
firent pour un autre d'aussi puissants efforts. Le vaut les amener à une bataille il essaya de forcer
défenseur du sénat, le vengeur de sa majesté, leur camp. Mais il fut arrêté par une horrible
toujours prêt à lutter contre les factions tribuni- tempête, accompagnée de grêle et de tonnerre.
tiennes et populaires, se voyait, sans autre tort Son éLonnement redoubla, quand on vit, aussitôt
que d'avoir dépassé la mesure dans la discussion, après le signal de la retraite, l'air redevenir calme
exposé au ressentiment des plébéiens. Seul d'entre et serein. Il se fit dès lors un scrupule religieux
les patriciens, Appius Claudiuscomptait pour rien d'attaquer une seconde fois un camp qu'une divi-
les tribuns, le peuple et son jugement. Ni les nité semblait prendre sous sa protection. Toute la
menaces de la multitude, ni les prières du sénat fureur de la guerre fut reportée sur les campagnes
ne purent le déterminer à changer de vêtement, qu'on ravagea. L'autre consul, Æmilius, avait été
à recourir aux supplicaiions, pas même à tempé- envoyé contre les Sabins; mais comme ils se te-
rer, à adoucir, quand il plaiderait devant le peu- naient aussi renfermés dans leurs murs, il dévasla
ple, l'âprelé ordinaire de son langage. Ce fut tou- leur territoire. Enfin l'incendie des fermes et
jours la même contenance, la même expression de même des nombreux bourgs qui couvraient le
fiertésur sonviscige, la mêmerudesse dans ses dis- pays déterminèrent les Sabins à sortir de leurs
cours si bien qu'une grande partie du peuple ne villes pour marcher au-devant des dévastateurs.
tremblait pas moins devant Appius accuse que de- L'issue du combat fut douteuse; mais le lende-
vaut Appius consul. Il prit une seule fois la parole main ils reportèrent leur camp dans une position
pour se défendre, et avec ce ton accusateur qu'il plussûre. Cela surfit au consul pour regarder l'en-
avait en toute circonstance; sa fermeté frappa les nemi comme vaincu, et se retirer, à son tour,
tribuns et le peuple d'une telle stupeur, qu'ils lui sans avoir terminé la guerre.
accordèrent d'eux-mêmes un sursis, et laissèrent LXIII. Au milieu de ces guerres et de la dis-
ensuite traîner l'affaire. Du reste, ce ne fut pas corde qui ne cessait pas d'agiter Rome, T. Numi-
pour longtemps; car avant le jour fixé Appius cius Priscus et A. Virginius sont créés consuls. Le
mourut de maladie. Les tribuns s'efforcèrcnt d'em- peupleparaissait disposé à ne pas souffrir qu'on dif-
pêcher qu'on prononçât son oraison funèbre; mais férât plus longtemps l'exécution de la loi agraire,

agri, tanquam tertio consuli, sustinenti, M. Duilius et morbo moritur. Cujus qiiuin laudationem tribuni plebis
C. Sicinius diem dixere. Nunquam ante tam invisus plebi impedire conarentur, plehs fraudari solen ni honore au-
reus ad judicium vocatus populi est, plenus suarum, ple- premum diem lanti viri noluit; et laudationem tam æquis
nus paternarumirarum. Patres quoque non temere pro auribus mortui audn it, quam VIVI accusatronemauaierat,
ullo æque annisi sunt. propngnatorem senatus, majesta- et exsequiasfrequens celebravit.
tisque vindicem sua',ad omnes tribunitios plebeiosque op- LXII. Eodem anno Valerius consul, cum exercitu in
positum tumultus, modum duntaxat in certaine egres- JEquos profectus, quum hostem ad prælium elicere non
tum, iratæ olyici plchi. Unus e patribus, ipse Ap. Clau- posset, castra oppugnare est adortus. Prohibuit fœda
dius, et tribunos, et plebem, et suum judicium pro uihilo tempestas, cum grandine ac tomtribus cœlo dejecta. Ad-
habebat. Illum non minæ plebis, non senatus preces per- mirationem deinde auiit, signe receptuidato, adeo tran-
pellere unquam potuere, non modo ut veslem mutaret, quilla serenitas reddita ut, velut numinealiquodefensa
aut supplex prensaret homines, sed ne ut ex cousueta cabtra nppugnare iterum, religio fuerit. Omnis ira belli
quidein aàperitate orationis, quum ad populum agenda ad populationem agri vertit. Alter consul Æmilius in Sa-
causa esset, aliquid leniret alque summitteret.Idem ba- binis bellum gessit; et ibi, quia hostis mœnibus se tene-
bitus oris, cadem contnmacia in vultu idem in oratione bat, vastati agri sunt. Incendiis deinde, non villarum
spiritus erat adro ut magna pars plebis Appium non mi- modo, sed etiam vicorum, quibus fréquenter habitaba-
nus rrurn timeret, qnam consulem timuerat. Semel cau- tur, Sabini eiciti, quum prædatoribusoccurrissent, an-
sam dixit, quo semper agere omnia solitns erat, accusa- cipiti prælio digressi, postero die retulcre castra in lu.
lorio spiritu adeoque const mtia sua et trilnuos obstupe- tiora loca. Id satis consuli visum eur pro victo relinque-
fecit et plebem, ut diem ipsi sua voluntate prodicerent ret hoatem, integro inde decedens bello.
trahi deinde rem sinerent. Ilatid ita multum interim tem- LXIIR. Inter hæc bella, manente discordia domi, T.
poris fuit. Ante tamen, quam prodieta dies vemret, Numicius Priscus, A. Virginus conxules facti. Non ultra
et l'on allait en venir aux dernières violences, triciens et leurs clients qui nommèrent les con-
quand l'arrivée des Volsques fut annoncée au suls T. Quinctius et Q. Servilius. L'année de leur
loiu par l'incendie des fermes, et la fuite des ha- magistratureressemble à la précédente des sédi-
bitants de la campagne. Cet événement arrêta la lions la commencent, puis la guerre étrangère
sédition déjà mûre et sur le point d'éclater. Les vient tout calmer. Les Sabins, traversant préci-
consuls, forcés aussitôt par le sénat de repousser pitamment le territoire de Crustumérium portè-
l'attaque, emmènent de Rome la jeunesse, et lais- rent le fer et la flamme sur les bords de l'Anio,
sent le reste du peuple plus tranquille. L'ennemi et ils étaient presque arrivés à la porte Colline et
satisfait de la vaine terreur quia mis les Romains sous les murs de Rome, quand on les repoussa.
en campagne, se retire précipitamment. Numi- Toutefois ils se retirèrent avec un immense butin
cius marche contre les Volsques et se dirige vers lant en hommes qu'en troupeaux. Le consul Ser-
Anlium; Virginius se porte contre les Èques. Ce vilius les poursuivit à la tête d'une armée qui ne
dernier tomba dans des embûches, et il allait es- respirait que la vengeance, et, ne pouvant les at-
suyer une grande défaite, si les soldats, par leur teindre en rase campagne, il porta si loin ses ra-
valeur, ne se fussent tirés du danger où les avait vagec, qu'il ne laissa partout que des ruines, et
jetés la négligence du consul. L'armée envoyée revint à Rome chargé de dépouilles de tout genre.
contre les Volsques fut plus habilement conduite. Contre les Volsquns on oblint d'éclatants succès,
Les ennemis, dispersés dans une première rencon- dus au général et non moins aux soldats. Un pre-
tre, se réfugièrent dans Antium, ville très-consi- mier combat fut livré en rase campagne, et des
dérable pour cette époque. Le consul, n osant en deux côtés il y eut beaucoup de morts, encore
faire le siège, se contenta d'enlever aux Antiates plus de blessés les Romains, dont le petit nom-
la ville de Cénon beaucoup moins importante. bre rendait la perte plus sensible, étaient prêts à
Pendant que les Èques et les Volsquesoccupaient lâclrer pied, quand le consul, par un heureux
ainsi les armées romaines les Sabins vinrent mensonge ranima leur courage en s'écriant que
exercer leurs ravages jusqu'aux portes de Rome. les Volsques fuyaient à l'autre aile. Ils fondent sur
Mais, peu de jours après, ils virent arriver sur l'ennemi, et, se croyant vainqueurs, ils sont vain-
leur propre territoire les deux armées romaines queurs en effet. Le consul craignant qu'une
que l'indignation des consuls y amenait, et on poursuite trop vive ne renouvelât le combat, lit
leur lit plus de mal qu'ils n'en avaient causé. donner le signal de la retraite. Plusieurs jours s'é-
LXIV. Vers la fin de l'année on eut quelques coulèrent durant lesquels les deux armées se re-
instants de paix, mais d'une paix Iroublée, comme posèrent comme par suite d'une trêve tacite; dans
à l'ordinaire, par la lutte des patriciens et du cet intervalle, de nombreux renforts arrivèrent
pcnylc. Le peuple irrité ne voulut pas prendre au camp ennemi de tous les cantons des Èques et
part aux comices consulaires ce furent les pa- des Volsques. Ne doutant pas que les Romains,

videbatur latura plebes dilationem agrariæ legis, ultima- teresse consularibuscomitiis noluit. Per Paires clientesque
que vis parabatur, quum, Volscos adesse, fumo ex inepn- Patrum consules creali T. Quinctius, Q. Servilius. Simi-
diis villarum fugaque agrestiem cognitum est. Ea res lein annum priori consules habent; seditiosa initia bello
maturam juin seditionem ac prope erumpentem repressit. deinde externo tranquilla. Sabini, Crustuminos campos
Cousules, coacti ezlcmplo ab senatu ad bellum, educta ex citato agmine transgressi, quum cædeset incendiacircum
urbe juventute, tranquillioremceteram plebem fecerunt. Anienem tlumen fecisseul. a porta prope Collina ma?ni-
Et hostes qu:dem, nihil aliud quam perfnsis vano tinmre busque pulsi ingeutes tameu prædas hominum peco-
Romans, citato agmine abeunt. Numicius Antium adver- rumque egere. Quos Servilius consul iufcsto exercitu in-
sus Volscos, Virgmius contra Æquos profectus. Ibi ex secutus, ipsum yuidem agmen a lipisci æquis locis non
ins'dlis prope magna accepta clade, virius militum rem, potmt populatiouem adeo el'luse fecit, ut nihil bello in-
prolapsam negligentia consulis, restitnit. lllelius in Vols- tactum relinqueret, multipl cique capta præda rediret. Et
cis imperatum est. Fusi primo prælio hostes, fugaque in in Volscis respublica egregie gesta quum ducis. tum mi-
urbem Antium, ut tum res erant, opulentissimam acti. litum opera. Primum æquo campo signis collatis pugna-
Quam consul oppuguarenon ausus Cenonem almd op- tum, ingenti cæde utrimque, plurimo sanguine: et Ro-
pidum, nequaquam tam opulentum, ab Antiatibus cepit. mani, qma pancitas danmo tentiendo propior erat,
I)um Æqui Volscique Romanos exercitus tenent, Sabini gradum retnlissent, ni salubri mendacio consul, ftigere
usque ad portas urbis populantes incessere deinde ipsl hostes ab cornu a'tero clamitaos, concitasset aciem. lm-
paucis post diebus ab duobus exercitibns, utroque per petu faclo, dum se putant vincere. vicere. Consul me-
iram cousule ingresso in fiues, plus cladium, quam intu- tuens ne nimis instando renovaretcertamen, signum rp-
lerant, acceperunt. cepiui dedit. Intercesserepauci dies, velut tacitis indutiis
LXIV.Extremo anno pacta aliquid fuit; sed, ut semper ntrimque quiete sumpta per quosingens vishominum
alias sollicitæ certaminePatrum et plebis. Irata plebs in- cx omnibus Voiscis Æquitsque populis in rastra venit
s'ils venaient à l'apprendre, ne se retirassent à la cris qu'e]IA va commencer 1 altaque. Le consul
faveur de la nuit, l'ennemi vient attaquer leur hésilait. Sûr du courage des soldats, il se délie
camp vers la troisième veille. Quinctius, après du terrain. Alors ils s'écrient qu'ils vont marcher,
avoir apaisé le tumulte causé par cette alarme su- et l'effet suit les paroles. Ils fichent leurs javelots
bite, ordonne aux soldats de rester tranquilles en terre, pour gravir plus lestement la colline,
sous leurs tentes, et place en observation devant et s'élancent au pas de course. Le Volsque épuise
le camp la cohorte des Herniques. En même temps ses armes de trait pour repousser cette première
il fait monter à clreval les cors et les trompettes, attaque; ensuite, soulevant les quartiers de roc
avec ordre de sonner devant les retranchements qu'il trouve à ses pieds, il les fait rouler sur les
et de tenir l'ennemi eu échec jusqu'au jour. Le assaillants. Les rangs se débandent sous les coups
reste de la nuit, tout fut si tranquille dans le redoublés d'un ennemi qui les accable du haut de
camp, que les Romains purent même se livrer au sa position. L'aile gauche est presque écrasée; et
sommeil. Quant aux Volsques, à la vue de cette ils allaient fuir, si le consul, leur reprochant une
infanterie, qu'ils croyaient plus nombreuse et conduite tout à la fois imprudente et lâche, n'eût
qu'ils prennent pour les Romains, au bruit des chassé la crainte en réveillant l'honneur. Ils s'ar-
trépignements et des hennissements des chevaux rêterent d'abord, détermiués à ne pas reculer;
qu'effarouchent le poids d'un cavalier inconnu et puis, comme ils conservent leur position, ils sen-
le bruit qui retentit à leurs oreilles, ils restent tent renaître leurs forces, et osent s'élancer en
sur leurs gardes, comme si l'ennemi allait atta- avant. Alors poussant de nouveau le cri de guerre,
quer. toute l'armée s'ébranle; on reprend son élan, on
LXV. Au point du jour,
le Romain, plein de redouble d'efforts, et l'ou gravit la pente la plus
vigueur, et rafraîchi par un long sommeil, s'a- escarpée. Déjà ils allaient atteindre le sommet de
vance contre le Volsque, barrassé d'être resté de- la colline, quand les ennemis prirent la fuite.
bout sous les armes, et d'avoir veillé toute la Vainqueurs et vaincus, confondus dans une course
nuit. Dès le premier choc il le repousse. Cepen- rapide et ne formant plus pour ainsi dire qu'une
dant ce fut plutôt une retraite qu'une déroute; seule armée, pénètrent ensemble dans le camp;
car derrière eux s'élevaient des collines où leurs Les Romains, à la faveur de ce désordre, s'eu
lignes, encore intactes (la première seule avait emparent. Ceux des Volsques qui peuvent échap-
été rompue), trouvèrent un refuge assuré. Le per gagnent Autium. Mais Antium voit arriver
consul arrivé devant cette position désavanta- l'armé romaine, et se rend après un siège de quel-
geuse, arrête l'armée le soldat s'indigne d'être ques jours; non que les assaillants eussent fait un
retenu; il crie, il demande à poursuivre sa vic- nouvel effort; mais l'issue malheureuse du com-
toire. La cavalerie se montre encore plus impa- hat et la perte du camp avaient abattu le courage
tiente elle entoure le général et déclare à grands des Volsques.

haud duliitans, si senserint, Romanos nocte abituros. tur, se ante signa ituros. Dum cunctatur consul, urtute
Itaque tertia fere vigilia ad castra oppugnanda veniunt. militum fretus, loco parum fidens, conclamant se ituros
Qmnctiusm, sedalo tumultu, quem terror subitus excive- clamoremque res est secuta. Fixis in terram pilis, quo
rat, quum manere in tentoriis quietum militem jussisset, leuores ardua evaderent, cursu subeunt. Volseus, effusis
Hermcorum cohortem in stationem educit cornicines ad primum impetum missilibus telis, saxa objacenlia pe-
tubicinesque, iu equos impositos, canere ante vallum ju- dibus ingerit in aubeuutes, turbatosque ictibus crebris
bet, sollicitumque hostem ad lucem tenere. Reliquum urget ex superiore loco. Sic prupe oneratum est sinistrum
uoctis adeo trauquilla omnia in castris tuere, ut somni Romanis cornu, ni referentibus jam gradum consul, in-
quoque Romanis copia esset. Volscos species urmatoruin crepando simul temeritalem, simul ignaviam, pudore
peditum, quos et plures esse, et Romanos putabant, metum excussisset. Resistere primo obstinatis animia;
fremitus hmmtusque equorum, qui, et iusueto sedente deinde ut in obtinentes locum vires ferebant,andent ultro
equite, et insuper aures agitante sonitu, sæviebant, in- gradum inferre, et, clamore renovato, commovent
tentos velut ad impelum hostium tenuit. aciem tum rursus, impelu capto, enituntur, atque ex-
LX V. Ubi illuxit, Romanus,integer satiatusque somno superantiniquitatem loci. Jam prope erat, ut in summum
produetus iu aciem, fessum stando et vigiliis Volscum clivi jugum evaderent, quum terga hostes dedere effu-
primo impetu perculit quanquam cessere magis, quam soque cursu pxne agmine uno fugientes sequentesque
pulsi bustcs sunt; quia ab tergo erant clivi, in quos post caslris incidere. lu co pavore castra capiuntur. Qui Vols-
principia iotegris ordinibus tutus receplus fuit. Consul, corum effugere potueruut, Antium petunt. Autium et
nbi ad iniquum locum veulum est, sistit aciem. Miles Romanus exercitus duclus; paucos circumsessum dies
ægre teneri, clamare et poscere, ut perculsis instare li- dedilur, nulla oppugnantium nova vi; sed quod jam inde
ceat. Ferocius agunt equites; cireamfusi duci vociferan- ab iufelici pugna castrisque amissiscecideraut animi.
LIVRE TROISIÈME.

SOMMAIRE. — Troubles causés par les lois agraires-LeCapitole tombé au pouvoir d'esclaves et de bannis est de-
livré, et ceux-ci massacrés. Deux dénombrements;le premier préseute cent quatre mille deux cent quatorze ci-
toyens, sans compter les célibataires des deux sexes; le second cent dix-aept mille deux cent dix-neuf. — Revers
éprouvés contre les Èques.-L. Quinctius Cincinnatus, nommé dictateur, est tiré de la charrue pour conduire cette
guerre. Il bat les ennemis et les fait passer sous le joug. — On augmente le nombre des tribuns du peuple, que l'on
porte à dix, trente-six ans après la création de cette magistrature.-Desdéputés vont recueilliret apportent à
Rome les lois d'Athènes. On charge de les rédiger et de les promulguer des décemvirs, qui remplacent les consuls,
et tiennent lieu de tous les autres magistrats; ainsi, l'an 103 de la fondation de Rome, le pouvoir qui avait passé des
rois aux consuls passe des consuls aux décemvira. — Ils rédigent dix tables de loi, et la douceur de leur adminihtra-
tion fait conserver pour l'année suivante cette forme de gouvernement. — Ils ajoutent deux nouvellestables aux pre-
mières, abusent de leur pouvoir, refusent de s'en dépouiller, et le conservent une troisième année, jusqu'à ce que
l'incontinence d'Appius Claudius mette un terme à leur odieuse domination. — Épris d'une jeune nile, il aposte uu
de sesaffidés pour la réclamer comme son esclave, et réduit Virginius, père de cette infortunée, à l'égorger avec
un couteau saisi dans une boutique voisine, seul moyen de sauver sa fille du déshonneur.-Le peuple soulevé par
ce cruel abus de pouvoir se retire sur l'Aventin, et force les décemsirs d'abdiquer.—Appius, et le plus coupable de
ses collègues, après lui, sont jetés en prison; exil des autres. Victoii es sur les Sabins. les Èques et les Volsques.
— Décision peu honorable du peuple romain; choisi pour arbitre entre Ardée et Ancie, il s'adjuge le territoire.

que ces deux villes se disputaient.

I. Après la prise d'Antium, T. lEmilius et pens d'autrui; ils détournèrent sur le consul tout
Q. Fabius sont faits consuls. Ce Fabius Quintus l'odieux que ces menées avaient excités contre les
était le même qui seul avait survécu à la destruc- tribuns. Un conflit terrible allait éclater, si Fabius,
tion de sa famille à Crémère. Déjà, dans un pre- par un expédient qui ne blessait aucun des deux
mier consulat, iEmilius avait proposé de distri- partis, n'eût terminé la querelle. L'année précé-
buer des terres au peuple; aussi, lors de son se- dente, sous la conduite et les auspices de T. Quine-
cond consulat, on vit se ranimer l'espérance des tius, on avait enlevé aux Volsques une portion de
partisans de la loi a-raire les tribuns, certains leur territoire Antium, ville voisine, favorable-
de l'emporter, puisque cette fois le consul est ment située sur le bord de la mer, pouvait rece-
pour eux, renouvellent des tentatives qui si sou- voir une colonie il était donc facile de donner
vent avaient échoue devant l'opposition des con- des terres au peuple, sans exciter les cris des pro-
suls. Æmilius n'avait pas changé de sentiment. priétaires, sans troubler la paix de Rome. L'avisde
Les possesseurs des terres et la majorité des pa- Fabius est adopté. Il crée triumvirs T. Quinctius,
triciens se plaignirent qu'un chef de l'état s'asso- A. Virginius et P. Furius, chargés de faire le par-
ciât aux poursuites tribunitiennes, et achetât la tage. On invite ceux qui veulent des terres à don-
popularité par des largesses prodiguées aux dé- ner leurs noms. Mais, dès lors, comme toujours

LIBER TERTIUS. largiendo de alieno popularem fleri querentes, totius in-


vidiam rei a tribunis iu consulem averterant. Atrox cer-
1. Antio capto, Ti. Æmilius et Q. Fabius consiuies tamen aderat, ni Fabius consilio neutri parti acerbo rem
fiunt. Hi erat Fabius Quintus. qui unus exstinctæ ad expedisset. T. Quinctii ductu et ausp ciogri capti priore
Cremeramgenti superfuerat.Jam priore consulatu Æmi- anno aliquautum a Volscis esse; Antium, propinquam
liusdandi agri plebi fuerat auclor. Itaque secundo quoque opportunam, et maritimam urbem, coloniam deduci
consulatu ejus et agrarii se in spern legia erexeraut. et tri- posse ita sine querelis possessorum plebem in agros itu-
buui rem, contra consules sæpe tentatam,adjutore utique ram, civitatem in concordia fore. Hæc sententia accepta
consule, obtineri posse rati, suscipiunt et consul mane- est. Triumviros agro dando creat T. Quinctium A. Vir-
bat in sententia sua. Possessores et magna pars patrum, ginium, P. Furium. Jussi nomina dare, qui agrum acei-
tribunitiis se jactare actionibus principem civitatis, et pere vellent. Fecit stalim, ut fit fastidium copia, adeo-
il arrive, l'abondance fit naître le dégoût, et si clémence qu'ils ont déjà éprouvée; mais, s'ils se
peu se firent inscrire, qu'on fut obligé de leur ad- complaisentdans leur parjure, ce sera moins leurs
joindre des Volsques pour compléter la colonie. ennemis que les dieux irrités qu'ils auront à com-
Les autres, en grand nombre, aimèrent mieux battre. » Loin de se laisser émouvoir par ces pa-
solliciter des terres à Rome que d'en obtenir ail- roles, les Èques faillirent maltraiter les députés
leurs. Les Eyues demandaientla paix à Fabius qui du consul, et envolèrent vers l'Algide une armée
s'était avancé contre eux avec une armée; ils ne contre les Romains. Dès que ces nouvelles furent
tardèrent pas à rendre eux-mêmes cette paix illu- connues à Rome, l'indignation, bien plus que la
soire par une subite incursion sur les terres des crainte du péril, fit sortir de la ville l'autre con-
Latins. sul et les deux armées consulaires marchèrentà
Il. L'année suivante, Q. Servilius ( il était l'ennemi en ordre de balaille pour combattre sur-
consul avec Sp. Po·lumius ) fut envoyé contre les le-champ. Mais il se trouva que le jour était déjà
coques. I établit surle territoire des Latins
un camp sur le déclin; et uue voix s'écria des postes avan-
retranché, où son armée, attaquée par les mala- cés de l'ennemi fi C'est faire une vaine parade
dies, fut retenue dans un repos forcé. La guerre de vos forces, Romains, ce n'est point là faire la
se prolongea trois ans, jusque sous le consulat de guerre vous vous rangez en bataille à la nuit
Q. Fabius et de T. Quinctius. Sans y être appelé tombante; il nous faut une plus longue journée
par la voie du sort, Fabius, qui avait donné la pour le combat qui se prépare. Demain, au lever
paix aux Eques après les avoir vaincus, reçut du soleil, revenez en bataille il y aura de quoi
alors ce commandement. Parti avec la ferme con- combattre, soyez tranquilles. » Le soldat, que ces
fiance qu'au seul bruit de son nom les Èques po- paroles ont irrité est ramené dans le camp jus-
seraient les armes, il envoya des députés à l'as- ques au lendemain. Il trouvait longue cette nuit
semblée de leur nation, avec ordre de leur dire qui différait le combat. Cependant il prend de la
« Le consul Fabius déclare que si naguère du nourriture et du repos. Le lendemain au point du
pays des Èques il a porté la paix à Rome, il revient jour, l'armée romaine devance l'ennemi de quel-
aujourd'hui de Rome apporter la guerre aux Èques, ques instants sur le champ de bataille. Les Èques
de cette même main qu'il leur avait une fois se présentent enfin. De part et d'autre on combat-
tendue en signe de paix, et qui maintenant a res- tit avec acharnement. La colère et l'indignation
saisi les armes. Les dieux savent de quel côté sont animent les Romains; le sentiment des périls que
les parjures et les traîtres; il les voient, et leur leur faute avait appelés sur eux, et le désespoir
vengeance ne se fera pas attendre. Toutefois, il d'inspirer désormais aucune conliance poussaient
en est temps encore; que les Èques, par leur re- les Èques à tout oser, à tout entreprendre. Néan-
pentir, préviennent les calamités de la guerre moins ils ne purent soutenir le choc des Romains.
c'est le vœu du consul. Si leur repentir est sin- Vaincus et forcés de se retirer sur leur territoire,
cère, ils trouveront un refuge assuré dans cette leursesprits n'en furent pas plus enclins à la paix;

que pauci Domina dedere, ut ad explendum numerum quam hostibus, gesturos bellum.. Hæc dicta adeo nihil
colont Volsci adderentur cetera multitudo poscere Ro- moverunt quemquam ut legati prope violati sint, exer-
mæ agrum malle, quam alibi accipere. Æqui a Q. Fabio citusque in Algidum adversus Romanos missus. Quæ ubi
( is eo cum exercitu venerat ) pacem petiere, irritamque Romam sunt nuntiata, indignitas rei, magis quam peri-
eam ipsi subita incursione in agrum Latinum fecere. culum, consulem alterum ab urbe excivit. Ita duo consu-
Il. Q. Servilius inspquenti auno (is enim cum Sp. lares exercitus ad hostem accessere acie iustructa ut con-
l'oslumio consul fuit) in Æquos missus, in Latino agro festim dimicarent. Sed quum forte haud multum diei
stativa habuit. Intra castra quies necessaria morbo impli- superesset, unus ah statione hostium exclamat *Ostentare
citum exercitum tenuit. Extractum in tertium annum bel. hoc est, Romani non gerere bellum. In noctemimminon-
lum est, Q. Fabio et T. Quinctio consulibus.Fabio extra tem aciem instruitis. Longiore luce ad id certamen,
ordiuem, quia in victor pacem Acquis dederat, ea provin- quod instat, nohis opna est. Crastino die oriente sole re-
cia data. Qui, haud dubia spe profectus, famam nominis dite in aciem eritcopia pugnandi; ne timete. »His voci-
em pacaturam Æquos, legatos in concilium gentis missos bus iratus miles in diem posterum in castra redticitur,
nuntiare jussit « Q Fabium consulem dicere, se ex longam venire noclem ratus, quæ moram certamiui fa-
Æquis pacem Romam lulisse, ab Rnma Æquis bellum ceret. Tum quidem corpora cibo somnoque curant. Ubi
afferre, eadem dextra armata quam pacatam illis antea illuxit postero die, prior aliquanlo constititRomana acies;
dederat. Quorum id perfidia et perjuro nat, deos nunc tandem et Æqul processere. Prælium fuit utnmque ve-
testes esse, mox fore ultores. Se tameo, ulcunque sit, bemens, quod et Romanus ira odioque pugnabat, et
etiam nunc, pœniteresua sponte Æquos. quam pali hos- f quos conscientiacontracti culpa periculi, et desparatio
tilia, malle. Si pæniteat, tutum receptum ad expertam futurs sibi pustea fldei, ultima audereet experiri cogebat.
clementiam fore sin perjurio gaudeant, diis magis iratis, Non tamen sustinuere aciem Romanaut f qui pulsiquo
une multitude indomptable reprochait à ses chefs fense du territoire; mais il n'y rencontra plus
d'avoir commis la fortune de leurs armes à une d'ennemis. Son collègue y avait mis bon ordre.
bataille rangée, où la tactique romaine devait Posté de manière à leur couper la retraite, il s'était
l'emporter. Les Eqnes étaient plus propres à ra- jeté sur cette troupe embarrassée dans ses man-
vager, par des incursions, le pays ennemi; une œuvres par le hutin dont elle s'était chargée, et
foule de petits corps détachés leur était plus favo- lui avait fait chèrement expier ses dévastations.
rable à la guerre que la lourde masse d'une armée. Peu échappèrent à cette surprise; on reprit tout
III. Ils quittent donc leur camp après en avoir le butin; et le consul Quinctius, par son retour à
confié la garde à un simple détachement, et se Rome, rendit aux affaires leur marche quatre jours
jettent avec tant d'impétuosité sur le territoire de suspendue.On fitensuitele cens et Quiuclius ferma
Rome, que la terreur se répand jusque dans la le lustre. Le dénombrement donna cent vingt-
ville. Cette attaque imprévue causait d'autant quatre mille deux cent quatorze citoyens, non
plus d'effroi que la dernière crainte possible était compris les hommes et les femmes sans enfants.
qu'un ennemi vaincu, presque assiégé dans son Aucun autre événement remarquable ne signala
camp, songeât à un coup de main. Les paysans cette guerre. Les Èques s'enfermèrent dans leurs
épouvantés encombraientles portes et signalaient places fortes, souffrant que les Romains portassent
à grands cris, non point une simple incursion et autour d'eux le feu et le pillage. Le consul après
la présencede quelques bandes de pillards, mais, avoir, à diverses reprises, promené les ravages de
comme la peur grossit les objets, c'était toute l'ar- son armée sur tout le territoire ennemi, rentra
mée, toutes les légions ennemies qui, prêtes au dans Rome comblé de gloire et de butin.
combat, venaient fondre sur Rome. Ces bruits IV. Les consuls de l'année suivante furent
confus, et dont le vague laissait un vaste champ à A. Postumius Albus et Sp. Furius ou Fusius, comme
l'exagération, volent de bouche en bouche. Le on l'écrit quelquefois. Je fais cette remarque pour
mouvement, le bruit de ceux qui criaient aux ar- empêcher qu'un changement de noms ne fasse sup-
mes rappelaientl'épouvanted'une ville prise d'as- poser un changement de personnes. Il était hors
saut. Ileureusementle consul Quinctius, revenu de doute que l'un des consuls irait faire la guerre
de l'Algide, se trouvait à Rome; sa présence porta aux Èques. Ceux-ci donc demandèrentdes secours
remède à l'effroi. Il dissipe le trouble en repro- aux Volsques Ecétrans, qui s'empressèrentdeleur
chant aux Romainsde craindre un ennemi vaincu. en accorder, tant ces nations mettaient, à l'envi,
Il place des piquets à toutes les portes. Il convo- de persévérance à poursuivre les Romains de leur
que le sénat; proclame en son nom la suspension haine; dès lors les préparatifs de la guerre furent
de toutes les affaires, et confie à Quintus Servilius poussés avec la plus grande vigueur. Les Herni-
le commandement de la ville pour courir à la dé- ques apprennent et dénoncent à l'avance aux

quum in fines suos se recepissent, nihilo iiielinatioribus hostem in agris non invenit. Ah altern consule res gesta
ad pacem animis ferox multitudo increpare duces, quod egregie est; qui, qua venturum hostem sciebat, gravem
iu aciem, qua pugnandi arle Romanus excellat, commissa praeda eoque impeditioreagmine incedeutem aggressus,
res sit. Æquos populationibus incurnonibusquemeliores funestam ei populationem fecit. Pauci hostium evasere ex
esse; et multas passim manus, quam magnam molem insidiis; prada omnis reccpta est. Sic Onem justitio, quod
uuius exercitus, rectius bella gerere. quatriduumfuit, reditus Quinclü consulis in urbem fecit.
III. Relictoitaque castris praesidio, egressi tanto cum lu- Census deinde actus, et conditum ab Quinctio lustrum.
multu invasere fines Romanos, ut ad urbem quoque ter- Censa citiom capita centum quatuor millia et dncenta
rorem pertuleriut. Nec opinata etiam res plus trepidationis quatuordecim dicuntur, praeter orhos orba.que. In Æquis
fecit, quod nihil minus, quam ne victus ac prope in cas- nihil deinde memorabile actum. In oppida sua se rece-
tris obsessus hostis memor populationis esset, timeri pere, uri sna popularique passi. Consul quum ali-
polerat, agrestesque, pavidi incidentes portis, non po- quotiesper omnem hostium agrum infesto agmine popu-
pulationem, nec praedonum pravas manus, sed, omnia labundus isset, cum ingenti laude pradaque Romam
vauo augenles timoré, exercitus et legiones adesse hos- rediit.
tium, et infesto agmine ruere ad urbem, clamabant. IV. Consules inde A. Postomius Albus, Sp. Furius Fu-
Ab his prolimi audita incerta, eoque vaniora, ferre ad sus. Furios Fusios scripsere quidam id admoneo, ne
alios cursus clamorque vocantium ad arma baud mul- quis immntationem virorum ipsorum esse, quw nominum
tum a pavore captæ urbis abesse. Forte ab Algido est, putet. Haud dubium erat. quin cum Æquis alter
Quinctius consul redierat Romam. In remedium ti- consulum bellnm gereret. Itaque Æqui ab Ecetranis Vol-
mori fuit tumultuque sedato, victos timeri increpans scis praesidium petiere. Quo cupide oblato ( adeo civitates
hosties, praesidia portis imposuit. Vocato dein seoatu, hæ perpetuo in Romanos odio certavere ), bellnm summa
quum ex autorilate patrum justitio indicto, profectus ad vi parabatur. Sentiunt Hernici, et prædicunt Romanis,
tutandos fines esset, Q. Servilio profecto urbis relicto, Ecetranum ad Æquos descisse. Suspecta et colonia Au-
Romains ladéfectiond'Ecelraet sa connivence avec extrême détresse, il chargea poslumius, l'autre
les Èques. La colonie d' Anlium elle-mûme inspirait consul e de veiller à ce que la républiquen'es-
des soupçons. Lors de la prise de cette ville, un suyât aucun dommage. » On jugea que le plus sage
grand nombre de ses habitants s'étaient réfugiés était de garder à Home le consul pour enrôler
chez les Èques, qui durant toute cette guerre tout ce qui pouvait porter les armes, d'envoyer à
n'eurent pas de meilleurs soldats. Après la retraite sa place T. Quinctius secourir le camp avec une
des Èqucs daus Icurs places fortes, cette multitude armée d'alliés, et, pour la former, d'exiger que
dispersée était revenue à Antium, où elle acheva les Latins, les Herniques et la colonie d'Antium
d'aliéner les esprits déja hostiles aux Romains. fournissent à Quintius des subitaires, comme on
Ils en étaient encoreàmûrir leurs projets, lorsque appelait alors ces auxiliaires improvisés.
le sénat, sur l'avis qu'il se tramait une trahison, V. Cependant des mouvements nombreux, des
chargea les consulsde mander à Rome les chefs de attaques multipliées s'exécutaient de tous cotés,
la colonie, pour apprendre d'eux ce qu'il en et les ennemis, à la faveur de la supériorité du
était. Ceux-ci obéirent sans dif6culté; introduits nombre, cherchaient à entamer sur divers points
dans le sénat par les consuls, ils répondirentaux les forces romaines convaincus qu'elles ne pour-
questions qu'on leur posa, de manière à s'en re- raient suffire à tout. Ainsi, pendant qu'on assail-
tourner plus suspects qu'ils n'étaient venus. Dès lait le camp, une partie de l'armée se dctacliait
lors la guerre ne fut plus douteuse. Sp. Furius pour ravager le territoire romain et brusquer,
l'un des consuls, à qui ce commandement était si le hasard lui élait favorable, une tentative sur
échu, marcha contre les Eques, et rencontra l'en- Rome elle-même. L. Valérius demeura pour gar-
nemi occupé à ravager les terres des Herniques. der la ville, et l'on envoya le consul Postumius
Ignorant à quelle multitude il avait affaire, car repousser du territoire les ravages de l'ennemi.
on ne l'avait encore vue nulle part réunie, il en- Nulle part les soins et les travaux ne se ralenti-
gage imprudemment le combat avec une armée rent un instant. On plaça des sentinelles dans la
inférieure en forces. Repoussé au premier choc, il ville, des détachements devant les portes, des
se relire dans son camp; mais il n'était pas au gardes sur les remparts; et, ce qui était indis-
terme de ses périls. La nuit suivante et le lende- pensabledans un péril si grand, la suspensiondes
main, le camp se trouva si étroitement investi et affaires futordonnée pour plusieurs jours. Cepen-
pressé avec tant de vigueur, qu'il ne fut pas même dantle consul Furius, qui d'abord avait tranquille-
possible d'envoyer un courrier à Rome. On y ap- ment souffert qu'on l'assiégeât dans son camp se
prit des Herniques la défaite du consul et le siége précipite par la porte Décumane sur un ennemi qui
de l'armée consulaire. L'effroi fut si grand dans le n'est point sur ses gardes. pouvait le poursuivre;
sénat, que par un décret, signal ordinaire d'une mais il s'arrête, de peur qu'on ne force le camp

tium fuit, quod magna vis hominum inde, quum oppidum habita est) Poslumio alteri consulum negotium daretur,
captum esset, coufugisset ad Æqnos isque miles per Videret, ne quid respublica detrimenli caperet. Ipsum
bellum Æqnicnm vel acerrimus fuit. Compulsis deinde consulem Romæ manere ad conscribeudos omnes, qui
in oppida Æquis, ea multitudo dilapsa quum Antium re- arma ferre possent, optimum visum est pro constile
disset, sua sponte jam iufidos colonos Romanis abaliena- T. Quinctium subsidio castris cum sociali exercitu mitti.
vit. hecdum matura re, quum defectiouem parari dela- Ad eum explendum Latini, Ilernicique, et colonia An-
tum ad senatain esset, datum negolium est consulibus, tium dare Quinctio subitarios milites (ita tum repentina
ut, priucipibus colonim romam excitis, quærercut, quid- auiilia appellabant) jussi.
nam rei e3set. Qui quum haud gravati venisseut, intro- V. Multi per eos dies motus multique impetus hinc at-
durli a consulibus ad senatum ita responderuntad inter- que illinc facli, quia, auperante multitudine, hostes car-
rogata, ut magia suspecti, quam venerant, dimitterenttir. père multifariam vires romanas, ut non suffecturas ad
Bellum inde baud dubium baberi. Sp. Furius, consnlum omuia aggressi sunt. Sinuil castra oppugnabanlur,simul
alter, cui ea provincia evenerat, profectus iniques, pars exercitiis ad populandum agrum romanum misA,
Ilernicorum in agro populabundum hostem invenit, ig- Urbemque ipsam, si qua fortuna daret, tentandam.
iiarusque multitudinis,quia nusquam universa conspecta L. Valerius ad praesidium urbis relictus consul Postu-
fuerat, imparem copiisexercitum temere pugnæ commi- mius ad arcendas populationea flnium missus. Nihil re-
sit. Primo concursu pulsus se in castra recepit neque missum ab ulla parte cura aut laboris. Vigiliæ in urbe,
is tlnis perieuli fuit. Namque et proxima nocte et postero stationes ante portas, præsidiaque in mûrit disposita, et,
die tanta vi castra sunt circumsessa atque oppuguata, ut quod necesse erat in tanto tumultu justitium per aliquot
ne nnutius quidem inde mitti Romam posset. liernici, et dies servatnm. Intérim in castris Furius consul quum
male pugnatum, et consulem exerctumque obsideri, primo quietus obsidionem passus esset, in incoutum hos
nuntiaverunt tantumque terrorem incussere patribus, tem decumana porta erupit, et quum persequi posset,
ut (quæ forma senatusconsulti ultimæ semper necessitatuiseiiatusconsulti ultimw semper necessitatis metu suhstitit, ne qua ex parte altera in cas'ra vis Neret.
1.
d'un autre ciUé. Furius, lieutenant et frère du qui, triomphant, ramenait le consul blessé. C'est
consul, se laisse emporter trop loin, et, dans l'ar- alors que l'armée consulaire, dans un combat
deur de la poursuite, ne voit ni la retraite des brillant, vengea la blessure du consul, le massa-
siens ni le mouvement de l'ennemi sur ses der- cre de son lieutenant et de ses cohortes. Ces jour.
rières. Coupé, il fait de nombreux mais inutiles nées furent désastreuses aux deux partis. il est
efforts pour se frayer un chemin vers le camp, et, difficile, pour des événements si loin de nous, de
les armes à la main, tombe dans la mêlée. Le con- préciser avec exactitude le nombre des combat-
sul, à la nouvelle que son frère est enveloppé, tants et celui des morts. L'Antiote Valérius, ce-
retourne au combat il se précipite avec plus pendant, n'hésite point daus ses calculs. Selon
d'ardeur que de prudence au milieu du danger, lui, les Romains perdirent cinq mille trois cents
reçoit une blessure, et c'est à peine si ceux qui hommes chez les Herniques; les Èques deux mille
l'entourent parviennent à l'enlever. Ce malheur quatre cents de ces pillards qui ravageaient le ter-
jette le trouble dans l'esprit de ses soldats, et re- ritoire de Rome, et qui furent taillés en pièces par
double l'ardeur des ennemis. La mort du lieute- le consul A. Postumius; mais cette multitudechar-
nant et la blessure du consul les enflamment au gée de butin, que rencontra Quinctius, essuya une
point de rendre toute résistance impossible aux bien autre perte il en périt, dit-il, en poussant
Romains, qui, refoulés dans leur camp, s'y voient jusqu'il la minutie la précision du nombre, qua-
assiégés de nouveau mais avec des espérances et tre mille deux cent trente. Quand l'armée fut de
des forces bien moindres. Le salut général allait retour a Rome et le cours des affaires repris, on vit
être compromis, lorsque arriva T. Quinctius, avec quantité de feux briller dans le ciel; d'autres pro-
l'armée étrangère des Latins et des Herniques. Il diges s'offrirent aux yeux ou frappèrent, sous des
attaqua sur leurs derrières les Èques, dont l'at- formes imaginaires, des esprits effrayés. Pour cal-
tention se tournait alors vers le camp des Romains, mer les craintes, on ordonna trois jours de fête
auxquels, dans leur farouche orgueil, ils mon- pendant lesquels une foule d'hommes et de femmes
traient la tête du lieutenant Furius. En même ne cessa de remplir les temples, implorant la dé-
temps, à un signal qu'il a donné de loin, on exé- mence des dieux. Après quoi, le sénat renvoya
cute du camp une vigoureuse sortie, et les forces dans leurs foyers les cohortes des Latins et des
nombreuses de l'ennemi se trouvent enveloppées. Herniques, non sans leur avoir décerné des ac-
Le carnage fut moins grand, mais la déroute des tions de grâces pour leur active coopération à la
Èques plus complète sur le territoire de Rome. guerre. Les mille soldats d'Antium, dont le secours
Épars, ils emmenaient leur butin lorsque Postu- tardif n'était arrivé qu'après le combat, furent
inius fondit sur eux de divers points avantageux congédiés en quelque sorte avec ignominie.
où il avait posté des troupes. Ces vagabondsfuyant VI. On assembleensuite les comices; L. Æbulills
en désordre donnent dans l'armée de Quinctius et P. Servilius, désignés consuls, entrent en

Furium legatum ( frater idem consulis erat ) longins ex- pugna consulis vulaus, legati et cohortium ultus est cae-
tulit cursus nec suos ille redeuntes, persequendi studio, dem. Magnæ clades ultro citroque illis diebus et illatæ et
neque hostium ab tergo ineursum vidit. Ita e:clusus, acceptæ. DifOcile ad fidem est in tam antiqua re, quot
multis saepe frustra conatibus caphs, ut viam sibi ad cas- pugnaverintceciderintve, exacto aftlrmare numero au-
tra faceret, acriter dimicans cecidit. Et consul, nuntio det tamen Antias Valerius concipere summas Romanos
circumventi fratris conversus ad pugnam dum se temere cecidisse in Hernico agro quinque millia ac trecentos
magis, quam satis caute, in mediam dimicationeminfert, ex pra'datoribus Æquorum, qui populabundi in flnibus
vulnere accepto, xgre ab circumstanlibus ereptus, et romanis vagabantur, ab A. Postumio cosule duo millia
suorum animos turbavit, et ferociores hostes fecit. Qui, et quadringentos cæsos ceteram multitudiaem puædam
c;ede legati et consulisvulnere accensi nulla deinde vi agentem, qum inciderit in Quinctinm, nequaquam pari
sustiueri potuere, quum compulsi in castra Romani rur- defunctam esse cæde interfecta inde quatuor millia et,
sus obsiderentur, nec spe nec viribus pares venissetque exsequendosubtiliter numerum, ducentos,ait et trigiuta.
in perieulum summa rerum ni T. Quinctius peregrinis Ut Romam reditum et justitium remissum est, cœlum
copiis, cum Latino Hernicoque exercitu, subvenisset. Is, visum est ardere plurimo igni; portentaquealia aut ob-
intentos in castra romana Æquos legatique caput ferociter versata oculis, aut vanas exterritisostentavere species. His
ostentantes ab tergo adortus simul ad signum a se pro- averteudis terroribus in triduum feriæ indictæ per quai
cul editum ex castris eruptione facla, magnam vim hos- omnia delubra pacem deum exposcentium virorum mu-
tium circumvenit. Miner ctedes, fuga effusior AEquorum lierumque turba implebantur. Cohortes inde latinm ber-
in agro fuit romano; in quos palatos, praedam agentes, nifflue ab senatu, gratiis ob impigram militiam aetis.
Postumius aliquot locis quibus opportuna imposuerat reruissæ domois. Antiates, mille milites,quia serum ami-
proesidia, impetum dédit. li vagi, dissipato agmine fa- lium post prælinm vénérant, prope cum ignominia di-
gientes, in Qnioctiom victorem, cum saucio consule re- missi.
vrienlelll. incidere. Tnm consularis ezercitus egregia V I. Comitia iude habita. Creati cooaules L. Æbutius et
charge aux calendes d'août, époque où s'ouvrait Pas un seul homme, même sans armes ne s'of-
alors l'année. La chaleur était accablante, et pré- frit à lui, et, à travers un pays sans défenseurs
cisément il régnait dans la ville et dans la campa- et sans culture, il s'avança jusqu'à la troisieme
gne un mal pestilentiel égalementfunesteaux hom- pierre milliaire du chemin de Gabies. Æbulius,
mes et aux bêtes. La violence de la maladie trouva l'un des consuls romains, était mort, et son col-
un aliment dans ces troupeaux et ces campagnards lègue Servilius traînait, avec un faible espoir,
que la crainte du pillage avait fait recevoir dans une vie languissante. Le mal avait frappé la plu-
les murs. Cet amas, ce mélange d'animaux de part des magistrats, la majeurepartie du séuat,
toute espèce, fatal aux gens de la ville par l'infec- presque tous les hommes en élat de porter les ar-
tion extraordinaire qu'il répandait, suffoquait mes et, loin de pouvoir faire les préparatifs de
ceux de la campagne entassés dans d'étroites de- défense que réclamait un danger si pressant, à
meures et consumés de chaleur et d'insomnie. Les peine avait-on assez de forces pour se maintenir
soins mutuels, le simple contact propageaient la tranquilles dans un poste. Les sénateurs à qui le
maladie. On suffisait à peine à ces maux acca- permettaient leur âge et leurs forces montaient
blants, lorsque des députés berniques viennent la garde en personne. Les rondes et la surveil-
annoncer que les Èques et les Volsques réunis ont lance appartenaientaux édiles plébéiens; en leurs
établi sur leurs terres un camp, d'où ils ravagent mains étaient tombées la suprême puissance et la
leur pays avec une nombreuse armée. L'ab- majesté consulaire.
sence des sénateurs leur dit assez le fléau qui dé- VII. Abandonné, sans chef, sans forces, l'état
solait la ville, et ils emportèrent cette triste ré- dut son salut à ses dieux prolecteurset à cette
ponse Que les Herniques, en se joignant aux fortune de Rome, qui mit dans l'esprit des Vols-
Latins, se protégent eux-mêmes. La colère des ques et des Èques le brigandage au lieu de la con-
dieux a frappé Rome d'une maladie soudaine qui quête. En effet, ils étaient si loin du moindre es-
la dépeuple. Si le mal laisse quelque relâche, on poir, je ne dis pas de s'emparer de Rome mais
portera, comme l'année précédente, comme en d'approcherseulement de ses murs, que, de loin,
toutes circonstances, du secours aux alliés. » Les la vue de ses édifices et des hauteurs qui la cou-
députés se retirèrent chez eux, avec des nouvelles ronnent détourna leurs desseins; un murmure
bien plus affligeantes que ne l'avait été leur triste confuss'éleva de tout le camp « Pourquoi, dans
message. Il leur fallait soutenir seuls une guerre ces campagnes vastes et désertes, au milieu de la
qu'ils anraient eu peine à soutenir avec l'ap- mortalité des animaux et des hommes, perdaient-
pui des forces romaines. L'ennemi ne s'en tint ils leur temps, oisifs et sans butin, tandis que des
pas longtemps au pays des Herniques. Il vint de pays intacts, les riches et fertiles campagnes de
là porter ses armes sur les terres de Rome, Tusculum étaient à leur portée? » Aussitfit ils
déjà ravagées avant que la guerre ne les infestât. arrachent leurs enseignes, et, par des chemins

P. Servilius, kalendia aextilibua,ut tune principium anni Ubi qunm obvius nemo ne ioermlsquidem, ileret, per-
agebatur, consulatum ineunt. Grave tempus et forte an- que omnia, non præsidlis modo deserta, sed etiam cnltu
nus pestilens erat urbi agrisyue, nec hominibus magis, agresti, transireot; perveneread tertium lapidem Gabina
quam pccori; et anxere vim morbi, terrore populationis via. Mortuus Æbulius erat romanus consul collega elus
peconbus agrestibusque in urbem acceptis. Ea collnvio Servilius exigua in epe trahebat animam affecti plerique
mixtorum omnis generis animantium et odore insolito principum,Patrum major pars, militaris fere ætas omnis,
urbanos, et agrestem, coufertum in aria tecta mstn ac ut non modo ad eapeditionea, quas in tanto tumultu res
vigiliis angebat, ministeriaqtie in vicem ac contagioi ipsa poscebat, sed vix ad quietas stationes viribus sufficerent.
vulgabant morbos. Vix instantes sustinentibus clades re- Munus vigiliarum seaatores, qui per étaient ae valetudi-
pente legati Ilernici nuntiant, in agro suo Æquos Vols- nem poterant, per se ipsi obibaot: circuitio ac cura ædi-
cosque conjuactis copiis castra posuisse inde exercilu in- lium plebei erat. Ad eos summa rerum ac majestas cou-
genti fines suos depopulari. Preeterquam quod infrequens slaris imperii venerat.
senatus indicio erat sociis, affrétant civitalem pestilentia VII. Déserta omnia, sine capite, sine viribus, dii præ-
esse, maestum eliam responsum tulere ut per se ipsi sidesac fortuna Urbis tutata est, quæ Volscie Æquisque.
Hernici cum Latinis res suas tutarentur. Urbem roinanam pradonum potius mentem, quam bostium, dedit. Adeo
subita deum ira morbo populari. Si qua ejus mali quies engin nulla spes non potiundi modo sed ne adeundi qui-
veniat, ut anno aule, ut seinper alias, sociis opem latu- dem romana mœnia. animos eorum cepit, tectaque pro-
ros.» Discessere socii, pro tristiuunlio tristiorem domum cul visa atque imminentes tumuli avertere mentes eo-
referentes; quippe quibus per se sustinendum bellum rum, ut, totis passim castris fremilu urto, quid in vasto
erat, quod vix Romanis fulti viribus sustinuissent. Non ac deserto agro inter tabem pecorum hominumque déci-
diutius se in Hernico bestis continuit pergit inde infes- des sine praeda tempus bererent, quum intégra loca, Tus-
fus in agros rominos, etiam sine belli iniuria taslalos. culanum agrum, apimuin copiis, petere possentt. signa
8.
detournés, à travers les champs de Lavice, ils se eût été fléchi, soit que la saison la plus dangereuse
portent sur les hauteurs de Tusculum. C'est là eût atteint son terme, les malades échappés à la
que la fureur de la guerre, que la tempëte vint contagion commencèrent par degrés à se rétablir.
éclater. Cependant les Herniques et les Latins Les esprits se reportèrent bientôt vers les affai-
touchés de compassion, rougissant même de ne res publiques, et, après quelques interrègnes,
mettre aucune entrave a la marche de l'ennemi P. V. Publicola, le troisième jour du sien, créa
commun, dont les bataillons menaçaient la cité consuls L. Lucrétius Tricipilinus et T. Véturius
romaine, et de laisser, sans les secourir, assiéger Géminus, que d'autres appellent Vétusius. Ils
leurs alliés, réunissent leurs armées et s'avancent entrent en charge le troisième jour avant les ides
vers Rome. Ils n'y trouvèrent plus l'ennemi; in- d'août lorsqu'on avait déjà recouvré assez de
struits de sa marche, ils volent sur ses traces et forces non-seulement pour repousser la guerre,
se présentent à lui au moment où il descendait de mais encore pour l'entreprendre. Aussi, les Her-
Tusculum dans la vallée Albaine. Les chances du niques étant venus dire que l'ennemi avait fran-
combat étaient loin d'être égales; le dévouement chi leurs frontières, on promit hardiment du se-
des alliés ne fut pas heureux ce jour-là. La mala- cours, et on leva deux armées consulaires. Vétu-
die ne faisait pas moins de ravages dans Rome que rius eut ordre de marcher contre les Volsques et
le fer dans les rangs des alliés. Le consul qui, seul, de porter la guerre dans leur pays; Tricipitinus,
avait survécu, succombe; avec lui meurent aussi chargé de protéger le territoire des alliés, ne dé-
d'autres personnages illustres les augures M. Va- passa point le pays des Herniques. Dès la première
lérius et T. Virginius Rutilus; Ser. Sulpicius, rencontre, Véturius enfonce l'ennemi et le met en
grand curion. La classe obscure fut surtout en fuile. Tandis que Lucrétius campe chez les Her-
butte à la violence du mal. Le sénat, dépourvu de niques, une armée de pillards lui dérobe sa mar-
tout secours humain, tourna vers la divinité les che, se dirige sur les hauteurs de Préncste, et se
vœux des peuples et les siens il enjoignit aux ci- répand dans la plaine. Ils ravagent les champs de
toyens d'aller avec leurs femmes et leurs enfants Préneste et de Gabies, et de là, par un détour, se
supplier les dieux et implorer leur protection. portent sur les collines de Tusculum. Cette mar-
Poussés à ces actes par leurs propres souffrances, che jeta dans Rome une grande terreur, résultat
invités à les accomplir par l'autorité publique, ils de la surprise bien plus que de l'impuissance de
remplissent tous les temples. On voyait des mères repousser la force. Q. Fabiuscommandaitla ville;
prosternées balayer de leur chevelure la poussière ayantarméla jeunesseet distribué lespostes, il réta-
des lieux sacrés, sollicitant ainsi la clémence cé- blit partout le calme et la sécurité. Aussi, bornant
leste et la cessation du fléau. leurs rapines aux lieux qui se trouvaient le plus à
VIII. Dès lors, soit que le courroux des dieux leur proximité, les ennemis n'osèrent pas appro-

repente convellerent, transversisque itineribus per Lavi- graviore tempore anni jam circumaclo, defuucta morbis
canos agros in Tusculanos colles transirent. Eo vis omnis corpora salubriora esse iucipere: versisqueanimisjamad
tcmpestasque belli conversa est. Interim Hernici Latini- publicam curam quum aliquot interregna émissent
que, pudore etiam, non misericordia solum, moti, si P. Valerius Publicola tertio die, quam interregnum inie-
nec obstitissent communibus boslibus, infesta agmine rat, consules créât L. Lucretium Tricipitinum et T. Ve-
zomanam urbem petentibus, nec opem ullam obsessis turium Geroinum sive ille Vetusius fuit. Ante diem ter-
sicuus ferrent, conjuncto exercitu Romam pergunt. Ubi tium idus seililes consulatum ineunt, jam satis valida
quam bostes non invenissent, secuti famam ac vestigia, civitate, ut non solum arcere bellum, sed ultro eliam
obvii flunt descendentibus ab Tusculano in Albanam val- inferre posset. Igitur nunlianlibus Mernifia, in finessunt
)em. Ibi haudquaquam aequo praelio pugnatum est, fides- transcendisse hostes impigre promissum auxilium. Duo
que sua sociis parum felix in præsenlia fuit. Haud min.ir consulares exercitus seripti. Vettiritis missus in Volscoe
Rumæ fit morbo strages quam quanta ferro sociorum ad bellumultro inferendum.Tricipilinus populationibus
facta erat. Consul qui unus supererat, moritur morlui arcendis sociorum agro oppositus, non ultra quam in
et alii clari viri M. Valerius T. Virginius Rutilus au- Hernicos, procedit. Veturius primo præli. hottes fundit
gures; Ser. Sulpicius, curio matintm. Et per ignota ca- fugatque. Lucretium, dum in Hernicis sedet, prædooum
pita tate eragata est vis morbi inopsque senatus autrui agmen fefellrt, supra montes Prænestinos ductum, inde
bumani, ad deos populum ac vota vertit. Jussi cum con- demissumin campos. Vastavere agros Prienestinum Ga-
jugibus ac liberis supplicatum ire, pacemque exposcere hinumque ex Gabino in Tusculanos Dexere colles. Urbi
deum. Ad id, quod sua quemque mala cogebant, aucto- quoque Romæ ingens praebitusterror magis in re subita,
ritate publica evocati, omnia delubra implent stratx quam quod ad arceudamvimparum virium esset Q. Fa-
passim matres, crinibus templa verrentes, veniam ira- bius præerat urbi. Is, armata juventule, dispositisque
rum cœleatium, finemque pesti exposeunt. praesidiis, tuta omnia ac tranquilla fecit. Itaque bostes
V1II. Inde paulstim, seu paee deum impetrala, seu praeda ex prosimis locis rapta, appropinquareurbi non
cher do nome. Leurs bandes revenues sur leurs sive, comme intolérable dans un état libre. Le
pas, et, à mesure qu'elles s'éloignaieut de la ca- nom en était moins odieux, le pouvoir, plusrévot-
pitale ennemie, conduites avec plus de négligente, tant peut-être que celui des rois. Ce sont deux
rencontrent le consul Lucrétius, éclairé de longue maitres au lieu d'un, avec une puissance sans con-
main sur leur marche, formé en bataille et dis- trôle et sans bornes. Indépendants et déréglés
posé au combat. Les Romains, préparés d'avance, eux-mêmes, ils font peser sur le peuple toute la
attaquent t'ennemi sous le coup d'une épouvante crainte des lois et des supplices. Pour mettre un
soudaine; quoique inférieurs en nombre, ils cul- terme à cette licence, il va proposer la nomina-
butent et mettent en fuite cette immense multi- tion de cinq citoyens, chargés de délinir par une
tude, la poussent dans des gorges profondes d'une loi l'autorité consulaire. Quand le peuple aura
issue difficile et l'enveloppent. Là, on effaça donné aux consuls des droits sur lui, qu'ils en
presque jusqu'au nom de Volsque treize mille usent; leurs passions, leurs caprices du moins ne
quatre cent soixante-dix hommes tués dans la ba- seront plus des lois. Les patriciens tremblent
taille et dans la déroute, douze cent cinquante que l'absence des consuls n'aide à leur imposer ce
prisonniers, vingt-sept enseignes militaires enle- joug, et le préfet de Rome, Fabius, convoque le
vées, voilà ce que je trouve dans quelques annales. sénat. Il invective avec tant de véhémence contre
Que ces calculs soient exagérés, il est certain, la loi et son auteur, que les menaces des deux con-
toutefois, que la perte fut énorme. Le vainqueur, suls eux-mêmes, tonnant à cûté du tribun, ne lui
maître d'un immense butin, vint reprendre ses eussent pas imprimé plus de terreurs. t Dans sa
positions. Les deux consuls alors réunissent leurs marche insidieuse-, il avait épié ce moment pour
camps; les Èques et les Volsques, les débris de attaquer la république. Si les dieux irrités eus-
leurs forces. l'our la troisième fois dans cette cam- sent, l'annéeprécédente, entre la peste et la guerre,
pagne, on livra bataille. La même fortune disposa suscité un pareil tribun, rien n'eût conjuré la perte
de la victoire on battit l'ennemi on s'empara de Rome. C'est après la mort des deux consuls,
même de son camp. quand la cité languissait, abattue dans la confu-
IX. La république se trouvait ainsi rendue à son sion de toutes ses parties qu'il eût présenté cette
premier état; aussi les succès militaires ramene- loi spoliatrice de l'autorité consulaire. A la tete
rent-ils bientôt les troubles intérieurs. C. Teren- des Volsques et des Èques, il eût dirigé l'attaque
tillus Arsa, cette année tribun du peuple, persuadé, de la ville. Mais quoi? n'est-il pas libre, si quel-
en l'absence des consuls, que le champ était ou- que citoyen a souffertde l'arroôanceou de la tyran-
vert aux entreprises du tribunat, déclame plu- nie des consuls, de les assigner, de les accuser de-
sieurs jours contre l'orgueil des patriciens, et at- vant ces juges mêmes qui comptent dans Jeutt
laque surtout l'autorité consulaire comme exces- rangs la victime? Ce n'est pas l'autorité des con-

ausi, quum circumaclo agmine redirent, quanto longius 1 domino enim tantum minus invidiosum, rc ipsa prope
ah urbe hostiuin accédèrent, eo solutiore cura in Lucre- atrocius, quam regium esse. Quippe duos pro uno do-
lium incidunt consulem jam ante exploratis itineribus mino acceptos, immuderata inlinila potestate; qui so-
suis instructum, et ad certamen intentum. Igitur, præ- luti atque effi-enati ipsi, omnes melus legum oiuninque
paratia animia, repentino pavore perculsos adorti, ali- supplicia verterent in plebem. Quæ ne materna illis liceu-
quanto pauciores multitudinem ingentem fundunt fugant. tia sit, legem se promulgaturum, ut quinque viri creeo-
que; et compulsos iu calas valles, quum exitus haud in tur legibus de imperio consulari scribendis. Quod popu-
facili essent, circumveniunt. Ihi Volscum nomen prope lus in se jus dederit, eo consulem usurum; non ipsos
deletum est. Tredecim millia quadringentos scptuaginta lilridiuem ac licentiam suam pro lege habituros. Que
cecidisse iu acie ac fuga, mille ducentos quinquaginta promulgata lege, quum timerentPatres,ne, ahseutibm
vivos caplos, signa viginti septem militaria relata, in qui- consulibus, jugum acciperent, senatlls a præfecto urbis
busdam auualibus inveio: ubi etsi adjectum aliquid nu- Q. Fabio vocatur qui adeo atrouiler in rogahonem lato-
méro ait, magna certe cxdcs fuit. Victor consu! ingenti remque ipsum est invectus, ut nihil, si ambo consules
præda potitus, eadem in siativa rediit. Tum consules cas- infesti circumstarenttribtmmn, relictum minarum arqua
tra coujungunt et Volsci afflictas vires suas in terroris sit a Insidiatum eum, et tempore capto ador-
unum contulere. Tertia illa pugna eo anno fuit. Eadem tum rempublicam. Si quem similem ejus priore anno.
fortuuu victuriain deuil fusis hoslibus,etiam castra capta. inter morbum hellumque,irati dii tribunum dedissent,
IX. Sic res romana in antiquum statum rediit; secun- non potuisse sisti. 1Iiortuis duobus consulibus, jacente
dœque belli res extemplo urbanos moins excituveruot. egra civitate in colluvione omnium rerum, ad tolle·ndum
C. Terentillus Arsa tribunus plehis eo anno fuit. Is, con- e republica consulare imperium laturum legps fuisse
sulibus ubscn:ibus,rattis locum tribuniciis actiombus da- ducem Volscis Æquisque ad oppugnandam urbem futu-
tum, per aliquot dies Patrum auperbiam ad plebem cri- rum. Quid tandem? illi non licere, si quid consules su-
ptinalus maxime in consulare imperium tanquam perbe in aliquem civium aut crudeliter fecerint, diem di-
mimium, uca toierabile libera civilatt inychebatur cure? accusare bis ipsit judicibus, quorum in aliquem
suis, c'est la puissance tribunitienne qu'il rend dant enfin à la majesté consulaire, se désiste, et
odieuse et insupportable; cette puissance calmée, l'on rend au vainqueur et à son armée les hon-
réconciliée avec le sénat, et à laquelle il veut ren- neurs mérités. Lucretiustriompha des Volsques et
dre ses antiques fureurs. Au reste, Fabius ne des Èques. Le triomphateur menait après lui ses
vient point le supplier d'abandonner son entre- légions. Ou accorda à l'autre consul d'entrer en
prise. Mais vous, s'écrie-t-il, tribuns ses collègues, ovation, mais sans le cortège de ses soldats. L'an
nous vous prions de vous rappeler avant tout que d'après, la loi Terentilla, présentée par tout le
c'est pour ia protection du citoyen, et non pour la collége des tribuns, attaqua les nouveaux consuls.
perte de l'état que cette puissance vous fut accor- C'était P. Volumnius etSer. Sulpicius. Cette année
dée, qu'on vous créa les tribuns du peuple et non encore le ciel parut en feu; la terre essuya de vio-
les ennemis du sénat. A nous la douleur, à vous tout lentes commotions; une vache parla; et cette
l'odieux d'une attaque contrela républiquesans dé- merveille, niée l'année précédente, obtint cré-
fense à vous, qui pourrez, sans rien perdre de vos dit cette fois. Entre autres prodiges, il plut des
droits, diminuer la haine qui s'y attache. Faites lambeaux de chair, et une immense quantité
que votre collègue n'entame point l'affaire avant d'oiseaux, voltigeant au milieu de cette pluie, la
l'arrivée des consuls; les Èques et les Volsques, dévorait, dit-on. Ce qui tomba sur la terre y resta
eux-mêmes, l'année précédente, quand la peste eut plusieurs jours, sans se corrompre. Les livres de
moissonné nos deux premiers magistrats, ralen- la Sibylle, consultés par les duumvirs sacrés, ré-
tirent les fureurs d'une guerre acharnée et impla- pondirent qu'on était menacé d'une nuée d'étran-
cable. » Les tribuns décident Terentillus à diffé- gers, qui s'empareraient des hauteurs de la ville,
rer et, par le fait, à retirer sa proposition, et sur- pour y répandre le carnage; ils recommandaient
le-champ on pressa le retour des consuls. surtout de s'abstenir des dissensionsciviles. C'était
X. Lucretius revint chargé d'un immense butin, fait à dessein pour entraver la loi, disaient les ré-
d'une gloire plus grande encore. Il en relève l'é- criminations des tribuns un conflit violent se pré-
clat à son arrivée par le soin qu'il prend de faire parait- tout à coup, car chaque année ramenait le
exposer dansle Champ-de-Mars toutle butin. Pen- même cercle d'événements, les Herniques font sa-
dant trois jours chacun peut reconnaître et em- voir que les Volsques et les Èques, malgré le dé-
porter sa propriété; on vend ce qui reste sans maî- labrement de leurs forces, remettent sur pied leurs
tre. D'un accord unanime, ou décernait au consul armées. A Antium se noue cette intrigue; les co-
le triomphe mais cet honneur fut différé. Le tri- lons anliotes s'assemblent ouvertement à Ecetra
bun présentaitsa loi, et le consul n'avait rien plus telle est la source, tels sont les moyens de cette
à cœur que cette affaire. On l'agita plusieurs jours guerre. A ces nouvelles, le sénat décrète une le-
dans le sénat et devant le peuple. Terentillus, cé- vée, et ordonne aux deux consuls de répartir en-

sa'vitum sil ? Non illud consulare imperium sed tribuni- consulis tribunus, et destitit; tum imperatori exercitui-
ciam potestatem invisam intolerandamque facere; quam que honos suus redditus. Triumphavit de Volscis Æquis-
placatam reconciliatamque Patribus de integroin antiqua que triumphantem secutoe sux legiones. Alteri consuli
redigi mala; neque illum se deprecari quo minus per- datum, ut ovans sine militibus urhem iniret. Anno de-
gat, ut emperit. Vos, inquit Fabius, ceteri tribuni ora- inde insequenti lez Terentilla, ab toto relata collegio,
mus, ut primum omnium cogitetis, potestatem istam ad novos aggressa consules est. Erant consules P. Volum-
singuloi-um auailium non ad perniciem uuiversorum nius, Ser. Sulpicius. Eo anno cœlum ardere visum, terra
comparatam esse tribuans plebis vos creatos, non hos- ingenti concussa motu est bovem locutam, cui rei priore
tes patribus. Nobis miserum, invidiosum vobis est, deser- anno fides non fuerat, creditum. Inter alia prodigia et
tam rempublicam invadi. Non jus vestrum sed invi- carnem pluit, quem imbrem ingens numerus avium in-
diam, minueritis. Agite cum collega, ut rem integram tervolitando rapuisse fertur quod intercidit, sparsum
in adventum consulum differat. Ne Æqui quidem ac ita jacuisse per aliquot dies, ut nihil odor mutaret. Libri
Volsci, morboabsumptisprioreanoo consulibus, crudeli per duumviros sacrorum aditi; pericula a conventu alie-
superboque nobis bello institere. a Agunt cum Terentillo nigenarum praedicta, ne qui in Inca summa urbis impe-
tribuni; dilataque in speciem actione, re ipsa sublata, tus, coedfflue inde fièrent inter cætera monitum, ut
consoles extemploarcessiti. seditionibus abstineretur. Id factum ad impediendam le-
X. Lucretius cum ingenti pre'da, majore multo gloria gem, tribuni criminabantur,ingensque aderat certamen.
rediit et auget gloriam advemens, exposita omni in Ecce ( ut idem in singulos annos orbis votveretur ) Hernici
compo Marli præda, ut suum quisque per triduum co- nuuliant, Volscoa et Æquos, etsi accism res sint, re0cere
gnitum abduceret. Reliqua vendita, quibus domini non exercitus; Antii summam rei positam; Ecetra Autiates
exstitere, Debebatur omnium cousensu consuli trium- colonos palam concilia facere id caput, cas vires belli
phus sed dilata res est, tribune de lege agente. Id anti- esse. Ut ha'c dicta in senatu sunt, delectus edicitur, con-
quius consulifuit. Jactata per aliquotdiesquum in senatu sules belli ad minstrationem inter se dispartiri jussi. alteri
res, tum ad populum est. Cestit ad ultimrum majestati ut V olscl, alteli ut Xqui provincia esset. Tribuui coram
tre eux les commandementsmilitaires. L'un devait cher les droits sont méconnus, la force et les coups
marcher contre les Volsques, l'autre contre les sont les seuls moyens d'obtenir ce qu'on prétend.
Èques. Les tribuns cependant font retentir le Fo- Ce que les tribuns avaient fait pour empêcher l'en-
rum de leurs cris. t Cette guerre des Volsques est rôlement, les patriciensle firent à leur tour contre
une fable où les Herniques ont joué leur rôle. Ce la loi présentée tous les jours de comices. Le sigoal
n'est déjà plus avec la force qu'on écrase la liberté ordinaire de la querelle était l'ordre d'aller aux
du peupleromain;on l'élude par l'artifice. Comme voix, que donnaientau peuple les tribuns les pa-
le massacre presque général des Volsques et des triciens alors refusaient de quitter leurs places.
Èques ne permet plus d'ajouter foi à Les anciens ne se trouvaient guère dans ces ren-
un arme-
ment spontané de leur part, on cherche de nou- contres, où rien n'était donné à la prudence et
veaux ennewis; on verse l'infamie sur une colonie tout à la force, à la témérité; les consuls eux-
fidèle et voisine; le sénat déclare la guerre aux mêmes s'en écartaient souvent, de crainte, au mi-
Antiotes innocents; il la fait au peuple de Rome; lieu de ce désordre, d'exposer leur dignité à quel-
il le charge du poids des armes; il en pousse pré- que affront. Il y avait là Céson Quinctius, jeune
cipitammentles bataillons hors des murs, punis- homme fier de la noblesse de son origine, de sa
sant, par l'exil et l'éloignement des citoyens, les taille, de sa force. Ces qualités, qu'il devait aux
attaques des tribuns. C'est ainsi, et ces menées dieux, il les avait rehaussées lui-même par une
n'ont point d'autre but, qu'on l'emportera sur la foule d'actions d'éclat, et par ses succès à la tri-
loi, à moins qu'ils ne profitent du moment où rien bune nul n'était plus éloquent, nul plus intré-
n'est encore fait, où ils sont à Rome, et revêtus pide dans Rome. Debout au milieu de la troupe
encore de la toge, pour se conserver une patrie, des patriciens, que sa taille dominait, et comme
pour se garantir du joug. L'appui ne manquera s'il eût porté toutes les dictatures, tous les consu-
pas au courage tous les tribuns sont d'accord; lats dans sa voix et dans la force de son corps;
point d'ennemis à redouter, point de périls au seul, il suffisait aux attaques tribuuitiennes et aux
dehors les dieux ont pourvu, l'année précédente, tempêtes populaires. Souvent, à la tête des siens,
à la sûre défensede la liberté. Ainsi parlaient les il chassa du Forum les tribuns, il dispersa et mit en
tribuns. fuite la populace. Quiconque tombait sous sa main
XI. Dans une autre partie du Forum, en face s'en allait le corps meurtri, les habits en lam-
d'eux, les consuls avaient établi leurs siéges et beaux, et il était facile de voir que, si l'on autori-
procédaient à l'enrôlement. Les tribuns accourent sait une pareille conduite, c'en était fait de la loi.
et entraînent avec eux leur auditoire. A peine on Ce fut alors que A. Virginius, quand les autres
avaitcommencél'appel,comme pour préluder, que tribuns, sescollègues, étaient déjà terrassés en quel-
la lutte s'engage. Le licteur arrête-t-il un citoyen que sorte, porta contre Céson une accusation capi-
par ordre du consul, le tribun ordonne de le relâ- tale. Mais cet esprit indomptable se trouva plus

in foro personale, « Fabulam compositam Volsci belli, manu obtinendum erat, quod intenderes. Quemadmodum
Ilernicosad partes paratos. Jam ne virtute quidem premi se tribuni gessissent in prohibendo delectu, sic Patres in
libertatem populi Romani, sed arte eludi. Quia, occi- lege, quae per omnes comitiales dies ferebatur, impe-
dione prope occisos Volscos et Æquos movere sua sponte dienda gerebant. Initium erat riiœ, quum discedere po-
arma posse, jam fides abierit, novos hostes quferi. Colo- pulumjussissent tribuni, quod Patres se summoveri haud
niam fidam, propinquam,infamem fieri. Bellum innoxiis sinebant. Nec fere seniores rei iotererant; quippe quæ
Antiatibus indici, geri cum plebe Romans quam one- non consilio regenda, sed permissa temeritati audaciæ-
ratam armis, ex urbe præcipili agmine acturi essent, que esset. Multum et consules se abstinebant, ne cui m
cisilia et relegatione civium ulciscentestribunos. Sic, ne colluvionererum majestatem suam contumeliæ offerrent.
quid aliud actum putent, victam legem esse; nisi; dum Koeso erat Quinctius,feroi juveuis, qua nobilitate genlis
in iniegro res ait, dum domi, dum togati tint, caveaut, qua corporis magnitudine et viribus. Ad ea munei-a,
ne possessione urbis pellantur, ne jugum accipiant. Si data a diis, et ipse addiderat mulla belli decora, facun-
animus sit, non defore auxrlium. Consentire omnes tri- diamque in foro; ut nemo, non lingua, non manu,
bunos. Nullum terroremexternum, nulium periculum promptiorin civitate haberetur.Hic, quum in medio Pa-
esse. Cavisse deos priore anno, ut tuto libertas detendi trum agmine constitismet, emiueos inter alios, velut om-
posset.» Haec tribuni. nes dictaturas consulatusque gerens in voce ac viribus
XI. At ex parte altera consules in conspectu eorum suis, unus impetus tribuniciospopularesque procellas sus-
positis sellis, delectum habebant. Eo decurrunt tribuni, tinebat. Hoc duce, soepe pulsi foro tribuni, fusa ac fu-
cunciouemque secum trahunt. Citati pauci velut rei ex- gata plebs est. Qui obvius fuerat, mulcatus nudalusque
periundæ causa et slatim vis coorta. Quemcunque lictor abibat; ut satis appareret, si sic agi licerpt, victam le-
jussu consulis prehendisset, tribunus mitti jubebat ne- gem esse. Tum, prope jam percuisis aliis tribunis, A.
que suutn cuique jus modum faciebat, sed virium spe et Virginius, ex collegio umu, Kæsoni capitis diem dici1.
irrité qu'abattu par cette démarche; il n'en fut que que Céson a fait ses premières armes, il l'a vu sou-
plus ardent à s'opposer à la loi, à harceler le peu- vent aux prises avec l'ennemi. » Sp. Furius avoue
ple, à faire aux tribuns une guerre qu'ils sem- que «QuinctiusCapitolinus lui ayant envoyé Céson
blaient avoir rendue légitime. L'accusateur laisse lorsque sa position était devenue si critique, ce
l'accusé se précipiter de lui-méme, et, par de lui avait été un renfort, et que nul plusque lui n'a-
nouveaux méfaits, exciter encore et alimenter vait personnellement coopéré au salut de la répu-
le feu de la haine. On continue à proposer la loi, blique. » L.Lucrétius, consul de la dernièreannée,
moins dans l'espoir de l'emporter que pour pro- tout brillant d'une gloire récente, en abandonne
voquer la témérité de Céson. Une foule d'actes et une part à Céson, dont il rappelle lescombatsetra-
de propos auxquels se livrait, dans ces débats, conte les exploits dans les diverses rencontres et
une jeunesse inconsidérée retombaient sur lui en bataille rangée. Il invite les Romains à se per-
seul, déjà en butte aux préventions. Toutefois on suader que «ce jeune homme ex traordinaire,doué
résistait à la loi, et A. Virginius répétait au peu- de tous les avantages de la nature et de la fortune,
ple « Ëhquoi! 1 Romains, ne sentez-vous pas que exercera la plus grande influence sur les affaires
vous ne pouvez à la fois avoir Céson pour conci- de la cité, quelle qu'elle soit, où il portera ses
toyen, et la loi que vous désirez ? Mais que parlé-je pas, et que Rome doit préférer voir en lui l'un de
de la loi? il entrave la liberté par son arrogance ses citoyens que le citoyen d'une ville étrangère.
il efface tous les Tarquins. Attendez qu'il devienne Ce qui blesse en lui, cette ardeur, cette audace,
consul ou dictateur, ce simple citoyen qui règne le temps l'affaiblit chaque jour; ce qui lui man-
déjà par l'effet seul de sa force et de son audace. que, la prudence, chaque jour vient l'accroître.
Une foule de gens appuy aient ces discours, se plai- Si l'âge, affaiblissant ses défauts, mûrit ainsi ses
gnant d'avoir été maltraités, et poussaient à l'envi vertus, qu'on laisse un si grand homme se faire
le tribun à poursuivre son accusation. vieux dans la république. » Son père, au milieu
XII. Déjà le jour du jugement approchait, et d'eux, L. Quinctius, surnomméCincinnatus,s'abs-
il était facile de voir que les esprits attachaient à tenait de répéter ces éloges, de peur d'ajouter à la
la condamnation de Céson la cause de la liberté. haine; mais il demandaitgrâce pour les erreurs,
Obligé de céder enfin, il descend aux plus humbles pour la jeunesse de Céson il suppliait qu'on lui
sollicitations. Il vient, suivi de ses parents, les laissât son fils, à lui qui jamais de parole ou d'ac-
principaux personnages de la ville. T. Q. Capito- tion n'avait offensé personne. Les uns, soit honte,
linus, trois fois consul, en exposant les titres glo- soit crainte, se détournaientde ses prières; d'au-
rieux de Céson et ceux de sa famille, affirme que tres lui opposaient les mauvais traitements dont
e jamais dans la race des Quinctius, ni même dans leurs parents, dont eux-mêmes avaient à se plain-
la cité de Rome, on ne vit un caractère si grand, dre et, par la dureté de leurs réponses, ils an-
des qualités si précoces et si solides c'est sous lui nonçaient quel allait être leur jugement.

Atrox ingenium accenderat eo facto magis, quam conter- tam maturæ virtulis unquam extitisse. Suum primum
ruerat eo acrius obstare legi, agitare plebem, tribunos militem fuisse se sæpe vidente pugnasse in hostem.
velut justo persequi bello. Accusalor pati reum ruere Sp. Furies, « Missum ab Quinctio Capitolino sibi eum
invidiæque flammam ar materiam crimiuibus suggerere; in dubiis suisrebus venisse subtidio neminem unum esse,
legem intérim, non tam ad spem perferendi, quam ad cujus magis opera putet rem restitutam.. L. Lucretius,
lacessendam Kæsonis temeritatem, ferre. Ibi multa, sæpe consul anni prioris, recenti gloria nitens, suas laudes
ab juventute inconsulte dicta factaque,in unius Kaesonis participare cum Kæsone, memorare pugnas, referre
suspeclum incidunt ingenium tamen legi resistebatur. egregia facinora, nunc in expeditionibus,nunc in acie:
Et A. Virginius identidem plebi «Ecquid sentitis jam, suadere et monere «Juvenem egregium,instructum na-
vos, Quirites, Koesonem simul civem et legem, quam cu- turæ forlunæque omnibus bonis, maximum momentum
pitis, habere non posse? Quanquam quid ego legem lo- rerum ejus civilatis, in quacunque venisset, suum quam
quor ? libertali ohstat omnes Tarquinios superbia exsu- alienum, mallent civem esse. Quod offendat in eo, fer-
perat. Exspectate, dum consul aut dictator fiat, quem vorem et audaciam, ætatem quotidie auferre; quod desi-
privatum viribus et audac a regnantem videtis. » Assentie- deretur consilium, id in dies crescere. Senescentibus vi-
bantur multi, pulsatos se querentes, et tribunum ad rem tiis, maturescentevirtute, sinerent tantum virum seuem
peragendamultro incitabant. in civitate fieri. « Pater inter bos L. Quinctius, cui Cincin-
XII. Jam aderat judicio dies, apparebalqne,vulgo ho- nato cognomen erat, non iterando laudes, ne cumu-
mines in damnatione Kaesonis libertatem agi credere.Tum laret invidiam. sed veniam errori atque adolescellliæ
demum coactus cum multa indignitate preocabat singu- petendo, sibi, qui non dicto, non facto quemquam offen-
los sequebantur necessarii,principes civitatis. T. Quinc- disset, ut condonarent filium orabal. Sed alii aversa-
tius Capitolinus, qui ter consul f.ierat, quum multa re- bantur preces, aut verecundia, aut metu; alii, se suosque
ferret sua familia'que decora, afOrmabat Neque in mulcatos querentes, atroci responso judicium suum præ-
Qumctia génie, neque in civitateRomana tanlam indolem ferebant.
XIII. Outre l'animosité générale, un chef d'ac- eut à prononcer. L'accusé, gardé à vue pendant
cusation pesait sur l'accusé. Marcus Volscius Fic- la délibération. dut fournir des répondants, et
tor, quelques années auparavant tribun du peuple chacun d'eux s'engager pour trois mille as. Les
déposait a que. peu après la cessation de la peste, tribuns devaient en régler le nombre ils le por-
il avait rencontré une troupe de jeunes gens qui lèrent à dix, sur la demande de l'accusateur. C'é-
infestaient le quarlier de Subura; qu'une rixe tait le premier exemple de cautions en affaires
s'élait alors engagée, et que son frère aîné, en- publiques. Renvoyé du forum, Céson, la nuit
core affaibli des suites de la maladie, atteint par suivante, s'exila chez les Toscans. Le jour du ju-
Céson d'un coup de poing, était tombé sans con- gement on allégila qu'il ne s'était éloigné que pour
naissance. On l'avait reporté à bras jusque chez aller en exil. Virginius néanmoins s'obstinait à
lui, et il le croyait mort des suites de ce coup. 11 tenir les comices; on eut recours à ses collègues
ne lui avait pas été permis, sous les consuls des qui congédièrent l'assemblée. L'argent promis fut
années précédentes, de poursuivre cette horrible exigé du père avec tant de rigueur, qu'il vendit
affaire. n Aux clameurs de Volscius, les esprits tousses biens, se retira, comme un banni, au-delà
s'enflammeront à tel point, qu'il s'en fallut peu que du Tibre, et y vécut quelque temps dans une
Cëson ne périt victime de la fureur du peuple. chaumière écartée.
Yirginius ordonne de saisir cet homme, de le je- XIV. Ce jugement et la proposition de la loi tin-
ter dans les fers. Les patriciens repoussent la force rent Rome en haleine, tandis qu'elle se reposait
par la force. T. Quinctius ne cesse de crier « que de la guerre extérieure. Les tribuns, par suite de
lorsqu'un citoyen sous le poids d'une accusation cette espèce de victoire et de l'abattementoù l'exil
capitale, est à la veille du jugement, on ne peut de Céson avait jeté le sénat, regardaient leur loi
l'arrêter avant sa condamnation, avant sa défense.» comme adoptée les plus âgés d'entre les patriciens
Le tribun proteste qu'il ne veut point, avant la renonçaient, quant à eux, à la direction de la
condamnation,envoyer l'accusé au supplice, mais république; mais les jeunes gens, et surtout les
bien le retenir dans les fers jusqu'au jour du ju- compagnons de Céson, sentirent grandir leur fu-
gement. Quand un homme en a tué un autre, le reur contre le peuple, et non s'affaiblir leur cou-
peuple romain doit avoir l'assurance qu'il subira rage. Ils durent toutefois leurs revers l'avantage
la peine de son crime. n On s'adresse aux tribuns de mettre dans leurs attaques une certaine mesure.
dont la décision par un moyen terme, maintient La première fois, après l'exil de Céson, qu'on
leur intervention, s'oppose à la mise aux fers, présenta la loi, disciplinés d'avance et soutenus
ordonne qu'on citera le coupable, et qu'une cau- par une nombreuse armée de clientes, dès que les
tion pécuniaire répondra au peuple de sa.eompa- tribuns leur en offrirent l'occasion en les poussant
rution. Quand il s'agit de fixer la somme qu'il con- hors de leurs places, ils tombèrent sur eux avec
venait d'exiger, on ne put s'accorder, et le sénat tant d'ensemble que l'honneur ou l'odieux n'en

XIII. Premebat reuni, prœter vulgalam invidiam,cri- bium; id ad senatum rejicitur. Reus, dum cnnsulerentur
men uniim; quod M. Volscius Fictor, qui ante aliquut Patres, retentus in publico est. Vades dare placuit unum
aunoa tribunus plebis fuerat, testis extiterat, « se haud vadem tribus millibus æris obligarunt. Quot darentur,
multo post, quam pestilentiain urbe fuerat, injuventutem permissum tribunis est. Decem finierunt tot vadibus ac-
gi-assaiiteiii in Subura, inch1Ïs.e. lui rixam uatam esse, cnsator vadatus est reum. Hic primus vades publicos dedit;
fi,aireinque siiiiin majorem natu, needum ex murbo satis dimisstis e foro nocte proxima in Tuscos in exsilium abiit.
validum, jetigno ictum ab koesone cecidissesemianimem. Judicii die quum excusaretur solum vertisse exsilii causa
Iuter mauus domum aldatum, mortuumque inde arbi- nihilominus Virginio comitia babente, collegae appellati

adeo conciati hommes sunt, ut


H
trart; nec sibi rem exteqm tam atincein per constiles su-
periorum alinos-um lieuisse.
haud
Volsciu clamitante,
multum abfuerit,
dimisere coosilwm pecunia a pâtre exacts crudeliter,ut
divenditis omnibus bonis, aliquamdiu trans Tiberim,
veluti relegatus, devio quodam tugurio viveret.
qum impetu polmli liaso interiiet. V irgimus arripi jubet XIV. Hoc judicium et promulgata lei exercuitcivitatem;
hominen),et m vincula duci patricii contra vi resistunt. ab externis armis otium fuit. Quum, velut victores, tri-
T. Quinctius clamitat, Cui rei capitalis dies dicta sit et huni, perculsis Patribus Kæsonis exsilia, prope perlatam
de quo futurum propedicm judicium, eum indemnatuin esse crederent legem, et, Quod ad seniores Patrum perti-
iudicta causa non debere violari. » Tribunus « Supplicium neret, cessissent possessione reipubticr; juniores, id
negat sumpturum se de indonnato servaturumtamen in maxime quod Kæsonis sodalium fuit, auxere iras in ple-
vinculis esse adjudlciidiem: ut, qui homioem necaverit, hem, non minucrunt animos sed ibi plurimum profec-
de eo supphcil8umendi copia populo romano fiat.. Appel- tum est, quod modo quodam temperayereimpetus suos.
l.di tribun) mtdiodécrètejus auxilü sui expediunt, in vin- Quum primo post Kæsonis citium lex coopta ferri est,
cula coiijici vetaiit sisli reum pecuniamque nisi sista- inslrucli paratique cum ingenti clientium exercitu sic tri-
tur, populo prnmitti, placere pronuntiant. Snmmam bunos. ubi primum summoventes proebocre causam ad-
qecumæ quanlam Tqiium esset promitti vemehat in du- I orti saut, ut nemo unus mde proecipuuin quicquam glons
revint en particulier à personne; et le peuple, Rome cependant craignait que les Volsques et les
Èques ne reprissentdes hostilités, pour ainsi dire
au lieu d'un Céson se plaignait d'en avoir trouvé
mille. Les jours d'intervalle où les tribuns ne s'oc- périodiques, et dont chaque année amenait régu-
cupaient pas de leur loi, rien n'égalait la douceur lièrementle retour. Mais, plus pressant, un nou-
et le calme de ces mêmes jeunes gens. Ils abor- veau danger surgit tout à coup. Des exilés et des
daient avec bienveillance lesplébéiens,leur adres- esclaves, au nombre d'environ quatre mille cinq
saient la parole, les invitaient chez eux, les ap- cents, le Sabin Appius Herdonius à leur tête, s'em-
puyaient au forum, et, sans les interrompre, parent, la nuit, du Capitole et de la citadelle. Ils
laissaient les tribuns tenir paisiblement leurs au- égorgent sur-le-champ ceux qui refusent de se
tres assemblées. Jamais aucun d'eux, soit en pu- joindre à eux et de prendre les armes. Quelques-
blic, soit en particulier, ne se montrait farouche uns, au milieu du trouble, entraînés par l'effroi,
que lorsqu'on arrivait à traiter de la loi. Partout volent au forum. Ces cris « Aux armes I » est
ailleurs cette jeunesse était populaire. Non-seule- « L'ennemi est dans la veille se succèdent tour
ment les tribuns achevèrent paisiblement leur à tour. Les consuls redoutent et d'armer le peuple
magistrature, mais encore, l'annéesuivante, leur et de le laisser sans armes. Ignorant quel fléau
réélections'opérasans qu'une voix y mît obstacle, soudain, étranger ou domestique,produit du res-
taut on se gardait de toute violence. Peu à peu, sentiment populaire, ou de la perfidiedes esclaves,
ces caresses, ces attentionsavaient adouci le peu- s'est jeté sur la ville, ils veulent calmer le trouble,
ple. Grâce à ces moyens, on éluda toute l'année et, souvent, ne parviennent qu'à l'exciter. Sur
l'adoption de la loi. cette multitude tremblante et consternée, l'auto-
XV. La ville était plus calme lorsque C. Clau- rité n'avait plus d'empire. Cependant on distribue
dius, Gls d'Appius, et P. Valérius Publicola, ar- des armes, mais avec réserve, assez seulement,
rivèrent au consulat. Rien de nouveau ne signalait comme on ignore quel est l'ennemi, pour former
cette nouvelle année. Présenter la loi, la repous- un corps de troupes qui suffise à tout événement.
ser voilà ce qui occupait les esprits. Plus la jeu- Au milieu de cette anxiété, sans savoir à quelle
nesse patricienne s'insinuait auprès du peuple, espèce, à quel nombre d'ennemis on avait affaire,
plus, à leur tour, les tribuns, par leurs accusa- on passa le reste de la nuit à distribuer des postes
tions, cherchaient à la rendre suspecte. « On tra- sur touslespoints favorables à la défense de la ville.
mait une conspiration, Céson était dans Rome. Le jour enfin dévoila quelle était cette guerre, quel
C'est la mort des tribuns, le massacre du peuple en était le chef. C'étaient les esclaves, qu'Appius
qu'on médite. Les vieux patriciens ont chargé les Herdoniusappelait à la libertédu haut du Capitole.
jeunes d'extirper de la république la puissance « Il avait pris en main la cause du malheur; il
tribunitienne, et de rendre à l'état la forme qu'il voulait ramener dans leur patrie ceux que l'injus-
avait avant qu'on se retirât sur le Mont-Sacré. tice en avait exilés, et détruire le joug pesant de

domum invidiwe ferret; mille pro uno kmsonesextitisse, ante Sacrummontem occupatum fuerat.. Et ab Volscis et
plebes quereretur. Mediis diebus, quibus tribuni de lege Æquis statum jam ac prope sollenne in singulos annos
non agerent, nihil iisdem illis placidius aut quietius erat: bellum timebatur: propiusque aliud novum malum neco-
bénigne salutare, alloqui plebis homines, domum invi- pinato exortum. Eisules servique, ad quatuor millia ho-
tare, adesse in foro, tribunos ipsos cetera pati sine inter- minum et quingenti, duce Ap. Herdonio Sabino, nocte
pellatione concilia habere nunquam ulli, neque publice, Capitolium atque arcem occupavere. Confestim in arce
lyque privatim, truces esse, nisi quum de lege agi cœp- facla cædes eorum qui conjurare et simul capere arma
tum esset. Alibi popularis juventiis erat. Nec cetera modo noluerant: alii inter tumultum præcipites pavore in forum
tribuui Iranquillo peregere; sed refecti quoque in inse-
quentem annum. Ne voce quidem iucommoda, nedum
devolant. Alternæ voces, Ad arma', et Hottes in urbe
sunt »! audiebantur.Consules et armare plebem et iner-
ut ulla vis fieret. paullatim permuleendo tractandoque mem pati timebant. locerti, quod malum repentinum,
mansuefecerant plebem. His per totum annum artibus ezternum an intestinum, ab odio plebis, an ab aervili
les elusa est. fraude, urbem invasisset, sedabant tumultus, sedando
XV. Accipiuntcivitatem placidiorem consules C. Clau- interdum movebant nec enim polerat pavida et con-
dius, Appii fllius, et P. Valerius Publicola. Nibil novi sternatamultitudoregi imperio. Dant tamen arma, non
novus annus attulerat: legis ferendæ aut accipiendae cura vulgo; tantum ut, incerto hoste, præsidium satis fidum
Civilatem tenebat. Quantum junioresPatrum plebi se ma- ad omnia esset. Solliciti reliquumnoctis, incertiqtie, qui
ais iusinuabant, eo acrius contra tribuni tendebant, ut homines, quantus numerus hostium esset, in stationibus
plebi suspectos eos criminandofacerent.« Conjurationem disponendis ad opportuna omnis urbis loca, egere. Lux
octant, kæsonemRomæ esse; interficiendorum tribuno- deinde aperait bellum ducemque belli. Servos ad liber-
rum, trucidaodæ plebis ronsilia inita. Id negotii datum tatem Ap. Herdonius ex Capituliovocabat, « Se miserrimi
ab semoribus Patrum, utjuventustribuniciampoteslatem cujusque suscepisse causam, ut exsules injuria pulsos in
e republica tolleret, formaque eadem civitatis esset, quae patriam reduceret, et servitiis gravejugum demeret. Id
l'esclavage. 11 aimerait mieux que le peuple ro- boucliers, s'en retourneraientavec moins de bruit
main l'ordonnât aiusi lui-même. S'il ne doit rien encore qu'à leur arrivée. e Ils font donc quitter les
espérer de ce côté, il s'adressera aux Volsques et armes au peuple, et l'appellentà l'assemblée pour
aux Èques il tentera, il provoquera les derniers y voter la loi. Les consuls, de leur côté, convo-
efforts. quent le sénat, plus alarmés des craintes nouvelles
XVI. Le fait devenait clair pour les sénateurs qu'inspirent les tribuns, qu'ils ne l'avaient été de
et les consuls; mais ils redoutaient que derrière la surprise de la nuit.
ces menaces ne fussent cachées les intrigues des XVII. Dès qu'il apprend qu'on a quitté les ar-
Véiens et des Sabins; ils craignaient qu'à l'heure mes et abandonné les postes, P. Valérius laisse
où tant d'ennemis s'agitaient dans la ville, on ne son collègue présider le sénat, s'élance hors du
vit arriver, de concert avec Herdonius, les légions palais, et se rend auprès des tribuns dans leur as-
étrusques el sabines; puis ces éternels ennemis, semblée. « Qu'est-ce à dire, tribuns, s'écrie-t-il?
les Volsques et les Èques, disposés cette fois, non sous la conduite d'Appius Herdonius et sous ses
point à ravager le territoire, mais à marcher sur auspices, voulez-vous renverser la république?A-
Rome,qu'ilsjugeaient prise en partie. Mille sujets t-il si bien réussi à vous corrompre celui qui n'a
divers excitaient les alarmes, les esclaves surtout. pu ébranler vos esclaves? Est-ce donc quand l'en-
Chacun pouvait avoir son ennemi chez soi. Se lier nemi est sur nos têtes qu'il faut poser les armes et
à lui, s'en métier, au risque de provoquer sa présenter des lois? » Puis, adressant la parole la
vengeance, était également dangereux. A peine, multitude « Si le salut de l'état, si le vûtre, Ro-
avec de la concorde, semblait-il possible de sau- mains, vous touchent si peu, ayez du moins
ver la république. Néanmoins, dans ce redouble- quelque respect pour vos dieux, en ce moment au
ment, dans ce déluge de maux, persoune ne son- pouvoir de l'ennemi. Jupiter, très-bon et très-
geait à l'animosité des tribuns et du peuple; ce grand, Junon, reine des dieux Minerve, les au-
mal peu dangereux n'en éiait un qu'en l'absence tres dieux et déesses, sont assiégés un camp d'es-
de tout autre, et, dans ce moment, la peur de claves occupe les pénates de la patrie Ne di-
l'étranger devait, ce semble, le fane cesser. Et rait-on pas que la nation est frappée de démence?
cependant ce fut presque le seul danger réel dans Des milliers d'ennemis sont dans nos murs, que
cette crise mallieureuse. Tel élait le délire des tri- dis-je? ils sont dans la citadelle, au-dessus du fo-
buns, qu'à les entendre ce etait pas la guerre,
n rum et du sénat au forum, cependant, on tient
mais un vain simulacre de guerre, et que cette les comices; au sénat on délibère; comme au sein
invasion du Capitole n'était imaginée que pour dé- de la paix, le sénateur donne son avis, le peuple
tourner de la loi l'attention des esprits. a La loi une son suffrage. Ne convenait-il pas mieux à tous,
fois adoptée, disaient-ils, ces hôtes, ces clients des patriciens et plébéiens, consuls, tribuns, dieux et
patriciens, ne voyant plus d'objet à cette levée de hommes, de protéger Rome par les armes, de cou-

malle populo romano auctore tieri. Si ibi spes non sit, se jore, quam venerint, silentio abituros.. Consilium ind,
Volscos, et Æquos, et oinuia extrema tentaturum et con- legi perferendæ habere, avocato populo ab armis. Sena-
citaturum.. tum interim consules habent, alio se majore ab tribunis
XV 1. Dilucere res magis Patribus atque consulibus. metn ostendente, quam quem nocturnus hostis intulerat.
Prmter en tamen, quæ denuntiabantur, ne Veientium, XVII. Postquam arma poni, et discedere hommes ab
neu Sabinorum id consilium esset, limere et, quum stationibus nuntiatum est, P. Valerius, collega senatum
tantum in urbe hoslium esset, moi sabinæ etruscæque retinente, se ex Curia proripit, in(le in templum ad tri.
legiones et composito adessent; tum e'terni hostes Volsci bunos venit «Quid hoc rei est, inquit, tribuni? Ap.
et Æqui, non ad populandos,ut ante, fines, sed ad Ur- Herdonü duclu et auspicio rempublicam eversuri estis?
bem, ut ex parlecaptam, venirent. Multi et varii timores. Tarn felix vobis corrumpendis fuit, qui servitia vestra non
Inter cxteros eminebat terror servilis, ne suus cuique commovit auctor? Quum hostes supra caput sint, discedi
domi hoslis esset cui nec credere, nec, non credendo, ab armis, legesque ferri placet? Inde ad multitudinem,
ne infestior fleret, Odem abrogare, satis erat tutuni. oratione versa «Si vos urbis, Quirites, si vestri nulla,
nique concordia sisti videbatur posse tantum supe- cura tangit, at vos veremini doos vestros, ab hostibus
rantibus aliis atque emergentibus malis, nemo tribunos captos. Jupiter optimus maximus, Juno regina, et Mi-
aut plebem timebat. Mansuetum id malum et per alio- nerva, alii dii deæque obsidentur castra servorum pu-
rum quietem malorum scmper exoriens, tumque esse blicos vestros pénates tenent. Haec vobis forma sanw ci-
peregrino terrore sopitum videbatur. At id prope unum vitatis videtur? Tantum hostium non solum intra muros
maxime inclinatis rebus incubuit; tantus enim tribtinos est, sed in arce supra forum Curiamque. Comitia interim
furor tenuit, ut non bellum sed vanam imaginem belli, in foro sunt; senatus in Cnria est; velut quum olium su-
ad avertendos ab legis cura plebis animos, Capitolium perat, senator sententiam dicit alii Quirites sulfragium
i nsedmse contenderent: « patriciorum hospitesclientesque, ineunt. hioo, quicquid palrum plebisque est, consules,
si perlata lege frustra tumultuatos esse se sentiant, ma- tribunos, deos, hommesque omu s armatos opem ferre
rir au Capitole, de délivrer et de rendre à la paix chaque citoyen, qu'on livre à l'ennemi. » Tandis
cette demeure auguste de Jupiter très-bon et très- qu'au forum on cherchait ainsi à calmer la dis-
grand ? Romulus, notre père, toi qui naguère corde, les consuls, dans l'appréhensiond'un mou-
repris le Capitole sur ces mêmes Sabins à qui l'or vement de la part des Sabins ou des Véiens, se
l'avait livré, inspire ton courage à tes enfants tenaient aux portes et sur les remparts.
Montre-nous le chemin, où sur tes pas, s'élança XVIII. La même nuit, à Tusculum, on vint
ton armée. Me voici le premier, moi consul, prêt annoncer la prise de la citadelle, l'occupation du
à te suivre, autant qu'un mortel peut approcher Capitole, et l'état de trouble où d'autres causes
d'un dieu, et à marcher sur tes traces. 9 Il finit avaient plongé la ville. L. Mamilius était en ce
en disant a Que pour lui il prend les armes et moment dictateur de Tusculum. Sans perdre un
appelle aux armes tous les Romains; si quelqu'un instant, il convoque le sénat; et, ceux qui avaient
s'y oppose, il méconnaîtra, pour le poursuivre, apporté ces nouvelles ayant été introduits, il con-
et l'autorité consulaire, et la puissance tribuni- seille fortement « de ne pasaltendre que, de Rome,
tienne, et les lois les plus sacrées; quel que soit des députés viennentdemander secours. Le péril
l'opposant, partout, au Capitole et au forum, il même des Romains, leur position critique, les
le tiendra pour un ennemi. Que ces tribuns, qui dieux, la foi des traités, réclamentl'aide des Tus-
défendent de prendre les armes contre Herdonins, culans. S'attacher, par un service signalé, un
les fassent lever contre P. Valérius, leur consul peuple si puissant et si voisin, est une faveur que
il osera, lui, contre les tribuns, ce que le chef de les dieux ne leur offriront pas une seconde fois
sa race osa contre les rois. » Les dernières vio- l'occasion de mériter. » On décide d'envoyer du
lences semblaient inévitables. Le spectacle d'une secours; on enrôle les jeunes gens, on leur donne
révolte dans Rome se préparait pour les ennemis. Rome, au point du jour, à leur ar-
des armes. A
Cependant la loi ne put passer, ni le consul mar- rivée, on les prit de loin pour des ennemis. C'é-
cher au Capitole. La nuit amortit la lutte qui s'en-taient les Volsques et les Èques qu'on croyait voir
gageait. Les tribuns reculèrent devant les ténèbres en eux. Mais bientôt, ces vaines terreurs dissi-
et la peur des armes consulaires. Délivrés des au- pées, on leur ouvre la ville et ils descendent en
teurs de la sédition, les patriciens se mêlent au ordre sur le forum. Là, P. Valérius, tandis que
peuple, s'avancentau milieu des groupes, et y sè- son collègue veillait à la garde des portes, formait
ment des paroles adaptées à la circonstance. lls déjà ses bataillons. Sa mâle aulorité avait prévalu.
les engagent à considérer les périls où ils entraî- Il avait promis « Qu'après la délivrance du Capi-
nent la république. «Il nes'agitplusd'unequerelle tole et le retour de la paix dans Rome, si le peu-
entre patriciens et plébéiens; c'est, à la fois, le ple consentait à l'écouter, il lui dévoilerait la four-
sénat et le peuple, la citadelle de Rome, les tem- berie dont la loi des tribuns devait assurer le
ples de ses dieux, les pénates publics, ceux de triomphe et qu'ensuite, plein du souvenir de ses

in Capitolium currere, liberare ac pacare augustissimam plebem certamen esse, sed simul Patres ptebemque, ar-
illam domum Jnris optimi maximi decuit? llomute pater, cem urbis, templa deorum, pénates pnblicos pnvatosque
tu mentem tuam, qua quondam arcem, ab his iisdem boslibus dedi.. Dum haec in foro sedandæ discordiæ causa
Sabins auro captam, reeepisti, da stirpi tuæ jubé banc aguntur, consules intérim, ne Sabmi, ne Veiens hostis
ingredi viam quam tu dua, quam tuus iugressus exerci- moveretur, circa portas murosqne discesserant.
tus est. Primus, en, ego consul, quantum mortalis deum XVIII. Eadem nocte et Tusculum de arce capta Ca-
possum, te, ac tua vestigia sequar.. Ultimum orationis pilolioque occupato, et alio turbatie urbis s!atu nuntii
fuit, Se arma capere, vocare omues Quirites ad arma veniunl. L. lVlamilius Tusculi tum dictatorerat. Is, con-
si (luis impediat, jam se consularis imperii, Jam tribu- festim comocatoseuatu, atque iutroductis nuntiis, magno
nicix potestatis sacratarumque legum oblitum, quisquis opere censet, « Ne exspectent, dum ab Roma legati, awi-
ille sit, ubicunque sit, in Capilolio, in foro, pro hoste lium petentes, veniant periculumipsum, discrimenque,
habiturum.Juberent tribuni, quoniam in Ap. Herdonium ac sociales deos, fidemque fœderum id poscere. Deme-
vetarent, in P. Valerium consulemsumi arma ausurum rendi beneficio tam potentem tam propinquam civitatem,
se in tribunis, quod princeps familiæ suæ ausus in regi- nnnquam parem occasiouem daturos deos. » Flacet ferri
bus esset. » Vim ultimam apparebat futuram, spectaculo- auxdium; jiivenlus conscribitur; arma dantur. Romam
que seditionem romanam hostibus fore nec lex tamen prima luce venientes, procul speciem bostium prfebuere.
ferri, nec ire in Capitolium consul potuit. Nox certamina Æqui aut V olsci venire visi sunt. Deinde, ubi vanus ter-
cœpta oppressit, tribum cessere nocti, timentes consu- ror ahiit, accepti in urbem, agmine in forum descen-
lum arma. Amotis inde seditionis auctoribus, Patres cir- dunt. Ibi jam P. Valerius, relicto ad porlarum præsidia
cumire plebem, inferentesque se in circulos, sermones cullega, instruebat aciem. Aucloritas viri moveral, affir-
tempori aptos serere admonere, Ut vidercnt, in quod mantis, « Capitolio rccuperato, et urbe pacala, si edoceri
discrimen rempublicam adduccrent. Non inter l'atres ac se sissent, qua: fraus ab tribunis occultain lege ferretur,
ancêtres, digne du surnom qui lui transmettait rius, et s'adressent à Claudius pour qu'il garde
de leur part l'obligation, en quelque sorte héré- du parjure les mânes de son collègue, et laisse
ditaire, de protéger les intérêts populaires, ilu'ap- présenter la loi. Le consul proteste qu'avant d'a-
porterait plus aucun obstacle à l'assemblée du voir remplacé son collègue, il ne permettra point
peuple. n Sous ses ordres et malgré les réclama- la présentation de la loi. Ces contestations se pro-
tions drs tribuns, les bataillons se mettent à gra- longèrent jusqu'aux comices chargés d'élire un
vir la pente du Capitole, et avec eux la légion Tus- consul subrogé. Au mois de décembre, grâce à
culaue alliés et citoyens se disputent l'honneur tous les efforts des patriciens, on nomma consul
de reprendre cette citadelle. Chaque chef excite L. Q. Cincinnalus, père de Céson, qui dut entrer
ses soldats. L'ennemi s'effraie alors; il ne compte en charge aussitôt. Le peuple était consterné il
plus que sur la force de sa position. Tandis que la se voyait aux mains d'un consul irrilé, tout-puis-
peur l'agite, les Romains et leurs alliés dirigent sant par la faveur du sénat, par son mérite et par
coutre lui leurs enseignes. Déjà ils s'étaient ouvert l'influence de ses trois fils, dont aucun ne le cédait
un chemin jusqu'au vestibule du temple, quand à Céson en grandeurd'âme, mais qui, parleurpru-
P. Valérius, excitant les siens, périt au premier dence et leur modération quand les circonstances
rang. P. Volumnius, consulaire, le voit tomber; t'exigeaient, lui étaient supérieurs. Dès qu'il fut
il ordonne à ceux qui l'entourent de couvrir le revêtu de sa magistrature,assidu à son tribunal, il
corps, et prend la place et les fonctions du y déploya une égale énergie pour contemr le peuple
consul. L'ardeur, l'impétuosité du soldat empé- et réprimander les patriciens. « C'était, disait-il,
chièrent qu'il se doutât d'une si grande perte, et par la faiblesse de cet ordre, queles tribuns se per-
il vainquit avant de s'apercevoir qu'il combatlait pétuant dans leurs charges, régnaient non sur la
sans général. Une foule d'exilés souillèrent le tem- république du peuple romain, mais comme sur
ple de leur sang; beaucoup furent pris en vie. une famille en désordre, par la langueet les invec-
Herdonius fut tué. Ainsi fut recouvré le Capitole. tives. Avec Céson son (ils, le courage, la fermeté,
Les prisonniers, selon qu'ils étaient libres ou as- toutes les vertus militaires et civilesde la jeunesse
claves, subirent chacun le supplice réservé à leur se trouvaient exilécs de Rome et bannies. Des ba-
condition. Les Tusculans reçurent des actions de vards, desséditieux, desarlisansde discordes,deux
grâces; on purifia le Capitole, on y offrit des sa- fois, trois fois tribuns, grâce aux plus criminel-
crifices. Chaque plébéien porta, dit-on, à la mai- les intrigues, vivent dans une royale licence. Cet
son du consal le quart d'un as, pour ajouter à la Aulus Virginius, ajouta-t-il, pour n'avoir pas été
pompe de ses funérailles. au Capitole, est-il moins digne du supplicequ'Her-
XIX. La paix une fois rétablie, les tribuns pres- donius ? Mille fois plus, sans doute, si l'on veut
sent le sénat d'accomplir la promesse de P. Valé- en juger avec équité. Herdonius au moins, en se

memorem se majorum suoram, memorem cognominis, P. Valerii fidem exsolverent instareClaudio, ut collegæ
quod populi culendi velut hereditaria cura sibi a majori- deos Manes fraude liberaret, agi de lege sineret. Consul,
hus tradita esset, concilium plebis non impediturum. » antequam collegam sibi subrogasset, negare, passurum
Hune ducem secuti, nequicquam reelamautibus tribunis, agi de lege. Hæ teuuere contentiones usque ad comitia
in clivum Capitolinum eriguut aciem. Adjungituret Tus- consulis subrogandi. Decembri mense, summo Patrum
culana legio. Certare socii civesque, utri recuperatæ sludio, L. Quioctius Cincionatus, pater Kæsonis, consul
arcis sumn decus facerent. Dux uterque auos adhortatur. creatur, qui magistratumstatim occiperet. Perculsa erat
Trepidare tum hostes; nec ulli satis rei, prmterquam plebes, cousulem habitura iratum, potentem favore Pa-
loco, fldere. Trepidantibusinferunt signa Romani socii- trum, virtute sua, tribus liberis, quorum nemo Kæsoni
que. Jam iu vestibulum perruperant tenipli, quum P. cedebat magnitudineanimi; consilium et modum adhi-
Valerius, iuler primores pugnam ciens, interficilur, P. bendo, ubi res posceret, priores erant. Is, at magistra-
Volumnius consularis vidit cadentem. Is, dato negotio tum iniit, assiduisconcionibuspro tribunali, non in plebe
suis ut corpus obtegerent,ipse in locum vicemque cou- coercenda, quam senatu castigando, vehementior fuit:
sulis provolat.Pr ardore impetuque tantæ rei sensus Cujus ordinis languore perpetui jam tribuni plebis, non
non perrenit a,l rnilitem prius vicit, quam se pugnare ut in republica pupuli romani, sed ut in perdita domo,
siue duce sentiret. Multi exsulum caede sua fœdavere lingua criminibusque regnarent. Cron Kaesone filio suo
templum; mulli vivi capti, Herdonius interfectus. Ita virtutem, constantiam, omnia juventutis belli domique
Capitolium recuperatum. De caphvis, ut quisque liber décora pulsa ex urbe romana et fugata esse; loquaces,
aut servus esset, suæ foi tunæ a quoque sumptum suppli- seditiosos, semina discordiarum, iterum ac tertiurn tri-
cium est. Tusculanis graliae actæ Capilolium purgatum bunos pessimisartibus regia licentia vivere. A., inquit, ille
atque lustratum.In consulis domum plebes quadrantes, Virginius, quia in Capitolio non fuit, minus supplicn,
ut funere ampliore efferretur, jaclasse fertur. quam Ap. Herdonius, meruit? plus hercule aliquanto,
XIX. Pace parla, instare tum tribuni Patribus, ut 1 qui vere rem aestimare velit. Herdonius, si nihil alind.
déclarant votre ennemi, vous avertissait en quel- et sacrés eux pour qui les dieux ne sont ni sa-
que sorte de prendre les armes; cet autre, quand crés ni inviolablesl Tout couverts que vous êtes
il niait la guerre vous ôtait les armes des mains de forfaits envers les dieux et envers les hommes,
il vous livrait nus à vos esclaves et aux bannis. Et vous ne cessez de dire que vous porterez votre
vous (je le dirai sans offense pour C. Claudius et loi cette année. Alors j'en atteste les dieux, ce
pour les mânes de P. Valérius), vous avez porté jour où l'on me créa consul fut plus fatal à la ré-
vos enseignes au pied du Capitole avant d'exter- publique, plus fatal mille fois que celui où périt
miner d'abord ces ennemis du forum? J'en rougis Valérius notre consul, si vous l'emportez. Mais,
pour les dieux et les hommes 1 quand l'ennemi ajouta-t-il, avant tout, Romains, mon collègue
était maître de la citadelle et du Capitole, quand et moi avons résolu de conduire les légions contre
un chef d'exilés et d'esclaves, souillé de toutes les les Volsques et les Èques. Je ne sais par quelle fa-
profanations, s'était établi dans la demeure de talité, dans les combats plus que dans la paix,
Jupiter, très-bon et très-grand, ce fut, avant nous trouvons les dieux favorables. Le péril où
Rome, Tusculum qui prit d'abord les armes On ces peuples auraient pu nous jeter, s'ils avaient su
a pu douter qui de L. Mamilius, chef des Tuscu- que des exilés occupaient le Capitule, il vaut
lans, ou de P. Valérius et de C. Claudius, con- mieux l'apprécier par le passé que d'en faire un
suls romains, délivrerait la citadelle de Rome! Et jour l'épreuve. »
nous, qui naguère n'avons pas souffert que les XX. Le peuple était ému des paroles du consul;
Latins, voyant l'ennemi sur leur territoire, pris- les patriciens, revenus à eux, croyaient voir re-
sent les armes pour leur propre défense, aujour- naître la république. L'autre consul, plus hardi à
d'hui, si les Latins n'avaient d'eux-mêmes saisi seconder qu'à diriger une entreprise, laisse sans
leurs armes, nous serions captifs et anéantis. Est- difficulté son collegue s'engager dans une affaire
ce là, tribuns, porter secours au peuple, que de si épineuse; mais il réclame dans l'exécution sa
le livrer sans défense au massacre? Eh quoi part des fonctions consulaires. Cependant les tri-
si quelque homme de votre peuple, si le der- buns se jouaient de ces paroles qu'ils disaient chi-
nier de cette classe que vous retranchez en quel- mériques, et demandaient avec persistance, «Com-
que sorte du reste de la nation pour en faire votre mentles consuls emmèneraientune armée que per-
patrie à vous, votre république particulière, si sonne ne leurlaisserait enrôler?)» — « Nous n'avons
l'un d'eux venait dire que ses esclaves, les armes que faire d'enrôlement, répondit Quinctius; lors-
à la main assiègent sa demeure, vous penseriez que P. Valérius, pour reprendre le Capitole, donna
qu'il le faut secourir. Et Jupiter, très-bon et très- des armes au peuple, tous jurèrent, sur sa de-
grand, que des exilés et des esclaves tenaient as- mande, de se réunir à son ordre, de ne point se
siégé, aucun secours humain ne lui était dû Et séparer sans son ordre. Nous décrétons que vous
ceux-là demandent qu'on les déclare inviolables tous qui avez prêté ce serment, demain, vous

hostem se fatendo prope denuntiavit ut arma caperetis cri, neque sancti sunt ? At enim, divinis humanisque ob-
hic, negando bella esse, arma vobis ademit, nudosque ruti sceleribus,legem vos hoc anno perlaturos dictitatis?
servis vestris et exsulibusobjecit. Et vos ( C. Claudii pace, Tum hercule illo die, quo ego consul sum creatus, male
et P. Valerii mortui loquar) prius in clivum capitolinum gesta respuhlica est, pejus multo, quam quum P. Vale-
signa intulistis quam hos hostes de foro tolleretis ? Pudet rius consul periit. si tuleritis.Jam primum omnium, in-
deorum homiuumque. Quum hostes in arce in Capitolio quit, Quirites, in Volscos et Æquos mihi atque collegæ
essent, exsulumet servorum dut, profanatis omnibus in legiones ducere in animo est. Nescio quo fato magis hcl-
cella Jovis optimi maximi habitaret, Tusculi ante, quam lantes, quam pacati, propitios habemus deos. Quantum
Ruma, sumpta sunt arma. In dubio fuit, utrum L. Ma- periculum ab illis pnpulis fuerit, si Capitolium ab eisu-
milius Tusculanus dux an P. Valerius et C. Claudius libus obsessum scissent, suspicari de præterito, quam J'e
cousules romanam arceni liberarent et qui ante Lati- ipsa experiri, est mehus.
nos, ue pro se quidem ipsis quum in finibus bostem ha- XX. Moverat plebem oratio consulis erecti Patres
berent, attingere arma passi sumus, nunc, Disi Latmi restitutamcredebaut rempublicam; consul aller, cornes
sua sponte arma sumpsissent, capli et deleti eramus. Hoc animosior quam auctor suscepisse collegam priorem
est, tribuui, auxihum plebi lerre, inermein eam bosti actionem tam gravis rei facile passus, in peragendis cou-
trucidandam objicere? Scilicet, si quis vobis hnmillimus sularis officii partem ad se vindicabat. Tum tribuni elu-
homo de vestra plebe (quam partem, velut abruptam a dentes velut vana dicta, persequi quaerendo, Quonam
cetero populo, vestram patriam peculiaremque rempu- modo exercitum educturi consules essent, quos dllectum
blicam fecistis), si quis ex his domum suam obsessam a habere nemo passurus esset?» — « Nobis vero,inquit Quinc-
familia armata nuntiaret, ferendum auxilium putaretis. tius, nihil delectu opus est; quum, quo tempore P. Va-
Jupiter optimus maximus, exsulum atque servorum sæp- lerius ad recipiendum Capitolium arma plebi dedit, om-
tus armis, nulia humana ope dignus erat? Et hi postu- nes in verba juraverint, conventuroi se jussu consulis,
lant, ut sacrosancti babeautur, quibus ipsi dii neque sa- nec injussu abituros. Edicimus itaque, omnes, qui iu
vous trouviez eu armes au lac Régille. » Les tri- grands cris, implore tour à tour la pitié des con-
buns, à l'aide de sophismes, cherchent à dé- suls et celle des sénateurs. Mais le consul demeura
truire les scrupules du peuple a Quinctius n'était inébranlable jusqu'à ce que les tribuns eussent
qu'un simple citoyen, quand ils se lièrent par ce promis de se soumettre à l'autorité du sénat. Sur
serment. Mais alors on n'avait point encore, un rapport du consul, relatif aux demandes des
comme dans notre siècle, cette indifférence pour tribuns et du peuple, des sénatus-consultes ordon-
les dieux on ne savait point interpréter les ser- nèrent « que les tribuns ne présenteraient point
ments et les lois, pour les plier à son gré; on leur loi cette année, et que les consuls n'emmè-
préférait y conformer sa conduite. Les tribuns, dés- neraient point l'armée hors des murs. A l'avenir,
espérant de mettre obstacle à ces desseins, cher- continuer les magistrats dans leurs charges, réélir
chèrent à différer le départ de l'armée le bruit les mêmes tribuns serait, au jugement du sénat,
se répandaitd'ailleurs « que les augures avaient une atteinte à la république. » Les consuls se con-
eux-mêmes reçu l'ordre de se trouver au lac Ré- formèrent à ces décrets; mais les tribuns, malgré
gille, et d'inaugurer un emplacement où, d'après les réclamations des consuls, furent réélus. Les
les rites sacrés, on pût traiter des affaires publi- patriciens, à leur tour, pour ne rien céder au
ques. Là, tout ce qu'à Rome la violence tribuni- peuple, portaient de nouveau Quinctius. Jamais,
tienne avait obtenu devait disparaître dans les co- de toute l'année, sortie plus véhémente de la part
mices. On adopterait tout ce que voudraient les du consul. e Faut-il s'étonner, pères conscrits, du
consuls, car l'appel des tribuns était sans force à discrédit de votre autorité auprès du peuple?
plus d'un mille de Rome; et, eux-mêmes, s'ils s'y C'est vous-mêmes qui la ruinez. Ainsi, parce que
rendaient confondus dans la foule des Quirites, le peuple viole vos décrets, en continuant ses ma-
seraient soumis à l'autorité consulaire. « Ils s'ef- gistrats, vous allez les violer vous-mêmes, pour
frayaient de ces bruits; mais bientôt la terreur égaler en déréglements cette multitude comme
fut au comble; car Quinctius répétait publique- si la prépondérance dans un état était attachée à
ment « Qu'il ne convoquerait pas les comices pour la légèreté et à la licence. Car il y en a plus, sans
l'élection des consuls. Les maux de la république doute, à détruire ses propres délibérations et ses
n'étaient pas de ceux que des remèdes ordinaires décrets que ceux d'autrui. Imitez, pères conscrits,
parviendraient à guérir; elle avait besoin d'un cette foule inconsidérée; destinés à servir de mo-
dictateur si quelque brouillon cherche à compro- dèle aux autres, suivez vous-mêmes leur funeste
mettre la tranquillité de l'état, il apprendra que exemple, plutôt que de les ramener à la justice
la dictature n'admet point d'appel. » par la vôtre. Pour moi loin d'imiter les tribuns,
XXI. Le sénat était au Capitole, les tribuns s'y je ne souffrirai pas, au mépris de votre sénatus-
rendent avec le peuple consterné. La multitude, à consul te, ma réélection au consulat. Et toi, C. Clau.

verha jurastis, crastina die armati ad lacum Regillum ad- consulum,nunc Patrum, fidem implorant: nec ante mo-
sitis.» Cavillari tum tribuni, et populum exsolvere reli- verunt de sententia consulem, quam tribuni, se in auc-
gione velle Privatum eo tempore Quinclium fuisse, toritate Patrum futuros esse, polliciti sunt. Tune, refe-
quum sacrameuto adacti sint. Sed nondum hæc, quæ rente consule de tribunorum et plebis postulatis sena-
nunc tenet sæculum negligentia deum venerat; nec inter- tusconsulta flunt, « Nequetribuni legem eo anno ferrent,
pretando aibi quisque jusjurandum et leges aptai facie- neque consules ab urbe elercitum edueerent. In reliquum
bat, sed suos potius mores ad ea accommodabat. Igitur magistratus continuari, et eosdem tribunos refici, judi-
tribuni, ut impediendæ rei oulla apes erat, de prole- care senatum contra rempublicam esse. » Conmles fuere
rendo exitu agere eo magis, quod, Et augures jussos in Patrum potestate; tribuni reclamantibus consulibus,
adessead Hegillum lacum fama exierat, locumque inau- refecti. Patres quoque, ne quid cédèrent plebi et ipsi
gurari, ubi auspicato cum populo agi posset; ut, quic- L. Quinctium consulem reficiebant. Nulla toto anno ve-
quid Romæ vi tribunicia rogatum esset, id comitiis ibi hementior actio consulis fuit.. Mirer, inquit, si tana
abrogaretur. Omnes id jussuros, quod consules vellent: vestra, Patres conscripti, auctoritas ad plebem est? Vos
neque enim provocationem esse longius ab Urbe mille elevatis eam. Quippe, quia plebs senatusconsultum in
passuum et tribunos, si eo adveniant, in alia turba Qui- continuandis magistratibus solvit, ipsi quoque aolutum
ritmm subjectosfore consulari imperio.. Terrebanl ha'c vultis, ne temeritati multitudinis cedatis tanquam id sit
sed ille maximus terror animos agitabat, quod sæpius plus posse in civitate, plus levitatis ac licentiæ habere.
Quinctius diclitabat Se consulum comitia non habitu- Levius enim vaniusque profecto est, sua decreta et con-
rum. Non ita civitatem wgram esse, ut consuetis reme- sulta tollere, quam atiorum. Imitamini,Patres conscripti,
diissisti possit. Dictatore opus esse reipublicae, ut, qui turbam inconsultam et, qui exemplo aliis elle debelis,
se moverilad sollicitandumstatum civitatis,sentiat, sine aliorum exemplo peccetis potius, quam alii vestro reete
provocatione dictaturam esse. faciant; dum ego ne imiter tribunos, nec me contra se-
XXI. Senatus in Capitolio erat. Eo tribuni cum per- natusconsultum consulem renuntiari patiar. Te vem,
turbata plebe veniunt. Multitudo clamore ingeoti uunc C.Claudi, edhortor, ut et ipse populum romanum bac
dius, je t'en conjure, détourne aussi le peuple puis, après la revue de son armée, il marche sur
romain de tels excès; et juge assez bien de moi Antium, et s'arrête non loin de la ville et du cam-
pour être persuadé que, loin de voir dans les dé- pement ennemi. Les Volsques, que n'avait pas en-
marches un obstacle à mon élévation à mes yeux core rejoints l'armée des Èques, reculent devant
elles relèveront la gloire de mon refus, et contri- le combat, et pourvoient à leur repos et à leur
bueront à éloigner de moi l'odieux attaché à une sûreté derrière des palissades. Le lendemain, Fa-
élection nouvelle. » Les deux consuls décrètent en bius, qui ne veut point confondre et réunir les
commun «qu'aucuncitoyennedoitporterL. Quinc- alliés et les citoyens, fait des trois peuples trois
tius au consulat; si quelqu'un le fait, on annulera corps séparés, qu'il dispose autour des retranche-
son suffrage. » ments ennemis. Il se place au centre avec les lé-
XXII. Les consuls furent Q. Fabius Vibulanus gions romaines. On avait ordre de prêter attention
pour la troisième fois, et L. Cornélius lVlalugi- aux signaux qu'il donnerait, pour que les alliés
nensis. On tit, cette année, le dénombrementdes pussent attaquer en même temps que lui, ou se
citoyens; mais, sans fermer le lustre, car la prise retirer, s'il sonnait la retraite. Chaque nation
du Capitole et la mort du consul étaient d'un si- avait sa cavalerie disposée selon les règles. Cette
nistre augure. Fabius et Cornélius ne furent pas triple attaque enveloppe le camp. Pressés de toutes
plutôt en charge, qu'avec l'année commencèrent parts, les Volsques ne peuvent tenir à cette impé-
les troubles. Les tribuns aigrissaient le peuple. Les tuosité on les précipite de leurs retranchements.
Latins et les Herniques annonçaient une guerre Les Romains franchissent les palissades, poussent
formidable de la part des Volsques et des Èques. vers un seul point cette troupe effrayée, et la chas-
Déjà les légions volsques étaientà Antium, et cette sent du camp. Dans le désordre de la fuite, la ca-
colonie elle-même inspirait de graves soupçons de valerie, que la difficultéde franchir les retranche-
défection; à grand'peine on obtint des tribuns ments avait jusque-là rendue spectatrice du com-
qu'avant tout on songerait à la guerre. Les consuls bat, prend part à la victoire en massacrant les
se partagent les commandements. Fabius devait fuyards. Grand fut le carnage au dedansetau dehors
conduire les légions à Antium; Cornélius, rester à du camp: plus grand encore le butin carl'ennemi
la garde de Rome pour empêcher qu'une partie put à peine emporter ses armes. On eût complé-
des ennemis, comme c'était la coutume des Eques, tement détruit celle armée sans les forêts qui cou-
ne vint ravager le territoire. Les tleruiques et les vrirent sa fuite.
Latius eurent ordre de fournir des soldats, aux XXIII. Tandis que ces événements se passent
termes des traités; et les deux tiers de l'armée se sous Antium, les Èques détachent en avant l'élite
composèrent d'alliés; le reste, de citoyens. Dès de leur jeunesse, et la citadelle de Tusculum, sur-
que lesalliés, au jour prescrit, furent arrivés, le prise pendant la nuit, tombe entre leurs mains.
consul établit sou camp hors de la porte Capèue Le gros de l'armée s'établit non loin des murs de

licentia arceas; et de me hoc tibi persuadeas, me ita ac- que hostium consedit. Ubi quum Volsci, quia noudum ab
ccpturum, ut non honorem meum a te impeditum, sed Æquis venisset exercitus dimicare non ausi, quemad-
gloriam spreti honoris auctam, invidiamque, quæ ex cun- modum qmeti vallo se tutarentur, parareut; postero die
tmuato eo impenderet, levatam putem. Communiter in- Fabius, non permixtam unam sociorum civiumque sed
de edicunt « Ne quis L. Quinctium consulem faceret; si trium populorumtres separatim acies circa vallum bos-
quis fecisset, se id suffragium non observaturos.» limn instruxit. Ipse erat médius cum legionibus romanis.
XXII Consulescreati Q. Fabius Vibulanus tertium et Inde s'gnum observare jussit, ut pariter et socii rem in.
L. Cornélius Maluginensis. Ceusus actus eo anno lus- ciperent, referrentquepedem, si receplui cecinisset. Equi-
trum, propter Capitolium captum, consulem occisum tes item suæ cuique parti post principia collocat. Ita tri-
coudi religiosum fuit. Q. Fabio L. Cornelio consulibus, fariam adortuscastra circumvenit et. quum undique in-
principio anni statim res turbulentæ. Instigabant plebem staret, non sustinentes impaum Volscos vallo deturbat.
tribuni. Bellum ingens a Volscis et Æquis Latini atque Transgressus inde munitiones, pavidam turbam inclina-
llernici nuntiabant; jam Antii Volscorum legiones esse. tamque in partcm unam castris expellit. Inde effuse fu-
Et ipsam coloniam ingens metus erat defectnram a?gre- gientes eques, cui superare vallum haud facile fuerat,
que impetratum a tribunis, ut bellum præverti sinerent. quum ad id spectator pugnae astitisset, libero campo adep-
Consules inde partiti provincias. Fabio, ut Antium legio- tus, parte victoriæ fruitur, territos coedendo. Magna et
nes duceret, datum Cornelio, ut Romæ præsidio esset; in castris et extra munimenta cædes fugientium fuit sed
ne qua pars hostium, qui Æquis ums erat, ad populan- praeda major, quia vix arma secum efferre hostis potuit;
dum veniret. Hernici et Latini jussi milites dare ex fœde- deletusque exercitus furet, ni fugientes silvæ texissem.
re duæque partes sociorum in exercitu, tertia civium XXIII. Dum ad Antium ha'c geruntur,interim Æqui,
fuit. Postquam ad diem præslilulum venerunt socii, con- roliore juvenlulis præmisso, arcem Tusculanam impro-
sul extra portam Capenam castra local. Inde, lustrato viso nocte capiunt; reliquo exercitu haud procul mœni-
exercitu, Antium profectus, baud procul oppido stalivis- bus Tusruli considunt, ut distenderent hostium copias.
la ville, pour opérer une diversion. Ces nouvelles année-là eut lien la défection des Anliates, el que lo
volent t Rome, de Romeau camp d'Autium, et consul L. Cornélius, chargés de cette guerre, s'em-
produisent aulant d'effet sur les Romains que si para de leur ville toutefois, les plus anciens
l'on eût annoncé la prise du Capitole. Le service écrivains ne faisant nulle mention de ces fails,
des 'l'usculans était récent encore la conformité je n'oserais les garantir.
du léril qui les menace avec celui dont ils ont pré- XXIV. Cette guerre terminée, celle que les
servé Rome semble réclamer les mêmes secours tribuns font dans Rome vient agiter le sénat. Ils
qu'on a reçus d'eux. Fabius abandonne tout, trans- s'écrient « Que c'est une perfidie de retenir l'ar-
porte à la hâte le butin du camp dans Aulium, y mée au-dehors; une entrave apportée à l'adop-
laisse un faible detachement, et précipite vers tion de la loi; mais qu'ils n'en accompliront pas
Tusculum la marche de ses troupes. Les soldats ne moins leur entreprise. » L. Lucrétius, prelet de
purent emporter queleurs armes et ce qu'ils trou- Rome, obtient cependant que, pour entamer leurs
vèrent sous leur maiu d'aliments préparés. De poursuites, les tribuns attendront le retour des
Rome, les envois de Cornélius subvinrent à leurs consuls. Une nouvelle cause de trouble s'était éle-
besoin. Pendant quelques mois on lit la guerre à vée. A. Cornélius et Q. Servilius, questeurs,
Tusculum,. Le consul, avec une partie de son ar- avaicnt assigné M. Volscius pour avoir porté contre
mée, assiégeait le camp des Èques; il avaitcédé Céson un témoignage dont la fausseté n'admettait
le reste aux Tusculans pour reprendre leur cita- aucun doute. Il résultait d'une foule de preuves
delle. La force ne put y réussir, mais la famine en que le frère de Volscius, du moment qu'il tomba
arracha les ennemis. Quand ils furent réduits à t malade, ne reparut jamais en public, n'eut mêmes
l'exlrémité, les Tusculans les firent passer, nus et aucun relâche dans samaladie, languit trois mois,
sans armes, sous le joug. Couverts d'ignominie, et mourut. Bien plus, à l'époque où le témoin re-
ils fuyaient vers leurs demeures quand le consul portait son accusation Céson n'avait point paru à
Fabius les atteint sur l'Algide, et les extermine Rome. Ceux qui servaient avec lui attestaient qu'il
jusqu'au dernier. Avec son armée viclorieuse il était constamment resté sous les drapeaux et sans
vient ensuite camper à Columen. L'autreconsul, congé. Pour appuyer ces faits, une foule do ci-
jugeant qu'après cette déroute de l'ennemi, les toyens proposaient, à leurs risques, un juge à
remparts de Rome sont hors de tout péril, s'éloigne Volscius. Il n'osa subir cette épreuve, et ce con-
lui-même de la ville. Alors, par deux points diffé- cours de circonstances ne laissait pas plus de doute
rents, les deux consuls entrent sur le territoire sur la condamnation de Volscius, que jadis le té-
ennemi, et rivalisent d'efforts pour étendre leurs moignagede Volscius sur celle de Céson. Les tri-
ravages, l'un chez les Volsques, l'autre chez les buns y apportaient du retard, en protestant qu'ils
Èques. Quelques historiens rapportent que cette ne permettraient point aux questeurs de tenir les

lIa'c celeriter Romam, ab Roma iu castra Antium per- consulem id bellum gessisse, oppidumque cepisse, cer-
lata, niovent Romanos haud secus quam si Capitolium tum affirmare, quia nulla apud vetustiores seriptores ejus
captum unntiarctur adeo et recens erat Tusculanorum rei mentio est, non ausim
meritum, et similitude) ipsa periculi reposcere datum XXIV. Hoc bello perfecto, tribuuicium domi bellum
duxilium videbatur. Fabius, omi-sis omnibus, prwdaru Patres territat. Clamant « fraude fieri, quod foris teuea-
ex castris raptint Antium convehit. Ibi modico pra'sidio tur exercitus frustrationemeam Irgis tollendæ esse; se
relicto, ritatum agiuen Tusculum rapit. Nibil præter mhilommus rem susceptam peracturos. » Obtiouit tamen
arma, et quod cocti ad manum fuit cibi, ferre militi li- P. Lucretius præfectus urbis, ut actiones tribumciæ in
cmt. Commeatum ab Roma consul Cornélius eubvehit. adventum consulum dilferrentur. Erat et nova exorla causa
Aliquot menses Tuscuh bellatum. Parte exercitus consul motus. A. Cornehus et Q. Servihus quæstores M.Volscro,
castra Æquorum oppugnabat; paitem Tusculanis dede- quod falsus haud duhie testis in Kæsonemexstitisset, diem
rat ad arcem recuperandam. Vi nunquam eo subiri po- dixerant. Multis euim emauabat indicits, neque fratrem
tmt. Fames postremo inde detraxit bostem. Quo postquam Volscii, ex quo semel fuerit æger, unquam non modo
ventum ad extremum est, inermes nudique omnes sub visum in publico, sed ne assurrexisse quidem ex morbo,
jugum ab Tusculanis missi. Hos, ignommiosa fllga do- muttoruinque labe monsium moi tuum uec his tempon-
mum se reciprentes, romanus cousul in Algido consecu- bus, in quae testis crimen conjecisset, Kæsonem Romæ-
tus, ad unum omnes occidit. Victor ad Columen (id loco visum affirmautibus, qui una meruerant, secum eum
nomen est) exercitu rel clo castra locat. Et aller consul, tum frequentem ad signa sine ullo comme tu fuisse. NI
postquam mœmbus jam Romanis, puho hoste. périculum
esse desierat, et ipse ab Roma profectus. Ita bifariam
consules ingressi bosllum fines, ingeuti cerlamine hinc
Volscos, hiuc Æquos populantur. Eodem anno descisse
Antutes apud plcrosquc aucteres iuvcn o. L. Cortielium
1.
lu
ita esset, multi privalim ferebant Volsclo judices. Quum
ad judicium ire non auderet, omnes eæ rcs, m unum
congruentes, haud magis dubiam damnot ono ni Volseli.
quam Kæsonis Volscio teste fuerat, mora
tribuni cianl, qui comitia quæstolcs babere de 100, mu
comices pour le jugement, qu'on ne les eût aupa- nier, dans l'impossibilité de rendre Céson à la fa.
ravant tenus pour la loi. Les deux affaires traînè- mille des Quinctius, et à la république le plus il.
rent ainsi jusques à l'arrivée des consuls. Après lustre de ses jeunes citoyens, poursuivait, d'une
leur entrée triomphale, à la tête de l'armée vic- guerre aussi juste que les motifs en étaient tou-
torieuse, il ne fut plus question de la loi, et la chants, le faux témoin qui avait privé de défense
plupart croyaient à la défaite des tribuns. Mais, un innocent. Les tribuns, et Virginius surtout,
comme l'annee touchait à sa fin, et qu'ils aspi- insistaientsur leurloi. On donna aux consuls deux
raient à une quatrièmeélection,ilsavaientréservé mois pour l'examiner. Après avoir dévoilé au peu-
pour les débats des comices l'ardeur qu'ils auraient ple le piège qu'ellecouvrait, ils devaient permet-
mise à lutter pour la loi. Les consuls s'opposèrent tre enfin qu'on la mît aux voix. Cet intervalle
avec autant de vigueur à la continuation du tri- ramena le calme dans la ville mais les Èques su-
bnnat que si l'on eût présenté une loi attentatoire rent abréger ce repos. Ils rompent le traité conclu
à la majesté consulaire mais la victoire n'en resta l'année précédente avec les Romains, et défèrent
pas moins aux tribuns. Cette même année, sur la le commandement à Gracchus Cloelius. C'était,
demande des Èques, on leur accorda la paix: on sans contredit, le premier de leur nation. Sous sa
termina le cens commencé l'année précédente, et conduite ils vont sur les terres de Lavice, puis sur
on clôtura le lustre, le dixième depuis la fonda- celles de Tuscnlum, porter leurs armes et leurs
tion de Rome. Le dénombrement donna cent ravages, et, chargés de butin, établissent leur
trente-deux mille quatre cent neuf citoyens. Les camp sur l'Algide. Dans ce camp, Q. Fabius,
consuls de cette année recueillirent une immense P. Volumnius et A. Postumius, envoyés de Rome,
gloire militaire et domestique. Au dehors, ils viennent réclamer contre cetoubli de toute justice,
avaient conquis la paix; au dedans, si l'accord ne et demander réparation, d'après les traités. e Si
fut point parfait, du moins la ville ne fut pas aussi le sénat de Rome vous a chargés d'une mission,
agitée qu'en d'autres temps. répond le général des Èques, adressez-vous à ce
XXV. L. Minucius et C. Nautius, appelés en- chêne; j'ai autre chose à faire que de vous enten-
suite au consulat, débutent par les deux affaires dre. o Un chêne immense, en effet, s'élevait au-
que leur léguait l'année précédente. Toujours par dessus de la tente du général et la couvrait de son
les mêmes moyens, les consuls mettaient obstacle ombre. Un des envoyés s'écrie alorsen se retirant:
à la loi; et les tribuns, au jugement de Volscius. a Hé bien que ce chêne sacré, que tous les dieux
Mais il y avait chez les nouveaux questeurs plus sachent donc que vous rompez les traités; qu'ils
d'énergie, plus de considération. C'étaient M. Va- soient aujourd'hui favorables à nos plaintes, et
lérius, fils de Valérius, petit-fils de Volésus, et bientôt à nos armes, quand nous poursuivrons la
T. Quinctius Capitolinus, trois fois consul. Ce der- vengeance des dieux et des hommes, dont on viole

prius habita de lege essent, passnros negabant.Ita ea- quoniam neque Quinctiae familiae Kæso, neque reipubhcæ
tracta ulraque res in consulum adventum est. Qui ubi maximus juvenum restitui posset, falsum testem, qui di-
triumphantesvictore cum exercitu urbem inierunt, quia cendæ causw innoxio potpstatein ademisset, justo ac pio
silentium de lege erat, perculsos magna pars credebant bello persequebatur. Quum Virgimus maxime et tribuui
tribunos. At illi (etenim extremum anni jam erat) quar- de lege agerent, duum mensium spatium consulibus da-
tum affectantes tribunatum, in comitiorum disceptatro- tum est ad inspiciendam legem; ut, quum edocuissent
nem ab lege cerlamen averterant et quum cousules ni- populum, Quid fraudis occultæ ferretur, sinerent deinde
hilo minus adversus continuationem tribunatus, quam si suffragium inire. Hoc intervalli datum res tranquillas in
lex minuendæ sua' majestatis causa promulgata ferretur, nrbe fecit. Nec diuturnam quielem AEqui dederunt qui,
tetendissent. victoria certaminis pênes tribunos fuit. Eo- rupto fœdere, quod ictum erat priore anno cum Roma-
dem anno Acquis pax est peteutibus data. Census, res nis, imperium ad Gracchum Clœlium deferunt. Is tum
priore anuo inchoala, perficitur; idque lustrum ab ori- longe princeps in Acquis erat. Graccho duce in Lavica-
gme urbis decimum condilum. Fuerunt censa civium ca- num agrum, inde in Tusculanum, hostili populatione
pita centum septendecim millia trecenta novendecim. veniunt, plenique prædæ in Algido castra locant. In ea
Consulum magna domi bellique eo anno gloria fuit quod castra Q. Fabius, P. Volumnius, A. Postumius, legati ab
et foris pacem peperere, et domi, etsi non concors, minus Roma veneruntquestumin]urias, et ex fœdere res repe-
tameu, quam alias, infesta civitas fuit. titum. Eos Æquorum imperator, « quae mandata ha-
XXV. L. Minucius inde et C. Nautius consules facti beant ab senatu romano, ad quercum jubet dicere; se
duas residuas anni prioris causas exceperunt. Eodem modo alia intérim acturum. Quercus ingens arbor prætorio im-
consules legem, tribuni judicium de Volscio impediebaut; minebat, cujus umbra opaca sedes erat. Tum ex legatis
sed m quaestoribusnovis major vis. major auctoritas erat. unus abiens, et hæc, inquit, sacrata quercus, et quic-
Curn M. Valerio, Valerii filio, Volesi nepote, quaestor quid deorum est, audiant fœdus a vobis ruptum: nostris-
erat T. Quinctius Capitolinus, qui ter consul fuerat. la, que et nunc querelis adsint, et moi armis; quum deorum
également tous les droits. s A Rome, dès que les la terreur furent telles qu'on eût dit que c'était
ambassadeurs sont de retour, le sénat ordonne à la ville et non l'armée que l'on assiégeait. Le con-
l'un des consuls de conduire une armée contre sul Nautius est rappelé; mais, comme cet appui
Gracchus, au mont AI ide, et charge l'autre de parut insuffisant, on songea à créer un dictateur
ravager le territoire des Èques. Les tribuns, comme pour soutenir l'état ébranlé. L. Quinctius Cincin-
toujours, s'opposaient à l'enrôlement; et peut-être natus reunit tous les suffrages. Qu'ils sachent ap-
l'enssent-ils finalement rendu impossible, sans de précier une telle leçon, ceux pour qui toutes les
nouvelles teneurs qui surgirent tout à coup. choses humaines ne sout, au prix des ticliesses,
XXVI. Une nuée de Sabins vint presque sous les qu'un objetde mépris, et qui s'imaginent que les
murs de Rome porter le fer et le ravage la déso- grandes dignités et la vertu ne sauraient trouver
lation régnait dans les champs, la terreur dans la place qu'au sein de l'opulence. L'uniqueespoirdn
ville. Cette fois, plus docile, le peuple prit les ar- peuple romain, L. Quinctius, cultivait, de l'autre
mes les tribuns se récriaient en vain, on enrôla côté du Tibre, et vis-à-vis l'endroit où se trouve
deux grandes armées. L'une, sous Nautius, mar- à présent l'arsenal de nos navires, un champ de
cha contre les Sabins. Campé auprès d'Eretum, ce quatre arpents, qui porte encore aujourd'hui le
général, avec de petits corps détachés, et le plus nom de Pré de Quinctius. C'est là que les députés
souvent par des courses nocturnes, prit si bien sa le trouvèrent, creusant un fossé, selon les uns, et
revanche en ravageant le territoire des Sabins, que appuyé sur sa bêche, ou selon d'autres, derrière
celui de Rome avait l'air intact en comparaison. sa charrue;mais, ce qui est certain,occupé d'un ira-
Minucius n'eut point la mêmes fortune ni la même vail champêtre.Après des salutations réciproques,
vigueur de caractère dans la conduite de son ex- ils le prièrent, en faisant des voeux pour éa pros-
pédition car, ayant placé son camp non loin de périté, et pour celle de la républiquc, de revêtir
l'ennemi, sans avoir éprouvé d'écliec notable, il sa toge, et d'écouter les instructions du sénat.
se tenait eufermé dans ses lignes. L'ennemi s'en Surpris, il demande plusieurs fois si quelque mal-
aperçoit; cette timidité, comme il arrive d'ordi- heur est arrivé, et ordonne à Racilia, son épouse,
naire, augmente son audace, et, la nuit, il atta- d'aller aussitôtchercler sa toge dans sa chaumière.
que le camp; mais ses efforts ayant obtenu peu de L'ayant revêtue, il s'approche après avoir essuyé
succès, le lendemain il l'enveloppe d'une ligne ex- la poussière et la sueur de son front; les députés
térieure. Avant que les retranchements ennemis le saluent dictateur, le félicitent, le pressent de
eussent fermé toute issue, cinq cavaliers s'élao- se rendre à la ville, et lui exposent la terreur qui
cent au travers des postes ennemis, et vont ap- règne dans l'armée. Un bateau avait été préparé
prendre à Rome que le consul et son armée se pour Quinctius, par lesordres du sénat; à la des-
trouvent assiégés. Rien de plus surprenant, rien de cente, il fut reçu par ses trois fils, venus à sa
moins attendu ne pouvait arriver; aussi, la crainte, rencontre puis arrivèrent ses autres parents, et

bominumque simul violata jura exsequemur. » Romam obsideri. Nihil nec tam inopinatum, nec tam inspera-
ut rediere legati, senatus jussit, alterum consulem con- tum accidere potuit. Itaque tantus pavor, tanta trepi-
tra Gracchum in Algidum exercitum ducere alteri po- datio fuit, quanta, si urbem, non castra, hostes ob-
pulalinuem tinium Æquorum provinciam dedit. Tribuai sidereut. Nautium consulem arcessunt in quo quum
auo more impedire delectum et forsitan ad ultimum im- parum praesidü viderelur dictatoremque diti placeret,
pedissent; sed novus subito additus terror ect. qui rem perculsam restitueret L. Quincliue Cmcin-
XXVI. Vis Sabinorum iugew prope ad mœnia urbis in- natus consensu omnium dicitur. Opera pretium est au-
festa populalionevenit. Foedati agri terror injectus urbi dire, qui omnia prie divitiis humana spernunt, neque
est. Tum plebs bemgue arma cepit reclamautibus frustra bonori magno locum neque virtuti putant esse, uisi ubi
tribunis,magni duo exercitus scrlpti. Alterum Nautius effuse affluant opes. Spes unica imperii populi romani
contra Sabinos duxit castrisque ad Eretum positis, per L. Quinctius trans Tiberim, contra eum ipsum locum
expeditiones parvas, plerumque noctnruis iucursiouibus, ubi nunc navalia sont, quatuor jugerum colebat agrum
tantam vastitatemiu Sabino agro reddidit, ut, comparati quæ Prata Quinctia vocantur. lbi ab legatis seu fossam
ad cam, prope intacti bello fines Romani viderentur. Mmu- fodiens palæ innisus, seu quum araret, operi certe, id
cw neque fortuna nec vis animi eadem in gerendo negotio quod constat, agresti intentus, salute data in vicem red-
fuit: nam, quum haud procul ab boste castra posuisset, ditaque, rogatus, « ut, quod bene verteret ipsi reique
nulla magnopeee clade accepta castris se pavidus te- publicæ, togatusmandatasenatus audiret,. » admiratus,ro-
nebat. Quod ubi senserant bostes, crevit ex metu alie- gitansque, « satin salva esseut omnia ? Togam propere e
no, ut fit, audacia; et, nocte adorti castra, postquam tugurioproferreuxorem Racillam jubet. Qua simul,alu-
parum vis aperta profecerat munitiones poslero die terso pulvere ac sudore, velatus processit, dictatorem
circumdant. Quæ priusquam, undique vallo objecto eum legati gratulantes consalutant; in urbem vocant;
clauderent exitus, qumque equites, inter stationes. bos- qui terror sit in excrcitu, exponunt. Navis Quioctio pu-
tium emissi, Romam pertulere, consulem exercitumque blice parata fuit; transvectumque tres obviam egressi filit
ses amis, et enfin la plus grande partie des séna- et au combat. On se prépare ainsi à tout évène-
teurs. Au milieu de ce nombreux cortège, et pré- ment le dictateur se met à la tête des légions le
cédé des licteurs, il se rend à sa maison. Le con- maître de la cavalerie conduit ses cavaliers. Dans
cours du peuple était immense mais il était les deux troupes, c'étaient, comme l'exigeait la cir-
loin d'éprouver, à la vue de Quinctius, une joie constance, des exhortations contmuelles à dou-
égale à celle des patriciens. Il jugeait le pouvoir bler le pas, à se hâter pour atteindre de nuit les
trop grand, et que l'homme qui allait l'exer- ennemis « on assiégeait le consul et l'armée ro-

ter s'y montrerait trop dur. Pour cette pre- maine depuis trois jours ils étaient enfermés; on
mière nuit, on s'en tint à une garde exacte dans ne savait ce que chaque jour ou chaque nuit pou-
la ville. vait amener; souvent les événements les plus im-
XXVII. Le lendemain, avant le jour, le dicta- portants dépendent d'un moment; « Ilâlez-vous,
teur se rend au forum, et nomme maître de la ca- porte-enseigne,soldats avancez, » s'écriaitla troupe,
valerie L. 'l'arquitins, de famille patricienne; et pour seconder les vues de ses chefs. Au milieu de
qui, bien qu'il eût fait ses campagnes dans l'infan- la nuit, ils arrivent sur l'Algide et, s'apercevant
terie à cause de sa pauvreté, était considéré à qu'ils sont près de l'ennemi, ils plantent leurs
l'armée comme infiniment supérieur à tout le reste enseignes.
de la jeunesse romaine. Il se rend ensuite, avec son XXVIII. Alors le dictateur, autant que l'obscu-
maître de la cavalerie, à l'assemblée du peuple; rité peut le permettre, fait, à cheval, le tour du
proclame la suspension des affaires, ordonne queles camp ennemi en examine l'étendue et la forme
boutiques se ferment dans toute la ville; défend que ordonne aux tribuns de faire placer tous les ba-
personne s'occupe de ses affaires privées; donne gages en un même lieu, et aux soldats d'aller avec
à tous ceux qui pouvaient servir à l'armée l'ordre leurs armes et leurs pieux prendre chacun leur
de se trouver en armes, avec du pain pour cinq rang ces ordres sont à l'instant exécutés. Puis,
jours, et douze pieux, au Champ-de-Mars, avant dans le même ordreque durant la marche, il dé-
le coucher du soleil. Ceux que leur âge rendait veloppe son armée sur une longue ligne autour
incapables du service nulilaire, devaient, tandis du camp ennemi. Au signal donné, tous doivent
que leurs voisins préparaient des armes et allaieut pousseur un grand cri chacun doit ensuite creuser
chercherdes pieux, faire cuire leur pain. Les jeu- un fossé devant soi et planter ses pieux. On pu-
nes gens courent de tous côtés pour se procurer dos blie cet ordre, et le signal le suit de près; le sol-
pieux; chacun en prend à sa proximité, sans que dat exécute le commandement; le bruit de ces
pei sonne s'y oppose, et tous se trouvent avec exac- cris retentit tout autour des ennemis, traverse
titude au rendez-vous du dictateur. Là, on se leur camp, et parvient jusqu'à celui du consul,
forme en un ordre également propre à la marche portant aux uns la terreur, aux autres le délire do

excipiunt; inde alii propinqui atque amici; tum Patrum lisset, legiones ipse dictator.magister equitum suos equi-
major pars. Ea frequentia stipatus, antecedentibus licto- tes ducit. In utroque agmine, quas tempus ipsum posce-
ribus, deductus est domum. Et plebis conctirsus ingens bat, adhortationes erant: « adderent gradum; maturato
fuit sed ea nequaquam tam læta Quinctium vidit et opus esse, ut nocte ad hostem pervenire possent consulem
imperii ntmium et virum in ipso imperio vehementio- exercitumque Romanum obsideri; tertium diem jam clau-
rem rata. Et illa quidem nocte mhil præterquam vigila- sos esse; quid quæque nox aut dies ferat, incertum esse
tum est in urbe. puncto sæpe temporis maximarum rerum momenta verti.
XXV II. Postero die dictator, quum ante lucein in fo- Accelera signifer, sequere miles.,iuter se quoque, gra-
rum yenisset, magistrum equitum dicit L. Tar uitiom tificantes ducihus, clamab mt. Media nocte in Algidum
patricia' gentis, sed qui, quum stipendia pebibus propler perveumnt et, ut sensere, se jam pi ope hostes esse,
paupertalem fecisset, bello tamen primus longe Romanæ signa constituunt.
juventutis habitus esset. Cum magistro equitum in con- XXVIII. Ibi dictator. quantum nocte prospici poterat,
cionem venit, jutticium edicit, claudi tabernas tota urbe equo circumvectus,conlemplatusque,qui tractus caslro-
jubet, vetat quemquam privatae quicquam rei agere. rum, quæque forma esset, tribunis militum imperavit,
Tum, quicunque ætate militari essent, armati, cum ciba- ut sarcinas in unum cooJici jubeant, mililem cum armis
riis in dies quinque coctis vallisque duodenis, ante solis valloque redire in ordmes suos. Facta, qua- imperavit.
occasum Martio in campo adessent quibus xlas ad mi- Tum, quo fueraut ordinein via, exercitum omnem longo
litandum gravior esset, vicino militi, dum is arma para- agmine circumdathostium castris, et, ubi signum datum
ret, vallumque peteret, cibaria coquere jussit. Sic ju- sit, clamorem omnes tollere jubet, clamore sublato, ante
ventus discurritad vallum petendum; sumpsere, unde se qnemque ducere fossam, et jacere vallum. Edito im-
cuique proximum fuit prohibitus nemo est, impigreque perio, signum secutum est jussa miles exsequitur; cla-
umnes ad edictum dictatoris præsto fuere. Inde composito mor hosies circumsonat. Superatinde castra hostium, et
agmine, uon itloeri megis apli, quam prælio, si resita tu- in castra consulis venit alibi pavorem alibi gaudinm in
la joie. Les Romains reconnaissent le cri de leurs leur chef, et les premiers d'entre eux lui soient
concitoyens, se félicitent de l'arrivée du secours, amenés enchaînés; qu'on lui cède la ville de Cor-
et de leurs postes et par leurs vedettes harcèlent bion « Il n'a pas besoin du sang des Éques; il
l'conemi. Le consul s'écrie qu'il est temps d'agir leur permet de se retirer; mais, pour leur arracher
« ces clameurs aunoncent non-seulement l'arrivée enfin l'aveu qu'il a soumis et dompté leur nation,
des leurs, mais encore le commencement de l'at- ils passeront sous le joug. Trois lances compo-
o
taque grande serait sa surprise, si dans sa limite sent ce joug; deux sont fixées en terre; au-dessus
extérieure le camp ennemi n'était déjà menacé. » d'elles, une troisième est attachée en travers. Ce
Il ordonne donc aux siens de prendre les armes, fut sous ce joug que le dictateur laissa partir les
et de le suivre. C'est de nuit que ses légions com- Éques.
mencent le combat. Leurs cris apprennent au dic- XXIX. Le camp des ennemis, dont il resta
lateur que de ce côté aussi la lutte était engagée. maître, se trouva rempli de butin de toute espèce
Déjà les Èques se préparaient à prévenir l'inves- ( car il les avait renvoyés nus ); il ne le partagea
tissement de leurs ouvrages, lorsque l'ennemi, qu'entre ses soldats. Quant à ceux du consul et au
qu'ils assiégeaient commença l'attaque crai- consul lui-même Soldats, leur dit-il d'un ton
gnant qu'il ne se fit jour à travers leur camp, ils de reproche, vous n'aurez point de part aux dé-
se détournent des travailleurs pour faire face à pouilles d'un ennemi dont vous avez failli vous-
leur ligne intérieure, et laissent la nuit libre aux mêmes devenir la proie; et toi, L. Minucius,jusqu'à
opérations de Quinctius. Ils se battirent jusqu'au ce que tu montres le caractère d'un consul, c'est
jour contre le consul. Lorsque le jour parut, ils comme lieutenant que tu commanderas ces lé-
étaient déjà enfermés par la circonvallalion du gions. » Minucius, aussitôt, abdique le consulat, et,
dictateur, et ils soutenaient à peine le combat docile à l'ordre du dictateur, demeure à l'armée.
contre une seule armée, quand celle de Quinctius La supériorité dans le commandement captivait
reprenant les armes aussitôt que ses travaux sont alors si facilement l'obéissance, que, plus sensible
achevés, attaque les retranchements, C'était une au bienfait qu'à l'humiliation, cette même armée
nouvelle bataille à livrer, et la première ne s'était décerna au dictateur une coursonne d'or du poids
en rien ralentie. Alors, entre deux périls qui les d'uue livre, et, à son départ, le salua comme son
menacent, les l:yucs cessent de combattre, re- patron. A Rome, le préfet Q. Fabius convoque le
courent aux prières, supplieut d'un côté le dicta- sénat lequel ordonne que Quinctius, à la tête de
teur, de l'autre le consul de ne pas attacher à leur l'armée qu'il ramenait, entrera triomphant dans
destruction l'honneur de la victoire, et de leur la ville. On mène devant son char les généraux
permettre de se retirer sans armes. Le consul les ennemis, on porte devant lui les enseignes mili-
renvoie au dictateur celui-ci ajoute l'ignominie taires à sa suite marchent ses soldats chargés de
à leur malheur. Il ordonne que Gracchus Clœlius, butin. Des festins furent, dit-on, préparés de-

gens facit. Romani, «civilem essectamorem,atque auxi- alios vinctosad se adduci juhet, oppido Curbioue decedi
lium adesse,» inter se gralulantes, ultro ex stationibus ac « sanguinis se Æquorum non egcre licere abire sed, ut
vigiltis territant hostem. Consul dilfcrendum negat «Illo exprimaturtandem confessio suhactam domitamque esse
clamore non adventum modo siguilicari, sed rem ab suis geutem, sub jugum abiluros. Tribus hastis jugum fit,
cœptam mirumque esse, ni jam exteriure parte castra humi fixis duabus, superque eas transversa una deligata.
hostium oppugnentur. » Itaque arma suos capere, et se Sub hoc jugo dictator Æquos misif.
subsequi jubet. Nocte initum prælium est a legionibus; XXIX. Castris hostium receptis, plenis omnium re-
dictatori clamore significant, ab ea quoque parte rein in rum (nudos enim emiserat) praedam omnem suo tan-
discrimine esse. Jam se ad prohibeoda circumdari opera tum mihti dédit consularem exercitum ipsumque con-
Æqui parabant, quum, ab interiore hoste prælio cœpto, sulemincrepans,« Carebis, inquit, prædæ parte, miles,
ne per média sua castra Oerct eruptio, a munientibus ad ex eo hoste, cui prope prædæ fuisti et tu L. Miuuci,
pugnanlesinlrursumversi, vacuam noctemoperidedere; donec consularem animuni incipias habere, legalus bis
pugnatumque cum consule ad lucem est. Luce prima legionibus pra'eris.. Ita se Minucius abdicat consulatu,
jam circumvallati ab dictatore erant, et vix adversus jussusque ad exercitum manet. Sed adeo tum imperio me-
unum exercitum pugnam sustinebant. Tum a Quinctiano liori animus mansuete obediens erat ut beneflcii magis
exercilu, qui confestim a perfecto opere ad arma rediit, quam ignominiæ, hic exercitus memor, et coronam au-
iuvaditur in vallum. Hic instabat nova pugna; illa nihil ream dictatori libram pondo decreverit, et proficiscentem
remiserat prior. Tum, ancilnti malo urgente, a prælio ad eum palronum salutaverit. Romae aQ. Fabio præfecto
preces versi, hine dietatorem, hinc consulem orare, ne urbis senatus habilus triun,phantem Quiuctium, quo ve-
in occidionevictoriam ponerent, ut inermes se inde abire niebat agmine, urbem ingredi jusbit. Ducti ante currum
aiuerent. Ab consule ad dictatorem ire jussis ignominiam hostium duces; militaria signa prælata seculus exerci-
tufensusaddidit. Gracchum Clœliumduccm principesque tus pracda onustus. Epulæ instructæ dicuntur fuisse antu
vant toutes les portes; les convives, au m:lieu des velle d'une attaque nocturne des Eques sur Cor.
chants de triomphe et des plaisanteries usitées bion, et de l'enlèvement de la garnison. Les con-
dans ces fêtes, se mirent à la suite du char. Le suls convoquent lesénat, qui leur prescrit de lever
même jour on décerna, d'un consentement una- unp armée de subitaires, et de la conduire au mont
nime, au Tusculan L. Alamilius, le titre de ci- Algide. Alors les débats cessent au sujet de la loi,
toyen de Rome. Sans plus tarder, le dictateur eût et une nouvelle lutte s'engage pour l'enrôlement.
abdiqué sa charge, sans les comices assemblés pour L'autorité consulaire allait succomber sous les ef-
l'affaire du faux témoin Volscius, à laquelle les forts des tribuns, lorsque survinrent de nouvelles
tribuns n'osèrent mettre empêchement, grâce à terreurs. On annonça que l'armée sabine était
la crainte qu'inspirait le dictateur. Volscius con- descendue dans la campagne de Rome pour la pil-
damné, se retira en exil à Lanuvium. Le seizième ler, et marcher ensuite sur la ville. La crainte du
jourQuinctiusabdiqua la dictature qu'on lui avait péril décida les tribuns à permettre l'enrôlement,
conférée pour six mois. Dans cet intervalle, le con- non, toutefois, sans une condition. Comme pen-
sul Nautius remporta, près d'Éretum, un avan- dant cinq ans on avait pu éluder leurs efforts, et
tage signalé sur les Sabins, qui, outre la dévasta- qu'ils avaient peu profité à la cause populaire ils
tion de leurs champs, eurent à déplorer cette demandent qu'à l'avenir, il soit créé dix tribuns
nouvelle défaite. Fabius Quintus alla remplacer du peuple. La nécessité arracha aux patriciens leur
Minucius dans l'Algide. Vers la fin de l'année, les consentement; seulement ils spécifièrent qu'on ne
tribuns se donnèrent quelque mouvement pour pourrait réélire les mêmes tribuns. Mais afin d'em-
leur loi. Mais, sous prétexte que les deux armées pêclierqu'aprèsla guerre, cetle clause, comme tant
étaient absentes, les patriciens obtinrent qu'on ne d'autres, ne demeurât sans effet, les comices, se
porterait aucune proposition devant le peuple; le réunirent sur-le-champ pour l'élection des tribuns.
peuple emporta, pour la cinquième fois, la nomi- Trente-six ans après la création des premiers tri-
nation des mêmes tribuns. Des loups se montrè- buus on porta leur nombre à dix, deux de chaque
rent, dit-on, au Capitole, et furent chassés par des classe, et on prit des mesures pour qu'il en fût de
chiens; en conséquencede ce prodige, on purifia le même à l'avenir. Ensuite on opéra l'enrôlement.
temple. Tels furent les événements de cette année. Minucius, parti contre les Sabins, me lencontra
XXX. Viennent ensuite les consuls Q. Minucius pas l'ennemi. Horatius, quand déjà les Éques,
et C. Pulvillus. Au commencement de l'année, après avoir massacré la garnison de Corbion s'é-
tout était paisible au dehors; à l'intérieur, des taient emparés de la ville d'Ortone, leur livra
troubles furent excités par les mêmes tribuns, et bataille dans l'Algide, leur tua beaucoup de monde,
par la même loi. On en serait venu à des termes et les chassa non-seulementde l'Algide, mais aussi
plus violents, tant les têtes étaient échauffées, si, de Corbion et d'Ortone. Corbion fut détruite pour
comme à point nommé, ne fût arrivée la nou- avoir livre sa garnison.

omnium domos; epulantesque ctim carminé triumphali præsidium nuntiatum esset. Senatum consules vocant.
et solenmbus jocis, comissantium modo, currum secuti Jubentur suhitarmm scribere exercitum, atque in Algi-
suut. Eo die L. Mamilio Tusculano,approbantibus cunc- dum ducere. Inde, posito legis certamine, nova de de-
tis, cmtas data est. Confestim se dictator magittratu ab- lectu co ntentio orta. Vincebaturque consulare iroperium
dicabset, ni comitia M. Volscri falsi testis tenuissent ea tribunicio auxilio, quum alius additur terror, Sabinum
ne impedirent tribuni, dictatoris obstitit metus. Volscius exercitum prxdatum descendisse in agros Romanos;
damuatus, Lanuvium in exsilium abiit. Quinctius sexto inde ad urbem venire. Is metus perpulit, ut scrlhi mili-
decimodie dictatura iu sei menses accepta, se abdicavit. tem tribuni sinerent; non sine pactione tamen, ut, qno-
Per eos dies consul Nautius ad Eretum cum Sabms niam ipsi quinquennium elusi essent, parvumqueid plebi
egregie puguat. Ad vastatos agros ea quoque clades ac- præsidium foret, decem deinde tribuni plebis crearentur
cessit Sabinis. Minucio Fabius Quintus successor in AI- Expressit hoc nécessitas Patribus; id modo excepere, ne
gidum missus. Extremo anno agitatum de lege ab tribu- postea eosdem tribunos juberent. Trihuuicia cnmitia ne
nis est; sed quia duo exercitus aberaut, ne quid ferretur id quoque post bellum, ut cetera, vanum esset, extemplo
ad populum, Patres tenuere. Plebes vicit, ut quintum habita. Tricesimo sexto anno a primis tribunis plebis,
eosdemtribunos crearent. Lupos visos in Capitolioferunt decem creati sunt, bini ex singulis classibus itaqne can-
a cambus fugatos; ob id prodigium lustratum Capitolium tum est, ut postea crearentur. Delectu deinde habito,
esse. Hæc eu auuo gesta. Minucius, contra Sabinos profectus, non inveuit hostem,
XXX. Sequuntur consules Q. Minucius, C. Horatius IIoratius, quum jam Æqui, Corbione interfectopræsidio.
Pulvillus. Cujus iuitio anai quum foris otium esset, domi Ortonam etiam cepissent, in Algido pugnat; multos mor-
seditiouesiidem tribuni, eadem lex faciebat ulteriusque tales occidit fugat hostem non ex Algido modo, sed
ventum foret ( adeo exarseraut animais), ni, velut dedita Corbione Ortonaque. Corbiouem etiam diruit propter
opera, nocturno impetu Æquorum Corbione amissum proditum præsidium.
XXXI. On créa ensuite consuls Cn. Valérius et ces consuls ne rendit point leurs successeurs plus
Sp. Virginius. Au dedans comme au dehors tout traitables. «On pouvait bien, disaient-ils, les
fut tranquille; mais une disette de blé, causée condamner; mais le peuple et les tribuns ne sau-
par des pluies excessives, pesa sur le peuple, et raient faire passer leur loi. » Renonçant alors à
on fit passer une loi qui lui partagerait le mont une loi qui avait vieilli depuis qu'on l'avait pré-
Aventin. Les mêmes tribuns du peuple, réélus sentée, les tribuns traitèrent les patriciens avec
l'année suivante, sous le consulat de T. Romilius plus de douceur. ils les priaient de « mettre un
et G. Véturius, ne cessaient de prôner leur loi dans terme à leurs dissensions si les lois plébéiennes
toutes leurs assemblées. « Ils rougiraient d'avoir leur déplaisaient si fort, ils n'avaient qu'à auto-
vainement augmenté leur nombre, si cette affaire riser la création, en commun, de commissaires
devait dormir pendant les deux années de leur choisis parmi le peuple et parmi les patriciens,
charge, comme elle avait fait durant le dernier pour rédiger des réglements dans l'intérêt des
lustre. » Au moment où toute leur activité se con- deux ordres, etassurer à tous une égale liberté. »
centrait sur cette affaire, des courriers arrivent Les patriciens étaient loin de rejeter ces offres;
tremblants de Tusculum, et annoncent que les mais « nul, disaient-ils, n'était appelé à donner
Èques sontsur leursterres. On cût éprouvé quelque des lois, s'il ne sortait de l'ordre des patriciens.
boutc, après les services récents qu'avait rendus Ainsi, d'accord sur le besoin de nouvelles lois, on
ce pcuple à différer le secours. Les deux consuls, n'était divisé que sur le choix du législateur. On
envoyés avec une armée, rencontrèrent l'ennemi envoya donc à Athènes Sp. Postumius Albus,
à son poste ordinaire, sur l'Algide. C'est là qu'on A. Manlius, P. Sulpitius Camérinus, avec l'ordre
cn vint aux mains. Plus de sept mille ennemis y de copier les célèbres lois de Solon et de prendre
restèrent; les autres prirent la fuite. Le butin fut connaissance des institutions des autres états de la
immense; mais, pour réparer l'épuisement du Grèce, de leurs mœurs et de leurs droits.
trésor, les consuls firent tout vendre. Cette me- XXXII. Les guerres étrangères ne troublèrent
sure excita néanmoins le mécontentement de l'ar- point cette année. Celle qui suivit, sous le consu-
mée, et fournit aux tribuns des motifs pour noir- lat de P. Curiatius et Sex. Quinctilius, fut encore
cir les consuls auprèsdu peuple. Aussi, dès qu'ils plus paisible, grâce au silence que gardèrent,
sortirent de charge, et sous le consulat de Sp. Tar- constamment les tribuns. On en était redevable
péius et d'A. Atérius, ils furent cités, Romilius d'abord à l'envoi des députés à Athènes, à l'at-
par C. Claudius Cicéron tribun du peuplc; Vélu- tente des lois qu'ils en devaient rapporter; puisa
rius par L. Alienus, édile plébéien. L'un et l'au- deux fléaux terribles qm éclatèrent en même temps,
tre, à la grande indignation des patriciens, fu- la famine et la peste égalementfunestes aux hom-
rent condamnés; Romilius, à payer dix mille as, mes et aux bêtes. Les champs se dépeuplerent; la
et Véturius quinze mille. L'échec qu'éprouvèrent ville s'épuisa en funérailles une foule de maisons

XXXI. Deinde M. Valerius, Sp. Virginius cousules ha;c priorum calamitasconsulum segniores uovos fecerat
facli. Domi forisque otium fuit; annoua propter aquarum consules. «Et se damuari posse aiebant et plebem, et
intemperiem laboratum est. De Aventino publicandu lata tribunos legem ferre non posse. » Tum abjecta lege, quæ
lex est. Tribuni plebis iidem refecti sequente anno, T. promulgata consenuerat,tribuni lenius agere cum Patri-
Romilio, C. Veturio consulibus, legem omnibus concio- bus. « Finem tandem certaminum facerent.bi plebeiæ le-
nibussuiscelebrabant. Pudere se numerisui nequicq uam ges displicerent, at illi communiter lcgum latores, et ex
aucti, si ea res aeque suo biennio jaceret, ac toto supe- plebe, et ex patribus qui utrisqueutilia ferrent qua?que
riore lustro jacuisset.» Quum maxime hæc agerent, tre- æquandæ libertatis esseut, sinerent creari.Ren nnn
pidi nuntri ab Tusculo vemunt Æquos in agro Tuscu- aspernabanturPatres « daturum leges neminem nisi
lano esse. Fecit pudorem receus ejus populi meritum ex Patribus, aiebant.u Quum de legibus convenirt, de
morandi auxilii. Ambo consules, cum exercitu missi, latore tantum discreparet, missi legati Athenas Sp. Pos-
hostem in sua sede in Algido inveniuut.Ibi pugnatum; tumius Albus A. Manlius, P. Sulpicius Camcrinus;jus-
supra septem millia hostium cassa alii fugati; praeda sique inclutas leges Soloois descrihere, et aliarum Gra-
parta ingens. E.un propter inopiam ærarii consules ven- cioe civitalium instituta, mores, juraque noscere.
diderunt. Invidiæ tamen res ad exercitum fuit, eademque XXXII. Ab externis bellis quietus aunus fuit; quietior
tribunis materiam criminandi ad plebem consules præ- insequens,P. Curiatio et Sex. Quinclilioconsulibus, per-
buit. Itaque ergo, ut mapistralu abiere, Sp. Tarpeio, A. petuo silentio tribunorum; quod primo legatornm, qui
Aterio consulibus, dies dicta est Romilio ab C. Claudio Athenas ierant, legumque peregrinarum exspectatioprar-
Cicerone, tribuno plel)is; Veturio ab L. Alieno, ædile buit dein duo simul mala ingcntia exorta, famés pesli-
plebis. Uterque magna Patrum indiguatione dnmnatus, lentiaque, fœda homini, fœda pecori. Vastati agri sunl;
Romilius dcccn) millibus æris, Veturius quiudccim. Nec urbs assiduis exhausta funeribus multæ et claræ lugu-
illustres se couvrirent de deuil. Le flamine quiri- rius, C. Julius, Manlius, Ser. Suli itius, P Cu-
A.
ual Scrv. Cornélius succomba, et aussi l'au:;nre riatius, T. Romilius, Sp. Postumius. Claudius et
C. Horatius Pulvillus; à sa place, les augures élu- Genucius qui avaient été désignés 'ensuis pour
rent C. Vélurius avec d'autant plus d'empresse- cette année, obtinrent, en échange de cette di-
ment, qu'il avait été comlamné par le peuple. La gnité, la dignité du décemvirat, et cet honneur
murt frappa le consul Quinctilius et quatre tribuns fut accordé à Seslius, l'un des consuls de l'année
du peuple. Une succession de désastres marqua précédente, pour avoir, malgré l'oppnsitiun de
cette année, qui d'ailleurs ne fut point troublée son collègue, soumiscette affaire au sénat. Après
par ennemi. Les consuls suivants furent C. Mé- eux, ou nomma les trois envoyésqui étaient allés
nénius et P. Sestius Capitolinus. Cetle année se à Athènes; on ne voulait pas qu'une mission si
passa encore sans guerres étrangères mais à l'in- lointaine restât sans récompense; on pensait d'ail-
teneur, des troubles s'élevèrent. Déjà les envoyés leurs, que la connaissance qu'ils avaient acquise
étaient de retour avec les institutions d'Athènes. des lois étrangères serait utile à l'élablissement
Les tribuns n'en apportaient que plus d'instance d'un nouveau droit. Les autres servirent à com-
il demander qu'on se mît enfin à rédiger les lois. pléter le nombre. C'est, dit-on sur des hommes
On convint de créer des décemvirs avec une au- appesantis par l'âge que se portèrent les derniers
torité sans appel, et, pour cette année, de n'élire suffrages, dans l'idée qu'ils s'opposeraient avec
aucun autre magistrat. Devait-on en choisir quel- moins de vivacité aux décisions de leurs collègues.
ques-uns dans l'ordre des plébéiens? On agita Le plus influent d'entre eux tous était Appius,
longtemps cette question. Enfin on céda aux pa- que soutenait la faveur populaire; il avait si com-
triciens, à condition seulement que la loi Julia, plètement revêtu un nouveau caractère, que, de
au sujet du montAventin, et les autres lois sacrées, cruel et implacable persécuteur du peuple, il en
ne sauraient être abrogées. était devenu tout à coup le courtisan, et captait
XXXIII. L'an trois cent un de la fondation de ses moindres faveurs. Tous les dix jours chaque
Rome, la forme de la constitution se trouve de décemvir rendait au peuple la justice, et, durant
nouveau changée, et l'autorité passe des consuls cette présidence, il avait douze licteurs. Chacun
aux décemvirs, comme auparavant elleavait passé de ses neuf collègues n'avait pour escorte qu'un
des rois aux consuls. Ce changement eut moins seul appariteur. Dans un parfait accord entre
d'éclat, parce qu'il eut peu de durée. D'heureux eux, accord qui ne devait pas toujours être utile
commencements furent suivis de trop d'abus, qui aux particuliers, ils observaient, à l'égard des
bâtèrent la chute de cette institution et on en re- autres, la plus scrupuleuse équité. Pour montrer
vint à deux magistrats, auxquels on rendit le titre quelle était leur modération, un seul exemple suf-
et l'autorité de consuls. Les décemvirs furent fira. On ne pouvait appeler de leurs décisions ce-
Ap. Claudius, T. Genucius, P. Sestius, L. Vétu- pendant, un cadavre ayant été déterré dans la

bres domus. Flainen quirinalis Ser. Cornelius morluus; cius, P. Sestius, L. Veturius, C. Iulius, A. Manlius,
augur C. Horatius Pulvillus: iu cujus locum C. Vetu- Ser. Sulpicius, P. Curialius, T. Romilms, Sp. Postumius.
rmm eo cupidius, quia damnatus a ptcbe erat, augures Claudio et Genucio, quia designati consules in eum au-
legere. Uortuus consul Quinclilius, qua.uor tribuni ple- num fuerant, pro 6onore honos redditus; et Sestio alteri
Lts. Multiplici clade tœdatus aunus; ab hoste otium fuit. consulum priorts anui quod eam rem cullega invito ad
Inde consules C. Menenius,P. SestiusCapitolinus. Neque Paires retulerat. His proximi habiti legati tres, qui Athe-
eo anno quicquam belli exterui fuit; domi motus oi ti. uas ierant simul ut pru legatiune tam longinqua præmio
Jam redierant legali cum Atticis legibus; eo iutentius esset houos simul peritos legum peregrmarum ad con-
instabant tribuni, ut tandem scribeudarum legum iui- deuda nova jura usm fore credebant. Supplevere ceteri
Uurn 6eret. Placet creari decemviros sme provocaiionc, numerum. Graves quuque ætate electos novissimissuf-
et ne quis eo auuo alius magistratusesbet. Admisceren- fragris ferunt, quo minus ferociter aliorum scitis adver-
turue plebeii, coutroversia aliquamdiu fuit; postremo sarcutur. Regimen lotius magistrats l'eues Appium erat
concessum Patribus, modo ne lex Icilia de Aventino, favore plebis; adeoque novum sibi ingenium induerat,
aliæque sacratæ leges abrogarentur. ut plebicola n pente omms lue auræ popularis cal tator
XXXIII. Auno treceutesimo altero, quam condita evaderet, pro truci sævoque insectatore plebis. Decunodie
Roma erat, iterum mutatur forma civitatis, ab consuli- jus populosinguli reddebant. Eo die penes pr æfctum juris
bus ad decemviros, quemadmodum ab regibus aute ad fasces duodecim erant; colleg s novem smguli acceusi ap-
cousu les venerat, translato imperio. Minus insignis, quia parebaut et in unica concordia intcr ipsos qui consen-
non diuturna, mutatio fuit; læta cuim principia magis- sus privatis interdum muti is esset) summa adversus alos
tratus etus uimis luxuriavere. Eo citius Iapsa res est, re- æquitas erat. Moderationis eorum argumentum exemplo
petitumque, duobus uLi mandaretur consulum ne lieu, umus rei uotasse, satis et it. Quum siue provocationecreati
imperiumque. Decemviri creati Ap. Claudius, T. Genu- essen!, defosso cadvere, domi al'ud P. Sestium, patri-
maison de P. Sestius, homme de famille patri- amas énorme de lois entassées les unes sur les au-
cienne après qu'on l'eut découvert et porté de- tres, elles sont encore le principe du droit public
vant Rassemblée, le décemvir C. Julius, malgré et privé. On répandit ensuite le bruit qu'il exis-
l'évidence et l'atrocité du crime, se contenta de tait encore deux tables, dont la réunion aux au-
citer Sestius, et de traduire devant le peuple ce- tres compléterait en quelque sorte le corps du
lui dont la loi le rendait juge il se désista de son droit romain. Cette attente, à l'approche des co-
droit, pour que ce sacrifice de l'autorité du ma- mices, fit désirer qu'on créât de nouveau des dé-
gistrat profitât à la liberté populaire. cemvirs. Le peuple lui-même, outre que le nom
XXXIV. Tandis que cette justice, incorruptible de consul ne lui était pas moins odieux yue celui
comme celle des dieux, se rendait également aux de roi, ne regrettait pas l'assistance trilunitienne
grands et aux petits, les décemvirs ne négligeaient car les décemvirs souffraient qu'on appclât entre
pas la rédaction des lois. Pour satisfaire une at- eux de leurs décisions.
tente qui tenait toute la nation eu suspens, ils les XXXV. Mais, lorsqu'on eut indiqué le troisième
présentèrent enfin sur dix tables, et convoquè- jour de marché pour la réunion des comices qui
rent l'assemblée du peuple. « Pour le bonheur, devaient elire les décemvirs, la brigue s'alluma
pour la gloire pour la prospérité de la république, si vive, que les premiers personnages eux-mêmes
pour la félicité des citoyens et celle de leurs en- (dans la crainte, sans doute, que la possession
fants, ils les engageaient à s'y rendre et à lire les d'une si grande autorité, s'ils laissaient le champ
lois qu'on leur proposait. Quant à eux, autant que libre, ne tombât eu des mains qui en seraient peu
dix têtes humaines en étaient capables, ils avaient daignes) se mirent sur les rangs; et cette charge,
établi entre les droits de tous, grands et petits, qu'ils avaient repoussée de toutes leurs forces, ils
une exacte balance mais on pouvait attendre da- la demandaient en suppliant à ce même peuple
vantage du concours de tous les esprits et de leurs contre lequel ils s'étaient élevés. En les voyant
observations réunies. Ils devaient en particulier, risquer leur dignité à cet âge, et après tous les
et dans leur sagesse, peser chaque chose, la dis- honneurs dont ils avaient été cliargés, Appius se
cuter ensuite et déclarer sur chaque point ce qu'il sentit aiguillonné il eût été difficile de dire s'il
y avait d'additions ou de suppressions à faire. fallait le compter au nombre des décemvirs, on
Ainsi le peuple romain aurait des lois qu'il pour- parmi les candidats. Il était par instants plus près
rait se flatter non-seulement d'avoir approuvées, de briguer que d'exercer sa magistrature il dé-
mais encore d'avoir proposées lui-même. » Après criait les hommes les plus recommandables, por-
que chacun des chapitres présentés eut subi les tait aux nues les plus insigniGanls et les plus
corrections indiquées par l'opinion générale, etju- obscurs. Lui-même, entouré de la faction tribuui-
gées nécessaires, les comices par centuries adop- tienne, des Duilius, des leilius, parcourait le fo-
tent les lois des dix tables. De nos jours, dans cet rum, et, par eux, se faisait valoir auprès du peu-
clæ gentis virum, invento, prolatoque in concionem, in legum cumulo, fous omnis publici privatique est juris.
re jmla mamfesta atque atroci, C. Julius decemvir diem Vulgatur deiude rumor, duas deesse tabulas, quibus ad-
Sestio dixit, et accusator ad populum exstitit, cujus rei jectis, absolvi posse velut corpns omnis Romam jusis. Ea
judex leg timus erat: decessitque jure suo, ut demptum exspectatio, quum dies comitiorum appropiuquarel de-
siderium decemviros iterum creandi fecit. Jam plebs,
XXXIV. Quum promptum hoc jus velut ex oraculo prwterquamquod consulum nomen, haud secus quam re-
incorruptum pariter ab his summa infimique ferrent,
gum, perosa crat, ne tribunicium yuidem auxilium, ce-
tum legibus condendis opéra dabatur; ingentique homi- dentibus in vicem appellationi decemviris,quærebat.
uum exspectatione propositis decem tabu is, populum ad XXXV. Postquam vero comitia decemv iris creandis ut
concionem advocaverunt et, quod bonum, faustum,
trinum nuodiuum indicta sunt, tanta exarsit ambitio, ut
primores quoque civitatis (metu credo, ne tanli posses-
et legere leges proposilas jussere. « Se quantum decem bo- sio imperii,
minum ingemis provideri potuerit, ommbus summis infi- vacuo ab se relicto loco, haud satis diguis
pateret) preusarent hommes; houorem, summa ope a se
unsque jura æquasse plus pollere multorum ingénia contenderant, sup-
consiliaque. Versarent in ammis aecum unamquamque impugnatum, ab ea plebe, cum que
rem, agitarent deinde sermombus atque iu medium, pl citer petentes. Demissa jam in discrimen dignitas, en
Claudium.
quid in qua que re plus minusve essel, conterrent. Eas le- ætate, iisque honoribus actis, stimulabat Ap.
ges habiturum populum romanum, quas c msemus om- Nescires, utrum
inter decemviros, an inter candidatos,
mum non jussisse latas magis, quam tulisse, videri pos- numerares prupior
interdum petendo, quam gerendo
d
set.. Quum ad rumores homnum unoquoque legum magistrarui erat. Criminari optimates, extoliere candida-
torum levissimum quemque humillimumque ipse medius
tris decem tabularum leges perlatæ sunt qui nunc quo- inter tribunicios Duilios Iiliosque in foro volitare, per
que.'n hue immen o aliat um super alias acervat r nu illos se plebrvenditare donec collegre quoque, qui umce
ple. Ce fut au point que ses collègues eux-mêmes, XXXVI. Dès ce moment Appius jeta le masque;
tout entiers à lui jusqu'à ce moment, ouvrirent il s'ahandonna bientôt à son caractère, et réussit
enfin les yeux, et se demandèrent ce qu'il préten- à façonner ses nouveaux collègues à ses manières
dait. Ils ne voyaient rien de sincère sous ces appa- avant même qu'ils fussent entrés en charge. Cha-
rences « Sûrement cette affabilitédans un homme que jour ils se rassemblaient sans témoins; après
si superbe n'était pas désintéressée. Cette affecta- avoir arrêté de concert les plans ambitieux que
tion de se mêler avec la populace,et ces familiarités chacun préparait en secret, ils cessèrent de dégui-
avec de simples particuliers, étaient moins d'un ser leur orgueil. Difficiles à aborder, répondant à
homme empressé de se démettre de sa charge que peine, ils atteignirent ainsi les ides de mai, épo-
d'un ambitieux qui cherchait à s'y continuer. » que où les magistrats entraient alors en charge.
N'osant encore s'opposer ouvertementà son ambi- Dès le début, le premierjour de leur magistrature
tion, ils entreprennent d'en paralyser les efforts, se signala par un appareil de terreur. Les premiers
en feignant de les seconder. D'un commun accord, décemvirs avaient établi qu'un seul aurait les
ils lui assignent la présidence des comices, sous douze faisceaux et cette marque de souveraineté
prétexte qu'il était le plus jeune. Cet artiGce royale passait à tour de rôle à chacun d'entre eux.
avait pour but de l'empêcher de se nommer Ceux-ci parurent tous ensemble, précédés chacun
lui-même, ce dont personne, à l'exception des de douze faisceaux. Cent vingt licteurs remplis-
tribuns du peuple, n'avait jamais donné le détes- saient le forum ils portaient des haches attachées
table exemple. Mais lui, après avoir invoqué le aux faisceaux, et le motif sur lequel s'appuyaient
bien de l'état, se chargea de tenir les comices, et les décemvirs, pour ne point supprimer la hache,
sut tirer parti de l'obstacle qu'on lui suscitait. Il c'est qu'ils étaient revêtus d'un pouvoir sans ap-
écarte par ses cabales les deux Quinctius, Capitoli- pel. C'étaient dix rois pour l'appareil; et la ter-
nus et Cincinnatus, son oncle C. Claudius, con- reur se propageait à la fois parmi les moindres
stant défenseur de la cause des patriciens et d'au- citoyens et les patriciens les plus illustres, par
tres citoyens d'un rang aussi élevé; il fait élire l'idée qu'on cherchait ainsi à provoquer, à com-
au décemvirat des hommes qui étaient bien loin mencer le massacre. Qu'une voix favorable à la
de les égaler en illustration. Lui-même se nomme liberté vînt à s'élever dans le sénat ou devant le
le premier et encourt par ce fait des reproches peuple, aussitôt les verges et les haches la ré-
d'autant plus amers qu'on croyait cette audace duiraient au silence et rendraient les autres muet-
impossible. On nomma avec lui C. Cornélius Na- tes d'effroi. En effet, outre qu'on ne pouvait re-
lugineusis, M. Sergius, L. Minucius, Q. Fabius courir au peuple l'autorité des décemvirs était
Vibulanus, Q. Poetelius, T. Antonius Mérenda, nus appel; par leur accord ils empêchaient qu'on
K. Duilius, S. Oppius Cornicen, M. Rabuleius. ne pût appeler de leurs décisions particulières à

illi dedih fuerant ad id tempus, conjicere in eum oculos, XXXVI. Ille finis Appio alienæ personæ ferendae fuit.
mirantes quid sibi vellet. Apparere, nihil siuceri esse; Suojam inde vivereingeniocœpit, novosque collegas jam
« profecto haud gratuitam in taota superbia comitalem prius, quam inirent magistratum, in suos mores for-
fore. Nimium in ordinem se ipsuin cogere, et vulgari mare. Quotidie coibant remotis arbitris inde impotenti-
cum privatis, non tam properantis abire magistratu bus instructi coosilüs, quaesecreto ab aliis coqucbant,
quam viam ad continuandum magistratum quaerentis, jam baud dissimulando superbiam, rari aditus, collo-
esse. Propalam obviam ire cupidit.iti parum ausi obse- quentibus difficiles, ad Idus Maias rem perduxere. Idus
cundando mollire impetiim aggrediuntur. Comitiorum illi tum Mais solennes ineundis magistratibus erant. Initio
habendorum, quando minimus natu sit, munus consensu igitur inagistratus primum houoris diem deuuntiatione
tnjungunt. Ars hæc erat, ne semet ipse creare posset; ingentis terroris insignem fecerc. Nam quum ita priores
quod præter tribunos plebis (et idipsum pessimo exemplo) decemviri servassent, ut unus fasces haberet, et hoc in-
nemo unquam fecisset. Ille enimvero, quod bene vertat, signe regium in orbem, suam cujusque vicem per omnes
babiturum se comitia professus, impedimentum pro oc- iret, subito omnes cum duodenis fascibus prodiere. Cen-
casione arripuit dejectisque honore per coitionem duo- tum vigenti lictores forum impleverant, et fascibus se-
bus Quinctiis, Capitolino et Cincinnato. et patruo suo cures illigatas praeferebant nec attinuisse demi securim
C. Claudio, constantissimoviro in optimatium causa, et yuum sine provocatione creati essent, interpretabautur.
aliis ejusdem fastigii civibus nequaquam splendore vitæ Decem regum species erat, multiplicatusque terror non
pares decemviros creat se in primis, quod haud secus infimis solum, sed primoribus patrum, ratis cwdis cau-
factum improbabant buni, quam nemofacere ausurum sam ac principinm quæri: ut, si quis memorem libera-
crediderat.Creati cum eo M. Coroelius lltaluginensis, M. tis vocem aut in senatu aut in populo misisset, statim
Sergius, L. Minucius, Q. Fabius Vibulanus, Q. Poete- virgae securesque etiam ad ceterorum metum eïpedircn-
lius, T. Antonius Merenda, K. Duilius, Sp.Oppius Cor- tur. Nam, præterquamquod in populonihil erat præsidri,
mcen, M. Rabuleius. sublata provo alloue, intercessionem quoque consensu
celles de leurs collègues;différents en cela de leurs plongés dans l'esclavage, et voulaient laisser les
prédécesseurs, qui avaient souffert que par ce griefs s'accumuler pour que le dégoût du présent
moyen on modifiât leurs jugements, et qui même fit du retour des consuls et de l'ancien état de
avaient renvoyé devant le peuple certaines affai- choses un objet de désir. Déjà s'était écoulée la
res qui semblaient être de leur ressort. Quelque plus grande partie de l'année et deux tables de
temps une égale terreur régna sur toutes les clas- lois avaient été ajoutées aux dix tables de l'année
ses mais peu à peu elle s'appesantit tout entière précédente; une fois ces tables adoptées par les
sur les plébéicns. On ménagerait les patriciens; ce comices, il n'y avait plus de raison pour que la
fut au bas peuple que s'attaquèrent le caprice et république eût encore besoin de la nouvelle
la cruauté. Dans toutes les causes portées à leur magistrature. On attendait que bientôt seraient
tribunal, ils ne considéraient que la qualité des convoqués les comices pour la nomination des
personnes, et la faveur usurpait tous les droits de consuls. Ce qui seul inquiétait le peuple, c'était
l'éyuité. Leurs arrêts étaient d'avance forgés chez de savoir comment la puissance tribunitienne,
eux; ils les prononçaient au forum. Appelait-on boulevard de la liberté, et dont il avait interrompu
d'un décemvir à son collègue? On s'en retournait l'existence, pourrait se rétablir. Il n'est fait ce-
avec le repentir de ne s'en être pas tenu à la dé- pendant nulle mention des comices; et les décem-
cision du premier. Un bruit, dont on ignorait virs, qui d'abord pour se farder de popularité
l'auteur, s'était me'ne répandu que leur conspi- affectaient de paraitre avec d'anciens tiibuns, se
ration ne limitait pas au temps actuel l'asservisse- forment un entourage de jeunes patriciens dont
ment de la république; mais qu'un accord clan- la foule assiège Ieurs tribunaux. Ils y traînent,
destin les avait entre eux enoagés par serment à ils y poursuivent le peuple corps et biens la for-
ne point réunir les comices, et à perpétuer leur tune était alors à celui qui la convoitait avec assez
décemv ira t pour conserver le pouvoir qu'ils avaien de puissance pour l'obtenir. Bientôt même, on
dans les mains. cessa de respecter les personnes les uns furent
XXXVII. Le peuple alors jette autour de lui ses frappés de verges, les autres de la liacbe. Et, pour
regards; il les porte sur les patriciens, épiant un que la cruauté ne fût point stérile, la confiscation
souffle de liberté du côté d'où naguère ses soup- des biens suivait le supplice du possesseur. L'appât
çons n'attendaient que la servitude soupçons qui de ces récompenses corrompit la jeuue noblesse,
ont amené la république à cut état de malheur. qui, loin de s'opposer à l'usurpation, préférait
Les chefs du sénat détestaient les décemvirs, dé- ouvertement à la liberté de tous la licence dont
testaient le peuple. S'ils désapprouvaient ce qui se elle jouissait.
passait, c'était avec la pensée que ces violences XXXVIII. Les ides de mai arrivèrent. On n'a-
avaient été méritées. Ils refusaient leur secours à vait substitué aux décemvirs aucun autre magis-
des hommes que leur avidité pour la liberté avait trat quoique rendus à la vie privée, ils se mon-

sustulerant quum priores deceniviriappellatione collegae rium veuiant. Jam et proccsserat pars major anni, ett
cotrigi reddita ah se jura tulissent; et quædam, quæ sui duæ tabulæ legum ad prioris anni deccm tabulas erant
judien videri possent, ad populum rejecissent. Aluluam- adjectæ, nec qu cquam jain supererat, si hue quoque leges
d u æquatus iuter ommes terror fuit; paulatirn totus ver- centuriatis comitiis perlatæ essent, cur eo magistratu rei-
tere in plebem cœpit. Abstinebatur a patribus; in humi- publica opus esset. Exspectabant, quam m x consulibus
hores libidinose crudehterquecousulebatur: hominum, creaudis comitia edicerentur. Id modo plebes agitabat,
non cau ai uni, toli erant: ut apud quos gratid vim æqui quonam modo tribullitiam potestatem, munimentum li-
lialieret. Judicia dnmr conflahant,pronuntiabantiu foro. bertati, rem intermissam rcp,rarent. Quum int rim
Si quis collet;am appellas,et, ab eo, ad quem venerat, ita mentio comitiorum nulla fieri, et decemviri, qui prin o
disced bat, ut pœn teret, non prioris decreto stet sse. Opi-
nin etiam sine auctore exierat,non in præsentis modo tem-
i
tribunicios homines, quia populare habebatur, circum
se ostentaverant plebei, patriciis juvenibus sæpserant la-
poris eos injuriam conspirasse, sed fœdus clandestinum in- tera eorum catervae tribunalia obsederant. Hi ferre,
ter ipsos jurejurandoictum, ne comitiahaberent, perpetuo- agere plebem plcbisque rcs; quum lortuna, qua quicquid
que decemviratu posessum semcl obtinerentimperium. cupitum foret, potentioris esset. Et jam ne tergo quidcm
XXXVII. Circumspectare tum patriciorum tultus ple- abstinebatur; virgis cædi, alii securi subjici; et, ne gra-
lieii, et indc libertatis captare auram, uude servilutem tuita crudelitas esset, bonorum donatio sequi domini sup-
limendo in eum statum rempublicam addnxerant.Primo- plicium. llac merce le Juventus uobilis corrupta non modo
res Patrum odisse decemviros, odisse plebem; nec pro- non ire obviam injurix, aed propalam licontiam suam
bare, qum fierent; et credere, haud indignis accidere. malle, quam omnium libertatem.
Avide ruendo ad libel'tatem in servitutein lapsos juvare XXXVIII.Idus Maiæ venere. Nullis subrogatis magis-
nolle; cumulare quoque injurias, ut ta·dio præsentium tratibus, privati pro decemviris, neque animis ad impe-
consules duo tandem et status pristinus rerum in debide- rium iuhibendum imtninulis, ncque ad speciem honoris
trèrent eu public sans rien diminuer de leur leurs mains leur magistrature s'ils ne ré-
arrogance dans l'exercice du pouvoir, rien de sistaient par leur bon accord et si des coups
l'appareil qui entourait leur dignité. La tyrannie d'autorité sur quelques-uns des plus audacieux
n'était plus douteuse. On pleure la liberté perdue ne réprimaientles tentatives des autres. Lorsqu'on
sans retour. Nul vengeur ne se présente ou n'ap- entendit, au forum, la voix du crieur qui convo-
paraît dans l'avenir. Les Romains n'étaient pas quait les sénateurs à se réunir auprès des décem-
seuls à douter de leur courage déjà ils devenaient virs, ce fut comme un événement nouveau car
un objet de mépris pour les nations voisines, hon-
teuses de reconnaître un empire là où n'était point de prendre l'avis du sénat le peuple en fut dans
la liberté. Les Sabins, réunis en un corps nom- l'étonnement. « Qu'était-il donc arrivé, pour que,
breux, font une incursion sur les terres de Rome, après un si long intervalle, on reprît les anciens
promènent au loiu leurs ravages, emmènent, sans usages? C'était aux ennemis et à la guerre qu'il fallait
obstacle, comme butin, quantité d'hommes et rendre grâces, si l'on observait encore quelque
d'animaux, et rallient à Éretum leurs bandes dis- forme de liberté. » On parcourt des yeux toutes
persées ils y établissent leur camp, espérant tout les parties du forum pour y chercherlessénateurs;
de la discorde des Romains, et se flattant qu'elle mais à peine en peut-on découvrir un. De là on se
serait un obstacle à l'enrôlement. Ces nouvelles, porte à la salle du sénat, on y observe la solitude
confirmées par la fuite des gens de la campagne, qui règne autour des décemvirs. Ceux-ci compri-
répandent l'effroi dans la ville. Les décemvirs rent alors combien la haine de leur pouvoir était
tiennentconseil. isolésentrela haine des patriciens générale, et le peuple vit bien, dans l'absence des
et celle du peuple, ils reçoivent encore de la for- sénateurs, leur refus de reconnaître à des parti-
tune un surcroît de terreur. Les Èques, dans une culiers le droit de convoquer le sénat. « C'était le
autre direction, ont placé leur camp sur l'Algide. commencement d'un retour à la liberté; si le peu-
Ils étendent de là leurs courses et leurs ravages ple marchait d'accord avec le sénat, et si, à l'exem-
sur le territoire de Tusculum; et des envoyés de ple des sénateurs, qui refusaient, inalgré la convoca-
cette ville en apportent la nouvelle et implorent tion, de se réunir en assemblée, lui, de son côte,
du secours. Vaincus par la peur, les décemvirs repoussait l'enrôlement j) Voità ce que murmurait
se décident à consulter le sénat sur ces deux guer- la foule. A peine voyait-on un sénateur dans le fo-
res qui les pressent à la fois. Ils font sommer les rum fort peu se trouvaient à la ville. Dégoûtés
sénateurs de se rendre à l'assemblée, n'ignorant de l'état des choses ils s'étaient retirés dans leurs
point quels orages de haine allaient fondre sur terres, occupés de leurs intérêts particuliers, au
eux. La désolation des campagnes, la cause des défaut des intérêts publics, et persuadés qu'ils
périls dont on était menacé, leur seraient sans nul seraient d'autant plus à l'abri des vexations, qu'ils
doute imputées. On chercherait à étouffer, dans s'éloigneraient davantage de la société et de la

insignibus, prodeunt.Id veroregnumhauddubie videri. tratus, ni consensu résistèrent, imperioque inhibendo


Deploratur in perpetuumlibertas: nec vindex quisquam acriter in paucos præferocis animi conatus aliorum com-
exsistit, aut futurus videtur. Nec ipsi solum desponde- primèrent. Postquam audita vox in furo est præconis,
raut animos, sed contemni cœpti erant a finitimis popu- Patres in Curiam ad decemviros vocantis; velut nova res,
lis imperiumque ibi esse, ubi non esset libertas, iudig- quia iutermiseraut jam diu morem consulendi seuatus,
nabantur. Sabini magna manu ineurbionem in agrum mirabundam plebem convertit, quiduam incidisset, cur
romanum fecere; lateque populati, quum hominum at- ex tanto iutervallo rem desuetam usurparent. Hostibus
que pecudum inulti prædas egissent, recepto ad Eretum, belloque gratiam habendam, quod solitum quicquam li-
quod passim vagalum erat, agmine, castra locant, spem beræ civitatis fieret.. Circumspectare omnibus foi i parti-
in discordia romana ponentes; eam impediruentum de- bus senatorem, raroque usquam noscitare Curiam indo
lectui fore. Non nuntii solum, sed per urbem agrestium ac solitudinemcirca decemviros intueri; quum et ipsi in-
fuga trepidvtiouem injecit. Decemviri consultant, quid visum consensu imperium, et plebs, quia privatis jus non
opus facto sit. Destitutis inter patrum et plebis odia ad- esset vocandi senatum, non convenire Patres interpreta-
didit terrorem insuper aliuin fortuna. Æqui alia ex rentur; « Jam caput fieri libertatemrepetentium,si se plehs
parte castra in Algido locant depopulatumque inde comitem senatui det, et, quemadmodum Patres vocati
eicursionibus Tusculanum agrum legati ab Tusculo, non coeant in senatum, sic plebs abnuat delectum. « Hæc
praesidium orantes, nuutiant. Is pavor perpulit decern fremunt plebes. Patrum baud fere quisquam in foro, in
viros, ut senatum, simul duobus circumstantibus urbem urbe rari erant. Indigoitate rerum cesserant in agros,
bellis, consulereut. Citari jubent in Curiatu Patres, haud suarumquererum erant, amissa publica; tantum ab in-
iguari, quanta invidiæ immiucret tempestas omnes va- juria se abesse rati, quantum a cœtu congressuque impo-
atati agri periculorumque imminentium causas in se con tentium dommorum se amovissent. Postquam citati non
gesturos, tentatiouemque cam fore abolendi sibi magis- conveniebant,dunissi circa domos apparilores, simul ad
présence de leurs farouches oppresseurs. Comme avait conservé dans les solennités de ses sacrifices.
ils ne s'étaient point rendus à la première somma- C'était l'orgueil et la violence des rois, qui avaient
tion, on envova, dans leurs maisons, des ap- alors soulevé la haine. Ce que personne n'avait
pariteurs pour prendre les gages des amendes et supporté d'un roi, ou du fils d'un roi, qui donc
s'informer si leur refus était prémédité. Les appa- le supporterait chez tant de simples citoyens?
riteurs rapportent que les sénateurs sont dans Qu'ils prissent garde, en prohibant dans le sénat
leurs terres. Les décemvirs aimaient mieux qu'il la liberté de la parole, de la pousser à se faire
en fût ainsi que de savoir les sénateurs présents entendre au dehors; car il ne voyait pas pourquoi
et rebelles à leur autorité. Ils ordonnent de les lui, simple particulier,n'aurait pas autant le droit
mander tous, et fixent l'assemblée au lendemain. d'assembler le peuple, qu'ils l'avaient eux-mêmes
Elle fut plus nombreuse encore qu'ils ne l'avaient de convoquer le sénat. Il ne tenait qu'à eux d'é-
espéré le peuple en conclut que les patriciens prouver combien la douleur, combattant pour la
trahissaient la cause de la liberté, puisque le liberté, est plus énergique que la cupidité luttant
sénat reconnaissait le droit de convocation à des pour une injustedomination: On proposait de dé-
hommes dont la charge était expirée, et que la libérer sur la guerre contre les Sabins, comme si
violence seule élevait au-dessus des simples ci- le peuple romain avait quelque ennemi plus re-
toyens. doulable que ceux qui, créés pour faire des lois,
XXXIX. Mais les sénateurs mirent plus d'obéis- n'avaient laissé subsister dans l'état aucune
sanceà se rendre à l'assemblée, que de soumission ombre de légalité par qui, comices, magis-
dans leurs avis. On rapporte que Valérius Potitus, trats annuels, succession dans l'autorité, unique
après la proposition d'Appius Claudius, et avant gage d'une égale liberté, tout avait été renversé;
qu'on ne recueillît par ordre les suffrages, de- qui enfin, simples particuliers, conservaient les
manda la permission de parler de la république; faisceaux et une autorité royale! Les rois, une
sur les menaces prohibitives des décemvirs, il dé- fois expulsés, on avait créé des magistratures pa-
clara qu'il porterait sa dénonciation devant le triciennes puis, après la retraite du peuple, des
peuple, et excita une vive agitation dans l'assem- magistratures plébéiennes. Mais, on le demandait,
hlée. Ce fut avec une égale intrépidité que M. Ho- à quel ordre ceux-ci apparteuaient-ils? A celui du
ratius Barbatus se présenta dans cette lutte. « Il peuple? Qu'avaient-ils donc fait par le peuple? A
les nommait les dix Tarquins; il leur rappelait celui des patriciens? eux qui, depuis près d'une
que les Valérius et les Horatius étaient à la tète année, n'avaient pas convoqué le sénat, et qui
des Romains quand on expulsa les rois. Et ce n'é- ne l'assemblent aujourd'hui que pour dél'endre de
tait pas qu'on fût alors choqué d'un nom qu'il parler de la république? C'était trop compter sur
était permis de donner à Jupiter; d'un nom qu'a- la terreur qu'ils inspiraient les maux qu'on
vaient porté Romulus, fondateur de Rome, et ses endurait semblaient enGn plus cruels que ceux
successeurs après lui; d'un nom que la religion qu'on pouvait avoir à craindre. o

pignoracapienda, sciscitandumque, num consulto de- que tum perosos regis quae si in rege tuin eodem, aut
trectarent? referunt, senatum in agris esse. Laetius id in filio regis, ferenda non fuerint, quem laturum in tot
decemviris accidit, quam si présentes detrectare impe- privalis? Viderent, ne, vetando iu Curia libere homines
rmm rcrerrent. Jubent acciri omnes, senatumque in diem lo lui, eetra Cnriam etiam muvercnt vocem. Neque se vi-
posterum edicunt; qui aliquanto spe ipsorum frequentior dere, qui sibi minus privato ad concionem poputum vo-
convcnit. Quo facto proditam a Patribus plcbs libertatem care, quam illis senatum cogere liceat. Ubi vellent, ex-
rata, quod its, qui jam magistratu abissent, privatisque, si perirentur, quanto ferocior dolor liberta te sua vindicanda,
vis abesset, tau juam jure cogcntibus, senatus paruisset. quam cupiditas injusta domiuatione esset. De bello Sa-
XXXIX. Sed magis obedicllter ventum in Curiam est, bino eos referre, tanqudm majus ullum populoromano
quam obnoxie dictas sententias accepimus. L. Valerium bellnm sit, quam cum is, qui, legum ferendarum causa
Potitum, prodituin meinoriae est, post relationem Ap. creati, mhil juris in civitate reliquerent; qui comitia,
Claudir, priusquam ordme sententiæ rogarentur, postu- qui annuos magistratus, qui vicissitudinem imperitandi,
lando ut de republica liceret dicerc, prohibentibus mina- quod unum exæquandæ sit libertatis, sustulerint; qui
citer decemviris, proditurumse ad plebemdenuntianlem, privati fasces et regium imperium habeant. Fuisse, regi-
tumultum excivisse. lVec minus ferociter M. Horatium bus exactis, patricios magistratus crealos; postea, post
Barbatum isse in certamen,«Decem Tarquinios appellan- secessionem plebis, plebeios. Cujus illi partis essent,
tem, admonentcmque,Valeriis et Horatiis ducibus pul- rogitare? Populares? quid enim eos per populum egisse?
sos reges. Nec nominis homines tum pertæsum esse; Optimates? qui anno jam prope senatum non habuerint;
quippe quo Jovem appellari fis sit quo Romuum condi- tunc ita habeant, ut de republica loqui prohibeant? Ne
torem urhis, deincepsque reges appellatos; quod sacris niminm in metri alieno spri ponerent; graviora, quæ pa-
etiam, ut solenne, resentum sit. Superbiam violentiam- tiantur, vidcri jam homillibus, quam quæ metuant.
XL. A cette violente sortie d'Iloratius, les dé- avait, à dessein, reservé pour parler après tous
cjmvirs ne trouvèrent de refuge ni dans la colère les autres consulaires, feignit une grande sollici-
ri dans Il patience, et ne surent par quel biais tude pour la guerre, et prit en réalité la défense
se tirer d'affaire. C. Claudius, oncle d'Appius de son frère et des aulies décemv irs. « Il ne con-
le décemvir, vint alors, dans un discours auquel cevait pas, disait-il, par quelle fatalité les décem-
les prières avaient plus de part que Ies reproches, virs rencontraient, parmi ceux qui avaient brigué
le supplier, pnr les mânes de son frère, par les le décemvirat, leurs seuls ou du moins leurs plus
mânes paternels, « de respecter les liens de la so- violents adversaires; ni comment, après tant de
ciété où il était né, plutôt que cette sacrilége al- mois écoulés sans que la cité fût menacée au de-
liance qu'il avait contractée avec ses collègues hors, lorsque personne, pendant tout ce temps, n'a-
c'était pour lui qu'il lui adressait cette prière, bien vait élevé de contestation sur la validité du pouvoir
plus que pour la république. La république, après des magistrats qui dirigeaient l'état on profitait
tout, si elle ne peut obtenir leur assentiment, du moment où l'ennemi était, pour ainsi dire, aux
rentrera, malgré eux, dans ses droits. Mais les portes, pour semer les discordes civiles; à moins
gramies collisions amènent de grands ressenti- qu'on n'eût songé à profiter du désordre pour je-
ments il tremblait sur les suites. » Bien que les ter quelque ombre sur l'exécution d'un projet ar-
décemvirs eussent, par leurs défenses, exclu rête. Du reste, il était juste qu'alors que des soins
de la discussion tout objet étranger à celui qu'ils plus sérieux occupaicnt les esprits, personne ne
mettaient en délibération, ils eurent assez de pu- préjugeât une si grave question. Il était bien d'a-
deur pour ne pas interrompre Claudius. Il déve- vis, ajoutait-il, que, lorsqu'on aurait terminé
loppa donc son opinion, et conclut à ce que le ces guerres imminentes, lorsque la république
sénat ne prit aucun arrêté. Tous comprirent par là serait rendue à la tranquillité, les allégations de
que Claudius regardait les décemvirs comme de Valérius et d'Horatius, qui prétendaient que les
simples citoyens, et nombre de personnages con- décemvirs avaient dû quitter leur magistrature
sulaires applaudirentàces paroles. Un autre avis, avant les ides de mai, fussent soumises aux dé-
plus menaçant en apparence, mais en effet moins libérations du sénat; et que, dès ce moment,
hostile, proposait aux sénateurs de se concerter Ap. Claudius fût prévenu qu'il dev ait se préparer
pour nommer un interroi. Délihérer, c'était re- à rendre compte des comices que, lui décem-
connaître pour magistrats, quels qu'ils fussent, vir, il avait tenus pour nommer des décemvirs, et
ceux qui avaient convoqué le sénat; tandis qu'on à répondre s'ils avaient été créés pour une
les replaçait dans la vie privée si l'on suivait l'a- année seulement, ou jusqu'à l'acceptation des lois
vis qui refusait au sénat le pouvoir de prendre que l'on attendait. Quant à présent, tout ce qui
un arrêté. Au moment où la cause des décemvirs n'était pas la guerre devait être écarté si l'on
allait échouer, L. Cornélius Maluginensis, frère pensait que les bruits en fussent mal foudés, et
de M. Cornélius, l'un d'entre eux, et que l'on que les messagers et même les députés de Tus-

XL. Ha'c vociferante Horatio, quum decemviri nec iras rum, L. Cornélius Maluginensis, M. Cornelii decemviri
nec ignoscendi modum rcperirent, nec, quo evasuia res frater, quum ex consularibus ad ultimum dicendi locum
esset, cernèrent; C. Claudii, qui patruns Appii decem- consulto servatus esset, simulando curam belli, fratrem
viri erat, oratio fuit precibus, quam jurgio, similis, oran- collegasque ejus tuebatur: «Quouiam fato incidisset, mi-
tis per sui fratris parentisque ejus manes, ut civilis po- rari se dictitans, ut decemviros, qui decemviratum pe-
titis societatis in qua natus esset, quam fœderis, nefarie tissent, aut socii, aut hi maxime oppugnarent?aut qnid
icti cum collegis, meminisset. Multo id magis se illms ita, quum per tot inenses vacua civitate nemo, justine
causa orare, quam reipublicae. Quippe rempublicam, magistratus sunimae rerum praessent, controversiam fe-
si a volenlihus nequeat, ab invitisjus expetituram.Sed ex cerit nunc demum, quum hosies prope ad portas smt,
magno certamine magnas excitari ferme iras; earum civiles discordias serant nisi quod in turbido minus per-
eventum se horrere. » Quum aliud praeterquam de quo spicuum fore putent, quid agatur. Ceterum neminem,
retulissent, decemviri dicere prohiberent, Claudium in- majore cura occupatis animis, verum esse, præjudicium
terpellandi verecundia fuit. Sententiain igitur peregit, rei tantæ afferre. Sibi placere, de eo, quod Valerius Ho-
nullum placere senatusconsuliuiu fieri. Omnesque ita ac- ratiusque ante Idus Maias decemviros abisse magistratu
cipiebant, privatos eos a Claudio judicatos; multique ex insinmlent,bellis, qum immineant, perfectis, republica
consularibus verbo assensi sunt. Alia sententia, asperior in tranquillum redacta, senatu disceptante, agi et jam
iu speciem, vim minorem aliquanto habuit, qua; Patri- nunc ita se parare Ap. Claudium, ut comitiorum, quæ
cios coire ad prodeudum interregem jubebat censendo decemviris creandis decemvir ipse habuerit, sciât sibi
enim, quoscunque magistratus esse, qui senatum habe- ratiouem reddendam esse, utrum in unum annum creati
rent, judicabat, quos privatos fecerat auctor nullius se- sint, an donec leges, quæ deessent, perferrentur. ln
uatusconsulti faciendi. Ita labante jam causa decemviro- præsentia omnia præter hellum omitti placere cujus ri
culum n'eussent apporté que de vaines frayeurs, rait bien plus ardemment le relour que celui de
il fallait envoyer des commissaires cliargés de l'autorité consulaire, aimaient mieux, en quelque
prendre des informations plus précises. Si, au con- sorte, attendre que les décemvirs sortissent volon-
traire, on ajoutait foi aux récits des courriers et tairement de charge, que de voir le peuple, en
des envyés, on devait immédiatement s'occuper haine des décemvirs, se soulever de nouveau. Si
de lever des troupes les décemvirs devaient con- par des voies de douceur, pensaient-ils, et sans la
duire les.armées partout où ils le jugeraient con- tumultueuseintervention de la multitude, on ra-
venable rien ne devait l'emporter sur ce soin. » menait le pou voiraux mains des consuls, les guerres
XLI. Les plus jeunes sénateurs insistaient pour qu'on ferait intervenir, ou la modération descon-
qu'on se rangeât à cet avis. Mais, plus animés que suis dans l'exercice de leur autorité, pourraient
jamais, Valérius et Horatius se lèvent et s'écrient: conduire le peuple à l'oubli de ses tribuns, » Le si-
o Qu'ils ont à parler sur la république. Ils s'a- lence du sénat fut l'édit d'enrôlement. Les jeunes
dresseront au peuple, si, dans cette enceinte, gens, n'osant résister à un pouvoir sans appel,
une faction les empêche de se faire entendre. apportent leurs noms. Les légions enrôlées, les
Ils nient que des hommes privés, en présence des décemvirs désignent, parmi eux, ceux qui feront
sénateurs ou du peuple, puissent leur imposer la guerre, ceux qui commanderont les armées. Les
silence; de chimériques faisceaux ne sauraient les chefs du décemvirat étaient Q. Fabius et App. Clau-
faire reculer. » Appius, alors, voyant que, s'il dms. La guerre s'annonçait plus redoutable au
n'opposait à leur violence une égale audace, c'en dedans qu'au dehors. Le caractère violent d'Ap-
était fait du décemvirat, « Malheur, s'écrie-t-il, à pius semblait plus propre à étouffer un mouve-
qui élèvera la voix en dehors de la question !» Et, ment populaire Fabius avait montré moins
comme Valérius déclarait qu'il ne se tairait pas sur de persévérance dans le bien que d'ardeur
l'ordre d'un simple citoyen, il fit avancer un lic- pour le mal. Cet homme s'était distingué d'abord
teur. Déjà Valérius implorait, du seuil de l'assem- comme citoyen et comme soldat; mais le décem-
blée, l'assistance du peuple L. Cornélius retient virat et ses coflègues opérèrent sur lui un change-
Appius dans ses bras, déguisant ainsi l'intérét qu'il ment tel, qu'il aimaitmieuxcopierAppius, que de
lui porte; il met un terme au débat, et obtient rester semblable à lui-même. On lui confia la
pour Valérius la faculté de s'expliquer librement. guerre des Sabins, et il eut pour collègues M. Ra-
Cette liberté ne produisit que des déclamations, buléius et Q. Potilius. M. Cornélius fut envoyé vers
et les décemvirs obtinrent ce qu'ils demandaient. l'Algide avec L. Minucius, T. Antonius, K. Dui-
Les consulaires eux-mêmes et les plus vieux séna- lius et M. Sergius. Sp. Oppius demeura avec Ap-
teurs, par un fonds de haine pour la puissance pius pour l'aider à défendre la ville, et leur pou-
tribunitienne, dont le peuple, à leur avis, dési- voir futégalé à celui de tous les décemvirs réunis.

falso famam vulgatam, vanaque non nuntios solum, sed cujus desiderium plebi multo acrius, quam consularis
Tusculanorum etiam legatos attulisse putent, specula- imperii, reb mtur esse, prope malebant, postmodo ipsos
tores mittendos ceusere, qui certius explorata referant. decemviros voluntate abire magistratu, quam invidia eo-
Sm fides et nuntiis et Iegatis habeatur, delectum primo rum exsurgere rursus plebem. « Si leniter ducta res sine
quoque tempore haberi; decemviros, quo quique eorum populari strepitu ad consules redisset, aut bellis interpo-
vidcatur, exercitus ducere; nec rem aliam præverti.» sitis, aut moderatione consulum in imperiis exercendis,
XLI. la hanc sententiam ut discederetur, juniores Pa- posse in oblivionem tribunorum plebem adduci.. Silentio
trum eviticebant. Ferocioresiterum coorti Valerius Ho- Patrum edicitur delectus; juniores, quum sine provora-
ratiusque vociferari, Ut de republica liceret dicere tione impei ium esset, ad noniina respondent. Legionibus
dicturos ad populum, si in senatu per factionem non li- scriptis, inter se decemviri comparabant, quos ire ad
ceat. Neque enim sibi privatos, aut in Curia, aut in con bellum, quos præesse exercitibus oporteret. Principes
cione posse obstare; ueque se imaginariisfascibus eorum inter decemviros erant Q. Fabius etAp. Claudius. Bellum
cessurus esse. Tum Appius, jam prope esse ratus, ut, domi majus, quam furis, apparebat. Appii violentiam
ni violentiæ eorum pari resistereturaudacia, xictum im aptiorem rati ad comprimendos urbauos motus in Fa-
perium esset Non erit melins,inquit, nisi de quo con- bio minus in bono coustans, quam navum in malitia, in-
sulimus, vocem misiase et ad Valerium, oegantem se geuium esse. Hunc enim virum, egregium olim domi
privato reticere, lictorem accedere jussit. Jam Quiritium militiæque, decemviraluscollegæque ita mutaverant,ut
lidem implorante Valerio a Curiæ limine, L. Cornelius Appii, quam sui, similis mallet esse. Huic bellum in Sa-
complexus Appium, non cui simulabat consulendo, dire- binis, M. Rabuleio et Q. Poetelio additis collegis, man-
mit fertamen factaque per Cornelium Valerio dicendi datum. M. Cornelius in Alg:dum mibsus cum L. Minucio
gratia, quw vellet, quum libertas non ultra vocem ei- et T. Antomo et K. Duilio et M. Sergio Sp. Oppmm
cossisset, dccemviri propositum tenuere. Consulares quo Ap. Claudio adjutorem ad urbem tuendam, æquo om-
que ac seniores ab residuo tribuniciæ potestatis odio, nmm decemvirorum imperio, decernunt.
XLII. Au dehors, comme au dedans, la répu- XLIII. A ces désastres causés par l'ennemi, les
blique fut malheureuse. L'unique tort des chefs décemvirs ajoutent deux crimes affreux, l'un au
était de s'être attiré la haine de leurs concitoyens; camp, et l'autre dans Rome. L. Siccius, qui ser-
toute la faute fut d'ailleurs aux soldats. Pour em- vait dans l'armée dirigée contre les Sabins, ex-
pêcher qu'aucun succès n'eût lieu sous la conduite ploitant la haine qui s'attachait aux décemvirs,
et les auspices des décemvirs, ils se laissaient engageait secrètement les soldats à rétablir les
vaincre, achetant, au prix de leur déshonneur, trihuns et à se révolter. On l'envoie reconnaître
le déshonneur de leurs chefs. Mis en déroute par une position pour y placer un camp, et des soldats
les Sabins à Éretum ils le furent sur l'Acide par l'escortent, avec ordre de se délaire de lui au
les l:ques. Les fuyards d'lvretum, profitant du premier endroit favorable. Il ne succomba point
calme de la nuit, se rapprochent de la ville, et, sans vengeance. 11 fit, en se débattant tomber
entre Fidènes et Crustumérie, se retranchent autour de lui plusieurs de ses assassins, et, envi-
sur une hauteur. L'ennemi les y suit; mais ils ronné de toutes parts, se défendit avec un courage
n'osent égaliser le combat, et cherchent leur égal à sa force extraordinaire. Le reste revient
sûreté dans la force de leur position et de leurs annoncer au camp que Siccius, malgré des pro-
retranchements, bien plus que dans leur cou- diges de valeur, a péri dans une embuscade, et
rage et dans leurs armes. La honte fut plus grande quelques soldats avec lui. On crut d'abord ceux
encore en Algide, et plus grande la perte. L'en- qui rapportèrent ces nouvelles. Une cohorte par-
nemi s'empara même du camp. Dépouillé de tous tit donc avec la permission des décemvirs pour
ses bagages, le soldat se réfugie à Tusculum, es- ensevelir les morts mais n'eu voyant aucun dé-
pérant l'hospitalité de la bonne foi et de la pitié, pouillé, et trouvant Siccius revêtu de ses armes,
qui, d'ailleurs, ne lui manquèrent pas. A Rome, la étendu au milieu des autres, qui tous avaient le
terreur fut si grande, que les sénateurs, oubliant visage tourné contre lui; n'apercevant le corps
leur haine pour le décemvirat, décrétèrent qu'on d'aucun des ennemis, nulle trace de leur retraite,
établit des postes dans la ville ccu\ à qui leur ils ne doutèrent point que Siccius n'eût péri de la
âge permettait de porter les armes devaient pro- main des siens, et ils rapportèrent son cadavre.
téger les murs et former une garde devant les L'irritation fut à son comble dans le camp, et
portes. Ils envoyèrent à Tusculum un secours c'est à Rome qu'on voulait sur-le-champtranspor-
d'armes, aux décemvirs l'ordre de sortir de la ter Siccius. Mais les décemvirs se bâtèrent de lui
citadelle, de tenir les soldats dans un camp, de décerner des funérailles militaires aux frais de
transporter celui de Fidènes sur les terres des Sa- l'état. On l'ensevelit au milieu des regrets des sol-
bins, et, par une guerre offensive, d'ôter à l'en- dais, et de l'exécration que le nom des décemvirs
nemi toute pensée d'assiéger la ville. avait excitée parmi le peuple.

XLII. Nihilo militiæ, quam domi, melius respublica XLIII. Ad clades ab hostihus acceptas duo nefanda
admmistrata est. Illa modo in ducibus culpa quod, ut facinora decemviri belli domiqne adjiciuni. L. Siccium in
adio essent civibus fecerant alia omnis penes milites Sabinis, per invidiam decemviralem tribunorum crean-
noxa erat; qui, ne quid ductu atque auspicio decemviro- dorum secessionisque mentiones ad vulgus militum ser-
rum prospere usquam gereretur, vinci se per suum at- monibus occultis serentem, prospeculatum ad locum cas-
que illorum dedecus patiebantur. Fusi et ab Sabinis ad tris capiendum mittunt; datur negotium militibus, quos
Eretum, et in Algido ab Æquis, exercitus eraut. Ah miserant expeditionis ejus comites, ut eum opportuno
Ereto per silentium noctis profugi, propius urbem, inter adorti loco iuterricerent. IIaud multum interfecere uam
Fideuas Crusturneriamque, loco edito cast a communie- circa repugnantem aliquot insidiatores cecidere, qiium
rant persecutis hostibus nusquam se æquo certamine ipse se praevalidus, pari viribus animo, circumventus tn-
comnutlentes, natura loci ac vallo, nou virtute aut armis, taretnr. I\untiant in castra ceteri, pra'cipitatum in insi-
tutabantur. Majus flagiiium in Algido, major etiam clades dias esse S ccium egregie pugnantem, militesque quos-
accepta castra quoque amissa erant; exutusque omnibus dam cum eo amissos. Primo fides nuntiaotibus fuit. Pro-
utensilibus miles, Tusculum se, fide misericordiaque vic- fecta deinde cohors ad sepeliendos, qui ceciderant, de-
turus hospitum (quæ tamen non fefellerunt) contulerat. cemvirorum permissu, postquam nullum spoliatum ihi
Romam tanti erant terrores allati, ut, posito lam decem- corpus, Sicciumque in m'dio jacentem armatumque,
virali odio, Patres vigilias in urbe habendas censerent; omnibus in eum versis corporibus, videre; hosium ne-
omues, qui per aetatem arma ferre pussent, custodire que corpus ullum nec vestigia abeuntium profecto ab
mœnia, ac pro portis stationcs agere juberent arma Tus- suis interfectum memorantes, retulere corpus. Invidiæ-
culum ad supplementum décernèrent, decemvirosque, ab que plena castra crant, et Itomarn ferri protinus Siccium
arce Tusculi degressos, in caslris militem habere; castra placebat, ni decemvir funus nuli are ei put lica impensa
alia a Fidenis in Sabiuum agrum transferri belloque ul- facere malurassent. Sepultus ingenti militum mœslitia.
troinferendo deterreri hostes a consiliourbis oppugnandæ. pessima decemvirorum in vulgus Lima est.
XLIV. La ville fut ensuite témoin d'un forfait son père, et d'Icilius, son fiancé, sont dans toutes
enfanté par la débauche, et non moins terrible les bouches. Leurs amis, par l'intérêt qu'ils leur
dans ses suites que le déshonneur et le meurtre portent, la foule, par l'horreur d'un pareil attentat,
de Lucrèce, auquel les Tarquins durent leur ex- se rallient à elle. Déjà Virginie est à l'abri de toute
pulsion de la ville et du trône; comme si les dé- violence. Claudius alors s'écrie qu'il est inutile
cemvirs étaient destinés à finir ainsi que les rois d'ameuter la foule, qu'il veut recourir à la justice
et à perdre leur puissance par les mêmes causes. et non à la violence. Il cite devant le juge la jeune
Appius Claudius s'enllamma d'un amour criminel fille, que les défenseurs engagent à l'y suivre. On
pour une jeune plébéienne. Lo père de cette Glle, arrive devant le tribunal d'Appius, et le deman-
L. Virginius, un des premiers centurions à l'ar- deur débite sa fable bien connue du juge, qui lui-
mée de l'Algide, était l'exemple des citoyens, même en était l'auteur il raconte que « la jeune
l'exemple des soldats. Sa femme avait vécu comme fille, née dans sa maison, puis introduite furtive-
lui, et ses enfants étaient élevés dans les mêmes ment dans celle de Virginius, a été présentée à
principes. Il avait promis sa fille à L. Icilius, an- celui-ci comme son enfant. Il produira des preu-
cien tribun, homme passionné et qui plus d'une ves à l'appui de ses assertions, et les soumettra à
fois avait fait preuve de courage pour la cause du Virginius lui-même, plus lésé que nul autre par
peuple. Épris d'amour pour cette jeune fille, alors cette supercherie.» Les défenseurs de Virginie re-
dans tout l'éclat de la jeunesse et de la beauté, montrèrent que Virginius était absent pour le ser-
Appius entreprit de la séduire par les présents et vice de la république; qu'il arriverait dans deux
les promesses mais voyant que la pudeur lui jours, s'il était prévenu et qu'en son absence il
interdisait tout accès, il eut recours aux voies serait injuste de décider du sort de ses enfants.
cruelles et odieuses de la violence. M. Claudius, Ils demandent au décemvir que J'affaire soit ren-
son client, fut chargé de réclamer la jeune fille voyéedans son entieraprès l'arrivéedu père;qu'au
comme son esclave sans écouter les demandes de nom de la loi, son ouvrage, il accorde la liherté
liberté provisoire. L'absence du père semblait fa- provisoire, et ne souffre pas qu'une jeune fille
vorable à cette criminelle tentative. Virginie se soit exposée à perdre son honneur avant sa li-
rendait au forum, où se tenaient les écoles des berté.
lettres. L'attidédu décemvir, le ministre de sa pas- XLV.Appius, prenant la parole, avant de pro-
sion, met sur elle les mains, et s'écrie que fille de noncer son arrêt dit « Que sa sollicitude pour la
son esclave, esclave elle-même, elle doit le suivre; liberté est écrite dans celte même loi que les amis
si elle résiste, il l'eutraînera de force. Tremblante de Virginius invoquent à leur appui. Cependant
la jeune fille demeure interdite, et, aux cris de sa elle ne saurait favoriser la liberté au point d'ad-
nourrice qui invoque le secours des Romains, on mettre la supposition des faits et des personnes.
se réunit en foule. Les noms si chers de Virgiuius, Certes, lorsqu'on ruclame la sortie d'esclavage,

XLIV. Sequitur aliud in urbe nefas, ablibidioeortum, populare nomen celebratur: notos gratia eorum, turbam
haud minus fœdo eventu, quam quod per stuprum car indignitas rei virgini conciliai. Jam a vi tuta erat; quum
demque Lucretiæ urbe regnoque Tarquinios expulerat assertor « Nihil opus esse multitudine concitata ait; se
ut non finis sulum idem decemviris, qui regibus, sed jure grassari, non vi.. Vocat puellam in jus. Auctoribus,
causa etiam eadem imperii amittendi esset. Ap. Claudium qui aderaut, ut sequeretur, ad tribunal Appii perventum
virgmis plebeiæ stuprandac libido cepit. Pater virginis est. Notam judid fabulam petitor, quippe apud ipaum
L. Virgiuius honestum ordinem in Algido ducehat, vir auctorem argumenti,peragit; puellam, domi suæ uatam,
exemph recti domi mihtiæque. Perinde uxor instituta furtoque inde in domum Virgimi translatam supposi-
fuerat, liberique instituebantur. Desponderat Illiam L. Ici- tam ei esse. Id se indicio compertum afferre, prolmtu-
lio tribunicio, viro acri et pro causa plebis expertæ vir- rumque vel ipso Virginio jndice, ad yuem major pars in.
tutis. Hanc virginem adultam, forma excellentem, Ap- juriæ ejus pertineat. Interim dominum sequi ancillam
pius. amore ardens, pretio ac spe pellicere adortus iequum esse.. Advocali puellæ, quum Virginium reipu-
postquam omnia pudore sæpta auimadverterat, ad cru- blicæ causa dixissent abesse, biduo alfuturum, si uun-
delem superbamyue vim animum convertit. M. Claudio tiatum ei sit; imquum esse absentem de hberis dimimre;
(lienti negotium dedit, ut virginem in servitutem assere postulant, ut rem integram iu patris adveotum differal;
ret, Deque cederet secundum libertatem postulantibus lege ab ipso late vindicias dei secundum libertatem; neu
vindicias quod pater puellæ abesset, locum injuriæ esse patiatur, virginem adultam famæ prius, quam libertatis,
ratus. Virgini, venienti in forum (ibi namque in taber- periculum adiré.
nis litterarum ludi erant), minister decemviri libidinis XLV. Appius decreto praefatus, Quam hbertati fave-
manum injecit aerva sua natam, servamque appellans, rit, eam ipsam legem declarare, quam Viginit amici
aoqui se jubebat; cunctantem vi abstracturuiu. Pavida postulationi suæ prætendant. Ceterum ita iu ea firmurs
puella stupente ad clamorem nutricis, fidem Qniritium libertati fore præsidium si c causis, nec pensouis vh-
tmplorantis, fit concursus. Virgin patris sponstique lcilii et. In bis enisu, quæ asserantur iu hbertatem, qun
comme chacun peut agir d'après la loi, la liherté moi, pour ma fiancée le secours des Romains
provisoire est inconteslable; quant à cette fillé, qui m'entendent; Virginius, pour sa fille unique,
soumise au pouvoir paternel il n'est personne, celui des soldats; tous, l'assistance des dieux et
le père excepté, à qui le maître doive la céder, Il des hommes, et tu n'obtiendras qu'en nous égor-
est donc à propos qu'on fasse venir le père; ce- geant l'exécution de ton arrêt. Je t'en conjure,
pendant le demandeur ne peut faire le sacrifice Appius, considère deux fois où tu vas t'engagei.
de ses droits; il lui est permis d'emmener la jeune Virginius, à son arrivée, verra ce qu'il doit faire
fille il surfit qu'il promette de la représenter à pour sa fille. Qu'il sache seulement que s'il cède
l'arrivée de celui que l'on dit être son père. o Au un instant à Claudius, il lui faudra chercher pour
moment où l'iniquité de ce jugement excitait elle un autre époux. Quant à moi, je ne cesserai
plus de murmures qu'il n'enhardissait de gens de réclamer la liberté de ma fiancée et la vie
à réclamer, P. Numitorius oncle de la jeune me manquera plus tôt que la constance. »
fille, et Icilius, son fiancé, se présentent. La foule XLVI. La multitude était émue, et la lutte pa-
leur ouvre un chemin, persuadée que l'interven- raissait imminente. Les licteurs entourent leilius;
tion d'Icrlius est le moyen le plus puissant pour tout se borne cependant à des menaces. Appius
résister à Appius lorsque le licteur déclare Que prétend « Que ce n'est pas Virginie que défend
l'arrêt est prononcé, » et veut écarter Icilius, en Icilius; mais que cet homme turbulent, et qui
dépit de ses cris. Le caractère le plus paisible se respire encore le tribunat, cherche à faire naître
fut enflammé à une si criante injustice. « C'est une émeute. Il ne lui en fournira point aujour-
par le fer, Appius, qu'il faudra m'éloigner d'ici d'hui l'occasion. Qu'il le sache bien toutefois ce
si tu veux couvrir du silence le mystère de tes n'est pas à ses emportements, mais à l'absencc de
desseins. Cette jeune vierge sera ma femme je la Virginius, au titre de père et à son respect pour
veux chaste et pure. Réunis donc les licteurs de la liberté qu'il accorde de suspeudre ses fonc-
tous tes collègues, ordonne de préparer les verges tions de juge et l'cxécution de son arrêt. Il demain-
et les haches on ne retiendra point hors de la dera à Claudius de se relâcher quelque peu de ses
maison paternelle la fiancée d'leilius. Non mal- droits, et de permettre que la jeune fille jouisse
gré la perte du tribunat et de l'appel au peuple, de la liberté jusqu'au lendemain. Si le père ne
les deux boulevards de la liberté romaine, nos comparaît pas le jour d'après, il annonce à Icilius
femmes, nos enfants n'ont point été livrés encore et à ses pareils, que le législateur ne manquera
au despotisme de vos passions. Exercez votre fu- point à sa loi, non plus que l'énergie au décem-
leur sur nos corps et sur nos têtes, mais que la vir. Il n'aura nul besoin de réunir les licteurs de
pudeur soit au moins respectée. Si l'on a recours ses collègues pour mettre à la raison les auteurs
à la violence contre cette fille, nous invoquerons, de la sédition; il lui suftira des siens. n L'injustice

quivis Iege agere possit, id juris esse in ea, qua' in pa- ginius militum pro tinica filia omnes deorum hominnm.
tris manu sit, neminem esse alium, cui domiuus posses- que implorabimus fidem neque tu istud unquam decre-
sioue cedat. Placere itaque patrem arcessi interea juris tunt sine caede nostra réfères. Postuln, Appi, etiam at-
lui jac.uram assertorem non facere quin ducat puellam que etiam consideres, quo progrediare. Virginius vide-
sistendamque in adventum ejus, qui pater dicatur, pro- rit, de filia, ubi venerit, quid agat. Hoc lantum sciât,
mittat.» Adversus injuriam decreti quum tnulti magis fre- sibi si hnjus vindiciis cesserit, conditionem filiæ quæ-
mercnt, quam quisquam uuus reclamare auderet, P. Nu- rendam esse. Me, vindicantem sponsam in libertatem,
mitorius, puellae avunculus, et sponsus Icilius interve- vila citius deseret, quam fldes.
niunt dataque inter turham via, quum multitudo Icilii XLVI. Concitata multitudo erat, certamenque instare
maxime interventu resisti posse Appio crederet, lictor videbatur. Lictores Icilmm cireumstetcrant nec ul ra
«decresse» ait: vociferantemqueIcilium summovet. Placi- minas tamen processum est, quum Appius « Non Vir-
dum quoque ingenium tam atrox injuria accendisset. giniam defendi ab lcilio, sed inquietum bominem, et
Ferro bine tibi summovendus sum, Appi, inquit, utta- tribunatum etiam nunc spirantem, locum seditionis quae-
citum feras, quod celari vis. Virginem ego banc sum rere, diceret. Non præbiturum se illi eo die materiam;
ducturus nuptam pudicamque habiturus.Proinde omnes sed ut jam sciret, non id petulantiæ suæ, sed Virgmio
collegarum quoqne lictores convoca, expediri virgas et absenti et patrio nomini et hbertati, datum, jus eo die
secures jubé non manebit extra domum patris sponsa se non dicturum, neque decretum interpositurum a
Icilü. Non si tribunicium auxilium et provocationem M. Claudio petiturum, decederet jure suo, viudicarique
plebi romanæ, duas arces libertatis luendx, ademis- puellarn in posterum diem pateretur. Quod nbi pater
tis, ideo in liberos quoque nostros conjugesqtie re- postero die affuisset denuntiare se Icilio similibusque
gnum vestræ libidini datum est. Ssvite in tergum et in Icilii, neque legi suas latorem, neque decemviro constan-
cervires nostras; pudicitia saltem in tuto sit. Huic si vis tiam defore; nec se utique colleparum hctorps convocatu
afferetur, ego prarsentium Quiritium pro spouaa, Vir- rum ad coet-cendos seditions auctores; conte ntum se suis
ajournée, les défenseurs de Virginie se retirent et I suspens, lorsque Virginius, dans l'appareil du
décident qu'avant tout le frère d'Icilius et le fils deuil, conduisant sa fille, les habits en lambeaux,
de Numitorius, jeunes gens pleins d'ardeur, ga- accompagné de quelques femmes âgées et d'une
gneront de ce pas la porte, et courront en toute foule de défenseurs, s'avance sur la place publi-
hâte chercher au camp Virginius. De cette dé- que. Il en fait le tour, et sollicite l'appui de ses
marche dépend le salut de sa fille, si le lendemain concitoyens. Il ne s'en tient pas à implorer leur
il arrive à temps pour la préserver de l'injustice. secours, il le réclame comme prix de ses services.
Ils obéissent, se mettent en marche, et courent a C'est pour leurs enfants, pour leurs femmes,
à bride abattue porter au père ce message. Comme que, chaque jour, il se montre sur le champ de
le demandeur insistait pour qu'on lui assurât par bataille, ci il n'est point de soldat dont on cite
caution la comparution de la jeune fille, et qu'Ici- plus de traits d'audace et d'intrépidité. Mais quel
lius disait s'en occuper pour gagner du temps avantage en résulie-t-il si, tandis que la ville
jouit de la plus parfaite sécurité, leurs enfants ont
et donner de l'avance à ses courri.ers, la foule, de
toutes parts, leva les mains, et chacun se montra à souffrir les horreurs que pourrait amener une
prêt à répondre pour lui. Emu jusqu'aux larmes, prise d'assaut? » C'est ainsi qu'il haranguait les
« Merci, s'écria-t-il demain j'userai de vos se- citoyens, en passant au milieu d'eux. DP sembla-
couis c'est assez de répondants pour aujour- bles plaintes s'échappaient de la bouche d'Icilius.
d'hui. 1 Virginie est donc provisoirement remise Mais ce cortège de femmes en silence et en pleurs
en liberté, sous la caution de ses proches. Appius touchait plus encore que leurs paroles. Le carac-
siége encore quelques instants, pour ne pas pa- tère obstiné d'Appius se raidit contre ces disposi-
raitre occupé de cette seule affaire; mais comme tions, tant le délire, bien plus que l'amour, avait
l'intérêt de celle-là absorbait toutes les autres, troublé son esprit il monte sur son tribunal.
personne ne se présentant, il se retira chez lui Après quelques plaintes qu'articula le demandeur
pour écrire au camp à ses collègues, a de n'ac- « Sur ce que, pour capter la faveur du peuple, on
corder aucun congé à Virginius, et de s'assu- lui avait, la veille, refuséjustice, o sans lui lais-
rer de sa personne. o Cet avis perfide arriva ser terminer sa requête, et sans donner à Virgi-
trop tard, ce qui devait être et déjà, muni de niusletemps de répondre, Appius prend la parole.
son congé, Virginius était parti dès la première Le discours par lequel il motiva son arrêt peut se
veille. Le lendemain, furent remises les lettres trouver fidèlemeut rapporté par quelques-uns de
qui ordonnaient de le retenir; elles restèrent sausnos anciens auteurs; mais aucun ne parait vrai-
effet. semblable à côté d'un jugement si inique. Je me
XLVII. A Rome, cependant, au point du jour, bornerai à rapporter simplement le fait, et à dire
l'attente tenait, dans le forum, toute la ville en qu'Appius adjugea la jeune fille en qualité d'eb-

lictoribus fore.. Quum dilatum tempus injurias esset, se- exspectatione erecta staret, Virginius sordidatus Uliam
cessissentque advocati puellæ, placuit omnium primum, suam obsoleta veste, comilanlibus aliquot mntronis, cum
fratrem Icilii filuruque Numilorü, impigros juvenes, ingenti advocatione in forum deducit. Circumire ihi et
pergere inde recta ad portam, et, quantum accelerari prensare homines cœpit; et non orare solum precarium
posset, Virginium acciri e casiris. In eo verti puellæ sa- opem sed pro debita petere: « Se pro liberis eorum ac
lutem, si postero die vindexinjuriæ ad tempus præsto es- conjugibus quotidie in acie stare; nec alium virum e·se,
set. Jussi pergunt, citatisque equis nuntium ad patrem cujus strenue ac ferociter facta in bello I lura memorari
perferunt. Quum instaret assertor puellæ ut viodicaret, possent. Quid prodesse, si, incolumi urbe, quæ, capla,
sponsoresque darct; atque id ipsum agi dicerat Icilius, ultima timeantur, liberis suis sint patienda P. Hæc prope
scdulo tempus terens, dum præciperentiter nuutii missi concionabuudus circumibat hommes. Simtha his ab Icilio
in castra manus tollere uodique multitudo, et se quisque jactabantur comitatus muliebris plus tacito Oelu, quam
paratum ad spoudendum Icilio ostendere. Atque ille la- ulla vox, movebat. Adversus quae omuia obstinalo amnto
crimabundus Gratuni est, ¡nqu!t; crastina die vestra Appius (tanta vis amentiæ verius, quam amoris meulem
opéra utdr; sponsorum nuoc satis est. Ha vindicatur turbaverat) in tribunal ascendit, et, ultro querente pauca
Virginia, spondentibus prupmquis. Appius, paull sper petilore, « quod jus sibi pridie par ambitionern dictum non
moratus, ne ejus rei causa sedisse videretur, postquam, esset,. priusquam aut ille postulatum perigeret, aut Vir-
omissis rébus aliis prme curaunius, nemo adibat, domum ginio respondendi darelur lorus, Appiusinterfatur.Quem
se recepit; collegisque in castra scribit, ue Virgiuio com- decreto sermonem prætenderit, forsitan aliquem verum
meatum dent, atque etiam m custodin habeant.. Impro- auctores autiqui tradideriot; quia nusquam ullum in
bum cousilmm sérum. ut debuit, fuit; et jam commeatu tanta fœditate decreti verisimileminveoio,id, quod con-
sumpto profectus Virginius prima vigilia erat, quum pna- stat, nudum videtur propouenduin, docresso yindicias
tero die mane de retmendo eo nequicquam htteræ red- secundum servitutem. Primo stupor omnes admiration.
duntur. rei tam atrocis defixit; silentium inde aliquamdiu tonuit.
XLVII. At in urlm prima luce, quum cmitas in foru Dein quum M. Claodiut, circumslantibus matronis iret
elave. La stupeur fut le premier effet d'une déci- jeune fille délaissée demeure en proie à ses ra-
sion si surprenante et si atroce elle fut suivie de visseurs. Alors Virginius, n'espérant plus de se-
quelques instants de silence. Mais lorsque Clau- cours à Appius. dit-il, je t'ensupplie, pardonne
dius s'avança au milieu des femmes pour s'empa- avant tout à la douleur d'un père l'amertume de
rer de Virginie, il fut reçu avec des pleurs et des mes reproches permets ensuite qu'ici, devant la
tris lamentables. Virginius, levant contre Appius jeune fille, je demande à sa nourrice tonte la vé-
son bras menaçant C'est h leilius, dit-il, que rité. t Cette faveur obtenue, il tire à l'écart sa
j'ai fiancé ma fille, et non à Appius; c'est pour fille et la nourrice près du temple de Cloacine,
l'bymen, et non pour la honte, que je l'ai élevée. vers l'endroit qu'on nomme aujourd'hui les Bou-
Tu veux donc, comme les brutes et les animaux tiques neuves, et là, saisissant le couteau d'un
sauvages, te jeter indistinctementsur le premier boucher « Mon enfant, s'écrie-t-il, c'est le seul
objet de ta passion? Le souffriront -ils, ces ci- moyen qui me reste de te conserver libre. s Et il
toyens? Je ne sais; j'espère du moins que ceux qui lui perce le cœur. Levant ensuite les yeux vers le
ont des armes ne le souffriront pas. a Le groupe tribunal e Appius, s'écrie-t-il, par ce sang, je
des femmes et celui des défenseurs repoussaient dévoue ta tête aux dieux infernaux. Au cri qui
Claudius loin de la jeune fille; mais le silence se s'élève, à la vue de cette action horrible, le dé-
rétablit à la voix du héraut. cemvir ordonne qu'on se saisisse de Virginius;
LXVIII. Le décemvir, dans la démence de la mais celui-ci, avec le fer, s'ouvre partout un pas-
passion, s'écrie « Que ce n'est point seulement sage, et. protégé par la multitude qui le suit,
par les injures d'Iciliusla veille, ni par la violence gagne enfin la porte de la ville. Icilius et Numi-
de Virginius, dont le peuple romain vient d'être torius soulèvent le corps sanglant, et, le montrant
témoin mais encore par des avis certains qu'il est au peuple, ils déplorent le crime d'Appius, cette
convaincu de l'existence de conciliabules secrets, beauté funeste, et la cruelle nécessité où s'est
tenus toute la nuit dans la ville pour exciter une trouvé réduit un père. Les femmes répètent, eu
sédition. Préparé à une lutte à laquelle il s'atten- les suivant avec des cris Est-ce pour un pareil
dait, il est descendu au forum avec des hommes destin que l'on met au monde des enfants? Est-ce
prmés, non pour tourmenterde paisibles citoyens, là le prix de la chasteté? » Elles se livrent ensuite
mais pour réprimer, d'une manière digne de la à tout ce que la douleur, d'autant plus sensible
majesté de son pouvoir, ceux qui troubleraient la chez elles que leur esprit est plus faible, leur
tranquillité de Rome. Demeurer en repos est donc inspire en ce moment de plus lamentable et de
le plus sage parti. Va, dit-il, licteur, écarte cette plus touchant. Maisles hommes, et surtout Icilius,
foule; ouvre au maître un chemin pour saisir son n'avaient de paroles que pour réclamer la puis-
esclave. Au ton courroucé dont il prononce ces sance tribunitienne et l'appel au peuple; et toute
paroles, la multitude s'écarte d'elle-même, et la leur indignation était pour la patrie.

ad prehendendam virginem, lamentabilisque eum mulie- Quaeso, inquit, Appi, primum ignosce patrio dolori:
rum comploratio excepisset Virginius, intentans in Ap- si quid inclementius in te sum invectus, deinde sinas hie
pium manus Icilio, inquit, Appi, non tibi, filiam des- coram virgine nutricem percunctari, quid hoc rei sit ul,
pondi et ad nuptias, non ad stuprum, educavi. Placet si falso paterdictussum,æquiore hine animo discedam..
pecudum ferarumqueritu promiscue in concubilusruere? Data venia, seducit filiam ac nutricem prope Cloacinæ ad
Passurine hæc isti sint, nescio; non spcro esse passuros tabernas, quibus nuuc novis est nomen atquc ibi ab la-
ilks, qui arma habent. » Quum repelleretur asser,or vir- nio cultro arrepto Hoc te uno, quo possum, ait, mo-
ginis a globo mulitrum circumstantiumque advocatorutn, do, filia, in libertatem vindico.Pectus deinde puellæ
silemium factum per præconem. transfigit;respeclansque ad tribunal « Te, inquit, Appi,
XLVIII. Decemvir alienatus ad libidinem animo, tuumque caput sanguine hoc consecro. Clamore ad tant
negat, « besterno tantum convicioIcilii violentiaque Vir- atrox facinus orto excitus Appius,comprehendi Virginium
ginii, culus tcstem populum romanum babeat, sed cer- jubet. llle ferro, quacumque ibat, viam facere donec,
lis quoque indicis compertum se habere, nocte tota cœ- multitudine etiam prosequentium tuente, ad porlam per-
lui in urbe factos esse ad movendam seditionem. Itaque rexit. Icilius Numitoriusque exsangue corpus sublalum
se, haud inscium ejus dimicationis, cum armatisdescen- ostentant pupulo; scelus Appii, puelæ infelicemfnrmam,
disse; non ut queinquam quietum violaret, sed ut tur- necessitatem patris deplorant. Sequentes clamitant ma-
bantes civitatis otium pro majestate iinperii cuerceret. tronæ « Eamne liberorum procreaudorum conditionent ?
Proinde quiesse erit melius. I, iuquit, lictor, summove ea pudiciliæ pre'mia esse? » ceteraque, que in tali re
turbam et da viam domino ad prehendendum manci- muliebris dolor, quo est mœstior imbecillo animo, eo
pium.» Quum hæc intonuisset plenus iræ, mulutudu ipsa miserabiliamagis querenlibussnbjicit. Virorumet maxi-
se sua spoute dimovit, desertaque prada injurie puella me Icilii vox tota tribuniciæ potestatis ac provocationit
stabat. 1'um Virginius ubi uihil usquam auxilii vidit, ad populum ereptæ, puhlicarumquc indignationum,erut
XLIX. La multitude s'anime et par l'atracité du leur puissance, la multitudes'apaise. Le sénat fut
crime, et dans l'espoir qu'il serait une occasion d'avis qu'il ne fallait point irriter le peuple, et
favorable de recouvrer sa liberté. Le décemvir cite qu'on devait songer surtout à empêcher que l'ar-
Icilius, et, sur son refus de comparaître, ordonne rivée de Virginius à l'armée n'excitât quelque
qu'on l'arrête. Comme on ne laissait pas appro- mouvement.
cher sesappariteurs, lui-même, suivid'une troupe L. On dépêche donc au camp, qui se trouvait
de jeunes patriciens, perce la foule et commande alors sur le mont Vécilius, les plus jeunes séna-
de le conduire dans les fers. On voyait déjà autour teurs, pour recommanderauxdécemvirs d'arrêtor
d'icilius la multitude et les chefs de la multitude, à tout prix la révolte parmi les soldats. blais
L. Valérius et M. Horatius. Ceux-ci repoussent le Virginius y avait excité une effervescence plus
licteur, et oifrent, si l'on prétend agir légalement, grande encore que celle qu'il avait laissée à nome.
de se porter caution pour Icilius contre un homme Outre qu'il parut avec une escorte de quatre cents
privé; mais si l'on emploie la force, on y saura citoyens, que l'horreur de ces indignilés avait
répondre. La lutte s'engage furieuse. Le licteur amenés de la ville avec lui, l'arme qu'il tenait
décemviral veut porter la main sur Valérius et toujours à la main, le sang dont il était couvert,
Horatius; le peuple brise les faisceaux. Appius attirent sur lui les regards. D'ailleurs, toutes ces
monte à la tribune, Valérius et Horatius l'y sui- toges, dispersées dans le camp, en grossissaient le
vent le peuple les écoute et couvre de murmu- nombre, et offraient l'apparence d'une multitude
res la voix du décemvir. Déjà, au nom de l'auto- de citoyens. On lui demande ce que c'est; il n'a
rité, Valérius ordonne aux licteurs de s'éloigner que des larmes pour toute réponse. Mais sitôt que
d'uu simple citoyen; Appius, dont le courage est l'empressement de ceux qui accouraienteutréuni
abattu et qui craint pour sa vie, se réfugie dans une foule nombreuse, on fit silence, et N irginius
sa maison, voisine du forum à l'insu de ses ad- raconta les faits comme ils s'étaient passés. Le-
versaires et la tête enveloppée de sa robe. Sp. Op- vant ensuite des mains suppliantes vers ses com
pius, voulant prêter secours à son collègue, se pagnons d'armes, il les conjure « De ne pas lui
précipite, d'un autre côté, sur la place, et roit imputer un crime qui est celui d'Appius Claudius;
l'autorité vaincue par la force. Il flotte ensuite de ne pas se détourner de lui comme du bourreau
entre mille partis opposés entre mille con- de son enfant. La vie de sa fille lui eût été plus
seils différents, qu'il s'empresse tour à tour d'ac- chère que la sienne propre, s'il avait pu la lui
cueillir il se décide enfin à convoquer le sénat. laisser libre et pure; mais la voir comme une es-
Ainsi, voyant que la plus grande partie des pa- clave entraînée à la honte! Non La mort de ses
triciens désapprouvait la conduite des décemvirs, enfants lui semblait préférable à leur ignominie,
et, dans l'espoir que le sénat mettrait un terme à et sa pitié paternelle avait pris les formes do la

XLIX. Concitatur multitudo parlim atrocitate sceleris, dinem sedavit. Senatus nec plebem irrilandamcensunt, et
partim spe per occasionemrepetenda; libertatis. Appius multo magis providendum ne quid Virgiuii ad%entus in
hune vocari Icilium, nunc retractantem arripi; postremo, exercitu motus faceret.
quum locus adeundi apparitoribus non daretur, ipse, L. Itaque missi juniores Patrum in castra, qute lum la
cum agmine patriciorum juvenum per turbam vadens, in monte Vecilio erant, nuntiant decemviris « ut omui ope
vincula duci jubet. Jam circa Icilium non solum mulli- abseditionemilites contineant.» Ubi Virginius majorem,
ludo, sed duces quoque multitudinis erant L. Valerius quam reliquerat in urbe, motum eicivit. Nam, præter-
et M. Horatius qui, repulso lictore Si jure ageret, quam quod agmine prope quadringentortim hominum
,bindicare se a privato Icilium aiebant; si vim afferreco- veniens, qui ab urhe indignitate rei accensi comites ei ae
naretur, ibi quoque se haud impares fore.. Hincalroxriza dederant, conspertus est; slrictum ethm telum resper-
oritur. Valerium Horatiumque lictor decemviri invadit susque ipse cruore, tota in se castra convertit; et togæ,
franaunlur a multitudine fasces. In concionemAppius as- multifariam in castris visæ majnris aliquanto quam
ceudit sequuntur Horatius Valeriusque. Eos concio au- erat, speciem urbanæ mullitudmia fecerant. Quærenti-
dit decemviro obstrepiur. Jam pro imperio Valerius bus, .quid rei esset,- flens diu vocem non misit; tandem,
discedere a privato liclores jubebat quum, fractisanimis, ut jam ex trepidationecoucurrentiumturha conslitit, ao
Appius, vitoe metuens, in domum se propinquam foro. silentium fuit, ordine cuncta ut gesta erant, eiposuit.
insciis adversanis, capite obvoluto, recepit. Sp. Oppius, Supinas deinde tendens manus, commilitones appellans,
ut auxilio collegæ esset, in forum ex altera parte irrum- orabat « Ne, quod scelus Ap. Claudii esset, sibi attri-
pit; videt imperlum vi victum. Agitatus deinde cnnsiliis, buerent; neu se, ut parricidam hberum averearenlur.
ad quæ ex omui parte assentiendo multis auctoribus tre- Sibi vitam lilite sus cariorem fuisse, si liberæ ac pudicæ
pidaverat, senatum postremo vocaii i jussit. Ea res, quod vivere licitum fuisset. Quum velut servam ad stupruiu
maguæ parti Patrum displicere acta decrmvirorum vide- rapi videret, morte amitti melius ratum, quam contu
bautur, spe per senatum finiendæ polestalis ejus multita- s
melia, hberos misericordia in speciem crudelitatus
cruauté. 11 n'eût pus survécu à sa fille sans l'es- des tribuns. Du reste, point de menaces. Sp. Op-
poir de venger sa mort avec l'aide de ses frères pius convoque le sénat celui-ci se refuse à toute
d'armes. Eux aussi ont des filles, des sœurs, des mesure violente; car les décemvirs eux-mêmesont
épouses la mort de son enfant n'a point éteint provoqué cette sédition. On envoie trois députés
la passion d'Appius; l'impunité accroitra son au- consulaires, Sp. Tarpéius, C. Julius, P. Sulpitius,
dace. Par le malheur d'autrui qu'ils apprennent à demander, au nom du sénat, « En vertu de quels
se mettre en garde contre de pareils outrages Pour ordres les soldats ont quitté le camp? ce qu'ils pré-
lui, le destin lui a ravi sa femme sa fille, à qui il tendent faire en occupant armés le mont Aventin?
n'était plus permis de vivre chaste, est morte Ont-ils abandonné la guerre contre l'ennemi pour
tristement, mais avec sa vertu. Appius ne peut s'emparer de leur patrie? A ces questions les ré-
plus assouvir ses infâmes passions dans sa famille; ponses ne manquaient point; mais il manquait
toute violencequ'il pourrait tenter sur sa personne quelqu'un pour les faire. On était encore sans
sera repoussée avec le même courage doutil défen- chef avoué, personne n'nsant s'exposer seul à tant
dit sa fille. C'est aux autresde veiller sur eux etsur de haines. Seulement, un cri unanime s'éleva de
leurs enfants.» Aux cris de Virginius, lafoule répon- la multitude; elledemande qu'on lni envoie L. Va-
dit « Qu'elle ne manquera ni à sa douleur ni à la lérius et M. Horatius c'est eux qu'on chargera
liberté. Les citoyens en toge, mêlés aux soldats, d'une réponse.
font entendre les mêmes plaintes; ils font sentir LI. Au départ des députés, Virginius fait sentir
combien ce spectacleavait été plus affreux que ce aux soldats que, « Dans une affaire de peu d'im-
simple récit; ils annoncent en même tempsquec'en portance, ils viennent de se trouver embarrassés
est déjà fait des décemvirs à Rome. D'autres, arri- par le défaut de chefs; leur réponse, sage d'ail-
vés plus tard, disent qu'Appius, à demi mort, a leurs, est plutôt l'effet d'un accord fortuit qu'une
fui en exil; tous enlin poussent les soldats à crier mesure concertée en commun. Il les engage à nom-
aux armes, à saisir leurs enseignes, et à partir mer dix d'entre eux, chargés de la direction su-
pour la ville. Les décemvirs, troublés de ce qu'ils prême, et de les décorer d'un titre militaire en
voient et de ce qu'ils apprennent de Rome, cou- les appelant tribuns des soldats. Et, comme on
rent sur différents points du camp, calmer l'agi. voulait tout d'abord lui déférer cet honneur Re-
talion, S'ils emploient la douceur, on ne leur ré- mettez, di t-il, le choix dont vous m'honorez à des
pond pas; s ils invoquent leur autorité, « Ils out temps meilleurs et pour vous et pour moi. Ma
affaire à des hommes et à des hommes armés. » fille, restée sans vengeance, m'empêche rlc goû-
Les soldats marchent en ordre vers la ville, et oc- teraucune gloire. D'ailleurs au milieu des troubles
cupent l'Avcntin. A mesure qu'on accourt, ils ex- de la république, il ne vous convient point d'avoir
hortent le peuple à recouvrer sa liberté et à créer àvotre tête les hommeschargés des plus forteslrai-

lapsum. Nec se superstitem filiæ futurum fuisse, nisi tos se esse, respondetur.Eunt agmine ad urbem, et
spem ulciseendæ mortis ejus in auxilio commili onum ha- Aventinum insidunt; ut qmsyue occurrerat, plebem ad
buisset. Illis quoyue entm filiis, surores, congugesque repetendam hbet tatem crfandosque trihunos plebis ad-
esse nec cum fila sua libidmem Ap. Uaudii exstmetam hortantes alia vox nulla violenta audita est. Seuatmn
esse; sed, quo impunitior sit, eo tffreuatioremfure. Sp. Oppius h th t u bit placet aspere agi quippe ab ip-
Aliéna calaimtate documentumdatum illis cavenda; simi- sis datum lucum se di iouis esse. Mittuutur tres legati cou-
lis injuriæ. Quod ad seattineat, uxor msbi fato ere tam quæ-
rerentseuatus ver bis, «cujus jussu eastra deseruissent? aut
sed honestam, mortem occubusisse. Non esse jam Appii quidsibi vcllent, qui arm Ii Alventinum obscdissent? bel-
hihidmi loiuui iu domo sua; ab aha violen ja ejus eodem loque aver.o ab hostibus pair am suam cepissenl? Non
se anin'o suum corpus vin iaturum, quo vindicaveit defuit, quid respoudet etur dcerat, qui daret respousum,
filiæ. Ceteri sibi ac liberis suis consuterent.» Hæc Virgi i
nullodum certo duce, ec satis audeuulms siugulis invi-
mo vocifeant succamabat multitudo:«Nec ihiu dotori, diæ se oHerre. Id modo a muiltudine couclamatum est,
nec suæ libertath se defuturoc.Et immixtiturbæ militum ut L. Valerimu et M. Horatum ad se muèrent; his se
togati, quum eadem illa querendo, docendoque,quanto daturos responsum. »
visa, quam audita,, indigniora potuermt videri, sinmt LI. D misais lega is, admonet milites Viiginius, « in re
proligatam jam rem nundiando Romæ esse: insecutique, non mavima paul o esse, quia sine capite
qui Appum prope interemptum m exsilium abisse dice- multudo fueiit; responsumque, quanquam non inutili-
rent, perpulerunt, ut ad arma conclamaretur,vellerent- ter, forui o tanen magis consensu, quam conmuni con-
que signa, et Romam prolici,cerentur.Decemviri simul silio eese. Placere decem cre ri, qui smmæ rei præes-
his, quæ videbaut, simal his, quæ acta Romæ audierant, sent, mililarique honore tribunos multum appellari. »
perturbati,aius tu aliam partem castrurum, ad sedao- Quum ad eum ipsum primum is hou is dcferretur Me-
dos motus discurr unt; et lemt T ageotibus responsum non lioribus meis vestrisque rebrus reservate, inquit, ista de
et viros et arma- me jadic'a. Nec mtht fila ina hot aren ullum jam
ncs. Si je puis vousservirutilement, je le ferai aussi décemvirs se plaignent qu'on les dégrade et pro-
bien simple parliculier. » Ainsi donc, on crée dix testent qu'ils ne déposeront point leur autorité
tribuns des soldats. L'armée envoyée contre les qu'on n'ait adopté les lois pour l'établissement
Sabins n'était pas plus tranquille. Là aussi, excités desquelles on les a créés.
par Icilius et Numitorius, les soldais se séparent LII. Persuadé par les conseils de M. Duilius,
des décemvirs. Le meurtre de Siccius, dont ils ancien tribun, qu'il n'obtiendrait rien en pro-
nourrissaient le souvenir, n'agitait pas moins les longeant ces négociations, le peuple passe do
esprits que l'histoire de Virginie, victime d'un si l'Avenlin sur le mont Sacré. « Tant qu'ils n'aban-
honteux libertinage.lcilius,dèsqu'il apprit lacréa- donneront pas la ville, assurait Duilius, ils n'in-
tion des tribuns des soldats sur l'Aventin, craignit spireraient au sénat aucune inquiétude; le mont
que l'impulsion donnée par les comices militaires Sacré devait lui rappeler la constance du people
ne se lit sentir sur ceux de la ville et n'amenât la il saurait que le rétablissement de la puissance
nomination des mêmes hommes. Au fait des as- tribunitienne peut seul rameuer la concorde. e
semblées populaires et aspirant lui-même à ces Partis par la voie Nomentana, appelée alors voie
honneurs, il fait nommer aux siens, avant de Ficulensis, ils vont établir leur camp sur le mont
marcher sur Rome, un égal nombre de ces ma- Sacré, imitant la modération de leurs pères, et
gistrats avec la même autorité. ils entrent par la sans se livrer à aucune violence. Le peuple suivit
porte Colline, enseignes déployées, traversent la l'armée, et pas un de ceux à qui l'âge le permet-
ville en rangs, et se rendent sur l'Aventin. La, tait ne resta en arrière. A leur suite venaient leurs
réunis aux autres, ils chargent les vingt tribuns femmes, leurs enfants, demandant avec douleur
de nommer deux d'entre eux à la direction su- pourquoi ils les laissaient dans une ville où la pu-
prême des affaires. Les suffrages se réunissent sur deur, la liberté, rien n'était sacré. Rome n'était
M. Oppius et Sex. Manilius. Le sénat, craignant plus qu'une vaste et étrange solitude; on ne voyait
pour l'avenir de la république, s'assemblait tous que quelques vieillards dans le forum il parut
les jours, et consumait le temps en disputes plutôt uo désert quand on convoqua le sénat. Déjà plu-
qu'en délibérations. On reprochait aux décemvirs sieurs voix, jointes à celles de Valérius et d'IJo-
le meurtre de Siccius, l'iudigne passion d'Appius ratius, s'écriaient « Qu'attendez vous encore,
et les désastres des armées. On était d'avis que sénateurs? Si les décemvirs ne mettent pas une
Valérius et Iloratius se rendissent sur l'Aven- borne à leur obstination, souffrirez-vous que tout
tin mais eux s'y refusaient, à moins que les périsse dans une conflagration générale? Quelle
décemvirs ne déposassent les insignes de leur ma- est donc, décemvirs, cette autorité que vous te-
gistrature, expirée dès l'année précédente. Les nez comme embrassée? Est-ce pour les toits et les

dum esse patitur; nec in perturbala republica eos utile querentes se in ordinem cogi, non anle, quam perlatis
est præesse vobis qui proximi invidiæ sint. Si quis usus legibus, quarum causa creati essent, deposituros impe-
mei est, nihilo minor ex privalo capietur. » lta decem rium se aiebant.
numero trihunos militares créant. lieque in Sabinis quie- LII. Fer M. Duilium, qui tribunus plebis fuerat, cer
vit exercitus. Ibi quoque, auctoi-e Icilio Numitorioque tior facta plebs, contentionibus assiduis nibil tramigi, m
secessio ab decemviris facta est, non miuore moto ani- Sacrum moutem ex Aventiuo transit; aflirmante Duilio,
morum Siccii cædis memoria revocata .quamquem nova « Non prius, quam desei-i urbem videant, curam in oui-
fama de virpine adeo fcede ad libidinem petita accende- mos Patrum descensuram. Admoniturum Sacrum mon-
rat. Icilius ubi audivit, tribunos militum in Aventino crea- tem constaritiæ plebis; scituros, quod sine restitula po-
tos, ne comitiurum militarium pr.rrogativamurbana co- testate redigi in concordiam res ncqueant. » Via Nomen-
mitia iisdeni tribunis plebis creandis sequerentur, peri- tana cui lum Ficulensi nomen fuit, profecti, castra in
tus rerum populariuin imminensque ei potestati, et ipse monte Sacro locavere, modestiam pntrum suorum nihil
prius, quam iretur ad urbem, pari potestate eumdem violando imitali. Sccuta exercitum plebs, uullo, qui per
numerum ab suis creandum curat. Porta Collina urbem aetatem ire posset, retraclante. Prosequuutur conjuges
intravere sub signis, mediaque urbe agmine in Aventi- liberique, Cuinam se rclinquerent in ea urbe, in qua
num perRunt. Ibi, conjuncti alteri exercitui, viginti tri- nec pudicitia, nec libertas saucta esset,miserabilter ro-
bunis militum neRotiumdederunt, ut ex suo numero duos gitantes. Quum vasta Romæ oinnia insueta solimdo fecis
crearent, qui summe rerum praesvent. M. Oppium, set, in foro præter paucus seniorum nemo e,%Set vocatis
Sei. Mamlium creant. Patres, sollicitide summa rerum, utique in senatum Pdtr'ibus, desertumapparmsset forum;
quum senatus quotidie esset, jurgiis sæpius terunt tem- plures jam, quam Horatius et Valerius, vociterabantur
pus, quam consilüs. Siccii cædes decemviris et Appiana «
Quid exspectabitis, Patres cunscripti? Si decemviri
libido, et dedecora militiae objiciebantur. Placebat, Va- finem pertinaciæ non faciunt, ruere ac deflagrare omuia
lerium Iloratiumqueire in Aventinum. Illi negabant se passuri estis? Quod autem istud imperium est, decem-
aliter ituros, quam si decemviri deponerent insignia ma- viri, quod amplexi tenelis? Tectis ac parietibus Jura die-
gistratus ejus, quo anno Jam ante abissent. Decemviri, turi estis Plon pudet, lictorum vestrorum majorem
murailles que vous ferez des lois? N'avez-vouspas qui traita des conditions. Les députés demandè-
honte de voir dans le forum plus de vos licteurs rent qu'on leur exposât ce que voulait le peuple,
que de citoyens en toge? Que ferez-vous si l'en- interprète des résolulions prises avant leurarrivée,
nemi marche sur nous? Que ferez-vous si le peu- leilius lit des propositions de nature à prouver
ple, voyant sa retraite sans effet, se présente que le peuple comptait plus sur la justice de ses
eu armes? La chute de Rome est-elle nécessaire demandes que sur ses armes. Il exigeait, en effet,
pour amener celle de votre autorité? Il faut le rétablissement de la puissance Iribunilienne et
vous passer du peuple ou lui rendre ses tribuns. de l'appel au peuple, qui, avant la création des
Nous nous passerons plutôt, nous, de magistrats décemvirs, étaient la sauvegarde du citoyen et
patriciens, que les plcbéiens des leurs. Avant de une amnistie générale pour tous ceux qui avaient
connaître avant d'avoir éprouvé cette puissance, engage les soldats ou le peuple à se retirer pour
ils en arrachèrent l'établisseinent à nos aieux: recouvrer leur liberté. Les décemvirs seuls furent
maintenantqu'ils en ont goûté les avantages, pen- de sa part l'objet d'une demande cruelle. II trou-
sez-vous qu'ils veuillent y renoncer dans un mo- vait juste qu'on les lui livrât, et menaçait de les
ment surtout où l'autorité n'emploie pas assez de brûler vifs. Les députés répondirent Les de-
ménagement pourqu'ils ne sentent pas la néces- mandes que vous avez délibérées en commun sont
sité d'un appui? » Ces reproches retentissent de si justes, qu'on vous les eût de plem gré proposées
toutes parts, et les décemvirs, vaincus par cette vous demandez des garanties pour votre liberté et
unanimité, s'en remettent à la discrétion du sé- non la faculté de nuire à celle des autres. Votre
nat. Ils prient seulement et préviennent les séna- ressentiment se pardonne; mais on ne sauraill'au-
teurs de les protéger contre la haine publique, toriser. En haine de la cruauté vous devenez
pour que leur supplice n'accuutume pas ce peuple cruels, et presque a\ant d'être libres, vous voulez
a voir répandre le sang des patriciens. déjà tyranniser vos adversaires. Est-ce donc que
LIII. Alors Valérius et Horalius reçoivent mis- notre cité ne fera jamais trêve aux vengeances
sion de se rendre auprès du pcuple, de lui faire, des patriciens contre le peuple, ou du peuple
pour son retour, les conditions qu'ils jugeront contre les patriciens? Le bouclier vous convient
convenables, et de préserver les décemvirs de la mieux que l'épée. C'est assez c'est bien assez
haine et de l'exécration de la multitude. Ils par- abaisser vos adversaires, que de les réduire à une
tent, et les transports de joie du peuple les ac- égalité parfaite de droits de leur ôtcr les moyens
cueillent au camp. C'étaient sans contredit ses de nuire aux autres, en empêchant qu'on leur
libérateurs; leurs efforts avaient commencé le nuise. Au reste, voulez-vous un jour qu'on vous
mouvement et allaient le terminer. On leur ren- redoute? Recouvrez d'abord vos magistrats et vos
dit dos actions de grâces à leur arrivée. tciiius droits; arbitres de nos personnes et de notre for-
parla au nom de tout le Deuple. Ce fut lui encore tune vous prononcerez alors selon les causes.

prupe numerum in foro conspici quam togatoram alio- diliouibus ageretnr, quærentibus legatis, quæ postulata
rum ? Quid si hostes ad urhem reniant, f.icturi estis? pleb s essent, composito jam ante adventum legalorum
quid, si plehs mox uni parum secessione muveamur consilio, ea postulavit, ut appareret, in æquitale rerum
armata veniat? Occasune urbis vultis finire imperium? ylus, quam in armis, reponi spei. Potestalem enim tribu-
Atqui aut plebs non est habenda, aut habendi sunt tribuni niciam, provocationemlue repetebant, quw ante decem-
plebis. Nos citius caruerimus patriciis magistratibua viros creatos amitia plebis fuerant, et ne cui fraudi es-
quam illi plebeiis. Novam inexpertamque eam potestatem set, conscisse militesant plehem ad repetendam pnr seces-
cripuere patribus nostrs, ne nune, dulcedine semelcapti, sionem libertatem. Ue decenn irorum modo supplicioalrox
ferant desiderium quum præsertim uec nos temperemus postulatum fuit. Dedi quippe eos æquum censebant, vi-
imperiis, quo miuus illi aux'lii egeant.. Quum ha'c ex vo que igni concrematuros mmabantur. Legati ad Pa
omni parte jactarentur, victi couseusu decemviri, futu- Qua' consilii fuerunt, adeo æqua postulastis, nt ultro
ros se, quando ita videatur, in potestate Patrum affir- vobis deferenda fucriut libeitati enim ea pra'sidia peti-
mant. Id modo sinul oraut ac mouent, ut ipsis ab invi- tis, nou licentiæ ad impugnandos alios. Iræ vestræ magis
dia caveatur nec suo sanguine ad supplicia Patrum ple- iguoscendum quam indulgendum est quippe qui cru-
bem assuefaciant. delitatis odio in crudelilatem ruitis, et prius pane, quam
LIII. Tum Valerius Horatiusque,missi ad plebem con- ipsi liberi titis, dominari jam in adversarios vultis. I\un-
diliouibus, quibus videretur, revocandam componendas- quamne quiebcet civitas nostra a supplicis, aut Patrum
que res, decemviris quoque ab ira et impetu multtudinis in plebem romanam, ont plebis in Patres? Scuto vobis
præcaverejubentur. Profecti gaudioingenti plebis in cas- magis, quam gladio, opus est. Satis superque humilis est,
tra accipiuntur; quippe liberatorcs haud duliie et motus qui jure ecquo in civitate iivit nec interendo injuriam
tiaitio, et exitu rei. Ob hæc advenientihus grntiæ actæ. nec patiendo. Etiam, si quando metuendos vos præbituri
leilius pro multitudine verba l'acit. Idem, quum de con- estis, quam, recuperaits magistratibus legibusque ves-
Aujourd'hui, il vous suffit de revendiquer votre modération, qui, malgré tant de besoins et une
liberté. » multitude si grande, a respecté le champ d'autrui,
LIV. D'un accord unanime on s'en remet à la vous accompagne dans Iiome. Allez sur l'Aventin
décision des députés qui promettent de revenir d'où vous êtes partis; dans ce lieu d'un augure si
après avoir tout terminé. Ils vont exposer au favorable, où vous jetâtes les premiers fondements
sénat les conditions dont le peuple les a cliargés, de votre liberté, vous élirez vos tribuns. Le grand
et les décemvirs voyant que, contre leur attente, pontife doit s'y rendre pour tenir les comices. »
il n'est question pour eux d'aucune peine, ne se D'universels applaudissements et des transports
refusent à rien. Appius, dont le caractère farouche de joie témoignaient de J'approbation générale.
avait la plus forte part de l'aversion publique, me- Ils levent les enseignes pour se rendre à Rome, et
surant à sa haine celle qu'on lui portait, « Je n'i- font assaut de gaieté avec ceux qui viennent à
gnore point, dit-il, le sort qui m'attend. Je le vois; leur rencontre. Ils traversent en armes la ville et
on va donner des armes à nos adversaires, et jus- se rendent sans bruit sur l'Aventin; aussitôt, for-
qu'alors on diffèrede nous attaquer. Il faut du sang més en comices et présidés par le grand pontife,
à la haine. Ce n'est pas moi cependant qui mettrai ils nomment leurs tribuns, et en tête L. Virgi-
du relard à résigner le décemvirat.» Un sénatus- nius après lui viennent L. lcilius et l'. Numilo-
consulte portait que les décemvirs abdiqueraient rius, oncle de Virginie, auteurs de l'insurrection;
au plus tôt; que Q.Furius, grand pontife, nomme- ensuite C. Sicinius, descendant de celui que la
rait des tribuns populaires, et qu'on ae recher- tradition regarde comme le premier tribuns du
cherait personne pour la révolte de l'armée et du peuple élu sur le mont Sacré, et M. Duilius, qui
peuple. Ces décrets achevés, les décemvirs lèvent s'était fait remarquer dans la même charge avant
la séance, se rendent au forum, et prononcent la création des décemvirs, et dont l'appui n'avait
leur abdication au milieu des plus vifs transporls pas manqué au peuple dans sa lutte contre eux.
de joie. On va porter au peuple cette nouvelle. Les Enfin, les espérances que faisaient naître N. Titi-
députés entraînent sur leurs pas tout ce qu'il reste nius, M. Pompinius, C. Apronius, P. Villius, C.Op-
à la ville de citoyens. Cette foule en rencontre pius les fit élire bien plus que leurs services. Dès
uneautre que sa joie poussait hors du camp; on se l'entrée en charge, leilius demanda au peuple et le
félicite de la liberté, de la concorde qu'on a réta- peuple décréta l'amnistie pour toute révolte contre
blies. Les députés s'adressant à cette assembléo les décemvirs. Aussitôt après la création de deux
« Puissent votre bonheur, votre prospérité, votre consuls avec appel au peuple fut décrétée sur la
fGlicité et celle de la république, marquer ce re- proposition de M. Duilius. On prit toutes ces dé-
tour dans votre patrie, dans vos pénales, auprès cisions dans les prés Flaminiens, nommés aujour-
de vos femmes et de vos enfants Mais que cette d'hui Cirque-Flaminius.

tris, jud cia penes vos eruot de capite nostro fortunis- blicæ, redite iw patrium ad penates, conjuges, liberos-
que; tunc, ut quaque causa erit, statue,is; nuuc liber- que vestros; sed, qua hic modestiafuistis, nbi nullus
tatem repeti satis est.» ager in tot rerum usu necessario tantæ nudtitudmi est
LIV. Facerent, ut vellent,permittentibus cuortis, mox violatus, eam modestiam ferle in urbem. In Aventinum
redituros se legati rebus perlectis affirmant. Profecti ile, unde profecti estis. Ibi felici loco, ubi prima initia
quum mandata plebis Patribus exposurssent, alii decem- inchoastis libertatis vestræ, tribunos plebi creabitis.
viri, (Iuanuoquidem præter spem ipsorum supplicii sui Præsto erit pontifex niaximus, qui comitia habeat.. » In-
nulla meutio fieret, liaud quicquam abnuere. Appius, guus assensus alacritasque cuncta approbanhumfuit. Con-
truci ingenio et invidia præcipur, odium in se ahorum vellunt inde signa, profectique Romam certant cum ob-
suo in eos metiens odio, liaud ignaro, inquit, imminet viis gaudio; armati per urbem silentio in Alentinumper-
fortuna. Video, dunec arma advereariis tradantur, dif- veniunt. Ibi extemplo, pont lice maximocomitia habente,
ferri adversus nos certamen; daudus invidiæ est sanguis. Iribunus plebis creaverunt, omnium primum A. Virgi-
Nitnl ne ego quidem moror, quo mmus deceniviratu mum iude L. Icilium, et I'. Numitorium, avunculum
abeam.. laclum senaus consultum, ut decemviri se Virginiæ, auctores secessionis. Tum C. Sicinium, pro-
primo quoque tempore magistrat abdicarent.Q.Furius geuiem ejus, quem primum tribunum plebis creatum in
pontifex maximus tribunos plebis crearet et ne cui fraudi Sacro monte, proditummemoriæ est; et M. Duilhum, qui
esset secessio militum plebisque. His senatusconsultisper- tribunatum insignem ante decemviros creatos gesserat,
fectis, dimisso senatu, decemviriprodeunt in concionem, nec in decemviralibus certammibus plebi defuerat. bpo
abdicantque se magistratu ingenti hominum la,titia. deinde magis ,quam meritis, electi, M. Tdinius, M. Pom-
Nuntiantur bæc plebr; legatos, quicquid in urbe homi- ponius, C. Apronius, P. Villius, C. Oppius. Tribunatu
num supererat, prosequitur. Huic multitudiui la'ta alia inito, L. Icilius extemplo plebem rogavit, et p!ebs scivit,
lurba ex castris occurrit congratulanturhberlatem con- ne cui fraudiesset secessioab decemvirisfacta. Coufcstiin
cordiamque civitali restitutam. Legati pro concione de consulihus creaudis cum provocatione M. Duilius ro-
« Quod bonum, faustum, felixque sit vobis, reique pu- gationem pcrtulit. Ea omma in pratis Flammis conctlio
LV. Un interroi nomma ensuite les consuls les jurisconsultes, n'établissait l'inviolabilité en
L. Valérius et M. Horatius, lesquels entrèrent aus- faveur de personne, mais dévouait seulement
sitôt en fonction. Ce consulat populaire ne lésait l'auteur de toute attaque contre ces magistrats.
en rien les droits des patriciens, et fut cependant Ainsi l'édile peut être saisi et traîné en prison
en butte à leur haine. Tout ce qui se faisait pour par ordre d'un magistrat supérieur. Bien que cette
la liberté du peuple leur semblait une usurpation mesure soit illégale, puisqu'ellefrappe un homme
sur leur puissance.D'abord, il était un point dedroit que protège cette loi, cela prouve cependant que
en contestation pour ainsi dire permanente il !'édile n'est point inviolable les tribuns l'étaient,
s'agissait de décider si les patriciens étaient sou- au contraire, en vertu de l'antique serment du
mis aux plébiscites. Les cousuls portèrent dans les peuple, lors de la création de cette puissance. Ou
comices par centuries une loi déclarant que les a prétendu quelquefois que cette même loi Ilora-
décisions du peuple assemblé par tribus lieraient lia place également sous sa sauvegarde les consuls,
tous les citoyens. On donnait ainsi aux tribuns ainsi que les préteurs créés sous les mêmes aus-
l'arme la plus terrible. Une autre loi, émanée des pices qu eux; que le juge c'est le consul. Il est fa-
consuls, rétablit l'appel au peuple, unique sou- cile de réfuter cette interprétation en effet, à
tien de la liberté. Mais ce n'était point assez cette époque ce n était pas au consul, mais bien
on mit ce droit hors d'atteinte pour l'avenir, et au préteur que l'usage donnait le nom de juge.
une disposition nouvelle fit défens6 de créer au- Telles furent les lois que portèrent les consuls. Ils
cune magistrature sans appel, déclarant juste et ordonnèrentde plus, qu'on remit dans le temple de
légitime devant les dieux et devant les hommes le Ccrès, à la garde des édiles plébéiens, les sénatus-
meurtre de l'infracteur, et à l'abri de toute re- consultes que '-es consuls supprimaient jadis ou
cherche celui qui le commettrait. Le sort des plé- altéraient à leur gré. Ensuite, sur la proposition
héiens était ainsi suffisamment assuré par l'ap- de M. Duilius, tribun du peuple, le peuple dé-
pel au peuple et l'appui du tribunat; mais les con- rida, « Que laisser le peuple sans tribuns, et créer
suls, en faveur des tribuns eux-mêmes, et pour des magistrats sans appel, serait un crime puni
leur rendre une inviolabilité dont le souvenir s'é- des verges et de la hache. » Les patriciens voyaient
tait déjà presque effacé, firent revivre d'antiques toutes ces mesures avec plus de peine qu'ils n'y
cérémonies. A la religion, qui les rendait sacrés mettaient d'obstacles; car on n'avait encore sévi
on joignit une loi portant que tout agresseur des contre personne.
tribuns du peuple, des édiles, des juges, des dé- LVI. La puissant tribunitienne et lalibertédu
cemvirs, verrait sa tête dévouée aux dieux infer- peuple ainsi affermies, les tribuns pensent que le
naux, et ses biens confisqués au profit du temple moment est venu d'attaquer impunément chacun
de Cérès, de Liber et de Libéra. Cette loi, selon de leurs adversaires, et choisissent Virginius pour

plebis ac'a, quem nunc Circum Flaminium appellant. beri, Liberaeque venum iret.. Hac lege juris interpretes
LV. Per interregem deinde consules crcati L. Vale- uegant quen_quamsacrosanctum esse; sed eum qui eorum,
rius, M. Iloratius; qui extemplo magistratum accepe- cuiquam nocuerit, sacrum sancii-i. Itaque ædilem pre-
runt quorum cunsulatus popularis sine ulla Patrum in- bendi ducique a majoribus magistratibus, quod etsi non
juria, nec sine offensione fuit: quicquid enim hbertati jure fiat (noceri enim ei, cui bac lege non liceat) tamen
plebis caveretur, id suis decedere opibus credebant. Om- argumentum esse, non haberi pro sacrosancto ædilem
nium primum, quum veluti in conti-overso Jure esset, tribunos vetere jurejurando plebis, quum primum eam
tenerenturne patres plebiscitis, legem centuriatiscomitiis polestatem creavit, bacrosanctos esse. Fuere, qui inter-
tulere, Ut, quod tributim plebesjussisbet, pupulurn te- pretarentur, eadem bac Iloralia lege consulibus quoque
neret » qua lege tribunitiis rogationibus lelum acerri- et prætoribus, quia iisdem auspiciis, quibus consoles,
mum datum est. Aliam deinde consularcmlegem de pro- crearentur, cautum esse judicem emm consulem appel-
vocatione, unicum præsidium libertatis, decemvirali po- lari. Quæ refellituriuterpretatio, quod bis temporlbus
testate eversam, non restituuntmodo, sed etiam in pos- nondum consulem judicem, sed prxtorem, appellari mos
terum muniunt, sancieudo novam legem, « Ne quis ullum fuerit. Ha' consulares leges fuere. Institutum etiam ab
magistratum sine provocatione crearet qui creasset, iisdem consulibus, ut senatusconsulta in e'dem Cereris
eum jus fasque essct occidi; neve ea cœdes capitalis noxæ ad ædiles plebis deferrentur; quae antea arbitrio consulum
haberetur ». Et quum plebem hiuc provocatione, hiuc supprimebanturvitiabanturque.M. Duilius deinde tribu-
tribumtio auxilio satis firmassent, ipsis quoque tribunis, nus plebis plebem rogavit, plebesque scivit:Qui ple-
ut sacrosancti viderentur (cujus rei prope jam memoria bem sine tribunis reliquisset, quique magistratum sine
aboleverat), relatis quibusdam ex magno intervallocoeri- provocatione creasset, tergo ac capite puniretur. » Hæc
moniis, renovarunt, et quum religiune inviolatos eos, omnia ut innitis, ita non adversantibus, patriciis trans-
tum lege etiam feceruut, sanciendo, « Ut, qui tribunis acta quia nondum in quemquam unum sawiebatur.
plebis, mdilibus, judicibus, decemviris nocuisset, ejus LVI. Fundata deinde et potestate tribunitia, et plebis
eaput Jovi sacrum esset fam lia ad aedein Cerris, Li- libertate, tum tribunr aggredi singulos tutum maturum-
premier accusaleur; Appius, pour premier ac- personne libre.» Au milieu de ces murmures de
cusé. Virginius avait assigné Appius; celui-ci se l'assemblée, on entendait la voix de ce même Ap-
présenta dans le forum, escorté de jeunes patri- pius implorer la protection du peuple romain. Il
ciens, et fit revivre tout à coup le souvenir deson rappelait ses ancêtres, les services qu'ils rendi-
infâme pouvoir, par sa présence et celle de ses rent à l'état dans la paix et dans la guerre; « son
satellites. Virginius dit alors « Le discours ora- fatal dévouement au peuple romain, lorsque pour
toire ne fut imaginé que pour les causes douteuses. lui donner l'égalité dans les lois, il abdiqua le
Je ne perdrai donc pas mon temps à porter une ac- consulat en dépit des patriciens; ses lois, enfin,
cusation eu forme contre un homme de la cruauté encore debout, tandis qu'on en jetait l'auteur
duquel nos armes seules ont pu faire justice; et je dans les fers. Au reste, il verra tout ce qu'il doit
ne veux pas qu'il ajoute à ses autres crimes l'im- attendre de bien ou de mal lorsqu'il aura la fa-
pudence de se défendre. Ainsi donc, Appius Clau- culté de se défendre. Aujourd'hui, citoyen ro-
dius, je te fais grâce de tous les forfaits qu'au main, il réclame le droit commun à tout citoyen
mépris des dieux et des lois tu as accumulés l'un accusé celui de se défendre, de se soumettre au
sur l'autre pendant deux ans. Pour un crime seul, jugement du peuple romain. Il ne redoute pas tel-
celui d'avoir refusé la liberté provisoire à une per- lement la haine que l'équité et la pitié de ses con-
sonne libre, je te ferai, si tu ne choisis un juge, citoyens ne lui inspirent aucune confiance. Si l'on
conduire dans les fers. » Appius ne mettait le moin- veut, sans l'entendre, le conduire en prison, de
dre espoir ni dans l'appui des tribuns, ni dans le nouveau il s'adresse aux tribuns du peuple; qu'ils
jugement du peuple; cependant il s'adresse aux se gardent d'imiter ceux qu'ils poursuivent de
tribuns aucun ne se présente; le viateur a déjà leur haine. Si les tribuns, par leur silence, avouent
la main sur lui. « J'en appelle, n s'écria-t-il. Ce qu'ils se sont engagés à supprimer l'appel au peu-
mot, garantie suffisante de la liberté provisoire, ple par un serment semblableà celui dont ils font
sorti d'une bouche qui avait prononcé provisoi- un crime aux décemvirs, de nouveau il en ap-
rement l'esclavage, retentit dans le silence. Cha- pelle au peuple, il invoque les lois relatives à cet
cunsedit tout bas qu'il est des dieux attentifs aux appel, celles des consuls, celles des tribuns, pu-
actions humaines; que les châtiments de l'orgueilet bliées cette année même. Qui donc usera de l'ap-
(le lacruauté, pourêtre tardifs, n'en sont pas moins pel, si on eu refuse le droit à un homme qui n'est
terribles; que le destructeur de l'appel y a re- point condamné, qu'on n'a point encore entendu?
cours lui-même, et implore l'assistance du peuple,, Quel plébéien, quel citoyen obscur trouvera dans
dont il a foulé aux pieds tous les droits qu'il se voit les lois un appui qui aura manqué à Appius Clau-
trainé dans les fers et réduit à invoquer la liberté dius ? Son exemple apprendra si les nouvelles lois
provisoire celui qui condamna à la servitude une ont affermi la tyrannie ou la liberté; si le recours

que jam rati, accusatorem primum Virginium et Appium liberum corpus in servitutem addixisset; ipsius Appii,
rcum deligunt. Quum diem Appio Virginius dixisset, et inter concionis murmur fidem populi Romani imploran-
Appius, stipatus pati iciis juvembus, in forum descendis- ts, vox audicbatur. Majorum merita in rempublicam
set, redintegrata extemplo est omnibus memoria lœdis- domi militiæque commemorabat « Suum infelix erga ple-
sima' potestaris, quum ipsum satellitesque ejus vidissent. bem Romanam studium quod æquandarumlegum causa
Tum Virginius, «Oratio, inquit, rebus dubiis inventa cum maxima offensione Patrum consulatu abisset suas
est. Itaque neque ego accusaudo apud vos eum tempus leges, quibus maneutibus latorearumin vincula ducatur.
teram, a cujus crudelitate vosmet ipsi armis vindicastis Ceterum sua propria boua malaque quum causæ diceod;e
nec istuin ad cetera scelera impudentiam iu defendendo data facultas sit, tum se experturum. lu præsentia se
se adl ccre paliar. Omnium igitur tibi, Ap. Claudi, quæ communi jure cititatis civem Romanum die dicta postu-
impie nefaree lue per biennium alia super alia es ausus lare ut dicere liceat, ut judicium populi Romani eipe-
gratiam lacio unius tantum criminis ni judicem dices, rit i. Non ita se invid am pertimuisse, ut nihd in æquitate
te ab libertate in servitutem contra leges vindicias non et misericordia civium suorum spei b.ib ·at. Quod si iu-
dedissc, in vincula te duci jubé) ». Nec in tribumtio au- dicta causa iu vincula ducatur, iterum se tribuuos pltbei
xilio Appius, nec in judicio populi ullam spem habebat; appellare, et monere, ne imitentur, quos oderint. Quod
attamen et tribunos appellavit; et, nullo morante, arrep- si tribuai eodem fœdere obligatos se fateantur tollendæ
tus a viatore, l'rovoco, inquit. Audita vox una vindex appellationis causa, in quam conspirasse decemviros cri-
libertatis, ea eo missa ore, quo vmdiciæ nuper ab liber- minati sint, at se provocare ad populum implorare leges
tate dicta? erant, silentium fecit Et, dum prose quisque, de provocatione et consulares, et tribunilias, eo ipso
Deos tandem esse, et non negligere humana, fremunt, anno latas. Quem enim provocaturum si hoc indemnalo
et superbiæ crudelitatique, etsi seras, non levez tamen iudicta causa non liceat? cui plebeio et humili præsidium
vemre pœuas provocare, qui provocationem sustulisset; iu legibus fore, si Ap. Claudio non sit? se documente fu-
et implorare præsidium populi, qui omuia jura populi turum, utruin novis legibus donmatio, en libertas fir-
ebtrisset, rapique in vincula egentem jure libertatis, qui n a'a st. et appellatio provcaatroque adversus iupuriam
et l'appel au peuple, ces deux barrières élevées berté. Appius fui conduit en prison, et le tribun
contre l'injustice des magistrats, sont une réalité, remit son assignation à un autre jour. Cependant
ou s'ils n'existent que dans de vains caractères. des députés vinrent à Ilome de la part des Latint
LVII. Virginius réplique « Que le seul Appius et des Herniques féliciter le sénat et le peuple du
est hors de toute loi, hors de toute société civile retour de la concorde; et, à celle occasion, ils por-
et humaine. On n'a qu'à jeter les yeux sur ce tri- tent au Capitole, et offrent à Jupiter, très-bon et
bunal, repaire de tous les crimes. Là, ce décem- très-grand, une couronne d'or d'un poids médio-
vir perpétuel se jouait des biens, des personnes, cre, comme les fortunes de ce temps où la religion
du sang des citoyens; tenait sans cesse levées sur se parait de piété plutôt que de magnificence. On
eux ses verges et ses haches, et, bravant les dieux apprit de ces députés que les Éques et les Volsques
et !es hommes, entouré de bourreaux et non de faisaient tous leurs efforts pour se préparer à la
licteurs, passant des rapines et du meurtre à la dé- guerre. En conséquence, les consuls eurent ordre
bauche, il avait osé, sous les yeux du peuple ro- de se partager les commandements. La guerre des
main, traiter une jeune fille libre comme une pri- Sabins échut à Horatius; à Valérius, celle des
sonnière de guerre, l'arracher des bras de son Èques et des Volsques. Ils décrètent l'enrôlement
père, et la livrer à son client, ministre de ses tur- pour l'armée. L'affection du peuple pour eux était
pitudes. C'est là que, par un arrêt barhare, par telle, que non-seulement les jeunes gens, mais
une horrible sentence, il avait armé la main d'un aussi une foule de volontaires, dont la plupart
père contre son enfant. C'est là que, pour avoir avaient achevé le temps de leur service, s'empres-
recueilli le corps palpitant de la jeune fille, il avait sèrent de se faire inscrire. Cette incorporation des
condamné son fiancé et son oncle à être jetés en vétérans rendit l'armée aussi redoutable par le
prison plus sensible aux obstacles apportés à ses choix que par le nombre des soldats. Avant de
désirs infâmes qu'à la mort de sa victime. C'est quitter Rome, les consules firent exposer en public,
aussi pour lui que fût construite cette prison qu'il gravées sur t'airain, les lois décemvirales, connues
prenait plaisir à nommer le domicile du peuple sous le nom de lois « des douze tables. o Quelques
romain. Qu'Appius renouvelle son appel qu'il le historiens prétendent que, sur l'ordre des tribuns,
réitère cent fois; autant de fois il le sommera lui- les édiles se chargèrent de ce soin.
même de choisir un juge qui décide-s'il n'a pas, LVIII. C. Claudius, détestant les crimes des
provisoirement,décrété l'esclavage; s'il s'y refuse, décemvirs, et surtout la hrannie de son neveu,
il le tient pour condamné et ordonne sa mise aux s'était retiré à Régille, antique berceau de sa fa-
fers. » Personne ne paraissait improuver ces me- mille. Malgré son grand âge, il en revint pour con-
sures mais les esprits étaient profondément émus, jurer le péril qui menaçait t'homme dont il avait
et ce traitement, infligé à un personnage si élevé, fui les vices. Vêtu en suppliant, accompagnéde sa
faisait craindre au peuple l'abus de sa propre li- famille et de ses clients, il s'adressait à chacun

magistratuumostentata tantum inanibus litteris, an vere retur, in carcerem est conjectus tribunus ei diem pro-
data sit. » dixit. lnter hæc ab Latinis et Hernicis legati gratulatum
LVII. Coutra ea Virginius, « Unum Ap. Claudium et de concordia Patrum ac plebisRomam venerunt; donum-
leguin expertem et civilis et humani fœderis esse, aiebat. que ob cam Jovi optimo maximo coronam auream in Ca-
Respicerent tribunal homines, castellum omnium scele- pitolium tulere parvi ponderis, prout res haud opulents
rum ulri decemvir ille perpetuus, bonis, tergo, san- erant, colebanturquereligiones pie magis quam ntagni-
guini civium infestus, virgas securesque omnibus mini- fice. lisdem auctoribus cognitum est, Nquos Volscosque
tans, deorum homioumque contemptor, carnificibus, summa vi bellum apparare.ltaque partiri provincial con.
non lictoribus, stipatus, jam ab rapmis et cædibus ammo\ sules jussi. Horatio Sabini, Valerio Æqui Volscique eve-
ad libiddinem verso, virginem ingenuam in oculis populi nere. Quum ad ea bella delectum edixissent, favore plebis
Romani, velut bello captam, ab complexu patris abrep- non juniores modo, sed emeriitis etiam stipendiis, pars
tam, miuistro cubiculi sui clienti dono dederit. Ubi magna voluntariorum,ad nomina danda præsto fuere, eo-
crudeli decreto nefandisque vindiciis dextram patris in que non copia modo, sed genere etiam militum, vetera-
filiam armaverit; ubi, tollentes corpus semianime virgi- nis admixtis, firmior exercitus fuit. Priusquamurbem
uis, spoosum avunculumque in carcerem duci Jusseril; egrederentur, leges decemvirales, quibus tabulis duo-
stupro interpellato magis, quam caede, motus. Et illi car- decim est nomen, in ces incisas in publico proposuerunt.
cerem ædificatum esse, quod domieilium plebis Romanæ Sunt, qui jussu tribuuorum ædiles functos eo ministerio
vocare sit solitus. Proinde ut ille iterum ac sæpius pro- scribant.
vocet, sic se iterum ac sapius judicem illi ferre, ui vm- LVIII. C. Claudius, qui perosus decemvirormu sce-
dicias ab libertate in servitutem dederit si ad judicem lera, et ante omnes fratris lilü superbiæ infestus, Regli-
non eat, pro damnato in vincula duci jubere. » Ut baud lum, antiquam in patriam, se coutulerat, is magno jam
quoquani improbante, sic magno motu animorum quum nain, quum ad pericula ejus deprecanda redisset, cujus
lanh viri supplicio suamet plobi jam mmia libertas vide- vitia fugerat, sordidatus cum gentihbus clientibusque
dans le forum, et priait qu'on épargnât à la famille moin qui comptait vingt-sept campagnes et huit
Claudia celte tache de lutnte qui la classerait parmi récompenses extraordinaires. Il montre au peuple
les gens dignes de la prison et des fers. « Cet homme, les dons qu'on lui décerna, déchire sa tunique et
disait-il, dont la postérité honorerait l'image, découvre son dos lacéré par les verges. Pour toutu
le législateur de Rome, le fondateur du droit ro- plainte il dit que si l'accusé peut lui imputer le
main, gisait dans les fers, au milieu des voleurs moindre délit, quoique rentré dans la vie privee,
nocturnes et des brigands. Si l'on met un instant il ama le droit de sévir de nouveau contre lui.
de côté le ressentiment pour écouter à la réflexion, Oppius, à son tour, est jeté dans les fers, et,
on aimera mieux accorder à tant de Claudius celui avant le jour du jugement, il met aussi fin à sa
que réclament leurs prières, que de rendre, en vie. Les tribuns ordonnèrent la confiscation des
haine d'un seul, tant de prières inutiles. Il n'a biens de Claudius et d'Oppius. Les autres décem-
lui-mvme en vue que sa famille et son nom, et virs se condamnèrentà l'exil, et leurs biens fu-
n'est nullement réconcilié avec celui qu'il vient rent aussi confisqués. M. Claudius, ce maitre pré-
secourir dans son malheur. Le courage a recon- tendu de Virginie, fut cité et condamné. Grâces
quis la liberté, la clémence établira l'union des à Virginius, il échappa à la peine de mort; et,
deux ordres sur des bases solides. » Quelques-uns après le jugement, s'exila à Tibur. Les mânes do
se sentaient émus du dévouement de ce vieillard Virginie, plus heureuse morte que pendant sa vie,
bien plus que du sort de celui qui en était l'objet. après avoir erré, pour satisfaire leur vengeance,
Alais Virginius réclamait leur pitié pour lui et autour de tant de maisons, quand disparut le der-
pour sa fille. « Ce n'est point cette famille Claudia, nier coupable, trouvèrent enfin le repos.
dont le caractèreestde tyranniserle peuple, qu'on LIX. Une terreur profonde s'était emparée des
doit écouter, mais les amis de Virginie et les patriciens, et déjà la vue des tribunis produisait
prières des trois tribuns qui, nommés pour prê- l'effet de celle des décemvirs; mais M. Duilius,
ter leur appui au peuple, demandent à ce même tribun du peuple, mettant à ce pouvoir excessif
peuple son appui. Leurs larmes paraissaient plus un frein salutaire «C'est assez de liberté, s'é-
justes. Aussi, Appius, perdant tout espoir, n'at- cria-t-il, c'est assez de représailles; je ne souf-
tendit pas le jour de l'assignation et se donna la frirai plus, cette année, qu'on assigne personne,
mort. Numitorius, ensuite, s'attache à poursuivre qu'on jette personne en prison. Je n'approuve
Sp. Oppius, le plus odieux des autres décemvirs pas, en effet, qu'on recherche d'anciens délits
il se trouvait à Itome à l'époque de l'arrüt inique déjà effacés, quand le châtiment des décemvirs a
de son collègue. Les crimes personnels d'Oppius expié les nouveaux. Il ne se passera rien qui ap-
firent cependant son malheur bien plms que ceux 1 pelle l'intervention des tribuns; j'en trouve la
qu'il n'avait pas empêchés. On produisit un té- garantie daus la sollicitude constante des consuls

foro prensabat singulos, orabatque, «he Claudiæ genti Oppio, qnam nou prohibita, invidie fecit. Testis pro-
eam inustam maculam vellent, utcarcereet vinculis vide- ductus, qui, septem et viginti enumeratis stipondns,
rentur digni virum honoratissimæ imaginis futurum ad octies extra ordinem donatus, donaque ea gerens in con-
posteros, legum latorem conditoremque Romani jmis, épectu populi, scissa veste tergum laceratum virgis os-
jacere vinctum inter fures noclurnos ac latrones. Averte- tendit, nihilum deprecans, « Quin, si quam suam noxam
rent ab ira parumper ad cogmtionem cogitationemque reus dicere posset, privatus iterum in se sæviret. » Oppius
ammos et potius unum tot Claudiis deprecantibuscon- quoque ductus in vincula est, et ante judicii diem finem
donarent, quam propter unius odium multorum preces ibi vitas fecit. Bona Claudii Opprique tribuni publicavere.
aspernarentur. Se quoque id generi ac nommi dire, nec Collegæ eorum exsilii causa solum verterunt; bona pu-
cum eo in gratiain redisse, cujus adversæ fortunæ velit Idicata sunt. Et M. Claudius, 8ssertor Virginiæ. die dicta
succitrsum. Virtute libertatem recuperatam esse cle- damnatus, ipso remitleute Virginio ultimam pœnam, di-
menta concordiam ordinum stabiliri posse. Erant, missus Tibur exsulatum abiit maoesque Virgimæ, mor-
quos moveret sua magis pietate, quam ejus pro quo tum quam i ivae felicioris per lot domos ad p G ndas pœ-
agebat, causa. Sed Virginius, « Sui potius ut misereren nas vagati, nullo relicto sonte tandem quieverunt.
tur, orabat, filiæque; nec geutis Claudiæ, regnum in LIX. Ingens metus incesserat Patres, vultusque jam
plebem sortitæ, sed necessariornm Virginiæ et trium iidem tribunorum eranl, qui decemvirurum fuerant,
tribunorum preces audirent; qui, ad auxilium plebis quum M. Dnilius tribunns plchis, inhibito salubritermodo
creati, ipsi plebis fidem atque auxilium implorarent. » nimiæ potestatis, Et libertaiis, inquit, nostræ et pœ-
Justiores hx tacrimae videbantur. Itaque, spe incisa, narum ex inimicis satis est itaque hoc anno nec diem
priusquam prodicta dies adesset, Appiussibi mortem con- dici cuiquam, nec in vincula duci quemquam suni passu-
seivit. Subinde arreptus a P. Numitorio Sp. Oppius, rus. Nam neque vetera peccata repeli jam olditerata pla-
proximus invidiæ, quod in urbe fucrat, quum injustæ cet, quum nova expiata sint decemvirorum supplious, el
vindiciæ a collega dicerentur. Plus tamen facta injuria nihil admissum iri, quod vim tribunitiam desideret,
pour votre liberté. » Cette modération du tribun pour combattre. Instruit de ces dispositions, le
eut un double effet; elle dissipa la frayeur des consul leur rend la terreur qu'ils avaient apportée
patriciens et accrut leur haine contre les con- naguère; il range son armée en bataille, et pro-
suls. Ils leur reprochaient d'être si dévoués au voque à son tour l'ennemi. Ceux-ci sentant qu'ils
peuple que les patriciens se trouvaient redevables ne sont pas en forces évitent le combat. Le cou-
de leur salut et de leur liberté à un magistrat rage des Romains s'enflamme aussitôt, et ils re-
plébéien, plutôt qu'à ceux de leur ordre. Leurs gardent comme vaincus des liommes qui tremblent
ennemis étaient rassasiés de leurs supplices avant derrière leurs retranchements. ils passent tout le
que les consuls songeassent à prévenir ces exces. jour sous les armes, prêts à combattre, et se re-
Nombre d'entre eux accusaient de lâcheté l'appro- tirent avec la nuit; pleins d'espérances, ils pren-
bation que les sénateurs avaient accordée à leurs nent de la nourriture et du repos. En proie à
lois; et il n'était pas douteux que, dans toutes ces des pensées bien différentes, les ennemis dépê-
révolutions, ils n'eussent subi l'empire des cir- chent à la hâte des courriers de tous côtés pour
constances. rappeler les pillards. On ramena les plus rappro-
LX. Les consuls, après avoir réglé les affaires de chés; il fut impossible de rejoindre les autres. Au
la ville et assuré le sort du peuple, se rendirent point du jour, les Romains sortent de leur camp,
chacun dans son département. Valérius avait en prêts à attaquer les palissades, si l'on refuse lo
tête les armées des Volsques et des Èques réunies combat. Le jour était déjà avancé, l'ennemi no
sur l'Algide; il soutint la guerre par sa prudence. bougeait point; le consul ordonne l'attaque. L'ar-
S'il eût teuté sur le champ la fortune, je ne sais mée s'ebranie mais les Volsques et les Èques
si dans la disposition d'esprit où les revers des dé- s'indignent que des armées victorieuses cherchent
cemvirs avaient laissé les Romains et leurs enne- leur salut derrière des retranchements plutôt
mis, la lutte n'eût pas été pour nous des plus fa- que dans leur courage et dans leurs armes. Ils
tales. Son camp était à un mille de l'ennemi; il y demandent donc à leurs chefs et en obtiennent
retenait son armée. Les autres, rangés en bataille, le signal du combat. Une partie de leurs troupes
occupaient de leurs lignes tout l'espace renferme était déjà sortie des portes les autres marchaient
entre les deux camps. Ils provoquaientau combat à la suite, et descendaient pour prendre leurs
les Romains, dont aucun ne répondait. Las enfin postes respectifs; mais le consul romain n'attend
de leur immobilité et d'attendre inutilement le pas que la ligne ennemie soit renforcée de tous ses
combat, les Èques et les Volsques, prenant en bataillons, et commence l'attaque. Il choisit l'in-
quelque sorte ce silence pour un aveu de leur vic- stant où tous ne sont pas encore sortis, et où ceux
toire, vont piller, les uns chez les Herniques, les qui le sont n'ont point encore formé leurs rangs, et
autres chez les Latins, et laissent dans le camp ressemblent une foule d'hommes errantsau ha-
assez de moude pour le garder, mais pas assez sard et cherchantà se reconnaître. A ce trouble des

sponilet perpetua consulum amborum in libertate vestra pars in Hernicos, pars in Latinos prædatumabeunt.Re-
tuenda cura. » Ea primum moderatio tribuni metum Pa- linquitur niagis cabtris præsidium, quam satis viriuut ad
tribus dempsit, eademque auxit consulum invidiam;quod certamen. Quod ubi consul sensit, reddit illatum antea
adeo toti plebis fuissent. ut Patrum salntis libertatrsque terrorem iustructaqueacie ultro hostem lacessit.Ubi illi
priorplebeiomagistratui, quam patricio, cura fuisset; et couscientia quid abesset virium, detrectavere puguam,
auteinimicossatietas pœnarumsuarumcepisset, quam ob- crevit extemplo Romanis animus, et pro victis habebant
viam ituros licentiæ eorum consules appareret. Multique paventes intra vallum. Quum per totum diem stetissent in-
erant, qui mollius cousultura dicereut, quod legum ab tenti ad certamen uoeli cessere. Et Romaui quidem pleni
iis latarum Patres auctores fuissent neque erat dubium, spei corpora curabant Haudquaquam pari hostes anima
quin turbato reipublicæ statu, tempori succubuissent. nuntios passim trepidi ad revocandos pra'datores dimit-
LX. Consules, rebus urbauis compositis, fundatoque tunt. Recurritur ex proximis locis; ulterioresnon inventi.
Irlebis statu, in provincias diversi abicre. Valerius adver- Ubi illuxit, egreditur castrisRornanus,valluminvasurus,
sus conjunctos jam in Algido exercitus AEquorumVolsco- ci copia pugnæ lieret et, postquam multa jam dies erat,
rumque sustinuit consiho bellum. Quod si extemplo rem ueque movebalur quicquam ab hoste, jubet sigoa inferri
fortunæ commisisset, haud scio, an, qui tum animi ab consul motaque acie, indignatio Æquos et Volscos in-
dccemvirorum mfelicibus auspiciis Romanis hobtibusque cessit, si victores exercitus vallum potius, quam virtus et
eraut, maguu deli imento certamen stdturum fuerit. Cas- arma tegerent. lgitur et ipsi efllagitatum ab ducibus sig-
tris, mille pas,uum ab hoste positis, copias continebat. nuin pugnæ acccpere. Jamque pars egrcssa portis erat,
Ilostes médium inter bina castra spatium acie instructa deinceps que alii serval aut ordiuem, in suum quisque lo-
complebant; provocauiibusque ad prælium responsum cun) d 'scen lentes, quum consul Romanus prws, quam
Romauus nemo rcd febat. Trndcm fatigati stando, ac ne- to is ritibus flla constaret hostium actes, intulit signa
quicquam exspectando certamen, AEqui Volscique, post- adortusque nce omues dum eductos nec qui erant sa-
quam concesum propemodum de victoria credebant, tis explicatis ordinibus, prope fluctuantem turbam trepi-
esprits viennent se joindre les cris et 1 impétuo- que l'esprit des soldats romains est, après la ruine
sité des Romains qui fondent sur eux. Les enne- des décemvirs, le même qu'il était avant la créa-
mis reculent au premier choc. Ensuite, reprenait tion de ces magistrats. » A peine a-t.il prononcé
courage, et ramenés par les reproches de leurs ces mots dans les rangs de l'infanterie, qu'il vole
chefs, qui leur demandent de toutes parts s'ils vers les cavaliers. « Allons dit-il, jeunes gens,
veulent fuir devant des vaincus, ils rétablissent que votre courage, autant que la noblesse de votre
le combat. rang, vous place au-dessus des fantassins. Au
LXI. Le consul, de son côté, recommande aux premier choc l'ennemi a reculé devant eux. Char-
Romains de « se souvenir que c'est la première fois, gez-le de toute la vitesse de vos chevaux et chas-
depuis leur nouvelle liberté qu'ils combattent sez-le du champ de bataille. Il ne soutiendra pas
pour la liberté de Rome. C'est pour eux-mêmes votre impétuosité, et maintenant même il hésite
que sera la victoire, et non pour que les vain- plutôt qu'il ne résiste. n Ils pressent aussitôt leurs
queurs soient la proie des décemvirs. Ils ne mar- chevaux et les lancent sur l'ennerni déjà ébranlé
chent point sous un Appius, mais sous le consul par l'infanterie. Ils rompent ses lignes et courent
Valérius, issu des libérateurs et lui-même libéra- jusqu'aux dcrnios rangs; là, une partie trouve le
teur du peuple romain. Ils ont à prouver que dans champ libre et fait demi-tour, coupe à la plupart
les précédentes batailles c'est aux chefs et non aux des fuyards la retraite du camp, et les en éloigne
soldats qu'ila tenu qu'on ne fut victorieux. Il se- en galopant autour de l'enceinte. L'infanterie,
rait honteux d'avoir montré plus de courage con- le consul lui-même et le gros de la mêlée se por-
tre leurs concitoyens que contre leurs ennemis, et tent vers le camp, qui bientôt est emporté. On y
d'avoir repoussé avec plus de force le despotisme fit un grand carnage, et un butin plus grand en-
des leurs que le joug de l'étranger. Virginie avait core. La nouvelle de ce combat fut portée à la
été la seule jeune fille dont la pudeur eût été en ville, ainsi qu'à l'autre armée, dans le pays des
péril durant la paix Appius, le seul homme dont Sabins. A Home, on l'accucillit avec joie; au
la passion eût été à craindre mais, si le sort de camp elle excita dans le cœur des soldats une
la guerre leur est contraire, leurs enfants, à tous, noble émulation, Déjà Horatius, en les exerçant
seront exposés à la violence de ces milliers d'en- par des courses sur les terres ennemies, et par de
nemis. Il n'a garde de prévoir des périls que Ju- légères escarmouches les avait accoutumés à
piter, que Mars, père de Rome, ne laisseront point compter sur leurs forces, à oublier leurs défaites
tomber sur une ville fondée sous de pareils auspi- sous les décemvirs, et ces petits combats étaient
ces. a 11 leur rappelle l'Aventin et le mont Sacré. un encouragement à de plus grandes espérances.
« Qu'ils iapportent entière la puissance romaine Les Sabins, cependant, exaltés par leurs succès
dans ces lieux, quelques mois auparavant témoins de l'annéc précédente, ne cessaient de les délier,
de la conquête de leur liberté; il faut montrer et leur demandaient « à quel résultat pouvaient

dantium buc atque illuc, circumspectantiumque se ae fuerit nec, æquatis legibus, imminutam virtutein pu-
suos addito turbatis mentibus clamore atque impelu in- puli Romani esse. Hæc ubi inter signa peditum dicta
vadit. Retulere primo pedem hostes; deinde, quum aui- dedit, avolat deinde ad équites, Agite. juvenes, inquit,
mos collcgissent, et uudinue duces, victisne cessuri es- præstate virtute pcdileni, ut honore aldue ordine prre-
tent, increparent, restituitur pugna. statis. Primo concursu pedes movit hostem pulsum %os,
LXI. Consul ex altera parte Romanos a meminisse ju- immissis equis, exigite e campo. Non sustinebunt impr-
bebat, illo die primum liberos pro libera urbe Romana tum et nunc cunctantur magis, qu m resistunt. » Con-
pugnare. Sibimet ipsis victuros non ut decemvirorum citant equos, permittunlquein hostem,pedestri jam tur-
mctores pra'mium essent. Non Appio duce rem geri sed batum pugna et perruptis ordinibus, elati ad novissi-
consule Valerio, a libcraloribus pupuli Romani orlo, mam aciem, pars libero spatio circnmvecti, jam fupam
liberatore ipso. Ostenderent, prioribus pra-liis per duces, undique capessentes plerosque a castris avertunt, præter-
non per milites, stetisse ne vincerent. Turpe esse, eqmtantesque absterrent. Peditum acies, et consul ipse,
contra cives plus animi habuisse, quam contra hosles; et visque omnis belli fertur in castra captisque cum ingenti
domi, quam foris, servitutem magis timuisse. UnamVir- cade, majore prada potitur. Hujus pugnæ fallla perlaI
gmiam fuisse, cujus pudicitiæ in pace perieulum es%et, non in urbem modo, scd in Salinos ad alterum exerci-
unum Appium civem periculosae libidinis. At, si fortuna tum. In ttrbe lætitia modo celebrata est; in castris ani-
belli inclinet, omnium hberis ab lot millibus hostium pe- mos militum ad æmulandum decus accendit. Jam Hora-
ricnlum fore. Nolle ominari, quæ nec Jupiter, nec Mars tius eos, excursionibus snfficicndo, præliisque levibus
pater passuri sint iis auspiciis conditæ urbi accrdere. » experiundo assuefecerat sibi potius fidere, quam memi-
Aventini Sacrique montis admonebat, ut, ubi liberlas nisse ignominiæ decemirorumductuacce; tæ; parvaque
parta esset paucis ante mensibus, co imperium illiibatum certamina in summam totius profecerant spei. Nec ces-
referrent; ostenderentque, eamdem indalem militibus sabant Sabini, feroces ab re priore anno bene gesta,
Romams post eiactos decemviros esse, quae ante crcatos lacessere atque mstare rogitantes, « Quid latrocmli
prétendre de petits corps qui, semblables à des demain au combat. Le reste de la journée se passe
bi igauds, se montraient et disparaissaient tour à à préparer les armes. Le jour suivant, dès que les
tour? C'était perdre le temps pourquoi diviser Sabins voient se former l'armée romaine, ils s'a-
en une foule d'escarmouches l'objet d'une seule vancent à leur tour, et brûlent d'en venir aux
affaire ? Pourquoi n'en pas venir aux mains, et mains. Le combat fut ce qu'il devait être entre
ne pas s'en remettre une fois encore à la décision deux armées pleines de confiance en elles-mêmes,
de la fortune?» stimulées encore, l'une, par ses anciens par ses
LXII. Au courage qu'ils ont repris d'eux-mêmes, éternels succès, et l'autre, par une victoire ré-
se joint chez les Komains l'indignation dont les en- cente. La prudence vint en aide aux forces des
flamment ces reproches. Déjà, disaient-ils, l'au- Sabins. Outre qu'ils opposent à leurs adversaires
tre armée allait rentrer triomphante dans la ville, un front de bataille pareil au leur, ils tiennent
et eux, ils étaient en butte aux insultes et aux ou- en réserve deux mille hommes destinés à tomber
t rages de l'ennemi.Quand donc, si ce n'est à celte sur l'aile gauche des Romains au plus fort de l'ac-
heure, les croira-t-on capables de se mesurer avec tion. Cette aile prise en flanc et enveloppée, al-
lui? Des que le consul s'aperçoit qu'on mur- lait être écrasée, lorsque les cavaliers de deux
mure dans le camp, il assemble ses troupes; «Sol- légions, au nombre d'environ six cents, sautent de
dats, leur dit-il', vous savez,jepense, ce qui s'est cheval, et se portent au premier rang, au milieu
passé sur l'Algide. L'armée s'y est montrée digne de leurs camarades qui fléchissaient déjà; outre
d'un peuple libre. Les sages dispositions de mon qu'ils présentent à l'ennemi de nouveaux adver-
collègue, la valeur des soldats leur ont donné la saires, la par t qu'ils prennent au péril, la honte
victoire. Pour moi, je ne prendrai de conseils et enfin, réveillent le courage des fantassins. Ils
de résolutions que ceux que vous me suggérerez rougissaient de voir la cavalerie remplir les fonc-
vous-mêmes. Nous pouvons prolonger la guerre tions de son arme et de la leur, et de ne pas va-
avecavantage, nous pouvons la terminer prompte- loir même un cavalier démonté.
ment. Si je prends le premier parti, j'accroîtrai LXIII. Ils retournent au combat qu'ils ont
chaque jour, par les mêmes moyens qui les ont abandonné, et reprennent le poste d'oii ils s'é-
préparés, %os espérances et votre courage. Si vous taient retirés. Un moment suffit non-seulement à
vous sentez assez de coeur pour tenter la fortune, rétablir l'équilibre, mais encore à faire plier à
eh bien 1 qu'un cri semblable à celui que vous son tour l'aile des Sabins. Les cavaliers, protégés
poussiez sur le champ de bataille me soit garant par ces rangs de l'infanteric, regagnent leurs che-
de vos intentions et de votre valeur. » Le plus vif vaux, volent à l'autre extrémité, pour lui an-
enthousiasme accompagnece cri. Leconsul faitdes noncer leur victoire et chargent l'ennemi déjà
vœux pour que le succes couronne leurs efforts ébranlé par la déroute de son aile principale. Au-
promet de les satisfaire, et de les conduire le len- cun corps ne montra plus de valeur dans cette

modo procursantes pauci recurrentesque tererent tem- randis armis consumptum est.Pestero die simili instrui
pus, et in multa prœlia parvaque carperent summam Romanam acieru Sabmi videre, et ipsi, jam pridem avidi
unius belli P Quin illi congrederenturacie, inclinandam- certaminis, procedunt. Prwlium fuit, quale inter fidentes
que seniel fortunæ rem darent? sibimet ambo exercitus, veteris perpetuæque victoriæ
LX1I. Ad id, quod sua sponte satis collectum animo- alterumgloria, alterum nuper nova victoria eh tum. Con-
rumerat, indignitate etiam Romani accendebantur.« Jam silio etiam Sabini vires adjuvere nam quum æquassent
alterum exercitum victorem in urbem rediturum sibi aciem, duo extra ordinemmillia, quæ in smistrum cornu
ullro per contunteliashostem insultare quando autem se, Romanorum in ipso certamine impressionem facercut,
si tum non smt, pares hustibus fore? Ubi ha'c fremere tenuere. Quæ ubi, illalis ex transverso signis, degrava-
militem in castris consul sensit concione advocata bant prope circumventum cornu; equites duarum legio-
« Quemadmodum,in(liiit, in Algido res gesta sit, arbi- aum sexcenti fere ex equis desiliunt, cedentibusque jam
tror vos, milites, audisse. Qualem liberi populi exercitum suis provolant in primurn; simulque et hosti se opponunt,
decuit esse, talis fuit consulio collegæ, virtute militum et, æquato primum periculo, pudore deinde ammos pe-
victoria parta est. Quod ad me attinet, id consilii animi- ditum accendunt. Verecundiw erat, equitem suo alieno-
que habiturus sum, quod vos mili effeceritis. Et Irahi que Dlarte pugnare peditem ne ad pedes quidem de-
bellum salubriter,et mature perilci potest. Si trahendum gresso e(luiti parein es e.
est, ego ut iu dies spes virtusque vestra crescat, eadem, LXIII. Vadunt igitur in prælium ah tua parte omis-
qua institui, disciplina efficiam. Si jam satis animi est, sum et locum, ex quo cesserant, repetunt momento-
decerniqueplacet, aguedum, clainorem, qualem in acie que non restitula modo pugna, sed inclinatur etiam Sa-
sublatut-i estis, tollite hic, indicem voluntatis virtutisque binis cornu. Eques inter ordines peditum tectus se ad
vestrae.. Postquam ingenli alacritate clamor est sublatus, equos recipit; transvolat inde in partem alteram, suis
Qnnd bene vertat, gesturum se illis morem posteroque victoriæ nunlius; simrtl et in hostes jam pavidos, quippe
die in aciem deducturum, » affirmat. Reliquum diei appa- fuso sua partis validinre cornu, impetum facit. Non alio-
journée. Le consul a l'œil à tout, félicite les bra- foule d'opposants, on remarquait C. Claudius,
ves, et gourmande ceux qu'il voit mollir. Ses re- dont les cris reprochaientaux consuls « de vouloir
proches élèvent leur courage à l'égal des plus in- triompher du sénat et non de l'ennemi. Ils de-
trépides, et la honte opère sur eux effet de la mandaient cette faveur comme prix de services
louanDe sur les autres. Ils poussent un nouveau privés rendus à un tribun, plutôt qu'en récom-
cri, unissent partout loirs efforts, et culbutent pense de leur courage. Jamais, jusque là, on n'a-
une armée qui ne résiste plus à la valeur romaine. vait consulté le peuple pour le triomphe. L'ap-
Les Sahins se dispersent dans la campagne, et préciation des droits à cet honneur, la décision qui
laissent leur camp devenir la proie de l'ennemi. l'accorde, furent toujours le privilége du sénat.
Ce ne fut point cette fois, comme sur l'Algide, Les rois eux-mêmes n'avaient pas attenté à la ma-
les dépouilles de nos allics que recouvrèrent les jesté de cet ordre suprême. Les tribuns devaient
Romains, mais bien les leurs perdues dans le ra- se garder d'étendre à ce point leur puissance,
vage de leurs campagnes. Pour cette double vic- qu'il n'y eût plus à Rome de conseil public. La
toire, remportée en deux lieux divers, le mauvais liberté régnerait enfin dans la ville, et une juste
vouloir du sénat ne décréta qu'un seul jour de balance dans les lois, lorsque chaque ordre s'en
supplications en l'honneur des consuls. Le peu- tiendrait à ses droits, et ferait respecter sa di-
ple, néanmoins sans y être appelé, se rendit en gnité. » Cette opinion fut suivie et développée par
foule aux supplications, le jour suivant, et cette le reste des plus anciens sénateurs; néanmoins
démonstration libre et populaire eut en quelque toutes les tribus adoptèrent la proposition et,
sorte plus d'éclat par l'intérêt qu'on y prit. Les pour la première fois, on décerna le triomphe par
consuls, comme ils en étaient convenus, entrè- l'ordre du peuple, et sans l'autorisation du sénat.
rent dans Rome à un jour l'un de l'autre, et con- LXIV. Cette victoire des tribuns et du peuple
voquèrent le sénat dans le champ de Mars. Ils leur inspira une fâcheuse confiance; elle ameua les
y rendaient compte de ce qui s'était passé, lors- tribuns à s'entendre pour leur réélection, et, afin
que les principaux du sénat se plaignent qu'on de voiler leurs projets ambitieux, pour celle des
les ait à dessein réunis au milieu des soldats, afin consuls. Ils alléguaient que les sénateurs avaient
d'agir sur eux par la terreur. Les consuls pour résolu, en outrageant les consuls, de miner les
ôter tout prétexte à ces plaintes, transférèrent droits du peuple. « Qu'arriverait-il si, dans un
l'assemblée dans les prés Flaminiens, où l'on voit temps où les lois étaient encore roal affermies, des
aujourd'hui le temple, et où se trouvait alors déjà consuls, soutenus de leurs factions, attaquaientles
le cirque d'Apollon. L'immense majorité des sé- tribuns encore neufs dans leur charge? On ne ver-
nateurs vote contre le triomple; L. Icilius porte rait pas toujours des consuls comme Valérius et
cette question devant le peuple. Au milieu d'une Horatius, préférant la liberté du peuple à leurs

rum eo præno virtus magis enituit. Consul providere maxime C. Claudio vociferante « de Patribus, non de
omnia, landare fortes, increpare, sicubi segnior pugna hostibus, consoles triumphare velle gratiamque pro pri.
esset. Castigati fortium statim virorum operam edebant; vato merito in tribunum, non pro virtute honorem peti.
tantumque hos pudor, quantum alios Idudes excitabant. Nunquam an:e de triumpho per populum actum; semper
Redintegrato clamore, unique omnes connisi hostem æstimationem arbitriumque ejus honoris pênes senatum
avertunt; nec demde romana vis sustiueri pntuit. Sabini fuisse ne reges quidem majestatem summi ordinia im-
fusi passim per agros, castra hosti a J prædam relinquunt. minuisse. Ne ita omnia tribuni potestatis suae implerent,
Ibi non sociorum, sicut in Algido, res, sed suas Roina- ut nullum publicum consilium sinerent esse. Ita demun)
nus, populationibus agrorum amissas, recipit. Gemina liberam civitatem fore, ita aequatas leges, si sua quisque
victoriaduobus bifariam praeliis parta maligne senatus in jura ordo, suam majestatem teneat. » In eandem senten-
unum diem supplicationes consulum nomine decrevit. tiam multa et a ceteris senioribus Patrum quum essert
Populus injussu et altero die frequeus iit supplicatum, et dicta, omnes tribus eam rogationem acceperunt. Tum
ha'c vaga popularisque supplicatio studiis prope cele- primum, sine auctoritate senatus, pnpulijussu triumpha-
bratior fuit. Consules ex composite eodem biduo ad ur- tum est.
bem accessere, senatumque in Martium campum evoca- LXIV. Haec victoria tribuoorum plebisque prope in
vere. Uhi qnum de rebus ab se gestis agerent, questi baud salubrem luxuriam vertit, conspiratione inter tri
primoresPatrum, senatum inter milites dedita opéra ter- bunos facta, ut iidem tribuni reficerentur, et, quo nu
roris causa haberi. Itaqueinde consules, ne criminationi miuus cupiditas emineret, consulibus quoque continua-
locus eseet, in prata Flaminia, ubi nunc ædes Apollmis rent magistratum. Cousensum Patrum causabantur, quo
est (jam tum Apollinarem appellabanl), avocavere sena- per contumeliam consulum jura plebis labefacta eseeot.
tum. Ubi quum ingenliconsensu Patrum negaretur trium- Quid futurum, nondum firmatis legibus, si novoi tri-
phus, L. Icilius, tribunus plebis, tulit ad populum de bunos per factiones suas consulesadorli essent? non enim
triumpho consulum, multis dissuasum prodcuotibus, semper Valcrios Iloratiosque consules fore, qui libertatl
1
prepres intérêts. Un hasard,heureux danscette cir- leurs collègues. Il citait à l'appui le texte de la loi
constance, donna la présidence des comices à Dui- a Si je propose la nomination de dix tribuns du
lius, homme prudent et qui prévoyait les déchire- peuple, et si vous ne complétez le même jour le
ments inséparables d'uneréélection. Il déclarequ'il nombre de dix, ceux que les tribuns nommés se
ne tiendra nul compte des votes en faveurdes tri- choisiront pour collègues seront aussi légitimement
buns sortants; et ses collègues insistent pour qu'on élus que les autres, élus le premierjour. e Duilius
laisse toute liberté aux suffrages des tribus ou qu'on persévéra jusqu'à la fin; il nia que la république
cède la présidence à des tribuns qui relèveront de pût avoir quinze tribuns, fil fléchir enfin l'ambi-
la loi et non de la volonté du sénat. Au début de tion de ses collègues, et sortit de charge empor-
cette dispute, Duilius prie les consuls de s'appro- tant l'estime du sénat et du peuple.
cher de son siège, et leur demande leurs intentions LXV. Les nouveaux tribuns du peuple suivirent,
au sujet des comices consulaires. Ils répondent dans le choix de leurs collègues, la volonté du sé-
qu'ils nommeront de nouveaux consuls. Soutenu nat ils élurent même deux patriciens consulaires
de cet appui populaire dans une cause qui ne l'é- Sp. Tarpéius et A. Atérius. On nomma consuls
tait pas, le président se présente avec eux à l'as- Lartius Herminius et T. Virgilius Célémontanus.
semblée. Là, interrogés de nouveau eu présence Aussi peu portés à favoriser le sénat que le peu-
du peuple, pour savoir ce qu'ils feraient si les Ro- ple, ils jouirent de la paix au dedans comme au
mains, en mémoire de leur liberté civile rétablie dehors. L. Trébonius, tribun du peuple, en haine
avec leur appui, en mémoire des dernières guer- des patriciens qu'il accusait de l'avoir trompé
res et de leurs succès, les nommaient une seconde comme ses collègues l'avaient trahi, proposa que
fois consuls les consuls firent la même réponse. celui qui présenterait au peuple la nomination
Duilius, après avoir fait l'éloâe de leur persévé- de ses tribuns, ne pourrait discontinuer de pren-
rance à se montrer jusqu'au bout différents des dre les votes qu'après la nomination de dix de ces
décemvirs, présida les comices. On élut cinq tri- magistrats. » Tout son tribunat se passa en pour-
buns, mais les intrigues des neuf anciens qui bri- suites contre les patriciens, ce qui lui mérita le
guaient ouvertement cet honneur, ayant empêché nom d'Asper. M. Geganius Macérinus et C. Julius,
les tribus d'en compléter le nombre, Duilius ren- furent ensuite nommés consuls. Des dissensions
voya l'assemblée et ne réunit plus les comices. On s'élant élevées entre les tribuns et la jeune no-
avait, disait-il satisfait à la loi qui, sans préciser blesse, ils les dissipèrent sansoffenser le tribunat
nulle part le nombre des tribuns, spécifiait seule- et sans porter atteinte à la dignité du sénat. Un
ment qu'on pourrait en laisser à élire, et char- décretd'enrôlementpour la guerre contre les Vols-
geait les élus de compléter entre eux le nombre de ques et les Èques, tenu comme en suspens, em-

plebis suas opes post ferrent. Forte quadam utili ad tabalque roxationis Carmen, in quo, « Si tribunos plebei
tempus, ut comitiis praeesset, potissimum M. Duilio sorte decem rogaho; si qui vos minus bodie decem tribunos
evenit, viro prudenti, et ex continnatione magislratus plebei feceritis hi tum uti quos sibi collegas cooptas-
iuvidiam immiuentem cernenti. Qui quum ex veteribus sent, ut illi legitimi eadem lege tribuni plebei oint, utilli,
tribunisnegaret ullius se rationem habiturum, pugna- quos hodie tribunos plebei feceritis.. Duilius, quum ad
rentque collegae, ut liberas tribusin suffragium mitteret, ultimum perseverasset, negando quindecim tribunos ple-
aut concederet sortem comiliorum collegis, habituris e bei rempubhcam habere posse, victa collegarum cupidi-
lege potius comitia, quam ex voluntate Patrum; injecta tate, pariter Patribus plebique acceptus, magistratu abiit.
contentione, Duilius, consules ad subsellia accitos quum LXV. Novi tribuni plebis in cooptandis collegis Pa-
interrogasset, quid de comitiis consularibus in animo ba- trum voluntatem foyerunt; duos etiam patricios consula-
berent, respoudissentque, se uovos consules creaturoi, resque, Sp. Tarpeium et A. Aterium, cooptavere. Cou-
auctores populares sententiæ baud popularis nactus, in suies creati,Lar. Herminius,T.VirginiusCœlimontanus,
ccncionem cum iis processit. Ubi quum consules pro- nihil magnopere ad Patrum aut plebis causam inclinati
ducti ad populum interrogagique, si eos pnpulus roma- otium domi ac foris habuere. L. Trebonius tribunus
nus, memor libertatis per illos receptas domi, memor plebis, infestus Patribus, quod se ah iis in cooptandis
militiæ rerumque gestarum, consules iterum faceret, tribunis fraude captum, proditum a collegis, aiebat, ro-
quidnam facturi essent, nihil sententiæ suæ mutassent; gationem tulit, Ut qui plebem Romanam tribunos plnbi
collaudatis consulibus, quod perseverarent ad ultimum rogaret is usque eo rogaret, dum decem tribunos plebi
disaimilesdecemvirorumesse, comitia habuit et quin- faceret; » insectandisque Patribus unde aspero etiam
que tribunis plebis creatis, quum præ studiis aperte pe- inditum est cognomen, tribunatum gessit. Inde M. Ge-
teutium novem tribunorum alii candidati tribus non ex- ganius Macerinus et C. Julius, coosules facti coitiones
plereut, consilium dimisit; nec deinde comitiorum causa tribunorum, adversus nobilium juventutem ortas, sine
babuit. Satisfactum legi aiebat, qua', numero nusquam insectationepotestatisejus, couservata majestate Palrum,
præfinito tribunis, modo ut relinquerentur, sanciret; et sedavere plebem decreto ad bellum Volscorum et JE-
au iis, qui creati essent, cooptari collegas juberet. Reci- quorum deleclu, suslinendo rem, ab seditionibus couti-
pêcha toute sédition populaire. Les consuls affir- imminentes. 11 n'était plus possible de contenir
maient d'ailleurs que la tranquillité intérieure l'animosité des citoyens; les tribuns et le peuple
etait le gage de la paix au dehors; tandis que les étaient ameutés contre les patriciens, et les as-
discordes civiles excitent le courage de l'étranger. signations données à quelques membres de la no-
La sollicitude pour la paix amena ainsi le calme blesse amenaient chaque jour devant les assem-
domestique. Mais l'un desdeuxordres se prévalait blées de nouveaux débats. Au premier bruit de
toujours de la modération de l'autre. Le peuple ces désordres et comme à un signa) donné, les
était en repos; la jeunesse patricienne commença Eques et les Volsques prennent les armes. Leurs
contre lui les insultes. Les tribuns intervinrent en chefs, avides de butin, leur avaient persuadé
faveur des plus faibles. Ce fut d'abord avec peu de que les levées, ordonnées deux ans auparavant,
succès; et bientôt on cessa même de respecter leur n'avaient pu avoir lieu par le refus du peuple de
personne, surtout durant les derniers mois, alors reconnaitre aucune autorité. « Aussi, n'avait-nn
que les grands étaient de connivence dans ces in- point envoyé d'armée contre eux. La licence avait
sultes, et que toute autorité, comme il arrive tou- fait perdre l'habitude des combats. Rome n'est
jours, perdait son ressort à mesure que la fin de plus pour les Romains une commune patrie tout
l'année approchait. Déjà le peuple commençait à ce qu'ils ont montré jusque-là de ressentiment et
désespérerdu tribunat, à moins qu'on n'y fit en- de haine contre les étrangers, ils le tournent contre
trer des hommessemblables à Icilius. Depuis deux eux-mêmes. Jamais occasion plus favorable d'acc-
ans ses tribuns n'en avaient que le nom. Les cabler ces loups qu'aveugle une rage intestine. »
plus vieux sénateurs, qui trouvaientleur jeunesse lls réunissent leurs armées, et ravagent d'abord
trop bouillante, aimaient mieux cependant, s'il les campagnes du Latium. Ils ne rencontrent au-
fallait subir un excès, qu'il vint de leur côté que cune résistance; les auteurs de la guerre triom-
du côté de leurs adversaires; tant il est difficile phent l'ennemi étend ses ravages jusyues sous
de mettre quelque mesure dans la défense de la les murs de Rome, du côté de la porte Esquiline,
liberté. On feint d'appeler l'égalité et chacun veut et montre aux habitants de la ville, comme une
s'élever au détriment d'autrui. Pour se mettre en insulte, la désolation de leurs campagnes. Dès
garde contre les autres on se rend soi-même re- qu'ils se furent retirés à Corbion,après avoir chassé
doutable. Nous éprouvons une injustice, et comme impunément leur proie devant eux, le consul
s'il était indispensabled'être agresseur ou victime, Quinctius convoqua l'assemblée du peuple.
nous devenons injustes nous-mêmes. LXVII. C'est là qu'il prononça le discours sui-
LXVI. Ensuite, T. Quinclius Capitolinus,consul vant ti Quoique ma conscience ne me fasse aucun
pour la quatrième fois, eut pour collègue Agrippa reproche, Romains, ce n'est cependant qu'avec
Furius. Ils ne trouvèrent ni sédition à l'intérieur, une extrême honte que je me présente devant votre
ni guerre étrangère; mais l'une et l'autre étaient assemblée. Vous le savez, la tradition en conser-

ouerc urhano quoque otio foris omnia tranquilla esse rit bellum acceperunt sed imminebat utrumque. Jam
affirmantes; per discordias civilps eiternos tollere ani- non ultra discordia civium reprimi poterat, et tribunis et
mos. Cura pacis concordiæ quoqne intestinæ causa fuit. plebe incitata in Patres, quum dies alicui nobilium dicta
Sed alter semper ordo gravis aiterius modestie crat. novis semper certaminibus conciones turbaret. Ad qua-
Quiesceuti plebi ab Junioribus Patrum injuriæ fieri cœplæ. rum pnmum strepitum, velut signo accepto, arma ce-
Ubi tribuni auxilio humilioribus essent, in primis parum pere Æqui ac Volsci simul quod persuaserant ils duces,
proderat deinde ne ipsi quidem inviolati erant; utique cupidi pre'darum biennio ante delectumindictum haberi
postremis meuslbus, quum et per coitiones potentiorum non potuisse, abuuente jam plebe imperium. « En adver-
injuria fieret, et vis potestatis omnis aliquanto posteriore sus se non esse missos exercitus; dissolvi licentiamilitandi
anni parte languidior ferme esset jamque plebs ita in morem; nec procommunijam patria Romam esse; quic-
tribunatu ponere aliquid spei, si similes Icilio tribunos quid irarum simultatumque cum eiternis fuerit, in ipsos
haberet nomma tantum se biennio bahuisse. Seniores verti occaecatos lupos intestina rabie opprimendi oc-
contra Patrum, ut nimis féroces suos credere juyenes casiouemesse. » Conjunctis exercitibus Latinum primum
esse, ita malle, si modus eicedendus esset, suis, quam agrum perpopulati suut deinde postquam ihi nemo vin-
udversariis, superesse animos. Adeo moderatio tuenda' dex occurrebat, tum vero. exsultantibus belli auctoribos,
lihertatis, dum aequari velle simulando ita se quisque ea- ad mœnia ipsa Romæ populabuudi regione portæ Esqui-
tollit, ut déprimâtalium, in difficili est cavendoque ne linæ accessere, vas[alionem agrorum per contumeliam
metuant homines, metuendos ultro se efficiunt; et inju- urbi ostentantes. Unde postquam iuulti, prædam præ se
rtam a nobis repulsam, tanquam aut facere aut pati ne- agentes, rétro ad Corbionem agmine fere, Qumctins
cesse sit, injungimusaliis. consul ad conciouempopulum vocavit.
LXVI. T. Quinctius Capitolinus quartum et Agrippa LXVII. Ibi in banc sententiam locutum aecipio:. Etri
Furius, consulesinde facti, nec seditionwn dumi, nec fo- mibi nulhus noxæ conscius, Quirites, aum, tamen cum
vera le souvenir pour nos descendants, les Fques et par amour pour la concorde. Vous avaz voulu des
les Volsques, peine les égaux des Herniques, sous décemvirs; nous avons souffert leur création.
le quatrième consulat de Quinctius, çe sont impu- Vous vous êtes dégoûtés des décemvirs; nous
nément présentésen armessous les murs de Rome. les avons forcés à résigner leurs charges. Votre
Si j'avais su que cette infamie fût réservée à cette ressentiment les poursuivit dans la vie privée;
année (quoique depuis longtempsl'état desaffaires nous avons supporté la mort et l'exil des plus il-
ne permette de rien prévoir d'heureux), l'exil ou la lustres, des plus honorables personnages. Vous
mort, à défaut d'autre moyen, m'eussent évité avez voulu de nouveau créer des tribuns du peu-
le déshonneur.Quoi! si des hommes de cœur eus- ple vous les avez créés des consuls de votre or-
sent manié ces armes que nous avons vues devant dre bien que cela nous parût une injure pour les
nos portes, Rome était prise sous mon consulat! patriciens, nous avons vu donner au peuple une
J'avais assez d'honneurs, assez et trop de jours; magistrature patricienne. Vous avez l'appui du
il m'eût fallu mourir à mon troisième consulat. A tribunat, l'appel au peuple, des plébiscites obli-
qui s'adresse le mépris de ces lâches ennemis? A gatoires pour les patriciens; sous prétexte d'éga-
nous, consuls, ou bien à vous, Romains? Si la lité dans les lois, vous opprimez nos droits; nous
faute en est à nous, enlevez l'autorité à ces mains l'avons souffert, nous le souffrirons. Quel sera
indignes, et, si ce n'est assez, infligez-nous un châ. donc le terme de nos dissensions? Quand n'aurons-
liment. Si c'est votre faute, ah! que les dieux et nous qu'une seule ville? quand sera-t-elle notre
les hommes se gardent de vous en punir; il suffit commune patrie? Nous, vaincus, nous supportons
que vous vous en repentiez. Non, l'ennemi n'a mieux le reposque vous, nos vainqueurs.Vous suf-
pas méprisé des lâches, il n'a pas eu confiance en fit-il de vous être rendus redoutables pour nous?
son courage. Si souvent mis en déroute et en fuite, C'est en haine de nous qu'on occupe l'Aventin;
dcpouillé de son camp et de ses terres, envoyé c'est en haine de nous qu'on occupe le mont Sa-
sous le joug, il sait se connaître et nous connaî- cré. Les Esquilies sont presque tombées au pouvoir
tre. La discorde qui règne entre les divers ordres, de l'ennemi, le Volsque en franchissait la chaussée,
l'acharnement des patriciens et des plébéiens les et personne ne l'en a repoussé. Contre nous vous
uns contre les autres voilà le poison qui nous êtesdes hommes, contre nous vous avez des armes.
tue. Cette soif immodérée, chez nous, de puis- LXVIII. « Courage 1 et quand vous aurez ici as-
sance; chez vous, de liberté; votre dégoût pour les siégé le sénat, quand vous aurez semé la haine
magistrats patriciens, le nôtre pour les plébéiens, dans le forum, quand vous aurez rempli les pri-
ont enflé leur courage. Au nom des dieux, que sons des premiers citoyens, profitez de cette ar-
voulez-vous? Vous avez désiré des tribuns du deur si bouillante, et sortez par la porte Esqui-
peuple; nous avons consenti à vous les donner line. Si vous n'osez encore le faire, voyez du

pudore summo in concionem vestram processi. Hoc vos quid vobis vultis? tribnnos plebis concupistis; concordiæ
acire, hoc pnsterts memoriæ traditum iri, Æquos et causa concessimus.Decemviros desiderastis; creari passi
Vulscos, vil tlernicis modo pares, T. Quinctio quartum sumus. Decemvirorum vos pertæsum est; coegimus ab-
consule, ad mœnia urbis Romæ impune armatos ire magistratu. Manente in eusdem privatos ira vestra,
Ilanc ego ignominiam (quanquam jamdiu ita vivitur, is mori atque exsulare nobilissimosviros honoratissimosque
status rerum est, ut nihil honi divinet animus) si huic passi sumus. Tribunos plebis creare iterum roluistis
potissimumimminereannoscissem,vel exsilio, vel morte, creastis. Consules fdcere vestrarum partium, etsi Palri-
si alia fuga honoris non esset, vitassem. Ergo, si viri ar- hus videbamus iniquum; patricium quoque magistratum
ma illa habuissent, qua' in portis fuere nostris, capi Ro- plebi donum fieri vidimus. Auxilium trihunicium, pro-
ma me consule potuit? Satis honorum Satis superque vocationem ad populum, seita pkbis injuncla Patribus,
vilæ erat mori consulem tertium oportuit. Quem tandem sub titulo aequandarum legum, uostra jura oppressa tuli-
ignavissimihostium contempsere? nos consules; an vos, mus et ferimus. Qui finis erit discordiarum?Kequando
Quirites? Si culpa in nobis est, auferte imperium indig- unam urbem habere, ecqnando communem hanc esse
'us; et, si id parum est, insuper pœnas expetite. Si in patriam licebit? Vieti nos æquiore auimo qmescmus,
vobis, nemo deorum nec hommum sit, qui vestra pu- quam vos victores. Satisqe est, nobis vos metueodos esse?
niat peccata Quirites; vosmet tantum eorum pœniteat. Adversus nos Aventionm capitur: adversus nos Saccr
Non illi vestram ignaviam contempsere,uec suæ virtuti occupatur mons. Esquiliasqmdem ab hoste prope captas,
coufisi sunt; quippe loties fusi fugatique, castrs exuti, et scandentem in aggerem Volscum hostem nemo suai-
agro multati, sub jugum missi et se et vos novere. Dis- movit in nos viri in nos armati estis.
cordia ordinum est venenum urbis hujus, Patrum ac ple- LXVIII. « Agitedum, ubi hic curiam circumsederitis, et
biscertamina, dnm nec nobis imperii, nec vohis libertatis forum infestum feceritis, et carcerem impleveritis prin-
est modus, dum tadet vos patriciorum, nos plebeiorurn cipilms, iisdem istis ferocibus animis egredimini extrr
magistratuum, sustulere illis animos. Pro deum fidem, portant Esquilinam aut, si ne hoc quidem audetis ex
moins du haut de vos murs vos champs dévastés et les Volsques? la guerre est à vos portes. Si vous
par le fer et la flamme, voyez emmener le butin, ne l'en chassez, vous l'aurez bientôt dans vos
et fumer épars les toits incendiés. Mais c'est l'état murs, elle montera sur la citadelle, au Capitole
seul qui souffre. On brûle nos campagnes, on as- elle vous poursuivra dans vos demeures. Il y a
siége notre ville, l'bonneur de la guerre reste aux deux ans que le sénat ordonna l'enrôlement et
ennemis. Et vous donc 1 en quel état sont vos inté- décida que l'armée partirait pour l'Algide. Nous
rêts privés? bientôt chacun apprendra quelles per- demeurons tranquillement chez nous. disputant
tes il a faites dans la campagne. Que pourrez-vous à la manière des femmes, jouissant de la tran-
oblenir ici eu dédommagement? Les tribuns vous quillilé présente, sans prévoir que de ce repos
ramèneront-ils, vous rendront-ils ce que vous avez naîtrait une foule de guerres. Je sais qu'on pour-
perdu? Des cris, des paroles tant qu'il vous plaira rait dire des choses plus agréables; mais il faut
d'eu ouïr; des accusations contre les premiers de sacrifier l'agrément à la vérité, et si mon carac-
la cité, des lois les unes sur les autres, des as- tère ne m'en faisait une loi, la nécessité m'y ré-
semblées entin. Mais jamais aucun de vous n'a re- duirait. En vérité, Romains, je voudrais vous
tiré de ces assemblées le moindre avantage pour plaire, mais j'aime encore mieux vous sau-
ses affaires, pour sa fortune. Qui de vous en a ver, quelles que doivent être vos dispositions à
rapporté autre chose à sa femme ou à ses enfants, mon égard. La nature veut que celui qui parlo à
que des haines, des rancunes, des inimitiés publi- la multitude pour son propre intérêt, soit plus
ques ou privées, contre lesquelles votre courage goûté que celui dont l'esprit n'envisage que le
et votre innocence ne sauraient vous garantir, et bien général à moins que vous ne pensiez que
qui nécessitenl des secours étrangers? Certes, lors- ces complaisants publics, ces courtisans du peu-
que vous faisiez la guerre guidés par nous, consuls, ple qui ne veulent vous voir ni sous les armes,
et non par des tribuns; dans Ie camp et non dans le ni en repos, vous excitent, vous poussent dans
forum; lorsque vos cris étaient la terreur de l'en- votre propre intérêt. De vos agitations, ils re-
nemi dans les batailles, et non celle des sénateurs cueillent de l'honneur ou du profit. Comme la
de Rome dans l'assemblée; chargés de butin, mai- bonne harmonie des deux ordres réduirait ces
tres du champ de l'ennemi, gorgés de richesses et hommes au néant, ils préfèrent un mauvais rôle
de gloire, de celle de l'état et de la vôtre, vous à la nullité, et, pour être quelque chose, ils so
reveniez triomphantschez vous dans vos pénates font chefs d'émeutes et de séditions. Si vous pou-
maintenant vous en laissez sortir l'ennemi chargé viez enGn vous dégoûter de ces abus, et repren-
de vos dépouilles. Restez attachés à cette tribune, dre les mœurs de vos pères et vos anciennes habi-
passez votre vie au forum la nécessité de com- tudes, en dépouillant les nouvelles, je ne me
battre vous poursuit à mesure que vous la fuyez. refuse à aucun supplice, si dans peu de jours je
il vous semblait doux de marcher contre les Èques n'ai battu et mis en fuite ces dévastateurs de

muris visite agros vestros ferro ignique vastatos, praedam Volscos proficisci? Ante portas est bellum; si inde non
abigi, fumare incensa passim tecta. At enim communs pellitur, jam intra mœnia erit, et arcem et Capitolium
res per haec loco est pejore: ager uritur, urhs obsidetur,
scandet, et in domos vestras vos persequetur. Biennio
belli gloria peues hostes est. Quid tandem? privatæ res aute senatus delectum haberi, et educi exercitum in AI
vestrx in quo statu sunt ? Jam unicuique ex agris sua gidumjussit sedemusdesidesdemi, mulierum ritu inter
damna nuntiabuntur. Quid est tandem domi, unde ea nos atterrantes; præsenti pace læti, nec cernentes, cx
expleatis? Tribuni vobis amissa reddent ac restituent? otio illo brevi multiplex bellum rediturum. Ilis ego gra-
Vocis verborumque quantum voletis, iogerent, et crimi- tiora dictu alia esse scio; sed me vera pro gratis loqui,
num in principes, et legum aliarum super alias, et con- etsi meum ingemum non moneret, necessitas cogit. Vel
cionum. Sed ex illis concionibusnunquam vestrum quis- lem equidem vobis placere, Quirites; sed multo malo vos
quam re, fortuna, domum auctior rediit. Ecquis retulit salvos esse, qualicunque erga me animo futuri estis. Na
uliquid ad coyugem ac liberos prater odia, offensiones, tura boc ita comparatum est, ut, qui apud multitudinem
simultates publicas privatasque? a quibus scmper non sua causa loquitur, gratior eo sit, cujiis mens mhil, prx-
vestra virtute innocentiaque. sed auxilio alieno tuti sitis. ter publicum commodum videt nisi forte assentatores
At, Hercules, quum stipendia. nobis consulibus, non tri- publieos, plebicolas istoq, qui vos nec in armis nec m oun
bunis ducibus, et in castris, uon in foro, faciebatis. et in esse sinunt, vestra vos causa incitare et stimulare pulahs.
acie vestrum elamorem hostes, non in concione Patres Concitati, autbouori, aut quæstui illis estis; et quia in
Romani horrebant, praeda parta, agro ex hoste caplo, cuncordia ordinum nul los se usquam esse aident, malæ
pleni fortuuarum gloriæque, simul publicæ, simul pri- rei se, quam nullius, turbarum ac seditionum, duces
vatæ, triumphantes dumum ad pénates redibatis nunc esse volunt. Quarum rerum si vos taedium tandem caper*
oncratum vestris fortuuis hostem abire sinitis. Hærete potest, et patrum vestrosque antiquos mores vullis pro
alliai conciunibus et m foro vivite sequitur vos neces his novis sumerc, nulla supplicia recuso; nisi paucisdie-
ailas mililandi, quam fugitis. Grave erat in Æquos et bus hos populatores agrorum nostrorum fusos fugatotnut
nos campagnes, si je ne les ai chassés de leur leur commune patrie implorant leur secours
camp, et fait passer de nos portes et de nos rem- pour ses campagnes ravagées, pour Rome en
parts, dans leurs villes, la terreur dont vous êtes quelque sorte assiégée. » D'un accord unanime
frappes. o on ordonne et on opère l'enrôlement. Les con-
LXIX. Rarement le peuple accueillit la haran- suls avaient déclaré dans l'assemblée du peuple
gue d'un tribun populaire avec plus de faveur que u Qu'on n'avait pas le temps d'examiner les causes

ce discours du plus austère des consuls. La jeu- d'exemption. Tous les jeunes gens avaient à se
nesse même, qui au milieu de ces alarmes était rendre le lendemain, au point du jour, dans le
dans l'habitude d'user du refus de servir comme Champ-de-Mars. La guerre terminée, on exami-
de l'arme la plus redoutable aux patriciens, ne nerait les raisons de ceux qm n'auraient point
respirait que guerre et combats. La retraite des donné leurs noms. On regarderait comme déser-
gens de la campagne, dépouillés et blessés et teur celui dont les motifs ne seraient pas recon-
dont les récits étaient plus terribles encore que nus valables. » Le jour suivant, toute la jeunesse
leur aspect, remplit la ville d'indignation. Le sé- se présenta. Chaque cohorte élut ses centurions,
nat rassemblé, tous les yeux se tournèrent sur et eut deux sénateurs à sa tête. Toutes ces mesu-
Quinctius, comme vers l'unique vengeur de la res furent prises, dit-on, avec tant de célérité,
dignité romaine. Les premiers des sénateurs assu- que les enseignes tirées ce jour-là même du tré-
raient « Que sa harangue était à la hauteur de la sor, par les questeurs, et portées au Champ-de-
majesté consulaire, digne de tous ses précédents Mars, en furent levées à la quatrième heure du
consulats, digne d'une vie toute remplie des hon- jour. Cette armée nouvelle, accompagnée de quel-
neurs dont il avait souvent joui, et qu'il avait ques cohortes de vétérans volontaires, ne s'arrêta
plus souvent mérités. Les autres consuls trahis- qu'à la dixième pierre milliaire. Le jour suivant
saient la dignité du sénat pour caresser le peuple, les vit en présence de l'ennemi, et ils établirent
ou, par leur raideur à maintenirlesdroits des pa- leur camp auprès du sien, dans les environs de
triciens, aigrissaient la multitude pour la domp- Corbion. Le troisième jour, le courroux chez
ter.» Le discours de Quinctius, conservateur de la les Romains, chez l'ennemi le souvenir de ses
majesté du sénat, de la bonne harmonie entre les nombreuses révoltes, le remords et le désespoir
deux ordres, était surtout celui des circonstances. ne permirent point de retarder un moment de
Ils le prient, ainsi que son collègue, de veiller plus le combat.
sur la république. Ils prient les tribuns d'unir LXX. Dans l'armée romaino, les deux consuls
leurs efforts à ceux des consuls, pour rejeter la jouissaient d'une égale autorité; mais, adoptant
guerre loin de la ville et de ses murs, et de main- le parti le plus sage pour le succès d'une entre-
tenir dans une conjoncture si critique l'obéissance prise si importante, Agrippa avait remis le com-
du peuple aux ordres du sénat. C'est l'appel de mandement suprême aux mains de son collègue.

caslris exuero, et a portis nostris mœnibusque ad illorum bus præberent appellare tribunos communem patriam,
urbes bune belli terrorem, quo nune vos attoniti estis, auxiliumque eorum implorare, vastatis agris, urbe prope
transtulero. oppugnata. » Consensu omnium delectus decernitur ha-
LX1X. Raro alias tribuni popularis oratio acceptior beturque. Quum consoles in concione pronuntiasseat,
plebi, quam tune severissimi consulis, fuit. Juvenlus « Tempus non esse causas cognoscendi; omnes juniores
quoque, qux inter tales metus detrectationem mildiae te- postero die prima luce in campo Martio adessent; cogno-
lum acerrimum adversus Patres babere solita erat, arma scendis causis eorum, qui nomina non dedissent, bello
et bellum spectabat et agrestium fuga, spoliatique in perferto se daturos tempus; pro desertore futurum cujus
agris et rulueraLi,fœdiora iis, quæ subjiciebantur oculis, non probassent causas » omnis juventus affuit postero
nuutiantes, totam urbem ira implevere. In senatum ubi die. Cohortes sibi quaeque centuriones legerunt; bini se-
ventum est, ibi vero in Quinctium omnes versi, ut uuum nalores singulis cohortibus pra'positi. Bæc omnia adeo
vindicem maJestalis Romanæ intueri; et primores Pa- mature perfecla accepimus, ut signa, eo ipso die a quae-
trum « drgnam dicere concionem imperio consulari, storibusex ærario prompta delataque iu campum, quarta
dignam tot consulatibus ante aclis, dignam vita ommi, die hora mota ex campo sint, exercitusque novus, pancis
plena bonorum smpe gestorum, sa'pius meritorum. Alios cohortibus veterum militum voluntate sequentibus,man-
consules aut per pruditionem dignitatis Patrum plebi adu- serit ad decimum lapidem. Insequens dies hostem iu cou-
lalos, aut acerbe tuendo jura ordinis asperiorem domando sectum dedit castraque ad Corbiouem castris sunt
multitudinem fecisse T. QuincLium oratiouem memo- conjuncia. Tertio die, quum ira Romanos, illos, quum
rem majeslatis Patrum concordia'que ordinum, et tem- toties rebellisseut, couscienlia culpæ oc desperatio irri-
porum in primis habuisse. Orare eum collegamque, ut taret. Dlora dimicandi uulla est facta.
capesserent rempublicam;ordre tribunos, ut uno animo LXX. In exercitu Romano quum duo consules essent
cum cousulibus bellum ab urbe ac mœnibus propulsari potestate pari; quod saluberrimnm in admiuistratione
vellent, plebemquc obedientem in re tam trepida Pati i- magnarum rerum est, summa imperii, concedenteAgrip-
Celui-ci reconnaissait cette abnégation par la dé- et chevaux. De ce moment, ils n'eurent plus à
férence avec laquelle il traitait Agrippa il prenait soutenir de combat de cavalerie. Ils attaquent en-
son avis, lui faisait part de sa gloire, et cherchait suite les lignes de l'infanterie et font savoir
à élever jusqu'à lui un homme qui n'était pas leurs succès aux consuls, lorsque déjà les
rangs
son égal. Dans la bataille, Quinctius commandait ennemis commençaient à plier. Cette nouvelle
l'aile droite, Agrippa la gauche. Sp. Postumius redouble le courage des Romains victorieux, et
Albus reçut, en qualité de lieutenant, le comman- abat celui des Èques qui reculent. La victoire
dement du centre; Ser. Sulpicius, avec le même commença par le centre où le passage de la ca-
titre, celui de la cavalerie. L'infanterie de Faile valerie avait rompu les rangs. L'aile gauche fut
droile donna avec ardeur, et fut bien reçue par les ensuite mise en déroute par Quinctius on eut
Volsques. Scr. Sulpicius se fit jour avec sa cavale- plus de peine à l'aile droite. Là, Agrippa, animé
rie à travers le centre de l'ennemi.Il lui était facile par la jeunesse et par la force, voyant que sur les
de rejoindre les siens par le même chemin, avant autres points le succès se fait moins attendre que
que L'ennemi n'eût reformé ses rangs désorgani- de son côté, saisit les enseignesdes mains des porte-
sés mais il aima mieux le prendre à dos. Un mo- étendards, les porte en avant et en jette même
ment lui eût suffi, au moyen d'une charge sur les quelques-unes au milieu des rangs les plus serrés
derrières, pour dissiper un ennemi alarmé de cette de l'ennemi. Le soldat redoute la honte de les per-
double attaque; mais la cavalerie des Volsques dre, etse précipite pour les reconquérir.La victoire
et des Èques l'arrêta quelque temps, en lui oppo- est enfin égale partout. Un exprès vient alors an-
sant la même manœuvre. AlorsSulpicius s'écrie: noncer, de la part de Quinctius, qu'il est vainqueur
« Qu'il n'y a plus à hésiter. Les Romains sont et menace le camp de l'ennemi; mais ne qu
entourés et coupés, s'ils ne font tous leurs efforts veut point l'attaquer avant de savoir si on a ter-
pour se tirer avec avantage de ce combat de ca- miné le combat à l'aile gauche. Si l'ennemi est
valerie. Il ne suffit pas de mettre en fuite le ca- en déroute, que son collègue vienne se réunir à
valier, s'il conserve ses moyens d'attaque; il faut lui, afin que toute l'armée prenne une part égale
exterminer le cheval et le combattant, afin qu'au- au butin. Les deux consuls victorieux, se saluentt
cun ne revienne à la charge, et ne puisse recom- avec des félicitations réciproques, devant le camp
mencer le combat. On ne résistera pas à des ennemi. Le petit nombre de ses défenseurs fut mis
hommes devant lesquels ont plié les rangs serrés en fuite en un instant, et les retranchements
de l'infanterie. s Les soldats ne furent pas sourds envahis sans résistance. Les consuls ramènent à
à ces paroles. D'une seule charge, ils mettent en Rome leur armée chargée d'un immense butin, et
déroute toute la cavalerie, en démontent la plus rapportant en outre les objets qu'on avait perdus
grande partie, et percent de leurs traits cavaliers dans le pillage de la campagne. Je ne vois nulle

pa penes collegam erat et prætatus ille facilitati sum- pugnæ equestris fuit. Tune, adorti peditum aciem nun-
mittenhs se comiter rcspondebat, communicandoconsilis tios ad coosules rei gestæ mittunt, ubi jam inclinabatur
laudesque, et æuando imparem sibi. In acie Quinctius hostium acies. Nuntins deinde et vincentibus Romaois
dexterum cornu, Agrippasinistrum tenuit: Sp. Postumio animos auxit, et referentes gradum perculit Æquos. lu
Albo legoto datur media acies tuenda; legatum alteruiu média primum acie vinci cœpti, qua permissus equitatus
Ser. Sulpicium equitbus pra'ficiunt. Pedites ab deiliro turbaverat ordmes. Sinistrum deinde cornu ab Quinctio
cornu egregie pugnavere, haud segniter resistentibus consule pelli cœptum; in dextro plurimum laboris fuit.
Volscis. Ser. Sulpicius per mediam hostium aciem cum Ibi Agrippa, ætate viribusque feroi quum omni parte
equitatu perrupit; unde quum eadem reverti posset ad pugnæ melius res geri, quam apud se, videret, accepta
suos, priusquam hostis turbatos ordines reficeret, terga signa ab signiferis ipse inferre, quidam jacere etiam in
impugnare hostium satiua visum est momentoque tem· confertos bostes cœpit. Cujus ignominiæ metu concitati
paris, in aversam incursando aciem, ancipiti terrore dis- milites, invasere hostem ita æquata et omni parte vio-
sipasset hostes, ni suo proprio eum praelio equites Vols- toria est. Nuntius tum a Qnioctio venit, victorem jam se
corum et Æquorum exceptum aliquamdiutenuissent. Ibi imminere hostium castris; nolle irrumpere, antequam
vero Sulpicius negare cunctandi tempus esse, circum- sciat, debellatuin et in sinistro cornu esse. Si jam fudisset
ventos interclusosque ab suis vociferaus, ni équestre prte- 1 hostes, ennferret ad se signa, ut simul omnis exercitus
limn connisi omni vi perficerent. Nec fugare equitem in- præda potiretur..Victor Agrippa cum mutua gratulatione
teqrum satis esse; conficerent equos virosque, ne quis ad victorem collegam castraque hostium venit. Ibi paucis
reveheretur inde ad pra'lium, aut integraret pugnam defendentibus, momentoque fusia sine certamine in mu-
non posse illos resistere sibi, quibus conferta pcditum nitiones irrumpunt; prædaqueingenticompotem exerci-
acies cessisset. « Haud surdis auribus dicta; impressione tum, suis etiam rebus recuperatis, quæ populationeagro-
una totum equitatum fudere, magnam vim ex equis prae- rum amisas erant, redocont. Triumphum nec ipsos po-
ripitavcre, ipsos equosque spieulis confodere. Ia finis stulasse, oec delatum iie ab senatu, accipio nec traditur
part que les consuls aient demandé le triomphe ments de la multitude, au lieu d'en être les mal-
ai que le sénat le leur ait décerné; on ne dit tres, cèdent au désir de la foule qui veut enlendre
point la cause qui leur fit mépriser cet honneur ou Scaptius, et accordent à celui-ci la faculté de dire
désespérer de l'obtenir. Pour moi, s'il est permis ce qu'il veut. Il déclare « qu'il est dans sa quatre-
de rien conjecturer sur des faits si loin de nous, vingt-troisième année et qu'il a fait la guerre
voici mon opinion les consuls Valérius et Hora- sur le terrain en litige; ce n'était point danssapre-
tius avaient eu la gloire de vaincre les Volsques mière jeunesse; il faisait alors sa vingtième cam-
et les Èques, et de terminer la guerre des Sabins; pagne c'était durant la guerre de Corioles. Il a
le sénat, cependant, leur avait refusé le triomphe. conservé le souvenir d'un événement effacé par le
Ceux-ci eurent quelque honte de le demander temps, mais gravé dans sa mémoire. Or, le terri-
pour des succès moindres de moitié. Ils craigni- toire en question faisait partie de celui deCorioles.
rent, s'ils l'obtenaient, qu'on ne regardât cet A la prise de cette ville, il était tombé au domaine
honneur plutôt comme une faveur personnelle du peuple romain. Il est surpris que les Ardéates
que comme une récompense de leurs services. et les Ariciniens, qui jamais n'élevèrent leurs pré-
LXXI. Cette victoire si glorieuse, remportée sur tentions sur ce territoire tant que subsista Corio-
l'ennemi, lut ternie dans Rome par un jugement les, espèrent le ravir au peuple romain, légitime
du peuple romain au sujet des limites de ses al- propriétaire, en le prenant pour arbitre. Il ne lui
liés. Les habitants d'Aricie et d'Ardée étaient en reste que peu de temps à v ivre; il ne peut cepen-
discussion pour quelques terres sources pour dant s'empêcher, malgré son grand âge, d'élever
eux de guerres nombreuses. Fatigués de pertes la voix, unique moyen qui lui reste, de revendi-
fréquentes et mutuelles, ils prennent les Romains quer pour la république, un terrain qu'il a con-
pour arbitres. Ils viennent plaider leur cause de- couru de ses bras à lui acquérir. Il conseille for-
vant le peuple assemblé par les magistrats, et tement au peuple de ne pas prononcer contre
poursuivent les débats avec ardeur. On avait en- lui-même par une délicatesse mal entendue.»
tendu les témoins, on allait appeler les tribus LXXII. Les consuls, voyant que Scaptius était
et recueillir les voix, lorsque se lève P. Scaptius, écouté non-seulement en silence, mais encore avec
plébéien d'un âge fort avancé. « Consuls dit-il, faveur, prennent à témoin les dieux et les hom-
s'il m'est permis de parler dans l'intérêt de l'état,mes que c'est une action indigne et s'adjoignent
il est une erreur que je ne laisserai pas commettre les principaux patriciens. Ils se présentent ainsi à
au peuple dans cette affaire. » Les consuls ayant chaque tribu; les prient de ne pas donner le plus
refusé de l'entendre à cause de son peu d'impor- détestable exemple du plus odieux des crimes,
tance, il s'écrie qu'on trahit les intérêts publics; celui de juges qui font leur profit de l'objet en
et comme on cherchait à l'éloigner, il s'adresse litige. Surtout dans cette occasion où si jamais il
aux tribuns. Ceux-ci, comme toujours, instru- était permis à un juge de se pay er lui-même de sa

causa spreti aut non sperati honoris. Ego quantum in quam regunt, dedere cupidæ audiendi plehi, ut, quæ vel-
tanto iutervallo temporum conjicio, quum Valerio atque let, Scaptms diceret. Ibi infit « Annum se tertium et oc-
Iloratio consulibus qui prwter Volscos et ÆquosSabini togesimum agere et in eo agro de quo agitur, militasse,
etiam belli perfecti gloriam pepererant, negatus ab se- non juvenem, vicesima jam stipendia merentem, quum
naln triumphus esset, verecundiæ fuit pro parte dimidia ad Coriolos sit bellatum. Eo rem se vetustateoblileratam,
rerum consulibus petere triumphum; ne etiam, si impe- ceterum suæ memoriæ infixam afferre; agrum, de quo
lrassent, magis hominum ratio, quam meritorum, habita ambigitur, finium Coriolanornm fuisse, captisque Co-
videretur. riolis, jure belli publicum populi romani factum. Mirart
LXXI. Victuriam honestam, ex hostibus partam, turpe se, qnouam more ArdeatesAricinique, cujus agri jus nun-
domi de finibus sociorum judicium populi deformavit. quam usurpaverint incolumi Cotiolana re, eum se a po-
Aricmi atquæ Ardeates de ambiguo agro quum sæpe bello pulo romauo, quem pro dommo judicem fecerint, inter-
certassent, multis in vicem cladibus fessi, judicem po- cepturos sperent. Sibi exiguum \ilae tempus superesse
pulum romanum cepere. Quum ad causam orandam ve- non potuisse se tamen inducere in auimnm quin, quem
nissent, conciliopopuli a niagistratibus dato, magna con- agrum miles pro parte virili manu cepisset, eum senex
tentione aclum. Jamque editis testibus, quum tribus vo- quoque voce qua uni posset, vindicaret. Maguopere se
cari, et populum inire suffragium oporteret, consurgit suadere populo, ne inutili pudore suam ipse causam dam-
P. Scaptius de plebe, magno natu et: Si licet, inquit, naret. »
coosules, de republica dicere, errare ego populum in bac LXXII. Consules qmun Scaptium non silentio modo
causa non patiar.. Quum ut vanum, eum negarent sed cum asseusn etiam, audiri animadvertissent, deos
cousules audiendumesse, vociferantemque, prodi publi- bominesque testantes flagitium ingens fieri, Patrum pri-
eam cansam, summoveri jussissent tribunos appellat. mores arcessunt; cum bis circumire tribunos, orare,
Tribuni ut fere semper roguntur a mullitudine magis Ne pessmum facinus pejore exemplo admtterent jndt-
peine, les avantages qu'ils recueilleraientde cette vée, s'était jamais adjugé l'objet de la dispute?
possession n'égaleraient pas le tort que leur ferait Scaptius lui-même, déjà mort à toute pudeur, ne
cette injnstice, en leur aliénant l'affection de le ferait point. Voilà ce que les consuls, ce que
leurs alliés. La perte de l'estime et de la confiance les patriciens ne cessaient de répéter. Mais la cu-
est plus grande qu'on ne peut l'apprécier. Voilà pidité et Scaptius, qui l'avait mise en jeu, eurent
le jugement que les délégués rapporteront chez plus de poids que ces paroles. Les tribus appelées
eux voilà ce qu'ils publieront, ce qu'apprendront à voter, adjugèrent ces terres au domaine public
leurs alliés, ce qu'apprendront leurs ennemis! du peuple romain. Le résultat eût été le même,
Quelle douleur pour les uns quelle joie pour les sans doute, si l'on se fût présenté devant d'autres
autres! Pensent-ils que ce soit à Scaptius, le juges; mais la bonté de la cause ne saurait laver
vieillard à la harangue, que leurs voisins attri- ici l'iniquité du jugement. Les Arieiniens et les
bueront ce jugement? Scaptius y trouvera sans Ardéates ne le virent pas avec plus d'indignation
doute quelque célébrité; mais le peuple romain et d'amertume que les patriciens de Rome. Le
n'y gagnera que le nom de prévaricateur et d'es- reste de l'année se passa dans le repos, sans trou-
croc judiciaire. Quel juge, dans une affaire pri- bles intérieurs, et sans guerres étrangères.

cea, in suam rem litem vertendo, quum proesertim privatærei judicem fecisse ut sihi controversiosam ad-
estamsi fas sit, curam emolumenti sui judici esse, nequa- judicaret rem? Scaptium ipsum id quidene, etsi pro-
quam tantum agro intercipiendo acquiratur, quantum mortui jam sit pudoris, non facturum..Hac consules
amittatur alienandis injuria sociorum animis. Nam famæ halc Patres vociferantur; sed plus cupiditas et anctor cn-
quidem ac fidei damna majora esse, quam qua' æstimari piditatisScaptius valet. Vocalaetribus judicaveruut, agrum
posent. Hoc legalos referre domum hoc vulgari hoc pubhcum popuh romani esse. Nec abnuitur ita fuisse, si
sucios audire hoc hostes quo cum dolore hos ? quo cum ad judices alios itum foret nunc haud sane quicquam
gaudio illos? Scaptioue hoc, concionali seni, assignatu- bono causæ levatur dedecus judicii; idque non Aricinis
ros putarent flnitimos populos? Clarum bac fore imagine Ardeatibusque, quam Patribus romanis, fœdius atque
Scaptium; populum romanum quadruplatoris et inter- acerhius visum. Reliquum anni quietum ab urbanis mo-
ceptoris litis alienæ personam laturum quem enim hoc tibus et ab externis mausit.
LIVRE QUATRIÈME.

SOMMAIRE. Une loi relative aux mariages entre patriciens et plébéiens, proposée par les tribunsdu peuple, est,
malgré l'opposition des patriciens, adoptée après de longs débats. -Tribuns militaires. Les affaires du peuple
romain tant au-dedans qu'au dehors, sont, pendant quelques années confiées à l'administrationde cette espèce
de magistrats. Les censeurs sont également crées tors pour la première fois. Le territoire enlevé aux Ar-
déates par un jugementdu peuple romain, reçoit une colonie, et est rendu à ses premiersmaitres.- Pendant uue
famine qui desolait Rome, Sp. Melius, chevalier romain, distribue, à ses dépens, du blé au peuple. Ayant, par
ses largesses, gagne la multitude, il aspirait au trône, quaod, sur l'ordre du dictateur Quinctius Cincinnatus, il
est mis à mort par C. Servilius Rhasa général de la cavalerie. L. Minutius révélateur des comptes, est re-
compensé par le don d'une génisse dorée. Des statues sont élevées dans les rostres aux députésde Rome assas-
sines par les Fidénates, parce qu'ils avaient péri pour le service de la République. — Cossus Cornélius, tribun
militaire, tue Tolumnius, roi des Véies, et remporte les secondes dépouilles opimes.- Mam. Emilius, dictateur,
ayant reduit à dix-huit mois la durée de la censure, qui d'abord était de cinq ans, est pour cela même noté par
les censeurs. Fidenes est conquise, et l'on y envoie une colonie que les habitants égorgent. Les Fidénates
révoltés, sont vaincus par le dictateur Mam. Emilius, et leur ville est prise. Conjuration des esclaves, étouffée.
— Postumius, tribun militaire, est. à cause de sa cruauté, assassiné par ses soldats.
— L'armée reçoit, pour
la
première fois une paie du trésor. Guerres contre les Volsques, les Fidénates et les Falisques.

1. Lesconsuls M. Génucius et C. Curtius rem- des grands au peuple. Aussi, les patriciens appri-
placèrent les précédents. Cette année, le repos rent-ils avec joie que les Ardéates, mécontents de
public fut troublé au dedans et au dehors. Dès l'injustice avec laquelle on leur avait enlevé leur
les premiers jours, C. Canuléius, tribun du peu- territoire, s'étaient soulevés; que lesVéiensavaient
ple, proposa une loi relative aux mariages entre ravagé les frontières de la république, et que les
patriciens et plébéiens, laquelle devait, selon les Volsques et les Èques s'irritaient des fortifications
patriciens, souiller la pureté de leur sang et con- de Verrug; tant ils préféraient une guerre, même
fondre les droits de toutes les races. Ensuite, la malheureuse, à une paix humiliante. A ces nou-
prétention, insensiblement élevée parles tribuns, Yelles, qui sont encore exagérées, pour étouffer,
d'obtenir que l'un des consuls fût choisi parmi le au milieu de tous ces bruits de guerre, les propo-
peuple, en vint là que neuf tribuns présentè- sitions des tribuns, ou ordonne de faire des levées,
rent un projet de loi, « pour que le peuple ro- et de pousser les préparatifs avec la dernière vi-
main pût, à son gré, choisir les consuls parmi les gueur on veut même, s'il est possible les pous-
plébéiens ou les patriciens. » La conséquence de ser plusvivemeut que sous le consulat de T. Quinc-
cette mesure, pensait-on, serait, non pas seule- tius. A cette époque, Canuléius s'écria dans le
ment d'appeler les plus obscurs au partagede l'au- sénat, a Que les consuls essayaient en vain, en
torité suprême, mais de la transporter tout à fait effrayant le peuple, de le détourner des nouvelles

LIBER QUARTUS. sus auferri a primoribus ad plebem summum imperium


credebant. Lati erpo audiere Patres, Ardeatium populum
I.Hos secuti M. Genucius et C. Curtius consules. Fuit ob injuriam agri abjudicati descisse, et Veientes depopu-
aunus domi forisque infestus. Nam anni principio et de latos extrema agri romani et Volscos Æquosque ob com-
connubio Patrum et plebis C. Canuleius, tribunus plebis, muuitam Verruginem fremere adeo vel infelix bellum
rogationem promulgavit; qua contaminari sanguiueui ignomioiosæ paci præferebant.His ilaque in majus etiam
suum Patres, confundiquejura gentium rebantur; et meu- acceptis, ut inter strepitum tot bellorum conticeecerent
tio, primo sensim illata a tribuni, ut alterum ex plebe acdoues tribuniciæ, delectus haberi, bellum armaque vi
consulem liceret fieri, eo processit deinde ut rogatiouem summa apparari jubent; si quo intentius possit, quam T.
novem tribuni promulgarent, Utpopulopotestas esse[, Quinctio consule apparalum sit. Tum C. Canuleius pauca
seu de plebe, seu de Patribus vellet, consules faciendi.. in senatu vociferatus « Nequicquam terrtando consules
id vero si fiet et, uon vulgari modo cum infimis. sed pror- avertere plcbcm a cura novarum legum; nunquam eos se
lois; que jamais, lui vivant, ils ne feraient de le- toute distinction, personne ne pourra plus recon-
vées, avant que le peuple eût adopté les projets naître ni soi ni les siens. En effet, quel sera le
proposés par ses collègues et par lui; et
aussitôt résultat de ces mariages mixtes où patriciens et
i1 convoqua une assemblée. plébéiens s'accoupleront au hasard comme des
II. En même temps les consuls et le tribun ex- brutes? Ceux qni en naîtront ne sauront à quel
citaient, les uns le sénat contre le tribun, l'autre sang, à quels sacrifices ils appartiennent; mi-par-
le peuple contre les consuls. Les consuls disaient: ties des deux races, ils n'auront pas en eux-mêmes
« Qu'il était impossiblede tolérer plus longtemps d'unité. En outre, comme si c'était peu encore
les excès du tribunal on était arrivé au dénoue- que ce bouleversement des choses divines et hu-
ment, c'était dans Rome et non pas au dehors que maines ces perturbateurs du peuple se disposent
se trouvaient les ennemis les plus redoutables. à envahir le consulat. D'abords ils parlaient
seu-
Au reste, il ne fallait pas plus en accuser le peu- lement de prendre parmi le peuple un des deux
ple que les patriciens, les tribuns que les consuls. consuls; aujonrd'hui ils demandent que le peuple
Les choses qui sont le mieux récompensées dans soit libre de choisir les deux consuls parmi les
un état sont toujours celles qui y prennent le pati iciens ou parmi les plébéiens et soyez cer-
plus d'accroissement;et c'est ainsi que se forment tains qu'il choisira parmi ces derniers tout ce
les liommes remarquables dans la paix ou dans qu'il y aura de plus séditieux. Ainsi les Canuléius,
la guerre. A Rome, c'était aux séditions que l'on les Icilius seront consuls. Puisse Jupiter très-
réservait les plus grandes récompenses; elles bon et très-grand ne point laisser tomber si bas le
étaient pour les particuliers, comme pour la mul- pouvoir de la majesté royale! et nous, mourons
titude, une source d'honneurs. Rappelez-vous en plutôt mille fois, que de souffrir cette profana-
quel état vous avez reçu de vos pères cette ma- tion. Nous n'en doutons point si nos ancêtres
jesté du sénat que vous devez transmettre à vos avaient pu prévoir qu'en accordant au peuple
enfants; vous ne pourrez pas, comme le peuple, tout ce qu'il voulait, ils ne feraient, loin de l'a-
vous vanter d'avoir augmenté, agrandi votre héri- doucir, que le rendre plus âpre, plus exigeant et
tage. Il ne faut donc pas espérer de voir un terme plus injuste dans ses prétentions, ils auraient
à ces désordres, tant que les auteurs des séditions mieux aimé courir la chance d'une lutte que de
seront aussi honorés, que les séditions sont heu- subir le joug de semblables lois. Parce que déjà
rnuses. Quelle entreprise fut jamais plus auda- l'on avait cédé pour le tribunat, il a fallu céder
cieuse que celle de Canuléius? Il veut mêler les encore. il n'y a pas de terme possible la même
rangs, mettre la confusion daus les auspices pu- ville ne saurait contenir des tribuns du peuple
blics et particuliers, ne laisser rien de pur, rien et des patriciens il faut abolir ou cet ordre ou
d'intact; et quand il aura fait ainsi disparaitre cette magistrature; mieux vaut tard que ja-

vivo delectum habituros, antequam ea, quae promulgata ut, qui natus sit, ignoret cujus sanguinis, quorum sa-
ab se collegisqueessent, plebes scivisset. » Et confestimad crorum sit; dimidius Patrum sit, dimidius plebis, ne se-
concionem advocavit. cum quidem ipse concors f Parum id videri quod omnia
II. Eodem tempore et consulessenatum in tribunum divina humanaque turbentur; jam ad consulatnm vulgi
et tribuuus pnpulum in consules incitabat. Negabant con- turbatores accingi; et primo, ut alter consul ex plebe fle-
sules, Jam ultra ferri posse furores tribumtios ventum ret, id modo sermonibns tentasse; nunc rogari ut. seu
jamad finem esse; domi plus belli concitari, quam foris. ex Patribus, seu ex plebe velit, populus consules creet;
Id adeo non plebis, quam Patrum neque tribuoorum et creaturos haud dubie ex plebe seditiosissimnm quem-
magis, quam consulum, culpa accidere. Cujus rei prre- qne. Canuleios igitur Iciliosque consules fore. Ne id Ju-
mium ait in civitate, eam maximis semper auctibus cres- piter optimus maaimus sineret, regiæ majesiatis impe-
cere sic pace bouos, sic bello fieri. Maximum Romm rium eo recidere; et se millies morituros potius quam
præmium seditionum esse id et siugulis univeraisque ut tantum dedecoris admitti patiantur. Certum habere
semper honori fuisse. Reminiscerentur, quam majesta- majores quoque, si divinassent, coucedendo omnia nun,
tem senatus ipsi a patribus accepissent, quam liberis tra- mitiorem in se plebcm sed asperiorem alia ex aliis ini-
dituri essent ut quemadmodum plebs gloriari posseot, quiora postulando, quum prima impetrassent, futuram.
aucdorem amplioremque esse. Finem ergo non fleri, nec primo quamlibet dimicationcm subituros fuisse potius,
futuram, douée, quam felices seditiones, tam honorati quam eas leges sibi imponi paterentur. Quia tum conces-
seditionum auctores essent. Quas quantasque res C. Ca- sum sit de tribunis, iterum concessum esse. Finem non
nuleium aggressum? Colluvionem gentium perturba- fieri non passe in eadem civitate tribunos plebis et Pa-
tiouem auspiciurum publicorum privatoruinque afferre, tres esse aut hune ordinem aut illum magistratum tol-
ne quid sinceri, ne quid incontaminati sit ut, discrimine lendum esse; potiusque sero, quam nunquam obviam
omni sublato, nec se quisquam, nec suos noverit. Quam eundum audaciæ temeritatique. Illine ut impnne primo
emm sliam vim connubia promiscua babere nisi ut fera- discordias serentes concitent finitima bella deinde adver-
rum prope rilu vulgentur concubitus plcbis Patrumque sus ea, quae coucilavcrint,ai mari civitatem defendique
mais prévenir l'audace et la témérité. Ces arti- habitons du moins la même patrie? Par ta pre-
sans de troubles auront-ils le droit d'exciter à mière, nous demandons la liberté du mariage, lai
la guerre les nations voisines, et ensuite nous quelle s'accorde aux peuples voisins et aux étrar-
empêcheront-ilsde nous armer pour repousser ces gers nous-mêmes nous avons accordé le droit (o
guerres qu'ils ont excitées? Ils auront presque ap- cité, bien plus considérable que le mariage,
pelé eux-mêmes les ennemis, et ils ne nous per- des ennemis vaincus. L'autre proposition n'
mettront pas de lever des troupes contre eux? rien de nouveau nous ne faisons que rcdemai-
Voilà maintenant Canuléius qui ose déclarer dans der et réclamer un droit qui ahpai tient au peu-
le sénat que si les patriciens n'acceptent ses lois ple, le droit de confier les lionncurs à ceux
comme celles d'un vainqueur, il défendra toutes qui il lui plaît. Y a-t-il là de quoi bouleverser e
levées qu'est-ce autre chose que menacer de li- ciel et la terre? de quoi se jeter sur moi, comme
vrer la patrie? de la laisser assiéger et prendre? ils l'ont presque fait tout à l'heure dans le sénat?
Quels encouragements un pareil langage ne donne- de quoi annoncer qu'ils emploieront la force, qu'ils
t-il pas non-seulement au bas peuple de Rome, violeront une magistrature sainte et sacrée? Eh
mais aux Volsques, aux Èques et aux Véiens? Ne quoi! donc, si l'on donne au peuple romain la li-
peuvent-ils pas espérer que, sous la conduite de berté des suffrages, afin qu'il puisse confier à qui
Canuléius, ils escaladeront la citadelle et le Capi- il voudra la dignité consulaire; et si l'on n'ôte
tole, si les tribuns ont enlevé aux patriciens, avec pas l'espoir de parvenir à cet honneur suprême
leurs droits et leurs majesté, tout leur courage? à un plébéien qui en sera digne, cette ville ne
Mais les consuls sont prêts à les guider contre des pourra subsister! C'en est fait de l'empire! et
citoyens coupables, avant de marcher contre l'en- parler d'un consul plébéien, c'est presque dire
nemi. » qu'un esclave, qu'un affranchi pourra le devenir 1
111. Tandis que ces choses se passaient dans le Ne sentez-vous pas dans quelle humiliation vous
sénat, Canuléius parlait ainsi pour ses lois et con- vivez? Ils vous empêcheraient, s'ils le pouvaient,
tre les consuls a Déjà, Romains, j'ai souvent eu de partager avec eux la lumière. Ils s'indignent
l'occasion de remarquer à quel point vous mépri- que vous respiriez, que vous parliez, que vous
saient les patriciens, et combien ils vous jugeaient ayez figurehumaine.Ils vont même (que les dieux
indignes de vivre avec eux dans la même ville, me pardonnent! ) jusqu'à appeler sacrilège la no-
entre les mêmes murailles. Mais je n'en ai jamais mination d'un consul plébéien. Je vous en atteste 1
été plus frappé qu'aujourd'hui, en voyant avec Si les fastes de la république, si les registres des
quelle fureur ils s'élèvent contre nos propositions. pontifes ne nous sont pas ouverts, ignorons-nous
Et cependant, à quoi tendent-elles, qu'à leur pour cela ce que pas un étranger n'ignore? Les
rappeler que nous sommes leurs concitoyens, et consuls n'ont-ils pas remplacé les rois? n'ont-ils
que si nous n'avons pas les mêmes richesses, nous pas obtenu les mêmes droits, la même majesté?

probibeant? et, quum hostes tantum non arcessierint, civitatem quw plus quam connubium est, hostibns etiam
exercitus conscribi adversus hostes non patiantur? S2d victis dedimus. Altera nihit novi ferimus; êed id, quud
audeat Canuleius in senatu proloqui, se, nist suas leges populi est, repetimusatque usurpanius ut, quibus velit,
tanquam victoris Patres accipi sinant, delectum haberi populus Romanus honores mandet. Quid tandem est, cur
prohibiturum.Quid esse aliud, quam minari, se prodi- coelum ac terras misceant, cur iu me impetus modo pæne
turum patriam? oppugnari atque capi passurum? Quid in senatu sit factus ? negent se manibus temperaturos,
eam vocem ammorum, non plehi Romanæ, sed `olscis vio!aturosque denuntient sacrosanctam potestatem? Si
et Æquis et VeientibusaUaturamNonne, Canuleio ducp, populo Romano liberum suffragium datur, ut, quibus
se speraturos Capitolium atque arcem seaudere posse si velit, consulatum mandet, et non præciditur spes plebeio
Patribus tribuni, cum jure ac majestate adcmpta, ani- quoque, si dignas summo honore erit, apiscendi summi
mus etiam eripuerint? Consules paratos esse duces prius honoris, stare urbs hæc non poterit? de imperio aetum
adversus scelus civium, qnam adversus hostium arma.. » est? et perinde hoc valet, plebeiusneconsul fiât, tanquam
III. Quum maximehæc in senatu agerentur, Canuleius servum aut libertinum aliquis consulem futurum dicat ?
prolegibussuis et adversusconsules ita disseruit « Quan- Ecquid sentitis, in quanto contemptu vivatis? Lucis vobis
topere vos, Quirites, contemnerentPatres, quam indig- hujus partem, si liceat, adimant. Quod spiratis, quod
nos ducerent, qui una secum urbe intra cadem mœnia vocem mittitis, quod formas hominum habelis, indiguan-
viveretis, saepe equidem et ante videor animadvertisse; tur. Quin etiam (si diis placet) nefas aiunt esse, consu-
nunctamen maxime, quod adeo ati oces in has rogationes lem plebeium fieri. Obsecro vos, si non ad fastos, non
nostras coorti sunt quibus quid aliud quamadmonemus, ad commentarios pontificum admittimur, ne ea quidem
cives nos eorum esse, et, si non casdem opes habere, scimus, qua3 omnes peregrini etiam sciunt? consules in
eafndem tamen patriam incolere? Altera connubum peti- locum regum successisse ? ncc aut jurais, aut majestatis
mus, quod finitimis exteruisque dari solet; nos quidem quicyuam habere, quod non in regibus aute fucrit? Eu
Croyez-vous que nous n'ayons jamais entendu main au gouvernail de l'état? Voulons-nous
que
dire que Numa Pompilius, qui n'étaitni patricien, nos consuls ressemblent aux décemvirs, les plus
ni même citoyen romain, fut appelé du fond de la odieux des mortels, qui tous alors étaient patri-
Sabine par l'ordre du peuple sur la proposition ciens, plutôt qu'aux meilleurs des rois, qui furent
du sénat, pour régner sur Rome? Que, plus tard, des hommes nou\eaux?
L. l'arquinius, qui n'appartenait ni à cette ville IV. « Mais, dira-t-on, jamais depuis l'expulsion
ni même à l'Italie, et qui était fils de Damarate des rois un plébéien n'a obtenu le consulat. Que
de Corintlre, transplanté de Taiquinies, fut fait s'cnsuit-il? Est-il défendu d'innover? et ce qui no
roi du vivant des lils d'Ancus? Qu'après lui Ser- s'est jamais fait (bien des choses sont encore à
vius Tullius, fils d'une captive de Corniculum, faire chez un peuple nouveau) doit-il malgré
S. Tullius, né d'un père inconnu et d'une mère l'utilité, ne se faire jamais? Nous n'avions,
esclave, parvint au trône sans autre titre que son sous le règne de Romulus, ni pontifes, ni augu-
intelligence et ses vertus? Parlerai-je de T. Ta- res ils furent institués par Numa Pompilius. Il
t;us le Sabin, que Romulus lui-même, fondateur n'y avait à Itome ni cens, ni distribution par cen-
de notre ville, admit à partager son trône? Ainsi, turies et par classes; Serv. Tullius les établit. Il
c'est en n'excluant aucune classe où brillait le mé- n'y avait jamais eu de consuls les rois une fois
rite, que l'empire romain s'est agrandi? Rougissez chassés, on en créa. On ne connaissait ni le nom,
donc d'avoir un consul plébéien, quand vos ancê- ni l'autorité de dictateur nos pères y pourvurent.
tres n'ont pas dédaigné d'avoir des étrangers pour Il n'y avait ni tribuns du peuple, ni édiles, ni
rois; quand, après même l'expulsion des rois, questeurs on institua ces fonctions. Dans l'espace
notre ville n'a pas été fermée au mérite étranger. de dix ans, nous avons créé les.décemvirs pour
En effet, p'est-ce pas après l'expulsion des rois rédiger nos lois, et nous les avons abolis. Qui
que la famille Claudia a été reçue non-seulemeut doute que dans la ville éternelle, qui est destinée à
parmi les citoyens, mais encore au rang des pa- s'agrandir sans fin, on ne doive établir de nouveaux
triciens ? Ainsi, d'un étranger on pourra faire un pouvoirs, de nouveaux sacerdoces, de nouveaux
patricien, puis un consul; et un citoyen de Rome, droits des nations et des hommes? Cette prohi-
s'il est né dans le peule, devra renoncer à l'es- bition des mariages entre patriciens et plébéiens,
poir d'arriver au consulat! Cependant croyons- ne sont-ce pas ces misérables décemvirs qui l'ont
nous qu'il ne puisse sortir des rangs popalaires un eux-mêmes imaginée dans ces derniers temps
homme de courage et de cœur, habille dans la pour faire affront au peuple? Y a-t-il une injure
paix et dans la guerre, qui ressemble à Numa, à plus grave, plus cruelle, que de juger indigne du
L.'l'arquinius, à Servius Tullius?ou si cet homme mariage une partie des citoyens comme s'ils
existe, pourquoi ne pas permettre qu'il porte la étaient entachés de quelque souillure? N'est-ce

unquam creditis fando auditum esse Numam Pompi- qur decemviris, teterrimis mortalium qni tamen omnes
lium, non modo non patricium, sed ne civem quidem ex Patribus erant, quam optimis regum novis homini-
Rumanum,ex Sabino agro accitum, populi jussu, Patri- bus, similes consules sumus habituri?
bus auctorihus, Romæ reguasse? L. deinde Tarquinium, IV.. At enim nemo post reges exactos de plebe consul
non Romanæ modo, sed ne itahcæ quidem gentis, Da- fuit. Quid postea? Nullane res nova institui debett et
marati Corinthii filium, incolam ah Tarqumiis, vivis quod nondum est factum ( multa enim nondum sunt facta
literis Anci regem tactum Ser. Tullium post hunc, ca- in novo populo) ea, ue si utilia quidem sint, fieri opor-
ptiva Cormculana natum, pâtre nullo, maire serva, inge- tet ? Pontifices, augures, Romulo regnante, nulli erant;
nio, .irtute regnum tenuisse? Quid enim de T. Tatio ab Numa Pompilio creati sunt. Census in civitate et de-
Sahinu dicam, quein ipse Romulus, parens urbis, in so- scriptiocenturiarum classiumquenon erat ab Ser. Tullio
ciftatem regni accepit? Ergo, dum nullum fastiditur est facta. Consules nunquam fuerant regibus exactis,
genus, in quo eniteret virtus, crevit imperium Roma- creati sunt. Dictatoris nec imperium neç nomen fuerat
uum. Pœniteat nunc vos plebeii consulis, quum majores apud patres esse cœpit. Tribuni plebis, aediles, quæsto-
nostri adveuas reges non fastidierint, et ne regibus qui- res, nulli erant institutum est, ut fierent. Decemviros
dnm exactis clausaurbs fucrit peregrinæ virtuti. Claudiam legibus scribendia iotra decem hos annos et creavimus,et
certe gentein post reges exactos ex Sabinis non in civita- e republica sustulimus. Quis dubitat, quin, in æternum
tem modo accepimus, sed etiam in p.itriciorum nume- urbe condita, in immensum crescente nova imperia,
rum. Ex peregrmone patricius, deinde consul fiat? civis sacerdotia,jura gentium hominumque instituantur? Hoc
Romanus si sit ex plebe, præcisa consulatus spes erit? ipsum, ne connubium Patribus cum plebe esset, non de-
utrum tandem non credimus fieri posse, ut vir furtis ne cemviri tuterunt paucis his aunis pestimo exemplo pu-
strenuus, pace bclloque bonus, ex plebe sit, Numæ, L. blico, cum summa injuria plebisP An esse ulla major aut
Tarquinio, Ser. Tullio simili%? Anne, si sit quidem, ad iusiguior conlumelia potest, quam partem civitatis, velut
guberuacula reipublicx accedere eum patiemurP potius- contaminatam, indignam connubio baberi ? Quidest aliud.
pas souffrir dans l'enceinte même de la ville une avec une plébéienne, d'un plébéien avec une patri-
sorte d'exil et de déportation? Ils se défendent cienne? Qu'y aurait-il de changé au droit, puis-
d'unions et d'alliances avec nous; ils craignent que les enfants suivent l'état de leur père? Tout
que leur sang ne se mêle avec le nôtre. Eh bien1 ce que nous demandons par là, c'est que vous
si ce mélange souille votre noblesse que la plu- nous admettiez au nombre des hommes et des ci-
part, originaires d'Albe ou de Sabine, vous ne toyens et à moins que notre abaissement et
devez ni au sang ni à la naissance, mais au choix notre ignominie ne soient pour vous un plaisir,
des rois d'abord, et ensuite à celui du peuple vous n'avez pas de raison pour vous y opposer.
qui vous a élevés au rang de patriciens; il fallait V. « Mais enfin, est-ce à vous ou au peuple ro-
en conserver la pureté par des mesures privées; main qu'appartient l'autorité suprême? A-t-on
il fallait ne pas choisir vos femmes dans la classe chassé les rois pour fonder votre domination, ou
du peuple, et ne pas souffrir que vos filles, que pour établir l'égalité de tous? Il doit être permis
vos sœurs choisissent leurs époux en dehors des au peuple de porter, quand il lui plaît, une loi.
patriciens. Jamais plébéien n'eût fait violence à Sitôt que nous lui avons soumis une proposition,
une jeune patricienne de pareils caprices ne viendrez-vous toujours, pour le punir, ordonner
siéent qu'aux patriciens; et jamais personne ne des levées? Au moment où moi, tribun, j'appel-
vous eût contraint à des unions auxquelles vous lerai les tribus au suffrage, toi, consul, tu for-
n'auriez pas consenti. Mais les prohiber par une ceras la jeunesse à prêter serment, tu la traîncras
loi, mais défendre les mariages entre patriciens dans les camps, tu menaceras le peuple, tu me-
et plébéiens, c'est un outrage pour le peuple ce naceras le tribun? En effet, n'avous-nous pas
serait aussi bien d'interdire les mariages entre les déjà éprouvé deux fois ce que peuvent ces mena-
riches et les pauvres. Jusqu'ici ou a toujours laissé ces contre l'union du peuple? Mais c'est sans
au libre arbitre des particuliers le choix de la mai- doute, par indulgence que vous vous êtes abstenus
son où une femme devait entrer par mariage, de d'en venir aux mainsl non 1 s'il n'y a pas eu de
celle où un homme devait prendre un épouse; et prise, n'est-ce pas que le parti le plus fort a été
vous, vous l'enchaînez dans les liens d'une loi or- aussi le plus modéré? Et aujourd'hui encore, il
gueilleuse, pour diviser les citoyens, et faire deux n'y aura pas de lutte, Romains; ils tenteront tou-
états d'un seul. Pourquoi ne décrétez-vous pas jours votre courage, et ne mettront jamais vos
également qu'un plébéien ne pourra demeurer forces à l'épreuve. Ainsi, consuls, que cette guerre
dans le voisinage d'un patricien, ni marcher dans soit feinte ou sérieuse, le peuple est prêt à vous
le mêmechemin, ni s'asseoir à la même table, ni se y suivre, si, en permettant les mariages, vous
montrer sur le même forum? N'est-cepasla même rétablissez enfin dans Rome l'unité; s'il lui est
chose que de défendre l'alliance d'un patricien permis de s'unir, de se joindre, de se mêler à

quam exsilium intra eadem mœnia, quam relegationem plebeius? Quid jurit tandem mutatur? nempe patrem
pati? Ne affiuitatibus, ne propinquita tibus immsceamur, sequuutur hberi. Nec, quod nos ex connubio vestro pe-
cavent; ne societur sanguis. Quid ? hoc si polluit nobili- tamus, quicquam est, præterquam ut hominum, ut ci-
tatem istam vestram, quam plerique oriundi ex Albanis vium numéro simus nec, vos (nisi in contumelinm igno-
et Sabinis, non genere nec sanguine sed per cooptatio- miniamque nostram certare juvat) quod contendatis,
nem in Patres habetis, aut ab regibus lecti, aut post re- quicquam est.
ges exactos jussu populi; sinceram servare privatis consi- V..Denique ulrum tandem populi Romani, an ve-
liis non poteratis, nec ducendo ex plebe, neque vestras strum summum imperium est? Regibus exactis, utrum
filias sororesque enubere siuendo e Pdtribus? Nemo ple- vobis dominatio, au omnibus iequa libertis parta est?
beius patriciae virgini vim afferret patriciorum ista li- Oportet licere populo Romano, si velit, jub r e legem.
bldoest, Nemo invitum pactionem nuptialem quemquam An, ut quæque rogatio promulgata erit, 105 delectum
facere coegisset, Verum enim vero lege id prohiberi, pro pœna decernetrs ? et simul ego tribunusvocare tribus
et connubium tolli Patrum ac plebis id demum contume- in suffragium cœpero, tu statim cousul sacramento junio-
liosum plebi est. Cur enim non coufertis ne sit connu- res adiges, et in castra educes? et minaberisplebi, mi-
bium diviubusacpauperibus?Quodprivatorum consitiu- naberis tribuno? Quid, si non, quantum ista' minæ ad
rum ubique semper fuit, ut, in quam cuique feminæ versus plebis consensum valerent, bis jam experti esselis?
couvenisset domum, nuberet; ex qua pactus esset vir do- Scilicet, quia nobis consultum volebatis, certamine absll-
mo, in matrimoniumduceret; id vos sub legis superbis- nuistis an ideo non est dimicatum, quod, quæ pars fir-
simas Tincula conjicitis, qua dirimalis societatem civi:em, mior, eadem modestior fuit? Nec nunc erit certamen,
duasque ex una civitate faciatis 1 Cur non sancitis, ne vi- Quirites animos vestros illi teotabunt semper, vires non
cinus patricio sit plcbeius 1 ne eodelll itinere eat? ne idem experienlur. Itaque ad bella ista, seu falsa, seu vera
convivium ineat? ne in foro eodem consistât? Quid enim suot, consules, parata vobis plebes est, si connubiis red-
in re est aliud, si plebeiam patricius duxerit, si patriciam ditis, unam banc clvitatem tandem facitis; ai coalescere,
vous par des liens de famille; si l'espoir, si l'ac- et que le peuple, satisfait d'avoir obtenu le ma-
ces aux honneurs cessent d'être interdits au mé- riage, se prêterait à l'enrôlement. Mais l'impor-
rite et au courage; si nous sommes admis à pren- tance que Canuléius obtient par cette victoire sur
dre rang dans la république; si, comme le veut les patriciens et par la faveur du peuple, excite
une liberté égale, il nous est accordé d'obéir et l'émulation des autres tribuns; ils combattent vi-
de commander tour à tour par les magistratures goureusement pour le succès de leurs prétentions,
annuelles. Si ces conditions vous répugnent, par- et, quoique les bruits de guerre prennent chaque
lez, parlez de guerre tant qu'il vous plaira; per- jour plus de consistance, ils empêchent toutes le-
sonne ne donnera son nom, personne ne prendra vées. L'opposition des tribuns arrêtant aussi les
les armes, personne ne voudra combattre pour consuls dans le sénat, ceux-ci réunissaient dans
des maitres superbes qui ne veulent nous admet- leurs maisons les principaux sénateurs il fallait,
tre ni à partager avec eux les honneurs, ni à en- selon eux, céder la victoire ou aux ennnemis ou
trer dans leurs familles. » aux citoyens. Seuls parmi les consulaires, Hora-
VI. Les consuls haranguèrentaussi l'assemblée, tius et Valérius n'assistaientpoint à ces réunions.
et aux discours suivis succéda une sorte d'alterca- L'avis de C. Claudius armait les consuls contre
tion. Dans le fort de la dispute le tribun ayant les tribuns; mais Cincinnatus et Capitolinus, de
demandé pour quel motif un plébéien ne pouvait la famille des Quinctius, s'opposaient de toutes
être consul il lui fut répondu avec plus de fran- leurs forces à ce que l'on versât du sang, à ce
chise que d'à-propos a que c'était parce que nul que l'on portât atteinte à des magistrats qu'un
plébéien n'avait les auspices, et que les décemvirs traité avec le peuple avait déclarés inviolables.
n'avaient interdit les mariages entre les deux or- Le résultat de ces délibérations fut que les palri-
dres que pour empêcher que les auspices ne fus- ciens accordèrentla création de tribuns militaires
sent troublés par des hommes d'une naissance in- revêtus de tous les pouvoirs du consulat, et pris
certaine. » Ces paroles enflammèrent au plus haut indifféremment parmi les patriciens et les plé-
degré l'indignation du peuple, à qui l'on refusait béiens. Rien ne fut changé à l'élection des con-
de prendre les auspices, comme s'il eût été l'objet suls. Cet arrangement satisfit également les tri-
de la réprobation des dieux immortels. Et comme buns et le peuple. Les comices où l'on doit élire
il avait un tribun décidé, auquel il ne le cédait trois de ces tribuns revêtus de la puissance con-
pas lui-même en opiniâtreté, la querelle ne se sulaire, sont indiqués. A cette nouvelle, tous
termina que par la défaite des patriciens qui con- ceux qui s'étaient fait remarquer par un lauëaëe
sentirent à la présentation de la loi sur les maria- ou par des actions séditieuses, et principalement
ges, persuadés que de leur côté les tribuns se dé- les anciens tribuns du peuple, se mettent à solli-
sisteraient de leur demande de consuls plébéiens, citer les suffrages, à parcourir le forum, couverts
ou du moins qu'ils attendraient la fin de la guerre, de la robe blanche affectée aux candidats. Aussi

si jungi miscerique vobis privatis necessitudinibus pos- bunos aut totam deposituros, aut post bellum dilaturoa
sunt; si spes, si aditus ad honores viris strenuis et forti- esse contentamque intérim connubio plebem paratam
in
bus datur; si in cousortio, si societate reipublicæ esse; delectui fore. Quum Canuleius victoria de Patribus et
si, quod æquæ libertatis est, in vicem annuis magistra- plebis favore ingens esset, accensi alii tribuni ad certa-
tibus parere atque imperitare licet. bi ha·c impediet ali- men pro rogatione sua summa vi pugnant, et, cresceule
quis, ferte sermonibus, et multiplicate fama bella nemo in dies fama belli, delectum impediunt. Consoles, qmun
est nomen daturus nemo arma capturus, nemo dimica- per semtum, intercodentibus tribunis, nibil agi posset,
turus pro superbis dominis, cum quibus nec in re pu- consilia principum domi habebant. Apparebat, aut hosti-
blica houorum nec in privata connubii societas est. bus, aut civibus de victoria concedendum esse. Soh ex
VI. Quum in concionem et consules processissent, et consularibus Valeriua atque Horatius non intererant con-
res a perpetuis oralionibus in altercationem vertisset, in- siiiis. C. Claudii sententia consules armabat in tribunos
lerrogauli tribuno, «Cnr plebeium consulem fleri non Quincliorum, Cincinnatique et Capitolini, sententiæ ab-
oporteret? » ut fortasse vere, sic parum utililer in præ- horrebant a cæde violandisque, quos fœdere icto cam
sens certamen respondit, Quod nemo plebeius auspicia plebe, secrosauctos accepissent. Per haec consilia eo de-
haberet ideoque decemviros conoubium diremisse, ne ducta rcs est, ut tribuuos militum consulari potestaie
incerta prole auspicia turbarentur. »Plebes ad id maxime promiscue ex Patribusac plebe creari sinerent de conau-
indignatione exarsit, quod auspicari, tanquam inrisi diis libus creandis nihil mutaretur eoque contenti trihuui.
immortalibus, negarentur posse. Nec aule finis conten- contenta plehs fuit. Comitia tribuuis consulari potestate
tionum fuit (quum et tribunum acerrimum auctorem tribus creandis indicuntur. Quibus indictis, extemplo qui-
plebes nacta esset, et ipsa cum eo perlinacia certaret), quam cunque aliquid seditiose dixerat, aut fecerat, quam maxi-
victi tandt,m Patres, ut de connubio ferretur, consensere: me tribunieii, et prensare homines, et concursare tote
ita malune rati contentionem de plebeiis consulibus tri- foro condidati cœpere ut patricios desperatio prirao,
d'abord, les patriciens, desespérant d'obtenir cet vait pas observé les formalités requises en dressant
honneur d'une multitude irritée, et indignés de la tente augurale. Ardée nousenvoya une dépu-
le partager avec de tels hommes, se tinrent à l'é- tation pour se plaindre de notre injustice, tout en
cart mais bientôt, cédant aux représentations nous laissant voir que la restitution du territoire
des plus influents d'entre eux, ils se mirent sur enlevé la maintiendrait dans notre alliance et dans
les rangs, pour ne pas paraître avoir renoncé notre amitié. Le sénat répondit « qu'il ne lui ap-
d'eux-mêmes à l'administration de la républi- partenait point de casser un jugement rendu par
que. L'événement de ces comices montra qu'au- le peuple; qu'il n'avait pour cela aucun précé-
tres sont les esprits dans la chaleur des débats, dent, ni aucun droit, et que d'ailleurs l'union
quand ils luttent pour leur liberté et leur di- des deux oi dres s'y opposait. Si les Ardéates vou-
gnité, autres quand, le combat fini, ils jugent de laient attendre le moment favorable et laisser au
sang-froid; car le peuple, satisfait d'être compté sénat le soin de réparer le tort qu'ils avaient souf-
pour quelque chose, choisit tous les tribuns parmi fert, ils n'auraient plus tard qu'à se féliciter de
les patriciens. Trouveriez-vous aujourd'hui chez leur modération; qu'au reste, ils fussent bien
un seul homme cette modération, cette équité, persuadés que le sénat avait mis autant de zèle à
cette grandeut- d'âme dont fit preuve alors un prévenir cette injustice qu'il en mettrait à la ré-
peuple entier? parer. » Les députés répondirent qu'ils se retire-
VII. L'an 510 de la fondation de Rome, les trl- raient sans avoir pris de décision, et furent con-
buns militaires remplacèrent pour la première gédiés avec bienveillance. Comme la république
fois les consuls ce furent A. Sempronius Atra- n'avait pas pour le moment de magistrature cu-
tinus, L. Atilius, T. Clélius, pendant la magistra- rule, les patriciens s'assemblèrent et créèrent un
ture desquels l'union au dedans donna la paix au interroi. On débattit pendant plusieurs jours la
dehors. Quelqueshistoriens, qui d'ailleurs ne par- question de savoir si l'on nommerait des consuls
lent point de la loi relativ e à la nomination de con- ou des tribuns militaires. L'interroi et le sénat
suls plébéiens, ont prétendu que c'était parce que demandaient des comices consulaires, les tribuns
la guerre de Véies s'était jointe à celle des Èques et le peuple voulaient des comices pour la nomi-
et des Volsques et à la défection d'Ardée, et parce nation des tribuns militaires. Les patiiciens l'em-
que les consuls ne pouvaient diriger tant de guer- portèrent parce que le peuple, décidé à conférer
res à la fois, que l'on avait créé trois tribuns mi- l'une ou l'autre dignité à des patriciens, sentit que
litaires. Mais l'autorité de ces magistrats ne s'af- son opposition était inutile, et parce que, d'autre
fermit pas tout d'abord car trois mois après leur part, les chefs du peuple préférèrent les comices
entrée en charge, un décret des augures les obli- où il ne devait pas être question d'eux, à ceux d'où
gea d'abdiquer à cause d'un vice dans leur élec- on les écarterait comme iudignes les tribuns du
tion C. Curtius, qui présidait les comices, n'a- peuple eux-mêmes se firent un mérite auprès des

irritata plebe, adipiscendi honoris, deinde indignatio, si nore abiere; quod C. Curtins, qui comitiis eorum prie-
cum his gerendns esset honos, deterreret postremo fuerat, parum recte tabernaculum cepisset. Legati ab
coacli tamen a primoribus petiere, ne cessisse possessione Ardea Romam venerunt, ila de injuria querentes, ut, si
republicæ viderentur. Eventus eorum comitiorum docuit, demeretur ea in fœdere atque amicitia mausuros, res-
alios ammos iu contentione libertatis dignitatisque, alios, tituto agro, appareret. Ab senatu responsum est « Judi-
secundum deposita certamina, incorrupto judicio esse cmm populi rescmdi ab senatu non posse, præterquam
tribunos euim omnes patricios creavit pupulus,contentus quod uullo nec exemplo nec jure fieret, concordræ etiam
eo, quod ratio habita plebeiorum esset. Hanc modestiarn ordinum causa. Si Ardeates sua tempora exspectareveliut,
equitatemque et altitudmem animi ubi nunc in uno inve- arbitriumque senatui levandæ injuriæ suæ permittant,
ueris, quæ him populi universi fuit? fore, ut postmodo gaudeant, se iræ moderatos; sciant-
VII. Anno lreccntesimo dccimo, quam urbs Roma con- que, Patribus æque curæ fuisse, ne qua injuria in eos
dila erat, primum tribuni militum pro consulibusmagis- oriretur, acne orta diuturna esset. Ita legati, quum se
tratum ineunt, A. Sempronius Atratinus, L. Atihns, rem iutegram relaturosdixissent,comiter dimissi. Patri-
T. Clœlius, quorumin magistratucoucordiadomi paceiii cii, quum sine curuli magistratu respublica esset, coiere,
etiam foris præbuit. Sunt, qui propter adjectum Æquo- et interregemcreavere. Coutenlio,consulesne, an tribuui
rum V olscorumque bello et Ardeatimn defectioniVeiens mihtum creareutur, in interregno rem dies complures
bellum, quia duo consules obire tot simui bella nequirent, tenuit. Inteirex ac senatus, consulum comitia; tribun
tribunos militum tres creatos dicant, sine mentioue pro- plebis et plebs, tribunorum militum ut habeantur, ten-
mulgatæ legis de consulibuscreandis ex plebe, et imperio dunt. Viccruut Paires, quia et plebs, patriciis seu hunc
et insign bus consularibua usos. Non tamen pro Grmato stu illnm delatura bonorem, frustra certare supersedit
jam stelit magistratus ejus jus qnia tertio mense quam et principes plebis ea comitia malebant,quibus non babe-
icieruut, auguruin dccreto, perinde ac vilio creati, ho- retur ratio sui, quam quibus ut indigni præterirentur.
sénateurs les plus considérables de renoncer à nus du peuple romain. Voici dans quelles circon-
une prétention qui ne dev ait pas avoir de succès. stances cette magistrature fut instituée. Le cens
T. Quinctius Barbatus, interroi, crée consuls n'avait pas eu lieu depuis plusieurs années, et il
L. Papirius Mugillanus et L. Sempronius Atrati- n'était plus possible de le différer davantage mais
nus. Sous ces consuls fut renouvelé le traité avec les consuls, au milieu de toutes les guerres qui
les Ardéates et c'est là le seul monument qui menaçaient, n'avaient pas le temps de s'en occu-
nous reste de leur consulat, car lenrs noms ne per. Ils représentèrent au sénat que cette opéra-
se trouvent ni dans les annales anciennes, ni dans tion pénible et nullement consulaire réclamait un
les livres des magistrats. L'année avait commencé magistrat spécial dont relèveraient les greffiers
sous des tribuns militaires; on les remplaça par qui aurait la garde et le soin des registres, et re-
des consuls; et alors, comme si l'autorité était glerait à son gré la manière de faire le cens.
restée toute l'année entre les mains des premiers, Les patriciens, malgré le peu d'importance de ces
les noms des consuls furent omis; toutefois, Li- fonctions, virent avec joie augmenter le nombre
cinius Macer prétend qu'on les trouve dans le traité des magistratures patriciennes persuadés je
avec les Ardéates, et dans les livres lintéens dé- crois, que, ainsi qu'il a été prouvé par l'événe-
posés dans le temple de Monéta. Malgré toutes les ment, la puissance personnelle de ceux à qui se-
menaces dont les nations voisinesvoulaient nous rait confiée celtecharge y ajouterait du lustre et de
effrayer, la paix régna au dehors comme au de- l'autorité. De leur côté, les tribunsn'y voyant que
dans. ce qu'elle offraitalors, c'est-à-diredes attributions
VIII. Mais soit que cette année n'ait eu que des qui avaient plus d'utilité que d'éclat, ne voulu-
tribuns, soit qu'aux tribuns aient été substitués rent pas s'obstiner mal à propos sur les moindres
des consuls, on connaît d'une manière positive les choses, et s'abstinrent de toute opposition. Cette
consuls de l'année suivaute c'étaient M. Gega- place étant dédaignée par les premiers de l'état,
nius Macérinus, qui fut élu pour la seconde fois, Papirius et Sempronius, qui n'avaient pas com-
et T. Quinctius Capitolinus, qui le fut pour la plété l'année de leur consulat (sur lequel même
cinquième. Cette même année vit l'établissement il s'élève des doutes ) furent, en dédommagement,
de la censure, qui, dans le principe, n'eut pas ehargés, par les suffrages du peuple, de faire le
grande importance, mais qui prit par la suite un .cens. La nature de leurs fonctions leur fit donner
tel développement, qu'elle eut entre ses mains la le nom de censeurs.
direction des mœurs et de la discipline romaine IX. Tandis que ces choses se passent à Rome
qu'elle prononça souverainement sur l'honneur Ardée envoie des députés réclamer, au nom de son
des sénateurs etdes chevaliers, et qu'elle eut dans antique alliance, et du traité récemment renou-
les attributions l'inspection des lieux publics et velé, un secours qui la sauve d'une ruine presque
particuliers, ainsi que l'administrationdes reve- certaine; car une guerre civile l'empêchait de

Tribuni quoque plebis certameo sine effectu in beneficio galia populi romani sub nutu atqne arbitrio essent. Or-
apud primores Patrum retiquere. T. Quinctius Barbatua tum autem initium rei est, quod in populo, per multoa
interrex consules creat L. Papirium Mugillanum,L. Sem- annos incenso, neque differri census poterat, neque con-
pronium Atratinum. His consulibus cum Ardeatibus fœ- sulibus, quum tot populorum bella imminerent, operm
dus reuovatum est idque monumenti est, consules eos erat id negotium agere. Mentio lllain ab senatu est,
illo anno fuisse, qui neque in annalibus priscis, neque Rem operosam ac miuimeconsularem suo proprio ma-
in librit magistratuum inveniuntur. Credo, quod tribun gistratu egere cui scribarum ministerium, enstodiæque
militum initio anni fuerunt, eo, perinde ac si totum an- et tabalarumcura cui arbitrium formulæ censendisubji-
nom in imperio fuerint, suffectis bis consulibus, præter- ceretur. » Et Patres, quanquam rem parvam, tamen, quo
missa nomina consulum horum. Licinius Macer auctor plures patricii magistratus in republica essent, læti acce-
est, et in fœdere Ardeatino, et in liuteislibris ad Monetæ pere id quod evenit, fulurum, credo, etiam rati, ut
inventa. Et foris, quum tot terrores a fiuitimis oatentati moi opes eorum, qui præessent, ipsi honori jus majes-
essent, et domi otium fuit. tatemque adjicerent.Et tribuni (id qnod tune erat) ma-
VII I. Hune onnum (seu tribunos modo, seu tribunis gis necessariam,quam speciosi ministerii procurationem
suffectos consules quoque babuit) sequirur annus hauddu- intuentes, ne in parvis quoque rebus incommode adver-
blis consuhbus, M. Geganio Maceriuo iterum, T. Quiuc- sarentur, baud sane tetendere. Quum a primoribus oivi-
tio Capitolino quintum consulibus. Idem bic annus cen- tatis spretusbonor esset, papirium Semproniumque, quo-
surw initium fuit, rei a parva origine ortæ que deiode rum de consulatu dubitatur, ut eo magistratu parum to-
tanto incremento ancta est, ut morum disciplinæquero- lidum consulatum explerent, censui agendo populus suf-
manæ peues eam rogimen, senatus, equitumque centu. fragiis præfecit. Censores ab re appellati sunt.
riæ, decoris dedecorisque discrimen sub ditione ejus ma- IX. Dum haec Roinae geruntur, legati ab Ardea veniunt,
gistratus, publicorum jus privatorumque locorum, vecti- proveterrima societate renovatoque fœdere recenti, susi-
jouir de la paix qu'elle avait en le bon esprit de la flamme dans les propriétés des nobles et
conserver avec Rome. La cause et l'origine de renfnrcé d'une multitude de journaliers, qu'attire
cette guerre était, à ce qu'on rapporte, le choc l'espoir du pillage, il sé prépare à assiéger une
des factions fléau toujours plus funeste aux états ville jusqu'alors paisible. Tous les maux de la
que la guerre étrangère, que la famine, que les guerre s'offrent à la fois il semble que la ville
épidémies, et toutes ces calamités, que l'on attri- entière soit animée de la rage de ces deux rivaux
bue d'ordinaire au courroux des dieux. Deux qui brûlent d'acheter un funeste hymen au prix
jeunes gens recherchaient une jeune fille de race de la chute de leur patrie. Les deux partis trou-
plébéienne et célèbre par sa beauté. L'un, né vèrent que cette guerre était trop peu de chose si
dans la même classe qu'elle, était appuyé par les elle se bornait à Ardée les nobles appelèrent les
tuteurs qui appartenaient aussi au même corps; Romains au secours de la ville assiégée le peuplo
l'autre, de famille noble, et qui ne s'était épris souleva les Volsques pour l'aider à s'en rendre
d'elle que pour ses charmes, avait pour lui la maître. Les Volsques conduits par Æquus Clé-
protection active de son ordre. La lutte des deux lius, arrivèrent les premiers, et mirent le siége
partis pénétra jusque dans la maison de la jeune devant la place. A peine la nouvelle en fut arrivée
fille la mère, voulant donner à sa fille le parti à Rome, que le consul, M. Geganius, partit avec
le plus brillant, s'était prononcée en faveur du son armée et vint camper à trois milles des en-
noble; les tuteurs, que l'esprit de parti dirigeait nemis. Le jour était sur son déclin. Il ordonne à
éâalement, soutenaient leur protégé. L'affaire, ses troupes de prendre de la nourrilureet du re-
n'ayant pu se décider en famille, fut portée de- pos mais à la quatrièmeveille il rapproche ses en-
vant les juges. La mère et les tuteurs entendus, seigues de l'ennemi, commence les travaux, et les
les magistrats accordèrent à la première le droit pousse avec tant d'activité, qu'au lever du soleil,
de conclure le mariage qu'elle désirait mais la les Volsques se trouvent enfermés par les Romains
force l'emporta. Eu effet, les tuteurs se plaignent dans un retranchementplus fort que celui dont ils
sur le forum à ceux de leur parti de l'injustice de ont environné la ville. De l'autre côté, le consul
cette décision, réunissent une troupe des leurs, avait avancé ses lignes jusqu'aux murs d'Ardée
et arrachent la jeune fille de la maison maternelle. afin que ses troupes pussent communiqueravec la
Les nobles, plus furieux encore, marchent contre ville.
eux sous la conduite du jeune amant, indigné X. Le général volsque, qui jusqu'alors avait
de cette injure. Un combat terrible s'engage. Le nourri son armée non de provisions de réserve,
peuple qui ne ressemblait en rien au peuple de mais du blé qu'il enlevait chaque jour dans la
Rome est repoussé; il sort en armes de la ville, campagne, se voyant tout à coup enfermé sans
s'établit sur une colline, d'où il porte le fer et ressources, demande une entrevue au consul et lui

Hum prope eversæ urbi implorantes.Frui namque pace, mata ex urbe profecta, colle quodam capto, in agros op-
optimo consilio cum populo remanoservata, per intestina timatium cum ferro iguique excursiones facit. Urbem
arma non licuit; quorum causa atque initium traditur ex quoque, omnis etiam expertein ante certiminis, multitu-
certaminefactiouum ortum quæ fuereeruntque pluribus dme opificum ad spem prædæ evocata obsidere parat
populis magis exitio, quam bella externa, quam fames nec ulla species cladesque belli abest velut contacta civi-
morbive, quæque alia in deum iras, velut ultima publi- tate rabie duorum juvenum, funestas nuptias ex occasu
corum malorum vertunt. Virginem plebei generis patriæ petentium. Parum parti utrique domi armorunt
maxime forma notam, petiere juvenes; alter vii-gini ge- belliqueest visum. Optimates romanos ad auxilium urbis
nere par, tutoribus fretus, qui et ipsi ejusdem corporis obsessæ, plebs ad expugnaudam secum Ardeam Volscos
erant; nobilis alter, nulla re, præterquam forum, cap- excivere. Priores Volsci, duce Æquo Clcelio, Ardeam
tus. Adjuvabant eum optimatium studia per quæ in do- venere, et mœnibus hostinm vallum objecere. Quod ubi
mum quoque puellae certamen partium penetravit. No- Romam est nuntiatum extemplo M. Gegauius consul,
bilis superiorjudicio matris esse, qua' quam splendidissi- cum exercitu profectus, tria millia passuum ab bosle lo-
mis nuptiis jungi puellam volebat; tutores, in ea quoque cum castris cepit, præcipitique jam die curare corpora
re partium memores, ad suum tendere. Quum res peragi milites jubel. Quarta deinde vigilia signa profert; cœp-
intra parietes nequisset, ventum in jus est. Postulatu au- tumque opus adeo approperatumest, ut, sole orto, Vol-
dito matris tutornmque, magistratus secundum parentis sel firmiore se munimento ab Romanis circumvallatos,
arbitrium dant jus nuptiarum.Sed vis potentior fuit. Nam- quam a se urbem viderent. Et alia parte consul muro
que tutores, inter suas partis homiues de injuria decreti Ardeae brachium injunierat, qua ex oppido sui commeare
palam in foro concionati, manu facta virginem ex domo possent.
matris rapiant adversus quos infestior coorta optima- X. Volscus imperator, qui ad eam diem, non com-
tium acies sequitur accensum injuria juveuem. Fit præ- meatu præparato, sed ex populatione agrorum rapto in
lium atrox. Pulsa plebs, nibil romanæ p!ebi similis, ar- diem frumento aluisset militem, postquam saeptus vallo
déclare que (1 Si les Romainssont venus pour f..ire lui restait encore quelque chose à faire pour anéan-
lever le siége, il est prêt à emmener les Volsques. » tir les traces de la cupidité du peuple. Le consul
A cela le consul répondit « Que des vaincus de- rentra dans Rome en triomphe. Devant son char
vaieut subir et non dicter les conditions et que si l'on conduisait Clélius, général des Volsques, et
les Volsques élaientvenus,quand ilsavaient trouvé l'on portait Ieî dépouilles enlevées à l'ennemi
le moment favorable, pour attaquer les alliés du avant de le faire passer sous le joug. Le consul
peuple romain, ils ne s'en iraient pas de même. Quinctius, sans quitter la toge, égala, ce qui n'é-
II fallait qu'ils livrassent leur général et missent tait point fucile, la gloire que son collègue avait
bas les armes en se confessant vaincus et en pro- acquise par les armes; car il sut si bien mainte-
mettant d'obéir. Autrement, soit qu'ils voulussent nir la paix et la concorde dans la ville par son ex-
s'éloigner ou rester, ils auraient en lui un ennemi trême équité envers les petits et les grands, que
implacable, décidé à revenir à Rome avec une vic- les patriciens parlaient de sa sévérité, et le peuple
toire plutôt qu'avec une paix douteuse. » Les Vois- de sa douceur. A l'égard des tribuns, il obtint plus
ques n'ayant plus d'autre ressource muent le peu de ces magistrats par son ascendant que par la
qui leur restait d'espoir dans les armes, et eurent violence. Cinq consulats, soutenus avec le mcme
encore le désavantaged'en venirauxmains dans un éclat, et sa vie entière, vraiment digne d'un cou-
poste peu favorable pour le combat, plusdéfavora- sul, ne lui attiraient pas moins de respect que
hle pour la fuite. Repoussés et massacrés de toutes l'autorité suprême. Aussi, cette annt'e ne fut-il
parts, et passant de la résistance aux prières, ils pas question de tribuns miliiaiies.
livieut leur géuéral, déposent leurs armes, pas- XI. On nomma consuls At. Fabius ilmlanus ct
sent sous le joug vêtus d'une simple tunique, et se Postumus Æbutius Cornicen. Les cunsuls Fabius
retirent couverts de honte, après une perte con- et Æbutius voyant la gloire dont leurs prédéces-
siderable; puis, s'etant arrêtés non loin de la ville senrs s'élaient couverts dans la paix et dans la
de Tusculum, dont les habitants, animés contie guerre (car la promptitude avec laquelle ils
eux d'une vieille haine, tombèrent sur leur troupe avaient secouru Ardée, sur le penchant de sa ruine,
désarmée ce fut à peine s'il en échappa pour avait produit une vive impression sur les peuples
purter la nouvelle de ce désastre. Le Romain réta- voisins, soit alliés soit enmmis), s'empressèrent
blit la paix dans Ardée en faisant tomber sous la av ec d'autant plus d'ardeur d'effacer tout souvenir
hache la tête des principaux auteurs de ces trou- d'un jugement honteux; ils rendirent un séuatus-
bles, et en réunissant leurs biens au domaine pu- consulte portant que, les dissentions civiles ayant
blic de leur patrie. Des services si importants pa- réduit de beaucoup la population d'Ardée, on y
raissaient aux Ardéates une réparation suffisante enverrait une colonie pour l'aider à se défendre
de l'injustice de Rome; mais le sénat trouvait qu'il coutre les Volsques. Tels étaient les motifs expo-

repente inopem omnium rerum videt, ad colloquium publicae avaritia' mcnumentum videbatur. Consul trium-
consule evocato, sisolveodæ obsidionis causa venerit phaus in urbem redit, Clœlio, duce Volscorum, aote cur-
Romanus, abduclurumae inde Volscos, ait.s Adversiis ea rum ducto, prælatisque spoliis, quibus dearmatum exer-
consul, « victis conitiones accipiendasesse, non ferendas,citum hostium sub jugum miserai. Æquavit, quod baud
respondit oeque, ut venerintad oppugnaudos socios po- facile est, Quinctius consul togatus ai-mati gloriam col-
puli romani suo arbitrio, ita abituros Volscos esse. Dedi legæ quia concordiaepacisque domest cam curam, jura
imperatorem, arma poni, jubet, fatentes victos se esse, infimis summisque moderando, ila tenuit, ut eum et Pa-
et imperio parere; aliter, tam abeuntibus,quam manen- tres severum consulem et plebs salis comem crediderint.
tibus, se hostem infensum, victoriam potius ex Volscis, Et adversus tribunos auctontate plura quam certamme,
quam pacem mfidam, Romam relaturum..Volsci exi- tenuit. Quinque consulatus, eodem tenore gesti vitaque
guam spem iu armis, alia undique abscisa, quum tentas- omnis, consulariter acta, verendum pane ipsum magls,
aeot, praetercetera adversa loco quoque iniquo ad pugnam quam honorem, faciebant. Eo tribunorum militarium
congressi, iniquiore ad fugam, quum ab omni parte cae- nulla mentio bis conaulibusfuit.
derentur, ad precesa certamine versi, dedito imperatore XI. Consules créant M. Fabium Vibulanum, Postu-
traditisque armis, sub jugum missi, cum singulis vesti- mum Æbutium Cormcinem. Fabius et Æbutius consules,
mentis ignominiæ cladisque pleni dimittuntur. Et, quum quo majori glorias rerum domi forisque gestarum, suc-
haud procul urbe Tusculo cousedissent, vetere Tuscula- cedere se cernebaut ( maxime autem meinorabilem an-
norum odio inermes oppressi dederunt pœnas, vis nun- uum apud finitimos socios bostfsque esse quod Ardeah-
tüs cædis relictis. Romanus Ardeæ turbatas seditione res, bus iu re præcipiti tenta foret cura subveutum ) eo im-
principibus ejus motus securi percussis, bonisque eorum pensius, ut delerent prorsus ex ammia hommum iufa-
in publicum Ardeatimn redactis, composuit; demptam- miam judicii. senatusconsultum fecerunt, ut, quomam
que injuriam judicii tanto beueticie populi romaui Ar- civitas Ardeatium iatestino tumullu redacta ad paucos er
deates credebant; senatui superesse ahquid ad delendum set, coloni eo præsidii causa adversus Volscos seriberen-
ses dans le décret, pour déroher au peuple et aux tion de consuls ou de tribuns militaires, il fut dé-
tribuns le projet formé de casser leur jugement. eidé que l'on nommerait des consuls. Les menaces
On était convenu que la plus grande partie des du tribun qui annonçait l'intention de s'opposer
colons serait composée de Ilutules, qu'on ne leur aux levées, étaient un sujet de moquerie car les
partagerait d'autre territoire que celui dont une peuples voisins se tenant en repos, rien ne nous
décision inique les avait dépouillés, et qu'aucune obligeait à songer à la guerre, et encore moins à
portion de terrain ne serait donnée à ceux de nous y préparer. A ce repos de la république
Rome avant que tous les Rutulesfussent pourvus. succéda, sous le consulat de Proculus Géganiua
C'est ainsi que les Ardéates recouvrèrent leur ter- Macérinus et de L. Ménénius Lanatus, une année
ritoire. Les triumvirs créés pour conduire la co- que signalèrent des maux et des dangers sans nom-
lonie furent Agrippa Ménénius, T. Clélius Siculus, bre les séditions, lafamine, et presque l'asservis-
et M. Æbutius Elva, lesquels, chargés, contre le sement de Rome, que les largesses d'hommes am-
gré du peuple, de partager entre les alliés un ter- bitieux avaient peu à peu séduite. Il n'y manqua
ritoire que Rome avait déclaré lui appartenir, en- que la guerre étrangère; si elle fût venue compli-
coururent le mécontentement de la multitude, quer les embarras de la situation, le secours des
sans se rendre agi éables aux principauxpatriciens, dieux aurait à peine suffi pour nous sauver. Nos
parce qu'ils n'accordèrent rien à la faveur. Déjà malheurs commencèrent par la famine, soit que
ils avaient été cités devant le peuple par les tri- l'année eût été peu favorable aux biens de la terre,
buns mais ils se dérobèrent à leurs poursuites, soit que l'attrait des assemblées et de la ville
en s'établissant dans la colonie, témoin de leur dé- eût fait négliger la culture on l'attribue à ces
sintéressement et de leur justice. deux causes. Tandis que les patriciens accu-
XII. La paix régna au dedans et au dehors cette saient le peuple de paresse les tribuns repro-
année et la suivante, où furent consuls C. Furius chaient aux consuls leur mauvaise foi et leur né-
Pacilus et M. Papirius Crassus. Ce fut alors que gligence. Enfin, les plébéiens proposèrent sans
l'on célébra les jeux que les décemvirs, sur un dé- que le sénat s'y opposât, que L. Minucius fût
cret du sénat, avait voués lors de la retraite du nommé intendant des vivres; magistrature oit il
peuple. Vainement Pétélius chercha l'occasion devait mieux réussir à défendre la liberté, qu'à
d'exciter des troubles il s'était fait nommer pour s'acquitter des soins attachés à ses fonctions néan-
la seconde fois tribun du peupie en annonçant moins, il finit par obtenir aussi à bon droit, avec
tout haut ses projets mais il ne put obtenir que la reconnaissance publique, la gloire d'avoir
les consuls proposassent au sénat le partage des adouci la disette. Ayant envoyé de nombreux com-
terres et, lorsqu'aprèsde longs débats, il par- missaires, par terre et par mer, chez les nations
vint à faire soumettre aux sénateurs la question voisines, ceux-ci lui rapportèrent de l'Étrurie seu-
de savoir si l'on tiendrait les comices pour la créa- lement une petite quantité de blé qui ne put ra-

tur. Hoc palam relatum in tabulas, ut plebemtribunosque dis plebi referrent consules ad senatum pervincere po.
faller et judicii rescindendi consilium initum.Contenserant tuit; et, quum magno certamine obtinuisset, ut consule-
autem, ut, multo majore parte Rutuloruincolonorum, rentur Patres, consulum an tribunorum placeret comftia
quam Romanorum, scripta, nec ager ullus divideretur, haberi, consules creari jussi sunt; ludibrioque erant mi-
uisi is, qui interceptusjudicio infami erat; nec ulli prius næ tribuni, denuntiantis se delectum impediturum quum,
Romano ibi, quam omnibus Rutulia divisus esset, gleba quietis finitimis, neque bello, neque belli apparatu opus
ulla agriassignaretur.Sic ager ad Ardeates rediit. Trium- esset. Sequitur banc tranquillitatem rerum annus, Pro-
viri ad coloniam Ardeam deducendam creati Agrippa Me- culo Geganio Macerino, L. Menenio Lanato consulibua
nenius, T. Clœlius Siculus, M. Æbutius Elva. Qui, per multiplici clade ac periculoinsignis, seditionibus,fame,
minime populare ministerium agro assignando sociis, regno prope per largitionis dulcedinem in cervices ac-
quem populus romanus suum judicasaet, quum plebem cepto. Unum abfuit bellum externum quo si aggravatæ
offeudissent, ne primoribusquidem Patrum salis accepli, rea essent, vis ope deorum omnium resisti potuisset.
quod nihil gratiæ cujusquam dederant; vexationes, ad Cœpere a famé mala, seu adversus annus frugibus fuit
populum jam die dicta ab tribunis, coloni ascripti rema- seu dulcediue concionum et urbis deserto agrorum cultu;
uendo in colonia, quam testem integritatis justitiaeque nam utrumque traditur. Et Patres plebem desidem, et
habebant, vitavere. tribuni plebis nunc traudem,nunc negligentiamconsulum
XII. Pax domi forisque fuit et hoc et insequente auno, accusabant. Postremo perpulere plebeii, haud adversante
C. Furio Pacilo et M. Papirio Crasso coosulibus. Ludi .enatu, ut L. Minucius pra'fectus au lonae createtur; fe-
ab decemviris per secessionemplebis a Patrihus ex sena- licior in eo magistratu ad custodiam libertatis futurus,
tusconsulio voti, eo auuo facti sunt. Causa seditionum ne- quam ad curationem miuisterii sui quauquam poslrerno
quicquam a Pœtelio quæsita, qui tribunus plebis iterum aunoux quoque leva lie haud immeritam et gratiam et
ea ipàa deuuuuaudo factus, neque, ut de agris dividen- glortam tulit. Qui quum, mullis circa finitimos populos
mener l'abondance. Il fallut se contenter de ré- opération le surprit avant que son plan fût arrèté
gler les privations; on força les citoyens à dé- et ses projets assez mOrs. T. Quinclius Capitoliuus,
clarer le blé qu'ils avaient, à vendre le surplus de nommé consul pour la sixième fois, n'était pas
ce qui leur était nécessaire pour un mois; on di- un choix favorable pour un novateur. On lui ad-
minua la ration des esclaves; on accusa et ou li- joignit pour collègue Agrippa Ménénius, sur-
vra à la fureur du peuple les marchands de grains, nommé Lanatus. L. Minucius demeura intendant
et l'on n'obtint de ces rigoureuses mesures d'au- des vivres, soit qu'il eût été réélu, soit que ses
tres résultats que do constater le mal sans le sou- pouvoirs dussent se prolonger autant que les mo-
lager. Un grand nombre de plébéiens ayant perdu tifs pour lesquels on les lui avait conférés; car il
tout espoir plutôt que de trainer leur vie dans n'y a ici de certitude que le nom de l'intendant
tes tourments, se voilèrent la tête et se précipitè- porté dans les livres lintéens au nombre des ma-
sent dans le Tibre. gistrats pour l'une et l'autre année. Or Minucius,
XIII. A cette époque Sp. Mélius, de l'ordre des chargé par l'état des mêmes soins que prenait Me-
chevaliers, et qui était prodigieusementriche pour lius de son propre mouvement, était en relation
le temps, donna le dangereux exemple d'une chose avec la même espèce d'hommes, et ayant décou-
utile en elle-même, mais dénaturée par ses détes- vert ce qui se passait, en avertit le sénat. On
tables intentions. Il avait, par l'entremise de ses portait des armes dans la maison de Mélius, et lui-
hôtes et de ses clients fait à ses frais des achats de même y tenait des assemblées. Il avait évidem-
blé en Étrurie ( ce qui, je pense, rendit inutiles ment le projet de se faire roi. Le moment de l'exé-
les mesures prises par l'état pour adoucir la di- cution n'était pas encore fixé, mais on avait arrête
sette ), et il se mit à distribuer ces grains au peu- tout le reste. Des tribuns, gagnés à prix d'argent,
ple. Aussi, pantout où il se montrait, la multi- avaient vendu la liberté; les chefs de la multitude
tude, gagnée par ses largesses, lui formait un s'étaient déjà partagé les emplois. Pour lui, Mi-
cortège tel que n'en avait jamais eu un simple nucius, il avertissait le sénat, plus tard peut-être
particulier, et lui donnait espoir qu'il arriverait que ne l'aurait voulu la sûreté publique; mais il
sûrement, parsa faveur,au consulat. Mais,comme n'avait voulu rien donner de vagueet d'incertain. »
le cœur humain ne sait pas se contenter de ce que En apprenant ces choses, les principauxsénateurs
lui promet la fortune, Mélius porta encore plus éclatent en reproches contre les consuls de l'année
haut ses vues trop ambitieuses voyant qu'il fal- précédente qui avaient souffert ces distributionsde
lait arracher le consulat aux patriciens, il aspira grains, ces réunions du peuple dans la maison
au trône c'était le seul prix digne de tant de d'un particulier, et contre les nouveaux consuls
combinaisons et de la lutte terrible qu'il allait sou- qui avaient pu attendre que l'intendant des vivres
tenir. Les comices consulaires approchaient cette déférât au sénat une affaire si importante, dont

legationibus terra marique nequicquam missis, ( nisi quod


unum dignum tanto apparatu consiliorum
et certamme,
ex Etruria baud ita multum frumenti advectum est) nul- quod ingens exsudandum esset præmium fore. Jam co-
lum momentum annonae fecisset; et, revolutus ad dispen- milia consularia instabant quæ res eum, necdum com-
sationem inopiæ, profiteri cogendo frumentum, et ven- positis maturisve satis consiliis,oppressit. Consul sextum
dere, quai usu menstruo superesset, fraudandoque parte creatm T. Quinctius Capitolinus, minime opportunus
diuturni cibi servilia, crimiuando inde et objiciendo irw tir novanti res collega additur ei 4grippa Menenius,
populi frumentarios, acerba inquisitione aperiret magis cui Lanato erat cngnomen et L. Minucius præfectus an-
quam levaret, inopiam; multi ex plebe, spe amissa, po- nonx, seu refectus, seu, quoad res posceret, in iucertum
tius quam ut cruciarentur trahendo animam, capitibus creatus nibil enim constat, nisi in libros hnteos utroque
obvolutis se in Tiberim praecipitaverunt. anno relatuminter magistrats præfecti nomen. Hic Mi-
XIII. Tum Sp. Nælius ex equestri ordine, ut illis tem- nucius, eandem publice curationem agens, quam Mælius
poribus prcedtves, rem ulilem, pessimoexemplo, pejore privatim agendam susceperat, quum in utraque domo
consilio, est aggressus. Frumento namque ex Etruria genus idem hominum versaretur, rem compertam ad se-
privata pecunia per bospitum clientiumque min,steria natum refert: Tela in domum Mælii conferri enmque
coempto (quae, credo, ipsa res ad levandampublica cura coucionesdomi habere ac non duhia regni consilia esse.
annonam impedimento fuerat), largitiones frumenti fa- Tempus agendæ rei nondum stare; cetera jam conve-
cere instituit plebemque, hoc munere delinitam, qua- nisse et tribunos mercede emplos ad prodendam liber-
cumque incederet, conspectuselatusque supra modum tatem, et partita ducibus multitudinis minisieria esse.
hominis privati, secum trahere, baud dubium consula- Serius se paene, quam tutum fuerit, ne cujus iucerti va-
tum favore ac spe despondentem. Ipse, ut est huinanus nique auctor esset, ea deferre. » Quæ postquam sunt au-
animus insatiabilis eo, quod fortuna spondet, ad altiora dita, et undique piimures Patrum et prioris anni cousu-
et non foncessa tendere et, quoniam consulatus quoqae les increparent, quod eas largitiones cœtusque plebis in
empiendus invitis l'alribuli esset, de regno agitare id privata domo passi essent fieri, et novos consules, quoa
la découverte et même la répression appartenaità tion, quelle guerre soudaine avait rendu néces-
l'autorité consulaire. Alors, T. Quinctius répon- saire l'autorité dictatoriale, ou avait fait confier
dit «Qu'on accusait a tort les consuls, que, liés la direction dela république à Quinctius, qui était
par les lois d'appel, établies pour miner leur auto- plus qu'octogénaire. » Cependant Servilius, le
rité, ils avaient manqué de pouvoir pour réprimer général de la cavalerie, envoyé par le dictateur
un attentat si énorme, et non pas de courage; vers Mélius, lui dit « Le dictateur te demande.
que les circonstances demandaient non-seulement — Que me veut-il?» répoml Mélius tremblant.

un homme de cœur, mais un homme entièrement «


Écouter la défense, répliqua Servilius, et le
indépendant et qui ne fût pas enchaîné par les lois; voir te justifier du crime que Minucius a déféré
qu'en conséquence, il se proposait de nommer au sénat. » Aussitôt Mélius se réfugie au milieu
dictateur L. Quinctius, dont le courage égalerait d'un groupe de ses complices, promène aulour de
le pouvoir. » Chacun l'approuva. Mais Quinctius lui ses regards, cherche à gagner du temps. Enfin,
refusa d'abord il leur demandait « ce qu'ils lui sur l'ordre du chef de la cavalerie, un appariteur
voulaient en l'exposant, avec son grand âge, dans l'arrête. Délivré par les assistants, il s'enfuit en
une lutte aussi terrible. » Enfin, comme tout le implorant le secours de la multitude; il dit que
monde lui disait que malgré sa vieillesse il avait c'est une conspiration des patriciens qui l'op-
plus de sagesse et même de vigueur que tous les prime, parce qu'il a fait du bien au peuple; il
autres comme on l'accablait d'éloâes, d'ailleurs le conjure de venir à son aide dans un danger si
bien mérités, et que le consul ne voulait point imminent, et de ne pas du moins le laisser égorgeur
revenir de sa détermination Cincinnatus, priant sous ses yeux. Au milieu de ces clameurs, Ahata
les dieux immortels de ne pas permettre que sa Servilius l'atteintetlui tranche la tête; puis, cou-
vieillesse, dans cette crise attirât sur la républi- vert de son sang, entouré d'une troupe dé jeunes
que ni affront ni dommage, se laisse nommer dic- patriciens, il va annoncer au dictateur que Mé-
tateur par le consul, et ensuite lui-mcme choisit lius, cité devant lui, a repoussé l'appariteur,sou-
C. Servilius Ahala pour général de la cavalerie. levé la multitmle, et subi la peine duc à son crime.
XIV. Le lendemain, après avoir placé des corps- Alors le dictateur « Je te félicite de ton courage,
de-garde, il descend sur le forum, et étonne le C. Servilius, lui dit-il; tu as sauvé la république. »
peuple par cet appareil inattendu. Mélius et ses XV. Comme la multitude, ne sachant que pen-
partisans sentirent bien que c'était contre eux ser de cet événement, commençait à s'émouvoir,
qu'était dirigée la puissance de cette redoutable Quinctius convoqua une assemblée, et l,i il dé-
magistrature; mais les citoyens qui ignoraient clara « Que Mélius avait été légitimement mis à
leurs complots, se demandaient: a Quelle sédi- mort, alors même qu'il n'eût pas été coupable

exspectassent, donec a præfecto annonæ tanta res ad se- regni, « Qni tumullns, quod bellum repens, aut dictato-
natum deferretur, quæ consulem non auctorem solmn riam majestatem, aut Quinctium post octogesimum an-
desideraret, sed etiam vindicem; tum T. Quinctius, num rectorem reipublicæ quæsisset, » rogilarent; missus
« Consules immerito iocrepari, ait, qui, constricti legi- ab dictatore Servilius magister equitum ad Mælium,
bus de provocationead dissolvendumimperium latis, ne- « Vocat te, inquit, dictator. » Quum pavidus ille, quid
quaquam tantum virium in magistratu ad eam rem pro vellet quxreret Servilmsque causam dicendam esse
atrocitate vindicandam, quantum animi, haberent. Opus proponeret, « crimenque, a Minucio dclatum ad senatum,
esse uou forti solum viro, sed etiam libero exsolutoque diluendum; » tune Mælius recipere se in catervain suo-
legum vinculis. Itaque se dictatorem L. Quinctium dictu- rum, et prirnum circumspectans tergiversari postremo,
rum ibi animum parem tantæ potestati esse. » Appro- quum apparitor jussn migistri equitum duceret, ereptus
bantibus cunctis, primo Quinctius abanere et, « Quid a circumstantibus fugieusque, fidem plebis romanæ
sibi vellent, rogitare, qui se ætate exacta tantæ dimica- implorare, et opptimi se consensu Patrum dicere, quod
tiuni objicerent. » Dein, quum undique plus in illo senili plebi benigue ftcisset orare, ut opem sibi ultimo in dis-
animo non consilii modo, sed etiam virtutis esse, quam crimine ferrent. neve ante oculos suos trucidari sinerent.
in omnibus aliis dicerent, laudibusque haud immeritis Ilæc eum vociferantem assecutus Ahala Servilius obtrun-
onerarent, et consul nihil remitteret, precatus tandem cat respersusque cruore obtruncati, stipatus caterva
deor immortales Cincinnatus, ne senectus sua in tam patriciorum juvenum, dictalori renuntiat, vocatum ad
trepidis rébus damno dpdecorive reipubliæ esset, dicta- eum Mælium, repulso apparitore concitantem multitudi-
tor a consule dicitur ipse deinde C. Servilium Abalam nem, pœnam merttam habere. Tum dictator, « Macte
magistum equitum dicit. virtute, inquit, C. Servili, esto, Lbera a republica.
X IV. Postero die dispositis prassidiis, quum in forum XV. Tumultuantemdeinde multitudinem incerta exis-
descendisset, couversaque in eum plebs novitate rei ac timatione facti ad concionem vocari jussit;et, Mælium
miraculo esset, et Mæliani atque ipse dux eorum m se in- jure coesum, pronuatiavit, etiamsi regni crimine insons
nutdin vim tanti impel ii cernerent; expertes consiliorum fuerit; qui vocatusa magistro equitum ad dietatorem non
d'aspirer à la royauté; car, invité par le maître de l'appât d'uu morceau de pain, un peuple qui avait
la cavalerie à se rendre vers le dictateur, il avait vaincu tous ses voisins; mais que Rome endurât
refusé. Lui, Cincinnatus, n'était monté sur son d'avoir pour roi un homme qu'elle aurait à
tribunal que pour instruire cette affaire; et l'in- peine toléré comme sénateur et qu'elle laissât
struction eût amené le même résultat pour Mélius. entre ses mains les insignes et le pouvoir de son
Il se préparait à se soustraire par la force au juge- fondateur Romulus, fils des dieux, que les dieux
ment on l'avait réprimé par la force. On n'avait avaient reçu dans leurs rangs, c'était une chose
pas dû traiter en citoyen un homme qui, né chez monstrueuse plus encore qu'un crime. Et ce n'é-
un peuple libre, au sein de la justice et des lois, tait pas assez que le sang du coupable pour expier
avait conçu l'espoir de s'élever au trône, dans une un tel forfait; il fallait encore detruire de fond en
ville d'où il savait qu'on avait chassé les rois; où comble les toits et les murailles où ces projets in-
dans la mcme année, les neveux d'un roi, fils du sensés avaient été conçus, et confisquer, au pro-
consul qui avait délivré la patrie, sur la dénon- fit de l'état, ces biens, au moyen desquels un
ciation d'un complot pour le rétablissement de la infâme avait voulu acquérir un trône. En consé-
royauté, avaient, par l'ordre de leur père, péri sous quence, il ordonnait aux questeurs de vendre ces
la hache; d'où Tarquinius Collatin, consul, s'était biens et d'en verser le prix au trésor
vu, en haine de son nom, forcé d'abdiquer sa ma- XVI. Ensuite il donna l'ordre qu'on démolît
gistrature et de se condamner à l'exil; où, quel- sur-le-champ la maison du cuupable, dont l'em-
ques années plus tard, Sp. Cassius, soupçonné de placement devait attester le renversement d'une
prétendre au trône, avait payé cette ambition de espérance criminelle ce lieu fut nommé Æqui-
sa vie; où, tout récemment, les décemvirs avaient melium. L. Minucius reçut hors des Trois Portes
expié leur hauteur tyrannique par la perte de leurs l'hommage d'un bœuf doré, sans opposition de la
biens, par l'exil et la mort. Et quel était ce Mélius? part du peuple, auquel il distribua le blé de Mé-
Sans doute il n'y a point d'illustration,point d'hon- lius à un as le boisseau. Ce Minucius, à ce que je
neurs, point de services,qui puissent ouvrir à per- trouve dans quelques auteurs, passa de l'ordre des
sonne le chemin de la tyrannie; mais, du moins, patriciens dans celui du peuple, fut choisi pour
c'était sur leurs consulats, sur leurs décemvirats, onzième tribun par les dix autres, et, en cette
sur leurs honneurs et sur ceux de leurs ancêtres, qualité, apaisa une sédition causée par le meur-
sur la gloire de leur famille, que s'appuyaient les tre de Mélius. Au reste, il me semble peu croyable
Claudius, les Cassius, pour atteindre un but coupa- que le sénat ait souffert qu'on augmentât le nom-
ble. Mais que Sp. Mélius, qui pouvait désirer plu- bre des tribuns, surtout qu'un patricien ait donné
tôt qu'espérer le tribunat, qu'un riche marchand l'exemple de celte innovation, et que le peuple
de blé se fût flatté d'acheter pour deux livres de n'ait point conservé, ou essayé de conserver cet
farine la liberté de ses concitoyens, de gagner, par avantage une fois acquis. Mais ce qui, mieux que

venisset. Se ad causam cognoscendam consedisse; qua objiciendo ratum victorem finitimorum omnium popa-
coguita, habiturum fuisse Mælium similem causæ fortu- Inm in servitutem pelhci posse ut, quem senatorem
nam. Vim parantem, ne judicio se committeret, vi coer- concoquere civitas vii posset, regem ferret, Romuli con-
cituru esse. Nec cum eo, tanquam cum cive, ageodum ditoris, ab diis orti, recepti ad deos, insignia atque im-
fuisse; qui natus in libero populo inter jura legesque, ex perium habentem. Non pro scelere id magis, quam pro
qua urbe reges exactos sciret, eodemque anno sororis monstro, habendutn. lyec satis esse sanguine ejus expia-
filios régis, et liberos consulis liberatoris patriæ, propter tum, nisi tecta parietesque, intra quæ tantum amentia
pactionem indicatam recipicudorum in urbem regum, a conceptum esset dissiparentur bonaque contacta
patre securi esse percussus; ex qua Collaliuum Tarqui- pretiis regni mercandi, publicarentur. Jubere itaque,
oiumconsulemnominis odio abdicire se magistratu atque quœstores vendere ea bona, atque in publicum redigere. »
exsulare jussum; in qua de Sp. Cassio, post aliquot an- XVI. Domum deinde, ut monumento area esset op-
nos, propter consiliainita de reguo supplictum sumptum; pressæ nefariæ spei, dirui extemplo lussit id Æquim-
iu qua nuper decemviros boms, exsiho, capite multatos aelium appellatum est. L. Minucius bove aurato extra por-
ob superbiamregiam, in ea Sp. Mæhus spem regni con- tam Trigeminam est donatus, ne plebe qui(leiu invita,
ceperit. Et quis homo? quanquam nullam nobilitatem, quia frumentumMælianum, assibus in modios æstima-
nullos honores, nulla mcrua cuiquam ad dominalionem tum, plebi divisit. Iluuc Dlinucium, apud quosdam au-
pandere viam; sed tameu Claudios, Cassios, consulati- ctores, transisse a Patribus ad plebem, undecimumque
bus, decemviratibus,suis majorumque hunoribus, spleu- tribuuum plebis cooptatum seditionem, motam ex Mæ-
dore familiarum sustulisse animos, quo nefas fuerit liana cæde, sedasse, invenio. Ceterum vix credibile est,
Sp. Malum, cuitribunatus plebis magis optandus, quam numerum tribanorum Patres augeri passos, idque potis-
sperandus, fuerit, frumentarium divitem, bilibris farris simum exemplum a patricio homine introductum; nec
perasse libertatem se civium suorum emisse, ciboque demde id plebem concesum semct obtimuisse, aut certe
tout le reste, prouve la fausseté du titre mis au un mot équivoque dont ce prince s'était servi sur un
bas de son image, c'est que peu d'années aupara- heureux coupde dés. On ne saurait admettre cette
vant, une loi avait ôté aux tribuns la faculté de excuse. Car, comment l'arrivée des Fidénates, ses
se choisir un collègue. Q. Cécilius, Q. Junius, et nouveaux alliés, qui venaient le consulter sur un
Sex. Titinius, seuls du collége des tribuns, n'a- assassinat réprouvé par le droit des nations, ne
vaient point participé à la loi qui décernait des l'aurait-elle pas détourné du jeu? Etcomment cet
honneurs à Minucius; ils ne cessaient d'accuser attentat ne l'eût-il point fait frémir d'horreur? Je
tantôt Minucius, tantôt Servilius auprès du peuple, croirais plus volontiers que par la complicité d'un
et de déplorer l'indigne mort de Mélius. Ils par- si grand forfait, il voulut enchaîner les Fidéuates
vinrent ainsi à obtenirqu'on assemblât les comi- et leur ôter tout espoir de retour vers les Romains.
ces pour nommer des tribuns militaires et non des On éleva dans les Rostres, aux frais de l'état, des
consuls, ne doutant pas qu'en se déclarant les ven- statues aux députés égorgés à Fidènes. Comme une
geurs de Mélius, des plébéiens ne pussent obtenir lutte terrible se préparait, en conséquence de cet
quelqucs-nnes des six places à donner, car on en attentat, contre Véies, Fidènes et d'autres peu-
pouvait nommer un pareil nombre. Cependant le ples voisins, le peuple et ses tribuns demeurèrent
peuple, quoiqu'ileût été, cette année-là, agité en tranquilles, et le pouvoir suprême fut sans oppo-
tons sens, ne nomma que trois tribuns avec le pou- sition confié à des consuls. Ce furent M. Géganius
voir consulaire, et encore dans ce nombre fut L. Macérinus pour la troisième fois, et L. Sergius Fi-
Quinctius, fils de Cincinnatus, dont on cherchait à dénas, surnom que lui mérita, je crois, la guerre
rendre la dictature odieuse pour exciter des trou- qu'il fit ensuite. En effet, il remporta le premier
blcs. Avant Quinctius, Mam. Érnilius, person- sur le roi de Véies, en deça de l'Anio, une vic-
nage dela plns haute considération, avait obtenu toire qui nous coûta bien du sang. Aussi, le regret
les suffrages. Le troisième nommé fut L. Julius. qu'on éprouva de la perte de tant de citoyens sur-
XVII. Sous leur magistrature, Fidènes, colonie I passa-t-il la joie que causa la défaite des ennemis;
romaine, nous quitta pour s'attacher au Lars To- et le sénat, comme dans toutes les cil constances
lumnius, roi de Véies. A cette défection ils ajou- critiques, voulut qu'on nommât un dictateur
terent un crime encore plus noir par l'ordre de ce fut Mam. Émilius. il choisit pour général de la
Tolumnius, ils massacrèrent C. Fulcinius, Clélius cavalerie un de ses collègues au tribunal militaire
Tullus, Sp. Antius et L. Roscius, que Rome avait de l'année précédente, L. Quinctius Cincinnatus
envoyés pour s'informer des motifs de ce change- le fils jeune homme digne de son père. Aux le-
ment. Quelques-uns, voulant excuser le roi, pré- vées faites par les consuls, on joignit des centu-
temdent que ce qui causa lemeurtre de ces députés, rions vieillis dans les combats, et l'on remplaça
fu tque les Fidénates prirent pour un ordre de mort les soldats qui avaient péri dans la dernière ba-

tentasse. Sed ante omnia refellit falsum imaginis titulum vidcretur, ab Fidenatibus exceptam, causam mortis le-
paucis aille annis lege cautum, ne tribunis collegam co- gatis fuisse. Rem incredibilem; iuterventu Fidenatium,
optare herret. t. Q. Cæcillus, Q. Junius, Sext. Titimus, novorum sociorum, consulentium de caede ruptura jus
suli ex co legro tribunorum neque tuterant de honoribus gentium, non aversum ab intentione Insus animum; uec
Minncil 1 gem; et crimiuari nunc Minucium, nune Ser- deinde in horrorem versum facinus. Propius est fidem,
vitum apud plebem, qucrlqne indiguam necem Mætli obstringi Fidenatiumpopulum, ne respicere spem uflam
n m destiterant. l'ervicerunt igitur, ut tribunorum muli- ah Romauis pocset, conscientiatanti sceleris volursse. Le-
tum potrus, quam cousulum, coimtia haberentur; haud gatorum,qui Fideuis cœsi erant, statuæ publice in Rostris
d'obit, quiii sex Iccis ( tot cuim jam creari licebat) et positx sont. Cum VeienHbus Fidenatibusque, præter-
pleben aliqui profiltendo se ultores fore Melianæ cædis, quam finiliniis populis, ab causa et am tam nefanda bel-
creirentur. Plebs, quanquam agitata multis eo anno et lum exorsis, atrox dimicatio instabat. Ilaque ad curam
varits motibus erat, nec plures, quam tres, tribunus con- summæ rerum, quieta plebp tribunisqueejus, nihil con-
sul ri po estate creavit, et in iis L. Qu nctium, Cincinnali troversiæ fuit, quin onsules cre irentur M. Geganius
filu n ex cujus dictaturæ invutia tumultus quærebatur. Macerinus tertium et L. Sergius Fidenas a bello credo,
Prælatus suftragiis Quinclio Mam. Æmllius, vir summæ quod deinde gessit, appellatum. Ilc cmm primus ris
dignilatis. L. Juhum tertium creant. Amenem cum rege Veientinm secundo prælio conllixit,
XVII. Iu horum magistratu Fidenæ, colonia romana, nec incruentam victoriam retulit. Major itaque ex civibus
ad Lartem Tolumuiuin Voientium regem ac Veientes de- amissis dolor, quam lælitia fusis hostihus fuit; et senatus,
fecere. Majus addium defectoni scelus. C. Fuicintum, ut in trepidis rebus, dictatorem dici Mam. Æmilium
Clœlium Tullum, Sp. Antium, L. Roscium, legatos ro- jussit. Is magistrum equitum ex collegio prioris anni
manos, causam uovi consilii quærentes, jussu Tolumnii quo simul tribuni militum consulari p otestate fuerant,
interfcerunt.Levant quidam regis fjciuus; in tesserarum L. Quine ium Cincinnatum, dignum parente juversem.
prospero jactu vocem ejus ambiguam, ut occidi jussisse dixit. Ad delectum a consuJibushabitum cneturiones ve-
taille. Le dictateur voulut que Quinctius Capito- L'armce des treis peuples élail rangée de manièro
linus et M. Fabius Vibulanus le suivissent en qua- que les Véiens formaient l'aile droite, les Falis-
lité de lieutenants. L'autorité d'une magistrature ques la gauche, et les Fidéna!es le centre. Le dic-
supérieure, coufiée à un homme qui était à la hau- tateur commandait l'aile opposée aux Falisques;
teur de cette autorité, chassa les ennemis du ter- Capitolinus Quinctius, à la gauche, marcha con-
ritoire de Rome, et leur lit repasser l'Anio. Ils tre les Véiens Cincinnatus, à la tête de sa cava-
transportèrent leur camp sur des collines situées lerie, couvrait le centre. On demeura un moment
entre le fleuve et Frdènes, et n'osèrent se montrer silencieux et en repos. Les Etrusques ne voulaient
dans la plaine qu'après leur jonction avec l'armée combattre qu'autant qu'ils y seraient forcés, et le
des Falisques. Enfin, les Étrusquesétablirent leur dictateur., les yeux tixés sur le Capitole, attendait
camp sous les murs de Fidènes; et le dictateur que les augures, quand le moment serait favora-
vint asseoir le sien non loin de là, sur le confluent ble, lui fissent le signal convenu. Dès qu'il l'eut
des deux fleuves réunis, autant que le terrain l'a- aperçu, il commença par lancer ses cavaliers sur
vait permis, par un retranchement. Le lendemain l'ennemi; l'infanterie suivit et attaqua avec vi-
il présenta la bataille. gueur. D'aucun côté les légions étrusques ne pu-
XVIII. Chez les ennemis, les avis étaient par- rent soutenir le choc des Romains; mais la cava-
tagés. Le Falisque, qui supportait impatiemment lerie résistait vivement et le plus brave de tous
les ennuis d'une guerre lointaine et se fiait à son était le roi, qui, poussant son cheval sur tous les
courage, demandait le combat. Le Véien et le Fi- points où l'ardeur de la poursuite avait dispersé
dénate pensaient que la prolongation de la cam- les Romains, prolongeaitle combat.
pagne leur serait avantageuse. Tolumnius parta- XIX. Parmi cette cavalerie se trouvait alors un
geait leur opinion; cependant, pour ne pas rebuter tribun des soldats, A. Cornélius Cossus, homme
les Falisllues en les tenant trop longtemps éloignés d'une beauté singulière, d'une force et d'un cou-
de leur ville, il annonce la bataille pour le len- rage également remarquables,et animé par le sou-
demain. Le dictateur et les Romains, voyant que venir de ses aveux, dont il transmit le nom plus
l'ennemi refusait le combat, sentaientcroître teur grand et plus glorieux encore à sa postérité. Quand
courage; et le lendemain les soldats parlaient dejà il vit les escadrons romains plicr partout devant
d'attaquer le camp et la ville, si l'on n'en venait Tolumnius, et qu'à son costume royal il eut ic-
pas aux mains, quand les deux armées s'avancent connu ce prince qui parcourait en tous sens le
au milieu de la plaine entre les deux camps. Les champ de bataille « Le voilà donc, dit-il, cet
Véiens, de beaucoup supérieurs en nombre, en- infracteur des traités, ce violateur du droit des
voyèrent des troupes tourner les montagnes pour gens! Si les dieux veulent qu'il y ait encore quel-
attaquer le camp romain au milieu de l'action. que chose de sacré sur la terre, je vais immoler

teres belli periti adjecti, et numerus amissorum proxima cummisit. Trium populorum exercitus ita stctit instru-
pugna expletus. Legatos Quinctium Capitolnum et ctus, ut dextrum cornu Veientes, simstrum Falisci tene-
M. Fabium V ibulanum sequi se dictalor Jussit. Quum po- rent, medii Fideuates essent. Dictalor dextro cornu
teslas major, tum vir quoque potestati par, hostes ex agro adversus Faliscos, sinistrn contra Veientem Capitolinus
romano Irans Anieuem summovere, collesyue inter Fi- Quinctius intulit sigua ante mediam aciem cum equitatu
denas atque Anicnem ceperunt, referentes castra nec magister equitum processit. Paruotper silentium et quics
ante in campos degressi sunt, quam legiones auxilio Fa- fuit, nec Etruscis, nisi cogerentur, pugnam inturis,
liscorum venerunt. Tum demum castra Etruscorum pro et dictalore arcem romanam respectante, ut ab auguri-
mœnibus Fidenarum posita; et dictator romanus haud bus, simul avcs rite admisissent, ex composito tolleretur
procul mde ad coufluences consedit in utriusque rapis sigoum. Quod siinul conspexit, primos equites clamore
amais, qua sequi munimento poterat, vallo iuterpusito. sublato iu hustem emisit secula peditum acies ingenti
Pos cro die in: ciem cduxit. vi conflixit. Nulla parte legiones etruscx sustinuere im-
XVIII. Inter hostes variw fuere sententit. Faliscus, petum Romanorum. Eques maxime resistebat; equitum-
procul ali domo muliam ægre patens, satisque fidens que longe fortlssimus ipse rex, ab omni parle effuse se-
sibi, poscere pugnam; Verenti Fidenatrque plus spei ie quentibus obequitans Romanis trahebat certamf n.
traheudo hello ess Tolummus, quanquam stiorum ma- XIX. Erat tum inter equitts tribunus mulitum A. Cor-
gis placebant consilia, ne longinquam rmliliam non pate- nelius Cossus, eximia pulchritudine corpoi is, ammino ac
rentur Fal sci p ostero die se pugoaturum edicit. Dicta- vizibus par, memorque generis, quod, amplissimum ac-
turi ac Romanis,4uod de rectasset pugnam bostis, animi ceptum, mijus auctiusque reliquit posteris. Is qoum ad
acessere pos eroque die, jam mutibus castra urbem- impetum Tolumnii, quacunque se inlendisset,trepidan-
que se oppugnaturos frementibus, ni co pia pugnæ fiat, les romanas videret lurmas, insign nique cum regio
utrimque acies inler bina castra in medium camp; proce- habia volitantem tota acie cognosset, Hiccine est, m-
dunt. Véiens, multitudine abundans, qui inter dimica- 1 quit,
trouem castra romana aggrederentur, poit montes cir-
Jam
ego lcanc mactatam viclimam i
ruplor fœderis humnni, violatorque gentium juris?
m df sancti qnie-
cette victime aux mânes des depuis de Rome n sus, qui portait les dépouilles du roi qu'il avait
En mome temps il 1 ique des dcux, fond, la laoce tué. les soldats, dans les chansons naïves qu'ils
en arrêt, sur cet unique adversaire, et t'ayant, avaient composées sa louallge, le comparaient à
du premier coup, jeté à bas deson clieval il saute Romulus. Par nue dédicace solenuelle, il consa-
lui-mêmeterreen s'appuyantsursa lance. Comme cra ces dépouilles dans le temple de Jupiter F éré-
le roi commençait à se relever, Cossus, du choc trien, auprès de celles que Romulus y avaient dé-
de son bouclier, le terrasse de nouveau, le frappe posées, et qui étaient les première et les seules
à coups redoublés de sa javeline, et le cloue con- jusqu'alors qui eussent mérité le titre d'opimes.
tre terre; puis, l'ayant dépouillé de ses armes, il II attirait les regards plus que le char du dicta-
lui coupe la tête, et, la portant au bout de sa teur, et il recueillit presque tout l'honneur do
lance, il disperse les ennemis par la terreur que cette fameuse journée. Le dictateur fit faire, par
leur inspire la vue de la tête de leur roi. Ainsi fut l'ordre du peuple, aux dépens du trésor pulrlic,
enfoncée lacavalerie, qui seule avait rendu la vic- une couronne d'or, du poids d'une livre, qu'il
toire douteuse. Le dictateur poursuit les fuyards, offrit dans le Capitole à Jupiter. En disant que
les pousse dans leur camp, et les taille en pièces. A. Cornélius Cossus était tribun des soldats lors-
La plupart des Fidénales, qui connaissaient les qu'il consacra dans le temple de Jupiter Férétrien
lieux, s'enfuirent dans les montagnes. Cossus, les sccondes dépouilles opimes, j'ai suivi tous les
ayant traversé le Tibre avec la cavalerie, fit sur auteurs qui m'ont précédé; au reste outre qu'on
le territoire de Véies un butin immense qu'il rap- appelle proprement dépouilles opimes celles-la
porta dans Rome. l'endant l'action, le ca-np ro- seules qu'un général enlève au général ennemi,
main eut aussi à se défendre contre le détachement et que nous ne reconnaissons pour général que
que Tolumnius, comme nous l'avons dit plus haut, celui sous les auspices duquel se fait la guerre,
avait envoyé l'attaquer. Fabius Vibulanus com- l'inscription même tracée sur les dépouilles
mença par couronner de ses troupes les retranche- prouve contre leur assertion et la mienne, que
ments; ensuite, voyant les ennemis ainsi occupés Cossus était consul lorsqu'il s'en empara. Pour
a en faire le siège, il sortit tout à coup avec les moi, j'ai entendu de la bouche même d'Auguste
triaires par la porte principale. La terreur saisit les César, le fondateur ou le restaurateur de tous nos
assaillanls.Le carnage fut moindre quesur lechamp temples, que quand il entra dans celui de Jupiter
de bataille, parce qu'ils étaient moins nombreux, Férétrien, qu'il releva, tombantde vétusté, il lut
mais la déroute n'en fut pas moins désordonnée. lui-même cette inscription sur la cuirasse de lin;
XX. Après une victoire aussi complète, le dic- et j'aurais cru commettre une sorte de sacrilége
tateur, en vertu d'un sénatus-consulte, sanctionné en dérobant à Cossus le témoignage de César qui
par le peuple, rentra dans la ville en triomphe. rétablit ce temple. L'erreur vient-elle de ce que
Le plus bel ornement de cette cérémonie fut Cos- nos vieilles annales, ainsi que les livres des ma-

quam in terris esse dii volunt), legatorum Manibus da- maximum triumphi spectaculum fuit Cossus, spolia opima
bo. » Calcaribus subditis, infesta cuspide in unum fertur regis interfecti gerens. In eum milites carmma incon-
hostem; quem quum ictum equo dejecisset, confestim dita, a'quantes eum Romulo, canere. Spolia in aede Jovis
et ipse hasta innisus se in pedes excepit. Assurgentem ibi Feretrii prope Romuli spolia, quæ, prima opima appel-
regem umbone resupinat, repetttumque sæpius cuspide lala, sola ea tempestate erant, cum solemni dedicatione
ad terram aflixit. Tum exsangui detracta spolia, caput- dono fixit averteratquein se a curru dictatoris civium
que abscisum victnr sp:culo gerens, terrore cæsi regis ora et celebritatis ejus diei fructum prope solus tulerat.
hostes fundit. Ita e luitum quoique fusa acies, quae una fe- Diclatur coronam auream libram pondo ex publica pecu-
cerat auceps certamen. Diciator legionibus lugatis instat, nia populi jussu, in Capitolio Jovi donum posuit. Omnes
et ad castra compulsos cœdit. Fidenatium plurimi loco- ante meauctoressecutus,A. Cornelium Cossum tribunum
rum notitia effugere in montes. Cossus, Tiberim cum militum secunda spolia opima Jovis Feretrii templo intn-
equitatu transvectus, ex agro Veientano ingentem deu- lisse, exposui. Ceterum, præterquam quod ea rite opima
lit prædam ad urbem. Inter praelium et ad castra ro- spolia hahentur, quæ dux duci detraait; nec ducem no-
mana pugnatum est adversua partem copiarum, ab To- vimus, nini cujus auspicio bellum geritur titulus ipse,
lumnio, ut ante dictum est, ad castra missam. Fabius spolüs inscriptus, illos meque arguit consulem ea
Vibulanus corona primum vallum défendit; intenlos Cossum cepisse. Hoc ego quum Auguslum Cæsarem,
deinde hostes in vallmn, egressus dextra principali, cum templorum omuium conditorem aut restitutorem, ingres-
triariis repente invadit quo pavore injecto, cædes mi- sum aedem Feretrii Jovis, quam vetustate dilapsam re-
nor, quia pauciores eraut; fuga non minus trepida, quam I lecit, se ipsum in thorace linteo scriptum legisse audis-
in acie, fuit. aem; prope sacrilegium ratus sum Cosso spohorum suo-
XX. Omnibus locis re bene gesta, dictator senatuscon- rum Cæsarem, ipsius templi auctorem, substrabere tes-
sulto jussque populi riumphans in urbem re fit. Longe tem. Qui si ca in re sit error, quod tam veteres annales,
gistrats, (crits sur toile et déposés dans le temple exciter des troubles. Comptant, pour le succès,
de Monéta, souvent cités par Macer Licinius, di- sur la faveur attachée à son nom, il avait cité Mi-
sent que dix ans plus lard A. Cornélius Cossus fut nucius en jugement, et proposé de contisquer les
consul avec T. Quinctius Pennus? c'est sur quoi biens de Servilius Ahala. Selon lui le crime de
chacun est libre de prononcer. Seulement je ferai Minucius, c'était d'avoir enveloppé Mélius dans
observer que ce glorieux combat ne saurait être une fausse accusation; celui de Servilius, d'avoir
transporté à cette année; car vers le consulat de mis à mort un citoyen sans forme de procès mais
A. Cornélius, la peste et la famine empêchèrent le seul nom de l'auteur de ces propositions leur
toute guerre pendant trois ans, si bien que plu- ôta tout crédit parmi le peuple. D'ailleurs on était
sieurs annalistes se bornent, pendant cette époque bien plus occupé de la peste, dont les progrès in-
funeste, à donner les noms des consuls. Trois ans quiétaient chaque jour davantage, comme aussi
après son consulat, Cossus fut élu tribun militaire de la terreur qu'inspiraient les prodiges, dont le
avec une autorité éâale à celle de consul, et la plus effrayant était, dans la campagne, l'écroule-
même année il livra encore, comme général de ment des maisons par suite des tremblements de
la cavalerie, une bataille mémorable. Toutes les terre. En conséquence, le peuple, sous la con-
conjectures sont permises; mais, dans ma pen- duite des duumvirs, fit des prièrespubliques. L'an-
sée, ces diverses suppositions n'ont aucun fonde- née suivante, sous le consulat de C. Julius, élevé
ment, puisque le vainqueur, en déposant dans le pour la seconde fois à cette dignité, et de L. Vir-
sanctuaire les dépouilles sanglantes sous les yeux giuius, la peste redoubla ses ravages; elle depeu-
presque de Jupiter, à qui s'adressait son offrande, pla à tel point la ville et les campagnes, que per-
et de Itnmulus témoins redoutables pour un sonne ne sortit du territoire romain pour butiner,
homme qui se serait paré d'un faux titre, n'a pas et que ni le peuple ni le sénat ne songèrent à la
craint de faire mettre sur l'inscription A. Cor- f;uerre. Il y a plus, les Fidénates, qui jusqu'alors
nélius Cossus, consul. s'étaient tenus renfermés dans leur ville derrière
XXI. M. Cornélius Maluginensis et L. Papirius leurs montagnes ou leurs murailles, descendirent
Crassus étant consuls, les armées furent conduites ravager le territoire de Rome; puis, ils appelèrent
sur le territoire des Véiens et des Falisques. Nos l'armée des Véiens (car pour les Falisques, ni les
soldats enlevèrent hommes et bestiaux sans ren- désastres de Rome, ni les prières de leurs alliés ne
contrer nulle part l'ennemi dans la plaine, ni purent leur faire reprendre les armes), et les deux
trouveur l'occasion de livrer bataille; cependant ils peuples passèrent l'Anio, et plantèrent leurs éten-
furent empêchés d'assiéger les villes, parce que dards à peu de distance de la porte Colline. L'effroi
la peste s était mise parmi nous. A Rome, Sp. Mé- ne fut pas moindre à la ville qu'aux champs. Le
lius, tribun du peuple, chercha, mais en viin, à consul Julius déploie ses troupes sur les retranche-

quodque magislratuuni libri, quos linteos in æde reposi- invasit. Et seditiones domi quæsitæ sont, nec motie t i-
tos Monetæ Macer Licmus cilat identidem auctorea, nono men ab Sp. Mælio tribuno plebis, qui, favore nominis
post demum anno cum T. Quinctio Pcnno A. Cornelium moturum se aliquid ratus, et Minucio diem dixerat, et
Cossum cousulem habeant, existimalio communisomni- rogationem de publicandis bonis Servilii Ahalæ lulerat
bus est. Nam eliam illud accedit, ne tam clara pugna iu falsis cirminibus a Minucio circumventum Mælium ar-
eum annum transferri posset, quod imbelle triennium guens, Servilio cædem civis indemnati objeens; quæ
teruw pestilentia inopiaque fruguin circa A. Cornelum vaniora ad pupulum ipso auctore fiiere. Ceterum magris
onsulem fuit adeo ut quidam annales, velut funesti, vis morbi ingravescens curæ erat, terroresqueac prodi-
mhil pra·ter nomma consulum suggerant. Tertius ab gia maxime quod crebris motibus terræ ruore in agris
cousulata Cossi annus tribunum eum militum consulari nuutiabantur tecta. Obsecratio itaque a populu, duum-
potestate h.ibet; codem anno iiiagibtrum equitum :quo iu viris præeuntibus, est facta. Pestilentior inde annus,
imperio alteram iusignem edidit pugnam equestrem. Ea C. Julioilerum et L. Virginiu consulibus, tantum metum
libera conjectura est. Sed, ut ego arbitror, vana versare vastitatis in urbe agrisque fecit, ut non modo prædandi
in omnes opimones licet, quum auctor pugnæ, recenti- caum quisquam ex agro romano non exiret, hcllive nife-
bus spolis in sacra sede positis, Jovem prope ipsum, cui rendi memoria Patribus aut plebi esset; sed ultro Fi-
vota erant, Romulumque intuens, haud spernendos falsi denates, qui se primo aut oppido, aut montibus aut
tituli testes, se A. Coruelium Cossum cousulem scrips- muris tenuerant, populabundi descenderent iu agrum
erit. romanum, Deiude, Veientium exercitu accilo (nam Fa-
XXI. M. Cormelio Maluginense, L. Papirio Crasso lisci perpelli ad instaurandum bellum, neque clade Ho.
consulibus, eieicitus in agrum Veientem ac Faliscum manormn ncque sociurum precibus p, tuere), duo
ducti prædæ abactæ hominum pecorumque; hostis in populi transiere Anienem, atque baud procul Colluia
agrisnusquam inventus, neque puguandi copia facta porta signa habuere. Trepidatum itaque, non inagm
ur bes tamen non oppugnalæ auia pesilentia populum magis, quam in urbc, est. Julius consul m aggcre muns-
ments et sur les murailles. Le sénat est convoqué dant tout le jour et toute la nuit suivante, détour-
par Virginius, dans le temple de Quirinus. On nèrent des travaux l'attention des ennemis. Enfin,
décide qu'on nommera dictateur A. Servilius, sur- la montagne ayant été percée, un passage s'éleva
nommé Priscus, suivant les uns, Structus, suivant du camp jusqu'à la citadelle et tandis que de
les autres. Virginius, après quelques délais pour vaines démonstrations occupaient les Étrusques,
consulter son collègue ayant obtenu son assenti- en les empêchant de voir un péril plus sérieux
ment, nomme, pendant la nuit, le dictateur. Ce le cri de guerre poussé au-dessus de leurs têtes
magistrat choisit pour général de la cavalerie Pos- leur annonça la prise de leur ville. Cette même
lumus Æbutius Elva. année, les censeurs C. Furius Pacilus et M. Gé-
XXII. Le dictateur ordonna que tous les ci- ganius Macérinus donnèrent leur approbation à
toyens se réunissent au point du jour hors de la la maison publique élevée dans le Champ-de-Mars,
porte Colline et tous ceux à qui leurs forces per- et l'on y fit le cens pour la première fois.
mettaient de porter une armure s'empressèrent XXII1. Les mêmes consuls, à ce que je trouve
de s'y rendre. tes étendards sont tirés du trésor dans Macer Licinius, furent réélus l'année sui-
et portés au dictateur. Pendant ces préparatifs, vante Julius pour la troisième fois, Virginius pour
l'ennemi s'était retiré sur les hauteurs. Le dicta- ia seconde. Valérius d'Antium, et Q. Tubéron pré-
teur l'y suit résolument; ayant engagé l'action tendent que les consuls de cette année furent
près de Nomente, il bat les Étrusques, les rejette M. Manlius et Q. Sulpicius. Au reste, malgré
dans Fidènes, et les entoure d'un retranchement. cette contradiction, Tubéron et Macer s'appuient
Mais il n'était pas possible de prendre d'assaut l'un et l'autre sur le témoignage des livres lintiens,
une ville fortifiée, assise sur une montagne; et il et tous deux conviennent que, suivant d'anciens
n'y avait rien à attendre d'un blocus, les immen- auteurs, il y eut cette année des tribuns militai-
ses magasins que les assiégés avaient formés, four- res. L.icinius pense qu'il faut s'en rapporter aux
nissant, et de reste, à tous leurs besoins. Aussi, livres lintiens; Tubéron n'ose se prononcer. C'est
désespérant de prendre la ville par force ou de encore là une de ces questions que l'éloignement
l'obliger à capituler, le dictateur, qui connaissait empêche d'éclaircir. La prise de Fidènes épou-
les localités, à cause du voisinage, prit le parti vaula l'Étrurie, et non-seulement Véies redouta
d'ouvrir du côté opposé à son camp, lequel était un sort pareil mais les Falisqucs mêmes quoi-
moins gardé comme étant le plus fort, une gale- qu'ils n'eussent point pris part à la nouvelle
rie qu'il pousserait jusqu'à la citadelle lui-même guerre, craignirent qu'on n'eût pas oublié leur
il s'approcha des remparts sur différents points première agression. En conséquence, ces deux ci-
fort éloignés, à la tête de son armée divisée en tés envoyèrent des députés aux douze nations et
quatre corps, qui, se relevant l'un l'autre, pen- obtinrent qu'une assemblée de toute l'Étrurie fût

que explicat copias a Virgiuio senatus in æde Quirint castris monte, erecta in arcem via est; intentisqueEtrus-
consulitur.Dictatorem dici A. Servilium placet,cui Prisco ci3 ad vanas a certo periculo miuas, clamor supra caput
alti, alii Structo fuisse cognomen tradunt. Virginius, dum hostilis capiam urbem ostendit. Eo anno C. Furiua Paci-
collegam consuleret, moratus, permittente eo, nocte di- lus et M. Gegaoius Macerinus censores villam publicam
ctatorem dixit. Is sihi magistrum equitum Postumum in campo l\iartio probaverunt ibique primum census
Æhutium Elvam dicit. populi estactus.
XXII. Dictator omnes luce prima extra portane Colli- XX III. Eosdem consulesinsequenti anno refectos, Ju-

uam adesse jubet. Quibuscunque vires suppetebant ad lium tertium, Virginium iterum, apud Macrum Liciuium
arma ferenda, praesto fuere signa ex ærario prompta invenio. Valerius AnGas et Q. Tubero M. Manlium et
feruntur ad dictatorem. Quæ quum agerentur, hostes in Q. Sulpicium consules in eum annum edunt. Ceterum in
toca altiora concessere. Eo dictator agmine inlesto subit; tam discrepante editione et Tubero et Macerlibros linteos
nec procul Nomento signis collatis, fudit etruscas legio- auctores profitentur neuter, tribunos militum eo anno
nes compulit inde in urbem Fidenas, valloqiie circnm- fuisse, tradilum a scriptoribus antiquis dissmulat. Li-
dedit. Sed nque scalis capi poterat urbs alia et nmnita cinio libros haud dubie sequi linteos placet et Tubero
neque in obsidione vis ulla erat, quia frumentum non incertus veri est. Sed inter cetera, vetustate incomperta,
necessitati modo satis, sed copioe quoque, abunde ex hoc quoque in incerto positum. Trepidatum in Etruria
ante convecto sufficiebat. Ha. expugnaudi pariter cogen- est post Fidenas captas non Veientibus solum exterritis
dique ad deditionem spe amissa, dictator in locis, pro- metu similis exc dii, sed etiam Faliscis memoria initi pri-
pter propinquitatem not s ab aversa parte urhis maxime mo cum iis belli. quanquam rebellantibus non affuerant,
neglecta, qui) sttapte natura tutissma erat. agere in ar- Igitur quum duae civitates, legatis circa duodecim popu-
cem cuuiculum institute: ip,e, diversissimis locis sub- los missis, tmpetrassent, ut ad Voltumnæ fanum indice-
euudo ad mœnia quadrifariam diviso exercitu, qui al i retur omm Etruriæ concllium velut magno inde tumultu
allis succederent ad pugnam, coutinenti die ar nocte præ- imminente, senatns Mam. Æmlium dictatorem iterum
il ulj sensu oper s hostes avertabat; donec perfosso a drei jussit. Ab eo A. Postumus Tubqtus magister equi-
convoquéeprès du temple de Voltumna. Se croyant tant d'années une si grande portion de la vie sous
menacé d'un soulèvement général, le sénat fit la dépendance des mêmes hommes. Il proposerait
nommer une seconde fois dictateur Mam. Émilius, une loi pour réduire à un an et demi la durée de
lequel choisit pour maître de la cavalerie A. Pos- la censure. u Cette loi passa le lendemain avec
tumius Tubertus; et d'autant que l'Étrurie entière l'approbation unanime du peuple. « Pour vous
était plus redoutable que deux peuples isolés, au- convaincre par ma propre conduite, Romains,
tant les préparatifs furent plus considérables et ajouta Émilius, que je n'aime pas que l'autoi itd
plus rapides que pour la guerre précédente. soit de longue durée, j'abdique la dictature. o
XXIV. Cette affaire se termina plus tranquille- Après cette abdication d'une magistrature qu'il
ment qu'on ne s'y attendait. Des marchands an- ne quittait qu'en mettant un terme à une autre,
noncèrent que les Étrusques avaient refusé de il fut reconduit à sa maison au milieu des accla-
porter secours aux Véiens, les engageant à termi- mations et des louanges du peuple. Quant aux
ner avec leurs propres ressources une guerre qu'ils censeurs, piqués contre Mamercus, parce qu'il
avaient entreprised'après leur propre détermina- avait abaissé une magistrature du peuple romain,
tion, et à ne pas envelopper dans leur malheur ils le changèrent de tribu et le chargèrent d'un
des peuples qu'ils n'avaient pas voulu appeler au impôt huit fois plus considérable qu'il ne le de-
partage de leurs espérances. Alors le dictateur vait. Il paraît qu'il supporta cette vengeanceavec
voyant perdue pour lui l'occasion d'acquérir de la beaucoup de magnanimité, songeant moins à cette
gloire par les armes, et voulant que son élection humiliation qu'au motif qui la lui avait attirée.
fût utile à quelque chose, résolut, pour laisser un Les principaux sénateurs, qui n'approuvaient pas
monument de sa dictature, d'abaisser le pouvoir cet affaiblissement de la censure s'irritèrent
des censeurs; soit que ce pouvoir lui parût excessif, néanmoins du ressentiment que montraient les
soit qu'il fût encore plus choque de sa durée que censeurs; car ils ne se dissimulaient point que
de son étendue. Il convoqua donc une assemblée chacun d'eux serait plus longtemps et plus sou-
du peuple où il dit « Que les dieux immortels vent soumis à ce pouvoir qu'il ne l'exercerait.
s'étaient chargés des affaires extérieures et de la Quant au peuple, sa colère fut, dit-on, si vive,
sûreté de la république qu'il ne lui restait à lui que l'autorité seule de ltlamercus sut épargner les
qu'a veiller dans l'intérieur sur la liberté de violences aux ccnseurs.
Home; que le plus ferme appui de cette liberté XXV. Les tribuns du peuple qui, dans leurs
était dans le peu de durée des grandes magistra- harangues continuelles, s'opposaient à la tenue
tures et qu'il fallait abréger celles dont on ne des comices pour l'élection des consuls, et qui
pouvait restreindre l'autorité. Tandis que les avaient presque amené la nécessité d'un interroi,
autres magistratures étaient annuelles, la cen- obtinrent enfin qu'on nommerait des tribuns mi-
sure était quinquennale. Il était dur de passer litaires avec la puissance consulaire; mais le fruit

tum est dictus, bellumque tanto majore, quam proximo, ne plus, quam annua ac semestris censura esset. »Coo-
couatu apparatum est, quanto plus erat ab omni Etruria sensu iugenti populi legem postero die pertulit, et, Ut
periculi, quam ab duobus populis fuerat. re ipsa, iuquit, sciatis, Quirites, quam mibi diuturna
XXIV. Ea res aliquanto exspectalione omnium tran- non placeant imperia, dictatura me abdico. » Deposito
quillior fuit. Itaque quum renutiatum a mercatoribus soo magistratu, modo aliorum magistratui impo%ito,
esset, negata Veientibus auiilia, jussosque suo consitio 1fine alter,]eum gratulationese favore ingenti populi
bellum initum suis viribus exsequi, nec adversarum re- domum est reduelus. Ceoaores, ægre passi, Mamercum,
rum quærere socios, cum quibus spem integramcommu- quod magistratum populi romani minuisset, tribu move-
nicali non sint tum dictator, ne nequicquam creatus runt, octuplicatoque censu ærariumfecerunt. Quam rem
esset, materia quærendæ bello gloriaj adempta, in pace ipsum iugenti auimo tulisse ferunt, causam potius iguo-
aliquid operis edere, quod monumentum esset dictature, miniae intuentem, quam ignominiam;primores Patrum,
cupiens, censuram minuere parât sen nimiam pntesta- quauquam deminutum censuræ jus noluissent, elemplo
tem ratus, seu non lam magndudine honoris, quam diu- acerbitatis censoriæ offensos quippe qnum ne quisque
turmtute, offensus. Concioneitaque advocata, Rempu- diutius ac soepius subjectum ceusoribus fore cerneret,
blicam foris gerendam, ait, tutaque omnia præstanda, quam censuram gesturum. Popali certe taota indignatio
deos immortales suscepisse se quod intra muros agen- coorla dicitur, ut vis a censor bus nullius auctoritale,
dum esset, libertati populi romani consulturum. Maxi- præterquam ipsius Mamerci,deterreri quiverit.
mam aukm ejus custodiam esse, si magna imperia diu- XXV. Tribuni plebis, assiduis coci mbus prohibendo
turna non esseut; et temporis modus imponeretur,quibus consularia comitia, quum res prope ad interregnumper-
juris imponi uon posset. Alios magistratus annuos e,se, ducta esset, evicere tandem, ut tribuni militum cousu-
quinquennalem censuram; grave esse, iisdem per tot an- lari potestate crearentur victoriæ præmium, quod pe-
nos magna parte vitæ obnoxios vivere. Se legem latarum, tebatur, ut plebeius crearetur, nullum fuit. Onines pa-
qu'ils espéraient de cette victoire, la nomination pnis tant d'années qu'on nomme des tribuns mi-
d'un plébéien, leur échappa tous les tribuns mi- litaires avec la puissance consulaire pas un plé-
litaires se trouvèrent des patriciens, M. Fabius béien n'a été encore promu à cet honneur. Leurs
Vibulanus, M. Foslius, L. Sergius Fidénas. La ancêtres, par une sage précaution, ont interdit
peste fit taire pour cette année les dissentions pu- aux patriciens les magistratures plébéiennes au-
bliques. On voua, pour la guérison publique, un trement, on aurait eu pour trihuns du peuple des
temple à Apollon. Les duumvirs, pour apaiser le patriciens tant ils obtiennent peu d'estime, même
courroux des dieux et détourner le fléau, eurent auprès des leurs, tant ils sont méprisés par le peu-
recours à toutes les pratiques indiquées dans les ple, aussi bien que par le sénat! » D'autres essaient
livres, et cependant la ville et la campagne d'excuser le peuple, et rejettent la faute sur les
éprouvèrent une perte immense d'hommes et de patriciens « C'est par leurs brigues et par leurs
bétail. Le défaut de culture faisant craindre la fa- artifices que le chemin des honneurs est fermé aux
mine, on envoya en Etrurie, dans le Pomptinum, plébéiens. S'ils laissaient respirer le peuple s'ils
à Cumes, et enfin jusqu'en Sicile, pour avoir du ne le poursuivaient pas de leurs prières et de leurs
blé. Il ne fut pas question de nommer des consuls. menaces, il se souviendrait de ses défenseurs en
On élut tribuns militaires, avec la puissance con- allant aux suffrages, et après s'être donné un ap-
sulaire, L. Pinarius Mamérinus, L. Furius Mé- pui, s'emparerait du pouvoir. Pour arrêter la
dullius, Sp. Postumius Albus, tous patriciens. brigue, il fut décidé que les tribuns présenteraient
Cette année la peste fut moins forte, et grâce à une loi par laquelle il scrait dé endu à tous les can-
une sage prévoyance, on n'eut pas à craindre la didats de rien ajouter à leur toge blanche. Cette
disette. On délibéra sur la guerre dans les assem- mesure presque puérile et qui, aujourd'hui,
blées des Eques et des Volsques et en Ktrurie, n'est pas digne d'un examen sérieux, souleva a!ors
au temple de Voltumna. Mais toute décision fut de violents débats entre le sénat et le peuple,. Les
ajournée à un an, et l'on défendit, par un décret, tribuns l'emportèrent enfin, et leur loi passa. On
toute réunion avant cette époque, malgré l'oppo- pouvait prévoir, à 1 irritation des esprits, que la
sition des Véiens qui se plaignaient que leur ville faveur du peuple se porterait sur les siens; mais
était menacée du même sort que Fidènes. Sur ces de peur qu'il n'usât de cette liberté, un sénatus-
entrefaites, à Rome, les principaux du peuple, consulte ordonna qu'on nommerait des consuls..
fatigués de poursuivre en vain depuis si longtemps XXVI. La cause en fut une invasion des Eques
l'espoir de plus grands honneurs, profitent de la et des Volsques, dont les Latins et les Herniques
tranquillité du dehors pour tenir des assemblées avaient apporté la nouvelle. On nomma consuls
dans la maison des tribuns du peuple, et là ils T. Quinctius Cincinnatus, fils de Lucius, à qui
dévoilent leurs pensées secrètes. « Ils se plaignent l'on donne encore le surnom de Pennus et C. Ju-
de l'indifférence du peuple, qui est telle que, de- lius Mento. Les menaces de guerre ne tardèrent

tricii creati sunt, M. Fabius Vibulanus, M. Foslius, ut, qunm per tôt annos tribuni militum consulari potes-
L. SergiusFidenas. Pestilentia eo anno aliarum rerum tate creeutur, nulli unquam plebeio ad eum hnnorem ad-
otium praebuit ades Apollini pro valetudine populi vota itus fuerit. Multum providisse suos malores qui caverint,
est. hlulta duumviri ex libris, placandæ deum irw, aver- ne qui patricio plebeii magistratus paterent; But patri-
teudæque a populo peslis causa, fecere magna tamen cios habendos fuisse tribunos plebei adeo se suis etiam
clades in urbe agrisque. promiscue hominum pecorum- sordere, nec a plebe minus, quam a Patribus contemni. »
que pernicie, accepta. Farnem cultoribus agrorum timen- Alii purgare plebem cul paru in Patres vertere Eorum
tes in Etruriam, Pomptinumque agrum, et Cumas, ambitione artibusquefieri, ut obsæptum plehi sit ad ho-
postremo in Siciliam quoque frumenticausa misere. Con- norem iter. Si plebi respirare ab eorum mixtis precibm
sularium comitiorum nulla mentio habita est. Tribuni mioisque liceat, memorem eam suorum inituram sulfra-
militum consulari potestate omnes patricii creati sunt, gia esse, et parto auxilio imperium quoque ascituram. »
L. Pinarius Mamercinus, L. FuriusMedullinus,Sp. Pos- Placet tollendæ ambitionis causa tribunos legem promul-
tumius Albus. Eo anno vis morbi levata, neque a peuu- gare, ne cui album in vestimeotum addere petitionis li-
ria frumeuti, quia auto provisum erat, periculumfuit. ceret causa. Parva nunc res, et VIX serio agenda videri
Consilia ad niovenda bella in Volscorum Æquorumque possit, quae tune ingenti certaminePatres ac plebem ac-
c oncillis, et m Etruria ad fauum Voltumnæ, agitata. Ibi cendit. Vicere tamen tribuni, ut legem perferrent; ap-
prolatæ in annum res, decretoque cautum, ne quod aute parebatque, irritatis animis plebem ad suos studia in-
consilium fieret; nequicquam Veiente populo querente, clinaturam qua ne libera essent, senatusconsultum fac-
candem, qua Fidenæ delelae sint, imminere Veiis fortu- tum est, ut consularia comitia habereutur.
nam. Intérim Romae principes plebis, jam diu nequic- XXVI. Tumultus causa fuit quem ab Æquis et
quam imminentes spei ma;oris honoris, dum loris otium Volscis Latini atque Hernici nuntiarant. T. Quinctius
essct, cmtus indicere in doxos tribunorum plebei. Ibi L. F. Cincinnatus ( eidem et Penno cognomen additur)
secreta consilia agitare queri, Se a plebe adeo spretes, et C. Julius Mento, consules facti nec ultra terror belli
pas à se réaliser. Les levées ajant été faites au nom au nom do leur collége « Que leur avis est que
de la loi sacrée, qui était cltez eux le plus puissant les consuls obéissent au sénat; que s'ils résistent
moyen de rassembler des soldats, deux armées plus longtemps à la décision de cette auguste as-
formidables s'étaient réunies sur l'Algide, et là, semblée, ils les feront jeter en prison. » Les con-
les Èques et les Volsques campèrent chacun de son suls aimèrent mieux céder aux tribuns qu'au
côté. Jamais leurs généraux n'avaient montré sénat, tout en se plaignant que les patriciens at-
plus de soin à se forlifier, à exercer les soldats, et tentassent aux droits de l'autorité suprême, puis
ces nouvelles augmentèrent la terreur qui régnait qu'ils reconnaissaient à un simple tribun le pou-
dans Rome. Le sénat fut d'avis qu'on nommât un voir de contraindre les consuls, et même de les je-
dictateur car ces peuples, si souvent vaincus, ter en prison, au-delà de quoi que pouvait-on faire
déployaient un appareil plus redoutable que ja- subir au dernier des citoyens? Comme les deux
mais, et une partie de la jeunesse romaine avait collègues n'avaient pu s'entendre sur la nomiua-
élé enlevée par la peste. Mais ce qui effrayait plus tiou du dictateur, le sort désigna T. Quinctius.
que tout le reste, c'était l'aigreur et la mésintelli- 11 nomma A. Postumius Tubertus,
son beau-père,
gence des consuls qui éclatait par leur désaccord qui a\ait le commandement le plus sévère, et qui
dans tous les conseils. Quelques historiens pensent choisit pour général de la cavalerie L. Julius. On
qu'une défaite essuyée par ces consuls dans l'Al- proclama en même temps le justicium, et toute la
gide motiva la nomination d'un dictateur. Ce ville ne s'occupa plus que de la guerre. L'examen
qu'il y a de certain c'est que, divisés sur tous les de tous les motifs d'exemption fut renvoyé au re-
points, ils s'accordèrentpour résister à la volonté tour de la campagne; de sorte que ceux qui n'é-
du sénat, et ne pas nommer un dictateur. Enfin, taient pas sûrs de leurs droits se décidèrentà don-
comme on apportait à chaque instant des nouvelles ner leurs noms. Des troupes furent demandés
plus fâcheuses, et que les consuls refusaient tou- aux Ilerniques et aux Latins, et lts deux peuples
jours d'obéir au sénat, Q. Servilius Priscus, qui s'empressèrentd'obéir au dictateur.
avait rempli avec honneur les plus hautes dignités, XXVII. Quand ces diverses dispositions eurent
s'adressa aux tribuns du peuple « C'est à vous, été prises avec toute la célérité possible, le dicta-
leur dit-il puisque nous sommes réduits à la der- teur laissa dans la ville le consuls C. Julius auquel
nière extrémité, c'est à vous qu'en appelle le sé- il en remettait ladéfensc, ainsi que L. Julius, qu'il
nat, pour que, dans une situation si critique, chargerait de pourvoir sans délai à tous les besoins
vous forciez, en vertu de votre pouvoir, les cou- que la guerre ferait naître dans le camp; et par un
suis à nommer un dictateur. 9 A ces mots, les tri- vœu, dout le grand pontife A. Cornélius lui dicta la
buns, qui volaient là une occasion d'augmenter formule, il s'engagea, à proposde cette expédition,
leur puissance, se retireut à l'écart, et déclarent à célebrer de grands jeux. Apresavoir confié la moi-

est dilatus. Lege sacrata quae maxima apud eos vis co- consulesscnatui dicto audientes esse si adversus conscn-
fiendae militiæ erat, delectu habito,utrimquevalidi exer- sum amplissimiordinis ultra tendant, in vincula se duci
citus profecti in Algidum convenere, ibique, seorsum cos jussuros. »Consules ab tril)unis, quam ab senatu.
Æqui, seorsum Volsci, castra communivcre;intentinr- vmci maluerunt; proditum a Patribus sumnii imperii jus.
que, quam unquam ante, muniendi exercendique mili- datumque sub jugum tribuniciæ potestaticonsulatum me-
tem cura ducibus erat eo plus nuntii terroris Romam morantes siquidem cogi aliquid pro poteslaie ab tribuno
attulere. Senatui dictatorem dici placuit; quia, etsi swpe consules, et (quo qnid ulterius prmatn timendum foi et?
victi populi, majore tamen conatu, quam alias unquam. in vincuta etiam duci possent. Sors, dictatorrm ut diceret
rebcll.uent et aliqnantum romanæ juventutis morbo (nam ne id quidem inter collegas convenerat. T. Qunic-
absumptum erat. Anle oninia proavitas cnnsulum discor- tio evenit. Is A. Postumium Tnhertnm, socerum suum,
draque inter ipsos, et certamina in consiliis omnibus ter- severissimi imperii virum dictatorem dixit ab eo
rebant. Sunt, qui maie pugnatum ah his cousulibus in L. Julms magister equitum est dictus. Simul edicitur et
Algido auctores sint, eamque causam dictatoris creandi justitium; neque aliud tota urbe agi, quam bellum appr-
fuisse. Illud satis coustat, ad alia discordes in uno adver-rari cognitio vacantium militiæ ntunere post bellum dif.
sus Pati um voluntaterm consensisse, ne dicereut dictalo- fertur. Ita dubii quoque inctmant ad nomina danda. Et
rem douec, quum alia alis terribilioraafferrentur, nec Hernicis Latinisque milites impera.i utrimque enixe
in auctorilale senatus consules essent, Q. Servilius Pris- obeditum dictatori est.
eus. summis honoribus egregie usus:. Vos, inquit, tri- XXVII. Hæc omuia celertate ingenti acta, relictoque
buni plebis, quoniam ad extrema ventum est, senatus C. Julio consule ad præsidium urbis, et L. Julio magis-
appellat, ut in tanto discrim ne reipublicæ dictatorem tro equitum ad subita belli ministeria, ne qua les, qua
dicere consules pro potestate verstra cogatis. » Qua voce eguissent in castris moraretur, dictator, proæeunte
audita, occasionemoblatam rati tribuni augendæ potes- A. Cornelio pontifice maarmo, lu los magnos tumultus
talis secedunt, pi-o tue collegio pronuntiantm, « Precere, causa vovit profectusque ab urbe, diviso cum Quinclio
tié de l'armée au consul Quinctius, il sortit de la derrière. Il charge un de ses lieutenants, Q. Sul-
ville et joignit l'ennemi. En voyant qu'il occupait picius, de la garde du camp, et donne à un autre,
deux camps séparés par un droit iutervalle, ils M. Fabius, le commandement de la cavalerie,
vinrent s'établir à un mille à peu près de distance, avec ordre de ne pas mettre en mouvement avant
le dictateur à Tusculum, et le consul à Lanuvium. le jour un corps qu'il est si difticile de diriger
Ainsi les quatre armées et les quatre camps retran- dans le désordre d'un combat de nuit. Enfin,
chés avaient au milieu d'eux une plaine dont l'é- toutes les mesures que la prudence et le courage
tendue ne leur olfrait pas seulement un espace conseillent en pareille circonstance à un général,
suffisant pour des escarmouches, mais leur peur- il les fait prendrcet les prend lui-même; mais
uue
mettait de ranger de part et d'autre toutes leurs preuveplus rare de présence d'esprit et d'habileté,
troupesen bataille. Dès que les camps furent ainsi et qui annonce un mérite peu commun, c'est qu'it
rapprochés, on ne cessa plus de se livrer de légers chargea M. Géganius d'attaquer, avec des cohor-
combats, et le diclateur souffrait volontiers que tes d'élite, le camp ennemi, d'où le plus grand
ses soldats éprouvassent leurs forces pour les ac- nombre de troupes, au rapport des éclaireurs,
coutumer peu à peu, par le succès de ces petites étaient sortis. Comme les soldats qui restaient,
rencontres, à l'espoir d'une victoire complète. occupés du danger de leurs camarades, mais sans
Aussi, l'ennemi ne comptant plus vaincre dans crainte pour eux -mêmes, n'avaient placé ni gardes
une bataille rangée, abandonne l'événement aux ni sentinelles, le camp fut emporté avant presque
chances du hasard, et attaque de nuit le camp du qu'on se doutât de l'attaque. Dès que le dictateur
consul. Les cris donnèrent l'éveil d'abord aux sen- aperçut la fumée, signal dont il était convenu en
tinelles, puis à toute l'armée, et enfin au dicta- cas de succès, il s'écria que le camp euuemi était
teur lui-même. Dans ce danger imminent, le con- emporté, et en fit répandre partout la nouvelle.
sul ne manqua ni de courage ni de prudence XXVIII. Déjà le jour commençait à paraître, et
avec une partie des soldats il renforce la garde des l'œil pouvait suivre tous les mouvements. Fahius
portes, et, avec le reste, couronne les retranche- avait lancé sa cavalerie, et le consul venait de
ments. Au camp du dictateur, où l'alarme fut moins faire une sortie sur les ennemis déconcertés. De
vive, on put voir plus à loisir ce qu'il y avait à l'autre côté, le dictateur attaquait leur réserve et
faire. Un renfort, commandé par le lieutenant leur seconde ligne, et si l'ennemi se retournait à
Sp. Postumius Albus, est envoyé sans retard au ces cris confus et à cette charge soudaine, il lui op-
secours du camp attaqué, etle dictateurlui-même, posait partout son infanterie et sa cavalerie victo-
à la tête d'une partie de ses troupes, gagne, par rieuse. Ainsi, environnés de toutes parts, ces re-
un léger détour, un poste éloigné de la mêlée, belles auraient tous péri jusqu'au dernier, comme
d'où il peut à l'improviste assaillir l'ennemi par ils le méritaient, si un Volsque, Vectius Messius,

wnsule etercitu, ad hostes pervenit. Sicut bina castra cium legatum præficit castris M. Fabio legato assignat
hostium, parvo inter se spatio distantia, vierant, ipsi équités nec ante lucem movere jubet manum, inter noc-
quoque mille ferme passus ab hoste, dictator Tusculo, turnos tumultus moderatu difficilem. Omuia, que vel
consul Lanuvio, propiorem locum castris ceperunt. Ha alius imperator prudens et impiger in tali re præciperet
quatuor exercitus, totidem munimenta planitiem in me- ageretque, praecipit ordine atque agit illud eximiuw
dio, non parvis modo excursionibus ad pralia, sed vel consilii animique specimen, et neutiquam vulgatæ tandis,
ad explicandas utrimque acies satis palentem, habebant. quod ultro ad oppugnanda castra hostium, unde majore
Nec, ex quo castris castra collata aunt, cessatum a levi- agmioe profectos exploratum fuerat, M. Geganium cum
tus prælils est; facile patiente tentatore, conferendo vires, cohortibus delectismisit. Qui, poslquam inientos homioes
epem universæ victoriæ, tentato paulatim eventu cerla- in eventum periculi alieui, pro se incautos neglectisvigir
minum, suos præcipere. Itaque hostes, nulla iu prælio lüs statiouibusque,est adortus, prius pæne cepit castra,
justo relicta spe, noctu adorti castra consulis, rem in ca- quam oppugnari hostes statis scirent. Inde, fumo,utcon-
sum aucipitis eventus corumittuut. Clamorsubite orius, veoerat, datum signum ubi conspectum ah dictatore est,
non consulia modo vigiles, eiercaum deinde omnem, exclamat, capta hostium castra nuntiariquepassim jubet.
sed dictatorem quoque ex somno excivit. Ubi prxsenti XXVIII. Et jam lucescebat, omniaque sub oculis
ope res egebant, consul nec animo defecit, nec consilio; erant et Fabius cum equitatu impetum dederat, et con-
pars m litum portarum stationes firmaot pars corona sul eruptionem e castris in trepidos jam hostes fecerat.
valium cingnnt. In alleris apud dictatorem caslris, quo Dictatorautem, parte altera subsidia et secundam aciem
minus tumultus est, eo plus aui uadvcrlitur, yuid opus adortus circumagenti se ad dissonos clamores ac subitos
facto sit. Misso extemplo ad castra subsidio, cui Sp. I'us- tumultus hosti andique objecerat victorem peditem equi-
tumins Albus legatus præficitur, ipse parte copiarum temque. Circumventi igitur jam m medioad unum omues
1 arvo
circui,u locum maxime lecretum ab tumultu pet t, pœnas rrbcllionis dedissent, ni Vcctms blessius ex Vul-
uude ex necopinato aversum hostom invadat. Q. Sulpr- scis, nobilior v ir factis, quain genere, jam orbem volveu·
plus célèbre par ses exploils que par sa naissance, porta avec sa vaillante troupe à travers des mon-
les voyant tourbillonner sur eux-mêmes, ne leur ceaux de morts, jusqu'au camp des Volsques qui
eût, à haute voix, adressé ces reproches Pour- n'était pas encore pris. Toute l'armée l'y suivit.
quoi, leur dit-il, vous offrir aux traits de l'ennemi, Le consul, qui avait poussé les fuyards jusqu'au
sans vous défendre et sans vous venger? Pourquoi pied des retranchements, en commence aussitôt
donc tenez-vous des armes? Pourquoi donc avez- l'attaque le dictateur fait avancer ses troupes sur
vous vous-mêmes apporté ici la guerre, aussi tur- un autre point, et l'assaut n'est pas moins animé
bulents dans la paix que lâches dans le combat? que la bataille. On rapporte que le consul, pour
Qu'attendez-vous là? qu'un dieu protecteurvienne exciter les soldats, jeta un étendard dans les re-
vous défendre et vous sauver? C'est par le fer qu'il tranchements, et que leurs efforts pour le repren-
faut vous ouvrir un chemin. Ainsi, vous tous qui dre commencèrent la déroule. Le dictateur, de son
voulez revoir vos maisons, vos pères, vos femmes côté, après avoir renversé les palissades, avait
et vos enfants, vous le pouvez, venez, suivez-moi!1 porté le combat dans le camp même. Alors les en-
Ni murailles, ni retranchements ne nous arrêtent; nemis jettent çà et là leurs armes et se rendent
nous n'avons que des soldats comme nous à com- à discrétion tous sont pris avec leur camp,
battre. Égaux en courage, la nécessité, la der- et vendus, à l'exception des sénateurs. Une par-
nière et la plus puissante de toutes les armes, tie du butin que les Latins et les Herniques re-
vous donnera la victoire. » Comme il achevait ces connurent pour leur appartenir, leur fut ren-
mots, et qu'il joignait l'effet aux paroles, ses ca- due le dictateur vendit le reste à l'encan, et,
marades poussent de nouveau le cri de guerre, et après avoir laissé le commandement au consul,
chargent les cohortes que Postumius Albus leur rentra en triomphe à Rome, où il abdiqua. Quel-
avait opposées. Déjà ils avaient ébranlé les vain- ques historiens ternissent l'éclat de cette belle dic-
queurs qui commençaient à reculer, quand arrive tature, en rapportant que A. Postumius fit tom-
le dictateur. De ce côté se porte tout l'effort du ber sous la hache la tête de son propre fils, qui,
combat. Un seul homme, Messius, soutientla for- entraîné par l'occasion, avait, sans ordre, quitte
tune de l'ennemi. Partout des blessures, partout son poste, et livré un combat, d'où cependant il
lamort. Déjà même commence à couler lesang des était sorti vainqueur.J'ai peine à le croire, et d'ail-
chefs romains. Seul, Postumius, atteint d'une pier- leurs la variété des opinions permet ici le doute.
re qui lui fracasse la tête, quitte le champ de ba- Mon argument est que l'on a dit des ordres à la
taille mais nile dictateur, qui avait une blessure à Manlius, au lieu de se servir du nom de l'ostu-
l'épaule, ni Fabius, dont la cuisse avait été presque mius et le premier auteur d'une sévérité si bar-
clouée sur son cheval, ni le consul, quiavaitperda bare a dû marquer de son nom le trait qui le
un bras, ne s'éloignèrent de cette terrible mêlée. caractérise. De plus, Manlius reçut le surnom
XXIX. La charge impétueuse de Messius l'em- d'lmperiosus, et jamais Postumius n'a été dési-

tes suos increpans clara voce Hic præbiluri, inquit glubofortissimorum juvenumextulitad castra Volscorum,
vos telis bostium estis undefensi,inulti? Quid igitur arma quae nondum capta erant eodem omnis acies inclinalur.
babetis ? aut quid ultro bellum intulistis; in otio tumut- Consul, efl'usos usque ad vallum perseculus, ipsa castra
tuosi, in bello segnes? Quid bic stantibus spei est? an vallumque aggreditur; eodem et dictator alia parte copia)
deurn aliquein protecturum vos, rapturumque bine pu- admovet. Non segnior oppugnatio est, quam pugna fue-
tatis ? Ferro via facienda est. Hac, qua me prægressum rat. Consulem signum quoque intra vallum injecisse fc-
videritis, agite, qui visuri domos, pareutes, conjuges, runt, quo milites aciius subirent; repetendoquesigno pri-
liberos estis, ite mecum. ron murus, nec vallum, sed mam impressionem faclam. Et dictalor, proruto vallo
annati armatis obstant. Virtute pares, necessitate, quae jam in castra prælium inlulerat.Tum abjici passim arma,
ullimum ac maximum telum est, superiores estes. » Hæc ac dedi bostes cœpti castrisque et bis captis, bostes prae-
locutum exsequcnlemque dicta rediutegrato clamore se- ter senatores omnes veaundalisunt. Prædæ pars sua co-
euti dant impressionem,qua Postumius Albus cohortes gnoscentibus Latinis atque Hernicis reddita; partem sub
obJecerat; et moveruut victorem, donec dictator, pedem hasta dictator vendidit;præpositoquecousule ca-tris, ipse,
jam referentibus suis, advenit eoque omne praelium triumpbans invectus urbem, dictatura se abdicavit. Egre-
versum est. Uni viro Dlessio fortuna boslium inuititur. giæ dietaturæ tristem memoriam faciuut, qui fllium ab
Multa utrimque vulnera, multa passim rædes est. Jam ne A. Postumio,quod, occasionebene pugnandi captus, lu-
duces quidem romani ineruenti pugnant Uous Postu- jussu decesserit præsidlo, victorem secnri perenssum tria.
mins, ictus saxo, perfracto capite, acie excesbit; non dunt. lVec libet credere et licet in variis opinionibus. Et
dictatorem humerus vulneratus, non Fabium propeaf- argumeoto est, quod.imperiaManliana, non Postumiana, »
fixum eqno femur, non bracbium abscisum cousulem ex appellata sint quum qui prior auctor tam sævi exempll
tam ancipiti prœlio summovit. foret, occupaturus insignem titulum crudelitatis fuerit.
XXIX. Messium impetus per stratns caede bostes cum Imperioso » quoque Manlio cognomen indilum Postu-
1.
gné par aucune épithète odieuse. En l'absence de tius Pennus, élu pour la seconde fois. Les Véiens
son collègue, le consul C. Julius, sans attendre la firent des incursions sur le territoire de Rome. Le
décision du sort, fit la dédicace du temple d'Apol- bruit courut que quelquesjeunes gens de Fidènes
lon. Quinctius en fut vivement blessé, et lorsque, avaient pris part à ces dévastations, et l'examen
après avoir licencié son armée, il fut de retour à de cette affaire fut ('onfié à L. Sergius, Q. Servi-
Rome, il s'en plaignit, mais en vain, au sénat. lius et Mam. Émilius. Plusieurs d'entre eux furent
Aux grandes choses qui se passèrent cette année, relégués à Ostie, pour n'avoir pu justifier leur
il faut ajouter une circonstance qui semblait alors absence de Fidènes à l'époque dont il s'agit. On
n'avoir pas d'intérêt pour la république; c'est que les remplaça par des colons, auxquels on donna
les Carthaginois, en qui nous devions trouver un les terres de ceux qui avaient péri à la guerre. On
jour des ennemis si redoutables, appelés en Si- souffrit beaucoup cette année de la sécheresse et
cile par un des partis qui troublaient ce pays, y les eaux du ciel ne furent pas les seules qui man-
firent, pour la première fois, passer une armée. quèrent la terre elle-méme, privée de son humi-
XXX. A Rome, les tribuns du peuple travaillè- dité naturelle, entretint à peine les sources des
rent à faire nommer des tribuns militaires avec la grands fleuves. Partout l'épuisementdes eaux en-
puissance consulaire; mais ils n'y purent réussir. tassa, aux environs des fontaines et des ruisseaux,
On créa consuls L. Papirius Crassus et L. Julius. les troupeaux morts de soif; d'autres furent em-
Les députés des Èques, ayant demandé au sénat portés par la gale; la contagion de cette maladie
une alliance, pour laquelle ils offraient leur sou- attaqua ensuite les hommes, en commençant par
mission, obtinrent une trêve de huit ans. Les les habitants de la campagne et les esclaves; et
Volsques, après leur défaile sur l'Algide, se trou- bientôt la ville en fut infectée. Tandisque les corps
vèrent en proie à des querelles et à des discordes étaient en proieà cetteépidémie,des idées supersti-
qui causèrent une lutte acharnée entre les parti- tieuses, venues pour la plupart des nations étran-
sans de la guerre et ceux de la paix. Rome fut tran- gères, envahirentles esprits. Tousceux qui spécu-
quille de tous côtés. Les tribuns se disposaient à lent sur la crédulité humaine introduisaient dans
présenter, pour régler le taux des amendes, une les maisons, en prophétisant, de nouveaux modes
loi qui ne pouvait manquerd'être agréable au peu- de sacrifices; jusqu'à ce qu'enfin les principaux
ple, quand les consuls, instruits de ce projet par citoyens rougircnt pour la république de voir dans
la trahison d'un des membres du collége, s'em- toutes les rues et dans toutes les chapelles des pra-
pressèrent de le prévenir. Les consuls nommés tiques étrangères et inconnues employées pour
sont L. Sergius Fidénas, qui l'est pour la seconde apaiser le courroux des dieux. On chargea les édi-
fois, et Hostus Lucrétius Tricipitinus. Sous leur les de veiller à ce que les dieux de Rome fussent
consulat il ne se passa rien de remarquable. Leurs les seuls adorés, et d'après le culte national. Le
successeurs furentA. Cornélius Cossus et T. Quinc- ressentiment contre Véies fut ajourné à l'année

mius nulla tristi nota est iusignitus. C. Julius consul ædem tes in agrum romanum excursiooes fecerunt. Fama fuit,
Apollinis, absente collega, sine sorte dedicavit; ægre id quoadam ex Fidenatiumjuventute participes ejus popula-
passus Quinctius, quum, dimisso exercltu, in urbem re- tionis fuisse cognitioque ejus rei L. Sergio, et Q. Ser-
disset, nequicquam in senatu esteonquestus.Insigni mag- vilio, et Mam. Æmilio perniissa.Quidam Ostiam relegati,
nis rébus anno additur mhil tum ad rem romanam per- quod, cur per eos dies a Fidenis abfuisseut,parum con-
linere visum, quod Carthaginienses,tanti hostes futuri, stabat. Colonorum additus numerus, agerque iis bello in-
tuin primum per sediliones Siculorum ad partis aiterius teremplorum assiguatus. Siccilate eo anno plurimum la-
auiilium in Siciliam exercitum trajecere. boratum est; nec cœlestes modo defuerunt aquae, sed
XXX. Agitatum in urbe ab Iribunis plebis, ut tribuni terra quoque, ingeaito humore egens, vil ad perennes
militum consulari potestate crearentur; nec obtineri po- suffecitamnes. Defectus alibi aquarum circa torridos fon-
tuit. Consulesfiunt L. Papirius Crassus, L. Julius. Æquo- tes rivosque stragem siti pecorum morientium déduit sca-
rum legati fœdus ab senalu cum petissent, et pro feedere bie alia absumpta;vulgatique contactuin homines morbi,
deditio ostentaretur, indutias anuorum octo iinpelrave- et primo in agrestes ingruerant servitiaque; urbs deinde
runt. Volscorum res, super acceptam in Algido cladem, impletur. hec corpora modo affecta tabo, sed ammos
perlinaci certamine inter pacis belliqtie auctores in Jurgla quoquemultiplex religio et pleraque externa, invasit;
l't seditiones versa. Undique otium fuit Romanis. Legem novos ritus sacnlicandi vaticinando inferentibus in domos,
de mulctarum æslimatioue pergratam populo, quum ab quibus quæstui sunt capti superstitione animi donec pu-
tribuuis parari consules unius ex collegio proditione ex- hlicus Jam pudor ad primores civitatis pervemt, cernen-
cepisspnt, ipsi pra-occupaverunt ferre. Consules L. Ser- tes in omuibus vicis sacelli-que peregrina atque insolita
gius Fidcnas iterum Hostus Lucretius Tricipitinus. Ni- piacula pacis deum eiposcendae. Datum inde negotiuin
hil dignum dirtn actum his consulibus.Secuti eos consules aedilibus, ut annnadveriereut, ne qui, nisi romani dii,
A. Coruel us (: ssus, Qums aus 1 ennus iterum. veien- neu quo a'10 more, quam patiio, colerentur. Ilæ adver-
suivante, où Fou eut pour consuls C. Servilius ment pour tomber sur nos légions incertaines; et
Ahala, et L. Papirius llfugillanus. Même alors des notre camp, qui était peu éloigné, les reçut fuyant
scrupules religieux empêchèrent qu'on ne déclarat en désordre il en resulta pour nous plus de honte
la guerre immédiatement, et qu'on ne mît les que de dommage. Cet échec affligea une ville peu
troupes en marche on fut d'avis d'envoyer d'a- accoutumée à être vaincue. On prit en aversion
bord les féciaux demander réparation. On avait les tribuns; on demanda un dictateur, et toutesles
récemment livré aux Véiens, près de Nomente et espérances se tournèrent de ce côté. Et comme la
Fidènes, une bataille à la suite de laquelle on religion opposait ici un obstacle, car le dictateur
avait conclu, non la paix, mais unarmistice;il était ne pouvait être nommé que par un consul, les au-
expiré, et les Véiens n'avaient pas attendu le terme gures consultés levèrent ces scrupules. A. Corné-
pour reprendre les armes. Toutefois on leur en- lius nomma dictateur Mam. Émilius, qui le choi-
voya les féciaux; mais leur réclamation, faite dans sit à son tour pour général de la cavalerie. Ainsi,
la forme usitée par nos pères, ne fut point écoutée. dès que l'on sentit le besoin d'un homme d'un vrai
Après cela, il fallut décider s'il était besoin de mérite, la flétrissure des censeurs ne put empêcher
l'ordre du peuple pour déclarer la guerre, ou s'il qu'on n'allât chercher le chef de l'état dans une
suffisait d'un sénatus-consulte. Les tribuns obtin- maison injustement dégradée. Les Véiens, eullés
rent, en menaçant de s'opposer aux levées, que les de leur succès, envoyèrent des députés à tous les
consuls en référeraient au peuple toutes les cen- peuples de l'Etrurie, en faisant sonner bien haut
turies voulurent la guerre. Le peuple eut encore la défaite, dans un seul combat, de trois généraux
un autre avantage, en ce qu'il obtint qu'on ne romains. Aucune cité ne se détermina à entrer
nommerait point de consuls pour l'année suivante. dans leur alliance, mais l'espoir du butin leur
XXXI. On créa quatre tribuns militaires avec amena une foule de volontaires. Fidènes se décida
la puissance consulaire ce furent T. Quinctius seule à reprendre les armes; et comme si elle se
Pennus, récemment sorti du consulat, C. Furius, fût interdit de commencer la guerre autrement
M. Postumius et A. Cornélius Cossus. Ce dernier que par un crime, avant de se joindre aux Véiens,
fut chargé du gouvernement de Rome; les trois elle souilla du sang des nouveaux colons les armes
autres, après avoir terminé les levées, partirent avec lesquelles elle avait déjà massacré nos dépu-
pour Véies, et l'on vit, par leur exemple, com- tés. Les chefs des deux peuples délibérèrent ensuite
bien la division du pouvoir est dangereuse à la sur le choix de la ville où ils établiraient le siège
guerre. Tous ces chefs, en suivant chacun ses pro- de la guerre. Fidènes leur ayant paru mieux con-
jets personnels, sans s'inquiéter de ceux des autres, venir, les Véiens passèrent le Tibre et portèrent
offrirent à l'ennemi des chances favorables. Tan- sous Fidènes le théâtre de la guerre. La terreur
dis que les uns ordonnaient de sonner la charge, était grande à Rome. Après avoir rappelé de Véies
et les autres la retraite les Véiens saisirent ce mo- l'armée encore frappée de sa défaite, on place son

sus Veientesin insequentem annum, C. Servilium Aba- lucertam namque aciem signum aliis dari, receptui sliis
lam, L. Papirium Mugillanum consoles, dilate tune. cani jubeutibus, invasere opportuue Veient's; castra pro-
Tune quoque, ne confestim bellum indiceretur,neve exer- pinqua turbatos ac terga dantes accepere. Plus itaque
citus mittereutur, religio obstitit fetiales prius mitten- ignominiae,quam dadis. est acceptum. Mœsta civitas fuit,
dos ad res repetendas censuere. Cum Veientibus nuper vinci insuetd odisse tribunos, puscere dictatorem, in eo
acie dimicatum ad Nomentum et Fidenas fuerat; indu- verli spes cmdatis. Et quum ibi quoque religio obstaret,
tiæque inde, non pax, facta quarum et dies eiierat, et neuou posset uisi ah consule dici dictator, augures cou-
aute diem rebellaveraot. Missi tamen fetiales; nec eorum, sulli eam religionem exemere. A. Cornelius dictatorem
quum more Patrum jurati repeterent res, verba sont au- Mam. Æmihum dixit; et ipse ab eo magisterequitumest
dita. Controversia inde fuit, utrum populi jussu indice- dictus. Adeo, simul fortuua civitatis virtute vera eguit,
retur bellum, an satis esset senatusconsultum. Pervicere nihil censoria animadversio effecit, quo minus regimen
tribuni, denuntiando impedituros se delectum, utcousu- rerum ex notata indigne domo peteretur. Veientes, re
les de bello ad populum ferrent. Omnes centuriaejussere. secuuda elati, mistis circum Etruriæ populoslegatis, lac-
lu eo quoque plebs superior fuit, quod tenuit, ne consu- tando tres duces romanos ab se uno praelio fusos, quum
les in proximum annum crearentur. tamen nullam publici cousilii societatem movissent, volun-
XXXI. Tribuni militum consulari potestate quatuor larios undique ad spem prædæ asciverunt. Uni Fldena-
creati sunt, T. Quinctius Pennus ex consulatu C. Fu- tium populo rebellare placuit et, tanquam nisi ab scele-
rius, M. Pos umms, A. Cornelius Cossus. Et iis Cossus re bellum ordiri nefas esset, sicut legatorum antea, ita
priffuit urbi tres, delectu habito, profecti sunt Veios, tum novorum colonorum ca'de inthutis armia, Velentibus
docuniento lue fuere, quam plurium imperium belloiou- sese coujungunt. Consultare inde principes duorum po-
tde essel. 1'eudeodo ad sua quisque consilia, quum aliud pulorum, Veios an Fidenas sedem belli caperent. Fide-
alii videi etur, aperuerunt ad occastouem locum hosh. næ visa opportuuiores.Itaque, trajecto Tiberi, Veientes
oemp devant la porte Colline; des troupes sont tion. Dès que tes camps seront en présence, ils
disposées sur les remparts; les affaires suspendues peuvent compter que des ennemis si perfides ne
au forum, les boutiques fermées, et Rome pré- s'applaudiront pas longtemps de la honte des ar-
sente l'aspect d'un camp plutôt que d'une ville. mes romaines; et que le peuple comprendracom-
XXXII. Alors les hérauts envoyés par les rues bien ceux qui l'ont nommé, lui, dictateur pour
ayant convoqué sur la place publique les citoyens la troisième fois, ont mieux mérité de la patrie
tremblants, le dictateur prend la parole et leur que ceux qui, pour s'être vu arracher le règne
reproche « qu'ils dépendent tellement du moindre de la censure, avaient flétri sa seconde dictature.
caprice de la fortune, qu'un léger échec qu'il faut Après avoir adressé au ciel des vœux solennels
attribuer, non pas à la valeur de l'ennemi, ni il va établir son camp à quinze cents pas de Fi-
à la lâcheté des Rotuains, mais à la mésintel- dènes, couvrant sa droite par les montagnes, sa
ligence des généraux leur rend redoutable Véies, gauche par le cours du Tibre. Il ordonne au lieu-
qui a été six fois vaincue, et Fidènes, qu'ils ont tenant T. Quinctius Pennus d'occuper les hauteurs
pour ainsi dire plus souvent prise qu'assiégée. Les et de s'établir sur t'éminence la moins en vue der-
Romains et leurs ennemis sont toujours les mê- rière les ennemis. Le lendemain les Étrusques,
mes qn'ils ont été pendant tant de siècles; leur animés par le souvenir de cette journée où ilq
rourage, leur vigueur, leurs armes sont toujours avaient su profiter de l'occasion plutôt que vain-
les mêmes lui, il est encore le même dictateur cre, s'avancent en bataille. Après avoir un mo-
Mam. Émilius, qui a pattu précédemment, près ment attendu que ses éclaireurs vinssent lui an-
de Noroenle, les armées de Véies et de Fidènes, ré- noncer l'arrivée de Quinctius sur la hauteur voi-
unies ;i celle des Falisques; et quant au général de sine de la citadelle de Fidènes, le dictateur porte
la cavalerie A. Cornélius, il sera sur le champ de ses enseignes en avant il conduit d'un pas rapide
bataille le même qui, tribun des soldats dans la à l'ennemi l'infanterie rangée en bataille, en re-
guerre précédente, a, en présence des deux ar- commandant au général de la cavalerie de ne pas
mées, immolé le Larte Tolumnius, roi de Véies, charger sans son ordre il se réserve de donner le
et porté des dépouilles opimes au temple de Jupi- signal, et alors, sans doute, Cornélius montrera
ter Férétrien. Qu'ils prennent donc les armes, qu'il se souvient de son combat contre un roi, de
bien convaincus que de leur côté sont les triom- ses dépouilles opimes, de Romulus et de Jupiter
phes, les dépouilles, la victoire; du côté de l'en- Férétrien. Les légions se choquent avec fureur.
nemi le meurtre de leurs députés égorgés au Les Romains, brûlant de rage, appellent les Fi-
mépris du droit des nations, le massacre en pleine dénates des impies, les Véiens des brigands, in-
paix des colons de Fidènes, la violation des trai- fracteurs de traités, souillés du meurtre sacrilége
tés, ct, pour la septième fois, une funeste défec- des députés, tout dégouttants du sang des colons,

Fidenas transtulerunt bel:um. Roma terror ingens erat. rum, indntias ruptas, septimam infelicem defectionem
Accito exercitu ab Veiis, eoque ipso ab re male gesta per- arma caperent. Simul castra castris conjunxissent, sotis
culso, castra locantur ante portam Collmam, et in mûris confidere, nec sceleratissimishostibus diuturnumex igno-
armai dispositi, et juslitium in foro, tabernieque clausae; minia exercitus romani gaudium fore et populum ro-
Onntque omnia castris, quam urbi, similiora. manuiuintellecturum, quanto melius de republica me-
XXXII. Tum trepidam civilatem, præconibus per vi- riti sint, qui se dictatorem terlium dixerint; quam qui,
cos dimissis, dictator ad concionemadvocatam increpuit ob ereptum censuræ regnum, labem secundae dictature
« Quod animos ex tam levibus fortunae momentis suspen- suas imposuerint. Votis deinde nuneupatis profectus,
sos gérèrent, ut, parva jactura accepta, quæ ipsa non milleet quingentos passus citra Fidenas castra locatdex-
virtute hostium nec ignavia romani exercitm sed dis- tra moutibus, laeva Tiberi amne smptus. T. Quinctium
cordia imperatorum accepta sit Veientem hostem Pennum legatum occupare montes jubet, occultumque id
sexies victum, pertimescant, Fidenasque prope saepius jugum capere, quod ab tergo hostibus fort t. Ipse postero
captas qunm oppugnatas. Eosdem et Ronianos et hostes die, quum Etrusci pleni animorum ab pristiui diei me-
esse, qui per tot sæcula fuerint; eosdem animos, easdem liore occasione, quam pugna, in aciem processissent,
corporis vires eadem arma gerere. Se quoque euindem cunctatus parumper, dum speculatores referrent,Quinc-
dictatorem Mam. Almilium esse, qui aute Veientium Fi- tium evasisse in jugum propinquumarci Fidenarum,signa
deuatiumque,adjunctis Faliacia ad Nomentumexercitus profert peditumque aciem instructam pleno gradu in
fuoerit; etmagistrumequitumA. Cornelinm eumdemin hostem inducit magistro equitum praecipit, ne injustu
acie are, qui, pr:ore bello tribuns militum, Lar e To- pugnam incipiat se quum opus sit, equestri auxilio sig-
lumnio rege Vêtentum in conspectu duorum exercitum num daturum; tum ut memor regiæ pugnæ, memor opi-
occiso, spolia opima Jovis Feretrii templo intulerit.Proin midoni, Romulique ac Jovis Feretrii, rem gereret. Le-
memores, secum trinmphos, secnm spolia tecum victo- giones impetu ingenti coufligunt. Romauus odi08ccensu,
riam esse; cum hostibus scelus legatorum contra jus gen- impium Fideaatem, prædonem Veieutem ruptores in-
bum iuterfectorum, cædem in pace Fideualinm colono- dutiarum, cruentos legitorum infanda caede, resperso
alliés perfldes, ennemis sans courage; enfin, ils feu. Le général de la cavalerie imagine de son côté
assouvissent leur haine en parole autant qu'en une tactique toute nouvelle; il donne l'ordre d'ô-
action. ter aux chevaux leur mors, et, pressant de l'épe-
XXXIII. Leur premier choc avait ébranlé les en- ron son cheval, qui n'est plus retardé par le frein,
nemis, quand les portes de Fidènes s'ouvrant tout il s'élance le premier à travers les flammes; les
à coup, il s'en élance une autre armée, telle que autres chevaux emportent d'une course impé-
jusque-là on n'avait jamais rien vu, rien entendu tueuse les cavaliers contre l'ennemi. Une épaisse
de semblable une innombrable multitude, por- poussière s'élève, et, mêlée à la fumée, dérobe
tant pour armes des feux tout étincelante de la lumière aux hommes et aux chevaux. Ceux-ci
branJons enflammés et comme transportéed'une ne sont nullement effrayés de ce spectacle, qui ef-
fureur divine, se précipite sur les Romains, à qui frayait les sol'dats, et partout où pénètre la cava-
l'étrangeté de ce combat inspire une sorte de ter- lerie elle renverse tout sur son passage; on dirait
reur. Alors le dictateur donnant le signal à Cor- une vas!e ruine. Bientôt de nouveaux cris reten-
nélius et à sa cavalerie, rappelant des hauteurs tissent qui frappent les deux armées surprises le
Quinctius, rétablit le combat et court lui-même à dictateur s'écrie « Que le lieutenant Quinctius et
l'aile gauche, qui présentait l'aspect d'un incen- les siens out pris l'ennemi en queue i, et lui-
die plutôt que d'une mêlée, et qui, pleine d'é- même, en peussant un cri plus terrible, recom-
pouvante, reculait devant ces flammes. a Quoi mence la charge avec plus de vigueur. Pressés
donc! s'écrie-t-il d'une voix éclatante, chassés par entre deux armées, entre deux batailles, les
la fumée comme un essaim d'abeilles, vous fuyez Étrusques, entourés, attaqués
par devant et par
devant un ennemi sans armes! Vous n'éteignez derrière, ne pouvaient ni regagner leur camp,
point ces feux avec le fer, ou s'il faut combattre ni fuir dans la montagne où se présentait un nou-
non plus avec des armes, mais avec du feu, vous vel ennemi et où les cavaliers, emportés par des
n'arrachez pas vous-mêmes ces brandons à l'en- chevaux libres du frein étaient répandus de tous
nemi pour l'en accabler 1 Allons souvenez-vous côtés. La plus grande partie des Véiens gagne en
du nom romain, songez au courage de vos ancê- désordre les bords du Tibre; ceux des Fidénates
tres et au vôtre, tournez cet incendie contre Fi- qui ont échappé courent vers leur ville. Mais,
dènes, et détruisez par la flamme cette ville que tandis qu'ils fuient épouvantés, ils trouvent par-
vous n'avez pu désarmer par vos bienfaits. Le sang tout la mort les uns sont massacrés sur les
de vos députés et de vos colons, la dévastation de bords du fleuve, les autres, précipités et en-
votre territoire, vous l'ordonnent. A
ces paroles gloutis dans ses gouffres; ceux même qui savent
du dictateur, tout le front de bataille se met en nager se noient, par suite des fatigues, des bles-
mouvement on ramasse les brandons lancés, on sures, ou de la peur à peine si de cette multi-
arrache les autres les deux partis s'arment de tude quelques-uns peuvent gagner l'autre rive.

sanguine colonorum suorum perfides socios, imbelles que acies armatur igni. Magister equitum et ipse novat
hostescompellans, factis simul dictisque odium explet. pugnam equestrem. Frenos ut detrahant eqais, imperal;
XXXIII. Concusseratprimo statim congressu hostem et ipse princeps, calcaribus subditis evectus, elfreuo equo
quum repente, patefactis Fidenarum portis, nova erum- in mediusigoes infertur; et alii concilati equi libero cursu
pit acies, inaudita ante id tempus invisitataque. Ignibus feruntequitem in hostem. Pulvis elatus, mixtusque fumo,
armata ingens multitudo, facibusqueardentibus tota col- lucem ex oculis virorum equorumque augert. Ea, quai
lucens, velut fanatico instincta cursu, in hostem ruit; mililem terruerat, species nibil terruit equos. Ruinae igi-
lormaque insolitæ pugum Romanos parumper exterruit. tur similem stragem eques,quacunque pervaserat,dedit.
1'um dictator, magistro equitum equitibusque,tum ex Clamor deiude accidit novus qui quum utramque mira-
monlibus Quinctio accito, prælium ciens, ipse in sinis- bundam in se aciem vertisset, dictator exclamat Quine-
trum cornu, quod, incendiosimilius quam prælio, terri- lium legatum et suos ab tergo hostem adnrtos; ipse,
tum cesserat flammis, accurrit, claraque voce Fumone redintegratoclamore,infert acrrus signa. Quum dus acies,
vicli inquit, velut examen apum loco vestro exacti, iner- duo diversa pra:lia circumventos Etruscos et a fronte et
mi cedetis hosti? Non ferro exstinguetis ignes? non faces ab tergo urgerent, neque in castra retro, neque in mon-
haa ipsas pro te quisque si igni, non telis, pugoandum tes, uude se novus hostis objecerat, iter fugae esset, et
ebt, crcplas ultro inferetis? Agite, nominis romani ac vir- equitem passim liberi frenis distulissent equi, Veientium
mtis patrum vestraeque memores,vertite incendium hoc maxima pars Tiberim effusi petunt Fidenatiumqui su-
in hostum urbem; et suis flammis delete Fidenai, quai persunt, ad urbem Fidenas tendunt. Infert pavidus fuga
vestris beneficius placare non potuistis. Legatorum hoc in mrdiam cadem obtruncantur in ripis; alios, in aquam
vos veslrorum colouorumque sanguis, vastatique fines mo- compulsos, gurgites ferunt; etiain peritos nandi lasstudo
nent. » Ad imperium dictatoris mota cuncta acies faces et vulnera et pavor degravant; pauci ex mutlia tranant.
pti tim emtss&- excipiuntur, partim vi eripiuatur; utra- Alterum agmcu fcrtur per castra m urbem. Eadem et
L'autre armée s'enfuit vers Fidènes, à travers le pour une pareille action, était jadis, au dire des
camp. Les Romains la poursuivent avec ardeur; anciens, encore plus étroit. Il se peut seulement
mais surtout Quinctius suivi des troupes qui ve- que, pour en défendre le passage, il y ait eu entre
naient sous ses ordres de descendre de la monta- quelques barques une rencontre dont on a, sui-
gne, et qui se trouvaient encore toutes fraîches, vant l'usage, exagéré l'importance, alin de se don-
étant arrivées sur la (in de l'action. ner l'honneur peu fondé d'une victoire navale.
XXXIV. Elles entrent dans la ville mêlées avec XXXV. L'année suivante eut pour tribuns mili-
les ennemis s'élancent sur la muraille et an- taires, revêtus de la puissanceconsulaire, A. Sem-
noncent à leurs camarades que la place est em- pronius Atratinus L. Quinctius Cincinnatus,
portée. Le dictateur les ayant aperçues du camp L. Furius Médullinus, et L. Horatius Barbatus.
où il venait de pénétrer, et qui était aban- On accorda aux Véiens une Irève de vingt ans, et
donné, offre au soldat avide de pillage l'espoir aux Èques une autre de trois années seulement,
d'un butin plus considérable dans la ville, et quoiqu'ils l'eussent demandée plus Innaue. Du
le conduit aux portes. Une fois entré, il court à reste, le repos de Rome ne fut troublé par aucune
la ciladelle où il voit se précipiter la foule des dissension intestine. L'année suivante, qui ne
fuyards. Le carnage ne fut pas moindre là que sur fut marquée non plus par aucune guerre au de-
le champ de bataille; enfin, ils jettent leurs armes, hors, ni aucun tiouble au dedans, est remar-
et, sans rien demander que la vie, se rendent au quable par les jeux voués à l'occasion de la guerre,
dictateur. La ville et le camp sont livrés au pil- pnr la magmficence qu'y déployèrent les tribuns
lage. Le lendemain, tous les nôtres, depuis le ca- militaires, et par la multitude d'étrangers qui y ac.
valier jusqu'au centurion reçurent chacun un coururent des pays voisins.Cestribuns, qui avaient
prisonnier que le sort désigna; ceux qui s'étaient la puissanceconsulaire, étaient Ap. Claudius Cras-
le plus distingués par leur courage en obtinrent sus, Sp. Nautius Rutilus, L. Sergius Sidénas et Sex.
deux; le reste fut vendu à l'encan. Le dictateur Julius Julus. L'accueil bienveillant que les étran-
rentra en triomphe à Rome, à la tête de son ar- gers reçurent de leurs hôtes donna pour eux un
mée victorieuse et chargée de butin. 11 ordonna nouvel attraità cespectacle, auquel ilsétaientvenus
au général de la cavalerie d'abdiquer, et lui-même, avec l'autorisation de leurs gouvernement. Après
après seize jours d'exercice, il abdiqua, en pleine les jeux, il y eut les plaintes séditieuses des tri-
paix cette dignité qu'il avait reçue pendant la buns qui reprochaient à la multitude « Qu'avec
guerre et dans les circonstances les plus difficiles, son admiration stupide pour ceux qu'elle haïssait
Quelques annalistes parlent aussi d'un combat na- elle se retenait elle-même dans une éternelle ser-
val qui aurait été livré aux Véiens, près de Fidè- vitude. Non-seulement elle n'osait pas s'élever à
lies; mais ce fait n'est pas plus possible que croya- l'espoir d'obtenir le consulat; mais même dans
ble car le fleuve, trop étroit, même aujourd'hui, l'élection des tribuns militaires, où les comices

Romanos sequenles impetus rapit Quinctium maxime, et tum aliquanto, ut a Teteribos accepimus, arctiore; nisi
et cum eo degressos modo de mont bus, recentissimum in trajectu forte fluminis prohibendo aliquarum navium
ad laborem nilitem, quia ultimo prxlio advenerat. concursum in marjus, ut fit, celebrantes, navalis victoriae
XXXIV. Ili, postquam-mixti bostibus portam) intra- vanum titulum appetivere.
vere, in muros evadunt; smsque capli oppuli signum ex XXXV. Insequens annus tribunns mililares consulari
muro tollunt. Quod ubi diclator conspexit (jam enim et poteslale habit A. Sempronium Atratinum L. Quinc-
ipse in déserta hoslium castra penetraverat) cupientem tium Cincinnatum,L. Furium Medullinum, L. Horatium
militem discurrere ad prxdam spe injecta majoris in Barbatum. Veientibus annorum viginti induliæ datæ, et
urbe prædæ. ad portam ducit; receptusque intra muros, Æquis triennii, quum plurium annorum petissent. Et ab
in arcem. quo ruere fugieutmm turbam videbat, pergit. seditionibus urbans otium fuit. Annum insequentem ne-
Nec minor cædes in urbe, quam in prælio, fuit; donec, que bello foris neque domi seditioneinsignem, ludi bello
ahjectisarmis, nihil praeler vitam petentes dictaturi de- voti celebrem et tribunorum militum apparatu, et fini-
duntur. Urbs castraque diripiuntur. Postero die singutis timorum concursu, fecere. Tribuni ccnsulari potestate
optitis ab equite ad centurionem sorte ductis, et, quo- erant Ap. ClaudiusCrassus Sp. Nautius Rutilus, L. Ser-
rum eximia virtus fuerat, binis, aliis sub cornna veuun- gins Fidenas, Sex. Julius Julns. Speclaculum comitate
datis, etercitum victorem opulentumque prxda trium- etiam hospitum ad id quod puhlico consensu vénérant,
phaus dictator Romain rediuxit jussoque mugislro cqui tum advenis gratius fuit. Post ludos conciones seditiosæ tribu-
abdicnre se magistratu, ipse deinde abd cat die sexto de, norum plebi fuerunt, objurga ntium mullitudinem, quod,
cimo. reddito in pice imperio, quod in bello trepidisque admiratione eorum, quos odisset, stupens in æterno se
rebus acceperat. Classi quoque ad Fidenas pngnatum cum ipsa teneret servitio; et non modo ad spem consulatus in
Veientibus, quidam annales retulere; rem æque difGci- partem revocandam aspirare non auderet, sed ne in tri-
lem atque incrcdibilem, nec nunc lato satis ad hoc amne; bunis quidem milittim creandis (quæ communia essent
étaient communs au sénat et au peuple, elle s'ou- XXXVI. La faveur avec laquelle les discours de
bliait elle et les siens. Elle ne devait donc plus ce genre étaient accueillis engagea quelques plé-
s'étonner si personne ne s'occupait des intérêts béiens à briguer le tribunat militaire, et chacun
du peuple; pour ne pas regretter sa peine, pour d'eux annonçait les lois qu'il proposerait pendant
braver les périls, il faut qu'on en attende profit sa magistrature, à l'avantage du peuple. On lui
et honneur. Il n'est rien que l'homme n'ose entre- faisait entrevoir, pour le gagner, un partage des
prendre, s'il pense que de grands efforts seront terres, une fondation de colonies, un impôt levé
suivis de grandes récompenses. Mais qu'un tribun sur les propriétaires-fermiers, et dont le produit
du peuple se précipite en aveugle au milieu de ces serait employé à la solde des troupes. Plus tard
combals qui ne lui offrent que des dangers sans les tribuns militaires saisirent une occasion où la
aucun avantage, et d'où il ne peut espérer que la ville se trouvait presque déserte, pour assembler,
haine implacable des patriciens contre lesquels il par une convocation clandestine, les sénateurs à
lutte sans en être plus estimé par le peuple qu'il un jour fixé, et, en l'absence des tribuns du peu-
défend, il ne faut ni l'attendre, ni le demander. ple, firent rendre un sénatus-consulte portant que,
Les grands honneurs font les grands courages; et d'après le bruit qui courait que les Volsques ra-
les plébéiens ne rougiraient plus de l'être, s'ils n'é- vageaient les terres des Herniques, les tribuns
taient plus méprisés. Il fallait faire l'expérience militaires partiraient pour s'assurer de l'état des
avec un ou deux citoyens, s'il ne se trouverait choses, et qu'on tiendrait des comices consulaires.
pas un plébéien capable de porter le poids d'une En partant, ils laissèrent préfet de la ville App.
grande dignité, ou s'il fallait regarder comme un Claudius, fils du décemvir, jeune homme énergi-
prodige, comme un miracle, qu'un homme de que et qui avait sucé avec le lait la haine des tri-
tête et de cœur pût sortir des rangs du peuple. On buns et du peuple. Ainsi ces magistrats ne purent
avait obtenu, après une lutte acharnée, de pou- chercher querelle ni aux auteurs du sénatus-con-
voir nommer des tribuns militaires revêtus de la sulte, puisqu'ils étaient absents, ni à Appius,
puissance consulaire et pris parmi les plébéiens. puisque l'affaire était consommée.
Des hommes qui s'étaient distingués dans l'admi- XXXVII. On créa consuls C. Sempronius Atra-
nistration et dans les armes avaient recherché cet tinus et Q. Fabius Vibuianus. Un fait étranger,
honneur; dès les premières années, tournés en dé- mais digne de mémoire, que l'on rapporte à cette
rision, repoussés, ils avaient servi de jouet aux pa- année, c'est la prise, par les Samnites, de Vul-
triciens entin, ils s'étaient découragés d'affronter turne, ville des Etrusques, aujourd'hui Capoue,
ces hontespubliques.Us ne voyaientpas même pour- depuis lors appelée Capoue de Capye, chef des
quoi on n'abrogeait pas une loi dont on ne faisait Samnites, ou (ce qui est plus vraisemblable) de
nul usage.Un partage inégal desdroitsserait moins la champagne qui l'entoure. Ils ne la prirent, au
honteux que des refus pour cause d'indignité, reste, qu'après que les Etrusques, fatigués da

comitia Patrum ac plcbis) aut sui aut suorum meminisset. XXXVI. Hujus generis orationes, cum assensu au-
Desineret ergo mirari, cur nemo de commodis plebis ditæ, iocitavere quosdam ad petendum tribunatum mili-
ageret. Eo impendi laborem ac periculum, unde emolu- tum, alium alia de commodis plebis laturum se iu magis-
mentum atque honos speretur. Nihil non aggressuros ho- tratn profitentem. Agri publici dividendi coloniarumque
mines, si magna conatis magna præmia proponantur.Ut deducendarum ostentatæ spes; et veciigali possessoribus
quidem aliquis tribunus plebis ruat cæcus in certamiua agrorum imposito, in stipendium mililum erogandi æris.
periculo ingenti, fructu nullo ez quibus pro certo ba- Captatum deinde tempus ab tribunis militum, quo per
beat, Paires, adversus quos tenderet, bello inexpiabili se discessum hominum ab urbe, quum Patres clandestina
perseciilurus apud plebem, pro qua dimicaverit, nihilo deountiatiooe revocati ad diem certam essent, senatus-
se houoratiorcm fore, neque sperandum, neque postu- consullum fieret, absentibus tribunis plehis ut quomam
laudum esse. Magnos animos magnis honoribus fieri. Ne- Volscos in Hernicorum agros prædatum exisse fjma es-
minem se plebeium contempturum, ubi contemm desis- set, ad rem inspiciendam tribuni militum proficisepren-
seut. Experieudam rem deoique in uno aut altero esse tur, consulariaque comitia haberentur. Profccti Ap. Clau-
situe aliyuis plebeiusfereudo magno hooori; an pnrteuto dium, rilium decemviri, præfectum urbis relinquunt,
simile miraculoquesit, fortem acstrenuum virum aliquem impigrum juvenem, et jam inde ab iucullabulis imbutum
exsistere ortum ex plebe. Summa vi expugnatum esse, odio tribunorumplebisque.Tribunis plebis nec cum absen-
ut tribuni militum consulari potestate et ex plebe crea- tibus iis, qui senatusconsuitum fecerant, nec cum Appio,
rentur. Petisse viros domi militiæque spectatos primis tranaacta re, quod contendereot, fuit.
aunis augillatos, repulsos, risui Patribus fuisse desisse XXXVII. Creati consules sunt C. Sempronius Atrati-
posiremo pra'bere ad contumeliam os. Nec se videre, cur nus, Q. Fabius Vibulanus. Peregrina res, sed memoria
noa lez quoque abrogetur, qua id liceat, quod nunquam digna, traditur eo auno facta Vulturnum Etruscorum
futurum sit minorem quippe ruborem fore in juris ini- urbem, quæ nunc Capua est ab Samnilibua captam:
quitate, quam si per mdiguitatem ipsorum prætereaolur.» Capuamque ab duce eorum Capye, vel (quod proplus
lu guerre, les eurent admis à partager leur ville de l'ennemi, clameur animée et bien nourrie; du
et lours terres avec eux ensuite un jour de fête, côté des Romains, des cris discordants, inégaux,
tandis que les anciens habitants étaient appesantis répétés à plusieurs reprises et sans force, trahis-
par le sommeil et les festins, ils furent, pendant saient l'effroi des esprits. De là vint que l'ennemi
la nuit, assaillis et égorgés par les nouveaux co- se jeta en avant avec plus d'ardeur, le bouclier
lons. Ces faits étaient accomplis, quand les con- tendu, l'epée étincelante; du côté opposé, on
suls que nous venons de nommer entrèrent en voyait les aigrettes s'agitersurles têlesdes hommes
fonctions aux Ides de décembre. Déja non-seule- incertains qui regardaient autour d'eux qui se
ment ceux qu'on avait envoyés sur les lieux tournaient troublés et se serraient contre la foule.
avaient rapporté qu'on était menacé de la guerre Là les enseignes qui tiennent bon, sont abandon-
par les Volsllues, mais en outre les députés des nées de leurs défenseurs plus loin elles cherchent
Latins et des llerniques annonçaient Que jamais un refuge au milieu de leurs compagnies. Ce n'est
les Volsques n'avaient porté plus d'attention et encore, a proprement pailer, ni une déroute, ni
dans le choix des officiers et dans l'enrôlement une victoire; le Romain parait vouloir se mettie
des soldats; partout on murmure qu'il faut mettre à l'abri plutôt que combattre le Volsque poutsse
à jamais les armes et la guerre en oubli et accepter en avant ses enseignes refoule les lignes des Ro-
le joug, ou lutter de courage, de persévérance et mains et pense moins à porter dans leurs rangs
de discipline avec ceux auxquels on dispute l'em- la mort que la déroute.
pire. » Ces rapports n'étaient que trop fidèles XXXVIII. Déjà l'on plie de toutes parts, et
cependant les sénateurs n'en furent point émus, c'est en vain que le consul Sempronius menace et
et C. Sempronius, à qui le sort délégua ce com- encourage l'autorité, la majesté n'avaient plus
mandement, se fiant à la fortune comme au plus d'empire; et nos troupes allaient tourner le dos à
ferme appui, parce qu'il menait un peuple vain- l'ennemi, si Sex. Tempanius, décurion de cava-
queur combattre des vaincus, fit toutes choses lerie, n'eût relevé l'affaire avec une rare présence
avec étourderie et négligence, de telle sorte que d'esprit en s'écriant d'une voix forte « Que les
la discipline romaine était plus dans l'armée des cavaliers qui veulent le salut de la république,
Volsques que parmi les Romains. Aussi, cette fois sautent à bas de cheval 1 » et les cavaliers de
comme tant d'autres, la fortune suivit le plus ha- chaque escadron s'étant ébranlés à ces mots,
bile. Dans le premier combat que Sempronius en- comme s'ils eussent entendu l'ordre du consul
gagea sans prévoyance et sans précaution, nous « Si, ajouta-t-il, votre cohorte avec ses petits
n'avions point de réserve pour appuyer la ligne boucliers n'arrête point la fougue de l'ennemi,
de bataille, et notre cavalerie était placée dans un c'en est fait de la république. Pour étendard,
poste désavantageux au seul cri de charge on eût suivez ma lance; montrez aux Romains et aux
pu prédire comment tournerait l'affaire; du cûté Volsques que, vous s cheval il n'est point de ca-

vero est) a campestri agro appellatam. Cepere autem Clamor indicimn primum fuit, quo res inclinatura esset
prius bello fatigatis Etru,cis, iu societatem urbis agro- excitatior crebriorque ab hoste sublatus; ab Romanis
rumque accep.i deinde lesto die graves somnoeputisque dissonus, impar, segnius sæpe iteratus prodidit pavorem
incol.is veteres novi culoui nocturna cæde adorti. His ré- animorum. Eo ferocior illatus hos.is urgere scutis mi-
bus actis, consules ü, quos diximus, idibus decembribus care gladiis altera ex parte outant circumspectantibus
magistratum accepere. Jam non bolum, qui ad id missi galeæ, et incerti trepidant, applicantque se turbæ, Signa
eraut, retulerant, imminere volscum bellum; sed legati nunc resistentia deserunlur ab autesignanis,nuuc inter
quoque ab Latinis et Hernicis nuntiabant, « Non ante suos manipulus recipiuntur. Kondum fuga certa, nondum
unquam Volscus nec ducibus legendis, nec elercitui scri- Victoria erat tegi magis Romanus, quam pugnare, Vol-
beudo, intentiores fuisse. Vulgo fremere aut in perpe- sens inferre signa, urgere aciem, plus cædis bostium vi-
tuum arma bellumque oblivioni danda, jugumque acci- dere quam fugx.
piendum; aut ils, cum quibus de imperio certetur, nec XXXV11I. Jam omnibus locis ceditur, nequicquam
virtute, nec patientia, nec disciplinarei militaris cedenum Sempronio consule objurgante atque hortaute nihll uec
esse. » Haud v.ma attulere: sed nec perinde Patres moti imperium, nec majeslas valebat dataque mox terga hos-
sunt; et C. Sempronius, cui ea provincia sorti eveuit, tibus forent, ni Sex. Tempanius, decurio equitum, la-
tanquam constaotissimaerei, fortunæ fretus, quod victo- bente jam re, praesenti animo subvenisset.Qui cum magna
ris populi adversus viclos dut esset, omnia temereac ne- voce exclamassent, « ut equites, qui salvani rempublicam
gligen'er egit adeo ut disciplinæ romanae plus in volsco vellent esse, es equis desitireut; » onmium turmarum
exercitu, quam in romano, esset. Ergo fortuna, ut sæpe equitibus, velut ad consulis imperium motis « Nisi ha'c,
alias, virtutem est secuta. Primo praelio, quod ab Sem- inquit, parmata cohors sistat impetum hostium actum
pronio iueaute inconsulteque commissum est non subsi- de imperio est. Sequimioi pro vexillo cuspidem meam.
dr.s firmata acre, non équité apte locato, concursum est. Ostendite Romams Volscisquc, neque equitibus vobis ul-
valiers, et vous à pied point de piétons qui vous pareillement, sans ralentir un instant le combat,
vaillent. » Cette exhortation ayant été reçue avec tint l'ennemi en haleine tant que dura le jour. La
une acclamation générale, il marche en avant nuit sépara les deux partis sans qu'aucun d'eux
portant haut sa lance partout où ils se présentent, pût s'attribuer la victoire, et cette ignorance de
ils s'ouvrent par la force un chemin ils s'élan- l'événement causa dans les deux camps un tel
cent, couverts de leurs boucliers, là où ils voient effroi, que, les deux armées se supposant \ain-
leurs camarades le plus en peine le combat se cues, laissèrent là les blessés et une grande partie
rétablit sur tous les points où leur élan les porte des bagages, et se relirèrent sur les montagnes
et nul doute que si une troupe aussi peu nom- voisines. Toutefois l'éminence resta cernée peu-
creuse eût pu agir partout à la fois, l'ennemi dant plus de la moitié de la uuit enfin les soldats
n'eût été contraint de fuir. qui la cernaient ayant appris que le camp était
XXXIX. Et comme déjà ils ne trouvaient plus abandonné, s'imaginèrent que les leurs avaient
de résistance nulle part, le général volsque fait été vaincus, et chacun ne prenant au milieu des
i,igne aux siens de laisser pénétrer parmi eux ténèbres que sa frayeur pour guide, ils s'enfuirent.
cette cohorte aux petits boucliers, cette infanterie Tempanius,par crainte des embuscades, demeura
do nouvelle espèce, jusqu'à ce que, emportée avec ses soldats jusqu'au jour; puis étant descen-
par son ardeur, elle fût séparée du reste de l'ar- du avec quelques hommes pour faire une recon-
mée. Cela fait, les cavaliers enveloppés ne pu- naissance, et ayant su des blessés ennemis qu'il
rent rompre les lignes au travers desquelles ils n'y avait plus personne dans le camp des Volsques,
s'étaient ouvert un passage, les ennemis s'étant joyeux, il rappelle sa troupe de l'émincnce et
portés en masse où ils avaient pénétré. Le con- pousse au camp romain; mais y ayant trouvé
sul et les lcgions romaines n'apercevant plus même solitude, même abandon et même désordre
cette troupe qui venait de servir de rempart à que chez l'ennemi, sans laisser aux Volsques mieux
l'armée entière, et craignant que tant et de si instruits le temps de revenir, il emmène les
vaillants hommes, ainsi enveloppés, ne fussent blessés qui le peuvent suivre, et, comme il ignore
écrasés par l'ennemi, chargent à tout hasard. la route qu'a prise le cunsul, il marche droit à
l'ar cette diversion, les Volsques eurent d'un la ville par les plus courts chemins.
côté à tenir tête au consul et aux légions, et de XL. Déjà s'y était répandue la nouvelle d'un
l'autre, à repousser Tempanius et ses cavaliers, combat malheureux et de l'abandon du camp; et
qui, après de nombreux et inutiles efforts pour avant tout l'on avait regretté les cavaliers non
percer jusqu'aux Romains s'étaient emparés moins pleurés de la patrie que de leurs familles.
d'une émiucnce, où formés en cercle, ils se dé- Leconsul Fabius, dans la crainte où l'on était pour
fendaiuut en mcme tempset se vengeaient.Jusqu'à la ville même, avait pris position en avant des
la nuit ils ne cessèrent de combattre; et le consul portes, quand on aperçut au loin les cavaliers.

los equites, uec peditibus esse pedites pares.. Quum cla-superfuit lucis, hostem tenuit. Nux incertos diremit tau-
more comprobala adhortalio esset, vadit alte cuspidem tusque ab imprudentia eveutus un aque castra tenuit pa-
gercns. Quacuuyue incedunt, vi viam faciunt eo se in- vor, ut, relictis saucüs et magna parte impedimeutormn,
ferunt objectis parmis, ubi suorum plurimum laborem ambo pro vicus eiercitus se in montes pruximos recipe-
vident. Restituitur omnibus locis pugna in quae eos im- rent. T'mulus tameu circumsessus ultra mediam noctem
petus tulit nec dubium erat, quin, si tam pauci simul est; quo quum circumsedentibus nuntiatum esset, castra
ubire omnia posseut, terga daturi hostes fuerint. déserta esse, victos rati suos, et ipsi, qua quemque ta
XXXIX. Et quum Jam parte nulla sustinerentur,dat tenebris pavor tulit, fugerunt. Tempanius melu insidia-
signum volscus imperator, ut parmatis, novx cohorti rum suos ad lucem tenuit. Degressus deinde ipse cum
bostium, locus delur: donec impetu illati ab suis exclu- paucis speculatum, quum ab saucils bostibus scisctaudo
dautur. Quod ubi est factum,interclusi équités nec per- comperisset, castra V olscorum deserta esse, la'tus ab tu-
rumpere eadem, qua transierant, posse; ibi maxime mulo suos devocal, et in castra romana penetrat. UIH
coufertis hostibus, qua viam fecerant: et consul legio- quum vasta desertaque omnia, atque eandem, yuam
ncsque romanæ quum quod tegumen modo omnis eier- apud hostes, fœditatem invenisset, priusquam Volscos
ci tus fuerat, nusquam viderent, ne tot fortissimosviros coguitus error reduceret, quibus poterat samiis ductis
interclusos opprimeret '.ostis, tenduut in quemeunque secum, ignarus quam regionem consul petisset, ad urbem
casum. Diversi Volsci, bine consulem ac legiones susti- proximis itineribuspergit.
nere, altéra froule insère Tempanio atque equitibus XL. Jam eo fama pugnae adversae castrorumquede-
qui quum saepe couati nequissent perrumpere ad suos, sertorumperlata erat; et aute omnia deplorati erant equi-
lumulo quodam orcupato, in orbem se tutabantur, ne- tes, non privato magis, quam publico luctu Fab usque
(Iuaquam muni. llec pagnae Cuis ante noctem fuit. Con- consul, terrore urbi quoque injecto, stationem ante por-
ml quoque, nusquam remisso cerlaminc, d im quicquam tas agebat; quum cquites, proeul vist non bine terrorc ab
D'abord, dans l'incertitude, cette vue causa quel- l'armée, toi et les cavaliers, le consul est ac-
que frayeur mais, bientôt reconnus,la crainte
fit couru lui-même ou a du moins envoyé à votre
place à une telle allégresse que ce cri d'actions secours? si, le jour suivant, le moindre ren-
de grâces courut par toute la vlile Vivants fort vous est venu? si ce n'est pas par votre seul
et vainqueurs, les cavaliers sont de retour !» courage que toi et ta cohorte vous avez percé jus-
Des maisons désolées, d'où, naguère, on leur ques au camp? et si, arrivés au camp, vous y avez
avait adressé des adieux funèbres on se précipi- trouvé un consul et une armée ou si vous l'avezz
tait dans les rues; et les mères et les épouses trouvé désert, occupé seulement par des soldats
tremblantes, oubliant de joie la bienséance, s'é- blessés et abandonnés? Voilà ce qu'avec ta loyale
lançaient au devant de la cohorte, et se jetaient fermeté, qui seule en cette guerre a maintenu la
chacune dans les bras des siens, pouvant à peine république, tu dois nous dire aujourd'hui. Enfin,
dans leur ivresse maîtriser leurssenset leur cœur. où est C. Sempronius? où sont nos légions? est-ce
Les tribuns du peuple qui avaient cité en juge- toi qui as été délaissé ou qui as délaissé le consul et
ment M. Postuniius et T. Quinctius, pour leur l'armée? en un mot, avons-nous été vaincus ou
conduite au combat de Véies, virent dans la haine sommesrnous vainqueurs? o
que venait de soulever le consul Sempronius une XLI. A cela, Tempanius, dit-ou, répondit par
occasion de ranimer contre eux les anciens res- un simple discours, mais avec cette franchise du
sentiments. En conséquence, ayant convoqué une soldat qui ne fait point vanité de sa gloire, et ne
assemblée, ils montrentla républiquetrahie Véies se réjouit point de la faute d'autrui « Pour ce
par les généraux ensuite, à cause de leur impuni- qui était des talents militaires de C. Sempronius,
té, l'armée trahie devant les Volsques par un con- il n'appartenait point au soldat de juger le géné-
sul, les plus braves cavaliers livrés au massacre, et ral, mais au peuple romain qui avait prononcé en
le camp honteusement abandonné. Après de lon- le nommant consul aux comices. On ne devait
gues et vaines clameurs, C. Julius, un des tribuns donc le consulter, lui ni sur la science du com-
fait appeler le cavalier Tempanius, et, en pré- mandement, ni sur les devoirs du consulat, ques-
sence de ses collègues « Sextus Tempanius, lui tions difficiles, même pour les intelligences et les
dit-il, je veux savoir de toi si, dans ton opinion, esprits les plus distingués; mais pour ce qu'il a
le consul C. Sempronius a livré à propos le com- vu, il peut le dire. Il a vu, avant d'être séparé de
bat, s'il a soutenu l'armée par des réserves, s'il l'armée, le consul combattre aux premiers rangs,
a rempli tous les devoirs d'un bon consul? si lu encourager les troupes se porter entre les ensei-
n'as pas loi-même et de ton propre mouvement, gnes romaines et les traits des ennemis; ensuite,
quand les légions romaines étaient vaincues, fait quoique dérobé à la vue de ses compagnons, il a
meure à pied la cavalerie et rétabli le combat? cependant jugé au tumulte et aux cris que le
si, ensuite, après que vous avez été séparés de combat avait dû se prolonger jusqu'à la nuit et

dubiis, quinam essent, mox cogniti, tantam ex meta lae- tibi atque equitibus num aut consul ipse subvenerit, aut
titiam fecere, ut clamor urbem pervaderetgratulanlium, miserit praesidium ? postero denique die ecquid praesidii
salvos victoresque redisse équités; et ex mœstis paulo usquam habueris? an tu cohorsque in castra vestra vir-
ante donubus, quae conclainaverant suos, procurreretur tute perruperitis? ecquem in castris coosulem ecquem
in vias; pavidxque mati-es ac conjuges, oblitai pra gau- exercitum inveneritis ?an deserta castra, relictos saucios
dio decoris, obviamagmini occurrerent, in suos quaeque, milites? Hmc pro virtute tua fideque qua uns hoc bello
simul corpore atque aoimo vii præ gaudio compotes, respublica stetit, dicenda tibi sont hodie. Denique, ubi
effusae. Tribunis plebis, qui M. Postumio et T. Quiuctio C. Sempronius, ubi legiones nostræ sint? desertus sis,
diem dixerant, quod ad Veios eorum opéra male pugna- an deserueris coo.ulem exercitumque? victi deuique si-
tum esset, occasio visa est per recens odium Sempronii mus, an vicerimus?»
cousu las renovandæ in eos invidioe. Itaque, advocata con- XLI. Adversus haec Tempanii orat O incompta fuisse
cioue, quum proditam Veiis rempublicam esse ab duci- dicitur; ceterum militariler gravis, non suis vaiia laudi-
bus, pruditum demde, quia illis impune fuerit, in Vol- bus, non crimine alieno Imla Quanta prudentia rei
acis ab consule euercitum traditos ad cædem fortissimos bellicæ in C. Sempronio esset non militis de imperatore
équites, deserta fœde castra vocilerati essent; C. Julius, existimationemesse, sed populi romani fuisse, quum eum
unus ex tribunis, Tempanium equitem vocari jussit; co- comiti consulem legeret. Itaqne ne ab se imperatoria con-
ramque iis, « Sexte Tempani, iuquit, qaero de te, ar- silia, neu consulares artes exquirerent, quæ pensitanda
bitrensne C. Sempromum consulem aut in tempore quo(lue magnis animis atque ingeniis essent; sed, quo 1 vi-
pugnam inisse, aut tirmasse subsidiis aciem aut ullo dert, referre posse. Vidisse autem se prius, quam ab acie
boni consulis functum officio? et, tune ipse, victis le- inleroluderetur, consulem in prima acie pugnantem, ad-
gionibus romanis, tuo consilioequitem ad pedes deduie- hortantem, inter signa romana telaque bostium versan-
ris, restituerisquepugnam? exclusodeiude ab acie nostra tem: postea se ab conspectu suorum abiatum. El strepite
pour percer jusqu'à l'éminence dont Il s'était em- dit-ou, protégé par la mémoire de Cincinnatus son
paré, il ne croit point qu'il eût été possible de père, le plus vénérable des hommes, et par le res-
rompre la masse de l'ennemi. Où est l'armée, il pect que l'on avait pour Capitolinus Quinctius,qui,
l'ignore il pense que comme lui-même a échappé déjà avancé en âge, conjurait avec prières que
à un danger pressant, en se réfugiant sur une hau- pour le peu de jours qui lui restaient à vivre, on
teur, ainsi le consul, pour sauver l'armée, a ne lui donnât pas une aussi triste nouvelle à por-
pris possession d'un poste plus sûr que le camp. ter à Cincinnatus.
Il ne croit pas les affaires des Volsques meilleures XLII. Le peuple élut tribuns du peuple en leur
que celles du peuple romain la fortune et la nuit absence, Sex Tempanius, A. Sellius, Sex. Antis-
ont jeté le désordre dans les deux armées. Après tius et Sp. Icilius; ces derniers, sur la proposition
ces mots, ayant prié qu'on ne le retînt pas plus de Tempanius, avaient été nommés centurions par
longtemps, épuisé qu'il était de fatigues et de les cavaliers. Le sénat voyant que la haine que l'on
blessures, on le laissa partir en le comblant d'élo- portait à Sempronius rejaillissait sur le nom con-
ges, tant pour sa modestie que pour sa bravoure. sulaire, fit créer des tribuns consulaires avec puis-
Sur ces entrefaites, le consul était arrivé par la sance de consuls on créa L. Manlius Capitoli-
voie Lavicane au temple du Repos; on y envoya nus, Q. AntoniusMerenda, L. Papirius M ugillanus.
de la ville des chariots et des chevaux, qui re- Dès le commencement de l'année, L. Hortensius,
cueillirent l'armée épuisée par le combat et par tribun du peuple, s'empressa d'appeler en juge-
une marche de nuit. Peu après, le consul entra ment C. Sempronius, consul de l'année précé-
dans la ville, et il chercha moins à se disculper dente et, comme ses quatre collègues le priaient,
qu'à reporter sur Tempanius la gloire que celui- en présence du peuple romain, de ne point persé-
ci méritait. Les citoyens étaient désolés de cette cuter leur général innocent, à qui on n'avait à re-
malheureuse affaire et irrités contre les généraux procher que sa mauvaise fortune, Hortensius ne
traduit en jugement devant eux, M. Postumius, put supporter cela sans dépit il crut qu'on vou-
qui avait été à Véies tribun consulaire, est cou- lait par là éprouver sa persévérance, et que l'ae-
damné à une amenue de dix mille livres pesant cusé ne comptait pas tant sur ces prières des tri-
de cuivre. T. Quinctius, son cullègue, qui avait buns, jetées en avant dans le seul but de donner
eu des succès, et comme consul contre les Vols- le change, que sur l'assistance réelle qu'ils lui
ques, sous les auspicesdu dictateur Postumius Tu- prêteraient et c'est pourquoi, se tournant tan-
bertus, et à Fidènes, comme lieutenant de l'autre tôt vers Sempronius e Où est cette fierté patri-
dictateur Mam. Émilius, rejeta toute la faute de cienne, où ebt cette âme si ferme et si cunfiante
la journée de Véies sur son collègue déjà con- en son innocence? lui demandait-il était-ce bien
damné, et fut absous par toutes les tribus. Il fut, le fait d'un homme consulaire de se cacher ainsi

tamen et clamore sensisse, usque ad nnctem extractum gam transferentem omnes tribus absolverunt. Profuisse
certamen: nec ad tuniulum, quem ipse tenuerat, præ ei Ciocinnati patris memoria dicitur, venarabihs viri, et
mulutudme hostium credere perrumpi potuisse. Exeroi- exactæ jam ætatis Gapitolious Quinctius, suppliciter
Lus ubi esset, se nescire; arbitrari, velut ipse in re tre- orans, ne se, brevi reliquo vita spalio, tam tristem nun-
pida loci pre'sidio se suosque sit tutalus. sic consulem tium ferre ad Cincinuatum patereutur.
servandi exercitus causa loca tutiora castris cepisse. Nec XLII. Plebs tribunos plebisabsentes, Sex. Tempanium,
Volscorum nieliores res esse credere, quam populi ro- A. Sellium, Sex. Antistium, et Sp. Icihum, fecit; quoI
mani. Fortunam noctemque omuia erroris mutui im- et pro centurionibus sibi præfecerant, Tempanio au-
plesse precantemque demde, ne se fe,sum labore ac ctore, equites. Senatus, quum odio Sempronii consulare
vulneribus tenerent, cum ingenti laude, non virtutis nomen offenderet, tribunos militum consulari potestate
magis, quam moderatiouia, dimissum. Quum hæc age- creari jussit. Creati sunt L. Manlius Capitolinus.Q. An-
rentur, jam cousul via Lavicana ad fanum Quietis erat. tonius Merenda, L. Papirius Mugillanus. Prmcipio sta-
Eo missa plaustra jumentaque alia ab urbe exercitum, tim anui L. Hortensius tribunus plebis C. Sempronio
affeclum prælio ac via nocturna, excepere. Paulo post in consul anni prioris diem dixit: quem quum quatuor col-
urbem est ingressus coosul non ab se magis euixe amo- legæ, inspectante populo romauo, orarent, ne imperalo-
vens culpam, quam Tempamum meritis laudibus ferens. rem suum innuxium in qoo nihil prxter fortunam re-
Mœstæ civitati ab re male gesta et irata ducibus M. Pos- prehendi posset, vexai-et ægre Hortensius pan, tenta-
tunpus reus objectus, qui tribunnus mititum pro consule tionem eam credens esse persévérantesuæ; nec precibus
ad Ve;os fuerat, deccm millibus æris gravis damuatur. tribunorum, quae in speciem modo jactentur, sed auxi io
T. Qumctium collrgam ejus, qui.) et in V.,Iscis consul oonfidere reum. Itaque modu ad eum conversus, Ubi
auspicio dictatmis Postunnt Tuberti et ad Fidenas lega- illi patricii spiritus, ubi sabnisus et fidens innoceutiæ
tus dictiitoris alterius Mam. £milii, res prospere gesse- animus esset?» quærebat; « Sub tribumcia umbra Con-
rat, lotam culpam ejus temporis in prædamnatum colle- sularem virum delituisse modo ad collegas: a Vos au-
à l'ombre des tribuns! »tantôt s'adressant à ses Mais si à la guerre la lutte avait été moins acharnée
collègues « Et vous si je persiste contre l'ac- qu'on ne l'avait craint d'abord, dans la ville, au
cusé, que ferez-vous ? Arracherez-vous au peuple contraire,dusein d'une paix profonde surgit tout
ses droits, et renverserez-vous la puissance tribu- à coup, entre le peupleetlesénat, un amas de dis-
nitienne? » Et comme ceux-ci répliquaient « Que cordes, au sujet des questeurs dont on voulait
le peuple romain avait sur Sempronius et sur tous doubler le nombre outre les deux questeurs de
les particuliers un pouvoir absolu, et qu'ils n'é- la ville, deux autres devaient assister les consuls
taient ui d'humeur ni de force à détruire la juri- dans l'administration de la guerre. Lesconsuls eu
diction du peuple; mais que si leurs prières pour avaient fait la proposition et les sénateurs l'ap-
un général, qu'ils regardaient comme leur père, puyaient de tout leur pouvoir, quand les tribuns
n'étaient point écoutées, ils changeraient de vêle- du peuple s'établirent en lutte ouverte contre les
ment avec lui » alors Hortensius « Nullement, consuls, pour qu'une partie des quesleurs, jus-
dit-il; le peuple romain ne verra point ses tribuns que-là choisis parmi les patriciens, fût prise dans
couverts d'un vêtement ignominieux. Je renonce le peuple. Les consuls et les sénateurs commencè-
à poursuivre C. Sempronius, puisqu'il a su, dans rent par repousser de toutes leurs forces cette
son commandement, mériter à ce point l'affection prétention ensuite ils accordèrentqu'on suivrait
des soldats. » Et ce mouvement généreux des qua- le même mode que pour l'élection des tribuns
tre tribuns ne fut pas moins agréable au peuple consulaires, et que le peuple serait libre de choi-
et aux sénateurs que la noble déférence avec la- sir les questeurs dans l'une et l'autre classe; mais
quelle Hortensius avait accueilli de justes prières. cette concession ayant eu peu de succès, ils aban-
Dès ce moment, la fortune cessa de favoriser les donnèrent entièrement le projet d'augmenter le
Èques, qui s'étaient hâtés de prendre pour leur nombre des questeurs. Les tribuns le reprennent
compte la douteuse victoire des Volsques. et soulèvent à ce propos plusieurs motions sédi-
XLIII. L'année suivante N. Fabius Vibulanus tieuses, entre autres un projet de loi agraire. An
et T. Quinctius Capitolinus fils de Capitolinus, milieu de ces agitations, le sénat eût mieux aimé
étant consuls, Fabius, à qui celle guerre était nommer des consuls que des tribuns; mais les op-
échue eu partage par le sort, ne fit rien de mé- positions tribunitiennes rendant tout sénatus-con-
morable. A peine les Èques tremblantss'étaient- sulte impossible à la tin de ce consulat, la répu-
ils montrés en bataille, qu'ils furent honteuse- blique en revint à un interroi encore eut-elle de
ment dispersés et mis en fuite, sans beaucoup de la peine à l'obteoir, car les tribuns empêchaient
gloire pour le consul; aussi lui refusa-t-on le les patriciens de s'assembler. La plus grande par-
triomphe. Toutefois, comme il avait par la atténué tie de l'année suivante se consuma en discussions
l'ignominie de la défaite de Sempronius, lorsqu'il entre les nouveaux tribuns du peuple et les pre-
dut entrer daus la ville, on lui accorda l'ovation. miers interrois tantôt les tribuns s'opposaient à

tem, si reum perago, quid acturi estis? an erepturi jus muerant, dimicatione erat perfectuni, sic in urbe ex
populo et eversuri tribuniciam potestatem ? Quum illi, tranquillo necopinata moles discordiarum inter plebem
« Et de Sempronio et de
omnibus summam populi ro- ac Patres exorta est, cmpta ab duplicando quæstorum
mani potestatem esse, dicerent, nec se judicium populi numero. Quam rem (ut, præter duos urbanos quæsto-
tollere aut velle aut posse sed si preces suae pro impe- res, duo'consulibus ad mmisteria belli praesio essent), a
ralore, qui sibi parentis esset loco, non valuissent, se consulibus relatam, quum et Patres summa ope appro-
vestem cum eo mutaturos: tum Hortensius: « Non vi- bassent, consulibus tribuni plebis certamen intulerunt,
dehit, iuquit, plebs romana sordidatos tribunos tum. nt pars quæstorum ( nam ad id tempus patricii creati
C. Sempronium nibil moror, quando hoc est in imperio erant) ex plebe ficret. Adversus quam actionem primo et
consecutus, ut tam carus esset militibus. » Nec pietas consules et Patres summa ope annisi sunt concedendo
quatuor tribunorum, quam Hortensii tam placabile ad deinde, ut, quemadmodum in tribunis consularipotestate
jiistas preces ingenium pariter plebi Patribusque gra- creaudis usi sunt, adæque in quæstoribus liberum esset
tior luit. Non diutius fortuna Acquis induisit, qui ambi- arbitrium populi, quum parum proficerent, tolam rem
guam victoriam Volscorum pro sua amplexi fuerant. de augendo quæstorum numero omittunt. Eicipiunt
XLIII. Proximo anno N. Fabio Vibulano, T. Quinc- omissam tribuni, aliæque subinde, inter quas et agrariae
tio, Capitolini tilio, Capitolino consulibus, ductu Fabii, legis, seditiosæ actiones exsistunt; propter quos motus
cui sorte ea provincia evenerat, nibil dignum memoratu quum senatus consules, quam tribunos, creari mallet,
actum. Quum trepidam tantum ostendissentaciem Æqui, neque posset per iotercessiones tribunicias seoatuscon-
turpi fuga fundumur, baud magno consulis decore ita- sultum fieri, respublica a consulibus ad interregnum,
que triumphus negatur. Ceterum ob Semproniauae cla- neque id ipsum (nam coire patricios tribuni probibebant)
dis levatam ignommiam, ut ovans urbem intraret, con- sine certamine ingenti, redit. Quum pars major tose-
œssum est. Quemadmoduin bellum minore, quam tt- quentis anui per novos tribunos plebis et aliquot in.orre-
te que les patriciens s'assemblassent pour l'élec- stius, tribun du peuple, et le frère d'un autre tri-
tion de l'interroi; tantôt ils défondaient à l'inter- bun du peuple, Sex. Pompilius. Mais, ni leur
roi lui-même de publier le sénatus-consulte pour influence ni leurs intrigues n'empêchèrent que
les comices consulaires. A la fin, L. Papirius Mu- ceux dont on avait vu les pères et les aïeux con-
gillanus, élu interroi attaquant avec force séna- suls ne leur fussent préférés pour leur noblesse.
teurs et tribuns du peuple, représenta que « la Tous les tribuns du peuple en devinrent furieux,
république abandonnée et délaissée par les hom- et principalement Pompilias et Antistius, que la
mes avait été recueillie par la providence et la sol- défaite des leurs enflammait de colère « Que vou-
licitude des dieux, et que si elle était encore de- lait dire cela? ni leurs bienfaits, ni les injures
bout, on le devait à la trève des Véiens et aux in- des patriciens, ni ce désir si naturel de prendre
décisions des Èques. Aimaient-ilsmieux voir écra- enfin possession d'un droit si longtemps disputé,
ser la république à la première alarme, que de rien ne leur avait fait obtenir qu'un tribun mili-
nommer un magistrat patricien? Pourquoi n'a- taire, que même un questeur fût tiré des rangs
vaient-ils pointd'armée, point de magistrat pouren du peuple 1 C'est en vain qu'on avait entendu et
enrôler une? était-ce par la guerre intestine qu'ils les prières d'un père pour son fils, d'un frère pour
repousseraient la guerre étrangère? Que si ces son frère, et celles des tribuns du peuple,
deux malheurs arrivaient à la fois, à peine l'as- sainte et sacrée magistrature, istituée pour la dé-
sistance même des dieux pourrait-elle empêcher la fense de la liberté. Il fallait qu'on eût usé de
puissanceromaine de s'écrouler. Il fallait des deux fraude, et A. Semprouius avait apporté aux comi-
côtés abandonner une partie de leurs droits et ces plus d'artifice que de bonne foi. Aussi se plai-
travailler à ramener la concorde les patriciens, gnaient-ils que par son injustice leurs amis eus-
en permettant que l'on créât des tribuns militai- sent été repoussés de la questure. » En consé-
res au lieu de consuls; les tribuns du peuple, en quence, comme il était, quant à lui, protégé contre
ne s'opposant plus à ce que les quatre questeurs leurs attaques, tant par son innocence que par la
fussent indifféremment choisis parmi les plébéiens magistrature qu'il exerçait ils tournèrent leur
et les patriciens par le libre suffrage du peuple. » fureur contre C. Sempronius, cousin d'Atratinus,
XLIV. Les premiers comices que l'on ouvrit fu- et, se faisant un litre des désastres que nous avion.i
rent lescomices tribunitiens on créa tribuns, avec éprouvés dans la guerre des Volsques, appuyés
puissance de consuls, les patriciens L. Quinctius par leur collègue, M. Canuléius, ils l'appelèrent
Cincinuatus pour la troisième fois, L. Furius Mé- en jugement. Après cela, les mêmes tribuns pré-
dullinus pour la seconde, M. Manlius, A. Sem- sentèrent au sénat une motion sur le partage des
pronius Atratinus. Ce tribun tint les comices pour terres (mesure que C. Sempronius avait toujours
l'élection des questeurs; et là, entre autres pré- opiniâtrementcombatlue), persuadés, et avec rai-
tendants plébéiens, se présentèrent le Gls d'Auti- son, que, si l'accusé se désistait de son opposition,

ges certaminibus eitracta esset, modo prohibentibustri- milia quæstorum habente petentibusque inter aliquot
buuis patricios coire ad prodendum interregem, modo plcheios fitio Antistii tribuni plebis et fratre alterius tri-
interregeminterpellanlibus,ne senatusconsultum de co- buni plebis Sex. Pompilii, nec potestas, nec suffragatio
miliuss consularibus faceret; postremo L. Papirius Mugil- horum valuit, quin, quorum palres avosque consules
lauus, proditus ioterrea, castigando nunc Patres, nunc viderant, eos nobilitate praeferrent. Furere omnes tri-
tribunos plebis, « desertam omissamque ab hominibus buni plebis, ante omnes Pompilius Antistiusque, repulsa
rempublicam,deoruin providentia curaque exceptam, » suorum accensi, «Quidnam id rei esset ? non suis bene-
memorabat, « Veientibus indutiis et cunctatione Æquo- ficiis, non Patrum inmriis, non denique usurpandi libi-
rum store. Unde si quid increpet terroris, sine patricio dine, quum liceat, quod ante non licuerit, si non triliu-
magistratu placere rempublicam opprimi?non exercitum, num militarem, ne quæslorem quiden) quemquam ex
non ducem scribendo eiercitui esse? An bello intestino plebe factum. Non valuisse palris pro filio, fratris pro
bellum externum propulsaturos Quæ si in unum con- fratre preces, tribunorum plebie, potestatis sacrosanctæ,
Teniant, vix deorumopibus, quin obruatur romana rea, ad auxilium libertalis creatae. Fraudem profecto in re
resisti posse. Quin illi, remittendo de summa quisque esse, et A. Sempronium comitiis plus artis adhibuissr,
juris, mediis copularent concordiam Patres, patieudo quam fidei. Ejus injuria queri suos honore dejectos..
tribunos militum pro consulibus fleri; tribuni plebis, non Itaque cum in ipsum et innocentia tutum et magistratu,
intercedendo, quo minus quatuor quæstores promiscue iu quo tune erat, impetus fieri non posset, flexere iras m
de plebe ac Patribus libero suffragio popnli fierent. » C. Semproninm, patruelem Atratini eique ob ignomi-
XLIV.Tribuniciaprimum comitia sunt habila. Creati niam volsci belli, adjutore collega M. Canuleio, diem
tribuni consulari potestale omnes patricii, L. Quinctius dixcre. Subinde ab iisdem tribunis mentio in senatu de
Cincinnatus tertium, L. Furius Medullinus iterum, agris dividendis iliala est 1 cui actioni semper acerrime
M. Manlius, A. Sempronius Atratinus. Hoc tribano cn- C. Sempronius restiterat), ratis, id quod erat, aut depo-
il baisseraitdans l'esprit des patriciens ou que s'il XLV. Cette année fut marquee par un grand
y persistait à la veille du jugement, il irriterait péril qui, sans la fortune du peuple romain, eût
contre lui le peuple. Sempronius aima mieux s'ex- été un grand désastre. Les esclaves conjurés de-
poser aux coups de la haine, et nuire à sa cause, vaient, sur différents points, incendier la ville;
que de manquerà la république il demeura ferme et, tandis que le peuple serait occupé à porter se
dans son sentiment. « On devait refuser toute lar- cours aux édifices, envahir en armes la citadelle et
gesse qui tournerait au profit des trois tribuns; ce le Capitole. Jupiter empêcha l'exécution de ce
n'était point des terres qu'on demandait pour le crime sur la dénonciation de deux esclaves, les
peuple, mais de la haine qu'on voulait lui susciter; coupables furent arrêtés et punis. On donna aux
au reste, il avait assez de force d'âme pour traver- délateurs pour récompense, dix mille livres pe-
sercetorage, et le sénat ne devait pas tellements'in- sant de cuivre, que leur compta le trésor (c'était
téresser à un homme comme lui ou à tout autre une somme considérable pour le temps), et de
citoyen, qu'on fît de la grâce d'un seul une cala- plus, laliberté. Peu après les Èques recommencè-
mité publique. » Sa fermeté ne l'abandonnapoint rent des préparatifs de guerre, et des preuves cer-
quand vint le jour du jugement; il plaida lui- taines furent apportées à Rome, qu'a ces anciens
même sa cause, et, bien que les patriciens eus- ennemis de nouveaux, les Lavicans, avaient ré-
sent tout mis en œuvre pour adoucir le peuple, solu de se joindre. Les Èques avaient accoutumé
il fut condamné à une amende de quinze mille as la ville à ce retour pour ainsi dire annuel de
de cuivre. La même année, Postumia, vierge Ves- leurs hostilités. On envoya aux Lavicans des dé-
tale, accusée d'avoir violé son vœu, eut à se jus- putés qui rapportèrent bientôt des réponses équi-
tifier de ce crime dont elle était innocente. Ce qui voques, d'où il ressortait clairement que si l'on ne
l'avait fait soupçonner, c'était une certaine recher- faisait pas de préparatifs de guerre, la paix du
che dans sa parure, et un esprit plus libre qu'il moins ne serait pas de longue durée. Là-dessus
n'est bienséant à une vierge, et qui aimait assez les Tusculans furent chargés « d'observer les es-
l'éclat. Après deux informations on finit par l'ab- prits, de peur qu'un nouveau mouvement n'écla-
soudre et, de l'avis du collége, le pontife su- tât à Lavicum. » L'année suivante, les tribuns
prême lui ordonna de s'interdire à l'avenir tous militaires, avec puissance de consuls étaient à
jeux d'esprit, et d'avoir une mise où l'on vît plus peine entrés en fonctions, qu'ils reçurent une dé-
de réserve que de recherche. La même année, les putation de Tusculum ces tribuns étaient L. Ser-
Campaniens prennent Cumes, ville alors au pou- gius Fidénas, M. Papirius Mugillanus, C. Servi-
voir des Grecs. L'année suivante, il y eut pour tri- lius, fils de Priscus, dictateur lors de la prise de
buns militaires, avec puissance de consuls Fidènes. Les députés annonçaient que les Lavi-
AgrippaMénénius Lanatus, P. Lucrétius Tricipiti- cans avaient pris les armes, et après s'être ralliés
nus, Sp. Nautius Rutilus. à l'armée des Èques, avaient dévasté la campa

sita causa leviorem futurum apud Patres reum, aut per- XLV. Annus, felicitate populi romani, periculo po-
severantem sub jiidicii tempus plebem offensurmn. Ad- tius ingeuti, quam clade, insignis. Servitia, urbem ut
versæ invidiae objici maluit, et suas nocere causa*, quam incenderentdistantibus locis, conjurarunt; populoquead
publics deesse, stetitqtie in eadem sententia,Ne qua opem passim ferendam tectis intento, ut arcem Capito-
largitio, cessura in trium gratiam tribunorum, fieret. liumque armati occuparent. Avertit nefanda consilia Ju-
Nec tum agrum piebi, sed sibi mvidiam,quæri. Se quo- piter indicioque duorum comprehenai sontes pœnas de-
que subiturum cam tempestatem forli animo nec sena- derunt. Indicibus dena millia gravis aeris, quæ tum divi-
tui tanti se civem, aut quemquam alium debere esse ut tiæ habebantur,ex ærario numerata, et libertaspræmium
in parceudouni malum publicum fiat.» Nihilo demissiore fuit. Bellum inde ab Æquis reparari cœptum et, novos
animo, quum dies venit, causa ipse pro se dicta nequie- hostes Lavicanos consilia cum veteribus jungere, baud
quam omnia eiperlis Patribus, ut mitigarent plebem, incertis auctoribus Romam est allatum. Æquorum lam
quiudecim millibus sens damnatur. Eodem anno Postu- velut anniversariis armis assuerat civitas. Lavicos legati
mia, virgo Vestahs, de incestu causam dixit, crimine in- missi quum respoosa inde retulissent dubia, quibus, nec
noxias oh suspicionem propter cultum amœnioreminge- tum bellum parari, nec diuturnam pacem tore, appare-
niumque liberius, quam virginem decet, parum abhor- rel Tusculanis negotium datum, Adverterent animos,
rens famam. Ampliatam, deinde absolutam, pro collegii ne quid novi tumultus Lavicis oriretur.. Ad insequentis
senteutia poutifex maiimus abstinere jocis, colique sancte anni Lribunos militum consulari potestate, inito magis-
potius, qujm scile, jussit. Eodem anno a Campanis Cu- tratu, legali ab Tusculo venerunt, L. Sergium Fidena-
mæ, quam Græci tum m bem tenebant, capiuutur. Inse- tem, M. Papirium Mugillanum, C. Servilium, Prisci
qut-ns annus tribunos mil tum consulari potestate habuit. fihum, quo dictatore Fidenae caplx fuerant. Nuntiahant
Agrippam Menemum Lanatum, P. Lucretrum Tricipiti- legati, Lavicanos arma cepisse, et cum quorum exer-
num, Sp. Nautium Rulilum. oitu depopulatos agrum Tusculanum castra iu Algido po-
gne de Tusculum, et placé leur camp sur l'Algide. tribuns ne fût pas plus funeste à la république,
Aussitôt la guerre fut déclarée aux Lavicans; mais, qu'elle ne l'avait été à Véies; et, comme s'il n'eût
à la publication d'un sénatus-consulte, qui or- pas douté d'une prochaine déroute, il pressa son
donnait que deux tribuns partiraient pour l'ar- fils d'enrôler des soldais et de préparer des ar-
mée, et qu'un seul resterait pour veiller à la tran- mes. Et il ne se trompa point dans ses prévisions;
quillité de Rome, un différend s'éleva soudain en- en effet, L. Sergius, qui ce jour-là commandait,
tre les tribuns, chacun s'estimant meilleur chef de s'étant engagé dans une position dangereuse, sous
guerre, et dédaignant le gouvernement de la ville le camp même de l'ennemi, qui, feignant d'avoir
comme une tâche ingrate et sans gloire. Tandis peur, s'était réfugié dans ses retranchements, et
que les sénateurs regardaient avec étonnement les Romains s'étant précipités de ce côté, dans le
cette lulle si peu décente entre collègues, Q. Ser- fol espoir d'emporter le camp d'assaut l'ennemi,
vilius intervint « Puisque, dit-il, on ne respecte par une irruption soudaine des flancs escarpés de
ni cet ordre ni la république, l'autorité paternelle la vallée, les disperse, lesculbute, plutôt encore
mettra fin à ce débat mon fils, sans attendre l'é- qu'il ne les met en fuite, en écrase et en massa-
preuve du sort, commandera dans la ville. Puis- cre un grand nombre. Ce ne fut pas sans peine
sent ceux qui se disputent le commandement des que l'on réussit ce jour-là à conserver le camp
troupes, diriger la guerre avec plus de sagesse et et, le lendemain, comme l'ennemi l'avait déjà en-
d'accord qu'ils n'en montrent dans leurs préten- veloppé en grande partie, on s'enfuit honteuse-
tions 1 0 ment par une porte détournée,et on l'abandonna.
XLVI. On trouva bon de ne point faire une levée Les chefs et les lieutenants, et ce qui restait de
sur tout le peuple indifféremment on tira au sort soldats valides auprès des enseignes, gagnèrent
dix tribus, dont on enrôla la jeunesse les deux 1'usculum; les autres, dispersés çà et là par les
tribuns la conduisirent à la guerre. Mais la que- campagnes, retournèrent par toute sorte de che-
relle commencée entre eux dans la ville, la même mins à Rome, où ils annoncèrent la déroute plus
soif du commandement la raviva avec plus de vio- grande qu'elle n'était. Ce qui diminua la terreur
lence encore à l'armée. Ils étaient toujours d'avis publique, c'est qu'on avait prévu d'avance ce
contraire et toujours en lutte pour leur opinion triste événement, et que les renforts, que chacun
chacun voulait imposer l'exécution de ses plans et cherchait en ce pressant danger, avaient été pré-
de ses ordres; chacun d'eux dédaignait l'autre et parés par le tribun des soldats. En outre, des
en était dédaigné; enfin, sur les remontrances des courriers, que celui-ci avait expédiés à la hâte
lieutenants, ils convinrent de commander alter- dès que les magistrats inférieurs eurent calmé l'a-
nativement chacun un jour. Lorsque cette nou- gitation de la ville, rapportèrent que les géné-
velle arriva à Rome, Q. Servilius, dit-on, instruit raux et l'armée étaient à Tusculum et que l'en-
par l'âge et l'expérience, demanda avec prières nemi n'avait point déplacé son camp. Enfin, ce
aux dieux immortels que la mésintelligence des qui surtout releva les esprits, ce fut un sénatus-

suisse. Tum Lavicanis bellum iiidictum factoque sena- precatus ab diis immortalibus, ne discordia tribuuorum
tuscousulto,ut duo ex tribunisad bellum proficiscerentur, damnosior reipublicæ esset, quam ad Veios fuisset; et,
unus res Romæ curaret, certamen subito inter tribunos velut haud dubia clade immiuente, institisse filio, ut mi-
exortum. Se quisque belli ducem potiorem ferre curam litesscriberet, et arma pararet. Nec falsus vates fuit. Nam
urbis, ut ingratam ignobilemque, aspernari. Quum pa- ductu L. Sergii, cujus dies imperii erat, loco iniquo sub
rum décorum mler collegas certamen mirabundi Patres hostium castris, quum, quia simulato metu receperat se
conspicerent,Q. Servilius, e Quando nec ordmis hujus hostis ad vallum spcs vana expugnandi castra eo traxis-
ulla, inquit, nec reipubhcæ est verecuudia, patria ma- set, repentino impetu Æquorum per supinam vallem
jestas altercationem istam dirimet. Filius meus extra sor- fusi sunt, multique in ruina majore quam fuga oppressi
tem urbi præerit. Bellum utinam, qui appetunt, conside- obtruncatique castraque, eo die ægre retenta, postero
ralius concordiusque, quam cupiuut, geraotl » die, circumfusis jam magna ex parte hustibus, per aver-
XLVI. Delectum haberi non ex toto passim populo sam portam fuga turpi deserunmr. Duces lega!ique, et
plucuit. Decem tribus sorte ductæ sunt; ex bis seriptos quod circa signa roboris de exercitu fuit, Tusculum pe-
juniores duo tribuni ad bellum duxere. Cœpta inter eos tiere. Palati alii per agros passim multis itineribus, ma-
in urbe certamina cupiditdte eadem imperii multo irn- joris, quam accepta erat, cladis nuntii Romam contende-
pensius in castris accendi nihil sentire idem, pro sen- runt. Minus trepidationis fuit, quod eventus timori ho-
tentia pugnare sua consilia velle, sua imperia sola rata minum congruens fuerat; et quod subsidid, quærespice-
esse contemnere in vicem, et coutemni donec casti- rent in re trepida, præpdrata erant ab tribuno militum;
gantibus legatis, tandem ita comparatum est, ut alternis jussuque ejusdem, per minores magistratus sedato in
diebus summam imnerü haberent. Quae quum allata urbe tumultu, speculatores propere missi uuntiavere,
Romam esseut dieitur Q. Servhus, attate et usu doctus, Tusculi duces exercramque esse hostvmcastra loco non
consulte qui nommait dictateur Q. Servilius Pris- qui est escaladée, prise et pillée. Le dictateur ra-
cus, cet homme dont la cité avait éprouvé la pré- mena dans Rome l'armée victorieuse et, le hui-
voyante sollicitude pour la république, et dans tième jour après sa nomination, il abdiqua sa ma-
mille autres circonstances, et par l'issue même de gistrature. Aussitôt le sénat, pour que les tribuns
cette guerre; car il était le seul qui, en voyant la du peuple n'eussent pas le temps de porter quel-
rivalité des tribuns, eût deviné le mauvais succès que proposition séditieuse, relative au partage des
de la campagne. Il créa maître de la cavalerie terres, à l'occasion du Lavican, décréta en as-
le tribun militaire par qui il avait été lui-même semblée nombreuse, qu'on enverrait une colonie à
nommé dictateur. Selon quelques hisloriens, ce Lavicum: quinze cents colons, envoyés de la ville,
tribun était son propre fils. Selon d'autres, Ahala reçurent chacun deux arpents. Après la prise de
Servilius fut, cette aunée, maître de la cavalerie. Lavicum, on créa tribuns militaires, avec puis-
Parti pour la guerre avec sa nouvelle armée il sance de consuls, Agrippa Ménénius Lanatus,
rallia ceux qui étaient à Tusculum et vint cam- L. Servilius Structus, et P. Lucrélius Tricipitinus,
per à deux mille pas de l'ennemi. tous trois pour la seconde fois, et Sp. Rulilius
XLVII. Depuis le succèsdes Èques, la présomp- Crassus l'année suivante, A. Sempronins Atrati-
tion et la négligence des généraux romains avaient nus pour la troisième fois, et M. Papirius Alugil-
passé chez eux. Aussi, dès le premier combat, lanus et Sp. Nautius Rutilus, tous deux pour la
lorsque le dictateur, lançant la cavalerie contre seconde. Durant ces deux années, tout fut lran-
les premiers rangs de l'ennemi, y eut porté le dé- quille au dehors, mais au dedans il y eut du trou-
sordre, il fit sans retard avancer les enseignesdes ble à l'occasion de lois agraires.
légions, et même, comme un de ses porte-ensei- XLVIIf. Les agitateurs de la populace étaient
gnes hésitait, il le tua. Cette charge s'exécuta avec les Spurius Mécilius et Métilius, tribuns du peu-
tant d'ardeur, que les Èques ne purent soutenir le ple, celui-ci pour la troisième fois, cclui-là pour
choc; et, lorsque vaincus en bataille, ils eurent la quatrième, tous deux nommés en leur absence.
pris la fuite et gagné leur camp, on l'attaqua, et Ils avaient émis une proposition pour la réparti-
l'assaut exigea moins de temps et d'efforts que le tion égale et par tête des terres prises à l'ennemi;
combat lui-même. Le camp, une fois pris et pillé, et comme, par suite de ce plébiscite, les biens des
car le dictateur en avait accordé le pillage aux sol- nobles eussent été déclarés biens de l'état ( car la
dats, les cavaliers envoyés à la poursuite de l'en- ville, bâtie sur le sol étranger, ne possédait pas
nemi qui s'était échappé, vinrent annoncer que un coin de terre qui n'eût été conquis par les
tous les Lavicans vaincus, et une grande partie des armes, et le peuple n'avait guère que ce qui lui
Èques s'étaient réfugiés à Lavicum le jour sui- avait été vendu ou assigné par la république), une
vant l'armée marche sur Lavicum et cerne la ville guerre à outrance devint imminente entre le peu-

movisse. Et, quod plurimum animorum fecit, diclator Lavicos ductus exercitus: oppidumque corona cfrcnm-
ex senatusconsultodictus Q. Servilius Priscns, vir cujus datum scalis captumac direptum est. Dictator, exercitu
providentiomin republica quum multis aliis tempeslatituis victore Romam reducto, die octavo, quam creatus erat,
ante exporta civitas erat, tum eventu ejus belli quod uni magistratu se abdicavit; et opportune senatus, priusquam
eertamen tribunorum suspectum ante rem male gestam ab tribunis plebis agrariæ seditiones, menlione illata de
fuerat; magistro equitum creato, a quo ipse trihuno agro Lavicano dividendo, Oerent, censuit frequens, co-
militum dictatorerat dictus, filio suo, ut tradidere qui- loniam Lavicos deducendam. Coloni ab urhe mille et
dam (nam alii Ahalam Servilium magistrum equitum quingenti missi bina jugera acceperunt. Captis Lavicis,
eo anno fuisse scribunt), novo exercitu profectus ad bel- ac deinde tribunis militum consulari potestate, Agrippa
lum, accitis qui Tusculi erant, duo millia passuum ah Menenio Lanato, et L. Servilio Structo. et P. Lncretio
hoste locum castris cepit. Tricipitino, iterum omnibus bis, et Sp. Rutilio Crasso,
XLVII. Transierat ex re bene gesta superbia negli- et insequente anno A. SempronioAtratino tertium, et
gentiaque ad Æquos, quae tu romanis ducibus fuerat. duobus iterum M. Papirio Mugillano, et Sp. Nautio ltu-
Itaque primo statitn praelio quum dictator equitatu im- tilo, biennium tranquillæ externæ res discordia domi
misso antesignanos hostium turbasset, legionum inde ex agrariis legibus fuit.
signa inferri propere jussit, signiferumque ex suis unum XLVIII. Turbatores vulgi erant Spurii Mæciliusquar-
cunctantem occidit. Tantus ardor ad dimtcandum fuit, ut tum et bletilius tertium tribani plebis, ambo absentea
impetum Æqui non tulerini; victique acie qnum fuga creati. Et quum rogationem promalgassent, ut ager ex
effusa petissent castra, brevior tempore et certamine hostibus captus viritim divideretur, magnaque partis
minor castrorumoppugoatio fuit, quam prælium fuerat. nobilium eo plebiscito publicarentur fortunæ (nec enint
Captis direptisque castris quam prædam dictator militi ferme quicquam agri, ut in urbe alieno solo posila, non
concessisset, secutique fugientem ex castris hostem equi- armis partum erat; nec, quod venissetassignatumve pu-
les reountiassent, omnes Lavicanos victos, magnam blice esset, præterquam plebs habebat ), atrox plebi Pa-
ctrtem Æquorum Lavicos confugisse; poslero die ad tribusque proposilnm videbatur certamen nec tribuni
ple et les patriciens. Les tribuns militaires, con- funesteexemple, les principaux sénateurs, tenant
voquant tantôt le sénat, tantôt des assemhlées par- tous le même langage, répètent à l'envi qu'ils n'i.
ticulières des principaux sénateurs, n'avançaient maginent aucune mesure suffisante, et qu'ils ne
à rien, lorsque Ap. Claudius, petit-fils de celui qui voient de salut que dans le recours à l'assistance
avait été décemnir pour la rédaction des lois, et des tribuns. La république opprimée a foi en leur
le plus jeune dans l'assemblée des sénateurs, leur puissance, et, comme un citoyen qu'on dépouille,
dit, à ce que l'on prétend, « qu'il apportait de sa elle cherche auprès d'eux un refuge. N'est-ce pas
maison un vieil expédient de famille; car son bis- une gloire pour eux et pour la puissance tribuni-
aïeul, Ap. Claudius, avait enseignéauxsénateurs tienue, de montrer que si le tribunat est assez
le seul muyen d'anéantir la puissancedes tribuns, fort pour tourmenter le sénat et pour soulever
qui est de mettre de l'opposition parmi eux. Les des querelles entre les divers ordres, il n'a pas
hommes nouveaux sacrifient assez volontiers leur moins de force pour résister à de mauvais collè-
opinion à l'autorité des grands, surtout quand gues ? Un murmure universel d'approbation s'é-
feux-ci, oubliant leur supériorité, se contentent leva dans le sénat, tandis que de tous les côtés de
de mettreen avant les circonstances. L'intérêt seul l'assemblée on invoque les tribuns. Alors on fait
les anime dès qu'ils verront que leurs collègues, silence, et ceux que les séductions des grands
auteurs de la proposition, ont usurpé toute faveur avaient gagnés déclarent que, puisque dans la
dans l'esprit du peuple, sans leur y laisser une pensée du sénat la demande de leurs collègues
place, ils inclinerontfortement vers le parti du ne tend qu'à dissoudre la république, ils s'oppo-
sénat, pour se concilier l'ordre entier par les pre- sent. Des aclionsde grâces sont rendues par le sé-
miers d'entre ses membres.» Tous ayant approu- nat aux opposants. Les auteurs du projet, ayant
vé, et particulièrementQ. Servilius Priscus, qui convoqué une assemblée, proclament leurs collè-
loua le jeune homme de n'avoir point dégénéré gues traîtres aux intérêts du peuple, esclaves des
de la race des Claudius, il fut décidé que chacun consulaires, et, après les avoir accablés d'autres
travaillerait, selon ses moyens, à détacher des invectives, retirent leur proposition.
tribuns quelques-uns de leurs collègues pour les XLIX. 11 y aurait eu, l'année suivante, deux
leur opposer. La séance levée, les premiersdu sénat guerres à la fois, sous P. Cornélius Cossus C. Va-
s'emparent des tribuns, et après leur avoir per- lérius Potitus, Q. Quinctius Cincinnatus, N. Fa-
suadé, démontré, promis qu'ils feraient chose bius Vibulanus, tribuns militaires avec puissance
agréable à chacun d'eux, agréable à tout le sénat, de consuls, mais la guerre des Véiens fut différée
ils obtiennent six voix pour l'opposition. Le jour par les scrupules religieux des principaux d'entre
suivant, comme, d'après le plan arrêté, on avait eux, parce que le Tibre, franchissant ses rives,
fait un rapport au sénat sur la sédition que Méci- avait emporté leurs demeures et couvert de ruines
lius et Mélilius excitaient par une largesse d'un si leurs plaines dévastées. En même temps, les Èques,

mililum nuoc in senatu nunc in consilüs privatisprin- Mæeilius Metiliusque largitione pessimi exempli conci-
cipum cogendis, viam consilii inveoiebant. quum Ap. Clau- rent, eæ orationes a primoribusFatrum habitæ aunt, ut
dius, nepos ejus qui decemvir legibus scribendis fuerat, pro se quisque jam nec consilium sibi suppetere diceret,
mimmus natu ex Patrum concilio, dicitur diaisse, Ve- nec se ullam opem cernere aliam usquam, præterquam
tus se ac familiare consilium domo afferre: proavum in tribunicio auxilio. In ejus polestatis fidem circumven-
enim suum Ap. Claudium osteDdisse Patribus viam unam tam rempublicam, tanquam privatum mopem, confugere.
dissolvendæ tribuniciæ potestatis per collegaruru inter- Praeclarum ipsis potestatique esse, non ad vexandum se-
cessionem. Facile homines novos auctoritate principum natum discordiamque ordinum movendamplus in tribu-
de sententia deduci, si temporum interdum potius, quam natu virium esse, quam ad resistendum improbis collegis.
majestatis, memor adbibeatur oratio. Pro fortuna illis Fremitus deinde universi senatus ortus, quum ex omoi-
aninios esse ubi videant, collegas principes agendæ rei bus partibus Curiæ tribun appellareotur tum silentio
gratiam omnem ad plebem préoccupasse, nec locum in facto, ii, qui præparati erant gratia principum, quam
ea relictum sibi, haud gravate acclinaturos se ad causam rogationem a collegis promulgatam senatus censeat dis-
senatus, per quani universo ordini cum primoribusse solvendæ re publica esse, ei se iutercessuros ostendunt.
Patrum conciliant. » o Approbantibus cunctis, etanteomnes Gratiæ intercessoribus ab senatu actæ. Latores rogatio-
Q. Servilio Prisco, quod non degenerasset ab stirpe nis, concione advocata, proditores plebis commodorum
Claudia, collaudante juvenem, negotium datur, ut, quos ac servos consularium appellautes, aliaque truci oratione
quisque posset ex collegio tribunorum, ad intercessionem in collegas invecti, actionem deposuere.
pellicerent. Mtsso senatu, prensantur ab principibus tri- XLIX. Duo assidua bella insequens annus habuisset,
buni suadendo, monendo, pollicendoque gratum id quo P. Cornelius Cossus, C. Valerius Potitus, Q.Quinc-
singulis privatim, gratum universo senatui fore, sez ad tius Cincinnatus, N. Fabius Vibulanus, tribuni militum
intercessionem comparavere. Posteroque die quum ex consulari potestate fuerunt ni Veiens bellum religio
composito relatum ad senatum esset de seditione, quam principum distulisset, quorum agros Tiberis. super ri-
t.
battus trois ans auparavant,refusèrent leur secours ne pas trouver, dans une ville récemment livrée
aux Bolans, peuple de leur sang, qui avaient au pillage, dans une colonie nouvelle, tout le bu-
fait des excursions sur le territoire des Lavicans, tiu que le tribun avait d'avance annoncé. Ce mé-
leurs voisins, et porté la guerre daus la nouvelle contentement, il l'augmenta encore, lorsque,
colonie. Pour soutenir cette aggression, ils avaient rappelé par sea collègues et revenu dans la ville
compté sur le concours de tous les Èques; mais pour les troubles du tribunat, il fit entendre dans
abandonnés par leurs alliés, à la suite d'une guerre l'assemblée du peuple des paroles brutales et pres-
qui n'eut rien de remarquable, après un siège et que insensées. Sextius, tribun du peuple, propo-
un léger combat, ils perdirent leur ville et sait une loi agraire, et annonçaitqu'il proposerait
leur territoire. Une tentative de L. Sextius, tri- également l'envoi d'une colonie à Boles; car il
bun du peuple, demandant pour Boles ce qu'on était trop juste que la ville et le territoire de Boles
avait accordé pour Lavicum, l'envoi d'une colonie, appartinssentà ceux qui les avaient conquis par
éclioua par l'opposition de ses collègues, lesquels leurs armes « Malheur à mes soldats, dit Postu-
déclarèrent qu'ils ne souffriraient point la propo- mius, s'ils ne restent en repos 1 » Ce mot blessa
sition d'un plébiscite qui ne serait pas autorisé parl'assemblée, et plus encore les patriciens quand
le sénat. L'année suivante. après avoir repris Bo- ils l'apprirent. Quant au tribun du peuple, qui avait
les, les Èques y amenèrent une colonie et renfor- de la vivacité et une certaine éloquence, ayant
cèrent la place de nouvelles troupes. Rome avait trouvé là, parmi ses adversaires, un esprit su-
alors pour tribuns militaires, avec puissance de perbe, incapable demesurer son langage, il l'irri-
consuls, Cn. Coruélius Cossus, L. Valérius Potitus, tait, le provoquait à plaisir pour le pousser à de
Q. Fabius Vibulanus, pour la seconde fois, M. Pos- violents discours, et lui attirer ainsi à lui-mtmo, à
tumius Uegillensis. Celui-ci fut charge de la guerre sa cause et à l'ordre entier la haine publique;
contre les Eques; c'était un homme d'un esprit aussi,du collége des tribuns, celui qu'il cherchait
mal fait, ce que la victoire prouva mieux encore de préférenceà entraîner dans la discussion,c'était
que la guerre. Eu effet, il enrôla promptement Postumius. Profilant donc alors d'une parole si
une armée, la mena Boles, et, après avoir abattu, dure, si inhumaine o Vous l'entendez, dit-il,
par de légers combats, l'ardeur des Eques, il atta- Romains, crier malheur à ses soldats comme à des
qua et emporta leurville; puis, n'ayant plus d'en- esclaves! Et pourtant cette bute sauvage vous sem-
nemis, il se mit en guerre avec ses concitoyens. blera plus digne des honneurs que ceux qui vous
Il avait, pendant l'assaut, promis le butiu aux donnent des villes, des terres qui vous envoient
soldais la ville prise il viola sa promesse. C'est, dans les colonies, qui vous ménagent une retraite
selon moi, à ce motif qu'il faut attribuer le mé- dans vos vieux jours, qui luttent sans cesse pour
eontenterneut de l'armée, plutôt qu'au dépit de vos intérêts contre de si cruels et si arrogants

pas effusus maxime ruinis villarum vastavit. Simul credam iras causam exercitui fuisse, quam quod in urbe
Æquos triennio ante accepta clades prohibuit Bolanis nuper direpta coloniaquenova minus pra'dicatioue tribuni
suæ gentis populo, prasidium ferre. Excursiones inde in prædæ fuerit. Aunt eam iram, postquam,ab collegis ar-
coufinem agrum lavicanum factæ erant, novisque colo- cessitus, propter seditiones tribuudiasin urbem revertit
nis bellum illaltim. Quam noxam quum se consensu om- audita Toi elus in concioue stolida ac prope vecors; qua
nium Æcuorum defensuros sperassent, deserti ab suis, Sextio tribuno plebis, legein agrariam ferenti, simul
ue memurabili quidem bello, per obsidionem levemque Bolas quoque ut mittereutur coloni laturum se dicenti,
unam pugnam et oppidum et unes amisere. Tentatum dignos enim esse qui armis cepissent, eorum urbem
ab L. Sextio tribuno plebis ut rogationem ferret, qua agrumque bolanum esse « Malum quidemmilitibus meit,
Bolas quoque, sicut Lavicos, coloni mitterentur, per in- inquit, msi quieverint »quod auditum non concionem
tercessionem collegarum,qui nullum plebiscitum, nisi ex mugis, quam moi Patres, offendit. Et Iribunus plebis,
auctoritate senatus, passuros se perferri ostenderunt,dis- vir acer nec infacundus, nactus inter advertarios super-
cussum est. Bolis insequente anno receptis, Æqui, colo- bum iogen,um immodicamque linguam, quam irritando
niaque eo deducta novis viribus oppidum firmarunt, tri- agitaudoque in eas impelleret voces, quae invidiæ, non
buuis militum Rouæ consulari potestate Cn. Coruelia ipsi tantum, sed causæ atque universo ordiui, essent,
Cosso, L. Valerio Potilo, Q. Fabio Vibulano iterum, nemiuem ex collegio tribnnorum militum sa?pius, quam
M. Postumio Regillensi. huic bellum adversus Æquos Postumium,in disceptationemtrabebat. Tum vero secun-
permissum est, pravæ mentis homini quain tamen vic- dum tam saevum atque inhumanum diclum Auditis,
toria magis, quam bellum, ostendit. Nam eiercitu impi- inquit, Quirites, sicut servis, malum minaotem militi-
gre seripto ductoque ad Bolas, quum levibus prætiis bus ? tamen hæc bellua dignior vobis tanto honore vtde-
Æquorum animos fregisset, postremo in oppidum irru- bitur, quam qui vos, urbe agrisque donatos, in colonias
pit. Deinde ab hostibus in cives certamen vertit et, mittunt; qui sedem senectati vestrae prospiciunt; qui
quumiuter oppugnationem prædam militis fore edixisset, pro vestris commodisadversus tam crudeles superbosque
capto oppido, (idem mutavit. Eam, magis adducor, ut adversarlos depuguant. Incipite deinde mirari, cur pau. i
adversaires. Étonnez-vous, après cela, que peu velle de cet atroce forfait fut arrivée à Rome, les
de gens prennent en main votre cause 1 Qu'au- tribuns militaires sollicitèrent du sénat une en-
raient-ils à espérerdevous? serait-ce les honneurs? quête sur la mort de leur collègue; les tribuns du
Ne les donnez-vous pas à vos ennemis, plutôt peuple s'y opposèrent mais le résultat de cette
qu'aux défenseurs du peuple romain? Vous avez querelle dépendait del'issued'uneautre lutte. Les
gémi tout à l'heure en entendant le langage de cet patriciens inquiets, craignant que le peuple, soit
homme qu'est-ceque cela prouve?Demain,quand par peur des poursuites, soit par ressentiment,
on en viendra aux suffrages, à ceux qui veulent ne créât tribuns militaires que des plébéiens,
vous assurer des terres, des demeures et des biens, s'appliquaientde tout leur pouvoir à faire nommer
vous prérererezceluiqui vous menace de malheur. des consuls mais comme les tribuns du peuple
L. Cette parole de Postumius, rapportée aux qui n'avaient pas permis le sénatus-consulte,
soldats, souleva dans le camp encore plus d'indi- s'opposaient encore aux comices consulaires, on
gnation. « Cet accapareur, ce voleur de butin, eut recours à un mterrègne. La victoire finit par
menacer malheur aux soldats 1 Comme on mur- demeurer aux patriciens.
murait ainsi ouvertement, le questeur P. Sestius, LI. Q. Fabius Vibulanus, interroi, tenant les
pensant que la violence pourrait réprimer une sé- comices, on créa consuls A. Cornélius Cossus,
dition que la violence avait soulevée, envoie le lic- L. Furius Médullinus.Sousleur consulat, au com-
teur contre un soldat qui vociférait; des cris, des mencement de l'annéo il fut fait un sénatus-con-
contestations s'élevèrent, et uue pierre atteignit sulte pour ordonner aux tribuns de déférer au
le questeur qui se retira de la vêlée, tandis que peuple, sans délai, ta poursuite du meurtre de
celui qui l'avait blessé ajoutait insolemment Postumius, et pour que le peuple eût à commettre
« Que le questeur avait reçu ce que le général qui il lui plairait pour diriger l'enquête. Le peu-
avait promis aux soldats. u Accouru pour apaiser ple, d'un commun accord, confia ce soin aux con-
la sédition, Postumius acheva d'exaspérer les suls qui, usant d'une douceur et d'une modéra-
esprits par la rigueur des poursuites et la cruauté tion extrêmes, mirent lin à cette affaire par le
des supplices. A la fin, comme il ne mettait plus supplice de quelques soldats, lesqucls, d'après
de bornes à sa rage, aux cris de ceux qu'il avait une opinion assez répandue, se donnèrentla mort
ordonné de tuer sous la claie, les soldats accou- toutefois les consuls ne purent empêcher que le
rent et s'attroupent, en protestant contre cette peuple ne souffrit cela impatiemment « On laisse
peine; lui furieux il sélence sur eux de son tri- là, comme non avenues, toutes les décisions pri-
bunal et alors les licteurs et les centurions, qui ses dans ses intérêts; mais qu'une loi demande son
voulaient dissiper la foule l'ayant repoussée ru- sang et son supplice, elle reçoit cette sanction ex-
dement, t'iudignatiou éclate, et le tribun des orbi tante et on l'exécuteaussitôt. » Le moment eût
soldats est taoidé par son armée. Lorsque ta nou- été bien choisi, après avoir frappé les séditions, de

jam Yestram suscipiaot causam. Quid ut a vobis sperent? ab exercitu suo lapidibus cooperiretur. Quod tam atroi
an honores quos adversariis vestris potius, quam poputi facinus postquam est Romam nuntiatum, tribunis militum
romani propugnatoribus,datis? lngemuistismodo, voce de morte collegæ per senatum quaestioues decernentibus,
hujus audita. Quid id refert ? Jam, si suffragium detur, tribuni plebis intercedebant. Sed ea contentio ex certa-
hunc, qui maium vobisminatur, iis, qui agros sedesque mine alio pendebat; quod cura incesserat Patres, ne metu
ac fortunas stabilire voluut, præferetis. » quæstionum plebs iraque tribunos militum ex plebe crea-
L. Perlata hæc vox Postumii ad milites multo in castris ret tendebantque summa ope, ut consulea creareutur.
majorem indignationem movit. « Prædæneinterceptorem Quum senatasconsultum fieri trihuni plebis non pateron-
fraudatoremque etiam malum minari niilitibus ? Itaque tur, iidem intercederentconsularibus comitiis, res ad in-
quum fremitus aperte esset, et quæstor P. Sestius ea- terregnum rediit. Victoria deinde peues Patres fuit.
dern violentia coerceri putaret seditiouem posse, qua mota LI. Q. Fabio Vibulanointerrege comitia habente, con-
erat; misso ad vociferantein quemdam militem lictore, sules creati sunt A. Cornlihus Cossus, L. Furius Medul-
quum iude clamor et jurgium oriretur saxo ictus turba linus. llis con:ulibus priucipio anni senatusconsultumfac-
eicedit; insuper increpante, qui vuloeraverat, a Habere tum est, ut de quaestione Postumianæ cedis tribuni primo
quæstorem, quod imperator esset militibus minatus. Ad quoque tempore ad plebem ferreut; plebesquepræftceret
hune tumultum accitus Postumius asperiora omnia fecit quæstioni, quem vellet. A plebe consensu populi cousu-
acerbis quæstionibus crudelibus soppliciis. Postremo libus negotium mandatur, qui, summa moderatione ac
quum modum iræ nullum faceret, ad vociferationem eo- lenitate per paucorum supplicium, quos sibimet ipsos con-
rum, quos nccari sub crate jusserat,concursu facto, ipse scisse mortem satis creditum est, transacla re, nequivere
ad iutei-pellantes pœuam vecors de tribunali decurrit. Ibi tamen consequi nt non ægerrime id plebs ferret. « Ja-
quum summoventespassim lictores centurionesque veza- cere tam diu irritas sanctiones quze de suis commodis
reut lurbam, eo indigoatio erupit, ut tribunus militum ferrentur quum interim de sarguine et supplicio suo la-
proposer, pour calmer les esprits, le partage du sédition elle quitta la ville après y avoir rendu
territoire de Boles on eût affaibli par là tout désir malade beaucoup de monde, mais laissant peu
d'une loi agraire qui devait chasser les patriciens de victimes. A cette année de peste, pendant la-
des héritages publics injustement usurpés. Le peu- quelle la culture des champs avait été négligée
ple était alors vivement préoccupé de cette indi- comme il arrive d'ordinaire, succéda une disette,
gnité avec laquelle la noblesse s'acharnaità retenir sous le consulat de M. Papirius Atratinus et
les terres publiques qu'elle occupait de force, et C. Nautius Rutilus. Déjà même la famine eût fait
surtout de son refus de partager avec lui, même les plus de ravages que la peste, si des députés
terrains vagues pris naguère sur l'ennemi, et qui envoyés chez tous les peuples qui habitent les
deviendraient bientôt, comme le reste, la proie de bords de la mer d'Étrurie et du Tibre n'eusseut,
quelques patriciens. La même année, les Volsques par des achats de blé, subvenu aux besoins pu-
ayant ravagé les frontières des Herniques, le con- blics. Ces députés n'éprouvèrent des Samnites,
sul Furius y conduisit les légions, qui, n'y trou- maîtres de Capoue et de Cumes, que des refus
vant plus l'ennemi, prirent Férentinum, où s'é- hautains de toute relation; mais ils furent ac-
taient établis un fort grand nombre de Volsques. cueillis et secondés par les tyrans de Sicile et,
Le butin fut moindre qu'on ne l'avait espéré, grâce au concours actif de l'Étrurie, d'immenses
parce que les Volsques, ayant peu d'espoir de se convois descendirent le Tibre. Les consuls con-
défendre, avaient tout emporté, et abaudonné la nurent alors par expérience tout ce qu'il y avait
ville pendant la nuit. Le lendemain, quand on de solitude dans la cité malade, car ils ne purent
la prit, elle était à peu près déserte. On flt pré- trouver qu'un sénateur pour chaque légation, et,
sent du territoire aux Herniques. se virent forcés de lui adjoindre deux chevaliers.
LII. L'année, grâce à la modération des tri- A part la maladie et la disette rien dans ces
buns, fut remise tranquille au tribun du peuple deux années, n'inquiéta Rome au dedans ni au
L. Icilius, sous le consulat de Q. Fabius Ambus- dehors; mais ces sujets de craintes une fois éloi-
tus, et de C. Furius Pacilus. Dès le commence- gnés, reparurent les maux qui d'habitude tour-
ment de l'année ce tribun, comme s'il eût pris mentaient la cité la discorde intérieure et la
la sédition pour un devoir de son nom et de sa guerre étraugère.
famille, agitait la ville par des demandes de lois LUI. Sous le consulat de M. Éanilius et de
agraires, quand une peste, plus menaçante pour- C. Valérius Potitus, les Èques commencèrent la
tant que meurtrière vint détourner du forum et guerre; des Volsques, sans l'aveu de leur nation,
des débats publics les pensées des hommes pour avaient pris les armes, et suivaient les Èques
les ramener au salut de la famille et au soin de comme volontaires et à leur solde. Au bruit de
leur santé. On croit communément que cette peste leurs hostilités ( car ils venaient de descendre sur
causa moins de dommage que n'en eût causé la le territoire des Latins et des Herniques), le con-

tam legem confestim exerceri, et tantam vim habere.. nibusque publicis ad domum curamque corporum nu-
Aptisbimumtempus erat, vindicatis seditionibus,delini- trieudorum avertit; minusque eam damnusam fuisse,
mentum animis bolani agri divisionem objici quo facto quam seditio futura fuerit, credunt. Defuncta civitate
minuissentdesiderium agrariælegis, quæ, possesso per in- plurimorum morbis perpaucis funeribus, pestilentent
jurarn agro publico, Patres pellebat. Tune haec ipsa in- annum inopia frugum, neglecto cultu agrorum, ut ple-
dignitas angebat animos,non in retinendis modo publicis rumque fit excepit, M. Papirio Atratino, C. Nautio Ru-
agris, quos ti teneret, pertinacemnobilitatem esse sed tilo consulibus. Jam fames, quam pestientia, tristior
ne vacuum quidem agrum, nuper ex hostibus captum, erat ni, dimissiscirca omnes populos legatis, qui Etrus-
plebi dividere; mox paucis, ut cetera, futurum prædæ. cum mare, quique Tiberim accolunt, ad frumentummer-
Eodem anno adversus Volscos, populantes liernicorum candum, annonæ foret subventum. Superbe ab Samniti-
fines, legiones ductæ a Furio consule quum hostem ihi bus, qui Capuam babebant Cumasque, legah probibili
non inveuissent Ferentinum quo magna multitudo commercio sunt contra ea benigne ab Siculorum tyran
V olscorum se contulerat cepere. Minus prædæ, quam nis adjuti. blazimos commeatus summo Etruriæ studio
aperaverant, fuit quod Volsci, postquam spes tuendi Tiberis devexit. Solitudinem in civitate oegra experti cou-
exigua erat, sublatis rebua nocte oppidum reliquerunt. sules sunt. quum in legationes non plus siugulis sena-
Postero die prope deserlum capitur. Hernicis ipse ager toribus invenieutes, coacli sunt binos equites adjicere.
doua datus. Præterquam ab morbo annonaque nihil eo biennio intes-
LIV. Annum modestia tribunorum quietum excepit tri- tini externive incommodi fuit. At ubi bac sollicitudines
bunus plebis L. Icilius, Q. Fabio Ambusto, C. Furio discessere, omoia quibus turbari solita erat civitas domi
Pacito eonsulibus. Is quum priucipio statim anni, velut discordia, foris bellum exortum.
pensum nommis familiæque, seditiones agrariis legibus LUI. M. Æmilio, C. V alerioPotito consulibus, bellum
promutgandis cieret; pestitentia courta, miuacior tamen Æqui parabaot Voiscis quanquam non publico consi-
quam perniciosior, cogitationeshominuma foro certami- lio, capessentibus arma, voluntariis mercede secutis mili-
aul Valérius voulut faire une levée; mais, comme servi dans ce coup de main par la négligence des
M. Ménius, tribun du peuple, auteur d'un projet pillards qui avaient quitté la garnison. Grâce
aux
de loi agraire, s'y opposait, et que, sous la pro- pillages continuels dont les produits avaient été
tection de ce tribun chacun refusait de prêter le rassemblés en lieu sûr, on trouva quelque butin.
serment, on annonce tout à coup que la citadelle Le consul le fit vendre à l'encan, et enjoignit
de Carventum est au pouvoir des ennemis. Cet aux questeurs d'en rapporter le prix au trésor,
échec attira sur Ménius la haine des patriciens, disant hautement que l'armée aurait part
au
et donna aux autres tribuns, qu'on avait anté- butin quand elle ne se refuserait plus au service.
rieurement décidés à s'opposer à la loi agraire, La haine que le peuple et l'armée portaient au
un plus juste motif de résister à leur collègue. consul s'en accrut; aussi lorsque, en vertu d'un
En conséquence, comme la querelle durait déjà sénatus-consulte, le consul fit son entrée dans
depuis longtemps, et que les consuls prenaient à la ville avec les honneurs de l'ovation, il fut as-
témoin les dieux et les hommes « que tout ce que sailli de ces chants à refrains alternés, grossière
l'ennemi avait apporté déjà ou pourrait apporter inspiration de la licence militaire. Dans ces mêmes
de désastre et d'opprobre retomberait sur la chants où l'on attaquait le consul on célébrait
tête de Ménius, qui empêchait les levées; etles louanges du tribun Ménius chaque fois que
comme, d'autre part, Ménius répliquait avec son nom était prononcé, la foule environnanteré-
fo :ce « que si les injustes détenteurs du bien pu- pondait par des applaudissements et des acclama-
blic consentaient à s'en départir, il ne relarderait tions aux cris des soldats. Et le sénat fut plus in-
plus la levée un décret intervint les tribuns, quiet de ces démonstrations que des sarcasmes des
pour mettre fin à ces débats, prononcèrent, de soldats contre le consul lesquels n'avaient rien
l'avis du collége, « qu'ils prêteraient secours à de bien nouveau on ne douta plus que Méuius
C. Valérius, consul, dans toutes les mesures do ne fût nommé tribuu militaire, s'il briguait cet
force et de rigueurqu'il prendrait, pour combattre honneur et afin de l'exclure, on ouvrit des co-
l'opposition de leur collègue, contre tous ceux qui, r.lices consulaires.
à l'occasion de la levée, voudraient se soustraire LIV. On créa consuls Cn. Cornélius Cossus et
à l'enrôlement. Lorsque, armé de ce décret, le L. Furius Médullinus, celui-ci pour la seconde
consul eut saisi à la gorge quelques mutins qui fois. Jamais le peuple ne s'était vu fermer avec
en appelaient au tribun, les autres, effrayés, plus de douleur les comices tribunitiens. Il mon-
prêtèrent le serment. Conduite devant la forte- tra sa colère et se vengea dans les comices pour
resse de Carventum, l'armée, quoique désagréa- l'élection des questeurs, où pour la première fois
ble au consul et le haïssant, combat, dès son ar- il choisit des questeurs parmi les plébéiens; de
rivée, avec vigueur, renverse la garnison du haut 1 sorte que sur quatre nominations, un seul patri-
des murailles, et reprend la citadelle on fat cien, K. Fabius Ambustus trouva place; trois plé-

liam. Ad quorum famam hostium ( jam enim in latinum visus iufestusque consuli erat, impigre primo statim nd-
bernicurnque transcenderant agrum) delectum habentem veutu dejectis qui in præsidio erant arcem recipit
Valerium consulem M. Mænius tribunus plebis, legis praedatores, ex pre'sidio per negligentiam dilapsi, occasio-
agraria? lator, quum impediret, auxilioque tribuni nemo nem aperuere ad invadendum. Prædæ ex assiduis popu-
invitus sacramento diceret repente nuatiatur, arcem latiooibus, quod omnia in locum tutum congesta erant,
carventanam ab hostibus occupatam esse. Eu ignominia fuit aliquantum. Venditum sub basta consul in ærarium
accepta quum apud Patres invidiæ Maenio fait, tum cete- redigere quaestores jussit; tum prædicausparticipem pra-
ris tribunis, jum ante præparatis intercessoribus legis dæ fore eïercitum, quum militiam non abouisset. Auctæ
aRrarim, prabuit justiorem causam resistendi collegæ. inde plebis ac militum in consulem ire'. Itaque, quum
Itaque quum res diu ducta per altercalionem esset, con- ex senalusconsuliourbem ovans introiret, alternis incon-
sulibus deos hominesque teslantibus Quicquid ab hosti- diti versus militari licentia jactati quibus consul incre-
bus cladis ignominiæque aut jam acceptum esset, aut im- pitus, Mænii celebre nomeu laudibus fuit, quum ad om-
mineret, culpam pênes Maenium fore, qui delectum im- nem mentionem tribuni favorcircumstantis populi plausu-
pediret; » Mænio contra vociferante,« Si injusti domini que et assensu cum vocibus militum certaret. Plusque ea
possessioneagri publici cédèrent, se moram delectui non res, quam prope sollennis militum lascivia in consulem
facere; decreto interposito, novem tribuni sustulerunt curæ Patribus injecit; et tanquam haud dubius inter tri-
certamen pronuotiaveruntque ex collegii sententia, bunoa militum honos Mænii, si peteret, consularibus
« C. Valerio consuli se, damnum aliamque coercitionem, comitiis est exclusus.
adversus intercessionem collegie, delectus causa detrec- LIV. Creati consules sunt Cn. Corneliua Cossus
tantibus militiam inhibenti, auxilio futuros esse. Hoc
decreto consul armatus quum paucis, appellantibus tri-
bunum, collum torsisset,metu ceteri sacramento dixere.
lit, tribunicia sibi comitia non commissa. E
L. Furius Medullinus iterum. Non alias ægrius plebs lu-
dolorem
quæstoriis comitiis simul ostendit, et ulta est. tune pri-
Ductus exercitus ad carventanam arcem, quanquam in- mum plebeiis qua·s'oribus creatis; ita ut, w quatuor
béiens, Q. Silius, P. Élius, P. Pupius furent pré- fermés au peuple. Les Icilius, au contraire, vous
férés aux jeunes gens des plus illustres familles. laient une nomination de tribuns militaires, en
Ces choix hardis furent, dit-on, imposés au peu- disant que le peuple devait eufiu avoir sa part des
ple par les Icilius, de famille ennemie décla- honneurs publics.
rée des patriciens d'où étaient sortis cette an- LV. Comme il n'y avait point d'opérationscon-
née trois tribuns du peuple qui promettaient à sulaires, les tribuns n'avaient pas moyen d'obte-
l'avide ambition de la multitude une foule de nir, en les contrariant, ce qu'ils demandaient
choses magnifiques. Mais ils avaient juré de n'a- une circonstance vint merveilleusement les ser-
gir que si dans l'élection des questeurs, la seule vir. On annonça que les Volsques et les Èques,
où le sénat eût permis la concurrence des plé- ayant franchi leurs frontières, pillaientleterritoire
béiens et des patriciens, le peuple avait assez des Latins et des Herniques. Un sénatus-consulte
de vigueur pour vouloir enfin ce qu'ils lui de- autorise les consuls à faire une levée pour les
mandaient depuis si longtemps, et ce que les 1 combattre aussitôt les tribuns s'opposent éner-
lois ne lui défendaient plus. Ce fut donc là une giquement, joyeux pour eux et pour le peuple
victoire importante pour les plébéiens non qu'ils de la fortune qui se présente. Ils étaient trois,
lissent cas de la questure, mais parce que c'é- tous d'une ardeur infatigable et déjà haut placés
tait pour les hommes nouveaux un chemin ou- parmi les plébéiens. Deux prennent à partie et
vert au consulat et aux triomphes. Les patri- corps à corps les deux consuls, et les surveillent
ciens, de leur côté, murmuraient, non du par- sans relâche l'autre se charge de contenir ou
tage, mais de la perte de leurs honneurs. « S'il d'exciter, par des harangues, le peuple. Ainsi, ni
en est ainsi, disaient-ils à quoi bon élever des les consuls ne pouvaient obtenir les levées qu'ils
enfants, qui, repousses du rang de leurs ancêtres, demandaient, ni les tribuns leurs comices. Enfin,
verront des étrangers maîtres de leur dignité, la fortune ayant incliné vers la cause du peuple
et qui n'ayant plus d'autre ressource que de se des courriers apportent la nouvelle que la cita-
faire salicns ou flamines, pour sacrifier au nom delle de Carventum au moment où les soldats
du peuple, demeureront dépouillés des comman- de la garnison avaient quitté la place pour piller,
dements et des magistratures? » Les esprits s'é- a été surprise et forcée par les
Èques, les gar-
taient aigris des deux côtés. Comme le peuple diens, peu nombreux mis à mort et les autres
avait pris de l'audace et que la cause populaire massacrés, soit en revenant pour la défendre
était aux mains de trois chefs d'une immense cé- soit dans la campagne où ils erraient dispersés.
lébrité, les patriciens, prévoyant que toutes les Ce désastre, funeste à la cité donna de nou-
élections où le peuple avait son libre suffrageau- velles forces à l'opposition des tribuns. Vaine-
raient le même résultat que celle des questeurs, ment on les sollicite de renoncer enfin à mettre
demandaient les comices consulaires qui étaient des obstacles à la guerre, ils bravent opiniâtre-

creandis, uni patricio K. Fahio Ambusto relinqueretur utrumqueplebi licerct, similia fore cernentes, tendere ad
locus; tres plebeii, Q. Silius, P. Ælius, P. Pupius cla- consulum comitia, quae nondum promiscua essent. Icilii
rissimarum familiar um juvenibus præferrentur. Auctorcs contra tribunos militum creandos dicere, et tandem ali-
fuisse tam liberi populo suffragii Icilios accipiu, ex fami- quando impartiendos plebi honores.
lia infestissiwa Patribus tres in eum annum tribunos ple- LV. Sed nulla erat consnlaris actio, quam impedicndo
bis creatos, multarum magnarumque rerum molem avi- id, quod petebant, exprimerent; quum mira opportuni-
dissimo adeo populo osientantes quum affirmassent, tate, Volscos et Æquos praedatum extra fines exisse in
nihil se moturos, si ne quiestoriis quidem comitiis, quæ agrum latinum bernicumque, affertur. Ad quod bellum
aola promiscua plebi Palribusquereliquisset senatus, sa- ubi ex senatusconsultoconsulesdelectum habere ocoipiunt;
tis ammi populu eâset ad id quod tam diu vellent, et per obstare tunc enixe tribuni sibi plebique eam fortuuam
leges liceret. l'ro ingenti itaque victoria id luit plebi; oblatam memorantes. Tres erant, et omnes acerrimi viri,
quæsturamque cam n non honoris ipsius Oue æstimabant geuerosiquejam,ut inter plebeios. Duo, singuli singulos,
scd patefdctus ad consulatum ac triumphos locus novis sibi consules asservandos assidua opéra desumunt uni
hominibus videbatur. Patres contra non pro communi- conciouibusdata uunc detinenda nunc coucienda, plebs.
catis, sed pro amissis honoribus, fremere negare, Si Née delectum consules nec comilia quae petebant, tri-
ea ita sint, liberos tollendos esse, qui pulsi tuajoruni loco, buui expediebant. Inclinante deinde se fortuna ad causam
cernetesque alios in possessione dignitatis suæ, salii fla- plebis, nuntii veniunt, arcem carveutauam, dilapsis ad
minesque uusquam alio, quam ad sacrificandum pro po- prædam militibus, qui in proesidio erant, Æquos, inter-
pulo, siue imperiis ne potestatibus relinquantur.»Irritatis fectis paucis custodibus arcis, invasisse; alios recurrentes
utriusque partis animis, quum et spiritus plebes sump- in irceiii alius palantes in agris cæsos. Ea adversa rivi-
sisset, et mes ad popularem causam celeberrimi noininis tali res vires tribuniciæ actioni adjecit. Nequicquam emm
haberet duces; Patres omnia quæstoriis eomitus, ubi tenlali, ut tum deuque desisterent impendiendo hello,
ment et les orages qui menacent la patrie et peuple s'éloigna par dégoût des plébéiens. l'eu
la haine qui les menace eux-mêmes, et parvien- après, le bruit courut que les Volsques et les
nent à emporter un sénatus-consulte pour une Èques, enhardis par la prise de la citadelle de
élection de tribuns militaires) avec cette clause Carventum ou irrités de la perte de la garnison
cependant qu'on n'admettrait point un tribun du de Verrug, s'étaient levés pour la guerre avec
peuple de l'année, et que nul ne serait réélu tri- toutes leurs forces les Antiates étaient à la tête
bun du peuple pour l'année suivante le sénat du mouvement; leurs députés s'étaient répandus
avait en vue, sans nul doute, les Icilius qu'on chez les deux peuples leur reprochant la lâcheté
soupçonnait de vouloir arriver au consulat par avec laquelle, l'année précédente cachés dans
les menées d'un tribunat séditieux. Alors on pro- leurs murailles, ils avaient laissé les Romains
céda aux levées et l'on fit les préparatifs de promener la dévastation dans leurs plaines et
guerre avec le concours de tous les ordres. Les écraser la garnison de Verrug.. « Maintenant, di-
consuls partirent-ils tous deux pour la citadelle saient-ils, ce ne sont plus seulement des armées,
de Carventum, ou en resta-t-il uu pour tenir les ce sont des colonies qu'on envoie sur vos frontiè-
comices, c'est un point sur lequel les divers au- res ce n'est plus seulement pour eux-mêmes
teurs ne sont pas d'accord; mais un fait certain que les Romains recherchent vos dépouilles, ils
et sur lequel il n'y a qu'une version, c'est qu'a- ont pris Férentinum pour en faire hommage aux
près plusieurs assauts contre la citadelle de Car- Herniques. » Ces paroles enflammaient les esprits,
ventum, qui n'eurent point de succès, l'armée se et partout, sur le passage des députés une foule
retira, reprit Verrug sur les Volsques, et fit des de jeunes gens s'enrôlaient. Bientôt la jeunesse
dévastations et des pillages sans nombre tant sur de toutes ces nations, rassemblée à Antium, y
les Èques que sur les terres des Volsques. plaça là son camp et attendit l'ennemi. bès qu'on
LVI. A Itome, le peuple eut l'avantaëe dans le apprit à Rome cette nouvelle plus effrayante
choix des comices; mais, quant au résultat des que le danger lui-même, le sénat s'empressa
comices, l'avantage demeura aux patriciens. En de recourir à une mesure qui était sa dernière
effet, contre l'attente générale, on nomna pour ressource dans les situations critiques il or-
tribuns militaires, avec puissance de consuls, donna la nomination d'un dictateur. Il paraît que
trois patriciens, C. Julius Julus, P. Cornélius Cos- cette décision affligea vivement Julius et Cor-
sus, C. Servilius Ahala. Les patriciens usèrent, nélius, et qu'elle fut cause de violents débats.
dit'on, d'une ruse que les Icilius eux-mêmes leur Les principaux patriciens, après s'être plaints
reprochèrent à cette époque ce fut de confondre amèrement, mais sans succès de la résistance
les plus dignes citoyens au milieu d'une tourbe de des tribuns militaires à l'autorité du sénat, fini-
candidats indignes, qui, pour la plupart por- rent par en référer aux tribuns du peuple, leur
taient de te!les marques de souillures, que le rappclant que, dans une occasion semblable, ils

postquam non cessere nec publicæ tempestati, nec suæ populum a plebeiis avertissent. Volscosdeinde et Æquos,
invidiæ, pervincunt, ut senatusconsultumflat de tribunis seu carventana arx retenta in spem seu Verrugine
tiiliturn creandis certo tamen pacto ne cujus ratio ha- amissum præsidium ad iram compulisset, fama affertur,
beretur, qui eo anuo tribunus plebis esset; neve quis re- summa ri ad bellum coortos; caput rerum Antiates esse:
ficeretur in annum tribunus plebis; haud dubie Icilios corum legatos utrimque gentis populos circumisse cas-
dénotante senalu,quos mercedem seditiosi tribunatus pe- tigantes ignaviam, quod, abdili intra muros, populabun-
tere consulatum insimulabant. Tum delectus haberi, bel- dos in agris vagari Romanos priore anno, et opprimi Ver-
liunque omnium ordinuin consensu apparari cœptum. ruginis præsidium, passi essent; jam non exercitus modo
Consules embo profecti sint ad arcem carventanam, an armalos, sed colonias etiam, in suos fines mitti; nec ip-
aller ad comitia habenda substiterit,incertum diversiauc- sos modo Romanos sua divisa habere, sed Ferentinum
teres faciunt. Illa pro certo habenda, iu quibus non dis- etiam de se captum Hernicis donasse. Ad hwc quum in-
sentiunt, ab arce carventana, quum diu nequicquam flammarentur animi, ut ad quosque ventum erat, nume-
oppugnata esset, recessum Verruginem in Volscis eo- rus juniorum conscribebatur. Ita omnium populorum
dem exercitu receptam, populationesque et prædas et in juventus Antium contracta ibi castris positis hostem op-
A'.quis et in volsco agro ingentes factas. periebantur. Quæ ubi tumultu majore etiam, quam res
LVI. ltomte sicut plebis victoria fuit in eo, ut, quae erat, nuntiantur Romam senatus extemplo (quod in re-
mallent, comitia huberent; ita eventu comitiorum Patres bus trepidis ultimum consilium erat ) dictatorem dici jus-
vicere. Namque tribunimilitum consulari potestatc contra sit. Quam rem ægre passos Julium Corneliumque ferunt;
spem omnium tres patricii creati sunt, C. Julius Julus, magnoque certamine animorum rem actam quum pri-
P. Cornelius Cossus, C. Servilius Abala. Artem adhibi- mores Patrum nequicquam conquesti, non esse in auc-
tam ferunt a patriciis (cujus eos Icilii tum quoque insi- toritate senatus tribunos militum postremo etiam tribu-
mulabant), quod turbam indignorum candidatorum inter- nos plebei appellarent, et consulibus quoque ab ca potes-
miscendu dignis, tædio sordium in quibusdam insignium, tate vim super tali re inhibitam referrent tribuni ple
avaient su, par leurs efforts, faire plier même des sénat est toujours de même avis, il nommera un
consuls. Les tribuns du peuple, ravis de la mésin- dictateur la nuit prochaine; et si quelqu'un s'op-
tel1igeuee des patriciens, répondaient « Qu'il n'y pose au sénatus-consulte, pour lui, il se soumet-
avait aucun secours à espérer d'êtres qui ne comp- tra au vœu du sénat.» Après avoir obtenu, par sa
taient ni pour des citoyens, ni même pour des fermeté, les éloges bien mérités et la reconnais-
hommes; que si on voulait les admettre au par- sance de tous ayant nommé dictateur P. Corné-
tage des honneurs et leur donner place dans la lius, il fut par lui choisi pour maître de la cava-
république, alors ils aviseraient aux moyens de lerie, et son exemple, joint à celui de ses collè-
maintenir les sénatus-consulles contre des magis- gues, montra bien que les suffrages et les hon-
trats indociles; en attendant, les patriciens, qui neurs arrivent souvent de préférence à ceux qui
n'avaient jamais été retenus par le respect des ne les recherchentpoint. La guerre n'eut rien de
lois et des magistratures, n'avaient qu'à faire, remarquable; dans un seul combat, et qui ne
eux aussi, de la puissance tribunitienne. » coûta aucune peine l'ennemi fut exterminé à
LVII. Ces débats, si peu convenables en ce Antium. L'armée victorieuse ravagea le territoire
temps surtout où l'on avait sur les bras une si volsque. Un château, près du lac Fucin, fut em-
lourde guerre, occupaient tous les esprits. Lors- porté de force, et l'on y fit trois mille prisonniers;
qu'enfin Julius et Cornélius se furent longtemps et le reste des Volsques se réfugièrent dans leurs
tour à tour appliqués à prouver q Qu'ils avaient murs, sans défendre la campagne. Le dictateur,
eux-mêmes la capacité suffisante pour conduire après avoir terminé cette guerre où il n'avait eu
cette guerre, et qu'il n'était pas juste de leur en- qu'à ne pas manquer à la fortune revint dans la
lever un honneur qu'ils tenaient dq peuple; » ville, plus grand de bonheur que de gloire, et
Ahala Servilius, tribun militaire, dit « Que s'il abdiqua sa magistrature. Les tribuns des soldats,
avait si longtemps gardé le silence, ce n'était pas sans parler d'ouvrir des comices consulaires ( par
qu'il n'eût une opinion bien arrêtée (et quel bon dépit, ce me semble, du choix d'un dictateur),
citoyen pqqrrait séparer son intérêt de l'intérêt annoncèrent des comices pour une électionde tri-
public?); mais il s'était flatté que ses collègues buns militaires. Les patriciens, se voyant ainsi
céderaient de plein gré à l'autorité du sénat, plu- trahis par les leurs en furent vivement alarmés.
tôt que de laisser invoquer contre eux la puissance En conséquence, après avoir, comme l'année pré-
tribunitienne. Alors encore si l'affaire ne pres- cédente, dégoûté le peuple de tous les plébéiens,
sait, il leur donnerait volontiers le temps de re- même des plus dignes, en mettant en avant les
venir d'une détermination si obstinée mais plus indignes candidats avec les principaux patri-
comme les exigences de la guerre n'attendent pas ciens, ceux qui avaient le plus d'illustration et
les résojutions des bommes, il aime mieux servir d'influence, s'assurèrent des suffrages, et obtinrent
la république que de plaire à ses collègues si le toutes les places; pas un plébéien ne put se faire

bei, laeti discordia Patrum « Nihil esse in bis auxilii natus, diçtatorem nocte proxima dicturum oc, si quis
dicerent, qui, non ch ium non denique hominum numéro intercedat senatusconsulto auctpritate se fore conten-
essent: si quando promiscui honores, communicata res- tum. Quo facto quum haud immeritam laudem gratiam-
publica esset, tum se animadversuros,ne qua superbia que apud omnes tulisset, dictatore P. Cornelio dicto, ipse
magistratuum,irrita seoatusconsultaessent; intérim pa- ab eo magister equitum creatus exemplofuit coUegas eum-
tricii, soluti legum magistratuumque verecundia, per se que intuentibus quam gratia atque houos opportuniara
quoque tribuniciam potestatem agerent. » interdum non cupientibus esseut. Bellum haud memora-
LVII. Ha-c cootenlio minime idoneo tempore, quum bile fuit. Uno atque eo facili pra;lio ce'si ad Antium hos-
tantum belli in manibus esset, occupaverat cogitationes tes victor exercitus depopulatus volscum agrum cas-
hominum donec, ubi diu alternis Julius Corneliusque, tellum ad lucum Fucinum vi expugnatum;atque in eo
Qumn ad id bellum ipsi satis idonei duces essent, non tria millia hominum capta ceteris Volscis intra mœnia
esse wquum, mandatum sibi a populo eripi honorem, » compulsis, née defendentibus agroo. Dictator, bello ita
disseruere tum Ahala Servilius tribunus militum « Ta- gesto, ut tantum non defuisse fortunæ videretur, felici-
cuisse se tain diu, ait, non quia incertus sententia fue- tate, quam gloria, major in urbem rediit, magistratu-
rit ( quem entm bonum civem secernere sua a publicis que se abdicavit. Tribuni militum, mentione nulla comi-
consilia) sed quia maluerit, collegas sua sponle cedere tiorum consularium habita ( credo ob iram dictatoris
auctoritati senatus, quam tribuniciam potestatem adversus creati) tribunorum militum comitia edixerunt. Tum vera
se implorari paterentur. Tum quoque, si res sineret, li- gravior cura Patribus iucessit; quippe quum prodi cau-
benter se daturum tempus iis fuisse ad receptum nimis sam ab suis cernerent. Itaque sicut priore anno per indig-
perlinacis sententiæ; sed, quum belli nécessitâtes non nissimos ex plebeiis candidatosomnium, etiam dignorum,
exspectent humana consilia potiorem sibi collegarum taedium fecerant; sic tum, primoribus Patrum splendore
gratia rempublicam fore et, si maneat in sententia se- gratiaque ad petendum praeparatis, omnia loca obtinuere
jour. On créa quatre patriciens, qui tous avaient N. Fabius Ambustus, L. Valérius Potitus, tribuns
déjà rempli ces fonctions L. Furius Médullinus, militaires avec puissance de consuls, une inso-
C. Valérius Potitus, N. Fabius Vibulanus, C. Ser- lente réponse du sénat de Véies faillit amener la
vilius Ahala. Celui-ci fut réélu et continué dans la guerre contre les Véiens. Comme nos députés
cette dignité, tant à cause de ses autres mérites étaient allés réclamer, il leur fit répondre que s'ils
que grâce à la faveur qu'il avait récemment ac- ne s'éloignaieutpromptementdelavilleeldesfron-
quise par sa seule modération. tières, on leur donnerait ce que le Larte Totum-
LVIII. Cette année, le délai de la trève des nius avait déjà donné. Les sénateurs indignés dé-
des Véieus étant expiré, on envoya des députés crétèrent que les tribuns des soldats proposeraient,
et des féciaux pour commencer les réclamations. sans délai, à l'approbation du peuple une décla-
Au moment où ils arrivaient à la frontière, ils ration de guerre contre les Véiens. A cette propo-
rencontrèrent une députation de Véiens, qui leur sition, la jeunesse murmure « On n'avait pas
demanda de ne pas aller à Véies avant qu'elle- encore mis les Volsques hors de combat; récem-
même se fût fait présenter au sénat romain. Elle ment encore, deux garnisons avaient été massa-
obtint du sénat, en considération des dissen- crées, et ce n'était pas sans danger que l'on cou-
sions intestines qui travaillaient les Véiens, qu'on servait ces postes. Il n'y avait pas d'année où il ne
suspendrait contre eux toute répétition tant il fallût se mettre en campagne; et, comme si on
s'en fallut qu'on cherchât à tirer profit du mal- était en peine de travaux, on préparait une nou-
heur des autres. Il nous vint des Volsquesun nou- velle guerre avec une nation voisine, la plus puis-
vel échec; ils détruisirent la garnison de Verrug. sante de toules, et qui soulèverait l'I?trurie en-
C'est alors qu'on put voir de quelle importance tière. » Ainsi de lui-même se récriait le peuple;
est un seul moment. Les soldats assiégés ayant et ses tribuns venaient encore l'exciter « La plus
imploré du secours, on eût pu, par une marche dure des guerres, disaient-ils hautement, est la
rapide les sauver; mais l'armée envoyée pour les guerre des patriciens contre le peuple ils l'acca-
soutenir n'arriva qu'après leur massacre, pour blent à plaisir, l'épuisent de service, le donnent
exterminer l'ennemi qui s'était dispersé pour pil- à tuer à l'ennemi; ils l'écartent, le relèguent loin
ler. C'était le sénat, plutôt que les tribuns, qui de la ville, de peur qu'à Rome le loisir ne l'amène
avait causé ce retard: on avait annoncé que la gar- à se rappeler les mots de liberté et de colonies,
nison se défendait avec la dernière vigueur, et le et qu'il ne s'avise de redemander encore les biens
sénat ne songea point assez que nul courage ne usurpés et le libre suffrage aux élections. o Puis,
peut aller au delà des forces humaines. Toutefois pressant la main des vétérans, ils comptaient les
cos valeureux soldats, soit de leur vivant, soit après années de service de chacun, et ses blessures, et
leur mort, ne périrent pas sans vengeance. L'an- ses cicatrices. « Y a-t-il eq tout ce corps une seule
née suivante, sous P. et Cn. Cornélius Cossus, place intacte pour de nouvellesblessures? Y reste-

ne cui plebeio aditus esset. Quatuor creati sunt, omnes inulti fuere. Insequenti anno, P. et Cn. Corneliis Cossis,
jam funct eo honore, L. Furius Medullinus,C. Valerius N. Fabio Ambustu, L. Valerio Potito, tribunis militum
Potitus, N. Fabius Vibulanus, C. Servilius Ahala. Hie consulari potestate, veiens bellum motum ob superbum
refectus continuato honore, quum ob alias virtutes, tum responsum veientis senatus, qui legatis repetentibusres,
ob recentem favorem unica moderatione partum. ni facesserent propere urbe finibusque, daturos, quod
LVIII. Eo anno, quia tempus indutiarum cum Veienli Lars Tolumnius dedisset, respouderi jussit. Id Patres
populo exierat, per legatos fetialesque res repeti cœptæ ægre passi decrevere, ut tribuni militum de bello indi-
quibus venientibus ad finem legatio Veientium obviam cendo Veientibus primo quoque die ad populum ferrent.
fuit. Petiere, ne prius quam ipsi senatum romanum Quod ubi primo prumulgatum est, fremere juventus
adissent, Veios iretur. Ab senatu impetratum, quia dis- « Nondum debellatum cum Volscis esse modo duo pra-
cordia intestina laborarent Veieutes, ne res ab iis repete- sidia occidioneoccisa, et cum periculo retineri. Nulluni
rentur. tantum abfuit, ut ex iucommodoalieno sua occa- annum esse quo non acie dimicetttr et, tanquam pœni-
sio peteretur. Et in Volscis accepta clades, amisso Ver- teat laboris, novuin bellum cum finitimo populo et po-
rugine præsidio ubi tantum in tempore fuit momenti, tentissimo parari, qui omnem Etruriam sit concitaturus.»
ut, quum precantibus opem militibus, qui ibi a Volscis Hsc sua spoute agitala. Insupertribuni plebis accendunt.
obsidebantur, succurri, si maturatumesset, potuisset, Maximum bellum Patrihus cum plebe esse dictitant
ad id venerit exercitussubsidio missus ut ab recenti cæ- eam de iudustria vexandam militia trucidandamque hot-
de palati ad prædandum bostes opprimerentur.Tarditatis tibusobjici; eam procul urbe haberi atque ablegari, ne
causa in senatu magis fuit, quam in tribunis qui, quia domi per otium memor liberlatis coloniarumque aut agri
tumma vi restare nuntiabantur, parum rogitaveruut, publici, autsuffragiilibere ferendi cuiisilia agitet » pren-
nulla virtute superari humanai um virium modum. For- santesque veterauos, stipendia cujusque et vulnera ac ci-
tissimi milites, non tatneu, nec vivi, nec post mortem, catr ices numerabant « Quid jam integri esse in corpre
t-il un peu de sang qui se puisse donner pour la sans armes. Force était donc anx vaincus de com-
république? » Lorsque, à force de répéter de pa- battre, puisqu'ils n'avaient rien à espérer de leur
reils discours, et dans les conversations, et dans soumission mais il fut tout à coup ordonné, par
les assemblées, ils eurent détourné le peuple de une proclamation d'épargner ceux qui renonce-
toute idée de guerre, on remit à un autre temps raient à .se défendre, et les armes tombèrent des
la proposition de la loi, qui, exposée à tant de mains de cette multitude de volontaires. On eut,
prévention eût été évidemment repoussée. vivants, deux mille cinq cents prisonniers. Quant
LIX. En attendant, on jugea à propos d'envoyer au pillage de la ville, Fabius ne voulut pas l'ac-
des tribuns militaires avec une armée sur le ter- corder aux soldats jusqu'à l'arrivée de ses collè-
ritoire volsque. Cn. Cornélius fut laissé seul à gues, disant que les deux autres armées avaient
Rome. Les trois tribuns, après avoir reconnu que aussi aidé à la prise d'Anxur, puisqu'elles avaient
les Volsques n'avaient placé de camp nulle part et empêché le reste des Volsques de secourir cette
ne livreraient point bataille, se divisèrent en place. Ils arrivèrent bientôt, et cette ville, que
trois corps, pour mieux ravager le pays. Valérius son antique fortune avait faite si opulente, fut
se dirigea vers Antium, Cornélius vers Ecelra, saccagée par !es trois armées réunies. Cette libé-
et partout sur leur passage ils dévastèrent au ralité des généraux commeuça à réconcilier le peu-
loin les habitations et les campagnes pour oc- I ple avec les patriciens. A ce premier bicnfait les

cuper les Volsques par cette diversion pendant chefs de l'état en ajoutèrent un autre qui vintfort
ce temps, Fabius, sans s'arrêter an pillages, avait à propos. Avant toute demande du peuple ou des
marché sur Anxur, but principal de cette expédi- tribuns, le sénat décréta que les soldats recevraient
tion. Anxur était ce qu'est aujourd'hui Terracine. une solde prise sur le trésorpublic: jusque-là cha-
une ville qui s'abaisse en pente jusque dans drs cun avait fait la guerre à ses frais.
marais; ce fut de ce côté que Fabius présenta LX. Jamais, dit-on, faveur ne fut accueillie du
l'attaque. Quatre cohortes, conduites par C. Ser- peuple avec autant de joie. Ils courent en foule au
vilius Aliala, tournèrent la place, prirent une col- sénat, pressent à leur sortie les mains des séna-
tinequi la dominait, et, de ce poste élevé, qui n'é- teurs c'est avec raison qu'on leur a donné le nom
tait point gardé, se précipitèrent dans la ville, de Pères ils protestent qu'après un tel bienfait
en tumulte et en poussant de grands cris. A ce il n'est personne qui épargne, pour une si géné-
bruit, ceux qui défendaient contre Fabius la partie reuse patrie ni son corps, ni son sang. On se ré-
basse de la ville furent frappés de stupeur; on put jouissait de penser que le patrimoine, du moins,
approcher les écUelles, la placese remplit d'enne- reposerait en sûreté pendant que le corps travail-
mis, et il y eut longtemps un affreux carnage de lerait au service de la république; et ce qui redou-
fuyards et de combattants, d'hommes armés ou blait l'enthousiasme et ajoutait un nouveau prix

loci ad nova vulnera accipienda? quid super sanguinis, itaque victi, quia cedentibus spei nihil erat, pugnam
qui dari pro republica posset ? » t-ogitantes. Hæc quum inire; quum pronuntiatum repente ne quis præter ar-
in sermonibus conciouibusqueiuterdum agitantes avertis- matos violaretur, reliquam omnem multiludinem volun-
sent plebem ab suscipiento bello, prolertur tempus fe- tariam exuit armis quorum ad duo millia et quingenti
riundæ legis; quam si subjecta invidiæ esset, autiquari vit) capiuntur. A cetera prxda Fabius militem abstinuit;
apparebat. donec colleg:e venirent ab illis quoque exercitibus cap-
LIX. Interim tribunos militum in volscum agrum du- tum Anxur dictitans esse, qui ceteros Volscos a praesidio
cere exercitum placuit. C. Corneliusunus Romæ rehctus. ejus loci avertissent. Qui ubi venerunt, oppidum vetere
Tres tribuni, postq uam nullo Inco caslra Vo'scorum esse, fortuna opulentum tres exercitus diripuere eaque pri-
nec commissuros su prxlio apparuit, tripartito ad devas- mum beniguitas imperatorum plebem Patribus concilia-
tandus fines discessere. Valerius Antium petit, Cornelius vit. Additum deinde omnium maxime tempestivo princi-
Ecetras. Quiconque incessere, late populati sunt tecta pum in multitudinem munere, ut ante mentionem ullam
agrusque, ut disunerent Voiscos Fabius, quod maxime plebis tribunorumve decerneret senatus ut stipendium
petebatur, ad Anxur oppuguandum sine ulla populatione miles de publico acciperet, quum ante id tempus de suo
accessit. Anxur fuit, quaj uunc Tarracinae sunt; urbs quisque functus eo munere esset.
prona in paludes ab ea parte Fabius oppuguationem LX. Nihil acceptum unquam a plebe tanto gaudio tra-
osteudit. Circummissæ quatuor cohortes cuin C. Servilio ditur. Coucursum itaque ad Curiam esse, prensatasque
Ahala quum imminentem urbi collem cepissent; ex loco exeuntium manus, et Patres vere appellatos, effeetum
altiore, qua nullum erat præsidium, ingenti clamore ac esse fatentibus, ut nemo pro tam mumfica patria, donec
tumultu mœnia invasere. Ad quem tumultum obstupe- quicquam virium superesset, corpori aut sanguini suo.
facti, qui adversus Fabium urbem iuumam tuebantur, parceret. Quum commoditas juvaret, rem familiarem
locum dedere scalas admoTendi plenaque hostium cuncta saltein acquiescere eo ternpore, quo corpus addictum at-
erant, et immitis diu cædes pariter fugientium ac resis- que operalum reipublicaeesset; tum, quod ultro sibi ob-
tentimn, armatorum atque inermium fuit. Cogebantur latum esset, non a tribuns plebis unquam agitatum.
à la faveur, c'est qu'clle était volontaire, spontanée, tout à coup, sans se soucier de l'appui des tribuns,
c'est qu'elle n'avait été provoquée ni par les plain- elle s'offrit à l'envi à acquitter sa part de la dette
tes des tribuns, ni par un seul mot du peuple. publique. La loi qui déclarait la guerre aux Véiens
Mais les tribuns du peuple demeuraientétrangers ayant passé, une armée, presque toute de volon-
à cette commune joie qui rapprochait tous les or- laires, marcha sur Véies, conduite par les nou-
dres L'avenir, disaient-ils, montrera combien veaux tribuns militaires, qui avaient puissance
se trompent les sénateurs et la multitude qui de consuls.
voient là pour eux bonheur et prospérité; cette LXI. Ces tribuns étaient T. Quinctius Capitoli-
mesure, qui parait si admirable, ne tiendra pas nus, Q. Quinctius Cincinnatus, C. Julius Julus
contre l'expérience. En effet, d'où pourra-t-on pour la seconde fois, A. Dlanlius, L. Furius Mé-
tirer cet argent, sinon du peuple et par un tribut? dullinus pour la troisième fois, M. Émilius Ma-
C'est donc avec le bien des uns qu'on fait largesse mercinus. Ils commencèrent à assiéger Véies. Dès
aux autres. Au reste, malgré l'approbation géné- les premiers temps de ce siége, un conseil des peu-
rale, ceux qui ont achevé leur service ne souffri- ples d'Étrurie se tint plusieurs fois dans le tem-
ront pas que d'autres fassent la guerre avec plus ple de Voltumna, sans pouvoir décider si la con-
d'avantage qu'ils ne l'ont faite eux-mêmes, et ceux fédération prendrait faitet cause pour les Véiens,
qui ont payé leurs dépenses de leurs propres de- et enverrait à leur secours toutes ses forces. Ce
niers ne paieront pas encore celle des autres. » siège se poursuivit, mais avec moins de vigueur,
Ces paroles entraînèrent une partie du peuple. l'année suivante, en l'absence d'une partie des
Enfin, la taxe, une fois imposée, les tribuns pro- tribuns et de l'arméc, appelés ailleurs contre les
mirent publiquement leur appui à quiconque re- Volsyues. Les tribuns militaires avec puissance
fuserait sa contribution pour la solde des troupes. de consuls furent, cette année, C. Valérius Potitus
Les patriciens défendirentavec persévérance l'œu- pour la troisième fois, M. Sergius Fidénas, P. Cor-
vre qu'ils avaient si bien commencée ils furent les nélius Maluginensis, Cn. Cornélius Cossus, K. Fa
premiers à contribuer, et comme il n'y avait pas biusAmbustus, Sp. Nautius Rutilus pour la seconde
encore d'argent monnayé, plusieurs traînèrent au fois. On rencontra les Volsques entre Férentinum
trésor, sur des chariots, de lourdes charges de et Ecetra; on leur livra bataille, et la fortune fut
cuivre, ce qui donnait un nouvel appareil à leur favorable aux Romains. Ensuite, les tribuns allè-
démarche. Quand le sénat eut ainsi contribué avec rent assiéger Arténa, ville des Volsques. Là, l'en-
bonne foi, d'après ses revenus, les principaux nemi ayant.tenté une sortie, il fut repoussé dans
plébéiens, amis des nobles, se mettent de concert la ville, et en facilita ainsi l'entrée aux Romains
à les imiter; et lorsque la multitude vit que les qui s'y précipitèrent; ils se rendirent maîtres de
patriciens les applaudissaient et que la jeunesse tout. à l'exception de la citadelle, fortifiée par la
militaire les approuvait comme bons citoyens, nature, et où quelques soldats s'étaient renfermés.

non suis sermonibus efflagitatum, id efficiehat multiplex lege perlata de indicendo Veientibus bello, exercilum
gaudum cumulatioremque gi-atiam rci. 1 ribuni plebis, tnagna ex parte voluntarium novi tribuni militum conhu-
commuais ordinum I&titiie concordiæque soli expertes lari potestate Veios duxere.
negare, « Tam id lætum Patribus universis, nec prospe- LXI.Fuere autcm tribuni T. Quinclius Capitoliuus,
rum fore, quam ipsi crederent consilium specie prima Q. Quinctius Cincinnatus C. Julius Juliis iterum,
melius fuisse, quam usu appariturum. Uude enim earn A. Manlius, L. Furius Medullinus tertium, M. Æmilius
pecuniam confici posse, nisi tributo populo indicto? Ex Mamercinus. Ab his primum circumsessi Veii suut. Sub
alieno igitur aliis largitos; neque, id etiamsi ceteri fe- cujus initium obsidionis quum Etruscorum consrlium ad
rant, passuros eos, quibus jam emerita stipendia ebsent, fanum Voltumnæ frequenter habitum esset, parum con-
meliore conditione alios militare, quam ipsi militassent; sntit, bcllone publico gentis universæ tuendi Veientes
et eosdem in sua stipendia impensas fecisse, et in aliorum essent. l:a oppugnatio segnior insequenti anno fuit, parte
facere.. Ilis vocibus moverunt partem plebis. Postremo, tribunorum exercitusque ad volscum avocata bellum.
indicto jam tributo, edixerunt etiam tribuni, auxilio se Tribunos mihtum consulari potestate is annus habuit
fituros, si quis in militare stipendium tributum non coo- C. Valerium Potitum tertium, M. Serqium Fidenatem,
tulisset. Patres beue cœptam rem perseveranter tueri; P. Cornelium Maluginensem, Cn. Cornelium Cossum,
conferre ipsi'primi et, quia nondum argentum signatum K. Fnbium Ambustum, Sp. Nautium Rutilum iterum.
erat, tes grave plaustris quidam ad ærarium convebentes, Cum Votscis inter Ferentinum atque Ecetram signis col-
tpcciosan) etiam collationem facitb.iut. Quum senatus latis dimicatum. Romauis seconde fortuna puguae fuit.
summa lide ex censu enululisset, primores plebis, nobi- Artena inde, Volscorum oppidum, ab tribunis obsideri
lium amici, ex compositoconferre incipiunt. Quos quum cœpta. Inde inter eruptionem tentatam, compulso in
et a Patribus cullaudari, et a militari a'tate tanquambe- urbem hoste, occasio data est Romauis irrumpendi,
nos cives conspici vulgus hominum vidit, repeote spreto prxterque arcem cetera capta. In arcem munitam na-
tribuutcio auxilto, certameu conferendi est ortum. Et, tura globusarmatorumconcessit infra areem cæsi cap
En dehors de la citadelle, un grand nombre de delle d'Arténa les légions quittèrent le
malheureux furent tués ou pris. On assiégea bien- que, et toutes les forces de la républiq
tôt la citadelle même; mais il était impossible de tournées contre Véies. Au traitre on donna pour
l'emporter de force, la garnison suffisant à l'éten- récompense, outre la liberté, les biens de deux fa-
due de la place; et il n'y avait pas d'espoir de l'a- milles on l'appela Servius Romanus. Quelques
mener à se rendre, car on y avait transporté, avantt auteurs pensent qu'Arténa appartenaitauxVéiens,
la prise de la ville tout le blé des greniers publics. non aux Volsques c'est une erreur qui tient à ce
Aussi les Romains, découragés, auraient-ils fini qu'il y eut une ville du même nom entre Céré et
par se retirer, si la trahison d'un esclave ne leur Véies; mais elle fut délruite par les rois romains,
eût livré la citadelle. Il introduisit, par un pas- et dépendait d'ailleurs des Cérètes et non des
sage escarpé, des soldatsqui massacrèrent les gar- Véiens. Il y avait une autre ville de ce nom, située
des et aussitôt le rfste do la garnison, épouvanté, dans le pays volsque, et c'est la même dont nous
se rendit. Après qu'on eut rasé la ville et la cita- avons raconté la chute.

tique multi mortales. Arx deinde obsidebatur; nec out nisque vis romana Veios conversa est. Proditori, praeter
vi capi poterat, quia pro spatio loci satis praesidii habe- libertatem, duarum familiarum bona in prmmiamn data.
bat; aut spem dabat deditiouis, omni publico frumento, Seniüs Romanus vocitatus. Sunt, qui Artenam Veien-
priusquamurbs caperelur, in arcem convecto tædioque tium, non Volscorum fuisse credant. Præbet errorem,
recessum inde foret, ni servus arcem Romanis prodi- quod ejusdem nominis urbs inter Ca're atque Veios tuit
disset ab eo milites per locum arduum accepti cepere. sed eam reges Romani delevere, Caeretumque, non
A quibus quum custodes trucidarentur, cetera mullitudo, Veientium, fuerat. Altéra haec nomine eodem in Volsco
repentino pavore oppressa, in deditionem venit. Diruta agro fuit, cujus excidium est dictum.
et arce et arbe Artena reductæ legiones ci Volscis; om-
LIVRE CINQUIÈME.

SOMMAIRE.— Au siège de Véies, on construit des logements d'hiver aux soldats cette nouveauté soulève l'indi-
gnation des tribuns du peuple qui se plaignent qu'on ne laisse pas même l'hiver ad peuple pour se reposer du ser-
vice militaire. —Pour la première fois, les cavaliers s'équipent à leurs frais. Une crue subite du lac d'Albe
ayant eu lieu, on enlève un devin aux ennemis pour avoir l'interprétationde cet événement. -Furius Camille,
dictateur, prend Véies après un siège de dix ans, transporte à Rome la statue de Junon, envoie à Delphes la
dixième partie du butin qu'il offre à Apollon. Le même, créé tribun militaire, assiege Faléries un traitre lui
ayant livré les enfants de l'enuemi, il les renvoie à leurs parents; à l'heure même Faleries se soumet à lui, et la
victoire devient ainsi le prix de son équité. — Un des ceuseurs, C. Julius meurt; on le remplace par M. Corné-
lius; on renonça depuis à cet usage, parce que, durant ce lustre, Rome fut prise par les Gaulois. Furius Ca-
mille, cité en jugement par L. Apullins, tribun du peuple. s'en va en exil. Pendant que les Gaulois-Sénons
assiègent Clusium, les députés envoyés par le sénat pour rétablir la paix entre eux et les Clusiens, restent parmi
ces derniers et combattent contre les Gaulois indignés de cette condude, les Senons marchentavec une armée
contre Rome, batlent les Romains près du fleuve Allia, et prennent la ville, moins le Capitole où la jeunesse s'é-
tait renfermée les vieillards, revêtus des insignes de leurs dignités, assis sous le vestibule de leurs palais, sont
massacrés. Comme les Gaulois étaient déjà parvenus, par un sentier détourné, au faite du Capitole, ils sont trahis
par les cris des oies, et précipités du haut en bas par la jeunesse Romaine, au milieu de laquelle se distingue
M. Manlius. Ensuite la famine contraint les Romains d'acheter, au prix de mille livres d'or, la levée du siège;
au moment où l'on pèse l'or, Furius Camille, qu'ou avait créé dictateur en son absence arrive avec son armée,
et six mois après leur entrée chasse les Gaulois de la ville et les taille en pièces. -Un temple est élevé en l'hon-
Dcur d'Aius Locutius, au lieu où, avant la prise de fa ville, une voix avait prédit l'arrivée des Gaulois. — Comme
Rome était incendiée et détruite, on parle d'émigrer à Véies; sur les instances de Camille, on renonce à ce pro-
jet. Le peuple fut surtout déterminé par le mot d'un centurion qui lui parut prophétique ce centurion, en arri-
vant au Forum, avait dit à sa troupe Arrète soldat nous serons bien là; restons-y »

1. La paix conquise partout ailleurs, les Ro- 1 stumius Albinus. Les Véiens, au contraire,fatigués
mains et les Véiens demeuraientseuls sous les ar- de ces brigues annuelles, et des fréquentes dissen-
mes, mais avec tant d'acharnement et de haine, sions qui en naissaient, élurent un roi. Ce chan-
qu on pouvait prévoir que cela ne finirait qu'avec gement déplut aux peuples de l'Étrurie, moins
la ruine des vaincus. Les comices chez les deux en haine de la royauté que du roi lui-même; car
peuples eurent des résultats bien différents. Les l'homme qu'on avait choisi s'était déjà rendu in-
Romains augmentèrentle nombre de leurs tribuns supportable à la nation par sa puissance et par
militaires avec puissance de consuls; ce qui ne son orgueil, ayant, contre toutes les lois, inter-
s'était jamais vu jusqu'alors, on en créa huit rompu violemment la solennité des jeux. Irrité
M. Emilius Mamercinus pour la seconde fois qu'on l'eût repoussé du sacerdoce, où un autre
L. Valerius Potitus pour la troisième, Ap. Clau- lui avait été préféré par le suffrage des douze peu-
dius Crassus, M. Quinctilius Varus, L. Julius Ju- ples, il avait brusquement rappelé du milieu du
lus, M. Postumius, M. Furius Camille, M. Po- spectacle les acteurs, qui presque tous étaient ses

LIBER QUINTUS. Julus, M. Postumius, M. Furius Camillus, M. Postumius


Albinus. Veientes contra tædio annuæ ambitionis, qum
Pace alibi parta, Romani Veiique in armis erant tanta interdum discordiarum causa erat, regem creavere. Of-
ira odiuque, ut victis finem adesse appareret. Comitia fendit ea res populorum Etruriæ animos, non majore
utriusque populi longe diversa ratione facta sunt. Ro- odio regni, quam ipsius regis. Gravis jam is autea genti
maui auiere tribunorum militum cousulari potestate nu- fuerat opibus superbiaque,quia sollennia ludorum, quos
merum. Octo, quot nunquam antea, creati, M. Æmi- intermitti nefas est, violenter diremisset quum ob iram
lius Mamercinus itcr.um, L. Valerins Politus tertium, repulsæ, quod sulfragio duodecim populornm alius sa-
Ap. Claudius Crassus, M. Quinctilius Varus, L. Julius cerdos ei prælatus esset, artifices, quorum magna pars
esclaves. En conséquence, l'Étrurie, qui tenait buer cette permanence du service? On n'en trou-
plus que toute autre nation à l'observation des ri- vera qu'une seule, à savoir la crainte qu'inspirent
tes religieux, parce qu'elle excellaitdans la science cette foule de jeunes hommes, qui sont la vérita-
du culte, décida qu'on refuserait tout secours aux ble force du peuple et qui viendraient servir ses
Véicns, tant qu'ils obéiraient à un roi. La nou- intérêts. Ils endurent là-bas encore plus de souf-
velle de cette décision fut étouffée à Véies par la frances et de privations que les Véiens. Ceux-ci
terreur qu'inspirait le roi, lequel, sans démentir passent l'hiver dans leurs foyers, protégés par d'é-
l'auteur d'un pareil bruit, l'eût traité comme un paisses murailles et par la position naturelle de
chef de sédition. Les Romains, assurés de l'inac- leur ville le soldat romain travaille, fatigue, ca-
lion de l'Étrurie, mais apprenant aussi que dans ché sous les neiges et les frimas, n'ayant que des
tous les conscils on s'occupait des intérêts de Véies, abris de peaux et dans ces jours d'hiver où toute
se fortifièrent de façon à se ménager une double guerre cesse sur terre et sur mer, il faut qu'il
défense l'une était tournée contre la ville et les reste sous les armes. Ni les rois, ni les consuls, qui
sorties des assiégés l'autre faisait face à l'Étrurie, étaient si orgueilleux avant l'établissement du tri-
et devait arrêter les secours qui pourraient venir bunat, nicette fatale puissancedu dictateur, ni les
de ce côté. caprices odieux des décemvirs, n'ont infligéservi-
II. Comme les généraux romains espéraientnioins tude pareille à cette éternité du service, ni fait pe-
d'un assaut que d'un blocus, ils firent construire ser sur le peuple romain la tyrannie royalc qu'exer-
des logements d'hiver, chose inconnue jusque-là çaient les tribuns militaires. Que feraient-ils donc
au soldat romain on se proposait de continuer s'ils étaient consuls ou dictateurs, ceux qui se con-
le siége malgré l'hiver. Lorsque la nouvelle en duisent avec tant de cruauté et d'atrocité dans leur
vint à Rome, les tribuns du peuple, qui depuis charge de proconsuls? Au reste, le peuple méri-
longtemps n'avaient pas eu l'occasion de s'agiter, tait bien d'être ainsi traité, puisque sur huit tri-
assemblent aussitôt le peuple et s'efforcent d'ir- buns militaires, pas un plébéien n'a trouvé place.
riter les esprils « Voilà, disent-ils, dans quel Auparavant, les patriciens pouvaient à peine ob-
but on a établi une solde militaire. Eux, ils ne se tenir trois places, qui encore leurétaient disputées
trompaient pas; ils voyaient bien qu'un poison à outrance aujourd'hui, c'est huit de frontqu'ils
était caché sous ce présent de l'ennemi. Le peuple marchent à la conquête du pouvoir et dans cette
a vendu sa liberté. Éloignée pour toujours, relé- foule il ne se prend pas un seul plébéien qui, s'il
guée loin de la ville et de la république, la jeu- ne peut davantage, rappelledu moins à ses collè-
nesse n'a pas même l'hiver pour se reposer; elle gues que ce sont des hommes libres des conci-
n'a pas une saison dans l'année pour revenir à sa toyens, qu'ils ont pour soldats, et non des escla-
famille et à ses affaires. Et à quelle cause attri- ves qu'ils les doivent ramener l'hiver dans leurs

ipsius servi erant ex medio ludicro repente abduxit. anni cedere, ac domos et res invisere suas. Quam puta-
Gens itaque, aute omnes alias eo magis dedita religioui- rent continuatæ militi-- causam esse? nullam profecto
bus, quod eacelleret arte colendi eas, auxilium Veienti- aliam inventuros, quam ne quid per frequentiam juve-
bus negandum, douec sub rege essent, decrevit. Cujus num eorum, in quibus vires omnes plebis essent, agi de
decreti suppressa fama est Vciis propter metum regis; commodis eorum posset. Vexari præterea et subigi multo
qui, a quo talc yuid dictum referretur pro seditionis acrius, quam Veientes quippe illos hiemem sub tectis
eum principe, non vani sermonis auctorem, habebat. suis agere, egregiis muris situque naturali nrbem tutan-
Romanis etsi quietæ res ea Etruria nuntiabantur, tameu, tes militem romanum in opere ac labore, nivibus prui-
quia omnibus conciliis eam rem agitari afferebatur, ita nisque obrutum, sub pellibus durare, ne biemis quidem
muniebant, ut aucipitia munimenta essent alia in ur- spatio, quae omnium bellorum terra marique sit quies,
bem et coutra oppidanorum eruptiones versa aliis frons arma deponentem. Hoc neque reges, neque ante tribuni-
in Etruriam spectans auxiliis, si qua forte inde venireut, ciam potestatem creatam auperbos illos consules, neque
obstruebatur. triste dictatoris imperium neque importunosdecemviros
II. Qumm spes major imperatoribusRomanis in obsi- injunzisse servitutis, ut perennem militiam facerent,
dioue, quam in oppugnatione,esset; hibernacula etiam, quod tribuni militum in plebe romana reguum exerce-
res nova militi romano, ædificari coepta consiliumque rent. Quidnam illi consules dictatoresve facturi essent,
erat, hiemando continuare bellum. Quod postquam tri- qui proconsularem imaginem tam sævam ac trucem fece-
bunis plebis, jam diu nullam novandi res causam inve- rint? Sed id accidere haud immerito. Non fuisse ne in
nientibus, Romam est allatum, in concionem prosiliunt, octo quidem tribunis militum locum ulli plebeio. Antea
sollicitant plebis animos, «Hoc illud esse, dictitantes, quod trina loca cum contentione summa patricios explere soli-
æra militibus sint constituta nec se fefellisse, id donum tos nunc jam octojuges ad unperia obtinenda ire et ne
inimicorum veneno illitum fore. Venisse bbertatem ple- in turba quidem hærere plebeium quemquam; qui, s1
bis; remotam in perpetuum et ablegatam ab urbe et ab nihil aliud, admoneatcollegas liberos, et cives eorum,
republica juventutem, jam ne hiemi quidem aut tempori non servos, militare, quos hieme saltem in domos as
maisons, dans leurs foyers, et leur accorder au On les prendrait, par Hercule, pour de mauvais
moins quelques jours dans l'annee pour visiter ouvriers qui cherchent de l'ouvrage; ils ne ces-
leurs parents, leurs enfants, leurs femmes, user sent de souhaiter quelque maladie à la républi-
en maitres de leur liberté, et nommer leurs magis- que, afin que vous les appeliez pour la guérir. En
Irats. u Pendant qu'ils déclamaient ainsi, ils ren- effet, étes-vous les défenseurs ou les ennemis dn
contrèrent un adversaire digne d'eux dans Ap. peuple? Attaquez-vous l'armée ou plaidez-vous sa
Claudius, que ses collègues avaient laissé à Rome cause? Il me semble que vous répondez « Tout
pour réprimer lesséditions des tribuns c'était un ceque font les patriciens nous déplait, que ce soit
homme habitué, des sa jeunesse, à lutter contre en faveur du peuple ou contre le peuple. n Et
les plébéiens, et qui, quelques années auparavant, comme ces maitres qui défendent à leurs esclaves
comme on l'a dit plus haut, avait imaginé de ren- toute relation avec des étrangers, pensant qu'il est
verser la puissance des tribuns par l'opposition juste de s'interdire également avec eux et le bien
de leurs collègues. et lemal; de même vous voulez empêcher tout
III. Ap. Claudius, qui à une éloquence natu- rapport du sénat avec le peuple, de crainte que
relle joignait l'habitude de la parole, prononça ce nous ne venions à séduire le peuple par notre bieu-
discours a Si jamais on a douté, Romains que veillance et par notre libéralité, et que le peuple
les tribuns du peuple aient constamment agi dans ne s'avise d'écouter nos conseils et de les suivre.
leur intérêt propre et non pas dans le vôtre en sou- Que vous feriez bien mieux, s'il y avait en vous,
levant des troubles, le doute s'est dissipé cette an- je ne dis pas une âme de citoyen, mais seulement
née, j'en suis convaincu. Je me réjouis donc de quelque chose d'humain, de favoriser, d'entrete-
vous voir enfin sortir d'une illusion si longue, et nir de tout votre pouvoir et la bienveillance du
surtout que votre erreur se soit dissipée dans un sénat et la déférencedu peuple l Car si leur union
moment où vos affaires sont prospères; je vous pouvait étre durablc, qui hésiterait de promettre
en felicite, vous, et à cause de vous, la républi- à cet empire, dans un avenir prochain, la prée-
que. En eflet, est-il quelqu'un parmi vous qui ne minence sur tous ceux qui l'entourent?
sache que jamais injustice, si l'on a pu en nom- IV. « Mes collègues ont refusé de retirer de Véies
mettre à votre égard ne blessa, n'irrita les tri- notre armée avant la Un du siège, ce qui était une
buns du peuple, autant que cette institution d'une mesurc, non-seulemeut utile mais même néces-
paie aux soldats? Et que pensez-vous qu'ils aient saire je le prouverai tout à l'heure; il faut main-
plus redouté alors, ou qu'ils désirent plus de trou- tenant que je parle de la condition des soldats. Et
bler aujourd'huique l'union entre les ordres, dont mon langage qui aura j'espère, votre approba-
la conséquencedoit être, ils ne l'ignorent pas, de tion, ne paraîtrait pas moins équitable à l'armée
ruiner infailliblement la puissance tribunitienue ? elle-même si je parlais dans le camp, et qu'elle

tecta reduci oporteat et aliquo tempore auni parentes maxime tribuniciæ potestatis rentur esse? Sic, hercule,
liberosque ar conjuges invisere, et usurpare libertatem, tanquam artifices improbi, opus quærunt; qui et semper
et creare magistratus.. Hæc taliaque vociferantes adver- ægri aliquid esse in republica volunt, ut ait, ad cujus cu-
sarium haud imparem nacli suut Ap. Claudium, relictum rationem a vobis adhibeantur. Ulrum enim defendilie,
n collegisad tribunicias srditiones comprimeudas;virum au impugnalis plebem? utrum militantrum adversarii
imbutum jam ab juventa certaminibus plebeiis quem rstis, an causam agitis? Nisi forte hoc dicitis, quicquid
auctorem aliquot annis unie fuisse memoralum est, per Patres faciunt, disphcet; sive illud pro plebe, sive contra
collegaium intercessionem, tribuniciæ potestatis dissol- plebem est. Et, quemadmodum sertis suis vetaut domini
vendæ quicquam rei cmu alienis bominibus esse, pariterque in
III. Is tum jam. non promptus ingenio tantum, sed iis beneflcio ac maleficio abstineri æquum censeut: s'c vos
usu etram eaercitatus, talem orationem habuit Si un- interdicitis Patribus cummercio plehis; ne nos comitate
quam dubitatum est Quirites, utrum tribuni plebis ve- ac mun fientia nos l'a provocemus plebem, nec plebs
stra, an sua causa seditionum scmpcr auctores fueriut, nobis dicio andicus atque obediens sit. Quanto tandem
id ego hocanno desisse dubitari cerium habeo. Et qunm si yuicquam m voliis, non dico civilis, sed huniani esset,
lætor, tandem longi erruris vobis fiuem factum esse, faverc vos magis, et, quantum in vobis esset, indulgere po
tum, qllod secundis potissimum vestris rebus hic error tius comtati Patrum atque obsequioplebis oportuit? quæ
est sublatus, et tobis, et propter vos reipublicæ gratulor si perpetua concornia sit, quis non spondere ausit, ni.ixi-
Au est quisquam, qui dubitet, nullis injunis vestris, si mum hoc imperium Xiter finitimos brevi futurum esse?
quæ forte aliqaudo fuerunt, unquam aeque,quam munere IV. « Atque ego, quam bac consilium collegarum meo-
l'dtrum in plebem, quum æra militantibus constituta rum, quo ahducere infecta re a Vetis exercilum noluerunt,
suut, tribunos plebis offensos ac concitatos esse f Quid nouulile solum, sed etiam necessarium fucrit, postea dis-
illoa aliud aut tmn timuisse creditis, aut hodie turbare seram nunc de ipsa conditione dicere militant um libet.
velle nui concordiam ordinum quam dissolvendæ Quam orationem, non apud vos solum,sedetiam in castris
pût m'entendre et méjuger aussi bien s'il ne me agisse avec nous comme avec la patrie. Ou il fal-
venait aucune raison valable, les paroles de mes lait ne pas entreprendre la guerre, ou il faut la
adversaires me suffiraient. ils ne voulaient pas, soutenir avec la dignité qui convient au peuple ro-
dernièrement, qu'on donnât une solde aux trou- main, et la terminer au plus tôt. Or, le moyen
pes, sous prétexte qu'on ne leur en avait jamais de la terminer, c'est de presser le siège c'est de
donné; mais aujourd hui, comment osent-ils se ne pas le quitter que la prise de Véies n'ait cou-
plaindre de ce que, à ceux qui ont accepté un ronné nos espérances. Et, par Hercule, quand
nouvel avantage on impose en proportion un nous n'aurions pas d'autre motif, la honte seule
nouveau travail? Il n'y a point de travail sans ré- de reculer ainsi nous commanderait de persévé-
compense mais, d'ordinaire aussi, une récom- rer. Jadis, rien que pour une femme, la Grèce en-
pense doit être achetée par du travail ainsi, la tière tint une ville assiégée pendant dix ans; et à
peine et le plaisir, de nature si diverse, s'asso- quelle distance était-elle de ses foyers 1 Que de
cient l'une à l'autre, et se tiennent comme par terres, que de mers l'en séparaient! Nous, à
un lien naturel. Autrefois, le soldat regardait vingt milles d'ici, à la vue presque de notre ville,
comme un fardeau de servir la république à ses nous ne pourrions pas supporter un siège d'une
dépens, et il s'estimait heureux de cultiver son année 1 Mais peut-être les motifsqui nous poussent
champ une partie de l'année, et de créer par là à cette guerre sont-ils trop frivoles; et, comme
des ressources, pour la paix et pour la guerre, à nous n'avons pas de justes raisons de nous plain-
lui-même et à sa famille. Il se félicite à présent de dre, rien ne nous excite à poursuivre notre ven-
gagner quelque chose avec la république et re- geance ? Sept fois ils ont repris la guerre; jamais
çoit avec plaisir sa solde. Qu'il soit donc juste avec eux de paix sincère; ils ont mille fois dévasté
alors; et puisque sa maison et ses biens sont li- nos campagnes ils ont forcé Fidènes à se séparer
bres de toute charge, qu'il supporte patiemment de nous; ils ont exterminé nos colonies; ils ont
une plus longue absence. Que si la république conseillé contre le droit des gens, le massa-
l'invitait à compter avec elle, n'aurait-elle pas cre impie de nos ambassadeurs ils ont voulu sou-
droit de lui dire «Tu es payé pour un au, donne- lever contre nous l'Étrurie entière aujourd'hui
moi un an de ta peine? Est-il juste, à ton avis, encore ils y travaillent avec ardeur et quand nos
que, pour un service de six mois, tu reçoives députés leur demandentréparation, peu s'en faut
solde entière?» C'est malgré moi, Romains, que qu'ils ne les outragent.
je m'arrête à ces détails; car on ne doit traiter V. « Et c'est à un pareil peuple que nous ferons
dans ces termes qu'un soldat mercenaire. Pour une guerre molle et interrompue1 Si des sujets de
nous, c'est comme avec des concitoyens que nous haine aussi légitimes ne peuvent nous décider,
voulonsagir,et il est juste, ce nous semble, qu'ou n'est-il pas, je vous prie, des motifs plus puissants

si habeatur,ipso exercitu disceptante, æquam arbitror v i- semus. Aut non suscipi bellum oportuit; aut geri pro
deri posse: in qua si mihi ipsi nihil, quod dicerem, in men- digmtate populi romani et perfici quam primum oportet.
tem venire posset, adversariorum certe orationibus con- Perficietur autem, si urgemus obsebsos; si non ante ab-
tentus essem. Negabantnuper, danda esse mra militibus, scedimus, quam spei nostræ finem captis Veiis impo-
quia nunquam data essent. Quonam modo igitur nunc in- suerimus. Si, Hercules, nulla alia causa, ipsa iudigmtas
dignari possunt, quibus aliquid novi adjectum commodi perseverantiamimponere debuit. Decemquondam annos
sit, iis laborem etiam novum pro portione iojungi? Nus- urbs oppugnata est oh unam mulierem ab universa Græ-
quam nec opéra siue emolumento, nec emolumentum fer- cia quam procul a domo! quot terras, quot maria dis-
me sine impensa opéra est. Labor voluptasque, dissimillt- tans Nos intra vicesimum lapidem, in conspectu prope
ma natura, societate quadam iuter se naturali sunt Juncta. urbis nostra', annuam oppugnatioocm perferre piget
Moleste antea ferehat miles, se suo sumptu operam rei- scilicet, quia levis causa belli est, nec satis quicquam
publicae præbere: gaudebatidem, partemanni se agrum justi doloris est, quod nos ad perseverandum stimulet.
suum colere; quærere, unde domi militiæque se ac suos Septies rebellarunt; in pace nunquam fida fuerunt; agros
tueri posset. Gaudet nunc, frnctui sibi rempublicam esse, nostros millies depopulati sunt Fideuates deflcere a no-
et lætus stipendium accipit. Æquo igitur animo patiatur, bis coegerunt; colonos nostros ibi interfecerunt auctores
se a domo, ab re familiari, cui gravis impensa non est, fuere contra jus genlium cædis impiæ legatorum nostro-
paullo diutius abesse. An, si ad calculos eum respublica rum Etruriam omnem adversus nos concitare volue-
vocet, non merito dicit: anuua aera habes, annuam ope- runt, hodieque id moliuntur; res repetente3 legatus
ram ede? An tu æquum censes, militia semestri solidum nostros, haud procul abfuit, quin violarent.
te stipendium accipere? Invitus in bac parte orationis, V.. Cum bis molliter et per dilationesbellum geri opor-
Quirites, moror sic enim agere debent, qui mercenario tet ? Si nos tam justum odium nihil movet, ne illa qui-
milite utuntur. At nos tanquam cum civibus agere volu- dem, oro vos, movent? Operibus ingentibus saepta urbs
mus, agique lanquarn cum patria nobiscum æouum cen- est, quibus intra muros cocrcctur hostis. Agrum non
encore? La ville est entourée d'immenses ouvra- rances. Je n'ai pai lé jusqu'ici que du travail et du
ges qui resserrent l'ennemi dans ses murs il n'a temps perdu. Mais que dirai-je du péril où nous
pu cultiver ses champs où les cultures ont été dé- nous mettrions en différant cette guerre, péril sur
truites par la guerre. Si nous rappelons l'armée, lequel nous ne pouvons nous abuser après tous
qui doute que non-seulement le désir de la ven- ces conseils tenus dans l'Étrurie pour marcher au
geance, mais encore la nécessité de piller le bien secours des Veiens? Dans les circonstances présen-
des autres après avoir perdu le leur, ne les dé- tes, dépitée, irritée, elle s'y refuse et, autant
cliaînent sur nos campagnes? Adopter co plan ce qu'il dépend d'elle, vous laisse libres de prendre
serait donc pas différer la guerre ce serait l'atti- Véies; mais qui peut répondre que plus tard,
rer chez nous. Maintenant, quel est en réalitél'in- si on diffère la guerre, elle sera dans les mêmes
térêt des soldats, à qui ces généreux tribuns du sentiments? Si vous ralentissez le siége vous ou-
peuple veulent tout à coup tant de bien, après vrez le passage à de plus nombreuses, à de plus
avoir voulu leur extorquer leur solde? ils ont, imposantes députations et d'ailleurs, ce qui cho-
dans une étendue immense construit un retran- que aujourd'hui les Étrusques, ce roi créé à
chement et creusé un fossé, deux rudes et diffici- Véies peut disparaître avec le temps, ou du con-
les travaux ils ont fait des redoutes d'abord en sentement de la ville, qui cherchera par ce moren
petit nombre, mais ensuite en quantité considé- à se concilier le reste de l'Étrurie, ou par l'abdi-
rable, à mesure que l'armée s'est accrue; ils ont cation du roi, qui ne voudra pas que sa royanté
élevé des fortifications, non-seulement du côté de soit un obstacle au salut de ses concitoyens. Voyez
la ville, mais en face de l'Étrurie, pour arrêter que de difficultés, que d'ennuis dans la marche
les secours qui pourraient en venir; enfin il est qu'on vous conseille La perte d'ouvrages con-
inutile de le dire, ils ont préparé des tours, des struits avec tant de peine l'inévitabledévastation
mantelets, des tortues, tout l'appareil nécessaire de nos campagnes; et, au lieu de la guerre conlre
au siège des villes. Et, lorsque d'aussi grands tra- Véies, la guerre avec l'Étrurie. Voilà, tribuns, les
vaux sont achevés, lorsqu'une tâche aussi longue fruits de vos conseils par Hercule, il me semble
est finie, il faudrait tout abandonner pour reve- voir un homme qui, traitant un malade, qu'un
nir l'été prochain recommencer le même ouvrage remède énergique allait bientôt rétablir, le rejette
et se consumer dans de nouvelles fatigues? N'est- dans une longue et peut-être incurable maladie
il pas bien plus simple de conserver ce qui est pour lui faire prendre un aliment ou un breuvage
fait, de poursuivre, de persévérer,d'en finir avec dont la saveur lui plaise un instant.
cette guerre? car la carrière s'abrége bien, si VI. « Après tout même en laissant à part
nous la parcourons d'une haleine, si par nos in-
terruptions et par nos lenteurs nous ne retardons
l'intérêt de la guerre, il importe la discipline
militaire qu'on habitue nos soldats à ne pas se
pas nous-mêmes l'accomplissement de nos espé- contenter d'une victoire trop facile mais, si

coluit, etculta evastata sunt bello. Si reducimus exerci- et de temporis jactura. Quid? periculi, quod differendo
tum, quis est, qui dubitet, illos, nnu a cupiditate solum bello adimus, non oblivisci nos harc tam crebra Etruriæ
ulciscendi, sed etiam necessitate imposita ex alieno præ- consilia de mittendis Veios auxiliis patiuotur? Ut nunc
dandi, quum sua amiserint, agrum nostrum invasuros? resse habet, irati sunt, oderunt, negant missuros quan-
tum in illis est, capere Veios licet. Quis est, qui spon-
Non dilleriumus igitur bellum istu consilio, sed intra fines
nostros accepimus. Quid? illud, quod proprie ad milites deat, eumdem, si differtur bellum,animtim postea fore?
pertinet, quibus boni tribuui plebis quum stipendium ea- quum, si laxamentum dederis, major fre.lucntiorque
torquere volucriut, nunc consultum repente volunt, legatio itura sit quum id, quod nunc offendit Etruscos,
quale est? Vallum fossamque, ingentis utramque rem rex creatus Veiis, spatio interposito mutari possit, vei
operis, per tantum spatii duierunt; castellaprimo pauca, conseusu civitatis, ut co réconcilient Efruriaj animos,
postea, exercitu aucto, creberrima fecerunt: munitio- vel ipsius voluntate regis, qui obstare regnum sauni sa-
nes non in urbem modo, sed in Etruriam etiam spec- luti civium nolit. Videte, quot res, quam inutiles, scquao-
tantes, si qua iudeauxilia veniant, opposuere. Quid tur- tur illam viam consilii jactura operum tant labore fac-
res, quid vineas testudinesque, et alium oppugnanda- torum, vastatio immiuens finium nostrorum, Etruscum
rutn urbium apparatulm loquar? Quum tautum laboris bellum pro Veicnte coucitatum. Hæc suut, Tribuoi, cou
exhaustum sit, et ad finem jam operis tandem perventum; silia vestra, non, hercule, dissimilia, ac si quis ægro,
relinquendanc bac ceuselis, ut ad aestatem rursus novus qui, curari se fortiter passus, extemplo convalescere
de integro his instituendis exsudetur labor? Quauto est possit, cibi gratia præsentis aut potionis longmquum et
minus opéra tuerifacta, etiastare,et perseverare, de- forsitan insanabilem morbum efficiat.
fungique cura? Brevis enim profecto res est, si uno te- VI. « Si, me dius fidius, ad hoc bellum nihil perli-
nore peragitur; nec ipsi per interinissiones has interval- neret, ad disciplioam certe militiw p'urimum ictererat.
lAque lentiorem spein nostram facimus. Loquor de opere, insuescere imlitem nostrum, non solum parata victoura
1.
l'affaire traîne en longueur, à supporterl'ennui, différent, dans l'opinion qui s'établira sur votre
se résigner à des retards dans l'accomplissement conduite, que vos voisins pensent qu'il suffit à une
de leurs espérances, et, si l'été ne suflit pas pour ville de soutenir quelques jours le premier choc
achever la guerre, à la continuer l'hiver, au lieu du peuple romain, pour n'en avoir plus rien à
de faire comme ces oiseaux d'été qui, l'automne craindre ou qu'ils conçoivent une telle terreur
venu, s'empressent de chercher çà et là un toit et de notre nom qu'ils estiment qu'une armée ro-
un abri. Eh quoi l je vous prie, le goût, le plaisir maine, malgré l'ennui d'un long siège et la rigueur
de la chasse entrainent les hommes, malgré les de l'hiver ne peut quitter une place une fois in-
neiges et les frimas, à travers les bois et les mon- vestie, ne connaît d'autre terme à la guerre que
tagnes, et les nécessités de la guerre ne trouve- la victoire, et n'y porte pas moins de persévé-
raient pas en nous cette patience que les hommes rance que d'intrépidité? Nécessaire dans toute es-
apportent dans leurs amusemens et leurs plai- pèce de guerre, la persévérance l'est surtout dans
sirs Supposons-nous donc chez nos soldats des les sièges car presque toutes les villes sont inex-
corps assez efféminés, des âmes assez molles, pugnables par la force de leurs remparts et la na-
pour qu'ils ne puissent endurer un hiver au camp, ture de leur position; le temps seul, et avec lui la
hors de leurs maisons? Faudra-t-il, comme dans faim et la soif, peuvent les vaincre et les réduire.
les guerres navales, qu'ils consultent les vents et C'est le temps qui réduira Véies, à moins que
choisissent les saisons? Ne pourront-ils supporter les tribuns du peuple ne viennent en aide à l'en-
ni la chaleur ni la froidure? Ils rougiraient, au nemi, et que les Véiens ne trouvent dans Rome
contraire, si on venait à leur opposer de pareils un appui qu'ils cherchent vainement dans l'Étru-
obstacles; ils proclameraient hautement qu'ils sont rie entière. En effet, que peut-il arriver qui entre
d'une nature virile et patiente et par l'âme et mieux dans les vœux des Véiens que de voir la sé-
par le corps, qu'ils peuventsupporter la guerre dition, commençant par la cité romaine, gagner
l'hiver comme l'été, qu'ils n'ont pas chargé les ensuite le camp comme une contagion ? Et, par
tribuns de plaider en leur faveur la cause de la Hercule 1 il y a chez l'ennemi tant de modération
mollesse et de la lâcheté, et qu'ils se souvien- que, malgré l'ennui du siège et même de la
nent que ce n'est pas en se tenant à l'ombre de royauté, aucune nouveauté ne s'est introduite
leurs toits et dans leurs maisons que leurs ancê- parmi eux le refus de secours des Étrusques n'a
tres ont fondé cette puissance des tribuns. Il est point irrité les esprits; car le premier artisan de
digne de la valeur de vos soldats digne du nom sédition serait bientôt puni de mort, et jamais, là,
romain, de ne pas considérer seulement Véies et nul n'aura droit de dire ce qu'on dit impunément
la guerre actuelle, mais de chercher à se faire une parmi vous. Nous punissons du bâton celui qui
réputation pour d'autres guerres et pour d'autres abandonne ses drapeaux ou déserte son poste; et
peuples dans l'avenir. Croyez-vous qu'il soit in- ceux qui conseillent de déserter les drapeaux et

frui; sed, si res etiam lentior sit, pati txdium et quamvis tandem finitimi populum Romanum eum esse putent,
sera; spei exitum exspectare, et, si non sit æstate pertec- cujus si qua urbs primum illum brevissimi temporis sus-
tum bellum, biemem opperiri, nec, sicnt æstivas aves, tinuerit impetum, uihil deiude timeat? an hic sit terror
statim auctumno tecta ac recessum circumspicere. Ob- nominis nostri, ut exercitum romanum non tædium lon-
secro vos, venandi studium ac voluptas homines per m- ginquae oppugnationis, non vis hiemis ab urbe circum-
ves ac pruinas in montes silvasque rapit; belli necessita- sessa semel amovere possit, nec finem ullum alium
tibus eam patiemtiam non adhibebimus, quam vel lusus belli quam victoriam, noverit; nec impetu potius bella,
ac voluptas elicere solet? Adeone effeminata corpora mi- quam perseveraiitia,gerat? quæ in omni q udem genere
litum nostrorum esse putamus, adeo molles animos, ut mihtiæ, maxime tameu in obsidmdis urbihus, neces-
hiemem unam durare in castris, abesse ab domo non pos- saria est, quarum plerasque, munitionibus ac naturali
tint ? ut, tanquam navale bellum, tempestatibus cap situ inexpugu biles, fame sitique tempus ipsum vincit
tandis et observando tempore anni, gerant, non æstus, atque expugnal sicut Veios expugnabit; nisi auxil o hos-
non frigora pati possint? Erubescaut profeclo, si quis iis tibus tribuni plebis fuerint, et Romie iuveneriut præsi-
ha'c objiciat, contendantque, et auimis et corporibus dia Veientes, qux nequicquam in Etruria quærunt. An
suis virilem patientiant inesse, et se jnxta hieme atque est quicquam, quod Veienihus optatum æque contingere
aeslate bella gerere posse nec se patrocinium niolliliae possit, quam ut seditiombus primuui urbs romana.
inertiæque mandasse tribunis, et meminisse, banc ipsain deinde velut ex coutagione castra impleantur? At, her-
potestatein non in umbra nec in lectis majores suos cule, apud hostes tauta modestia est, ut non obsidionis
creasse. Hoec virtute militum vestrorum, ha'c romano txdio, non demque regni, quicquam apud eos novatum
nomine sunt digna, non Veios tanlum, nec boc bellum sit; non negata auxilia ab Etrusies irritaverint animos.
mtueri, quod instant; sed famam et ad alia bella et ad Morienturenim extenaplo, quicunque erit seditionis auc-
celeros populos in posterum quaerere. An médiocre dis- tor neccuiquamdicere ea licebit, quæ apud vos impune
crimen opinionis secuturum ex bac re putatis? utrum dicuniur. Fustuarium meretur, qui s'gua rehnquit, aut
d'abandonnerle camp, non pas à un ou deux sol- porter secours périrent eux-mêmes par le fer ou
dats, mais à des armées entières, peuvent élever dans les flammes. Dès que la nouvelle en vint à
la voix publiquement et en pleine assemblée tant Rome elle jeta partout la désolation et remplit
il est vrai que les tribuns du peuple, soit qu'ils prê- le sénat d'inquiétude et d'effroi il craignait de
chent la trahison, soit qu'ils veuillent renverser ne pouvoir plus contenir la sédition ni à la ville
la république, vous ont habitués à les écouter avec ni au camp, et que les tribuns du peuple n'en
faveur; et que séduits, charmés par leur puis- triomphassent insolemment comme d'une victoire
sance, vous permettez qu'elle couvre et protége remportée par eux sur la république mais, sou-
tous les crimes. Il ne leur manque plus que de dain, ceux qui payaient le cens équestre, sans que
pouvoir déclamer au milieudu camp et de l'armée l'état leur eût encore assigné leurs chevaux, se
comme ils font ici, de corrompre les soldats et de concertent, se présentent au sénat, et, ayant ob-
leur défendre l'obéissance; puisqu enfin à Rome tenu audience, proposent de s'équiper et de ser-
la liberté consiste à ne respecter ni le sénat, ni les vir à leurs frais. Le sénat les remercia dans les
magistrats, ni les lois, ni les mœurs de nos pères, termes les plus magnifiques, et le bruit de leur
ni les institutions de nos ancêtres, ni la discipline démarche ne tarda pas à se répandre dans le fo-
militaire. » rum et par toute la ville. Aussitôt le peuple se
Vil. Déjà même, dans les assemblées populai- rassemble et court à la Curie « A présent, disent-
res, Appius luttait sans désavantage contre les ils, c'est l'ordre pédestre qui vient, sans attendre
tribuns du peuple, quand tout à coup, ce qui son tour, s'engager à servir la république, soit à
pourra paraître incroyable, un échec reçu à Véies Véies, soit partout où l'on voudra le mener; si
assura le triomphe d'Appius, fortifia l'union en- on les mène à Véies, ils promettent de n'en pas
tre les ordres et redoubla l'ardeur et l'opiniâ- revenir avant la prise de cette ville ennemie.
treié des assiégeants. La chaussée avait été con- C'est alors qu'on a peine à contenir une joie qui
duite jusqu'au pied de la ville, et il ne manquait déborde. En effet, on ne leur envoie pas, comme
plus que d'appliquer les mantelets contre les aux cavaliers des magistrats chargés de leur
murs, quand soudain comme on était plus soi- adresser des actions de grâces; on ne les mande
gneux de hâter les travaux pendant le jour que point dans la Curie pour leur faire réponse le
de les garder pendant la nuit, une porte de la sénat ne reste plus renfermé dans l'enceinte de la
ville s'ouvre; une immense multitude, presque Curie; les sénateurs sortent tous, et, d'un lieu qui
tout entière armée de torches, se précipite en domine la multitudeassembléedans le comitium,
lançant des feux, et, dans l'espace d'une heure, la tous lui expriment de la voix et des mains la pu-
chaussée et les mantelets, qui avaient coûté un si blique allégresse. Ils proclament que la ville de
long travail, sont dévorés par l'incendie nombre Rome est heureuse, invincible, éternelle, grâce
de malheureux en essayant, mais en vain, de à cette concorde ils glorifient les chevaliers, ils

pransidiodecedit.Auctoressigna relinquendi, et deserendi opus, incendium hausit multique ibi moriales nequic-
castra, non uni aut alteri mihti, sed uuiversis exercitibus, quam opem ferentes, ferro iguique absumpti sunt. Quod
pajam in concione audiuntur. Adeo quicquid tribunus ubi Romam est nuntiatum, mœstitiam omnibus, senatui
plebis loquitur, etsi prodendæ patriæ dissolvendæque curam metumque injecit, ne tum vero sustmeri nec in
rcipublicae est, assuetis æqui audire; et, dutcediue poles- urbe seditio, nec in castrais posset, et tribuui plebis velut
talis ejus c ipti, quælibet sub ea scelera latere sinitis. Re- ab se victæ reipublicæ insultarent; quum repente, qui-
liquum est. ut, qua' hic vociferantur, eadem in caslris bus census equester erat, equi publici non erant assi-
et apud milites agaut, et exercitus corrumpant ducibus- goati, consilio prius inter sesc habito, teuatum adeunt;
que parere non patiantur quoniam ea demum Romæ tactaque dicendi potestate, equis se suis stipendia facturos
libertas est, non seuatum, non magistratus, non leges, promittunt. Quibus quum amplissimisverbis gratix ab
non mores majorum, non instituta patrum, non discipli- senatu actæ esbent, famaque ea forum atque urbem per-
nam vercri militræ. vasisset, subito ad Curiam coucursus lit plebis. « Pede-
VII. Par jam etiam in concionibuserat Appius tribu- stris ordinis se, aiunt, Donc esse, operamque reipuhlicx
nis plebis; quum subito, unde minimequis crederet, ac- extra ordmem polliceri seu Veios, beu quo alio ducere
cepta calamitas apud Veios et superiorem Appium in velint. Si Veios ducti siut, negant, se mde prius, quam
causa, et concordram ordmum malorem ardoremque ad capta urbe hostium, rediturus esse. Tum vero jam au-
obsidendospertinactus Vcios fecit. Nam quum agger pro- perfundeuti se lætitiæ vu temperatum est. Non enim
motus ad urbem, vineæque tantum non jam inunctæ sicut équités, dato magistratibus negotio, laudari jussi
mœnibus essent, dum opera interdiufiunt intentius, quam neque aut in Curiam vocati, quibus responsum daretur
nocte custodiuntur, patefacta repente porta ingens mul- aut limine Curiæ continebatur senatus; sed prose quisque
titudo, faribus maxime armata, igues conjecil; hora'que ex superiore loco ad multitudinem,in comitio stantem,
momento mul aggetem a, vineas, tam tongi temporis voce manibusque significare publicam laetitiam. Bcatam
glorifient le peuple, ils glorifient cette journée objet des sollicitudes publiques. Nos généraux y
elle-même; ils confessent que le sénat est vaincu montrerent plus d'animosité les uns contre les au-
en clémence, en générosité. Patriciens et plébéiens tres que de courage contre l'ennemi, et la guerre y
versent à l'envi des larmes de joie; enfin les séna- devint plus terrible par la jonction imprévue des
teurs, rappelés dans la Curie, rendent un sénatus- Capénates et des Falisques. C'étaient deux nations
consulte portant « Que les tribuns militaires con- de l'Étrurie qui, étant plus à proximité des Véiens,
voqueront une assemblée, rendront grâces aux se voyaient, après la destruction de ce peuple, le
fantassins et aux cavaliers, et diront que le sénat plus en butte aux armes romaines. Les Falisques
promet de n'oublier jamais leur piété envers la avaient de plus des motifs d'inimitié personnelle;
patrie que toutefois il lui plaît d'assigner une ils s'étaient mêlés dans la guerre des Fidénates,
solde à tous ceux qui se sont offerts hors de tour et tous deux, après s'être envoy é de part et d'au-
pour le service militaire. » On donna une paie fixe tre, de fréquentes députations, et s'être enchaînés
aux cavaliers c'est de ce jour qu'ils commencèrent par la religion du serment, arrivèrent brusque-
à se monter à leurs frais. Cette armée volontaire, ment sur Véies avec leurs armées. Leur attaque
conduite à Véies, non contente de relever les ou- se fit vers la partie du camp où commandait Ser-
vrages détruits, en construisit de nouveaux; et la gius, et elle y jeta une grande épouvante, parce
ville entretint les approvisionnements avec plus de que les Romains se persuadèrent que c'était toute
soin que jamais, afin que rien nemanquât aux be- la confédérationdes Étrusques qui s'était ébranlée
soins d'une arméequi méritait si bien de la patrie. avec la masse entière de ses forces. Cette même
VIII. L'année suivante eut pour tribuns mi- persuasiondécida aussi du côté des Véiens un mou-
litaires C. Servilius Abala, pour la troisième vement général. Ainsi le camp romain avait à se
fois, Quinctus Servilius, L. Virginius, Q. Sul- défendre d'une double attaque; les Romains cou-
picius, A. Manlius et M. Sergius, ces deux raient avec précipitation tantôt d'un côté tantôt
derniers pour la seconde. Sous leur tribunat, d'un autre; mais ils avaient déjà assez de peine à
toute l'attention se portant sur Véies, Anxur fut contenir les assiégés, bien loin de pouvoir en même
négligé. On accordait beaucoup tropde congés à la temps se soutenir contre l'ennemi extérieur qui
garnison on recevait beaucoup trop de marchands entrait dans leurs retranchements. L'unique res-
volsyues dans la place; tout à coup les sentinelles source eût été que du camp principal on vînt à leur
des portes se trouvent enveloppées et la ville est secours, et alorsla totalitédes légions,sedistribuant
prise. La perte en hommes fut légère, parce que, sur des points si opposés, tandis que les unes au-
à l'exception des malades, tous les soldats, deve- raient tenu tête aux Capénateset auxFalisques, les
nus vivandiers, étaientdans les campagnes et dans autres auraient repoussé avec succès la sortie des
tes v illes voisines occupés de leur trafic. On ne fut assiégés. Mais Virginius, qui commandaitdansce
pas plus heureux à Véies, qui était alors le grand camp, était l'ennemi personnel de Sergius, qui ne

m bem romanam et invictam et æteruam illa concordia rum in modum omnes per agros vicinasque urbes nego-
dicere laudare equites, laudare plebem, diem ipsum tiabantur. INec Veiis melius gesta res quod tum caput
laudibus ferre victam esse fateri comitatem benignita- omnium curarum publicarum erat. Nam et duces ro-
temque senatus. Certatim Patribusplebiquemanare gau- mani plus inter se irarum quam adversus hostes animi,
dio lacrimæ; donec revocatis in curiam Patribus sena- habuerunt et auctum est bellum adventu repentino Ca-
tus consultum factum est «Ut tribuni militares, con- penatium atque Faliscorum. Hi duo Etruriæ populi, quia
cione advocata peditibus equitibusque gratias agerent; proximi regione erant devictis Veiis bello quoque
memorem pictatis eorum erga patriam dicerent senatum romano se proximns fore credentes; Falisci propria etiam
fore. Placere autem omnibus bis voluntariam extra or- causa infesti, quod Fidenali bello se jam antea immis-
dinem professismilitiam aéra procedere.» Et equili certus cuerant, per legatos ultro citroque missos jurejurando
numerusreris est assignatus. Tum primnm equis suis me- inter se obligati, cum exercitibus necopinato ad Veios
rere equites cæperunt.Voluntariusductus eiercitus Veios accessere. Forte ea regione, qua M. Sergiustribunus mi-
non amissamodo reslituit opera sed nova etiam instituit. litum præerat, castra adorti sunt, ingentemque lerrorem
Ab urbe commealus intentiore, quam antea subvehi intulere; quia Etruriam omnem excitam sedibus magna
cura; ne quid tam bene merito exercitui ad usum deesset. mole adesse Romani crediderant. Eadem opinio Veientes
VIII. Insequens annus tribunos militum consulari po- in urbe concitavit. Ita ancipiti pra'lio castra romana op-
testatehabuitC. Servilium Ahalamtcrtiuro, Q. Servilium, pugnabantur concursantesque, quum huc atque illuc
L. Virginium, Q. Sulpicium A. blanlium iterum signa transferrent, nec Veientem salis cohibereintra mu-
M. Sergium iterum. His tribunis, dum cura omnium in mtiones, nec suis munimentis arcere vim, ac tueri se ab
veiens bellum intenta est, neglectum Anxuri praesidium exteriore poterant hoste. Una spes erat, si ex majoribus
vacatiouibua militum, et volscos mercatores vulgo re- castris subveniretur, ut diversa; legiones aliae adversus
ceptando, proditis repenteportarum custodibus, oppres- Capenatem ac Faliscum aliæ contra eruptionem oppi-
sum est. Minus militum periit, quia præter ægros lixa- dauorum pngn n'eut Sed castiib præerat irginius, pri-
le haïssait pas moins. On eut beau l'informer que ceux mêmes qui ne devaient imputer qu'à eux la
la plupart des redoutes étaient attaquées, les re- défaveur qu'on venait de jeter sur les choix de
tranchements forcés, que des deux côtés l'ennemi cette année. D'abord ils se bornent à réclamer con-
avançait, il se contenta de tenir ses troupes sous tre l'humiliation dont on allait les couvrir; ils en
les armes, disant que si soncollègueavait besoin de viennent ensuite à s'opposer formellement au sé-
secours il ne manquerait pas de le lui faire savoir. natus-consulte, et protestentqu'ils ne feront point
Mais celui-ci n'avait pas moins d'orgueil que l'au- le sacrificede leur dignité avant les ides de décem-
tre, et, pour ne pas paraître avoir invoqué l'assis- bre, jour consacré pour l'installation des nou-
tance d'un homme qu'il détestait, il aima mieux veaux magistrats. Les tribuns du peuple, au mi-
laisser la victoire à l'ennemi que de la devoir à un lieu de la concorde et de la prospérité générale,
concitoyen. Nos soldats eurent tout le temps, pen- s'étaient vus, malgré eux, réduits à garder le si-
dant ce conflit, d'être taillés en pièces; ils finirent lence. Dans ce moment, reprenant toute leur au-
,iar abandonner leurs retranchements. Un très- dace, ils osent signifier aux tribuns militaires que,
petit nombre se sauva dans le camp de Virginius s'ils ne se soumettent à la décision du sénat, ils les
la plus grande partie, Sergius en tête, n'arrêta sa feront conduire en prison. Alors Servilius Ahala,
fuite que sous les murs de Rome. Comme celui-ci prenant la parole « Tribuns du peuple, dit-il,
rejetait tous les torts sur son collègue, on crut de- s'il n'était question que de vous et de vos mena-
voir rappeler Virginius; et, dans l'intervalle, le ces, j'éprouverais volontiers si vous auriez plus
commandement fut donné aux lieutenants. L'af- de résolution pour les soutenir que vous n'avez de
faire fut immédiatement traitée au sénat, et ce droit à vous les permettre. Mais ce serait un crime
fut entre les deux rivaux à qui chargerait le plus de résister à l'autorité du sénat. Quant à vous,
son adversaire. Peu d'entre les sénateurs consi- cessez de chercher à vous rendre puissants à la fa-
dérant le bien public, la plupart penchaient pour veur de nos querelles ou mes collèguesferont ce
l'un ou l'autre, selon qu'ils y étaient déterminés que le sénat demande, ou, s'ils s'opiniâtrentdans
par leurs affectionspersonnelles. leur refus, je nommerai un dictateur qui saura
IX. Les plus sages du sénat, sans vouloir déci- bien les forcer à obéir. u Ce discours de Servilius ob-
der si, dans cette déroute ignominieuse, les géné- tint l'assentiment général, et le sénat se réjouit
raux avaient été coupables ou seulement malheu- que, sans recourir à cet épouvantail de la puissance
reux, proposèrent de ne point attendre le temps tribunitienne, on eût trouvé un moyen de ramener
ordinaire des élections, et de nommer sur-le-champ desmagistrats à l'obéissance. Les deux tribuns, n'o-
les nouveaux tribuns militaires qui entreraient en sant plus lutter contre le vœu général, procédèrent
exercice aux calendes d'octobre. Cet avis, adopté aux élections des tribuns militaires qui devaient
généralement, ne trouva point de contradicteurs; entrer en exercice aux calendesd'octobre, et n'at-
mais il révolta Sergius et Virginius, c'est-à-dire tendirent pas même ce jour pour abdiquer.

vatim Sergio inrisus inrestusque. Is, quum pleraque cas- propter quos pœnitere magistratuum ejus anni senatum
tella oppugnata, superatas munitiones, utrimque invehi apparebat, primo deprecari ignominiam. deinde inter-
hostem nuntiaretur, in armis milites tenuit; si opus fo- cedere senatusconsulto negare, se ante idus décembres,
ret auxilio, collegam dictitans ad se missurum. Hujus ar- solleunem ineundis magistratibus diem, honore abituros
rogantiam pertinaria alterius aequabat; qui, ne quam esse. Inter hæc tribuni plebis, quum in concordia homi-
npem ab inimico videretur petisse, vinci ab hoste, quam num secundisque rébus civitatis inviti silentium tenms-
ncere per civem, maluit. Diu in medio cmsi milites sent, feroces repente minari tribunis militum, nisi in
postremo, desertis munitionibus, perpauci in majora auctoritatc senatus esssent, se in vincula eos duci jussuros
castra, pars maxima atque ipse Sergius Romam perten- esse. Tum C. Servilius Ahala, tribunus militum Quod
derunt. Ubi quum omnem culpam in collegam inclinaret, ad vos attinet, tribuni plebis, minasque vestras na' ego
acciri Virgimum ex castris, interea præesse legatos pla- libenter experirer, quam non plus in bis juiis, quam m
cuit. Acta deinde in senatu res est, certatumque inter col- vobis animi, esset. Sed nefas est tendere adversus aucto-
legas maledictis. l'auci reipublicae, huic atque illi, ut ritatem seaatus. Proinde et vos desinite inter nostra cer-
quoique studium privatim aut gratia occupaverunt, ad- tainina locum injuriæ quaerere et collegæ aut facient,
sunt. quod censet senatus aut, si pertinacius tendent, dicta-
IX. Primores Patrum sive culpa sive infelicitate im- torem extemplo dicam qui eos abire magislratu cogat.»
peratorum tam ignominiosa clades accepta esset cen- Quum omnium assensu comprobata oratio esset gaude-
suere a Non exspectandum justum tempus comitiornm, rentque Patres, sine tribunicite polestatis terrioulis in-
sed extemplo novos tribunos mihtum creandos esse, qui ventam esse aliam vim majorem ad coercendosmagistra-
kaliendis octobribus magistratum occiperent. In quam tus; victi consensu omnium comitia tribunorum militam
sententriam quum pedibus iretur, ceteri tribuni militum habuere, qui kalendis oclobribus magistratum occipe-
mlnl contradiccro. At enimvero Sergius Virginiusque rent seque aute cam diem magistratu abdicavere
X. Ce nouveau tribunat militaire, avec puis- qu'elledurât plus longtemps; pour le moment l'on
sance de consul, le quatrième de L. Valérius Po- n'en avait que quatre à la fois, et il fallait, dans
titus, le troisième de Manius Æmilius Mamercinus, une seule levée, trouver quatre armées, et enrô-
le second de Camille, et de Cnéius Cornélius Cos- ler au-dessous de seize ans et au-delà de cinquante.
eus, le premierde K. Fabius Ambustuset de Lucius Déjà on ne faisait plusaucune distinction de l'hiver
Julius Julus, fut marqué par beaucoup d'événe- et de l'été, dans la crainte que ce malheureux peu-
ments, tant au dehors qu'au dedans. Au dehors, les ple n'eût un instant de relâche; et voilà qu'on fi-
guerres se multiplièrent; on eut à combattre à la nissait par le surchargerd'impôts; en sorte qu'au
fois et Véies et Capène, et Faléries, sans compter moment où il rentrait dans ses foyers, épuisé de
les Volsques sur qui l'on voulait reprendre Anxur. fatigue, de blessures et chargé d'années, trouvant
Au dedans la levée du tribut et l'enrôlement des dans la ruine la plus complète son misérable hé-
troupes excitèrent de la fermentation; on se que- ritage, privé si longtemps des regards du maître,
rella pour une nomination irrégulière des tribuns il lui faudrait encore trouver dans le délabrement
du peuple, et le procès des deux tribuns militai- de sa fortune de quoi satisfaire aux impôts qui
res de l'année précédente n'agita pas encore mé- l'accablaient; ainsi ce don prétendu de la solde
diocrement les esprits. Le premier soin des tri- n'était au fond qu'un prêt usuraire, qu'il faudrait
buns militaires fut de pourvoir à de nouvelles rendre à la républiqueavec d'énormes intérêts. »
levées; et l'on ne se borna point à enrôler les jeu- Au milieu de ces grandes affaires de l'enrôlement,
nes gens; ceux même qui avaient passé l'âge du de l'impôt, et les esprits étant occupés d'ailleurs
service furent obligés de s'inscrire pour la garde de soins plus importants, on ne put compléter le
de Rome. Mais plus on augmenlait le nombre des nombre des tribuns du peuple aux élections. Les
soldats plus il fallait d'argent pour leur solde et patriciens entreprirent alors de faire remplir les
l'on ne pouvait se le procurer que par un impôt places vacantes par ceux qui étaientdéjà nommés,
que ceux qui restaient à Rome payaient avec d'au- et essayèrent de se faire nommer eux-mêmes. Ne
tant plus de regret que, chargés de la défense de la pouvant gagner ce dernier point, ils obtinrent du
ville, ils avaient à supporter une corvée mili- moins, ce qui était une véritable atteinte à la loi
taire, et contribuaientainsi doublement à la chose Trébonia que le nombre des tribuns fût complété
publique. Ces charges n'étaient que trop pesantes comme ils l'avaient proposé, et ils firent tomber
en elles-mêmes et les vociférations séditieuses le choix sur Caïus Lacérius et Marcus Acutius,
des tribunstendaientà les faire trouver encore plus leurs créatures.
rudes. Ils accusaient les patriciens « de n'avoir XI. Le hasard fit que parmi les tribuns de cette
imaginé la solde que pour épuiser une partie du année il se trouvait un Trébonius; il crut devoir
peuple par la guerre, et l'autre par l'impôt; une à sa famille et à son nom de prendre la défense
seule guerre durait depuis plus de trois ans, d'une loi qui était l'ouvrage d'un de ses aïeux.
et l'on y faisait à dessein faute sur faute, afin Il s'écriait que si
l'on avait repoussé une pre-

X. L. Valerio Potito quartum, M. Furio Camillo ite- pirtem tributo conficerent. Unum bcllum annum jam
rum, M. Æmilio Mamercino tertium Cn. Cornelio tertium trahi, et consulta mâle geri, ut diutius gerant.
Cosso iterum, K. Fabio Ambusto, L. Julio Julu, trihu- In quatuor demde bella uno delectu exercilus scriptos
nis mililum conbulari potestate, multa dumi militaæque et pueros quoque ac senes exlractos. Jam non æstatis nec
sesta. Nam et belluiu multiplex fuit eudem tempnre, ad biemis discrimen esse, ne ulla quies unquam miseræ
Veius, et ad Capenam, et ad Falerius, et in Volscis, ut plcbi sit; quæ nuuc etiam vectigalis ad ultimum facta sit,
Auxur ab hoslibus recuperaretur et Romæ simul de- ut, quum confecta labore, valneribus, postrenio ¡plate
lectu, simul tributo confereudo, laboratum est; et de corpora retulerint, incultaque omnia diutino dommorum
tribunis plebei cooptandis contentio fuit: et haud parvum desiderio doua invenerint, tributum ex alfec.a re fami-
mutuin duo judicia eoruin qui paulio aute consulari po- liari pendant, æraque militaria, velut fœnore accepta,
testate fueraut, excivere. Omnium priuium tribunis mi. multtplicia rerpublicæ reddant. »Iuter delectum tribu-
htum fuit, delectum haberi; nec juniores modo conscripti, tumque, et occupatos animos majorum rerum curis,
sed senioes etiam coacti nomina dire, ut ni bis custo- comitiis tribunorum piebis numerus expleri nequiit. Pu-
diain avèrent. Quantum autem augebatur milrtmn nu- gnatum inde, in loca vacua ut patricii cooptarentur.
merus, tauto majore pecuma in stipendium opus esat: Postquam obtineri non poterat, tameu lahefactandæ legis
eaque tributo couferebatur, invitis conferentibus, qui Treboniæ causa cffectumest, ut cooptarentur tribuni ple-
domi remanebant, quia tuentibus urbem opera quoque bis C. Lacerins et M. Acutius, haud dubie patriciorum
militari laborandum, serviendumque reipublicæ erat. opibus.
Haec per se gravia indigniora ut videreniur, tribuni ple- XI. Fors ita tulit, ut eo anno tribnnus plebis Cn. Tre-
bis scdiliosis concionibus aciebant; «Ideo æra militibus bonius esset, qui nomiui ac lamdiæ dcbitum præstare
constituta esse arguendo, ut plebis partem militia videretur Treboniæ legis patrocinium. Is, «quud petis-
mièro attaque de quelques patriciens, les tribuns de poursuivre la juste vengeance de tant de mal-
militaires n'en avaient pas moins consommé leur heurs publics et de tant de calamités personnelles.
invasion; que la loi Trébonia était renversée, et Pouvaient-ils, en effet, ne pas regarder Sergius et
que les tribuns du peuple venaient d'être élus, Virginius comme les auteurs de tous leurs maux;
non plus par les suffrages de leurs concitoyens, et les charges des accusateurs étaient-elles plus
mais par la voix de leurs collègues et sur un fortes que les aveux des prévenus qui coupables
ordre des patriciens si l'on souffrait un pareil tous deux, rejetaient leur faute l'un sur l'autre,
attentat, il faudrait s'attendre à n'avoir plus dé- Virginius accusant Sergius de lâcheté et celui-ci
sormais que des patriciens ou des satellites de pa- reprochant à Virginius sa trahison? Certes il y
triciens pour défenseurs de la liberté du peuple; avait dans leur conduite une si incroyabledémence
c'était là lui reprendre tous les droits qu'il avait qu'on ne pouvait raisonnablement l'expliquer
conquis sur le mont Sacré; c'était anéantir le tri- qu'en supposant un pacte secret et une conspi-
bunat. » Tout en inculpant les manœuvres des pa- ration de tous les patriciens. N'était-il pas vrai-
triciens, Trébonius n'éclatait pas moins contre la semblable, en effet, que ceux-là qui, précédem-
connivence de ses collègues, l'appelantune infâme ment, à dessein de perpétuer la guerre, avaient
trahison. Comme ces déclamations excitaient la ménagé aux Véiens l'occasion de brûler tous les
haine non-seulement contre les patriciens, mais ouvrages, étaient les mêmes qui, depuis, avaient
contre tous les tribuns indistinctement,tant ceux sacrifié l'armée, et livré aux Falisques le camp
qui avaient prêté la main à cette violation de la des Romains? Et tout cela aGn qu'une brave jeu-
loi, que ceux qui en avaient profité, trois d'entre nesse se consumât éternellementsous les murs de
eux, l'ublius Curiatius, Marcius Métilius et Marcus Véies, et que les tribuns fussent dans l'impuis-
Minucius, imaginent, pour se sauver, de perdre sance de procurer au peuple des terres et d'autres
Sergius et Virginius, tribuns militaires de l'année établissements avantageux, leurs projets n'étant
précédente, et les traduisent devant le peuple. En plus soutenus par ce concours nombreux qui seul
donnant un autre cours à sa haine et à ses ven- pouvait contrebalancer la ligue patricienne. Déjà
geances,ils parviennent, en effet, à détourner l'o- les accusés avaient été jugés d'avance, et par le
rage qui grondait sur leur tête. Flattant toutes sénat et par le peuple romain, et par leurs propres
les préventions populaires,et contre l'en rôlemen collègues. Un décret du sénat les avait écartés de
et contre l'impôt, et contre la continuité du ser- l'administration des affaires publiques; sur leur
vice, et contre la prolongation de la guerre; ai- refus d'abdiquer, leurs collegues les avaient me-
grissant les douleurs de ceux qu'intéressait plus nacés d'un dictateur, et le peuple romain avait
parliculièrement le désastre de Véies, et qui avaient nommé d'autres tribuns, qui, sans attendrel'épo-
à pleurer la mort ou d'un Os, ou d'un frère, ou que ordinaire des ides de décembre, étaient en-
d'un proche, ou d'un allié; ils se vantent d'être trés en exercice dès les calendes d'octobre, parce
les seuls qui, en livrant deux têtes coupables au que la république était en péril tant que ceux-ci
tribunal du peuple, lui eussent donné les moyens resteraient en place. Et cependant, avec une répu-

sent Patres quidam, primo incepto reaulsi, tamen tri- nioque causas esse nec id accusatorem migis arguere
buuos militum expugnasse,»vociferans, «legem Trebo- quam fateri reos: qui, nom ambo, alter in alterum
uiam sublatam, et cooptatos tribunos plebis non suffra- causam couferant, lugam Sergii Virgiuius, Sergiu. pro-
giis populi, sed imperio patriciorum; et eo revolvi rem, ditionem increpans Virginii. Quorum adeo incredibilem
ut aut patricii, aut patriciorum asseclæ habendi tribuni amentiain fuisse, ut multo verisimiliussit, compacto eam
plebis sint ei-ipi sacratas leges, extorqueri tribuniciam rem et communi fraude patriciorum actam. Ab bis et
potestatem; id fraude patriciurum scelere ac proditione prius datum locum Veientibus ad incendenda opra, belli
collegarum factum arguere. Quum ardereut invidra trabendi causa; et nunc proditum exercitum, tradita
non Paires modo, sed etiam tribuui plebis, coiptati pa- Faliscis romana castra. Omnia fieri, ut cunsenescat ad
riter, et qui cooptaveraut; tum ex collegio tres, P. Cu- Veiosjuvenlus, nec de agris ncc de aliis commodis plehis
riatius, M. Metilius, et M. Minucius, trepidi rerum sua- ferre ad populum tribuni, frequentiaque urbana cele-
rum, in Sergium Virginiumque, prioris anni trihunos brare actiones, et resistere conspirationipatriciorum pos-
militares, incurrunt in eos ab se iram plebis invidiam- sint. Praejudioum jam de reis et ab senatu et ab populo
que, die dicta avertunt. « Quibus delectus, quibus tri- romano et ab ipsorum collegis factum esse. ram et se-
butum, quibus diutina militia longinquitasque belli bit uatuscousulto eos ab republica remotos esse et recusan-
gravis, qui clade accepta ad Veios dolcant qui amissis tes abdicare se magistrats, dictatoris mctu ab collegit
hberis, fratribus, propinquis, affinibus, lugubres domos coercitos esse et populum romanum tribunos créasse,
halreaut iis publici privatique doloris exsequendi juspo- qui non idibus decembribusdie sollenni, sed extemploka-
testatemque ex duobus noxiis capitibus datam ab se » me- lendis octobribus magistratum occiperent, quia store
motant. « Omnium namque malorutu iu Sergio Yirgt- diutrus respubhca, lus mancutibus in magistratu, non
talion si flétrie, et déjà condamnés d'avance, ils nius eût supplié ses concitoyensde ne pas lui être
osaieut se présenter au jugement du peuple; ils se plus contraires que l'ennemi. La colère publique,
croyaient hors de péril et suffisamment punis pour détournée sur eux, oublia ce qui s'était passé
être redevenus simples citoyens deux mois plus dans l'élection des tribuns et les atteintes portées
tôt; et ils ne songeaient pas qu'on avait moins à la loi Trébonia. Les tribuns vainqueurs, pour
voulu leur infliger une peine que leur ôter lepou- récompenser le peuple sans délai de son juge-
voir de nuire plus longtemps, puisqu'on avait ment, proposent une loi agraire, et empécheut
aussi destitue leurs collèguesqui, certes, n'étaient la levée du tribut; cela dans un moment où l'on
pas coupables comme eux. Mais les Romains au- avait besoin d'argent pour la solde de plusieurs
raient-ils donc oubliél'impression d'horreur qu'ils armées, et lorsque Rome, malgré le succès de
éprouvèrent au moment de cet affreux désastre, ses armes, ne voyait encore dans aucune guerre
lorsqu'ils virent tomber aux portes de Rome l'ar. l'accomplissement de ses espérances. A Véies, le
mée entière, haletante dans sa fuite précipitée, camp, qu'on avait perdu fut repris et l'on y éta-
palpitantede frayeur, toute sanglante de blessures, blit, pour le défendre, des forts et des garnisons.
ne s'en prenant ni à la fortune ni aux dieux, mais Il était commandé par les tribuns militaires
seulement à ces indignes chefs que le peuple voyait M. Émilius et K. Fabius. M. Furius chez les Fa-
devant lui? Quant à eux, ils tenaient pour certain lisques, et Cn. Cornélius, chez les Capénates, ne
que de tous les hommes qui composaientl'assem- rencontrèrent pas un ennemi hors des murs con-
blée, il n'y en avait pas un seul qui, ce jour-là, tents de faire du butin de brûler les métairies
n'eût chargé d'imprécations Sergius et Virginius, et les récoltes, de dévaster la campagne, ils n'at-
et appelé le courroux du ciel sur leur tête, leur taquèrent, n'assiégèrent aucune ville. Chez les
famille et leur fortune. Conviendrait-il, après Volsques, après avoir ravagé le pays, on attaqua
avoir invoqué contre ces coupables la colère des Anxur, sans succès, à cause de l'escarpement de
dieux, de ne pas exercer contre eux, aujourd'hui la place et, n'ayant pu l'emporter de vive force,
que le peuple en avait le droit, une vengeance on commença à l'entourer d'un retranchementet
que ces mêmes dieux mettaient en son pouvoir? de fossés. Cette campagne était échue à Valérius
Jamais le cicl ne se chargeait lui-même de la pu- Potitus. Telle était la situation de nos armes,
nition des criminels; il se contentait de préparer quand une sédition intestine s'éleva plus mena-
les moyens de la vengeance et d'en armer les res- çante que la guerre elle-même; et, comme les tri-
sentiments de l'offensé. » buns s'opposaient à ce qu'on acquittât le tribut,
XII. Animé par ces discours, le peuple con- que les généraux ne recevaient point d'argent,
damna les accusés à dix mille livres pesant de et que le soldat réclamait hautement sa solde il
cuivre, quoique Sergius eût accusé la chance des s'en fallut de peu que la contagion des séditions
batailles et le caprice de la fortune, et que Virgi-il- intérieures ne gagnât le camp. Au railieu de ces

posset. Et tamen eos, tot judiciis confossos praedamuatos- contra legem Trehoniamfactæ, memoriam obscuram fe-
que, venire ad populi judicium; et eiistimare, defun- cit. Victores tribuni, ut pre'sentem mercedem judicii
etos se esse, satisque pænarum dedisse, quod duohus plebes baberet, legem agrariam promulgaut, tributum-
memsibus cilius privati facti sint neque intelligere, no- que conferri prohibent quum tut exercitibus stipendia
cendi sibi diulius tum potestatem ereptam esse, non pœ- opus esset, resque militiæ ita prospere gerei entur, ut
nam irrogatam; quippe et collegis abrogatumimperium, nullo bellovenireturad exitum spei. Namque Veiiscastra,
qui certe nihil dcliquissent. Illos repeterent animosQui- quæ amissa erant, recuperata castellis præsidisque rir-
rites quos receuti clade accepta habuisseut, quum fuga mantur. Prteerant tribuni militum M. Ænulius et K.Fa-
trepidum, plenum Tulnerum ac pavore incidentem portis bius. M. Furio in Faliscis et Cn. Cornelio in capenate
exercitum viderint, non fortunam aut quemquam deo- agro hostes nulli extra mœnia inventi prædæ actæ, in-
rum, sed hos duces accusantem. Pro certo se habere, cendiisque villarum ac frugum vastati fines oppida nec
neminem in concione stare, qui illo die non caput, do- oppugnata, nec obsessa sunt. At in Volscis, depopulatu
mum, fortunasque L.Virginii ac M. Sergii sit eisecratus agro, Anxur nequicquam oppugnatum, loco alto situm;
detestatusque. Minime convenir, quibus iratos quisque et, postquam vis irrita erat, vallo fossaqueobsideri cœp
deos precatus sit in üs sua potestate, quumiiceatet opor- tum. Valerio Putito Volsci provincia evenerat. Iloc statu
teat, non uti. Nunquam deos ipsos admovere nocenlibus militarium rerum seditio intestina malore mole coorta,
manns satis esse, si occasioneulciscendi taesos arment. » quam bella tractabantur. Et, quum tributum conferri
XII. His orationibus incitata plebs deuis millibus aeris per tribunos non posset, nec stipendium imperatoribus
gravis reos condemnat,nequicquam Sergio Martem com mitleretur, æraque militaria flagitaret miles, haud pro-
munem belli fortunamque accusante, Virginio depre- cul erat, quin castra quoque urbanæ seditionis contagione
cante, ne infelicior domi, quam mililiae, esset. In hos turbarentur. Inter has iras plebis in Patres, quum tri-
verisa ira populi cooptatioms tribunorum, fraud sque bum plebis nunc illud lempus esse dicerent stabilienlai
mécontentements du peuple contre les patriciens, Tibre furent suspendues; cependant des approvi-
lcs tribuns du peuple ne cessaient de dire: «Qu'il sionnements considérables ménagés d'avance,
était temps enfin d'affermir la liberté, et de trans- permirent de ne point hausser le prix des vivres.
mettre à des plébéiens, hommes de tête et de La magistraturede P. Licinius, commencée etache-
cœur, les honneurs suprêmes qu'on avait enlevés vée sans troubles, ayant donné beaucoup de joie au
aux Sergius et aux Virginius. Mais, malgré leurs peuple, sans trop déplaire aux patriciens, chacun
efforts, le peuple ne put faire plus pour établir se laissa prendre au charme de nommer des plé.
son droit, que nommer un plébéien, P. Licinius béiens aux prochaines élections des tribuns mili-
Calvus, tribun militaire avec puissance de consul. taires. Un seul, parmi les candidats patriciens,
Les autres, tous patriciens, étaient P. Ménius, M. Yéturius, ne fut point repoussé; les plébéiens
L. Titinius, P. Mélius, L. Furius Médullinus, eurent les autres places le choix presque una-
L. Publilius Volscus. Le peuple s'étonnait d'a- nime des centuries nomma tribuns militaires avec
voir tant obtenu et le plébéien nommé, étran- puissance de consuls M. Pomponius, C. Duilius,
ger jusque-là aux fonctions publiques ancien Voléro Publilius, Cn. Génucius, L. Atilius. Après
sénateur, et déjà vieux, n'était pas moins sur- un hiver rigoureux l'intempérie du ciel, et les
pris. On ne sait trop pour quel motif il fut brusques variations de l'atmosphère, ou toute
appelé, de préférence à tout autre, à goûter les autre cause, amenèrent un été pestilentiel et fu-
prémices de cette dignité nouvelle. Selon les neste à tous les êtres vivants. Comme on ne voj ait
uns, ce qui lui valut cet honneur, ce fut le cré- ni motif ni terme à ce mal incurable, en consé-
dit de Cn. Cornélius, son frère, qui, tribun quence d'un sénatus-consulte on eut recours aux
militaire l'année précédente avait donné triple livres sibyllins. Les duumvirs, chargés des céré-
solde à la cavalerie; selon d'autres, il en l'ut monies sacrées, tirent, pour la première fois, un
redevable à des paroles de réconciliation entre lectisterne dans la ville de Rome; et, pendant huit
les ordres qu'il avait fait entendre à propos, et jours, pour apaiser Apollon, Latone et Diane,
qui avaient flatté également les patriciens et le Hercule, Mercure et Neptune, trois lits demeu-
peuple. Les tribuns du peuple, tout fiers de cette rèrent dressés dans le plus magnifique appareil.
victoire des comices, cessant d'entraver la marche Les particuliers célébrèrent aussi cette fête solen-
des alfaircs consentirent au tribut il fut perçu nelle dans toute la ville on laissa les portes
sans murmures et envoyé à l'armée. ouvertes, et l'on mit à la portée de chacun l'usage
XIII. Anxur fut bientôt repris sur les Volsques, commun de toutes choses tous les étrangers,
un jour de fête où la garde de la ville avait été connus ou inconnus, étaient invités à l'hospita-
négligée. Il y eut cette année un hiver extraordi- lité on n'avait plus même pour ses ennemis que
nairement glacial et neigeux à tel point que les des paroles de douceur et de clémence on re-
communications des routes et la navigation du nonça aux querelles, aux procès; on ôta aussi,

libertatis, et ab Scrgiis Virginiisque ad plebeios viros quia P. Licinius, ut ceperat haud tumultuose magistra-
fortes ac strenuos transferendi summi honoris; non ta- tum, majore gaudio plebis, quam indignatione Patrum,
men ultra processum est, quam ut unus ex plebe, usur- ita etiam gessit; dulcedo invasit proximis comitiis tribu-
pandi juris causa, P. Liciuius Calvus tribuuus militum norum mditum plebeios creandi. Unus M. Veturius ex
consulari potestate crearetur ceteri p itricii creati P. Mæ- patriciis candidatis locum tenuit plebeios alios tribunos
nius, L. Titnius, P. Mælius, L. Furius Medullinus, militum consulari potestate omnes fere centuriædixere,
L. Puhlilius N olscus. Ipsa plebes mirahatur, se tantam M. Pomponium, C. Duiliuin, Voleronem Pubhhum,
rem obtinuisse; non is modo, qui creatus erat, vir nullis Cn. Genucium L. Atilium. Tristem hiemem sive ex
ante honoribus usus, velus tantum senator, et ætate jam intempérie cœli, raptim mutatione in contrarium facta,
gravis. Nec satis consiat, cur primus ac potissimus ad sive alia qua de causa, gravis pestilensque omuibus ani-
novum detibandum honorem sit habitus. Alii Cn. Cor- malibus xstas eicepit culus insanabili pernicie quando
nelii fratris, qui tribunus militum priore auno fuerat, nec causa nec finis inveniebatur, hbri Sibyllini ex sens-
triplexque stipendium equitibus dcderat, gratia extra- tuscousulto aditi sunt. Duumviri sacris faciundis lectis-
ctum ad tantum lumorem credunt alii orationem ipsum ternio tune primum in urbe romana facto, per dies octo
tempestivam de concordia ordmum, Patribus plebique Apollinem Latonamque, Dianam etHerculem, Mercu-
gratam, habtisse. flac victoria cumitiorum exsultantes rium atque Neptuuum tribus, quam amplissime tum ap-
tribum pleins, qued maxime rempubhcam impediebat, parari poterat, stratis lectis placavere. Privatim quoque
de tributo remiserunt. Collatum obedienter, missumque id sacrum cciebratum est. Tota urbe patentibus jauuis,
ad exercitum est. 1 promiscuoque usu rerum omnium in propatulo po,ito,
XIII. Anxur in Volscis brevi recepum est, neglee'is notos ignotosque passim advenasin hospitium ductos fe-
die festo custodiis urbis. lnsignis annus hienie gelida ac runt; et cum inimicis quoque benigne ac comiter sermo-
uivosa fuit, adeo nt viæ clausæ, Tiberis innavigahilis nes bahitos jurgiis ac litibus temperatum; viuchs quoqus
fuerit. Annona ei ante convrecta copia mial mutavit. Lt dempta in eos dies vincula; religioni deinde fuisse, qui-
durant ces jours, leurs chaînes aux prisonniers, voyaient sur le point, non pas seulement de par-
et depuis on se fit scrupule de remettre aux fers tager avec le peuple, mais de perdre l'autorité
ceux que les dieux avaient ainsi délivrés. Sur ces souveraine. Ils présentèrent donc à dessein aux
entrefaites, l'alarme arriva de tous côtés à la fois suffrages les personnages les plus considérables,
au camp de Véies, par suite de la réunion de trois persuadés qu'on n'oserait les repousser puis
guerres en une seule car les Capénates et les Fa- agissant ew-mêmes comme si chacun d'eux eût
lisques, revenus brusquement au secours des été candidat, ils mirent tout à profit, les hom-
Véiens, investirent les retranchements comme la mes et les dieux, invoquant contre les comices
première fois; ce qui fit trois armées contre les- des deux dernières années l'autorité de la reli-
quelles ou engagea une bataille très-disputée. gion o La première anuée, un cruel hiver avait
Avant tout, on mit à prolit le souvenir de la paru comme un présage sinistre. L'année sui-
condamnation de Sergius et de Virginius. Ce fut vante, aux menaces succédèrent les effets les
du camp principal, dont l'inaction avait été na- champs et la ville furent envahis par une peste,
guère si funeste que sortirent les troupes qui preuve éclatante du courroux des dieux; et, pour
après un léger détour, vinrent assaillir par en délivrer Rome, il fallut apaiser le ciel, suivant
derrière les Capénates, occupés à l'attaque des les révélations des livres du destin. Dans ces comi-
retranchementsromains. Ainsi commença le com- ces, que les auspices avaient consacrés, les dieux
bat les Falisques eux-mêmes s'effrayèrent et n'avaient vu qu'avec colère les honneurs livrés au
s'ébranlèrent, lorsqu'une sortie du camp, faite à peuple et les différences entre les ordres confon-
propos, acheva leur déroute les vainqueurs dues. » Grâce à la majesté des caudidats et aux scru-
les poursuivirent et en firent un immense car- pules religieux qu'on avait semés dans les esprits,
nage. Bientôt après, même, des fourrageurs ro- des patriciens seuls, et presque tous déjà faits
mains qui dévastaient le territoire de Capènes, aux honneurs, furent nommés tribuns militaires
ayant, par hasard, rencontré les débris dispersés avec puissance de consuls L. Valérius Potitus
de cette armée, les anéantirent. Nombre de éiens, pour la cinquième fois; M. Valérius Maximus,
qui se réfugiaient chez eux en désordre, furent M. Furius Camille et L. Furius Médullinus,
tués aux portes de leur ville les habitants, crai- tous deux pour la troisième; Q. Servilius Fidéuas
gnant que les Romains ne pénétrassent dans la et Q. Sulpicius Camérinus, tous deux pour la
place avec les fuyards, refermèrent les portes sur seconde. Sous leur tribunat, il n'y eut poiut d'é-
les soldats de l'arrière-garde. vénement remarquable au siège de Véies; toute
XIV. Tels furent les événements de cette anuée. la force de nos armes se montra dans les déva-
Et déjà approchaient les élections des tribuns mi- stations. Deux habites géuéraux, Potitus et Ca-
litaires, lesquelles inquiétaient peut-être plus les mille, rapportèrent, l'un de Faléries, l'autre de
patriciens que la guerre elle-même car ils se Capènes, un immense butin; ils n'avaient rien

bus eam opem dii tulissent, vinciii. Intérim ad Veios ad petendum, quos præereundi verecundiam crederent
terror multiplex fuit; tribus in unum bellis collatis. Nam- fure, nihilo minus ipsi perindc ac si omnes candidats es-
que eodem, quo antea, modo circa munimenta, quum sent, cuucta experientes, non bomines modo, sed deos
repente Capenates Falisciquesubsidioveuissent, adversus etiam, excipiebant; in religionem vertentes comitia bien-
très exercitus ancipili prœlio pugnatum est. Aute omuia uio habita « priore anno intolerandam biemem prodigiis
adfuvit memoria damnatioms bergii ac Virgiuti. liaque que divinis similem coortam proximo non prodigta, sed
e majoribus castris, unde antea cessatum fuerat, brevi jam eveutus, pestileniam agris ut-bique illatam haud du-
spatio circumductæ copiæ Capenales, in vallum roma- bia ira deum quos pestis ejus arcendæ causa placandus
num versos, ab tergo aggrediuntur. Inde pugna cæpta esse, iu lilnis fatalibus inventum bit. Comitiis, auspicalo
et Faliscis intulit lerrorem, trepidantesque eruplio ex cas- quæ fierent, indignum diis visum honores vulgari, dis-
tris opportuue facta avertit. ltepulsos deinde insecuti criminaque gentium confundi. » Præterquam majestale
victores ingeutem ediderunt ca'dem. hec ita multo post petentium, religione etiam attoniti homiues patricios om-
jam palaotes, veluti forte oblati, populatores Capenatis nes, partem magnam honoralissimum quemque,tribunos
agri reliquias pugnae absumpsere et Veientium refugien- militum cousulari potebtate creavere, L. Valerium Poti-
tes in urbem multi ante portas cæsi, dum præ melu, ne tum quiutum, M. Valerium Maximum, 11t. Furium Ca-
simul Romanus irrumperet, objectis foribus extrenios millum tertium L. Furium Medullinum tertium, Q. Ser-
tuorum exclusere. vilium Fidenatem iterum, Q. Sull»cium Camerinum
XIV. Hxc eo anno acta. Et jam comitia tribunorum iterum. His tribunis ad Veios nihil admodum memora-
mililum aderant, quorum prope major Patribus, quam bile actum est. Tota vis iu populaliouibusfuit. Duo summi
belli, cura crat; quippe nou commuuicatum modo cum imperatores, Potitus a Faleriis, Camillus a Capena,
plebe, sed prope amissum, ceruentibus summum impe- pra'das intentes egere, nulla iucolumi relicta re, cui
num, Itaque clarissimis viris ex composito præparatis fcrro aut igm noceri posset.
laissé debout, que le fer ou le feu eût pu détruire. sans armes et sans méfiance, le jeune Romain, plus
XV. Cependant on annonçait de nombreux pro- vigoureux, s'élança sur le faible vieillard, et
diges mais la plulrt furent reçus avec assez d'iu- l'ayant enlevé à la face de tous, malgré les mena-
crédulité et d'indifférence, soit parce qu'ils n'é- ces des Ltrusques, le transportaau camp. L'autre,
taient appuyés que par un seul témoignage, soit mené au général, fut envoyé à llome au sénat; et
parce que la guerre avec tes Étrusques éloignait là, interrogé sur le sens de ce yu'il avait dit tou-
les aruspices capables d'en diriger l'expiation. Un chant le lac d'Albe, il répondit que sans doute
seul attira l'attention générale un lac, dans la les dieux étaient irrités contre le peuple véien le
forêt d'Albe, s'accrut et s'éleva à une hauteur jour où ils lui avaient inspiré la pensée de révéler
extraordinaire, sans que l'on pût expliquer cet la ruine que les destins réservent à sa patrie. Il
effet merveilleux, ni par l'eau du ciel, ni par toute ne pouvait donc revenir aujourd'hui sur des pa-
autre cause naturelle. Pour savoir ce que les dieux roles qu'il avait prononcées par une inspiration
présageaient par ce prodige, on envoya des dé- de l'esprit divin et peut-être n'y aurait-il pas un
putés consulter l'oracle de Delphes. Mais un autre moindre crime à taire des choses que les dieux
interprète avait été placé plus près du camp par immortels veulent rendre publiques, qu'à divul-
les destins un vieillard de Véies, au milieu des guer celles qui doivent rester secretes. Ainsi les
railleries échangées entre les sentinelles romaines livres des destins et la science étrusque enseignent
et les gardes étrusques, chanta ces paroles d'un que lorsque les Romains auront épuisé le lac d'Al-
ton prophétique « Tant que les eaux du lac be, après une crue de ses eaux, la victoire leur
d'Aibe n'auront point disparu, le Romain ne sera sera donnée sur les Véiens; jusque-là les dieux ne
point maître de Véies. » On laissa d'abord tomber cesseront de protéger les remparts de Véies. » 11
ces paioles comme jetées au hasard; mais bientôt indiqua quelles solennités devaient accompagner
elles furent recueillies et commencèrent à se ré- le détournement des eaux. Mais son autorité ne
pandre. A la fin, comme la durée de la guerre parut ni assez importante ni assez sûre en si grave
avait établi entre les soldats des deux partis une matière; et le sénat décida qu'on attendrait les
certaine familiarité, un soldat des postes romains députés et la réponse de l'oracle pythien.
demanda au plus rapproché des gardes de la ville XVI. Avant que ces envoyés fussent revenus de
quel était l'homme qui avait émis ces paroles si ob- Delphes et qu'on eût trouvé les moyens d'expier
scures touchant le lac d'Albe. Ayant appris que c'é- le prodige d'Albe, les nouveaux tribuns militaires
tait un aruspice, ce soldat, dont l'esprit était reli- avec puissance de consuls entrèrent en fonctions:
gieux, sous prétexte d'un prodige qui l'intéressait c'étaient L. Julius Julus, L. Furius Médullinus,
personnellement, dit qu'il voudrait, s'il était possi- pour la quatrième fois, L. Sergius Fidénas, A. Pos-
ble, consulter le deviu, et l'attira ainsi à une en- tumius Régillensis, P. Cornélius Alaluginensis,
trevue. Lorsqu'ils furent allés tous deux à l'écart, A. Manlius. Cette année parurent de nouveaux

XV. Prodigia intérim multa nuntiari; quorum plera- mum, in conspectu omnium raptum, nequicquam tu-
que, et quia singuli auctores erant, parum credita spre- multuantibus Etruscis, ad suos transtulit. Qui quum per-
taque, et quia hostibus Etruscis, per quos ea procura- ductus ad imperatorem, iude Romam ad seuatum missus
reut, haruspices non erant. la uuum omn.um curæ verste esset, sciscitdntibus quidnam id esset, quod de lacu al-
suut, quod lacus iu albano oemore siue ullis cœlestibus bano docuisset, respondit: « Prorectoiralos deos veienti
aquis, causave qui al:a, quæ rem miraculo eximeret, in populo illo fuisse die, quo sibi eam mentem objecissent,
altitudinem iusolitam crevit. Quiduam eo dii porteude- ut excidium patriæ fatale proderet. Itaque, quæ tum ce-
rent prodigio, missi sciseitatum oratores ad Delphicum cinerit divino spiritu instinctus, ea se nec, ut iudicta siut,
oraculum sed propioriuterpres fatis oblatus senior qui- revocare posse et tacendo forsitan, quae dii immortales
dam veiens qui inter cavillantes iu statiouibus ac cus- vulgari velint, haud minus, quam celanda effando, nefas
tudus milites romanos etruscosque, vaticinantis in mo- contrahi. Sic igitur libris fatahbus, sic disciplina etrusca
dum cecinit, « Priusquam ex lacu alhano ayua emissa traditum esse, ut quaudo aqua albaua abundasset, lum,
foret, nunquam potiturum Veiis Romanum. » Quod si eam Romanus rite emisisset, victoriam de Veientibus
primo, velut temere jactum, sperni, agitari deinde ser- dari antequam id flat, deos mænia Veieutmm desertu-
mombus cœptum est; donec unns ex statiooe romana ros non esse. Exsequebatur inde, quae solleunis derma-
percunctatus proximum oppidanoi-um (jam per longin- tio esset. Sed auctorem levem, nec satis fidum super tanta
quitatem belli commercio sermonum facto), quisnam is re Patres rati, decrevere legatossorteaqueoraculipythici
esset, qui per ambages de lacu albano jaceret? postquam exspectandas.
audivit haruspicem esse, vir haud intacti religione animi, XVI. Priusquam a Delphis oratores redirent, albanive
causalus de privati portenti procuratione, si oper,r illi prodigü piacula invenirenlur, novi tribuni militum con-
esset consulere velle, ad colloquium vatem elicuit. sulari polestate, L. Julius Julus, L. Furius Medullinus
Quumque progressi ambo A suia longius essent inermes, quartum, L. SergiusFidenas, A. Postumius Regillensis,
une ullo metu, præyalens juvenis romanus senem mfir- P. Cornelms Maluginensis, A. Manlius, magistratum
ennemis, les Tarquinieus. Voyaut les Romains déjà les Romains, désespérant du pouvoir des hom-
occupés de tant de guerres à la fois, contre les mes, s'en remettaient aux destins et aux dieux,
Volsques à Anxur qu'on assiégeait encore, contre lorsque les députés revinrent de Delphes, rappor-
les Èques à Lavicum, dont la colonie romaine tant la réponse de l'oracle, conforme à celle du
était en péril, et contre les Véiens, les Falis- devin prisonnier. « Romain, garde-loi de retenir
ques et les Capénates; et sachant de plus que la l'eau d'Albe dans le lac; garde-toi de la laisser
paix ne régnait pas davantage dans la ville grâce suivre son cours et s'écouler dans la mer. Fais-la
aux dissensions des patriciens et du peuple l'oc- couler au travers de tes champs qu'elle arrosera,
casion leur parut belle peur nous outrager, et et qu'elle s'épuise divisée en ruisseaux. Après
ils envoyèrent leurs cohortes légères piller la cela, attaque hardiment les remparts ennemis,
campagne romaine. Les Romains, pensaient-ils, te souvenant que les destins, qu'on te révèle
laisseraient cette injure impunie, pour ne pas ici, te promettent la fin de ce long siège et la
se mettre sur les bras une nouvelle guerre, ou ruine de cette ville. La guerre terminee, porte,
ils la poursuivraient avec une armée peu nom- vainqueur, un riche présent à mes temples; et
breuse et nullement à craindre. Les Romains fu- que les cérémonies sacrées de ton pays, que l'on
rent plus indignés qu'effrayés des dévastations a trop négligées, soient par toi rétablies dans les
commises par les Tarquiniens, et la vengeance ne formes solennelles. »
leur coûta ni de grands efforts ni beaucoup de XVII. Dès ce moment, le devin prisonnier ob-
temps. Comme les tribuns du peuple s'opposaient tint une grande considération, et les tribuns mi-
à toute levée régulière, A. Postumius et L. Julius litaires, Cornélius et Postumius, lui confièrent le
rassemblèrent, à force d'encouragement et d'in- soin d'expier le prodige d'Albe, et d'apaiser dû-
stances, une poignée de volontaires, traversèrent, ment les dieux. On finit par découvrir que la né-
par des chemins détournés, le territoire de Céré, gligence des cérémonies et l'interruption des so-
et tombèrent sur les Tarquiniens qui revenaient lennités dont se plaignaient les dieux tenaient à
du pillage tout chargés de butin. Ils en tuent un ce que les derniers magistrats, irrégulièrement
grand nombre, enlèvent à tous leurs bagages, et, élus, n'avaient pas observé les formes prescrites
après avoir repris sur eux les dépouilles de leurs pour la célébration des fêtes latines et des rites
champs, retournent à Rome. Deux jours furent sacrés sur le montd'Albe. Il n'y avait qu'une seule
accordés au possesseur pour reconnaîtrece qui lui expiation, l'abdication des tribuns militaires,
appartenait le troisième jour tous les objets non la reprise de nouveaux auspices et l'établisse-
reconnus et la plupart appartenaient à l'ennemi) ment d'un interrègne. Tout cela se fit en vertu
furent vendus à l'encan et le prix en fut distribué d'un sénatus-consulte. Il y eut ensuite trois inter-
aux soldats. Les autres guerres, principalement rois L. Valérius, Q. Servilius Fidénas, M. Fu-
celle de Voies, se prolongeaient incertaines. Et rius Camille. Au milieu de ces événements, la ville

inierunt. Eu anno Tarquiniensesnovi hostes exorti. Quia Cetera bella, maximeque veiens, incerti exitut erant.
simul nmltis bellis, Volacorumad Anxur. ubi præsidium Jamque Romani, desperata ope humana, fata et deos
obsidebatur, Æquorum ad Lavicos, qui romanam ibi spectabant, quum legati a Delphis venernut, sortem ora-
culoniam oppuguabant,ad hoc veienti quoque et falisco culi afférentes, congruentem responso ceptivi vatis: Ro-
et capeuati bello occupatos videbant Romanos, nec intra mane, aquam albanam cave lacu contineri, cave in mare
muros quietiora negotia esse certaminibus Patrum ac manare suo flumine sinas emissam per agros rigabis,
plebis; inter hæc locum injurix rati esse, praedatumin dissipatamque rivis exstmgues. Tum tu il siste audax
agrum romanum cohortes expeditas mittunt. Aut enim hostium muris; memor, quam per tot annos obsides ur-
passuroi inultam eam injuriam Romanos, ne novo bello bem, ex ea tibi bis, quæ uunc panduntur, talis victoriam
se onerarent; autexiguo, eoque parum valido, exercitu datam. Bello perfecto, donum amplum victor ad mea
persecuturos.Romanis indignitas major, quam cura, po- templa portato sacraque patria, quorum omissa cura
pulatioms Tarquimensium fuit. Es nec magno conalu est, instaurata, ut assolet, facilo. »
suscepta, nec in longum dilata res est. A Postumius et XVII. Ingens inde haberi captivus vates cœptus. eum-
L. Julius non justo delectu (etenim ab tribunis plebis que adtuberetribuni militum Cornelius Pustumiusque ad
impediebantur), sed prope voluntariorum,quos adhor- prodigii albani procurakionem ac deos rite placandos cœ-
tando incitaverant, coacta manu, per agrum Ca'retem pere. Inventumque tandem est, ubi neglectas cærimonias
obliquis tramitibus egressi, redeunies a populationibus intermossumvesollenne dii arguereut; mhil profecto aliud
gravesque pra'da Tarquiniensesoppressere. Multos mor- esse, quam nwgistratus, vitio cieatos, Latinas sacrum-
tales obtruncant, omnes exuunt impedimenta et, recep- que in albano monte non rite roncepisse.Unam expiatio-
tisagrorum suorum spolis, Romam revertuutur. Biduum nem eorum esse, ut tribuoi mililum abdicarent se magis-
ad recogimscendas res datum dominis tertio iucognita tratu, auspicia de integro repeterentur, et interregnum
( erant autem ea pleraque hostium ipsorum) sub hasta iniretur. Ea ita facta sunt ex senalusconsulto. Interre-
vemcre; quoque iude redactum, millitisus est duist m. ges tres deinceps fuere, L. Velerius, Q. Servilius Fi
ne cessa pas un jour d'être agitée par Ies tribuns du réélus L. Tilinius, P. Ménius, P. Mélius, Cil, Gé-
peuple, qui s'obstinaient à s'opposer aux comices, nucius, L. Alilius. Avant les élections, avant l'ap-
tant qu'il n'aurait pas été convenu que « la majo- pel des tribus à leur rang, P. Licinius Calvus, avec
rité des tribuns militaires serait tirée du peuple.» la permission de J'interroi, parla ainsi: Ro-
Sur ces enlrefaites, les Étrusques tinrent une as- mains, je le vois, cette marque éclatante de sou-
semblée au temple de Voltumna; et comme les Ca- venir donnée à notre magistrature doit être pour
pénates et les Falisques voulaient que tous les peu- l'aunée qui va sui\ re un pré age de cette coiieoi de
ples de l'Étrurie réunissentleurs conseilset leurs ef- qui est si désirable dans les circonstances où nous
forts pour arracher Véies du péril, il fut répondu: sommes. Si vous réélisez mes collègues, qui ont
« Que cela avait été déjà refusé aux Véiens, parce pour eux de plus l'expérience, moi je ne suis p uslo
que, ayant agi d'abord sans demander conseil en même; je ne suis plus, vous le voyez, qne l'ombre
une chose de cette importance, ils n'étaient plus et le nom de P. Licinius les forces de mon corps
en droit de demander secours qu'aujourd'hui sont épuisées; j'ai perdu les sens de la vue et de
encore l'intérêt général voulait qu'on les refusât, l'ouïe; ma nrémoireclrancelle, et mon iutelligence
surtout dans celte partie de l'Étrurie où venait languit sans vigueur. Je vous présente ce jeune
de s'établir une peuplade inconnue, les Gaulois, homme, continua-t-il en montrautson fils, le por-
nouveaux voisins, avec qui on ne pouvait répondre trait, l'image de celui qui, le premier d'entre les
ni de la paix ni de la guerre que cependant, en plébéiens, obtint de vous le titre de tribun mili-
raison de la communauté d'origine et de nom, taire. Ce fils, que j'ai élevé dans mes principes,
et des dangers qui menaçaient un peuple sorti du je le donne et le consacre comme mou remplaçant
même sang, ou consentait à ne point retenir la à la république; et je vous conjure, Romains, de
jeunesse qui voudrait marcher volontairement à reporter sur lui cet honneurs que vous m'avez dé-
cette guerre. » La nouvelle arriva a Rome qu'un féré sans aucune demande de ma part, et que
grand nombre de ces volontaires s'étaient mis en vous ne refuserez pas à ses sollicitationsappuyées
marche, et, comme toujours, la crainte d'un de mes prières. » On accorda au père ce qu'il de-
commun danger apaisa quelque temps les discor- mandait son fils P. Licinius fut nommé tribun
des civiles. militaire avec puissance de consul, ainsi que ceux
XVIII. Les patriciens virent sans regret la pre- que nous avons nommés plus haut. 1'itinrus et Gé-
mière centurie nommer tribun militaire,sansqu'il nucius, tribuns militaires, partis contre les Capé-
eût brigué cet honneur, P. Licinius Calvus, per- nates et les Falisques, s'étant avancés avec plus
sonnage qui avait fait preuve de modération dans d'ardeur que de prudence, donnèrent dans une
sa première magistratureetqui d'ailleurs étaitd'un embuscade. Géuucius expia sa témerité par une
grand âge. Tout indiquait qu'après lui les autres mort glorieuse; il tomba aux premiers rangs à la
membres du collége de la même année allaient être tête des enseignes. Tilinius rallia sur une éminence

denas, M. Furius Camillus. Nunquam desitum irtprim P. Mænium, P. Mælium, Cu. Genucium, L. Atilium
turbari, comilia interpellantibns tribunis plebis, donec qui priusquam renuutiareutur, jure vocatis tribubus,
cuuveuisset prius, n Ut major pars tribunorum mililum permissu iuterregis P. Liciuius Cahus ita verba lecit
ex plebe crearetur. » Quæ dum aguntur, concilia Etruriæ Omen coucordix, Quirites, rei maxime iu hoc tempus
ad tanum Voltunmnæ habita, poslulantibusque Capenati- utili, memoria nostri magistratus vos his comitus petere
bus ac Faliscis, ut Veios commuai animo consilioque in insequentem annum video. Si collegaseosdem refici-
omnes Etruriae populi ex obsidione eriperent, respon- tis, etiam usu metiores factos, mejam non eundem, sed
sum est Autea se id Veientibus negasse, quia, unde umbram nomenque P. Licinii relictum videtis. Vires
cousilium non petissent super tanta re, auxilium petere corporis affecta', sensus oculurum atque aurium hebetes,
non deberent nunc jam pro se fortunam suam illis ne- memuria labat, vigor animi obtusus. Un vobis, inquit,
gare maxime in ea parte Etruriae. Gentem invisilatam, juvenem, filium tenens, effigiem atque imaginem ejus,
novos accolas Gallos esse, cum quibus nec pas satis fida, quem vos antea tribunum militum ex plebe primum fe-
nec bellum pro certo sit sanguini tamen nominique et cistis. Hunc ego, institutum disciphna mea, vicarium
præseutibus periculis consanguineorum id dari ut, si pro me reipublicæ do dicoque. Vosque quzeso, Quirites,
qui juventutis sus voluntate ad id bellum eant, non im- delatum mihi ultro honorem huic petemi. meisque pro
pediant.. Eum magnum advenisse hostium numerum, eo adjectis precibus, mandetis. » Datum id petenti patri;
fama Romæ erat; eoque mitescere discordiae intestinæ filiusque ejus P. Liciuius tribunus militum consulari po-
metu communi,ut fit. cœptæ. testate cum iis, quos supra scriptsimus, declaratus. Titi-
XVIII. Haud invitis Patribus P. Licinium Calvum nius Genuciusque tribuni untlitum, profecti adversus
prærogativa tribunum militum non petentem creant, Faliscos Capenatesque, dum bel um majore animo ge-
moderationis expertæ in priore magistratu virum cete- runt, quam consilio, præcip itavere in ins dias, Genucius,
rum jam tum exactæ ætatis omnesque deinceps ex col- morte honesta temeritatem luens, ante signa inter pri-
legio ejusdem anni refici apparebat L. Titinium, mores ceci lit. Titinius, in editum tumul im ex ntulta
ses soldats effrayés, et les rangea en bataille; tout autre. Il commence par punir, selon la cou-
toutefois il ne crut pas devoir se commettre avec tume militaire ceux qui dans la panique avaient
l'ennemi dans la plaine. Cet échec, où il y eut plus déserté le camp de Véies, et par là il obtint que
de honte que de dommage, faillit causer un grand la crainte de l'ennemi ne fût plus la première dans
désastre, tant il inspira de terreur, non-seulement l'esprit du soldat; puis, ayant fivé un jour pour la
à Rome où s'étaient répandus mille bruits, mais levée, il court à Véies, en attendant, raffermir
au camp devant Véies. Ce ne fut qu'à grand' le courage des troupes, de là il revient à Rome
peine qu'on empêcha le soldat de fuir, lorsque pour y lever une nouvelle armée, et nul ne
le bruit que les généraux et l'armée avaient été cherche à s'exempter du service. Les jeunes gens
taillés en pièces courut dans le camp, et que les du dehors eux-mêmes, les Latins et les Ilerniques,
Capénates et les Falisques, vainqueurs, appro- viennent lui proposer leur concours pour cette
chaient avec toute la jeunesse de l'Étrurie. A Rome, guerre le dictateur leur rend grâce dans le sénat,
l'alarme était encore plus vive on croyait que le achève ses préparatifs, et, autorisé par un séna-
camp de Véies avait été emporté d'assaut, et que tus-consulte, il fait vœu de célébrer les grands
l'ennemi marchait sur la ville. On courut sur les jeux après la prise de Véies, de dédier le temple
remparts, et les matrones, arrachées de leurs de Matuta mère qu'on avait relevé, et dont le
foyers par la terreur publique, firent des prières roi Ser. Tullius avait fait la première dédicace.
dans les temples on supplia les dieux de pré- Parti enGn avec son armée, en laissant la ville
server de la ruine les maisons, les temples de dans l'attente plutôt que dans l'espoir, il com-
la ville et les remparts de Rome, et de détourner mence par livrer bataille aux Falisques et aux
cette terreur sur les Véiens, en récompense de ce Capénates, qu'il rencontre sur le territoire de Ni-
que les cérémonies religieuses avaient été renou- pisie. La fortune seconda comme d'ordinaire des
velées et les prodiges expiés. mesures pleines d'habileté et de prudence après
XIX. Déjà on avait célébré les jeux et les fêtes avoir battu l'ennemi, il lui enleva son camp et
latines, l'eau du lac d'Albe s'était écoulée dans s'emparad'un immense butin; la plus grande partie
les champagnes, et les destinées de Véies allaient fut remise au questeur, on en laissa peu au soldat.
s'accomplir. M. Furius Camille qui était le Cela fait, il mena l'armée à Véies, où il augmenta
chef marqué par les destins pour le renverse- le nombre des redoutes et comme de fréquen-
ment de cette ville et le salut de sa patrie, est tes et inutiles escarmouches avaient lieu entre
élu dictateur, et nomme P. Cornélius Scipion la ville et le retranchement, il défendit de com-
maître de la cavalerie. Le général changé, toutes battre sans un ordre, et par là ramena les soldats
choses changèrent l'espoir, l'ardeur, revinrent au travail. De tous les ouvrages, le plus long et le
aux soldats; et la fortune même de la ville parut plus pénible était un souterrain qu'il faisait con-

trepidatione militibus collectis, acicm restituit; nec se Omnium primum in cos, qui a Veiis in illo pavore fuge-
tamen æquo loco bosti commisit. Plus ignominiae erat, rant, more militari animadvertit, effecitque, ne hostis
quam cladis, acceptum qux prope in cladem ingentem maxime timendus militi esset. Deiude, indicto delectu in
Nertit; tantum inde terroris non Romæ modo, quo mul- diem cerlam, ipse intérim Veios ad confirmandos mili-
tiplex fama pervenerat, sed in castris quo pue fuit ad tum animns intercurrit: inde Romamad scribendum no-
Veios. Ægre ibi miles retentus a fuga est, quum perva- vum exercitum redit, Dullo detrectante militiam. Pere-
sisset castra rumor, ducibus exercituque cæso, victorem firiua etiam juventus, Latini Hernicique, operam suam
Capenatem ac Faliscum Etruria'que omnem juventutem polliceutesad id bellum venere quibus cum gravas in
liaud procul iude abesse. flis tumultuosiora Romæ, jam senatu egisset dictator, satis jam omnribus ad id bellum
castra ad Veios oppugnari, jam partem liostium lendere paratis ludos magnos ex senatusconsulto vovit, Veiis
ad urbem agmine infesto, crediderant concursumque captis se facturum, ædemque Matutæ malris refectam
in muros est, et matrouarum quas ex domo conciverat dedicaturum, jam ante ab rege Ser. Tullio dedicatam.
publicus pavor, obsecrationes in templis factae preci- Profectus cum exercitu ab urbe exspectatione hominum
busque ab diis petitum, ut exitium ab urbis trctis tem- majore, quam spe, in agro primum nepesiuo, cum Fa-
plisque ac mœnibus romanis arcerent, Veiosque eum liscis et Capenatibus signa confert. Omnia ibi summa ra-
averterent terrorem, si sacra renovata rite, si procurata tione consilioque acta tor.una etiam, ut fit, secula esl.
prodipia essent. Non pr(rlio tantum fudit hostes, sed castris quoque exuit,
XIX. Jam ludi Latinæque instauratw erant; am ex ingentique praeda est potitus; cujus pars mazima ad quæ-
lacu albano aqua emissa in agros, Veiosque fata appete- storein redacta est haud ita multum militi datum. Inde
bant. Igitur fatalisdux ad excidium illius urbis servandæ- ad Veios exercitus ductus, deubioruque castella facta; et
que patriae, M. Furius Camillus, dictator dictus magis- a procursationibus,quæ multæ temere inter murum ac
trum equitum P. Cornelium Sopionem dixit. Omnia vallum Oebant, edicto, ne quis injussu pugnaret, ad
repente mutaverat imperator mutatus. Alia spes, alius upus milites traducti. Operum fnit omnium longe maxi-
animus homioum fortuna qooque alia urbis videri. mum ac laboriosissimum, cuniculus in arcem hostium
duirc sous la citadelle des ennemis ne voulant rapaces des citadins oisifs n'arracheront point à
pas d'mterruption dans cet ouvrage, et craignant de vaillants guerriers le prix de leurs travaux,
qu'un travail continuel sous terre n'épuisât les puisqu'il arrive d'ordinaire que ceux-là sont les
mêmes soldats, il partagea les travailleurs en moins empressés au pillage, qui marchent les
six troupes, qui se relevaient tour à tour de six premiers dès qu'il s'agit de fatigue et de danger.»
en six heures, et qui ne s'arrêtèrent ni jour ni Licinius répliquait « Que cette distribution d'ar-
nuit avant de s'être ouvert un chemin vers la cita- gent serait toujours suspecte et odieuse, et ne
delle. cesserait d'être un prétexte d'accusations devant
XX. Le dictateur, voyant dans ses mains la le peuple, de troubles et d'innovations séditieuses.
victoire, et qu'il était déjà maître de cette ville Le mieux était donc de se rattacher le peuple par
où il trouverait plus de butin qu'on n'en avait cette iargesse de lui venir en aide alors qu'il était
conquis dans toutes les autres guerres ensemble, appauvri, épuisé par les impôts de tant d'années;
craignit d'encourir ou la colère des soldats par un de sorte que les citoyens trouveraient dans ce
partage trop avaredu butin,ou la haine des patri- butin la récompense d'une guerre dans laquelle
ciens par un trop large abandon de ces richesses. ils avaient pour ainsi dire vieilli. Ils seraient plus
En conséquence il écrivit au sénat «Que, grâce à la joyeux et plus fiers de rapporter au logis le peu
bienveillance des dieux immortels, grâce à ses qu'ils auraient pris eux-mêmes et de leur maiu
efforts et à la constance des soldats Véies allait à l'ennemi, qu'à en recevoir beaucoup plus du
être bientôt au pouvoir du peuple romain que bon plaisir d'un autre. Le dictateur, pour ne pas
voulaient-ils qu'on fit du butiu? » Deux avis par- s'exposer à la haine et aux reproches,en avait ré-
tageaient le sénat; l'un, qui était du vieux P. Li- féré au sénat le sénat, à son tour, devait ren-
cinius, interrogé le premier, dit-on, par son fils, voyer l'affaire au peuple, et laisser chacun prendre
proposait « de publier par un édit, au nom de la ce que lui livreraient les chances de la guerre. »
république, que tous ceux qui voudraient une Cet avis, qui devait rendre le sénat populaire,
part du butin n'auraient qu'a se rendre au camp parut le plus sûr. En conséquence, un édit fut
de éies. L'autre était de Claudius il combat- publié par lequel il était permis à tous ceux qui
lait cette largesse comme inusitée, prodigue, iné- voudraient participer au pillage de Véies, de se
gale et imprudente; et si l'on regardait comme rendre au carnp, auprès du dictateur.
un crime de rapporter au trésor, épuisé par tant XXI. Une foule immense se rendit au camp
de gueries, cet argent pris à l'ennemi, il deman- qu'elle remplit tout entier. Alors le dictateur,
dait qu'on l'employât à la solde des troupes, afin sortant de consulter les auspices, et après avoir
de diminuer d'autant les impôts du peuple, « Les donné l'ordre de prendre les armes « C'est dit-
avantages d'un pareil don se feront sentir égale- il, sous ta conduite, Apollon Pythien, c'est sous
ment dans toutes les familles; les mains avides et l'inspiration de ta divinité que je vais détruire

agi cœptus. Quod ne intermilteretur opus, neu sub terra non avidas in direptiones manus otiosorum urbanorum
continuus labor eosdem conficeret, in partes sex muni- prærepturas fortium bellatorum præmia esse quum ita
torum numerum dnisit senae horæ in urbem operi attri- ferme evemat, ut segmor sil prædator, ut quisque labo-
butæ sunt nocte ac die nunquam ante omissum, quam rispericulique præcipuam petere partem soleat. » Licinius
iu arcem viam facerent. contra, «Suspectamet invisamsemper eam pecuniam fore,
XX. Dictator, qunm jam in manibus videret victoriam aiebat; causasque criminum ad plebem, seditiuuum inde
esse, urbem opulentissimam capi, tantumque prædæ ac legum novarum, pra-bituram. Satms igitur esse, re-
forte, quantum non omnibus in unum collatis ante bellis conciliari eo dono plebis animos; exhaustis atque exina-
fuisset; ne quam inde aut militum iram ex malignitate nitis tributototannorum succurri et sentire prædæ fruc-
prædæ partitæ, aut invidiam apud Patres ex prodiga tum ex eo bello, in quo prope consenuerint.Gratius id
largitione caperet, tireras ad senatum misit «Deum im- fore lædusque, quod quisque sua manu ex hoste captum
mortalium benigmtate, suis consiliis, patientia militum domum retulent, quam si multiplex alterus arbilrio ao-
Veios jam fore in potestate populi Romani. Qmd de cipiat. Ipsum dictatorem fugere invidiam ex eo crirnina-
præda facicudum censerent? » Duæ senatum distinebant que eo delegasse ad senatum. Senatum quoque debere
sententiæ senis P. Licinii, quem primum dixisse a filio rejectam rem ad se pernuttere plebi, ac pati habere,
interrogatum ferunt, Edici palom placere populo, ut, quod cuique sors belli dederit.Hæc tutior visa sententra
qui particeps esse prædæ vellet, in castra Veios imt: est, quaj popularem senatum faceret. Edictum itaque est,
altera Ap. Claudii, qui largitionem novam, prodigam, ad prædam veientem,quibus videretur, in castra ad die-
inæqualem, inconsultam arguens, si semel nefas duce- tatorem proficiscerentur.
rent, captam ex hostibusin arario exhausto bellis pecu- XXI. Ingens profecta multitudo replevit castra. Tum
niam esse, auctor erat stipendii ex ea pecunia militi nu- dictator, auspicatoegressus,quum edixisset, ut arma mi-
merandi, ut en minus tributi plebes conferret: « Ejus lites caperent, « Tuo ductu, inquit, Pytluce Apollo, tuo-
enim doni societatemsensuras æqualiter omnium domos; que numine instinctus pergo ad delendam urbem Veios
Yéies je te voue d'ici la dixième partie du butin. plaît au merveilleux qu'à la fidélité de l'histoire,
Et toi, reine Junon, qui habites encore Véies, je ce serait peine perdue de les affirmer ou de les
t'en conjure, suis-nous, après la victoire, dans réfuter. Lamine, alors pleine de soldats d'élite,
notre ville qui sera bientôt la tienne, et qui te les vomit soudain tout armés dans le temple de
recevra dans un temple digne de ta majesté. n Juuon, qui se trouvait dans la citadelle de Véies
Cette prière achevée, comme il avait plus de une partie attaquent par derrière les ennemis sur
troupes qu'il ne lui en fallait, il attaqua la ville les murailles; d'autres forcent les portes; d'autres
sur tous les points, afin de détourner l'attention enfin mettent le feu aux maisons d'où les femmes
du danger dont menaçait la mine. Les Véiens et les esclaves lançaient des tuiles et des pierres.
ignorant que déjà leurs devins et les oracles étran- Une clameur immeuse, formée de cris de menace
gers avaient prononcé leur condamnation; que et de peur, auxquels se mêlent les lamentations
déjà des dieux étaient appelés au partage de leurs des enfants et des femmes, remplit toute la ville.
dépouilles, que d'autres, évoqués par des vœux En un moment les défenseurs sont précipités du
du sein de leurs murailles, attendaient chez leurs haut des muraille; une partie des Romains s'élan-
ennemisdes temples et de nouvelles demeures, que cent par les portes qu'on a ouvertes, les autres
ce jour enfin était leur dernier jour ne se doutant franchissent les remparts abandonnés, la ville se
pas non plus qu'un souterrain pratiqué sous leurs remplit d'ennemis, on se bat sur tous les points.
murailles avait déjà rempli la citadelle de Romains, Enfin, après un grand carnage, l'acharnement se
courent armés, chacun de son côté se placer sur ralentit; le dictateur fait publier par les hérauts
les remparts, étonnés que les assiégeants qui, l'ordre d'épargner tout ce qui est sans armes, et
depuis si longtemps, n'avaient pas bougé de leurs le sang cesse de couler. Les habitants désarmés
postes, se ruassent sans précaution, comme des commencent à se rendre, et le dictateur l'ayant
insensés, vers les murailles. C'est ici qu'on place permis, les soldats courent de côté et d'autre au
un détail fabuleux. Taudis que le roi des Yéiens pillage. Lorsqu'on apporta devant lui ce butin
immolait une victime, la voix de l'aruspice an- dont l'abondance et la richesse dépassaient son
nonçant la victoire à celui qui enlèverait les en- attente et son espoir, Camille, dit-ou demanda
trailles, fut entendue dans le souterrain, et décida levant les maius au ciel, «Que si quelqu'un
les Romains à percer la mioe ils saisirent les des dieux ou des hommes trouvait excessive sa
entrailles et les portèrent au dictateur. Mais fortune et celle du peuple romain, la faute en
dans des événements d'une si haute antiquité, fût expiée au moindre dommage pour lui et pour
c'est assez, ce me semble, d'adopter pour vrai la patrie. Comme, dit-on, il se tournait en fai-
le vraisemblable, et quant à ces détails, plus sant cette prière, il glissa et se laissa tomber; et
convenables à l'appareil du théâtre, qui se com- cette chute fut pour ceux qui établirent les pré-

tibique biuc decimam partem prædæ voveo. Te simul, fidem, neque affirmare, neque refellere est operx pre-
Juno Regina, quae nunc Veios colis precor, ut nos vie- tium. Cuniculus, delectis militibus eo tempore plenus,
tores in nostram, tuamque mox futuram urbem sequare in mde Juuonis, quæ in veientana arce erat, armatos
ubi te dignum amplitudine tua templum accipiat. » Uæc repente edidit. Et pars aversos m mûris invadunt bostes;
precatus superante mullitudine, ab omnibus locis urbem pars claustra portarum revellunt pars, quam ex tectis
aggreditur, quo miuor ab cuniculo ingruentis periculi saxa tegulxque a mulieribus ac servitiis jacerentur, infe-
sensus esset. Veientes, ignari se jam ab suis vatibus, jam runt ignes. Clamor omnia variis terrentium ac paventium
ab externis oraculis proditos, jam in partem prædæ suæ vocibus, mixto mulierum ac puerorum ploratu, complet.
Tocatos deus, alios, votis ex urbe sua evocatos, hostium Momento temporis dejectis ex muro undique armatis
templa novasque sedes spectare, seque ultimum illum patefactisque portis, quum alü agmine irruerent, alu de-
diem agere; mhil minus timentes, quam subrutis cuui- sertos scandèrent muros urb. hostibus impletur, omni-
culo mœnibus arcem jam plenam hostium esse, in muros bus locis pugnatur. Deinde, multa jam édita cxdo, sene-
pro se quisque armati discurrunt; mirantes quiduam id scit pugna; et dictator præcones edicere jubet, ut ab
esset, quod, quum tût per dies nemo se ab stationibus inermiabstineatur. Is finis sanguinis fuit. Dedi iude iuer-
romanis niovisset, tum velut repentino icti furore, im- mes cœpti; et ad prædam miles permissu dictatoris dis-
providi currerent ad muros. Inserilur huic loco fabula; currit. Quæ quum ante oculos ejus aliquantum spe atque
immolante rege Veientium, vocem baruspicis dicentis, opinione major, malorisque pretli rerum ferretur, dicitur
a Qui ejus hostiae exta prosecuisset, ei victoriam dari, » nianus ad cœlum tollens precatus esse « Ut, si cui deo-
exauditam in cuniculo, movisse Romanos milites, ut, rum bominumque nimia sua fortuna populique Romani
adaperto cuniculo, exta râpèrent, et ad dictatorem fer- videretur, ut eam invidiam lenire, quam minimo suo
rent. Sed in rébus tam antiquis, si, quæ similia veri privato incommodo publicoque,populo Romano liceret.»
siut, pro veris accipiantur, satis habeam. Uæc, ad osten- Comertentem se inter hanc venerationem traditur me-
tatiouem scenæ, gaudentis miraculis, aptiora quam ad morix, prolapsum ceculisse id lue omen pertinuisse
dietions sur l'événement, le présage de la con- veux. » Ce qu'il y a de certain c'ost qu'on put
damnation de Camille, et de la prise de Rome l'enlever de sa place sans employer de grands ef-
malheur qui arriva peu d'années après. Pour en forts elle semblait suivre, légère et docile, les
revenir à celte journée, elle fut remplie tout en- jeunes gens, plutôt qu'être portée par eux, et elle
tière par le massacre des ennemis et par le pillage était intacte lorsqu'elle arriva sur l'Aventin, sa
d'une ville si opulente. demeure éternelle, où l'avaient appelée les vœux
XXII. Le lendemain, le dictateur vendit les du dictateur romarin, où Caroille lui dédia par la
têtes libres à l'encan et ce fut le seul argent qui suite le temple qu'il lui avait voué. Ainsi tomba
rentra au trésor. Le peuple s'en irrita; il ne tenait Véies, la ville la plus opulente du nom étrusque,
compte du butin qu'il avait emporté, ni au gé- et dont la ruine même révéla la grandeur en
néral qui, pour se décharger de la responsabi- effet, après dix étés et dix hivers d'un siège sans
lité d'un mauvais parti avait renvoyé au sénat relâche, après avoir plus porté que reçu de dom-
la décision d'une affaire dont il était le maître; mage, à la fin, pressée par une destinée supé-
ni au sénat, mais aux Licinius au fils, pour avoir rieure, elle céda aux travaux de l'art, sans que
engagé la discussion dans le sénat; au père, pour la force eût pu la réduire.
avoir ouvert un avis si populaire. Lorsque toutes XXIII. Quand la nouvelle fut apportée à Rome
les richesses profanes eurent été enlevées de Véics, que Véies était prise, malgré l'expiation des pro-
les Romains s'emparèrent des richesses des dieux, diges, malgré les réponses des devins et les déci-
et des dieux eux-mêmes, mais plutôt comme des sions connues de l'oracle pytbien, et malgré le
adorateurs que comme des spoliateurs avides puissant secours qu'ils avaient trouvé dans l'hu-
ainsi, des jeunes gens choisis dans l'armée en- maine sagesse, en confiant la dictature à M. Fu-
tière, le corps lavé et purilié, vêtus de blanc, rius, le plus grand des généraux romains, cette
ayant été désignés pour transporter Junon Reine nouvelle, après tant d'années de guerres incer-
à Rome, ils entrèrent de la façon la plus respec- taines et de si nombreux revers, produisit, comme
tueuse en son temple, et ne portèrent la main sur inespérée, une immcnsejoie; et, avant que le sénat
elle qu'avec piété car les usages de l'Étrurie eût rendu son décret, les temples se remplirent
n'accordent ce droit qu'à un prêtre d'un certaine de matrones romaines, qui s'empressaient de
famille. Après cela, l'un d'eux, soit par une in- porter aux dieux leurs actions de grâces. Le sénat
spiration divine soit par une saillie de jeune décréta quatre jours de prières publiques jamais,
homme, ayant dit « Veux-tu aller à Rome, Ju- après les autres guerres, il n'avait indiqué des
non ? les autres s'écrièrent que la déesse avait, prières de cette durée. A l'arrivée du dictateur,
par un signe de tête, exprimé son contentemeut; tous les ordres se précipitèrent au devant de lui
et c'est ce qui donna lieu à ce bruit fabulenx c'était un concours tel qu'il n'y en avait jamais
qu'on l'avait entendu parler et dire « Je le eu de pareil, et la pompe de son triomphe sur-

postea eventu rem conjectantibus visum ad damoationem molimenti adminiculis, sequentis modo accepimus levein
ipsius Camilli, captae deinde urbis Romanæ, quod post ac facilem translatu fuisse integramque in Aventinum.
paucos accidit annos, cladem. Atque ille dies cæde hos- æternam sedcm suam quo vota Romani dictatoris voca
tium ac direptione urbis opulentissimaeest consumptus. verant, perlatam; ubi templum ei postea idem, qui vo-
XXII. Postero die libera corpora dictator sub corona verat, Camillus dedicavit. Hic Veiorum occasus fuit,
vendidit. Ea sole pecunia in publicum redigitur, haud urbis opulentissimæEtrusci nominis, magnitudinem suam
sine ira plebis; etquod retulere secum prædæ, nec duci, vel ultims clade indicantis qnod decem æstates hiemes-
qui ad senatum, malignitatis auctores quærendo, rem ar- que continuas circumsessa, quum plus aliquanto cladium
bitrii sur rejecisset; uec senatui, sed Liciniae familiæ, ex intulisset, quam accepisset, postremo, jam fato tum de-
qua films ad senatum retulisset, pater tam popularis sen- nique urgente operibus tameo nou VI, expugnata est.
tentiæ auctor fuisset, acceptum referebant. Quum jam XXIII. Romam ut nuntiatum est, Veios captos, quau-
humanæ opes egestæ a Veiis essent, amoliri tum deum quam et prodigia procurata fuerant, et vatum responsa,
doua ipsosque deos, sed colentium magis, quam rapieo- et Pythicæ sortes notæ; et, quantum hunianis adjuvari
tium, modo, cœpere. Namque delecli ex omni exercitu consiliis potuerat res, ducem M. Furium maximum im-
juveues, pure lautis corporibus candida veste, quibus peratorumomnium, legeraut; tamen, quia tot anuis va-
deportanda Romam Regina Juno assigoata erat, veuera- rie ibi bellatum erat, multa'que clades acceptée, velut es
buudi templum iuiere, primo religiose admoventes ma- insperato immensum gaudium fuit et priusquam sana-
nus quod id signum more Etrusco, nisi certæ gentis sa- tus decerneret,plena omnia templa Komaoorummatruni,
cerdot, attrectare non esset solitus. Dein quum quidam, grates diis agentium erant. Senatus lu qualriduum, quot
seu spiritu divino tactus, seu juvenili joco, « Visne Ro- dierum nullo ante bello, supplicationesdecernit. Adventus
mam ire Juoo? dixisset, annuisse ceteri deam concla. quoque dictatoris, omnibus ordinihus obviam effusis,
maveruut inde fabulæ adjectum est, vocem quoque celebratior, quam ullius unquam aotea fuit triumphus-
dicentis, « Velle, anditam. Motam certe sede sua parti que omnem ronsuetum houorandi diei illme modum alte
1.
passa la splendeur ordinaire de ces glorieuses six tribuns militaires avec puissancc de consuls
journées. Tous les regards se portèrent sur lui, les deux P. Cornélius, Cossus et Scipion, M. Va-
lorsqu'il parcourut la ville, monté sur un char lérius Maximus, pour la seconde fois; K. Fabius
atielé de chevaux blancs ce n'était plus un ci- Ambustus, pour la troisième; L. Furius Médulli-
toyen, ce n'était plus même un homme. Comme nus, pour la cinquième; Q. Servilius, pour la
le (dictateur avait usurpé les coursiers de Jupiter troisième. Aux Cornélius échut la guerre des Fa-
et du soleil, on it là uue atteinte à la religion, et,lisques à Valérius et à Servilius, celle de Cape-
pour celte raison surtout, son triomphe fut plus nes. Ils n'essayèrent contre les villes ni assauts,
éclatant qu'applaudi. Alors il traça sur l'Aventin ni sièges; ils se contentèrent de ravager la cam-
l'enceinte du temple deJunon Reine, etdédiacelui pagne et d'en enlever toules les richesses, ne lais-
de Matuta Mère puis ces choses divines et hu- sant pas sur pied un arbre à fruit, pas une récolte
maines accomplies, il abdiqua la dictature. On dans la plaine. Ces ravages domptèrent le peuple
s'occupaensuitedu présentqu'on devaitàApollon; de Capènes; il demanda la paix, qui lui fut accor-
et Camille ayant rappelé qu'il avait voué à ce dée. Restait la guerre contre les Falisques. Ce-
dieu la dixième partie du butin, les pontifes dé- pendant des séditions multipliées éclataient dans
clarèrent que le peuple devait acquitter cette obli- Itome on fut d'avis pour les calmer, d'envoyer
gation sacrée. Mais il était difficile de trouver les chez les Volsques une colonie de trois mille ci-
moyens de contraindre le peuple à rapporter le toyens romains, et des triumvirs créés à cet effet,
butin pour en prélever la part promise au dieu. attribuèrent à chacun, par tête, trois arpents sept
Enfin on décida, et ce parti parut le moins sé- douzièmes de terrain. Cette largesse ne tarda pas
vère, que celui qui voudrait se libérer, lui et les à tomber en discrédit on la regardait comme un
siens, de cette dette de religion, estimerait lui- leurre pour faire renoncer le peuple à de plus
même la valeur de son butin, pour en rapporter hautes prétentions. Pourquoi en effet relé-
le dixième du prix au trésor on formerait ainsi
guer le peuple chez les Volsques, quand on a
une offrande d'or digue de la magnificence du Véios sous les yeux, une si belle ville, et cette
temple, de la majesté du dieu et de la grandeur campagne de Véies, plus fertile et plus étendue
du peuple romam. Cette contribution aliéna à Ca- que le territoire de Rome ? La ville même, à leur
mille l'affection du peuple. Sur ces entrefaites, les
sentiment, était préférable à Rome, et par sa po-
Volsques et les Èques envoyèrent demander la sition, et par la magnificence de ses édifices pu-
paix; ils l'obtinrent non pas qu'ils l'eussent mé-
blics et particuliers, et de ses places. On alla
ritée, mais en considération du repos dont la cité
même plus loin on souleva une question qui
avait besoin après les fatigues d'une si longue devait s'agiter plus vivement encore après la prise
guerre. de Rome par les Gaulois l'émigration in Véies.
XXIV. L'année oui suivit la prise de Véies eut On parlait d'établir à Véies une moitié du peuple

quantum excessit. Maxime conspectus ipse est, curru potestate insequens annns habuit, duos P. Cornelios.
equis albis juneto urbem mvectus; parumque id non ci Cossum et Scipionem, M. Valerium Maximum iterum
sale modo, sed humanum etiam, visum, Jovis Solisque K. Fabium Ambustum tertium, L. Furium Medullmum
equis æquipararidictatorem, in religionem etiam trabe- qutatum, Q. Servilium tertium. Cornehis Faliscum bel-
bant triumphusque oh eam uoam maxime rem clarior, Imn, Vaterio ac Servilio Capenaa sorte evenit. Ah iis non
quarn gratior, fuit. Tum Junoni Reginæ templum in urbes vi aut operibus tentatæ, sed ager est depopulatus,
Aventino locavit, dedicavitque Matutæ Matri atque bis prædæque rerum agressium actae nulla felix arbor, ni-
divinis humanisque rebut gestis, dictatura se abdicavit. hil frugiferum in agro relictum. Ea clades Capenatem po-
Agi deinde de Apollinis dono cœptum; cui se decimam putum subegit. Paa petentibus data. In Faliscis bellum
vovisse prædæ partem quum diceret Camillus, poutifices restabat. Romae inter im multiplex sed tio erat cujus le-
solvendum religione populnm censerent, haud facile in- niendæ causa co ouiam in Volscos, quo trid rmllia civinm
ibatur ratio jubendi referre praedam populum, ut ex ea rumanorum scriberentur, deducen tam ceusuerant
pars debita in sacrum secerneretur. Tandem eo, quod triumvirique ad id creati terna jnget a et septunces viri-
levissimum videbatur, decursum est, ut, qui se domum- lim diviserant. Ea largitio sperni cœi to quia spei ma-
que religione exsolvere vellet, quum sibumet ipse præ- joris avertendæ solatium objectum censebant. Cur emm
dam æstimasset suam, decimaa pretium partis in put It- relegari plebem in Volscos, quum pulcherrima uibs Veri
cum deferret ut ex eo donum aureum, dignum amplitu- agerque Veientanus in conspe ctu sit, uherior ampliorque
diue templi ac numiue dei, ex dignitale populi Roman romano agro? Urbem quoque urbi Romæ, vel situ, vel
Oeret. Ea quoque collatio plebis ammos a Caroillo aliena magmficentiapublicorum privatorumque tectorum ac lo-
vit. Inter bxc pacilicatum legiti a Voiscis et Æquis ve- corum, præponebant. Qnin illa quoque actio movebatur,
nerunt impelrataque paa, magis nt fessa tam diutmo quæ post captam utique Romam a Gallis celehratior fuit,
sello acqu esceret civi,as, quant quod digni petrrrnt. transinivrandi Veios. Ceterum, 1 riun plebi, partim
XXIV. Veus captis. ses tribunos a] li!um censulari senatm dest nabant habilandos Ve os; duasque urbes
et une moitié du sénat, de sorte que ces deux bution, qui méritait plutôt le nom d'aumône que
villes formeraient la républiquedu peuple romain. celui de dîme; l'obligation des particuliers avait
XXV. Les patriciens combattirentce projet. « Ils dégagé la nation. Mais ce que sa conscience répu-
aimeraient mieux mourir à la face du peuple ro- gnait à taire, c'est qu'on n'avait prélevé la dime
main que d'accéder jamais à rien de semblable. que sur la partie mobilière du butin et qu'on ne
Lorsqu'il y a déjà tant de troubles dans une seule disait rien de la ville et des terres conquise que
ville, que serait-ce avec deux? Qui pourrait pré- le voeu comprenait également. » Cette nouvelle
férer la ville vaincue à la patrie victorieuse, et question parut embarrassante au sénat qui en
permettre à Véies conquise une plus haute fortune renvoya la solution aux pontifes. Camille appelé
qu'à Véies indépendante? Enfin, leurs concitoyens et entendu le collége décida que tout ce qui était
sont libres de les laisser seuls dans la patrie, aux Véiens avant que le vœu eùt été formé, comme
mais eux, nulle force ne pourra les contraindre tout ce qui, après le vœu, était tombé au pouvoir
à quitter la patrie et leurs concitoyens, et ja- du peuple romain devait faire partie de la dime
mais pour suivre T. Sicinius (c'était le tribun du consacrée à Apollon. En conséquence on Gt l'es-
peuple auteur du projet de loi), restaurateur timation de la ville et du territoire on tira du
de Véies, ils ne laisseront là Romulus dieu, fils trésor l'argent nécessaire, et l'on chargea les tri-
d'un dieu, père et créateur de la ville de Rome. » buns militaires d'en acheter de l'or. Comme ou
Ces questions s'agitaient au milieu de violents n'en trouvait point assez les matrones s'étant
débals, car les patriciens avaient rattaché à leur réunies et consultées, vinrent, d'un commun ac-
parti plusieurs tribuns du peuple; une seule chose cord, offrir aux tribuns leur or et toutes leurs pa-
empêchait le peuple d'ensanglanter la querelle, rures, et les portèrent au trésor. Jamais dévoue-
c'est qu'aussitôt qu'un cri s'élevait précurseur ment n'avait été aussi agréableau sénat aussi cette
du combat, les principaux sénateurs se jetaient générosité des matrones leur valut, dit-on, l'bon-
au devant de la multitude appelant sur eux les neur du pilentum aux sacrifices et aux jeux, et
coups, les blessures, la mort même; or, leurâge, pour les jours ordinaires, le droit au carpentum.
leurs dignités, leurs honneurs faisaient qu'on n'o- L'or apporté par chacune fut pesé et compté
sait porter la maiu sur eux et, dans toutes les pour lui être payé en argent, et on en fit faire
tentatives de ce genre, le respect désarmait la fu- une coupe pour être envoyée à Delphes, au temple
reur. Cependant Camille allait s'écriant en tous d'Apollon. Dès que les consciences se furent ac-
lieux « Qu'il ne fallait plus s'étonner du délire quittées envers les dieux, les tribuns du peuple
d'une ville qui, bien qu'enchainée par un ser- recommencent à exciter des troubles ils excitent
ment, préférait tout autre soin à l'acquittement la multitude contre les principaux citoyens, et en
d'une dette sacrée. Il ne parlait pas de la contri- particulier contre Camille, qui, en vendant pour

communis reipublicw incoli a populo romano posse. collatione dicere, stipis verius, quam decimæ quando ea
XXV. Adversus que quum optimates ita tenderent, se quisque privatim obligaverit, liberatus sit populus.
ut morituros se citius dicerent in conspectu populi ro- Enimvero, illud se tacere, suam conscieotiam non pati;
mani, quam quiequam earum rerum rogaretur; quippe quod ex ea tantum præda, qua- rerurn moventiuin sit,
nunc in una urbe tantum dissensiomimesse; quid in dua- decima designetur urbis atque agri cjpti. quæ et ipsa
bus fore ? Victamne ut quisquam victrici patriæ praefer- voto contineatur, mentionem nullam fieri. » Quum ea
ret? sineretqeu, malorem fortunam captis esse Vciis, disceptatio, anceps seuatui visa delegata ad pont fices
quam incolumibus fuerit? Postremo, se relinquiacivi- esset; adhibito Cacuillo, visum collegio, quod ejus ante
hus in patria posse ut relinquant patriam atque cives, conceptum votum Veientium fuisset, et post votum in
nullam vim unquam subacturam;et T. Sicinium (is enim potestatem populi romani venisset, ejus partem decunam
ex tribunis plebis rogationis ejus lator erat ) conditorem Apolliui sacram esse. Ita in æstimationem urbs agerque
Veios sequautur. relicto deo Romlllo, dei fil o, pareute venit. Pecunia ex ærario prompta et tribuuis militum
et uuctore urbis Romæ; » hæc quum fœdis certarniuibus consularibus ut aurum ex ea coemerent negotium da-
agerentur (nam partem tribunorum plebis Patres in tum. Cujus quum copia non esset, matronæ, cœtibus ad
sumn sententiam traxerant), oulla res alia manibus tem- eam rem consuftaudam habitis et communi decreto polli-
perare plebem cogehat. quam qnod, ubi rixae commit- citae tribunis militum aurum et omnia ornamenta sua, m
tendæ causa clamor ortus esset, principes senatus, primi ærartum delulerunt. Grata ea res ut quée maxime se-
turbeofferentes se, peti, feriri, atque occidi jubebaut. natui unquam, fuit bonoremqueob eum munificentiam
Ab borum ætatibus dignitatibusque et honoribus vinlan- ferunt matronis habitum, ut pilento ad sacra ludosque,
dis durn abstinebatur,et ad reltquos similes conatus vere- carpentis festo profestoque uterentur. Pondere ab sin-
cundia iræ obstabat; Camillus identidem omnibus locis gulis auri accepto æstimatoque,ut pecuuia; solverentur,
concionabatur « Haud mirum id quidem esse, furere crateram auream fleri placuit, quæ donum Apol ini Del-
civitatem, quæ, damnata voti, omnium rerum potiorem phos pnrtaretur. Simul ab rel ginne ammos remiserunt,
curam, quam religione se exsolvendi, habeat. Nihil de integrant seditionem tribuui plebis incitatur multitude
le trésor, et en consacrant une partie du butin de un terrain hérissé de roches et de ravins, et d'un
Voies, l'avait réduit à rien. Absents, ils les dé- difficile accès à travers des sentiers étroits et es-
chirent avec furie; présents et s'offrant d'eux- carpés. De son côté, Camille, sur l'avis d'un pri-
mêmes à leur ressentiment, ils les respectent. Le sonnier qu'il prend comme guide, lève son camp
peuple, voyant que cette affaire traînerait au delà la nuit déjà fort avancée, et, au point du jour,
de l'année, réélut tribuns du peuple pour l'an- apparaît sur les hauteurs qui dominent le camp
née suivante les auteurs du projet de loi les ennemi. Pendant que trois divisions de l'armée
patriciens de leur côté, s'efforcèrent de main- romaine élevaient des retranchements, le reste
tenir les opposants de sorte que les mêmes tri- attendait prêt au combat. Les Falisques ayant
buns du peuple furent presque tous réélus. voulu empêcher les travaux, Camille les défait et
XXVI. Aux élections des tribuns militaires, la les met en fuite; ils furent même saisis d'un tel
haute influence des patriciens emporta la nomi- effroi, qu'emportés par la déroute au delà de leur
nation de M. Furius Camille leur prétexte était camp, qui était plus rapproché, ils rentrèrent
le besoin d'un général pour la guerre; mais, au dans leur ville. Beaucoup furent tués ou blessés,
fond, ils ne voulaient qu'un adversaire des lar- avant de tomber tremblants aux portes de la
gesses tribunitienues. Outre Camille, on créa tri- place le camp fut pris, et le butin dut être remis
buns militaires, avec puissance de consuls, L. Fu- aux questeurs malgré le vif chagrin qu'en eurent
rius Médullinus, pour la sixième fois; C. Émilius, les soldats, lesquels vaincus par l'imposante sé-
L. Valérius Publicola, Sp. Postumius, P. Corné- vérité du général, haïssaient tout à la fois et ad-
lius, pour la seconde fois. Au commencement de miraient sa vertu. On mit ensuite le siège devant
l'année, les tribuns du peuple se tinrent tran- la ville, on retrancha le camp, et parfois les sor-
quilles, altendant le départ de M. Furius Camille, ties des habitants contre les postes romains ame-
chargé de la guerre contre les Falisques depuis, naient de légers combats le temps s'usait ainsi
l'affaire languit dans les délais; et cependant, Ca- sans qu'il y eût plus de chances pour un côté que
mille, leur adversaire le plus redoutable, gran- pour l'autre; et même, les assiégés, grâce à leurs
dissait en gloire chez les Falisques. En effet réserves, étaient plus largement pourvus de blé
comme l'ennemi avait commencé par s'enfermer et de vivres que les assiégeants. Tout faisait
dans ses murailles, croyant ce parti le plus sûr, entrevoir une résistance non moins longue qu'à
Camille, par la dévastation de ses campagnes et Véies, quand la fortune, favorable au général
l'incendie de ses métairies, le força bientôt de romain ajouta un nouveau lustre à sa vertu déjà
sortir de sa ville. Mais la crainte empêcha les Fa- éprouvée dans la guerre, et hâta pour lui la vic-
lisques de s'avancer bien loin ils campent à en- toire.
viron mille pas de la place persuadés que leur XXVII. C'était la coutume des Falisques de
camp est suffisammentdéfendu par sa position sur charger un même maître de l'instruction et de la

in omnes principes, acte alios in Camillum.. Eum præ- satis tuta esse, quam difficultate aditus asperis confra-
dam veientanam publicando sacrandoque ad nihilum re- gosisque circa, et partini artis, partim arduis viis. Cete-
degisse. » Absentes ferociter increpaut præsentium, rum Camillus captivum iudicem ex agris secutus ducem,
quum se ultro iratis offerrent, verecundiam habent. Si- castris mulla nocte motis, prima luce aliquanto superio-
mul exlrahi rem ex eo anno viderunt, tribunos plebis la- ribus locis se ostendit. Trirariam Romani muniebant
tores legis in aunuin eosdem reficiunt,et Patres hoc idem alius esercitus prælio intentus stabat. Ibi impedire opus
de iutercessoribus legis aunisi. Ita tribuni plebis magna conatos hostes fuudit fugalque; tantumque inde pavoris
ex parte iidem refecti. Faliscis injectum est, ut, effusa fuga castra sua, quæ
XXVI. Comtiis tribunorum militum Patres summa propiora erant, prielati, urbem peterent. Multi caesi vul-
ope evicerunt, ut M. Furius Camillus crearetur. Propter neratique, priusquam paven.es purtis incidereut. Castra
bella simulabant parari ducem; sed largitioi tribuniciœ capta; prsda ad quæstores redacta cum magna militum
adversarius quærebatur. (.um Camillo creati tribum mi- ira; sed severitate imperii victi eamdem virtutem et
litum consulari potesiate L. Furius Medullinussextam oderant, et mirabanlur. Obsidio inde urbis, et munitiu-
C. Æmilius L. Valerius Publicola, Sp. Postumius, nes, et interdumper occasionemimpetus oppidanorum iu
P. Coruelius iterum. Principio anni trihuni plebis nihil romanas stationes, præliaque parva fieri; et teritempus,
meverunt, donte M. Furius Camillus in Faliscos cm id ueutro inclinata spe; quum frumentumcopia'que aliae ex
bellum mandatum erat, proficisceretur. Differendo dein- aute couvecto largius obsessis, quam obsidentibus, sup-
de elanguit res et Camillo, quem adversarium maxime peterent. Videbaturqueæque diuturnus futurus labor, ac
meluebant, gloria in Faliscis crevit. Nam, quum primo Veiii fuisset; nifortuna imperatori romano simul et cog-
mœnibus se bostes tenerent, tutissimum id rati, popu- nitæ rebus bellicis virtutis specimen et maturam victoriam
lahone agruruin atque incenais villarum coegit eos egredi dedisset.
urbe; sed timor longius progredi prohibuit. Mille fere XXVIf. Moi erat Faliscis, eodem magistro liberorum
passuum ab oppido castra locaut; uulla re alia fidentes es et comite nV simulque plnres pueri quod hodie quoque
garde de leurs Uls plusieurs enfants à la fois, tu les as vaincus par un crime jusqu'ici inconnu
usage qui subsiste en Grèce aujourd'hui encore, et moi je les vaincrai comme j'ai vaincu Véies, par
étaient confiés aux soins d'un seul homme. Les fils le courage, le travail et les armes, comme il con-
des principaux citoyens, comme presque partout, vient à un Romain. Cela dit, il le dépnuille, lui
suivaient les leçons du plus savant et du plus re- attache les mains derrière le dos et le fait recon-
nommé. Cet homme pendant la paix, avait cou- duire à Faléries par ses élèves il leur avait donné
tume de conduire les enfants hors de la ville pour des verges pour en frapper le traitre, en le chas-
leurs jeux et leurs exercices. Comme la guerre ne sant devant eux dans la ville. A ce spectacle, le
l'avait pas fait renoncer à cette habitude, il les peuple étant accouru, et ensuite le sénat ayant été
emmenait à des distances plus ou moins rappro- invité par les magistrats à délibérer sur cette
chées des portes de la ville, en variant leurs jeux étrange affaire, il s'opéra un tel changement dans
etses entretiens; et, un jour qu'il s'était avancé les esprits, que cette cité, qui naguère, emportée
plus que d'ordinaire, trouvant l'occasion propice, par la haine et la rage, aurait préféré presque la
il poussa jusqu'aux postes et au camp des Ro- ruine de Véies à la paix de Capèncs, appelait la
mains, et les conduisit droit à la tente de Camille. paix d'une voix unanime. Au forum, au sénat, on
Là, ajoutant à son action infâme un langage plus ne parle que de la foi romaine, de l'équité du gé-
infâme encore, il dit « Qu'il remettait Faléries néral, et d'un commun accord on envoie des
au pouvorr des Romains en leur livrant les fils députés à Camille dans son camp et de là, avec
des premiers personnages de la ville. » A peine l'autorisation de Camille, à Rome, pour offrir an
Camille eut-il entendu ces paroles « Tu ne sénat la reddition de Faléries. Introduits dans le
trouveras ici, dit-il, ni un peuple ni un général sénat, ils parlèrent, dit-on en ces termes :« Pères
qui te ressemblent, infâme qui viens avec un in- conscrits, c'est par une victoire à laquelle pas un
fâme présent. Nous ne tenons aux Falisques par dieu pas un homme n'oserait porter envie que
aucun de ces liens qu'établissent les conventions vous nous avez vaincus, vous et votre général
des hommes; mais ceux qu'impose la nature sont nous nous rendons à vous, avec l'assurance (ce
et seront toujours entre eux et nous. La guerre qui est le plus glorieux éloge pour un vainqueur )
comme la paix a ses lois, et nous avons appris à de vivre plus heureux sous votre empire que sous
les soutenir aussi bien par l'équitéquepar la vail- nos lois. Par l'événement de cette guerre, deux
lance. Nous avons des armes, mais ce n'est point salutaires exemples sont offerts au genre humain.
contre cet âge qu'on épargue même dans les vil- Vous, vous avez préféré la loyauté dans la guerre
les prises d'assaut; c'est contre des hommes armés à une victoire certaine nous, provoqués par voire
comme nous et qui, sans être insultés ni provo- loyauté, nous vous avons de nous-mêmes déféré
qués par nous, ont attaqué à Véies le camp romain. la victoire. Nous sommes à vos ordures. Envoyez
Ceux-là, toi, autant qu'il a été en ton pouvoir, prendre les armes, les otages et la ville même,

lu Græcia manet, unius curæ demandabantur.Principum cisti ego romanis artibus, virtute, opere, armis, sicut
hberos, sicut fere lit qui scieutia videbatur præcellere, Veios, vincam.. Denudatum deinde eum, mauibus post
erudiebat. Is quum in pace instituisset pueros aute urbem tergum illigatis, reducendum Falerios pueris tradidit,
lusus exercendique causa producere; nihil eo more per virgasqueiis, quibus prodilorem agerent in nrbem ver-
belli tempus iutermisso, tnm, modo brevioribus, modo berautes, dedit. Ad quod spectaculum concursu populi
longioribus spatiis, trahendo eos a porta, lusu sermoni- primum facto deinde a magistratibus de re nova vocato
busque variatis, longius solito, ubi res dedit, progres- senatu tanta mutatio animis est injecta, ut, qui modo,
sus, iuter stationes eos hostium cattraque inde romana efferati odio iraque, Veientium exitum paene, quam Ca-
in prætorium ad Camillum perduait. Ibi scelesto facmori penatium pacem, mallent, apud eos pacem universa pos-
scelesliorem sermonem addidit Falerios se in manus ccret civitas. Fides romana justitia imperatoria, in foro
Romanis tradidisse; quando eos pueros, quorum paren- et Curia celetrantur consensuque omuium legati ad Ca-
tes capita ibi rerum siut, in polestatem dediderit. » Quæ milluæ in castra, atque inde permissu Camlli Roman) ad
ubi Camillus audivit: « Non ad similem, inquit, tui nec senatum, qui dederent Falerios, proficiscuntur. Intro-
populum, nec imperatorem, scelestus ipse cum scelesto ducti ad senalum ita locuti traduutur Patres conscripn,
muuere veuisti. ISobis cum Faliscis quæ pacto fit tm- victoria, cui nec deus, nec homo quisquam iuvideat, victi
mano, societas non est; quam ingeneravitnalura, utris- a vobis et imperatore vestro, dedimus nos vobis; rah,
que est, eritque. Sunt et belli, sicut pacis, jura; justeque quo uibil victori pulchrius est, melius nos sub imperio
ea, non minus quam fortiter, didicimus gerere. Arma ha- vestro, quam legibus nostris, victuros. Eventu hujus
bemus, non adversus eam ætatem, cui etiam captis ur- belli duo salutaria eiempla prodita humano generi suut.
bibus parcitur; sed adversus armatoa et ipsos, qui, nec Vos fidem in bello, quam præentem victoriam, maluistis;
laai, uec lacessiti a uobis, castra romana ad Veios op- nos, fide provocati, victoriam ultro detulimus. Sub di-
puguarunt. Eob tu, quantum in te fuit, novo scelere vi- tione vestra sumus. Mitlite, qui arma, qui obsides, qui
dont les portes vous sont ouvertes. Vous n'aurez au droit d'hospitalité, et la république lui décerna
pas plus à vous plaindre de notre fidélité que nous des présents. La même année on fit la guerre aux
de votre empire. » Des actions de grâces furent Èques avec des chances diverses; ce fut au point
adressées à Camille et par l'ennemi et par ses qu'à Rome et même à l'armée on n'aurait su dire
concitoyens. Afin de décharger du tribut le peu- si l'on était vainqueur ou vaincu. Les généraux
ple romain, on imposa aux Falisques le paiement romains, C. Émilius et Sp. Postumius, tous deux
de la solde militaire de cette année. La paix faite, tribuns militaires, commen cèrent par agir ensem-
l'armée fut ramenée à Rome. ble mais, après avoir défait l'ennemi en bataille,
XXVIII. Camille reparut à Rome avec une gloire ils trouvèrentbon de se séparer, et Emilius occupa
bien plus belle que le jour où des chevaux blancs Yerrug avec une partie des troupes, tandis qu'avec
l'avaient trainé en triomphe par la ville; ses seules l'autre, Postumius ravagea les campagnes. Comme
distinctions, aujourd'hui, c'était sa justice et sa foi; il marchait sans ordre, s'assurant dans sa victoire,
par lesquelles il avait vaincu l'ennemi. Voyant tant les Èques le surprirent, le mirent en déroute, et
de modestie, le sénat en eut secrètement des re- le repoussèrent sur les hauteurs voisines l'alarme
mords, et voulut acquitter son vœu sans délai. La se répandit jusqu'à Verrug, dans l'autre corps
coupe d'or destinée à Apollon fut remise aux dépu- d'armée. l'ostumius, après avoir mis ses troupes
tés qui devaient la porter à Delplres c'était L. Va- en sûreté, leur reprocha, dans une assemblée,
lérius, L. Sergius et A. Manlius. Ils partirent sur un leur terreur et leur fuite elles avaient été bat-
vaisseau long; mais, non loin du détroit de Sicile, tues par,l'ennemi le plus lâche, le plus fuyard 1
ils furent pris par des pirates liparotes, qui les L'armée tout entière s'écrie qu'elle a mérité ces
transportèrent à Lipare. L'usage de la ville était reproches, qu'elle avoue sa faute et sa honte; mais
de partager les prises entre tous, comme si l'on elle veut l'expier, et la joie de l'ennemi ne sera
eût fait du brigandage un revenu public. Par ha- pas longue. Ils demandent qu'on les mène à l'in-
sard cette année, le premier magistrat du pays stant contre le camp ennemi, placé sous leurs yeux
était un certain Timasithéus, lequel avait l'âme dans la plaine, et s'ils ne l'ont emporté avant la
d'un Romain plutôt que d'un pirate: le nom des nuit, ils se soumettent d'avance à tous les sup-
députés, le présent, le dieu auquel il était des- plices. Après les avoir félicités, le général leur
tiné, tout le pénètre de respect il parvint à inspirer commande de preudre du repos et des forces, et
à la multitude qui, presque toujours, se modèle d'être prêts à la quatrième veille. L'ennemi crai-
sur ceux qui la gouvernent, de justes et religieu- gnant que les Romains ne profilassent de la nuit
ses cramtes et après avoir reçu les députés pour quitter leur position et se sauver par la
comme hôtes de la nation, il les lit escorter avec roule de Verrug, voulut la leur fermer et vint à
ses navires jus ju'à Delphes, et reconduire 6dèle- leur rencontre. Le combat s'engagea de nuit; mais
ment à Rome. Il fut admis par un sénatus-consulle alors, comme la lune était dans son plein, on n'y

urbem patentibus portis accipiant. Nec vos fidei nostræ factum, donaque puhlice data. Eodem auoo iu Æquis
uec uos imperii vestri pœnnebit. » Camillo et ab hostibus varie bellatum adeo ut in incerto fuerit et apud ipsos
et a civibus gratiæ acæ. Faliscis in stipendium militum exercttuset Romae, vicissent, victine essent. Imperatores
ejus anni, ut populus rottianus trilmto vacaret, pecunia romani fuere ex tribunis militum C. Æmilius Sp. Pos-
imperata. Pace da a exere lus Romam reductus. tumius. Primo rem communiter gesserunl; fusis indc acie
XXVIII. Camillus meliore muito laude, quam quiun hoslibus, Æmilium præsidio Verrugmem obtinere pla-
triumphantemalbi per urbem vexera ni equi, insignis, cuit, Postumium fines vastare. Ibi eum, incomposito ag-
juslitia fide,lue hustibus victis, yuum in urbem reduset, mine negligentiusab re bene gesta euntem adurti Ar,,qiii
tacile ejus verecundiam non tulit senatus, qu n siue mora terrore injecto, in proximos compulere tumulos; pavor-
voti liberaretur craieramque auream donuni Apollini que inde Verruginem etiam ad præsidium alterum est
Delphos legati qui ferrent, L. Valerius, L. Sergius, perlatus. Postumius, suis in tu:um receptis, quum con-
A. Manlius, missi lunfia uua nave, haud prncul freto Si- cione advocata terrorem increparet ac fugam fusos esse
culo apiratis Liparemium excepii, devehuntur Liparas. ab iguavissimo et fugz cissimo hoste; conclamat universus
Mus erat civitat.s, velut publico lalrocimo partam præ- exercitus, merito se ea aud:re, et fateri admissum flagi-
dam dividere. Furte eo anno in summo magistratu erat tium sed eosdem ccirrecturos e,se neque diuturnum id
Timasitheus quidam, Romanis vir similior, quam suis. gaudium hostibus fore. Poscen es, ut confes im inde ad
Qui legatorum nomen, donumque, et deum, cui mitte- castra hostium duceret, (in conspectu erant pusita in
retur, et doui causam veritus ipse, multitudinem quoque, piano) nihil pœnæ recasabant, m ea ante noctem expog-
quæ semper ferme regenti est similis, religionis justæ in- nassent. Cullaudatos corpora curare, paratosque esse
plevit adductosque in publicum bospitium legalos, cum quarta Yigilia jubet. Et hostes, nocturnam fugam ex tu-
præsidio etiam navmm Delphos prosecutus, Romam inde mulo Romanorum ut ab ea via, qua? ferebat Verruginem,
sospites restiluit. Hospitium cum eo senatusconsulto est excluderent, fuere obvii præhumque aute lucem (sed
vit pas moins clair qu'en un combat de jour. Ce- tion de leur loi que les consuls résistent avec plus
pendant, les cris portes à Verrug, où l'on crut le de vigueur que jamais, et que l'attention de toute
camp romain assiégé, y jetèrent tant d'effroi, que la ville est absorbée par ces débats, les Èques at-
nonobstant les efforts et les prières d'Emilius, la taquent Vitellia, colonie romaine établie sur leurs
garnison se dispersa et s'enfuit à Tuseulum. terres. La plus grande partie des colons se sauva
Cela fut cause que le bruit se répandit à Rome la nuit, qui avait favorisé la trahison qui livrait
que Postumius et son armée avaient été taillés la place, protégea leur évasion, ils purent fuir
en pièces. Ce général, dès que le jour permit au par ies derrières de la ville et se réfugier à Rome.
soldat d'avancer librement sans craindre d'em- Le consul L. Lucrétius fut chargé de cette campa-
buscade, courut à clreval au milieu des trou- gne parlant avec une armée, il battit l'ennemi
pes, leur rappela leur promesse, et leur inspira dans la plaine, et, vainqueur, il revint à Rome pour
une telle ardeur, que les Èques ne purent soute- de plus rudes combats. Deux tribuns du peuple des
nir leur choc. Ils prirent la fuite et là, comme deux années précédentes, A. Vir;inius et Q. Pom-
partout où c'est la rage qui frappe et non plus la punius avaientété cités en jugement il était de la
valeur, il se fit de l'ennemi un affreux carnage. loyauté des patriciens de placer les accusés sous le
La nouvelle alarmante de Tusculum, qui avait patronage du sénat, car le seul crime de leur vie
répandu dans la ville de si vaines terreurs, fut et de toute leur magistrature était leur dévoue-
suivie des dépêches de Postumius, entourées de ment aux patricienset leur opposition aux menées
lauriers « La victoire est au peuple romain tribunitiennes. Le ressentiment du peuple fut plus
l'armée des Èques est entièrement détruite. n puissant que le crédit du sénal les accusés, mal-
XXIX. Comme les tribuns du peuple n'avaient gré leur innocence, furent, par un jugementd'uu
pas encore réussi dans Ieurs prétentions, le peuple déplorable exemple, condamnés à dix mille livres
voulut continuer dans le ttibuiial les auteurs du pesant de cuivre. Lespatriciens en éprouvèrent un
projet de lui et les patriciens travaillèrent de vif chagrin. Camille s'emportaitouvertementcon-
tous leurs efforts à la réélection des opposants tre cette iniquité du peuple, qui maintenaut s'at-
mais le peuple l'emporta dans ses comices. Affli- taquait aux siens, et ne comprenait point que par
gés de ce résultat les patriciens, pour se venger, ce détestablearrêt il avait enlevé aux tribuns leur
décrétèrent, par un sénatus-consulte, une nomi- droit d'opposition, et par la suppression du droit
nation de consul, magistrature odieuse au peu- d'opposition détruit la puissance tribunitienne.
ple. Après un intervalle de quinze années, on Ils s'abusaient d'espérer que les patriciens souf-
créa consuls L. Lucrétius Flavus, Ser. Sulpicius friraient la licence effrénée de leurs magistrats.
Camérinus. Au commencement de cette année. Si désormais ou n'avait plus l'aide de tribuus
tandis que les tribuns, libres de toute opposition pour comprimer les violences tribunitiennes
dans leur collége, réclament hautement l'adop- les patriciens trouveraient d'autres armes. » En

luna pernol erat) commissum est et haud incertius tribunis plebis, nec segnius ob id ipsum consulibus resis-
diurno prxlio fuit. Sed clamor Verruginem perla tus tentibus, omniqhe civitate in unam eam curam conversa,
quum castra romana crederent oppugnari, tantum inje- Vitelliam coloniam romanam in suo agro Æqui expug-
citpavoris, ut, nequicquam retinente atque obsecranle nant. Colonorum pars maxima incolumis quia noctc pro-
Ænnlio, Tusculum palati fugerent. Inde fama Roniam ditione oppidum captum liberam per aversa urbis fugam
perlata est, Postumium exercitumque occisum. Qui, ubi dederat, Romam perfugere. L. Lucretio consuli ea pro
prima lui metum insidi rum effuse sequentibus sustulit, vincia evenit. Is, cum exercitu profectus, acie ostes vi-
quum perequitasset aciem, promissa repeteos, tantum cit victorque Romam ad majus aliquanto cerlamen redit.
injecit ardoris, ut non ultra sustinueriul impetum Æqui. Dies dictn erat tribunis plebis biennii superioris A. V ir-
Cædes iode fugientium, quabs ul)i ira magis, quam vir- ginio et Q. Pomponio quos defendi Patrum conseusu ad
tute, res geritur, ad perniciem hoslium facta est; tris- fidem senatus pertinebat. Neque enim eos aut vitae ullo
trmque ab Tusculo nuutium nequicquam exterrita civi- crimine alio aut gesti magistratus quisquam arguebat,
tate, literæ Poslumio laurealm sequuntur: « Victoriam præterquamquod, gratificantes Palribus, rogalioui tri-
populi romani esse; Æquorum exercitum deletum. » buniciæ inlercessissent. Vicit tamen gratiam senatus pie-
XXIX. Tribunorum plebis actiones quia nondum inve- bis ira et pessimo exemplo innoxii denis millibus gravis
uerant finem et plebs continuare latoribus legis trihuna- æris condemnati sunt. Id aegre passi Patres. Camillus
tum, et Patrea reflcere iutercessores legis aunisi sunt; sed palam sceleris plebem arguere «Quæ, )am in suos versa,
plus suis coinitiis plebs valuit. Quem dolorem ulli Patres non intelligeret, se pravo judicio de tribunisintercenio-
tuât, senatusconsultu facto, ut consoles, invisus plebi nem sustulisse; intercessione sublata, tribuniciam po-
magistratus, creareutur. Annum post quintum decimum lestatem evertisse. Nam, quod illi sperarent, effreuatarn
croati consules L. Lucretius Flavus, Ser. Sulpicius Ca- liremiam ejus magistratus Patreslaluros falli eos. Si tri-
mprinus. Principio hujus anni, ferociter, quia Demo ex bunicia vis tribunicio auxilio repelli uequeat, aliud telum
collegio intercessurus erat coortis ad perferendam legem Patres inventuros esse. » Consulesque increpabat, quod
même temps il accusait les consuls d'avoir souf- ple romain ue soit point par eux banni, exilé loin
fert en silence que la foi publique eût manqué à du sol paternel et des dieux pénates, dans une
des tribuns qui avaient toujours agi sous la direc- ville ennemie; qu'ils ne fassent point regretter la
tion du sénat. Par ces reproches, auxquels il s'a- prise de Véies par ceux qui verront l'abandon de
bandonnait sans réserve, il accroissait chaque Rome! » Comme ils n'usaient point de violence,
jour le ressentiment des citoyens. qu'ils n'employaient que la prière, et dans la prière
XXX. D'autre part, il ne cessait d'irriter le sé- que l'autorité des dieux, ils soulevèrent les scru-
nat contre la loi. a En descendant au forum le pules religieux du plus grand nombre, et il y eut
jour où l'on votera sur la loi, ils se souvien- pour le rejet de la loi plus de tribus que pour
dront sans doute qu'ils vont combattre pour son admission. Cette victoire causa tant de joie
leurs autels et leurs foyers, pour les temples des aux patriciens que, le jour suivant, sur la proposi-
dieux, pour le sol qui les a vus naître. Quant à tion des consuls, parut un sénatus-consulte qui
lui particulièrement, s'il lui est permis de se accordait au peuple sept arpents du territoire de
bouvenir de sa gloire dans ces grandes épreuvesde Véies. Dans cette distribution on ne tenait pas
la patrie, son orgueil serait flatté de voir refleurir compte seulement des pères de famille, mais de
une ville conquise par lui, d'admirer tous les toutes les têtes libres de chaque maison. L'espoir
jours ce monument de sa victoire, d'avoir sous d'un héritage encouragerait ainsi l'accroissement
les yeux une ville qui fut l'ornement de son triom- de la famille.
phe, et où l'on foulerait à chaque pas les vestiges XXXI. Le peuple, adouci par cette largesse, ne
de sa gloire; mais il regarde comme un crime songea plus à combattre les élections consulaires
d'habiter une cité délaissée et désertée par les on créa consuls L. Valérius Potitus et M. Manlius,
dieux immortels, de transporter le peuple romain surnommé depuis Capitolinus. Ces consuls célé-
sur un sol conquis et d'échanger une patrie vic- brèrent les grands jeux que le dictateur M. Fu-
torieuse contre une patrie vaincue. » Excités par rius avait solennellement voués pendant la guerre
les exhortations de ce grand citoyen, les patri- de Véies. La même auuée, on dédia le temple de
ciensjeunes et vieux, le jour du vote de la loi, Junon, que le même dictateur avait voué pendant
descendent en rangs serrés au forum; ils se ré- la même guerre, et le concours empressé des ma-
pandent dans les tribus, et abordant chacun leurs trones vint encore, dit-on, ajouter à la pompe de
tribulaires, leur pressent les mains, les supplient cette dédicace. La guerre que l'on fit aux Èques,
avec larmes « de ne pas abandonnercette patrie eu Algide, n'eut rien de remarquable, l'ennemi
pour laquelle, eux et leurs pères, ils avaient com- ayant été battu pour ainsi dire avant d'en venir
battu si bravement, si heureusement. » Ils leur aux mains. Le tiiomplie fut accordé à Valérius,
montrent le Capitole, le palais de Vesta, et tous les pour l'ardeur qu'il avait mise dans le massacre
temples des dieux qui les entourent. « Que le peu- des fuyards; à Alanlius ou décerna l'ovation. Cette

fide publica deripi tribunos eos taciti tulissentqui sena- romanum ab solo patrio ac diis penatibus in hostium ur-
tas auctoritatem secuti essent. Hæc prôpalam conciona- bem agerent; eoque rem adducerent, ut melius fueril,
bundus in dies magi. augebat iras bomiuum. non capi Veios, ne Roma desereretur.. Quia non vi
XXX. Senatum vero incitare adversus legem baud de- agebant, sed precibus, et inter preces multa deorummen-
sistebat Ne aliter descenderent in forum quum dies tio erat, religiosum parti maximæ luit et legem una
ferendæ legis veuissel, quam ut qui meminissent, sibi plures tribus auliquarunt, quam jusserunt. Adeoque ea
pro aris focisque et deum templis ac solo, in quo nati victoria læta Patribus fuit, ut postero die, refereutibus
essent, dimicaudum fore. Nam quod ad se privatint atti- cousulibus senatuscuusultum lieret, ut agri veientani
neat, si suæ gloriæ sibi inter dilllicationem patriæ me- septena jugera plebi dividerentur; nec Patribus familiæ
minisse sit fas, sibi amplum quoque esse, urbem ab se tantum, sed ut omnium in domo liberorum capitum ra-
caplam frequeulari, quotidie se frui monumento gloriæ tio haberelur; vellentque in eam spem liberos tollere.
suæ, et aute oculos habere urbem latam in triumpho suo, XXXI. Eo munere delinita plebe, nihil cerlatum est,
msistere omnes vestigris laudum suarum sed nefas du- quo minus consularia comitia ha berentur. Creati consules
cere, desertam ac relictam ab diis immortalibus incoli L. Valerius Poti us, M. blanlius, cui Capitolino postea
urbem; et in captivo solo babitare populum romanum, et fuit cognomen. Hi consules magnos ludos fecere, quos
viclrice patria victam mutari. »Ilis adhortationibus prin- M. Furius dictator voverat Veienti bello. Eodem anno
cipis coucitati Paires, senes juvenesque, quum ferretur a'des Junonis reginæ, ab eodem dictatore eodemque belln
lex, agmine facto in forum venerunt dissipa tique per vota dedicatur celebratamqeu dedicationem ingenti
tribus, suos quisque tribules prensautes, orare cum la- matronarum studio tradunt. Bellum haud memorabileiu
crimis cœpere « Ne eam patriam, pro qua fortissime Alg do cum Acquis gestum est, fusis hostibus prius pæne,
felicissimequeipsi ac patres eorum dunicasscnt, desere- quam manus cousererent. Valerio, quod perseverantior
rent, s Capitolium, ædem Vestæ, cetera circa templa cædendis in fuga fuit, triumphus; Maulio, ut ovaus in-
deorum nbtentantes. « Ko exsulem, extorrem populum grederetur urbem, decretum est. Eodem anno novum
année encore surgit un nouvel ennemi, les Vol- sance à cette guerre, leur courage ne la rendit pas
liniens la famine et la peste qui s'étaient ré- redoutable. Dès le premier choc ils furent culbu-
pandues sur le territoire romain à la suite de sé- tés et mis en fuite; huit mille de leurs soldats, in-
cheresses et de chaleurs extrêmes, empêchèrent vestis par la cavalerie romaine, mirent bas les ar-
qu'on ne menât contre eux une armée. Encouragés mes et se rendirent. A la nouvelle de cette vic-
et enorgueillis par leur impunité, les Volsiniens, toire, les Salpinales, craignant de se mesurer
auxquels les Salpinates s'étaient réunis, saccagè- avec nous, se réfugièient en armes dans leurs
rent à plaisir la campagne romaine. La guerre murs. Alors, les Romains purent dévaster à loisir,
fut déclarée aux deux peuples. Un censeur, C. sans rencontrer d'obstacles les terres des Salpi-
Julius étant mort, on nomma à sa place M. Corné- nates et des Volsiniens; mais, à la fin, ces der-
lius mais depuis, la prise de Rome pendant ce niers, las de la guerre, s'étant soumis à restituer
lustre attacha une idée funesteà ces substitutions, ce qu'ils avaient enlevé an peuple romain, et à
et, par la suite, on ne subrogea personne au cen- payer aux troupes leur solde de l'année, on
seur mort en charge. La contagion ayant attéint leur accorda une trêve de vingt ans. La même an-
les deux consuls en même temps, on décida que née, le plébéien M. Cédicius déclara aux tribuns
les auspices seraient renouvelés par un interroi, que, dans la rue Neuve, à l'endroit où s'élevc
Comme, sur un decret du sénat, les consuls avaicut aujourd'hui une chapelle, au-dessus du temple de
abdiqué, on nomma interroi M. Furius Camille; Vesta, il avait entendu, dans le silence de la nuit,
celui-ci eut pour successeur P. Cornélius Scipion, une voix plus éclatante que la voix humaine, qui
qui fut à son tour remplacé par L. Valérius Poti- lui ordonnait d'annoncer aux magistrats l'appro-
tus. Ce dernier créa six tribuns militaires, avec che des Gaulois. Comme de coutume, l'humble
puissance de consuls, afin que, dans le cas même position de celui qui avait donné cet avis fut cause
où quelqu'un d'entre eux viendrait à tomber ma- qu'on le négligea; et puis ce peuple était si loin
lade, la république ne manquât pas de magis- qu'à peine on le connaissait. Ce n'était pas as-
trats. sez que Itome méprisât les avertissements des
XXXII. Aux calendes de juillet entrèrent en dieux poussée par le destin, elle rejeta de ses
charge L. Lucrétius, Ser. Sulpicius, M. Émilius, murs le seul homme qui eût pu lui être d'un véri-
L. Furius Medullinus, pour la septième fois; table secours, M. Furius. Cité en jugement par le
Agrippa Furius, C. Émilius, pour la seconde. tribun du peuple L. Appuléius pour rendre
A L. Lucrelius et C. Émilius échut la campagne compte du butin de Véies dans le même temps
contre les Volsiniens; Agrippa Furius et Ser. Sul- où il venait de perdre son Os adolescent, Camille
picius marcherent contre les Salpinates. Ce fut convoqua chez lui ses tribulaires et ses clients,
aux Volainiens qu'on livra d'abord bataille; mais, presque tous plébéiens, et leur demanda leurs in-
si la nmltilude des ennemis donnait de l'impor- tentions ceux-cilui ayant répondu Qu'ils paie-

hellum cum Volsiniensibusexortum quo propter famem Fusa concursu primo acies in fugam millia octo arma-
pestilentiamque in agro romano, ex siccitate caloribusque torum ab equitihus interclusa, positis armis, in dedinio-
mmils orlam, exercitus duci nequivit ob qua; Volsinien- nem venerunt. Ejus belli fama effecit, ne se pugnæ com-
ses, Salpinalibus adjunctis, superbia elati, ultro agrus mitterent Salpinates moenibus armati se tutahanlur.
romanos incursavere. Bellum inde duobus populis indi- Romani prædas passim et ei Salpinati agro, et ex Volsi-
ctum. C. Julius censor decessit iu ejus locum M. Cor- niensi, nullo eam vim arcente, egerunt donec Volsi-
nelius suflectus quæ res postea religioni fuit; quia eo niensilms fessis bello ea conditione, ut res populo romano
lustro Roma e,t capta. Nec deinde unquam in demortui reddereut, stipendiuniqiie ejus anni eiercimi præstarent,
locum censor sufficitur. Consulibusque morbo impl citis in vigenti annos indutiæ datæ. Eodem anno M. Cædicius
placuil, per interregnumrenovari auspicia. Itaque, quum de plebe nuutiamt tribunis, se in Nova via, ubi nunc sa-
ex senatusatnsulto consules mngistratu se abdicassent, cellum est, supra ædem Vestæ, vocem noctis sdcntio
interrex creatur M. Furius Cainlus; qui P. Cornelium audisse clariorem humana quæ magistratibus dici jube-
Scipionem, is deinde L. Valeriuin Potitum interregem ret, Gallos adventare. Id ut fit, propter auctons humi-
prodidit. Ab eo creati sei tribuni milimm consulari po- litatem spretum, et quod longiuqua, eoque ignotior,
testate ut, etiamsi cui eormn inconunuda valetudo fuis- gens erat. Neque deorum modo monta, ingruente fato,
set, copia magistratuum reipublicæ esset. spreta; sed humanam quoque opem, qux una erat,
XXXII. Kalendis Quintilibus magistratum occepere M. Furium ab urbe amovere qui, die dicta ab L. Ap-
L. Lucretius, Ser. Sulpicius, M. Æanlius, L. Furius puleio tribuno plebis propter prædam veientanam,filio
Medullinusseptinmm Agrippa Furius, C. Æmilius ite- quoque adolescente per idem tempus orbatus, quum, ac-
rum. Ex bis L. Luvretio et C. Æunlio Volsiuicusespro- cilis domum tribulibus clientilmsque ( magna pars plebis
cincia eveuit: Salpinates Agrippæ Furiuet Ser. Sulpicio. erat), percuuctatus animos eorum, responbum t lisset,
Prtus cum Volsluieusibus pugnatum est. Bellum numéro « Se collaturos, quanti damnatus esset; absolvere eum
hositum ingens, certamine baud sane asperum fuit. Bon poste » iu exilium abut precatus ab dus tmmorta-
raient quelle que fut l'amende qu'on lui imposât, tre les armées gauloises. Les Toscans, avant qu'il
mais qu'ils ne pouvaient l'absoudre, » il partit en ne fût question de l'empire romain, avaient au
exil, priant les dieux immortels, « S'il était in- loin étendu leur domination sur terre et sur mer;
nocent, s'il n'avait point méiité cet outrage, de les noms mêmes dela mer supérieureet de la mer
forcer au plus tôt son ingrate patrie à le regret- inférieure qui ceignent l'Italie comme une île,
ter. » En son absence il fut coudamné à quinze attestent la puissance de ce peaple les popula-
mille livres pesant de cuivre. tions italiquesavaient appelé l'une mer de Toscane,
XXXIII. Après l'expulsion de ce citoyen, qui, du nom même de la nation, l'autre mer Adriatique,
autant qu'on peut compter sur les choses humai- du nom d'Adria, colonie des Toscans. Les Grecs les
nes, eût, en restant, empêche la prise de Rome, appellent mer Tyrrhénienne et mer Adriatique.
les destins précipitèrent la ruine de cette ville. Des Maîtres du territoire qui s'étend de l'une à l'autre
députés de Clusium vinrent demander du secours mer, les Toscans y bâtirent douze villes, et s'éta-
contre les Gaulois. Cette nation, à ce que la tradi- blirent d'abord en deçà de l'Apennin vers la mer
lion rapporte, séduite par la douce saveur des inférieure; ensuite de ces villes capilales furent
fruits de l'Italie et surtout de son viu, volupté expédiées autant de colonies qui, à l'exception de
qui lui était encore inconnue, avait passé les Alpes la terre des énètes, enfoncée à l'angle du golfe,
et s'était emparée des terres cultivées auparavant envahirent tout le pays au delà du Pô jusqu'aux
par les Étrusques. Aruns de Clusium avait, dit- Alpes. Toutes les nations alpines ont cu, sans au-
on, transporté du vin dans la Gaule pour allécber cun doute, la même origine, et les Rètes avant
ce peuple et l'intéresser dans sa vengeance con- toutes c'est la nature sauvage de ces contrées qui
tre le ravisseur de sa femme, Lucumon, dont il les a rendu farouchesau point que de leur antique
avait été le tuteur, riche et puissant jeune homme patrie ils n'ont rien conservé que l'accent, et en-
qu'il ne pouvait punir qu'à l'aide d'un secours cote bien c orrompu.
étranger. Il se mit à leur tête leur fit passer les XXXIV. Pour ce qui est du passage des Gau-
Alpes, et les mena assiéger Clusium. Pour moi, lois en Italie, voici ce qu'on en raconte à l'é-
j'admettrais volontiers que les Gaulois fureut con- ¡poque où Taiquin-l'Ancien régnait à Rome, la
duits devaut Clusium par Aruns ou par tout autre Celtique, une des trois parties de la Gaule, obéis-
Clusien mais il est constant que ceux qui assié- sait aux Bituriges, qui lui donnaient un roi. Sous
t;èrent Clusium n'étaient pas les premiers qui eus- le gouvernement d'Ambigatus, que ses vertus, ses
sent passé les Alpes car deux cents ans avant le richesses et la prospérité de son peuple avaient
siège de Clusium et la prise de Rome, les Gaulois rendu tout-puissant,la Gaule reçutun tel dévelop-
étaient descendus en Italie; et longtemps avant les pemeutpar la fertilité de son sol etlenombre deses
Clusiens, d'autres Étrusques, qui habitaient entre habitants, qu'il semhla impossible de contenir le
l'Apennin et les Alpes, eurent souvent à combat- débordementde sa population. Le roi, déjà vieux,

libus Si innoxio sibi injuria fleret, primo quoque tem- imperium late terra marique opes patuere. Mari supero
pore desiderium sui civitati ingrate facerent.. Absens infero pe quibus ltalia insul modo cmgitur, quantum
quindecim milibus gravis æris damnatur. potuerint, nomina suut argumento; quod alterum Tus-
XXXIII. Expulso cive, quo manente, si quicquam cum communi vocabulo gentis, iilterum Hadriaticum
humanorum certi est, capi Ruma non potuerat; adven- mare, ab liadria Tuscorum colotira, vocavere Italicæ
tante fatali urbi clade, legati ab Clusinis venlunt, auxi- gentes. Graeci eadem Tyrrhenum atque Hadriaticum vo-
lium adversus Gallus petentes. Eam gentem tradilur caut. li in utrumque mare vergentes incoluere urbibus
fama, dulcedine frugum maximeque viui, nova tum vo- duodenis terras prius cis Apenninum ad inferum mare,
lulitate, captam Alpes transisse agrosque ab Etruscis postea trans Apenmnum totidem, quot capita originis
ante culios possedisse: et invexisse iu Galliam vinum illi- erant, colouiis missis quæ trans Padum omuia loca, ex-
ciendæ geulis causa Aruntem Clusinum, ira corruptæ cepto Venetorum angulo, qui sinum circumcolunt maris,
uxoris ab Lucumone, cui tulor is fueratipse, præpotente usque ad Alpes tenuere. Alpinis quoque ea gentibus baud
juvene, et a quo expeli pœnæ, nisi exterua vis quæsita dubie origo est, maxime Rartis: quos loca ipsa effera-
easet, nequirent huuc tranaeuntibus Alpes ducem au- runt, ne quid ex antiquo, præter sonum linguæ, nec eum
ctoremque Clu,ium oppugnandi fmsse. Equidem haud incorruntum, retiuerent.
abnuerim, Clusium Gallos ab Arunte, seu quo alio Clu- XXXIV. De Iransitu in Italiam Gallorum bæc accepi-
sino, adductos sed eos, qui oppugnaverint Clusium, mus. Prisco Tarquinio Romæ regnante ,.Celtarum, quæ
non fuisse, qui primi Alpes transierint, salis constat. pars Galliæ tertia est, pênes Bituriges summa imperio
Ducentis quippe anuis ante, quam Clusium oppugnareot, fuit il regem Cetticu dabant. Aml)igatus is fuit, virtute
urbemque Rumam caperent, in Italiam Galli transcende- fortunaque quum sua, tum publica, præpollens, quod
runt uec cum his primum Etruscorum, sed multo ante imperio ejus Gallia adeo frugum bominumque ferlilis
cum iis, qui inter ApeuninumAlpesque incolebant, sæpe fuit, ut abundans multitudo vix regi videretur posse. Hie
exercitus Gallici pugnavere. Tuscorum ante romanum niagno natu tpse jam exeneiare prægravante turla re-
voulant Jcbarrasser son royaume de cette multi- gorges inaccessibles, traversèrentle pays des Tau-
tudcqui l'écrasait,invita Bellovèse etSigovèse, fils rins, et, après avoir vaincu les Toscans, près du
de sa sœur, jeunes hommes entreprenants, à aller fleuve Tésin, ilsse fixèrent dans un canton qu'on
chercher un autre séjour dans les contrées que nommait la terre des Insubres. Ce nom qui rappe-
les dieux leur indiqueraient par les augures ils lait aux Edues les Insubres de leur pays, leur pa-
seraient libres d'emmeneravec eux autant d'hom- rut d'un heureux augure, et ils fondèrent là une
mes qu'ils voudraient afin que nulle nation ne ville qu'ils appelèreut Mediolanum.
pùt repousser les nouveaux venus. Le sort assigna XXXV. Bientôt, suivant les traces de ces pre-
à Sigovèse les forêts Hercyniennes à Bellovèse, les micrs Gaulois, une troupe de Cénomans, sous la
dieux montrèrent un plus beau chemin celui de conduite d'Elitovius, passe les Alpes par le même
l'Italie. Il appela à lui, du milieu de ses surabon- défilé, avec l'aide de Bellovèse, et vient s'établir
dantes populations, des Bituriges, des Arvernes, aux lieux alors occupés par les Libuens et où sont
des Senous, des Édues, des Ambarres, des Carnu- maintenantles villes de Brixia et de Verona. Après
tes, des Aulerques et, partant avec de nombreu- eux, les Salluves se répandent le long du Tésin,
ses Iroupes de gens à pied et à cheval, il arriva près de l'antique peuplade des Ligures Lèves. En-
chez les Tricastins. Là devant lui, s'élevaient les suite, par les Alpes Penniues, arrivent les Boies
Alpes; et, ce dont je ne suis pas surpris, il les re- et les Lingons, qui, trouvant tout le pays occupé
gardait sans doute comme des barrièresinsurmon- entre le Pô et les Alpes, traversent le Pô sur des
tables car, de mémoire d'homme, à moins qu'on radeaux, et chassent de leur territoire les Étrus-
ne veuille ajouter foi aux exploits fabuleux d Her- ques et les Ombres toutefois, ils ne passèrent
cule, nul pied humain ne les avait franchies. Ar- point l'Apennin. Enfin, les Senons, qui vinrent
rêtés, et pour ainsi dire enfermés au milieu de ces en dernier, prirent possession de la contrée qui
hautes montagnes, les Gaulois cherchaient de tous est située entre le tleuvc Utens et l'Esis. Je trouve
côtés, à travers ces roches perdues dans les cieux, dans l'histoire que ce fut cette nation qui vint à
un passage par où s'élancer vers un autre uni- Clusium et ensuite à Rome mais on ignore si elle
vers, quand un scrupule religieux vint encore les vint seule ou soutenue par tous les peuples de la
arrêter ils apprirent que des étrangers, qui cher- Gaule Cisalpine. Tout, dans cette nouvelle guerre,
chaient comme eux une patrie, avaient été atta- épouvanta les Clusiens; et la multitude de ces
qués par Ics Salyes. Ceux-là étaient les Massiliens hommes, et leur stature gigantesque, et la forme
qui étaient venus par mer de Phocée. Les Gaulois de leurs armes, et ce qu'ils avaient oui dire de
virent là un présage de leur destinée ils aidèrent leurs nombreuses victoires, en deçà et au delà de
ces étrangers à s'établir sur le rivage où ils Pô, sur les légions étrusques aussi, quoiqu'ils
avaient abordé et qui était couvert de vastes fo- n'eussent d'autre titre d'alliance ou d'amitié au-
rêts. l'our eu\, ils franchirent les Alpes par des près de la république, que leur refus de défendre

gnum cupiens, Bellovesuinac Sigovesum, sororis filios, mine, quum, in quo consederant, agrum Insubrium
impigros juvenes, missurum se esse, in quas dii dedissent appellari audissent, cognomine Insubribus pago Æduo-
auguriis sedes, ostendit. Quautum ipsi vellent numerum rum, ibi, omen sequentes loci, condidere urbem Me-
hominum excirent, ne qua gens arcere advenientes pos- diolanum appellarunt.
set. Tum Sigoveso sortibus dati Hercynii saltus Bello- XXXV. Alia subinde manus Cenomanorum, Elilovio
Yeso baud paulo lætiorem in Italiam viam dii dabant. Ia, duce vestigia priorum secuta, eodem saltu, favente Bel-
quod ejus ex populis abundabat, Bituriges, Arveruos, loveso, quum transcendisset Alpes, ubi nunc Briaia ac
Senones, Æduos, Ambarros, Carnutes, Aulercos, ex- Veroua urbes sunt ( locos tenuere Libui) considunt
civit. Profectus mgentibus peditum equitumque copiis, post hos balluvii, prope antiquam gentein La'vos Ligu-
in Tricastinos vemt. Alpes inde oppositæ eraut quas in- res,incolentescirca Ticinumamnem. Pennmo deiude Boü
eisuperabiles visas haud equidem miror, nulla dum via Lingonesque transgressi, quum jam inter Padum atque
( quud quidem continens memoria sit, nisi de Hercule Alpes omnia teuerentur, Pado ratbus trajecto, non
fabut s credere hbet) superatas. Ibi quum velut skeptos Etruscos modo, sed etiam Umbros, agro pellunt intra
montium altimdo teneret Gallos, circumspectarentque, Apenniuum tamen sese tenuere. Tum Senones, recentis-
quanam per Juncla cœlo juga in alium orbem terrarum simi advenarum, ab Uteuse flomine usque ad Æsim fines
transirent, religio etiam lenuit, quod dllatum est, adve- habuere. liane gentem (.1u,%ium, Romamque inde, ve-
nas quærentesagrum ab Salyum gente oppugnari. Mas- nisse comperio id parum certum est, solainue, an ab
silieuses erant bi, navibus a Phoewa prolecti. Id Galli omnibusCisalpinoruniGallorum populis adjutam. Clusiui,
fortunæ suæ omen rati adjuvere, ut, quem primum in novo bello exterrili; quum multitudinem, quum formas
terramegressioccupavei-aut,locum patentibus silvis com- hominum invisitatas cernerent et genus artnorum, audi-
munirent. Ipsi per Taurmos saltusque invios Alpes traus- rentque, sæpe ab iis, cis Padum ultraque, legiones
cenderunt fumsque acte Tuscis baud procul Ticino flu- Flruscorum lusns, quanquam adversus Rom;.n is nullum
contre les Romains les Véiens, leurs frères, ils eux combien les Gaulois surpassent eu bravoure
envoyèrent des députés à Rome pour demander les autres hommes, Les Romains leur ayant alors
du secours au sénat. Ce secours ne leur fut point demandé « De quel droit ils venaient exiger le ter-
accordé; mais trois députés, tous trois fils de ritoire d'un autre peuple et menacer de la guerre,
M. Fabius Ambustus, furent chargés d'aller, au et ce qu'ils avaient affaire, eux Gaulois, en Étru-
nom du sénat et du peuple romain, inviter les rie » et les Gaulois ayant répondu fièrement
Gaulois à ne pas attaquer une nation dont ils n'a- u Qu'ils portaientleur droit dans leurs armes et
vaient reçu aucune injure et d'ailleurs alliée du que tout appartenait aux hommes de courage,
peuple romain et son amie. Les Romains, au be- les esprits s'échauffent, on court aux armes et la
soin, les protégerontaussi de leurs armes; mais lutte s'engage. Alors, les destins contraires l'em-
ils trouvent sage de n'avoir recours à ce moyenque portent sur Rome les députés, au mépris du
le plus tard possible, et pour faire connaissance droit des gens, prennent les armes, et ce combat
avec les Gaulois, nouveau peuple, mieux vaut de trois des plus vaillants et des plus nobles en-
la paix que la guerre. fants de Rome, à la tête des enseignes étrusques,
XXXVI. Cette mission était toute pacifique ne put demeurer secret; ils furent trahis par l'é-
mais elle fut confiée à des députés d'un caractère clat de leur bravoure étrangère. Bien plus, Q. Fa-
farouche, et qui étaient plus Gaulois que Romains. bius, qui courait à cheval en avant de l'armée,
Lorsqu'ils eurent exposé leur message au conseil alla contre un chef des Gaulois qui se jetait avec
des Gaulois, on leur fit cette réponse « Bien furie sur les enseignes étrusques, lui perça le flanc
qu'on entende pour la première fois parler des de sa lance et le tua pendant qu'il le dépouil-
Romains, on les estime vaillants hommes, puisque lait, il fut reconnu par les Gaulois, et signalé
les Clusiens, dans des circonstances critiques, ont sur toute la ligne comme étant l'envoyé de Rome.
imploré leur appui et, puisque ayant à protéger On dépose alors tout ressentiment contre les Clu-
contre eux leurs alliés, ils ont mieux aimé avoir 1 siens, et l'on sonne la retraite en menaçant les
recours à une députation qu'à la voie des armes, Romains. Plusieurs même émirent l'avis de mar-
on ne repoussera point la paix qu'ils proposent, cher droit sur Rome; mais les vieillards obtinrent
si aux Gaulois, qui manquent de terres, les Clu- qu'on enverrait d'abord des députés porter plainte
siens, qui en possèdent plus qu'ils n'en peuvent de cet outrage et demander qu'en expiation de
cultiver, cèdent une partie de leur territoire; au- cette atteinte au droit des gens, on leur livrât les
trement, la paix ne sera pas accordée. C'est en Fabius. Les députés Gaulois étant arrivés, expo-
présence des Romains qu'ils veulent qu'on leur sèrent leur message mais, bien que le sénat dés-
réponde et s'ils n'obtiennent qu'un refus, c'est approuvât la conduite des Fabius, et trouvât
en présence des mêmes Romains qu'ils combat- juste la demande des Barbares, il n'osait point pro-
tront, afin que ceux-ci puissent annoncer chez noncer contre les coupables un arrêt mérité, em-

iis jus societatis amicitiæve erat, nisi quod Veientes con- mortales præstarent.» — «Quodnam id jus esset, agrum a
sanguineos adversus populum Romanum non defendis- possessoribus petere, aut minari arma? » Romanis quæ-
sent, legatos Romam, qui auxilium ab senatu peterent, rentibus, et, «Quid in Etruria rei Gallis esse ? » Quum
misere. De auxilio nibil impetratum legati Ires M. Fabii illi Se in armis jus ferre »eutOmuium fortium viro-
Ambusli filii missi, qui senatus populique romani nomine rum esse ,» ferociter dicereut, accensis utrimyue animis
agerent cum Gallis, ne, a quibus nullam injuriam acce- ad arma discurritur, et prælium conseritur. Ibi, jam ur-
pissent, socios populi romani atque aimcos oppugnarent. gentibus Romanam urbem fatis, legali contra jus geo-
Rumanis eos bello quoque, si res cogat, tuendos esse tium arma capiuut nec id clam esse potuit, quum ante
sed melius visum, bellum ipsum amoveri, si posset et signa Etruscorum tres nobilissimifortissiinique Romanæ
Gallos, novam gentem, pace potiuscognosci, quam armis. juventutis puxnarent. Tantum eminebatperegriua virtus.
XXXVI. Mitis legatio, ni pra'feroces legatos, Gallisque Quin etiam Q. Fabius evectus extra aciem equo, ducem
magis quam Romanis simles, habuisset. Quibus post- Gallorum, ferociter in ipsa signa Etruscorum incursan-
quam mandata ediderunt in coucilio Gallorum, datur tem, per latus transfixum basta occidit: spoliaque ejus
responsum « Etsi novum nomen audiaut Romanorum, legentem Galli agnovere, perque totam aciem, romanum
tamen credere virus fortes esse, quorum auxilium a Clu- legatum esse, signumdatum est. Omissa iude in Clusinos
sinis in re trépida sit imploratum. Et, quoniam legatione ira, receptui cauuut, minantes Romanis. Erant, qui ex-
adversus se malueriul, qu.im armis, tueri socios, ne se templo Romam eundum censerent. Vicere seniores, ut
quidem pacrm, quam illi afferaut, aspernari, si Gallis, legali prius mitterentur queslum iujnrias postulatumque,
egeulibus agro, quem latius possideant, quam cotant, ut pro jure gennum violato Fabii dederentur. Légat'
Clusini, partem finium concédant aliter pacem impetrari Gallorum quum ea, sicut erant mandata, eiposuissent,
non posse. Et responsum coram Romanis accipere velle: senatui nec factum placebat Fabiorum, et jus pustulare
et, si uegetur ager, coram iisdem Romanis dimicaturos, Barbari videbautur: sed, ne id. quod placebat, decerne-
utauntiare domnm possent, quantum Gallivirtute ceteros ret in tan'æ nobilitatis viris, ambitio obstabal. Itaque,
pêché qu'il était par la faveur attachée à des hom- bouillant de colère, et d'un naturel impuissant
mes aussi considérable. Ainsi, pour n'avoir pas à la contenir, ils arrachent leurs enseignes, et
à répondre des malheurs que pourrait enlrainer s'avancent d'une marche rapide sur le chemin'
une guerre avec les Gaulois, il renvoya au peu- de ttome. Comme, au bruit de leur passage, les
ple la connaissance de leur réclamation. Là, le villes épouvantées couraient aux armes, et que les
crédit et les largesses eurent tant d'influence, que habitants des campagnes prenaient la fuite, les
ceux dont on poursuivait le châtiment furent créés Gaulois annonçaient partout à grands cris qu'ils'
tribuns militaires, avec puissance de consuls pour allaient sur Rome; et, dans tous les endroits qu'ils
l'année suivante. Cela fait, les Gaulois, justement traversaient, cette confuse multitude d'hommes et
indignés d'une pareille insulte, retournèrent au de chevaux occupait au loin un espace immense.
camp, en prononçant lout haut des menaces de La renommée qui marchait devant eux, les cour
guerre. Avec les trois Fabius, on créa tribuns riers de Clusium et de plusieurs autres villes
des soldais Q. Sulpicius Longus, Q. Servilius avaient porté l'effroi dans Rome; leur venue im-
pour la quatrième fois, Ser. Cornelius Malugi- pétueuse augmenta encore la terreur l'armée
nensis. partit au devant eux à la hâte et en désordre; et
XXXVII. En présence de l'immense péril qui la à peine à onze milles de Rome, les rencontra à
menaçait ( lant la fortuue aveugle les esprits, quand l'endroit où le fleuve Allia, roulant du haut des
elle veut rendre ses coups irrésistibles! ) cette monts Cruslumins, creuse son lit, et va, un peu
cité, qui ayant affaire aux Fidénates, aux Véiens au-dessous du chemin se jeter dans le Tibre.
et aux autres peuples voisins, avait eu recours Partout, en face et autour des Romains, le pays
aux mesures extrêmes, et tant de fois nommé un était couvert d'ennemis et cette nation qui se
dictateur, aujourd'hui, attaquée par un ennemi plaît par goût au tumulte, faisait au loin retentir
étranger et inconnu, qui lui apportait la guerre des l'horrible harmonie de ses chants sauvages et do
rives de l'Océan et des dernièreslimitesdu monde, ses bizarres clameurs.
cite ne recourut ni à un commandement ni à des XXXVIII. Là, les tribuns militaires, sans avoir
moyens de défense extraordinaires. Les tribuns d'avance choisi l'emplacement de leur camp, sans
dont la témérité avait amené cette guerre, diri- avoir élevé un retranchement qui püt leur offrir
geaient les préparatifs; et, affectait de mépriser une retraite, et ne se souvenant pas plus des dieux
l'ennemi ils n'apportaient à la levée des troupes que des hommes, rangent l'armée en bataille,
ni plus de soin ni plus de surveillance que s'il se sans prendre les auspices et sans immoler de vic-
fût agi d'une guerre ordinaire. CependautlesGau- times. Afin dene pas être enveloppés par l'ennemi,
lois avaient appris que l'on s'était compluà conser- ils étendent leurs ailes; mais ils ne purent égalcr
ver des honneurs aux violaleurs des droits de l'hu- le front desGaulois, et leur centre affaibli ne forma
manité, et qu'on s'était joué de leur dépulation plus qu'une ligne sans consistance. Sur leur droite

ne penes ipsos culpa esset cladis forte gallico bello ac- esse, flagrantes ira, cujus impotens est gens, confi·stim
ceptæ, cngmtionem de postulatis Gallorum ad populum signis convulsia, citatu agmiue iter ingrediuntur. Ad quo-
rejiciunt obi tanto plus gratia atque opes valuere, ut, rum praetereuutium raptim tumulium quum extrrrits
quorum de pœna agehatur, tribuni militum consulari po- urbes ad arma coucurrereut, fugayue agrestium fieret,
tettate in insequeniem annum crearentur. Quo facto, Romam se ire, magno clamore sigmficabant; quacuuyue
baud secus quam dignum erat infenst Galli bellum pro- ibant, equis virisque longe ac late fuso agmine immen-
palam minantes, ad suos redeunt. Tribum militum cum sum oblinentes loci. Sed antecedente fama uotusque
tribus Fabiis creati Q. Sulpicius Longus, Q. Servilius Clusinorum deincepa inde aliorum populorum, pluri-
quartum, Ser. Cornelius Maluginensis. mum terroris Romani celeritas hostium lulit quippe
XXXV1I. Quum tanla moles mali instaret, ( adeo oc- quibus, velut tumultuarioexercitu raptim ducto, a·gre arl
ctcat animos fortuna, ubi vim suam ingruentem refringi undecimum lapidem occursnm est, qua flumen Allia,
non vult) civit8s, quæ adversus Fidenatem ac Veientem Crustuminis montibus prxalto dc0uens alveo, haud mul-
hostem aliosque (initimos populos, ultima experiens au- tuminfra viam Tiberinoamni miscetur. Jam omnia con-
iilia dictatorem multis tempestatibus dixisset; ea tune, tra circaque hostium plena erant, et nata in vanos tu-
invisitato atque inaudito hoste ab Oceano terrarumque multus gens truci uwntu clamoribusque variis, borrendo
ultimis oris hellum ciente, nihil extraordinariiimperii aut cuneta compleverant souo.
auxilii quæsivit. Tribuni, quorum temeritate bellum con- XXXVIII. Ibi tribuui militum non loco castris ante
tractum erat, summæ rerum prsecrant delectumque capto, non præmunito vallo, quo receptus esset, non
nihilo accuraliorem quam ad média bella haberi solitus deorum saltem, si non hominum, memores, nec auspi-
erat ( extenuantes etiam famam belli), babebant. Inte- cato, uec litato, instruunt aciem diductam in cornus, ne
rim Galli, pottquam accepere, ultro honorem babitum circumveniri multitudine hostium possent. Nec tamen
violotoribus juris bumani, elusamque legationem suam æquari frontes poterant, quum eltenuando infirmam et
était une éminence où ils jugèrent à propos de se sauvaieut sans ordre. Sur la me du Tibre, où
placer leur réserve, et si par ce point commcnça l'aile gauche s'était enfuie tout entière, après
la terreur et la déroute là aussi se trouva le salut avoir jeté ses armes, il en fut fait un grand car-
des fuyards. En effet, Brennus, qui commandait nage et une foule de soldats qui ne savaient pas
les Gaulois craignant surtout un piège de la part nager, ou à qui le poids de leur cuirasse et de
d'un ennemi si inférieur en nombre, et persuadé leurs vêtements en ôtait la force, furent engloutis
que leur intention, en s'emparant de cette hau- dans le fleuve. Le plus grand nombre cependant
teur, était d'attendre que les Gaulois en fussent purent sains et saufs gagner Véies, d'où ils n'en-
venus aux mains avec le front des légions pour voyèrent à Rome ni le moindre renfort pour la
lancer la réserve sur leur flanc et sur leur dos, garder ni même un courrier pour annoncer leur
marcha droit à ce poste il ne doutait pas que défaite. L'aile droite, placée loin du fleuve et
s'il parvenait à s'en emparer, l'immense supério- presque au pied de la montagne, se retira vers
rité du nombre ne lui donnât une victoire facile Rome, et sans se donner le temps d'en fermer les
et ainsi la science militaire aussi bien que la for- portes se réfugia dans la citadelle.
tune se trouva du côté des Barbares. Dans l'ar- XXXIX. Les Gaulois, de leur côté, étaient comme
mée opposée, il n'y avait rien de romain, ni chez stupéfaits d'une victoire si prodigieuse et si sou-
les généraux ni chez les soldats; les esprits n'é- daine eux-mêmes ils restèrent d'abord immobiles
taient préoccupés que de leur crainte et de la de peur, sachant à peine ce qui venait d'arriver;
fuite; et, dans leur égarement, la plupart se sau- puis ils craignirent qu'il n'y eût là quelque piége
vèrent à Véies, ville ennemie dont ils étaient sé- enfin ils se mirent à dépouiller les morts, et, sui-
parés par le Tibre, au lieu de suivre la route qui vant leur coutume, entassèrentles armes en mon-
les aurait menés droit à Rome vers leurs femmes ceaux. Après quoi, n'apercevant nulle part rien
et leurs enfants. La réserve fut un moment dé- d'hostile, ils se mettenten marche et arrivent à
fendue par l'avantage du poste; mais dans le reste Rome un peu avant le coucher du soleil. La cava-
de l'armée, à peine les plus rapprochés eurent- lerie qui marchait en avant leurapprit que les por-
ils entendu sur leurs flanes, et les plus éloignés tes n'étaient point fermées; qu'il n'y avait point de
derrière eux, le cri de guerre des Gaulois, que, postes pour les couvrir, point de soldats sur les mu-
presque avant de voir cet ennemi qu'ils ne con- railles ce nouveau prodige, si semblable au pre-
naissaient pas encore, avant de tenter la moindre mier, les arrêta encore; la crainte de la nuit et l'i-
résistance, avant même d'avoir répondu au cri gnorance des lieux les décidèrent à camper entre
de guerre intacts et sans blessures ils prirent la laville et l'Anio, après avoir envoyé autour des
fuite. On n'en vit point périr en combattant rempartset vers les autres portes des éclaireursqui
l'arrière-garde éprouva quelqueperte, empêchée devaient tâcher de découvrir quelle était danscette
qu'elle fut dans sa fuite par les autres corps qui situation désespérée l'intention des ennemis. La

vix cohaerentem mediam aciem baberent. Paullum erat pedientium fugam. Circa ripam Tiberis, quo armis ab.
ab dextra editi loci, quem subsidiarüs repleri placuit; jectis totum sinistrum cornu defugit, magna strages facta
eaque res, ut initium pavoris ac fugæ, sic una salus fu- est: multosque, imperitos nandi aut invalidos,graves
gientihos fuit. Nan) Brennus, regulus Gallorum, in pau- loricis aliisque tegminibus hausere gurgites. Maxima ta-
citate hostium artem maxime timens, ratus ad id captum men pars mcolumis Veios perfugit; unde non modo præ-
superioremlocum, ut, ubi Galli cum acie legionum recta sidii quicquam, sed ne uuntius quidem cladis, Romam
fronte coucurrissent, subsidia in aversos transversosque est missus. Ab dexlro cornu quod procul a flumine et
impetum darent, ad subsidiarios signa convertit si eos magis sub monte steterat, Romam omnes petrere, et, ne
loco depnlisset, haud dubins, facilem in aequo campi tan- clausis quidcm portis urhis, in arcem confugerunt.
tum superauti multitudini victoriaro fore adeo non for- XXXIX. Galli s quoque velu. obstupefactos miracuium
tuna modo, sed ratio etiam, cum Barbaris stabat. la al- victoriæ tam repentumæ tenuit. Et ipsi pavore difhi pri-
tera acie niltil simile ltomanis, non apud duces, non mum steterunt, velut ignari, quid accidisset deinde
apud milites erat. Pavor fugaque occupaverat animos, et insidias vereri; postremo cæsorum spot;a legere, armo-
taota omnium obliviio, ut multo major pars Veios, in rumque cumulos, ut mos iis est, coacervare. Tum de-
hostium urbem, quum Tiberis arceret, quam recto iti- mum, postquam nihil usquam hostile cernebatur. viam
nere ltomam ad conjuges ac liberos fugerent. Parumper ingressi, baud multo ante eolts occasum ad urbem Roruam
subsidi.irins lutatus est locus in reliqua acie simul est pervcniunt. Ubi quam praegressi equiles, non portis
clamor, proximis ab latere, ultimis ab tergo, audilus, clamas, non alationem pro por.is excubare, non arma-
ignotum hostem prius pæne qua viderent, non modo tos esse in mûris, retulissenl aliud priori sinlile miracu-
non tentalo certamine, sed ne clamore quidem reddito, luin ces sustinuit; noctemque veriti et ignotæ silum
integri intactique tugerunt. Nec ulla cædes puguanlium urbis, inter Romam atque Amenemconsedere, exptor ato-
fuit terga oæsa suomet ipsorum certamine in turba im- ribus missis circa mœnia aliasque portas, quænam bosti-
plusgrande partie de l'armée romaine avait gagné défendre, de ce poste fortifié, les dieux, les
Véies,mais à Romcon ne croyait échappés de la ba- hommes et le nom Romain. Le Gamine et les prê-
taille que ceux qui étaient venus se réfugier dans tresses de Vesta emportèrent loin du meurtre,
la ville, et les citoyens désolés, pleurant les vi- loin de l'incendie, les objets du culte public,
vants aussi bien que les morts, remplirentpresque qu'on ne devait point abandonner tant qu'il res-
toute la ville de cris lamentables. Les douleurs terait un Romain pour en accomplir les rites. Si
privées se turent devant la terreur générale la citadelle, si le Capitole, séjour des dieux, si le
quand on annonça l'arrivée de l'ennemi et bien- sénat cette tête des conseils de la république, si
tôt l'on entendit les hurlements, les chants dis- la jeunesse en état de porter les armes venaient à
cordants des Barbares qui erraient par troupes échapper à cette catastrophe imminente, on pour-
autour des remparts. Pendant tout le temps qui rait se consoler de la perte des vieillards qu'on
s'écoula depuis lors, les esprits demeurèrent en laissait dans la ville abandonnés à la mort. Et
suspens; d'abord, à leur arrivée, on craignit de pour que la multitude se soumît avec moins de
les voir d'un moment à l'autre se précipiter sur regret, les vieux triomphateurs, les vieux consu-
la ville, car si tel n'eût pas été leur dessein, ils laires déclarèrent leur intention de mourir avec
se seraient arrêtés sur les bords de l'Allia; puis, les autres, ne voulant point que leurs corps, in-
au coucher du soleil, comme il ne restait que peu capables de porter les armes et de servir la pa-
de jour, on pensa que l'attaqueaurait lieu avant la trie, aggravassent le dénuement de ses défen-
nuit; et ensuite, que le projet était remis à la nuit seurs.
même pour répandre plus de terreur. Enfin, à XL. Ainsi se consolaient entre eux les vieillards
l'approche du jour, tous les cœurs étaient glacés destinés à la mort. Ensuite ils adressent des en-
d'effroi; et à cette crainte sans intervalle futsuivie couragements à la jeunesse, qu'ils accompagnent
de l'affreuse réalité, quand les enseignes mena- jusqu'au Capitole et à la citadelle, en recomman-
çantes des Barbares se présentèrent aux portes. dant à son courage et à sa vigueur la fortune,
Cependant il s'en fallut de beaucoup que cette nuit quelle qu'elle dût ctre d'une cité victorieuse
et le jour suivant Rome se montrât la même que pendant trois cent soixante ans dans touies ses
sur l'Allia, où ses troupes avaient fui si lâchemeut. guerres. Mais au moment où ces jeunes gens, qui
Cn effet, comme on ne pouvait pas se flatter avec emportaient avec eux tout l'espoir et toutes les
un si petit nombre de soldats de défendre la ressources de Rome, se séparèrent de ceux qui
ville, on prit le parti de faire monter dans la ci- avaient résolu de ne point survivre à sa ruine, la
tadelle et au Capitole, outre les femmes et les douleur de cette séparation, déjà par elle-même
enfants, la jeunesse en état de porter les armes et si triste, fut encore accrue par les pleurs et
l'élite du sénat; et, après y avoir réuni tout ce l'anxiété des femmes, qui, courant incertaines tan-
qu'on pourrait amasser d'armes et de vivres, de tôt vers les uns, tantôt vers les autres, deman-

bi s in perdrta re consrlra essent. Romani, quum pars liamque concedere, armisque et frumento coliatis, ex
major ex acie Veios petisset, nemo superesse quemquam loco inde munito deos hominesque et Romanum nomen
praetereos, qui Romam refugerant, crederet, complo- defendere naminem sacerdotesque Vestales sacra pu-
roll omnes, pariter vil mortuique, totam prope urbem blica a cæde, ab incendiis procul auferre nec ante de-
lamentis impleverunt. Privatos demde luctus stupefecit srri cultum eorum, quam non mperessent, qui colerent.
publicus paror, postquam hostes adesse nnuliatum est. Si arx Capiioliumque, sedes deorum, si senatus, caput
Moi ululatus canlusque dissonos,vagautibus circa mœnia publici consilü, bi militaris juveutus superfuerit imm-
turmatim Barbarts, audiebant. Omne inde tempus sus- nenu ruinæ ui bis, facilem jacturam esse seniorum, re-
pensos ila tenant auimos usque ad lucem alteram, ut lictæ in urbe utique perituræ turba. Et, quo id aequiore
identidem jam in urbem futurus videretur impetus, auimo de plebe multiludo ferret, senes triumphales con-
primo adventu, quo accesserant ad urbem; mansuros sularesque simul se cum illis palam dicere obituros, nec
enim ad Alliam fmsse, nisi hoc constiliiforet deinde sub bis curporibus, quibus non arma ferre, non tueri pa-
occasum solis, quia hdud multum diei supererat, ante triam possent, oueraturos inopiam armatorum.
noctem rati se iovasuros; tum in noctem dilatum consi- XL. Ha'c inter seuiores morti destinatos jactata sola-
hum esse, quo plus pavoris infcrreut. Postremo lui ap- lia. Versa; inde adhortaliones ad agmen juveuum, quos
propinquans exanimare timorique perpetuo ipsum ma- in Capitolium atque in arcem prosequebantur,commeu-
lum continentfuit, quum signa infesta portis sunt illata. dantes virtuti eorum juventæque urbis per trecentos seza-
Nequaquam tamen ea nucle, neque insequenti die similis ginta annos omuibus bellis victricis, quæcunque reluqua
illi, quæ ad Ailiam tam pavide fugerat, civitas fuit. ham esset, fortunam. Digredientibus,qui spem omnem atque
quum defendi urbem posse, tam parva relicta manu, opem secum ferebant, ab iis, -qui capta* urbis non super-
opes nulla esset, placuit, cum coujugibus ac liberis ju- esse staluerant exitio; quum ipsa res speciesque inisera-
ientutem militarem senatusque robur in arcem Capitu- bilis erat, tum muliebris tletus et concursatio incerla,
daient à leurs maris et à leurs fils à quel destin homme, faisant même alors la différencedes cho-
ils les abandonnaient ce fut le dernier trait à ses divines et des choses humaines, trouva irré-
ce tableau des misères humaines. Cependant une ligieux que les pontifes de Rome portassent à pied
grande partie d'entre elles suivirent dans la cita- les objets du culte public, tandis qu'on le voyait
delle ceux qui leur étaient chers, sans que per- lui et les siens dans un chariot. Il 6t descendre
sonne les empêchât ou les rappelât; car cette pré- sa femme et ses enfants, monter à leur place
caution qui aurait eu pour les assiégés l'avantage les vierges et les choses saintes, et les conduisit
de diminuer le nombre des bouches inutiles, jusqu'à Céré, où elles avaient dessein de se ren-
semblait trop inhumaine. Le reste de la multi- dre.
tude, composé surtout de plébéiens, qu'une col- XLI. Cependant à Rome, toutes les précautions
line si étroite ne pouvait contenir, et qu'il était une fois prises, autant que possible, pour la dé-
impossible de nourrir avec d'aussi faibles provi- fense de la citadelle, les vieillards, rentrés dans
sions, sortant en masse de la ville, gagna le Ja- leurs maisons, attendaient, résignés à la mort,
nicule de ta, les uns se répandirent dans les l'arrivée de l'ennemi et ceux qui avaient rempli
campagnes, les autres se sauvèrent vers les villes des magistratures curules, voulant mourir dans
voisines, sans chef, sans accord, ne suivantcha- les insignes de leur fortune passée de leurs hon-
cun que son espérance et sa pensée personnelle, neurs et de leur courage, revêtirent la robe so-
alors qu'il n'y avait plus ni pensée, ni espérance lennelle que portaient les chefs des cérémonies
commune. Cependant le flamine de Quirinus et religieuses ou les triomphateurs, et se placèrent
les vierges de Vesta, oubliant tout intérêt privé, au milieu de leurs maisons, sur leurs sièges d'i-
ne pouvant emporter tous les objets du culte pu- voire. Quelques-uns même rapportent que, par
blic, examinaient ceux qu'elles emporteraient, une formule que leur dicta le grand pontife M. Fa-
ceux qu'elles laisseraient, et à quel endroit elles bius, ils se dévouèrent pour la patrie et pour les
en confieraient le dépôt le mieux leur parait do Romains, enfants de Quirinus. Pour les Gaulois,
les enfermer dans de petits tonneaux qu'elles en- comme l'intervalle d'une nuit avait calmé chez
fouissent dans une chapelle voisine de la demeure eux l'irritation du combat, que nulle part on ne
du (lamine de Quiriuus, lieu où même aujour- leur avait disputé la victoire, et qu'alors ils ne
d'hui on ne peut cracher sans profanation pour prenaient point Rome d'assaut et par force, ils y
le reste elles se partagent le fardeau, et prennent entrèrent le lendemain sans colère, sans emporte-
la route qui, par le pont de bois, conduit au Ja- ment, par la porte Colline, laissée ouverte, et
nicule. Comme elles en gravissaient la pente, elles arrivèrent au forum, promenant leurs regards
furent aperçues par L. Albinius,plébéien, qui sor- Sur les temples des dieux et la citadelle qui, seule,
tait de Romeavec la foule des bouches inutiles, con- présentaitquelque appareil de guerre. Puis, ayant
duisant sur un chariot sa femme etses enfants. Cet laissé près de la forteresse un détachement peu

nunc hos nunc illos sequentium, rogitautiumque viros bello urbe excedebat salvo etiam tum discrimine divi-
natosque, cui se fato darent, nihil, quod humanis super- narum humanarumque rerum, irreligiosum ratus, sa-
esset malis relinquebant. Magna pars tamen earum in cerbotes publicos sacraque populi romani pedibus ire,
arcem nuos prosecutæ sunt, ucc probibente ullo, nec ferrique; se ac suoi in vehiculo conspici descendere
vocaute: quia, quod utile ubsessis ad minuendam imbel- uxorem ac pueros jussit, virgines sacraque in plaustrum
lem multitudinem, id parum humanum erat. Alia maxi- imposunt, et Ca·re, quo iler sacerdotibus erat, pervexit.
me plebis tnrba, quam nec capere tam exiguus collis, XLI. Romæ interim salis jam omnibus, ut in tali re,
nec alere in taota inopia frumenti lolerat, ex urbe effusa ad tuendam arcem compositis, turba seniorum, domos
velut agmine jam uuo petiit Janiculum. Inde pars per regressa, adventum hostium obstinato ad mortem ammo
agros dilapsi, pars urbes petunt finitimas, sine ullo duce eupectabat. Qui eorum curules gesserant magistratus,
aut consenau, suam quisque spem, sua consilia, commu- ut in fortunai pristinæ honorumqueaut virtutisinsigmbus
nibus deploratis, exsequentes. Flamen interim Quirinalis morerentur, quæ auguslissima vestis est tensas ducenti-
virginesque Vestales, omissa rerum suarum cura, quæ bus triumphantibusve, ea vestiti medio ædium eburneis
saerorum secum ferenda, qua, quia vires ad omnia fe- sellis sedere. Sunt, qui, M. Fabio poulifice maximo præ-
renda deerant, relinquenda essent, consultantes,quisve fante sarmen, devovisse eos se pro patria Quiritibusque
ea locus fideli asservaturus custodia esset, optimum du- Romanis, tradant. Galli, et qma interposita nocte a con-
cunt, condita in doliolissacello proximo ædibus flaminis tentione pugnæ remiserant animos, et quod nec in acie
Quirinalis, nbi nunc despui religio est, defodere ce- ancipiti usquam certaverant praelio, nec tum impetn aut
tera inter se onere partito ferunt via, quae sublicio ponte vi capiebant urbem, sine ira, sineardore animorum in-
ducit ad Jamculum. In eo clivo eas quum L. Albinius, gressi postero die urbem patente Colhna porta, in forum
de plebe Romana bomo, conspexisset, plaustro conjugem perveniunt, circumferenles oculos ad templa deum ar-
ac liberos vebens inter ceteram tnrbam, quae inutilis cemque, solam belli epeciem tenentem. Inde, modiro re-
nombreux pour veiller à ce qu'on ne fit point de le désir de détruire la ville, soit que les chefs
sortie pendant leur dispersion, ilsse répandentpour gaulois n'eussent voulu incendier quelques mai-
piller dans les rues où ils ne rencontrentpersonne sons que pour effrayer les esprits, dans l'espoir
les uns se précipitent en foule dans les premières que l'attachement des assiégés pour leurs demeu-
maisons, les autres courent vers les plus éloignées, res les amènerait à se rendre, soit enGn qu'en ne
les croyant encore intactes et remplies de butin. brûlant pas la ville entière ils voulussent se faire,
Mais bientôt, effrayés de cette solitude, craignant de ce qu'ils auraient laissé debout, un moyen de
que l'ennemi ne leur tendît quelque piége pendant fléchir l'ennemi, le feu ne marcha le premier
qu'ils erraient çà et là, ils revenaient par troupes jour ni sur une aussi grande étendue, ni avec au-
au forum et dans les lieux environnants. Là, tant de rapidité qu'il est d'usage dans une ville
trouvant les maisons des plébéiens fermées avec conquise. Pour les Romains, voyant de la cita-
soin, et les cours intérieures des maisons patri- delle l'ennemi remplir la ville, et courir çà et là
ciennes tout ouvertes, ils hésitaient encore plus a par toutes les rues; témoins à chaque instant,
mettre le pied dans celles-ci qu'à entrer de d'un côté ou d'un autre, d'un nouveau désastre,
force dans les autres. Ils éprouvaient une sorte ils ne pouvaient plus ni maîtriser leurs âmes
de respect religieux à l'aspect de ces nobles ni suffire aux diverses impressions que la vue et
vieillards qui assis sous le vestibule de leur l'ouïe leur apportaient. Partout où les cris de
maison semblaient à leur costume et à leur l'ennemi les lamentations des femmes et des
en-
attitude, où il y avait je ne sais quoi d'auguste fants, le bruit de la flamme et le fracas des toits
qu'on ne trouve point chez des hommes, ainsi croulants, appelaient leur altention, effrayés de
que par la gravité empreinte sur leur front et toutes ces scènes de deuil, ils tournaient de ce côté
dans tous leurs traits, représenter la majesté des leur esprit, leur visage et leurs yeux, comme
dieux. Les Barbares demeuraientdebout à les con- si la fortune les eût placés là pour assister au
templer comme des statues; mais l'un d'eux s'é- spectacle de la chute de leur patrie, en ne leur
tant, dit-on, avisé de passer doucement la main laissant rien que leur corps à défendre; d'autant
sur la barbe de NI. Papirius, qui, suivant l'usage plus à plaindre que ne le furent jamais d'au-
du temps, la portait fort longue, celui-ci frappa tres assiégés, que bien qu'investis hors de leur
de son bâton d'ivoire la tête du Gaulois, dont il ville, ils voyaient tout ce qu'ils possédaient au
excita le courroux ce fut par lui que commença pouvoir de l'ennemi. La nuit ne fut pas plus
le carnage, et presque aussitôt tous les autres calme que l'affreuse journée qu'elle suivait;
furent égorgés sur leurs chaises curules. Les sé- ensuite le jour succéda à cette nuit agitée, et il
nateurs massacrés, on n'épargna plus rien de ce ne se passa pas un moment où ils n'eussent à
qui respirait; on pilla les maisons, et, après les contempler quelque nouveau désastre. Cepen-
avoir dévastées, on les incendia. dant, malgré les maux dont ils étaient accablés et
XLII. Au reste, soit que tous n'eussent point écrasés, leurs âmes ne plièrent point; et quand

licto præsidio, ne quis in dissipatos ex arce aut Capitolio erat, seu ila placuerat principibus Gallorum, et osten-
impetus fieret, dilapsi ad prmdam vacuis occurso homi- tari quædam incendia terroris causa, si compelli ad dedi-
num viis, pars in prozima quæque tectorum agmine tionem caritate sedium suarum obsessi possent, et noa
ruuot; pars ultima, velut ea demum intacta et referta omuia concremaritecta, ut quodcunque superesset urbu,
præda, petunt. Inde rursus ipsa solitudiue absterriti, ne id pignusad flectendoshostium animos haberent, nequs-
qua fraus hostilis vagos exciperet, iu forum ac propiuqua quam perinde atque in capta urbe prima die aut pastim
foro loca conglobati redibaat ubi eos, plebis sediCciis aut late vagatus est iguis. Romani, ex arce pleuam hos-
obscratis, patentibus atriis principum major prope tium urbem cernentes, vagosque per vias omnes cursus,
cunctatio tenebat, aperta, quam clausa, invadendi adeo quum alia atque alia parte nova aliqua clades oriretur,
haud secus quam venerabundi intuebanturin aedium ves- non mentibus solum concipere sed ne auribus quidem
tibulis sedeutea viros, præter ornatum babitumque bu- atque oculis satis constare poterant. Quocunque clainor
mano augustiorem, majestate etiam, quam vultus gra- hostium. muliernmpuerorumqueplol'atus sonitus flam-
vitasque oris prm te ferebat, simillimos diis. Ad eos ve- mæ, et fragor ruentium teclorum advertisset, paventes
lut simulacra versi quum starent, M. Papirius unus ex ad omnia, animos oraque et oculos flectebant, velut ad
his dicitur Gallo, barbam suam, ut tum omnibus pro- spectaculum a fortune positi occideutia patriæ, nec ullius
missa erat, permulcenti, scipione eburneo in caput in- rerum suarum relicti, præterquam corporum vindices
cusso iram movisse; atque ab eo iuitium cædis ortum tanto ante alios miseraudi roagis, qui unquam obsessi
ceteros in sedibus suis trucidatos. Post principum cædem sunt, quod interclusi à patria obsidebantur, oinnia aue
nulli deinde mortalium parci, diripi tecta, ezbanatis in- cernenteb in bostium poteslate. Nec tranquillior nox diem
lici ignes. tam fœde actum excepit; lui deinde noctem inquietam
XLII. Ceterum seu non omnibus delendæ urbis libido insecuts est nec ullum erat tempus, quod a nova sem-
1.
la 6emme eut tout détruit, tout nivelé, ils son- en faire le siège mais, dans leur imprévoyance,
gèrent encore à défendre bravement cette pauvre ils venaient de brûler avec la ville tout le blé qui
et faible colline qu'ils occupaient, dernier rem- se trouvait à Rome, et pendant ce temps, tous
part do leur liberté puis s'habituant à des les grains des campagnes avaient été recueillis et
maux qui renaissaient chaque jour, ils finirent transportés à Véies. En conséquence, l'armée se
par en perdre le sentiment, et par concentrer partage; une partie s'éloigne et va butiner chez
leurs regards sur ces armes, leur dernière espé- les nations voisines; l'autre demeure pour assié-
rance, sur ce fer qu'ils avaient dans leurs mains. ger la citadelle et les fourrageursde la campa-
XLIII. Les Gaulois, après avoir, pendant plu- gne sont tenus de fournir à sa subsistance. La
sieurs jours fait une folle guerre contre les mai- fortune elle-même conduisit à Ardée, pour leur
sons de la ville, voyant debout encore, au milieu faire éprouver la valeur romaine, ceux des Gau-
de l'incendie et des ruines de la cité conquise lois qui partirent de Rome; Ardée était le lieu
des ennemis en armes que tant de désastres n'a- d'exil de Camille. Tandis que plus affligé des
vaient pas effrayés, et qu'on ne pourrait réduire maux de sa patrie que de son propre sort, il
que par la force, résolurent de tenter une der- usait là ses jours à accuser les dieux et les hom-
nière épreuve et d'attaquer la citadelle. Au mes, s'indignant et s'étonnant de ne plus retrou-
point du jour, à un signal donné, toute cette ver ces soldats intrépides qui, avec lui, avaient
multitude se rassemble au forum, où elle se range pris Véies et Faléries, et qui toujours, dans les
en bataille; puis, poussant un cri et formant la autres guerres, s'étaient fait distinguer encore
tortue, ils montent vers la citadelle. Les Romains plus par leur courage que par leur bonheur, tout
se préparent avec ordre et prudence à les recto- à coup il apprend qu'une armée gauloises'avance,
voir ils placent des renforts à tous les points ac- et qu'effrayés de son approche, les Ardéates tien-
cessibles, opposent leur plus vaillante jeunesse nent conseil. Comme entraîné par une inspiration
partout où les enseignes s'avancent, et laissent divine, lui, qui jusqu'alors s'était abstenu de pa-
monter l'ennemi, persuadés que plus il aura gravi raître dans toutes les réunions de ce genre, il ac-
de ces roches ardues, plus il sera facile de l'en courut au milieu de leur assemblée.
faire descendre. Ils s'arrêtent vers le milieu de XLIV. « Ardéates, dit-il mes vieux amis, et mes
la colline, et, de cette hauteur, dont la pente les nouveaux concitoyens, puisqu'ainsi l'ont voulu
portait d'elle-même sur l'ennemi, s'élançantavec vos bienfaits et ma fortune, n'allez pas croire que
impétuosité, ils tuent et renversent les Gaulois, j'aie oublié ma situation en venant ici; mais l'in-
de telle sorte que jamais depuis, ni ensemble ni térêt et le péril commun font un devoir à chacun,
séparément, ils ne tentèrent une attaque de ce dans ces circonstances critiques, de contribuer,
genre. Renonçant donc à tout espoir d'emporter autant qu'il est en son pouvoir, au salut général.
la place par la force des armes, ils se disposent à Et quand pourrai-je reconnaître les immenses ser-

per cladia alicujus spectaculo cessaret. Nihil tamen, tôt postea nec pars, nec universi tentaverint talc pugnae ge-
ouerati atque obruti malis, flexerunt animos, quia etsi nus. Omissa itaque spe per vim atque arma subeundi,
omnia flammis ac ruinis aequata vidissent, quamvis in- obsidionem parant; cujus ad id tempus immemores, et,
opem parvumque, quem tenebant, collem, libertati re- quod in urbe fuerat frumentum incendiis urbis asanm-
lictum, virtute defenderent. Et jam, quum eadem quo- pserant, et ex agria per ipsos dies raptum omne Veiot
tidie acciderent, velut assueti malis, abalienaverant ab erat. Igitur, exercitu diviso, partim per finitimos popu-
sensu rerum suarum animos; arma tantum ferrnmque in los prxdari placuit, partim obsideri arcem ut obsiden-
dex1ris, velut solas reliquias spei suæ, intuentes. tibus frumentum populatores agrorum preberent. Pro-
XLIII. Galli quoque, per aliquot dies in tecta modo fleiscentes Gallos ab urbe, ad romanam experiendam
urbis nequicquam bello gesto, quum inter incendia ac virtutem, fortuna ipsa Ardeam, ubi Camillus exsulabat,
ruiuas captæ urbis nihil superesse, præter armâteshostes, duxit qui moestior ibi fortuna publica quam sua, quum
vidèrent, neqnicquam tot cladibus territos, nec flexuros diis hominibusque accusandis senesceret, indignando mi-
ad deditionem animos, ni vis adhiberetur; experiri ul- randoque, ubi illi viri essent, qui secum Veios Falerios-
tima, et impetum facere in arcem statuunt. Prima luce, que cepissent qui alia bella fortius semper, quam felicins,
signo dato, multitudo omnis in foro instruitur, iude, gessissent; repenteaudit, Gallorum exercitum adventare,
clamore sublato ac testudine facta, subeunt. Adversus atque de eo pavidosArdeates consultare. Nec secus quam
quos Romani nihil temere nec trepide, ad omnes aditua divino spirilu tactus, quum se in mediam concionem in-
stationibus firmatis, qua signa ferri videbant, ea robore tuliaset, abstinere suetus ante talibus conciliis
virorum opposito scandere hostem sinunt quo succes- XLIV.«Ardeates, inquit, veteres amici, novi etiam
mit magis in arduum eo pelli posse per proclive faci- civea mei, quando et vestrum beneficium ita tulit, et for-
lius rati. Medio fere clivo restituere; atque inde ex loco tnna hoc egit mea, nemo vestrum conditionis meæ obli-
superiore, qui prope sua sponte in hostem inferebat, im- tum me hue processisse putet sed res ac periculum
petu facto, strage hac ruina fudere Gallos ut nunquam commune cogit, quod quisque possit in re trépida præ-
vices dont vous m'avez comblé, si j'hésite aujour- je consens à recevoir d'Ardée la même récom-
d'hui ? Où pourrai-je vous servir, sinon dans la pense que j'ai reçue de Rome. o
guerre? C'est par cet unique talent que je me suis XLV. Amis et ennemis savaient que Camille
soutenu dans ma patrie; et, invaincu à la guerre, était le premier homme de guerre de cette épo-
c'est durant la paix que j'ai été chassé par mes que. L'assemblée levée, ils répirent leurs forces,
ingrats concitoyens. Pour vous, Ardéates, l'occa- se tiennent prêts, et, au signal donné, dans le si-
sion se présente et de reconnaître les anciens et lence de la première nuit, ils viennent tous aux
importants bienfaits du peuple romain, que vous portes se ranger sous les ordres de Camille. Ils
n'avez point oubliés, et qu'il n'est pas besoin de sortent, et, non loin de la ville, comme il avait
rappeler à vos mémoires, et d'acquérir en même prédit, trouvant le camp des Gaulois sans défense,
temps à votre ville des alliés qui s'en souviennent, sans gardes, ils s'y élancent en poussant des cris.
une grande gloire militaire aux dépens de l'en- Nulle part il n'y a combat, c'est partout un car-
nemi commun. Ces hommes dont les hordes con- nage on égorge des corps nus et engourdis de
fuses arrivent vers nous, tiennent de la nature une sommeil et si les pluséloignés se réveillent et s'ar-
taille et un courage au-dessus de l'ordinaire, rachent de leur couche, ignorant de quel côté
mais ils manquent de constance, et sont dans le vient l'attaque, ils fuient épouvantés, et plusieurs
combat plus effrayants que redoutables. Le dés- même vont aveuglément se jeter au milieu des
astre même de Rome en est la preuve elle était ennemis; un grand nombre s'étant échappé sur
ouverte quand ils l'ont prise de la citadelle et le territoire d'Antium, où ils se dispersent, les
du Capitole, une poignée d'hommes les arrête; habitants font une sortie et les enveloppent. Il y eut
et, déjà vaincus par l'ennui du siége, ils s'éloi- sur le territoire de Véies pareil massacre des Tos-
gnent et se jettent errants sur les campagnes. cans, qui sans pitié pour une ville depuis près
Chargés de viandes et de vins, dont ils se gorgent de quatre cents ans leur voisiue, écrasée par un
avidement, quand la nuit survient, ils se couchent ennemi jusqu'alors inconnu, avaient choisi ce
au bord des ruisseaux, sans retranchements, ni moment pour faire des incursions sur le territoire
gardes, ni sentinelles, comme des bêtes sauvages; de Rome, et qui chargés de butin se proposaient
et maintenant leur imprévoyance habituelle est d'attaquer Véies, où était la garnison, dernier
encore augmentée par le succès. Si vous avez à espoir du nom romain. Les soldats romains les
cœur de défendre vos murailles, si vous ne avaient vus errer dans les campagnes, revenir en
voulez pas souffrir que tout ce pays soit Gaule, une sente troupe en poussant leur butin devant
à la première veille, prenez tous les armes, et eux, et ils apercevaient leur camp placé non loin
suivez-moi, je ne dis pas au combat, mais au de Véies ils éprouvèrent d'abord un sentiment
carnage si je ne vous les livre enchaînés par le d'humiliation pms ils s'indignèrent de cet ou-
sommeil et bons à égorger comme des moutons, trage, et la colère les prit « Les Étrusques, des-

sidii, in medium conferre. Et quando ego vobis pro tan- cuso eumdem Ardae rerum mearum entum, quem Romas
tis vestris in me meritis gratiam referam si nunc cessa- habui..
vero ? aut ubi usus erit mei vobis, si in bello non fuerit? XLV. Acquis iniquisque persuasum erat, tantum bello
Hac arte in patria steti;et, invictus bello, in pace ab in- virum neminem usquam ea tempestate esse. Concione
gratis civibus pulsus sum. Vohis autem, Ardeates, for- dimissa, corpora curant, intenti, quod moi signum da-
tuna oblala est, et pro tantis pristinis populi romani be- retur i quo dato primæ silentio noctis ad portas Camillo
neflciis, quanta ipsi meministis ( nec enim eiprobranda praesto fuere. Egressi, haud procul urbe, sicut prædic-
apud memores sunt), gratiæ referendsc, et huic urbi tum erat, castra Gallornm, intuta neglectaque ab omni
decus ingens belli ex hoste communi pariendi. Quæ ef- parte nacti, clamore invadunt. Kusquam prælium, om-
fuso agmine adventat, gens est, cui natura corpora ani- nibus locis exdes est; nuda corpora et soluta tomno tru-
mosque magna m igis quam firma, dederit eo iu cer- cidantur. Extremos tamen pavor cubilibus suis excitos.
tamen omne plus terroris, quam virium, feront. Argu- quæ aut unde vis esset, ignaros, in fugam, et quosdam
mento sit clades Romana. Patentem cepere urbem ex in hostem ipsum improvidostulit. Magna pars in agtum
arce Capitolioque bis exigua resistitur manu. Jam obsi- Antiatem delati, incursione ab appidanis in palatos facta,
dionis tædio victi abscedunt, vagique per agros palantur. circumveniuntur. Similis in agro veienli Tuscorum facta
Cibo vinoque raptim hausto repleti, ubi not appetit, strages est; qui urbis, jam prope quadringentesimum
prope rivos aquarum, sine munimento, sine stationibus annum vicinæ, oppresaae ab hoste invisitatoinauditoque,
ac custodins. passim feraruin ritu sternuntur, nunc ab adeo nihil miseriti sunt, ut in agrum romanum eo tem-
secundis rébus nwgis etiam solito incauti. Si vobis in pore incursiones facerent, plemque prædæ Veios etiam
animo est tueri meenia vestra nec pati bec omnia Gai- præsidiumque et spem ultimam romani nominis, in animo
liam fleri prima vigilia capite arma fréquentes me babuerint oppugnare. Videraùt éds mllitea romani va-
sequimlni ad cædem non ad pugnam. Nigi vinctos gantes per agros et congregatos agmine, predam præ se
somno, velnt pecudes, trucidandos tradidero, non re- agentes, et castra cernebant hand precul Veiis pwita.
quels ils avaient détourné la guerre gauloise pour siens, à la vue des Gaulois étonnés d'une si mer-
l'attirer sur eux, osaient se jouer de leur mal- veilleuse audace, ou peut-être pénétrés d'un de
heurl s N'étant plus maîtres d'eux-mêmes, ils ces sentiments de religion auxquels ce peuple est
voulaient faire à l'instant une sortie; mais, conte- loin d'être indifférent. A Véies, cependant, le
nus par le centurion Cédicius qu'ils avaient choisi courage et même les forces augmentaient de jour
pour les commander, ils remirent leur vengeance en jour à chaque instant y arrivaient non-seule-
à la nuit. II n'y manqua qu'un chef égal à Camille; ment des Romains accourus des campagnes où
du reste, ce fut la même marche et le même suc- ils erraient dispersés depuis la défaite d'Allia et
cès. Ensuite, prenant pour guides des prisonniers la prise de Rome, mais encore des volontaires
échappés au massacre de la nuit, ils se dirigent accourus en foule du Latium, afin d'avoir leur
eontre une autre troupe de Toscans vers Salines, part du butin. L'heure semblait enfin venue de
les surprennent la nuit suivante, en font un plus reconquérir ta patrie et de l'arracher aux mains
grand carnage encore, et, après cette double vic- de l'ennemi mais à ce corps vigoureux une tête
toire, rentrent triomphants dans Véies. manquait. Le lieu même leur rappelait Camille;
XLVI. Cependant, à Rome, le siège continuait là se trouvaient la plupart des soldats qui sous
mollement, et des deux côtés on s'observait sans ses ordres et sous ses auspices avaient obtenu tant
agir, les Gaulois se contentant de surveiller l'es- de succès; et Cédicius déclarait qu'il n'avait pas
pace qui séparait les postes, et d'empêcher par ce besoin que quelqu'un des dieux ou des hommeslui
moyen qu'aucun des ennemis ne pût s'échapper; retirât le commandement,qu'il n'avait pas oublié
quand tout à coup un jeune Romain vint appeler ce qu'il était, et qu'il réclamait un chef. On résolut
sur lui l'admiration de ses compatriotes et celle de d'une commune voix de rappeler Camille d'Ar-
l'ennemi. Un sacrifice annuel avait été institué par dée, après avoir consulté au préalable le sénat
la famille Fabia sur le mont Quirinal. Voulant faire qui était à Rome; tant on conservait, dans une
ce sacrifice, C. Fabius Dorso, la toge ceinte à la situation presque désespérée, de respect pour la
manière des Gabiens, et tenant ses dieux à la main, distinction des pouvoirs. Mais ce n'était qu'avec
descend du Capitole, sort et traverse les postes de grands dangers qu'on pouvait passer à tra-
ennemis, et sans s'émouvoir de leurs cris, de vers les postes ennemis. Poutius Cominius, jeune
leurs menaces, arrive au mont Quirinal; puis, homme entreprenant, s'étant fait donner cette
l'acte solennel entièrement accompli, il retourne commission, se plaça sur des écorces que le cou-
par le même chemin, le regard et la démarche rant du Tibre portajusqu'à la ville; là, gravissant
également assurés, s'en remettant à la protection le rocher le plus rapproché de la rive, et que, par
des dieux dont il avait gardé le culte au mépris de cette raison même, l'ennemiavait négligé de gar-
la mort même il rentre au Capitole auprès des der, il pénètre au Capitole, et, conduit vers les ma-

Inde primum miseratio sui, deiade indignitas atque ei sperans propitios esse deos, quorum cultum ne mortis
sa ira animos cepit:« Etrusciane etiam, aquibus belluiu quidem metu prohibitus deseruisset, in Capitolium ad
gallicum in se avertissent, ludibrio esse clades suas? suos rediit, seu attonitis Gallismiraculo audacias,seu reli-
Yix temperavere animis, quin extemplo impetum face- gione etiam motis, cujus baudquaquam negligens est gens.
rent compressique a Cædicio eenlurioue, quem sibimet Veiis intérim non animi tantum in dies, sed etiam vires
ipai praefecerant,rem in noctemaustiüuere. Tantum par crescebanl nec Romanis solum eo convenienlibus ex
Camillo defuit auctor cetera eodem ordine eodemque agris, qui a prælio adverso aut clade captæ urbis palati
fortune eventu gesta. Quin etiam, ducibus captivis, qui fuerant, sed etiam ex Latio voluntariis confluentibus,ut
cædi nocturnæ superfuerant, ad aliam manum Tuscorum in parte prædæ essent. Maturum jam videbatur, repeti
ad Salinas profecti, nocte insequenti ex improviso ma- patriam eripique ex hostium manibus sed corpori valido
jorem caedem edidere, duplicique victoria ovantes Veios caput deerat. Locus ipse admonebat Camilli, et magna
redeunt. pars militum erat, qui ductu auspicioque ejus res pro-
XLVI. Romae intérim plerumque obsidio segnis et spere gesserant et Cædicius negare, se commissurum,
utrimque silentium esse, ad id tantum intentis Gallis, ne cur sibi aut deorum aut hominum quisquam imperium
quis hostium evadere inter stationes posset quum re- finiret potius, quam ipse memor ordinis oui posceret im-
pente juvenis Romanus admiratione in se cives hostesque peratorem. Consensu omnium placuit, ab Ardea Camil-
convertit. Sacrificium erat statum in Quirinali colle lum acciri; sed antea consulto senatu, qui Romæ esset
genti Fabiæ. Ad id faciendum C. Fabius Dorso, gabino adeo regebat omnia pudor, discriminaque rerum prope
cinctu, sacra manibw gereus, quum de Capitolio des- perditis rebus servabant.Ingenti periculo transeundum
cendisset, per medias hostium stationes egressus, nihil per bostium custodias erat. Ad eam rem Pontim Comi-
ad vocem cujusquam terroremve motus, in Quirinalem nius, impigerjuvenis, operam pollicitus, incubans cor-
colle m pervenit ibique omnibus sollenniter peractis, tici, secundo Tiberi ad urbemdefertur. Inde qua proxi-
eadem revertens similiter sonstanti vultu graduque, satit mum fuit a ripa, per prsruptum eoque neglectum bo-
gistrats, il leur expose le message de l'armée. cruelle disette, on avait épargnées; ce qui sauva
Ensuite, chargé d'un décret du sénat, par lequel Rome. Car, éveille par leurs cris et par le bat-
il était ordonné aux comices assemblés par curies tement de leurs ailes, M. Manlius, qui trois ans
de rappeler de l'exil et d'élire sur-le-champ, au auparavant avait été consul, et qui s'était fort
nom du peuple, Camille dictateur, afin que les distingué dansja guerre, s'arme aussitôt, et s'é-
soldats eussent le général de leur choix, Pontius, lance en appelant aux armes ses compagnons et,
reprenant le chemin par où il était venu, re- tandis qu'ils s'empressentau hasard, lui, du choc
tourna à Véies. Des députés qu'on avait envoyés de son bouclier, renverse un Gaulois qui déjà était
à Camille le ramenèrent d'Ardée à Véies; ou parvenu tout en haut. La chute de celui-ci en-
plutôt ( car il est plus probable qu'il ne quitta traîne ceux qui le suivaient de plus près; et
point Ardée avant d'être assuré que la loi était pendant que les autres, troublés, et jetant leurs
rendue, puisqu'il ne pouvait rentrer sur le terri- armes, se cramponnent avec les mains aux ro-
toire romain sans l'ordre du peuple, ni prendre chers contre lesquels ils s'appuient, Manlius les
les auspices à l'armée qu'il ne fût dictateur) la égorge. Bientôt, les Romains réunis accablent
loi fut portée par les curies, et Camille élu dicta- l'ennemi de traits et de pierres qui écrasent et
icur en son absence. précipitent jusqu'en bas le détachement tout
XLVII. Tandis que ces choses se passaient à entier. Le tumulte apaisé, le reste de la nuit fut
Véies, à Rome la citadelle et le Capitole furent donné au repos; autant du moins que le permet-
en grand danger. En effet, les Gaulois, soit qu'ils tait l'agitation des esprits, que le péril, bien que
eussent remarqué des traces d'homme à l'en- passé, ne laissait pas d'émouvoir. Au point du
droit où avait passé le messager de Véies, soit jour, les soldats furent appelés et réunis par le
qu'ils eussent découvertd'eux-mêmes, vers la ro- clairon autour des tribuns militaires; et comme
che de Carmente, un accès facile, profitant d'une on devait à chacun le prix de sa conduite, bonne
nuit assez claire, et se faisant précéder d'un ou mauvaise, Manlius le premier reçut les éloges
homme non armé pour reconnaître le chemin, ils et les récompenses que méritait sa valeur; et cela
s'avancèrent en lui tendant leurs armes dans les non-seulement des tribuns, mais de tous les sol-
endroits difficiles; et s'appuyant, se soulevant, se dats ensemble qui lui donnèrent chacun une demi-
tirant l'un l'autre, suivant que les lieux l'exi- livre de farine et une petite mesure de vin qu'ils
geaient, ils parvinrent jusqu'au sommet. Ils portèrent dans sa maison située près du Capitole.
gardaient d'ailleurs un si profond silence, qu'ils Ce présent paraît bien chétif, mais dans la dé-
trompèrent non-seulement les sentinelles, mais tresse où l'on se trouvait, c'était une très-grande
même les chiens, animal qu'éveille le moindre preuve d'attachement, chacun retranchant sur
bruit nocturne. Mais ils ne purent échapper sa nourriture et refusant à son corps une subsis-
aui oies sacrées de Junon, que, malgré la plus tance nécessaire, afin de rendre honneur à un

atiiim custodiæ, saxum in Capitolium evadit et, ad ma- bus sacris Junoni in summa inopia cibi tamen abstineba-
gistratus ductus, mandata exercitus edit. Accepto inde tur. Quae res saluti fuit. Namque clangore eorum ala-
senatus decreto, ut et, comitüs curiatis revocatus de ex- rumque crepitu excitus M. Manlius, qui trieuoio ante
silio, jussu populi Camillus dictator extemplo diceretur, consul fuerat, Tir bello egregius, armis arreptis, simul
militesque haberent imperatorem quem vellent, eadem ad arma ceteros ciens, vadit; et, dum ceteri trépidant,
degressus nuntius Veios contendit missique Ardeam Gallum, qui jam in summo constiterat, umbone ictum
legati ad Camillnm, Veios eum perduxere seu (quod deturbat. Cujus casus prolapsi quum proximos slerneret.
magis credere libet, non prius profectum ab Ardea, trepidantes alios, armisque omissis saxa, quibus adhære-
quam comperit legem latam; quod nec injussu populi bant, manibus amplexos,trucidât. Jamque et alii con-
mutari finibus posset, nec, nisi dictatordictus, auspicia gregati telis missilibusque saxis proturbare hostes, rui-
in exercitu habere) let curiata lala est, dictatorque ab- naque tota prolapsa acies in præceps deferri. Sedato.
sens dictus. deinde tumultu, reliquum noctis (quantum in turbatis
XLVII. Dum hæc Veiis agebantur, interim arx Romæ meatibus poterat, quum præteritum quoque pericutum
Capitoliumque in ingenti periculo fuit. Namque Galli sollicitaret ) quieti datum est. Luce orta vocatis classico
seu vestigio notato humano, qua nuntius a Veiis perve- ad concilium militibus ad tribunos, quumetrecteet per-
nerat, aeu sua sponte animadverso ad Carmentis saxum peram facto pretium deberetur, Manlius primum ob vir-
ascenau aequo; nocte sublustri, quum primo inermem, tutem laudatus donatusque, non ab tribunis solum mili-
qui tentaret viam, pra'misissent,tradentes inde arma tum, sed consensu etiam militari; cui univeni selibras
ubi quid iniqui esset alterni innisi, sublevantesquein vi- farris et quartarios vini ad aedes ejus, quae in arce erant,
cem et trabentes alii alios, prout postularet locus, tanto contulernnt; rem dicta parvam, ceterum loopia fecerat
silentio in summum evasere, ut non custodes solum fal- eam argumentumingens caritatis, quum, se quisque victu
lerent, sed ne canes quidem sollicitum animal ad noc- suo fraudans, detractumcorpori atque usibusnecessariis
turnoa strepitus, exoitarent. Anseres non fefellere, qui- ad honorem unius viri conferret.Tum vigiles ejus loci
homme. Ensuite on cita les sentinelles peu vigi- sur la disette, qui, disaient-ils, devait forcer les
lantes qui avaient laissé monter l'ennemi. Q. Sul- Romains à se rendre, on prétend que pour leur
picius, tribun des soldats, avait annoncé qu'il les ôter cette pensée, du pain fut jeté de plusieurs
punirait tous suivant la coutume militaire; mais, endroits du Capitole dans leurs postes. Mais bien-
sur les réclamations unanimes des soldats, qui tôt il devint impossible de dissimuler et de sup-
s'accordaient à rejeter la faute sur un seul il fit porter plus longtemps la famine. Aussi tandis que
grâce.aux autres le vrai coupable fut, avec l'ap- le dictateur fait en personne des levées dans Ardée,
probation générale, précipité de la roche Tar- qu'il ordonne à L. Valérius, maître de la cava-
péienne. Dès ce moment, les deux partis redou- lerie, de partir de Véies avec l'armée et qu'il
blèrent de vigilance; les Gaulois, parce qu'ils prend les mesures et fait les préparatifs nécessaires
connaissaient maintenant le secret des commu- pour attaquer l'ennemi sans désavantage, la gar-
nications entre Véies et Rome; les Romains, nison du Capitole, qui, épuisée de gardes et de
par le souvenir du danger de cette surprise noc- veilles, avait triomphé de tous les maux de l'hu-
turne. manité, mais à qui la nature ne permettait pas
XLVIII. Mais parmi tous les maux divers qui de vaincre la faim, regardait chaque jour au loin
sont inséparables de la guerre et d'un long siège, s'il n'arrivait pas quelque secours amené par le
c'est la famine qui faisait le plus souffrir les dictateur. Enfin, manquant d'espoir aussi bien
deux armées les Gaulois étaient, de plus, en que de vivres, les Romains, dont le corps exténué
proie aux maladies pestilentielles. Campés dans fléchissait presque, quand ils se rendaient à leurs
un fond entouré d'éminences, sur un terrain postes, sous le poids de leurs armes, décidèrent
brûlant que tant d'incendies avaient rempli qu'il fallait, à quelque condition que ce fût, se
d'exhalaisons enflammées et où le moindre rendre ou se racheter et d'ailleurs les Gaulois
souffle du vent soulevait non pas de la poussière, faisaient entendre assez clairement qu'il ne fau-
mais de la cendre, l'excès de cette chaleur suffo- drait pas une somme bien considérable pour les
cante, insupportable pour une nation accoutu- engager à lever le siège. Alors le sénat s'assembla,
mée à un climat froid et humide, les décimait et chargea les tribuus militaires de traiter. Une
comme ces épidémies qui ravagent les troupeaux. entrevue eut lieu entre le tribun Q. Sulpicius et
Ce fut au point que, fatigués d'ensevelir les morts Brennus, chef des Gaulois; ils convinrent des con-
l'un après l'autre, ils prirent le parti de les brû- ditions, et mille livres d'or furent la rançon de ce
ler pêle-mêle; et c'est de là que ce quartier a pris oeuple qui devait bientôt commander au monde.
le nom de Quartier des Gaulois. Ils firent ensuite A cette transaction déjà si honteuse, s'ajouta une
avec les Romains une trève pendant laquelle les nouvelle humiliation les Gaulois ayant apporté
généraux permirent les pourparlersentre les deux de faux poids que le tribun refusait, le Gaulois
partis et comme les Gaulois insistaient souvent insolent mit encore son épée dans la balance, et

qua fefellerat ascendens hostis, cita!i et quum in omnes vocareot, dicitur avertendæ ejus opinionis causa multis
more militari se animadversurum Q. Sulpicius tribunus locis panis de Capitolin jactatus esse in hostium stationes.
militum proountiasset, consentienteclamore militum, in Sed jam neque dissimulari, neque ferri ultra fames pote-
unum vigilemcoulicientium culpam, deterritus, a ceteris rat. Itaque, dum dictator delectum per se Ardeæ habet,
abstinuit; reum baud dubium ejus noxæ, approbantibus magistrum equitum L. Valerium a Veiis abducere eicr-
cunctis, de saxo dejecit. Inde intentiores utrimque custo- citum jubet, parât, instruitque, quibus baud impar ado-
dia' esse et apud Gallos, quia vulgatum erat, inter Veios riatur hostes interim Capitolinus exercitus, stationibus
Romamque nuntios commeare; et apud Romanos, ab vigilüsquefessus, superatis tamen humams omnibus ma-
uocturni periculi memoria. lis, quum famem unam natura vinci non sineret, diom
XLVIII. Sed ante omuia obsidionis bellique mala fa- de die prospectons, ecqucd aumlium ab dictatore appa-
mes utrumque eiercitum urgebat Gallos pestilentia reret; postremo ape quoque Jam non solum cibo, den-
etiam, quum loco jacente inter tumulos castra habentes, ciente, et, quum statioues procederent, prope obruenti-
tum ab incendiis torrido et vaporis pleno, cineremque, bus iofirmum corpus armis, vel dedi, vel redimi se,
non pulverem modo, fereute, quum quid venti motum quacunque pactione possent, jussit; jactantibus non ob-
esset; quorum iutolerantissima gens, humorique ac fri- scure Gallis haud magna mercede se adduci posse ut
gori assueta, quum æstu et angore vexata vulgatis velut obsidionem relinquant. Tum senatus habitus, tribuuis-
in pecua morbis nioreretur,jam pigritia singulos sepe- que militum negotium datum, ut paciscerentur. Inde in-
liendi promiscue acervatos cumulos hominum urebant ter Q. Sulpicium tribunum militum et Brennum regu-
bustorumque inde gallicorum nomine insignem locum lum Gallorum colloquio transacta res est, et mille pondo
facere. Indutiæ deinde cum Romanis factae, et colloquia auri pretium populi gentibus moi imperaturi factum. Rei,
permissu imperatorumhabita in quibus quum identidem fœdissimæ per se, adjecta indignitas est. Pondéra ab
Galli famem objicerent, eaque neceseitatead deditionem Galhs allata iniqua, et, tribuno recusante, additus ab in
fit entendre cette parole si dure pour des Ro- Ensuite une autre action plus régulière s'en-
mains o Malheur aux vaincus gage près de la huitième borne du chemin de
XLIX. Mais les dieux et les hommes ne permi- Gabies, où ils s'étaient ralliés dans leur déroute,
rent pas que les Romains vécussent rachetés. En et, sous la conduite et les auspices de Camille,
effet, par un heureux hasard, cet infâme marché ils sont encore vaincus. Là le carnage n'épargna
n'était pas entièrement consommé, et, à cause rien; le camp fut pris, et pas un seul homme
des discussions qui avaient eu lieu, tout l'or n'était n'échappa pour porter la nouvelle de ce désastre.
pas encore pesé, quand survient le dictateur il Le dictateur, après avoir recouvré Rome sur l'en-
ordonne aux Romains d'emporter l'or, aux Gau- nemi, revint en triomphe dans la ville; et au
lois de seretirer. Comme ceux-ci résistaient en milieu des naives saillies que les soldats impro-
alléguant le traité, Camille répond qu'un traité visent, ils l'appellent Romulus, et père de la
conclu depuis sa nomination à la dictature, sans patrie, et second fondateur de Rome titres aussi
son autorisation, par un magistrat d'uu rang in- glorieux que mérités. Après avoir sauvé Rome
férieur, est nul, et annonce aux Gaulois qu'ils dans la guerre, il la sauva encore pendant la paix,
aient à se préparer au combat. Il ordonne aux en empêchant qu'on émigrât à Véies, projet que
siens de jeter en monceau tous les bagages et les tribuns appuyaient plus vivement que jamais
d'apprêter leurs armes c'est par le fer et non par depuis l'incendie de la ville, et pour lequel le
l'or qu'ils doivent recouvrer la patrie; ils ont de- peuple n'était que trop porté. Ce fut là le mo-
vant les yeux leurs temples, leurs femmes, leurs tif qui le détourna d'abdiquer la dictature après
enfants, le sol de la patrie dévasté par la guerre, son triomphe, le sénat le conjurant de ne pas lais-
en un mot tout ce qu'il est de leur devoir de ser la république dans cette position incertaine.
défendre, de reconquérir et de venger. Il range L. Avant toute chose, comme il était observa-
ensuite son armée, suivant la nature du terrain, teur zélé des pratiques religieuses, il occupa le
sur l'emplacement inégal de la ville à demi dé- sénat des devoirs que l'on avait à remplir envers
truite et de tous les avantages que l'art militaire les dieux immortels, et fit rendre ce sénatus-con-
pouvait choisir et préparer, il n'en oublie aucun sulte « Tous les temples, parce que l'ennemi
pour ses troupes. Les Gaulois, dans le désordre les a possédés, seront retracés, reconstruits, pu-
d'une surprise, prennent les armes et courent ri6és par l'expiation; et les duumvirs chercheront
sur les Romains avec plus de fureur que de pru- dans les livres saints les formules de ces cérémo-
dence. Mais la fortune avait tourné, et désormais nies expiatoires. On admettra les Cérètes au droit
la faveur des dieux et la sagesse humaine étaient d'hospitalité en reconnaissance de ce qu'ils ont
pour Rome; aussi, dès le premierchoc, les Gau- recueilli les objets du culte et les prêtres du peu-
lois sont aussi promptement défaits qu'eux- ple romain, et de ce que, par le bienfait de ce
mêmes avaient vaincu sur les bords de l'Allia. peuple, le culte des dieux immortels s'est conti-

lolente Gallo ponderi gladius auditaque intoleranda Ro- deinde prælio ad octavum lapidem Gabina via quo se ex
manis vox «Væ victis esse.. fuga coutulerant, ejusdemductu auspicioque Camilli vin-
XLIX. Sed diique et bomines probibuere redemptos cuntur. Ibi cædes omnia obtinuit; castra capiuntur, et
vivere Romanos; nam forte quadam, priasquam infanda ne nuntius quidem cladis relictus. Dictator, recuperata
merces perliceretur per altercationem nondum omni ex hostibus patria, triumphansin urbem redit interque
auro appenso, dictator intervenit;auferriqueaurum de jocos militares, quos inconditos jaciunt, Romulus ac pa-
medio, et Gallos summoveri jubet. Quum illi renitentes rens patrie conditorque aller urbis baud vanis laudihus
pactos dicerent sese, negat eam pactionem ralam esse appellatur. Servatam deinde bello patriamiterum in pace
quae, postquam ipse dictator creatus esset, injussu suo ab baud dubie servavit, quum probibuit migrari Veios, et
inferioris juris magistratu facta esset denuntiatque Gal- tribuns rem intentius agentibus post incensam urbem,
lis, ut se ad præltum elpediant. Suos in acervum conli, et per se inclinala magis plebe ad id consilium eaque
cere sarcinas, et arma aptare, ferroque, non auro, re- causa fuit non abdicandæ post triumphumdictaturæ, se-
cuperare patriam jubet, iu conspectuhabenles fana demm, natu obsecrante, ne rempublicam in incerto relinqueret
et conjuges et liberos, et solum palriæ déforme belli ma- statu.
lis, et onia, que defendi repetique et ulcisci fat sit. L. Omnium primum, ut erat diligentissimus religio
Instruit deinde aciem, ut loci natura patiebatur, in se- num cultor, quæ ad deos immortales pertinebant, retu-
mtrutæ solo urbis et uatura iua'quali; et omnia, quae arte lit, et senatusconsultum facit Fana omnia, quod ea
belli secunda suis eligi præpararive poterant, providit. hostis possedisset, restituerentur, terminarentur, expie-
Galli, nova re trepidi, arma capiunt iraque magis, renturque, expiatioque eorum in libris per duumviros
quam consilio, in Romanos mcurrunt. Jam verterat for- quaereretur cum Cæretibus hospitium publice fleret
tuna, jam deorum opes humanaque consilia rem romanam quod sacra populi romani ac sacerdotes recepissent, be-
adjuvabant. Igitur primo concurtu baud majore momento neficioque ejus populi non intermissus honos deum im-
lui Galli sunt, quam ad Alliam vicerant. Justiore altero mortalium euet ludi Capitolini fierent, qued Jupiter
nué sans interruption On célébrera des jeux Ca- LI. « 11m'est si pénible, Romains, d'avoir à
pitolins, en reconnaissancede ce que Jupiter, très- disputer avec les tribuns du peuple, que, tant
bon, très-grand, a, dans un péril extrême, pro- que j'ai vécu à Ardée, je n'ai eu, dans cet exil
tégé sa demeure et la citadelle du peuple romain si triste, d'autre consolation que de me voir loin
et à cet effet, M. Furius, dictateur, établira un de tous ces débats; et pour cet unique motif,
collége de prêtres choisis parmi ceux qui habitent alors même que j'eusse été rappelé par une déci-
au Capitole et dans la citadelle. » Une expiation sion du sénat et par l'ordre du peuple, je ne
fut également ordonnée en mémoire de cette voix serais jamais rentré dans Rome. Aujourd'hui
qu'on avait entendue, avant la guerre gauloise, même si je suis revenu parmi vous, ce n'est pas
annoncer pendant la nuit les désastres de Rome ma volonté qui a changé, c'est votre fortune qui
et qu'on n'avait pas écoutée on décréta qu'un m'a ramené il s'agissait de maintenir la patrie
temple serait élevé dans la rue Neuve en l'hon- dans son antique siége et non pas d'y reprendre
neur d'Aîus Locutius. Comme l'or repris sur les ma place. Et maintenant j'aurais plaisir à me
Gaulois, et celui des temples qu'on avait trans- reposer et à me taire, si je n'avais encore à lutler
porté à la hâte dans une chapelle de Jupiter, ne pour la patrie lui manquer, avec une vie à lui
pouvait, à cause de la confusion des souvenirs, offrir, pour tout autre ce serait une honte; ce
être remis en sa première place, on le déclara serait un crime pour Camille. Pourquoi donc,
tout entier sacré, et l'on décida qu'il serait dé- en effet l'avons nous reconquise ? Pourquoi
posé sous le trône de Jupiter. Déjà auparavant l'avons nous arrachée aux mains de l'ennemi
l'esprit religieux de la ville s'était manifesté de la qui l'assiégeait si après l'avoir recouvrée
même façon, quand, l'or manquant au trésor nous l'abandonnons? Lorsque les Gaulois étaient
pour compléter la rançon promise aux Gaulois, vainqueurs, lorsqu'ils avaient en leur pouvoir
les matrones recueillirentet offrirent leur or afin toute la ville, le Capitole et la citadelle ont eu
qu'il ne fût point touché à celui des dieux. Des ac- pour hôtes, pour défenseurs, les dieux et les en-
tions de grâces furent rendues aux matrones, aux- fants de Rome et à présent que les Romains
quelles on accorda en outre un honneurjusque- sont vainqueurs, que la ville est affranchie, l'on
là réservé aux hommes le droit à un éloge solen- déserterait la citadelle et le Capitole et nos
uel après leur mort. Ayant accompli ces pieux de- succès causeraient plus de désolation dans cette
voirs et terminé toutes les choses pour lesquelles ville, que n'en ont causé nos revers! Certes, alors
il avait eu besoin du concours du sénat, Camille, même que nous n'aurions pas des coutumes reli-
voulant en finir avec les tribuns qui ne cessaient gieuses établies en même temps que cette ville, et
d'agiter le peuple en l'engageant à laisser là des transmises de main en main jusqu'aa nous, l'in-
ruines et à émigrer à Véies, prête à le recevoir, se tervention de la divinité a été si manifeste dans
rend à l'assemblée, accompagné de l'ordre eutierdu cette crise de Rome, que seule, à mon sens,
sénat, moute à la tribune et prononce ces paroles elle aurait dû guérir en nous toute indifférence

optimus maximus suam sedem atque arcem populi romani L1. « Adeo mihi acerbæ sunt, Quirites, contentiones
in re trépida tutatus esset collegiumque ad eam rem cnm tribunis plebis, ut nec tristissimi ensilii solatium
M. Furius dictator constitueret ex iis, qui in Capitolio aliud habuerim, quoad Ardex viii qnam quod procul
atque arce habitarent. » Expiandæ eliam vocis nocturnæ, ab bis certaminibus eram et ob eadem hæc, nnn, si
quæ nuntia cladis ante bellum gallicum audita neglecta- me senatusconsuitopopulique jussu revocaretis, rediturus
que esset, mentio illata, jussumque templum in Nova via unquam fuerim. Nec nunc me, ut redirem mea voluutas
Aio Locutio fleri. Aurum, quod Gallis ereptum erat, mutata, sed vestra fortuna perpulit quippe, ut in sua
quodque ex aliis templis iuter trepidationem in Jovis cel- sede maneret patria, id agebalur; non ut ego utique in
lam coliatum quum in quæ referri oporteret, confusa patria essem. Et nunc quiescerem ac tacerem libenter,
memoria esset, sacrum omne judicatum, et sub Jovis nisi baec quoque pro patria dimicatio esset; cui deesse,
sella poni jussum Jam ante in eo religio civitatis appa- quoad vita suppetat, aliis turpe Camillo etiam nefas est.
ruerat, quod quum in publico deesset aurum, ex quo Quid enim repetiimus?quid obsessam ex hostium mani-
summa pactæ mercedis Gallis conlieret, a matronis col- bus eripuimus si recuperatamipsi deserimus ? et quum,
latum acceperant, ut sacro auro abstineretur. Matronis victoribusGallis, capta tota urbe, Capitolium tamen atque
gratiæ actae, honosque additus, ut earum sicut virorum, arcem dtique et homines romani tenuerint, babitaverint,
post mortem solennislaudatio esset. lis peractis quæ ad victoribus Romanis, recuperataurbe, an quoque et Ca-
deos pertinebant, quæque per senatum agi polerant; pitolium deseretur? et plus vaslitatis huic urbi secunda
tumdemum, agitantibus tribunis plebem assiduis concio- nostra fortuna faciet, quam adversa fecit? Equidem, si
nibus, ut, relictis ruinis, in urbem paratam Veios trans- uobis cum urbe simul positx traditaeque per manus reli.
migrarent in concionem, universo senatu prosequente giones nullæ essent. tamen tam evidens numen bac tem-
ascendit, atque ita verba fecit pestate rebus affuit romanis, utomnem aegligentiam di
pour les dieux et pour leur culte. Considérez en merveilleux de la religion ou de l'impiété dans les
effet les événements heureux ou malheureux de choses humaines, et, à peine arrachés à ce pre-
ces dernières années, vous verrez toujours le suc- mier naufrage de nos fautes et de nos malheurs,
cès accompagner le respect des dieux, et le revers vous ne pressentez pas à quel abîme nous courons
l'irréligion. D'abord, cette guerre de Véies, qui encore 1 Nous avons une ville fondée sur la foi des
nous a coûté taut d'années et de travaux elle n'a auspices et des augures; il n'y a pas un seul en-
fini qu'alors seulement que, d'après l'avis des droit dans ses murs qui ne soit plein des dieux etde
dieux, on a desséché le lac d'Albe. Et pour parler leur culte; nos sacrifices solennels ont leurs jours
des derniers malheurs de notre ville, sont-ils aussi fixes que les lieux où ils doivent s'accom-
venus avant que nous eussionsméprisé cette voix plir. Pourriez-vous, Romains, délaisser tous ces
envoyée du ciel pour lui prédire l'arrivée des dieux de la patrie et des familles? Que vous imi-
Gaulois, avant que le droit des gens eût été violé tez mal C. Fabius, ce noble jeune homme, qui,
par nos députés, avant qu'en présence d'un atten- naguère, durant le siège, excita si fort l'admira-
tat qu'il fallait punir, nous eussions montré un si tion de l'ennemi et la votre, quand, sortant de
lâche oubli des dieux? Aussi, vaincus, asservis, la citadelle, il alla à travers les traits des Gaulois,
rachetés, nous avons été si durement châtiés par accomplir le sacrifice solennel de la famille Fabia
les dieux et par les hommes que nos malheurs sur le mont Quirinal 1 Commeut 1 tandis que la
ont été un enseignement pour le monde. Eufin religion d'une famille a triomphé des obstaclesde
l'adversité nous a fait penser à la religion. Nous la guerre même, vous consentiriez à délaisser en
nous sommes réfugiés au Capitole, auprès des pleine paix la religion de la patrie et les dieux de
dieux, dans le séjour de Jupiter, très-bon, très- Rome 1 et les pontifes et les flamines auraient
grand et, dans la ruine de nos fortunes, ne son- moins de souci des saintes solennités de la répu-
geant qu'à nos trésors sacrés, nous les avons blique, qu'un simple citoyen des pieuses pratiques
cachés sous terre, ou transportés dans les villes de sa maison! Mais, dira-t-on peut-être, ou nous
voisines et dérobés à la vue de l'ennemi. Le remplirons à Véies tous ces devoirs, ou nous en-
culte des dieux, malgré l'abandon des dieux et verrons nos prêtres ici pour les remplir. L'uu et
des hommes, n'a pas été interrompu par nous. l'autre de ces deux partis violerait également des
En récompense ils nous ont rendu la patrie, la coutumes sacrées; et, pour ne pas énumérer toutes
victoire, et cette antique gloire de nos armes que nos fêtes et tous nos dieux, est-ce que, au bau-
nous avions perdue; et à l'ennemi, qui, aveuglé quet de Jupiter, le pulvinar peut être placé ail-
par l'avance, trahissait pour un peu d'or ses leurs qu'au Capitole? Que dirai-je des feux éter-
traités et sa foi, ils ont envoyé la terreur, la fuite nels de vesta, et de celle statue gardée en son
et le massacre. temple comme gage de la durée de l'empire? Rap-
LII. « Eh quoi Romains, vous voyez les effets pellerai-je vos boueliers, Mars Gradivus, et toi,

vini cultus eiemptam hominibus putein. Intuemini enim in rebus humanis cernentes, ecquid sentitis, Quirites,
horum deinceps annorum vel secundas res, vel adversas; quantum viidum e naufragiis prioris culpm cladisque
invenietis omnia prospere evenissesequentibus deos, ad emergentes paremus nefas? Urbemauspicatoinaugurato-
versa spernentibus. Jam omnium primum veiens bellum que conditam habemus nullus locus in ea non religionum
( per quot annos, quanto labore gestum ) non ante cepit deorumque est plenus sacrificüs soiennibus non dies
finem quam momtu deorum aqua ex lacu Albano emissa magis stati, quam loca sont, in quibus ffant. Hos omnes
est. Quid hæc tandem urbis nostrae clades nova? num deos, publics privatosque, Quirites, deserluri estis?
ante ewrta est, quam spreta vox cœlo emissa de adventu Quam par vestrum faclum est, quod in obsidione nuper
Gallorum? quaiu gentium jus ab legatis uostris violatum? in egregio adolescente C. Fabio, non minore hostium ad-
quam a nobis, quum vindicari deberet, eadem negligen- miratione, quam vestra, conspectum est; quum inler
tia deorum prætermssum? Igitur vicli captique ac re- gallica tela degressus ex arce sollenne Fabia3 gentis in
dempti tantum pœnarum diis hominibusque dedimus, ut colle Quirinali obiit 1 Au gentilicia sacra ne in bello qui-
terrarum orhi ducumento essemus. Adversæ deinde res dem intermitti, publica sacra et Romanos deos eliam in
admonuerunt religionum. Confugimus in Capitolium ad pace deseri placet? et pontifices flaminesque negligen-
deos, ad sedem Jovis optimi manmi sacra in ruina re- tiores publicarum religionum esse, quam privatus in
rum nostrarum alia terrée celavimus, alia, avecta in sollenni gentis fuerit? Forsitan aliquis dicat, aut Yens ea
fiuilimasurbes, amovimusab hustiumocnhs. Deorumcnt- nos facturos, aut huc inde missuros sacerdotes nostros,
tum, deserli ab diis hominibusque, tamen non intermi- qui faciant quorum neutrum Geri salvis cæremoniis po-
simus, Reddidere igitur patriam, et victoriam, et auti- test. Et ne omnia generatim sacra omnesque percenseam
quum belli decus amissum et in hostes qui cæci avari- deos, in Jovis epulo num alibi, quam in Capitolio, pul-
tia in pondère auri fædus ac fidem fefellerunt,verteruut vinar suspici potest? Quid de mternis Vestæ ignibus si-
\crrorem fugamque et cædem. gnoque, quod imperii pignus custodiaejus temph tenetur.
LII. « Hæc culti neglectique numinis tanta monumenta loquar ? quid de ancilibus vestus, Mars Gradive, tu-
Quirinus, père des Romains?Abandonnerons-nous pas de notre plein gré que nous sommes demeu-
aux profanations toutes ces choses consacrées, rés au Capitole pendant ce siège de plusieurs mois,
aussi anciennes que notre ville, et dont quelques- si c'est la crainte seule de l'ennemi qui nous y a
unes le sont plus que notre ville même? Voyez retenus? Je vous parle du culte et des temples;
quelle différence entre nous et nos ancêtres! Ils que dirai-je des prêtres 1 ne songez-vousdonc pas
nous ont transmis l'obligation de célébrer certaines combien leur déplacement serait sacrilége? Les
cérémonies qu'ils trouvèrent établies sur le mont Veslales n'ont que leur temple pour demeure, et
Albain et dans Lavinium. Est-ce que ces institu- la prise seule de la ville a pu les en faire sor-
tions religieuses que leur piété craignit de trans- tir. Le flamine de Jupiter ne peut rester une
férer des cités ennemies dans Rome et au milieu seule nuit hors de la ville sans crime et ces prê-
de nous, nous pourrions sans profanation les trans- tres, de Romains qu'ils sont, vous les ferez Véiensl
férer à Véies, dans une ville ennemie? Recueillez et tes Vestales t'abandonneront, ô Vesta et le
vos souvenirs, et comptez combien de sacrifices flamine, en habitant la terre étrangère, se rendra
nous avons recommencés parce qu'il y avait eu chaque nuit coupable d'un crime dont l'expiation
dans les rites des ancêtres quelque omission for- retombera sur lui et sur la république Que di-
tuite ou causée par la négligence. Récemment en- rai-je des diverses pratiques consacrées par les
core, lors du prodige du lac d'Albe, n'est-ce point auspices et presque toutes célébrées dans l'en-
la restauration des saintes cérémonies et la reprise ceinte de nosmurs, quenous livronsàl'oubli ou au
des auspices qui sauvèrent la république que la mépris? Les comices par curies pour l'administra-
guerre de Véies avait épuisée? Que dis-je? n'est- tion de la guerre, les comices par centuries pour
ce point par un pieux souvenir de nos vieilles tra- l'élection des consuls et des tribuns militaires, où
ditions religieuses que nous avons transporté à les tenir avec les auspices, sinon dans le lieu ac-
Rome des dieux étrangers et que nous en avons ins- coutumé ? les transporterons-nous a Véies? ou
titué de nouveaux? Avec quelle pompe et quel faudra-t-il que pour se rendre aux comices, le
éclat, au milieu de quel admirable concours de peuple revienne à grand'peine dans cette ville
matrones, Junon Reine, ramenée de Véies, a été délaissée des dieux et des hommes?
naguère placée sur l'Aventin Nous avons aussidé- LIII. « Mais, dit-on, c'est la nécessité qui nous
crété un temple à Aïus Locutius en mémoire de force d'abandonner une ville dévastée par l'incen-
cette voix célesteentendue dans la rue Neuve. Aux die et en ruiues, et d'émigrer à Véies, où tout est
autres solennités nous avons ajouté les jeux Capi- prêt à nous recevoir il ne faut.pas que la recon-
tolins, pour lesquels nous avons établi, avec l'au- struction de Rome soit un sujet de vexation pour le
torisation du sénat, un nouveau collége. Qu'était- pauvre peuple. Cette objection est plus spécieuse
il besoin de tout cela, si nous devions suivre les que fondée, je n'ai pas besoin de le dire vous
Gaulois et déserter tes. murs de Rome, si ce n'est le sentez de reste, Romains; car vous n'avez pas

que Quirine pater 1 Haec omnia in profaoo deseri placet metu retenti sumus? De sacris loquimur et de templis
sacra, xqualia urbi, quædam vetustiora origine urbis? quid tandem de sacerdotibus? Nonne in mPntem veuit,
Et videte, quid iuter nos ac majores intersit. Illi sacra quantum piaculi commttatur ? Vestahbm nempe una illa
quædam in monte Albano Lavinioque nobis facienda tra- sedes est, ex qua eas nihil unquam proelerquam urbs
diderunt. An ex hostium urbibus Romam ad nos trans- capta, movit. Flamini Diali noctem uuam mauere extra
ferri sacra religiosum fuit; binc sine piaculo in hostium urbem nefas est. fIos Veientes pro Romanis facturi estis
urbem Veios traosferemus? Recordamini, agitedura, sacerdotes et Vestales tuæ te deserent Vesta ? et tlamen
quoties sacra instaurentur, quia aliquid ex patrio ritu ne- peregre babitando in sineulas noctes tantum sibi reiqne
gligeutia casuve prætermissum est. Modo quae res, post publics piaculi contrahet ? Quid aha, qum auspicato agi-
prodigium Albani lacus, nisi instauratio sacrorum auspi- mus omnia lere intra pomœrium cui oblivioni, aut cui
ciorumque renovatio affectæ veienti beilo reipublicas negligentiae damus Commua curiata, qum rem militarem
remedio fuit? At etiam, tanquam veterum religionum continuent comitia centuriata, quibus consules tribunos-
meinores, et peregrinos deos transtulimusRomans, et que militares creatis, ubi auspicato, nisi ubi assolent,
instituimus novos. Juno Regina, transvecta a Veiis nu- fieri possunt? Veiosnehæc transferemus ? an comitiornm
per in Arentino quam insigni ob excellens matrouarum causa populus tanto incommodo in desertam banc ab dis
studium celebrique dedicata est die? Aio Locutio tem- hominibusque urbem conveniet?
plum, propter cœlestem vocem exauditam in Nova via, LIII.. Sed res ipsa cogit vastam incendiis ruinisque
jussimus fieri; Capitolinos ludos soliennibus aliis addidi- relinquere urbem, et ad integra omnia Veios migrare,
mus; collegiumque ad id novum, auctore senatu, con- nec hic aedificando inopem plebe.n veiare. Hanc autem
didimus. Quid borum opus fuit suscipi, si una cum Gallis jactari magis causam, quam veram esse, ut ego uon di-
urhem romanam relicturi fuimus ? si non voluntatemansi- cam, apparere vobis, Quirtes, puto; qui meministis,
uns in Cap.tuho per tot menset obsidionis ? si ab hostibus aute Gallorum adventum salvis tectis publicis privetis-
oublié qu'avant l'arrivée des Gaulois, alors que dans Rome, souffririez-vous qu'ils se fissent Ro-
nos édifices publics et privés n'avaient encore mains, tandis que vous seriezVéiens? Aimez-vous
éprouvé aucun dommage, alors que Rome était mieux garder à vous ce désert de ruines, que d'y
encore debout et vivante, on avait déjà proposé voir rebâtir une ville par l'ennemi? En vérité, jo
d'émigrer à Véies. Et voyez quelle différence en- ne sais lequel de ces deux partis serait le plus sa-
tre mes sentiments et les vôtres, tribuns 1 Vous crilége. Ces crimes, ces opprobres, vous êtes prêts
ce qu'on n'a point dû faire, même alors, vous à les accepter pour vous éviter les ennuis d'une
pensez qu'on doit à tout prix le faire aujour- reconstruction. Quand même, en toute la ville, il
d'hui moi, au contraire (et ne vous récriez pas ne pourrait se trouver un séjour plus commode
avant d'avoir entendu ce que j'ai à dire), alors ou plus spacieux que cette cabane de notre fonda-
même qu'il eût été bon d'émigrer quand Rome teur, ne vaudrait-il pas mieux encore, comme des
était tout entière intacte, je soutiendrais que nous bergers et des paysans, habiter des cabanes où vous
ne devons pas aujourd'hui abandonnerses ruines. seriez entourés de vos dieux et de vos pénates, que
Car alors la victoire nous autorisaità émigrer dans de vous condamner, vous, nation, à l'exil? Nos
une ville que nous avions conquise ce prétexte ancêtres, qui n'étaient qu'une troupe d'étrangers
était glorieux pour nous et pour nos descendants et de pasteurs, dans un temps où l'on ne vova it sur
aujourd'hui cette émigrdtion serait pour nous ces plages que des bois et des marais, ont bâti en
une tache et une honte, et une gloire pour les quelques jours une ville nouvelle et nous, quand
Gaulois. On ne dira point que, vainqueurs, le Capitole et la citadelle sont encore intacts, quand
nous avons quitté notre patrie; mais que, vain- les temples des dieux sont encore debout, il nous
cus, nous l'avons perdue; que la déroute sur répugne de rebâtir quelques maisons incendiées
l'Allia, que la prise de la ville, que le siège du Et ce que ferait chacun de nous en particulier, si
Capitole nous ont mis dans la nécessité d'aban- le feu dévorait son logis, nous refusons en masse
donner nos pénates, de fuir et de nous exiler d'un de le faire après l'incendie de la cité 1
lieu que nous ne pouvions plus défendre; on dira UV. « Mais, pour finir, si la malveillance, si
que cette Rome, que les Gaulois ont pu détruire, le hasard allume un incendie dans Véies, et que,
les Romains n'ont pas pu la relever! Il ne man- chassées par le vent ( ce qui est possible ), les
que plus rien, sinon qu'ils reviennent avec de flammes consument une grande partie de la ville,
uouvelles troupes (car on dit leur multitude in- irons-nous chercher un autre séjour, irons-nous
nombrable ), qu'ils aient la fantaisie d'habiter émigrer à Fidènes, à Gabies, ou dans quelque
cette ville prise par eux, abandonnée par vous, autre ville? Ainsi ce n'est pas au sol de la patrie,
et que vous les laissiez faire 1 Mais, sans parler à cette terre que nous appelons notre mèrc, que
des Gaulois, s'il plaisait à vos vieux ennemis, nous sommes attachés; ce que nous aimons comme
aux Èques et aux Volsques de venir s'établir la patrie, c'est un terrain où s'élèvent des mai-

que, stante incolumi urbe, haoc eandem rem actam esse, ientes esse? An malitis banc solitudinem vestram, quam
ut Veios transmigraremus. Et videte, quantum inter urhem hostium, esse? non equidem video, quid magis
meam sententiam vestramque intersit, Lribuni. Vos, nefas sit. Hæc scelera quia piget ædificare ha·c dede-
etiamsi tunc faciendum non fuerit, nunc utique facien- cora pati parati estis? Si tota urbe nullum mehus am-
dum putatis ego contra ( uec id mirati sitis prius quam pliusve tectum Geri possit, quam casa illa conditoris est
quale Bit, audieritis), etiamsi tunc migraudum fuisset, nostri, non in casis, ritu pastorum agrestiumque, habi-
incolumi tota urbe, nunc bas ruinas relinquendas non tare est satius inter sacra penatesque vestros, quam ei-
censerem. Quippe tum causa nobis in urbem captam mi- sulatum publice ire? Majores nostri convenæ pastores-
grandi victoria esset, gloriosa nobis ac posteris nostris; que, quum in bis locis nihil, praeter silvas paludesque
nunc hic nugrahonobis misera ac turpis, Gallis gloriosa esset, novam urbem tam brevi ædificarunt nos, Capito-
est. Non enim re!iquisse victores, sed amisisse victi pa- lio arce incolumi, stantibus templis deorum, oedificare in-
triam videbimur hoc ad Alliam fuga, hoc capta urbs, ceusa piget? et, quod singuli facluri fuimus, si wdes
hoc circumsessum Capitolium necessitatisimposuisse, ut nostræ defiagrassent, hoc in publico incendio universi
desereremus penates nostros, exsthumque ac fugam nobis recusamus faceret
ex eo loco conscisceremus, quem tueri non possemus. LIV.. Quid tandem? si fraude, si casu Veiis incen-
Et Galli evertere potuerunt Romam quam Romani re- dium ortum sit, ventoque, ut fieri potest, diffusa Gamma
stituere non videhuntur potuisse ? Quid restat, nisi ut, magnam partem urbis absumat, Fidenas inde, aut Ga-
si jam novis oopiis veniant (constat enim vil credibilem bios, aliamve quam urbem quæsituri sumus, quo trans-
niultitudinem esse), et habitare in capta ab se deserta migremus? Adeo nihil tenet solum patriæ, nec hœc terra,
a vobis, bac nrbe velint, sinatis? Quid? si non Galli hoc, quam matrem appellamus; med in superficie tignisque
sed veteres bostes vestri, Æqui Volscive, faciant, ut caritas nobis patriæ pendet? Equidem, fatebor vobis, etai
commgreot Romam, velitiane illos Romanos, vos Ve- minus injuriæ vestræ, quam mæ calamitatis, memmsse
soos I Pour moi je vous l'avoue si j'ai oublié emporter ailleurs avec vous votre courage; mais
votre injustice, je me rappelle mon malheur; dans vous ne pourriez emporter la fortune de ces
mon exil, toutes les fois que la patrie se représen- lieux. Ici est le Capitole, ou fut jadis trouvée
tait à ma pensée, c'était toujours avec le regret de cette tête d'homme qui, au dire des devins, an-
ne plus trouver devant moi ces collines, ce Tibre, nonçait qu'à cette place serait la tête du monde
ce paysage, ces plaines, auxquels mes yeux étaient la souveraine des empires ici la Jeunesse et le
si accoutumés, et ce ciel qui avait éclairé mon dieu Terme, lorsque les augures transportèrent
berceau et les heureux jours de mon enfance. Ahl ailleurs les dieux du Capitole refusèrent de quit-
croyez-moi, puissiez-vous plutôt être retenus au- ter leur place, à la grande joie de nos pères; ici
jourd'hui par l'attachement qu'inspirent des ob- sont les feux de Vesta, les boucliers sacrés des-
jets si doux, que languir quelquejour du regret cendus du ciel et tous ces dieux dont ia faveur
de les avoir abandonnés Ce n'est pas sans rai- vous quitte du moment que vous les quittez. s
son que les dieux et les hommes ont choisi ce LV. D'autres discours de Camille, mais prin-
lieu pour l'emplacement de Rome l'extrême cipalement ces considérations tirées de la religion,
salubrité de ses coteaux, les grands avantages faisaient impression sur la multitude. Un mot,
d'une rivière par où descendent d'un côté les ré- qui sembla tomberdu ciel, acheva de lever tou-
coltes du continent, et par où arrivent de l'autre tes les incertitudes. Presqu'au sortir de l'assem-
les approvisionnements de la mer; cette mer, suf- blée, le sénat s'était rendu dans la curie Hos-
fisamment proche pour les facilités du commerce, tilia. Pendant la délibération, comme des co-
et trop éloignée pour nous exposer aux insultes hortes qu'on ramenait de leur garnison traver-
des flottes étrangères; une position au centre de saient le forum, en ordre de marche, un centu-
l'Italie, et qui semble se prêter d'elle-même aux rion s'écria sur la place des comices a Porte-
accroissementsde notre puissance. Aussi voyez le drapeau, plante t'enseigne nous ne saurions
rapide agrandissement d'une cité si nouvelle. Voilà être mieux qu'ici. » A ce mot, le sénat, sortant
trois cent soixante-cinq ans, Romains, que cette de la salle, s'écria qu'il acceptait l'augure, et
ville existe; durant ce temps, vous n'avez cessé toute cette multitude répandue autour de la curie
d'avoir la guerre avec toutes les antiques nations n'eut qu'un cri d'approbation. La loi fut donc
qui vous entourent, et cependant, sans parler des rejetée, et de toutes parts on se mit à l'ouvrage.
villes isolées, ni les Eques unis aux Volsques, ni La tuile fut fournie par l'état, et l'on eut per-
leurs cités puissantes, ni l'Étrurie entière, si re- mission de prendre la pierre et le bois où l'on
doutable sur terre et sur mer, et qui embrasse voudrait, pourvu qu'on s'engageât à finir le tra-
d'une mer à l'autre toute la largeur de l'Italie, vail dans l'année. Chacun, sans s'inquiéter s'il
n'ont pu lutter contre vous. Après tant d'épreu- bâtissait sur son terrain ou sur celui d'un autre,
ves si heureuses, quelle raison funeste vous pour- s'empara de la première place vacante et la pré-
serait à en recommencer d'autres? Vous pourriez cipitation 6t qu'on ne prit aucun soin d'aligner les

juvat, quum abessem, quotiescunque patria in mentem quum, jam ut virtus vestra transire alio possit, fortuna
veniret, hæc omnia occurrebant, colles campique, et certe loci bujus transferri non possit? HicCapitoliumest,
Tiberia, et assueta oeulis regio, et hoc cœlum, sub quo ubi qnondam capite humano invento responsum eat, eo
nalus educatusque essem qua vos, Quirites, nunc mo- loco caput rerum summamque imperii fore. Hic, quum
veant potius caritate sua, ut maneatis in sede vestra, augurato liberaretur Capitolmm, JuventasTerminusque
quam postea, quum reliqueritis ea, macerentdesiderio. maxime gaudio palrum nostrorum moveri se non passi
Non sine causa dii hominesque hune urbi condeodaj lo- hic Vesta igues, hic ancilia cœlo demissa, hic omnes
cum elegerunt, saluberrimos colles, flumen opportunum, propitii mauentibus vobis dii. »
quo ei medilerraneis locis fruges devehantur,quo mari- LV. Movisse eos Camillus quum alia oratione, tum ea,
timi commeatus accipiantur mari viciuum ad commodi- quæ ad religiones pertinebat, maxime dicitur. Sed rem
tates, nec expositum nimia propinquitate ad pericula dubiam decrevit vox opportune emissa; quod qnum se-
classium externarum; regionum Italia; medium, ad in- natus post paullo de his rébus in curia Hostilia habere-
crementum urbis natum unice locum. Argumeuto est tur, cohortesque, ex præsidiis revertentes, forte agmine
ipsa magnitudo tam novæ urbis. Trecentesimus sexage- forum trausirent, centurio in comitio exclamavit a Si-
simus quintus Bonus urbis, Quirites, agitur inter tot guifer, statue signum hic manebimus optime. » Qua voce
veterrimos populos tam diu bella geritis; quum interea, audita et senatus «Accipere se omen, » et curia egres-
ne singulas loquar urbes, non conjuneti cum Æquis sus, conclamavit, et plebs circumfusa approbavit. Anti-
Volsci, tot tam valida oppida, non universa Etruria, tan- quata deinde lege, promiscue urbs a-dificari cœpta. Te-
tum terra marique pollens, atque iuter duo maria latitu- gula publice prxbita est saxi materiœque cædendæ,
dinem obtinens Italiæ, bello vobis par est. Quod quum unde quisque vellet, jus factum; prædibus acceptis, eo
its sit, quæ (malum) ratio est, eipertu alia experiri, anno ædificia pertecturos. Festinatio curam exemit vicos
rues. C'est pour cela que d'anciens égouts, qu'on les maisons des particuliers; et qu'en général
avait eu l'attention de diriger sous les rues et les Rome parait plutôt bâtie au hasard par le premier
places publiques, se retrouvent aujourd'hui sous occupant que tracée d'après un plan régulier.

dirigendi, dum omisso oui alienique discrimine, in oa- per pablicnm durtæ, nunc privata passim aubeant tecta;
cuo ediflc&nl. Ea est causa, ut veteres cloacæ, primo formaque urbis oit occupatæ magis, quam divisæ,similis.
LIVRE SIXIÈME.

SOMMAIRE. Guerres et succès contre les Volsques, les Èques et les Prénestins. Quatre nouvelles tribus sont
établies, la Stellatioe laSabbatine, la Tromentine et l'Arnienne.-M. Manlius, qui avait défendu le Capitole contre
les Gaulois, libère les débiteurs, vient en aide aux détenus insolvables,et, accusé pour cela d'aspirer à la royauté,
est condamné et précipité de la roche tarpéienne. Pour flétrir sa mémoire, on interdit par un sénalus-con-
sulte à la famille Manlia le surnom de Marcus. — C. Licinius et L. Seitius, tribuns du peuple, proposent une loi
pour l'admission des plébéiens au consulat, jusque là réservé aux patriciens. Cette loi, après de longs débats, et
malgré l'oppositiondes patriciens, soutenus de ces mêmes tribuns du peuple, seuls magistrats pendant cinq ans,
est adoptee. L. Seitius, premier consul plébéien. Promulgationd'une autre loi par laquelle il est défendu
aux particuliers de posséder par tête plus de cinq cents arpents de terre.

I. J'ai exposé en cinq livres l'histoire des Ro- publique s'appuya encore sur ce grand citoyen,
mains, depuis la fondation de la ville de Rome pour se maintenir. On n'accepta point son abdica-
jusqu'à la prise de la même ville sous les rois mon de la dictature, avant l'expiration de l'année.
d'abord, ensuite sous les consuls et les dictateurs, On ne jugea pas à propos de confier la tenue des
les décemvirs et les tribunsconsulaires; les guer- comices pour l'année suivante, aux tribuns en
res étrangères, les dissensions domestiques his- charge lors de la prise de la ville, et on eut re-
toire obscure, et par son extrême antiquité, comme cours à des interrois. Pendant que les citoyens
ces objets qu'on aperçoit à peine à cause de leur travaillaient avec un zèle et une ardeur infatiga-
trop grand éloignement; et par l'insuffisance et la bles à la reconstruction de la ville, Q. Fabius,
rareté, à ces mêmes époques, de l'écriture, seule à peine sorti de magistrature fut assigné par
gardienne fidèle du souvenir des actes du passé C. Marcius, tribun du peuple, parce que, envoyé
enfin, par la destruction presque entière, dans vers les Gaulois avec une mission de paix il s'é-
l'incendie de la ville, des registres des pontifes, tait battu contre le droit des gens mais il fut
et des autres monuments publics et particuliers. soustrait à ce jugement par une mort qui arriva
C'est avec plus de clarté, comme avec plus de si à propos, que beaucoup la crurent volontaire.
confiance, que j'exposerai désormais les événe- Le premier interroi fut P. Cornélius Scipion;
ments qui vont suivre au dedans et au dehors; après lui, M. Furius Camille. Celui-ci pour la se-
cette renaissance de Rome, repoussée pour ainsi conde fois, crée des tribuns militaires avec puis-
dire de sa souche avec plus de sève et de vie. Et sance de consuls L. Valérius Publicola pour la
d'abord, relevée par le bras de M. Furius, la ré- seconde fois; L. Virginius, P. Cornélius, A. Man-

LIBER SEXTUS. que expouentur. Ceterum quo primo adminieulo erecta


erat, eodem innisa M. Furio prmcipe stetit neque eum
1. Quae ab condita urbe Roma ad captam eandem ur- abdicare se dictatura, nisi anno circumacto, passi sunt.
bem Romani sub regibus primum, consulibus deinde ac Cnmitia in insequentem annum tribunos habere, quornm
dictatoribus,decemvirisque ac tribunis consularibus ges- in magistratu capta urbs esset, non placuit res ad in-
sere, loris bella domi seditiones,quinque libris exposui terregnum rediit. Quum civitas in oppre et labore assiduo
res quum vetustate nimia obscuras, velut quæ magno ex reficiendæ urbis teneretur, intérim Q. Fabio, simul pri-
intervallo loci vii cernuntur; tum quod parvæ et rara' mum magistratu abiit, ab C. Marcio tribuno plebis dicta
per eadem tempora literae fuere. una custodia fidelis me- dies est, quod legatus in Gallos, ad quoa missus erat
moriæ rerum gestarnm et quod etiamsi quae in com- orator, contra jus gentium pugnasset cui judicio eum
mentariis ponliBcumaliisque publicis privatisque erant mors, adeo opportuna ut voluatariam magna pars cre-
monumentis, incensa urbe pleraeque interiere. Clariora deret, subtraiit. Interregnum initum. P. Cornélius Sci-
deinceps certioraque ab secunda origine, velut ab stirpi- pio interrel, et post eum M. Furius Camillus. Is tribu-
bus lætius feraciuàquereuatæ urbis, gesla domi militiæ- nos militum consulari potestate creat. L. Valerium Publi-
lius, Émilius, L. Postumius. Etant entrés en
L. les chefs de toutes les nations de l'Érurie réunis
charge aussitôt après l'interrègne, ils commencè- au temple de Voltumna, s'étaient conjurés pour
rent par occuper le sénat d'intérêts tout religieux.
la guerre enfin, pour surcroîtd'alarmes, on an-
Ils 6rent d'abord rechercher les traités et les lois
nonçait la défection des Latins et des Herniques,
qui subsistaient encore (les douze tables et quel- qui, depuis le combat du lac Régille, n'avaient
ques lois royales); les unes furent répandues jus- jamais, pendant près de cent ans, trahi la foi qui
que parmi le peuple mais celles qui avaient trait les unissait au peuple romain. Comme, en pré-
aux choses saintes furent supprimées et cela sence de si nombreux et de si pressants dangers
principalement par les pontifes, qui voulaient se chacun comprenait clairement que le nom romain
réserver le frein de la religion, au moyen duquel était non-seulement menacé par la haine de l'en-
ils contiendraient la multitude. Ce fut également nemi, mais encore par le mépris des alliés, on
à cette époque que l'on commença à désigner les résolut de confier la défense de la république aux
jours religieux le quatorzième jour avant les ca- auspices qui l'avaient reconquise, et l'on nomma
lendes sextiles, marqué par uu double désastre, dictateur M. Furius Camille. Ce dictateur nomma
le massacre des Fabius sur le Crémère, et sur C. Servilius Ahala maître de la cavalerie, et,
l'Allia, par la honteuse défaite de l'armée, suivie après avoir proclamé le justitium, il fit une levée
de la ruine de Rome, fut appelé de ce dernier de jeunes soldats les vieillards mêmes à qui il
revers jour de l'Allia, et l'on établit que ni l'état, restait quelque vigueur prêtèrent serment et fu-
ni les particuliers n'entreprendraient rien ce rent enrôlés par centuries. Ces troupes inscrites
jour-là. Comme c'était le lendemain des ides de et armées, il les divisa en trois corps le premier
juillet que Sulpicius, tribun militaire, avait sacri- devait aller sur les terres de Véies, faire tête à
fié sans succès et comme, sans avoir eu soin d'a- l'Étrurie; un autre eut ordre de camper aux por-
paiser les dieux il avait, trois jours après, hvré tes de la ville ces dernières troupes étaient com-
l'armée romaine aux coups de l'ennemi, il fut mandées par le tribun militaire A. Manlius; celles
pour cela dit-on ordonné de s'abstenir de tout qu'il envoyait contre les Étrusques avaient pour
acte sacré le lendemain des ides; et par la suite, chef L. Émilius. Lui-même, il mena le troisième
selon quelques traditions, cette pieuse interdic- corps contre les Volsques, les trouva campés non
tion s'étendit au lendemain des calendes et des loin de Lavinium, au lieu dit près Mécius, et les
nones. attaqua. Les Volsques, qui portaient la guerre à
Il. On ne put pas longtemps s'occuper h loisir Rome par mépris de sa faiblesse et parce qu'ils
de relever la république d'une si grande chute. croyaient que les Gaulois avaient à peu près dé-
D'un côté, les Volsques, nos anciens ennemis, truit la jeunesse romaine, furent, au seul nom de
avaient pris les armes pour anéantir le nom ro- Camille, saisis d'une telle épouvante, qu'ils se
main' d'un autre côté, au dire des marchands, couvrirentd'un retranchement, fortifié lui-même

cnlam iterum, L. Virginium, P. Cornelium, A. Man- bine Etruriae principum ex omnibus populis conjuratio-
lium, L. Æmilium, L. Postumium. Hi ex inlerregno nem debello, ad fanum Voltumnæ tactam, mercatores
quum extemplo magistratum inissent, nulla de re prius, afferebant. Novus quoque terror accesserat defectione
quam de religionibus, senatum consuluere. In primis fœ- Latinorum Hernicorumque qui, post pugnam ad lacum
dera ac leges (erdnt autem ese duodecini labulæ et quæ- Regillum factam, per annos prope centum nunquam
dom regiæ leges) conquiri, quae comparèrent, jusseruut: amhigua fide in amicitia populi romani fuerant. Itaquo
alia ex iis édita etiam in vulgus: quae autem ad sacra per- qunm tanti uudique terrores circumstarent, appareret-
tinebaut, a pontitficibus maiime, ut religioue obstrictos que omnibus, non odio solum apud hostes, sedcontemptu
haberenl multitudmis animos, suppressa. Tum de diebus etiam inter socios nomen romanum laborare; placuit iis-
rcligiosis agitari cœptum, diemque ante diem XV kalen- dem auspiciis defendi rempublicam, quibus recuperata
dao sextiles, duplici clade insigoem, ( quo die ad Creme- esset, dictatoremque dici M. Furium Camillum. Is dicta-
ram Fabii Cæsi, quo deinde ad Alliam cum exitio urbis tor C. Servilium Ahalam magistrum equitum dixit jus-
fœde pugnatum), a posteriore clade Alliensem appella- titioque indicto, delectum juuiorum habuit, ita ut senio-
runt, insignemque rei nulli publice privatimque agendas res quoque quibus aliquid roboris superesset, in verba
fecerunt. Quidam, quod postridie idus quiatiles non li- sua )uratos ceoturiaret. Exercitum conscriptum arma-
tasset Sulpicius tribunus militum, neque inventa pace tumque trifariam divisit. Partem unam in agro veiente
deum post diem tertium objectus hosti exercitus romanus Etruriæ opposuit alteram ante urbem castra tocare jus-
esset, etiam postridie idus rébus divinis supersederi jus- sit. Tribunus militum bis A. llianlius; illis, qui adversut
sum inde ut postridie kalendas quoque ac nonas eadem Etruscos mittehantur, L. Æmihus præpositus tertiam
religio esset, traditum putant. partem ipse ad Vols cos duxit, nec procul ab Lanuvio (ad
II. Nec diu licuit quictis consilia erigeneas ex tam gravi Mxcium is locus dicitur) castra oppugoare est adortui.
casu reipuhlicæ secum agitare. Hine Volsci, veteres hos- Quibus, ab contemptu, quod prope omnem deletam à
tes, ad eistinguendumnomen romanum arma ceperant; Gallis romanam juventutem crederent, ad bellum pro-
d'un monceau d'arbres renversés pour fermer à délai au secours des Sutriens. Mais la fortune des
l'ennemi l'accès des palissades. Voyant cela, Ca- assiégés ne leur permit pas d'attendre l'accom-
mille fit mettre le feu à ce rempart de brancha- plissement de cette promesse peu nombreux,
ges secondée par le vent, qui par hasard soufflait épuisés par les fatigues, les veilles et les blessu-
avec violence du côté de l'ennemi la flamme eut res qui tombaient toujours sur les mêmes, les ha-
bientôt ouvert un chemin l'incendie gagna le bitants avaient, par une capitulation, livré leur
camp, et la vapeur, la fumée, le pétillement ville à l'ennemi, et, ayant quitté leurs pénates,
même de cette verte matière embrasée effraya si les malheureux s'en allaient, sans armes, et
fort l'ennemi, que les Romains eurent moins de n'ayant que le seul vêtement qu'ils portaient.
peine à forcer le retranchement pour pénétrer En ce moment, par hasard, Camille arriva avec
dans le camp des Volsques, qu'ils n'en avaient eu l'armée romaine cette troupe désolée se roula
à franchir les branchages dévorés par l'incendie. àsespieds; il entendit un discours des principaux
Après avoir mis en déroute et taillé en pièces citoyens, où était exposée leur affreuse situation,
l'ennemi, et s'être rendu maître du camp, le dic- et les gémissements des femmes et des enfants qui
tateur livra le butin aux soldats, ce qui leur se traînaient pour les suivre en exil il les accueil-
fut d'autant plus agréable qu'ils s'y attendaient lit, et les engageaà ne plus se désoler, leur disant
moins de la part d'un général peu porté à ces qu'il allait porter aux Étrusques le deuil et les
largesses. Ensuite, Camille poursuivit les fuyards, larmes. 11 fait déposer les bagages, laisse les Su-
et, lorsqu'il eut entièrement ravagé le territoire triens sous la protection d'un détachement peu
des Volsques, ceux-ci se rendirent, domptés en- cousidérable, et donne ordre au soldat de n'em-
fin après soixante-dix ans de guerres. Vainqueur porter que ses armes. Alors, avec ses troupes plus
des Volsques, il marcha contre les Èques, qui, légères, il marche à Sutrium; il y trouve, comme
eux aussi, préparaient la guerre; il écrasa leur i l'avait prévu et comme il arrive toujours
armée à Boles, et ayant attaqué non-seulement après un succès, le désordre partout pas un
leur camp, mais leur ville, il s'en empara du pre- poste devant les remparts, les portes ouvertes,
mier coup. et le vainqueur dispersé dans les maisons en-
III. Tandis que du côté où Camille était à nemies pour en enlever le butin. Aussi, pour
la tête des forces romaines, la fortune se pronon- la seconde fois dans le même jour, Sutrium est
çait pour nous, d'un autre côté, on éprouvait de pris; les Étrusques vainqueurs sont égorgés l'un
vives alarmes. Presque toute l'Étrurie en armes après l'autre, par un ennemi qu'ils n'attendaient
assiégeait Sutrium, alliée du peuple romain ses pas, et qui ne leur laisse pas le temps de se
députés, s'étant adressés au sénat, en le priant recueillir, de se rassembler, de prendre leurs ar-
de les assister dans leur détresse, obtinrent un dé- mes. Plusieurs ayant couru aux portes avec l'in-
cret qui ordonnait au dictateur de se porter sans tention de se jeter dans la campagne, trouvant les

teclis, tantum Camillus auditus imperator terroris intu- rebus affectis crantes, quum senatumadissent,decrelam
lerat, ut vallo se ipsi, vallum congestis arborlbus sæpi- tulere, ut dictator primo quoque tempore auiilium Su-
rent, ne qua intrare ad munimenta hostis posset. Quod trinis ferret. Cujus spei moram quum pati fortuna obses-
ubi animadvertit Camillus, ignem in objectam sæpem sorum non potuisset,confectaque paucitas oppidanorum,
conjici jussit et forte erat vis magna venti versa in hos- opere, vigilüs, vulneribus, qum semper eosdem urge-
tem. Itaque non aperuit aolum incendio viam sed, flam- bant, per pactionem urbe bostibus tradita, inermes cum
mis in castra tendenlibus, vapore etiam ac fumo crepi- singulis emissi vestimentis, miserabili agmine penates
tuque viridis materiæ flagrantis, ita conslernavit hosles, rehnquerent; eo forte tempore Camillus cum exercitu
ut minor moles superantibusvallum in castra Volscorum romauo intervenit. Cui quum se mæsta turba ad pedes
Romanis fuerit, quam transcendentibus sæpem incendio provolvisset, principumqueorationem, necessitateullima
absumptam fuerat. Fusis hostibus cæslsque, quum castra eipressam fletus mulierum ac puerorum qui exsilii co-
impetu cepisset dictator, praddam militi dedit, quo minus mites trahebantur, excepisset; parcere lamentis Sutrinos
speratam, minime largitore duce, eo militi gratiorem. jussit Etruscis se luctum lacrimasque ferre.Sarcinas
Persecutus deinde fugientes, quum omnem Volscum inde deponi, Sutrinosqueibi considere, modicopræsidto
agrum depopulatus esset, ad deditionem Volscos septua- relicto, arma secum militem ferre jubet. Ita expedito
gesimodemum anno subegit. Victor ex Volscis in Æquos exercitu profectus ad Sutrium, id quod rebatur, soluta
transit, et ipsos bellum molientes eiercitum eorum ad oninia, rébus ut fit secundis, invenit nullam ttatioaem
Bolas oppressit; nec castra modo, sed urbem etiam ag- aute mœnia patentes portai, victorem vagum prædam
gressus, impetu primo ccpit. ex hostium tectis egerentem. Iterum igitur eodem die
11I. Quum in ea parte, in qua caput rei romanæ Ca- Sutrium capitur victores Etrusci passim trucidantur ab
millus erat, ea fortune esset, aliam in partem terror in- novo boste neque se conglobandi, cocundique in unum.
gens ingruerat. Etruria prope omnia armata Sulrium, aut arma capieudi datur spalium. Quum pro se quisque
socios populi romani, obsidebat quorum legati, opem tenderent ad portas, si qua forte se in agros ejicere pos-
portes fermées; car c'était le premier ordre qu'a- et l'on assigna des terres à ces nouveaux citoyens.
vait donné le dictateur. Alors les uns prennent On rappela de Véies à Rome par un sénatus-
lcs armes; les autres qui, par hasard, étaient consulte, ceux qui, pour s'épargner la peine de
armés au moment de t'attaque, appellent leurs rebâtir, s'y étaient transportés et y avaient pris
camarades pour les engager à se défendre, et leur possession des maisons abandonnées ils vou-
désespoir eût allumé le combat, si des hérauts lurent d'abord murmurer et mépriser l'ordre du
répandus par la ville n'eussent crié de mettre sénat; mais un jour ayant été fixé, avec peine ca-
bas les armes que ceux qu'on verrait désarmés pitale contre tout émigré qui ne rentrerait pas
seraient épargnés, mais qu'on frapperait tout ce dans Rome, ces mêmes hommes qui, réunis, se
qui serait arme. Alors ceux-là mêmes qui ne s'é- montraient si intraitables, isolément eurent peur
taient décidés au combat que parce qu'ils y en- chacun pour soi et se soumirent. Ainsi s'accrut
trevoyaient une dernière chance de salut, recou- la population de Rome en même temps que se
vrant l'espoir de conserver leur vie, jettent leurs relevaientsur tous les points ses édifices. La répu-
armes de côté et d'autre, et, désarmés, prenant le blique subvenait aux dépenses, les édiles sur-
seul parti le plus sûr que leur offrît la fortune, se veillaient les travaux comme travaux publics, et
mettent à la discrétion du vainqueur. Pour gar- les citoyens eux-mêmes, pressés d'en avoir le
der cette multitude, on la divisa; et, avant la nuit, libre usage, se hâtaient de mener l'œuvre à tin
la ville fut rendue aux Sutriens, entière et vierge en moins d'un an, la nouvelle ville fut debout. A
de tout outrage de guerre car elle n'avait pas l'expiration de l'année, on procéda aux élections
été prise d'assaut, mais remise par capitulation. des tribuns militaires avec puissance de consuls
IV. Camille, vainqueur dans trois guerres, on créa T. Quinctius Cincinnatus, Q. Servius Fi-
rentra dans Rome en triomphe. II fit marcher de- dénas, pour la cinquième fois; L. Jolius Julus,
vant son char une longue suite de prisonniers, la L. Aquilius Corvus, L. Lucrétius Tricipilinus,
plupart étrusques. On les vendit à l'encan, et Ser. Sulpicius Rufus. Une armée fut dirigée con-
l'on en tira un si bon prix, qu'après avoir rendu tre les Èques, non pour les combattre, car ils s'a-
aux matrones la valeur de l'or qu'elles avaient vouaient vaincus, mais pour assouvir la liaine
donné, on put encore, avec le surplus, faire trois publique des citoyens par la dévastation de leurs
coupes d'or qui furent marquées du nom de Ca- plaines, et leur ôter le pouvoir de recommen-
mille, et déposées aux pieds de Junon, dans la cer la guerre. Une autre armée fut envoyée sur le
chapelle de Jupiter, où elles se trouvaientencore, territoire des Tarquiniens. Là les villes étrusques
assure-t-on, au moment de l'incendie du Capitole. Cortuosa et Conténébra furent prises d'assaut et
Cette année on admit au droit de cité les trans- renversées. A Cortuosa, il n'y eut pas la moindre
fuges véiens, capénates et falisques, qui, du- résistance on attaqua la place à l'improviste, et
rant ces guerres, avaient suivi l'arméeromaine, au premier cri, au premier assaut, on la prit;

sent, clausas ( id enim primum dictator imperaverat ) ad Rnmanos, agerque iis novis civibus assignatus. Revo-
portas inveniunt Inde alii arma capere alii, quos forte cati quoque in urbem senatusconsulto a Veiia qm ædifi-
armatos tumultus occupaverat, convocare suos, ut præ- candi Romw pigritia, occupatis ibi vacuis tectis, Veios
lium inirent quod accensum ab desperatione hostium se contulerant. Et primo fremitus fuit aspernantium im-
fui.,et. ni præcones, per urbem dimissi, poni arma, et perium dies deinde præstituta capitalisque pœna, qui
parci inrrmi jussissent, nec praeter armatos quemquam non remigrasset Romam, ex ferocibus universis siogulos,
wolari. 1'um etiam, quibus animi in spe ultima obstmati metu suo quemque obedientes fecit. Et Roma quum fre-
ad decertandum fuerant, postquam data spes vitæ est, quentia crescere, tum tota simul exsurgere ædificiis, et
jactare passim arma, inermesque, quod tntius fortuna republica impensas adjuvante, et ædilibus velut publicum
fecerat, se bosti olferre. Magna multitudo in custodias exigentibus opus, et ipsis privatis (admonebat enim de-
divisa oppidum ante noctem redditum Sutrinis lnviola- siderium usus ) festinautibus ad effectum operis intra-
lum iutegriimqiie ah otnni clade belli, quia non vi cap- que aunum nova urbs stetit. Exitu anui comitia trihuno-
t un, sed traditum per conditionrs fuerat. rum militum consulari potestate habita. Creati T. Quinc-
IV. Camillus m urbem triumphans rediit, trium simul tius Ciuciunalus, Q. Servilius Fidenas quintum, L. Julius
bellorum victor. Longe plurimos captivos ex Etruscis julus, L. Aquilius Corvus, L. Lucretius Tricipitinus,
ante currum duxit. Qmbus sub basta venundatis, tantum Ser. Sulpicius Rufus. Exercitum alterum in Æquos, non
æris redactum est, ut, pretio pro anro matronis perso- ad bellum (victos namque se fatebantur), sed ab odio ad
luto, ex eo, quod supererat, Ires paterm aureæ factæ pervastandus fines, ne quid ad nova consilia relinquerent
sint quas, cum titulo nominisCamilli, ante Capitolium virium duaere alterum in agrum tarquiniensem. Ibi
incensum in Jnvis cella constat ante pedes Junonis posi- oppida Etruscorum, Cortuosa et Contenebra, vi capta
tas fuisse. Eo auno in civitatem accepti qui Veientium diru!aque. Ad Cortuosam nihil certaminis fuit. Improviso
Capenatiumque ac Faliscorum per ea bella transfugerant adorti, primo clainore atque impetu cepere: direptum
0
elle fut pillée et brûlée. Conténébra soutint un le partageait avant qu'ils n'eussent tout envahi, il
siège de quelques jours; des travaux continus, n'en resteraitrien au peuple. » Ils émurent faible-
qu'on ne suspendit ni le jour ni la nuit, la ré- ment la multitude que le soin de bâtir tenait éloi-
duisirent. L'armée romaine fut partagée en six gnée du forum; épuisée d'ailleurs par les dépen-
divisions, qui se battaient chacune toutes les six ses, elle songeait peu à ces terres qu'il ne lui serait
heures, et les assiégés, peu nombreux, ne pou- pas possible de faire valoir. Dans cette cité pleine
vaient opposer que les mêmes corps épuisés à de religion comme le dernier désastre avait rendu
des adversaires qui se renouvelaient sans cesse superstitieux les chefs eux-mêmes, on voulut re-
ils succombèrent à la fin, et laissèrent les Ro- nouveler les auspices, et on eut recours à un in-
mains pénétrer dans leur ville. Il paraissait con- terrègne. Les interrois qui se succédèrent furent
venable aux tribuns de réserver le butin pour M. Manlius Capitolinus, Ser. Sulpicius Camériuus,
la république; mais ils tardèrent plus à donner L. Valérius Potitus. Ce dernier tint les comices
leurs ordres qu'à se décider pendant qu'ils hé- dans lesquels on élut tribuns militaires avec puis-
sitaient, les soldats s'emparèrent du butin; or, à sance de consuls L. Papirius, C. Cornélius,
moins de braver leur haine, on n'eût pu le leur C. Sergius, L. Émilius pour la seconde fois,
reprendre. La même année, outre les construc- L. Ménénius, L. Valérius Publicola pour la troi-
tions particulièresdont s'agrandit la ville, le Ca- sième. L'interrègne ayant cessé, ils entrèrent en
pitole fut reconstruit jusqu'en ses fondements sur charge. Cette année, le temple de Mars, voué
une masse de pierres équarries ouvrage qui, au- pendant la guerre des Gaulois, fut dédié par
jourd'hui même encore attire les regards au T. Quinctius, duumvir commis aux cérémonies
milieu de la magnificencede notre ville. sacrées. On institua encore quatre tribus compo-
V. Tandis que les citoyens étaient occupés à ces sées des nouveaux citoyens, la Stellatine, la Tro-
travaux, déjà les tribuns du peuple s'efforçaient mentine, la Sahatine, l'Arnienne, et avec ces tri-
d'attirer, au moyen des lois agraires la multitude bus fut complété le nombre de vingt-cinq.
à leurs assemblées. Ils lui montraient en espérance VI. L. Sicinius, tribun du peuple, traita du
les terres de Pomptinum, dont Camille, par la ruine partage des terres du Pomptinum devant une mul-
des Volsques, leur avait désormais assuré la pos- titude déjà plus nombreuse, plus remuante et plus
session. Ils se plaignaient «que ce territoire était avide de terres qu'auparavant. On agita aussi dans
plus infesté par les nobles qu'il ne l'avait jamais le sénat la question de la guerre contre les Latins
été par les Volsques car ceux-ci, du moins, n'a- et les Herniques; mais comme l'Étrurio se mon-
vaient pu étendre leurs incursions qu'en raison trait en armes, le souci d'une guerre plus impor-
de leurs forces et de la puissance de leurs armes; tante lit ajourner ce projet. Le pouvoir revint à
mais les hommes nobles marchaient à l'entièfe Camille, nommé tribun militaire avec puissance
possession du territoire de l'empire, et si on ne de consul les cinq collègues qu'on lui adjoignit

oppidum atque incensnm est. Contenebra paucos dies op- rant, et infrequentem in foro propter apdificandi curam,
pugnationem sustinuit, laborque continuus, non die non et eodem exhaustam impensis, eoque agri immemorem
nocte remissus, subegit eos. Quum in sex partes divisus ad quem instruendum vires non essent. In civitate plena
eiercitus romanus senis boris in orbem snccederet prae- religionum, tum etiam ab recenti clade superstitiosis
lio, oppidanos eosdem integro semper certamiui paucitas priucipibus, ut renovarentur auspicia res ad interre-
fessos objiceret; cessere tandem, locusque invadeodi ur- goum rediit. Interreges deinceps. M. Manlius Capitolinus,
bem Romanis datus est. Publicari praedam tribunis pla- Ser. Sulpicius Camerinus, L. Valerius Potitus. Hic de-
cebat sed imperium quam consilium segnius fuit. Dum mum tribunorum militum consulari potestatecomitia ha-
cunctantur, jam militum praeda erat; nec, nisi per invi- buit. L. Papirmm, C. Cornelium, C. Sergium, L. Æmi-
diam, adimi poterat. Eodem anno, ne privatis tantum lium iterum, L. Menenium, L. Valerium Publicolam
operibus cresceret urbs, Capitolium quoque saxo qua- tertium créât. Hi ex interregno magistratnm occepere.
drato substrucium est opus vel in bac magnificentia Eo anno ædes Martis, gallico bello vota dedicata est a
urbis conspiciendum. T. Quinctio duumviro sacris faciundis. Tribus quattuor
V. Jam et tribuni plebis, civitate aedificando occupata, ex novis civibus additæ, Stellatina, Tromentina, Saba-
conciones suas frequentare legibus agrariis conabantur. tina, Arniensis eæque viginti quinque tribuum nume-
Ostentabatur in spem pomptinus ager, tum primum, post rum explevere.
accisas à Camillo Volscorum res, possessionis baud am- VI. De agro pomptino ab L. Sicinio tribuno plebis
biguse. Criminabantur Multo eum infestiorem agrum actum ad frequentiorem jam populum, mobilioremque
ab uobilitate esse, quam a Volscis fuerit; ab illis enim ad cupiditatem agri, quam fuerat. Et de latino bernico-
tantum, quoad vires et arma habuerint, incursiones eo que bello mentio facta in senatu, majoris belli cura quod
factas: nobiles hominesin postessionemagri publici gras- Etruria in armis erat, dilata est. Res ad Camillum tri-
sari; nec, nisi, antequam omnia praecipiant, divisus sit, buoum militum consulari potestate rediit. Collegæ additi
locum ibi plebi fore.. Haud magno opere plebem move- quinque, Ser Cornelius Malugineuais, Quintus Servilius
furent Ser. Cornélius Maluginensis, Q. Servilius pût être également durable. Quant à la guerre et
Fidénas pour la sixième fois, L. Quinctius Cin- aux Antiates, il y avait là plus de bruit que de
cinnatus, L. Horatius Pulvillus, P. Valérius. Au danger; il pensait néanmoins que, s'il ne fallait
commencement de l'année les esprits furent dis- rien craindre, il ne fallait non plus rien négliger.
traits de la guerre d'Étrurie par des fugitifs du De tous côtés la ville de Rome était entourée de
Pomptinum qui arrivèrent soudainement à Rome, voisins haineux et jaloux; il fallait donc partager
annonçant que les Antiates avaient pris les armes, entre plusieurs chefs et plusicurs armées Ic service
et que les peuples latins avaient sous main envoyé de la république. Toi, P. Valérius, dit-il, je t'associe
leur jeunesse à cette guerre. Ces peuples désa- à mon commandementet à mes conseils; tu con-
vouaient toute participation publique, mais ils ne duiras avec moi les légions contre nos ennemis
pouvaient, disaient-ils, empêcher leurs volontai- d'Antium toi, Q. Servilius, avec une autre ar-
res d'aller guerroyer où bon leur semblait. On mée équipée et toute prête, tu camperas dans
avait appris désormais à ne mépriser aucun en- Rome, et, d'ici, tu observeras si les Étrusques,
uemi en conséquence, le sénat remercia les dieux comme naguère, se soulèvent, ou si les Latins
de ce que Camille était en charge; car on aurait et les Herniques profitent de nos embarras pour
été obligé de le nommer dictateur, s'il se fût alors remuer. J'ai la certitude que tu te conduiras
trouvé hors de fonctions. Ses collègues avouaient d'une manière digne de ton père, de ton aïeul,
« que la conduite de toutes choses, en présence de toi-même, de tes six tribunals. Une troisième
de la guerre et de ses alarmes, devait reposer sur armée, formée par L. Quinctius des citoyens
un seul homme; ils ont l'intention de déférer le que leur âge ou d'autres causes éloignent du ser-
commandement à Camille, et ils ne croient rien vice, gardera la ville et les remparts. L. IIora-
perdre de leur majesté en faisant cette concession tius sera chargé de pourvoir aux approvisionne-
à la majesté d'un tel homme. o Les tribuns furent ments d'armes, de traits, de blé; enfin à tous les
comblés de louanges par le sénat, et Camille lui- besoins qui pourront survenir dans cette guerre.
mêmes, touché jusqu'à en être confus, leur rendit A toi, Ser. Cornélius, la présidence du conseil
grâces. « Le peuple romain, dit-il ensuite, qui l'a- public, lasurveillance de la rcligion, des comices,
vait déjà crée quatre fois dictateur, lui avait im- des lois, de tous les intérêts de la ville c'est le
posé un pesant fardeau; le sénat un bien grand, par vœu de tes collègues. » Tous ayant accepté et
l'opinion si flatteuse que cet ordre avait conçue promis de remplir avec zèle l'emploi qui leur
de lui; et ses collègues un plus grand encore, par était assigné, Valérius, choisi pour partager le
une condescendancesi glorieuse. Que s'il pouvait commandement,ajouta « qu'il regarderait M. Fu-
ajouter à ses travaux et à ses veilles, il s'efforce- rius comme son dictateur, qu'il lui servirait seu-
rait de se surpasser lui-même, afin que cette uni- lement de maître de la cavalerie; et ainsi le.suc-
verselle estime de ses concitoyens, déjà si haute, cès qu'on attendait de l'unité de commandement,

Fidenas sextum, L. Quinctius Cincinnatus,L. Iloratius consensu civitatis opinionem, quæ maxima sit, etiam
Pulvillus, P. Valerius. Principio anni aversae curæ ho. constantem elficiat. Quod ab bellum atque Antiates atti-
minum sunt a bello etrusco, quod fugientium ex agro neat, plus ibi minarum, quam periculi esse se tamen,
pomplino agmen repente illatum in urbem attulit, Antia- ut nihil timendi, sic nihil contemnendi auclorem esse.
tes in armis esse, Latinorumque populos juvcntutem Circumsederi urbem romanam ab iuvid a et odio finitl-
summisissead id bellum; eo abnuentes publicum fuisse morum itaque et ducibus pluribus et exercitibus adnu-
consilium, quud non prohibitos tantummodo voluntarios nistrandam rempublicam esse. Te, inquit, P. Valeri,
di erent militare, ubi vellent. Desierantjam ulla contemni socium imperii consiliique,legiones mecum adversus an-
bella. Itaque senatus diis agere gratias, quod Camillus tiatem hostrm ducere placet te, Q. Servili, altero eier-
in magistratu esset dictatorem quippe dicendum eum citu instructo paratoque, in urbe castra habere; inteu-
fuisse, si privatus esset. Et collegæ fateri, Regimeo tum, sive Etruria se interitn ut nuper, sive nova hæc
omuium reruni, ubi quid bellici terroris ingruat, in viro cura, Latini atque Hernici, movel'int. Pro certo habeo,
uno esse sibique destinatum in animo esse, Camillo ita rem gesturum, ut patre, avo, teque ipso ac sei tri-
summitiere imperium; nec quicquam de majestate sua bunatibus dignum est. Tertius exercitus es causariis se-
detractum credere, quod majestati ejus viri concessis- nioribusque a L. Quinctio scribatur, qui urbi mœnibus-
sent. » Collaudatis ab sen.itu tribunis, et ipse Camillus, que proesidio sit. L. Horatius arma, tela, frumentum,
confusus animo, gratias egit. «Ingens,»inde ait, « oous quæque bellialia tempora poscent, provideat. Te, Ser. Cor-
a populo romano sibi, qui se dictatorem jam quartum neli, præsidem hujus publici consilii, custodem religio-
creasset, magnum a senatu talibus de se )udiciis ejus or- num, comitiorum legum, rerum omnium urbanarum
dinis, maximum tam honoratorum collegarum obsequio collegæ facimus. Cunctis in partes muneris sui bénigne
iujuugi. Itaque si quid laboris vigiliarumque adjici pos- polhceotibus operam, Valerius, socius imperii lecius, ad-
tit, certantem secum ipsum annisurum, ut tanto de se jecit, « AI. Furium sibi pro dictatore, seque ei pro magis-
on pouvait l'espérer pour la guerre. o D'autre de courage et de gloire? Vous, au contraire, et
part les sénateurs disaient « qu'ils avaient bon es- sous mes ordres ( sans rappeler la prise de Paieries
poir de la guerre comme de la paix, et de la chose et de Véies, et, dans notre patrie reconquise, le
publique tout entière; » et, transportés de joie, massacre des légions gauloises), n'avez-vous pas
ils s'écriaient « que jamais la république ne sen- naguère, par une triple victoire, obtenu trois fois
tirait le besoin d'un dictateur, tant qu'elle aurait le triomphe sur ces mêmes Volsques, sur ces
de tels hommes aux magistratures, s'entendant Èques, sur l'Étrurie? Est-ce donc parce que je
si bien et si unis, également prêts à obéir et à vous ai donné le signal, non plus comme dicta-
commander, et plus disposés à mettre chacun leur teur, mais comme tribun, que vous ne me re-
gloire personnelle en commun, qu'à attirer à soi connaissez plus pour votre chef? Moi, je ne re-
la gloire de tous. à grette point de n'avoir pas sur vous une autorité
VII. Le justitium proclamé et la levée achevée, plus grande; et vous, vous ne devez regarder en
Furius et Valérius marchent sur Satricum. Outre moi que moi-même car jamais la dictature n'a
l'armée de Volsques, composée d'une jeunesse ajouté à mon courage, de même que l'exil ne m'en
choisie, les Antiates avaient appelé là un nombre a rien ôté. Nous sommes donc tous ce que nous
considérable de Latins et d'Herniques, peuples étions, et puisque nous apportons à cette guerre
qui s'étaient conservés entiers dans une longue ce que nous avons apporté dans les autres nous
paix. Aussi la réunion de ces nouveaux ennemis devons espérer le même succès. Une fois aux pri-
aux anciens ébranla-t-elle le courage du soldat ses, chacun fera ce qu'il a appris, ce qu'il est ac-
romain. Tandis que Camille était occcupé à dis- coutumé à faire vous vaincrez ils fuiront. o
poser son ordre de bataille, les centurions vinrent VIII. Puis le signal donné, il saute de cheval,
lui annoncer « que les soldats, l'esprit troublé, ne saisit par la main l'enseigne le plus proche, et
prenaientqu'à regret les armes, qu'ils hésitaient, l'entraîne vers l'ennemi « Allons, soldat, lui
qu'ils refusaient de sortir du camp; on avait même crie-t-il, porte en avant ton enseigne » Dès qu'ils
entendu quelques voix dire qu'on allait com- voient Camille, le corps affaibli par la vieil-
battre un contre cent si cette multitude était lesse, marcher sur l'ennemi, tous se précipitent
sans armes, à peine pourrait-on lui tenir tète; sur ses pas, en poussant le cri de gucrre, et se
armée, comment lui résister? » Camille sauta à répétant l'un à l'autre « Suivons le général 1 o
cheval, arriva devant les enseignes en face des On rapporte que Camille fi t jeter le drapeau dans les
légions, et se mit à parcourir les rangs « Que si- rangs ennemis, et que les soldats de l'avant-garde
gnifie cette tristesse, soldats, et d'où vient cette s'élancèrent pour le reprendre. Les Antiates fu-
étrange hésitation? Ne connaissez-vous plus l'en- rent d'abord culbutés, et des premiers rangs
nemi, ni moi, ni vous-mêmes? L'ennemi, qu'est- l'épouvante s'étendit jusqu'au milieu de la ré-
ce autre chose pour vous qu'un sujet perpétuel serve. Ce qui frappait les Volsques de terreur,

tro equitum futurum. Proinde, quam opinionem de unico materia virtutis gloriæque vestræ? Vos contra, me duce
iinperalore, eam spem de bello haberent.. Se vero (ut Falerios Veiosque captos, et in capta patria Gallorum
belle sperare, Patres, et de bello, et de pace universaque legiones caesas taceam ), modo trigeminæ Victoria; tripli-
republica erecli gaudio fremunt nec dictatoreun- cem triumpbum ex his ipsis Volscis, et Æquis, et ex
quam opus fore reipublicae si tales viros in magistratu Etruria egistis. An me, quod non dictator vobis, sed tri-
habeat, tam concordibus junetos animis, parere atque bunus, signum dedi, non agnoscitis ducem? Neque ego
imperare juxta paratos, laudemque conferentes potius in maxima imperia in vos desidero et vos in me nihil,
medium quam ex commuai ad se trabentes.. præter me ipsum, intueri decet; neque enim dictatura
VII. Justitio indicto delectuque habito, Furius ac Va- mihi unquam animos fecit, nt ne exsilium quidem ade-
lerius ad Satricum profecti quo non Voiscorum modo mit. lidem igitnr omnes sumus et, quum eadem oninia
juventutem Antiates es nova subole lectam, sed ingentern in hoc bellum afferamus, quæ in priora attulimus, eun-
LatinorumHernicorumque conciverant ex integerrimis dem eventum belli exspectemus. Simul concurreritis,
diutina pace populis. Itaque novus hostis veteri adjunctus quod quisque didicit ac consuevit, faciet. Vos vincetis,
commovitanimos mititis romani. Quod ubi aciem Jam in- illi fugient.
struenti Camillo centuriones renuntiaverunt, Turbatas VIII. Dato deinde signo, ex equo desilit, et proximum
militum mentes esse, segniter arma capta, cunctabundos- signiferum, manu arreptum, secum in bostem rapit;
que et resistentes egressos castris esse; quin voces quo- iL Infer, miles, clamitans, signum.» Quod ubi videre ip-
que auditas cum centenis hostibus singulos pugnaturos; sum Camillum, jam ad munera corporis senecta invali-
et tegre inermem tantam multitudinem, nedum arma- dum, vadentem in hostes, procurrunt pariter omnea,
tam, sustineri posse; » in equum insilit, et, ante signa clamore sublato, « Sequere imperatorem, »pro se quis-
obversus inaciem, ordines interequitans, « Quæ tristitia, que clamantes. Emissum etiam signum Camilli lussu in
milites, hæc, quaeinsolita cunetatio est? Ilostem, an me, hostium aciem ferunt; idque ut repeteretur, concitatos
an vos iguoratis? Hostis est quid aliud, quam perpetua autesignanos. Ibi primum pulsum Antiatem, terrorem
c'était moins l'impétueuse ardeur du soldat, parts l'escalada et la prit. Les Volsques jettent
excité par la présence du chef, que la présence et leurs armes et se rendirent.
la vue de Camille. Aussi partout où il se portait, IX. Le général méditait en lui-même une con-
il entraînait infailliblement avec lui la victoire quête plus glorieuse encore, celle d'Antium, ca-
on en vit une preuve éclatante lorsqu'au moment pitale des Volsques où s'était formée la der-
où l'aile gauche allait être enfoncée, s'élançant nière guerre. Mais, comme on ne pouvait, sans un
sur un cheval, sans quitter son bouclier de fan- grand appareil de forces et de machines, réduire
tassin, il accourut et rétablit le combat, montrant une ville aussi puissante, il laissa son collègue à
partout ailleurs l'armée victorieuse. Déjà le succès l'armée, et retourna à Rome afin d'exhorter le sé-
n'était plus douteux, mais le nombre même des nat à détruire Antium. Comme il exposait son des-
ennemis les gênait pour fuir, et il fallait un long sein (les dieux, j'imagine, avaient pris à cœur de
massacre pour exterminer toute cette multitude; prolonger la durée d'Antium), des envoyés de Né-
le soldat était épuisé de fatigue tout à coup un pète et de Sutrium viennent demander aide con-
violent orage et des torrents de pluie vinrent in- tre les Étrusques, insistant sur la nécessité où ils
terrompre la victoire plutôt que le combat. Alors sont d'avoir un prompt secours. Ce fut là, et non
on donna le signal de la retraite, et la nuit qui sur Antium, que la fortune dirigea les coups de Ca-
suivit termina la guerre, sans peine pour les Ro- mille. En effet, ces deux places, qui faisaient face à
mains. En effet, les Latins et les Herniques, lais- l'Étrurie, étaient de ce côté comme les barrières et
sant là les Volsqucs, retournèrent chez eux, avec les portes de Rome, et les Étrusques ne manqnant
le succès que méritait leur perfidie. Les Volsques, pas de s'en emparer à chaque nouvelle prise d'ar-
se voyant abandonnés par ceux-làmêmes sur la foi mes, il était de l'intérêt des Romains de les repren-
desquels ils s'étaient soulevés, quittentleur camp, dre et de les conserver. Le sénat engagea donc Ca-
et s'enferment dans les murs de Satricum. Ca- mille à laisser Antium et à porter la guerre en
mille voulut d'abord les entourer d'un retran- Étrurie. On lui donna par décret les légions de
un
chement, élever des chaussées, faire un siège en la ville que commandait Quinctius; et, quoiqu'il
règle; mais, voyant que nulle sortie de la place eût préféré son armée des Volsques qu'il connais-
ne mettait empêchement à ces travaux, et que les sait, et qui était habituée à son commandement, il
Volsyues avaient trop peu de cœur pour qu'il ne refusa rien il demanda seulement que Valérius
dût reculer si loin la victoire qu'il espérait, il lui fût associé. Quinctius et Horatius allèrent rem-
exhorta ses troupes, leur disant de ne pas s'épui- placer Valérius chez les Volsques. Arrivés de Rome
ser, comme au siège de Véies, en des travaux sans à Sutrium, Furius et Valérius trouvèrent les
fin; que la victoire était dans leurs mains: le Étrusques déjà maîtres d'un côté de la ville et
soldat, plein d'ardeur, attaqua la ville de toutes de l'autre, les habitants, coupés de toutes parts

que non in primam tantum aciem, sed etiam ad subsi- in manibus esse; ingenti militum alacritate moenia undi-
diarios perl itum. Nec vis tantum militum movebat, exci- que aggressus, scalis oppidum cepit. Volsci, abjectis ar-
tata pra'sentia ducis sed quod Volscorumanimis mhil mis sese dediderunt.
terribi ius erat, quam ipsius Camilli forte oblata spe- IX. Cetcrum animus ducis rei majori, Antio, immine-
ciis. Ita quocunque se intulisset victnriam secum bat id caput Volscorum eam fuisse originem proximi
haud dubiam trahebat. Maaime id evidens fuit, quum belli. Sed quia nisi magno apparatu, tormentis machinis-
in Levum cornu, prope jam pulsum, arrepto repente que, tam valida urbs capi non poterat, relicto ad exerci-
equo cum seuto pedestri, advectus, conspectu suo prœ- tum collega Romam est profectus ut senatum ad exci-
lium restituit, ostentans vincentem ceteram aciem.Jam dendum Antium bortaretur.Inter sermonem ejus ( credo,
inclinata res erat, sed turba hostium et fuga impedie- rem antiatem diuturniorem manere, diis cordi fuisse )
batur, et longa cæde conficienda mulutudo tanta fesso legati ab Nepete ac Sutrio, auxilium adversus Etruscos
mihti erat: quum repente ingentibus procellis fusus im- petentes, veniunt, brevem occasionem esse feremli
ber certam magis victoriam, quam prœlium, diremit. auxilii memorantes. Eo vim Gamilli ab Antio fortuna aver-
Signo deinde receptui dato, nox insecuta quietis Roma- tit. INanique quum ea loca opposila Etruriæ, et vclut
nis, perfecit bellum. Latmi namque et Hernici, relictis claustra inde portæ que essent: et illisoccupandiea,quum
Volscis, dnmos profecti sunt, malis consihis pares adepti quid novi molirentur,et Romanis rernperandituendiquo
eventus. Volsci, ubi se desertos ab iis videre, quorum cura erat. Igitur senatui cum Camillo agi placuit ut,
fiducia rebellaverant, relictis castris, mœnibus Satrici se omisso Antio, bellum elruscum susciperet. Legiones nr-
includunt: quos primo Camillus vallo circumdare, et ag- banæ, quibus Quinctius præfuerat, ei decernuntur.
gcre atque operibus oppugnare est adortus. Quæ post- Quanquam experlum exercitum assuetumque impeno,
qunm nulla eruptione impediri videt, minus esse ammi qui in Volscis erat, mallet, nihil recusatit Valerium
ratus in hoste, quam ut in eo tam lentæ spei victoriam taulummodo impei ü socmm dopnposcit. Quinctius Hora-
exspectaret, cohortatus milites, ne tanquam Veios op- tiusque successons Valerio in Volscos missi. Profecti ab
pug i.mtes, iu opere longinquo sese tererenl, victoriam urbe Sutrium Furius Valeriuspartem oppidi j un cap-
ayant peine à repousser les assauts de l'ennemi. des Népésiens. On jugea cependant à propos d'en-
La venue d'auxiliaires romains, et le nom de Ca- voyer dire à leurs chefs qu'ils eussent à se séparer
mille, si connu des ennemis et des alliés, soutin- des Étrusques, et à garder au moins eux-mêmes
rent pour le moment les affaires chancelantes de cette foi qu'ils avaient réclamée des Romains. Ils
Sutrium, et donnèrent le temps de lui porter se- répondirent « Qu'ils n'y pouvaient rien, que les
cours. Camille, divise son armée; il ordonne Étrusques étaient maîtres des remparts et avaient
à son collègue de tourner la partie de la ville oc- la garde des portes. o Sur cela, on commença par
cupée par l'ennemi et d'attaquer les remparts, dévaster le territoire pour essayer d'effrayerles ha-
moins dans l'espoir qu'on pût escalader et pren- bitants puis, comme la foi de leur reddition leur
dre la ville, qu'afin d'occuper l'ennemi par une était plus sacrée que celle de leur alliance, l'ar-
diversion qui laisserait respirer les habitants mée s'approche des murs, apportant avec elle des
fatigués de la résistance, et lui permettrait à sarments et des fascines tirés de la campagne, ap-
lui-même de pénétrer sans combat dans la ville. plique les échelles sur les fossés, qu'elle a comblés,
Ces deux manœuvres, exécutées en même temps, et du premier cri, du premier assaut, la place est
mirent entre deux périls les Étrusques, qui enlevée. Un édit ordonna aux Népésiensde mettre
étaient tout ensemble alarmés, et de la vive at- bas les armes; on promit de faire grâce à ceux qui
taque des remparts et de la présence de l'ennemi seraient désarmés. Les Étrusques, armés ou sans
dans la place; et comme par hasard une porte armes, furent tous sans distinction taillés en piè-
se trouvait encore libre, ils se précipitèrent en ces. Les Népésiens auteurs de la trahison péri-
foule par cette issue. Il y eut, tant dans la ville rent aussi par la hache. Quant à la multitude, qui
que dans la campagne, un massacre considérable n'était point coupable on lui rendit ses biens et
des fuyards un plus grand nombre furent tués sa ville, où on laissa une garnison. Après avoir
dans la place par les soldats de Furius; ceux de repris de la sorte sur l'ennemi deux cités alliées,
Valérius, plus agiles, les poursuivirent plus long- les tribuns ramenèrent dans Rome, avec une
temps, et la nuit seule en leur dérobant la grande gloire, l'armée victorieuse. La même an-
vue de l'ennemi, put mettre fin au carnage. Su- née on adressa des réclamations aux Latins et aux
trium reconquis et restitué aux alliés, l'armée lIerniques; on leur demanda pourquoi, durant
marcha sur Népète qui s'était rendue aux ces dernières années, ils n'avaient point fourni le
Étrusques, et que ceux-ci possédaient tout eu- nombre convenu de soldats. Il fut répondu par
tière. l'un et par l'autre peuple, dans une assemblée so-
X. La reprise de cette place semblait devoir don- lennelle, « Que ce n'était ni par la faute ni par la
ner plus de peine, d'abord parce qu'elle étaitentiè- volonté de la nation qu'nne partie de leur jeu-
rement occupée par l'ennemi, et ensuite parce nesse avait pris du service chez les Volsques que
qu'elle avait été livrée par la trahison d'une partie ces jeunes gens avaient d'ailleursporté la peine de

tam ab Etruscis invenere; ex parte altera, intersoeplis parte Nepesinorum prodente civitatem, facta erat dedi-
ilineribus, rcgre oppidanos vim hostium ab se arceutes, tio. Mitti tamen ad principes corum placuit, ut secerne-
Quum romani auxilii adventus, tum Camilli nomen ce- rent se ab Etruscis, fldemque. quam implorasseut ab
teberrimum apud hostes sociosque et in præsentia rem Romanis ipsi præstarent. Unde quum responsum alla-
inclinatam sustinuit,et spatium ad opem ferendam dedit. tum esset, « Nibil suæ potestatis esse, Etruscos mœnia
Itaque diviso exercitu, Camillus collegam, eam iu par- custodiasque portarum tenere; » primo populationibus
tem circumductis copiis, quam hostes tenebant, mœnia agri terror est oppidanis admotus deinde postquam de-
aggredi jubet, non tanta spe, scalis capi urbem posse, ditionis, quam societatis, fides sanctior erat, fascibus
quam ut, aversis eo hostibus, et oppidanis jam pugnando sarmenlorum ex agro collatis, ductus ad mœuia exerci-
fessis laiaretur labor, et ipse spatium intrandi sine certa- tus, completisque fossis scalæ admotæ, et clamore priu:o
mine mœnia haberet. Quod quum simul utrimque factum impetuque oppidum capitur. Nepesinis inde edictum lit
esset, aucepsque terror Etruscos circumstaret, et mœnia arma ponant; parcique jussum inermi. Etrusci pariter
suroma vi oppugnari, et intra mœnia esse hostem vidp- armati atque iuermes cæsi. Nepesinorum quoque aucto-
rent porta se, quæ una forte non obsidebatur, trepidi res deditionis securi percussi innoxioe multitudiai red-
uno agmino ejecere. Magna caedes fugientium et in urbe ditæ res, oppidumque cum praesidio relictum. lta, dua-
et per agros est facta. plures a Furianis intra mœnia bus sociis urbibus ex hoste receptis, victorem exercitum
caesi Valeriani expeditiores ad persequendos fuere nec tribuni cum magna gloria Romam reduxerunt. Eodem
ante noctem, quæ conspectum ademit, finem caedendi anno ab Latiuis Hernicisqueres repetitx, quæsitumque,
fecere. Sutrio recepto restitutoque sociis, Nepete exerci- cur per eos annos militem ex instituto non dédissent? Re-
tus ductus, quod per deditionem acceptum jam totum sponsum frequenti utriusque gentis consilio est, « nec
Etrusci habebant. culpam in eo publicam, nec consilium fuisse, quod suie
X. Videbatur plus in ea urbe recipienda laboris fore; juventutis aliqui apud Volscos militaverint. Eos tamen
non in eo solum, quod tota hostium erat. sed etiam quod, ipsos pravi consilii pœnam habere, nec quemquam es lus
cette conduite coupable, puisque pas un n'était ramés et qu'ils allaient prendre la citadelle Ca-
revenu. Quant au contingent de soldats, ils n'a- mille doit une part de sa gloire à chacun des
vaient pu le fournir, arrêtés qu'ils étaient par la nombreux soldats qui vainquirent avec lui; lui,
crainle continuelle où les tenaient les Volsques il n'est pas au monde un seul mortel qui ait le
cette pesté attachée à leurs flancs, et que tant de droit de s'associer à sa victoire. » Endé de ces
guerres l'une sur l'autre n'avaient pu extirper idées, disposé d'ailleurs par un mauvais penchant
encore. Cetle réponse fut rapportée au sénat à l'emportementet à la violence ne se trouvant
qui jugea qu'on aurait bien le droit, mais que ce pas parmi les patriciens aussi puissant qu'il se
n'était pas le moment de leur faire la guerre. croyait le droit de l'être, le premier des patri-
XI. L'année suivante, A. Manlius, P. Corné- ciens, il se livre au peuple, établit des intel.
lius, T. et L. Quinctius Capitolinus, L. Papirius ligencesavecles magistrats plébéiens décriant les
Cursor et C. Sergius, étaient tribuns avec puis- sénateurs, caressant la multitude, suivant moins
sance de consuls, ces deux derniers pour la se- la raison que le vent populaire, et se cherchant
conde fois, quand éclatèrent au dehors une guerre une renommée plutôt grande que bonne. Non
grave, et au dedans une sédition plus grave en- content des lois agraires, éternelle matière de sc-
core. La guerre venait des Volsques, appuyés ditions pour les tribuns du peuple, il travaille à
par la défection des Latins et des Herniques; la détruire la foi publique. « Il n'y a pas, disait-il
sédition, d'un homme de qui l'on ne devait pas de plus cruelles tortures que les dettes car elles
la craindre, d'un homme de race patricienne ne menacent pas seulement de misère et d'oppro-
et d'une belle renommée M. :llanlius Capito- bre, mais elles font peser sur des hommes libres
liuus. Cet esprit altier qui méprisait tous les la terreur du fouet et des chaînes.» Or, les dettes
principaux citoyens, portait envie à un seul, non étaient nombreuses, après tant de constructions,
moins distingué par ses dignités que par ses ver- chose ruineuse même pour les riches. Aussi
tus, à M. Furius. Il ne voyait qu'avec dépit « Ca- la guerre des Volsques, déjà si lourde par elle-
mille toujours dans les magistratures, toujours à même, et qui le devenait plus encore par la dé-
la tête des armées. Déjà il est si fort au-dessus des fection des Latins et des Herniques, fut jetée en
autres, que les magistrats créés sous les mêmes avant, comme un prétexte, pour recourir à une
auspices ne sont plus pour lui des collègues, mais plus grande autorité. Mais ce furent surtout les
des ministres. Et pourtant, à bien juger, M. Furius nouveaux projets de Manlius qui poussèrent le sé-
n'aurait pu délivrer la patrie assiégée, si lui-même nat à créer un dictateur. On créa A. Cornélius
n'eût sauvé auparavant le Capitide et la citadelle. Cossus, qui nomma maître de la cavalerieT. Quinc-
Camille n'a attaqué les Gaulois qu'après que lavne tius Capitolinus.
de l'or et l'espoir de la paix avaient amolli lescou- XII. Le dictateur prévoyait que la lutte serait
rages lui, il les a chassés alors qu'ils
étaient tout plus grande au dedans qu'au dehors cependant,

reducem esse. Militis autem non dati causam, terrorem virilis apud omnes milites sit, qui simul viceriot; suæ vic-
assiduum a Volscis fuisse, quam pestem adhxrentem la- toriæ neminem omnium mortalium socium esse.. His opi-
teri suo tot super alia aliis bellis exhauriri nequisse. » Quæ nionibus inflato animo, ad hoc vitio quoque ingenii vehe-
relata Patribus magis tempus, quam causam, non visa mens et impotens, postquam inter Patres non, quan-
belli habere. tum wquum censebat, excellere suas opes animadvertit,
XI. Insequenti anno, A Manlio, P. Cornelio, T. et piimus omnium ex Patribus popularis factus, cum ple-
L. Quinctiis Capitolinis, L. Papirio Cursore iterum, beiis magistratibus consiha communicare; criminando
C. Sergio iterum trihunis consutari potestate, grave bel- Patres, alliciendo ad se plebem, jam aura, non consilio,
lum foris, gravior domi seditioexorta: bellum a Volscis, ferri, famæque magnm malle, quam bonae esse: et, non
adjuncta Latinorum atque Hernicorum defectione; sedi- contentus agrariis legibus, quæ materia semper trtbunis
plebis seditionum fuisset, Odem moliri cœpit « Acriorea
tin, uude minime timeri potuit, a palricix gentis viro et
inclytæ famx, M. Manlio Capitolino qui nimius animi, quippe æris alieni stimulusesse, qui non egestatem modo
alque ignominiam minentur, sed nervo ac vinculis corpus
quiim alios principes sperneret, uni invideret, eximio si-
nml honoribus atque virtutibus, M. Furio, ægre ferebat, liberum territent.. Et erat aeris alieni magna vis, re dam-
nosisbima etiam divitibus, ædificando contracta. Bellum
« Solum eum in magistratibus, solum apud exercitus esse;
tantum jam emiuere, ut iisdem auspiciis
creatos, non pro itaque volscum, grave per se, oneratum Latinorum atque
collegis, sed pro ministris habeat: quum intérim, si quis Hernicorum defectione, in speciem causm jactatum, ut
vere æstimare velit, a M. Furio
recuperari patria ex ob- major potestas quæreretur. Sed nova consilia Manlü ma-
sidione hostium non potuerit, nisi a se prins Capitolium gis computere senatum ad dictatorem creandum. Creatus
utque arx servat esset: et ille inter aurum accipiendum A. Cornelius Cossus magistrum equitum dixit T. Qum
et slrem pacis solutis animis, Gallm aggressus sit, ipse ctium Capitolinum.
armatos capien esque arcem depulerit- illius glori.e pars XII. Dictator, etsi majorem dimicationem propositam
soit que cette guerre exigeât de la célérité, soit son arrivée, le dictateur forma son camp, et, la
qu'il espérât que la victoire et le triomphe ajou- lendemain, après avoir consulté les auspices, im-
teraient des forces à sa dictature, il fit une levée molé une victime, et imploré la faveurdesdieux, il
et se porta dans le Pomptinum, où il avait appris s'avança joyeux vers les soldats, qui, en voyant le
que l'armée voisque devait se réunir. Outre l'en- siânal, prenaient leurs armes au point du jour
nui de lire, raconté en tant de livres, le détail de suivant l'ordre qu'ils avaient reçu. « La victoire
ces guerres continuelles avec les Volsques, je ne est à nous, soldats, leur dit-il, autant que les
doute point qu'on ne se demande avec surprise dieux et leurs devins connaissent l'avenir; ainsi,
(et je m'en suis moi-même étonné en parcourant en hommes sûrs du succès, et qui vont se mesurer
les auteurs les plus rapprochés de ces événements) avec des ennemis indignes d'eux laissons à nos
comment les Volsques et les Èques, tant de fois pieds la javeline, et n'armons nos mains que du
vaincus, pouvaient fournir à de nouvelles armées. glaive. Je ne veux même pas qu'on marche en
Puisque lesanciens gardent surce point un silence avant; tenez-vous là serrés, et recevez de pied
absolu, que puis-je avancer ici autre chose qu'une ferme le choc de l'ennemi. Dès qu'ils auront lancé
opinion personnelle comme chacun serait libre leurs traits inutiles, et qu'ils se porteront en dé-
de le faire d'après ses propres conjectures? Il sordre contre votre masse immoUile, qu'alors bril-
est vraisemblable, ou que dans l'intervalle d'une lent les glaives, et que chacun de vous songe qu'il
guerreàune autre, comme cela se fait aujourd'hui est des dieux qui protégent le soldat romain, des
pour les levées romaines, on prenait une nou- dieux qui nous ont envonés au combat sous d'heu-
velle classe de jeunes hommes, qui suffisait pour reux augures. Toi, T. Quinctius, retiens la cava-
recommencer la guerre; ou que les armées ne se lerie, en observant avec attention l'instant où la
tiraient point toujours du sein des mêmes peuples, lutte commencera. Dès que tu verras les lignes
quoique ce fût toujours la même nation qui fit aux prises l'une avec l'autre, pied contre picd,
la guerre ou enfin qu'il existait une innom- alors, avec ta cavalerie, viens jeter la terreur au
brable multitude de têtes libres dans ces contrées, milieu des ennemis occupés d'une autre crainte,
où maiutenanton ne recueille qu'avec peine quel- et disperse par une charge les rangs des combat-
ques soldats, et qui, sans nos esclaves, seraient tants. » Cavaliers et fantassins se battent ainsi
une solitude. Au reste (et tous les auteurs sont qu'il le voulait; ni le général ne fit faute aux sol-
d'accord sur ce point), malgré les derniers coups dats, ni la fortune au général.
portés, sous la conduite et les auspices de Camille, XIII. Lamultitudedesennemis, ne comptantque
à la puissance des Volsques, leur armée était im- sur le nombre, après avoir mesuré des yeux l'une
mense et aux Volsques s'étaient joints les Latins et l'autre armée, engagea le combat imprudem-
et les Herniques, des Circéiens, et même des Ro- ment, et l'abandonnade même: après avoirpoussé
mains de la colonie de Vélitres. Le jour même de son cri de guerre, lancé ses traits, et chargé d'abord

domi, quam foris, cernebat; tamen, seu quia celeritate Dictator, castris eo die positis, postero quum auspicafo
ad bellum opus erat seu victoria triumphoque dictaturat prodisset, hostiaque casa paccm deum adorasset, lætus
ipsi vires se additurum ratus, delectu habite, in agrum ad milites, jam arma ad propositum pupum signum, si-
pomptinum, quo a Volscis exercitum indictum audierat, cut edictum er.it, luce prima capientes, processit «Nos-
pergit. Non dubito, prater satietatem, tot jam lihris as- tra victoria est, milites, inquit, si quid dit vatesque en-
salua bella cum Volscis gesta legentibus illud quoque suc- rum in futurum vident. Itaque, ut decet certx spei lde-
cursurum, quod mihi percensenti propiores temporibus nos, et cum imparibus manus conserturos pilis ante pe-
harum rerum auctores miraculo fuit, unde toties victis des positis, gladiis tantum dextras armemus ne pru-
Volscis et Æquis suffecerint milites. Qnod quum ab an- curri quidem ab acie velim, sed obnisos vos stabili gradu
tiquis tacilum prastermissumque sit, cujus tandem ego impetum hostium excipere. Ubi illi vana injecerint mis-
rei praeter opinionem, quia sua cuique conjectanti esse silia, et eflusi stantibus vobis se intulerint, tum micent
potest, auctor sim? Simile veri est, aut intervallis bel- gladii, et reniât in mentem unicuique, deos esse, qui
lorum, sicut nunc in delectibus fit romanis, al atque Romanum adlucent; deos, qui secundis avibus in præ-
alia subole jun orum ad bella insburanda toties nsos esse; lium miserint. Tu, T. Quiucli, equitem intentus ad pri-
aut non ex iisdem semper populis exercitusscriptos, quan- mum initium moti certaminis teneas ubi hærere jam
quam eadem semper gens bellum intulerit aut innume- aciem collato pede videris, tum terrorem equestrem oc-
rabilem multitudinem liberorum capitum in iis fuisse lo- cupalis alio pavore iufer invectusque ordines pugnau-
cis, quæ nunc, vix seminario exiguo militum relicto, tium dissipa. » Sic eques, sic pedcs ut præceperat,
servitra romana ab sohtudine vindicant. Ingens certe, pugnant nec dux legiones, nec lortuna lelellit ducem.
(quo inter o:nnes auctores conven t) quanquam nuper XIII. Multitudo hostium, nulli rei, præterquam nu-
Camilli ductu atque auspicio accisæ res erant, Volscorum mero, freta, et oculis utramque metiens aciem, temere
exercitus fuit ad hoc Latini Hern'cique accesserant, ett præliumomnt, tenieî-e omisit clamere tantum missilbus-
Ctrceiensium quidam, et colom eli m a Velitris romani. que tehs et pirmo pugnæ impetu feroi, gladios et colla-
avec quelque vigueur, elle ne put soutenir ni les parmi les prisonniers quelques Circéiens et des
glaives, ni la lutte corps à corps, ni les regards de colons de Vélitres. Envoyés tous à Rome, et in-
l'ennemi dans lesquels brillait l'ardeur de son terrogés par les principaux sénateurs, ils leur réi-
âme. Tandis que leur front de bataille, enfoncé, térèrent clairement, comme ils avaient fait à Ca-
reculait sur l'arrière-garde et y portait le désor- mille, la défection de chacun des peuples auxquels
dre, la eavalerie, se précipitant sur eux, vint en- ils appartenaient.
core les épouvanter; les rangs furent rompus çà XIV. Le dictateur tenait son armée dans les li-
et là, tout s'ébranlait on eût dit une mer agitée. gnes, persuadé que le sénat lui ordonnerait d'aller
Enfin, les premiers rangs élant tombés, chacun porter la guerre à ces peuples; mais on fut forcé,
voyant le carnage arriver jusqu'à lui, prend la par un péril plus grave, de le rappeler à Rome,
fuite. Le Romain les presse. Tant qu'ils se retirè- où grandissait chaque jour une sédition que son
rent armés et serrés, l'infanterie fut seule chargée auteur rendait plus redoutable que jamais. En
de les poursuivre; mais, quand on vit que les en- effet, Manlius ne se contentait plus de discou-
nemis jetaient leurs armes et que leur foule se rir il agissait, et ses actes, qui avaient pour
dispersait en désordre dans la plaine alors, à un prétexle le bien du peuple, n'avaient, dans son
signal, s'élancèrent les escadrons de cavalerie, esprit, d'autre but que de le soulever. Un centu-
avec ordre de ne pas s'arrêter au massacre de rion, qui s'était distingué par de beaux faits d'ar-
quelques fuyardes isnlus, ce qui donnerait le loisir mes, avait été condamné comme insolvable, et on
à la masse d'échapper, mais seulement de gêner l'emmenait en prison Manlius l'ayant vu, accou-
toute cette foule en lui lançant des traits, en rut au milieu du forum avec sa troupe et le déli-
ne cessant de l'inquiéter, en la harcelant sur vra puis, se mettant à déclamer sur l'orbueil des
les flancs pour la tenir en échec, jusqu'à ce patriciens, la cruauté des usuriers, les misères du
que l'infanterie pût l'atteindre et en achever le peuple, les mérites de cet homme et son infortune:
massacre. La nuit seule mit un terme à cette dé- « Ce serait bien inutilement,dit-il, que j'aurais de
route et à cette poursuite. Le même jour, le camp cette main sauvé le Capitole et la citadelle, si je
des Volsques fut pris et pillé, et tout le butin, souffrais qu'un de mesconcitoyens, un de mes com-
moins les têtes libres, fut abandonné au soldat. pagnonsd'armes,fût, sous mes yeux, comme un pri-
La plupart des prisonniers étaient des Latins et des sonnier des Gaulois vainqueurs, mené en servitude
Herniques; et parmi eux se trouvaient, non-seu- et en prison. » Là-dessus il solde le créancier en pré-
lement des hommes du peuple qu'on aurait pu sence du peuple, libère par le cuivre et la balance
croire avoir pris du service moyennant une paie, ledébiteur, lequel se retire en attestant les dieux et
mais des jeunes gens des premières familles les hommes, et en les priant «d'accorder à M. Man-
preuve manifeste que c'était bien la nation qui lius, son libérateur et le père du peuple romain,
soutenait les Volsques ennemis. On reconnut aussi une digne récompense. » Accueilli aussitôt par

tum pedem et vultum hostis, ardore animi micantem missi percunetantibus primoribus Patrnm eadem, quæ
ferre non potuit. Impulsa frons prima et trepidatio sub- dictatori, defectionem sui quisque populi, baud perpleze
aidiis illata, et suum terrorem intulit eques rupti inde indicavere.
multis locis ordmes, motaque omnia, et fluctuanti similis XIV. Dictator exercitum in stativis tenebat, minime
ecies erat. Deinde, postquam,cadeutibusprimis,jani ad dubius, bellum cum his populis Patres jussuros; quum
se quivqne perventuram cædem cernehat, terga vertunt. major domi exorta moles coegit acciri Romam cum,
Instare Romanus; et, donec armati confertique abibant, glacente in dies tedttione, quam solito magis metuendam
pcdilum lahor in persequendo fuit: postquam jactari ar- auctor faciebat. Non enim jam orationes modo DI. Man-
ma passim, fuga jue per agros spargi aciem hostium ani- lii, sed facta popularia in speciem, tumultuosa cadem
madversum est, tum equitum turmæ emissæ, dato signo, qua cnente fierent, intuenda erant. Centurionem, nobi-
ne, m singulorum morando cæde, spatium ad evaden- lem militaribus factis, judicatum pecuniæ quum duci
dum interun mnltitudini darent satisesse, miss libus ac vidisset, medio foro cum caterva sua accurrit, et manum
lerrore impediri cursum, obequitandoque agmen teneri, injecit vociferatusqiiede snperbia Patrum, ac crudeli-
dum asseqm pedes et justa radc conlicere hostem posset. tate feneratorum, et miseriis plebis, virtutibus ejus viri
Fugæ sequendique non ante noctem finis fuit; capta quo- fortunaque « Tum vero ego, inquit, nequicquant hac
que ac direpta eodem dre castra Volscorum, prædaque dextra Capitolium arcemque servaverim si civem com-
omnis, præter libera corpora, multi concessa est. Pars inilitoneiiique rueum, tanquam Giillis victoribus captum,
maxima captivorum ex Latinis at que Ilernicis fuit; nec in servitutem ac vincula duci videam.» Inde rem credi-
hominum de plebe, ut credi posset mercede militasse, turi palam populo solvit, libraque et ære liberatum ennt-
sed principes qmd un juventutis mvcnti manifesta fides, tit, deos atque hommnes obtestantem, « ut '1. Manlio, li
publica ope Volscos hostes a ljutos. Circeiensium quoque heratori suo, parenti plebis romanæ, gratiam refcraut..
quidam cogniti, et col un a t Vehtris. Romamque omnes Acceptus extemplo ru tumultuosam turbdm et ipse lumul-
une foule tumultueuse, il augmente encore le tu- pourrait acquitter les dettes du peuple. Cet espoir
multe en montrant les blessures qu'il a reçues à séduisit le peuple, qui s'indignait qu'après avoir
Véies, et contre les Gaulois, et dans toutes les au- donné tout son or pour racheter la ville des Gau-
tres guerres. o Pendant qu'il combattait, qu'il re- lois, par une contribution qu'on lui avait imposée,
levait ses pénates renversés, le capital de sa dette, le même or, repris sur l'ennemi, fût devenu la
déjà payée nombre de fois, avait été englouti par proie de quelques hommes. Ils le pressaient donc
les intérêts, et l'usure avait fini par l'écraser s'il de déclarer le lieu où était caché un larcin aussi
voit le jour, le forum, ses concitoyens, il en est considérable et, comme il promettait de leur ré-
redevable à Manlius tous les bienfaits d'un père, véler ce secret plus tard, dans un moment plus
il les a reçus de lui; il lui dévoue tout ce qu'il lui favorable, oubliant tout le reste, toutes les pensées
reste de forces, de vie et de sang; tous les liens se tournèrent de ce côté il était clair que, de cette
qui l'ont uni jusqu'alors à la patrie et à ses péna- assertion, selon qu'elle serait vraie ou fausse, dé-
tes publics et privés, l'attachent désormais uni- pendait son crédit ou sa ruine.
quement à cet homme. » Comme le peuple, en- XV. Tandis que les choses étaient ainsi en sus-
traîné par ces paroies, appartenait déjà à ce seul pens, le dictateur rappelé de l'armée, arriva à
homme, celui-ci eut recours un nouveau moyen Rome. Ayant le lendemain assemblé le sénat, lors-
pour l'émouvoir et porter le trouble au com- qu'il fut assez instruit des intentions des hommes,
ble. Il avait chez les Véiens une terre, la meilleure il défendit aux sénateurs de s'éloigner de lui;
de son patrimoine; il la mit aux enchères « Afin puis, escorté de cette multitude, il marcha au Co-
que pas un de vous, Romains, dit-il, tant qu'il mitium où son siège était dressé, et de là il envoya
me restera quelque chose, ne soit, à mes yeux, le viateur à M. Manlius. Appelé par cet ordre du
condamné et traîné dans les fers. » Par là il en- dictateur, celui-ci, après avoir averti les siens que
flamma à tel point les esprits, qu'on les vit prêts la lutte allait s'engager, vint, avec une troupe
à suivre par toutes les voies, bonnes ou mauvai- nombreuse, se présenter au tribunal. D'un côté
ses, le défenseur de leur liberté. En outre, quand le sénat, de l'autre, le peuple, les yeux fixés cha-
il parlait dans sa maison, ses discours, comme cuu sur son chef, se tenaient là comme deux ar-
ceux d'un tribun qui se serait adressé à la multi- mées en présence. Alors, le dictateur ayant ob-
tude, étaient remplis d'accusations contre le sé- tenu le silence « Plaise aux dieux, dit-il, que moi
nat. Ainsi sans examiner s'il disait ou non la vé- et les patriciens romains nous puissions nous en-
rité, il prétendait « Que l'or enlevé aux Gaulois tendre avec le peuple sur tout le reste, comme
avait été caché par les sénateurs; qu'il ne leur nous nous entendrons, j'en ai presque l'assurance,
suffisait pas de posséder les terres de l'état sur ce qui te regarde et sur la question que j'ai à
qu'il fallait encore qu'ils détournassent l'argent de te faire 1 Je vois que tu as donné l'espoir à la cité
la république; que cet argent, si on le découvrait, que, sans porter atteinte au crédit, on pourrait,

tum augebat, cicatrices acceptas veienti, gallico, aliis- est, enimvero indignum facinus videri, quum conferen-
(lue deinceps bellis osteutans.. Se militantem, se resti- dum ad redimendam civitatem a Gallis aurum fuerit, tri-
tuentem eversos pénates, multiplici jam sorte exsoluta, buto collationem factam; idem aurum, ci hostibus cap-
mergentibus semper sortem usuris, obrutum fenore esse; tum, in paucorum pra'dam cessisse. Itaque eisequeban-
videre lucem, forum, civium ora, M. Manlii opéra tur quærendo, ubi tantae rei furtum occultarelur; dif-
omnia parealum beneficia ab illo se habere illi devo- ferenteque,et tempore suo se indicaturum dicente, ceteris
vere corporis vilaque ac sauguinis quod supersit quod- omissis, eo versæ erant omnium curæ: apparebatque,
cuuque bibi cum patria, penatibus publicis ac privatisju- nec veri indicii gratiam mediam, nec falsi offensioncm
is tuerit, id cum uno homine esse. » His vocibus in- fore.
stincta plebes quum jam unius hominis esset addita alia XV. Ita suspensis rébus dictator, accitus ab exercitu,
conunotioris ad oninia turban la consilü res. Fundum in in urbem venit. Postero die senatu habito, quum, salis
Veienti, caput patrimonii, subjecit præconi « Ne quem periclitatus voluntates hominum discedere senatum ab
vestruni, inquit, Quirites, donec quicquam in re mea se vetuisset, etipatus ea multitudine, sella in comitio po-
supererit, judicatum addictumve duci patiar. Id vero sita, viatorem ad M. Manlium misit qui, dictatorisjussu
ita accendit animos, ut per omne fas ac nefas secuturi vocatus, quum signum suis dedisset, adesse certamen
viudicem libertatis viderentur. Ad hoc domi, concionan- agmine ingenti ad tribunal venit. Hine senatus, bine
tis in modum, sermoues pleni crimiuum in Patrea inter plebs, suum quisque intuentes ducem, velut in acie ton-
quos, quum omisso discrimine, vera an vana jaceret stiterant. Tum diclator, silentio facto, Utiuam inquit,
thesauros galliui auri occultari a Patribus jecit; nec mihi PatribusqueRomanis ita de ceteris rébus cum plebe
jam possidendis publicis agi is contentos esse, nisi pecu- conveniat, quemadmodum, quod ad te attinet eamque
niain quoique publicam avertant: ea res si palam liat ex- rem, quam de te sum quaesiturus, conventurumsatis cou-
solvi plebem ate alieno posse. » Quæ ubi utyccta slies 0 !o. Spem factam a te ch itatÏ video, [Ide incolumi, et
avec des trésors gaulois, cachés par les principaux et mon cortège n'aura pas plus d'éclat que celui
patriciens, acquitter ses dettes. Tant s'en faut que d'aucun de vous. Mais, me demande-t-on, d'où
je m'oppose à cela, M. Manlius, qu' au contraire vient que seul je m'occupe ainsi du sort des ci-
je t'exhorte à délivrer de l'usure le peuple ro- toyens ? Je n'ai rien de plus à répondre que si l'on
main, à retirer de dessus leur proie clandestine me demandait pourquoi seul aussi j'ai sauvé le
ces misérablesqui, selon toi, se tiennentaccrou- Capilole et la citadelle. Alors, autant que je l'ai
pis sur les trésors publics. Si tu ne le fais, soit pu, je suis venu en aide à tous les citoyens en
parce que tu es toi-mêmepartie prenante au butin, masse maintenantje viens en aide à chacun d'eu\
soit parce que ton assertion est sans fondement, en particulier. Pour ce qui est des trésors gaulois,
j'ordonnerai qu'on te mène en prison, et ne souf- cette chose toute simple de sa nature est embrouil-
frirai pas plus longtemps que tu trompes la mul- lée par votre question. Pourquoi, en effet, deman-
titude pour la soulever. » A cela, Manlius: « Il dez-vous ce que vous savez ? Pourquoi ce que vous
ne s'est point trompé, répond-il ce n'est pas con- cachez daus un pli de votre robe, m'ordonnez-
tre les Volsques, autant de fois ennemis qu'il con- vous de l'en tirer, au lieu de le montrer de vous-
vient au sénat, ce n'est pas non plus contre les mêmes, s'il n'y a point la-dessous quelque fraude?
Latins et les Herniques, que l'on pousse à prendre Plus vous me pressez pour que je dévoile vos
les armes en les inculpant sans motif, c'est contre adroits tours de main plus je crains que vous
lui et le peuple romain que le dictateur a été créé. n'ayez fermé les yeux, même aux plus clairvoyants.
Déjà, laissant de côté cette guerre, qui n'était Ainsi, ce n'est pas à moi à vous indiquer vos larcins,
qu'une feinte, on se jette sur lui; déjà le dicta- c'est vous qu'on doit forcer à les mettre au jour.»
teur s'avoue hautement le patron des usuriers XVI. Le dictateur lui commanda de laisser là
contre le peuple; déjà, pour le perdre, on lui re- les détours; il le pressa de prouver la vérité de
proche comme un crime la faveur de la multitude. sou assertion ou d'avouer leerime dont il s'était
Vous êtes blessés, dit-il, toi, A. Cornélius, et rendu coupable, en accusant l faussement le sénat, eu
vous, Pères conscrits, de voir celle foule répan- le chargeant méchamment d'un larcin imaginaire;
due à mes côtés? Que ne la détachez-vous de moi et comme Manlius, déclarait qu'un caprice de ses
chacun par vos bienfaits, en intercédant, en arra- ennemis ne le ferait pas parler, ledictateurordonna
chant au fouet vos concitoyens; en empêchar.t qu'on le conduisît en prison. Saisi par le viateur
qu'ils ne soient par une condamnation adjugés et «Jupiter, très-bon, très-grand, s'écria-t-il, Juuon
asservis, en employant le superflu de vos riches- reme; Minerve; vous tous, dieux et déesses, qui
ses à soulager les besoins des autres? Mais pour- habitez le Capitole et la citadelle, est-ce ainsi que
quoi vous exhorté-je à rien sacrifier du vôtre? vousabandounez votre soldat, votre défenseur, à la
Contentez-vousd'une somme fixe, retranchez du fureur de ses ennemis? Et cette main, qui a chassé
capital les intérêts qu'on a soldés à votre usure, les Gauloisde vos sanctuaires, serait chargéede fers

thesauris gallicis, quos primores Patrum occulteut, cre- ratum est jam nihilo mea turba quam ullius conspe-
ditum solvi posse. Cui ego rei tantum abeat ut impedi- clior erit. At enim, quid ila solus ego civium curam ago
mento sim, ut contra te, M. Manli, adhorter, liberes fe- Nihilo magis, quod respondeam, habeo, quam si quæ-
nore plebem romanam et istos, incubantes publicis the- ras, quid ila solus Capitolium arcemque servaverim. Et
sauris ex præda clandestins evolvas. Quod nisi facis, tum universis, quam potui, opem tuli, et nunc singulis
sive quod et ipse in parte prædæ sis, sive quia vanum feram. Nam quod ad thesauros gallicos atliuet, rem
indicium est, iit vincula te duci jubebo, nec diutius pa- suapte natura facilem, difficilem interrogatio f.icit. Cur
ti ir, a te multitudinem fallaci spe concitari.» Ad ca Man- enim quæritis, quod scitis? cur, quod in sinu vestro est,
us, nec se fefellisse, ait, non adversus N olscos toties excuti jubetis potius, quampouatis, nisi aliqua fraus sub-
hnstes, quoties Patribus expediat, nec adversus Latinos est ? Quo magis argui præstigias jubetis vestras, eo plus
Hernicosque, quos falsis criminibus in arma agant, sed vereor, ne abstuleritis observantibus etiam oculos. Itaque
adversus se ac plebem romanam dictatorem creatum non ego, vobis ut indicem prsdas vestras, sed vos id co-
esse. Jam omisso bello, quod simulatum sit, in se im- gendi estis, ut in médium proferalis..
petum fieri jam dictatorem proliteri patrocinium fene- XVI. Quum mittere ambages dictator juberct, et aut
ratorum adversus plebem:jam sibi ex favore multitudinis peragere verum indicium cogeret, aut fateri factona in-
crimen et perniciem quæri. Offendit, inquit, te, A. Cor- simulati falso crimine senatus, oblatæque vani furli invi-
neli, vosque, Palres conscriplt circumfusa turba lateri diae; negantem, arbitrio inimicorum se locuturum, in
nico? Quin eam diducitis a me singuli vestris beneficiis. vincula duci jussit. Arreptus a viatore, «Jupiter, inquit,
intercedendo, eximendo de nervo cives vestros, prohi- optime maxime, Junoque Regina, ac Minerva, ceteriqiie
bcndo judicalos addictosque duci, ex eo, quod affluit dii deæque, qui Capitolium arcemque incolitis, s,ccme
1 pibut vestris sustinendo necessitates aliorum? Sed vestrum militem ac pra?sidem sinitis vexa ri ab inimicis?
quiil ego vos, de vestro impendatis, borlor? sortem ali- Hæc dextra, qua Gallos fudi Il delubris vrstris, jam in
quam ferte; de capite deducite, quud usuris peramoc- vinculis et catems crit?» NuPius uec oculi ncv aures iu-
et de chaines 1 n Il n'y avait là personne pouvant reprochaient au peuple, « Que sa faveur portait
le voir ou l'entendre qui ne fût ému de cette in- toujours ses défenseurs au-dessus d'un abîme, et
dignité mais la cité s'était fait un devoir invinci- ensuite, le danger venu les abandonnait. Ainsi
ble de l'obéissance au pouvoir légitime et, loin Sp. Cassius, qui appelait le peuple au partage des
de s'opposer à cet acte du dictateur, les tribuns terres ainsi Sp. Mélius, qui employait sa fortune
du peuple et le peuple lui-même n'osaient lever à sauver ses concitoyens des horreurs de la faim
les yeux ni ouvrir la bouche. Manlius jeté en avaient succombé ainsi, M. Manlius, qui ra-
prison une grande partie du peuple, à ce qu'on menait à la liberté et à la lumière une partie de
assure, changea de vêtements; la plupart des la cité ensevelie, écrasée sous l'usure, était livré
hommes laissèrent croître leurs cheveux et leur à ses ennemis. Le peuple engraisse ses partisans
barbe, et devant la prison se promena longtemps pour qu'on les égorge. Avait-il donc mérité ce
une foule désolée. Le dictateur triompha des Vols- traitement pour n'avoir pas répondu, lui, homme
ques, et son triomphe lui valut plus de haine que consulaire, à un signe de têtedu dictateur? En sup-
de gloire. a Car, disait le peuple en murmurant, posantqu'il ait menti d'abord, et qu'ensuite il n'ait
c'était dans la ville et non à l'armée qu'il l'avait su que répondre, quel esclave jamais futpuni d'un
gagné, contre un citoyen et non contre l'ennemi mensonge par les fers? On ne s'est souvenu ni de
il n'avait manqué à son orgueil qu'une chose, cette nuit qui fut presque pour le nom romain
que de traîner Manlius devant son char.» Déjà une dernière et éternelle nuit, ni du spectacle
même la sédition était près d'éclater pour l'a- de l'armée gauloise gravissant la roche Tarpéienne;
paiser, devenu tout à coup libéral, le sénat, sans ni enfin de Manlius, tel qu'on l'avait vu tout
aucune sollicitation étrangère et de son propre armé, plein de sueur et de sang, arrachant, pour
mouvement, fit inscrire pour Satricum une colo- ainsi dire, Jupiter lui-même des mains de l'en-
nie de deux mille citoyens romains; deux arpents nemi. Croient-ils donc que leurs quelques onces
et demi de terre furent assignés à chacun. En de farine ont suffisammentrécompensé le sauveur
voyant ce don modique et restreint à quelques- de la patrie? Et celui qu'ils ont presque fait
uns, le peuple prétendit que c'était le prix dont dieu, ou, du moins, par son surnom, l'égal de
on voulait acheter l'abandon de M. Manlius; la Jupiter Capitolinus, le laisseront-ils enchaîné
sédition fui irritée par le remède même; les amis dans les ténèbres d'un cachot, traîner une vie qui
de Manlius mirent chaque jour plus d'ostentation dépendra du caprice d'un bourreau? Ainsi, un
dans leur deuil et dans leur douleur d'accusés; et seul homme a suffi pour les défendre tous, et
l'abdication du dictateur, qui suivit son triom- tous ensemble ne seront d'aucun secours à un
phe, en éloignant la terreur, laissa à la multitude seul homme! » Et déjà, même la nuit, la foule
toute liberté de langage et de sentiments. ne quittait plus ce lieu, menaçant d'enfoncer la
XVII. Alors on entendit s'élever des voix qui prison, lorsque, lui accordant ce qu'elle aurait

dignilatem ferebant sed invicta sibi quædam patientis- cipitem locum favore tollat, deinde in ipso discrimine
sima justi imperii civitas fecerat: nec adversusdictatoriam periculi deshtuat. Sic Sp. Cassium, in agros plebem vo-
vim aut tribuni plebis,autipsa plebs, attollere oculos aut cantern sic Sp. Mælium, ab ore civium famem suis im-
luscere audebant. Conjecto in carcerem Mantio, satiscon- pensis propulsantem,oppressos; sic M. Manlium, mersam
stat, magnam partem plebis vestem mutasse, multos et ohrutam fenore partem chitatisin libertatem ac lucem
roortales capillum ac barbam promisisse, obversatamque extrahentem, proditum inimicis. Saginare plebem popu-
vestibulo carceris mœstam turbim. Dictator de Volscis lares suos, ut jugulentur. Hoccine patiendum fuisse, si
triumphavit: invidia'que magis triumphus, quam gloriæ, ad nutum dictatoris non responderitvir consularis? Fin-
fuit.. Quippe demi, non militiæ, partum eum, actumque gerent mentitum ante, atque ideo non habuisse, yuod
deoive, non de hoste, frfmehant unum defuisse tantum tum responderet cui servo unquam mendacii pœnam vin-
superbiæ, quod non M. Manlius ante currum sitductus. » cula fuisse? Non observatam esse memoriam noctis illins,
Jamqne haud procul seditione res erat cujus leniendæ quæ paene ultima atque æterna nomini romano fuerit?
causa, postulante nullo, largitor voluntarius repente sc- non speciem agmims Gallorum, per Tarpeiam rupem
natus factus, Satricumcoloniamduo millia civium roma- scandenlis? non ipsius M. Manhi, qualem eum armatum
norum deduci jussit bina jugera et semisses agri assi- plenum sudoris ac sanguinis, ipso pa?ne Jove erepto ex
gnati. Quod quum et parvum et paucis datum, et merce- hostium manibus vidissent? Selibrisne farris grati im ser-
dem esse prodendi M. Manlii interpretarentur, remedio vatori patriæ relatam ? et quem prope cœlestem, cogno-
irritatur seditio. Et jam magis insignis et sordibus et fa- miue certe Capitolino Jovi parem fecerint, eum pati
cie reoruin turbi Dlanliana erat, amotusque post trium- vinctum in carcere, in tenebris, obnoxiamcarnificis ar-
phum abdicatione dictaturæ terror et linguam et animos bitrio ducere ammam? Adeo in uno ommbus satis auxilii
liberaverathonnonim. fuisse, nullam opem m lam multis uni esse? » Jam ne
X\ II. Audiebantur itaque prupalam voces exprobran- nocte quidem turba ex co loco dilabebatur, refracturos-
tium multitudim,«quod delensores suos sempcr in præ que cat ccreot mmabantur; quum remisso, quod erepturi
pris de force, on rend, par un sénatus-consulte, lui aussi à une lutte procliaine. Ayant convoqué
la liberté à Manlius; ce qui, loin de mettre fin le peuple en sa maison, il discute jour et nuit
à la sédition, ne fait que lui donner un chef. avec les chefs ses projets de changement, plus
Dans le même temps, les Latins et les Herniques, rempli d'orgueil et de colère qu'il ne l'avait ja-
les colons de Circéia et de Vélitres, étant venus mais été. L'affront qu'il venait d'éprouver, lui
se justifier de toute participation à la guerre vols- dont le cœur était peu fait aux outrage, avait
quc, et redemander leurs prisonniers pour les enflammé son courroux sa fierté s'exaltait de ce
punir selon leurs lois, on leur adressa de sévères que le dictateurn'avait point osé le traiter comme
réponses; de plus sévères aux colons qui, ci- Cincinnatus Quinctius avait traité Sp. Mélius, et
toyens romains, avaient formé le projet sacrilége de ce que la haine soulevée par son emprisonne-
d'attaquer leur patrie. on ne se contenta point de ment avait non-seulement forcé le dictateur d'ab-
leur refuser leurs prisonniers; on leur infligera diquer, mais tenu en échec le sénat lui-même.
une humiliation qu'on avait épargnée aux alliés: Aigri et enflé tout à la fois par ces choses, il irri-
il leur fut ordonné, de la part du sénat, qu'ils tait encore l'esprit déjà si ardent de la multitude
eussent à sortir au plus tôt de la ville, et à s'éloi- «Jusques à quand, enfin, ignorerez-vous votre
gner de la présence et de la vue du peuple ro- force, quand les brutes mêmes ont l'instinct de
main, de peur que le droit des ambassadeurs, la leur? Comptez du moins combien vous êtes,
établi pour l'étranger, non pour le citoyen, ne et combien d'ennemis vous avez. Alors même
pût les protéger. que vous seriez un contre un dans cette lutte,
XVIII. La sédition de Dlanlius reprenant de vous combattriez, j'imagine, avec plus d'ardeur
nouvelles forces, sur la fin de l'année, on ouvrit pour la liberté, que ceux-là pour la domination.
les comices, et on créa tribuns militaires, avec Mais autant de clients vous étiez autrefois au-
puissance de consul, les patriciens Ser. Cornélius tour d'un seul patron, autant vous serez mainte-
Maluginensis, pour la troisième fois; P. Valérius nant contre un seul ennemi. Montrez seulement
Polilus, pour la seconde; C. Papirius Crassus, la guerre vous aurez la paix. Qu'ils vous voient
T. Quinctius Ciucinnatus, pour la seconde fois. Au prêts à soutenir vos droits, et d'eux-mêmes ils
commencement de cette année, la paix extérieure les reconnaîtront. Il faut que tous ensemble vous
ne vint pas moins à propos pour les patriciens que tentiez un coup d'audace, ou que chacun en
pour le peuple pour le peuple qui, n'étant point particulier vous souffriez tous les affronts. Pour-
appelé pour la levée, conçut l'espoir, à l'aidedeson quoi sans cesse tenez-vousles yeux fixés sur moi?
puissant chef, d'anéantir l'usure; pour les patri- Certes, pour moi, je ne ferai faute à aucun de
ciens qui, l'esprit libre de toute crainte du dehors, vous vous, à votre tour, veillez à ce que la for-
se flattèrent de pouvoir enfin guérir la cité de ses tune ne me fasse point faute. Moi, votre vengeur,
maux. Ainsi les deux partis s'étaient relevés avec dès que mes ennemis personnels l'ont voulu, j'ai
plus d'ardeur que jamais, et Manlius se préparait, été aussitôt annulé; et tous ensemble vous avez

erant, ex senatusconsulto Manlius vinculisliberatur: quo malis. Igitur, quum pars utraque acrior aliquanto coorta
facto non seditio fioita, sed dux seditioni datus est. Per
esset, in propinquum certamen aderat et Dtanlius. Advo-
eosdem dies Latinis et Ileruicis, simul colonis circeien-cata domum plebe, cum principibus novand.trum rerum
sibus et a Velitris, purganlibus se Volsci crimine belli,interdiu noctuque consilia agitat, plenior aliquanto ani-
c.iptivosquerepetentibus, ut suis legibus in eos animad- morum irarumque, quam antea fuerat. Iram accenderat
ignominia receus in animo ad contumeliam inexperto:
Tcrterent, tristia responsa reddita; tristiora colonis, quod
cives romaui patriae oppugnandæ nefanda consilia inis- spiritus dabat, quod nec ausus esset idem in se dictator,
sent. Non negatum itaque tantum de captivis; sed, in quo quod in Sp. Mælio Cincinnatus Quinctiusfecibset; etvin-
absociis tamen temperaverant, denuntiatum senalus ver- culorum suorum invidiam non dictator modo abdicando
bis, facesserent propere ex urbe, ab ore atque oculis po-dictaturam fugisset sed ne senatus quidem sustinere
puli romani, ne nihil eos legationis jus externo non putuisset. His simul intlatus exacerbatusque jam per se
civi comparatum tegeret. accensos incitabat plebis animos Quousque tandem ig-
XVIII. Recrudescente manliana seditione, sub exitu norabitis vires vestras, quas natura ne belluas quidem ig-
auni comitia habita, creatique tribuni militum consulari norare voluit? numérale saltem, quot ipsi sitis, quot ad-
potestate ex Patribus Ser. Cornelius Maluginensis ter- versarios habeatis. Si singuli singulos aggressuri essetis,
tium, P. Valerius Potitus iterum, M. Furius Camillus, tamen acrius crederem vos pro libertate, quam illos pro
Ser. SulpiciusRufusiterum, C. Papirius Crassus.T. Quin- dominatione, certaturos. Quot enim clientes circa singu-
ctius Cincinnatus secundum. Cujus principio anni et Pa- los fuistis patronos, tot nunc adversus unum hostem eri-
tribus et plebi peropportune externa pax data plebi, tis. Ostendite modo bellum; pacem habebitis. Videant
quod non avocata deleclu spem cepit dum tam potentem vos paratos ad vim; jus ipsi rémittent. Audendum estali-
haherel ducem, fenoris expugnandi; Patribus, ne quo quid universis, aut omnia singulis patienda. Quousque
externo terroreavocarentur animi ab sanandisdomesticis me circumspectabitis? Ego quidem nulli vestrum deero
vu froidement traîner dans les fers celui qui avait dictatures et consulats, afin que le peuple romain
éloigné les fers de chacun de vous. Que dois-je puisse lever la tête. Enfin, montrez-vous, empê-
espérer, si mes ennemis osent davantage contre chez qu'on ne poursuive les débiteurs. Moi, je me
moi ? Attendrai-je le sort de Cassius et de Mélius? proclame le patron du peuple; mon zèle et ma fidé-
Vous faites bien d'en rejeter le présage; les dieux lité m'investissent de ce titre vous, si vous don-
empêcheront cela mais jamais, pour moi, ils nez à votre chef un titre qui soit la marque d'un
ne descendront du ciel. Qu'ils vous donnent alors, pouvoir ou d'un honneur plus grand, comptez
il le faut, le courage de l'empêcher, comme ils qu'il n'en sera que plus puissant pour obtenir ce
m'ont donné, à moi, sous lesarmes et sous la loge, que vous voulez. » De ce jour, dit-on, il com-
le courage de vous défendre contre des ennemis mença à tendre vers la royauté mais par qui il
barbares et d'orgueilleux concitoyens. Ce grand fut secondé et jusqu'où il parvint, c'est ce que la
peuple a-t-il donc le cœur si petit, qu'il lui suffise tradition ne nous apprend pas clairement.
toujours d'avoir un recours contre ses ennemis, XIX. D'autre part, le sénat s'inquiète de ce
et que jamais, sinon pour fixer les limites de l'em- rassemblement du peuple dans une maison parti-
pire que vous leur accordez sur vous, vous n'ayez culière, placée par hasard dans la citadelle, masse
osé combattre les patriciens? Et en cela, ce n'est menaçante pour la liberté. Le plus grand nombre
pas la nature qui vous inspire, c'est l'habitude qui s'écrie « Qu'on aurait besoin d'un Servilius
vous domine. Pourquoi, en effet, montrez-vous Ahala, qui, sans faire conduire en prison un en-
tant de cœur contre l'étranger, qu'il vous semble nemi public que cette mesure irriterait encore,
juste que vous ayez sur lui l'empire? Parce que saurait par la perte d'un seul homme terminer
vous êtes accoutumés à lutter pour l'empire avec cette guerre intestine. » La décision qu'on adopta,
lui et contre eux à essayer plutôt qu'à défendre plus douce dans la forme, avait la même force
votre liberté. Cependant, quels qu'aient été vos « Les magistrats veilleront à ce que les pernicieux
chefs, quels que vous ayez été vous-mêmes, tout desseins de M. Manlius ne fassent éprouver aucun
ce que vous avez demandé jusqu'ici, si important dommage à la république. 8 Alors les tribuns qui
que ce fût, vous l'avez obtenu ou par la force, avaient puissance de consuls, et les tribuns du
ou par votre fortune il est temps de prétendre peuple eux-mêmes qui avaient senti que leur puis-
a de plus grandes conquêtes. Veuillez seulement sance finirait avec la liberté de tous, et s'étaient
éprouver et votre bonheur et moi de qui, j'es- rangées à l'autorité du sénat, se concertent tous
père, vous avez déjà fait une épreuve assez heu- ensemble sur le parti à prendre. Comme on n'i-
reuse vous aurez moins de peine à imposer un maginait d'autre moyen que la violence et le
maître aux patriciens, que vous n'en avez eu à meurtre, et que l'on prévoyait un conflit terrible,
leur imposer des hommes qui leur résistassent M. Ménius et Q. Publilius, tribuns du peuple
quand ils étaient les maîtres. Il faut jeter à terre prenant la parole « Pourquoi, disent-ils, ferions-

ne fortuna mea desit, videte. Ipse vindex rester, ubi vi- dictaturae consulatusque,ut caputattollereromana plebes
sum iuimicis est, nullus repente fui et vidistis in vin- possit. Proinde adeste, prohihete jus de pecuniis dici.
cula duci universi eum, qui a singulis vobis vincula de- Ego me patronum profiteor plebis, quod milii cura mea
puleram. Quid sperem si plus iu me audeant inimici ? et fides nomen induit. Vos si quo insigni magis imperii
an exitum Cassii Mæliiqueexspectem?Bene facitis quod honorisve nomine vestrum appellabitis ducem, eo ute-
abominamini dii prohibebunt bæc: sed nunquam prop- mioi potentiore ad obtinenda ea, qum vultis.. Inde de re-
ter me de cœlo descendent. Vobis dent mentem, oportet, gno agendi ortum inilium dicitur sed neccum quibus, nec
nt prohibeatis; sicut mihi dederunt armato togatoque, ut quem ad finem consilia pervenerint, sat planum traditur.
vos a barbaris hostibus, a superhis defenderem civibus. XIX. At in parte altera senatus de secessione iu do-
'l'am parvus animus tanti populi est, ut sempervobis auxi- mum privatam plebis, forte etiam in arce positam, et ini-
lum adversus inimicos salis sit? necullum, nisi quatenus minenti mole libertali, agitât. Magna pars vociferantur,
imperari vobis sinatis, certamen adversus Patres noritis? Servilio Ahala opus esse, qui non in vincula duci ju-
Nec hoc natura insitum vobis est, sed usu possidemini. bendo irritet publicum hostem, sed unius jactura civis
( nr enim adversus externos tantum animorum geritis, finiat intestinum bellum. » Decurriturad leniorem verbis
ut imperare illis a-quum censeatis? quia consuestis cum sententiam, vim tamen eandem habentem, « UL videant
iis pro imperio certare, adversus hos tenlare magis, quam magistratus ne quid ex perniciosis consiliis M. Manlii
tueri, libertatem. Tamen qualescunque duces habuistis, respublica detrimenti capiat.» Tum tribuni consulari po-
qualescunque ipsi fuistis, omnia adhuc, quantacunque testate, tribunique plebis (nam et, qma eundem et tua!
petistis, obtinuistis seu vi, seu fortuna veàtra. Tempus potestatis, quem libertatis omnium, finem cernebant,
est, etiam majora conari. Experimini modo et vestram Patrum auctoritati se dediderant) hi tum omnes, quid
felicitatem, et me, ut spero, féliciter expertum minore opus facto sit, consultant. Quum præter vim et cædem
negotio, qui imperet Patribus, imponetis, quam, qui nihil cuiquam occurreret, eam autem iogentis dimicatio-
résistèrent iniperautibiis, imposuistis. Solo æquandæ sont nis fore appareret; tam M. Mænius et Q. Publilius tri-
nous une guerre des patriciens contre Ic peuple de tive criminelle de royauté je ne les trouve dans
ce qui est simplement la lutte de la cité contre un aucun auteur elles durent cependant être assez
titoyen qui veut sa ruine? Pourquoi attaquer le graves, puisque l'hésitation du peuple tint non à
peuple avec cet homme, qu'il est bien plus sûr la cause, mais au lieu. Remarquons ici, pour l'ins-
d'attaquer par le peuple lui-même, afin qu'il suc- truction des hommes, combien de nobles actions
combe écrasé par ses propres forces? Notre inten- ont pu être rendues non pas seulement stériles,
tion est de l'assigner en jugement. Rien n'est mais même odieuses par la honteuse passion de
moins populaire que la royauté. Une fois que cette régner. Manlius, produisit, dit-on, près de qua-
multitude aura compris que ce n'est pas à elle tre cents citoyens dont il avait, sans intérêts, ac-
qu'on en veut que de défenseurs ils seront de- quitté les dettes, empêché qu'on ne vendit les
venus juges, qu'ils verront des accusateurs plé- biens, ou qu'on n'adjugeât la personne. Après
béiens, un patricien accusé, et une inculpation cela, ne se bornant pas à rappeler les honneurs
de royauté au milieu, alors il n'y aura rien qu'ils qu'il avait obtenus à la guerre, il en apporta des
préfèrent à la liberté. preuves éclatantes les dépouilles de trente enne-
XX. Tout le monde ayant approuvé ce plan, ils mis tués par lui, et quarante récompenses reçues
assignent Manlius. Le peuple s'émut d'abord en de ses généraux, parmi lesquelles on dislinguait
voyant l'accusé couvert de haillons, et près de lui deux couronnes murales, huit civiques. Il pro-
pas un sénateur, pas même ses parents ou ses al- duisit en outre les citoyens sauvés par lui des
liés, pas même enfin ses frères A. et T. Manlius: mains de l'ennemi entre autres C. Servilius,
abandon sans exemple jusqu'à ce jour; carjamais maître de la cavalerie, qui était absent, et qu'il
dans une si grande épreuve les proches de l'ac- nomma. On ajoute qu'après avoir rappelé ses
cusé n'avaient manqué de changer, eux aussi, de exploits dans un langage qui s'élevait à la hau-
vêtement. « Lorsque Appius Claudius avait été teur du sujet, parlant comme il avait agi, il mit
jeté dans les fers, C. Claudius, son ennemi per- à nu sa poitrine couverte de nobles cicatrices;
sonnel, et la famille Claudia tout entière avaient qu'ensuite, les yeux tournés vers le Capilole, il
pris le vêtement de deuil. Cette fois, on s'en- supplia Jupiter et les autres dieux de le secourir
tendait pour opprimer un homme populaire, dans son infortune, et d'inspirer au peuple ro-
parce que c'était le premier des patriciens qui eût main, dans sa détresse, les sentiments dont ils l'a-
passé au peuple. Au jour assigné, les accusa- vaient animé lui-mc?me pour la défense du Capi-
teurs, outre les réunions du peuple, les discours tole et le salut du peuple romain qu'enfin il con-
séditieux, les largesses et la calomnie sur le jura ses juges, ensemble et séparément,decontem-
trésor caché, durent présenter contre l'accusé pler le Capitole et la citadelle, etdese tourner vers
des charges ayant un rapport direct à la tenla- les dieux immortels en prononçant son jugement.

buni plebis: Quid Patrum et plebis certamen facimus, I haud pana fuissE, quum damnandi mora plebi non in
qaod civitatisesse adversus unum pestiferum civem débet? causa, sed in loco, fuerit. Illud notandum videtur, ut
Quid cum plebe aggredimur eum, quem per ipsam ple- sciant homines, quæ et quanta décora fœda cupiditas regni
bem tutius aggredi est, ut snis ipse oneralus viribus ruat? non ingrata solum, sed invisa etiam, reddiderit. IIo-
Diem dicere ei nohis in animo est. Nihil minus populare mines propre quadragintos produxisse dicitur, quibus
quam regnum est. Simul multitudo illa non secum certari sine fenore expensas pecuoias tulisset, quorum bona
viderint et ex advocatis judices farti erunt, et accusatores venire, quos duci addictos prohibuisset. Ad hæc de-
de plebe, patricium reum intuebuntur, et regni crimeu cora quoque belli non commemorasse tantum, sed pro-
in medio; nulli magis, quam libertati, favebunt suæ.» tulisse etiam conspicienda, spolia hostium caesorum ad
XX. Approbantibus cunctis,diem Manlio dieunt. Qnod triginta; dona imperHtorum ad quadraginta in quibus
ubi est fartum, primo commola plets est, utique post- insignes duas murales coronas, civicas octo. Ad ba'c ser-
quam sordidatnm reum viderunt nec cum eo non modo vatos ex hostibus cives produxisse; inter quos C. Servi.
Patrum quemquam, sed ne cognatos quidem aut affines, lium magistrum equitum ahsentem nominatum.Et quum
postremo ne fratres quidem A. et T. Manlios: quod ad ea quoque, quæ bello gesta essent, pro fastigio rerum
cum diem nunquam usu venisset, ut in tanto discrimine oratione eliam magnifica facta dictis æquando, memo-
non et proximi vestem mutarent. «Ap. Claudio in vincula rasset, nudasse pectus insigne cicatricibus bello acceptis;
ducto, C. Claudium inimicum Claudiamque omnem et identidem, Capitolium spectans, Jovem deosque alios
gentem sordidatam fuisse. Consensu opprimi popularem devocasse ad auxilium fortunarum suarum precatusque
virum, quod primus a patribus ad plebem defecisset. esse, ut, quam mentem sibi Capitolinam arcem prote-
Quum dies venit, quse, pra'ter cœtus multitudinis sedi- genti ad salutem populi Romani dedisseot, eam populo
Losasque voces, et largitionem et fallai indicium, perti- romano in suo discrimine darent et oresse singulos nni-
nentia proprie ad regni crimen ab accusatoribus ohjecta versosque, ut Capitolium atque arcem intuentes, ut ad
çint reo, apud neminern auctorem invenio nec dubito deos immortales versi de se judicarent. In campo Man-
Comme c'était au Champ-de-Mars que le peuple grand nomhre la conséquencedu supplice de Man-
s'assemblait pour les comices par centuries, et que lius. «On avait souillé le Capitole du sang de son
l'accusé, les mains tendues vers le Capitole, avait libérateur, et les dieux n'avaient souffert qu'à
cessé de prier les hommes pour invoquerlesdieux, contre cœur qu'on immolât, pour ainsi dire, sous
les tribuns jugèrent que s'ils ne détournaient les leurs yeux l'homme qui avait arracbé leurs tem-
yeux mêmes des citoyens du souvenir de tant de ples aux mains de l'ennemi. »
gloire, jamais, dans ces esprits préoccupés du bien- X\I. A cette peste succéda la disette, et, h la
fait de Nanlius, la reconnaissance ne laisserait pé- nouvelle de ces maux, l'année suivante, éclatè-
nétrer la convictionde son crime. On prorogea donc rent en même temps plusieurs guerres. Alors
le jugement, et l'on convoqua le peuple dans le bois étaient tribuns militaires avec puissance de cou-
sacré de Pétélie, hors de la porte Nomentane, d'où suls, L. Valérius pour la quatrième fois, A. Man-
l'on ne pouvait voir le Capitole. Là, prévalut l'ac- lius pour la troisième, Ser. Sulpicius pour la troi-
cusation, et par ces hommes inflexibles fut pro- sième, L.Lucrétius, L. Émilius pour la troisième,
noncée une sentence fatale, odieuse même aux et M. Trébonius. Outre les Volsques, que le sort
juges. Selon quelques auteurs, il fut condamné ramenait éternellementcontre nous comme pour
par des duumvirs institués pour juger les crimes exercer le soldat romain; outre les colonies de
contre l'état. Les tribuns le précipitèrent de la Circéia et de Vélitres, qui, depuis longtemps,
roche Tarpéienne, et le même lieu fut pour le préparaient leur défection, et le Latium surlequel
même homme, un monument d'insigne gloire on ne pouvait compter, de nouveaux ennemis,
et de honteux châtiment. Après sa mort, il fut deux les Lanuviens eux-mêmes, peuple jusqu'alors si fi-
fois flétri; l'une par la république car, comme dèle surgirent tout à coup. Les sénateurs, per-
sa maison s'élevait au lieu où se trouvent aujour- suadés que tant d'audace ne venait que de ce qu'ils
d'hui le templeetl'atelierde Monéta, le peuple dé- avaient laissé si longtemps impunie la défection
créta que nul patricien n'habiterait désormaisdans de leurs concitoyens, les Véliternes, décréta qu'à
la citadelle ou au Capitole; l'autre par sa famille la première occasion il serait proposé au peuple
la famille l\lanlia, ayant décidé, par un arrêté, de leur déclarer la guerre. Afin de le mieux dispo-
« Que nul de ses membres, à l'avenir, ne pour- ser à cette campagne, on créa des quinquem-
rait s'appeler M. Alanlius. » Telle fut la fin de cet virs pour le partage des terres du Pomptinum,
homme qui, s'il ne fût né dans un état libre, eût et des triumvirs pour l'établissement d'une colonie
été digne de mémoire. Bientôt le peuple, qui n'a- à Népète. Alors on proposa au peuple qu'il eût à
vait plus rien à craindre de lui et ne se rappelait ordonner la guerre, et, contre l'avis des tribunsdu
que ses qualités, le regretta; et une peste étant peuple, la guerre fut ordonnée par toutes les tri-
survenue peu après, cette triste calamité, dont bus. On fit, dès cette année, les préparatifs; mais
on n'apercevait point la cause, parut au plus la peste empêcha l'armée de se mettre en marche.

tio quum centuriatim populus citaretur, et reus, ad Ca- magnm parti videri orta «Violatum Capitolium esse san-
pitolium manus tendens, ab hominibus ad deos preces guine servatoris nec diis cordi fuisse poenam ejus ob-
avertisset; apparuit tribunis, nisi oculos quoque homi- latam prope oculis suis a quo sua templa erepta e maui-
num hberasseut ab tanti memoria decoris, nunquam fore bus hostium essent..
iu præoccupatis beneficioanimis vero crimini lucum. Ita XXI. Pestilentiam inopia frugum, et vulgatam utrius-
prodicta die, in Pœtelinum lucum extra portam Nomen- que mali famam anno insequente multiplex bellum eice-
Gmam, unde conspectus in Capitolium non esset, conci- pit, L. Valerio quartum, A. Manlio tertium, Ser. Sul-
lium populi indictum est. Ibi crimen valuit, et obstinatis p cio terlium L. Lucretio, L. Æmilio tertium, M. Tre-
animis triste judicium, iwisumque etiam judicibus, fac- bonio, tribunis militum cousulari potestate. Hostes novi,
tum. Sunt qui per duumviros, qui de perduelhone an- præter Volscos, velut sorte quadam prope iu æternum
quirerent, creatos, auclores sint damnatum.Tribuni de exercendo romano militi datos, Circerosque et Velitras
saxo Tarpeio dejecerunt; locusqueidem in uno homine et colonias jam diu molientes detectionem, et suspeclum
eximiæ gloriæ monumeotum et pœnæ ultimæ fuit. Ad- Latium, Lanuvini etiam, qux tidelissima urbs fuerat,
Jectæ mortuo notæ sunt: publica una; quod, quum do- subito exorti. Id Patres rali contemptu accidere, quod
mus ejus fuisset, ubi nunc &des atque officina Monetæ Veliternis civibus suis tam diu impunita defectio esset,
est, latum ad populum est, ne quis patricius in arce aut decreverunt, ut primo quoque tempore ad populum fer-
Capitolio habitaret: gentilitia altera; quod gentis Manliæ retur de bello iis indicendo: ad qnam militiam quo
para-
decreto cautum est, ne quis deinde M. Manlius vocaretur. tior plebes esset, quinqueviros Pomptino agro dividendo,
Hune exitum habuit vir, nisi in libera civitate natus esset, et trmmviros Nepete coloniæ deducendæ creaverunt.
memorabilis. Populum brevi, postquam periculum ab eo Tum, ut bellum jubereut, latum ad populum est et, ne-
nullum erat, per se ipsas recordantem virtutes, deside- quicquam dissuadentibus tribunis plebi,
omnes tribus
rium ejus tenuit. Pestilentia etiam brevi cousecuta, nullis bellum jusserunt. Apparatum eo anno bellum est; exercitus
occurrentibus tantæ cladis causis, ai Manliano supplicio propter pestilentiam non eductus. Kaque canctatio colonis
Ce délai donnait le temps aux colons de conjurer d'une fuite plus prompte, et, dans cette fuite, son
le sénat; et une grande partie des habitants aurait unique asile. Les tribuns renoncèrent à attaquer
appuyé l'envoi d'une humble députation à Rome, la place, parce que l'entreprise était douteuse, et
si la peur de quelques particuliers n'eût, comme qu'ils ne voulaient point combattre de manière à
toujours, traversé l'intérêt public. Lesauteurs de détruire la colonie. Les dépêches qu'ils envoyèrent
la défection, craignantqu'on ne les rendît respon- à Rome au sénat pour annoncer leur victoire
sables du crime, et qu'en expiation on ne les li- étaient plus sévères pour les Prénestins que poui
vrât au ressentiment des Romains, détournèrent les Véliternes. En conséquence, par un sénatus-
les colonies des mesures de conciliation, et non consulte et par l'ordre du peuple, on déclara la
contents de s'opposer, dans le sénat, à l'envoi de guerre aux Prénestins ceux-ci s'alliant aux Vols-
députés, ils portèrent une grande partie du peu- ques, marchèrent, l'année suivante, sur Satri-
ple à aller ravager le territoire de Rome nouvel cum, colonie du peuple romain, l'emportèrent
outrage qui éloigna tout espoir de paix. Cette an- d'assaut, malgré l'opiniâtreté avec laquelle lesco-
née aussi courut, pour la première fois, le bruit Ions se défendirent, et abusèrenthorriblementde
d'une défection des Prénestins. A la mollesse avec la victoire. Indignés de cette conduite, les Ro-
laquelle le sénat répondit aux dénonciations des mains créèrent M. Furius Camille, pour la seo-
Tusculans, de ceux de Gabies et du Lavicum, dont tième fois, tribun militaire; on lui donna pour
ce peuple avait ravagé les terres, on vit bien que collègues A. et L. Postumius Régillensis, et L. Fu-
s'il n'ajoutait pas foi entière à ces accusations, c'est rius, avec L. Lucrétius et M. Fabius Ambustus.
qu'il eût voulu qu'elles fussent moins fondées. Furius fut décernée extraordinairementla
A M.
XXII. L'année suivante, Sp. et L. Papirius, guerre volsque. Le sort désigna pour l'assister le
nouveaux tribuns militaires avec puissance de con- tribun L. Furius, ce qui fut moins heureux pour
suls, menèrent les légions Vélitres; leurs quatre l'état que pour Camille, auquel ce choix fournit
collègues, Ser. Cornélius Maluginensis, tribun une matière toute louange: car il releva, comme
pour la quatrième fois, Q. Servilius, Ser. Sulpi- général, l'affaire presque perdue par la témérité
cius, L. l:milius, pour la quatrième fois, restèrent
de son collègue; et comme simple particulier, il
pour que la ville se trouvât gardée au cas où l'on chercha plutôt se
l'attacher par cette faute, qu'à
annoncerait quelque nouveau mouvement de l'É- s'en faire pour lui-même un titre de gloire. Déjà
trurie; car tout était suspect de ce côté. A Véli- d'un âge avancé, Camille était prêt à prononcer,
tres on combattit avec succès une armée auxiliaire dans les comices, le serment usité pour excuse de
do Prénestins, plus nombreuse en quelque sorte santé; le peuple ne voulut pas y consentir une
que les troupes de la colonie; la proximité de âme pleine de sève vivifiait encore cette forte poi-
la ville fut tout à la fois pour l'ennemi la cause trine il avait conservé l'entier usage de ses sens,

spatium dederat deprecandi senatum;et magua hominum Oppidi oppugnatione tribuni abstinuere; quia et anceps
pars eo, ut legatio supplez Romam mitteretur, inclina- erat, nec in perniciem colomæ puguauduni censebant.
bat ni privato, ut fit, pcriculo publicum implicitum Literæ Romam ad seuatum cum victoriae nuntiis, acrio-
esset, auctoresque defectionisab Romanis metu ne, soli res in Prænestinum, quam inVeliteruumhostem, missæ.
crimini subjecti, piacula iræ Romaanrum dederentur, Itaque ex senatuscoubultopopulique jussu bellum Præ-
avertissent wlonias a consiliis pacis. Neque in senatu so- uestinis indictum qui, conjuncti Volscis, anno iuse-
lum per eos legatio impedita est, sed magua pars plebis quente Satricum, coloniam pnpuli Romani pertinaciter
iucitata ut praidatum in agrum romauum exirent. Hæc a colonis defeusam, vi expugnaruut, fœdeque iu captis
uova mjuria exturbavit omnem spem pacis. De Prænesti- eiercuere victoriam. Eam rem ægre passi Romani,
norunt quoque defectione eo anno primum fama exorta; M. Furium Camillum septimum tribunum militum creu-
argnentibusqueeos Tusculanis, et Gabinis, et Lavicanis, vere. Additi collegae A. et L. Postumü Regilleuses, ac
quorum iu fines incursatum erat, ita placide ab senatu L. Furius, cum L. Luctctio et M. Fdbio Ambusto. Volw
responsum est, ut minus credi de criminibus, quia nol- scum bellum M. Furio extra ordinem decretum. Adjutor
lent ea vera esse, appareret. ex tribunis sorte L. Furius datur; nou tam e republica,
XXII. lusequeoti anuo Sp. et L. Papirii, novi tribun! quam ut collegæ materia ad omuem laudem esset; et pu-
tuititum cousulari potestate, Velitras legioues duxere; blice, quod rem temeritate ejus prolapsam reslituit; et
quatuor collegis, Ser. Coruelin Maluginense privatim quod ex errore gratiam potius ejus sibi, quam
Q. Servilio, Ser. Sulpicio, L. Æmilio, quartumquartum,
tribunis suam gloriam, petiit. Exactæ jam ætatis Camillus erat,
ad præsidium urbis, et si qui et Etruria novi motus uun- cornitiisque jurare parato in verba excusandæ valetudini
ttarcutur (umma enim iude suspecta eraut), relictis. Ad sulita consensus populi restiterat sed vegetum ingenium
Velitras adversus majura pæne auxilia Prænestinorum, in vivido pectore vigebat, virebatque integris sensibus, et
quam ipsam colonorum multitudinem, secundo pra'lio civiles jam res baud magnopere obeuutem bella excita-
pugnatum estt ita ut propinquitas urbis 6osti et causa bant. Quattuor legionibus quaternum millium sci-iplis,
waturierisfugæ, d unum ex fuga receptaculum esset. exerci indicto ad portain Esquilinam in posterum diem
et si le soin des affaires civiles commençait à le fa- guerrier le plus actif devient un temporiseur;
tiguer, la guerre lc ranimait. Après avoir levé et le même homme qui, à l'arrivée, avait cou-
quatre légions de quatre mille hommes chacune tume d'emporter les camps et les villes du pre-
il convoque son armée pour le lendemain à la porte mier cboc, maintenant engourdi usait le temps
Esquiline, et marche sur Satricum. Les vainqueurs derrière les palissades. Qu'espérait-il par là? ac-
de la colonie, se confiant au nombre de leurs croître ses forces, ou diminuer celles de l'ennemi?
troupes, l'attendaient là sans lemoindre effroi. A la Quelle occasion, quel moment, quel lien deman-
nouvelle de l'arrivée des Romains, ils s'avancent dait-il pour dresser des embûches? C'étaient bien
aussitôt en bataille, voulant tenter sans retard là les froids et languissants projets d'un vieillard.
un combat décisif, afin que les talents d'un chef Camille avait désormais assez de vie, assez de
unique, sur lesquels seuls l'ennemi comptait, ne gloire convient-il de laisser vieillir avec ce corps
lui fussent d'aucune aide. mortel les forces d'une cité qui doit être immor-
XXIII. Une ardeur semblable animait l'armée telle ? » Ces discours lui avaient gagné l'armée
romaine et l'autre chef, et l'issue de cette lutte entière; et comme de toutes parts on demandait
imminente n'était retardée que par la sagesse et le combat « Nous ne pouvons, M. Furius, dit-il
l'empire d'un seul homme, qui, en traînant la contenir l'ardeur du soldat; et l'ennemi, dont
guerre, cherchait à suppléer aux forces par la rai- nous avons, par nos lenteurs, augmenté l'audace,
son. L'ennemi n'en avait que plus d'audace; déjà nous insulte avec un mépris intolérable. Seul con-
même, non content de déployer ses lignes sur le tre tous, consensà céder, laisse-toi vaincre dans le
front de son camp, il s'avance au milieu de la conseil, et tu n'en seras que plus tôt vainqueur
plaine, et, portant presque ses enseignes sous les dans le combat.» A cela Camille « Jamais, jus-
palissades ennemies, il affecte une orgueilleuse qu'à ce jour, dans les guerres qui ont été conduites
confiance en ses forces. Le soldat romain ne sup- uniquement sous ses auspices, ni lui ni la peu-
portait ces démonstrations qu'avec peine avec ple romain n'ont eu à se piaindre de ses plans
plus de peine encore les supportait l'autre tribun ni de la fortune; aujourd'hui il sait qu'il a un col-
militaire, L. Furius, qu'entraînaient sa fougue na- lèguequi l'égale en pouvoir et en autorité, et qui
turelle et celle de sou âge, et les espérances d'une a, de plus que lui, la vigueur de l'âge. Pour ce
multitude qui s'enhardissait par l'incertitude qui est de l'armée il a l'habitude de la comman-
même de l'événement. 11 excitait encore cette der, non d'être commandé par elle; mais il ne
irritation des soldats, en attaquant sur le seul point peut s'opposer à la volonté de son collègue. Que
où cela fût possible, c'est-à-dire sur son âge, l'au- celui-ci fasse donc, avec l'aide des dieux, ce qu'il
torité de son collègue u La guerre, disait-il à croit avantageux à la république.Lui, il demande,
chaque instant, est faite pour les jeunes hommes; comme une grâce due à son âge, à n'être point au
le courage fleurit et se flétrit avec le corps; le premier rang; ilest prêt d'ailleursà remplir tous les

ad Satricum profeetus. Ibi eum expugnatores coloniae bellatore factum; et, qui adveniens castra urbesque pri-
haudquaquam perculsi, fidentes militum numéro, quo mo impetu rapere sit solitus, eum residem intra vallum
aliquantum præstabant, opperiebantur.Postquam appro- tempus terere quid accessurum suis, decessurumve
pinquare Romanos senserunt, extemplo in aciem proce- hostium viribus sperantem ? quam occasionem, quod
dunt, nihil dilaturi, quin periculum summae rerum fa- tempus, quem insidiis instruendis locum? Frigere ac tor-
cerent ita paucitati hostium nihil artes imperatorisunici, pere senis consilia. Sed Camillo quum vitae satis, tum
quibus solis confiderent, profuturas esse. gloriae esse. Quid attinere, cum mortali corpore uno,
XXIII. Idem ardor et in Romano exercitu erat, et in civitatis, quam immortalem esse deceat, pati consene-
altero duce nec præsentis dimicationis fortunam ulla scere vires?» His sermonibus tota in se averterat castra;
res, præterquam unius viri consilium atque imperium et, quum omnibus locis posceretur pugna, « Sustinere,
morabatur qui occasionemjuvandarum ratione virium inquit, M. Furi, non possumus impitum miletum: et
trabendo bello quærebat. Eo magis hostis instare, nec hostis, cujus animos cunctando auximus, jam minime
jam pro castris tantum suis explicare aciem, sed proce- toleranda superbia insultat. Cede unus omnibus, et pa-
dere in medium campi, et vallo prope hostium bigna in- tere te vmci consilio, ut maturius bello vincas. » Ad ea
ferendo, superbam üduciam virium ostentare. Id xgre Camillus Quæ bella suo unius auspicio gesta ad eam
patiebatur Romanus miles; multo ægrius alter ex tribu- diem essent, negare in iis neque se, neque populum
nis militum L. Furius, ferox quum ætate et ingenio, tum Romanum, aut cousilü sui, aut fortuna* poenituisse
multitudinis,ex incertissimo sumentis animos, spe infla- nunc scire, se collegam babere jure imperioque parem
tus. Hic per se jam milites incitatos insuper instigabat vigore ætatis prastantem. Itaque se, quoi ad exercitum
elevando, qua una poterat, xtate auctoritatem collegae attineat, regerc consuesse, non regi eollegae imperium
Juvenibus bella data dictitans, et cum corporibus vi- se non posse impedire. Diis bene juvantibusageret, quod
gcre et deflorescere animos; cunctatorem ex acerrimo e republica duceret. Ætati suæ se veniam etiam petere,
devoirs d'un vieillard à la guerre. L'unique prière opposant son corps de réserve « Voilà donc,
qu'il adresse aux dieux immortels, c'est qu'un soldats, dit-il, le combat que vous demandiez! 1
revers ne vienne pas justifier la sagesse de son Quel homme ou quel dieu pouvez-vous accuser?
conseil. » Mais, ni les hommes n'écoutèrent un C'est votre faute, à vous, si imprudents naguère
si salutaire avis, ni les dieux une si pieuse prière. et maintenant si lâches! Après avoir suivi un au-
Celui des deux chefs qui a voulu le combat range tre chef, suivez à présent Camille; et, comme
en bataille la première ligne; Camille fortifie la toujours sous ma conduite, sachez vaincre. l'our-
réserve, et dispose en avant du camp un vigou- quoi regardez-vous les palissades et le camp? Nul
reux détachement. Du haut d'une éminence, spec- de vous n'y rentrera que vainqueur. Lahonte
tateur attentif, il observe l'issue d'une mesure d'abord arrêta leur fuite; puis, voyant avancer
qu'un autre a conseillée. les enseignes, l'armée se retourner contre l'en-
XXIV. A peine au premier choc les armes eu- nemi, et leur chef, illustré par tant de triomphes
rent-elles retenti, que par ruse, non par crainte, et si vénérable par son âge, se jeter aux premiers
l'ennemi lâcha pied. Une colline, dont la pente rangs, où il y avait le plus de peine et de danger,
était assez douce, se trouvait derrière lui, entre ils s'adressent de mutuels reproches, ils s'encou-
sa ligne et son camp; et, grâce au nombre de ses ragent les uns les autres avec un cri joyeux qui
troupes, il avait pu laisser au camp quelques vail- parcourt toute la ligne. L'autre tribun non plus
lantes cohortes armées et toutes prêtes, qui, la ne manque pas à son devoir envoyé vers les ca-
lutte une fois engagée, devaient, dès que l'ennemi valiers par son collègue qui ralliait l'infanterie, il
approcherait du retranchement, foudre sur lui. ne leur fait point de reproches (ayant partagé leur
Le Romaiu, poursuivanten désordre l'ennemi qui faute, il avait peu d'autorité pour les blâmer); mais
recule, se laisse attirer dans une position désavan- renonçantau ton du commandement pour prendre
tageuse, et favorise ainsi la sortie. Alors l'effroi celui de la prière, il les conjure, chacun en par-
se met parmi les vainqueurs: Li vue d'un second ticulier et tous ensemble, « de le sauver de l'op-
ennemi et le penchant de la vallée font plier l'ar- probre de cette journée, dont les malheurs rc-
mée romaine. On est pressé par les troupes fraî- tomberaient sur lui Malgré le refus, la défense de
ches des Volsques, et ceux qui avaient feint de mon collègue, j'ai mieux aimé, dit-il, m'associer
fuir recommencent le combat. Déjà ce n'était plus à la témérité de tous qu'à la sagesse d'un seul. Ca-
une retraite; le soldat romain, oubliant son ar- mille, quelle que soit votre fortune, y trouvera sa
deur récente et sa vieille gloire, avait tourné le gloire; moi, si le combat n'est rétabli (ce qui serait le
dos, fuyait à la course, et regagnait le camp en plus affreux malheur), outre ma part de l'infortune
déroute. Alors, Camille, placé sur un cheval par générale, je subirai seul toute la honte. » Ils ju-
ceux qui l'entourent, s'élance vers eux, et leur gèrent convenable, au milieu de ces lignes flot-

ne in prima acie esset que senis muma in bello sint, quit, milites, pugna, quam poposcitis? Quis homo, quit
iis se non defuturum.Id a diis immortalibus precari, ne deus est, quem accusare possilis? Vestra illa temeritas,
qui casus suum consilium laudabile efliciat.. Nec ab bo- vestra ignavia ha'c est. Secuti alium ducern, sequimiui
mioibus salutaris sententia, nec a diis tam piæ preces nunc Camillum; et, quod ductu meo soletii, ,incite.
auditæ sunt. Primam aciem auctor pugnae instruit, sub- Quid vallum et castra spectatis? neminem vestrum illa
sidia Camillus firmat, validamque stationem pro castris uiai victorem, recepturasunt. » Pudor primo tenuit et-
oppunit ipse edilo loeo spectator intentus in eventum fusos inde, ut circumagi signa, obvertique aciem vide-
alieui consilii conshtit. runt in hostem, et dui, præterquam quod tut insignis
XXIV. Simul primo concursu concrepuere arma triumphis, etiam ætate venerabilis, inter prio.d bigna,
hostie dolo, non melu pedem retulit. Lenis ab tergo cli- ubi plurimus labor periculumque erat, se offerebat, m-
vus erat iuter aciem et castra et quod mullitudo sup- crepare singuli se quisque et alios, et adhortatio in vicem
peditabat, aliquot validas cohortes in castris armatas totam alacri clamore pervasit aciem. Neque alter tribunus
instructasque reliquerant, quæ iuter commissum jam rei defuit sed ni issus a collega restituente peditum
certamen, ubi vnllu appropinquasset hostis, erumperent. aciem ad equites non castigando ( ad quam rem leviormu
Homanus, cedentem hostem effuse sequendo in locum auctorem eum culpæ societas fecerat), sed, ab imperio
iniquum pertractus, opportuuus huiceruptioni fuit. Ver- totus ad preces versus, orare singulos universosque, « ut
sus itaque in viclurem terror et novo hoste, et supina se, reum fortunæ ejus diei, crimine eximerent. Abonente
%aile Romanam m aciem. Instant Volsci récentes, ac probibentecollega, temeritatis me umnium potius so-
qui e castris impetum feceraot; integraut et illi pugnam, ciuiu, quam unius prudentiæ, dedi. Camillus in utraque
qui simulata cesserant fuga. Jam non reopiebat se Ro- vestra fortuna suam gloriam videt: ego, ni restitintur
manus miles, sed, immemor recenlis ferociæ veterisque pugna (quod miserrimum est ). fortunam cum oui us,
decoris, terga passim dabat, atque effuso cui-su castra infami.im solus sentiam.» Optimum visum est, iu du
lepelebat quum Camillus, subJectus a circumstantibus ctunntem aciem tradi equos, et pedestri pugna invadere
ioequum, et raptim subsidiis oppositis, «Hæc est, in- hostem. Euut insignes armis animsque, qua premi pute
tantes, de quitter leurs chevaux et d'attaquer à cès. Les prisonniers introduits dans le sénal il
pied l'ennemi. Aussi remarquablespar leur cou- fut décrété qu'on ferait la guerre aux Tuscu-
rage que par leur armure, ils vont partout où ils lans, et que Camille en serait cbargé il demanda
voient l'infanterie plus vivement pressée. Ni le qu'on lui donnât un aide pour cette entre-
cœur des chefs, ni celui des soldats ne faiblit un prise autorisé à choisir parmi ses collègues, il
moment dans cette lutte décisive. Aussi l'événe- choisit, contre l'attente de tous, L. Furius; mo-
ment se ressentit de cet effort de courage une dération par laquelle, tout en atténuant la honte
vraie déroute emporta les Volsques par le même de son collègue, il s'attira une immense gloire. On
ehemin qui avait vu leur fuite simulée un grand n'eut point à combattre les Tusculans par une
nombre périrent dans le combat et dans la fuite; le paix obstinée ils repoussèrent la vengeance de
reste dans le camp qui fut emporté du même choc; Rome, ce qu'ils n'auraient pu faire par leurs ar-
il y en eut cependant plus de pris que de tués. mes. Lorsqu'ils virent les Romains entrer sur
XXV. Comme dans le recensement des prison- leurs terres, ils ne quittèrent point les lieux voi-
niers on avait reconnu quelques Tusculans, on sins de la route, et ne cessèrent point de cultiver
les sépara des autres, et on les conduisit aux tri- leurs champs des portes ouvertes de la ville, une
buns interrogés, ils avouèrent que c'était de l'a- foule d'habitants en toges'avancerentà la rencon-
veu de leur nation qu'ils avaient pris du service. tre des généraux on apporta avec complaisance
Éprouvant une certaine crainte à la vue d'un en- au camp, de la ville et des campagnes, des vi-
nemi si voisin, Camille annonça a Qu'il allait aus- vres pour l'armée. Camille posa son camp en avant
sitôt mener lui-même ces prisonniers à Rome, afin des portes. Curieux de savoir s'il y avait dans la
que le sénat n'ignorât point que les Tusculans s'é- ville ces mêmes apparences de paix qu'on affectait
taient détachés de son alliance. Pendant ce temps, dans les campagnes, il entra il y trouva les mai-
son collègue, s'il y consentait, aurait seul le com- sons et les boutiques ouvertes, toutes les mar-
mandement du camp et de l'armée. o Un seul chandises exposées étalées comme à l'ordinaire,
jour avait appris à celui-ci à ne puint préférer son chaque ouvrier occupé à son travail dans les
opiniou à un meilleur avis toutefois ni lui ni écoles retentissaient les voix des adolescents qui
personne dans l'armée ne pouvait supposer que apprenaient leurs leçons; les rues étaient pleines
Camille montrât beaucoup d'indulgence pour une de peuple, principalement d'enfants et de fem-
faute qui avait jeté la republique en un si grand mes allant de côté et d'autre, chacun où l'appe-
péril; car, tant à Home qu'a l'armée c'était une laient ses habitudes et ses affaires; nulle part, rien
opinion généralement établie que, dans cette alter- qui ressemblât à de la peur, ou même à de l'étonne-
native du combat livrc aux Volsques, le reverset ment. Il regardait tout autour de lui, cherchant
la déroute devaient être imputés à L. Furius, et des yeux quelquessignes de guerre pas la moindre
qu'à M. Furius appartenait tout l'honneur du suc- trace d'un objet enlevé de sa place ou mis en vue

maxime peditum copias vident nihil neque apnd duces, Patres censuissent, Camilloque id bellum mandassent;
neque apud milites, remittitur a summo certamine animi. adjutorem sibi ad eam rem uuum petit permissoqije,
bcusit ergo eventus virtutis enisæ opem; et Volsci, qua ut ex collegis optaret, quem vellet, contra spem omnium
modo simulato metu cesserant, ea in veram fugam effusi, L. Furium optavit. Qua moderatione animi quum collegæ
magna pars et in ipso certamine, et post in fuga cæsi: levavit infamiam, tum sibi gloriam ingentem peperit. Nec
ceteri in castris, quæ capta eodem impetu sunt; plures fuit cum Tusculanis bellum; pace constanti vim Roma-
tamen capti, quam occisi. nam arcueruot, quam armis non polerant. Intrantibus
XXV. Ubi in recensendis captivis qunm Tusculani ali- fines romanis non demigralumex propinquis itineri locis,
quot noscitarentur, secreti ab aliis ad tribunos adducun- non cultus agrorum intermissus patentibus portisurbis,
tur, percunctantibusque fassi, publico consilio se mili- togati obviam frequentes imperatoribusprocessere: com-
tasse. Cujus tam vicini belli metu Camillus motus, « ex- meatus exercitui comites in castra ex urbe et ex agris
temple se Romam captivos ducturum, ait, ne Patres devehitur.Camillus, castrie ante p1rtas positis, eademne
ignari sint, Tusculanos ab societate descisse castris forma pacis quæ in agris ostentaretur, etiam intra mne-
exercituique interim, si videatur, præsit collega.» Do- nia esset, scire cupiens: ingressus urbem, ubi patentes
cumento unus dies fnerat, ne sua consiliamelioribus præ- januas, et tabernis apertis proposai omnia in medio vidit,
terret. Nec tamen aut ipsi, aut in exercitu cuiquam satis intentosque opifices suo quemque operi, et ludoi litera-
placato animo Camillus laturue culpam ejus videhatur, rum slrepere discentiumvocibus, ac repletas semilas,inter
qua data in tam pracipitem casum respublica esset, et vulgus aliud, puerorum et mulierum hue atque illue
quum in exercitu, tum Romæ constans omnium fama euntium, qna quemque suorum usuum causæ errent
erat, quum varia fortuna in Volscis gesta res esset ad- nihil usquam, non pavidis modo, sed ne mirantibus qui-
verte puguae fugæque in L. Furio culpam, secundæ dem eimile; circumspiciebat omnia, inquirene oculis,
deous onme pênes M. Furium esse. Introductis in se- ubinam bellum fuisset. Adeo nec amotæ rei usquam nec
natum captivis, quum bello persequendos Tusculanos oblatæ ad temps vestigium ullum erat: sed ita omma
à dessein mais partout une si constante et si nous vous prions de reporter la guerre partout
tranyuille paix qu'on eût pu croire que même un où on vous la fait. S'il nous faut éprouver dou-
simple bruit de guerre n'était pas arrivé jusque là. loureusement ce que peuvent contre nous vos ar-
XXVI. Vaincu par cette patience des ennemis mes, nous l'éprouverons désarmés. Telles sont nos
il fait convoquer leur sénat « Seuls jusqu'ici, intentions fassent les dieux immurtcls qu'elles
Tusculans, dit-il, vous avez trouvé les véritables nous soient aussi heureuses qu'elles sont pures.
armes les véritables forces pour vous défendre Quant aux griefs qui vous ont poussés à déclarer
contre la colère des Romains. Allez à Rome trouver la guerre, saus réfuter par des paroles ce qui est
le sénat; les sénateurs jugeront ce que vous avez détruit par les faits, nous pensons, toutefois, que,
mérité le plus, ou d'être punis d'abord, ou d'être fussent-ils récls, notre aveu, après un si éclatant
pardonnés maintenant pour moi je ne puis pré- repentir, serait sans danger. On peut vous outra-
venir une faveur qui doit être un bienfait public; ger tant que vous serez dignes de semblables sa.
c'est assez que je vous laisse la liberté de la solli- tisfactions.» Tel fut à peu près le laugage des Tus-
citer; le sénat fera à vos prières l'accueil qu'il ju- culans. Ils obtinrent d'abord la paix, et peu de
gera convenable. 9 Les Tusculans vinrent à Rome; temps après, le droit de cité. Les légions furent
et, quand on vit arriver tristement dans le vesti- ramenées de Tusculnm.
bule de la curie le sénat d'un peuple naguère XXVII. Camille, qui s'était encore illustré par
notre allié fidèle, les sénateurs romains s'attendri- sa prudence et sa valeur dans la guerre volsque,
rent, et les firent appeler avec des paroles hospi- par son bonheur dans l'expédition de Tusculum
talières plutôt qu'hostiles. Le dictateur tusculan et dans l'une et l'autre par sa patience et sa mo-
parla en ces termes « Vous nous avez déclaré et dération singulière envers son collègue, sortit de
porté la guerre, Pères conscrits, et tels vous nous magistratures. On créa tribuns militaires, pour
voyez paraître aujourd'hui dans le vestibule de l'année suivante, L. et P. Valérius Lucius pour la
voire curie, tels et avec ces armes et dans cet ap- cinquième fois, Publius pour la troisième, C. Ser-
pareil nous sommes sortis à la rencontre de vos gius pour la troisième également L. Ménénius
généraux et de vos légions. Voilà quelle a été et pour la seconde, Sp. Papirius et Ser. Cornelius
quelle sera toujours notre conduite et celle de no- Maluginensis.Cette année eut aussi besoin de cen-
tre e peuple, à moins qu'un jour nous ne recevions seurs, à cause de bruits vagues qui couraient con-
des armes de vous et pour vous. Nous rendons cernant les dettes, charge dont l'odieux était
grâces à vos généraux et à vos armées de ce encore exagère par les tribuns du peuple, et d'au-
qu'ils en ont cru leurs yeux plutôt que leurs oreil- tre part, atténué par ceux qui avaient intérêt 1a
les, et que, là où ils n'ont rien vu d'hostile, attribuer les embarras des débiteurs à leur mau-
ils n'ont point commis d'hostilités. Nous implo- vaise foi plutôt qu'à l'état de leur fortune. On
rons de vous la paix que nous avons observée et créa censeurs C. Sulpicius Camérinus, Sp. Postu-

constanti tranquilla pace, ut eo vit fama belli perlata vi- vobis petimus; belluin eo, sicubi est, avertatis, preca-
deri posset. mur. In nos quid arma pollcaut vestra, si patiendo expe-
XXVI. Viclus igitur patientia hostium, senatum eorum riundum est, inermes experiemur.Hæc mens nnstrn est;
vorai-i lussit.. Sol adhuc, inquit, Tusculaui, vera arma dii immortales faciant, tam felix, quam pia. Quod ad
verasque vires, quibus ab ira liumauurum vestra tutare- crimina attiuet, quibus moti bellum indixistis, ttsi re-
mini, inveuistis. Ite liomam ad senatum; æstimabunt victa rébus verbis coufutare nibil attinet, tamen, etiamsi
Patres, utrum plus ante pœnæ, an Dune veniæ meriti vera sint, vel fateri nobis ea, quum tam evidenter pmni-
sitis. Non præciptam graliam publici beneficii. Depre- tuerit, tutum censemus. Pccceturin vos, dum digni sitis,
candi potestatem a me habueritis; precibus eveutum ve- quibus ita satisfiant. » Tantum fere verborum ab Tuscu-
stris senatus, quem videbitur, dabit.. Postquam Romam lanis factum. Pucem in præsentia, nec ita multo post ci-
Tusculani veoeruat, senatusque paullo ante fidelium so- vitalem etiam, impetraverunt; ab Tusculo legiones re-
ciorum mœstus in vestihulo Curiæ est conspectus, moli ductæ.
e:lcmplo Patres, vocari cos jam tum hospitaliter magis, XXVII. Camillus consilio et virtute in Volsco bello,
quam hostiliter, jussere. Dictator Tusculanus ita verba felicilate in Tusculana expeditione, utrobique singulari
fecit: « Quibus bellum indixistis, intulistisque Patres adversus collegam patientia et moderatione insignis, ma-
conscripti, sicut nunc videtis nos stantes in vestibulo Cu- gistratu abiit; creatis tribunis militaribusin insequeutem
rire vestrw, ita armati paratique obviam imperatoribus annum, L. et P. Valeriis, Lucio quintum, Publio ter-
legionibusque vestris proressimus. Ilic nosler, bic plebis tium, et C. Sergio tertium, 1.. Menenio secundum,
nostræ habitus fuit, eritque semper, nisi si quando a vobii, Sp. Papirio Ser. Cornelio Maluginense. Censoribus
proque vobis, arma acceperimus. Gratias agimus et du- quoque eguit annus, maxime propter incertam famam
cibus vestris et exercitibus, quod oculis magis, quam æris alieui; aggravantibus summam etiam invidix ejus
auribus, crediderunt; et, ubi nibil hostile erat, ne ipsi tribuns plebis, quum ab iis elevaretur, quibus 6de magis,
quidem fecerunt. Pacem quam nos præstitimus, eam a quam fortuna, debentium labnrare crcdltum videri expe-
miust;égillensis. Ils étaicutdéjàentrésen fonctions qui lui appartient, ce qui appartient à autrui, s'il
quand la mort de Postumius, que le scrupule reli- lui reste un corps libre, ou s'il le doit aussi aux
gieux défendit de remplacer, vint interrompre fouets de ses tyrans. Le prix offert à la sédition
leurs travaux. En conséquence, Sulpicius abdiqua excita la sédition sur l'heure. Au moment où une
sa magistrature, et d'autres censeurs furent créés; foule de débiteurs venaient d'être condamnés, et
mais un vice dans leur élection les empêcha d'exer- où le sénat, au bruit des armements des Prénes-
cer. On n'osa point risquer une troisième élec- tins, venait de décréter l'enrôlement de nou-
tion; il semblait que les dieux ne voulussent point, velles légions, le peuple, secondé par les tri-
cette année, la censure. Les tribuns protestaient buns, s'opposa à ce que ces mesures eussent au-
que c'était là une véritable dérision. « Le sénat, cun effet. Les tribuns ne permettaient pas qu'on
disaient-ils, recule devant ces tables publiques, emmenât les citoyens condamnés, et les jeunes
qui attesteraient le cens de chacun; il ne veut gens se refusaient à donner leurs noms. Pour le
point laisser voir cette masse de dettes qui prou- présent, ce qui inquiétait les sénateurs, ce n'était
verait qu'une partie des citoyens dévore l'autre pas tant l'exécution des jugements prononcés con-
et en attendant, le peuple obéré est livré à tous tre les débiteurs que la levée; car on annonçait
ses ennemis. On cherche la guerre de tous côtés déjà que l'ennemi, parti de Préneste, avait pris
indistinctement; on promène les léçions d'An- position sur le territoire de Gahies. Cependant
tium à Satricum, de Satricum à Vélitres, et de cette nouvelle même, loin d'effrayer les tribuns
là à Tusculum. Maintenant on menace des armes du peuple, n'avait fait que les animer encore
romaines, Latins, Herniques, Prénestins, et cela dans leur projet de résistance, et rien ne put étein-
plus en haine du citoyen que de l'ennemi, afin dre la sédition dans Rome, que la guerre, quand
d'écraser le peuple sous les armes, sans lui per- elle arriva, pour ainsi dire, au pied de ses murs.
mettre de respirer à la ville, sans lui laisser le loi- XXVIII. En effet, quand les Prénestins appri-
sir de songer à la liberté, d'assister aux assem- rent qu'on n'avait point levé d'armée à Rome,
blées publiques, où il entendrait de temps à au- ni désigné de général, que les patriciens et le
tre la voix tribunitienne réclamant un soulage- peuple étaient en lutte, leurs chefs, profitant de
ment à tant de charges, un terme à tant d'injus- l'occasion, emmènent des troupes à la hâte, ra-
tices de toute sorte. Que si le peuple se souvient vagent en passant la campagne et portent leurs
de la liberté des ancêtres, il ne souffrira pas enseignes jusqu'auprès de la porte Colline. Grande
qu'on adjuge un citoyen pour de l'argent prêté; fut l'épouvante dans Rome on crie aux ar-
ni qu'on fasse une levée avant de s'être occupé mes on court sur les remparts et aux portes;
des dettes, avant d'avoir avisé aux moyens de enfin on abandonne la sédition pour la guerre, et
les réduire, avant que chacun sache bien ce l'on nomme dictateur T. Quinctius Cincinnatus.

diebat. Creati censores C. Sulpicius Camerinus, Sp. ejus, sciat unosquisque,quid sui, quid alieni sit: super-
Postumius Reltilleoaia cœptaque jam res morte Postu- ait sibi liberum corpus, an id quoque nervo debeatur.
mii, quia col egam suffici censori religio erat interpel- Merces seditionis proposila confestim seditionem excita-
lata est. Igitur quum Sulpicius abdicasaet se magistratu, vit, Dam et addicebanturniulti, et ad Prænestini famam
censures alii, vitio creati, non gesserunt magistratum. belli novas legiones scribendas Pdlres censuerant; qua'
Tertioscreari, velut diis non accipientibusin eum annum utraque simul aunlio tribunicio et cousensu plebis impe-
ceusuram, religiosum fuit. Eam vero ludificationem ple- diri cœpta. Nam neque duci addictos trihuni sinebant,
bis tribuni ferendam negabaot.. Fugere senatum testes, neque juniores uomina dabant. Quum Patribus minor
tabulas publicas, ceusus cujusque, quia nolint conspici præsens cura creditæ pecuniæ juris exsequendi, quam
summam æris alieui quia indicaturasit, demersam par- delectus, esset; quippe jam a Præneste profeclos hostes
tem a parte cm tatis quum interim obæratam plebom in agro Gabino coosedisse nunliahalur. Intérim tribunos
objectari aliis atqtie aliis hostibus. Passim jam sine ullo plebis rama ea ipsa irritaverat magis ad susceptum cer-
discrimine be la quæri. Ab Autio Sdtricum, ab Satrico tamen, quam deterruerat: neque aliud ad sedilionem
Vctitras, inde Tusculum legiones ductas. Latiuis, Her. eistinguendam in urbe, quam prope illatum mœuibus
nicis, Prænesinis jam iutentari arma; civium nmgis ipsis bellum, valuit.
quam hostium odio; ut in armis teraut plebem, nec res- XXVIII. Nam quum esset Prænestinisnuntiatum, nul-
pirare in urbe, aut per otium libertatis meminisse sinant, lum exercituin conscriptum Romæ, nullum ducem cer-
aut consistere in concione,ubi aliquando audiant vocem tum esse, Patres ac plehem in semetipsos versus occasio-
tribuniciam, de levan Jo fenore et fine aliarum iujuria- nem rati duces eorum, raptim agmine acto, pervastatis
rum agentem. Quod si sit animus plebi memor patrum protmus agris, ad portam Collinamsigna intulere. Ingens
hber ats, se uec addici quemquam cmem rumauum ob in urbe trepidatio fuit. Conclamatum ad arma, concur-
creditam pecumam passuros, neque delectum haberi; sumque in muros atque portas est tandemque, ab sedi-
donec inspecto ære alieuo, initique ratione minuendi tione ad bellum versi. dictalorem T. Quinctium Cincm-
Celui-ci nomma A. Scmpronius Atratinus maître pas un ne pût porter chez eux la nouvelle de leurs
de la cavalerie. A cette nouvelle ( tant cette ma- succès et de leurs revers. n
gistrature était redoutée), les ennemis s'éloignè- XXIX. C'est dans ces sentiments que lesdeux ar-
rent des murailles, et la jeunesse romaine se sou- mées se trouvèrent en présence sur les bords de
mit à l'édit sans résistance. Tandis qu'on lève une l'Allia. Quand le dictateur romain se vit en face de
armée à Rome, l'ennemi va placer son camp non l'ennemi rangé et prêt à combattre 1 Ne vois-tu
loin du fleuve Allia de là il dévaste au loin la cam- pas, A. Sempronius, dit-il, qu'ils ont compté
pagne, se vantant « De s'être porté dans un lieu sur la fortune de ce lieu en prenant position sur
fatal à la république romaine, et qu'il allait y l'Allia? Puissent les dieux immortels ne leur avoir
être témoin de la même terreur, de la même dé- point donné de plus sûr gage de confiance ni de
route que dans la guerre des Gaulois. En effet, si secours meilleur 1 Pour toi, qui comptes sur tes
le jour seul d'Allia est pour les Romains un sujet armes et ton courage, mets-loi à la této de tes
de crainte, jusque là qu'ils l'ont frappé d'un inter- cavaliers, et lance-les au milieu de l'armée enne-
dit religieux, et marqué du nom de ce lieu; com- mie moi, avec les légions, je porterai nos en-
bien plus encore doivent-ils redouter l'Allia lui- seignes contre leurs lignes troublées et éperdues.
même, qui rappelle un si grand désastre? Là sans Venez-nous en aide, dieux témoins des serments 1
doute ils croiront voir les visages farouches, ils Venez punir comme ils le méritent ceux qui vous
croiront entendre la voix terrible des Gaulois. » ont outragés et qui se sont placés sous votre pro-
Tirant de ces choses vaines de vaines pensées, ils tection pour nous trahir 1 Les Prénestins ne ré-
avaient commis leurs espérances à la fortune de sistèrent ni aux cavaliers, ni aux fantassins: au
ce lieu. Les Romains, de leur côté « Partout où premier choc, au premier cri, leurs rangs furent
ils trouvent un ennemi lalin, ils savent assez que rompus; puis, leurs troupes ne pouvant tenir sur
c'est le même qu'ils ont vaincu au lac Régille, et aucun point, ils tournent le dos. Culbutés, dis-
tenu dans la paix et dans l'oppression pendant persés et emportés par la frayeur au-delà de leur
cent aus. Ce lieu qui leur rappelle un désastre, camp, ils ne suspendirent leur course qu'en vue
les animera à détruire la mémoire de leur honte, de Préueste. Là, ces fuyards se rallient, et s'em-
loin de leur faire craindre qu'il y ait une terre parent d'une position qu'ils fortifient à la hâte ils
où le destin leur ait interdit la victoire. Bien plus, avaient craint que s'ils se réfugiaient dans leurs
si les Gaulois eux-mêmes se présentaient de nou- murs, on ne brûlât aussitôt leurs campagnes, et
veau en ce lieu, les Romainscombattraientcomme qu'après une entière dévastation on ne mit le siège
ils ont combattu à Rome pour reconquérir leur devant la ville. Mais lorsque, après avoir pillé
patrie, et comme, le jour suivant, à Gabies, où leur camp sur l'Allia, le romain vainqueur appa-
ils ont obtenu par leurs efforts que, de tant d'en- rut, ils abandonnèrent aussi ce retranchement,
nemis qui avaient pénétré dans les murs de Rome, et se croyant à peine en sûreté derrière leurs rem-

natum creavere. Is magistrum equitum A. Sempronium quum effecerint, ne quis hostis, qui mœnia Romana in-
Atratinum dixit. Quod ubi auditom est (tantus ejus magi- trasset, nuntium secundæ adversteque fortunæ domum
stratus terror erat), simul hostes a mœnibusrecessere, et perferret. »
juniores Romani ad edictum sine retractationeconvenere. XXIX. His utrimque animis ad Alliam ventum est.
Dum conscribitur Romæ exercitus, castra intérim bo- Dictator Romanus, postquam in conspectu bostes erant
stium baud procul Allia flumine posita: inde agrum late instructl intentique,« Videsne tu, inquit, A Semproni,
populantes,« fatalem se nrbi Romanat locum cepisse, loci fortuna illos fretos ad Alliam constitisse? hec illis dii
inter se jactabant « Similem pavorem inde ac fugam immortales certioris quicquam fiduciæ, rnajorisve quod
fore, ac belloGallico fuerit. Etenim, si diem, cootactum ait auxilii, dederint! At, tu, fretus armis animisque, con-
religiooe, insignemque nomine ejus loci, timeant Ro- citatis equis invade mediam aciem ego cum legionibus
mani, quanto magis Alliensi die Alliam ipsam, monu- in turbatos trepidantesque inferam signa. Adeste, dii tes-
mentum tantae cladis, reformidaturos!Species profecto tes r..ederis et expetite pœnas, debitas simul vobis viola-
his ihl truces Gallorum sonumque vocis in oculu atque tis, nobisque per vestrum numen deceptis. Non equitem,
in auribus fore. Has inanium rerum inanes ipsas vol- non peditem sustinuere Pra'nestini primo impetu ac
ventes cogitationes fortunæ loci delegaverant spes suas. clamore dissipati ordine sunt. Dein, postquam nulio loco
Romani contra, « Ubieunqueesset Latinus hostis, satis constabat acies, terga vertunt; consternatique,et præter
sore. eum esse, quem, ad Regillum lacum devictum, castra etiam sua pavore prælati, non prius se ab effuso
centum annorum pace ohnoxia teuuerint. Locum insig- cursu sistunt, quam in conspectu Præneste fuit. Ibi ex
nem memoria cladis, irritaturum se potius ad deleudam fuga dissipati, locum, quem tumultuario opere commu-
memoriam dedecoris, quam ut timorem faciat, ne qua nirent, capiunt ne, si intra mœnia se recepissent, ei-
terra sit nefasta Victoriæ sua'. Quin ipsi sibi Galli si of- templo ureretur ager, depopulatisque omnibus obsidio
ferantur illo loco, se ita pugnaturos, ut Romæ pugnave- urbi inferretur. Sed postquam, direptis ad Alllam
riut in repetenda patria, ut postero die ad Gabros; tuue, castris, Victor romanus aderat, id quoque munimentum
parts, ils se renferment dans la ville de Préneste. envoyèrent des cohortes au fourrage; sur un faox
Outre cette ville, il yen avait huit autres sous la bruit qu'elles étaient enveloppées, ils marchèrent
domination des Prénestins on y porta la guerre à la hâte à leur secours, sans même avoir le soin
tour à tour; on les prit sans beaucoup de peine, de retenir l'auteur de la nouvelle, lequel était un
et ensuite on mena l'armée à Vélitres. Cette place ennemi latin qui s'était donné à eux pour soldat
fut également emportée, et alors on revint à Pré- romain et eux-mêmes tombèrent dans une em-
neste, l'objet principal de cette guerre. On n'eut buscade. Là, tandis qu'ils se maintiennentsur un
pas besoin d'employer la force; la ville capitula. terrain désavantageux, par le seul courage des
T. Quinctius, après avoir remporté la victoire soldats qui se font tuer et qui tuent, ailleurs, le
dans une bataille rangée, pris deux camps en- camp romain, assis dans la plaine, est emporté
nemis, forcé neuf villes, et reçu Préneste à com- par l'ennemi. D'un côté comme de l'autre les in-
position, rentra dans Rome. 11 triompha, et porta térêts de la république furent trahis par l'impru-
au Capitole une statue de Jupiter Imperator, en- dence et l'inhabilité des généraux tout ce qui
levée de Préneste. EIIR fut consacrée entre la cha- put survivre de la fortune du peuple romain ne
pelle de Jiipiler et celle de Minerve; et au-des- fut sauvé que par la valeur du soldat qui tint
sous fut scellée une tablette, monument de ses ferme, même sans chef. Dès que cet événements
exploits, avec une inscription conçue à peu près furent connus à Rome, on voulut d'abord nom-
en ces termes a Jupiter et tous les dieux ont mer un dictateur; mais comme on apprit que les
donné à T. Quinclius, dictateur, de prendre neuf Volsques demeuraienttranquilles, et qu'il ne pa-
villes. a Vingt jours après son élection, il abdiqua rut pas qu'ils dussent profiter ni de la victoire, ni
la dictature. de l'occasion, on rappela l'armée et les généraux.
XXX. On tint ensuite les comices pour l'élection On fut alors en repos, au moins du côté des Vols-
des tribuns militaires, avec puissancede consuls: ques car il y eut à la fin de l'année quelque alarme
il en sortit un nombre égal de patriciens et de par suite d'une insurrection des Prénestins et des
plébéiens. Les patriciens nommés furent P. et peuplades latines qu'ils avaient soulevées. Lami;me
C. Manlius, avec L. Julins le peuple donna année on enrôla de nouveaux colons pour Sétia
C. Sextilius, M. Albinius, L. Antistius. Les Man- qui se plaignait elle-même de manquer d'ha-
lius, qui l'emportaient en naissance sur les plé- bitanls. Au milieu des malheureuses chances de la
béieus et en crédit sur Julius, furent, sans que guerre, on eut pourconsolation la paix domestique,
l'on eût consulté le sort, et sans examen préalable, conquête des tribuns militaires plébéiens, due au
exlraordinairement chargés de la campagne con- crédit et à l'ascendantqu'ils avaient sur leurordre.
tre les Volsques ce dont bientôt eux-mêmes et les XXXI. Le commencement de l'année suivante
sénateurs, qui leur avaient confié cette charge fut marqué par une violente sédition qui s'al-
se repentirent. Avant d'avoir reconnu le pays, ils luma sous les tribuns militaires avec puissance

relictum, et, vii mœnia tuta rati, oppido se Pæneste Patres, quidederant, pœnituit.Inexploratu pabulatum co-
includunt. Octo præterea oppida erant sub ditioue Præ- hortes misere. Quibus velut circumveutis,quum id falso
nestinorum. Ad ea circumlatum bellum deincepsque, nuuliatumesset, dum, præsidio ut esseut, cilati ferun-
haud magno certaminecaptis, Velitras exercitus ductus. tur, neauctore quidem asservato, qui eos, hosiis Latinus
Ea* quoque expugnalas tum ad caput belli Pra'neste ven- pro mihte Romano, frustratus erat, ipsi in insidias præ-
tum. Id non vi, sed per deditionem, receptum est. cipitavere. Ibi dum iniquo loco sola virtute militum res-
T. Quinctius, semel acie victor, binis castris bostiurn, tantes cæduntur cæduntque, castra intérim Romans,
novem oppidis vi captis, Præneste in dedilionem accepto, jacentia in campo, ab altera parte hostesinvasere. Ab du-
Romam revertit triumphansquesigoum, Præneste de- cibus utrobique proditæ temeritate atque inscitia res.
vectum, Jovis Imperatoris in Capitolium tulit. Dedicatum Quidquid supcrluit fortunæ populi Romani, id militum
est inter cellam Jovis ac Minervæ; tabulaque sub eo fixa, etiam siue rectore stabilis virtus tutata est. Quæ ubi Ro-
monuinentum rerum gestarum, bis ferme iucisa literis fuit: mam sunt relata, primum dictalorem dici placebat deiode,
Jupiter atque divi omnes hoc dederunt. ut T. Quin- postquam quielae resex Volscis afferebantur,et apparuit,
ctius dictator oppida novem caperet.. Die vicesinio, nescire eos victoria et tempore uti revocati etiam iode
quam creatus erat, dictatura se abdicavit. exercitus ac duces otiumque inde, quautum a Volscis,
XXX. Comitia inde habita tribunorum militum coosu- fuit. Id modo extremo auno tumultuatum, quod Pra'nes-
lari potestate; quibus æquatus patriciorum plebeiorum- tini concitatis Latinorum populis rebellarunt. Eodem
que numerus. Ex Patribus creati P. et C. Manlii, cum anno Setiam, ipsis querentibus penuriam hominum,novi
L. Julio plebes C. Sextilium, M. Albinium, L. Antis- coloni ascripti. Rebusque haud prosperis lwllo, domestica
tium dedit. Manlus, quod genere plebeios, gratia Julium quies, quam tribunurum mihtum ex plebe gratia majes-
anteibant. Volsci proviucia, sine sorte, sine compara- lasque inter suos obtinuit, solatium fuit.
hune, extra ordinrm data cujus et ipsos post modo, et XXXI. Insequent s anni principa statim seditione ln-
de consuls, Sp. Furius, Q. Servilius, élu pour la mée, avaient borné leur incursion aux extrémités
seconde fois; C. Licinius, P. Clélius, M. Horatius, du territoire le Romain, au contraire, qui vou-
L. Géganius. L'objet et la cause de cette sédition lait attirer l'ennemi au combat, avait intérêt à
c'étaient les dettes Sp. Servilius Priscus et Q. séjourner sur ses terres. Aussi on brûla toutes les
Clélius Siculus, nommés censeurs pour en connaî- habitations éparses des campagnes, et même quel-
tre, furent arrêtes dans leur travail par la guerre. ques villages; on ne laissa ni un arbre fruitier,
Des messages alarmants d'abord et ensuite des ni les semis qui pouvaient promettre une moisson;
fuyards de la campagne annoncèrent que les lé- on emporta tout un butin d'hommes et de bes-
gions des Volsques avaient envahi les frontières tiaux trouvés hors des murs après quoi les deux
et dévastaient en tous sens le territoire romain. armées furent ramenées à Rome.
Dans cette situation critique, loin que la ter- XXXII. Après un court délai accordé aux débi-
reur du dehors comprimât les luttes intestines, teurs pour respirer, lorsque l'on fut une fois tran-
la puissance tribunitienne ne s'opposa qu'avec quille du côté de l'ennemi, on recommença vive-
plus de violence aux enrôlements: il fallut que le ment à les poursuivre, et loin d'avoir à attendre
sénat consentit à ce que la perception du tribut quelque diminution de leurs anciennes dettes, ils
et les poursuites contre les débiteurs fussent sus- durent en contracter de nouvelles, à cause d'un
pendues pendant toute la durée de la guerre. tribut imposé pour la construction en pierres de
Quand ce répit eut été gagné au peuple, aucun taille d'un mur désigné par les censeurs le peu-
empêchement ne fut plus mis aux levées. Des lé- ple fut contraint de subir cette charge ses tri-
gions récemment enrôlées on trouva bon de for- buns n'ayant point d'enrôlementà combattre.Bien
mer deux armées, et de les diriger séparément plus, vaincu par l'influence des principaux ci-
sur le territoire volsque. Sp. Furius et M. Ilora- toyens, il ne nomma pour tribuns militaires que
tius marchent à droite, vers la côte maritime, sur des patriciens, L. Émilins, P. Valérius, pour la
Antium; Q. Servilius et L. Géganius à gauche, quatrième fois; C. Véturius, Ser. Sulpicius, L. et
vers les montagnes, sur Ecetra. Ni l'un ni l'au- C. Quinctius Cincinnatus. Par la même influence,
tre ne rencontrèrent l'ennemi. En conséquence pour repousser les Latins et les Volsqucs, dont les
commença le pillage; mais ce ne fut pas un légions réunies étaient campéesprès de Satricum,
brigandage sans ordre et à la conrse, comme on parvint à faire prêter serment sans obstacle à
le pillage des Volsques, qu'encourageaient les toute la jeunesse et à lever trois armées l'une de-
discordes de l'ennemi et qu'effrayaient sa valeur; vait garder la ville; une autre devait, en cas d'a-
ce fut la juste vengeance d'une armée justement lerte, marcher contre les premiers mouvements
irritée, vengeance rendue plus terrible encore par qui surv iendraient décote ou d'autre la troisième,
sa durée. En effet, les Volsques, qui craignaient de beaucoup la plus forte, partit pour Satricum,
à chaque iastant de voir sortir de Rome une ar- sous le commandement de P. Valérius et L. Émi-

genli arscre, tribunis mititum consulari potestateSp. Fu- intérim exercitusab Roma exiret, incursiones in extrema
rio, Q. Servilio secundum, C. Licinio, P. Clmlio finium factx eraut romano contra etiam in hostico mo-
M. Horatio, L. Geganio. Erat autem et materia et causa randi causa erat, ut hostem ad certamen eliceret. Itaque
seditiouis tes alienum: ejus noscendi gratia Sp. Servilius omnibus passim lectis agrorum, vicisque etiam quibus-
Priscus, Q. Clœlius Siculus censores facti ne rem age- dam exustis, non arbore frugifera, non satis in spem
rent, bello impediti sunt. Plamque trepidi nnulii primo, frugum relictis, omni, quae extra mœnia fuit, hominum
fuga deinde ex agris, legionesVolscorumingressus fines, pecudumque præda abacta, Romam utrimque exercitus
popularique passim romanum agrum attulere. In qua reducti.
trepidatione tantum abfuit, ut civilia certamina terror XXXII. Parvo intervalle ad respirandum debitoribus
externus cohiberet, ut contra eo violentior potestas tri- dalo postquam quiete res ab hostibus erant, colebrari
bunicia impediendo delectui esset: donec conditiones im- de integro jurisdictio; et tantum abesse spes vete: le-
posila; Patribus, ne quis, quoad bellatum esset, tributum vandi fenoris, ut tributo novum tenus coutraheretur in
daret, aut jus de pecunia credita diceret. Eo laxamento murum, a censoribus locatum saxo quadrato faciundum;
plebi sumpto, mora delectui non est facta. Legionibus cui succumbere oneri coacta plcbes quia qnem delectum
novis scriptis, placuit, duos exercitus in agrum Volscum impedirent, non habebant tribuni plebis. Tribunos eliam
legionibus divisis duci. Sp. Furius, M. Itoralius dextror- nulitares patricios omnes, coacta principum opibus, fecit,
sus maritimam oram atque Antium, Q. Servilius et L. Æmilium, P. Valerium quartum, C. Veturium ber.
L. Geganius læva ad montes Ecetram pergunt. Neutra Sulpicium,L. et C. Quiuctios Cincinuatos. Iisdem opi-
parle hostis ohvins fmt. Populalioitaque non illi vagm si- bus obtinuere, ut advenus Latinos Volscosyue, qui cou-
milis, quam Volscus latrocinii more discordiæ hostium junctis legionibus ad Satricum castra hahebant, nullo
freins, et virtutem metuens, per trepidationem raptim iinpediente omnibus junioribus sacramento addctis,tres
tecerat, sed ab jnsto exercitu justa ira facta spatio quu- exercitus scriberent: unum ad præsidium urbis,allerum,
que temporis gravmr. Quippe a Volscis, timentibus, ne qui, si qm iilibi motus exstitisset, ad subita belli mtti
lius. Là, comme on trouva l'armée ennemie ran- réduits par la guerre dans laquelle ils étaient nés
gée dans la plaine, on attaqua sur-le-champ; mais et avaient vieilli aspiraient à se rendre; les La-
au moment où l'on avait sinon la victoire du tins, reposés par uue longue paix, étaient pous-
moins bon espoir do vaincre, une pluie qui sés par la première ardeur d'une défection ré-
tomba à flots vint mettre fin au combat. Le leu- cente à persévérer opiniâtrement dans la guerre
demain, on recommença. Pendantquelque temps, cette lutte cessa quand chacun eut reconnu qu'il
les légions latines surtout, qu'une longue alliance n'étaitau pouvoir d'aucun des deux peuples d'em-
avait formées aux leçons de la milice romaine, se pêcher l'autre de poursuivre ses desseins. Les La-
maintinrent avec une valeur et une chance égales; tins se retirèrent et s'affranchirentde la solidarité
mais la cavalerie ayant chargé, jeta le désordre d'une paix qui leur semblait déshonorante; les
dans leurs rangs; l'infanterie en profita et porta Antiates, délivrés de ces incommodes arbitres de
en avant ses enseignes autant l'armée romaine leurs projets pacifiques, remirent leur ville et leurs
gagnait de terrain, autant en perdait t ennemi terres aux Romains. Alors les Latins éclatèrent;
et dès que la ligne de bataille plia, rien ne put furieux, pleins de rage de ce qu'ils n'avaient pu
résister à la valeur romaine. Mis en déroute, les ni causer du tort aux Romains par la gucrre, ni
ennemis coururent non vers leur camp, mais vers retenir les Volsques sous les armes, ils mirent à
Satricum, à deux milles de là; ils furent taillés feu la ville de Satricum, leur premier asile dans
en pièces, principalement par la cavalerie; le leur déroute, et de toute celte ville, où leurs tor-
camp fut pris et pillé. La nuit suivante, ils quit- ches n'épargnèrent pas plus les lieux sacrés que
tèrent Satricum, et, d'une marche qui ressemblait les lieux profanes, il ne reste que le temple de Ma-
à une fuite, se dirigèrent sur Antium. L'armée tuta Mère. Et même, ce ne fut, dit-on, ni leurs
romaine suivit de près leurs traces mais la scrupules religieux, ni leur respect des dieux
peur fut plus agile que la colère, et les ennemis qui les arrêtèrent, mais bien une voix formida-
entrèrent dans la ville avant que le Romain pût ble sortie du temple avec de fatales menaces, s'ils
harceler ou retarder leur arrière-garde. Quel- ne portaient leurs feux impies loin du sanctuaire.
ques jours furent employés à ravager la cam- Le même transport de fureur les porta sur Tuscu-
pagne, les Romains n'ayant point l'appareil né- lum dont ils voulaient châtier les habitants, qui,
cessaire pour l'assaut des murailles, et l'ennemi après avoir abandonné la ligue commune du La-
n'élant pas en force pour tenter les chances d'un tium, s'étaient faits non-seulement alliés, mais
combat. citoyens de Rome. Tombant à l'improviste sur la
XXXIII. Sur ces entrefaites, une querelle s'é- ville, dont les portes étaient ouvertes, ils s'en em-
leva entre les Antiates et les Latins les Antiates, parèrent au premier cri toutefois ils ne prirent
vaincus par les maux qu'ils avaient soufferts, et point la citadelle où les Tusculans s'étaient réfu-

posset; tertium longe validissimam P. Valerius et L. Æ- nati erant, et consenuerant, deditionem spectarent; La-
milius ad Satricumduxere. Ubi quum aciem instructam tinos e1 diutina pace nova defectio recentibus adhuc aoi-
hostium loco oequo invenissent, extemplo pugnatum et, mis ferociores ad perseverandum in bello faceret. Finis
ut nondum satis claram victoriam aic prosperæapei pug- certaminis fuit, postquam utrisque apparuit, nibil per
nam imber ingentibus procellis fusus diremit. Postero die alteroa stare, quo minus incepta persequerentur. Latini
iterata pugna et aliquamdiu æqua virtute fortunaque profecti, a societate pacis, ut rebantur, inhonesta?, sese
Latioae maxime legiones, longa societate railitiam Roma- vindicaverunt.Antiates, incommodis arbitris salutarium
nam edoctæ, restabant. Eques immissus ordines turbavit; consiliorum remotis, urbem agrosque romanis dedunt.
turbatis signa peditum illata quantumque Romana se Ira et rabies Latinorum, quia nec Romanosbello la'dere,
invexit acies, tantum hostes gradu demoti; et ut semel nec Volscos in armis retinere polueraut, eo erupit, utSa-
inclinavit pugna, jani intolerabilis Romana vis erat. Fusi tricum urbem, quæ receptaculum primum iis adversæ
hostes quum Satricum, quod duo millia inde aberat, non pugnæ fuerat, igni concremarent: nec aliud tectum ejus
castra, peterent, ab equitatu maxime ce'si castra capta superfuit urbis, quum faces pariter sacris profauisque
direptaque. Ab Satrico nocte, quae prœlio proxima fuit, injicerent, quarn Matris ·latuta' templum. Inde eos nec
fuga? simili agmine petuut Antium et quum romanus sua religin, nec verecundia deum arcuisse dicitur, sed
exercitus prope vestigiis sequeretur, plus lamen timor, vox horrenda, édita lemplo cum tristibus minis, ni ne-
quam ira, celeritatis habuit. Prius Itaque mœnia mtravere fandos igues procul delubris amovissent. Incensos ea ra-
hostes, quam Romanus exlrema agmmis capere aut mo- bie impetus Tusculum tuht, obiram, quod, deserto com-
rari posset. Inde aliquot dies vastando agro ahsumpti, muni concilio Latinorum, non in societatem modo Ro-
nec Romanis satis instruc is apparatu bellico ad mœnia manam, sed etiam in civitatem, se dedissent. Patentibus
aggredienda, nec illis ad subeundum pugnæ casum. portis quum improviso incidisseut, primo clamore oppi-
XXXIII. Seditio tum inter Autiates Latinosque coorta; dum prater arcem captum est. lu arcem oppidani refu-
quum Auha'es, wcti malis subacliquc bello, in quo et gere cum conjugibus tic liberis, nuntiosque Romain, qui
giés avec leurs femmes et leurs enfants, et d'où dehors, dans la ville croissait chaque jour la vio
ils avaient envoyé des messages à Rome pour in- lence des patriciens et les misères du peuple; car,
struire le sénat de leur détresse. Avec cette dili- en voulant le contraindre à payer ses dettes, on
gence que la foi du peuple romain considérait lui était tout pouvoir de se libérer. Aussi, une
comme un devoir, une armée partit pour Tuscu- fois leur patrimoine épuisé, ce fut par leur honneur
lum elle était conduite par L. Quinctius et Ser. et par leur corps que les débiteurs, condamnés et
Sulpicius, tribuns militaires. Ils voient les portes adjugés, satisfirent leurs créanciers, et leur sup-
de Tusculum fermées, et les Latins, devenus en plice acquittaitleur parole. Par suite, les plébéiens,
même temps assiégeants et assiégés, défendre d'un non-seulement les plus humbles, mais les princi-
côté les remparts de la ville, de l'autre, attaquer paux d'entre le peuple, étaient devenus tellement
la citadelle; effrayer et trembler tout ensemble. soumis, que loin de disputer aux patriciens le tri-
L'arrivée des Romainsavait changé les dispositions bunat militaire, pour lequel ils avaient tant lutté
de l'un et de l'autre parti. Les Tusculans avaient autrefois, ils ne cherchaientpas même à solliciter
passé d'une grande terreur à la plus vive allé- ou à prendre en main les magistraturesplébéien-
gresse et les Latins, après avoir compté ferme- nes il n'y en avait pas un qui fût assez hardi, assez
ment qu'ils prendraient bientôt la citadelle, entreprenant pour se risquer jusque-là, et la pos-
comme ils avaient pris la ville, commençaient à session d'une dignité que le peuple n'avait eue à
n'avoir plus qu'un faible espoir de se sauver. Au lui que quelques années semblait à jamais recou-
cri poussé de la citadelle par les Tusculans, l'ar- vréepar les patriciens.Mais, pourquece corps n'en
mée romaine répond par un cri plus terrible en- conçût pas trop de joie, il survint un léger inci-
core. Les Latins sont pressés des deux côtés ils dent qui comme d'ordinaire, amena les événe-
ne peuvent ni sonteuir l'élan des Tusculans qui se ments les plus graves. M. Fabius Ambustus, per-
précipitent des hauteurs de la citadclle, ni repous- sonnage influent parmi les hommes de son ordre,
ser les Romainsqui montent aux remparts et tra- et même parmi le peuple, qui savait n'être pas
vaillent à abattre les barricades des portes. Les méprisé de lui, avait marié l'ainée de ses deux
murs sont d'abord franchis à l'aide d'échelles; filles à Ser. Sulpicius et la plus jeune à C. Lici-
puis, les barrières des portes tombent brisées; nius Stolo, homme considérable, quoique simple
serrés entre deux lignes, par devant et par der- plébéieu; et cette alliance même, que Fabius n'a-
rière, les ennemis, à qui il ne reste plus de force vait pas dédaignée, lui avait attiré la faveur de la
pour combattre, ni d'issue pour fuir, sont massa- multitude. Le hasard voulut qu'un jour, pendant
crés des deux côtés jusqu'au dernier. Tusculum que les deux sœurs, réunies dans la maison de
reconquis, l'armée fut reconduite à Rome. Ser. Sulpicius, tribun militaire, passaient le temps,
XXXIV. A mesure que les succès obtenus cette comme d'habitude, à causer ensemble, Sulpicius,
année à la guerre ramenaient partout la paix au revenant chez lui au sortir du forum, le licteur,

certiorem de sun casu senatum facerent, misere. Haud miseriæque plebis crescebant; quum eo ipso, quod ne-
segnius, quam fide populi Romani dignum fuit, exerci- cesse erat solvi, facultas solvendi impediretur. Itaque,
tus Tuscutum ductus. L. Quinctius et Ser. Sulpicius tri- quum jam ex re uihil dari posset, fama et corpnre judi-
buoi militum duiere. Clausas portas Tusculi, Latinosque cati atque addicti, creditoribui satisfaciebant, pœnaque
simul obsidentium atque obsessorum aninio binc mœnia in vicem fidei cesserat. Adeo ergo obnoxios summiserant
Tusculi tueri vident, illinc arcem oppugnare; terrere animos non infimi solum sed principes etiam plebis, ut
uns ac paiere. Adventus romanorum mulaverat utrius- non modo ad tribuuatum militum iuter patricios peten-
que partis aoimos. Tusculaow ex ingenti metu in sumo dum. quod tauta vi, ut liceret, letenderant; sed ne ad
main alacrilatem,Latinos ex prope certa fiducia moi ca- plebeiosquidem magistratus capessendospetendosque ulli
piendæ arcis, quomam oppido potirentur, in exiguam de viro acri experientique animus esset; possessionemque
se ipsis spem verterat. Tollitur ex arce clamor ab Tus- honoris, usurpati modn a plebe per paucos annos, récu-
culauis; excipitur aliquanto majore ab exercitu romano. pérasse in perpetuum Patres viderentur. Ne id nimis he-
Ulriinque urgentur Latini; nec impetus Tusculauorum, tum parti alteri esset, parva, ut plerumque solet, rem
decurrenliuniex superiore loco, sustinent nec romanos, ingentem moliundi causa intervenit. M. Fabii Ambusti,
subeuntes mœnia molienlesqueobices portarum, arcere potentis viri quum inter sui corporis homines,tum eam
possunt. Scalis prius mœnia capta inde eifracta clau- ad plebem, quud haudquaquam mter id genus contemplor
stra portirum; et quum anceps hostis et a fronte et a ejus habebalur, fitia duæ nuptæ, Ser. Sulpicio major
tergo urgeret, nec ad pugnam ulla vis, uec ad fugam minor C. Licinio Stoloni erat illustri quidem viro ta-
loci quicquam supcresset, iu medio cæsi ad unum omnes. nien plebeio eaque ipsa affinitas haud spreta graliam
Recu erato ab hostibus Tusculo, eiercitus Romam est Fabio ad vulgum quæsierat. Forte ita incidit, ut, iu
raluclus. Ser. Sulpicii tribuni militum domo sororcs Fabix1 quum
XXXIV. Quauto ttiiigis prosperis eo aouo bellis tran- inter se, ut fit, sermonibus lempus tererent, lictor Sul-
quilla onima forts e ant, tanto in urlie vis Patrumm dies picii, quum is de foro se domum reciperet, forem, ut
suivant l'usage, frappa la porte de sa baguette. arriveraient au faite, et ils pourraient égaler en
A ce bruit, la jeune Fabia, pour qui cet usage était dignités ces patriciens qu'ils égalent en mérite.
inconnu, s'étant effrayée, sa sœur se prit à rire Ils jugèrent à propos de commencer par se faire
et à s'étonner de son ignorance. Ce sourire piqua nommer tribuns du peuple cette magistrature
au vif ce cœur de femme si prompt à s'émouvoir leur ouvrirait la voie aux autres dignités. Créés
des plus petites choses. J'imagine aussi que la vue tribuns, C. Licinius et L. Sextius proposèrentplu-
de cette foule qui suivait le tribun en lui deman- sieurs loisqui toutes étaient contraires au pouvoir
dant ses ordres lui fit estimer bien heureux le ma- des patriciens et favorables au peuple. La pre-
riage de sa sœur, et que cette mauvaise disposi- mière, sur les dettes, avait pour but de faire dé-
tion, qui porte chacun de nous à ne vouloir pas duire du capital les intérêts déjà reçus, le reste
être moins que ses proches, dut lui donner du re- devait se payer en trois ans par portions égales.
gret du sien. Son père, l'ayant trouvée un jour Une autre limitait la propriété, et défendait qu'un
l'esprit encore troublé de cette récente blessure, citoyen possédât plus de cinq cents arpents de
il lui demanda « si elle était malade. r Elle vou- terres. Une troisième supprimait les élections de
lut d'abord lui cacher la cause d'un chagrin qui tribuns militaires, et rétablissait les consuls, dont
n'était ni bienveillant pour sa sœur, ni flatteur l'un serait toujours choisi parmi le peuple. Cha-
pour son mari; mais, insistant avec douceur, il fi- cune de ces lois était de la plus haute importance,
nit par lui arracher l'aveu que son chagrin venait et ne pouvait passer sans les plus violentes luttes.
de cette union inégale qui l'avait mise dans une Aussi, voyant attaquer à la fois toutes les choses
maison où ne pouvaient entrer ni honneurs ni cré- qui excitent le plus l'ambition des hommes, la
dit. Ambustus cousola sa fille et lui dit d'avoir bon propriété, l'argent, les honneurs, les patriciens,
courage; qu'au premier jour elle verrait chez épouvantés et tremblants, n'ayant trouvé, après
die les mêmes honneurs qu'elle voyait chez sa plusieurs conférences publiques et particulières,
sœur. Dès lors il commença à se concerter avec qu'un seul et unique remède, c'est-à-dire cette
son gendre, après s'être adjoint L. Sextius, jeune opposition tribunitienne déjà tant de fois éprouvée
homme de ceeur,auquel il ne manquait, pour pou- dans des luttes antérieures, obtinrent de quel-
voir aspirer à tout, qu'une naissance patricienne. ques tribuns qu'ils combattraient les projets de
XXXV. Un prétexte se présentait de tenter des leurs collègues. Dès que ceux-ci virent les tri-
nouveautés, c'était la masse énorme des dettes. bus citées par Licinius et Sextius pour donner
e Le peuple ne devait espérer de soulagement à leurs suffrages, ils arrivèrent, soutenus d'un
ce mal qu'en plaçant les siens au sommet du pou- renfort de patriciens, et empêchèrent la lecture
voir. Tel élait le but auquel il fallait tendre. A des projets de lois, ainsi que les autres formalités
force d'essayer et d'agir, les plébéiensavaient déjà cn usage pour prendre le vœu du peuple. De nou-
fait un grand pas; encore quelques efforts, et ils velles assembléesayant été souvent encore convo-

mos est, virga percuteret. Quum ad id moris ejus in- que jam eo gradum fecisse plebeios, uude si porro an-
sueta expavisset minor Fabia risui sorori fuit, miranti nitantur, pervenire ad summa, et Patribusæquari, tam
ignorare id sororem. Ceterum is risus stimulos parvis honore, quaiu virtute, possent. » lu præsentia tribunos
mobili rebus animo muliebri subdidit frequentia quuque plebis lieri placuit, quo in magistratu sibimet ipsi viam
prosequentium rogantiumque, Numquid vellet? credo ad ceteros honores aperirent. Crentique tribuni C. Lici-
fortunatummatrimoniumei sororis visum; suique ipsam nius et L. Sextius promulgavcre leges omnes adversus
malo arbitrio, quo a proximis quisque minime auteiri opes patriciorum, et pro commodisplebis:unam de aère
vult, pœnituisse. Confusam eam ex recouti morsu auimi alieuo, ut, deducto eo de capite, quod usuris pernume-
quum paler forte vidisset, percunctalus « Satin salvæ? » ratum esset, id, quod superesset, triennio a'quisportio-
avertentemcausam doloris (quippe nec satis piaiu adver- nibus persolveretur alteram de modo agrorum, ne quis
sus sororem nec admodum in virum honorificam) eli- plus quingenta jugera agri possideret tertiam, ne tri-
cuit comiter sciscitando, ut fateretur, cam esse causam bunorum militum comitia fièrent, consulumque utique
doloris, quod juncta impari esset, nupta in domo, quam alter ex plebe crearetur. Cuncta ingentia, et quæ sine
nec honos nec gratia iutrare posset. Consolausiude filiam certamine malimo obtineri non possent. Omnium igitur
Ambustus bonum animum habere jussit eosdem prope- simnl rerum quarum immodica cupido inter mortales
diem domi visuram honores, quos apud sororem videat. est, agri, pecuniæ, honorum, discrimine proposito, con-
Inde consilia inire cum genero cœpit, adhibito L. Sextio, territi Patres, quum trep dassent, publicis privatisque
strenuo adolescente, et cujus spei nilril præter genus pa- consiliis nullo remedio alro, pre'ter expertam multis jam
tricium deesset. ante certaminibus intercessionem,invento collegas ad-
XXXV. Occasio videbitur rerum novandarumpropter versus tribunicias rogationes comparaverunt. Qui, ubi
ingentem vim æris alieni; cujus levamen nmli plebes, tribus ad suffragium incuudum citari a Licinio Sfitioque
niw suis in summo imperio locatis, nullum speraret. «Ac- virlerunt, stipati Patrum præsidiis,nec recitari rogationes
cingendum ad eam cogttationrm esse. Conando agendo- mc soiennc quicquaro aliud ad sciscendum plebi fieri
quées, mais saus succès, les projets de lois sem- de peine qu'ils parvinrent à enrôler une armée.
blaient écartés à toujours. « labonne heure, dit Ils partirent enfin, repoussèrent de Tusculum
alors Sextius, puisque l'on reconnait ici tant de l'ennemi, et le refoulèrent même jusque dans ses
force à l'opposition tribunitienne, ce sera aussi murailles; puis, Vélitres fut assiégé avec plus
l'arme avec laquelle nous défendrons le peuple. de vigueur que ne l'avait été Tusculum. Tou-
Allons, patriciens, indiquez des comices pour des tefois Vélitres ne put être emporté par ceux qui
élections de tribuns militaires, je ferai en sorte en avaient commencé le siège. On créa aupara-
que vous trouviez moins de charme à ce mot, Je vant de nouveaux tribuns militaires: Q. Servilius,
m'oppose, qui vous plaît tant aujourd'hui dans la C. Véturius, A. et M. Cornélius, Q. Quinctius,
bouche de nos collègues. » Ces menaces n'étaient M. Fabius; et ces tribuns même ne firent rien de
que trop sérieuses aucune élection, hormis celles mémorable à Vélitres. Des débats encore plus im-
des édiles et des tribuns du peuple, ne put avoir portants s'étaient élevés à Rome. En effet, de
lieu. Licinius et Sextius, réélus tribuns du peu- concert avec Sextius et Licinius, qui avaient pro-
ple, ne laissèrent créer aucun magistrat curule; posé les projets de lois, et qu'on avait déjà renom-
et, comme le peuple renommait toujours les deux més huit fois tribuns du peuple, un des tribuns
tribuns, et que ceux-ci empêchaient toujours les militaires, lebeau-père de Stolon, Fabius, premier
élections des tribuns militaires, la ville demeura auteur de ces lois, proclamait hautement la part
ainsi pendant cinq ans privée de ses magistratures. qu'il y avait prise. Il s'était d'abord trouvé, dans
XXXVI. Les autres guerres avaient été heureu- le collé-e des tribuns du peuple, huit opposants;
sement suspendues; mais les colons de Vélitres il n'en restait plus que cinq et ces tribuns ( comme
se prévalant de l'inaction de Rome, qui n'avait pas il arrive d'ordinaire à ceux qui se séparent de
d'armée, firent plusieurs incursions sur les terres leur corps), embarrassés et interdits, bornaient
de la république et osèrent assiécer Tusculum. A leur opposition à répéter ces paroles d'autrui,
cette nouvelle et à la voix des Tusculans, de ces qu'on leuravait apprises comme une leçon: «Une
vieux alliés, de ces nouveaux concitoyensqui de- grande partie du peuple est dehors, à l'armée,
mandaient du secours, un vif sentiment de pudeur devant Vélitres. C'est un devoir de différer les co-
louclra non-seulementles patriciens, mais le peu- mices jusqu'au retour des soldats, afin que tout
ple lui-même. Les tribuns du peuple s'étant dé- le peuple puisse voter sur des choses qui l'inté-
sistés, un interroi tint les comices, et l'on créa ressent. » Sextius et Licinius, appuyés par leurs
tribuns militaires L.Furius, A. Manlius, Ser. Sul- collègues et par le tribun militaire Fabius, et,
picius, Ser. Cornélius, P. et C. Valérius. Ceux-ci grâce à une expérience de tant d'années, de-
trouvèrent le peuple moins docile aux levées venus habiles à manier les esprits de la 'multi-
qu'aux comices, et ce ne fut pas sans beaucoup tude, prenaient à partie les principaux patriciens,

passi sunt. Jamque frustra sæpe concilio advocato, quum profecti, non ab Tusculo modo summovere bostem, sed
pro antiquatis rogahones essent; Bene babet, inquit intra suamet ipsum mœnia compulere. Obsidebanturque
Seitius quandoquidem tantum intercessionem pollere baud paullo vi majore Velitræ, quam Tusculum obses-
placet, isto ipso lelo tutabimur plebem. Agitedum, comi- sum fuerat nec tamen ab iis a quibus obsideri cœptæ
Ua indicite Patres trihuuis militum creaudis faio, ne erant, expugnari potuere. Ante novi creati sunt tribuui
juvet vox ista, VETO qua nunc concinentes collegas militum Q. Servilius C. Veturius, A. et M. Cornelii,
nostros tam lati auditis. » IIaud irrilæ cecidere miuæ: Q. Quinctius, M. Fabius. llihil ne ab bis quidem tribuuis
conOia præler ædilium tribuoorumqueplebis, nulla sunt ad Vebtras memorabile factam. In majore discriminedo-
habita. Licinius Sextiusque,tribuni plebis refecti, nullos mi res vertebantur; nam præter Sextium Licmiumque
ciirules magistratus creari passi sunt eaque solitudo ma- latores legum, jam octavum tribunos plebis refeclos,
gistratuum, et plebe reliciente duos tribunos, et his co- Fabius quoque tribunus militum, Stolonis socer qua-
mita tribunorum militum tollentibus, per quinquennium rum legum auclor fuerat, earum suasorem se haud du-
urbem tenuit. bium ferebat. Et, quum octo ex collegio tribunorum
XXXVI. Alia brlla opportune quievere Veliterni co- plebis primo intercessores legum fuissent, quin lue soli
loni, gestientes otio, quod nullus exercitus romanus es- erant: et ( ut ferme soient, qui a suis desciscunt) capti,
set, et agrum romnnum aliquotiesincursavcre, et Tuscu- et stupentea animi, vocibus alienis id modo, quod domi
lum oppugnare adorti sunt. Eaque res, Tusculanis vete- praeceptum erat, intercessioni suæ prætendebant « Ve-
ribus sociis, novis civii)us opem orantibus, verecundia litres in exercitu plebis magnam partem abesse in adven-
maxime non Patres modo, sed etiam plebem, movit. Re- tum militum comitia differri debere, ut universa plebes
tniltentibus tribunis plebis cornitia per interregem sunt de suis commudis suffragium ferret. » Sextius Ltcimus-
habita crealique tribuni mililum L. Furius, A. Manlius, que, cum parte collegarum et uno ex tribunis militmn
ber. Sulpicius Ser. Cornelius,P. et C. Valerii, haud- Fabio, artifices jam tot annorum usu tractandi animos
quaquam tam obedientem in delectu, quam in comitiis, plebis, primores Patrum productos, interrogandode sin-
plebem habuere ingentique contentione eiercitu scripto gulis, qua; ferebantur ad populum, fatigabaut e Aude-
et les fatiguaient de questions relatives aux lois éiabli qu'un des consuls sera pris dans le peuple,
présentées au peuple « Oseraient-ils,quand on jamais ou n'aura de consul plébéien. Aurait-ou
distribuait deux arpents de terre aux plébéiens, déjà oublié que, depuis qu'on a jugé à propos de
réclamer pour eux-mêmes la libre jouissance de remplacer les consuls par des tribuns militaires,
plus de cinq cents arpents? Voudraient-ils possé- afin que le peuple pût parvenir à la dignité su-
der chacun les biens de près de trois cents citoyens, prême, pas un plébéien, pendant quarante-quatre
quand le champ du plébéien serait à peine assez ans, n'a été nommé tribun militaire? Comment
grand pour recevoir sa maison et sa tombe? Pren- croire maintenant que, sur deux places, ils con-
nent-ils donc plaisir à voir le peuple écrasé par sentiront à accorder au peuple sa part d'honneur,
l'usure quand le paiement du capital devrait eux qui sont habitués à occuper huit places aux
l'acquitter, et forcé de livrer son corps aux verges élections des tribuns militaires? et qu'ils se prê-
et aux supplices? et les débiteurs adjugés et em- tent à lui ouvrir le consulat, eux qui lui ont tenu
menés par troupeaux du forum? et les maisons si longtemps le tribunat fermé? Il faut obtenir
des nobles remplies de prisonniers? et partout par une loi ce qu'on n'aura jamais par faveur aux
où demeure un patricien, un cachot pour des comices; il faut mettre hors de concours un des
citoyens? s deux consulats pour en assurer l'accès au peuple
XXXVII. Lorsque, par la peinture de ces in- car si les deux restent au concours, ils seront
dignités, les tribuns eurent inspiré à la multi- toujours l'un et l'autre la proie du plus puissant.
tude, qui les écoutait et qui tremblait pour elle- A cette heure, les patriciens ne peuvent plus dire
même, encore plus d'indignation qu'eux-mêmes ce qu'auparavant ils ne cessaient de répéter, qu'il
n'en ressentaient, continuèrent « Les patri. n'y point parmi les plébéiens d'hommes propres
ciens, disaient-il tout haut ne cesseront d'en- aux magistratures curules. La république a-t-elle
vahir les biens du peuple, de le tuer par l'usure, été plus inhabilement ou plus mollemcnt admi-
si le peuple ne tire de son sein un consul qui nistrée depuis P. Licinius Calvus, premier tribun
veille sur sa liberté. On méprise désormais les tiré du peuple, que durant ces années où les seuls
tribuns du peuple, car cette puissance a brisé patriciens ont été tribuns militaires? Bien au con-
elle-même ses forces par son opposition. L'égalité traire des patriciens ont été condamnés après
n'est pas possible, quand l'empire est pour ceux- leur tribunat un plébéien jamais. Les questeurs
là et que les tribuns n'ont que le droit de dé- aussi, comme les tribuns militaires, sont depuis
fense si on ne l'associe à l'empire, jamais le quelques années choisis parmi le peuple, et ja-
peuple n'aura dans l'état la part de pouvoir qui mais le peuple romain n'a eu lieu de s'en repen-
lui revient. Personne ne peut penser que les plé- tir. Il ne manque plus aux plébéiens que le con-
béiens doivent se contenter de leur admission aux sulat c'est le rempart, c'est le couronnementde
comices consulaires s'il n'est impérieusement la liberté que l'on y arrive, et alors le peuple

rentne postulare, ut, quum bina jugera agri plebi divi- neminem fore. An jam memoria exisse, quum tribunos
derentur, ipsis plus quingenta jugera habere liceret? Ut militum ideirco potius, quam consules, creari placuisset,
singuli prope trecentorum civiuni possiderent agros; ple- ut et plebeiis pateret summus honos quatuor et qnadra-
beio homini vix ad tectum necessarium, aut locum se- ginta annit neminem ex plebe tribunum militum creatum
pulturæ, suus pateretager? An placeret, fenore circum- essef Qui crederent, duobus nunc in locis sua voluntate
ventam plebem potius, quam sorte creditumsolvat, cor- impartiturosplebi honorem qni octona loca tribunis mi-
pus in nervum ac supplicia dare et gregatimquotidie de litum creandis occupare soliti tint? etad consulatum viam
foro addictos duci? et repleri vinctis nobiles domos? et, fieri passuros, qui tribunatum sæptum tam diu habue-
ubicunque patricms habitet,ibi cai cerem privatum esse ?' rint ? Lege obtinendum esse, quod comitiis per gratiam
XXXVII. Hæc indigna miserandaque auditu quum nequeat; et teponendum extra certamen alterum consu-
apud timentes sibimet ipsos, majore aud'eotiumindigna- latum, ad quem plebis sit aditus, quoniam in certamine
tiune, quam sua, increpuissent: « Atqui nec agros occu- relictus præmium semper potentiotis fnturus att. Nec
pandi modum, nec fenore trucidaudi plebem alium Pa- jam posse dici id quod antea jactare soliti sint, non esse
tribus unquam fore, affirmabant, nisi ilterum ex plebe in plebeiis idoneos viros ad curules magistratus. Num-
consulem, custodem suæ libertatis, plebes fecisset. Con- quid enim socordms aut segnius rempublicam adminis-
temni jam tribunus plebis, quippe quæ potestas jam suam trari post P. Licinii Calvi tribunatum, qui primus ex
ipsa vim fraugat intercedendo. Non posse 2quo jure agi, plebe creatus sit, quam per eos annos gesta sit, quibus
ubi impermm penes illos, penes se auxilium tanlum sit. præter patricios nemo trihunus militum luerit? Qum con-
Nisi imperio communicato, nunquam plebem in parte tra patricios aliquot damnatos post tribunatum, neminem
pari reipublicæ fore nec esse, quod quisquam sais pu- plebeium. Quæstores quoque, sicut tnbunos militum,
tet, si plebeiurum ratio comiliis consularibus habeatur; paucis aute anuis ex plebe cœptos crean nec ullins eo-
nisi alterum consulem utique ex p!ebe fieri necesse si. rum populum romanum pœnituisse. Consulatum super-
pourra vraiment croire les rois chassés de la de nouveaux efforts de courage, et, l'assemblée
ville, et sa liberté affermie. En effet, de ce jour, convoquée, appellent les tribus à voter. Lors-
viendront au peuple lous ces avantages qui relè- que le dictateur, escorté d'une foule de patriciens.
vent tant les patriciens l'autorité, les honneurs, plein de colère et de menaces, fut monté sur son
la gloire des armes, la naissance, la noblesse; et siège, l'affaire s'engagea par cette première lutte
après avoir joui de ces grands biens ils les lais- entre les tribuns du peuple, dont les uns propo-
seront plus grands encore à leurs enfants. » Lors- saient la loi, tandis que les autres la repoussaient;
qu'ils virent les discours de ce genre favorable- mais si l'opposition l'emporta)t par le droit, elle
ment accueillis, ils publièrent un nouveau projet était vaincue par la faveur qui s'attachait aux lois
de loi qui remplaçait les duumvirs chargés des et à ceux qui les avaient présentées. Déjà les pre-
rites sacrés par des décemvirs moitié plébéiens, mières tribus avaient dit o Ainsi que tu le re-
moitié patriciens. Les comices où devaient se dis- quiers. » Alors Camille « Puisqu'à présent, Ro-
cuter toutes ces propositions furent différés jus- mains, dit-il, c'est au caprice des tribuns et non
qu'au retour de l'armée qui assiégeaitVélilres. plus à la souveraineté du tribunat que vous obéis-
XXXVIII. L'année s'écoula avant la rentrée des sez, et que ce droit d'opposition, conquis autre-
légions. Ainsi suspendue, cette affaire passa à de fois par la retraite du peuple, vous l'anéantissez
nouveaux tribuns militaires; car pour les tribuns aujourd'hui comme vous l'avez acquis, par la
du peuple, ils étaient toujours les mêmes, le force; moi, dictateur, dans l'intérêt commun de
peuple s'obstinantà les réélire, surtout les deux la république, aussi bien que dans le vôtre, je
auteurs des projets de lois. On créa tribuns mili- viendrai en aide à l'opposition, et protégerai de
taires T. Quinctius, Ser. Cornélius, Ser. Sulpi- mon autorité votre droit que l'on détruit. En con-
cius, Sp. Scrvilius, L. Papirius, L. Véturius séquence, si C. Licinius et L. Sextius cèdent à
Dès le commencement de l'année, on en vint, à !'interventionde leurs collègues, je ne ferai point
propos de la discussion des lois, aux plus violents intervenir une magistrature patricienne dans une
débats et, comme leurs auteurs avaient convoqué assemblée populaire; mais si, en dépit de l'inter-
les tribus sans s'arrêter à l'opposition de leurs vention, ils prétendentimposer ici des lois comme
collègues, les patriciens alarmés eurent recours dans une ville prise, je ne souffrirai point que la
aux deux seuls moyens de salut qui leur restas- puissance tribunitienne se détruise elle-mcme.
sent, au premier pouvoir et au premier citoyen Comme, au mépris de ces paroles, les tribuns du
de Itome. Ils résolurent de nommer un dictateur, peuple n'en poursuivaient pas moins lent opéra-
et nommèrent M. Furius Camille, qui choisit pour tion, Camille, transporté de colère, envoya des
maître de la cavalerie L. Émilius. De leur côté, les licteurs dissiper la foule; menaçant en outre, si
auteurs des lois, en présencede tousces préparatifs on persistait, d'obliger toute la jeunesse au ser-
de leurs adversaires, font, pour la cause du peuple, ment militaire, et d'emmener à l'instant cette

esse plebeiis eam esse arcem tibertatis, id columen. Si rius Camillus qui magistrum equitum L. Æmilium coo-
eo perventum ait. tum populum romanum vere exactos plat. Legum quoque latores adversus tantum apparatum
ex urbe reges, et stabilem libertatem suam existimatu- adversariorumet ipsi causam plebisinqentibus animis ar-
rum. Quippe ex illa die in plebem ventura omnia quibus mant concilioque plebis indicto, tribut ad suffragium
patricii excellaot, imperium atque honorem, gloriam vocaut. Quum dictator, stipalus agmine patriciorum
belli, genus, nobilitatem. magna ipsis fruenda majura plenus iraE minarumque consedisset, atque agerelur res
liberis relinquenda. » Hujus generis orationes ubi accipi solito primum certamineinter se tribunorum plebis feren-
videre novnm rogationem promulgaut, at pro duum- tium legem intercedentmmque, et, quanto jure potentior
viris sacris faciundis dereniviri crcentur; ita ut pars ex intercessio erat, tantum vinceretur favore legum ipsarum
p'ebe, pars ex Patribus fiat; omniumque earum rogatio- latorumque, et, « Utirogas.» primæ; tribus dicercut;
num comitia in adventtun ejus exercilus difterunt, qui tum Camillus, «Quandoquidem, inquit, Quirites, jam
Velitras obsidi bat. vos tribunicia libido, non potestas, regit, et intercessio-
XXXVIII. Prius circumactus est annus, quam a Vcli- nem, secessione quondam plebis pariam, vobis cadem vi
tris reducerentur legiones. Ita suspeusa de legibus res ad facitis irritam, qua peperistis; nou reipublicæ magisuni-
novos tribunes militum dilata nam plebis tribuns eos- versae, quant vestra causa, dictator intercessioni adero,
dem duos utique, quia legum latores erant, plebes reli- eversumque vestrum anxilium imperio tutabor. Itaque,
ciebat. Tribuni mditum creati T. Quinclius,Ser. Corne- si C. Licinius et L. Sextius intercessioni collegarum ce-
lias, Ser. Sulpicius, Sp. Servilius, L. Paprius, L. Ve- dunt, nihil patricium magistratum iuseram c oncilio ple-
turius. Principio statim anni ad ultimam dimicationem bis. Si adversus iatercessionem, tanquam captæ civitati
de legibus ventum et quum tribus vocarcatur, nec in- leges imponere tendent, vim tribuniciam a se ipsa dissolvi
tercessiocollegatum latoribus obstaret, trepidi Patres ad non paliar.. Adversus ea quum contempti tribuni plob s
duo ultima auxilia, summum imperium summumque nd rem nihilo seguius peragerent tum percitus ira Canul-
civem, decurrumt. Dictatorem diei placet dicitur M. Fu- lus lictores, qui de medio plebem emorerent, misit ek
armée Lors de la ville. Il avait inspiré au peuple quels étaient, parmi les projets de lois, ceux que
une grande terreur quant aux chefs, cette lutte le peuple préférait et ceux que préféraient leurs
avait plutôt ranimé qu'abattu leur courage. Mais auteurs. En effet, l'on acceptait les lois sur l'u-
avant que le succès se fût décidé de part et d'au- sure, mais on repoussait le consulat plébéien, et
tre, il abdiqua sa magistrature, soit que son élec- l'on aurait donné sur chacune de ces choses une
tion fût entachée de quelque vice, comme certains décision conforme, si les tribuns n'eussentdéclaré
auteurs l'ont écrit, soit que les tribuns eussent que le peuple devait prononcer sur le tout en
proposé au peuple, lequel aurait donné son con- même temps. P. Alanlius, le dictateur, fit ensuite
sentement, de condamner M. Furius, s'il faisait pencher la balance du côté du peuple, eu nom-
acte de dictateur, à une amende de cinq cent mant maître de la cavalerie le plébéien C. Lici
mille as. Mais, à mon avis les auspices l'ef- nius, qui avait été tribun militaire. Le sénat,
frayèrent beaucoup plus que cette proposition sans dit-on, se plaignit de ce choix le dictateur
exemple ce qui me porte à le croire, c'est d'a- s'excusa auprès des sénateurs sur la parenté
bord le caractère même de l'homme, et ensuite la qui l'unissait à Licinius, et en niant que la di-
nomination d'un autre dictateur, P. Manlius, par gnité de maître de la cavalerie fut supérieure
qui il fut immédiatement remplacé car, à quoi à celle de tribun consulaire. Une fois les comi-
bon ce nouveau choix, pour une lutte où M. Furius ces indiqués pour l'élection des tribuns du peu-
eût déjà succombé? D'ailleurs, l'année suivante ple, Licinius et Sextius firent si bien, que tout
eut pour dictateur le même M. Furius, lequel cer- en déclarant qu'ils ne voulaient plus du tribunat,
tes eût rougi de reprendre une autorité qui, l'an- ils excitèrent vivement le peuple à leur continuer
née précédente, aurait été brisée entre ses mains. un honneur qu'ils sollicitaient jusque par leur re-
De plus, au temps même où cette amende dont fus hypocrite. Depuis neuf ans déjà, ils sont là
on parle aurait été proposée, il pouvait ou résister comme en bataille contre la noblesse courant les
à cette loi, qui tendait, il le voyait bien, à réduire plus grands risques personnels sans aucun profit
son autorité, ou laisser passer toutes les autres à pour la république; avec eux ont déjà vieilli et les
l'occasion desquelles celle-là avait été présentée. lois qu'ils ont proposées, et toute la vigueur de la
Enfin, de tout temps et jusqu'à nos jours, depuis puissance tribunitienne. On a combattu d'abord
que les forces tribunitiennes et consulaires sont en leurs lois par l'intervention de leurs collègues,
lutte, la dictature a toujours été au-dessus de puis par l'envoi de la jeunesse à la guerre de Vé-
toute atteinte. litres enfin, la foudre dictatoriale a été lancée
XXXIX. Entre l'abdication du premier dicta- contre eux. Maintenant qu'il n'y a plus à craindre
teur et l'entrée de Maulius eu fonctions, les tri- d'obstacles ni de leurs collègues, ni de la guerre,
buns ayant profité d'une espèce d'interrègne pour ni du dictateur, qui même a présagé le consulat
convoquer une assemblée du peuple, on put voir au peuple, en nommant un plébéien maître de la

addidit minas, si pergerent sacramento omnes juniores concilio plebis habito, apparuit, quæ ex promulgalis ple-
adacturtim, exercitumque extemplo ex urbe educturum. bi, quæ laloribus gratiura essent; nam de fenore atque
Terrorem ingentem incusserat plebi; ducibus plebis ac- agro rogaliones jubebant, de plebeio consulatu autiqua-
cendit magis certamine animes, quam minuit. Sed, re bant. Et perfecta utraque res esset, ni tribuni se in om-
neutro inclinata, magistratu se abdicavit; seu qma vitio uia simul cousulere plebem dixissent. P. Manlius deinde
creatus erat, ut scripsere quidam seu quia tribuui ple- dictator rem in causam plebis inclinavit, C. Licinio, qui
bis tulerunt ad plebcin idque plebs scivit, ut, si 111. Fu- tribuuus militum fuerat, magistro equitum de plebe dic-
rius pro dictature quid egisset quingentum millium ei to. Id agre Patres passos accipio; dictatorem propinqtia
muleta esset. Sed auspiciis magis, quam novi exemplt ro- cognatione Licimi te apud Patres excusare solitum, simul
gatione, deterritum ut potius credam, quum ipsius viri uegautem, magibtri equitum majus, quam tribuni cousu-
tacit ingemum, tum quod ei suflectus est extemplu P. Man- laris iniperium esse. Licinius Sextiusque quum tribu-
lius dictator: ( quem quid creari attinebat ad id certamen, norum pleli creaudorum indicta comitia esseot, ita se
quo M. Furius victus esset?) et quod euindent M. Furium gerere, ut, negando jam sibi velle continuari honorem,
dictatorem insequens annus babuit, baud bine pudore acerrime accenderent ad id, quod dissimulandoperebant,
certe fractum priore anno in se imperium repetiturum plebem. « Nonum se annuin jam velut in aciem adversus
àimulquod eo tempore, quo promulgatumde muleta e jus optimates maximo privatim periculo, nullo publice emo-
traditur, aut et buic rogationi qua se in ordinem cogi lumento stare. Consenuissejam secum et rogationcs pro-
videbat, obsistere potuit; aut ne illas quidem, proper mulgatas, et vim omnem tribuniciæ potestatis. Primo iu-
quas et bæc lata erat, impedire: et, quoad usque ad me- tercessioue collegarum in leges suas pugnatum esse
moriam nostrain tribuniciis consularibuique certatum deindeab legatioue juventutis ad Velilernum bellum pos-
wribus est, dictaturæ semper altius fastigium fuit. tremo dictatoriumfulmen in se intentatum. Jam nec col-
XXXIX. Intcr priorcm dictaturam abdicatam novam- legas, née bcllnm, nec dietatorem obstare; quippe qui
que a Maulio imtam, ab tribuns velut per interregnum eliam omen plebeio consuli, magistro equitum ex plebe
cavaierie, c'est le peuple qui se nuit à lui-même près en ces termes « ne
serait point nouveau
et à ses intérêts. Il ne tient qu'à lui de délivrer la ni imprévu pour moi, Romains, de m'entendre
ville et le forum de ses créanciers, de délivrer les adresser aujourd'hui encore les reproches conslam-
champs de leurs injustes possesseurs, et cela à ment adressés à notre famille par des tribuus sé-
l'heure même. Mais ces bienfaits, quand donc ditieux « La race Claudia, dès le principe, n'a
enfin les appréciera-t-il avec la reconnaissance rien eu plus à cœur dans la république que la ma-
qu'ils méiitent, lui qui, tout en acceptant des jesté des patriciens; toujours ils ont été opposés
lois qui lui sont avantageuses, enlève l'espoir des aux intérêts du peuple. 9 Le premier de ces re-
honneurs à ceux qui les ont faites? Il serait peu proches, je ne le repousse ni ne le désavoue de-
généreux au peuple romain de revendiquer l'allé- puis que nous avons été tout ensemble admis à la
gernent de ses dettes et la mise en possession des cité et au patriciat, nous avons tâclié que l'on pût
terres que les patriciens ont usurpées, et de laisser dire avec vérité que, grâce nous, s'était accrue
non pas seulement sans honneurs, mais même plutôt qu'affaiblie la majesté de cet ordre, dans
sans espoir des honneurs, les vieillards tribu- lequel nous avons été placés par vous. Quant à
nitiens qui l'ont fait réussir. Qu'ils commencent l'autre reproche, j'oserai, Romains, en mon nom
donc par bien arrêter dans leur esprit ce qu'ils et au nom de mes ancêtres, soutenir que jamais
veulent, et ensuite, aux comices tribunitiens, (à moins que des mesures avantageuses à la répu-
ils déclareront leur volonté. S'ils veulent accep- blique tout entière ne soient estimées nuisibles au
ter conjointement toutes les lois proposées, ils peuple, comme s'il habitait une autre ville), nous
peuvent réélire les mêmes tribuns du peuple, car n'avons, ni dans nos relations privées, ni pendant
ceux-ci présenteront alors leurs propres projets nos magistratures, fait sciemment dommage au
de lois; si, au contraire ils ne veulent accueillir peuple, et qu'on ne pourrait avec vérité citer de
que ce qui peut les intéresser personnellement, nous un seul fait, un seul mot qui aient été contre
il est inutile de continuer les mêmes hommes votre intérêt, si parfois ils ont été coutre vos
dans une dignité si malvoulue ils renoncent au désirs. Après tout, quand bien même je ne serais
tribunat, et le peuple n'aura point les lois propo- ni de la famille Claudia, ni d'un sang patricien
sées. 0 mais le premier Romain venu, pourvu que je con-
XL. Pour répondre à ce discours effronté des nusseque je suis né d'un père et d'une mère libres
tribuns, dont l'indigne conduite tenait dans la et que je vis dans une cité libre pourrais-je me
stupeur et le silence les autres sénateurs, Ap. Clau- taire? Souffrirais-je en silence que ce L. Sextius
dius Crassus, petits-lits du décemvir, voulant dé- et ce C. Licinius, tribuns à perpétuité, s'il plait
sabuser le peuple, s'avança, dit-on avec plus de aux dieux, aient pris depuis neuf ans qu'ils rè-
haine et de colère que d'espérance, et parla à peu gnent un tel empire, qu'ils refusent de vous ac-

diccado, dederit se ipsam plebem et commoda morari riles, si, quod unum familia nostræ semper objectum
sua. Liberam urbem ac forum a creditoribus, liberos est ab seditiosis tribunis,id nunc ego quoque audiam
agros ab injustis possessoribusextemplo, si velit, babere Claudiæ genli jam inde ab initio nil antiquius in republica
posse. Quæ munera quando tandem satis grato animo Patrum majestate fuisse; semper plebis commodis adver-
æstimaturos, si, inter accipiendas de suis commodis ro- satos esse. Quorum alterum ueque nego, deque inficias
gahones, spem honoris latoribus earum incidant? Non eo, nos, ex quo asciti sumus simul in civitatent et Patres,
esse modestiæ populi romani id postulare, ut ipse fenore enixe operam dedisse, ut per nos aucta potius, quam im-
levetur, et in agrum injuria possessum a potentibus in- minuta, majestas earum gentium, inter quas nos esse
ducatur per quoi ea consecutus sit, senes tribunicios voluistis, dici vere posset. lllud alterum pro me majon-
non sme honore tantum, sed etiam sine spe honoris re- busque meis contendere ausim, Quintes, (nisi quae pro
linquat. Proinde ipsi primum statuèrent apud auimus universa republica fiant, ea plebi, lanquam aliaiu inco-
quid vellent; demde comitiis tribuniciis declararent vo- lenti urbem, adversa quis putet) mhil nos neque priva-
luntatem. Si coujunctim ferri ab se promulgatas roga- tos, neque in magistratibus, quod incommodum plebi
tiones vellent, esse, quod cosdem relicerent tribunos pie-
esset, scientes fecisse nec ullum factum dictumve no-
bis pefiaturos emm, quæ promutgaverint. Sin, quod strum contra ulilitatem vestram ( etsi quædain contra vo-
cuique privatim opus sit, id modo accipi velint, opus luntatem fuerint) vere referri posse. An hoc, si Claudia)
esse,uihil iuvidiosa continuatione bouoris uec se tribu- familiæ non sim, nec ex patricio sanguine ortus, sed unus
natum, nec illos ea, quas promulgala smt, habituros.. Quiritium quilibet, qui modo me duobus ingenuis ortum,
XL. Advertus tam obstinatam orationem tribunorum et vivere in libera civitate sciam, reticere possim? L. il-
quum. prae iudignilale rerum stupor silentiumque inde lum Sextium et C. Licinium, perpetuos (si dis placet)
ceteros Patrum defixisset; Ap. Claudius Crassus, nepos tiibunos, tantum licentiæ novem annis quibus régnant,
decemviri, dicitur odio magis iraque, quam spe, ad dis- sumpsisse, ut vobis negent potestatem liberam suffragii,
suadendum processisse, et locutusin hane fere sentenliam non in comitiis, non in legibus jubendis, se permissuros
esse a Neque novum, neque inopinatum mibi sit, Qui- esse? Sub condilione, inquit, nos reficietis decimum tri-
1.
corder le libre droit de suffrage dans les comices n'accorde rien. qui de vous. Romains, le sont-
et pour l'acceptation des lois? C'est sous condition, frirait ? Ne mettrez-vousdoncjamais les choses de-
disent-ils, que nous consentirons à être réélus tri- vant les hommes? Prêterez-voustoujours une oreille
buns une dixième fois. Qu'est-ce à dire, sinon facile à tout ce que diront vos tribuns, pourla fer-
ce que les autres recherchent, nous en faisons un mer quand parlera quelqu'un des nôtres? Mais par
tel mépris que sans un grand avantage, nous ne Hercule! ce langage n'est pas d'un bon citoyen.
l'accepterons point ?Mais enfin quel est cet avan- Eh bien! la proposition qu'ils s'indignent de vous
tage, moyennant lequel nous pourrons vous avoir voir repousser, Romains, est tout à fait conforme
à jamais tribuns du peuple? C'est disent-ils, que à ce langage. Je demande, dit Sexlius, qu'il ne
nos propositions, qu'elles vous plaisent ou vous vous soit pas permis de faire consuls qui bon vous
déplaisent, vous servent ou vous nuisent, soient semble. Car, n'est-ce pas là ce qu'il demande, lui
toutes acceptées par vous. » Je vous en conjure, qui vous ordonne de choisir un des consuls parmi
tribuns du peuple, vrais Tarquins, supposez à le peuple, en vous ôtant le pouvoir de nommer
ma place un citoyen qui, du milieu de l'as- deux patriciens Qu'aujourd'hui vienne une
semblée, vous crie Avec votre bon plaisir, qu'il guerre, comme celle des Étrusques, alors que
nous soit permis de choisir dans vos projets de lois Porsena prit pied au Jauicule, ou comme naguère
ceux que nous croirons salutaires pour nous et de celle des Gaulois, quand tout ici, moins le Ca-
rejeter les autres. Non, disent-ils, cela ne se peut. pitole et la citadelle, était à l'ennemi et que ce
Tu voterais les lois sur l'usure et sur les terres qui L. Sextius briguât le consulat en concurrence
vous conviennent à tous, et jamais, ce qui serait avec M.Furius ou tout autre patricien, pourriez-
à Rome un vrai prodige, tu ne voudrais voir con- vous souffrir que L. Sextius fût assuré d'être con-
suls L. Sextius et ce C. Licinius que tu as en hor- sul, et que Camille eùt à lutter contre un refus?
reur, en abomination Ou prends tout ou je n'ac- Est-ce là mettre les honneurs en commun, que
corde rien. C'est présenter à celui que la faim d'autoriser la nomination de deux plébéiens au
presse du poison avec du pain, et lui enjoindre de consulat, et non pas celle de deux patriciens? que
ne pas toucher à l'aliment qui le fera vivre, ou d'y de vouloir qu'un plébéien soit nécessairement ap-
mêler ce qui doit lui donner la mort. En vérité, pelé à l'une des deux places, et de permettre que
Sextius, si cette ville était libre, est-ce que de tou- les patriciens soient exclus de toutes deux? Quel
tes parts on ne t'aurait pas crié Va-t'end'ici avec est ce nouveau partage, cette nouvelle commu-
tes tribunats et tes projets de lois Comment l si nauté ? C'est peu pour toi que de venir au par-
tu te refuses à présenter des lois utiles au peu- tage d'un droit auquel tu n'avais point jusqu'ici
ple, il n'y aura personne qui les présente? Si un participé faut-il encore qu'en réclamant cette
patricien, si un Claudius (ce qui, selon eux, est part tu emportes le tout? Je crains, dit-il, que s'il
pire encore) venait dire a Ou prenez tout ou je est permis de nommer deux patriciens vous ne

bouos. Quid est aliud dicere, quod petuntatii, nos adeo tes, ferret? Nunquamne vos res polius quam anctores,
fastidimus,ut sine mercede magna non accipiamus ? Sed spectabitis? sed omuia semper, quæ magistratus illedicet,
quæ tandem ista merces est, qua vos semper tribunos secundis auribus quas ab nostrum quo dicentur, adver-
plebis babeamus? ut rogationes, inquit, nostras, seu sis accipietis? At Hercule sermo est minime civilis. Quid?
placent, seu displicent, seu utiles, seu inutiles sunt, om- Rogaho qualis est, quam a vobis antiquatam indignan-
nes conjunctim accipiatis. Obsecro vos, Tarquinii tribuni tur ? Sermoni, Quirites, simillima. Consules, iuquit,
plebis, putate me ei média concione unum civem succla- rogo, ne vobis, quos velitis, facere liceat. Au aliter rogat,
marc Bona venia vestra liceat ex his rogationibus legere, qui utique alterum ex plebe fieri consulem jubet; nec
quas salubres nobis censemus esse; antiquarealias. Non, duos patricios creandi potestatem vobis permittit? Si hodie
inquit, licebit. Tu de fenore atque agris, quod ad vos bella sint, quale Etruscum fuit, quum Porsena Janicu-
omnes pertinet, jubeas; et hoc portenti non fiat in urbe lum insedit; quale Gallicum modo, quum proeter Capito-
Romana, uti L. Sextium atque hunc C. Licinium consu- lium atque arcem omnia hæc hostium erant, et consula-
les, quod iudignaris, quod abominaris, videas ? Aut om- tum cum hoc M. Furio et quolibet alio ex Patribus L. ille
nia accipe aut nihil fero. Ut si quis ei, quem urgeat fa- Sextius peteret possetisne ferre, Sextium haud pro du-
mes, veneuum ponat cibo; et aut abstinere eo, quod bio consulem esse, Camillum de repulsa dimicare ? Hoc-
vitale oit, jubeat, aut mortiferumvitali admisceat. Ergo, cine est in commune honores vocare, nt duos plebeios
si esset libera ha·c civitas, non tibi frequentes succlamas- fieri consules liceat, duos patricios non liceat? et alterum
sent, Abi bine cum tribunatibus ac rogationibus tuis? ex plebe creari necesse sit utrumque ex Patribus prae-
Quid? fi tu non tuleris, quod commodum est populo ac- terire liceatt Quænam ista societas, quænam consortio
cipere, nemo erit, qui ferat illud? Si quis patricius, si est? Parum est, si, cujus pars tua nulla adhuc fuit, In
quis (quod illi voluut invidiosiusesse ) Claudius diceret partem ejus venis, nisi partem petendo totum traxeris?
Aut omnia uccipite aut nihil fero; quia veslrum, Quiri- Timeo, inquit, ne, si duos licebit creari palricios, ne-
nommiez jamais un plébéien. N'est-ce pas dire auspices qu'a été fondée cette villc c'est par les
Comme jamais, de votre propre gré, vous n'éli- auspices qu'en paix et en guerre, au dedans et au
riez des indignes, je vous imposerai la nécessité dehors, se règlent toutes choses: qui est-ce qui l'i-
d'élire ceux que vous ne voulez pas? Que s'ensuit- gnore ? Or, d'après la coutume de nos ancêtres,
il, siuon que le plébéien qui aura seul concouru en quelles mains sont les auspices? aux mains des
avec deux patriciens ne devra aucune reconnais- patriciens, ce me semble; car on n'a recours aux
sance au peuple, et pourra se dire nommé par la auspices pour la nomination d'aucun magistrat
loi, non par vos suffrages? plébéien. Les auspices nous sont tellement pro-
XLI. « Ils cherchent moins à solliciter qu'à ex- pres, que non-seulement le peuple, s'il crée des
torquer les honneurs, et ils obtiendront ainsi les magistrats patriciens, ne peut les créer autrement
plus hautes cliarges, sans vous devoir rien, pas qu'avec les auspices, mais que nous-mêmes,
même ce qu'ils vous devraient pour les moindres; avec les auspices, nous nommons un interroi,
ils aiment mieux tenir les honneurs de circon- sans avoir besoin du suffrage du peuple, et que
stances étrangères que de leur propre mérite. nous avons pour notre usage privé, les auspi-
Ainsi, voilà quelqu'un qui refuse de se laisser exa- ces qu'ils n'ont pas même pour leurs magis-
miner, apprécier; qui trouve juste d'avoir pour tratures. N'est-ce donc pas abolir dans cette cité
lui les honneurs à coup sûr, quand tous les au- les auspices que de les ravir, en nommant consuls
tres luttent pour les conquérir; qui s'affranchit des plébéiens aux patriciens qui seuls ont droit
de votre choix qui veut rendre vos suffra- de tes avoir? Qu'ils se jouent maintenant de nos
ges obligatoires et esclaves, de spontanés et li- pratiques religieuses. Qu'importe que les pou-
bres qu'ils sont. Je laisse de côté Licinius et Sex- lets ne mangent pas? qu'ils sortent trop tard
tius, dont vous comptez les années de perpétuel de la cage? ou comment un oiseau chante? Ce
pouvoir, comme celles des rois au Capitole quel sont là des misères! mais c'est en ne mépri-
est aujourd'hui dans Rome le citoyen si humble à sant aucune de ces misères que nos ancêtres ont
qui cette loi ne donne un plus facile accès au con- fait si grande cette république. Aujourd'hui,
sulat qu'à nous et à nos enfants?Car, le voulus- comme si désormais nous n'avions plus besoin
siez-vous vous ne pourriez pas toujours nous d'être en paix avec les dieux, nous profanons tou-
élire, au lieu que vous devrez élire ceux-ci, tes les cérémonies. Qu'on choisisse donc dans la
alors même que vous ne le voudriez pas. C'en foule les pontifes, les augures, les rois des sacrifi-
est assez sur l'inconvenance de cette mesure ces mettons sur la tête du premier venu, pourvu
(car la convenance ne regarde que les hom- que ce soit un homme, l'aigrette du Gamine li-
mes) mais que dirai-je de la religion et des vrons les auciles, les sanctuaires, les dieux et le
auspices, dont la violation est un mépris, un ou- culte des dieux à des mains sacriléges plus d'aus-
trage direct aux dieux immortels? C'est par les pices pour la présentation des lois, pour l'élec-

minem creetis plebeium. Quid est dicere aliud, quia in- spiciis, quae propria deorum immortalium contemptio
dignos vestra volunlate creaturi non estis, necessitatem atque injuria est, loquar? Auspiciishanc urbem coudi-
vobis creandi, quos non vultis, impouamP Quid sequi- tam esse, auspiciis bello ac pace, domi militiæque,om-
tur, nisi ut ne beneficium quidem debeat pnpulo, si cum nia geri, quis est, qui iguoret? Pencs quos igitur sont
duobus patriciis unus peticril plebeius, et lege se, non auspicia mure majorum ? uempe, peucs Patres: nam
suffragio creatum dicat? plebeius quidem magistralus nuilus auspicato crealur.
XLI. » Quomodo extorqueant, non quomodo petant Nobis adeo propria sunt auspicia ut non solum, quos
honores, quærunt et ita malima sunt adeptnri ut nihil populus creat patricios magislratus, non aliter, quum
ne pro nummis quidem debeant; et occasiouihus potius, auspicato, creet; sed nos quoque ipsi siue suffragio po-
quam vwtule, petere honores malunt. Est aliquis, qui se puli auspicato interregemprudaums, et privatim auspicia
inspici æstimari fastidiat; qui certos sihi uni honores habeamus, quoe isli ue in magistralibus quidem habeut.
iuter diniicautcs compelitores æqum censeat esse; qui Quid igitur ahud, quam tollit ex civitate auspicia, qui
se arbitrio vestro eximat; qui vestra necessaria suffragia plebeios consules creando a Patribus qui soli ea babere
pro voluntarus, et serva pro liberis faciat; omitto Lici- possunt, aufert? Eludant nunc hcet religiones. Quid enim
nium Sextiumque, quorum annos in perpétua potestate, est, si pulli non pascentur? si ex cavea tardius exierint?
tauquam regum in Capitolio, nuineialis quis est hodie si occinueiit avis? Parva suut hxc sed parva iota non
in civitate tam humilis, cui non via ad consulatum faci- contemneudo majores nostri maximam hanc rem fcce-
lior per istius legis occasionem, quam nobis ac liberis runt. Nunc nos, tauquam jam nihil pace deorum opus
nostris, fiat? si quidem nos, ne quum volueritis quidcm, sit, omnes cærimonias pollumus. Vulgo ergo pontifices.
creare interdum poteritis; istos, etiam si nnlueritis, ne- augures sacrificuli reges creentur cuilibet apicem dia-
cesse sit. De indignitate satis dictum est (etenim digni- lem, dununodo homo ait, imponainus tradamua ancilin,
tas ad bomines pertinet ) quid de religionibus atque an- penetralia, deos, deorumque curam, quibus nefas est;
tom des magistrats que les comices par centuries tius Pennus maître de la cavalerie. Ce fut cette
et par curies puissent se réunir sans l'approba- année, selon Claudius, qu'on livra bataille aux
tion du sénat! Que Sextius et Licinius, comme Ro- Gaulois près du fleuve Anio, et qu'eut lieu sur
mulus et Tatius, règnent dans la ville de Rome, un pont ce combat remarquable, dans lequel
puisqu'ils donnent pour rien et l'argent et les ter- T. Manlius, provoqué par un Gaulois, marcha à
rrs d'autrui II est doux de piller le bien des sa rencontre à la vue des deux armées, le tua et le
autres et l'on ne songe pas qu'une de ces lois dépouilla de son collier. Des autorités plus nom-
porte dans les campagnes la dévastation et la so- breuses m'amènentà croire que ces choses se pas-
litude, en chassant de leurs domaines les anciens sèrent au moins dix ans plus tard quant à cette
maîtres, et que l'autre abolit la bonne foi, avec qui année, ce fut dans la campagne d'Albe que le dic-
périt toute société humaine 1 Par tous ces motifs, tateur M. Furius en vint aux mains avec les Gau-
je suis d'avis que vous repoussiez les lois propo- lois. Quoique le souvenir de leur ancienne dé-
sées. Quoi que vous fassiez, veuillent les dieux vous faite, eût laissé aux Romains une vive appréhen-
être favorables! » sion de ce peuple, la victoire ne fut pour eux ni
XLII. Le discours d'Appius ne servit qu'à recu- incertaine ni difficile. Plusieurs milliers de Bar-
ler l'époque de l'acceptation des lois. Réélus tri- bares furent massacrés dans la plaine, plusieurs
buns pour la dixième fois, Sextius et Licinius fi- lors de la prise du camp; les autres, en désordre,
rent recevoir la loi qui créait pour les cérémonies gagnèrent pour la plupart l'Apulie; et, grâce à
sacrées des décemvirs en partie plébéiens on en l'éloignement du lieu où ils avaient fui, non moins
choisit cinq parmi les patriciens et cinq parmi le qu'au trouble et à la frayeur qui les avaient
peuple; et l'on put croire que c'était un pas de dispersés de côté et d'autre, on ne put les at-
fait dans la voie du consulat. Content de cette vic- teindre. Du consentement du sénat et du peuple,
toire, le peuple accorda aux patriciens que, sans on décerna le triomphe au dictateur. A peine
s'occuper de consuls pour le moment, on nomme- avait-il mis lin à cette guerre, qu'une sédition plus
raitdes tribuns militaires. On nomma A. et M. Cor- terrible l'accueillit dans Rome. Le dictateur et le
nélius pour la secondefois, M. Géganius, P. Man- sénat, ayant succombé dans une lutte violente,
lius, L. Véturius, P. Valérius pour la sixième. les lois tribunitiennesfurent adoptées, et, en dé-
A l'exception du siège de Vélitres, dont le dénoû- pit de la noblesse, s'ouvrirent des comices consu-
ment était plus tardif que douteux, au dehors les laires, dans lesquels, pour la première fois, un
affaires de Rome étaient tranquilles, quand, le plébéien, L. Sextius,. fut créé consul. Les débats
bruit d'une in uptiou des Gaulois, tout à coup ré- ne cossèrent point pour cela; car les patriciens
pandu, détermina la cité à créer pour la cinquième refusant d'approuver l'élection, le peuple fut sur
fois M. Furius diclateur; celui-cinomma T. Quinc- le point d'en venir à une retraite, après avoir fait

non leges auspicato ferantur, non magistratus creeutur dixit. Bellatumcum Gallis eo anno circa Anienom flumen,
nec centuriatis nec curiahs comitiis Patres auctores fiant. auctor est Claudius; inclutamque in ponte pugnam, qua
Sextius et Licinius, t inquam Romulus ac Tatius, in urbe T. Manlius Gallum, cum quo provocatus manus conse-
Romana regnent, quia pecunias alienas quia agros dono ruit, in conspectu duorum exercituum caesum torque
dant. Tanta dutcedo est ex atienis fortunis prædandi nec spoliavit, tum pugnatum. Pluribus auctoribus magis ad-
in mentem venit, altera lege solitudines vastas in agris ducor, ut credam, decein haud minus post annos ea acta
lieri pellendo finibus dominos altera fidem abrogari hoc autem anno in albano agro cum Gallis, dictatore
cum qua omnis hnmana societas tollitur. Omnium rerum M. Furio, signa collala. Nec dubia, nec difficilis Romanis
causa vobis antiquandas censeo istas rogationes. Quod (quanquam ingentem Galli terrorem memoria pristinæ
faxitis, deos velim fortunare.. cladis attulerant) victoria fuit. Diulta millia barbarorum
XLII. Oratio Appii ad id modo valuit, ut tempus ro- in acie, multa captis castris causa palati alii Apuliam
gationum jubendarum proferretur. Refecti decimum ii- maxime petentes, quum fuga se longinqua tum quod
dem tribuni, Sextius et Licinius, de decemviris sacrorum passim eos simul pavor terrorque distuleraut, ab lloste
ex parte de plebe creandis legem pertulere. Creati quia- sese tutati sunt. Dictatori, consensu Patrum plebisque,
que Patrum quiuque plebis graduque eo jam via facta triumphusdecretus. Vixdum perfunctum eum bello atro-
ad consulatum videbatur. Hac mctoria contenta plebes cior domi seditio excepit et per ingentia certamina dir-
cessit Patribus, ut, in præsentia consulum mentione tator senatusque victus, ut rogationes tribuniciæ accipe-
omissa tribuni militum crearentur. Creati A. et M. Cor- rentur et comitia consulum adversa nobilitate habita.
nclii iterum, M. Gegauius, P. Dlanlius, L. Veturius, quibus L. Sextius de plebe primus consul factus. Et ne is
P. Valerius seitum. Quum prwter Velilraruin obsidio- quidem finis certamiuum fuit. Quia patricii se auctores
nem, tardi magis rem exitus, quam dubii, quietæ ex- futuros negabant, prope secessionem plebis res terrl-
ternæres Romanis essent, fama repens belli Gallici allata, bilesque alias minas civilium certaminum venit quum
perpulit civitalern, ut M. Furius dictator quintum dice- tamen per dictatorem conditionibus scdatæ discord a-
relur. Is T Quinctium Pennum magistrum equitum suut, conressumqne ab nobilitate plebi de cousule ple-
d'ailleurs d'effroyables menaces de guerre civile. lébrés, et qu'on y ajouterait un quatrième jour;
Le dictateur offrit des condil ions qui apaisèrent les mais comme les édiles du peuple reculaient devant
discordes la noblesse accorda au peuple un con- cette charge, les jeunes patriciens s'écrièrent qu'ils
sul plébéien, et le peuple à la noblesse un préteur l'acceptaient volontiers pour honorer les dieux
chargé d'administrer la justice dans Rome, et immortels, et que, dans ce but, ils se faisaient
choisi parmi les patriciens. Ainsi, après delongues édiles. On leur adressa d'universelles actions de
querelles, la paix se rétablit entre les ordres; et grâces, et un sénatus-consulte enjoignit au dicta-
le sénat, estimant qu'en aucune circonstance on teur de demander au peuple la création de deux
ne pouvait rendre aux dieux un hommage plus édiles patriciens et l'approbation du sénat pour
mérité, décréta que les grands jeux seraient cé- tous les comices de l'année.

beio; a plebe nobilitati de prætore uno, qui jus in urbe matum a patriciis est juvenibus, se id honoris deum im-
diceret, ex Patribus creando. Ita ab diutina ira tandem mortalium causa libenter acturos, ut ædiles Berent Quibus
in concordiam redactis ordinibus, quum dignam eam quam ab universis gratiæ acte essent, factum senatus-
rrm senatus censeret esse, meritoqueid, si quando un- consultum, ut duo viros ædiles ex Patribus dictator po
quam alias, deum immortalium cansa libenter facturos piilum rogaret Patres auctores omnibus e]us apni comi-
fore, ut ludi niaiimi fièrent, et dies unus ad triduum ad- tiis fierent.
iceretur; recusantibus id niunus rdilibus plebis concla-
LIVRE SEPTIÈME.

SOMMAIRE. — Création de deux nouvelles magistratures, la préture et l'édilité curule. Rome est malade d'une
peste rendu, célébre par la mort de Furius Camille. En cherchant un remède et un terme à ce mal dans de
nouvelles pratiques religieuses, on établit les premiers jeux scéniques. L. Manlius est assigné par M. Pompo-
nius, tribun du peuple, pour avoir agi dans une levée avec trop de rigueur, et bannit aux champs, sans aucun
grief, son fils T. lltanlius; mais ce jeune homme, dont le bannissement était un des actes reprochés à son père,
vient trouver au lit le tribun, et, le fer à la main, l'oblige à jurer solennellement qu'il ne poursuivra pas son ac-
cusation. La terre s'étant ouverte au sein de la ville, la patrie entière s'épouvante, et l'on jette dans les profon-
deurs du gouffie e loutes les richesses de la cite romaine; Curtius, tout armé et roonlé sur son cheval, s'y precipite
et l'abîme est comblé. T. 1IIanlius, ce jeune homme qui avait délivré son père des persécutions d'un tribun,
descend en combat singulier contre un Ganlois qui defiait les soldats de l'armee romaine, le tue et lui arrache son
collier d'or; lui-même il se fait ensuite une parure de ce collier, et en conséquence on le surnomme Torquatus.
-On crée deux nouvelles tribus, la Pomptina et la Publilia. Licinius Stolo est condamné en vertu de sa propre
loi, comme possédant plus de cinq cents arpents de terre. — M. Valerius, tribun militaire, provoqué par un
Gaulois, le tue, seconde par un corbeau qui, pendant le combat, se perche sur son casque, et, des ongles et du
bec, harcèle l'ennemi. Il reçoit pour cela le nom de Corvus, et, pour prix de sa valeur, il est crcé consul l'annee
suivante à l'âge de vingt-trois ans. -Alliance avec les Carthaginois. Les Campaniens, attaques et presses par
les Samnites demandent contre eux au sénat un secours qu'ils n'obtiennent pas ils livrent leur ville et leur ter-
ritoire au peuple romain. En conséquence, le peuple romain le décide à défendre par les armes, contre les Sam-
nites, ce pays devenu son bien. Engagée par A. Cornelius consul dans une position defavorable t'armée se
trouve en grand péril; P. Decius Mus, tribun militaire parvient à la sauver; s'étant emparé d'une colline qui
commande la hauteur où sont postes les Samnites, il donne moyen au consul de se retirer dans une position meil-
leure pour lui, maigre les ennemis qui l'entourent, il echappe. — Les soldats romains laissés en garnison dans
Capoue ayant conspire pour s'emparer de cette ville. et le complot ayant été découvert, ils quittent, par crainte
du supplice le parti de ltome mais par ses remontrances, M. Valerius Corvus, dictateur, les fait revenir de leur
égarementet les rend à la patrie. Guerres et succès divers contre les Herniques les Gaulois, les Tiburtes, les
Priveruates, tes Tarquiniens, les Samniteset les Volsques.

I. Cette année sera célèbre par le consulat d'un cien, L. Émilius Mamercinus. Au commencement
homme nouveau, célèbre par l'établissement de de l'année, le bruit que les Gaulois, récemment
deux nouvelles magistratures, la préture et l'édi- dispersés dans l'Apulie, s'étaient ralliés, et la
lité curule. Les patriciens revendiquèrent ces di- nouvelle d'une défection des Herniques, agitèrent
gnités comme dédommagement de l'un des cousu- i les esprits. Comme on remettait à dessein toute
lais cédé au peuple. Le peuple donna à L. Sextius 1 décision, afin de ne pas donner au consul plébéien
le consulat qu'il avait conquis; les patriciens ap- I l'occasion d'agir, il y eut vacance et repos do
pelèrent à la préture Sp. Furius, fils de M. Camille, toute chose commeaux jours de Justitium. Seule-
et à l'édilité Cn. Quinctius Capitolinus et P. Cor- ment les tribuns ne purent supporter en silence
nélius Scipion trois hommesde leur ordre, qu'ils que la nnblesse eût à elle, pour un seul consul
firentnommer par l'influence des tribus de la cam- plébéien trois magistrats patriciens siégeant en
pagne. A L. Sextius on donna un collègue patri- 1 chaises curules et revêtus de la prétexte, ainsi que

LIBER SEPTINIUS. pestri ceperunt. L. Sealio collega ex Patribus datus


L. Æmilius Mamercinus. Principio anni et de Gallis,
I. Annus hic erit insiguis novi hominis consulalu in- quos primo palatos per Apuliam coogregari jam fama
âignis novis duobus magistratibus, prætura et curuli erat, et de Hernicorumdcfectione agitata mentio. Quum
aedilitate. Hos sibi patricii quaesivere honores pro con- de industria omnia, ne quid per plebeium consulem age-
ceaso plebi altero consulatu. Plebes consulatum L. Sextio, retur, proferrentur, silentium omnium rerum ac justitio
cujus iege partuserat, dédit: Patres præturam Sp. Furio simile otium fait nisi quod non patientibus tdcitutn tri-
M. tilio Cam llo; ædilitatem Cn. Quinctio Capitolino et buais, quod pro consule uno plebeio tres patricios ma-
p. Cornetio Scipioni, suarum gentium viris, gratia am- gistratus, curulibus sellis prætextatoa lau uam consules
des consuls; sans compter le préteur, chef de la humains ni la bonté des dieux ne pouvaient cal-
justice et collègue des consuls, créé sous les mê- mer la violence du mal la superstition s'empara
mes auspices; de sorte que le sénat eut honte des esprits, et c'est alors, à ce qu'on rapporte,
d'exiger que les édiles curules fussent encore choi- qu'entre autres moyens d'apaiser le courroux
sis parmi les patriciens. On était d'abord convenu céleste, on imagina les jeux scéniques, ce qui
de les prendre de deux ans en deux ans au sein fut une nouveauté pour ce peuple guerrier qui
du peuple; puis on laissa le choix libre. Quelque n'avait eu jusque là que les jeux du cirque. Au
temps après, sous le consulat de L. Génucius et de reste, cetle innovation, comme presque toutes les
Q. Servilius tandis que la sédition et la guerre autres, fut dans le principe une chose de fort peu
s'étaient apaisées, Rome ne pouvant être en aucun d'appareil, et qu'on avait même empruntée à
temps exempte d'alarmes et de dangers, une peste l'étranger. Des bateleurs venus d'Étrurie, dan-
violente éclata. Un censeur, un édile curule, et sant au son de la flûte, exécutaient, à la mode
trois tribuns du peuple, dit-on, succombèrent; toscane, des mouvements qui n'étaient pas sans
et parmi les citoyens il y eut, en proportion, au- grâce; mais ils n'avaient ni chant, ni paroles,
tant de victimes. Mais ce qui rendit cette peste ni gestes. Bientôt nos jeunes gens s'avisèrent
mémorable, ce fut la mort de M. Furius, qui, pour de les imiter, tout en se renvoyant en vers
être prévue, n'en fût-pas moins cruelle. En effet, grossiers de joyeuses railleries accompagnées
cet homme était vraiment unique en toute fortune; de gestes qui s'accordaient assez à la voix. La
avant son bannissement, il était le premier dans chose une fois accueillie se répéta souvent et prit
la paix et dans la guerre pendant son exil il faveur. Comme en langue toscane un bateleur
s'illustra encore, soit par les regrets de la cité s'appelait hister, on donna le nom d'histrions
qui, captive, implora de lui sa délivrance, soit aux acteurs indigènes, qui déjà ne se lançaient
par le bonheur qu'il eut de ne se rétablir dans plus comme d'abord ce vers semblable au fes-
sa patrie que pour la rétablir elle-même. Puis, cennin, rude et sans art, qu'ils improvisaient
après avoir joui, pendant vingt-cinq années qu'il tour à tour, mais qui représentaient des satires
vécut encore, d'une gloire qui n'était pas au-des- mélodieuses, avec un cliant réglé sur les mo-
sus de son mérite, il fut digne d'être appelé, après dulations de la flûte, et que le geste suivait en
Romulus, le second fondateur de la ville de Rome. mesure. Quelque années après, Livius qui, le
Il. Cette année et la suivante, sous le consulat premier, renonçant à la satire, avait osé s'élever
de C. Sulpicius Péticus et de C. Licinius Stolo, la jusqu'à des compositions dramatiques, et qui
peste continua. Il ne se fit rien de remarquable; était, comme tous les auteurs de cette époque,
seulement pour demanderla paix aux dieux, on acteur dans ses propres ouvrages, Livius, sou-
célébra, pour la troisième fois depuis la fondation vent redemandé, ayant fatigué sa voix, obtint,
de Rome, un lectislerne. Et comme ni les remèdes dit-on la permission de placer devant le joueur

sedentes, nobilitas sibi snmpsisset, praetorem qnidem cendæ causa tertio tum post conditam urbem lectister-
etiam jura reddentem et collegam consulibus alque iis- nium fuit. Et quum vis morbi nec humanis consihis nec
dem auspiciis creatum verecundia inde importa est se- ope divina levaretur, victis superstitione animis ludi
nalui ex Patribus jubpndi ædiles curules creari. Primo, quoque scenici, nova res bellicoso populo (nam circi
ut alternis annis ex plebe fièrent, convenerat: postes modo spectaculum fuerat), inter alia cœlestis iræ placa-
promiscuum fuit. Inde L. Genucio et Q. Servilio con- mina instituti dicuntur. Ceterum parva quoque (ut ferme
aulibus, et ah seditione et a bello quietis rebus, ne quando priucipia omnia) et ea ipsa peregrina res fuit. Sine car-
a metu ac periculis vacarent, pestilentra iugens orta. mine ullo, sine imitandorum carminum actu, ludiones
Censorem, aedilem curulem, tres tribunos plebismor- ex Etruria acciti, ad tibicinis modus saltanles, baud in-
tuos ferunt, pro portione et ex multitudine alia multa fu- decoros motus more Tusco dabaut. Imitari deinde eos ju-
nera fuisse maximeque eam pestilentiaminsignem mors ventus, simul inconditis inter se joculai ia fuudeotes versi-
quam matura, tam acerba, M. Furii fedt. Fuit enim vere bus, cœpere; nec absoni a voce motus erant. Accepta
Tir unieus in omni fortuna princeps pace belloque prius- itaque res saepiusque usurpando eicitata. Vernaculis ar-
quam tisutatum iret; clarior in eisilio vel desiderio ci- tificibus, quia hister Tusco verbo ludio vocabatur, no-
vitatis, quæ capta ahsentis imploravit opem, vel felici- men histrionibus inditum qui non, sicut ante, Fescen-
tale, qua, restitutus in patnam, secum patriam ipsam re- niuo versu similem incompositum temere ac rudem al-
stituit. Par deinde per quinque et vigenti annos ( lot enitn ternis jaciebant; sed implelas modis saturas, descripto
postea vixit ) titulo lantx gloria' fuit, dignusque habitus, jam ad tibiciuem cantu, motuque congruentiperagebaut.
quem tecunduin a Romulo couditorem urbis Romanæ Livius post aliquot annos, qui ab saturis ausus est pri-
ferrent. mus argumentofabulam serere, ( idem àcilicet, id quod
lI. Et hoc et insequenti anno, C. Sulpicio Petico, omnes tum erant, suorum carminum actor) dicitur, quum
C. Licinio Stolone consulibus, pestilentia fuit. Eo nihil sæpius revocatus vocem obtudisset, renia petita puerum
dignum memoria actum, nisi quod pacis detim eipos- ad canendum ante tibicinem quum statuisset, canticum
de ilùte un jeune esclave qui chanterait pour lui, conséquence, sous le consulat de Cn. Génu-
et il joua avec plus de vigueur et d'expression, cius et de L. Émilius Mamercinus, élus tous deux
n'étant plus gêné par le souci de ménager sa voix. pour la seconde fois, les esprits étaient plus tour-
Dès lors l'histrion eut sous la main un chanteur, mentés de la recherche d'un remède expiatoire
et dut réserver sa voix pour la déclamation. que les corps de leurs souffrances; les vieillards,
Depuis que cette loi prévalut dans les représen- dit-on, se rappelèrent enfin qu'autrefois un dic-
tations, la libre et folàtre gaieté des jeux dispa- tateur, en enfonçant le clou, avait calmé la peste.
rut, et par degrés le divertissement devint un Le sénat se fit alors un devoir sacré d'ordonner
art. Alors la jeunesse, abandonnant le drame aux qu'un dictateur serait créé dans le but d'enfoncer
histrions, reprit l'usage des anciennes bouffon- le clou; et l'on créa L. Manlius Imperiosus, qui
neries, entremêlées de vers, et qui, plus tard, nomma L. Pinarius maître de la cavalerie. il y a
sous le nom d'exodes, empruntèrent leurs su- une ancienne loi qui porte écrit en vieilles lettres
jets aux fables Atellanes. Ce genre d'amusement et en vieux langage « Que le suprême préteur,
qu'elle avait reçu des Osques, la jeunesse se l'ap- aux ides de septembre plante le clou. » Elle fut
propria, et ne souffrit point qu'il fût profané par attachée à droite dans le temple de Jupiter, très-
les histrions. Aussi demeure-t-il établi que les ac- bon, très-grand, du côté du sanctuaire de Minerve.
teurs d'Atellanes ne sont exclus ni de la tribu ni Le clou, dans ces temps où l'on connaissait à peine
du service militaire, n'étant pas considérés comme l'écriture, était, dit-on, employé à marquerles
de véritables comédiens. Parmi les humbles com- années et la loi fut consacrée dans le sanc-
mencements des autres institutions, j'ai cru pou- tuaire de Minerve, parce que Minerve avait in-
voir aussi placer la première origine de ces jeux, venté les nombres. Les Volsiniens également dési-
aGn de montrer combien fut sage en son principe gnaient le nombre des années par des clous enfon-
cés dans le temple de Nortia, déesse étrusque
ce divertissement aujourd'hui si follement coû-
teux, et auquel suffit à peine la richesse des plus ainsi l'affirme Cincius, qui a si bien étudié tous
opulents royaumes. les monuments de ce genre. Ce fut le consul
111. Cependant ces jeux, qui furent d'abord une M. Horatius qui, conformément à la loi, attacha
expiation religieuse, ne guérirent ni les esprits le clou dans le temple de Jupiter, très-bon, très-
de leurs pieuses terreurs, ni les corps de leurs grand, l'année qui suivit l'expulsion des rois; en-
souffrances. Il y a plus le Tibre débordé, étant suite l'accomplissement de cette cérémonie passa
venu un jour inonder le cirque au milieu de la des consuls aux dictateurs, comme revêtus d'une
célébration des jeux, qui fut interrompue, on autorité plus grande. Par la suite, cet usage avait
regarda ce malheur comme une preuve de l'aver- été abandonné; mais cette fois on pensa que la
sion et du mépris des dieux pour ces moyens chose valait la peineque l'on créâtundictateur, et
de les fléchir, et les craintes redoublèrent. En ce fut L. Manlius. Mais comme s'il eût été appelé là

egisse aliquantomagis vigente motu quia nihil vocis mus lio Mamercino secunduin consulibus, quum pisculoruni
impediebat. Inde ad manum canlari histrionibus cœptum magis conquisiho ammos, quam corpora morbi, allier-
diverbiaque tautum ipsorum voci relicta. Postquam lege rent, repetitum ex seuiorum memoria dicitur, pestilen-
hac fabularum ab risu ac suluto joco rcs avocabatur et liam quondam clavo ab dictatore fixo sedatam. Ea reli-
ludus in artem paullatim verterat; juventus, histrioni- gione adductus senatus dictatorem clavi figendi causa dici
bus fabellarum actu relicto, ipsa ioter se more anliquo lussit. Dictus L. Manlius Imperiosus, L. Pinarium magi-
ridicula intexta versibus jaclitare cœpit; quæ inde exo- strum equitum dixit. Lex vetusta est, priscis literis ver-
dia postea appellata, consertaque fabellis potissimum bisque scripta ut, qui prætor maximus sit, Idibus sep-
Atellanis sunt. Quod genus ludorum ab Oscis acceptum tembribus clavum pangat. Fixa fuit deetro lateri ædis Jo-
tenuit juventus, nec ab histrionibus pollui passa est. Eo vis optimi maximi ex qua parte Minervæ templum est.
institutum manet, ut actores Atellanarum nec tribu mo- Eum clavum, quia rara; per ea tempora literæ erant,
veantur, et stipendia, tanquam expertes artis ludicræ notam numeri annorum fuisse ferunt eoque Minervæ
faciant. Inter aliarum parva priucipia rerum, ludorum templo dicatam legem, quia numerus Minervæinventum
quoque prima origo poneuda visa est; ut appareret, quam sit. Volsiniis quoque clavos, indices numeri annorum
ab sauo initio res in hanc vii opulentis regnis tolerabi- fixos in templo Nortiæ, Etrusca; deæ, comparere, dili-
lem insaniam venerit. gens talimn monumentorum auctor Cincius affirmât.
III. Nec tameu ludorum primum initium, procurau- M. Horatius consul ex lege temp um Jovis optimi maximi
disreligionibus datum, aut religione auimos, aut cor- dedicavit anno post reges exactos a consulibus postea ad
pora morbis levavit. Qniu etiam quum medins forte lu- dictatores quia malus imperium erat, solenne clavi
dos circus Tiberi superfuso irrigatusimpedisset,id vero, figendi translalum est. Intermisso deinde more, digna
velut aversis jam dus aspernantibusque placamina iræ, etiam per se visa res, propter quam dictator crearetur.
terrorem ingentem fecit. Itaque Ca. Genucio, L. Æmi- Qua de causa creatus L. Manlius, perinde ac reipublicaj
pour gouverner la république, et non pour l'ac- le corriger par l'éducation, au lieu de le punir
quitter envers les dieux, désirant porter la guerre et de le révéler aux autres par ses persécutions?
aux Herniques, il tourmenta la jeunesse de levées Les brutes elles-mêmes ne chérissent et ne ca-
rigoureuses, jusqu'à ce qu'enlin, ayant irrité ressent pas moins leurs pelits, même quand ils
contre lui tous les tribuns du peuple, soit par ont quelque défaut. Mais, par Ilercule, L. Man-
force, soit par honte, il abdiqua la dictature. lius accroît le mal par le mal; il alourdit encore
IV. Néanmoins, au commeucementde l'année cet esprit pa resseux, et, s'il reste en ce jeune hom-
suivante, sous les consuls Q. Servilius Alsala et me un peu de vigueur naturelle, il va l'éteindre
L. Génucius, Manlius fut cité en jugement par dans cette 'vie sauvage, dans ces habitudes rus-
M. Pomponius, tribun du peuple. La rigueur qu'il liques, en le retenant au milieu des troupeaux. n
avait employée dans les levées, où il allait jusqu'à V. Tout le monde, excepté le jeune homme,
infliger non pas seulement des amendes, mais était irrité par cette accusation. Pour lui, au con-
des punitions corporelles, tantôt frappant de ver- traire, afBigé d'être un sujet de haine et de pour-
ges, tantôt condamnant à la prison ceux qui n'a- suites contre son père, et voulant apprendre aux
vaient pas répondu à l'appel, était odieuse; mais dieux et aux hommes qu'il aimait mieux venir en
ce qui l'était plus encore, c'était son naturel aide à son père qu'à ses ennemis, il conçut dans
dur, et le surnom d'Impérieux, mal sonnant pour son esprit rude et sauvage un projet dont l'exem-
une cité libre, et que lui avait valu une ostentation ple n'était pas sans danger dans une ville libre,
de sévérité qu'il exerçait indistinctement sur mais qui mérite des louanges à cause de la piété
les étrangers, sur ses proches et même sur son qui l'inspira. A l'insu de tous, un couteau sous sa
propre sang. Entre autres griefs, le tribun lui robe, il vient un matin à la ville, et de la porte
reprochait « que son fils, adolescent qui n'avait marche droit à la maison du tribun M. Pompo-
jamais fait le moindre mal avait été par lui nius, où il dit au portier « qu'il a besoin de par-
banni de la ville, du logis, du sein des pénates, ler sur l'heure à son maître; qu'il est T. Man-
privé du forum, de la lumière, de la société de lius, fils de Lucius. » Bientôt introduit (car on
ses amis, condamné à des travaux serviles, pres- espérait qu'irrité contre son père, il apportait de
qu'au fond d'une prisou et d'un cachotd'esclaves, nouvelles charges ou des avis sur la conduite do
où ce jeune homme de si haute naissance, ce lits affaire), le salut reçu et rendu (i Il a, dit-il,
de dictateur, apprenait, par un supplice de chaque quelque chose à dire au tribun, sans témoins.» Sur
jour, qu'il était né d'un père digne de sou sur- un ordre, tout le monde s'étant éloigné, il tire son
nom. Et quel était son crime? Il s'evprimait avec couteau, et, se tenant sur le lit, le fer levé, il me-
peine, et sa langue manquait d'agilité. Mais ce nace le tribun de le percer sur-le-champ, s'il ne
vice de la nature, un père, pour peu qu'il y eût jure dans les termes qu'il lui dictera, a de ne ja-
eu lui quelque chose d'humain, ne devait-il pas mais convoquer d'assembléedu peuple pour accu-

gerendæ, ac uon solvendæ religione, gratia creatus es- faciendum fuisse? ne mutas quidem bestias minus alcre
tel, bellum Hernicum affectans, delcctu acerbo juventu- ac fovere si quid ex progenie sua parum prosperum sit.
tem agitavit; tandemque omnibus in eum tribunis plebis At, hercule, L. 1I1anlium malum malo augere lilii, et
coortis, seu vi, seu verecundia victus dietatura abiit. tarditatem ingenii insuper premere; et, si quid in eo exi-
IV. Ne lise co minus principio insequentisanni, Q. Ser- guum naturahs vigoris sit, id exstinguere vita agresti et
vilin Aliala, L. Genucio consulilms, dies Manlio dicitur ruslico cultu iuter pecudes habendo. »
a M. Pompomo tribuno plcbis. Acerbitas in delectu, non V. Omnium potius his criminationitus, quam ipsius
damno modo civmm, sed etiam laceratione corporum juvenis, irritatus est animus quin contra, se quoque
lata, partim virgis c.tsis, qui ad noniina non respoudis- pareuti causam invidiæ atque criminum esse ægre pas-
sent, partim in vincula ductis, invisa erat; et ante oiiiiiia sus, ut omnes dii hominesque scireut, se parenti opem
invisum ipsum ingenium atrox, cognomenque Imperiosi letam, quam inimicis ejus, malle, capit consilium,rudis
grave liberæ chitati, ab ostentatione sævitæ ascitum; quidem atque agrestis animi, et quanquam non civilis
quam non magis in alienis quam in proximis, ac san- exempli, tamen pietate laudabile. Inscientibus cunctis,
guiue ipse suo exerecret. Criniinique ci tribunus inter cullro succinctus, mane in urbem, atque a porta domum
cetera dabat, « quod lilmm juvenem, nullius probri com- confestim ad M. Pomponium tribunum pergit janitori,
pertum, eitorrem urhe, domo, penatibus, foro, luce, « opus esse sihi domino ejus convento extemplo, ait
congressu æqualium prohibitum, in opus servile, prope nuntiaret, T. Manlium L. filium esse. »Mox introductus
in carcerem atque m ergastulum, dederit ubi summo (eteuim percitum ira in patrem spes erat aut criminis
loco na lus dictatorius juvenis quolidiaua miseria disceret, aliquid novi, aut consilii ad rem agendam, déferre) sa-
vere imperioso patre se nalum esse. At quam ob noxam? lute accepta redditaque, « esse, ait, quie cum eo agere
quia iufacuudior sit, et lingua impromptus. Quod na- arbitris remolis velit.. Procul inde omnibus abire jussis,
turæ damnum utrum nutriendum patri, si quicyuam in cultrum stringit; et, super lectum stans ferro intento,
ço bumaui esset, an castigandum ac vexatione insigue msi, iu quæ ipse concepisset verha, juraret, « se patris
serson père.» Le tribun s'effraie car te fer brillait voulait que la république romaine fût éternelle.
à ses yeux; il était seul, sans armes, et il voyait Alors M. Curtius, jeune homme qui s'était fort
devant lui un jeune homme robuste, et ce qui distingué dans la guerre, s'indigna, dit-on, de
n'était pas moins à craindre, ayant en ses forces voir qu'on hésitait, comme si le plus grand bien
une confiance brutale il répète donc le serment de Rome n'était pas la valeur et les armes. Ayant
qu'on lui impose plus tard il déclara que c'était obtenu le silence, il se tourne vers les temples
par suite de cette violence qu'il avait renoncé à des dieux immortels qui dominaient le forum,
son entreprise. Et quoique le peuple eût préféré et, les yeux levés vers le Capitole, les mains tour
qu'on lui laissât la faculté de prononcer sur le à tour tendues vers le ciel ou sur les profondeurs
sort d'un accusé si cruel etsi arrogant, cependant de la terre béante, il se dévoue aux dieux mânes
il ne sut pas mauvais gré au fils de ce qu'il avait puis, montant sur un cheval le plus richement
osé pour son père, et cette action lui parut d'au- équipé qu'il pût, il s'élança tout armé dans le
tant plus louable que toute la dureté paternelle gouffre, où une foule d'hommes et de femmes
n'avait pu rebuter sa piété. Aussi, non content de répandirent sur lui un amas de fruits et d'of-
renoncer à la poursuite du père, il voulut encore frandes expiatoires; et c'est de lui plutôt que
honorer le fils; et comme on avait pour la pre- de Curtius Mettus, cet antique soldat de T. Ta-
mière fois, cette année, déféré aux suffrages l'é- tius, que le lac Curtius aurait tiré son nom.
lection des tribuns de légions (qui auparavant, Je n'aurais pas épargué mes peines, si quelque
ainsi qu'aujourd'hui ceux qu'on appelle Rufuli, voie pouvait conduite à la vérité; mais il faut
étaient choisis par les généraux), T. Manlius obtint aujourd'hui s'en tenir à la tradition, puisque
la seconde des six places, sans avoir mérité cette l'ancienneté du fait ne permet pas d'en consta-
faveur par aucun titre civil ou militaire, ayant ter l'authenticité; et d'ailleurs la plus moderne
passé sa jeunesse aux champs et loin de la société de ces fables donne plus d'éclat au nom du lac.
des hommes. Après l'expiation d'un si grand prodige, et la
VI. La même année, on dit qu'un tremblement même année, le sénat s'occupa des Ilerniques,
de terre, ou quelque autre cause inconnue, fit auxquels il avait, sans succès, envoyé demander
écrouler le sol au milieu du forum et y ouvrit un raison par les féciaux; il se décida, dès le premier
vaste gouffre si bien que les monceaux de terre jour, à proposer au peuple de déclarer la guerre
que chacun y apporta, selon ses forces, ne purent à cette nation, et le peuple, en assembléegénérale,
combler cet abimc. Sur un avis des dieux, on se ordonna la guerre. Le commandement échut par
mit à chercher ce qui faisait la principale force le sort au consul L. Géuucius. La cité était dans
du peuple romain car c'était là, au dire des de- l'attente c'était lepremier consul plébéien qui eût
vins, ce qu'il fallait sacrifier eu ce lieu, si l'on conduit une guerre sous ses auspices personnels,

ejus accusandi causa concilium plebis nunquam habitu- pulus romanus posset. Id enim illi loco dicandum, vates
rum, se eum extemplo transfixurum nunatur. Pavidus canebmt, si rempublicam rnmanam perpetuam esse vel-
tribunus (quippe qui ferrum ante oeulos micare, se so- lent. 1'um M. Curti im, juvcnem bello egregium, casli-
lum, inermem; illum prævalidum juvenem, et, quod gasse ferunt dubitantes, an ullum magis romenum bo-
haud minus timenduin erat, stolide ferocem viribus suis num, quam arma virtusque esset. Sileutio facto, templa
ccrneret) adjurat, in quae adactus est verba; et præ se deorum immortalium quae foro immineut, Capitoliuct-
deiude iulit, ea vi suhsctum se inceplo destitisse. Nec que intuentem, et manus nunc in cœlum, nunc in paten-
perindc, ut maluisset plebes sibi suffragii ferendi de tes terrae hiatus ad deos Manes porrigeutem, se devovisse;
lam crudeli et superbo reo potestatem fieri, ita xgre ba- equo deinde quam poterat maxime exornato insidentem,
buit, fflium id pro parente ausum eoque id laudabilius armatum se in specum immisisse donaque ac fruges su-
erat, quod animum ejus tanta acerbitas patria nihil a pie- per eum a multitudine virorum ac mulierum congestas;
tate avertisset. Ilaquc non patri modo remissa causa dic- lacumque Curtium non ab antiquo illo T. Tatii milite
tio est, sed ipsi eliam adolescenti ea res honori fuit; et Curtio Metto, sed ab hoc appellatum. Cura non deesset,
quum eo anuo primum placuisset, tribunos militum ad si qua ad verum via inquireutem ferret nunc fnma re-
legiones suffragio fieri, (nam et antea sicut nunc, quos rum standum est, ubi certam derogat vetustas fidem; et
ltufulosvocant, impeiatores ipsi faciebant) secundum in lacus nomen ah hac recentiore insignitius fabula est. Post
sex locis tenuit; nullis domi militiæque ad couciliandam tanti prodigii procurationem, eodem anno de Hernicis
graliam meritis; ut qui rure et procul cœtu hominum ju- consultus senatus, quum fetiales ad res repetendas ne-
veutam egisset. quicquam misisset, primo quoque die ferendum ad po-
VI. lùodem anno, seu motu terra*, seu qua vi alia, pulum de bello indiccndo Hernicis censuit; populusque
forum médium fermespecuvasto collapsuni in immensam id bellum fi equens jussit. L. Genucio consuli ea provin-
altitudinem dicitur, neque cam voraginemconjectuterrae, cia sorte evenit. In exspectatione civitas erat, quod pri-
quum pro se quisque gereret, expleri potuisse prius, mus ille de plebe consuls bellum suis auspiciis gesturus
quam deum monitu quæri cœptum, quo plurimum po- esset; perinde ut eveniret res, ita communicatos honores
et l'événement devait la justifier ou la punir de l'emporter; mais, encouragés par le lieutenant,
l'admission du peuple aux honneurs. Le destin les soldais, qui d'ailleurs étaient pleins d'indigna.
voulut que Génucius', marchant précipitamment tion et de colère, firent une sortie, et les Ilerni-
contre l'ennemi, tombât dans une embuscade les ques durent renoncer à l'espoir d'approcher des
légions, surprises et attaquées, se dispersèrent, retranchements; ils furent dispersés et obligés
et le consul fut enveloppé par l'ennemi qui le tua de se retirer en désordre. A l'arrivée du dicta-
sans le connaître. Quand cette nouvelle arriva à teur, la nouvelle armée est réunie à l'ancienne,
Rome, les patriciens, moins affligés de ce désas- et les forces sont doublées il assemble les trou-
tre que joyeux de l'expédition malheureuse d'un pes, comble devant elles de louanges le lieute-
consul plébéien, répétaient de tous côtés avec dé- nant et les soldats dont la valeur avait sauvé le
dain « Allez! faites des consuls plébéiens! trans- camp, et, par ces louanges, en redonnant du
mettez les auspices aux profanes 1 Ou a pu, par cœur à ceux qui les méritent, il inspire aux autres
un plébiscite, déposséder les patriciens de leurs une nohle et vive émulation. L'ennemi, de son
dignités; mais cette loi contre les auspices a-t-elle côté, se prépare avec non moins d'ardeur à la
pu valoir aussi contre les dieux immortels? Ils ont guerre il se souvient de son premier succès, et,
veuëé leur divinité, leurs auspices à peine a-t-on n'ignorant pas que les Romains ont augmenté leurs
vu les auspices aux mains d'un homme qui n'avait forces, il augmente aussi les siennes. Tout ce qui
ni le droit ni le pouvoir d'y toucher, que l'armée a nom Hernique, tout ce qui a l'âge militaire,
a péri avec son chef cet exemple servira de le- est armé huit cohortes, de quatre cents hommes
çon à ceux qui voudraient désormais, dans les co- chacune, formant une élite redoutable, sont en-
mices, coufondre tous les droits des familles. e rôlées. A cette fleur de la plus belle jeunesse, on
Tels étaient les discours qu'on ne cessait d'enten- assure, par un décret, double paie, et cet espoir
dre dans la curie et dans le forum. Ap. Claudius, ajoute encore à son courage. On les exemple aussi
qui avait repoussé la loi, accusait alors avec plus des travaux militaires, afin qu'uniquement ré-
d'autorité que jamais le résultat d'une mesure servés pour le combat, ils sachent qu'ils doi-
qu'il avait repoussée. Avec l'asseutiment des pa- vent plus que leur simple part d'homme, en ef-
triciens, le consul Servilius le nomma dictateur; forts et en valeur. Dans l'ordre de bataille on les
et l'on ordonna une levée et le Justitum. place en avant et hors des rangs, afin de mettre
VU. Avant que le dictateur et les légions nou- plus en vue leur courage. Une plaine de deux
velles fussent arrivés en présence des Herniques, milles séparait le camp romain des Ilerniques ce
le lieutenant C. Sulpiciusavait eu l'occasiond'agir fut là, à une distance à peu près égale des deux
contre eux avec succès. Les llerniques, après camps que le combat se livra. D'abord le succès
la mort du consul s'étaient avancés hardiment resta douteux; vainement les cavaliers romains
vers le camp des Romains avec l'espoir certain de avaient-ils essayé à plusieurs reprises, en chargeant

pro beneaut secus consulta habitura.Forte i1a tulit casus, ad castra romana cum haud dubia expugnandi spe succe-
ut Genucius, ad hostes maguo conatu profectus, m insi- dentes, hortante legato, et plenis iræ atque indignitatis
dias præcipitaret; legionibus necopinalo pavore fusis, militum animis, eruptio est facta. llultum ab spe adenndi
consul circumveutus ah insciis, quem interfecissent,oc- valli res Hernicis affuit adeo turbatis indeordinibusab-
cideretur. Quod ubi est Romam nuntiatum nequaquam scessere. Dictatoris deinde adventu novus %eteri exerci-
tautum publica calamitate mœsti Patres, quanium feroces tus jungitur, et copiæ duplicantur et pro concione dic-
infelici consulis plebeii ductu fremunt ommbus locis lalor laudibus legati mililumque, quorum virtute castra
« Irent, creareut wnsules ex plebe, transferreut auspi-
defensa erant, simul audientibus laudes meritas, tollit
c.a, quo nefas esset. Potmsse Patres plebiscitopelh huuo- animons; simul ceteros ad emulandas virlutès acuit. Ne-
ribus suis num etiam in deos immurtales inauspica.am que segnius ad bustes bellum apparatur, qui, et parti
legem valuisse? Vindicasse ipsos suuin uumen, sua aus- aute decoris memores, neque ignari auclarum virium
picia quoe ut primum contacta sint ab eo, a quo uec jus hustis, suas quoque virea augent. Omoe liernicum no-
uec las fuerit. delelum cum duce exercitum documeuto men, omms militaris ætas excitur. Quadringenariæocto
fuisse, ne deinde, turbato gentium jure, comitia habc- cohortes, lecta robora virorum, seribuntur. Hune exi-
reulur.· llis vocibus Curia et forum persoual. Ap. Clau- mium florcm juventutis eo etiam quod ut duplex acci-
dium quia dissuaserat legem, majore nunc auctoritate perent stipendium decreverant, spei animorumque im-
eveutuiu reprehensi ab se conshi incusantem, dictalorem plevere. Immunes quoque operum militarium erant. ut,
consensu patriciorum Servilius consul dicit, delectusque in unum pugnw laborem reservati, plus sibi, quam pin
et justitium iudictum. virili parte, aunitendum scirent. Lxtra ordinem etiam in
VII. Priusqusm dictator legionesque novæ in Herni- acie locati quo conspectior virtus esset. Duum millium
cos venirent, ductu C. Sulpicii legati res per occasionem planities castra romana ab Hernicis dirimebat ibi pari
gesta egregie est. In Hernicos, morte consulis contemptim ferme utrimque spatio in medio pugnatum est. Primo ste-
la ligue ennemie, de la rompre. Voyant que, dans Herniques fugitifs; mais, comme il était tard, on
cette lutte, le résultat ne répondait pas à leurs différa l'assaut. Les sacrifices, longtemps répétés
efforts, les cavaliers consultent le dictateur, et, sans succès, avaient empêclré le dictateur de don-
avec sa permission, quittent leurs chevaux; puis, ner le signal avant midi; et le combat s'était ainsi
poussant un grand cri, ils volent devant les en- prolongé jusqu'à la nuit. Le lendemain on trouva
seignes, et recommencent le combat. L'ennemi désert le camp des Ilerniques ils avaient disparu
n'eût pu soutenir leur choc, si les cohortes dont en laissant quelques blessés à l'abandon. La troupe
nous avons parlé n'eussent opposé aux nôtres une des fuyards, peu nombreuse, fut aperçue par les
pareille vigueur de corps et de courage. habitants de Signia, sous les murs de laquelle elle
VIII. Alors l'action s'engage entre les plus braves avait passé; ils la dispersèrentet la massacrèrent
des deux peuples. Les pertes de part et d'autre dans sa fuite à travers la campagne. Cette victoire
quel que soit le nombre de ceux qui tombent em- ne laissa pas que de coûter du sang aux Romains:
portés par le sort commun de la guerre, se multi- on perdit un quart de l'armée, et ce qui ne fut
plent par la qualité des morts le reste des soldats pas de moindre dommage, plusieurs cavaliers ro-
avait pour ainsi dire délégué le combat a ces braves, mains succombèrent.
et remis sa destinée à leur valeur. Beaucoup sont IX. L'annéesuivante, comme lesconsulsC. Sul-
tués de part et d'au tre, et plus encore sont blessés. picius et C. Licinius Calvus avaient mené l'armée
Enfin, les cavaliers, s'excitant les uns les autres, contre les Herniques, et que, ne trouvant pas les
se demandent « ce qu'ils espèrent encore? A che- ennemis en campagne, ils avaient enlevé une des
val, ils n'ont pu repousser l'cnnemi; à pied, ils villes de ce peuple nommé Férentinum, à leur
ne le peuvent pas davantage. Quelle est la troi- retour, Tibur leur ferma ses portes. Ce dernier
sième espèce de combat qu'ils attendent? A quoi motif, ajouté à tant d'autres, et après toutes les
bon s'être jeté fièrement à la tête des enseignes, plaintes que se renvoyaient depuis longtemps les
et combattre en la place des autres? » S'étantani- deux peuples décida liome à faire demander rai-
més entre eux par ces paroles, et ayant poussé un son par ses féciaux aux Tiburtins, et à leur décla-
nouveau cri, ils se portent en avant; ils commen- rer la guerre. Il parait certain que, cette année,
ceut par faire perdre pied à l'ennemi, et, après T. Quinctius Pennus fut dictateur, et Serv. Cor-
l'avoir contraint à reculer, le mettent en pleine nélius Maluginensis maître de la cavalerie. Selon
déroute. 11 n'est pas facile de dire ce qui. entra Macer Licinius, ce ne fut que pour tenir tes comices
des forces si égales, décida la victoire, à moins que ce dictateur fut nommé par le consul Licinius,
que la constante fortune des deux peuples n'ait lequel voyantsoncollègue, au lieu de s'occuperde la
doublé le courage de l'un et diminué celui de l'au- guerre, lrâter la réunion des comices pourse mainte-
tre. Le Romain poursuivitjusqu'à leur camp les nir au consulat, voulut déjouer uneambitioncoupa-

tit ambigua spe pugna nequicquam smpe conatis equiti- tra fugientes Hernicos Romanus sequitur castrorum op-
bus romauis impetu turbare hostium aciem. Postquam pugnatione quia serum erat diei, abstinuere. Diu non
equestris pugna effectu, quam conatibus, vanior erat perlitatumtenuerat dictatorem ne ante meridiem signum
consulto prius dictatore equites, permissu deinde ejus dare posset eo in noctem tractum erat certamen. Pos-
reliclis equis, clamore ingeuti provolant ante signa, et tero die déserta fuga castra Hernicorum, et saucii relicti
novam intégrant pugnam neque sustineri poterant, ni quidam inventi; agmenque fugientium ab Signinis, quum
eslraordiuarias coliurtes pari corporum animorumque præter mœnia eorum intrequenytia conspecta signa essent,
robore se objecisssent. fusum, ac per agros trepida fuga palatum est. Nec Ro-
VIII. Tune inter primoresduoruin populorum res ge- manis incruentavictoria fuit; quarta pars militum amissa;
ritur. Quicquid hinc aut illinc communis Mars belli au- et, ubi baud minus jaclura; fuit, aliquot equites roman-
fert, multiplex, quam pro numero, damnum est vul- ni cecidere.
gus aliud armatorum velut delegata primoribus pugna, IX. Insequenti anno, quum C. Sulpicius et C. Licinius
eventum suum in virtutealieuaponit. llfulti utrimque ca- Calvus consules in Hernicos exercitum duxissent, neque
duut, plures vuluera accipiunt. Tandem equites alius inventis in agro hostibus Ferentinum urbem eorum vi
alium increpautes, quid deinde restaret, quaerendo, si cepissent, revertentibusindeiis Tiburtes portas clausere.
neque ex equis pepulisseut bostem, neque pedites quic- Ea ultima fuit causa quum multæ antea querimoniæ ul-
quam momenti facerent? quam Lertiam exspectarent pu- tro citroque jactatæ essent, cur, per fetiales rebus repe-
gnam? quid aute signa ferocesprosiluissent, et alieno pu- titis, beilum Tiburti populo iudiceretur. Dictatorem
gnarent loco ? » His inter se vocibus concitati, clamore T. Quinctium Pennum eo anuo fuisse satis constat, et
renovato, inferunt pedem et pr.mum gradu moverunt magistrum equitum Ser. Cornelium Malugineusem. Ma-
hostem, deinde pepulcrunt; postremo jam baud dubie cer Licimus comitiorum babendorum causa, et ab Lici-
avertunt. Neque, tam vires parcs quæ superaverlt res, nio consule dictum scribit, quia, collega comitia bello
facile dictu est, nisi quod perpetua fortuna utriusque po- præferre festinante, ut coutinuaret consulatum obviam
puli etextollereanimos, et miuuore potuit. Usque ad cas- eundum pravm cupiditati fuerit. Quæsita ea propria; fa-
ble. Mais, en louant un homme de la même famille certaine. Si tu le permets, je veux montrer à cette
que lui, Licinius ôte du poids à son témoignage; brute, qui parade insolemment devant les ensei-
et, comme je ne trouve aucune mention de ce fait gnes ennemies, que je descends de cette famille
dans nos plus anciennes annales, j'inclinerais plu- qui renversa de la roche Tarpéienne une armée do
tôt à croire que la guerre des Gaulois fut alors la Gaulois.» Alors le dictateur « Courage, T. Man-
seule cause du choix d'un dictateur. Il est con- lius, lui dit-il; sois dévoué à ta patrie comme tu
stant que, cette année, les Gaulois vinrent camper l'es à ton père. Va, et montre, avec l'aide des
à trois milles de Rome, sur la voie Salaria, au- dieux, que le nom romain est invincihte. » Les
delà du pont de l'Anio. Le dictateur ayant, à l'ap- amis du jeune homme lui aident à s'armer; il
proche des Gaulois, proclamé le Justitium, ap- prend un bouclier d'infanterie, et ceint un glaive
pella au serment toute la jeunesse, sortit de la ville espagnol, meilleur pour combattre de près. Uès
avec une armée nombreuse, et plaça son camp qu'il est armé et équipé, ils le mènent en face du
sur la rive citérieure de l'Anio. Un pont séparait Gaulois, qui dans sa joie stupide (c'est un détail
les deux armées et aucune ne l'osait rom- que les anciens ont cru digne de mémoire), li-
pre, pour qu'on n'y vit pas un signe de peur. rait la langue par raillerie. Ensuite ils regagnent
On s'en disputait la possession par de fré- leur poste laissant seuls les deux adversai-
quents combats; mais, comme on se battait à res qui ont plutôt l'air de se donner en specta-
forces presque égales, il était difficile de prévoir cle que de se trouver là par la loi de la guerre,
qui l'emporterait. Alors un Gaulois, d'une stature et qui, à en juger par la vue et d'après tes appa-
imposante, s'avance seul sur le pont, et, parlant rences, ne semblent pas d'égale force. L'un se pré-
de toute la puissance de sa voix « Que le plus sente avec une stature remarquable, revêtu d'ha-
brave des Romains, dit-il, vienne ici se mesurer bits qui brillent de mille couleurs, et portant des
avec moi, et l'événement de notre lutte appren- armes peintes et ciselées en or qui le font resplen-
dra lequel des deux peuples vaut le mieux à la dir l'autre est de la taille ordinaire du soldat, et
guerre. » ses armes, plus commodes que belles, n'ont qu'un
X. Il y eut un long silence parmi les principaux modeste éclat il ne chante pas, ne bondit pas,
de la jeunesse romaine: tous craignaient de re- n'agite pas ses armes d'une manière arrogante;
fuser le combat, mais aucun ne voulait être le mais son âme, pleine de courage et d'une muette
premier à en courir la chance si périlleuse. Enfin, colère, garde tout son effort pour l'épreuve du
T. Manlius, fils de L., qui avait délivré son père combat. Quand ils sont en présence entre les deux
des persécutions du tribun, quitte son ponte, et armées, entourés de tant d'hommes dont la crainte
s'approcliant du diclateur a Gencral, lui dit-il, et l'espérance tiennent les cœurs suspendus, le
jen'autais jamais sans ton ordre, combattu hors Gaulois, comme uue masse prête à tout écrascr,
des rangs, alors même que j'aurais vu la victoire tend son bouclier de la main gauche, et, du tran-

miliæ laus leviorem auctorem Licinium facit. Quum men- certam victoriam videam. Si tu permittis, volo ego illi
tionem ejus rei in vetuâtioribus annalibus nullam inve- belluie ostendere, quando adeo leroi præsultat hostium
niam, magis, ut belli Gallici causa diclalorem creatum signis, me ex ea familia ortum, quæ Gallorum agmen ex
arbitrer, inclinat animus. Eo certe anno Galli ad tertiiiin rupe Tarpeia dejecit. » Tum dictator, « Macte virtute,
lapidcm Salaria via trans poutem Anienis castra habuere. inquit, ac pietate in patrem patrianulue, T. Manli, esto.
Diclator, quum tumultus gallici causa justitium ediîis- Perge, et nomen Romanum mvictum, juvantibus dus,
set, omnes juniores sacramento adegit, ingentique exer- pra'sta.. Armant inde juvenem aquales pedestre scu-
citu ab urbe prolectus, in citeriore ripa Anienis castra tum capit, Hispano cingitur gladio, ad propiorem habili
posuit. Pons in medio erat, neutris eum rumpentibus, pugnam. Armatum adnrnatumque adversus Gallum sto-
ne timoris indicium esset. Praelia de occupaudo ponte lide lætum, et (quoniam id quoque memoria dignum
crebra erant; nec, qui potirentur, incertis viribus, satis anliquis visum est) linguam etiam ab irrisu exserentem,
discerni puterat. Tum eximia corporis maguitudme in producunt. Recipiunt inde se ad stationem et duo in
vacuum pontem Gallus proeessit; et, quantum maxima medio armati, spectaculi magis more, quam lege belli,
voce potuit, « Quem inquit, Roma virum fortis- destituuntur, nequaquam visu ac specie æstimantibus
simum habet, procedat, agedum, ad pugnam, utnoster pares. Corpus alteri magitudine eximium, versicoloi i
duurum eveutus ostendat, utra gens bello sit melior. » veste pictisque et auro cxlatis refulgens armis medin in
X. Diu iuter primoresjuvenum romanorum silentium altero militaris statura, modicaque in armis habilibus
fuit, quum et abnuere certamen vererentur, et praeci- magis quam decoris species. Non cantus, non exsullatin
puam sortem periculi petere nollent. Tum T. Dlanlius, armornmque agitatio vana; sed pectus, animorum iræ-
L. filius, qui patrem a vexationetribunitia vindicaverat, que tacitæ plenum, omnem ferociam in discrimen ipsuin
ci statione ad dictatorem pergit Injussu tuo, inquit, certaminis dismlerat. Ubi constitere inter duas acies, tôt
imperator, extra ordmem nunquam pugnaverim; non, si circa morlalium animis spe metuque pendenlilnts, Gallus.
chant de son épée, frappe avec un grand bruit, son collègue C. Pétélius Balbus mena, par ordre
mais inutilement, les armes de l'ennemi qui s'a- du peuple, une armée contre les Tiburtes. Les
vance. Le Romain, l'épée haute et droite, com- Gaulois accoururentde la Campanie au secours de
mence par choquer de son bouclier le bas de l'au- leurs alliés, et d'affreuses dévastations évidem-
tre bouclier, pénètre de tout son corps sous cet ment conseillées par les Tiburtes désolèrent les
abri qui le préserve des blessures, se glisse entre territoires de Lavicum, de Tusculum et d'Albe. Si
le corps et l'armure de l'ennemi, lui plonge par l'on n'avait eu d'autre ennemi que les Tiburtes,
deux fois son glaive dans le ventre et dans l'aine, un consul aurait suffi à la république; mais l'in-
et l'étend sur le sol dont il couvre un large es- vasion des Gaulois força de créer un dictateur on
pace. L'ayant ainsi renversé, il épargna toute créa Q. Servilius Abala, qui nomma T. Quinctius
injure à son cadavre mais il lui ôta son collier, maître de la cavalerie, et qui, avec l'approbation
qu'il passa, tout mouillé de sang, à son cou. Les du sénat, fit vœu, si l'issue de cette guerre était
Gaulois, non moins effrayés que surpris, demeu- heureuse, de célébrer les grands jeux. Le dic-
raient immobiles. Pour les Romains, ilss'é'ancent tateur, pour renfermer les Tiburtes dans leur
joyeux de leur poste au devant de leur soldat, et propre guerre ordonna au consul de rester avec
le louant, le félicitant, le conduisent au dictateur. son armée; puis il appela au serment toute la
Au milieu de leurs chansons naïves et des saillies jeunesse, et nul ne refusa le service. On com-
de leur gaieté militaire, on entendit le surnom de battit non loin de la porte Colline avec toutes les
Torquatus; ce surnom fut plus tard accueilli, et forces de la ville à la vue des parents, des fem-
devinl le titre honorifique des descendans et de la mes et des enfants; et ces objets qui, même ab-
famille du vamqueur. Le dictateur y ajouta le don sents, sont de si puissantes exhortations pour le
d'une couronne d'or, et, devant l'armée assemblée, courage, présents et visibles ce jour-là, parlaient
releva par les plus beaux éloges l'honneur de ce vivement à l'orgueil et à l'affection du soldat.
combat. Après un grand carnage de part et d'autre, les
Xi. Et, par Hercule, tel fut l'effet de ce com- Gaulois tournèrent enfin le dos, et s'enfuirent à
bat sur l'événement de toute la guerre, que l'ar- Tibur, qui était comme l'arsenal de cette guerre
mée gauloise, dès la nuit suivante, abandonnant gauloise; mais, dans leur désordre, surpris non
son camp à la hâte, se retira sur les terres de Ti- loin de Tibur par le consul Pétélius, ils sont re-
bur puis, après y avoir fait alliance de guerre foulés jusque dans les murs de la ville avec les
avec les Tiburtes, qui la secoururent généreuse- Tiburtes, sortis pour leur porter secours. Cette
ment de vivres, elle passa dans la Campanie.C'est guerre fut parfaitement conduite, soit par le dic-
pour cela que, l'année suivante, tandis que le tateur, soit parleconsul. De son côté, l'autre con-
consul, M. Fabius Ambustus, dirigeait, d'après la sul, Fabius, après quelques légers succès contre
loi du sort, la campagne contre les Herniques, les Herniques, finit par les vaincre entièrement

velut moles superne imminens, projecta laeva scuto, in quum collegæ ejus M. Fabio Ambuslo Hernici provincia
advenientis arma hostis vanum ciesim cum ingenti sonitu evenisset, adversus Tiburtes jussu populi elercitum du-
ensem delecit. liomanus, mucrone subrecto, quum scuto ceret. Ad quorum auxilium quum Galli ex Campauia re.
scutum imum perculis,et, lotoque corpore iu.erior peri- dissent, fœdæ populationes in Lavicano, Tusculanoque,
culo vulneris factus, insinnasset se inter corpus, armaque, et Albano agro, haud dubie Tiburtibus ducibus, sunt
uuo alteroque subinde ictu veutrem alque iuguina hausit, facta1. Et, quum adversus Tiburtem hostem duce consute
et in spatium iugens ruentem porrexit hostem. Jacealis coutcuta respublica esset, Gallicus tumullus dictatorem
inde corpus, ab omni alia vexatione intactum, uno torque creari coegit. Creatus Q. Servilius Alrala T. Quinctium
spoliavit quem respersum cruore collo circumdeditsuo. magislrum equitum diait, et ex autoritate Patrum, si
Delixeratpavorcuni admiratione Gallos. ltomani, alacres prospere id bellum evenisset, ludos maguos vovit. Dic;a-
ab statioue obviam militi suo progressi, gratulantes lau- tor ad contineudos proprio hello Tiburtes consulari exer-
dautesque ad dictatorem perducunt. Inler carminum citu jusso inauerc, omnes juniores, nullo detrectante
prope mudum incondita quædam militariter joculantes, militiam, sacramento adegit. Pugnatum haud procul porta
Torquati cognomen auditum; celebratum deinde poste- Collina est totius viribus urbis, in conspectu pareutum
ris etiam familiteque honori fuit. Dictalor coronam au- conjugumque ac liberorum quae magna, etiam absenti-
ream addidit donum, mirisque pro concione eam pu- bus, hortamentaanimi, tum subjecta oculis, sitnul vere-
guam laudibus tulit. cuudia misericordiaque militem accendebaut. Magna
XI. Et, hercule, lauti ea ad universi belli eventum utrimque edita cæde, avertitur tandem acies Gallorum.
momenli dimicatio fuit, ut Gallorum exercitus proxima Fuga Tibur, sicut arcem belli Gallici, peiunt; palati a
nocte relictis trepide castris, in Tiburtem agrum, atque cousule Pœtelio haud procul Tibure excepti, egressis ad
inde, societate belli facia, commeatuque benigne ab Ti- opeiu ferendam Tiburtibus, simul cum bis intra portas
bartibus adjutus, moi in Campaniam transierit. Ea fuit compelluntur. Egregie quum ab dictatore, tum ab con-
causa, cur proximo anno C. Paelelius Balbus consul, sule res gesta est. Et consul aller Fabius praelüs primum
dans une seule et mémorable bataille où l'ennemi consuls, sortant par les deux portes, attaquent à
l'avait attaqué avec toutes ses forces. Le dictateur, la fois cette armée qui déjà se préparait à donner
après avoir comblé les consuls de louanges dans l'assaut; et il fut facile de voir qu'elle avait plus
le sénat et devant le peuple, et leur avoir même compté sur l'occasion que sur son courage, tant
attribué une partie de sa gloire, abdiqua la dicta- elle eut peine à soutenir le premier choc des Ro-
ture. Pétélius triompha deux fois des Gaulois et mainsl Au reste, à vrai dire, cette invasion fnt
des Tiburtes. Pour Fabius, on pensa que c'était avantageuse aux Romains une querelle allait s'é-
assez de lui accorder l'ovation. Les Tiburtes se lever entre les patriciens et le peuple; et la ter-
moquèrent du triomphe de Pélélius « Où donc reur d'une guerre si soudaine l'étouffa. A cette
leur avait-il livré bataille.? Quelques habitants, guerre en succéda une autre où l'invasion de l'en-
sortis de la ville pour être témoins de la fuite et nemi fut plus terrible pour la campagne que pour
de la terreur des Gaulois, voyant que les Romains la ville. Les Tarquiniens envahirent le territoire
tombaient aussi sur eux, et massacraient sans di- de Rome et le dévastèrent, principalement du
stinction tout ce qui se trouvait sur leur chemin côté qui borde l'Etrurie. Comme on leur avait de-
s'étaient réfugiés dans leurs murs. Et c'était là, mandé réparation sans l'obtenir, les nouveaux
aux yeux des Romains, un exploit digne du triom- consuls, C. Fabius et C. Plautius, par ordre du
plie Ils ne devaient pas tant se glorifier d'avoir peuple, leur déclarèrentla guerre à Fabius échut
jeté l'alarmeaux portes de l'ennemi; ils verraient cette campagne, à Plautius, celle contre les Her-
bientôt une bien autre épouvante aux pieds de niques. En même temps, le bruit d'une invasion
leurs murailles. » gauloise augmentait de jour en jour. Mais, au mi-
XII. En conséquence, l'année suivante, sous les lieu de tant d'alarmes, ce fut pour Rome une con-
consuls M. Popilius Lénas et Cn. Manlius, au mo- solation que d'accorder aux Latins la paix qu'ils
ment où la nuit commence à être silencieuse, une dcmandaient. Aux termes d'un ancien traité, qui,
armée ennemie, partie de Tibur, arriva devant pendant de longues années, n'avait pas eu d'effet,
Rome. Brusquement arrachés au sommcil, les lio- on reçut d'eux un bon nombre de troupes; secours
mains s'effrayèrent de cette subite attaque et de qui fortiGa la puissance romaine et lui rendit plus
cette alarme nocturne d'ailleurs un grand nom- légère à supporter la nouvelle de l'arrivée des
bre ignorait quel était cet ennemi et d'où il Gaulois, et de leur halle aux environs de Pedum.
venait. Cependant, on cric aux armes, on met On nomma dictateur C. Sulpicius; le consul
de uouvelles gardes aux portes, on renforce les C. Plautius fut mandé pour cette élection; un
murailles. Mais, lorsque le jour naissant n'eut maître de cavalerie, M. Valérius fut adjoint au
montré qu'une faible troupe devant les remparts dictateur. Ces chefs, à la tête des plus braves sol-
et nul autre ennemi que les Tiburtes, les deux dats, choisis dans les deux armées consulaires,

parvis, postremo una insigni pugna. quum hostes totis tendit, duabus portis egressi consules utrimque aciem
adorti copiis essent, Hernicos devincit. Dictalor, consuli- subeuntium jam muros aggrediuntur apparuitque oc-
bus in senatu et apud populum magnifiée collaudatis, et casione magis, quam virtule, fretos venisse adco vit
suarum quoque rerum illis remisso honore, dictalurs se primum impetum Romauorum sustinuere. Quin etiam
abdicavit. Pœtelius de Gallis Tiburtibusque gemiuum bono fuisse Romanis adventumeorum conslabat orien-
triumphum egit. Fabio satis visum, ut ovaos urbem in- temque jam seditionem inter Patres et plebem melu tam
iret. Irridere Pœtelii triumphum Tiburtes « Ubi enim propinqui belli compressam. Alius adventus hostium fuit
eum secum acie conflixisse?spectatores paucos fugæ tre- proximo bello, agris, quam urbi, terribihor. Populabundi
pidationisque Gallorum, extra portas egressos, postquam Tarquinensesfines Romanos, maxime qua ex parte Etru-
in se quoque fieri impetum viderint, et sine discrimine riam adjucent, peragravere rebusque nequicquam re-
obvios cædi, récépissé se intra urbem. Eam rem triumpho pelitis, novi consules C. Fabius et C. Plautius jussu po-
diguam visam Romanis? Pie nimis mirum magnumque puli bellum indixere, Fabioque ea pronvincia, Plautio
censerent, tumultum exciere in hostium portis, majorem Ilernici evenere. Gallici quoque belli fama inerebrescebat.
ipsos trepidationem aute mœnia sua visuros.» Sed inter multos terrores éolalio fuit pax Latinis petenti-
XII. Itaque insequenti anno, M. Popilio Lænate bus data, et magna vis mili um ab iis ei fœdere vetusto,
Cn. manlio consulibus, primo silenlio noctis ab Tibure quod multis intermiserautannis, accepta. Quo præsidio
agmine infesto profecti, ad urbem Romam venerunt. quum fulta res Romana esset, levius fuit, quod Gallos
Terrorem repente ex somno excitalis suliila res et no- moi Præneste venisse, atque inde circa Pedum conse-
clurnus pavor pra'huit; ad hoc multorum inscitia, qui, disse, auditum est. Dictatorem dici C. Sulpicium placuit.
aut unde, hostes advenissent. Conclamatum tamen cele- Consul ad id accitus C. Plautius dixit magister equitum
riter ad arma est, et portæ stationibus, murique præsi- dictalori additus M. Valerius. lIi robora militum, et
diis firmati; et ubi prima lui mediocrem multitudinem duobus consularibus exercitibus elec a adversus Gallot
ante mœnia, neque alium, quam Tiburtem, hostem os- duxerunt. Lentius id aliquan'obellum quam paiti
marchèrent contre les Gaulois. La guerre alla plus parts on crie « 11 faut aller sur-le-champ vets
lentementqu'on ne l'aurait voulu de part et d'au- le dictateur; et Sex. Tullius parlera pour l'ar-
tre d'abord les Gaulois seuls désiraient le com- mée d'une manière digne de sou courage. v
bat mais bientôt le soldat romain fut plus fou- XIII. Pour la septième fois, 'l'ullius comman-
gueux que les Gaulois eux-mêmes à demander les dait le primipile, et il n'y avait pas dans l'armée,
armes et la bataille. Le dictateur, voyant que parmi ceux du moins qui avaient servi dans l'in-
rien ne pressait, refusait de se hasarder contre un fanterie, un homme qui fict plus célèbre par ses
ennemi que le lemps devait épuiser chaque jour hauts faits. Suivi d'une troupe de soldais, il mar-
sur cette terre étrangère, où il ne pouvait pas rester che au tribunal, et comme Sulpicius s'étonnait
sans réserve de vivres, et sans retranchements de voir cette troupe séditieuse, et surtout de voir
à l'épreuve; il considérait en outre que, chez à sa tête Tullius, un soldat si soumis à la disci-
ce peuple, les âmes et les corps, dont toute la force pline « Dictateur, dit celui-ci, l'armée entière,
était dans le premierélan, devaient s'énerver au persuadée que tu la condamnes comme lâche, et
moindre délai. Dans cette vue, le dictateur traî- que c'est pour la punir par la honte que tu la
nait la guerre en longueur, et il avait menacé d'un tiens désarmée, m'a prié de plaider sa cause de-
chatiment sévère le premier qui combattraitsans vant toi. Ccrtcs, alors même qu'on aurait à nous
son ordre. Les soldats, mécontents de cette dé- reprocher d'avoir abandonné notre poste, ou
fense, murmuraient entre eux dans les postes et les tourné le dos à l'ennemi, ou perdu lâchement nos
corps-de-garde, censurant le dictateur, et parfois enseignes, il me semble que nous pourrions ce-
même s'attaquant au sénat tout entier, parce qu'il pendant obtenir de toi, comme une justice, la per-
n'avait pas confié à des consuls la conduite de cette mission de réparer notre faute par du courage, et
guerre.«Ona choisi là, disaient-ils, un fameux gé- d'effacer par une nouvelle gloire le souvenir de
néral, un chef sans pareil, qui s'imagine qu'il n'a cet opprobre. Les mêmes légions qui avaient été
qu'à rester tranquille, et que la victoire va d'elle- battues sur l'Allia, et qui avaient perdu la patrie
même lui tomber du ciel dans les bras 1» ensuite
par leur frayeur, sorties bientôt de Véies, surent
ces propos, et de plus hardis encore, furent répé- la reconquérir par leur valeur; et nous, grâce à
tés publiquement « Ou ils combattront en dépit la bonté des dieux, à la fortune, à celle du peuple
du général ou ils retourneront les rangs serrés romain, nous avons maintenu intactes la républi-
à Rome. » Bientôt les centurions se mêlent aux que et notre gloire. Mais, j'ose à peine parler de
suldats On ne murmure plus seulement dans gloire, lorsque nous nous tenons cachés comme
quelques groupes isolés, millediscours semblables des femmes derrière un retranchements, insultés,
se confondent sur la place d'armes, devant la outragés de toutes façons par l'ennemi; et lorsque
tente du dictateur la foule croît à chaque instant toi, notre général, ce qui est encore plus triste
comme une assemblée solennelle, et de toutes pour nous, tu crois ton armée sans cœur, sans ar-

utrique placebat, fuit. Quum primo Galli tantum avidi et vociferari ex omnibus locis, « ut extemplo ad dictato-
certamiuis fuissent deinde Romanus miles ruendo rem iretur verba pro exercitu ficeret Sex. Tullius, ut
in arma ac dimicationem, a1iquantum Gallicam fero- virtute ejus dignum esset..
ciam vinceret; diciatori neutiquam placebat, quando XIII. Septimum primum pilum jam Tullius ducebat
nulla cogeret res, fortunæ se committere adversus hostem, neque erat in exercitu, qui quidem pedestria stipendia fe-
quem tempus deteriorem in dies et locus alienus faceret, cisset, vir factis nobilior. Is, præcedens militum agmen,
siue præparatocommeatu,sine firmo munimento moran- ad tribunal pergit; mirantique Sulpicio non turtam ma-
tem ad hoc iis animis corporibusque, quorum omnis in gis, quam turbæ principem Tullium, imperiis obedien-
impetu vis esset, parva eadem languesceret mora. His tissimum militem, Scilicet, dictator, iuquit, condem-
consihis dictator bellum trahebat, gravemque edixerat natum se universusexercitus a te ignaviae ratus, et pro-
pœnam,si quis injussu in hostem pugnasset. Milites, a'gre pe ignominiæ causa destitutum sine armis, oravit me,
id patientes, primo in stationibus vigiliisque inter se di- ut suam causant apud te agerem. Equidem, sicubi loco
ctatorem sermonibus carpere; interdumPatres commuoi- cessum,si terga data hosti, si signa foede amissa objici
ter increpare, quod non jussissent per consulesgeri bel- nobis possent, tamen hoc a te impetrari &-quum cense-
lum. « Electum esse eximium imperatorem, unicum du- rem, et nos virtute culpam nostram corrigere, et abo-
cem, qui nihil agenti sibi de cmlo devolaturam in sinum lere flagitii memoriam nova gloria patereris. Etiam ad
victoriam censeat.. Eadem deinde haec interdiu propa- Alliam fusæ legiones eandem, quam per pavorem amise-
lam, ac ferociura bis, jactare; se injussu imperatoris rant patriam, profectæ postea ab Veiis, virtute recupera-
aut dimicaturos, aut agmine Romam ituros. » Immisce- vere. Nobis, deùm benignitate, felicitate tua populique
rique militibuscenturiones nec incirculismodo fremere, Romani, et res et gloria est integra. Quanquam de
sed jum in principiis ac prætorio in uuum sermones con- gloria vix dicere ausim, si nos et hostes haud secus, quam
luudi atquc in concionis magnitudinem crescere turba feminas, abditos intra vallum omnibus contumeliis elu-
mes, sans bras, et que, même avant de nouséprou- prières de la multitude et de tous cótes on criait
ver, tu désespères de nous, comme si tu croyais au dictateur de donner le signal et de faire pren-
ne commander qu'à des soldats manchots et débi- dre les armes.
les. Sans cela, en effet, pourquoi un chef vétéran, XIV. Le dictateur sentait bien qu'une pareille
qui a déployé tant de courage a la guerre, res- conduite n'était pas d'un bon exemple, quoique
terait-il assis là, comme on dit, les bras croisés ? louable en soi; néanmoins il promit de faire ce
Quoi qu'il en soit, il n'est que trop vrai que tu que les soldats demandaient. Ensuite, prenant à
semblés douter de notre bravoure plus que nous part Tullius, il lui demande ce que cela signifie,
de la tienne. Si pourtant ce n'est pas de toi-même et quelle est cette façon d'agir. Tullius supplie in-
que tu agis de la sorte, mais par l'inspiration de stammentledictateur u De croire qu'il n'aoublié ni
ceux qui gouvernent, si c'est quelque complot des la discipline militaire, ni ce qu'il est, ni ce qu'il
patriciens et non la guerre des Gaulois qui nous doit à la majesté du commandement il ajoute quo
tient éloignés de la ville et de nos pénates, je te d'ordinaire une multitude soulevée se conduit
prie de considérer ce que je vais te dire comme le comme ceux qui la dirigent et qu'il a consenti à
langage, non du soldat au général, mais du peu- se mettre à leur tête, de peur qu'il ne se trouvât
ple aux patriciens, du peuple qui déclare par ma là quelqu'un de ces hommes que les troupes ré-
bouclie qu'il aura ses desseins comme vous avez voltées ont coutume de se donner pour chefs; car,
les vôtres. Et qui donc trouvera mauvais que nous quant à lui, il n'eût jamais rien fait contre le gré
soyons soldats, non vos esclaves? envoyés à la de son général. Toutefois il importe que le dic-
guerre, non en l'exil? tout prêts, si on nous donne tateur prenne garde que l'armce ne lui échappe.
le signal, si on nous mène à l'ennemi, à combat- On ne peut opposer de nouveaux délais à des es-
tre comme il convient à des hommes, à des Ro- prits si animés; ils choisiront eux-mêmes le lieu
mains ? mais plus disposés, si on n'a pas besoin de et le temps pour combattre, si le général ne le
nos armes, à passer notre loisir dans Rome que leur donne. » Pendant cet entretien, un Gaulois
dans un camp? Voila ce que nous disons aux ayant enlevé des chevaux qui paissaient par ha-
patriciens. Toi, général, nous te prions, nous, sard hors du retranchement,deux soldats romains
tes soldats, de nous permettre enfin de com- les reprirent. Les Gaulois leur lancent des pier-
battre. Si nous désirons de vaincre, c'est pour res alors, du camp romain uu cri s'élève; de
vaincre sous tes ordres, pour te déférer un noble part et d'autre on accourt, et un véritable com-
laurier, pour rentrer avec toi triomphants dans la bat allait s'engager, si les centurions n'eussent
ville, et suivre ton char au temple de Jupiter, promptement rappelé nos soldats. Cet incident
très-bon, très-grand, te glorifiant, te rendant cnnfirmait du reste ce que Tullius avait dit au
grâces. » Au discours de Tullius succédèrent les dictateur et l'affaire n'admettant plus de re-

dunt et tu imperator noster, quod ægrius patimur, exer- que adire. » Orationem Tullü exceperunt preces multitu-
cilum tuum sine animis, sine armis, sine manibus judi- dmis; et undique ut signum daret, ut capere arma jube-
cas esse; et prius, quam expertus nos esses, de nobis ita ret, clamabant.
desperasti, ut te mancorum ac delnlium ducem judicares XIV. Dictator, quanquam rem bonam exemplo baud
esse. Quid cuim aliud esse causas credemus cur velera- probabili actam cernebat, tamen facturum, quod milites
nus dux, fortissimusbello, compressis, quod aiunt, ma- vellent, se recepit; Tulliumque secreto qu mam h;pc res
nit'us sedeas? utcunque enim se habet res, te de nostra sit, aut quo acta moro, percunctatur. Tullius magnopere
virtute dubitasse videri, quam nos de tua, verius est. Sin a dictatore petere,.ue se oblitum disciplinæ militiris,
autem non tuum istuc, sed publicum est consihom, et ne sui, neve imperatoria'maJestatis, crederet mullitti-
consensus aliqms Patrum, non Gallrcum bellum, nos ab dini concitatæ, quae ferme auctoribus similis esset, non
urle, a penatibus nostris ablegatos tenet quasso, ut ea snbtraxisse se ducem; ne quis alius, quales mola creare
quæ dicam, non a militibusimperatori dicta censeas, sed multitudo soleret, exsisteret nam se quidem nihil non
a plebe Patribus; qua», sicut vos vestra habeatis consilia, arbitrio imperatoris acturum. Illi quoque tamen viden-
sic se sua habituram dicat. Quis tandem succenseat, mi- dum magnopere esse, ut exercitum in potestate haberet.
lites nos esse, non servos vestros? ad bellum, non in ex- Differri non posse adeo concitatosauimos; ipsos sibi lo-
silium, missos? si quis det signum, in aciem edncat, ut cum ac tempus pugnandi sumpturos, si ab imperatore
viris ac Romanis dignum sit, pugudturos? si nihil armis non detur.. Dum bæc loquuntur, jumeuta forte pascen-
opus sit, otium Romae potius, quam in castris, acturos? tia extra vallum Gallo abigenti duo milites romani ade-
Hic dicta sint Palribus. Te, imperator, milites tui ora- merunt. In cos saxa conjecta a Gallis deinde ab Romana
mus, ut nobis pugnandi copiam facias. Quum vincere statione clamor ortus, ac procursum utrimque est. Jam-
cupimus, tum te duce vincere tibi lauream insignem dé- que haud procul justo praelio res erant, ni celeriter di
ferre tecum trinmphantes nrbem inire; tuum sequentes reptum certamen per centuriones essel. Affirmata cert.
carrum Jovis optimi malimi templum gratantes ovantes- eo casu Tullii apud dictatorem rides est; nec recipien a
1
tard, il fut annoncé que le lendemain on livre- soldats devaient combaltre? Pourquoi ces cris
rait bataille. Cependant, le dictateur, qui se pré- pour réclamer des armes? Pourquoi ces menaces
sentait au combat avec plus de confiance dans le de livrer bataille sans l'ordre du général? Le voici,
courage que dans les forces de ses troupes, cher- le général, qui les appelle à haute voix au combat,
chait partout autour de lui quelque moyen de et qui s'avance armé à la tête des enseignes. Ose-
jeter la terreur parmi les ennemis. Son esprit in- rout-ils au moins le suivre, eux qui voulaient le
ventif imagine un expédient tout nouveau, qu'ont conduire; eux si redoutables au camp et si timides
mis en usage, depuis lors, plusieurs généraux ro- dans l'action 1 » Ils sentaientqu'ils méritaient ces
mains et étrangers, quelques-uns même de nos reproches; aussi se piquèrent-ils d'honneur, et
jours. Il fait enlever les bâts aux mulets en ne se précipitèrent-ils au-devant des traits enne-
leur laissant que des housses pendantes, et les fait mis, l'esprit égaré, et ne connaissant plus le
monter par des muletiers revêtus d'armures pri- péril. Ce premier élan de fureur ébranla les Gau-
ses à l'ennemi, ou de celles des malades. Après en lois la cavalerie arriva ensuite et les mit en dé-
avoir équipé ainsi mille environ, il leur adjoint route. Le dictateur, voyant l'ennemi battu de ce
cent cavaliers, et leur ordonne de se retirer pen- côté, se porte avec les enseignesà l'aile gauche, où
dant la nuit sur les hauteurs qui dominent le ils se ralliaient en grand nombre, et donne aux Ro-
camp, de se cacher dans les bois, et de ne pas mains placés sur les hauteurs le signal convenu.
bouger qu'ils n'en aient reçu de lui le si;nal. Pour De ce point un nouveau cri s'élève, et l'on voit
lui, au point du jour, il affecta d'étendre sa ligne une troupe qui s'avance sur les flancs de la monta-
au pied des montagnes afin que l'ennemi prît gne, et marche vers le camp des Gaulois. Ceux-ci,
position en face de ces hauteurs. A l'aspect de craignant d'être coupés, laissent le combat et re-
ce vain épouvantail, qui servit plus en quelque gagnent leur camp à la course; mais, ayant ren-
sorte le dictateur que ses véritables forces, les contré là M. Valérius, maître de la cavalerie, qui,
chefs gaulois crurent d'abord que les Romains ne depuis la défaite de l'aile droite, manœuvraiten
descendraient pas dans la plaine; mais, quand avant des retranchementsennemis, ils tournent
ils les virent se mouvoir tout à coup, ils s'élancè- leur fuite vers les montagnes et les forêts, où plu-
rent ardemment au combat, et la lutte s'engagea sieurs d'entre eux furent reçus par cette fausse
avant que les chefs eussent donné le signal. cavalerie et ces muletiers; et de tous ceux que la
XV. Ce fut surtout l'aile droite que les Gaulois peur entraîna ainsi dans les bois, il se fit un carnage
assaillirent, et l'on n'aurait pu leur résister, s'il effroyable, longtemps encore après le combat. Nul
n'y eût eu là le dictateur qui, appelant Sextius autre, depuis M. Furius, ne s'était montré plus
Tullius par son nom, lui demanda d'un ton de re- digne que C. Sulpicius de triompher des Gaulois;
proche « Est-ce ainsi qu'il avait promis que les et lui aussi, des dépouilles des Gaulois, il put for-

jam dilalionem re, in posterum dicm edicitur, acie pu- pugnaturos milites spopoodisset? ubi illi clamores sint
gnaturos. Dictator tamen, ut qui magis animis, quam arma pcscenlmm? ubi mina* injussu imperatoris prœlium
viribus, fretus ad certamendescenderet, omma circum- inituros? En ipsum imperatorem clara voce vocare ad
spicere atque agitare cœpit, ut arte aliqua terrorem hos- prœlium, et ire armatum ante prima signa. Ecquis se-
tibus incuteret. Sollerti animo rem novam excogitat, qua queretur eorum, qui modo ducturi fuerint; in castris
deinde multi nostri atque externi imperatores, nostra féroces, in acie pavidi? »Vera audiebant; itaque tantos
quoque quidam a'tate usi sunt. Mulis strata detrahi ju. pudor stimulos admovit, ut ruerint in hostium tela, alie-
bet binisque tantum centunculis relictis, agasones par- natis a memoria periculi animis. Hic primo impetus prope
tim captivis, partim e'grorum armis ornatos, imponit. vecors turbavit hostes eques deinde emissus turbatos
Ilis fere mille effectis centum admiscet équités, et nocte avertit. Ipse dictator, postquam labantem una parte vidit
super castra in montes evadere, ac silvis se occultare aciem, signa in lævum cornu confert, quo turbam ho-
jubct: neque inde ante moveri, quam ab se acciperent stium congregari cernebat; et iis, qui in monte erant,
signum. Ipse, ubi illuxit, in radicibus montium exten- signum, quod convenerat, dedit. Ubiinde quoque novus
dere aciem cœpit sedulo ut adversus montes consisteret clamor ortus, et tendere obliquo monte ad castra Gallo-
hostis. Instructo vani terroris apparatu, qui quidem ter- rum visi sunt; tum metu, ne excluderentur, omissa
rorpins pæne veris viribus profuit, primo credere duces pugna est, cursuque effuso ad castra ferebantur. Ubi
Gallorum, non descensurosin æquum Romanos; deinde, quum occurrisset iis 11i. Valerius, magisterequitum, qui,
ubi degressos repente viderunt, et ipsi avidi certaminis profligato dextro cornu, obequitabat hostium munimentis,
in praeliumruunt priusquepugna cæpit, quam signum ad montes silvasque vertunt fugam plurimiqueibi a fal-
ab dncibus daretur. laci equitum specie agasonibusque excepti sunt et eo-
XV. AcrinsinvasereGalli dextrum cornu; neque su- rum, quos pavor pertulerat in silvas, atrox coedes post
stineri potuissent ni forte eo loco dictator fuisset sedatum prælium fuit. Nec alius post M. Furium quam
Sex. Tullium nomine increpans rogitansque Siccine C. Sulpicius, justiorem de Gallis egil triumphum. Auri
mer un monceau d'or assez considérable, qu'il s'était coalisée avec les Tarquiniens; ensuite ils
enferma dans la pierre et consacra au Capitole. avaient refusé de rendre à nos féciaux les sol-
Cette même annéo, la guerre fut aussi conduite, dats romains qui s'étaient réfugiés à Faléries,
mais avec des chances diverses, par les deux con- après la perte de la bataille. Cette campagne échut
suls C. Plautius vainquit et subjugua les Her- à Cn. hiaulius. Pour Marcius, il mena une armée
niques mais Fabius, son collègue, se présenta contre les Privernates, sur un territoire qu'une
sans précaution et sans prudence aux coups des longue paix avait enrichi, et il chargea les soldats
Tarquiniens. Cet échec en lui-même ne fut point de butin. Sa générosité l'augmenta en quelque
grave; mais trois cents soldats romains prison- sorte; il ne voulut rien en retenir pour le trésor,
niers furent immolés par les Tarquiniens;et l'op- et favorisa ainsi l'accroissement de la fortune pri-
probre de ce supplice fit remarquer plus encore la vée du soldat. Comme les Privernates avaient for-
honte du peuple romain. A cet échec se joignit la tifié un camp en avant de leurs nmrailles, et s'y
dévastation du territoiredeRome, par une incur- étaient retranchés, il convoqua et rassembla l'ar-
sion subite des Privernates, puis des Véliternes. mée « Dès à présent, dit-il, je vous livre en
La même année, on créa deux nouvelles tribus, la proie le camp de l'ennemi et sa ville, si vous me
Pomptina et la Publilia. On célébra aussi les jeux promettez de vous comporter vaillamment dans
que le dictateur M. Furius avait voués. Enfin, une l’action et de n'avoir pas moins de cœur au com-
loi contre la brigue fut, pour la première fois, bat qu'au butin. » Ils demandent le signal à grands
avec l'approbation du sénat, présentée au peuple cris; pleins d'ardeur et sûrs de vaincre, ils mar-
par le tribun C. Pétélius. On croyait, par cette loi, chent hardiment au comhat. Alors, à la tlle des
réprimer surtout l'ambition des hommes nou- enseignes, Sex. Tullius, dont on a déjà parlé,
veaux, qui avaient l'habitude de courir les foires s'écrie « Vois, général comme ton armée te
et les marchés pour solliciter les suffrages. lient parole; » et, laissant le javelot, il lire son
XVI. Les patriciens virent avec moins de sa- épée et fond sur l'ennemi. Tous les enseignes sui-
lisfaclion l'année suivante, sous le consulat de vent Tullius, et, du premier choc, ils enfoncent
C. Marcius et de Cn. Manlius, la loi que les tri- l'ennerni. Après l'avoir mis en fuite et poursuivi
huns du peuple, M. Duilius et L. Ménius, pré- jusqu'à la ville, ils allaient approcher les échelles
sentèrent sur l'intérêt à un pour cent le peuple, des murailles, lorsque la place se rendit. Il y eut
au contraire, accueillit et adopta avec empresse- triomphe sur les Privernates. L'autre consul ne Gt
ment cette loi. Outre les nouvelles guerres que rien de mémorable seulement, ce qui était jus-
l'on avait décidées l'année précédente, une atta- que-là sans exemple, ayant assemblé ses troupes
que fut résolue contre les Falisques auxquels on par tribus dans son camp de Sutrium, il leur fit
reprochait deux choses d'abord leur jeunesse voter une loi qui imposait un vingtième sur le

quoque ex Gallicis spoliis satis magnum pondus, saxo juventus eorum militaverat; et eos, qui Falerios pertu-
quadrato sæptum, in Capitolio sacravit. Eodem anno et gerant, quum male pugnatum est, repetenlibus felialihus
a consulibus Tario eventu bellatum. Nam Hernici a Romanis non reddiderant. Ea proviucia Cn. Maulio ob-
C. Plautio devicti subactique sunt. Fabius collega ejus in- venit Marcius exercitum in agrum Privernatem, inte-
caute atque inconsulte adversus Tarquiniensespugnavit grum pace longinqua, iuduxit militemque præda im-
nec in acie tantum ibi cladis acceptum, quam quod tre- plevit. Ad copiam rerum addidit mumficetiam, quod,
centos septem milites romano s caplos Tarquinienses im- nilnl in publicum secernendo, augenti rem privatam mi-
molarunt qua fœditatesupplicii aliquanto iguomiuia po- lili faut. Privernates quum ante mœnia sua castris per-
puli rnmaui insiguitior fuit. Accessit ad eam cladem et mumlis cousedissent, vocatis ad coucionem militibus,
vaslatio Romani agri, quam Privernates,V eliterui deinde, Castra nuuc, inquit, vobis hostium, urbemque pra'dat
iucursione repeutna lecerunt. Eodem annos dux tribus, do, si mihi pollicemiui, vos fortiter in acie operam na-
Pomptina et Publilia, additæ. Ludi votivi, quos M. Fu- vaturos, nec prædæ magis, quam puguæ, paratos esse..
rius dictalor voverat, facti et de ambitu ab C. Pœtelio Signum poscunt ingenti clamore celsique et spe haud
tribuno plehis, auctoribus Patribus tum primum ad po- dubia férocesin prœlium vadunt. Ibi ante sigua Sex. Tul-
pulum latum est eaque rogahone novorum maxime ho- lius, de quo ante dictum est, exclamat « Aspice, impe-
miuum ambitionem, qui nundinas et conciliabula obire rator, inquit, quemadmodum exercitus tuus tibi promissa
(olitieraut, compressam credebant. præstet: » piloque posito, stricto gladio in hostem impe-
XVI. Ilaud æque læta Patribus insequenti anno, tum facit. Sequuntur Tullium autebignani omues, pri-
C. Marcio, Cn. Manlio consulibus, de unciario fenore a moque impetu avertere hostem fusum inde ad oppidum
M. Duilio, L. Maemo tribunis plebis rogatio est perlata persecuti, quum jam scatds mœnibus admoverent, in
et plebs aliquanto eam cupidius scivit accepitque. Ad deditionem urlrem acceperunt. Triumphus de Priverna-
bella nova priore auno destinata, Falisci quoque hosles tibus actus. Ab altcro consule nihil memorabile destum
exorti, duplici crimine quod et cum Tarqniuiensibus uisi quod legem novo exempload Sutrium in castris tri-
prix des esclaves qu'on affranchirait. Comme cette les avaient fmr. Ayant donc dissipé ces fantômes,
loi rapportait un revenu assez considérable au ils s'élancèrent sur le véritable ennemi, enfoncè-
trésor qui était embarrassé, le sénat l'approuva. rent toute sa ligne, prirent le camp dans le jour
Mais les tribuns du peuple, moins inquiets d'ail- même, recueillirent un butin immense, et s'en
leurs de la loi que des suites de cet exemple, pro- retournèrent vainqueurs, en se moquant, dans
noncèrent la peine capitale contre celui qui con- leurs plaisanteries soldatesques, et de l'artifico
voquerait désormais le peuple hors de la ville; de l'ennemi et de leur propre frayeur. Peu après,
car si on autorisait pareille chose, il n'y avait toute la ligue des Étrusques se soulève, et, sous
rien de si funeste au peuple, qu'il ne fût possible la conduite des Tarquiniens et des Falisques, ils
d'obtenir des soldats, que leur serment dévouait s'avancent jusqu'aux Salines. Contre un ennemi si
au consul. La même année, C. Licinius Stolo, à la redoutable, on créa un dictateur, C. Marcins Ru-
poursuite de M. Popillius Lénas, fut, aux termes tilus, le premier qui fût plébéien, il nomma mai-
de sa propre loi, condamné à une amende de dix tre de la cavalerie C. Plautius, plébéien comme
mille as, comme possédant mille arpents de terre lui. Les patriciens trouvèrent indigne que la dic-
avec son fils, qu'il avaitfait émanciper pour éluder tature même appartint aux deux ordres, et ils
la loi. s'opposèrent de tous leurs efforts aux mesures et
XVII. Les nouveaux consuls, M. Fabius Am- aux préparatifs que le dictateur voulait ordonner
bustus et M. Popillius Lénas, l'un et l'autre nom- pour cette guerre; mais le peuple n'en fut que
més pour la seconde fois, eurent deux guerres à plus empressé à accorder tout ce qu'il demanda.
soutenir. L'une, contre les Tiburtes, fut sans Il partit de la ville, et, d'une rive du Tibre
reine achevée par Lénas qui, après avoir repoussé à l'autre, transportant son armée sur des bateaux
l'ennemi dans sa ville, dévasta les campagnes. partout où l'attirait la marche de l'ennemi, il
L'autre consul fut, dans une première rencontre, parvint à exterminer de nombreuses bandes qui,
battu par les Falisques et les Tarquiniens les sol- détachées, pillaient çà et là la campagne. Ayant
dats romains avaient été épouvantés à la vue de aussi attaqué à l'improviste le camp des Étrus-
leurs prêtres, qui s'avancèrent comme des furies, ques, il l'enleva; il y fit huit mille prisonniers,
secouant des torches ardentes et des serpents. Non tua ou chassa les autres du territoire de Rome,
moins troublés que surpris à cet aspect, ils se re- et, sans l'aveu du séuat par la volonté du peu-
jetèrent en désordre dans leurs retranchements ple, revint triompher. Comme on ne voulait
mais le consul, ainsi que les lieutenants et les ni d'un dictateur ni d'un consul plébéien pour te-
tribuns, s'étant pris à rire et à les railler de ce nir les comices consulaires, et que l'autre consul,
que, semblables a des enfants, ils avaient peur Fabius, était retenu par la guerre, on en vint
de vains prestiges, la honte leur rendit du cœur à un interrègne. Les interrois furent Q. Servilius
et ils se ruèrent aveuglément sur les objets qui Ahala, M. Fabius, Cn. Manlius, C. Fabius, C. Sul-

bntim de vicesima eorum, qui manumitterentur,tulit. vano apparatu hostium, quum in ipsos armalos se intn-
Patres, quia ea lege haud parvum vectigal inopi aerario lissent, averterunt totam aciem castrisque etiam eo
addVum esset, auctores fueruut. Ceterum tribuni plebis, die potiti, praeda ingenti parta, victores reverterunt,
non tam lege, quam exemplo moti, ne quis postea po- militaribus jocis quum apparatum hostium tum suum
pnlum sevocaret, capite sanxerunt nihil enim nonper increpantes pavorem. Concitatur deinde omur nomen
milites, juratos in consulis verba, quamvis pern ciosum Etruscum, et, TarquiniensibusFaliscisque ducibus ad
populo, si id liceret, ferri posse. Eodem anno C. Licinius Salinas perveniunt. Adversus eum terrorem dictator
Stolo a M. Popillio Laenate sua lege decem millibus æris C. Marcius Rutilus primus de plebe dictus magistrum
est damnatus quod mille jugerum agri cum fllio possi- equitum item de plebe C. Plautium dixit. Id vero Patri-
deret, emancipandnque filium fraudem legi fecisset. bus iudignum videri, etiam dictaturam jam in promiscuo
XVII. Novi consules inde, M. Fabius Amhustus se- esse omnique ope impediebant, ne quid dictatori ad id
cundum et M. Popillius Lænas secundum, duo bella lia- bellum decerneretur,parareturve. Eo promptiuscuneta,
buere. Facile alterum cum Tiburtibus, quod Lænas ges- ferente dictatore, populus jussit. Profectus ab urbe
sit. qui, hostein urbem compulso, agros vastavit. Falisci utraque parte Tiberis, ratibus exercitu,quocunque fama
Tarquiniensesque alterum consulem prima pugna fude- hostium ducebat, trajecto, multos populatores agrorum
runt. Inde terror malimus fmt, quod sacerdotes eorum, vagos palantes oppressit. Castra quoque necopinato ag-
fjcibus ardentibus anguibusque prælatis, incessu furiali gressus cepit et, octo milhbus hostium captis, ceteris
militem Romanum insueta turbaverunt specie et tune aut cæsis aut ex agro Romano fugatis sine auctoritate
quidem velut lympbati et attoniti munimentis suis trepido Patrum, populi jussu triumptiavit.Quia nec per dicta-
agmine inciderunt deinde, ubi consul legatique ac tri- torem plebeium, nec per consulem, comitia consularia
buni puerorum ritu vana miracula payentes irridebant haberi volebant, et alter consutFabiusbello retinebatur,
mcrepabantque, vertit animos repente pudor; et iu ea res ad interrpgnumredit. Interreges deincept Q. Servi-
ipsa quai fugerant, velut cæci ruebant. Discussoitaque lius Ahala, 111. Fabius, Cn. Manlius, C. Fabius, C. Sul-
picius, L. Émilius, Q. Servilius, M. Fabius Am- été transmis par leurs pères. De son cdté, le peu-
bustus. Sousle deuxième interrègne, une querelle ple murmurait « Pourquoi vivre pourquoi
s'éleva à propos de l'élection de deux consuls pa- être compté parmi les citoyens, si le même droit
triciens les tribuns s'y opposaient, et l'interroi que deux hommes, L. Sextius et C. Licinius,
Fabiusdisait « qu'une loi des douze-tables portait ont acquis par leur courage, tous ensemble ne
que toujours ce que le peuple aurait en dernier lieu peuvent le conserver? Mieux vaut subir soit les
décidé, serait le droit et la règle; or, les suffrages rois, soit les décemvirs, soit toute autre domina-
étaientaussi une décision du peuple.» L'opposition tion plus triste encore, que de voir deux patri-
des tribuns n’ayant abouti qu'à prolongerlescomi- triciens consuls, que de souffrir que chacun des
ces, on créa consuls deux patriciens, C.Sulpicius deux ordres n'obélt et ne commandât pas à sou
Péticus, pour la troisième fois, et M. Valérius Pu- tour, et que l'un d'eux, éternellementétabli au
blicola et le jour même ils entrèrent en fonctions. pouvoir, s'imaginât
que le peuple ne nait quepour
XVIII. Ainsi, quatre cents ans après la fonda- servir. » Les tribuns ne manquèrent pas de provo-
lion de la ville de Rome, trente-cinq ans après sa quer des mouvements mais, dans soulèvement
ce
délivrance des Gaulois, onze ans après la conquête universel, distinguait à peine les chefs. Plus
on
du consulat par le peuple, deux consuls patriciens, d'une fois, on descendit sans résultat au Cbamp-de-
C. Sulpicius Péticuspourlatroisième fois, etM. Va- Mars plusieurs jours de comices passèrent dans
se
lérius Publicola, entrèrent ensemble en fonctions les séditions; enfin, vaincu
par la persévérance
à la suite d'un interrègne. Cette année, Empulum des consuls, le peuple
en eut tant de douleur, quo
fut pris aux Tiburtes dans une expédition peu mé- les tribuns, criant
« C'en est fait de la liberté; il
morable. Selon quelques écrivains, cetteguerre fut faut abandonner et le Champ-de-Mars et la ville
conduite sous les auspicesdes deux consuls; selon même, captive et esclave sous la tyrannie des patri-
d'autres, le consul Sulpicius ravagea le territoire ciens, la multitude affligée les suivit. Les con-
des Tarquiniens dans le temps que Valérius suls, délaissés par une partie du peuple, n'en
mena les légions contre les Tiburtes. A Rome les continuèrent pas moins les comices dans cette as-
consuls eurent à soutenir contre le peuple et les semblée incomplète. On créa consuls deux patri-
tribuns une guerre plus rude. Ils pensaient qu'il ciens, M. Fabius Ambustus pour la troisième fois,
y aurait plus que du courage, qu'il y aurait un en- et T. Quinctius. Dans quelques annales, au lieu
gagement d'honneur à remettre à deux patriciens de T. Quinctius, je trouve pour consul M. Po-
ce consulat que deux patriciens avaient reçu on pillius.
devait ou céder le tout, si le consulat était devenu XIX. Les deux guerres, cette année, furent con-
enfin une magistrature plébéienne, ou conser- duites heureusement. On combattit les Tiburtes de
ver l'entière possession de ce qui leur avait manière à les forcer à se rendre ou prit sur eux

picius, L. Æmilius, Q. Servilius, M. Fabius Ambustus. jam magistratus consulatus Gat, aut totum possidendum,
In secundo interregno nrta contentio est, quod duo pa- quam possessionemintegram a patribus acccpissent. Ple-
ti'icii consules creabautur intercedentibusque tribunis bes contra fremit: Quid se vivere, quid in parte civium
interrex Fabius aiebat,in duodecim tabulis legem esse, censeri, si, quod duorum hominum virtute, L. Seilii
ut, quodcunque postremum populus jussisset, id jus ra- ac C. Licinii, partum sit, id obtinere universi non possint?
tumque esset; lussum populi et suffragia esse..Quum Vel regea, vel decemviros, vel, si quod tristius sit im-
intercedendo tribuni mhil aliud, quam ut differrent co- perii nomen, patiendum esse potius, quam ambos pa-
mitia valuissent, duo patricii consules creati sunt, tricios consules videant, nec iu vicem pareatur atque
C. Sulpicius Peticus tertium, M. Valerius Publicola eo- imperetur; sed pars altera, in æterno imperio locata,
demque die magistratum inierunt. plebem nusquam alio natam, quam ad serviendum, pu
XVIII. Quadringentesimo anno, quam urbs Romana tet. » Non desnnt tribuni auctores turbarum; sed inter
condita erat, quiuto tricesimo, quam a Gallis recupe- concitatos per se omnes vix duces eminent. Aliquolies
rata ablato post undecimum annum a plebe consulatu, frustra in campum descensum quum esset multique per
patricii consulesambo ex interregnomagistratum iniere, seditiones acti comitiales dies; postremo victæ perseve-
C. Sulpicius Peticus tertium, M. Valerius Publicola. rantia consulum plebis eo dolor erupit, ut tribunos
Empulum eo anno ex Tiburtibus haud memorando cer- actum esse de libertatevociferantes,relinquendum-
tamine captum sive duorum consulum auspicio bellum que non campum jam solum sed etiam urbem captant
ibi gestum est, ut scripsere quidam seu per idem tem- atque oppressam regno patriciorum, mœsta plebs se-
pus Tarquiniensium quoque sunt vastati agri ab Sulpicio queretur. Consules, relicti a parte populi, per infreqneu-
consule, quo Valerius adversus Tiburtes legiones duxit. tiam comitia nihilo segnius perficiunt. Creati consules
D43mi majus certamen consulibus cum plebe ac tribunis ambo palricü, M. Fabius Ambustus tertium, T. Quin-
crat. Fidci jam suæ, non solum virtutis, ducebant esse, ctius. In quibusdam annalibus pro T. Quinctio M.Popil-
ut accepissent duo patricii consulatum, ita ambobus pa- lium consulem invenio.
triciis mandarc. Qmn aut toto cedendum esse, si ptebcius XIX. Duo bella eo anno prospère gesta cum Tibur-
la ville de Sassula et leurs autres places auraient députés latins appelèrent son attention sur les
eu le même sort, si la nation entière posant les Volsques, qui, disaient-ils, avaient levé et armé
armes, ne se fût remise à la discrétion du consul. des troupes dont ils menaçaient déjà leurs frontiè-
On triompha des Tiburtes; toutefois les vain- res, et qui de là viendraientdévaster le territoire
queurs se montrèrent cléments. Mais on sévit im- de Rome. Le sénat pensa qu'il fallait se mettre en
pitoyablement contre les Tarquiniens. Après un mesure des deux côtés; il ordonna aux consuls de
long massacre de leurs soldats sur le champ de ba- lever deux armées et de tirer au sort leurs pro-
taille, on choisit, dans le grand nombre de leurs vinces. Mais bientôt l'attention se porta princi-
prisonniers, tiois cent cinquante-huit des plus palement sur la guerre d'Étrurie, en conséquence
nobles qu'on envoya à Rome, et le reste fut exter- d'une lettre du consul Sulpicius, à qui était échue
miné. Le peuple ne traita pas avec plus de dou- la campagnecontre Tarquinies, et qui écrivait que
ceur ceux qu'on avait envoyés à Home; tous fu- le territoire avait été ravagé près des salines ro-
rent, au milieu du forum, battus de verges et maines, qu'une partie du butin avait été trans-
frappés de la hache on vengeait ainsi sur l'en- portée sur les terres des Cérites, et qu'à coup sûr
nemi les Romains immolés dans le forum de Tar- la jeunesse de ce peuple s'était mêlée aux pillards.
quinies. Le succès de cette guerre décida aussi les C'est pourquoi le consul Valérius, parti contre les
Samnites à rechercherl'amitié de Rome le sénat Volsques et campé déjà sur les terres de Tuscu-
fit une réponse favorable à leurs députés, et, par lum, fut rappelé par le sénat, qui lui ordonna de
un traité, les admit son alliance. Le peuple n'é- nommer un dictateur. 11 nomma T. hianlius, fils
tait pas aussi heureux au dedans qu'au dehors; de L., qui choisit pour maître de la cavalerie
car, bien que la réduction de l'intérêt à un pour A. Cornélius Cossus, et qui se contentant d'une
cent eût allégé l'usure, le capital écrasait encore le armée consulaire, déclara de l'aveu du sénat et par
pauvre, qui tombait en servitude; jusque là que, la volonté du peuple le guerre aux Cérites.
ni l'éleclion de deux consuls patriciens, ni le soin XX. Alors les Cérites, comme si la guerre leur
des comices et des affaires publiques, rien ne put eût paru plus formellementdéclaréeparles paroles
distraire le peuple de ses ennuis privés. L'un et du peuple romain que par leurs propres actes et par
l'autre consulat demeura aux patriciens. On créa ces dévastationsqui avaient provoqué Rome, se pri-
consuls C. Sulpicius Péticus pour la quatrième rent à considérer cette guerre avec terreur, assurés
fois, M. Valérius Publicola pour la deuxième. La que leurs forces ne suffiraient point à la lutte. On
cité s'occupait alors de la guerre d'Étrurie, car le se repentit du pillage, on maudit les Tarquiniens.
bruit courait que les Cérites, touchés du malheur qui avaientconseilléladéfection; nul ne s'arme, ne
d'un peuple auquel les unissaient les liens du s'apprête à la guerre; tous veulent L l'envi qu'on
sang, s'étaient joints aux Tarquiniens mais des envoie des députés demandergrâce pour leurfaute.

tibusque ad deditionem pugnatum. Sassula ex his urbs ad Volscos convertere, nuntiantes, exercitum conscri-
capta: ceteraque oppida eandem fortunam habuissent, plum armatumque jam suis finibus imminere inde po-
ni universa gens, positis armis, in fidem consulis venis- pulabundos in agrum Romanumventuros esse. Censuit
set. Triumph itum de Tiburtibus alioquin mitis victoria igitur senatus, ueutram negligendam rem esse utroque
fuit. la Tarquinieuses acerbe saevitum. Multis mortalibus legiones scribi consulesque sortiri provincias jussit. In-
in acie cæsis, ex ingenti cdptivorum numéro trecenti quin- clinavit deinde pars major curæ in Elruscuiii bellum
quaginta octo delecti, uobilissimus quisque, qui Romam postquam literis Sulpicit consulis, cui Tarquinii provin-
mitterentur vulgus aliud trucidalum. Nec populus in cia evenerat cognitnm est, depopulatum agrum circa
eos, qui missi Romam erant, mitior fuit. Medio in foro Romanas salinas, praeda'que partem in Cæritum fines
omucs virgis cæsi ac securi percussi. Id pro immolatis in avectam, et haud dubie juventutem ejus populi inter præ-
foro Tarquiniensium Romanis pœnæ hostibus redditum. datores fuisse. Itaque Valerium con,ulem Volscis oppo-
Res bello hene gestæ ut Samnites quoque amicitiam pe- situm, castraquead fiuem Tusculanum habentem, revo-
tereut, effecerunt. Legalis eorum comiter ah senatu re- catum inde senatus dictatorem diccre jussit. T. Manlium
sponsum fœdere in societatem accepti. Non eadem L. filium dixit. Is, quum sibi magistrum equitum A. Cor-
domi, quæ militiæ. fortuna erat plebi romanæ. Nam nelium Cossum dixisset, consulari exercitu contentus,
etsi unciario fenore facto, levata usura erat, sorte ipsa ex auctoritate Patrum ac populi jussu Cæritibus bellum
ohruehanlur inopes, nexumque inibant. Eo nec patricios indixit.
ambo consoles, neque comitiorum curam, publicave stu- XX. Tum primum Cærites, tinquam in verhis hostinm
dia præ privatis iucommodis plebs ad animum admitte- vis major ad bellum significandum, quam in suis factis,
bat. Consulatus uterque apud patricios manct. Consules qui per populationem Romanos lacessierant, esset, verus
crcati C. Sulpicius Peticus quartum M. Valerius Publi- belli terror invasit et, quam non suarum virium ea di-
cola iterum. In bellum Elruscuin intentam civitatem, micatio esset, cernebant. Pœnitebatquepopulationis et
quia Cæritem populum misericordia consanguinitatis Tarquinienses exsecrabantur defectionis auctores. Nec
Tarquiniensibus adjunctum fama ferebat, legati Latiui arma,aut bellum quisquam apparare, sed pro se quisque
Les députés, arrivés dans le sénat, et renvoyés par vices de cette ville que de sa faute récente, aima
le sénat devant le peuple, prièrent les dieux dont mieux oublier l'injure que le bienfait. En consé-
ils avaient pieusement conservé le culte durant la quence, lapaix futaccordéeaupeuple cérite, etl'on
guerre des Gaulois, d'inspirer aux Romains heu- lit mettre dans le sénatus-consultequ'il y aurait
reux, en faveur des Cérites, cette pitié que les Cé- une trève de cent ans. Les Falisques s'étant ren-
rites n'avaient pas refuséejadis au peuple romain dus coupables du même crime, on tourna contre
dans sa misère; puis, se tournant vers le temple eux tout l'effort de la guerre; mais l'ennemi ne
de Vesta, ils invoquaient la chaste et religieuse se montra nulle part. Après avoir parcouru et dé-
hospitalité qu'ils avaient donnée aux Flamines et solé leur territoire, on n'essaya point d'assiéger
aux Vestales. « Après tous ces services, comment leurs places, et l'on ramena les légions à Rome.
croire qu'ils soient tout à coup et sans motif de- Le reste de l'année fut employé à réparer les rem-
venus ennemis? ou que, s'ils ont agi en ennemis, parts et les tours; on 6t aussi la dédicace d'un
ils l'aient fait de san,-froid plutôt qu'égarés par temple d'Apollon.
le délire, perdant ainsi, par de récents méfaits, le XXI. Vers la fin de l'année, les débals des pa-
prix d'anciens bienfaits que se rappelaient surtout triciens et du peuple interrompirent les comices
des cceurs si reconnaissants? Commentcroire qu'ils consulaires; les tribuns, refusant de consentir à
Bientchoisi pour ennemi le peuple romain, dans le la tenue des comices, si les élections n'étaient pas
tempsqu'il est si florissant et si heureuxà la guerre, faites conformément à la loi Licinia, et le dicta-
après l'avoir pris en amitié dans sa détresse? On ne teur, s'opiniâtrant à détruire à jamais le con-
doit point juger comme un acte d'une volonté libre sulat dans la république plutôt que de le partager
ce qui n'a été que l'effet de la force et de la néces- entre les patriciens et le peuple. Comme ces dé-
sité. En traversant leur territoire avec une ar- bals s'étaient prolonges, le terme de la dictature
mée redoutable, les Tarquiniens qui ne leur expira, et l'on en revintàl'interrègne. Les interrois
avaient demandé que le passage, ont entraîné quel- trouvèrent le peuple indigné contre les patriciens,
ques habitants de la campagne, devenus ainsi et on lutta au milieu des séditions jusqu'au on-
complices de ce pillage dont on accuse toute la zième interroi. Les tribunsrevendiquaientles pri-
nation. Ceux-là, si l'on veut les avoir, ils sont viléges de la loi Licinia. Le peuple était de plus
prêts à les livrer, ou si on exige leur supplice, à en plus affligé de voir s'aggraver ses dettes, et les
les châtier. Mais que Céré, le sanctuaire du peu- ennuis privés se faisaient jour dans les débats pu-
ple romain, l'asile de ses prêtres, la dépositaire blics. Fatigué de ces querelles, le sénat ordonne,
des objets sacrés de Rome, soit conservée pure et pour le bien de la paix, à l'interroi L. Cornélius
vierge des outrages de la guerre, elle qui a si Scipion, d'observer la loi Licinia dans les comices
bien accueilli les Vestales et entretenu le culte des consulaires. A P. ValériusPublicola on donna pour
dieux » Le peuple, plus touché des anciens ser- collègue le plébéien C. Marcius Rutilus. Les esprits

legatos mitti jubehat ad peteodam erroris veniam. Le- tam causa præsens quam vetus meritum ut maleficii
gati senatum quum adissent, ab senatu rejecti ad popu- quam belleficii, potius immemores essent. Itaque pax
lum, deos rogaverunt,quorum sacra bello Gallico accepta populo Cacriti data, indutiasque in centum annos factas
rite procurassent, ut Romanos florentes ea sui misericor- in senatusconsullum referri placuit. In Faliscos codem
dia caperet, quæ se rebus affectis quondam populi Ro- nosios crimine, vis belli conversa est sed hostes nusquam
mani cepisset; conversique ad drlubra Vestæ hospit um inventi. Quum populatione peragrati fines essent, ab op-
flaminum Vestaliumque ab se caste ac reliRiose cultum pugnatioiie urbium temperatmu legionibusque Romain
invocabant. « Eaue meritos, crederet quisquam hostes reductis, reliquum anni muris turribusque reliciendis
repente siue causa lactos? aut, si quid hostiliter fecissent, consuntptum,et xdes Apollims dedicala est.
cousilio id magis, quam furore lapsos, fecisse, ut sua XXI. Extremo auno conutia consularia certamen Pa-
velera beue0cia, locata præsertun apud tam gratos no- trum ac plebis diremit, tribunis negantibus passuros co-
vis currumperent maleficiis florentemque populum Ro- mitia baberi, ni secundum Liciniam legem habereutur;
manum ac felicissimum bello sibi desumerenthostem, dictatore obstinato tollere potius totum e republica cou-
cujus afflicti amidliam cepissent ? Ne appellarent consi- sulatum, quam promiscuum Patribus ac plebi facere.
lium, quæ vis ac necessitas appellanda esset. Transeun- Prolatandis igitur comitüs quum dictator magistratu ab-
lesaguuue iufesto per agrum suum Tarquinienses,quum isset, res ad iuterregnum rediit. Infestam inde l'atribus
præter viam muil petissrnt, traxisse quosdam agresUum, plcbem interreges quum accepissent ad undecimum in-
polulalinnis ejus, qua· sibi crimini detur, comites. Eos, terregem seditiombus certatum est. Legis Liciniw patro
beu dedi placeat, dedere se paratos esse; seu supplicio ciniun tribuni jactabaut. Propior dolor plebi fenoris
affici daturos pœnas. Care sacrarium populi Romani, ingravescenlis erat curæque privatæ iu certaminibus
deversorium sacerdotum, ac receptaculum Romanorum puhlicis erumpebant.Quorum tædio Patres L. Cornehum
sacrorum intactum inviolatumquecrimine belli hospi- Scipionem interregem concordiæ causa observate legem
tio Vestalium cultisque dus dirent. » Muvit populum non Licimam comitiiscousularibus jussere. P. Valerio Pubu-
ainsi disposés à la concorde, les nouveaux consuls tative amena encore un interrègne. Les deux in-
essayèrent aussi d'alléger le fardeau de l'usure, terrois qui se succédèrent, C. Sulpicius et M. Fa-
qui semblait le seul empêchement à une entière bius, obtinrent ce que le dictateur avait tenté sans
union, et ils brent de l'acquittement des dettes succès le peuple, adouci par un service récent,
une question d'intérêt public ils créèrent cinq par l'alléôement des dettes, souffrit que l'on créât
magistrats, qui furent chargés de cette réparti- deux consuls patriciens. On créa ce même C. Sul-
tion pécuniaire, et pour cela appelés mcnsarii. picius Péticus, qui avait été interroi le premier,
Ils ont mérité, par leur zèle et par leur équité, et T. Quinctius Pennus quelques-uns donnent à
que leurs noms fussent signalés dans tous les mo- Quinctius le prénom de Céson d'autres, celm de
numents de l'histoire ce furent C. Duilius, P. Dé- Caius. Partis l'un et l'autre pour combattre,
crus Mus, M. Papirius, Q. Publilius et Ti. Emilius. Quinctius les Falisques, Sulpicius les Tarquiniens,
C'était là une de ces opérations difficiles, dans la- et n'ayant rencontré l'ennemi en bataille nulle
quelle souvent on mécontente les deux parties, et part, ils firent moins la guerre aux hommes qu'aux
toujours immanquablement l'une d'elles; mais en campagnes, les brûlant et les pillant. Celte des-
usant de ménagements, et par des avances sur les truction, comme un mal rongeur qui les épuisait
fonds publics plutôt que par des sacrifices, ils réus- peu à peu, dompta l'opiniâtreté des deux peuples,
sirent. En effet, plusieurs paiements étaient en re- de sorte qu'ils demandèrent une trène aux con-
tard et embarrassés plus par la négligenceque par suls et, renvoyes par eux au sénat, ils en obtin-
la gêne réelle des débiteurs on dressa dans le fo- rent une de quarante ans. Quand on fut ainsi
rum des comptoirs chargés d'argent, et le tresor délivré du soin de deux guerres menaçantes, le re-
paya, après avoir pris toutes sûretés pour l'état; pos étant assure de ce côté, comme depuis le paie-
ou bien une estimation à juste prix et une cession ment des dettes bien des fortunes avaient cliangé
libéraient le débiteur. Ainsi, sans injustice, sans de maître, on jugea le recensement nécessaire.
une seule plainte d'aucune des parties, on ac- On indiqua les comices pour l'élection des cen-
quitta un nombre immense de dettes. Ensuite, seurs mais C. Marcius Rutilus, qui avait été le
sur le bruit d'une coalition des douze peuples de premier dictateur plebéien et qui aspirait à la cen-
l'Étrurie, une vaine crainte de guerre fit créer un sure, ayant déclaré ses prétentions, l'union des
dictateur. On créa dans le camp, où le sénatus- deux ordres fut troublée. Il semblait, à vrai dire,
consulte fut envoyé aux consuls C. Julius, qui n'avoir pas bien choisi son temps; car les deux
s'adjoignit pour maître de la cavalerie L. Émilius. consuls étaient patriciens et refusaient de tenir
Au reste, tout fut tranquille au dehors. compte de sa demande. Toutefois, il parvint à
XXII. A Rome, le dictateur ayant cherché à son but ù force de persévérance et grâce à l'appui
faire nommer consuls deux patriciens, cette ten- des tribuns, lesquels s'appliquaient de toute leur

cola; datus e plebe collega C. Marcius Rutilus. Inclinatis cii consules crearentur, rem ad inferregnum perduiit.
semel in concordiam animis, novi consules, fenebrem Duc interreges C. Sulpicius et M. Fabius interpositi ob-
quoque rem, quæ distinere unauimos videbatur, levare tinuere, quod dictator frustra tetenderat, mitiore jam
aggressi, solutiouem aleni aris in publicam curam ver- plebe ob recens merilum levati æris aheni, ut ambo pa-
teruut; quinqueviris creatis quos mensarios ab dispen- tricii consules crearentur. Creati ipse C. Sulpicius Peti-
satione pecuniæ appellarunt. Meriti aequitate curaque cus, qui prior interregnoabiit, et T. Quinctius Pennus.
sunt, ut per ommum annalium monumenta celebres no- Quidam Kæsonem, alii Caium nomen Quiuctio adjiciunt.
miuibus essent. Fuere autem C. Duilius, P. Decius Mus, Ad bellum ambo profecti, Faliscum Quinctius, Sulpicius
M. Papilius, Q. Publilius, et Ti. Æmilius qui rem, Tarquiniense, nusquam acie congresso hoste cum agris
difficilhmamtractatu et plerumque parti utrique, sem- magis, quam cum homiuibus,urendo populandoque ges-
per certe alteri gravem quum alia moderatione, tum serunt bella cujus lentae velut tabis senio victa utrmsque
impeudio magis publico, quam jactura, sustinuerunt. pertinacia populi est, ut primum a coosulibus, deiu per-
Tarda euim nomiua, et impeditiora inertia debitorum, missu eorum ab senatu indutias peterent. lu quadraginta
quam facultatibus, aut aeranum, mensis cum ære in foro annos impetraverunt.Ita, posita duorum belloruni, quæ
posais, dissolvit ut populo prius caveretur; aut æstima- imminebaut, cura, dum aliqua ab armis qmes esset,
tio æquis rerum pretiis liberavit ut non modo sine inju- quia solutio æris al:eni multarum rerum mutaverat domi-
ria, scd etiam sine querimomis partis utriusque, exhausta nos, censum agi placuit. Ceterum quum censoribus
-4is ingéns æris alieui sit. Terror inde vanus belli Etrusci, creandis indicta comilia essent, professusceusuram se pe-
quum conjurasse duodecim populos lama esset, dictato- tere C. Marcius Rutilus, qui prinms dictator de plebe
rem dici coegit. Dictus in castris ( eo enim ad consules fuerat, concordiam ordiuum turbavit. Quod videbalur
missum senatusconsultum est) C. Julius, cui magister quidem tempore alieno fecisse quia ambo tum forte pa-
equitum adjectus L. Æmilius. Ceterum foris tranquilla tricii consules eraut, qui rationem ejus se habituros ne-
omnia fuere. gabant. Sed et ipse coustaulm inceptum obtinuit, et tri-
XXII Tcntatum domi per dictatorem, ut ambo patri- bunt, omni vi recuperaudo jus cousularibus comitus
force à reconquérir le droit qu'ils avaient perdu ressource à la république. Pour lui, après avoir
aux comices consulaires. D'ailleurs cet homme suffisamment préparé et disposé toutes choscs, il
avait assez de grandeur personnelle pour n'être marcha à l'ennemi; mais, voulant en connaître
pas au-dessous des plus hautes dignités; enfin, les forces avant d'en venir à une épreuve décisive,
c'était lui qui avait ouvert aux plébéiens le che- il s'empara d'une hauteur aussi rapprochée que
min de la dictature, et par lui qu'ils voulaient possible du camp des Gaulois, et s'y entoura de
arriver au partage de la censure. On ne varia retranchements. A peine cette nation fougueuse
point dans les comices, et Marcius fut créé cen- et d'un naturel avide de batailles a-t-elle aperçu
seur avec Manlius Cnéus. Cette année eut aussi de loin les enseignes romaines, qu'elle déploie sa
un dictateur, M. Fabius; non qu'on ne craignît ligne comme pour engager le combat sur l'heure;
pas une guerre, mais pour entraver l'exécution de puis, quand elle voit les Romains, au lieu de des-
la loi Licinia aux comices consulaires. Le maître cendre dans la plaine, se retirer et se retrancher
de cavalerie adjoint au dictateur fut Q. Servilius. sur la hauteur, les croyant frappés d’épouvante, et
Cependant, malgré cette dictature, la ligue patri- d'ailleurs d'autant plus faciles à vaincre qu'ils
cienne fut aussi impuissante dans les comices con- étaient plus occupés de leurs travaux, elle fond sur
sulaires que dans les élections des censeurs. eux avec un cri féroce. Les Romains n'interrom-
XXIII. L'ordre plébéien donna pour consul pirent pas leurs travaux, dont les triaires étaient
M. Popillius Lénas, l'ordre patricien L. Cornélius chargés et les hastats et les princes, qui Neil-
Scipion. La fortune voulut que ce fût le consul laient en avant des travailleurs et les protégeaient
plébéien qui acquît le plus de gloire. En effet, au de leurs armes, soutinrent l'attaque. Outre leur
moment où l'on reçut la nouvelle qu'une im- courage, ils avaient pour eux l’avantage de la posi-
mense armée de Gaulois venait de poser son tion car en plaine les javelots et les piques re-
camp sur les terres des Latins, Scipion étant at- tombent le plus souvent à plat et sans portée,
teint d'une maladie grave, le soin de la guerre tandis qu'ici, lancés d'en haut, ils frappaient d'a-
fut commis extraordinairement à Popillius. Il plomb et se fixaient. Les Gaulois, accahlés de ces
enrôle à la hâte une armée, ordonne à toute la traits qui leur perçaient le corps ou qui s’atta-
jeunesse de se réunir en armes hors de la porte chaient à leurs boucliers qu'ils rendaient plus
Capèue, près du temple de Mars; aux quesleurs pesants, étaient parvenus en courant presque en
de tirer du trésor les enseignes et de les appor- face des Romains, quand toutàcoup ils hésitent et
ter au même endroit, et, après avoir complété s'arrêtent. Ce moment d'incertitude ayant ralenti
quatre légions, confie le surplus des soldats au leur ardeur et accru celle de l'ennemi, ils sont
préteur P. Valérius Publicola, conseillant au sénat refoulés en arrière, ils roulent les uns sur les
de lever une autre armée, et de ménager ainsi, autres et leur déroute est plus meurtrière que
contre les chances incertaines de la guerre, une le carnage même; car il y en eut plus d'écra-

amissum, adjuverunt et quum ipsius viri majestas nul- jam satis omnibus instructis comparatisque,ad hostem
lius honoris fastigium non æquabat tum per eundem, pergit cujus ut prius nosceret vires quam periculo u)
qui ad dictaturam aperuisset viam ceosuram quoque m timo tentaret in tumulo, quem proximum castris Gal-
partem vorari plebes volebat. Nec voriatum comitiis est,
quin cum Manlio Cnxo censor Marcius rrearetur. Dicta-
lorum capere potuit, vallum ducere cepit. Gens ferox
iugenii avidi ad pugnam, quum, procul visis Romano-
t
torem quoque hic annus habuit M. Fabium, nullo terrore rum signis, ut extemplo praelium initura, rxplicuissct
helli, sed ne Licinia lei comitiis consularibus observare- aciem, postquam neque in æquum dentitii agnien vidit
tur. Magister equitum dictatori additus Q. Servilius. Nec et quum locialtitudiue, tum vallo etiam integi Romanos,
tamen dictatura potentiorem euro consensum Patrum con- perculsos pavore rata simut opportuniores quod intenti
sularibus comitus fecit, quam censonis fuerat. tum maxime operi essent, truci clamore aggreditur. Ab
XXIII. M. Popillius Lænas a plebe consul, a Patribus Romanis nec opus internussum, (triai-ii erant, qui mu-
L. Cornelius Scipio datus. Fortuna quoque illustriorem niebant) et ab hastatis principibusque,qui pro munitori-
plebeium) consulem fecit. Nam quum ingentem Gallorum bus intenti armatique steterant, prælium initum. Præter
exercitum in agro latino rastra posuisse nuntiatum esset virtutem locus quoque superior adjuvit ut pila omnia
Scipione gravi morbo implicito, Gallicum bellum Popillio hostæque non, tanquam ex æquo missa vana (quod ple-
extra ordinem datum. Is impigre exercitu scripto, quum runique fit) cadcrent, sed omnia librala ponderibus fige-
omnes extra portam Capenam ad Martis ædem conve- rrntur; oneratique telis Gallis, quibus aut corpora trans-
nire armatos juniores jussisset, signaque eodem quæsto- fixa aut prægravata inhærentibusgerebantscuta quum
rcs ex ærario déferre quatuorevpletislegionibus, quod curbu pæne in ndversum subissent, primo incerli resti
superfuit mihtum, P. Valerio Publicolac prætori tradi- tere dein, quum ipsa cunctatio et his animns minuis-
dit; auctor Patribus scribendi alterius exercitus, quod ad set et auxisset hosti impulsi retro ruere alii super
incertos belli eventus subsi lium reipublicæ esset Ipse alios, stragemque inter se cæde ipsa fœdiorem date.
sés par les fuyards, que de tués par le glaive. gne, et emportés par leur fuite au delà même
XXIV. Cependant la victoire n'était point en- de leur camp, ils gagnent le lieu le plus élevé
core assurée aux Romains d'autres obstacles les qu'ils rencontrent, le mont Albain, qui domine
attendaientdans la plaine. Le nombre immense des comme une citadelle une chaîne de coteaux de
Gaulois les rendent insensiblesà cette perle; aussi, même hauteur. Le consul ne les poursuivit pas
de leur multitude vit-on une armée nouvelle qui au delà de leur camp, appesanti qu'il était par sa
opposa des troupes fraîches à l'ennemi vainqueur. blessure, et ne voulant pas placer une armée fa-
Le Romain retint son élan et s'arrêta; des soldats tiguée du combat au pied des hauteurs occupées
fatigués ne pouvaient suffire à ce second combat; par l'ennemi; après avoir accordé au soldat le pil-
et le consul, en se portant sans précaution aux lage du camp, il ramena dans Rome son armée
premiers rangs, avait eu l'épaule gauche à demi tra- victorieuse et riche des dépouilles gauloises. La
versée d'une javeline, et s'était un moment éloi- blessure du consul retarda son triomphe, et le
gné du champ de bataille. Déjà avec ces lenteurs, même motif obligea le sénat à créer un dictateur
la victoire échappait, lorsque le consul, après avoir pour tenir les comices au défaut des consuls ma-
bandé sa blessure, revient en tête des enseignes, lades. Nommé dictateur, L. Furius Camillus, à
et s'écrie « Qu'attendez-vous là, soldats? dit-il qui l'on adjoignit, comme maître de la cavalerie,
vous n'avez pas affaire ici à un ennemi latin ou P. Cornélius Scipion, rendit aux patriciens l'an-
sabin dont vous ferez un allié après l'avoir vaincu. tique possession du consulat, et, créé consul, en
C'est contre des bêtes féroces que nous avons tiré mémoire de ce service par la vive reconnaissance
le fer; il faut verser tout leur sang ou leur don- des patriciens, il se fit donner pour collègue
ner le nôtre. Vous les avez repoussés du camp, Ap. Claudius Crassus.
culbutés au fond de la vallée et c'est sur leur XXV. Avant l'entrée en fonctions des nouveaux
cadavres entassés que vous êtes debout. Couvrez consuls, Popillius triompha des Gaulois, au grand
la plaine d'autant de morts que \ous en avez cou- contentement du peuple. On se demandait tout
vert la montagne. N'espérez pas qu'ils vous fuient bas dans la foule, « si personne s'était mal trouvé
si vous restez en place; que les enseignesmarchent d'un consul plébéien? » Et en même temps on
en avant, et chargeons l'ennemi. » A ces exhorta- attaquait le dictateur qui avait obtenu le consulat
tions, ils s'élancent de nouveau et font reculer les en récompense de son mépris pour la loi Licinia
premiers manipules gaulois; puis, se formant eu et qui se déshonorait moins d'ailleurs par cet at-
triangle, ils percent le centre de la ligne. Aussi- tentat public que par l'ambition qui lui avait in-
tôt, mis en déroute, les Barbares, qui n'avaient spiré de se proclamer lui-même consul. L'annéefut
ni discipline, ni chefs, tournent leur impétuo- remarquable par le nombre et la variété des évé-
sité contre les leurs dispersés dans la campa- nements. Les Gaulois, descendus des monts Al-

Adeo praecipiti turba obtriti plures, quam ferro necati. tra etiam sna fuga prælati. quod editissimum inter a'qua-
XXIV. lrecdum certa Romanis victoria erat; alia in les tumulos occurrebat oculis, arcem albanam petunt.
campum dégressif supererat moles. Namque multitudo Consul, non ultra castra insecutus, quia et vulnus degra-
Gallorum, sensum omnem talis damai exsuperans, velut vabat, et subjicere exercitum pugna fessum tumulis atr
nova rursus exoriente acie integrum militem adversus hoste occupatis nolebat, prwda omni castrorum milili
victorem hostem ciebat. Stetitque suppresso impetu Ro- data, victorem exercitum, opulentumque gallicis spoliis,
mauus; et quia iterum fessis subeunda dimicatio erat, et Romam reduxit. Moram triumpho vulnus consulis attulit:
quod consul dum inter primores incantus agitat, lævo eademque causa dictatoris desiderium senatui fecit ut
humera matari prope trajecto, cesserat parumper ex esset qui aegris consulibus comitia haberet. Dictator
acie. Jamque omissa cuuctaudo victoria erat, quum con- L. Furius Camillus dictus, addito magistro equilum
sul, vulnere alligato, revectus ad prima sigua, « Quid P. CornelioScipione,reddidit Patribus possessionenipris-
stas, miles? inquit. Non cum Latino Sabinoque hoste tinam consulatus. Ipse ob id meritum ingenti Patrum
res est, quem victum armis socium ex hoste facias. In studio creatus consul collegam Ap. Claudium Crassum
belluas striuximus ferrurn. Hauriendus, aut dandus est dixit.
languis. Propulistis a castris, supina valle præcipites XXV. Priusquam inirent novi consules magistratum
egistis, stratis corporibus hostium superstatis. Complète triumphus a Popillio de Gallis actus magno favore plebis;
eadem strage campos, qua montes replestis. Nolite ex- mussantesque iuter se rogitabant, « num qucm plebeii
spectare, dum stantes vos fugiant inferenda sunt sigua, consulis pœniteret ? » Simul dictatorem iucrepabant, qui
et vadendum in hostem.. Ilis adhortationibusiterum legis Liciniae sprelm mercedemconsulatum privata cu-
coorti pelluut loco primos manipulos Gallorum cuneis piditate, quam publica injuria, fœdiorem, crpisset, ut
deinde in medium agmen perrumpunt. Inde barba ri dis- se ipse consulem du tator crearet. Annus multis variisque
sipati, quibus nec certa imperia nec duces essent, ver- motibus fuit insignis. Galli ex Albanis montibus, quia
tunt impetum in suos; fasique per campos et præter cas- hiemis vim pati nequiverant, per campos maritimaque
bains, où ils n'avaient pu supporter les rigueurs contient à peine, ne serait pas chose facile tant
de l'hiver, erraient par les plaines et les côtes il est vrai que nous n'avons grandi qu'en
ce
maritimes, qu'ilsdévastaicnt. La mer était infestée qui nous mine en richesse et en luxe. Parmi
des flottes des Grecs, qui désolaient les rivages les autres malheurs de cette année il faut
d'Antium, le pays Laurentin et les bouches du Ti- compter la perte du consul Ap. Claudius, qui
bre de sorte qu'une fois les brigands de mer en mourut au milieu des préparatifs de la guerre.
vinrent aux prises avec les brigands de terre. Le pouvoir fut remis à Camille; il demeura
L'issue du combat demeura douteuse, et ils se re- consul unique. Grâce à son mérite, qu'on n'osa
tirèrent, les Gaulois dans leur camp, les Grecs point soumettre à l'autorité dictatoriale, ou à
sur leurs vaisseaux, incertains de part et d'autre son nom peut-être, qui parut d'heureux augure
s'ils étaient vaincus ou vainqueurs. Rome eut dans une lutte contre les Gaulois, les patriciens
bientôt un plus grand sujet d'alarmes. Les peu- ne jugèrent pas convenable de lui substituer un
ples latins tinrent conseil dans le bois Sacré de dictateur. Ce consul laisse deux légions pour la
Férentina, et répondirent sans détour aux Ro- garde de la ville, partage les huit autres avec le
mains, qui leur commandaient de fournir des prétcur L. Pinarius, et, plein du souvenir de la
troupes, « qu'on dev ait s'abstenir de commander valeur paternelle, il prend pour lui, sans avoir
à ceux dont on avait besoin, et que les Latins ai- recours au sort, la guerre des Gaulois, et charge
maient mieux prendre les armes pour leur propre le préteur de défendre la côte maritime, et de re-
liberté que pour accroître la puissance d'autrui. » pousser les Grecs du littoral. Puis il descendit sur
Ayant déjà à soutenir à la fois deux guerres étran- le territoire du Pomptinum; et comme il ne vou-
gères, le sénat s'inquiétade la défection des alliés; lait pas combattre en plaine tant qu'il n'y serait
mais, comprenant que la craintecontiendrait ceux point forcé, et qu'il pensait d'ailleurs qu'avec un
que leur foi n'avait pu contenir, il ordonna aux ennemi qui ne pouvait vivre que de rapines, le
consuls de déployer dans une levée toutes les meilleur moyen de le réduire était de s'opposer
forces de la république; Rome devait compter à ses dévastations, il choisit un poste favorable et
sur une armée composée de ses enfants, quand s'y retrancha.
les alliés lui manquaient. On enrôla de toutes XXVI. Pendant que l'armée passait le temps
parts, non pas seulement la jeunesse de la ville, dans cette position, un Gaulois s'avança, remar-
mais celle des campagnes, et on en forma, dit-on, quable par sa haute taille et par son armure il
dix légions, chacune de quatre mille deux cents frappa de sa lance son bouclier, et quand il eut
fantassins et de trois cents cavaliers. Lever au- obtenu silence, il provoqua, par interprète, un
jourd'hui une pareille armée, au premier bruit des Romains à combattre avec lui. Il y avait là un
d'une invasion étrangère, même en réunissant les tribun des soldats, un jeune homme, M. Valérius,
forces de cette puissance romaine que l'univers qui, ne s'estimant pas moinsdigue de cet honneur

loca vagi populabantur. Mare infestism classibus Græco- mus, divitias, luxuriamque. Inter cetera tristia ejus an-
rum erat, oraque litoris Autiatis,Laurensque tractus, et ni, consul alterAp. Claudius in ipso belli apparatu mo-
Tiberis ostia ut prædones maritimi, cum terreslribus ritur redierantque res ad Camillum; cui unico consuli,
congressi ancipiti scmel prælio decertarint, dubiique vel ob aliam dignationem baud subjiciendam dictatura,
discesseriut in castra Galli, Grirci retro ad naves, victus vel ob omen faustum ad gallicum tumultum cognominis,
se, an victores, putirent. Inter hos longe maximus ex- dictatorem arrogari haud satis décorum visum est Patri-
stitit terror concilia populorum Latinorum ad lucum bus. Cousul duabus legionibus urbi præpositis octo
Ferentina) habita respuusumque haud ambiguum impe- cum L. Pmario proetore divisis, memor paternæ virtutis,
rantibus milites Romanisdatum, «Absisterent imperare Gallicum sibi bellum extra sortein sumit prxlorem ma-
üs quorum auxilio egerent. Latinos pro sua libertate po- ritimam oram tutari, Græcosque arcere litoribus jussit.
tius, quam pro alieuo imperio, laturos arma. Inter duo Et, quum in agrum Pomptinum descendisset, quia neque
simul bella eilerna, defectione etiam sociorum scuatus in campis congredi nulla cogente re volebat, et prohi-
anxius quum cerneret metu tenendos, quos fides non te- bendo populationibus, quos rapto vivere necessitascoge-
uuisset, estendere omnes imperii vires consules delectu ret, satis domari credebathostem, locum idoneum stati-
habendo jussit. Civili quippe standum exercitu esse vis delegit.
quaudo socialis cœtus desereret. Undique, non urbana XXVI. Ubi quum stationibus quieti tempus tererent,
tautum sed etiam agresti juventute decem legiones Gallus processit, magnitudine atque armis insignis qua-
scriptæ dicuntur quaternum niillium et ducenorum pedi- Uensque scutum hasta quum silentium fecisset, provo-
tum, equttumque treceuorum. Quem nunc novum exer- cat per iuterpretem unum ex Romanis qui secum ferro
cilum, si qua externa vis iugruat, hæ vires populi ro- décernât. M. erat Valerius tribunus militum adolescens,
rnani quas vil terrarum capit orbis, contractæ in unum qui haud indigniorem co décore se, quam T. Manhum
baud facile efficiant adeo in quæ taboramus sola crevi- ratus, prius sciscitatusconsulis voluntatem, in medmu
que T. Manlius, après en avoir demande la per- terre ces hordes de Gaulois. o Ni les dieux ni les
mission au consul, s'avança entre les deux camps hommes ne manquèrent à ce combat, et la déroute
avec ses armes. L'intervention des dieux dans des Gaulois ne fut pas un instant douteuse, tant
cette lutte fit perdre à l'homme une part de sa l'issue de ce combat singulier avait saisi forte-
gloire. En effet, au moment où le Romain venait ment les esprits dans les deux armées. Le combat
de commencer la lutte, un corbeau se percha sur ne fut vivement disputé qu'aux premiers postes,
son casque, faisant face à l'ennemi, ce que d'abord dont la rencontre avait entraîné les autres; tout le
le tribun vit avec joie comme un augure envoyé reste, avant d'arriver à la portée du trait, tourna le
du ciel; puis il pria, s'il en était ainsi, le dieu ou dos. D'abord, cette multitude erra dispersée chez
la déesse qui lui avait envoyé cet heureux mes- les Volsques et sur le territoire de Falerne; ensuite
sage, de vouloirbien lui être propice. Chose mer- ils gagnèrent l'Apulie et la mer inférieure. Le con-
veilleuse! non-seulementi'oiseau demeura au lieu sul assembla l'armée, fit l'éloge du tribun, et lui
qu'il avait choisi, mais chaque fois que le combat donna dix bœufs et une couronne d'or; puis, le
recommençait, se soulevant sur ses ailes, il atta- sénat lui ayant ordonné de prendre en main la
quait du bec et des ongles le visage et les yeux de guerre maritime, il réunit son camp à celui du
l'ennemi, jusqu'à ce qu'enfin, effrayé à la vue préteur. Mais, voyant que la lâcheté des Grecs,
d'un tel prodige, les yeux et l'esprit troublés tout qui refusaient le combat, prolongerait la guerre,
ensemble, le Gaulois tombe égorgé par Valérius; sur l'ordre du sénat, il nomma dictateur, pour la
et alors le corbeau prend son vol vers l'Orient et dis- tenue des comices, T. Manlius Torquatus. Le dic-
parait. Jusque-là les deux armées étaient restées tateur nomma maître de la cavalerie A. Cornélius
immobiles maisquand le tribun se mit à dépouiller Cossus, ouvrit les comices, et proclama consul,
le cadavre de son ennemi mort, les Gaulois ne se quoiqu'absent, aux applaudissements du peuple,
tinrent plus à leur poste, et les Romains volèrent son rival de gloire, M. Valérius Corvus ( car il
plus rapidement encore vers le vainqueur. Là, à fut surnommé ainsi désormais ), âgé de vingt-
la suite d'un conflit autour du cadavre gisant du trois ans. On donna pour collègue plébéien à
Gaulois, un combat terrible s'engage. Ce ne sont Corvus, M. Popillius Lénas, qui fut ainsi consul
plus seulement les manipules des postes avancés, pour la quatrième fois. Camille ne fit rien de mé-
ce sont les légions confondues des deux côtés, qui morable contre les Grecs, qui se battaient aussi
se heurtent. Camille, voyant ses soldats tent mal sur terre que les Romains sur mer. Enfin,
fiers de la victoire du tribun, tout joyeux de l'aide repoussés de tous côtés, et manquant d'eau ainsi
et de la protection des dieux, ordonne de mar- que d'autres choses nécessaires, ils quittèrent
cher au combat; et, montrant le tribun paré de l'Italie. A quelle contrée, à quel peuple apparte-
nobles dépouilles « Imitez-le soldats disait- nait cette flotte, je ne saurais le dire; mais, ce
il, et, autour du cadavre de leur chef, couchez à qui me parait le plus probable, c'est qu'elle fut

armatus processit. Minus insigne certamenhumanuiu nu- quaquam certamiue ambiguo cum Gallis est adeo duo-
miue iuterposito deorum ficlum. Namque conserenti jam rum militum etentum, inter quos pugnatum erat, utra-
manum romano corvus repente in galea cousedit, in hos- que acies animis perceperat. Inter primos, quorum con-
lem versus quod primo, ut augurium cœlo misâum cursus alios exciverat, atrox prælium fuit alia multi-
lætus accepit tribunus. Precatus deinde, « Si divus si tudo, priusquam ad conjectum teli veniret, terga vertit.
diva esset, qui sibi praepetem misisset, volens propi- Primo per Volscos Falernumque agrum dissipati sunt
tius adesset.. Dictu mirabile tenuit non solum ales cap- inde Apuliam ac mare superum petieruot. Coosul con-
tam semel sedem, sed, quotiescunque certamen initum cione advocata laudatum tribunum decem bubus aurea-
est, levans se alis, os oculosque hostis rostroet unguibus que corona donat. Ipse jussus ab senatu bellum mariti-
appeliit donec territum prodigii talis visu, oculisque si- mum curare, cum prætore juaait castra. Ibi quia res
mul ac mente turbatum Valerius obtruncat. Corvus e trahi segnitia Græcorum non committentium se in aciem
conspectu elatus orientem petit. Hactenus quietae utrim- videbantur, dictatorem coinitiorum causa T. Manlium
que stationes fuere. Postquam spoliare corpus cæsi hostis Torquatum ex auctoritateseaatus dixit. Dictator magis-
tribunus cœpit nec Galli se statione tenueruut, et Ro- tro equltum A. Cornelio Cosso dicto comitia consularia
manoruni cursus ad victorent etiam ocior fuit. Ibi circa habuit, æm*ulumque decoris sui absentem M. Valerium
jacentis Galli corpus contracto certamine, pugna atroi Corvum (id enim illi deinde cognominis fuit) summo
concitatur.Jam non manipulis proximarum stationum favore populi, tres et viginti natum annos consulem re-
sed legionibus utrimque effusis res geritur. Camillus loe- nuntiavit. Collega Corvo de plebe M. PopilliusLænas quar-
tum militem victoria tribuni laetum tam pra'sentibus ac tam consul futurus datus est. Cum Græcis a Camillonulla
secundis diis, ire in prælium jubet osteutansque insig- memorabilis gesta res nec illi terra nec Romanus mart
nem spoliis tribunum «Hune imitare, miles, aiebat; bellator erat. Postrcmo, quum litoribus arcerentur aqua
et circa jacentem ducem sterne Gallorum catervas.. Dii etiam pre'ter cetera necessaria usui déficiente, Italiam
hominesque tlli affuere pugnæ depugnatumque haud- rcliqucre. Cujus populi ea, cujusque gentis classis fuertt,
envoyée par les tyrans de Sicile; car la Grèce ul- armée redoutable. Là les Antiates et les autres
térieure, fatiguée à cette époque de guerres intes- Volsques qui se tenaient prêts à agir au premier
tines, redoutait déjà la puissance macédonienne. mouvement de Rome vinrent à sa rencontre; et,
XXVII. Les armées licenciées, tandis que nous entre peuples animés de si vieilles haines, le com-
avions la paix au dehors, et au dedans le repos bat ne se fit pas attendre. Les Volsques, qui
par le bon accord des deux ordres, comme si c'eût étaient plus ardents à guerroyer qu'habiles à la
été trop de bonheur, la peste attaqua Rome et guerre, furent vaincus; ils gagnèrent en déroute
força le sénat de commander aux décemvirs de les remparts de Satricum et, comme ils ne comp-
consulter les livres Sybillins; et, d'après leur taient pas beaucoup sur les murailles de la ville,
avis, on fit un lectisterne. La même année les An- quand ils la virent entourée de troupes, près
tiates établirent une colonie à Satricum, et rele- d'être escaladée et enlevée, ils se rendirent au
vèrent la ville, détruite par les Latins. A Rome nombre de quatre mille soldats, outre une foule
on conclut un traité avec des envoyés de Car- d'habitants sans armes. La place fut démolie et
thage, qui étaient venus demander alliance et brûlée le temple de Matula Mère fut seul épargné
amitié. La même tranquillité continua de régner par le feu. On donna au soldat tout le butin à
au dedans et au dehors, sous le consulatde T. Man- l'exception des quatre mille hommes qui s'étaient
lius Torquatus et de C. Plautius. On réduisit de rendus le consul les mena enchaînés devant son
moitié l'intérêt lixé à un pour cent, et l'on arrêta char de triomphe; puis il les vendit et en rapporta
que les dettes seraient acquittées en quatre paie- le prix, qui fut considérable, au trésor public. Des
ments égaux, dont le premier comptant, et le reste écrivains prétendent que tous ces prisonniers n'é-
dans l'espace de trois ans et, bien que cet arran- taient que des esclaves et cela rend le fait plus
gement fut encore onéreux pour une partie du vraisemblable; car on n'eût pas vendu des soldats
peuple, le respect de la foi publique eut plus de qui s'étaient rendus.
pouvoir sur le sénat que les malaises particuliers. XXVIII. A ces consuls succédèrent M. Fabius
Ce qui fut surtout un soulagement pour la ville, Dorso, et Ser. Sulpicius Camérinus. Une inva-
c'est qu'il y eut sursis aux levées de tribut et de sion soudaine des Aurunces fit craindre, que cet
soldats. Trois ans après le rétablissement de Sa- acte d'un seul peuple n'eût été conseillé par toute
tricum par les Volsques, on reçut du Latium la la confédération latine; et, comme si le Latium
nouvelle que des députés antiates parcouraient eût été déjà en armes, on créa dictateur L. Fu-
les cités latines pour les soulever sans attendre rius, qui nomma maître de la cavalerie Cn. Man-
que le nombre des ennemis se fût accru, M. Va- lius Capitolinus. Après avoir proclamé le Justi-
lérius Corvus, élu pour la seconde fois consul avec tiuna, suivant l'usage observé dans les grandes
C. Pétélius, eut ordre de porter la guerre aux alarmes, on pressa la levée sans exempter per-
Volsques, et marcha sur Satricum, à la tête d'une sonne et les légions marchèrent avec la plus

uibil certi est. Maxime Siciliæ fuisse tyrannos crediderim; exercitu infesto pergit. Quo qnum Antiates aliique Vols(l
nam ulteriorGræcia, ea tempestate intestino fessa bello, preeparatis jam ante, si quid ab Roma moveretur, copiis
jam Macedonum opes horrebat. occurrissent, nulla mora inter infensos diut no odio di-
XXVII. Exercilibus dimissis, quum et foris pax et do- micandi facta est. Volsci, ferocior ad rehellandum quam
mi concordia ordinum otium esset, ne nimis la'tae res es- ad bellaadum gens, certamine victi, fuga effusa Satrici
sent, pestilentiacivilatemadorta coegitsenatum imperare mœuia petunt et, ne in muris quidem satis firma spe,
deremviris, ut libros Sibyllinos inspicerent; eorumqiie quum corona militum cincta jam scalis caperetur urbs,
monitu lectisternium fuit. Eodem anno Satricnm ab An- ad quatuor millia militum, prater multitudinem imbel-
tiatibus colonia deducta, restitutaque urbs, quam Latini lem sese dedidere. Oppidum dirutum atquc incensum
diruerant. Et cuin Carthagmiensibus legatis Romæ fœdus aL aede tantum Matris Matutæ abstinuere iqnem. Præda
ictuin quum amicitiam ac societatem petentes venissent. omnis militi data. Eztra praedam quatuor nullia dedito-
Idem otium domi forisque mansit T. Manlio Torquato, rum habita. Eos vinctoa consul ante currum triumphans
C. Plautio consulibus semunciarium tantum ex unciario egit vendais deinde magnam pecuniam in ærarium re-
feuus factum, et in pensiones aequas triennii, ita ut quarta degit. Sunt, qui banc multitudinem captivam servorun)
præsens esset, solutio æris alieni dispensata est. Et sic fuisse scribant; idque magis verisimile est, quam deditos
quoque parte plebis affecta, fides tamen publica privatis veniisse.
difficultatibus potior ad curam senatui fuit. Levatæ maxi- XXVIII. Hos consules secuti sunt M. Fabius Dnrso,
me res, quia tributo ac delectu supersessum. Tertio anno Ser. Sulpicius Camerious. Auruncum inde bellum ab
post Salricum restitutum a Volscis, M. Valerius Corvus, repentina populatione cœptum: metuque, ne id factum
secuodum consul cum C. Pœtelio factus, quum ex Latio populiunius, consilium omnis nominis Lntini e'set, dicta-
nuntiatum esset legatos ab Antio circumire populos La- tor velut adversus armatum jam Latium L. Furius crea-
tinornm ad concitandum bellum; priusquam plus hos- tus, magistrum equitum Cn. Manlium Capitolinumdixit.
tium fieret, Volscis arma inferre jutsus, ad Satricum Et quam (quod per magnos tumultus f1eri solitum erat)
grande célérité contre les Aurunces. Les hommes vaient y assister. Il y cut, dit-on, cette année,
auxquels on avait affaire étaient plutôt des pil- quelques jugements cruels du peuple contre des
lards que de véritables ennemis. Une première usuriers que les édiles avaient cités devant lui.
rencontre décida la victoire. Cependant, connne Enfin, il y eut également un interrègne dont on
ils avaient d'eux-mêmes apporté la guerre, et ne sait pas au juste la cause. Il cessa, et ceci pour-
qu'ils n'avaient pas balancé à se présenter au rait en indiquer le but, par la création de deux
combat, le dictateur, croyant que le secours des consuls patriciens M. Valérius Corvus, élu pour
dieux ne lui serait pas inutile, avait pendant l'ac- la troisième fois, et A. Cornélius Cossus.
tion voué un temple à Junon Moneta enchaîné XXIX. Nous allons maintenant raconter des
par ce vœu, il retourna vainqueur à Rome et ab- guerres plus importantes, et par les forces de l'en-
diqua la dictature. Le sénat ordonna la création nemi, et par l'éloignement des lieux qui en fu-
de duumvirs pour veiller à ce que ce temple rent le theâtre, et par le long temps qu'elles du-
fût digne de la majesté du peuple romain on y rèrent. Cette année, en effet, on eut la guerre avec
destina dans la citadelle l'emplacernent qu'a- les Samnites, nation puissante par ses richesses et
vait occupé la maison de M. Manlius Capitolinus. par ses armes. Après la guerre contre les Samni-
Les consuls, profitant, pour combattre les Vols- tes, si longtemps incertaine, nous eûmes pour en-
ques, de l'armée du dictateur, attaquèrent l'en- nemi Pyrrhus, et après Pyrrhus les Carthagi-
nemi, qui était sans défiance, et lui enlevèrent nois. Quelles affaires immenses Que d'extrêmes
Sora. Dans l'année qui suivit celle où il avait été périls nous avons traversés avant que l'empire ait
voué, le tempie de Moneta fut dédié, sous les pu s'élever à cette grandeur qu'il a tant de peine
consuls C. Marcius Rutilus et T. Manlius Torqua- à soutenir! Quant à cette guerre des Romains et
tus, élus, celui-ci pour la seconde fois, celui-là des Samnites, jusqu'alors unis d'alliance et d'ami-
pour la troisième. Cette dédicace fut accompagnée tié, elle eut une origine étrangère; elle ne vint
d'un prodige semblable à l'ancien prodige du pas des Samnites. Ce peuple se sentant le plus
mont Albain; car il tomba une pluie de pierres, fort avait sans motif porté les armes contre
et la nuit parut voiler la lumière du jour. Après les Sidicins, qui, dans leur détresse, obligés de
avoir consulté les livres, comme la ville était recouriràl'assistance d'une nation plus puissante,
pleine d'une religieuse terreur, le sénat crut devoir s'allièrent aux Campaniens. Les Campaniens ap-
nommer un dictateur pour célébrer les féries. On portèrent plutôt un nom que des forces au se-
nomma P. Valérius l'ublicola, et on lui donna cours de leurs alliés énervés par la mollesse, ils
pour maître de cavalerie Q. Fabius Ambustus. On furent battus sur les terres des Sidicins par des
ne se contenta pas d'envoyer les tribus en suppli- hommes endurcis au service des armes, et attirè-
cations solennelles; on y appela aussi les peuples rent sur eux tout l'effort de la guerre; car les
voisins, et l'on assigna le rang et le jour où ils de- Samnites, laissant là les Sidicins, attaquèrent le

justitio indicto delectus sine vacationibus habitus esset, quisque die supplicarent, statulus. Judicia en anno po-
legiones, quantum maturari potuit in Auruncos ductæ. puli tristia in leneratores facta quibus ab ædilibus dicta
Ibi praedocum magis, quam hostium, animi inventi. dies esset, traduntur. Et res, band ulla insigni ad me-
Prima itaque acie debellatum est. Dictator tamen, quia moriam causa ad interregnum rediit. Ex interregno, ut
et ultro bellum intulerant, et sine detrectatione se certa- id actum videri posset ambo patricri consulescreati aunt,
mini ofTerebant, deorum quoque opes adhibendas ratus, M. Valerius Corvus tertium, A. Cornelius Cosbus.
inter ipsam dimicationein ædem Juuoni Monetæ vovit XXIX. Majora jam hine bclla, et viribus hostium, et
hujus damnatus voti quum victor Romam reverlisset dic- longmquitate vel regionum, vel temporum spatio, qui-
tatura se abdicavit. Senatus duumviros ad eam a'dem bus bellatum est, dicentur. Namque eo anno adversus
pro amplitudine populi romani faciendam creari jussit. Samnites, geutem opibus armisque validam, mota ar-
Locus in arce destinatus, quae area ædium M. Mnnhi Ca- ma. Samnitmm bellum, ancipiti Marte gestnm, Pyrrhus
pitolini fuerat. Cousules, dictatoris exercitu ad bellum hostis, Pyrrhum Pœni secuti. Quanta rerum moles quo-
Volscum nsi, Soram ex hostibus, incautos adorti, cepe- ties in extrema periculorum ventum ut in hanc magni-
ront. Anno post, quam vota erat, ades Monetæ ded ca- tudinem, quae vix sustinetur, erigi imperium posset 1
tur, C. Marcio Rutilo tertium, T. Manlio Torquato se- Belli autem causa cum Samnitibus Romanis, quum so-
cundum consulibus. Prodigium extemplo dedicationem cietate amicitiaque juncti essent, extrinsecus vemt; non
secutum, simile vetusto monlis Albani prodigio. Namque orta inter ipsos est. SamnitesSidicinisinjusta arma quia
et lapidibus pluit, et noi interdiu visa intendi librisque viribus plus poterant, quum iutulissent, coacti inopes
inspectis, quum pleua religione civitas esset, senatui ad opulentiorum auxilium confugere, Campanis sese con
placuit, dictatorem feriarum constituendarum causa dici. jungunt. Campani roagis oomen ad praesidium sociorum,
Dictus P. Vnlerius Publicola magister equitum ei Q. Fa- quam vires, quum atlulissent, fluentes luxu ab duralis
bms Ambustus datus est. Non tribus tantum suppl'catum usu armorum m Sidicino pulsi agro, in se deinde molem
ire placuit,sed finitimos etiam populos; ordoque iis, euo omnem belli verteruut. Namque Samniles, omissisSrdi-
rempart de leurs voisins, les Campaniens eux- droit d'ancienneté, un degré d'honneur de plus;
mêmes, conquête qui devait être aussi facile et car il n'a pas été stipulé dans votre alliance avec
qui promettait plus de butin et de gloire, s'étant les Samnites que vous n'en concluriez pas de nou-
emparés des monts Tifates qui dominent Capouc, velles et de tout temps le seul désir d'être votre
et les ayant garnis d'un fort détachement,ilsdes- ami a toujours été auprès de vous un titre suffi-
cendirent en bataillon carré dans la plaine qui s'é- sant à votre amitié. Les Campaniens, quoique no-
tend entre les villes et les montagnes. Là s'enga- tre fortune présente nous empêche de trop nous
gea un nouveau combat les Campaniens y eurent vanter, ne le cèdent, par l'étendue de leur ville
encore le dessous et furent refoulés dans leurs et la fertilité de leurs terres, à aucun peuple hor-
nlurs. Comme l'élite de leur jeunesse avait suc- mis à vous seuls, et ils n'ajouteront pas peu,
combé, et qu'ils ne voyaient plus d'espoir autour j'imagine, à votre prospérité en faisant amitié
d'eux ils furent réduits à demander du secours avec vous. Que les Èques et les Volsques, éter-
aux Romains. nels ennemis de cette ville, tentent un mouve-
XXX. Leurs députés, introduits dans le sénat, ment, nous serons là sur leurs pas, et ce que vous
parlèrent à peu près en ces termes « Le peuple aurez fait les premiers pour notre salut, nous le
campanien nous a envoyés en députation près de ferons à jamais pour votre empire et votre gloire.
vous, Pères conscrits, afin que nous vous deman- Toutes ces nations qui nous séparent de vous, une
dions en son nom amitié pour toujours, et pour le fois domptées, ce qui ne tardera guère, et votre
moment assistance. Si nous l'avions demandée valeur et votre forlune nous en répondent, votre
lorsque nos affaires prospéraient, cette amitié, empire s'étendra sans interruption jusqu nous.
formée plus vite, eût été serrée de plus faibles Cruel et déplorable aveu que nous arrache notre
liens; car alors nous aurions pensé que nous fortune! Nous en sommes arrivés là, Pères conscrits,
avions traité avec vous d'égal à égal, et, tout eu que nous devons, nous Campaniens, appartenir
demeurant vos amis comme nous le sommes, désormais à nos amis ou à nos ennemis. Si vous
nous vous aurions été moins soumis et moins nous protégez,nousserons à vous; si vous nous dé-
dévoués. Maintenant, gagnés par votre commi- laissez, aux Samnites. C'est donc à vous de voirle-
sération, défendus par votre secours dans nos quel vous préférez, ou que Capoue et la Campanio
dangers, la reconnaissance du bienfait reçu sera entière s'ajoutent à vos forces, ou qu'elles grossis-
pour nous un devoir à peine de paraître ingrats sent celles des Samnites, Il est juste, Romains,
et indigncs de toute protection divine et humaine. d'ouvrir à tous un facile accès à voire pitié, à votre
Et, par Ilercule, si les Samnites sont devenus protection; mais surtout à ceux-là qui, en por-
avant nous vos amis et vos alliés, ce ne sera pas, tant à d'autres un secours imploré, ont dépassé
je pense, une raison pour que vous nous refusiez leurs forces, et en sont venus eux-mêmesà cette
votre amitié.; tout au plus auront-ils sur nous un extrémité, Si, en apparence nous combattions pour

cinis, ipsam arcem finitimorum Campanos adorti, unde honoris nos prient neque enim fœdere Samnitium,
æque facilis victoria, prædæ atque glorix plus esset, ne qua nova jungerctisfœdera, cautum Pst. Fuit quidem
Tifata, imminentes Capuæ colles quum præsidio tirmo apud vos semper satis justa causa amicitioe, vclle eum vo-
occupassent, descenduut inde quadrato agmine in plani- bis amicum esse, qui vos appeteret. Campani, etsi for-
tiem, quæ Capuam Tifataque interjacet. Ibi rursus acie tuna præsens magmficeloqui prohibet, non urbis ampli-
dimicatum adversoque pralio Campani intra mœnia tudine, non agri ubertate ulli populo præterquam vobis
compulsi quum, rohore juventutis sua* acciso nulla cedentes, haud pana (ut arbitror) acressio bonis rebus
propinqua spes esset, coacti sunt ab Romanis petere auxi- vestris in amicitiam venimus vestram. Æquis Volscisque,
liuui. æternis hostibus hujus urbis, quandocunque se movcrint,
XXX. Legati, introducti in senatum maxime in hanc ab tergo erimus et, quod vos pro salute nostra priores
sententiam locuti sunt « Populus nos Campanus legatos feceritis, id nos pro imperio vestro et gloria semper fa-
ad vos, Patres conscripti, misit, amicitiam in perpetuum, cienius. Subactis iis gentibus quæ inter nos vosque sunt,
aniilium præsens a vobis petitum. Quam si secundis re- quod propediem futurum spondet et virtus et fortuna ve-
bus nostris petiissemus,sicut coepta celerius, ita iufirmiore stra, continens imperium usque ad nos habebitis. Acer-
vinculo contracta esset. Tunc enim, ut qui ex æquo nos bum ac miserum est, quod fateri nos fortuna nostra co-
venisse in amicitiam meminissemus, amici forsitan pari- git. Eo ventum est, Patres conscripli ut aut amicorum,
ter ac nuno, subjecti atque ohnoxii vobis minus essemus. aut inimicorum Campani simus. Si defenditis veUri si
Nunc, misericordia vestra conciliati, auxilioque in du- deseritis, Samnilium erimus. Capuam ergoetCampaniam
birs rébus defensi, beoeficiumquoque acceptum colamus omnem vestris an Samnitium viribus accedere malitis,
oportet, ne ingrati atque omni ope divina humanaque deliberate. Ommbus quidem, Romani, vestram misericor-
indigni videamur. lVeque, hercule, quod Samnites prio- diam vestrumque auxilium a'quum est patere; ils tamen
res amici sociique vobis facti sunt, ad id valere arbitror, maxime, qui, eam implorantibus aliis auxilium dum su-
ne nos ie amicitiam accipiamur, sed ut velustate et gradu pra vires suas pra'stant omnes ipsi in hauc necessitatem
les Sidicins, en réalité c'était pour nous-mêmes à vous. Pour vous soi a labouré le sol de la Cam-
nous avions vu un pays voisin menacé de l'infâme panie, pour vous se peuplera la ville de Capoue
brigandage des Samuites, et l'incendie qui aurait nous vous honorerons à l'égal de nos fondateurs,
dévoré les Sidicins prêt à s'étendre jusqu'à nous. de nos pères, de nos dieux immortels. 11 n'y aura
Aujourd'hui si les Samnites viennent nous en- pas une de vos colonies qui ait pour vous plus
vahir, ce n'est pas de dépit qu'on les ait outra- d'attachement, plus de fidélité. Faites un signe de
gés, c'est de joie qu'on leur ait fourni un prétexte. tête, Pères conscrits; accordez aux Campaniens
Est-ce que, si leur invasion avait pour motif la votre divine et invincible protection; permettez-
vengeance, et non la satisfaction de leur cupidité, leur d'espérer le salut de Capoue. De quel im-
est-ce que ce serait trop peu encore que d'avoir mense concours de citoyens de toutes classes pen-
exterminé nos légions, d'abord dans le pays des sez-vous que nous avons été suivis à notre départ?
Sidicins, puis dans les champs mêmes de la Cam- Combien n'y a-t-il pas eu de larmes répandues,
panie ? Quelle est donc cette colère si acharnée, et de vœux adressés au Ciel? En quelle anxiété se
que le sang de deux armées n'ait pu l'assou- trouvent à cette heure le sénat et le peuple campa-
vir. Ajoutez à cela la dévastation des campagnes, niens, nos femmes et nos enfants? Toute la multi-
les butins d'hommes et de troupeaux, les fermes tude se tient aux portes de la ville, regardant au
incendiées et ruinées, tout notre pays ravagé loin sur le chemin qui doit nous ramener, et,
par le fer et le feu. N'était-ce pas assez pour assou- j'en suis sûr, Pères conscrits, attendant, l'esprit
vir leur colère? Mais c'est leur cupidité qu'il faut plein d'angoisse, la réponse que vous nous char-
assouvir; c'est elle qui les entraîne à la conquête gerez de leur faire. Un mot de vous peut leur ap-
de Capoue ils veulent ou détruire cette ville porter salut, victoire, vie et liberté; mais jc tiem-
si belle, ou la posséder eux-mêmes.Vous, Romains, ble d'imaginer ce qu'un autre leur apposerait.
rendez-vous-en maîtres par votre générosité, Décidez donc si nous devons être vos alliés et
plutôt que de souffrir qu'ils s'en emparent par un vos amis, ou n'être plus. n
crime. Je ne parle pas à un peuple qui se refuse à XXXI. Les députés s'étant retirés, le sénat dé-
de justes guerres; mais que vos secours se mon- libère et quoiqu'aux yeux d'un grand nombre
trent seulement, et vous n'aurez pas mûme, je cette ville, la plus grande et la plus opulente de
pense, besoin de combattre. Le mépris des Sam- l'Italie, avec ses champs si fertiles et voisins de la
nites est parvenu jusqu'à nous, mais il n'a pu mer, parût une ressource contre les chances des
monter plus haut. L'ombre de votre protection mauvaises récoltes et le grenier du peuple ro-
Romains, suffira pour nous mettre en sûreté; main, la bonne foi prévalut sur tant d'avan-
et, désormais, tout ce que nous aurons, tout ce tages, et le consul, au nom du sénat, répondit
que nous serons, nous le regarderons comme étant « Le sénat vous juge dignes, Campaniens, de sa

venerunt. Quanquam pugnavimus verbo pro Sidicinis, panus vobis Capua urbs frequenljbilur conditorum,
re pro nobis, quum videremus huitimum populum ncfa- parenlum, deorum immortallllm numero nobis eritis.
rio latrocinio Samnilium peti; et, ubi conflagrassent Si- Nulla colonia vestra erit, quæ nos obsequio erga vos fi-
dicini, ad nos tralecturum illud iucendmm esse. Nec deque superet. Annuite, Patres conscripti, nutum nu-
emm nunc, quia dolent injuriam acceptam Samnites, sed menque vestrum invictum Campauis, et jubete sperare,
quia gaudent oblatam sibi esse causam oppugnatum nos incolumem Capuam futuram. Qua frequentia omnium
veniunt. An si ultio iræ hæc, et non occasio cupiditatis gencrum multitudinis prosequente creditis nos illinc pro-
explendæesset, parum fuit, quod semel in Sidicino agro, fectos ? quam omnia votorum laci imarumqueplena reli-
iterum in Campania ipsa legiones nostras cecidere ? Quae quisse ? in qua nunc exspectatione senatum populumque
est ista tam infesta ira, quam per duas acies fusus sanguis Campanum, coujuges, liberosque nostrus esse? Slare
explere non potuerit ? Adde bue populationemagrorum, omnem multitudinem ad portas, viam bine ferentem pro-
prædas bominum atque pecudum actas, incendia villa- spectantes, certum habeo, quid illis nos, Patres conscri-
rum ac ruinas, omnia ferro ignique vastata. Hiscinoira pti, sollicitis ac pendentibus animi renunciare jubeatis.
expleri non potuit? Sed cupiditas explenda est. Ea ad op- Alterum responsum salutem, victoriam, lucem, ac liber.
pugnandam Capuam rapit, Aut delere urbem pulcherri- tatem alterum ominari horreo, quæ ferat. Proinde ul
mam, aut ipsi possidere volunt. Sed vos potius, Romani, aut de vestris futuris sociis atque amicis aut nusquam
beneficio vestro occupate eam, quam illos babere per ullis futuris nobis, consulite. »
maleficium sinatis. Nou loquor apud recusantem justa XXXI. Summotis deinde legalis, quum consultus se-
bella populum; sed tamen, si ostenderitis auxilia vestra, natus esset, etsi magnæ parti urbs maxima opulentissima-
ue bello quidem arbitror vobis opus fore. Usque ad nos que Italiæ, uberrimus ager marique propinquus ad va-
contemptus Samnitium pervenit, supra non escendit. rietates annonæ horreum populi romani fore videbalur;
Itaque umbra vestri auxilii, Romani, tegi possumus: tamen tanta utilitate fides antiquior fuit, respouditque ita
quicquid deinde habuerimus, quicquid ipsi fuerimus, ex auctoritate senatus consul: « Auxilio vos Campani
veàtrum id omne existimaturi. Vobis arabitur ager Cam- dignos cenbet senatus sed ita vobiscumamicitiam institui
protection; mais il ne doit pas, en formant ami- enverrait sans délai des dépulés aux Samnites,
tié avec vous, attenter à une amitié, à une alliance avec la commission « d'exposer à ce peuples les
plus ancienne. Les Samnites nous sont unis par prières des Campaniens la réponse du sénat, li-
un traité; les attaquer, ce serait offenser encore dèle à l'amitié des Samnites, et enlin l'abandon
plus les dieux que les hommes, et c'est pourquoi fait à Rome. Ils devaient demander, au nom de
nous nous y refusons. Mais, ainsi que la justice l'alliance et de l'amitie qui existait entre eux,
et le devoir le commandent, nous enverrons des d'épargner les sujets de Rome, de ne plus porter
députés à nos alliés et à nos amis, pour les prier sur un territoire cédé au peuple romain des ar-
qu'aucune violence ne vous soit faite. » A cela, le mes ennemies. Si les voies de douceur avaient
cbef de la députalion d'après les instructions peu de succès, ils enjoindraient aux Samnites,
qu'il avait apportées de sa ville, répliqua Puis- par l'ordre exprès du peuple romain et du sénat,
que vous ne voulez point prendre la juste défense de respecter la ville de Capoue et le territoire
de nos intérêts contre la violence et l'injustice, campanien. Les députés ayant rempli leur mes-
vous défendrez au moins les vôtres. En consé- sage, le conseil des Samnites répondit fièrement
quence, peuple Campanien, ville de Capoue, qu'ils poursuivraient la guerre et même leurs
terres temples des dieux enfin, toutes les choses magistrats, sortis de la curie, appelèrent en pré-
divines et humaines, nous vous livrous, nous sence des députés les chefs des cohortes, et leur
vous donnions tout, Pères conscrits, à vous et au commandèrent d'aller sans retard ravager les
peuple romain si désormais ou nous outrage, terres de Capoue.
ce sont vos sujets qu'on outragera.» Cela dit, tous, XXXII. Des qu'on apprit à liome l'accueil fait
les mains tendus vers les consuls, ils se proster- aux députés, le sénat, laissant là tout autre soin,
nèrent, pleins de larmes, dans le vestibule de la envoya des féciaux demanderréparation aux Sam-
curie. Les patriciens étaient émus de cet exemple nites, et, sur leur refus, leur déclara solennelle-
de l'instabilité des destinées humaines, eu voyant ment la guerre, en décrétant qu'on soumettrait
un peuple si riche et si puissant, cité pour son sans délai cette affaire à la sanction du peuple.
faste et pour sa fierté, que ses voisins avaient na- Sur l'ordre du peuple, les deux consuls, partis de
guère appelé à leur aide, perdre courage au point la ville avec deux armées, entrèrent, Valérius
de se mettre soi et ses biens au pouvoir d'autrui. dans la Campauie, Cornélius dans lé Samnium
On crut dès lors que l'honneur défendait de tra- et campèrent, l'un près du mont Gaurus, l'autre
hir des gens qui se donnaient, et que les Samnites près de Salicula. Valérius, le premier, rencontra
agiraient contre l'équité, s'ils attaquaient encore les Samnites lesquels avaient prévu que le poids
un territoire et une ville acquis par cette cession de la guerre pencherait de ce côté d'ailleurs
au peuple romain. Il fut donc décidé qu'on la colère les animait contre les Campaniens, si

par est, ne qua veluslior amicitia ac societas violetur. sponsum senatus amicitim Samnitium memor, deditionem
Samuites uobiacumfœdere juncti sunt. Itaque arma, deos postremn factam, Samnitibus elponerent. Peterent pro
prim, quam hommes, violatura, adversus Sajnnites vo- societate amicitiaque, ut dediticiis suis parcerent neque
bis negamus. Legatos, sicut tas jusque est, ad socios at- in eum agrum qui populi Romani faclus esset, bostilia
que amicos precatum mittemus, ne qua vobis vis Hat. arma inferrent. Si leniter agendo parum proficerent, de-
Ad ea princeps legationis ( sic enim domo mandatum at- uuntiarent Samnitibus populi Romani senatusque verbis,
tulerant), a Quandoquidem, iuquit, nostra tuert adveraus ut Capua urbe Campanoque sgro abstinerent. » Hæc le-
vun atque injuriam justa Yi non vultis, vestra certe de- gatis agentibus in concilio Samnitium adeo est ferociter
fendetis. Itaque populum Campanum, urbemque Ca- responsum, ut non solum gesturos se esse dicerentfd
puam, agros, delubra deum, divina humauaque omnia bellum, sed magistratus eorum e curia egressi, stantibus
in vestram, Patrea conscripli, populique liomaui ditio- legatis, præfectos cohortium vocarent; iisque clara voce
nem dedimus; quicquid deinde patiemur, dediticii vestri imperarent, ut prsedatum in agrum Campanum extemplo
passuri.. Sub hæc dicta omnes, manus ad consules ten- proficiscerentur.
dentes, pleui lacrimarum iu veslibulo Curiae procubue- XXXII. Hac legatione Romam relata, pmitis omnium
rnnt. Commoti Patres vice fortunarumhumanarum,si ille aliaruin rerum curis, Patres, fetialibus ad res repetendas
præpotens opibus populus, luiuria tupei-biaque clarus, missis, belloque. quia non redderentur, solenui more
a quo paullo ante auxilium fimitimi petissent, adeo infra- indicto, decreverunt, ut primo quoque tempore de ea re
ctos gereret animos, ut se ipse suaque omnia potestatis ad populum ferretur: jussuque populi consules ambo cum
alienæ faceret tum jam fides agi visa, deditos non prodi, duobus ab urbe exercitibus profecti, Valerius in Campa-
niam, Cornelius in Samnium ille ad montem Gaurum,
nec facturum æqua Samnitium populum censebant, ai
agrum urbemque,per deditionem factam populi Romani,
oppugnarent.LegaLos itaque eiteiuplo mitti ad Samnites
c ad Saticulam castra ponunt. Priori Valerio Samni-
lium legiones ( eo namque eam belli molem inclinaturam
plaouit data mandata, utpreces Campanorum, re- ccnsebant) occurrunt. Simul iu Campanos stimulahat
empressésà porter nu à demander contre eux des ces la lutte s'engage; si leur chef n'est qu'un bril-
secours. A la vue du camp romain, tous à l'envi lant discoureur, bon tout au plus à entendre,
demandent fièrement à leur chef le signal du brave ea paroles seulement, et ne connaissant
combat, assurant que le Romain aurait à proté- rien à la guerre, ou s'il est homme qui sache ma-
ger le Campanien le même sort que le Campanien nier les armes, marcher en tête des enseignes, se
avait eu naguère à secourir le Sidicin. Valérius, porter bravement au milieu de la mêlée. C'est
apres avoir, pendant quelques jours, éprouvé d'après mes actions soldats, dit-il, et non d'après
l'ennemi par de légers combats, ordonna le signal mes paroles qu'il faut vous conduire; demandez-
de la bataille, et exhorta en peu de mois les sol- moi non des ordres seulement, mais l'exemple.
dats a Une guerre nouvelle, un ennemi nouveau Ce n'est pas par l'intrigue, par les cabales ordi-
ne doit pas leur inspirer de crainte; à mesure naires aux nobles, c'est par ce bras que j'ai ob-
qu'ils porteront leurs armes plus loin de la ville, tenu trois consulats et toute ma gloire. Il fut uu
ils arriveront à des nations de moins en moins temps où l'on aurait pu dire C'est que tu étais
aguerries. Ce n'est pas par les défaites des Sidicins patricien et issu des libérateurs de la patrie, et que
et des Campaniens qu'il faut juger de la valeur ta famille eut le consulat la même année que Rome
des Samnites; quels que fussent ceux qui combat- eut uu consul. Aujourd'hui, ouvert sans distinction
taient, il fallait bien que l'un des deux partis fût à nous patriciens et à vous plébéiens, le consulat
vaincu. Pour les Campaniens, c'est à coup sûr n'est plus, comme auparavant, le prix de la nais-
leur luxe immodéré, leur dissolution, leur moi- sance, mais du mérite et c'est pourquoi, soldats,
lesse, plutôt que la vigueur de l'ennemi qui les a vous pouvez aspirer, vous aussi aux suprêmes
vaincus. Qu'est-ce après tout que ces deux succès honneurs. Bien que, par la volonté des dieux vous
des Sammtes dans l'espace de tant de siècles, en m'ayez donné le nouveau suruom de Corvus, 11011,
comparaison de tous ces liauls faits du peuple ro- le vieux surnom de ma famille, Publicola, n'est
main, qui compte peut être depuis la fondation point sorti de ma mémoire. Toujours, en paix
de sa ville, plus de triomphes que d'années? qui tout comme en guerres, citoyen dans les plus hautes
autour de lui, Sabins, Étrusques, Latins, Fler- magistraturescomme dans les plus humbles, tri-
niques, Èques, Volsques, Aurunces, a tout dompté bun ou consul, et du même cœur en tous mes
par les armes? qui, après avoir battu les Gaulois consulats,j'aime et j'aimai toujours le peuple ro-
dans tanl de rencontres a Gni par ne leur laisser main. Maintenant le temps presse; marchez, et
de refuge que la mer et leurs vaisseaux? Ils doi- avec le secours des dieux, remportez avec moi un
venet, en allant an combat, avoir foi chacun dans premier et complet triomphe sur les Samnites. »
leur gloire militaire, dans leur courage, et en- XXXIII. Jamais on ne vit général se rendre plus
visager aussi sous queis ordres, sous quels auspi- agréable au soldat en partageant avec les plus hum-

ira, tam promptos nunc ad ferenda, nunc ad arcessenda dus duntaxat magnificus adbortor sit, vcrbis tantum re-
adversus se auxilia. Ut vero castra Romana vidcrunt, fe- rox, operum militarium expers, au qui et ipsi tela tra-
rucitur pro se puisque sigaum duces poscere, allirm,ire, ctare, procedcreanle signa, versari media in mole pugnæ
eadem fortuna Romanum Campano laturum opem, qua sciât. Facta mea, non dicta, vos, milites, inquit, sequi
Campanus Sidicmo tulerit. Valerius, levil)us certamini- volo; nec disciplinam modo, sed exemplum eliam, a me
bus, tentandi hobtià causa, haud ila multos moratus dies, pelere. Non factionit us modo, nec per coitiones usitalas
signum pugnæ pruposuit, paucis suos adliorlatus Ne nobilibus, sed bac dextra, imhi tres consulatus summam-
novum bellum eus uovusque hostis ici reret. Quidquid ab que laudem peperi. Fu t, quum hoc dici poterat: Patri-
urbe long us proferrent arma magis magisque in inbel- cius euim eras, et a tiberatoribus patriæ ortus et, eodem
les gentes eos prodire. Ne Sidiciuurum Campanorumque anno familia ista cousulatum quo urbs hæc consulem
elambus Sammiumm æstimarent virintem. Qualescunque habuit. Nunc jam nobis Patribus vobisque pttbeiis pro-
inter se certaverint, uecesse fuit, alteram partem vinci. miscuus cunsulatus patet, nec generis, ut ante, sed vir-
Campanos quidem haud dubie magis nimio luxu fluenti- tutis est præmium. Proinde summum quodque spectate,
bus rebus mollitiaque sua, quam m hostium, victos esse. milites, decus. non, si m hi novum hoc Corvi cognomen
Qu:d autem esse duo prospera in lot sæculis bella Sam- diis auctoribus bomines dndistis, Publicolarum vetuslum
uitium ad versus loi décora populi Romani, qui Li iumphos familiæ nostræ cognomen memoria excessit. Semper 1 go
pæne plures. quam annos ab urbe coudita, numeret? pleCem Romanam militiæ domique, privatus, iu magi-
qui omma en ca se, Sabiuos. Etruriam, Latinos, Herni- stratibus parvis magnisque, mque tribunus ac consul,
cos, Æquos, Volscos, Auruucos, domita armis habeat ? eodem tenore per onmes deinceps consulatus, colo atque
qui Gallos, tot prœliis cæsos, postremo in mare ac naves colui. Nunc, quod instat, diis bene juvantibus, novum
fuga compulert? Quum gloria belli ac virtute sua quem- atque integrum de Sammtibus ttiumphum mecum pe-
que fre o. ire in aciem debere, tum etiam intueri, cujus lite..
ductu auspicioqueineunda pugna sit utrum qui audien- XXXIII. Non allas mil li familiar ior dui fuit, omma
bles tous les travaux du service. En outre, dans «A nous, soldats, dit-il à nous autres, fantassins
les jeux militaires oit des égaux luttent ensemble cette affaire est la notre. Marchons et à mesure
d'agilité ou de vigueur, doux et facile, et toujours, que vous me verrez avanccr et me frayer un che-
vainqueur ou vaincu, de l'humeur la plus afl'able, min par le fer dans les rangs enncmis, à mon
il ne dédaignait aucuu des adversaires qui se pré- exemple renversez tout ce qui se trouvera devant
sentaient. Il était bienfaisant à propos dans ses vous. Cette plaine, où se dressent en ce moment
actes; dans ses discours, il ne ménageait pas tant de lances étincelantes, vous l'allez voir bien-
moins l'indépendance d'autrui que sa propre di- tôt éclaircie, balayée par le carnage. Ainsi parle
gnité et, ce qui plaît surtout au peuple, il le consul, et, sur son ordre, les cavaliers, se re-
exerçait les magistratures du même esprit dont pliant sur les deux ailes, laissent libre l'accès du
il les sollicitait. Aussi, l'armée entière, avant centre aux légions. Le premier de tous, le consul
de sortir du camp, répondit avec une incroya- fond sur l'ennemi, et tous ceux que le hasard
ble allégresse aux exhortations de son chef. Ce offre à ses coups, il les égorge. Enflammés par ce
qui ne s'était jamais vu dans d'autres batailles, spectacle, nos soldats, à droite, à gauche, cha-
le combat s'engagea avec mêmes espoir des deux cun devant soi, engagent une lutte mémorable.
parts, avec mêmes forces et même confiance en Les Samnites tiennent ferme, bien qu'ils reçoivent
soi, mais sans mépris pour ['ennemi. Les Samnites plus de coups qu'ils n'en portent. L'on se battait
étaient fiers de leurs derniers exploits et de leur déjà depuis longtemps, et il y avait en un massacre
double victoire des jours précédents; les Romains atroce autour des enseignesdes Samnites, sans que
de leurs quatre cents ans de gloirc, et de cette personne eût fui, tant ils avaient à cœur de n'être
victoire qui remontait à l'époque de la fondation vaincus que par la mort. Mais les Romains sen-
de leur ville. Toutefois les deux partis étaient tant que les forces commencent à leur manquer,
inquiets d'avoir un ennemi nouveau à combattre. et qu'il ne reste guère de jour, emportés par la
La bataille marqua bien l'esprit qui les animait, rage, se ruent sur l'ennemi. Alors on le vit lâ-
car on lutta longtemps avantquc de part ou d'autre cher pied et se disposer à fuir; alors ou prit, on
l'armée ne pliât. Enfin, le consul voulant jeter le tua le Samnite; et peu auraient écUappé, si la
désordre dans cette armée qu'on ne pouvait repous- nuit n'eût mis lin à cette victoire; car ce n'etait
ser par la force, essaya, au moyen d'unecharge plus un combat. Les Romains avouaient qu'ils
de cavalerie,de troubler les premiers rangs de l'en- n'avaient jamais eu affaire à un ennemi plus opi-
nemi. Mais voyant que cette manœuvre n'avait niâtre et les Samnites, quand on leur demandait
pas de succès, et que, resserrés dans un étroit pour quel motif des courages si obstinés avaient
espace, les escadrons s'agitaient et tournaient sur pu se décider à fuir, répondaient: « Qu'ils avaient
eux-mêmes sans pouvoir s'ouvrir un chemin il cru voir la flamme jaillir des yeux des Iiomains,
revint en tête des légions et sautant de cheval de leurs visages forcenés, de leurs bouches furieu-

inter infimos militum haud gravate munia obeunde. ta luisset ex equo, « Nostrum, inquit, prditum illud mili-
tudo præterea militari, quum velocitatis viriumqueinter tes, est opus. Agitedum, ut me videritis, quacunque in-
se æqualescertamina ineunt, comiter facilis vincere ac cessero in aciem hostium, ferro viam facientem sic pro
vinci vultu codem; nec quemquam aspernari parem, se quisque obvios sternite. llla omnia qua nunc erecta;
qui se offerret; factis benignus pro re; dictis haud mi- micant hastæ, patefacta slrage vasta cernetis. Ha'c dicta
nus libertatis alienx, quam suas dignitatis, memor; et dederat, quum équités consulis jussi discurrunt in cor-
quo nihil pupularius est, quibus artibus petierat magi- nua, legionibus in mediam aciem aperiunt viam. Primus
stratus, iisdein gerebat. Itaque universus exercitus, in- omnium consul iuvadit bostem et, cum quo forte coutu-
credibili alacritate adhortationem prosecutus ducis, ca- lit gradum obtruncat. Hoc bpectaculoacceuai cextra læ-
stris egreditur. Prœlium, ut quod maxime unquam, pari vaque, ante se quisque, memorandum prœlium cient.
spe, utrimque æquis viribus, cum fiducia sui, aine con- Stant obuisi Samnites, quanquam plnra accipiunt, quam
temptu hostium, commissum est. Samnitibus ferociam inferunt, vulnera. Aliquamdiu jam pugnatum erat; atrox
augebaut novx res gestæ et paucos ante dies geminata cædes circa signa Samnitium, fuga ab nulladum parle
Victoria; Romanis contra quadringentorumannorum de- crat adeo morte sola vinci destiuaverantanimis. Itaque
cora et conditæ urbi æqualis victoria utrisque tamen Romani, quum et fluere jam lassitudine vires sentirent,
novus hostis curam addebat. Pugna indicio fnit quos ges- et diei haud multum superesset, accensi ira concitant se
serint animos namque ita conflixerunt, ut aliyuamdiu in bostem. Tum primum reterri pedem atque inclinart
in neutram partem iiiclinareut acies. Tum consul, tre- rem in fugam apparuit; tum capi occidi Samnis nec
pidationem injiciendam ratus, quando vi pelli non pote- superfuissent mulli ni nox victoriain magis, quom prm-
rant, equitibus immissis turbare prima signa hostium lium, diremisscl. Et Romaoi fatebantur, nunquam cum
conatur. Quos ubi ocynicquam tumultuantes in spatio pertinaciore hoste conflictum et Samnites, quum quw-
exiguo volvere turmas vidit, nec posse aperire in hostes reretur, quænam prima causa tam obstinatos movisset in
viam, revectus ad antesignauos legionum, quum desi- fugam? « oculos sibi Romanorum ardcre visos, aifhant,
ses; que de là surtout était venue leur terreur. » notre courage nous tirera d'affaire. » Comblé d'é-
Et cette terreur, ils l'avouèrent, non pas seule- loges par le consul qui lui donne les hommes qu'il
ment par l'issue du combat, mais aussi par leur a demandés, il s'avance avec eux couvert par tes
retraite nocturne. Le jour suivant, le Romain broussailles. Il ne fut aperçu de l'ennemi qu'en
s'empara du camp déserté par l'ennemi, et toute approchant du lieu qu'il voulait atteindre. La sur-
la multitude des Campaniena accourut pour lui prise et l'effroi des Samnites, qui tous avaient les
rendre grâces. yeux tournées surlui, laissèrentau consul le tempa
XXXIV. Au reste, peu s'en fallut que la joie de de conduire son armée sur un lerrcin meilleur;
cette victoire ne fût corrompue par un immense et lui il s'établit au sommet de la colline. Les Sam-
désastre dans le Samnium. En effet, parti de Sati- nites, tournant leurs enseignes d'un côté, puis
cula, le consul Corneliusavait imprudemmenten- d'un autre, laissent échapper à la fois deux occa-
gagé son armée dans un défilé qui s'ouvrait sur sions ils ne peuvent plus poursuivre le consul à
une vallée profonde, et occupé tout à l'entour par moins de s'engager à leur tour dans celte vallée
l'ennemi et ce fut seulement quand toute retraite où naguère ils le tenaient exposé à leurs traits,
sûre était devenue impossible, qu'il vit l'ennemi ni faire gravir à leurs troupes cette hauteur que
sur sa tête. Pendant que les Samnites attendent Décius occupe au-dessus d'eux. Mais la colère les
que toute l'armée soit descendue au fond de la entraîne de préférence contre ceux qui leur ont
vallée, P. Décius, tribun militaire, aperçoit dans enlevé la chance de la victoire, et ils sont excités
le défilé une colline élevée qui domine le camp par la proximité et le petit nombre de ces enne-
ennemi, et dont l'accès, trop rude pour des sol- mis tantôt ils veulent entourer de tous côtés la
dats chargés de bagages, était facile à des troupes colline, pur séparer Décius du consul; tantôt ils
légères. En conséquence, s'adressant au consul imaginent de lui laisser le chemin libre afin qu'il
épouvanté «Vois-tu, lui dit-il, A. Cornélius, cette descende dans la vallée où ils l'accableront. La
éminenceau.dessus de l'ennemi?Ce rocher que les nuit les surprit dans ces incertitudes. Décius eut
Samnites ont eu l'aveaglement de négliger sera le d'abord l'espoir qu'ils monteraient vers lui et
rempart de nos espérances et de notre salut, si nous qu'il pourrait les combattre de son poste élevé;
nous en emparons sans délai. Donne-moi seule- mais bientôt il commença à s'étonner en ne les
ment les princes et les hastats d'une seule légion; voyant, ni risquer l'attaque, ni au moins, si le
lorsqu'avec eux j'aurai gravi le faite, marche en désavantage du lieu les en détournait, s'entourer
avant sans rien craindre, et mets-toi en sûreté avec de retranchements et d'autres ouvrages. Alors,
l'armée; car l'ennemi, sous nos pieds, en butte à ayant appelé vers lui les centurions 1 Quelle
tous nos coups, ne pourra remuer sans se perdre. ignorance de la guerre et quelle paresse Com-
l'our nous, ou la fertune du peuple romain, on ment de pareilles gens ont-ils pu vaincre les Sidi-

vesanosquevultus et furentia era inde plus, quam ex alia nostra virtus expediet. » Collaudatus ab consule, accepta
ulla re, terroris ortum.. Quem terrorem non pugnæ prasidio, vadit occullus per saltum; nec prius ab hoste
solum eventu, sed nocturna profectione, confessi sunt. est visus, quam loco, quem petebat, appropinquavit.Iude
Postero die vacuis hostium castris Romanus potitur: quo admiratione paientibus cunctis, quum omnium iu se ver-
se omnis Campanorum mulliludo gratulabunda effudit. lisset oculos, et spatium consuli dédit ad subducendum
XXXIV. Ceterum hoc gaudium magna prope clade in agmen in æquiorem locum,et ipse in summo constitit ver.
Samnio fœdatum est. Nam ab Saticula profectus Corne- lice. Samnites, dum bue illuc signa vertunt, utriusque
lius consul exercitum incaute in saltum, cava valle per- rei amissa occasione, neque insequi consulem, nisi per
vium, circaque insessum ab boste, induxit nec prius, eaudem vallem, in qua paullo ante subjectum eum telis
quam rec pr tnto signa non poterant, imminentem capiti suis habuerant, possunt; uec erigere agmen in captum
hostem vidit. Dum id moræ Samaitibusest,quoad totuni super se ab Decio tumulum. Sed quum ira iu !os n)agis,
on vallem infimam demitteret agmen, P. Decius tribunus qui fortunam gerendæ rei eripuerant, tum propinquitas
militum conspicit unum editum in saltu collem, immi- loci atque ipsa paucitas incitât et nunc circumdare un-
nentem hostium castris, aditu arduum impedito agmiui diqtie collem armatis volunt, ut a consule Decium inter-
expeditis baud difficilem. Itaque consuli lerrito animi, cludant; nunc viam patefacere, ut degressos in vallem
Videsne tu, inquit, A. Corueli, cacumen illud supra adoriantur. Incertos quid agerent, nox oppressit Decium
hostem? Arx illa est spei salutisque nostræ, si eam, quam primum spes tenuit, cum subeuntibus iu adversum col-
cæo reliquere Samnites, impigre capimus. Ne tu mihi lem ex superiore loco se pugnaturum deinde admiratio
plus, quaiu uuius legionis principes bastatosque, dederis iucessit, quod nec pugnam inirent, nec, si ab eo consilio
uum quibus ubi evasero iu summum, perge bine omui iniquitate loci deterrerentur,opère se valloque circumda-
liber metu, teque et exercitum serva. Neque enim mo- rent. Tum centurionibus ad se vocatis, « Qua'nam ill.
veri hostis, subjectus nobis ad omnes ictus, sine sus per- inscilia belli ac p'gritla est? aut quonam modo isti ex Si
uicie potarit. llos deinde aut fortuna populi romani, aut dicinis Campauisque victoriam pepererunt? Huc atque
cins et les Campaniens? Voyez leurs enseignes ils nomhreux, avez si bieu secouru tant d'hommes,
vont à droite, à gauche, ils rentrent, ils sor- de n'avoir besoin pour vous du secours de per-
tent; et nul ne songe à se mettre à l'oeuvre quand sonne. Nous avons affaire à un ennemi qui
nous pourrions déjà être entoures d'un retran- pouvant hier anéantir l'armée entière, n'a pas
chement. Nous serions aussi insensés qu'eux, eu l'esprit d'user de la fortune; qui n'a reconnu
si nous restions ici plus de temps qu'il ue nous l'avantage de cette colline qui menace sa tête
convient. Venez donc, avec moi, profitons du qu'en la voyant à nous; qui n'a pu, bien quo
jour qui nous reste pour reconnaître où ils ont nous soyons en si petit nombre, avec ses milliers
placé leur poste et si quelque issue nous est ou- d'hommes nous empêcher de la gravir, ni, quand
verte. » Recouvertde la saie du soldat, et ayant nous avons été maîtres du poste, proBter de toutle
fait prendre aux centurionsqu'il emmenait avec jour qui lui restait pour nous y enfermer par une
lui le vêtement des légionnaires, afin que l'en- tranchée. Quand vous vous êtes ainsi joués de lui,
nemi ne s'aperçut pas que le chef faisait une re- il y voyait clair, il veillait; à cette heure qu'il
connaissance, il observa tout en silence. est endormi, il faut, que dis-je? il est néces-
XXXV. Il place ensuite des sentinelles, et fait saire que vous le trompiez encore. Car notre si-
donner à tous les autres ce mot d'ordre « Quand tuation est telle, que c'est moins un conseil que je
la trompette aura annoncé la seconde veille, la vous donne qu'une loi de la nécessité que je vous
troupe se réunira en armes et en silence auprès montre. Il ne s'agit plus eu effet de délibérer si
de lui. » Aussitôt que, d'après cet ordre, ils se nous devons demeurer ou partir, à présent quu la
furent rassemblés sans bruit: « Ce silence, dit-il, fortune ne vous a rien laissé avec vos armes,
soldats, il faut l'observer en m'écoutant, et lais- qu'un courage qui sait s'en servir, à présent que
ser là toute acclamation militaire. Quand je vous nous mourrons ici de faim et de soif, si nous
aurai développé mon idée, ceux de vous qui l'ap- craignons le fer plus qu'il ne convient à des hom-
prouverontpasseront sans rien dire à ma droite, et mes, à des Romains. Ainsi, nous n'avons d'autre
nous suivrons l'avis du côté où sera le plus grand salut que de nous arracher d'ici, de partir; et il
nombre. Maintenant voici mon projet; écoutez faut que ce soit de jour ou de nuit. Or, ce dei nier
Ce n'est point la fuite qui vous a jetés à cette place parti est le plus sûr car, si nous attendons le
où l'ennemi vous enveloppe et ce n'est pas non jour, comment espérer que l'ennemi ne nous en-
plus la lâcheté qui vous y a retenus c'est par vo- tourera pas d'un retranchement et d'un fossé con-
tre courage que vous vous en êtes emparés, c'est tinu, lui qui déjà vous le voyez, a de tous côtés
par votre courage qu'il en faut sortir. En venant investi de soldats la colline? Si donc la nuit peut
ici, vous avez sauvé une belle armée au peuple servir une invasion, et elle le peut, cette heure
romain; en échappant d'ici, vous vous sauverez de la nuit est assurément la plus favorable. Vous
vous-mêmes. Vous méritez bien vous qui, peu voilà rassemblés au signal de la seconde veille, et

illuc signa moveri, ac modo in unum coaferri, modo estis, qui pauci pluribus opem tuleritis, ipsi nuilius auii-
educi videtis. Opus quidem inripit nemo, quum jam cir- lio egueritis. Cum eo hoste res est, qui hesterno die du-
cumd iti vallo potuPrrmus esse. Tum vero nos similes isto- lendi omnis exercitus fortuna per socordiam usus non sit;
rum simus, si diutius hic moremur, quam commodum hune tem opportunum collem imminentem capiti suo non
sit. Agitedum, ite mecum; ut, dum lucis aliquid super- ante viderit, quam captum a nobis; nos tam paucos tot
est, quibus locis præsidia ponant, qua pateat hinc exitus, ipsi millibus hominum nec ascensu arcueriot; nec teuen-
exploremus. »o 11--c omnia sagulo gregali amiclus, cen- tes locum, quum diei tantum superesset, vallo circum-
turiombus item manipularium militum habitu ductis, ne dederint. Quem videnlem ac vigilantein sic eluseritis,
ducem circumire hostes notarent, perlustravit. sopitum, oporlet, fallatis; imo necesse est. In eo euim
XXXV. Vigilits deinde disposilis, ceteris omnibus tes- loco res sunt nostræ, ut vobis ego magis necessitatis ve-
seram dari jubet ubi secundæ vigiliæ buccina datum stræ index, quam consillii auctor, sim. Neque enim, ma-
siguum esset, armati cum silentio ad se convenirent. » neatis, an abeatis bine, deliberari poleàt; quum, præter
Quo ubi, sicut edicium erat, taciti convenerunt, « Hoc arma et animos armorum memores, nihil vobis fortuna
silentium milites, inquit, omisso militari assensu iu me reliqui fecerit; fameque et siti morieodum sit, si plus,
audiendo scrvandum est. Ubi sententiam meam vobis quam viros ac Romanos decet, ferrurn timeamus. Ergo
pcrcgeio, lum, quibus eadem placebunt, in dextram una est salus erumpere hinc atque abire. Id aut interdin
pariem tacili transibitis quæ pars major erit, eo stabi- aut nocte faciamus, oportet.Ecce autein aliud mmus du-
tur consilio. Nunc, qum mente agitem audite. Non fuga bium; quippe si lux exspectetur, qua spes est, non vallo
delalos, nec inerlia relicios hic vos circumvenit hostis. perpetuo fossaque nos saepturum bostem, qui nunc cor-
Virtute cepistis locum; virtute hiue, oportet, evadatis. poribus suis subjectis uudique cinxerit, ut videtis, cul-
Veniendo hue exercitum egregium populi Romani ser- lem ? Atqui, si nox opportuna est eruptiom, sicut est,
vastis; crumpendu biue vosmet ipsos serrate. Digni bæc prufecto noctis aptissima hora eat. Signo secundo
c'est l'instant où les tels sont plongés dans
moi la faveur du silence de la nuit. Demeurons ici
le smnmeil lo plus prorond marchant à travers tranquilles en attendant le jour. » On obtempéra
ces corps endormis, votre silence leur dérobera à ce conseil et, dès que le jour parut, il envova
voire passage, ou, s'ils s'éveillent, vos cris snu- d'avance au consul un message qui e\cita au camp
dains les frapperont de terreur. Suivez-moi seu- une grande joie une dépêche annonce à l'armée
lement comme vous m'avez suivi déjà; moi je la délivrance et le retour de ceux qui, pour le sa-
suivrai la fortune qui m'a conduit ici. Allons, lut des autres, avaient exposé leur vie à un péril
que ceux qui voient dans ce projet notre salut certain Aussitôt chacun à l'envi court à leur
s'avancent et passent à ma droite. rencontre, les loue, les félicite, les appelle sépa-
XXXVI. Tous y passèrent, et suivirent Décius rément et tous ensemble ses sauveurs; on glorifie,
qui se dirigeait dans les intervalles qui séparent on remercie les dieux; on porte au ciel Décius.
les postes. lis avaient déjà traversé la moitié du Décius eut au camp une sorte de triomphe il
camp, lorsqu'un soldat, en sautant par-dessus s'avance au travers des rangs à la tête de ses sol-
les corps des sentinelles couchées et endormies, dats en armes, attirant tous les regards, tous les
heurta uu bouclier. A ce bruit, une sentinelle applaudissementsde l'armée, qui égalait le tribun
s'éveille et pousse son voisin; ils se lèvent, eu ap- au consul. Quand il fut arrivé au prétoire, le
pellent d'autres, sans savoir si c'est une troupe consul lit sonner la trompette pour que l'armée
des leurs ou l'ennemi si c'est le détachement qui s'assemblât, et il commençait un digne éloge de
s'évade ou le consul qui s'empare du camp. Dé- Décius, quand Décius lui-même l'interrompit el
cms, ne pouvant plus feindre, commande aux sol- l'engagea à dissoudre l'assemblée, eu émettant
dats de pousser des cris, et glace, par la peur, l'avis qu'il fallait laisserlà tout autre soin pendant
ces enne nis engourdis par le sommeil; ils n'ont qu'on avait eu main l'occasion. Il décida le consul
plus la force ni de s'armer promptement, ni de à attaquer les ennemis encore troublés de l'alerte
résister, ni de poursuivre. Au milieu de l'effroi et de la nuit, et dispersés par pelotons aulour de la
du désordre des Samnites, le détachement romain colline. « Plusieurs même, ajoutail-il, envoyés à
massacre les gardes qu'il rencontre et se sauve sa poursuite, devaient errcr çà et là dans le dé-
vers le camp du consul. Il restait encore un lilé. o Les légions reçoivent l'ordre de prendre les
peu de nuit, et ils pouvaient enfin se croire en armes; elles sortent du camp; et comme le ler-
sûreté, quand Décius « Courage, soldats ro- rain, grâce aux éclaireurs, était mieux connu,
mains, dit-il; votre marche à la colline et votre on les mène par une voie plus ouverte à l'ennemi.
retour seront loués dans tous les siècles. Mais,
pour qu'on puisse contempler un si rare courage, nites, épars de côté et eut
Elles l'attaquent à l'improvistc les soldats sam-
la plupart sans
il faut la luruière et le jour; il serait indigne de armes, ne peuvent nise rallier, ni s'armer, ni se
vous, avec tant de glone, de rentrer au camp à réfugier derrière leurs palissades effrayés, ils sont

vigiliæ convenistis, quod tempus mortales somno altis- luce ac die opus est nec vos digni estis, quos cum tanta
simo premit. Per corpora sopita vadetis; vel silentio in- gloria iu castra reduces silentium ac nox legat. Hic lucem
cautos fallentes, vel sentientibus clamore subito pavorem quieti opperiamur. » Dictis obtemperatum. Atque ubi
injecturi. Me modo sequimini, quem secuti estis. Ego primum illuxit, præmisso nuntio ad consulem in wstra,
candem, quæ duait huc, sequar fortunam. Quihus hxc ingenti gaudio concitantur et, tessera data, incolumes
silutaria videntur, agitedum, in dextram partem pedi- reverti, qui sua corpora pro salute omnium haud dubio
bus transite.» periculo objecissent, pro se quisque obviam effust lau-
XXXVI. Omnes transierunt, vadentemque per inter- dant, gratulantur, tingutos universos lue servatores suos
missa custodiis loca Decium secuti sunt. Jam evascrant vocant dris laudes gratesque aguut. Decium iu cœlum
n l'dia castra, quum superscandens vigilum strata somno ferunt. Hic Decii castrensis triumplius fuit, incedentis
c os pora miles offrnsu scuto prxbuit sonitum. Quo e\ci- per media castra cum armato præsidio, conjectisiu cum
tatus vigil quum proximum movisset, erectique alios con- omnium oculis, et omm honore tribunum consuli æquan-
etirent, ignari cives un hostes essent, præsidium crum- tibus. Ubi ad prætorium ventum est, consul claydico ad
peret, au consul castra cepisset: Decius, quum non fal- concionem convocat orsusque méritas Decir laudes, iu-
lerent, clamorem tollere jussis militibus, torpidos sommo terfante ipso Deciu, distulit concioneni qui auctor om-
super pavore exammat; quo pra*pediti, nec arma im- nia posthabendi, dum occasio in manibus esset, perpulit
p gre capere, nec obsistere, nec insequi poterant. Inter consulem, ut hostes, et nocturne pavore altonitos, et
trepidatione n tumultumque Samnitium, præsidium Ro- circa collem castellatimdissipatos, aggrederetur:«Credere
manum, obvris custodibus cæsis, ad castra consulis per- etiam aliquos, ad se sequcudum emissos, per sal,um
ta-
vad t. Aliquju um superrat noctis, jamque iu tuto ,ide- gari.» Juss.c legioucs arma capere; egressæque castris,
bantur es-e; quum Dtcius, Macti virtute, inquit; mi- quum per exploratores notior jam saltus esset, via paten-
lites romani este. Vestrum itor ac reditum omnia sæcula tinre nd hostem ducuntur. Quem incautum improviso
laudibus f rent. Sed ad conspiciendum tantam virtutem ad atæ, quum palati passim Sammtium mdres, plerique
refoulés vers leur camp, et le camp lui-même, sième combat fut livré près de Suessula, où l'ar-
dont les gardes se troublent, est bientôt pris. Le mée des Samnites, battue par M. Valérius, ayant
cri des Romains retentit autour de la colline, et appelé à elle toute la meilleure jeunesse du pays,
met en fuite tous les détachements qui l'occupent; voulut tenter la fortune dans une dernière affaire.
de sorte qu'un grand nombre céda la place à un Des courriers de Suessula vinrent tout effrayés à
ennemi qu'il n'avait pas même vu. Ceux que la Capoue, d'où l'on expédia promptement dus cava-
peur avait poussés derrière le retranchement( ils liers au consul Valérius pour implorer du secours.
étaient environ trente mille ) furent tous massa- A l'instant on lève les enseignes, on laisse au camp
crés. Le camp fut livré au pillage. les bagages sous la garde d'un fort détachement,
XXXVII. Cela fait, le consul convoqua l'armée; on part, on s'avance à la hâte; et, non loin de
et non-seulement il acheva l'éloge commencé de l'ennemi, sur un terrain peu étendu, mais qui suffi-
Décius, mais il y ajoula de nouvelles louanges sait à une troupe n'ayant que des chevaux de ca-
pour ce nouvel exploit; et, outre les présents mi- valerie, sans bêtes de charge ni valets, on établit
litaires d'usage, il lui donna une couronne d'or, le camp. Les Samnites, pensant qu'on allait
cent bœufs, et de plus un bœuf d'une blancheur livrer combat, se rangent en bataille; mais,
et d'une beauté rares, aux cornes dorées. Aux sol- comme personne ne va à leur rencontre, ils por-
dats qui l'avaient accompagné on donna à perpé- tent insolemment leurs enseignes jusqu'au pied
luité une double ration de blé, et, pour cette fois, du camp ennemi. Dès qu'ils virent le soldat
un bœuf et deux tuniques à chacun. Après le con- dans les retranchements, et qu'ils surent des
sul, les légions, voulant aussi récompenser Dé- éclaireurs qu'ils avaient envoyés de toutes paris
cius, lui posèrent sur la tête, au milieu des accla- combien l'enceinte du camp était étroite, d'où l'on
mations et des applaudissements, la couronne devait conclure combien les ennemis étaient peu
de gazon, la couroan3 obsidionale; et une au- nombreux, toute l'armée s'écria qu'il fallait
tre couronne, signe d'un semblable honneur, combler les fossés, raser les palissades, et faire
lui fut mise au front par son détachement. Paré irruption dans le camp. Ce coup de main eût ter-
de ces insignes, il immola à Mars le bœuf d'une miné la guerre, si les chefs n'eussent contenu
beauté rare, et fit présent des cent bœufs aux sol- l'élan des soldats. Du reste, comme leur multi
dats qui l'avaient secondé dans cette expédition. tude, si difficile à nourrir, avait, d'abord dans
Les légions distribuèrent à chacun des mêmes sol- son séjour à Suessula, puis dans l'attente du com-
dats une livre de farine et un sextier de vin et bat, épuisé presque toutes leurs ressources, ils
tous ces divers dons étaient offerts avec une vive avisèrent, tandis que la crainte tenait l'ennemi
allégresse, au milieu des acclamations de l'armée, enfermé, d'envoyer leurs soldats ramasser le ble
témoignages de l'assentiment universel. Un troi- par la campagne cependant le Romain qui, pour

inermes, nec coire in unum, nec arma capere, uec reci- commissa est; qua fugatus a M. Valcrio Sammtium
pere iutra vallum se possent, paventem primum in ca exercitus, omoi robore juventutis domo accito certa
stra compellunt: deinde castra ipsa, turbatis stationibus, mine ultimo fortunam experiristatmt. Ab Suessula nuntn
capiunt. Perfertur circa collem clamor fugatque ex suis trepidi Capuam inde equites citati ad Valermm cousu-
quemque præsidiis. Ita magna pars absenti hosti cessit. lem, opem oratum, vemunt. Confestim signa mota, re-
Qnos intra vallum egerat pavor fugere autem ad tri-
1 lietisque impedimentis castrorum valido pra's dio, raptun
tinta millia omnes cæsi; castra direpta. agitur agmen uec procul ab boste locum perexiguum
XXXV fI. lia rebus gestis, consul, advocata concione, (ut quibus, præter equos, ceterorum jumentorum calo-
l'. Decii non cœplas sulum ante sed cumulatas nova vir- numque turba abesset) castris cepit. Samnitium excrer-
tute laudes peragit et præter militaria alia doua, aurea lus, velut baud ulla mora pugnæ futura esset, aciem in-
t orona eum et centum bubus, eximioque uno allw opimo
struit deinde, postquam oemo obvius ibat, infestis si
:mratis cornibus, donat. Milites, qui in præsidio simiil gnis ad castra hostium succedit. Ibi ut militem in vallo
fuerant, duplici frumento in perpetoum, in præsentia mJit, missique ab omni parte exploratum, quam in en
smgulis bubus binisque tunicis donuti. Secundum con- guum orbem contracta castra esscut, paucitatem mde
bulis denationem legiones grainineam coronam obsidio- hnstium colligentes, retulerunt; fremere omnis acies,
nalem, clamore domim approbantes, Decio imponunt. complendas esse fossas scindenduinque val um, et in ca-
Altera enroua, ejusdem honoris index, a praesidio suo stra irrumpendum transactumqueea temeritate bellum
imposi a est. Ilis decoratus iusigmbns bovem eximium foret, ni duces contmmssent impetum militum. Ceterum
Marli immolavit; centum boves nulitibus douo dedit, qui quia multitudo sua commeatibus gravis, et prius sedendo
secum in expeditione fuerant. lisdem militibus legiones ad Suessulam, et tnm certamims mora, haud procul ab
1 bras farris et sextarios viui coutulerunt omniaque ea rerum omoium iuopia esset, placuit, dum inclusus pr-
ingenti alacritate per clamorem mnitarem, iudicem om- veret hosiis, frumentatum per agrus militem duci inte-
u uni sensas, gerebantur. Terlia pugna ad Suessulam Iim et Romano, qui expeditus, quantum humeris int
marcher plus vile, n'avait pris qu'autant de blé Rome et lui faire hommage d'une couronne d'or,
qu'il en pouvait porter outre ses armes, finirait pour être placée au Capitole dans la chapelle de
par manquer de tout. Le consul voyant les en- Jupiter elle pesait vingt-cinq livres. Les deux
nemis dispersés dans la campagne, et leurs postes consuls triomphèrentdes Samnites. Décius les sui-
dégarnis, exhorte en peu de mots ses soldats, vait, dans tout l'éclat de sa gloire et de ses récom-
et les mène à l'attaque du camp. L'ayant en- penses et, dans les chants grossiers des soldats
levé au premier cri et au premier assaut, et le nom du tribun n'était pas moins loué que celui
un plus grand nombre d'ennemis ayant élé tué des consuls. On reçut ensuite des députations de
dans les tentes qu'aux portes et aux palissades, il Capoue et de Suessula et, sur leur prière on leur
commanda qu'on apportât en un monceau les en- envoya des troupes en quartier d'hiver, pouf re-
seignes prises. Laissant ensuite deux légions pour pousser les invasions des Samnites. Séjour déjà
garder et défendre sa conquête, avec l'injonction funeste à la discipline militaire, Capoue, avec
la plus expresse de s'abstenir du pillage jusqu'à tous ses plaisirs, amollit le cœur des soldats et les
son retour, et, marchant en bon ordre vers les détourna du souvenir de la patrie aussi, dans les
Samnites, dunt sa cavalerie, partie devant, avait, quartiers d'hiver, forma-t-on le projet d'enlever,
comme dans un filet, ramassé toutes les bandes par un crime, Capoue aux Campaniens, qui l'a-
éparses, il en fit un grand carnage car ils ne vaient enlevéede même à ses antiques possebseurs.
savaient plus, dans leur effroi, ni à quel signal ils a C'est à bon droit, disait-on, que l'on tournera
devaient se réunir, ni s'ils retourneraient au camp contre eux leur propre exemple. Car, pourquoi ce
ou s'ils fuiraient plus loin. La déreute et l'épou- territoire, le plus fertile de l'Italie, et cette ville,
vante furent telles, qu'on rapporta au consul près si digne du territoire, appartiendraient-ils aux
de quarante mille boucliers, quoique le nombre Campaniens qui ne savent défendre ni leurs
des tués ne fût pas aussi considérable, et cent personnes ni leurs biens, plutôt qu'à cette armée
soixante-dix enseignes, outre celles qu'on avait victorieuse qui a donné sa sueur et son sang pour
prises au camp. On revmt ensuite au camp ennemi, en chasser les Samnites ? Est-il juste que des sujets
et tout le butin en fut livré aux soldats. aient la jouissance d'un pays si fertile et si déli-
XXXVII Le succès de cette campagne engagea cieux, tandis qu'eux, fatigués de la guerre, ils
les Falisques, qui n'avaient qu'une trêve, à de- lutteront encore autour de Rome contre un sol
mander un traité au sénat, et les Latins, qui ve- aride et empesté, ou dans Rome même, contre
naient de lever des troupes contre Rome, à les un mal obstiné et qui augmente chaque jour,
tourner contre les l'éligniens. Le bruit de ces ex- contre l'usure? u Ces projets, agités dans des réu-
ploiis se répmdit hors de l'Italie, et les Cartha- nions secrètes et qui n'avaient pas encore trans-
ginois eovoyèreut aussi des députés complimenter piré au dehors, furent découvertes par le nouveau

arma geri posset frumenti, secum attulisset, defutura latum Romam misere cum coronæ aureæ donu, quæ in
omnia. Consul palatos per agros quum vidisset hostes, Capitolio in Jovis cella poneretur. Fuit pondu tigmti
stationes intre luentes relictas, paucis milites adhortatus, quinque. Consules ambo de Samnit bus triumpharunt,
ad castra oppuguanda ducit. Qux quum primo clamore sequente Decio iusigui cum laude donisque quum incou-
atque impetu cepisset, pluribus hostium in teotoriis suis, dito militari joco haud minus tribuni celebre nomen,
quam in portis valloque, cæsis, sigua captiva in uoum quam consulum, esset. Campanorum deiude Suessula-
locum conferri jussit; relictisque duabus legionibus cu- norumque auditæ legationes; precantibusquedatum, ut
stodiæ et præsidii causa, gravi edicto monitis, ut donec præsidium eo in hiberna mitteretur, quo Sanmitium ex-
ipse revertisset, præda abstmerent; profectus agmine iu- cnrsiones arcerentur. Jam tum minime salubris militari
structo, quum præmissus eques velut indagine dissipatos disciplinæ Capua instrumento omnium votuplatum deli-
Samnites ageret, ce'dem ingentem fecit. Nam neque quo nitos militum ammos avertit a memoria patriæ iuiban-
signo coirent in!er se, neque, utrum castra peterent, an turque consilia in hibernis eodem scelere adimendæ Cam-
loogiorem iiiteiiderent fugam, territis coustare poterat. panis Capua-, per quod il) eam autiyuis cultoribus ad-
Tamumque fugæ ac formidmis fuit, ut ad quadraginta emissent « neque Immerito suum ipsorum exemplum iu
millia scutorum. nequaquam fot cæsis, et signa militaria eos versurum. Cur autem potius Campani agrum ltalia3
cum lis, quæ iu castra capta erant, ad centum septua- uberrimum, dignam agro urbem, qui nec se nec sua
giula ad c msulem deferrentur. Tum in castra hostium tutari possent, quam victor exercitus haberet, qui suo
reditum ibique omnis præda militi data. sudore ac sanguine inde Samnites depulisset? An aqunm
XXXVIII. Hujus certaminis fortuna et Faliscos, quum esse, dedititios suns illa lertilitate atque amœnitate per-
iu mdutiis essent fædus petere ab seuatu coegit; et La- frui se, militando fessos, in pestilente atque ai ido circa
tmos, jam exercitibus comparatis, ah Romano in Peli- urbem solo luctari aut in urbe insidentem tabem cre-
gnum vertit bebum. Neque ila rei gesta fama Italiæ se sceulis in dies fenoris pati? Ilaec agitata ocrultis
timbus tenmt; sed Carlhaginiensesquoque legatos gralu- rationibus, necdum vulgata iu omncs consilia, invemt
consul, C. MarciusRutilus, à qui la province de gnes, et qu'on ne renvoyait guère que ceux qui
Campanio était échue au sort, et qui avait laissé avaient hiverné dans la Campanie, et surtout les
Q. Servilius, son collègue, à Rome. Ayant su, chefs de la sédition, ils commencèrent par s'éton-
par les tribuns, comment tous ces complots s'é- ner, puis ils craignirent que leurs projets ne fus-
taient formés, et instruit par l'âge et l'expérience sent découverts « Maintenant il faudra qu'ils
(car il était consul pour la quatrième fois, et il souffrent les enquêtes, les délations, les exécu-
avait été dictateur et censeur), il pensa que le tions secrètes et isolées, enfin la tyrannie insolento
meilleur parti serait, pour empêcher l'exécution et cruelle des consuls et des patriciens. » Tels
de ce dessein, de laisser aux soldats l'espoir de étaient les bruits répandus dans des réunions se-
l'accomplir quand ils voudraient, et d'amortir crètes par ceux qui étaient restés au camp, et qui
ainsi leur ardeur. Dans ce but, il répandit le bruit vo)aient ce faisceau de leur conjuration dispersé
que, l'année suivante, ils passeraient encore l'hi- par l'artifice du consul. Une cohorte, qui se trou-
ver dans les mêmes garnisons; car ils étaient vait non loin d'Anxur, alla se poster près de Lau-
répartis dans les différentes villes de la Campa- tules, dans un étroit défilé, entre la mer et les
nie, et de Capoue la conjuration avait gagné l'ar- montagnes, afin de recueillir au passage ceux que
mée entière. Dès lors plus à l'aise en ses projets, le consul congédiait, comme on l'a dit plus haut,
la conspiration se contint pour le moment. sous différents prétextes. Déjà la troupe était as-
XXXIX. Le consul mit ses troupes en campagne, sez forte par le nombre, et, pour qu'elle eût l'air
et, n'ayant rien à craindre des Samnites, il réso- d'une véritable armée, il ne lui manquait plus
lut de purger son armée par le renvoi des plus qu'un chef. Ils arrivent donc sans ordre et en pil-
turbulents. Il renvoyait les uns comme ayant fini lant sur le territoire albain, et s'enferment dans
leur temps de service, les autres comme trop âgés un camp retranché au pied du coteau d'Albe la
ou pas assez robustes, d'autres avec des congés, Longue. Ce travail achevé, ils s'occupent le reste
un à un d'abord, puis par colortes entières, du jour à débattre le choix d'un général mais ils
sous prétexte qu'ils ne devaient pas passer l'hiver n'osent se fier à aucun d'entre eux. « Qui pour-
loin de leur famille et de leurs affaires. Allé- rait-on appeler de Rome? Qui, patricien ou plé-
guant aussi les besoins de l'armée, il les dirigeait béien, consentirait de lui-même à s'exposer à un
sur divers points il se débarrassa ainsi d'un grand si grand péril, ou à prendre en main sans la tra-
nombre. Ils arrivaient en foule à Rome, où l'autre hir, la cause d'une armée qui s'est comportée si
consul et le préteur prêteraient différents motifs follement ? » Le lendemain, comme on delibérait
pour les retenir. Dans le commencement, igno- encore sur le même sujet, quelques pillards appri-
rant qu'on les jouât, ils étaient assez contents de rent dans leurs courses, et rappor terent que
revoir leurs foyers. Mais quand ils s'aperçurent que T. Quinctius était à cultiver son champ près de
les premiers partis ne retournaient pas aux ensci- Tusculum et y oubliait la ville et les hon-

nnvus consul C. Marcius Rutilus, cui Campania sorte Pnstquam ncqne reterti ad signa primos, oec ferme alium,
provincia evenerat, Q. Servilio college ad urbem relcto. quam in Carnpania hibernassent, præcipue ex iis sedi-
Itaque quum omnij ea sicut gesta erant, per tribunos tionis auctores militi viderunt, primum admiratio, deinde
comperta haberet, et ætate et usu doctus (quippe qui haud dubins timor incessitanimos, consilia sua emanasse
lam quartum consul esset, dictatorqueet censor fuisset) Jam quæstiones,jam indicia, Jam occulta singulorum
optimum ratus, differendo spem, quaodocunque vellent, supplicia, impotensque et crudele consulum ac Patrum
consilii exseyuendi, militarem impetum frustrari; rumo- in se regnum passuros. » Hæc, qui in castris erant, oc-
rem dissipat, in iisdem oppidis et anno post præsidta hi- cultis sermnnibus serunt, nervos conjurationis ejectos
bernatura. Divisa enim erant per Campaniæ urbes, ma- arte consulis cémentes. Cohors una, qnum baud procul
naverantque a Capua consilia in exercitum omnem. Eo Anxure esset, ad Lautulas saltu angusto inter mare ac
laxamento cogitationibus dato, quievit in praxentia se- montes consedit, ad excipiendos, quos consul aliis atque
ditio. aliis (ut ante dictum est) causis mitlebat. Jam valida ad-
XXX IX. Consul, educto in xstiva milite,dum quietos modum numéro manus erat, nec quicquam ad justi exer-
Samnites habebat, exerc tum purgare missionihusturbu- citus formam, præter ducem, deerat. Incompositiitaque
Irntorum hominum instituit; aliis emerita dicendo sti- prædantes in agrum Albanum perveniunt, et sub jugo
pendia esse, alios graves jam ætate, aut viribus parum Albæ longæ castra vallo emgunt. Perfecto inde uperc,
validos. Quidam in commeatus mittebantur, singuli pri- reliquum diei de imperalorcsumendo sentenliisderertaut,
mo, deinde et cohortes quædam, quia procul ab domo nnlli ex præsentibus salis fidentes. « Quem aulern ab
ac rebus suis hibernassent. Per speciem eham militarium Roma posseeicirif quem Patrum aut plebis esse, qui
usuum, quum aliialio mitterentiir,magna pars ablegati aut se tanto periculo sciens oflerat, aut cui ex injuria in-
quam multitudinem consul aller Romæ prxtorque, alias sanientis exercitus causa recte cemmittatur ? » Postero
PI aliis fingendo moras, retinebat. Ft primo quidem, die, quum eadem deliberatio tcnerct, ex prædatoribus
igneri Itidiliralioms, minime mviti domus revisebant. vagis quidam cumpertum altuleiunt, T. Qumetium tu
neurs. Cet homme, de famille patricienne, avait contre l'étranger, et les dernièresfureurs n'allaient
lougtemps fait la guerre avcc gloire, mais, atteint pas au delà d'une retraite à main armée. Aussi, de
au pied d'uue blessure qui l'a%ait rendu boiteux part et d'autre, chefs et soldats cherchaient à se
et 1 avait éloigné du service, il avait pris le parti 1 approcher pour s'entendre. Quiuctius, fatigué de
d'aller vivre aux cliamps loin de la brigue et du porter les armes, même pour sa patrie, était loin
forum. A son nom seul on reconnut l'homme qu'il de vouloir s'eu servir contre elle. Corvus, qui em-
fallait, et l'on arrêta ne pouvant mieux faire, qu'on hrassait dans son amour tous les citoyens, surtout
l'irait chercher mais, comme on avait peu d'espoir les soldats, et par-dessus tout son armée, s'avança
d'obtenir son consentement,on résolut de l'avoir pour parler. Les rebelles le reconnurent, et, aus-
par la force et par la crainte. En conséquence,dans sitôt, non moins touchés de respect que les siens, ils
le silence de la nuit, les soldats chargés de cette lui prêtèrent silence « Soldats, dit-il, en partant
mission pénètrent dans la maison où Quinctius de la ville, j'ai imploré les dieux immortels, ces
dormait d'un pro'oud sommeil ils le saisissent en dieux de la patrie qui sont les vôtres et les mieus;
lui disaut qu'il n y a point de milieu, qu'il accep- je leur ai demandé avec prières et comme une
tera le commandement et l'honneur qu'on lui of- grâce de m'accorder, non la victoire sur vous,
tre, ou qu'il mourra s'il résiste et refuse de les sui- mais la gloire de vous ramender à la concorde. J'ai
vre; et ils l'entraînent au camp. A son arrivée, ils eu et j'aui ai assez souvent l'occasion d'acquérir
le proclament géuéral le revêtent des insignes de de l'honneur par la guerre ici je ne veux conqué-
cette dig,iité, et, tout elfrayé encore d'un événe- rir que la paix. Ce vœu que j'adressais humble-
ment si peu attendu, lui ordonnent de les con- ment aux dieux immortels, il dépend de vous qu'il
duire à Rome. Ensuite, obéissant à leur seule ar- se réalise; vous n'avez qu'à Nous souvenir que ce
deur, et sans consulter leur chef, ils enlèvent les n'est ni dans le Samnium ni chez les Volsques,
enseignes, et arrivent en désordre à la huitième mais sur le sol romain que vous êtes campés, que
borne du chemin qui est aujourd'hui la voie Ap- ces collines que vous apercevez sont votre patrie,
pieune ils seraient même allés, sans s'arrêter, ces soldats vos concitoyens que moi enfin je suis
jusqu'à la villc, s'ils n'eussent appris qu'on en- votre consul, sous les ordres et les auspices du-
voyait contre eux une armée, et M. Valérius Cor- quel vous avez, l'an passé, deux fois battu les lé-
vus. nommé tout expres dictateur, avec L. Émi- gions samnites, deux fois emporté leur camp d'as-
lius Mamercinus pour maître de cavalerie. saut. Je suis, soldats, M. Valérius Corvus qui ne
XL. Dès qu'on fut en présence, à la vue de ces vous a fait sentir sa noblesse que par des bienfaits,
armes, de ces enseignes connues, le soute- non par des outrages,qui n'a conseillé contre vous
nir de la patrie apaisa toutes les colères. Ils n'é- nulle loi despotique, nul sénatus-consulte rigou-
taient pas encore de force à verser Ie sang de leurs reux qui toujours, dans ses divers commande-
concitoyens ils ne connaissaient que la guerre ments, a été plus sévère pour lui-même que pour

Tusculano agrum colere, urbis honorumque immemo civilem, nec, præter externa, noverant bella ultimaque
rem. Patricræ hic vir gentis erat; cui quum militiæ, rabies secessioab suis habebatur. Itaque jam duces, ]am
magna cum gloria acte, finem pes aller ex vulnere clau- milites utrimque, congressus qua'rere ad colloquia.Quin-
dus fecisset, ruri agere vitam procal aijibilione ac foro ctius quem armorum etiam pro patria satietas tencret,
constituit. Nomine audito, extemplo agnovere virum nedum adversus patriam. Corvus, omnes caritate cives,
et, quod bene verteret, acciri jusserunt. Sed parum spei præcipue milites, et ante alios suum exercitum, com-
erat, voluntate quiequam facturum vlm adhiberi ac plexus, ad colloquium processit. Cognito ei extemplo
metum placuit. Itaque siientio noctis quum tectum villæ, haud minore ab adversariis verecundia, quam ab suis,
qui ad id missi eraut, intrassent, sonino gravem Quin- silentium datum:.Deos, inquit, immortales, milites,
etrum oppressum, nibil medium, aut imperium atque vestros publicos, meosque, ab urbe proficiscens ita ado-
honorem, aut, ubi restitaret, mortem, ni sequeretur, ravi, veuiamyue supplex poposci, ut mibi de vobis con-
dcumuiantes, in castra pertraxerunt. Imperator extena- cordræ partæ gloriam, non victoriam, dareut. Salis fuit
plo advtniens appcllatus insigniaque honoris exterrito eritque, unde belli decus pariatur hinc paa petenda est.
subitæ rei miraculo deferunt, et ad urbem ducere jubent. Quod deos immortales inter nuncupauda vota expoposci,
Suo magis inde impetu, quam consilio ducis, convulsis ejus me compotem voti vos facere potestis; si meminisse
signls, infesto agmine ad lapidem octavum viæ, quæ vultis, non vos in Samnio, ner in Volscis, sed in Romauo
unne Appia est, perveuiunt issentque confestim ad ur- solo cas.ra habere si illus codes, quos cernitis, patrix
bem, m venire contra exeretum dictatoremque adversus vestræ esse, si hune exercitum civium vestrurum, si me
se '\1. Valerum Corvum dictum audissent, et magistrum consuiemvestrum, cujus ductu auspicioque priore anno bis
equitum L. Æmilium Mamercinum. legiouesSamnitum fudistis, bis castra vi cepistis.Ego surn
XL. Ubi primum in conspecium ventum, et arma M. Valerius Comus, milites, cujus vos nobilitatem bene-
siguaque agnovere; extrmplo omnibus memoria pacriæ ficiis ergd vos. uon injurtis, sensistis; nullms superbæ in
tras permu'st. Nondum erant tam fortcs Jd sangwuem vos legis, nullius crudelis senatusconsultiuctor in om-
vous. bi pourtant la naissance, si le courage, si la tous de la paix, il sera beau, il sera glorieux à loi de
grandeur, si les dignités, ont pu jamais inspirer de rester aux premiers rangs, alin d'être l'interprète
l'orgueil à on homme, j'étais d'un tel sang, j'a- de cette heureuse médiation. Demandez et pro-
vais donné de moi de telles preuves, et j'avais ob- posez des choses justes; encore vaudrait il-mieux
tenu le consulat dans untel âge, que j'aurais pu, écourter même des prétentionsinjustes que de nous
consul à vingt-trois ans, traiter avec tierté, non entr'égorger dans cette guerre impie. T. Quine-
pas seulement les plébéiens,mais les patriciens eux- trus, plein de larmes, se tourne vers les siens
mêmes. M'avez-vous vu, consul, agir ou parler plus « Moi aussi, soldats, dit-il, si je puis vous servir,
durement que je n'avais fait tribun? J'ai porté le vous aurez en moi un meilleur chef pour la paix
même esprit dans mes deux autres consulats; je que pour la guerre. Ce n'est pas un Volsque, un
le porterai encore dans cette dictature souveraine, Samnite, mais un Romain que vous venez d'en-
et je n'aurai pas eu pour ces soldats, qui sont les tendre c'est votre consul, c'est votre général.
miens et ceux de ma patrie, plus de bienveillance Vous avez éprouvé à votre avantage ce que valent
que pour vous-mêmes, vous, j'ai horreur de le ses auspices; prenez garde de vouloir l'éprouver
dire, nos ennemis. Il faudra donc que vous tiriez à vos dépens. Pour vous combattre sans pitié, le
l'épée contre moi, avant que je la tire contre vous. sénat avait bien d'autres chefs; mais parce que
C'est de votre côté que sonnera le signal, de votre celui-ci devait plus qu'aucun autre ménager eu
côté que partira le cri de guerre et commencera vous ses anciens soldats, et que vous deviez
l'attaque, si nous devons combattre. Décidez-vous avoir plus de confiance en votre ancien géuéral
à faire ce que n'ont point osé vos pères et vos ancê- le sénat l'a choisi. Ceux mêmes qui peuvent vain-
tres, ni ceux qui se retitèrent sur le mont Sacré, ni crc veulent la paix; pourrions-nous vouloir autre
ceux qui, plus tard, allerent camper sur l'Aven- chose? Reuouçons à la colère et à l'ambition, ces
tin. Attendez que, comme autrefois vers Corio- conseillers trompeurs, et abandonnons-rous,nous
lan, les mères et les épouses, les cheveux épars, et nos intérêts, à uue foi si connue.
s'en viennent de la ville au-devant de chacun de XLI. Tous l'ayant approuvé à grands et is,
vous. Alors, les légions des Volsques, parce qu'el- T. Quinctius s'avance à la tète des enseignes, et
les avaient pour chef un Romain, s'arrêtèrent; et déclare que les soldats sont désormais à la dispo-
vous, qui êtes tous Romains, vous ne renonceriez sition du dictateur il le conjure de prendre en
pas à cette guerre napie? T. Quinctius, de quel- main la cause de ces malbeuieux citoyens, et de
que manière que tu sois ici, de gré ou de force, la défendre avec cette loyauté qu'il avait toujours
si le combat s'engage, retire-toi aux derniers montrée dans les afîaires de la république. « l'uur
raugs il y aura pour toi plus de gloire à fuir, à lui, en particulier, il u'a nul souci; il met son es
tourner le dos devant un citoyen, qu'à combattre poir dans son innocence. Mais il demanda pour
contre ta patrie. Si, au contraire, nous trai- les soldats ce que le sénat accorda une fois au

nibus mcis imperns iu me severior, quam in vos. Ac si cul patriam. Nunc ad pacificandumbeue atque honeste inter
genus, si cui sua virtus, si cui etiam majestas, si cui ha- primos stabis, et codoquii hujus salutaris interpres fueris.
nores subdere spiritus potucrunt, ils eram natus, id spe- Postulate æqua, et ferte; quanquam vel laiqms standum
emen mei dederam, ea ætate consulatum adeptus eram, ut est potius, quam impras inter nos conseramus manus. »
potuerim tres et vigiuti annos uatus, consul Patribusquo- T. Quiuctius plcnus Jacrimarum, ad suos versus « Me
que feroi esse, non solum plebi. Quod meum factum di- quoque, inquit, milites, si quis u.us mer est, meliorem
ctmmc consuhs gravius, quam tribuni, audistis? Eodcm pacis, quam belli, habetis ducem. Non eniin illa modo
tenore duo insequentesconsulatus gessi eodem hæc im- Volscus aut Samnis, sed Romauus, verba fecit; vester-
periusa dictatura geretur. ut neque in hos meos et patrix consul, vester imperator, milites cujus auspicia pro
meæ milites mitior, quam in vos, horreo dicere, hostes. vobis eipertt uolite adversus vos velle experiri. Qui pu-
Ergo vos prms in me strmveritis ferrum, quam in vos guarent vobiseum infestius, et alios duces senalus ha-
ego. lstinc sigua canent, istiuc clamor prius incipiet at- buit; qui maxime vobis, suis militibus, parceret, cui
que impetus, si dimicandum est. lnducite in animum, plurimum vos imperatori vestro crederths, eum elegit.
quud uon induxerunt patres avique vestri: non illi qui in Pacem, etiam qui vincerc possunt, voluut: quid nos velle
Sacrum montem secesserunt; non hi qui postea Aventi- oportet? Quiu, omissis ira et spe fallacibus auct bribus
num insederunt. Eispectite, dum vobis siugulis, ut olim nos ipros nostraque omnia coguitae permitumus fidei? »
Coriolano, matres conjagesque crimbus passis obviæ ab XLI. Approbanabus clamore cunctis, T. Qainetius
urbe ve mant. Tum Volscorum legtones, quia Romanum ante sigua progressus, in putestute diclatoris milites tore
habebant ducem, quieverunt; vos, ltomanus exercitus, divit oravit, ut causam miserorum clvium susciperet,
ne destiteritis iinpio bello? T. Quincti, quocunque istie susceptamque cadciti flde, qua rempublicam admin s-
loco. seu volens, sen iuvitus, cunstitsti, si diniicjnduiii trare solitus esçet, tuerctur.. Sibr se pribatim mbile,
ert, tum tu m novissimos le recipito fugeris etiam ho- vere noll,, ahbi, quam in innocentia, spem hahere
nest us. ter gum pie un dederu, quam pugnavens centra Mibtibus e.rnd im, qued arud Petres semel lebt, de
peuple etuue autre fois aux léginns, qu'on ue les d'autres plébicistes d'exercer deux fois la même
inquiète point pour cette défection. » Après avoir magistrature dans l'espace de dix ans, et de rem-
comblé d'éloges Quinetius, et commandé aux au- plir deux magistratures dans la même année en-
tres d'avoir bon courage, le dictateur courut à fin l'on demanda qu'il pût être créé deux consuls
cheval jusqu'à Rome, et, avecl'aveu du sénat, ob- plébéiens. Il parait, d'après toutes ces concessions,
tint du peuple, au bois Pétiléen, que les soldats ne si on les fit au peuple, quela révolte avait des forces
seraient pas inquiétés pour cette défection. Il de- considérables. Selon d'autres annales, Valérius ne
manda aussi en grâce aux Romains que nul, par fut pas nonuné dictateur, et la conjuration aurait
plaisanterie ou sérieusement, ne leur en fit un re- élé comprimée par les consuls. Ce ne fut pas non
proche. De plus, on porta une loi sanctionnée par plus avant d'arriver à Rome, mais dans Rome
des imprécations pour que le nom d'aucun soldat, même, que cette multitude de révoltés leva les
une fois inscrit, ne fût rayé que de son consente- armes ce ne fut pas T. Quinctius, dans sa maison
ment etil fut ajouté à la loi que nul, après avoir de campagne, mais C. lVlanlius dans sa maison de
été tribun de légion, ne pourrait être chef de cen-ville, que les conjurés assaillirent la nuit, et
turie. Cet article fut demandé par les conjurés qu'ils saisirent pour s'en faire un chef de là ils
à l'occasionde P. Salonius, qui était alternative- seraient allés a quatre milles de Rome s'établir
ment une année tribun de légion, et l'autre année dans un poste fortifié. De même, ce ne furent point
premier centurion, ce qu'on appelle aujourd'hui les généraux qui d'abord proposèrent la paix
primipilaire. Les soldats lui en voulaient parce mais les deux armées qui, soudain venues en pré-
yu'il avait constamment combattu leurs projets sence et prêtes à combattre, se saluèrent; alors
de révolte, et fui de Lautules pour n'être pas les rangs se confondirent, les soldats se prirent les
leur complice. Aussi, par égard pour Salonius, mains et s'embrassèrent eu pleurant, et les con-
le sénat refusait-il d'accordercet article mais Sa-suls, voyant que les troupes refusaient de combat-
lonius ayant supplié les Pères conscrits de faire tre, furent forcés d'aller prier le sénat d'approuver
plus d'état de l'union de la cité que de son hon- cette réconciliation. Ainsi, le seul fait constant dans
neur personnel, il obtint leur sanction. Les trou- les anciens auteurs, c'est qu'une sédition éclata
pes demandèrent, avec une égale violence, que et qu'elle fut apaisée. Le bruit de cette sédition et
de la dangereuse guerre entreprise contre lesSam-
l'on réduisît la solde des cavaliers (triple alors de
celle de l'infanterie); parce qu'ils avaient été cou-
nites, détacha quelques peuples de l'alliance de
lraires à la conjuration. Rome, et, sans parler des Latins, depuis longtemps
XLII. Je trouve encore dans quelques histo- infidèles aux traités, les Privernates eux-mêmcs
riens que L. Génucius, tribun du peuple, porta envahirent subitement dans leur voisinage Norba
une loi contre l'usure; puis que l'on défendit par et Sétia, colonies romaines qu'ils dévastèrent.

rum legionibus cautum sit, ne fraudi secessit esset.. maqislralum iutra decem annos caperet; neu duos magi-
Qumctio coliaudato, ceteris bonum animum habere jus- stratus uno anuo gereret; utique liceret consules ambos
sis, diclator, equo citalo ad urbem revectus, auctoribus plebeios creari. Quæ si omnia concessa sunt pltbi, ap-
t'atribus, tulit ad populum in luco Petelino, ne cui mili-paret, haud parvas vires defectionem habuisse. Alib au-
tum fraudi secessio esset. Oravit etiam bona venia Qui- ualibus prodrtum est, neyue diclatorem Valerium dictum,
rites, ne quis eam rem joco seriove cuiquam exprobaret. sed per consules omnem rem actam neque, antequam
Lex quoque sacrata militaris lata est, ne cujus militis Roniam veniretur, sed Romæ, eam multitudmem con-
scnpti nomen, nisi ipso voleute, deleretur additumque juratorum ad arma consternatam esse; nec in T. Quin
legi, ne quis, ubi tribunus mililum fuisset, postea ordi- etii villam, sed in ædes C. Manlii, nocte impetum factum,
num ductur esset. Id propter P. Salomum postulatum est eumque a conjuratis comprehensum, ut dux fieret inde
ab coujuratis, qui alternis prope anuis et tribunus mili- ad quartum lapidem profectos loco munito consedisse
tum, et primus centurio erat, quem nunc primipill ap- nec ab ducibus mentionem concordiæ ortam; sed re-
pellant. lluic infensi milites erant, quod semper adver- pente, quum in aciem armati exercitus processissent,
aaius novis consitiis fuisset, et, ne particeps eorum esset,
salutationem ractam et permixtos dexlras jungere, ac
ab Lautulis fugisset. Itaque quum hoc uoum propter Sd- complecti inter se lacrimantes milites coepisse, coactos-
lonium ab senatu non impelrarelur, tum Salonius, ob. que consules, quum videvent arersos a dimicatione mili-
testatus Patres Conscriptos, ue suum honorem pluris, tum animos, retulisse ad Patres de concordia reconci-
quam concordiam civitatis, æstimarent, perpulit, ut id lianda. Adeo nihil, præterquam seditionem fuisse, eam-
qusque ferretur. Æque impotens postulatum fuit, ut de que compositam, inter antiquos rerum auctores constat.
slipendio equitum ( merebaut autem triplex ea tempestate) Et bujus fama seditionis, et susceptum cum Samnitibus
ara demerentur, quod adversati conjurationi fuissent. grave bellum, aliquol populos ab Romana societdte aver-
XLII. Præter hxc invenio apud quosdam, L. Geuu- tit et prêter latinorum inlidum tain diu fœdus, Pri-
cium, tribunum plebis, tulisse ad populum, ne fenerare i Tcrnate,etiam Norbam atquc Setiam, finimnas culomas
liceret item ahis plebiscistis caulum, ne quis eundem romanas, incursione subita depopulati saut.
LIVRE HUITIÈME.

SOMMAIRE. — Défection des Latins et des Companiens; leur députation demande au sénat une des deux place.
consulaires pour leur nation comme une condition de paiv. — Le prêteur Annius, leur député, au sortir du Cd-
p;tole où il venait de remplir sa mission, tombe sur les degrés. et meurt de sa chute.-T. Manlius, consul, fait
mourir sous la hache son fils vainqueur, pour avoir combattu contre les Latius, malgré sa defense. — P. Derius
son collègue, voyant son armée plier, se dévoue pour elle, et se jette à bride abattue au milieu des bataillons
ennemis il y périt, mais sa mort rend la victoire aux Romains. Soumissiondes Latins. Au retour de T. Man-
lius à Rome, la jeune noblesse af ecle de ne point aller au-devant de lui. -Cond mnation de la vestale Minucia,
convaincue d'inceste. — Défaite des Ausoniens. On leur enlève Calès, où l'on établit une colonie. — Autre culunie
envoyée à Fregelles. — Dames romaines surprises à préparer des poisons; la pluparl les boivent pour preveuir
leur supplice, et périssent sur-le-champ. — Loi nouvelle portée contre l'empoisonnement. — Révoltes des Pri-
vernales; ils sont vaincus et incorporés aux Romains. — Les Palæpolitains, las de la gnerre et d'uu long siege, se
donnent aux Romains. — Q. Publilius, le premier à qui le sénat ait prorogé le commandement des troupes et donné
le litre de proconsul, obtient le triomphe pour cette expédition. Les créanciers perdent le droit qu'ils avaient

sur lcurs débiteurs insolvables. La passion infâme de L. Papirius pour C. Publilius, son débiteur, qu'il avait
voulu corrompre, donne lieu à cette reforme. Dictature de L. Papirius; il retourne a Home pour prendre de
nouveau auspices. — Q. Fabius, genéral de la cavalerie, trouvant l'occasion favorable, attique le, Sammtes,
malgre la défense du dictateur, et les bat. Papirius le menace du dernier supplice. Fabius se réfugie à Rome;
sa cause n'y devient pas meilleure. Reconnu coupable, il obtient sa grâce A la prière du peuple. — Divers succès
des Romains contre les Samnites.

1. Déjà les nouveaux consuls étaient entrés en tiates. Il y eût là des deux côtés une lutte lerii-
charge, C. Pantius, pour la seconde fois, et ble et un affreux carnage. Un orage qui survint
L. A;milius Mamercinus, lorsque les habitants de au moment même où l'espoir du succès était en-
Sélia et de Norba viennent à Rome annoncer la core incertain, 'sépara les combattants; les Ro-
défection des Privernates, et se plaindre des dés- mains, sans être en rien affaiblis par un combat
astres dont ils sont victimes. La nouvelle s'y dont le résultat était si douteux, se disposaient
répand aussi que l'armée des Volsques les An- à recommencer le jour suivant; mais les Vols-
tiates en tête, s'est établie près de Satricum. ques, d'après le compte de ce qu'ils avaient laissé
Cette double guerre échut par le sort à Plautius. d'hommes sur le champ de bataille, ne se senti-
Le consul qui se dirigea d'abord vers Privernum, rent point le même courage pour faire un nouvel
en vint aussitôt aux mains. Ses ennemis furent essai de leurs forces la nuit, en vaincus, précipi-
vaincus sans beaucoup d'efforts, et la ville prise et tamment et en désordre, abandonnant leurs bles-
ensuite rendue aux Privernates, à condition qu'il sés et une partie de leurs bagages, ils s'enfuirent
y resterait une forte garnison. Les deux tiers de à Antium. Il se trouva grande quantité d'armes
leur territoire leur furent enlevés. De là, l'armée au milieu des cadavres ennemis et même dans le
victorieuse se porta vers Satricum, contre les An- camp; le consul déclara o qu'il en faisait hommage

LIItER OCTAVUS. ductus. Ihi magna utrimque cade atroi prœlium fuit; et
Jarn consules erant C. Plaulius secuudum, L. Æmilius quum tempestas eos, neulro inclinata spe, dimicantes
Mamercinus; quum Setini Norbanique Romam, nuntri dirfmisset, Romani, nihil eo certom ne tam ambiguo
defectionis Privernatium, cum querimoniis acceptæ cla- fessi, in posterum diem prœlium parant. Volscis, recen-
dis veneruut. Volscorum item exercitum, duce Anliati sentibus quos viros in acie amisissent, haudquaquam
populo, cousedisse ad Satricum, allatum est. Utrumque idem animua ad iterandum periculum fuit. llwte pro
bellum Plautio sorte evenit. Prius ad Privernum prore- victis Autiuin agmine trcpido, saucirs ac parte impedi-
clus extemplo acie conflixit. Haud maguo certamine de- mentorum relicta, abierunt. Armorum rnagua vis tum
victi hostes; oppidum captum redditumyue Privernati- inter cxsa corpora hostium, tum in castrts inventa est.
I)us præsidio valido imposito agri partes duæ adem- Ea Lua matri dare se, » consul dixit finesque hostiu
µtæ. Inde vietor exercitus Satricum contra Autiates usque ad oram maritimam est depopulatus. Alteri consuli
à Lua Mère puis il se mit à ravager le pays en- traité une fois onnclu et eux-mêmes de retour
nemi jusqu'au rivage de la mer. L'autre consul, dans leur pays, l'armée romaine en sortit aussitôt
Émilius, qui était entré dans le Samuium, ne après avoir toutefois reçu une année de solde et
trouva nulle part pour lui résister, ni le camp ni trois mois de vivres condition qu'avait imposée
les légions des Samnites; et déjà il portait le fer le consul pour la trêve convenue jusqu'au retour
et la flamme à travers leurs campagnes, lorsque de la députation. Les Samnites alors, avec les
des députés samnites vinrent demander la paix. mêmes troupes qu'ils avaient opposées à l'armée
Renvoyés par le consul au sénat, ils obtinrent la romaine, marchèrent contre les Sidicins, comp-
permission de s'expliquer déposant alors leur tant bien se rendre promptement maîtres de leur
fierté naturelle, ils supplièrent les Romains de ville. LesSidicins, de leur côté, essayèrent d'a-
leur accorder la paix pour eux-mêmes et le droit bord de se donner aux Romains; mais, comme
de faire la guerre aux Sidicins n demande d'au- les sénateurs rejetèrent cette offre trop tardive et
tant plus juste, que c'est dans la prl spérilé et non arrachée par la dernière nécessité, ils se livrèrent
dans le malhenr, comme les Campaniens, qu'ils aux Latins qui, de leur propre mouvement,
ont recherché l'amitié du peuple romain que avaient déjà pris les armes. Les Campaniens eux-
c'est contre les Sidicins, leurs ennemis de tout mêmes, tant le souvenir de l'outrage des Sam-
temps, et jamais les amis de Rome, qu'ils vont nites était plus présent à leur esprit que les ser-
prendre les armes; que ce peuple d'ailleurs n'a vices des Romains, s'associèrent étalement à cette
point sollicité, comme les Samnites, son ami- guerre. De tant de nations réunies il se forma
tié pendant la paix, ni, comme les Campaniens, une seule armée immense, qui, sous la conduite
son appui dans la guerre; qu'enfin il n'est ni sous d'un Latin, envahit le Samnium et y fit plus de
la protection, ni sous la domination romaine. mal par les ravages qu'elle y exerça que par lus
I La demande des Samnites ayant été soumise combats qui s'y livrèrent; et, quoique vainqueurs
par le préteur T. Émilius à la délibération dn dans toutes les rencontres, les Latins, pour n'a-
sénat, et le sénat ayant été d'avis qu'il fallait re- voir pas sans cesse à combattre, se retirèrent vo-
nouveler le traité, le préteur répondit aux Sam- lontairement. Cette circonstance donna le temps
nites « Qu'il n'a pas tenu au peuple romain que aux Samnites d'envoyer des députés à Rome. Ces
l'alliance avec eux ne fût durable; rien du reste députés se présentèrent an sénat et se plaignirent
ne s'oppose, puisqu'ils sont fatigués d'une guerre de n'avoir pas moins à souffrir, alliés qu'ennemies
qu'eux seuls ont provoquée, à ce qu'il soit rétabli de Rome; puis, du ton le plus suppliant, ils con-
entre les deux peuples des relations de bonne ami- jurent les Romains de se contenter de leur avoir
tié quant à ce qui est des Sidicius, il n'est fait arraché leur victoire sur le Campanieu et le Sidi-
nul obstacle à ce que le peuple samnite soit libre cin, et de ne pas les laisser vaincre encore par
d'exercer son droit de paix et de guerre. » Le les plus lâches enuemis. Si les Latins et les Cam-

Æmilio, ingresso Sabellum agrum, non castra Samui- pendio et trium mensium frumento acccpto. quod pepi-
tium, non legiones usquam oppositæ. Ferro ignique va- gerat consul, ut tempus indutiis daret, quoad legati re-
stantem agros legati Samnitium pacem orantes adeunt; a dissent. Samnites, coplis iisdem, quibus usi adversus ro-
quo rejecti ad senatum, potestate facta dicendi, positis manum bellmn fuerant, contra Sidicinos profec;i, haud
ferocibus animis, pacem sibi ab Romanis, hellique jus in duhia spe erant mature urbis hostium potiundæ. Tum
adversus Sidicinos petierunt. Quæ se eo justius petere, ab Sidicinis deditio prius ad Romanos corpta fieri est
quod et in amiciliam populi romani secundis suis rebus, dein, postquam Patres ut seram eam ultimaque tandem
non adversis, ut Campani, venissent et adversus Sidi- necessilate expressam aspernabantur, ad Latinos jam sua
cinos sumerent arma, suos semper hostes, populi ro- sponte in arma motos facta est. Ne Campnni quidem
mani nunquam anicus; qui nec, ut Samnites, in pace (adeo injuriæ Samnitium, quam beneficii Romanorum,
amieitiam, nec, ut Campani, auxilium in bello petissent, memoria præsentior erat) bis se armis abstmuere. Ex bis
nec in lide populi Romani, nec in ditione essent.. tôt populis uuus ingens exercitus, duce Latino fiues
11. Quum de postulatis Samnitium Ti. Æmilius prætor Samnitium,ingressns, plus populatiou bus, quam prœ-
senatum consuluisset, reddendumque his fœdus Patres liis, cladinm fecit et, quanquam superiores certamini-
censuissent, praetor Samnitibus respondit Nec quo bus Latini erant, haud inviti, ne sæpius dimicandum
miuus perpetua cum iis amicitia esset, per populum ro- fnret, agro hostium excessere. Id spatium Samnitibus
manum stelisse nec contradici, quin, quoniam ipsos datum est Romam legatos mittendi. Qui qnum adissent
belli culpa sua contracti txdiurn cœperit, amicitia de in- senatum, conquesti eadem se fœderatos pati,
quæ hostes
tegro reconcilietur. Quod ad Sidicinos attineat, nihil in- essent passi, precibus infimis petiere, ut satis ducerent
tercedi, quo minus Samniti populo pacis bellique liberum liomaui victoriam, quam Samnitibus ex Campano Sidi-
arlritrium sit.. Fœdere icto, quum domum revertissent, cinoqoe hoste eripuissent ne vinci eliam se ab ignavis-
extemplu iude exercitus remenus ded"ctus. aonuo sti simis pnpnlis sinerent. Latinos Campanosque, si ·uh di-
paniens sont sous la domination romaine, en vertu le moyen de faire nommer plus tôt de nouveaux
dc sa souveraineté, Rome doit leur interdire le consuls pour porter le poids d'une si grande
territoire samnite; et, s'ils ne reconnaisent point guerre. Mais un serupule religieux s'opposait à ce
cette souveraineté, les contenir au moins par la que ceux dont le pouvoir se trouverait ainsi ré-
forces des armes. » Ces plaintes n'obtinrent qu'une duit assemblassent les comices. Alors commerça
réponse vague; il répugnait d'avouer que les La- un interrègne; il y eut deux interrois, M. Valérius
tins n'étaient plus sous l'influence de Rome, et il et M. Fabius ensuite on nomma consuls, T. Man
était à craindre que des reproches ne les indispo- lius Torquatus pour la troisième fois et P. Dé-
sassent sans retour. « Quant aux Campaniens, leur cius Mus. Ce fut cette année là qu'Alexandre, roi
position est toute différente, puisque ce n'est point d'Épire, aborda en Italie avec sa flotte, comme
un traité, mais une cession qui les a mis sous le cela parait certain; et, s'il avait eu d'abord assez
patronage de Rome; aussi, les Campaniens, de de succès, il aurait certainement poussé son ex-
gré ou de force, se tiendront en repos; mais il pédition jusqu'à Rome. C'est aussi l'époque des
n'y a rien dans le traité des Latins qui les empê- exploits du grand Alexandre, de ce prince, fils de
che de faire la guerre à qui bon leur semble. » premier qui, dans une autre partie du
la sœur du
111. Celle réponse, qui laissait les Samnites in- monde,jeune encore et jamais vaincu, succomba
certains du parti qu'allait prendre Rome, effraya dans une maladie au caprice de la fortune. Au
et finit par aliéner les Campaniens: les Latins reste, les Romains, quoiqu'ils ne doutassent plus
eux-mêmes, comme si les Romains renonçaientà de la défection des alliés et des peuples latins,
lout droit sur eux, n'en conçurent que plus de affectèrent néanmoins de s'occuper des Samuites
fierté. Aussi, sous le prétexte de préparatifs de et non d'eux-mêmes; ils mandèrent à Rome dix
guerre conlre les Samnites, il se tint de fréquentes chefs des Latins, pour leur signifier leurs inten-
assemblées; et, dans toutes leurs délibérations, tions. Il y avait alors dans le Latium deux pre-
les chefs se concertèrent pour mûrir secrètement tcurs, L. Annius de Sétia et L. Numisius de Cir-
leurs projets de guerre contre Rome. Le Campa- céia, tous deux colons romains, et qui, outre Si
nien lui-inênie entrait dans ces mesures dirigées gnia et Vélitres, aussi colonies romaines, avarent
contre les libérateurs. Mais, malgré leurs soins encore entraîné les Volsques à la guerre. On ré-
pour tout cacher; et quoiqu'ils voulusssent, avant solut de les mander en particulier. Ni l'un ni
de provoquer les Romains, se défaire du Samnite l'autre ne put se méprendre sur l'objet de cette
qui allait les menacer par derrière, quelques La- convocation. Aussi, ces deux préteurs
lins, attachés à Rome par des liens particuliers reut-ils avant leur départ le conseil commun pour
d'hospitalité et d'amitié, laissèrent transpirer des l'informer de l'ordre qui les appelait à Rome, et
indices de ce complot. Les consuls reçurent l'or- mettre en délibération la réponse à faire à ce
dire d'abdiquer avant le temps, parce que c'était qu'ils supposaient devoir leur être demandé.

tione populi Romani essent, pro imperio arcerent Sanmili crearentur, religio incessit, ab iis, quorum imminutum
agro; sin imperiumabnuerent, armis coercorent. »Ad- imperiom esset, comitia haheri. Itaque interregnum ini
tam. Duo interregesfucrunt, M. Valerius ac M. Fal ius.
versus hoc responsum anceps datum, quia fateri pigebat,
m potestate sua Latines jan) non esse, timebanique, ue Creati consules, T. Manlius Torquatus tertium, P. De-
arguendo abalienarent «Campanorum aliam condino- cius Mus. Eo anno Alexandrum, Epiri regen, in Italiam
ncm esse, qm non fœdere, sed per deditioncm,in fidem classem appumse constat. Quod bellum, si prima salis
venissent naque Campanos, seu velint, seu nolint, prospera faissent, haud dubie ad Romanos pervenisset.
quieturos.In fœdere Latino nihil esse, quo bellare, cum Hadcm ætas rerum Magni Alexandri est quem, sorore
quibus Ipsi velint, prohibeantur.» hujus ortum, in alio tractu orbis, invictum bellis juve-
III. Quod responsum sicut dubios Samnites, quiduam nem, fortuna morbo exstinxit. Ceterum Romani, etsi de-
facturum Rumanum censerent, dimisit, Ha Campanos fectio suciorum nominisque Latini haud dubid erat, tamen
metu abahenavit; Latmus, velut nihil jam non conceden- tanquam de Samnitibus, non de se, curam agerent, de-
ubus Romanis, ferociores fecit. Itaque, per speciem ad- cem principes Latinorum Romam evceaverunt, quibus
versus Samnites belh parandi crebra concilia indicen es, imperarent, quæ vellent. Prætores tum duos Latium
omnibus consultationibus inter se prineipes occulte Ro- habehat, L. Annium Srfinum et L. Numisium Circeen-
manum coquebant bellum. Huie quoque adversus serva- sem, ambo ex coloniis Romanis per quos, præter Si
tores suos hello Campanns aderat. Sed quanquam omnia gniam Velitrasque, et ipsas colontas Romanas, Volsei
de industria celabautur, priusque, quam moverentur etiam exciti ad arma erant. Eos nominatim evocari pla-
Romani, tolli ab tergo Samnitem hostem volehant; ta- cuit. Baud cuiquam dubium crat, super qua re acciren-
meu per quosdam, privalis hospitiis necessituoinibusque tur. Itaque, couciliu prius habito, prætores quam Ro-
conjunctos, indicia conjurationis ejus Romam emanarunt mam proficiscerentur, evocatos se ab senatu nocent
ussisque ante lempus consulibus abdicare se migistratu, Romano, et, quæ actum iri secum credant, quidnam ad
quo maturius novi consulesadversus tantam molem bet ea responde ri placeat, referunt.
1V. Les avis étant partagés, Annius pril la pa- valeur et par la boulé des dieux. Vous avez essayo
role en ces termes 1 Quoique j'aie moi-même la patience des Romains, en leur refusant nos
mis en délibération la réponse à faire, néaumoms soldats qui doutait que leur courroux n'éclatât
je suis convaincu qu'il importe à nos intérêts de alors, quand nous détruisions un usage do plus
nous occuper de ce que nous aurons à faire bien de deux cenls ans? Ils ont cependant dévoré co
plus que de ce que nous aurons à dire. Il sera fa- dur affront. Nous avons, en notre propre nom,
cile, nos projets une fois arrêtés, d'approprier fait la guerre aux Péligniens; et ces mattres, qui
le langage aux actions. Car, si aujourd'hui en- auparavant allaient jusqu'à ne pas nous laisser la
core, alliés en apparence, nous pouvons souffrir liberté de défendre par nous même nos frontières
de n'être réellement que des esclaves, pourquoi ne s'y sont point opposés. Les Sidicins se sont mis
hésiter à trahir les Sidicius, à nous soumettre aux sous notre protection les CampaDiens les oul
volontés non-seulementdes Romains, mais encore quittés pour venir à nous; nos armées se prépa-
des Samnites, à répondre à Rome qu'au moindre rent pour marcher contre les Samnites liés à eux
signe de sa volonté nous poserons les armes ? Mais pur un traité; ils le savent, et ils ne sont pas même
si vos cœurs sont déchirés par le regret de la li- sortis de leur ville. D'où leur vient tant de modéra-
berté perdue; s'il existe un traité; si, dans une tion, sinon de la conscience qu'ils ont et de nus
alliance, il y a égalité de droit; si dans nos veines forces et des leurs? J'ai de sûrs garants que dans
coule le même sang que dans celles des Romains, sa réponse aux plaintes des Samnites contre nous,
ce qui faisait autrefois notre honte et qui doit faire le sénat n'a pas craint de laisser voir que Rome ne
aujourd hui notre gloire; si cette armée sociale est prétendait plus à tenir le Latium sous sa domina-
telle pour eux, qu'ils doublent leurs forces en la tion. Entrez donc en possession, et pour cela il
réunissant à la leur, et que leurs consuls, pour suffit d'en faire la demande, entrez en possession
entreprendre ou terminer leurs guerres, ne veu- de ce qu'ils vous accordent tacitement. Si la
lent pas s'en séparer; pourquoi tout n'est-il pas crainte vous empêche de parler, me voici; moi-
égal entre nous? Pourquoi l'un des deux consuls même, à la face du peuple romain, du sénat, et
n'est-il pas pris parmi les Latins? Où il y a part même de ce Jupiter qui habite leur Capitule, je
de force il doit y avoir part de pouvoir. Et ce m'engage à leur dire que s'ils veulent nous avoir
n'est certainement pas avoir trop de prétentions pour amis et alliés, il faut qu'ils reçoivent désor-
codsentant, commenous le faisons, à ce que Rome mais de nous l'un des deux consuls et une partie
soit la capitale du Latium. Cependant ces préten- de leur sénat. » A ces paroles d'Annius, qui ne
tions paraitront trop élevées, grâce à notre lon- donnait pas seulement un conseil hardi, mais qui
gue patience. Si jamais vous avez désiré l'occasion promettait d'agir, un cri universel d'approbation
de vous associer à l'empire et de reconquérir la se fait entendre; on le chargea de faire et de dire
liberté, la voici qui se présente, amenée par votre tout ce que lui inspirerait l'intérêt général du nom

IV. Quum aliud alii censerent, tum Annius « Quan- deum benignitate vobis datum. Tentastis patientiam ne-
quam ipae ego retuli, quid respouderi placeret. tamen gando militem. Quis dubitat exarsisse eos, quum plus
magis ad summam rerum nostrorum pcrtinere arbitrer, ducentorum annorum morem solveremus? Pertulerunt
quid agendum nobis, quam quid loquendum sit. Facile tamen hune dolorem. Bellum nostro nomine cum Peli-
erit, explicatisconsiliis, accommodare rebus verba. Nam, gnis gessimus. Qui ne nostrorum quidem finium nobis
si etiam nunc sub umbra fœderis æqui servitutem pati per nos tuendorumjus antea dabant, mhil intercesserunt.
possumus, quid abest, quia, proditis Sidicinis, non Ro- Sidiciuos in fldein receptos, Campanos ah se ad nos des-
manorum solum, sed Samnitium quoque dicto pareamus, cisse, exercitus nos parare adversus Samnites foederatos
respondeamusque Romanis, nos, ubi innuerint, positu- snos audierunt, nec moverunt se ab urbe. Unde haec illis
ros arma? Sm autem tandem libertatis desiderium re- tanta modestta, nisi a conseientia virium et nostrarum et
mordet animos, si fœdus est, si societas æquatio juris est, suarum? Idoneos auctores habeo, querentibus de nobas
si consanguineos nos Romauorum esse, quod olim pude- Samnitibus ita responsum ab senatu Romano esse, ut fa-
bat, nunc gloriari licet, si socialis illis exercitus is est, cile appareret, ne ipsos quidem jam ptlslulare, ut Latium
quo adjuneto duplicent vires suas, quem seceruere ab se sub Romano imperio sit. Usurpate modo postulando eo,
coosules bellis propriis ponendissumendisque nolint; cur quod illi vobis taciti cunceduut. Si quem hoc metusdicere
non omnia a'quautur? cur non alter ab Latinis consul prohibet,eu ego ipse, audiente non populoRomano modo
datur? Ubi pars virium, ibi et imperii pars est. Est qui- senatuque, sed Jove ipso, qui Capitolium incolit, pro0teor
dem nobis hue per se haud nimis amplum quippe con- me dicturum; ut, si nos in fœdere ac societate esse velint,
cedentibus, Romam caput Latio esse sed, ut amplum consnlemalterum ab nobis senatusque parlem accipiant..
vidrri posset, druturna patieulia fecimus. Atqui, si quan- Hæc ferociter non suadenti solum, sed pollicenti, clamore
do unquam cousociandi imperli, usurpandæ libertatis et assensu omnes permiserunt, ut agerel diceretque, quæ
tempus optastis, eu hoc tempus adest, et urtute vestra et e republica uuminis Latini fideque sua viderentur
I;itin ainsi que son honneur et sa conscience. sairement le céder à l'autre, dans l'intérêt de
V. Les députés arrivent à Rome, et c'est au toutes deux, votre ville sera de préférence la com-
Capitole que le sénat leur donne audience. Là, le mune patrie, et nous porterons tous le nom de
cousul T. Manlius, d'après l'autorisation du sé- Romain, » Le hasard voulut qu'à celte époque
nat, entre avec eux en discussion, pour les enga- Rome eût à opposer à Annius un homme aussi in-
ger à ne pas faire la guerre aux Samnites liés à traitable, le consul T. Manlius, lequel ne put con-
Home par un traité. Alors Annius, comme un tenir sa colère et déclara sans détour o que si les
vainqueur maître du Capitole par droit de con- Pères conscrits avaient la démence de recevoir la
qucte, et non plus comme un député sous la loi d'un homme de Sétia il viendrait armé d'un
sauvegarde du droit des gens, s'exprime ainsi glaive au sénat, et que, tout Latin qu'il verrait
« Alanlius, et vous, Pères conscrits, il était bien dans la curie, il le poignarderait de sa main. 1 So
temps de ne plus agir avec nous en maîtres, alors tournant ensuite vers la statue de Jupiter o En-
que vous voyiez le Latium devenu si puissant par tends ces blasphèmes, ô Jupiter Entendez-les
ses armes et ses soldats, grâce à la bonté des aussi, ô vous, Droit et Justice des étrangers pour
dieux, à ses victoires sur les Samnites, à son al- consuls!des étrangerspoursénateurs! etc'est dans
liance avec les Sidicins et les Campaniens, à la ton temple inauguré, ô Jupiter, que tu dois eu
jonction récente des Volsques, et aussi à la préfé- subir la vue toi-même captif, toi-même opprimé!
rence que nous ont donnée sur vous vos propres Sont-ce donc là les traités de Tullus, roi de Rome,
colonies. Mais, puisque de vous-mêmes vous ne avec les Albains, vos ancêtres, ô Latius? Song-ce là
pouvez vous résoudre à mettre un terme à votre ceux que fit plus tard avec vous L. Tarquin? Vous
désir insatiable de régner, encore que par la ne vous rappelez donc pas la bataille du lac Ré-
force de nos armes nous puissions assurer la li- gille ? et vos anciennes défaites, et nos bienfaits en-
berté du Latium, nous venuns, en considéra- vers vous, les avez-vous donc à ce point oubliés?
lion des liens du sang qui nous unissent, vous VI. Le discours du consul fut suivi des marque
proposer la paix avec des conditions égales pour d'indignation des sénateurs. On rapporte que pen-
les deux peuples, puisqu'il a plu aux dieux im- dant les supplications réitérées des consulsqui in-
mortels de nous rendre égaux en forces. Désor- voquaient les dieux témoins des traités, Anuius fit
mais l'un des consuls sera pris daus Rome et l'au- entendre des paroles de mépris pour la divinité du
tre dans le Latium le sénat se composera par por- Jupiter romain. Ce qu'il p a de constant, c'est que
tious égales de l'une et l'autre nation; il n'y aura dans sa colère s'étant élancé brusquement hors du
plus qu'un seul peuple, une seule république; et vestibule du temple, il tomba en glissant sur les
alin que le siége de l'empire soit le même, qu'il marches, se blessa grièvement à la tête et roula
n'y ait aussi qu'un même nom pour tout; mais, jusqu'en bas avec une violence telle qu'il en resta
comme en cela l'une des deux parties doit néces- tout étourdi. Il expira du coup, au rapport des

V. Ubi est Romam ventum, in Capitolio iis senatus omues vocemur.. Forle ita accidit, ut parent ferociæ
datus est. Ibi quum T. Manlius consul egisset cum iis ex hujus et Romani consulem T. Manlium haherent qui
auctoritatc Patrum, ne Samuitibus fœderatis bellum in- adeo non tenuit iram, ut, si tanta dementia Patres con-
ferrent, Anuius, tanquam victor armis Capitolium cepit- scriptos cepisset, ut ab Setino homine leges acciperent
set, non legatus, Jure geutium tutus, loqueretur, « Tem- gladio ciuctum in seuatnm venturum se esse,» palan8 di-
pus erat, iuquit, T. Manli, vosyue, Patres conscripu, ceret, · et, quemeunque in Curia Latinum vidisset, sua
tandem jam vos nobitcum oibil proimperio agere, quum manu interempttirum. Et conversus ad simulacrum
florentissimum deum benignitate nunc Latium armis vi- Jovis,« Audi, Jupiter, hæc sclera, inquit; audite, Jits
risque, Samnitbus bello victis, Sidicinis Campanisque Fasque. Peregrioos consules et peregrioum senatum iu
sociis, nunc etiam Volscit adjunetis videretis; colooias tuo, Jupiter, auguratotemplo, captus atque ipse oppres-
quoque vestras Latinum Romano prætulisse imperiunt. sus, visurus es? Hæccine fœdera Tullus Romanus rez
Sed quoniam vos, regno impotenti finem ut impouatis, cum Albaois, patribus vestris, Lalini hæc L. Tarqui-
non inducitis in auimum; nos, quanqtiam armis possu- nitis vobiscum postea fecit? Non venit in mentem pugna
inus asserere Latium in libertatem, consanguinitati ta- apud Regillum lacum? adeo et cladium veterum vestra-
men boc dabimus, ut conditiones pacis feramus æquas runi et beneficiorum nostrorum erga vos obliti estis? »
utritque, quoniam vires quoque æquari diis immortali- VI. Quum consulis vocem subsecuta Patrum indigna-
bus placuit. Coosulem alterum Roma, alterum ex Latio lio esset, proditur memoria, advenus crebram implora-
creari oporlet senatus partem a quam ex utraque gente tionem deum quos testes fœderum sæpius invocabant
esae unum populum, unam rempublicam fieri et, ut consules, vocem Annii, spernentis numina Jovis Romani,
imperii cadern sedes sit, idemque omnibus nomen, quo- auditam. Certe, quum commotus ira se ab vestibulo
niam ab alterutra parte concedi necsse est; quod utris- templi cilato gradu proriperet, lapsus per grodus, capite
que bene vertat, sit hxc sme partria potior, el Romani graviter offenso, impactus imo its est saro, ut sopiretur.
1.
historiens; mais comme tous ne sont point d'ac- rent l'un et l'autre la même vision un homme
cord sur cette circonstance, je n'en veux rien af- leur apparut plus grand que nature, d'un ex-
filrmer, non plus que de ce grand coup de ton- térieur imposant et majestueux, qui leur dit
nerre suivi d'orage au moment de l'appel aux « Un général d'un
côté, de l'autre une armée,
dieux contre la violation destraités. Tout cela peut sont dus aux dieux Mânes et à la Terre mère;
être vrai, mais peut n'être aussi qu'une fiction ima- le général de l'une des deux nations, qui aura
ginée pour figurer plus vivement le courroux des dévoué les légions ennemies, et lui-même après
dieux. Torquatus, envoyé par le sénat pour congé- elles, donnera à son peuple et à son parti la
dier la députation, à la vue d'Annius étendu par victoire. » Les consuls se communiquèrent ré-
terre, s'écria, et assez haut pour être également en- ciproquementleur vision de la uuit, et prirent
tendu du peuple et des sénateurs « Bien cette le parti, pour détourner la colère des dieux,
guerre est juste, ce sont les dieux qui la veulent! Il d'immoler des victimes, afin que, si les en-
est donc au ciel une providence Oui, tu existes, trailles donnaient des présages conformes à ce
grands Jupiter 1 Ce n'est pas en vain que nous te qu'ils avaient vu en songe, l'un des deux con-
proclamons le père des dieux et des hommes dans suls subît l'arrêt du destin. Les réponses des
cette demeure consacrée à ton culte. Que tardez- aruspices s'accordèrent avec les secrètes im-
vous, Romains, et vous Pères conscrits, que tar- pressions religieuses qui déjà étaient au fond de
dez-vous à prendre les armes, lorsque les dieux leur âme. ils convoquèrent donc les lieutenants
marchent à votre tête? C'est ainsi que je vous li- et les tribuns, leur exposèrent ouvertement les
vrerai terrassées les légions latines, comme leur ordres des dieux et, pour que la mort volou-
député que vous voyez étendu à vos pieds. » taire d'un des deux consuls ne vînt point jeter
Les applaudissements du peuple accueillirent le l'effroi dans l'armée pendant le combat, ils con-
langage du consul et les esprits étaient si exaspé- vinrent que du côté où l'armée romaine commen-
rés que ce fut moins le droit des gens que la pré- cerait à plier, le consul se dévouerait pour le peu-
sence des magistrats chargés par le consul d'ac- ple romain et les Quirites. Il fut aussi question de
compagner les députés à leur départ, qui proté- discipline dans leconseil; si jamais guerre avait eu
gea ceux-ci contre la colère et l'emportement besoin de sévérité dans le commandement et qu'on
de la multitude. Le sénat donna aussi son con- rendît à la discipline militaire son ancienne ri-
sentement à la guerre; et les consuls, avec deux gueur, c'était surtout la guerre présente. Cet excès
armées que l'on venait de lever, prirent leur de précaution étaitcommandé par la crainte de l'en-
roule à travers le pays des Marses et des Péli- nemi que l'on allait combattre; c'étaient les Latins,
gniens, se joignirent à l'armée des Samnites, et dont le langage, les mœurs, les armes, les institu-
assirent leur camp devant Capoue, où les La- tions militaires surtout sont si conformes à celles
tins et leurs alliés étaient déjà réunis. Là, dit- des Romains; de soldats à soldats, de centurions à
on, durant leur sommeil, les deux consuls eu- centurions, de tribuns tribuns, la ressemblance

Exanimatum auctores quouiam non omnes sunt, mihi humano habitu augustiorisque,dicentis « Ex una acie
quoque in incerto relictum sit sicut inter fœderum rup- imperatorem, ex altera exercitum diis Manibus matrique
torum testa tionemingenti fragorecœli procellameffusam; Terrx deberi; utrius exercitus imperator legiones hos-
nam et vera esse, et apte ad repraesentandam iram deum tium, superque eas se devovisset, ejus populi partisque
ficta possunt. Torquatus, missus ab senatu ad dimitten- victoriam fore.. Hos ubi nocturnos visus inter se consu-
dos legatos quum jaceutem Aunium vidisset, exclamat, les contulerunt, placuit a veruncandæ deum irw victi-
ita ut populo Patribusque audita vox pariter sit Beoe mas cædi simul ut, si extis eadem qua2 somno visa
habet. Dii pium movere bellum. Est cœleste numen! es, fueraut, portenderentur, alteruter consulum fata imple-
magne Jupiter! haud frustra te pairem deum hominum- ret. Ubi responsa haruspicum insidenti jam animo tacitæ
que h.icsede sacravimus. Quid cessatis, Quirites, vosque, religioni cungruerunt, tum, adhibitis legatis tribuim-
Patres conscripti, arma capere diis ducibus? Sic stratas que, et imperiis deum propalam expositis, ne mort vo-
legiones Latuorum dabo, quemadmodum legatum jaceu- luntaria consulis exercitum in acie terreret, comparant
tein videtis.. Assensu populi excepta vox consulis tantum inter se ut, ab utra parte cedere romanus exercitus
ardoris an'mis fecit, ut legatosproficiscentescura magis- cœpisset, inde se consul devoveret pro populo romano
tratuum magis, qui jussu consulis prosequebantur,quam Quiritibusque. Agitatum eliam in consito est, ut, si
jus gentium, ab ira impetuque hominum tegeret. Con- quando uoquam severo ullum imperio bellum adminis-
sensit et senatus bellum consulesque. duobus scriptis tratum esset, tune uti disciplina militaris ad pnscos re-
exercitibus, per Marsos Pelignosque profecti, adjuncto digeretur mores. Curam acuebat, quod adversns Lati-
Sammitiumexercitu, ad Capuam quo jam Latini socii- nos bellandum erat, lingua, moribus, armorum genere,
que convenerant, castra locant. Ibi in quiete utrique con- institutisante omnia militaribus congruentes; milites mi-
buli eadem dicitur visa species viri majoris quam pro litibus. centurionibus renturiones, tribuni tribuuis com.
était complète; c'étaient des camarades, des col- efforts, veux-tu le mesurer avec moi, afin quc
lègues, qui s'étaient trouvés mêlés dans les mêmes par le résultat d'une lutte entre nous on puisse
garnisons, souvent dans les mêmes manipules. voir dès ce moment combien le cavalier latin
Aussi pour épargner aux soldats toute méprise, l'emporte sur le romain? L'âme fière du jeune
un édit des consuls vint défendre expressément homme fut vivement émue soit colère, soit
d'attaquer l'cnnemi hors des rangs. honte de refuser le combat, soit force invincible
VII. l'ar hasard, au nombre des préfets de la de la destinée, il oublie l'autorilé de son père et
cavalerie envoyés pour faire des reconnaissan- l'cdit des consuls il se précipite en aveugle à un
res dans tous les sens, se trouva T. Dlanlius, fils combat où il imporlait si peu qu'il fût vainqueur
du consul qui, avec sa troupe, dépassa le camp ou vaincu. Les autres cavaliers se rangent comme
des ennemis de telle sorte qu'il était à peine à pour assister à un spectacle, et, dans l'espace resta
une portée de trait du premier poste. C'étaient libre, les deux champions poussent leurs chevaux
(les cavaliers tusculans qui le composaient; ils l'un contre l'aute, et s'attaquent la lance à la
étaient commandés par Géminus Métius, di- main. La lance de Manlius glisse sur le casque de
stingué chez les siens par sa naissance et par sa son adversaire, celle de Métius effleure le cou du
valeur. Cet officier n'eut pas plus tôt aperçu les cheval de Manlius. Alors ils font faire demi-tour à
cahiers romains et reconnu parmi eux et à leur leurs chevaux; Manlius, le premier, se dresse
tête le fils du consul (car ils se connaissaient pour frapper un second coup, et plante sa javeline
tous, surtout entre personnages de marque), entre les oreilles du cheval de son ennemi l'ani-
qu'il leur cria a Est-ce donc avec un seul mal se sentant blessé se cabre en secouant vio-
escadron que vous autres Romains venez faire lemment la tête et renverse son cavalier; au mo-
la guerre aux Latins et à leurs alliés? Que vont ment où celui-ci, s'appuyant sur sa lance et son
faire pendant ce temps-là vos consuls, et vos bouclier, se relève de sa lourde chute, Maulius
deux armées consulaires? » — « Ils viendront au lui enfonce sou fer dans la gorge, lui traverse
moment convenable, dit Manlius; et avec eux les côtes, et le cloue à terre. 11 recueille alors
viendra aussi Jupiter, témoin des traités que les dépouilles de son ennemi, revient au milieu
vous avez violés, lui yui bien plus de force et des siens, et, avec sa troupe toute triomphante
de puissance. Si au lac Régille nous avons com- de joie, il rentre dans le camp et de là se dirige
battu de manière à vous en rassasier, ici encore vers la tente de son père, sans penser à ce qu'il
nous tacherons de vous faire passer l'envie d'a- a fait et à ce qui peut en résulter, sans réfléchir
voir affaire a nous. w A ces mots, Géminus se s'il a mérité des éloges ou le supplice. « C'est
portant à cheval un peu en avant des siens afin dit-il, de bien persuader à tous que je suis
« Hé bien, veux-tu, lui crie-t-il, en attendant le sorti de ton sang, ô mon père que je t'apporte
jour où vos armées déploieront de si grands ces dépouilles d'un cavalier qui m'a déGé et que

pares collcllæque, iisdem præsidiis, sæpe lisdem mani- tis, interea tu ipse congredi mecum, ut nostro duorum
pulis permixti fueraut. Per hax ne quo errore milites jam hiuc eveutu cernatur quantum eques latinus Ro-
caperentur, edieunt consuls, ne quis extra ordiuem in mano præestet ? » Movet ferocem aiiimum Juvemssen ira,
hostem pugnaret. seu detrectandi certaminis pudor, seuinexsuperabiliavis
VIf. Forte inter ceteros turmarum pra'fectos, qui ex- fati. Oblitus itaque imperii palrii, consulumque edicti,
ploratum in omues partes dimissi erant T. Manlius con- pra'ceps ad id certameu aguur, quo, vinceret, an vin-
sulis films super castra hostium cum suis turmalibus eva- ceretur, baud multum interessel. Equitibus ceteris velut
oit, ila ut vis teli jactu ab statione proxima ahesset. Ibi ad speetaculum summotis, spatiu, quod vacui interjaec-
Tusculani erant équites pr;eerat Geminus Metius, vie bat campi, adversns concitant equos et, quum inlestis
tum génère iuter suos, tum faciis clarus. Is ubi rum i- cuspidibus concurrissent,Manlii cuspis super galeam hos
nos equites, insignemque inter eos præcedentem consulis tis, Metri trans cervicem cqui elapsa est. Circumactis
filium (nam omnes inter se, utique illustres viri, noti deinde equis, quum prior ad iterandum ictum Manlius
erant), cognovit: «Unane, ait, turma, Romani, cum La- cousurrexisset, spiculum inter aures etlui fixit. A eu.lus
tinis sociisquebellum gesturi estis? Quid interea consules, vulneris sensum quum equus, prioribus pedibus erectis,
quid duo exercitus consulares agent? Aderunt in tem- magna vi caput quateret, eicussit equiteui quem cuspi
pore, Manlius inquit; et cum illis aderit Jupiter ipse, de parmaque inuisum, attollentem se ab gravi casu,
fœderum a vobisviolatnrum testis, qui plus potestpollet- Manlius ab jugulo, ita ut per costas ferrum emineret,
que. Si ad Regillum lacum ad satietatem vestram pugua- terra; affixit spoliisquelectisad suos revectus, cum ovante
mmus, hic quoque efficiemus profecto, ne mumis acies gandio turma in castra, atque inde ad prætorium, ad
vobis et collata signa nobiscum cordi sint. » Ad ea Gemi- patrem, tcodu,ignarus facti futurique, laus an pœua me-
nus, paullulum ab suis equo provectus: « Visne igitur, rita esset,Ut me omnes, inqnit, pater, tuo sangume
dam dies ista icnit, qua magno conalu exercitus movea- ortum vero ferrent, provooatus cquettriaha'c spolia capta
j'ai tué. n A peine le consul eut-il entendu son douleur, n'épargnant ni les regrets amers, ni
iïls que, détournant de lui ses regards, il fit son- les imprécations. Le cadavre du jeune homme fut
ner la trompette pour convoquer l'armée. Dès que couvert des dépouilles de l'ennemiqu'il avait tué,
l'assemblée fut assez nombreuse a Puisque lui et, avec tout l'appareil qu'on pût mettre à une
dit-il, sans respect pour l'autorité consulaire et solennité militaire, il fut brûlé sur un bûcbet
la majesté paternelle, tu as, contre notre dé- construit hors des retranchements. La sentence
fense et hors des rangs, combattu un ennemi; portée par Manlius ne doit pas être un objet
puisque, autant qu'il a été en toi, tu as en- d'horreur pour son siècle seulement elle doit en-
freint la discipline militaire qui jusqu'à ce jour core laisser un douloureux souvenir à la po-
a été la sauvegarde de Rome, et que tu m'as stérité.
réduit à la nécessité de perdre le souvenir ou VIII. Au reste l'atrocité de ce châtiment rendit
de la république ou de moi-même et des miens; le soldat plus obéissant; outre que les gardes, les
portons la peine de notre crime, plutôt que de factions de jour et de nuit tout le service enlin se
faire expier, par les plus grands dommages, nos fit avec plus d'attention et de vigilance, dans la
fautes à la république. C'est un exemple à donner dernière bataille aussi, quand on descenditdans la
bien triste pour nous, mais qui sera salutaire plaine, cette sévérité fut encore utile. Ce combat,
pour la jeunesse à venir. Il est vrai que ma ten- du reste, eut toute l'apparence d'une guerre ci-
dresse naturelle pour mes enfants, et aussi cette vile, tant, au courage près, tout dans les Latins
première preuve de ta valeur, qu'a égarée une ressemblait aux Romains. Les Romains auparavant
vaine image de gloire, me touchent en ta faveur; se servaient de boucliers; dans la suite, et depuis
mais comme ta mort va sanctionner les ordres l'établissement d'une solde, l'écu remplaça le bou-
consulaires ou ton impunité les abroger à jamais, clier auparavant aussi ils se rangeaient par pha-
tu ne refuseras pas, je le pense, pour peu que langes comme les Macédoniens; plus tard ils dis-
tu aies de mon sang dans les veines, de rétablir posèrent leurs troupes par manipules. A la fin, ils
par ton supplice la discipline militaire renversée les subdivisèrent en plusieurs compagnies une
par ta faute. Allons, licteur, attache-le au poteau. » compagnieavait soixante soldats, deux centurions,
Cet ordre affreux jeta la consternation dans toute un vexillaire. En bataille, au premier rang étaient
l'armée; chacun crut voir la hache levée sur sa les hastats, formant quinze manipules, séparées
tête, et ce fut par crainte bien plus que par re- entre eux par un petit intervalle; le manipule
tenue que tous restèrent immobiles. Aussi, lors avait vingt hommes de troupes légères, et le reste
qu'après quelques inslants d'un morne silence, la armé de l'écu les troupes légères étaient cel-
vue de cette tête qui tombait et de ce sang qui jail- les qui portaient seulement la baste et le gais.
lissait, fit sortir cette foule de sa stupeur, elle Celte première ligne de bataille était composée de
donna un libre cours à ses plaintes et à ses cris de la fleur de la jeunesse mûre pour les combats.

es hoste cæso porto. » Quod ubi audivit consul, extem- fusus est cruor, tum libero cooquestu coortae voces suint,
plo, filium aversatus concionem classico advocari jussit. ut neque lamentis, neque eisecrationibus parceretur
Quæ ubi frequeus conveuit: a Quiindoque, inquit, tu, spoliisquecontectum juvenis corpus, quantum militaribus
T. Mauli, nequeimperium consulare, oequemajestatem studiis funus ullum concelebrari potest, structo extra val-
patriam veritus, adversus edictum nostrum extra ordi- lum rogo cremaretur Maulianaque imperia non in pra-
nem in hostem pugnasti, et, quantum in te fuit, disci- senlia modo horrenda, sed exempli etiam tristis in pos-
plinam militarcm, qua stetit ad hanc diem romana res terum essent.
solvisti, meque in eam necessitatem adduxisti, ut aut VIII, Fecit tamen atrocitas pœnæ obedieutiorem duci
reipublicæ mibi, aut mei meorumque obliviscendum sit; militem et, praterquam quod custodiæ vigiliæque et
nos potius nostro delicto plectemur, quam respublica ordo stalionum intentioris ubique curæ erant, in ultimo
aoto suo damnu nostra peccata luat. Triste eiempluiu, etiam certamine, quum descensum in aciem est, ea se-
sed in posterum salubre juventuti, erimus. Ma qmdem veritas profuit. Fuit autem civili malime bello pugna si-
jum iugenita caritas liberum, tum specimen istud vir- milis adeo nihil apud Latinos dissonum ab romana re
cutis, deceptum vana imagine decoris, in te movet. Sed prxter animos, erat. Clipeis antea Romani usi sunt
quum aut morte tua sancienda sint consulum imperia deinde, postquam stipendiarii facti sunt, scuta proclipeis
aut impunitate in perpetuumabroganda; ne te quidem, fecere et, quod antea phalanges similes Macedonicis,
si quid in te nustri sanguinis est, recusare ceoaeam, quin boc postea mauipulalim structa acies coepit esse. Postre-
disciplinam militarem, culpa tua prolapsam, poena res- mo in plures ordines instruebantur. Ordo sexageuos
tituas. I lictor, detlga ad palum. Exanimati omnes tam milites, duos centuriones, vexillarium unum habebat.
airoci imperio, nec aliter quam in se quisque destnclam Prima acies hastati erant, manipuli quiodecim distantes
cerneutes securim, metu magis, quam modestia, quie- iuter se modicum spatium mauipulus leves vicenos mi
vere. Itaque, velnt emerso ab admiratiooe animo, quum lites aliam turbam scutatorum habebat. Levea autem,
stletatio defixi stetissent, repente ostquam cervice cæsa qui hastam tautum gæsaque gererent, vocabantur. Hac
Après eux, venaient les hommes d'un age plus ro- alors ouvraient leurs rangs pour y recevoir les
buste, divisés eu autant de manipules, appelés princes et les hastats, puis les resserraientaussitôt
princes, tous portant l'écu, remarquablessur- comme pour fermer tout passage; et, formant
tout par la beauté de leurs armes; ces trente ma- ainsi une seule masse bien serrée, après laquelle
nipules, formant un seul corps, s'appelaient an- il n'y avait plus d'espoir, ils tombaient sur l'en-
tepilani, parce que, sous les enseignes, ils étaient nemi et c'était pour lui un moment terrible;
en avant de quinze autres corps. Chacun de car, lors même qu'il pensait n'avoir que des vain-
ces corps était divisé en trois parties, et cha- cus à poursuivre, il voyait surgir tout d'un coup
cune de ces parties s'appelait primipile; elle avait une armée nouvelle et considérablement accrue.
trois drapeaux, et chaque drapeau réunissait cent On levait presque toujours quatre légions de cinq
quatre-vingt-six hommes. Sous le premier dra- mille fantassins et de trois cents cavaliers chacune.
peau marchaient les triaires, vieux soldats d'une On y joignait un nombre égal de troupes fournies
valeur éprouvée; sous le second, les rornires, par les Latins, qui, dans cette journée, étaient
dont l'âge était moins avancé et les belles actions ennemis de Rome et avaient donné à leur armée
moins nombreuses; sous Je troisième, les ac- le même ordre de bataille ainsi les triaires sa-
censes, corps sur lequel on comptait peu, et que, vaient qu'ils auraient affaire aux triaires, les has-
pour cette raison, on rejetait aux derniers rangs. tats aux hastats, les princes aux princes, le cen-
Quand l'armée était disposée d'après cet ordre, turion même au centurion, si les rangs ne se
c'étaient les hastats qui, les premiers, engageaient confondaient pas dans l'action. Il y avait, parmi les
le combat. Si les hastats ne pouvaient enfoncer Iriaires de l'une et de l'autre armée, deux primipi-
l'ennemi, ils se retiraient pas à pas au milieu des laires, l'un romain, qui était peu robuste de corps,
princes, qui s'ouvraient pour les recevoir alors du reste plein de valeur et d'habileté; l'autre
c'était aux princes à faire tête, et les hastats sui- latin, d'une force prodigieuse et le premier guer-
vaient les triaires restaient immobiles sous leurs rier de l'armée bien connus l'un à l'autre, parce
drapeaux, la jambe gauche tendue en avant, l'écu que leurs compagniesavaient toujours marché de
appuyé sur l'épaule, la lance fixée en terre, la pair. Le Romain, qui se déliait de ses forces,
pointe en haut, et, dans cette position, c'était avait à Rome obtenu des consuls la permission de
comme une armée retranchée derrière une baie se choisir un sous-centurion pour le défendre con-
de palissades. Si les princes eux-mêmes n'avaient tre l'adversaire qui lui était destiné. Ce jeune
pas réussi daus leur attaque, du front ils re- homme, opposé dans la mêlée au centurion latin,
culaient peu à peu jusqu'aux triaires; de làce pro- remporta sur lui la victoire. La bataille se donna
verbe si usité « On en vient aux triaires, » qui se presque au pied du mont Vésuve, sur le chemin
dit dans un grand danger. Les triaires se levant qui menait à Véséris.

prima frons in acie llorem juvenum pubescentium ad mi- intervalla ordinum suorum principes et hastatos rece-
litiam habebat. Robustior inde ætas totidem manipulo- pissent, extemplo compressis ordinibus velut claudebant
rum, quibus principihus est nomeu, boa sequebaolur, vias unoque continent! agmine, jam nulla Ipe post ire-
scutati omnea, insignibus maxime armis. Iloc triginta licta, in hostem iocedebant id erat formidolosissimum
manipulorum agmen antepilanos appellabant, quia sub bosti, quum, velut victos inseculi, novam repente aciem
sigms jam alii quindecim ordines locabantur ex quibsis exsurgentem auctam numéro cernebant. Scribebantur
ordo unusquitque tres partes habebat. Earum unamquam- autem quatuor fere legiones quiuis millibus peditunt
clue primum pilum vocabant. Tribus ex vexillis constabat; equitibus in singulas legiones trecenis. Alterum taotum
vexrilum centum octoginta sei homines erant. Primum ex latino delectu adjiciebatur, qui ea tempestate hostes
vexillum Iriarios ducebat, veteranum militem spectatæ erant Romanis, eodemque ordine instruxerant aciem
virtutis secundum rorarios, minus roboris aetate factis- nec vexilla cum vexillis tantum universi bastati cum bas-
que tertium accensos, minmæ fiduciæ manum. Eo et tatis, principes cum principibus; sed centurio quoque
in postremam aciem rejlciebantur. Ubi bis ordinibus cum centurione,si ordines turbati non essent, coucurren-
excrcitus instructus esset, hastatiomniumprimi pugnam dum sibi esse sciebant. Duo primipili ex utraque acie In-
inibant. Si bastati prolligare hostem non possent, pede ter triarios erant Romanus corpore haudquaquamsalis
presso eos retrocedentes in intervalla ordinum principes validus, ceterum strenuus vir peritusque militiæ Lati-
recipiebant. Tum priocipum pugna erat; bastati seque- nus viribus ingens bellatorquc primus; notissimi inter se,
bantur. Triarii sub vexillis considebant, sinistro crure quia pares semper ordines duxerant. Romano haud sa-
porreclo, scuta innisa humeris, hastas subrecta cuspide tis fidenti viribus, jam Romæ permissnm erat ab consu-
in terra fixas, haud secus quam vallo sæpta inhorreret libus, ut subcanturionem sibi, quem vellet, legeret, qui
acies, tenentes. Si apud principes quoque haud satis pros- tularetur eum ab uno destinato hoste isque juvenis, iu
pere esset pugnatom, aprima acie ad triarios sensim re- acie oblatus, ex centurione Latino victoriau tulit. Pu-
fcrolantur. Inde « rem ad triarios redisse, quum labo- gnatum est baud procul radicibus Vesuvii monlie, qua vja
ratur, proverbio increbuil.Triarii consurgentes, ubi in ad Veserim ferebat.
IX. Les consul, avant de ranger leurs troupes que des Quirites, pour l'armée, les légions, les
en bataille, firent un sacrifice. L'aruspice,dit-on, auxiliaires du peuple romain des Quirites, et je
fit voir à Décius que dans la partie qu'il consultait dévoue avec moi aux dieux Mânes et à la Terre les
la tête du foie avait été mutilée du reste, ajou- légions et les auxiliaires des ennemis. » Après
tant-il, la victime était agréable aux dieux, et le cette prière, il donne ordre à ses licteurs d'al-
sacrifice de Manlius avait réussi « Alors tout va ler vers Manlius et d'annoncer à son collègue
bien, puisque mou collègue a fait un sacrifice qu'il s'est dévoué pour l'armée. Quant à lui,
agréable aux dieux. » Les troupes une fois ran- ceint de l'écharpe gabienne, il s'élance tout armé
gées, comme il a été dit plus haut, on s'avança sur son cbeval, et se précipite au milieu des en-
au combat. Manlius commandait l'aile droite, Dé- nemis. Il parut alors aux deux armées plus grand
cius la gauche. D'abord, des deux côtés, ce fut à que la forme humaine, semblable à un envoyé
forces égales et avec la même ardeur que l'action du ciel chargé d'expier le courroux des dieux et
se soutint; bientôt, à l'aile gauche, les hastats ro- de détourner de sa patrie les malheurs pour les
mains, ne pouvant soutenir le choc des Latins, reporter sur l'ennemi aussi, la terreur et l'épou-
se replièrent sur les princes. Dans ce moment da vante, passant avec lui dans l'armée latine, jetè-
désordre, le consul Décius appelle à haute voix rent d'abord le trouble parmi les enseignes, et
M. Valérius « Nous avons besoin de l'aide des bientôt se répandirent dans tous les rangs. Ce qui
dieux. Allons, pontife suprême du peuple romain, fut une chose bien évidente pour tous, c'est que
dicte-moi les paroles dont je dois me servir en me partout où l'entraîna son cheval, l'ennemi, comme
dévouant pour les légions, » Le pontife lui or- frappé par un astre malfaisant, restait saisi d'é-
donna de prendre la loge prétexte, et, la tête pouvante. Au moment où il tomba percé de traits,
voilée, une main élevée sous la toge jusqu'au les cohortes latines furent évidemment mises en
menton, debout et un javelot étendu sous les pieds, déroute, et, dans leur fuite, ne présentèrent plus
de prononcer ces paroles « Janus, Jupiter, au loin qu'un spectacle de désolation. En même
Mars, père des Romains; Quirinus, Bellone, La- temps les Romains, l'esprit libre de toute terreur
res, dieux novensiles, dieux indigètes, dieux qui religieuse, s'élançant commeau premier signal du
avez en vos mains notre sort et celui des ennemis, combat, recommencent de nouveau la lutte; car
vous aussi, dieux Mânes, je vous conjure et vous les roraires étaient accourus dans les rangs des
supplie, je vous demande la grâce, et j'y compte, antepilani, et avaient ajouté aux forces des has-
de faire au peuple romain des Quirites la faveur tats et des princes les triaires eux-mêmes, le ge-
de lui donner force et victoire, et d'envoyer aux nou droit eu terre, n'attendaient pour se relever
ennemis du peuple romain des Quirites la terreur, qu'un signe du consul.
la consternation et la mort. Comme je l'ai déclaré X. Pendant la bataille, comme en quelques
par mes paroles, je me dévoue pour la républi- points les Latins avaient l'avantage par la supé-

IX. Romani consules, prius quam cdacerent in aciem, bis nunapavi, ita pro republica Quiritium, exercitu,
immolaverunt. Decio caput joinoris a familiari parte cæ- legionibus, auxiliis populi romani Quiritium legiones
sum haruspex dicitur ostendisse; atioqui acceptam diis auxiliaque hostium nipeum diis Mauibus Telluriquede-
hostiam esse Maulium egregie litasse. Atqui bene ha- voveo. » Hæc ita precatus liclores ire ad T. Manhum ju-
bet, inquit Decius, si ab collega litatums est. » Instructis, bet, matureque collegæ se devotum pro exercilu nun-
sicut ante dictum est, ordinibus processere in aciem. tiare. Ipse, incinctus cinctu gabino, armatus in equum
Manlius deitro Decius lævo cornu pra'erat. Primo insiluit, ac se in medius hostes immisit. Conspectus ah
utrimque æquis viribus, eodem ardore animorum gere- utraque acie aliquantoaugustiorhumano risu, sicut cœlo
batur res demde ab lævo cornu hastati Romaui, non missus piaculum omnis deorum iræ, qui pestem ab suis
ferentes impressionem Latinorum, se ad principes rece- aversam in hostes ferret ita omnis terror pavorque cum
pere. In bac trepidatione Decius consul M. Valerium illo latus signa primo Lalinorumturbavit; deinde in to-
magna voce inclamat « Deorum, inquit, ope, Valeri, tam penitus aciem pervasit. Evidentissimum id fuit, quod
upus est. Agedum poutifex publieus populi romani quacunque cqno invectus est, ibi haud secus quant pes-
prmi verba, quibus me pro legionibus devoveam. Pon. tifero sidere icti pavebant ubi vero corruit obrutus Le-
tifex eum togam prætextam sumere jussit, et, velato ca- lis, iude jam haud dubie conslernatæ cohortes Latinorum
pite, manu subter togam ad mentum exserta, super te- fugam ac vastitatem late fecerunt. Simul et Romani, ex-
lum subjectum pedibus stantem sic dicere Jane, Ju- solutis religione animis, velut tum primum siguo dato
piter, Mars pater Quirine Bellona, Lares divi coorti, pugnam integram edidcrunt. Nam et rorarii pro-
Novensiles, dii Iudigetes, divi, quorum estpotestasnos- currebaut inter antepilanos, addiderautquevires hastatis
trorum hosliumque, diique Manes, vos precor, veneror, ac principihus et triarii, gcnu deitro innisi nulum
veniam pelo feroque uti populo romano Quiritium vim consulis ad consurgendum exspectabant.
victoriamque prosperetis, bostesque popuh romani Qui- X. Procedeate deinde certamine, quum ahis parhbus
ritium terrore, formidine, morteque afficiatis. Sieut ver- mulhtudo superaret Latmorum, Manlius consul, auditu
riorité du nombre, le consul Manlius, après sur pied le quart des ennemis. Les Samnites, que
avoir, à la nouvelle du dévouement de sou collè- l'on voyait au loin rangés en bataille au pied de
gue, payé, comme le lui commandaient les lois la montagne, contribuèrent aussi à jeter la ter-
divines et humaines, un juste tribut de larmes et reur parmi les Latins. Au reste, parmi tous les
d'éloges à une fin si mémorable, se demanda si citoyens et les alliés, la principale et première
ce n'était pas le moment de faire lever les triai- part de gloire revint aux consulis l'un détomua
res ensuite, persuadé qu'il valait mieux réserver sur lui seul toutes les menaces et toutes les ven-
pour l'instant décisif cette troupe encore fraiche et geances des dieux du ciel et des enfers; l'autre
entière, il fait avancer les accenses de la dernière montra dans cette bataille tant de courage et de
ligne à la première. A ce mouvement, les Latins prudence, que tous les auteurs romains ou la-
font avancer leurs triaires croyant que l'ennemi tins qui en ont transmis à la postérité le souvenir
vient d'en faire aulant ceux-ci, après s'être conviennent sans peine que, de quelque côté
quelque temps fatigués par un combat acbarné, qu'eût commandé Manlius, la victoire l'eût infail-
après avoir brisé ou émoussé leurs lances, par- liblemeut suivi. Les Latins, après leur déroute,
viennent cependant à faire plier l'ennemi ils se se retirèrent à Minturnes. Le camp fut pris à la
croient alors maîtres du combat, et parvenus à la suite du combat, et il s'y 6t un grand nombre de
dernière ligne, tout à coup le consul crie aux prisonniers, surtout campaniens. Le corps de Dé-
triaires: Levez-vous maintenant, frais que vous cius ne put être retrouvé ce jour-là, la nuit
êtes, contre un ennemi épuisé songez à votre étant venu suspendre les recherches; on le re-
pairie, à vos pères, à vos mères, à vos femmes trouva le lendemain sous des monceaux de cada-
et à vos enfants, au consul qui, pour vous don- vres ennemis, tout criblé de traits. Son collègue
ner la victoire, vient de se dévouer à la mort. lui fit des funérailles dignes de sa mort. Je crois
Les triaires se lèvent aussitôt pleins de vigueur devoir ajouter que le consul, le dictateur ou le
et tout brillants de l'éclat de leurs armes. Cette préteur, lorsqu'il dévoue des légions ennemies,
apparition soudaine d'une armée nouvelle qui n'est pas tenu pour cela de se dévouer lui-même;
s'est augmentée des antepilani reçus entre ses il lui est permis de désigner à son gré tout autre
rangs, le cri qu'elle pousse, tout contribue à citoyen, pourvu qu'il fasse partie d'une légion ro-
jeter le désordre dans les premières lignes des maine. Si cet homme que l'on a dévoué périt, on
Latins ils leur percent le visage de leurs lan- juge le sacrifice entièrement consommé; s'il sur-
ces, taillent en pièces les premières lignes, l'é- vit, alors son effigie haute de sept pieds ou plus
lite de l'armée ennemie, s'avancentpresque sans est enfouie dans la terre, et l'on immole une vic-
blessures à travers les autres manipules en quel- time expiatoire. L'endroit où cette effigie est en-
que sorte désarmés, enfoncent les bataillons, terrée ne peut être traversé sans crime par le
et en font un tel carnage qu'à peine ils laissent magistrat romain. Mais s'il veut se dévouer lui-

eventu collegm, quum, ut jus fasque erat lacrimis non prxbuere lerrorem Latinis. Ceterum iuter onmes cives
miuua quam laudibus debilis prosecutus tam memorabi- sociosque præcipua laus ejus belli pênes consules fuit
lem morlem esset; paullisper addubitavit, an consur- quorum alter omnes minas pericutaque ab diis superis
gendi jam triariis tempus esset; deinde, melius ratus in- inferisque in se unum vertit; aller ea virtute eoque con-
tegros eos ad ultimum discrimen servari, accensos ab silio in pra'lio fuit, ut facile convenerit inter Romanos
novissimaacie ante signa procedere jubet. Qui ubi subie- Latinosque qui ejus puguæ memoriam posteris tradide-
re, extemplo Latini, tanquam idem adversarii fecissent, runt, utrius partis T. Manlius dux fuisset, ejus futuram
triarios sucs excitaverunt qui aliquamdiu pugna atroci haud dubie fuisse victoriam. Latini ex fuga se Minturnas
quum et semetipsi faligassent, et bastas aut præfregis- contulerunt.Castra secundum praelium capta, mullique
sent, aut hebetassent, pellerent vi tamen hostem debel- mortales ibi vivi oppressi, maxime Campani. Decii cor-
latum jam rati, perventumque ad eltremam aciem; tum pus ne eo die ioveniretur, nox quaerentes oppressit.
consul triariis Consurgite nunc, inq uit, integri ad- Postero die inrentum inter maximam hostium stragem
versus fessos, memores patriæ parentumqueet conjugum coopertum telis; funusque ei par morti celebrante col-
ac liberorum; memores consulis pro vestra victoria morte lega, factum est. lllud adjiciendum videtur, licere cou-
oecumbentis.. Ubi triarii consurrexeruntintegri, reful- suli dictatorique et prætori, quum legiones bostium de-
gentibus armis, nova ex improviso eiorta acies, receptis voveat, non utique se, sed quem velit ex legione romaua
in intervalla ordinum anlepilanis, clamore sublalo prin- scripta civem, devovere; si is homo, qui devotus est,
cipia Latinorum perturbant hastisque ora fodientes, moritur, probe factum videri ni moritur, tum signum
primo robore virorum cæso, per alios manipulos, velut septem pedes altum, aut majus in terram defodi, et pia-
iuermes, prope intacti evasere; tanlaque cæde perrupere culum hostiam cædi, Ubi illud signum defossum erit, eu
cuncos, ut VIX quarlam partem relinquerent hostium. magistratum romanum escendere fas non esse. Sin au-
bamnites quoque, sub radicibus montis procul instructi tem sese devovere volet, sicuti Decius devovit; ni mori-
même, comme Décius l'a fait, et qu'il ne meure l'une et l'autre armée, même carnage et même
pas, aucun sacrifice privé ou public ne pourra ruine; les Romains n'ayant de la victoire que le
être purement fait par lui, qui s'est ainsi dévoué. nom, du reste, subissant la même destinée que
S'il veut vouer ses armes à Vulcain ou à tout autre les vaincus; les prétoires des deux consuls en
dieu, avec une victime ou toute autre offrande, deuil l'un par la mort d'un fils que son père a sa-
il le peut. Le javelot que le consul a tenu sous ses crifié, l'autre par celle d'un consul qui s'est dé-
pieds pendant sa prière ne doit jamais tomber voué lui-méme; leurarméeentière tailléeen pièces;
au pouvoir de l'ennemi; s'il y tombe, on offre à leurs hastats et leurs princes exterminés; devant
Mars des suovétoriles expiatoires. et derrière les enseignes, partout le massacre; les
XI. Quoique tout souvenir de nos usages civils triaires seuls n'ayant rétabli le combat qu'à la
et religieux ait péri par la préférence accordée fin. Les Latins ont sans doute aussi beaucoup souf-
aux coutumes nouvelles étrangères sur nos vieil- fert mais pour un renfort ils sont plus près du
les et nationales institutiuns, je n'ai pas cru Latium ou des Volsqucs, que les Romains ne le
hors de propos de rapporter ces détails dans les sont de Rome. Ainsi donc, si on le juge convena-
termes mêmes où ils ont été transmis et énon- ble, il ira en toute hâte faire uu appel à la jeu-
cés. Ce ne fut qu'au moment où la bataille était nesse volsque et latine, et reviendra bientôt à Ca-
déjà gagnée que les romains furent soutenus par poue avec une armée, pour fondre sur les Romains
les Samnites qui avaient attendu l'événement du qui ne s'attendent à rien moins qu'à uu combat,
combat; c'est du moins l'opiuion de quelques au- et que cette attaque imprévue frappera d'épou-
teurs. D'un autre côté, Lavinium, qui voulait se- vante. 1 De faux récits de la bataille sont envoyés
courir les Latins, perdit le temps en délibérations, par tout le Latium et la confédération volsque; et,
et les Latins étaient battus que les secours se met- comme ceux qui n'avaient pas assisté au combat
taient à peine en route. Les premières enseignes y ajoutaientplus facilement une foi inconsidérée, il
et une partie des troupes venaient de sortir des se forme aussitôt une armée, levée à la hâte et ras-
murs, quand arriva la nouvelle de la défaite des sembléede toutes parts. Le consul Torquatusmar-
Latins; ils retournèrent sur leurs pas et rentrè- che à sa rencontre, et la joint vers Trifane, eulre
rent dans la ville, ce qui fit dire à leur préteur, Sinuesse et Minturiies. Sans même se donner le
nommé Milionius, « qu'il leur faudrait payer bien temps de camper, on jeta, de part et d'autre, les
cher aux Romains le peu de pas qu'ils venaient de bagages en monceau; on courut à la charge, et
faire. » Ceux des Latins qui s'étaient échappés du cette action termina la guerre. Le désastre des
combat et dispersés sur plusieurs routes se ral- Latins fut si terrible que, voyant le consul con-
lièrent en un seul corps et se retirèrent dans la duire son armée victorieuse au pillage de leurs
ville de Vescie. Là, dans les conseils, Numisius campagnes, ils se soumirent tous, et que les Cam-
leur général, affirmait que « les désastres de la paniens firent comme eux leur soumission. Le La-
guerre étaient communs aux deux partis; dans tium et Capoue furent punis parla perte d'une par-

lur, neque suum, neque publicum divinum pure faciet, munem vere Martem belli tttamqua aciem pari cæde
quisese devoverit. Vnlcano arma sive cui alii divo vovere prostravisse, tictoritequenonien tantum peues Romanos
esse, ceterain pro victis furtunam et illos gerere funesta
volet, sive hostia sive quo alio Tolet, jus est. Telo, super
quod stans consul precatus est, hostem potiri, fas non duo consuluin prætoria, alterum parricidiofilii, aiterum
est si potiatur, Marti suovetaurilibus piaculum Beri. consulis devoti cxde trucidatumexercitum omnem; cæ-
XI. Hæc, etsi omnis divioi humanique moris memo- sos bastatos prineipesque; stragem et aute signa et post
ria abolevit, nova peregrinaquo omnia priscis ac patriis sigua factam; triarios postremo rem restituisse. Latino-
pra'fereudo, baud abre duii, verbis quoque ipsis,ut rum etsi pariter accisae copiæ tint, tanien supplementa
tradita nuncupataque sunt, referre. Romanis post prœ- vel Latium propius esse, vel Volscos, quam Romam.
lium demum factum Samnites venisse subsidio, exspectato Itaque, si videatur iis, se ex Latinis et ex Volscis popu-
evenlu puguæ, apud quosdam auctores invenio. Latinis lis juventute propere excita, rediturum infesto exercitu
quoque ab Laviuio auxilium, dum deliberando teruat Capuam esse; Romanosque,uihil tum miuus quam prœ-
tempus, victis demum ferri cœptum. Et, quum jam por- lium exspectautes, necopinato odveutu perculaurum. »
tis prima signa et pars agminis esset egressa, nuatio ai- Fallacibus literis circa Latium nomenque Volscum missis,
lato de clade Latiuorum, quum couversis signis retro in quia, qui non interfueraut puguæ, ad credeudum temere
urbem rediretur, prætorem eorum nomine Milionium faciliores erant, tumultuarius undique exercitus raptim
dixisse ferunt, pro paullula via magoam mercedem couscriptus convenit. Iluic agmini Torquatus cousul ad
Homauis esse solvendam.. Qui Latiuorum puguæ super- Trifanum (inter Siuueasam Minturnasque is locus est)
fuerant, multis ilineribus dissipati, quum se in unum occurrit. Prius quam castris locus caperetur, sarcims
conglobassetn, Vescia urbs iis receptaculum fuit. ibi in utrimque in acervum conjectis,pugnatum debellatumque
copnsilius Numisius imperator eorum, affirmando « com- est: adeo euim accisæ ree sunt, gt cousuli, victorem
lie de leur territoire. Les terres du Latium, y com- teur ne fit rien de mémorable contre les Anliatcs,
pris une partie du territoire des Privernates,celles seulement il demeura quelques mois campé sur le
de Falerne, qui avait appartenu aux Campaniens, territoire d'Antium. A cette année si remarquable
jusqu'au fleuve Vulturnc, furent distribuées au par des victoires sur tant de nations puissantes,
peuple de Rome. On donna par lot deux arpents du par la mort glorieuse de l'un des consulset parl'ar-
Lalium, avec un complément de trois quarts d'ar- rêt cruel dont l'autre a illustré sa mémoire, succé-
pents de terrain privernate, ou bien trois arpents dèrent les consulsT. Émilius Mamercinuset Q. Pu-
de terrain de Falerne, c'est-à-dire un quart en blilius Philo, à qui les circonstances ne fourni-
sus à cause de la distance. On excepta de la peine rent pas les mêmes moyens de se distinguer,et qui
imposée aux Latins les Laurentius et les cavaliers pensèrent bien plus à leurs intérêts et à leur parti
campaniens qui n'avaient point pris part à la dé- dans la républiquequ'à la patrie elle-même. Les
fection. On fit renouveler le traité des Laurentins, Latins irrités de la perte d'une partie de leur ter-
et depuis lors on le renouvelle encore chaque an- ritoire, avaient repris les armes; ils furent battus
née six jours après les féeries latines. On donna dans les plaines de Fénectum, et dépouillés de
le droit de cité aux cavaliers campaniens; et, pour leur camp. Pendant que Publilius, sous les ordres
en conserver le souvenir, cette distinction fut con- et les auspices duquel s'était donné le combat, le-
signée sur une table d'airain, qui fut attachée dans cevait la soumission des peuples latins, dont la
le temple de Castor à Rome; on imposa de plus jeunesse avait été taillée en pièces dans celte jour-
aux Campaniens l'obligation de payer par an, à née, Émilius dirigea l'armée sur Pédum. Cette
chacun d'eux (ils étaient seize cents) un tribut de ville était défendue par les Tiburtins, les Prénes-
quatre cent cinquante deniers. tins et les Véliternes il lui était venu aussi du se-
XII. La guerre ainsi terminée, et la part de cours de Lanuvium et d'Antium. Le Romain fut à
peine et de récompense ainsi faite à chacun selon la vérité vainqueur dans toutes les rencontres;
son mérite, T. Manlius revint à Rome. Il est con- mais, quant à la ville de Pédum et au camp des
stant qu'il n'y eut que des vieillards qui vinrent peuples alliés qui touchait à la ville, tout était en-
à sa rencontre; la jeunesse, alors et toute sa core à faire; tout à coup le consul laisse la guerre
vie, l'eut en horreur et en exécration. Les An- inachevée, il avait appris le triomphe décerné à sou
tiates Greut des incursions sur les terres d'Ostie, collègue, et il revenait aussi à Rome pour deman-
d'Ardée et de Solone. Le consul Manlius, malade der le triomphe avant d'avoir vaincu. Indignés
et hors d'état de suivre jusqu'à la fin cette guerre, de cette prétention, les sénateurs le lui refusent
nomma dictateur L. Papirius Crassus, qui par jusqu'à la prise ou à la reddition de Pédum. Dès
hasard était alors préteur. Celui-ci prit pour mai- lors, Émilius rompit avec le sénat, et lit du reste
tre de la cavalerie L. Papirius Cursor. Le dicta- de son consulat une espèce de tribunat séditieux.

exercitum ad depopulandos agros corum ducenli, dede- rium Crassum, qui tum forte erat parætor, dixit ab eo
rent se ommes Latini dedinouemque eam Campani se- mogister equitum L. Papirius Cursor dictus. Mihil me-
querentur. Latium Capuaque agro multati. Latmus ager, morabile adversus Antiates ab dictature gestum est, quum
Privernati addito agro, et Falernus,qui pupuli Campani aliquot menses stati vain agro Antiati habuissent. Annoin-
fuerat, usque ad Vulturnum flumen, plebi romanæ divi- sigui victoria de tot ac lam potenubus populis, ad hoc
drtur. Itiua in Latino jugera, ita ut dodrantem ex Pri- consulum alterius nobili morte, alterius sicut truci, ita
vernati comptèrent, data; terna in Falerno, quadranti- claro ad memoriam, imperio, successere consoles T. tE-
bus etiam pro longinquitate adjectis. Eitia pœnam fuere milus Mamercinus et Q. PubliisusPhilo; neque iu similem
LatiuorumLauréates Campanorumque équités, quia non materiam rermu et ipsi aut suarum rerum, aut partium
desciverant. Cum Laurentibus renovari fœdus jussum iu republica magis, quam patriæ, memores. Latinos, ob
renovaturque ei eo quotannis p ist diem decimum Lati- iram agri amissi rebellantes, in campis Fenectauis fude-
narum Equitibus Campanis civitasdata: monumentoque ruut, castrisque exuerunt. Ibi Publilio, cujus ductu au-
ut esset, æneam tabulam in a de Calons Romæ Oreruut. spicioque res gesta0 erant. in deditionem accipiente Lati-
Vectigal quoque iis Campanus populusjussus pendeie in nos populos, quorum ibi juventus cæsa erat, Æmilius ad
singulos quotannis ( fuere autem nulle et sexcenti) dena- Pedum exercitum duxit. Pedanos tuebatur Tiburs, Præ-
nos nummos quadringenotquinquagenos. nestinus, Veliternusque populus venerant et ab Lanuvio
XII. Ita bello geslo, prœmiis pœuaque pro cujusque Antioqueauxilia. Ubi quum prœliis quidem superior lio-
inerito persolutis, T. Manlius Romam rrdüt: cui venienti manus esset, ad urbem ipsam Pedum castraque sociorum
semores tautum obviam exisse constat; juventutem, et populorum, qua urlii adjuncta eraul, iuteger labor re-
lune, et omni vita deinde, aversatam eum exsecratamque. staret bello infecto repente omisso,consul, quia collegæ
Autiates in agrum Ostiensem, Ardeatem, Solonium in- decreluru triumphum audivit, ipse quoque triumphi autre
cursiones feceruut. Manlius consul quia ipse per valetu- tictoriam flagitator Romam redit. Qua cupiditate offeu-
dmem id bellum eisequt nqquiverat, dtctatorem L. Papi- sis Patribus, negautibusque, uni Ptdo capto aut dedito,
En effet, tant qu'il fut cousul, il ne cessa de dé- d'hommes, et par tous les moyens, emporter et
crier le sénat auprès du peuple, sans la moindre raser Pédum. Les nouveaux consuls, forcés de s'oc-
opposition de la part de son collègue, qui était cuper avant tout de cette affaire, se mettent en
lui-même plébéien. Il prenait la matière de ses marche. Le Latium en était au point de ne pou-
accusations dans le partage des terres du Latium voir supporter ni la guerre ni la paix les res-
et de Falerne fait au peuple avec tant de parci- sources manquaientpour la guerre, et la douleur
monie. Quand le sénat, désireux démettre fin à de se voir eulever une partie du territoire faisait
l'autorité des consuls, leur eut ordonné de nom- dédaigner la paix. On crut devoir prendre un
mer un dictateur pour aller combattre les Latins moyen terme, celui de s'enfermer dans les places;
révoltés, Émilius, qui dans ce moment avait les de peur que des attaques ne fournissent aux Ro-
faisceaux, nomma dictateur son collègue, lequel mains quelque prétexte pour faire la guerre. On
choisit pour maitre de la cavalerie Junius Brutus. convint d'ailleurs qu'à la nouvelle du siège de
Celte dictature fut populaire et par ses harangues quelque place, de toutes parts tous les peuples
accusatrices contre les patriciens et par la promul- accourraient aux secours des assiégés. Toutefois
gation de trois lois favorables au peuple et con- les habitants de Pédum furent à peine secourus
traires à la noblesse. Par la première, tous les ci- et par quelques peuples seulement. Les Tiburlins
toyens romains étaient assujettis aux plébiscites et les Prénestins, qui étaient dans le voisinage,
par la seconde les lois portées aux comices par parvinrent jusqu'à Pédum; les Ariciniens, les La-
centuriesdevaient,avantl'appelauxsuffrages,être nuviniens et les Véliternes, au moment où ils fai-
ratifiées par le sénat; par la troisième, un descen- saient leur jonction avec les Volsques d'Antium
seurs serait pris parmi le peuple, lequel avait déjà furent surpris et battus par Mænius près du fleuve
obtenu de nommer deux consuls plébéiens. Rome, Astura. Camille, auprès de Pédum, livra bataille
celte année, essuya au dedans de la part des con- aux Tiburtins, dont l'armée était très-forte; la
suls et du dictateur plus de désastres qu'elle ne lutte fut plus vive, mais le résultat n'en fut pas
reçut au dehors d'accroissement par leur victoire moins heureux. Une sortie brusque des habi-
et leurs succès militaires; c'était là du moins l'o- tants vint jeter le trouble au milieu du combat.
pinion du sénat. Camille détacha contre eux une partie de son ar-
XIII. L'année suivante, sous le consulat de mée, les refoula dans leurs murs, et, le même
L. Furius Camille et C. Mœnius, pour mieux jour, après les avoir battus eux et leurs auxiliai-
faire sentir à Émilius, consul de l'année précé- res, il escalada et prit la ville. Les deux consuls,,
dente, et rendre plus sanglant le reproche d'avoir par un nouvel et plus grand effort de courage, ré-
abandonné son expédition le sénat déclara, en solurent de passer de la prise d'une ville à la con-
pleine assemblée, qu'il fallait, à force d'armes et quête du Latium ils promenèrent partout leur

triumphum, hioc alienatus ab senatu Æmilius seditiosis actique novi consules, omnibus eam rem praverli, pro-
tribunatibui similem deinde consulatum gessit. Nam ne- Sciscuntur. Jam Latio is status erat rerum, ut neque
que, quoad fuit consul, criminari apud populum Paires bellum neque pacem pati passent. Ad bellum opes deerant:
destitit, collega haudquaquam adversante, quia et ipse pacem ob agri adempti dolorem aspernabantur. Mediis
de plebe erat ( materiam autem præbebat criminilma consiliis standum videbatur,utoppidis se tenerent; ne la-
ager in Latino Faternoqueagro maligue plebei divisus) cessitus Romanus causam belli haberet; et, si cujus op-
et,posquamsenatus, finire imperium consulibus capiens, pidi obsidio nuntiata esset, undique ex omnibus populis
dictatorem adversus rebellantes Latinos dici Jussit, Æmi-ituxilium obsessis ferretur. Neque tamen, nisi admodum
lius, cujus tum fasces erant, collegam dictatorem dixit a paucis populis, Pedani adjuti sunt: Tiburtes Præuesti-
ab eo magister equitum Junius Brutus dictus. Dictatura nique, quorum ager propior erat, Pedum pervenere.
popularis, et orationibuis in Patres criminosis, fait, etAricinosLanuvinosque et Velilernos, Antiatibus Volscis
quod tres leges secundissimasplebei, adversas nubilitali,se conjungentes, ad Asturæ flumen Maenius, improviso
tulit unam, ut plebiscita omnes Quirites tenerent alte- adortus, fudit. Camillus ad Pedum cum Tiburtibus,
ram, ut legum, quae comitiis centuriatisferrentur, ante maxime valido exercitu, majore mole, quaoquam æque
initum suffragium, Patres auctores fièrent tertiam, ut prospero eventu, pugnat. Tumultum maxime repenliua
alter utique ex plebe, quum eo ventum sit, ut utrumque iuter prœlium eruptio oppidanorum fecit in quos parte
plebeium consulem fleri liceret, censor crearetur. Plus exercitus conversa, Camillus non compulit solum eos in-
eo anno domi acceptum cladis ab consulibus ac dictatore, tra mœnia, sed eodem etiam die quum ipsos auxiliaque
quam ex victoria eorum bellicisque rébus foris auctum eorum perculisset, oppidum scalis cepit. Placuit inde,
imptrium, Patres credebaut. jam majore conatu animoque ab unius expugnatione urhis
XIII. Anno insequenti, L. Furio Camillo, C. Mwnio ad perdomandum Latium victorem circumducere exerci-
ecosulibus, quo iusignitius omissa res Æmilio, superioristum nec quievere ante, quam expugnando aut in de-
ar.ni coosuli, exprobraretur, Pedutn armis virisque et ditionem accipiendo singulas urbes, Latium omne sube-
amoi Yi expuguandum ac delendum senatus frémit co- gere. Præsidits indc dispositisper recepta opprda,Romam
armée victorieuse, et ne s'arrêterent qu'après avoir Voutez-vous, à l'exemple de nos aïeux, ajou-
pris d'assaut et forcé les villes à se rendre les unes ter à la puissance due Home, en admettant les
après les autres, et avoir subjugué tout le Latium. vaincus au nombre de vos concitoyens? L'occa-
Ce ne fut qu'après avoir laissé des garnisons dans sion est belle de vous agrandir en vous couvrant
les villes conquises qu'ils revinrent à Rome, où le de gloire car l'empire le mieux affermi est celui
triomphe leur avait été accordé d'un consentement où l'on se fait un plaisir de l'obéissance. Mais
unanime. A l'honneur du triomphe, on ajouta une il faut une prompte décision, quel que soit le
distinction bien rare en ces temps-là, celle de sta- parti qu'il vous plaise de prendre. Vous avez là
tues équestres érigées à chacun d'eux sur le fo- vingt peuples qui attendent, suspendus entre l'es-
rum. Avant d'assembler les comices pour l'élec- poir et la crainte. Affranchissez-vous donc au plus
tion des consuls de l'année suivante, Camille fit tôt de l'inquiétude qu'ils vous dounent, et, peu-
dans le sénat une proposition sur les peuples h- dant que l'attente les tient encore dans la stupeur,
tins, et s'exprima ainsi « Pères conscrits, tout frappez fortement leur imagination par la peine
ce qui dans le Latium a dû se traiter par la guerre ou par le bienfait. C'était à nous de vous mettre
et les armes, gràce à la bonté des dieux et au cou- sur toutes ces choses à portée de délibérer; c'est
rage de nos soldats, est aujourd'hui termiué les à vous de décider ce qu'il peut y avoir de mieux
armées ennemies ont été détruites à Pedum et sur pour vous et pour la république. »
l'Astura. Toutes les places latines, ainsi qu'An- XIV. Les chefs du sénat approuvèrent le rap-
lium chez les Volsques, ont été ou eulevées de port du consul sur toute l'affaire; mais, comme
vive force ou réduites à se rendre et sont occu- la cause des différents peuples n'était pas la
pées par vos garnisons. Il ne vous reste plus yu'à même, ils pensèrent qu'il y aurait moyen de
aviser aux moyens d'empêcher que les peuples statuer sur le mérite de chacun d'eux si l'on
latins nous inquiètent par leurs rébellions et de faisait successivement sur chaque peuple un rap-
les contenir dans un état permanent de tranquil- port séparé. Il y eut donc rapport et décision
lité. Les dieux immortels vous en ont tellement sur chacun en particulier. On accorda aux ha-
donné le pouvoir, qu'il dépend de vous que dé- bitants de Lanuvium le droit de cité, et on
sormais le Latium soit ou ne soit plus. Vous pou- leur rendit l'usage de leurs fêtes religieuses, à
vez, quant à ce qui regarde les Latins, vous condition toutefois que le temple et le bois sacré
assurer une paix éternelle, soit par la sévérité, de Junon Sospita seraient communs entre les La-
soit par la clemence. Voulez-vous user de cruauté nuviens municipes et le peuple romain. Aricia,
envers des peuples soumis et vaincus? Libre à Nomentum et Pédum reçurent, au même titre que
vous de détruire tout le Latium, de faire un Lanuvium, le droit de cité. Tusculum conserva
vaste désert d'un pays d'où vous est venue cette ce droit qu'elle avait l'accusation de révolte ne
helle armée sociale, dont vous vous êtes servis fut point dirigée contre la population et retomba
dans tant d'importantes et glorieuses guerres. sur quelques chefs. Les Véliternes,ancienscitoyens

ad destmatum omnium consensu triumphum deressere. crescendi per summam gloriam suppeditat. Certe id fir-
Additus triumpho honos, ut statuæ equestres iis, rara missimum longe imperium est, quo obedientes gaudent.
illa ætale res, in foro ponerentur. Prius, quam comitiis Sed maturato opus est, quicquid statuere placet. Tot po-
in insequentem aunum consules rogarent, Camill is de pulos inter spem metumque suspensos animi habetis et
Latmis populis ad senatum retulit, atque ita disseruit vestram itaque de iis curam quam primum absolvi, et
« Patres consuripti, quod
bello armisque in Latio agen- illorum animos, dum exspectatione stupent, seu pœna,
dum fuit, id jam deum benignitate ac virtute militum ad sen beueficio, præoccupari oportet. Nostrum fuitefficere,
nuem veml. Cæsi ad Pedum Asturainque sunt exercitus ut omnium rerum vobis ad consulendum potest8s esset
hostium oppida Latina omnia, et Antium ex Volscis, aut vestrum est decernere, quod optimum vobis reique pu-
vicapta, aut recepta in deditionem, præsidis tenentur sit..
lilicae
vestris. Reliqua consultatio est, quoniam rebellando sæ- XIV. Principes senatus relationem consulis de summ8
pius nos sollicitant, quonam modo perpétua pace quietos rerum laudare; sed quum aliorum causa alia esset, ita
obtineamus. Dit immorlales ita vos poteutes hujus coasi- expediri posse cousilium dicere, ut pro merito cnjusque
Li feccrunt, ut, sit Latium deinde, an non sit, in veslra siatueretur, si de singulis nominatim referrent populis.
manu posuerint. Itaque paccm vobis, quod ad Latinos ltelatum igitur de singulis decretumque. Lanuvinis civi-
attinet, parare in perpctuum vel sæviendo, vel igoos- tas data sacraque sua reddita cum eo ut a'des lucusque
ceudo, potestis. Vultis crudeliter consulere in deditos vi- Sospita Junonis communis Lanuvinis municipibus cum
ctosque? Licet delere omne Latium, vastas inde solitudi- populo Romano esset. Aricini Nomentanique et Pedani
nes facero unde sociali egregio exercitu per multa bella eodem jure, quo Lanuviui, iu civitatem accepti. Tuscu-
maguaque sæpe usi estis. Vultis exemplo maJorumaugere lanis servata civitas quam habebant, crimenque rebel-
rem Romanam, viclos in civitatem acciptendo? Materia honis a pub'ica friude in paucos auctores verstmi. la Ve-
romains, en raison de leurs révoltes nombreuses, le forum; depuis lors ce temple porta le nom de
furent traités avec rigueur leurs murailles furent Rostres.
abattues, leurs sénateurs emmenés, et tous for- XV. Sous le consulat de C. Sulpicius Longus et
cés d'habitrr au delà du ribre quiconque d'en- de P. Élius Pétus quand la puissance de Rome,
tre eux serait surpris en deçà, devait être puni autant que la reconnaissance des peuples acquise
par clarigatiun d'une amende de mille as, et, jus- par des bieufaits, consolidait la paix de toutes
qu'à l'entier paiement de cette somme, retenu parts, il s'éleva une guerre entre les Sidicins et les
dans les fers par celui qui l'aurait pris. On en- Aurunces. Les Aurunces, depuis que T. Manlius,
voya dans les terres des sénateurs de nouveaux consul, avait reçu leur soumission, n'avaient point
colons qui se joignirent aux anciens, et Vélitres remue c'était un litre de plus pour réclamer le
recouvra son ancienne population. Antium reçut secours des Romains. Mais avant que les consuls
également une nouvelle colonie, avec la permis- eussent fait sortir l'armée de la ville (car le sénat
sion, pour les Antiales, de s'inscrire, s'ils le vou- avait donné l'ordre de défendre les Aurunces), la
laient, au nombre des colons; on lui retira ses nouvelle arriva que ceux-ci effrayés avaient aban-
vaisseaux longs; on interdit la mer au peuple donné leur ville et s'étaient réfugiés avec leurs
d'Antium, et on lui donna le droit de cité. Les femmes et leurs enfants à Suessa, où ils s'étaient
Tiburtes et les Prénestins furent privés d'une fortifiés et que pour cette raison on appelle aujour-
partie de leur territoire, en punition, nou-seu- d'hui Aurunca; on ajoutait que leurs antiques
lement de leur complicité dans la révolte com- remparts avaient été détruitsparlesSidicins. Alors
mune de tous les Latins, mais encore d'avoir, le sénat, irrité contre les consuls dont la lenteur
autrefois, par dégoût de la domination romainc, avait livré les alliés, leur commanda de nommer
associé leurs armes à celles des farouches Gau- un dictateur ils nommèrent C. Claudius Régi[-
lois. Aux autres peuplades latines, on interdit lensis, qui choisit pour mailre de la cavalerie
tous marinages, tous rapports, toutes réunions en- C. Claudius Hortator. Mais il s'éleva un scrupule
Ire elles. Les Campaniens, en considération de religieux au sujet de cette dictature, et aussitôt
leurs cavaliers qui avaient refusé de partager la que les augures eureni déclaré que la, nomination
révolte des Latins, et les habitants de Fundi et de paraissait vicieuse, le dictateur et le maître de la
Formies pour avoir en tout temps fourni un libre cavalerie abdiquèrent. Cette année, la vestale Mi-
et sûr passage sur leurs terres, furent récompen- uucia, soupçonnée d'abord à cause de sa parure
sés par le droit de cité sans celui de suffrage. trop recherchée, fut accusée ensuite auprès des
Cumes et Suessula obtinrent le même droit et la pontifes sur la déposition d'un esclave. Il lui fut
même condition que Capoue. Une partie des ordonné, par un décret, de renoncer à ses fonc-
navires d'Antium fut conduite dans les arsenaux tions et de ne donner la liberté à aucun de ses es-
de Rome, une autre fut brûlée; et de leurs épe- claves puis le jugement eut lieu, et elle fut en-
rons on para la tribune aux harangues élevée dans terrée vivante près de la porte Colline, à droite

liternos, veteres cives Romanos,quod toties rebellasseut, earum suggestum, in foro exstructum, adornari placuit
graviter ssevitum et muri dejecti, et senalus inde abdu- Rostraque id templum appellatuin.
cttu, jussique trans Tiberim habitare ut ejus, qui cis XV. C. Sulpiciu Longo, P. Ælio Pæto consutibut,
Tiberim deprehensus esset, usque ad mille pondo clari- quum omnia non opes magis Romanæ, quam beneficiis
gatio esset; nec prius, quam ære persoluto, is, qui ce- parta gratin bona pace obtineret, inter Sedicinos Auruu-
pisset, extra viucula captum haberet. In agrum senato- cosque bellum ortum. Aurunci a T. Manlio consule in
rum coloni missi quibus ascriptis. speciem antiquæ deditionem accepli, nihil deinde moverant eo petendi
frequentiæ Velitræ receperuut. Et Antium nova colonia auxilii ab Romanis causa junior fuit. Sed prius, quam
missa cum eo, ut Antiatibus permitteretur, si et ipsi consules ah urbe ( jusserat enim senatus defendi Aurun-
aâcribi coloui velleut. Naves inde longæ abactæ, interdi- cos) exercitum educerent, fama affertur, Auruncos metu
ctumque mari Auliati populo est, et civitas data. Tibur- oppidum deseruisse, profugosque cum conjugibus ac li-
tes Prænestinique agro muliati, neque ob recens tantum beris Suessam communisse, quæ uunc Aurunca appellata;
rebellionis,commune cum aliis Latiuis, crimen sed quod, mœnia antiqua eorum urbemque ab Sidicinis deletam.
tædio impern Romani, cum Ciallis, geute efferata, arma Ob ea infensus consulibus senatus, quorum cunctatioue
quondam consociassent.Ceteris Latiuis populis connubia proditi socii essent, dictatorem dici jussit. Dictus C. Clau-
commerciaque et concilia inter se ademerunt. Campanis, dius Regillensis, magistrum equitum C. Claudium Hor-
equitum honoris causa, quia cum Lalinis rebellare no- tatorem dixit. Religio inde injecta de dictature et, quum
luissent,Fundanisque et Formianis, quod per fines eorum augures vitio creatum videri dixissent, dictator magister-
tuta pacataque semper luisset via, civitas sine suffragio que eyuilum se magistratu abdicarunt. Eo anno Minucia
data. CumanosSuessulanosque ejusdeni juris conditiouis- Vestdlis, suspecta primo propter mundiorem justo cultum,
que, cujus Capuam, esse placmt. Naves Anliatium partun insimulata deinde apud poutiûces ab indice servo quum
m navalta Romæ subductæ, parlim inensæ rostrisaue decreto eorum jussa esset sacris abslinere, familiamque
du chemin pavé, dans le champ du Crime, appelé des murs les échelles, et prétendaient qu'ils réus-
ainsi, je pense, du crime de cette vestale. La siraient. Corvus, sachant la chose peu facile,
même année, Q. Publilius Philo fut le premier, voulut accomplir son entreprise plutôt aux dé-
parmi les plébéiens, nommé préteur, en dépit pens des forces que du sang de ses soldats. il fit
du consul Sulpicius, qui refusait de reconnaître donc disposer des terrasses et des mantelets, et
cette nomination. Le sénat, qui n'avait pu fermer approcher les tours des murailles; mais un heu-
au peuple l'accès aux premières dignités, lui dis- reux hasard le dispensa d'en faire usage. Un pri-
pula moins encore la préture. sonnier romain, nommé Marcus Fabius, avait,
XVI. L'année suivante fut, sous le consulat de un jour de fête et grâce à la négligence de ses
L. l'apirius Crassus et de K. Duilius, remarquable gardiens, brisé ses fers, et, à l'aide d'une corde
par la nouveauté plus que par l'importance d'une attachée au créneau, il s'était laissé glisser le
guerre avec les Ausoncs. Ce peuple habitait la long du rempart jusqu'au p;ed du mur où tra-
ville de Calès il avait réuni ses armes à celles vaillaient les Romains. Ce fut lui qui décida le
des Sidicius, ses voisins. Un seul combat, peu général à attaquer des ennemis endormis dans
mémorable d'ailleurs, dispersa l'armée de ces le vin et les festins; et il ne fallnl pas plus
deux peuples; la proximité de leurs villes, après d'efforts pour prendre les Ausones avec leur ville
les avoir tentés plus tôt de fuir, rendit aussi que pour les vaincre en bataille rangée. Le bulin
leur fuite plus sûre. Toutefois le sénat ne voulut fut immense. Une garnison resta dans Calès,
point en rester là avec le Sidicins. Trop souvent et les légions revinrent à Rome. Le consul, par
ils avaient, ou pris les armes eux-mêmes, ou aidé un sénatus- consulte, obtint le triomphe; et,
àles prendre, ou occasionné la guerre. Aussi mit- pour qu'Atilius pût aussi obtenir de la gloire,
il tous ses efforts à faire nommer consul pour la les consuls reçurent l'ordre de conduire ensem-
quatrième fois le meilleur capitaine de son temps, Lle l'armée contre les Sidicins. Avant de par-
M. Valérius Corvus. On lui donna pour collègue tir, et, en vertu d'un sénatus-consulte, ils
M. Alilius Régulus; et, pour prévenir toute nommèrent dictateur, pour la tenue des co-
erreur du basard on obtint des consuls que miees, L. Émilius Mamercinus, qui se donna
sans l'épreuve du sort, Corvus serait chargé de ce pour maître de la cavalerie Q. Publilius Philo. A
commandement. Il reçoit des consuls précédents ces comices tenus par le dictateur, on élut consuls
l'armée victorieuse, se dirige sur Calès, foyer de T. Véturius et Sp. Postumius. Quoique la guerre
cette guerre, met en fuite du premier cri et du avec les Sidicins ne fût point terminée entière-
premier choc ces ennemis encore tremblants au ment, afin de prévenir par un bienfait les désirs
souvenir de leur première défaite, et décide l'at- du peuple, ils firent au sénat la proposition de
taque de la ville elle-mvme. Telle était l'ardeur l'envoi d'une colonie à Calès un sénatus-con-
des soldats, qu'ils voulaient a t'instant approcher sulte arrêta que deux mille cinq cents hommes

in poteslate habere, faclo judicio, viva sub terram aJ minis memoria pavidos, clamore alque impetu primo fu-
portam Collinam dextra via strata defossa Sceterato campo. disset mœnia ipsa oppugnare est aggressus. Et militum
Credo ab.incesto id ei loro nomen factum. Eodem anuo quidem is erat ardor, ut jam inde cum scalis succedere
Q. Publilius Philo prætor primus de plebe, adversante ad muros vellent, evasurosque contenderent. Corvus.
Sulpicio consule, qui negabat, rationem ejus se habitu- quia id arduum factu erat, labore militum potius, quam
rum, est factus; senatu, quum in summis imperiis id non periculo, peragere inceptum voluit. Itaque aggerem et
obiiuuisset, miuus in prætura tendente. vineas egit, turresque muro admovit; quarum usum forte
XVI. Insequens annus, L. Papirio Crasso, K. Duilio oblata opportunitas prævertit. Namque M. Fabius, capti-
consulibus, Ausonum maqis novo, quant magno bello vus Romanus, quum, per negligentiam custodum festo
fuit insignis. Ea Rcns Cales urbem iucnlehat. Sidicinis fi- die vinculis ruptis, per murum inter opéra Romanorum,
nitimis arma conjunxerat unuque prœlio haud sane me- rehgata ad pinuam muri reste suspensus, manibus su
morabili duorum populorum exercitus fusus, propinqui- demisisset; perpulit imperatorem. ut vino epulisque so-
late urbium et ad tugam pronior, et in fuga ipsa tutior pitos hostes aggrederetur nec majore certanuue capli
fuit. Nec tamen omissa ejus belli cura Patrlhus, quia to- cum urbe Ausoues suut, quam acte fusi erant. Præda
ties jam Sidiciui aut ipsi moverant bellum, aut movent bus capta ingens &)t præsidioque imposilo Calibus reductæ
auxihum tuleraut, aut causa armorum fuerant. Itaque Romamlegiones. Consulex scnatusconsulto triumphavit:
omni ope aunisi sunt, ut maximum ea tempestate impe- et, ne Atilius eapers glnrix esset, jussi ambo consules ad-
ratorem M. Valerium Corvmn consulem yuartum face- versus Sidiciuos ducere exercitum. Dictatorem ante ex
rent. Cullega additus Corvo fil, Atilius Rfgums et, ue seualusconsulto comitiorum babendorum causa dixerunt
forte casu erraretur, petitum ab consulibus, ut extra sor- L. Æmilium Mamercinum. Is magistrum equitum Q. Pu-
tem Corvi ea provinca esset. Exercitu victore a superio- blilium Pbilonem dixit. Dictatore comitia habente, con-
ribus consulibusaccepto, ad Cales, unde bellum ortum sules creati suut T. Veturius, Sp. Postumius. Etsi belli
erat, profectus, quum lioàtes, ab superioris etiam certa- pars cum Sidiciuis restabat, tameu, ut becelicio præve-
seraient inscrils pour cette ville; et les triumvirs jets et d'intentions hostiles; aussi l'armée romaine
créés pour l'établissement de la colonie et le par- ne quitta point le territoire des Sidicins. Mais la
tage des terres furent K. Duilius, T. Quinctius, guerre d'Alexandre d'Épire attira les Samnites en
et M. Fabius. Lucanie ces deux peuples réunirent leurs trou-
XVII. Les nouveaux consuls, après avoir reçu pes contre le roi qui avait fait une descente près
des anciens le commandement de l'armée, en- de Pestum et lui livrèrent bataille. Alexandre,
trèrent sur le territoire ennemi et arrivèrent vainqueur dans ce combat, fit la paix avec les
tout en le dévastant jusqu'aux murs de la ville. Romains; on ne sait jusqu'à quel point il eût
Là se trouvait réunie une armée formidable les gardé sa foi, si dans la suite il eût été aussi heu-
Sidicins, n'ayant plus d'autre espoir, paraissaient reux. Cette même année on fit le recensementoù
résolus à une lutte acharnée, et le bruit courait les nouveaux citoyens furent compris, et à cause
que le Samnium s'ébranlait pour prendre part à d'eux on ajouta les tribus Mœria et Scaptia celte
la guerre. Les consuls, par ordre du sénat, nom- adjonction se fit par les censeurs alors en charge,
mèrent dictateur P. Cornélius Rufus, qui choisit Q. Publilius Philo et Sp. Poslumius. Les Acer-
pour maître de la cavalerie M. Antonius. Il y eut rains furent faits Romains par une loi du pré-
des scrupules religieux au sujet de ces nomina- teur L. Papirius qui leur donna le droit de cité
tions, qui parurent vicieuses, et ils abdiquèrent. sans celui de suffrage. Tels furent les événements
Comme il survint une peste, on crut tous les aus- civils et militaires de cette année.
pices atteints du même vice et l'on eut recours à XVIII. L'année suivante fut désastreuse, soit par
l'interrègne. Ce ne fut qu'au cinquième interroi, l'intempériedu ciel soit par la perfidie des hom-
M. Valérius Corvus qu'il fut possible de créor mes c'était M. Claudius Marcellus et C. Valérius
consuls A. Cornélius pour la seconde fois et Cn. qui étaient alors consuls. Le surnom de l'un des
Domitius. Tout était tranquille; mais un simple deux consuls varie dans les annales j'y trouve ceux
bruit de guerre avec les Gaulois ayant paru assez de Flaccus et de Potitus au reste la vérité est ici
grave pour faire déclarer la républiqueen danger, de peu d'importance. Ce que j'aimerais mieux (car
on jugea convenable de nommer un dictateur. les témoignagesne sont pas unanimes), c'est qu'on
On nomma M. Papirius Crassus, et P. Valé- se fût trompé en imputant au poison la mortalité
rius Publicola maître de la cavalerie. Pendant de cette année, si tristement célèbre par une épi-
que ces magistrats pressaient les levées avec plus démie qui régna. Toutefois, pour ne démentir le
de vigueur qu'on ne l'avait fait contre les en- témoignage d'aucun auteur, je vais exposer la
nemis voisins, des éclaireurs qu'on avait en- chose telle qu'on la raconte. Comme les princi-
voyés rapportèrent que tout était tranquille chez paux citoyens de Rome périssaient de maladies
les Gaulois. Il y avait déjà plus d'un an que l'on semblableset presque tous après les mêmes symp-
soupçonnait aussi le Samnium de nouveaux pro- tômes, une esclave alla trouver Q. Fabius Maxi-

nirent desiderium plebis de colonia deducenda Cales re- quoque jam alterum annum turbari novis consiliis suspe-
tulerunt factoque senatuscousulto, ut duo millia quiu- ctum erat eo ex agro Sidicino exercitus romanus non
genti homines eo scriberentur, triumviros coloniæ de- est deductus. Ceterum Samnites bellum Alexandri Epi-
ducendae agroque dividendo creaverunt K. Duilium, rensis in Lucanos traxit qui duo populi adversus regem,
T. Quinctium, M. Fabium. exscensionem a Pæsto facientem, signis collatis pugna-
XVII. Novi deinde cousules, a veteribus exercitu ac- verunt. Eo certamine supprior Alexauder, incerlum qua
cepto, ingressi hostium fines, populando usque ad mœnia flde culturus, si perinde cetera processissent, pacem cum
atque urbem perveuerunt. Ibi, quia, ingenti exercitu Romanis fecit. Eodem anno census actus, novique cives
comparato, Sidicint et ipsi pro extrema spe dimicaturi censi, tribus propter eos additæ Mæcia et Scaptia cen-
enixe videbantur, et Samuium fama erat conciri ad bel- sores addiderunt Q. Publilius Philo, Sp. Postumius.
lum dictator ab consulibus ex autoritate senatus dictus Romani facti Acerrani, lege ab L. Papirio prætore lata,
P. Cornelius Rufinus magister equitum M. Antonius. qua civitas sinesuffragio data. Hœc eo annodomi militiæ-
Religio deinde incessit, vitio eos creatos, magistraluque que gesta.
se abdicaverunt; et, quia peatilentia insecuta est, velul XV 111. Fœdus insequens anuus, seu intemperie cœll
omnibus eo vitio coutactisauspiciis, res ad interregnum seu humana fraude, fuit, M. Claudio Marcello, C. Vale-
rediit. Ab interregno iuito per quintum demum interre- rio consulibus. Flaccum Potitumque varie in annalibus
gem M. Valerium Corvum creati consules A. Cornelius cognomen consulis invenio cetermn, in eo, parvs refert,
iterum et Cn. Domitius. Tranquillis rebus, fama Gallici quid veri sit. lllud pervelim (nec omnes auctores sunt)
belli pro tumultu valuit, ut dictatorem dici placeret. proditum falso esse, venenis absumptos, quorum mors
Dictus M. Papirius Crassus, et magister equitum P. Va- infamem annum pestilenlia fecerit. Sicut proditur tamen
lerius Publicola.A quibus quum delectus intentius, quam res, ne cui auctorumfidem ahrogaverim,exponenda est
adversus finilinia bella, haberetur, exploratores missi Quum primores civitatis similrbus morbis, codemque
altulerunt, quieta omnia apud Gallos esse. Samnium ferme omnes eventu, morerentur. ancilla quaedam ab
mus, édile curule, et promit de révéler la cause et que cette cérémonie expiatoire avait ramené à
de cette calamité publique, s'il lui faisait la pro- la raison des esprits aliénés pur la discorde, on
messe que sa révélation ne lui attirerait aucun crut devoir créer un dictateur pour attacher le
mal. Fabiusà l'instant rapporte le fait aux consuls, clou. Ce dictateur fut Cn. Quinclius, qui nomma
qui en font part au sénat; l'ordre entier consent à L. Valérius maître de la cavalerie. La solennité
donner toute assurance ù l'esclave. Alors elle dé- achevée, ils abdiquèrent leurs fonctions.
couvrit que c'était à la perfidie des femmes qu'é- XIX. On nomma consuls L. Papirius Crassus
tait due la désolation de la ville que des dames pour la seconde fois, et Plautius Venno. Au com-
romaines préparaient ces poisons, et que, si on mencement de cette année des députés volsques
voulait la suivre sur-le-champ, on en aurait de Fabraternum et de la Lucanie vinrent à Rome
bientôt la preuve. On la suivit; on surprit quel- pour demander à se mettre sous la protection du
ques femmes occupées à faire cuire des drogues et peupleromain, promettant,si on les protégeaitcon-
l'on trouva des poisons soigneusement cachés; tre les armes des Samnites, obéissance et fidélité à
tout fut apporté au forum vingt matrones envi- la domination romaine. Le sénat envoya aux Sam-
ron chcz lesquelles on en avait saisi, furent ame- nites des députés pour leur signifier de s'abstenir
nées par le viateur. Deux d'entre elles, Cornélia de toute hostilité contre le territoire de ces deux
et Sergia, l'une et l'autre de familles patriciennes, peuples. Cette députation fut écoutée moins parce
preteudirent que c'étaient des breuvages salutai- que les Samnites voulaient la paix que parce qu'ils
res; l'esclave le nia et leur ordonna d'en boire afin n'étaient pas encore prêts pour la guerre. La même
de les convaincre d'imposture elles demandent année, la guerre s'engagea contre les Privernates.
quelques instants pour se consulter; le peuple Ils avaient pour alliés les Fundaniens, et même
s'écarte, et à la vue de tous elles en confèrent un Fundanien pour chef; c'était Vitruvius Vac-
avec toutes les autres; celles-ci ne refusent pas cus, homme d'une grande célébrité, non-seule-
non plus l'épreuve: chacune boit du breuvage, et ment dans son pays, mais à Rome même, où il
toutes périssent victimes de leur propre perfidie. avait au Palatium une maison dans l'emplacement
Leurs complices arrêtées aussitôt dénoncent un qu'on appela depuis Vacciprala, quand la maison
grand nombre de matrones, et cent soixante-dix eut été rasée et le terrain confisqué. Ce fut contre
environ furent condamnées. Avant ce jour, il cet ennemi, dont les ravages s'étendaient au
n'avait jamais été question à Rome d'empoison- loin sur les territoires de Satia, de Norha et do
nements. La chose fut regardée comme un pro- Cora, que s'avança L. Papirius il prit position à
dige ou vit là des esprits égarés bien plus que peu de distance de son camp. Vitruvius ne se sentit
criminels. Aussi, comme les traditions rappor- ni la fermeté ni la prudence de se tenir derrière
taient qu'autrefois, à l'époque des retraites du les retranchements devant un ennemi supérieur
peuple, le clou avait été attaché par un dictateur, en forces, ni le courage d'aller combattre loin de

Q. Fabium Maximum ædilem curulem. indicaturam se nalibus repelita in secessionibusquondam plebis clavum
causam publicæ pestis, professa est, si ab eo fides sibi ab dictatore Gxum, alienatasque discordia mentes bo-
data esset, baud luturum noiae indlcium. Fabius confe- minum eo piaculo compotes sui fecisse, dictatorem clavi
stim rem ad consules, consules ad senatum referunt figendi causa creari placuit. Creatus Cn. Quinctihus ma-
consensuque ordinis fides indici data. Tum patefactum, gistrum equitum L. Valerium disit qui, lüo clavo, ma-
muliebri fraude civitatem premi, matronasque ea venena gistratu se abdicaverunt.
coquere; et, si sequi extemplo velint, manitesto depre- XLX. Creati consules L. Papirius Crassus iterum,
hendi posse. Secuti indicem, et coquentes quasdam me- L. Plautius Venno. Culus principio anni legati ex Volscis
dicamenta, et recoudita alia, inveuerunt. Quibus in fo- Fabraterni, et Lucani, Romam venerunt, orantes, ut
rum delatis, et ad vigenti matronis, apud quas depre- in fidem reciperentur si a Samnitium armis defeusi es-
hcns.t erant, per vialorem accitis, duæ ex iis. Cornelia sent, se sub imperio populi romani fideliter alque ohe-
ac Sergia, patriciæ utraque gentis, quum ea niedica- dienter futures. Missitum ab senatu legati, denuntiatum-
menta salubria. esse conteudereut, ab confutante indice que Samnitibus, ut eorum populorumfinibus vim abstine-
hibere jussæ ut se falsum commentam arguerent; spa- rent valuitque ea legatio, non tam quia pacem volebant
tio dd calloqueiiduiii sumpto, quum summoto populo, Samnites, quam quia nondum parati erant ad bellum.
iu conspectu omnium rem ad ceteras retuhsseut; haud Eodem anno Priveruas bellum initum cujus socii Fun-
abnuentibus et illis bibere, epoto medicamento, suamet dani, dux etiam fuit Fundanus, Vitruvius Vaccus; vir
ipse-e fraude omnes interierunt. Comprehensæ pitemplo non domi solum, aed etiam Romae, clarus, lEdes fuere
earum comités magnum numerum malrouarum indica- in Palatio ejus, quæ Vacci prata, diruto ædificio publi.
verunt ex quibus ad centum septuaginta damnatæ. Ne- catoque solo, appellata. Adversus hune, vastantemeffute
que de veneficiis ante eam diem Romæ quæsitum est. Selinum Norbanumqueet Coranum agrum L. Papirius
Prodigii en res loco habita; captisque magis mentibus, prufectus baud procul castris ejus consedit. Vitruvio nee,
quam consceleratis, similas visa. Itaque, memoria ei an- ut vallo se teneret adversus validiorem bostem, sana
son camp. disposa près de la porte son arméo,
11 propres personnes, celles de leurs femmes et de
qui eut peine à s'y développer et dont les regards leurs enfants sont et seront toujours au pouvoir du
cherchaient bien plus en arrière le moyen de fuir, peuple romain. » Le consul, après avoir félicité les
qu'en avant celui d'attaquer l'ennemi; puis, sans Fundaniens, manda par leltre à Rome que Fundi
jugement comme sans hardiesse, il engagea le était resté dans le devoir, puis se dirigea sur Pri-
combat. Il est vrai cependant que, si sa défaite fut vernum. Selon Claudius, le consul avant de
prompte et certaine, il put aisément, à cause du partir, sévit contre les chefs de la sédition il fit
peu de distance et de l'accès facile d'un camp si conduire à Rome environ trois cent cinquante
rapproché, préserver ses soldats du carnage; à conjurés chargés de fers, et le sénat ne voulut
peine en tomba-t-il quelques-uns dans la mêlée point agréer l'acte de soumission, dans la persua-
et un très-petit nombre dans la déroute, au mo- sion que le peuple de Fundi avait voulu réparer sa
ment où la foule se jetait dans le camp avec préci- faute aux dépens de pauvres et obscurs citoyens.
pitation. A l'approclie de la nuit, l'ennemi gagna XX. Pendant que les deux armées consulaires as-
Privernum en désordre, afin d'y trouver un abri siégeaient Privernum, l'un des consulsfut appelé
bien plus sûr derrière ses murailles que derrière à Rome pour les comices. Cette année-là les prisons
les palissades d'un camp. De Priveruum, l'autre furent construites dans le cirque qu'on nomme
consul, Plautius, ravageant au loin la campagne les carcères.On n'était pas encore délivré des soins
et tout chargé de butin, mène son armée sur les qu'exigeait la guerre privernate, quand éclata le
terres de Fundi. A son arrivée sur les frontières bruit d'une invasion gauloise, bruit terrible, que
le sénat de cette ville vient à sa rencontre. « Ce jamais le sénat ne négligea. Aussitôt de nouveaux
u'cst point pour Vitruvius et ses partisans qu'ils consuls, L. Émilius Mamercinus et C. Plautius,
sont venus le prier, c'est pour le peuple de Fundi, le jour même des calendes de juillet où ils
dont Vitruvius lui-même a reconnu l'innocence entrèrent en fonctions, reçurent l'ordre de régler
au sujet de cette guerre, puisque dans sa fuite il entre eux leurs attributions, et Mamercinus, à
s'est réfugié à Privernum, et non à Fundi, sa pa- qui était échue la guerre contre les Gaulois, de
trie. C'est donc à Privernumqu'il faut chercher et lever une armée sans accorder aucune dispense:
poursuivre les ennemis du peuple romaiu, qui la foule des artisans, les ouvriers sédentaires,
ont abandonné à la fois le parti de Rome et de gens peu propres au métier des armes, furent,
Fundi, ingrats également envers l'une et 1 autre dit-on, enrôlés. Une armée considérable se ras-
patrie. Les Fundaniens veulent la paix, ils ont des sembla à Véies pour marcher de là au-devant
sentiments tout romains et gardent le souvenirdu des Gaulois: on ne lui permit pas de s'éloigner,
droit de cité dont ou les a honorés. Ils supplient de peur de manquer l'ennemi s'il gagnait Rome
le consul d'épargner à un peuple innocent les hor- par un autre chemin. Quelques jours après, lors-
reurs de la guerre; leurs terres, leur ville, leurs qu'on fut bien sûr que tout était calme, toutes

constare mens, nec, ut longius a castris dimicaret, ani- ipsorum conjugumque, ac liberorumsuorum, in poles-
mus suppetere.Vix tota extra portam castrorumexplicata tate populi Romani esse, futuraque. » Collaudatis Funda-
acie, fugam magis rétro, quam prœlium aut hostem, nis, consul, literisque Romam missis iu officio Funda-
spectante milite, sine consilio, sine audacia depugnat et noa esse, ad Privernum flexit iter. Prius animadversum
ut levi momento nec ambiguë est rictus, ita brevilate in eos, qui capita conjurationis fuerant, a consule scri-
ipsa loci facilique receptu in tam propinqua castra, baud bit Claudius ad trecento3 quiaquagmta ex conjurationis
ægre militem a multa ca'de est tutatus nec fere quisquam vinctos Romam missos; eamque deditionem ab senatu
in ipso certamine, pauci in turba fugæ extremæ, quum uon acceptam, quod egentium atque humilium peena de-
in castra ruèrent, caesi; primisque tenebris Privernum fungi velle Fundanum populum censuerint.
inde petitum agmine trepido, ut mûris potius, quam XX Privernumduobus consularibusexercitibus quum
vallo, sese tutarentur. A Priverno Plautius alter consul, obsideretur,alter consul comitiorum causa Romam rc-
pervastatispassim agrisprædaqueabacta in agrum Fun- vocalus. Carceres eo anno in circo primum statuti. Non-
danum exercitum iuducit. Ingredienti tines senatus Fun- dum perfunctos cura Privernatis belli tumultus Gallici
danorum occurrit; « negant,se pro Vitruvio sectamque fama airox invasit, baud ferme unquam neglecta Patri-
ejus secatis precatum venisse, sed pro Fundano populo; bus. Extemplo igitur cousules novi, L. Emilius Mamer-
quem extra culpam belli esse, ipsum Vitruvium judicasse, cinus et C. Plautius, eo ipso die, Kalendis Quintilibus,
quum receptaculum fugm Privernum habuerit, non pa- quo magistrum inierunt, comparari inter se provincias
triam Fuudus. Priverni igitur hostes populiRomani quæ- jussi; et Mamercinus, cui Gallicum bellum evenerat
rendus persequendosque esse. qui simul a Fundanis ac scribere exercitum sine ulla vacalioois venia. Quin opifi-
Romanis, utriusque patriæ immemores, defecerint. cum quoque vulgus et sellularii, minime militiæ ido-
Fundanis pacem esse, et auimos Romanos, et gratam ueum genus exciti dicuntur Veiosque ingens exercitus
memoriam acceptæ civitatis. Orare se consulem,ut bel- contractus,ut inde obviamGallis iretur. Longius discedi,
lum ab inuoiio populo abstiucat agros, urbem, corpora ne al:u itinere hostis falleret ad urbem incedens, non
les forces destinées contre les Gaulois se tournè- Quant à moi, quoiqu'il soit bien plutôt de mou
rent contre Privernum. Ici deux versions dans devoir de demander l'opinion des autres que de
les auteurs les uns affirment que la ville fut donner la mienne, quand je considère que les Pri-
prise et que Vitruvius tomba %ivant au pouvoir vernates sont voisins des Samnites, avec qui nous
des Romains, selon d'autres, les assiégés, sans n'avons aujourd'hui qu'une paix bien incertaine,
attendre l'assaut, vinrent, le cadncée à la main, je voudrais ne pas laisserexister entre eux et nous
so remettre à la discrétion du consul, et Vitruvius le moindre ressentiment. i
fut livré par les siens. Le sénat, consulté sur Vi- XXI. La question par elle-mûmo était difficile
truvius et les Privernates, donna ordre au consul à résoudre, chacun, selon son caractère, con-
Plautius de raser les murs de la ville, d'y laisser seillant ou trop de sévérité ou trop de douceur
une forte garnison et de venir recevoir le triom- toutes les incertitudes augmentèrent par le fait
phe. Il décida que Vitruvius serait gardé en pri- d'un des députés privernates qui pensa plus à la
son jusqu'au retour du consul, ensuite battu de condition dans laquelle il était né qu'à l'état mal-
verges et mis à mort, et que sa maison, située sur heureux où il se trouvait. Un des partisans de la
le Palalium, serait démolie, et ses biens consacrés sévérité lui demandant « quelle peine, selon lui,
à Sémo Sancus. De la somme qu'on tira de la méritaient les Privernates?— Celle que méritent,
vente, on fit faire des globes d'airain qui fu- répliqua-t-il les hommes qui se croient dignes de
rent placés dans la clrapelle de Sancus, du côté la liberté. 9 La fierté de cette réponse indisposa
du temple de Quirinus. Quant au sénat Priver- plus encore ceux qui étaient déjà contraires aux
nate, il fut décrété que les sénateurs restés dans l'rivernates; le consul s'en aperçut, et, afin de
Privernum, depuis la révolte contre les Romains, provoquer, par une question bienveillante, une ré-
habiteraient au delà du Tibre aux mêmes condi- ponse plus douce: a Et si nous vous faisons la
tions que les Véliternes. Ces choses ainsi réglées, remise de toute peine, lui dit il, quelle paix pou-
jusqu'au triomphe de Plautius, il ne fut plus ques vons-nous espérer de vous?-Si vous nous la faites
tion des Privernates après son triomphe, Vilru- avantageuse, lui répondit-il, elle sera sûre et
vius et ses complices une fois mis à mort, le consul durable; si vous nous la faites désavantageuse,
pensa que le supplice des coupables avait salisfait à elle sera de courte durée. » Alors on s'écrie
la vengeance publique, et qu'il était opportun de t que le Privernate fait ouvertement des menaces
revenir sur l'affaire des Privernates. « Puisque que c'est par de telles pai oles qu'on excite à la
les auteurs de la révulte dit-il ont reçu des dieux révolte les peuples soumis. » La meilleure partie
immortels et de vous-mêmes la juste punition de du sénat donne à cette réponse une me Heure in-
leur crime, Père conscrits, quelles sont vos in- terprétation. « Les paroles qu'on vieut d'entendre
tentions à l'égard de celle multitude innocente? sont celles d'un homme decœur, d'un homme libre.

placuit. Paucos deinde post dies, satis explorala temporis Equidem, etsi meae partes exquirendæ magis sententiæ,
ejus qmete, a Gallis Privernum omnis conversa vis. Du- quam dandæ sunt, tamen, quum videam, Priveruates
plex inde fama est alii vi captam urbem, Vitruviuinque vicinos Sumnitibus esse, unde nunc nobis incertissuna
vivum iu potestatem venisse alii, priuaquam ultima pax est; quam minimum irarum inter nos illosque re-
adhiberetur vis ipsos se in deditionem consulis cadu- liuqui velim.
ceum præferentespermisisse, auctores sunt, Vitruvium- XXI. Quum ipsa per se res anceps esset, prout cujus-
que ab suis tradilum. Seuatus, de Vitruvio Privernati- que ingemum erat, atrocius miliusve suadentibus,tum
busque consultus, cousulem Plautium, dirutis Priverni incertiora omnia nous ex Privernatibus legatis fecit,
murts, prætidioque valido imposito, ad triumphum ar- magis conditionis in qua natus esset, quam præsentis
cessit; Vitruvium in carcerem asservari jussit, quoad aecessitatis, memor qui, interrogatusa quodam tris-
consul redisset; tumverberatum necari. Ædes ejus, quæ tiuris sententiæ auctore, « quam pœnam meritos Priver-
usent in Palatio, diruendas, bona Semoui Sanco cen- uates ceuseret? Eam, inquit, quam merentur, qui se li-
suerunt consecranda quodqne aris ex iis redactum est, hertate dignos censent. » s Cujus quum feroci responso in-
ex eo a»nei orbes facti, positi in sacello Sanci versus festiores factos videret consul eos, qui ante Priveruatium
ædem Qurrini. De senalu Privernale ita decretum, ut, causam impugnabant; ut ipse benigna interrogatione
qui senator Priverni post defectionem ab Romanis man- mitius responsum eliceret, Quid, si pœnam, iuquit,
sisset, traus Tiberim lege eadem, qua Veliterni habita- remittimus vobis, qualem uospacem vobiscum habituros
ret. Jiis ita decretis, osque ad triumphum Plautii silen- speremus? Sa bouam dederitis, inquit, et fidam, et per-
tium de Privernatibusfuit post triumphumconsul, ne- petuam si malam baud diuturnam.. Tum vero minari.
cato Vitruvio sociisque ejus noxæ, apud satiatos jam nec id ambigue. Priveruatemquidam, et illis vocibut ad
suppliciisuocentium tutam mentiouem de Privernatibus rebellandum meitari pacatos populos pars melior sena-
ratus; « Quoniam auctores defectionis, inquit, meritas tus ad meliora responsum trahere, et dicere, Yiri, et
pœnas et ab diis immortalibus et a vobis habeut, Patres liberi, vocem auditam. An credi posse, ullum populum.
conscripti. quid placet de innoxia multitudine fleri? aut hommem denique, in ea conditione, cujus eum pæ-
I.
Peut-on croire qu'un peuple, qu'un homme en- située maintenant Néapolis, villes qui, toutes
fin veuille rester dans un état insupportable plus deux, étaient habitées par un même peuple origi-
longtemps que ne l'y force la nécessité? La paix est naires de Cumes. Les Cumains tirent leur origine
sûre du moment où elle est faite volontairement; de Chalcis en Eubée. A l'aide de la flotte qui les
mais là où l'on veut l'esclavage, point de fidelité avait apportés de leur pays, ils s'étaient rendus
à attendre. » C'est à ce sentiment que le consul très-puissants sur les côtes maritimes qu'ils habi-
s'efforça d'amener les esprits en s'adressant de tent. D'abord ils étaient descendus dans les îles
temps en temps aux consulaires qui donnaient les Ænaria et Pithécuse; ensuite ils avaient eu la
premiers leur avis, et leur disant assez haut pour hardiesse d'aller s'établir sur le continent. Cette
être entendu du plus grand nombre Après tout, ville, comptant sur ses forces et sur l'alliance des
puisqu'ils ne pensent qu'à la liberté, ils sont bien Samnites qui trahissaient Rome, comptant peut-
dignes d'être Romains. » Ainsi la cause des Pri- être aussi sur la peste qui venait, disait-on, de
vernates fut gagnée dans le sénat, et, sur l'ordre se déclarer dans la cité romaine, avait exercé
des sénateurs, il fut proposé au peuple de leur ac- de nombreuses hostilités contre les Romains
corder le droit de cité. La même année, on en- établis dans les territoires de Capoue et de Fa-
voya à Anxur trois cents colons, qui reçurent lerne. L. Cornélius Lentulus et Q. Publilius Philo
chacun deux arpents de terre. étaient alors consuls pour la seconde fois des
XXII. L'année suivante sous le consulat de féciaux envoyés pour demander raison de ces
P. Plautius Proculus et de P. Cornélius Scapula, hostilités rapportèrent de cette peuplade grecque,
il ne se passa, dans la ville ou à l'armée, aucun plus brave en paroles qu'en actions, une réponse
événement remarquable, si ce n'est l'envoi d'une pleine d'arrogance sur la proposition du sénat,
colonie à Frégelles, dont le territoire avait appar- le peuple ordonna qu'on ferait la guerre aux Pa-
tenu aux Sidicins et ensuite aux Volsques, et aussi lépolitains. Les attributions des consuls aussitôt
une distribution de chairs de victimes offerte au réglées, Publilius se met en devoir de combattre
peuple par M. Flavius aux funérailles de sa les Grecs, et Cornélius, avec l'autre armée, de
mère. On dit alors que sous prétexte de faire s'opposer aux Samnites en cas de mouvement. Et
honneur sa mère, il payait une dette au peuple
qui l'avait absous d'une accusation dirigée con-
comme le bruit courait que ces derniers, épiant
le moment de la défection des Campaniens, de-
tre lui par les édiles, pour viol commis sur une vaient porter leur camp de ce côté, Cornélius ju-
dame romaine. Cette distribution, offerte en re- gea convenable d'y prendre position. Les consuls,
connaissancede cette première faveur, luivalut en- chacun de son côté, n'axant plus qu'un faible
core celle d'être élu, quoique absent, tribun du espoir de conserver la paix avec les Samnites, en
peuple, de préférence à ceux qui se présentèrent. avertirent le sénat.
Palépolis était peu de distance de l'endroit où est XXIII. Publilius lui fit dire que deux mille No-

niteat, diutius, quam oecesse sit, mansurum? Ibi pacem lus idem habitabat. Cumis erant oriundi. Cumani ab
esse Odam, ubi voluntarü pacati sint; neque eo loco, ubi 1 Chalcidc Euboieq originem trahuat. Classe, qua advecti
servitutem esse velint, (idem sperandam esse. » In hanc ab domo fuerant, multum in ora maris ejus, quod acco-
sententiam maxime consul ipse inclinavit animos, ideu- luat, potuere. Primo m insulas Ænariam et Pithecusas
tidem ad principes sententiarumconsulares,uti exaudiri egressi, deinde in continentem ausi sedes transferre.
posset a pluribus, dicendo, « Eos deniuin, qui nihil, Hæc civitas, quum suis viribus, tum Samnitium inflda
præterquam de libertate, cogitent, dignos esse, qui Ro- adversus Romanos societate fréta, sive pestilentiæ, quæ
mani fiant.. Itaque et in senatu causam obtinuere, et ex Romanam urbem adorta nuntiabatur, Gdens, multa ho-
auctoritate Patrum latum ad populum est, ut Priverna- gtilia adversus Romanoa, agrum Cainpanum Falernum-
tibus civitas daretur. Eodem anno Anxur trecenti in co- que incolentes, fecit. igitur, L. Cornelio Lentulo, Q. Pu-
loniam missi sunt bina jugera agri acceperunt. blilio Philone iterum consulibus, fetialibus Pala'polim ad
XXII. Secutus est annus nulla re belli domive insignis, res repetendas missis, quum relatum esset a Græcis,
P. Plautio Proculo, P. Cornelio Scapula consulibus; gente lingua magis strenua, quam factis, ferox respon-
præterquam quud Fregellas (Sidicinorumis ager, deinde sum ex auctoritate Patrum populum Palæpolitanis bel-
Yolscorum fuerat ) colouia deducta, et populo visceratio lum fieri jussit. Inter consules provinciis comparatis,
data a M. Flavio in funere matris. Erant, qui, per spe- bello Græci persequendi Publilio evenerunt; Cornelius
eiem honorandæ parentis, meritam mercedem populo altero exercitu Samnitibus, si qua se moverent, opposi-
solutam interpretarentur; quod eum, die dicta ab ædili- tus. Fama autem erat, defectioni Campanorum immi-
bus crimine stupratæ matris familiæ absolvisset. Data nentes admoturos castra. Ibi optimum visum Cornelio
visceratio in præteritamjudicii gratiam, honoris etiam ei stativa habere. Ab utroque consule, exignam spem pacis
causa fuit tribunatumque plebel, proximis comitiis, cum Samnilibus esse, certior fit senatus.
absens petentibus præfertur. Palæpolis fuit baud procul XXIII. Publilius, duo millia Nolanorum militum et
inde, ubi nunc Neapolis aita est duabus urbibus popu- quatuor Samnitium, magis Nolanis cogentibus, quam
lains et quatre mille Samnites, bien plus d'après cideront. Que ce soit donc entre Capoue et Sues
l'injonction des Nolains que d'après la volonté des sula que nos camps se rencontrent; que là se dé-
Grecs, avaient été reçus dans Palépolis; Corné- cide si le Samnite ou le Romain doit commander
lius, de son côté, lui annonça que des levées à l'Italie. » Les députés romains répondirent
avaient été ordonnées par les magistrats samoites, qu'ils iraient non pas où les appelait un ennemi,
que tout le Samnium était sur pied qu'il était mais où leurs chefs les conduiraient. Déjà Publi-
clair qu'on cherchait à soulever les villes voi- lius, qui s'était emparé d'une position avanta-
sines, Privernum, Fundi et Formies. On résolut, geuse entre Palépoliset Néapolis, avait intercepté
pour y pourvoir, d'envoyerdes députés aux Sam- toute communication entre ces deux villes qui
nites avant de leur déclarer la guerre on n'en jusque-là, suivant leurs besoins, s'étaient prêté
reçut qu'une réponse insolente. Ils accusaient les un secours mutuel. C'est pourquoi, comme le
Romains des premiers torts, et n'en cherchaient jour des comices approchait et que le rappel de
pas moins à se justifier de ceux qui leur étaient Publilius, au moment où il menaçait de si près les
imputés. a La nation n'a donné ni conseils ni se- murailles ennemies, n'eût pas été dans l'intérêt
cours aux Grecs; on n'a cherché à soulever ni de la république, on s'entendit avec les tribuns
Fundi ni Formies; car on n'aurait pas le moindre pour proposer au peuple de laisser à Publilius
regret de ne s'en tenir qu'à ses propres forces, si Philo, à l'expiration de son consulat, le comman-
on voulait la guerre. Au reste, on ne peut le dissi- dement en place du consul jusqu'à ce que la
muler, la nation des Samnites voit avec peine que guerre avec les Grecs fût terminée. L. Cornélius,
Frégelles, prise aux Volsques et détruite parelle, de son côté, était déjà entré dans le Samnium,
ait été relevée par le peuple romain, et qu'il ait et, comme on ne voulait pas non plus l'arrêter
imposé au sol samnite une colonie que les colons dans le cours de ses opérations, on lui écrivit de
appellent encore Fré-elles. C'est là un outrage et nommer un dictateur pour les comices. Il nomma
une injustice dont l'auteur leur doit une répara- M. Claudius Marcellus, qui choisit pour maître
lion, et dont, à son défaut, ils sauront à tout prix de la cavalerie Sp. Postumius. Toutefois le dicta-
faire justice. » Un député romain voulait s'en teur n'assembla point les comices, parce qu'il
rapporter à des alliés et à des amis communs s'éleva des contestations sur la validité de son élec-
« Pourquoi agir avec tous ces détours, lui répli- tion les augures consultés prononcèrent que l'é-
que-t-on ? Nos différends, Romains, ne peuvent lection du dictateur paraissait vicieuse. Les tri-
être terminés ni par des discours de députés ni buns, en incriminant cette décision, la rendi-
par la médiation d'arbitres; les plaines de la Cam- rent suspecte et la décréditèrent. « Ce n'est pas,
panie, où il nous faudra en venir aux mains, les disaient-ils, un vice si facile à connaître, puisque
armes, la commune destinée de la guerre, en dé- le consul se lève au milieu de la nuit et nomme le

voluntate Græcorum, recepta Palæpolim miserat Cor- que castra castris conferamus et Samnis Romanusne
nelius, delectum indictum a magistratibus, universum imperio Italiam regat, decernamus.. Legati Romano-
Samnium erectum, ac vicinos populos. Privernatem, rum quum se, non quo bestis vocasset,sed quo impera-
F undauumque, et Formianum,haud ambiguë sollicitari. tores sui duiissrnt, iturot esse respondissent; jam Pu-
Ob hoec quum legatos mitti placuisset prius ad Samnites, blilius, inter Palaepolim Neapolimque loco opportune
quam bellum Oeret; responsum redditur ab Samaitibus capto, diremerat hostibus societatem auxilii mutui; qua,
feroi. Ultro incusabant injurias Romanorum; neque eo ut quisque locus premeretur, inter se usi fueraut. Itaque
oegligeutius ea, quæ ipsis oblicerentur,purgabant.t Haud quum et comitiorum dies instaret, et, Publilium, imaii-
ullo publico consilio auxiliove juvari Grsecos; nec Fun- nentem hostium muris, avocari ab spe capiendae in dies
dauum Formianumve a se sollicitatos quippe minus urbis, baud e republica esset; actum cum tribunis est,
pœnilere se virium suarum, si bellum placeat. Cæterum ad populum ferrent, ut, quum Publilius Philo consulatu
uon posse dissimulare, e'gre pati civitatem Samnitium, abisset, pro consule rem gereret, quoad debellatum cura
qund Fregellas, ex Volscis captas dirutasque ab se, re- Græcis esset. L. Cornelio, quia ne eum quidem in Sam-
stituerit Romanus populus, coloniamque in Samnitium oium jam ingressum revocari ab impetu belli placebat,
agro imposuerit, quam coloni corum Fregellasappellent. litera! missae, ut dictatorem comitiorum causa diceret.
Eam se conlumeltam injuriamque, ni sibi ab iis, qui fe- Dixit M. Claudium Marcellum ab eo magister equitum
ceriut, dematur, ipsos omui vi depulsuros esse.. Quum dictus Sp. Postumius. Nec tamen ab dictatore comitia
Romanus legatus ad disceptandum eos ad communes so- sunt babita, quia, vitionecreatus esset in diaquisitionem
cios atque amicoa vocaret: Quid perplexe agimus? in- venit. Cousalti augures, vitiosum videri dictatorem,
quit. hostra certamina, Romani, non verba legatorum, pronuntiaveruot.Eam rem tribuni suspectam infamem-
nec bominum quisquam disceptator, sed Campus Cam- que crimiuando fecerunt.. Nam neque facile fuisse id
panus, in quo concurremum est, et arma, et communia Titium nosci, quum consul oriens nocte silentio diceret
Mars belli décernât. Proindo inter Cepuam Snessnlam. dictatorem neque ab consule cuiqnam publice priva-
dictateur dans le plus grand silence. Le consul tiens, d'autres villesensuite aux Messapiens et au
d'ailleursn'a écritsur ce sujet a personne, soit ma- Lucaniens, après avoir envoyé enÉpire trois cents
gistrat soit simple particulier; il n'existe pas un familles illustres comme otages, ce roi vint, non
mortel qui dise avoirvu ou entendu rien quipût vi- loin de Pandosia, ville voisine des frontières de la
cier l'auspice; et des augures, du milieu de Rome, Lucanie et du Brultium, occuper trois éminences,
n'ont pu deviner un vice survenu au milieu du situées à quelque distance l'une de l'autre; de là
camp, chez le consul. Qui ne s'aperçoit pas que il faisait des incursions sur tous les points du ter-
ce vice, aux yeux des augures, c'est que le dicta- ritoire ennemi. Il avait autour de lui près de deux
teur est plébéien?» Malgré ces propos et d'autres cents exilés lucauiens, sur la fidélité desquels il
encore inutilement lancés par les tribuns, on en comptait, mais dont les esprits mobiles, comme
vint à l'interrègne. Les comices furent différés presque toujours dans les hommes de cette na-
pour une cause ou pour une autre; et enfin, le tion, changeaient avec la fortune. Des pluies con-
quatorzième interroi, L. Emilius, créa consuls tinuelles, en inondant toute la campagne, avaient
C. Pœtelius et L. Papirius Mugillanus ou Cursor, interrompu les relations entre les trois corps de
comme je le trouve dans d'autres annales. l'armée qui ne pouvaient plus se prêter secours
XXIV. C'est celte même année qu'eut lieu, dit- les deux divisions où ne se trouvait pas le loi,
on, la fondation d'Alexandrie en Egypte, et la sont tout d'un coup surprises par une brusque at-
mort d'Alexandre, roi d'Épire, tué par un Luca- taque de l'ennemi, qui les détruit, et se dirige
nien exilé, événement qui con6rma l'oracle de vers le roi lui-même pour l'investir avec toutes
Jupiter de Dodone. Au moment où il avait été ses forces. Les exilés lucanieus envoient alors des
appelé en Italie par les Tarentins, l'oracle lui messages à leurs compatriotes, et, pour prix de
avait répondu a de se garder de l'onde Achéru- leur rappel, ils promettent de leur livrer le roi
sienne et de la ville de Pandosia, parce que là se mort ou vif. Lui, cependant, avec une troupe
trouvait le terme de sa destinée. » Alexandren'en d'élite, et dans un généreux élan d'audace, se
passa donc qu'avec plus d'empressement en Italie, fait jour à travers l'ennemi, et tue de sa main le
afin de s'éloigner le plus possible de la ville de chef des Lucaniens qui venait à lui; puis, ralliant
Pandosia, en Épire, et du fleuve Achéron, qui de son armée dispersée et fugitive, il gagne un fleuve
la Molosside coule dans les lacs infernaux et se où les ruines récentes d'un pont entraîné par la
perd dans le golfe de Tbesprotie. Mais, comme violencedes eaux lui indiquaientsa route. Pendant
presque toujours en fuyant sa destinée on s'y que sa troupe le traverse par un gué peu sûr, un
précipite, ce roi, après avoir souvent taillé en soldat, harassé de crainte et de fatigue, s'écrie,
pièces les légions bruttiennes et lucanieunes, en maudissant l'abominable nom de ce fleuve
enlevé la colonie d'Héraclée aux Tarentins, Con- « Va, on t'a bien nommé, en t'appelant Achéron. »
sentia et Siponte aux Lucaniens, Térina aux Brut- Ce mot parvient aux oreilles du roi, qui se

timve de ea re scriptum esse nec quemquam mortalium cepisset urbes et trecentas familias illustres in Epirum
exstare, qui se vidisse aut audisse quid dicat, quod au- quas obsidum numero haberet, mississet; baud procul
spicium dirimeret neque augures divinare Romæ se- Pandosia urbe, imminente Lucanis ac Bruttiis finibus,
rentes potuuse, quid in castris consuli vitü obvenisset. tres tumulos, aliquantum iuter se distantes,insedit; ex
Cui non apparere, quod plebeius dictator ait, id vitium quibus incursiones in omnem partem agri hosiilis faceret.
auguribus visum? » Hæc aliaque ab tribunis nequicquam Et ducentos ferme Lucanorum exsules circa ge pro fidis
lactata; tamen ad interregnum res redit dilatisque alia habebat, ut pleraque ejus generis ingeuia sunt, cum for-
atque alia de causa comitis, quartus decimus demum in- tuna mutabilem gerentes Odem. Imbres continui, campis
terrez L. Æmilius cousules créât C. Pœtelium, L. Pa- omnibusinundantes, quum interclusissent trifariamexer-
pirium Mngillanum. Cursorem in aliis annalibus invenio. citum a mutuo inter se auxilio, duo præsidia, qux sine
XXIV. Eodem anno Alexandriamin Ægypto proditum rege erant, improviso hostium adveutu opprimunlur
couditam Alexandrumque Epiri regem, ab exsule Lu- deletisque iis, ad ipsius obsidionem omuesconversi.Inde
cano interfeclum, sortes DodonæiJovis eventu affirmasse. ab Lucanis exsalibus ad suos nuntii missi sunt pactoque
Accito ab Tarentinis in ltaliam data dictio erat, caveret reddu promissum est, regem aut vivum, aut mortuum,
Acberuaiam aquam Pandosiamque urbem: ibi fatit ejus in potestatem daturos. Caeterum cum delectis pse, egre-
terminum dari.. Eoque ocius transmisit in Italiam, ut gium facinus ausus, per medios erumpit hostes, et ducem
quam maxime procul abesset urbe Pandosia in Epiro et Lucanorum cominus congressum obtruncat contrabens-
Acheronte amni, quem ex Molosside fluentem in stagna que suos ex fuga palatos, pervenit ad amnem, ruinis recen-
inferna accipit Thesprutius sinus. Cæterum (ut ferme fu- tibus pontis, quem vis aquæ abstulerat, indicantemiter.
giendo in média fata rnitur) quum saepe Brutlias Luca- Quem quum incerto vado traosiret agmeu, fessus metu ac
nasqne legiones fudisset, Heracleam Tarentinorum co- labore miles, increpans nomen abominandum fluminis,
roniam, Consentiam ex Lucauis, Sipontumque, Brutti3- « Jure Acheros vocaris, » inquit. Quod ubi ad aures accidit
hua Terinam, allai iude Messapiorum ac Lucauorum regis, adjecit extemplo animum fatis suis; substititque du-
rappelle aussitôt sa destinée, s'arrête, hésite à j'ai cru qu'il suffisait d'en faire ce court récit.
passer. Alors Sotimus, un des jeunes serviteurs XXV. La même année fut célébré à Rome uu
du roi, lui demande Qui peut le retenir dans Lectisterne, le cinquième depuis la fondation du
un si grand péril », et l'avertit que les Luca- la ville, toujours pour apaiser les mêmes dieux.
niens cherchent l'occasion de le surprendre. Le Ensuite, des nouveaux consuls, après avoir, sur
roi se retournant les voit au loin venir en troupe l'ordre du peuple, envoyé déclarer la guerre aux
contre lui; il tire alors son épée et lance son che- Samnites firent pour la soutenir des préparatifs
val au milieu des flots. Déjà il avait passé le gué beaucoup plus importants que pour l'expédition
et sortait du fleuve, lorsqu'un trait, lancé de loin contre les Grecs, et y joignirentd'autres renforts
par un exilé lucanien, le perce de part en part tout à fait nouveaux, auxquels ils ne s'attendaient
il tombe, et son cadavre, auquel reste fixé le ja- guère alors. LesLucaniens et les Apuliens, peuples
velot, est porté par le courant du fleuve jusqu'aux avec qui Rome, jusqu'à ce jour, n'a\aitjamais été
postes enuemis; et là, il se fait de ce corps une en relation, vmrent demander son alliance, pro-
affreuse mutilation. il fut coupé en deux une mettant des armes et des hommes pour la guerre:
moitié fut envoyée à Consentia l'autre gardée un trailé fut conclu et leur amitié acceptée. A
pour servir de jouet, était assaillie de loin à cette même époque nous avions des succès dans
coups de pierres et de javelots, lorsqu'une femme, le Samnium trois places étaient en notre pou-
du milieu de celte foule livrée aux transports voir Allifes, Callifes et Ituffrium; le reste du
d'une rage et d'une cruauté vraiment incroyable territoire, à l'arrivée des consuls, fut saccagé sur
dans des hommes, supplie qu'on s'arrête, et tous les points. Pendant que celle guerre commen-
s'écrie en pleurant, « Que son mari et ses en- çait si heureusement, celle qu'on faisait aux Grecs
fants sont prisonniers chez l'ennemi, qu'elle a toujours assiégés, touchait à sa fin. En effet, l'eu-
l'espoir, avec ce cadavre royal, tout mutilé qu'il nemi, dont les communications étaient intercep-
est, de racheter sa famille. » C'est ainsi seule- tées et les forces divisées, avait à souffrir dans ses
ment que cessèrent ces traitements atroces. Ce qui murailles des malheurs plus affreux que ce qu'il
resta de ses membres déchirés fut enseveli à Con- redoutait de l'extérieur prisonnier pour ainsi dire
sentia par les soins seuls de cette femme les os- de ses propres défenseurs, il lui fallait endurer et
sements furent renvoyés à l'ennemi dans Méta- les outrages faits à ses femmes, à ses enfants
ponte, et de là portés en Épire, à sa femme Cléo- même, et toutes les misères des villes conquises.
pâtro et à sa sœur Olympias, dont l'une était Aussi, lorsque le bruit courut qu'il lui venait de
mère et l'autre sœur d'Alcxandre-le-Grand. Telle Tarente et du Samnium de nouveaux secours,
fut la triste fin d'Alexandre, roi d'Épire quoi- trouvant déjà qu'il avait dans ses murs plus de
que la fortune l'eût empêché de se mesurer avec Samnites qu'il n'en aurait voulu, il désira vive-
les Romains, comme il porta ses armes en Italie, ment l'arrivée des Tarentins, dans l'espoir que

bius, an tranairet. Tum Sotimus, minister ex regns pue- XXV. Eodem anno lectisternimn Romæ, quinto post
ris, « quid in tanto discrimine periculi cunctaretur in- conditam urbem, iisdem, quibus ante, placandis habitum
terrogans, indicat, Lucanus insidiis quærere locum. est diis. Novi deinde consules jussu populi quum misis-
Quos ubi respeait rez procul grege facto venientes, strin- sent, qui indicerent Samnitibus bellum; et ipsi majore
git gladmm et per medium amnem trausmittit equum. conatu quam adversus Gracos, cuncta parabaut; et aha
Jamque in vadum egressum eminus veruto Lucanus exsul nova nihil tum animo tale agitantibus accesserunt auxiha.
transfigit. Lapsum indu cum inhærente telo corpus exa- Lucani atque Apuli, quibus gentibus nihil ad eam diem
uimo detulit amnis in hostium præidia. lbi fœda lacera- cum Romano populo fuerat, in fidem venerunt, arma
tio corpuris facta. Namque, praeciso medio, partem Con- virosque ad bellum pollicentes. Fœdere ergo in amicit·am
sentiam misere pars ipsis reteuta ad ludibrium. Quæ accepti. Eodem tempore eliam in Samnio res prospere ges-
quum jaculis saxisque procul iucesseretur, mulier una, ta. Tria oppida in potestatem venerunt, Allilæ, Callitæ,
ultra humanarum irarum lidem sævienti turbæ immixta, Ruffrium aliusque ager primo adventu consulum longe
ut parumper sustiuerent precata, liens ail, virum sibi Iateque est pervastatus. Hoc bello lam prospere commi so
liberosque caplos apud hostessess sperare, corpore re- alteri quoque bello, quo Græci obsidebantur, jam finis
gio utcunque mulcato se suus redempturam. » Is finis aderat. Nam, præterquamquod, intersæptis munimentis
laceratiom fuit. Sepultumque Consentiæ, quod membro- hostium, pars parti abscissa crat, fœdiora ahqnanto iutra
rum reliquum luik, cura mulieris unius ossaque Meta- muros ils, quibus hostis terrilahat, patiebantur et ve
pontum ad hostes remissa; inde Epirum devecta ad Cleo- lut capti a suismet ipsis præsidiis, indigna jam liberis
l'alram uxorem sororenique Olympiadem, quarum maler quoque ac coujugibus,et quæ captarum urbimn extrema
Magni Alexandrialtera, soror altera fuit. Hæc de Alexan- sunt, patiebantur. Itaque quum et a Tarento et a Sain-
ilii Epirensis tristi eveutu, quanquam Romano hello for- nitibus, lama essct, nova auxilia ventura, Samnit:um
tuna eum abstinuit, tamen, quia in Italia beltagessit, plus, quam vellent, intra mœnia esse rebantur i Taren-
paucis dixisse s, tia 'ij. tinorum juventutem, Græci Græcos, hand miuus per
ces derniers, Grecs eux-mêmes au milieu d'une lieux voisins Je la ville elle-même. Toutefois, di-
ville grecque, la protégeraient autant contre les sait-il, pour cette surprise, il fallait partir la nuit; il
Nolains et les Samnites, que contre les Romains, fallait, sans perdre un instant, mettre à flot les na-
leurs ennemis. A la fin, une capitulation pa- vires. Afin d'accélérer cedépart, toute t'armée des
rut encore le plus supportable des maux. Cba- Samnites, moins la garde nécessaire au service de
rilaûs et Nymphius, les premiers citoyens de la la ville, fut envoyée sur le rivage. Là, pendant
ville, aprèss'être concertés, se partagèrent les rô- que Nymphius, au milieu des ténèbres et de cette
les pour mener à Gn l'entreprise l'un devait pas- multitude qui s'embarrasse elle-mcme, confond
ser comme transfuge auprès du général romain, tout à desseiu par mille ordres contradictoires, et
l'autre demeurer dans la place pour la tenir prête gagne ainsi du temps, Charilaüs, d'intelligence
à l'exécution du projet. Ce fut Charilaûs qui vint avec ses amis, est introduit dans la place, cou-
trouver Publilius Philo « C'est pour le bien, l'in- vre de soldats romains les hauteurs de la ville, et
térêt et le bonheur des Palépolitains et du peuple leur fait pousser le cri d'alarme; les Grecs qui en
romain, qu'il est décidé à livrer la ville. Pourra- ont été avertis par leurs chefs, restent en repos.
t-on dire que par cette action il a trahi ou sauvé sa Les Nolains se portant vers l'autre côté de la ville,
patrie? cela dépend dela foi romaine. Pour lui, per- se sauvent par le chemin qui conduit à Nola.
sonnellement, il n'exige, il ne demande rien; mais Quant aux Samnites qui étaient restés en dehors de
il demande, pour son pays, bien plus qu'il ne la place, autant la fuite leur parut facile pour le
l'exige, que, si l'entrepriseréussit, le peuple romain moment, autant elle leur parut honteuse quand ils
veuille bien considérer plutôt combien il aura fallu furent à l'abri du péril. Sans armes et sans baga-
de dévouement et de courage pour revenir à son ges, ayant tout laissé entre les mains de leurs en-
amitié qu'il n'a fallu de folie et d'imprudencepour nemis, devenus un objet de raillerie pour les
s'écarter du devoir.» Le général approuva sa con- étrangers et pour leurs propres compatriotes
duite et lui confia trois mille soldats pour s'empa- dépouillés et manquant de tout, ils rentrèrent
parer de la partie de la ville où s'étaient établis dans leur pays. Je n'ignore pas une autre tradition
les Samnites. Ce corps de troupe fut placé sous les qui attribue aux Samnites la reddition de cette
ordres de L. Quinctius, tribun militaire. ville; mais outre que ce récit a été fait d'après des
XXVI. Dans cet intervalle, Nymphius, de son autorités qui méritentplus de confiance, le traité de
côté, employant l'adresse auprès du préteur des Néapolis (qui devint dans la suite le centre des
Samnites, l'avait amené, en lui représentant que affaires grecques) rend plus vraisemblablel'opi-
l'armée romaine était tout entière autour de Palé- nion qu'ils revinrent d'eux-mêmes à l'amitié de
polis et dans le Samnium, à lui permettre d'aller Rome. Le triomphe fut décerné à Publilius, sur
avec une flotte envahir leterritoirede Rome et rava- l'opinion assez fondée que c'était par le siège que
ger non-seulement la côte maritime, mais aussi les l'ennemi avait été dompté et amené à se rendre.

quos Samniti Nolanoque, quam ut Romanis hostibus re- non oram modo maris, sed ipsi urbi propinqua loca de-
sisterent eupectabant. Postremolevissimum malorum populaturum. Sed, ut falleret, nocte proficiscendum esse,
deditio ad Romanos visa. Charilaus et Nymphius,prin- extemploque naves deducendas. Quod quo maturius fie-
cipes civitatis, coinmunicato inter se consilio, partes ad ret, omnis juventus Samuitium præter necessarium ur-
rem ageodam divisere, ut alter ad imperatoremRoma- bis præsidium, ad littus missa. Ubi dum Nymphius in
norum transfugeret, alter subsisteret ad præbendamop- tenebris et multitudine semetipsa impediente, sedulo
portunam consilio urbem. Charilaus fuit, qui ad Publi- aliis alia imperia turbans, terit tempus; Charilaus, ex
lium Philonem venit et, quod bonum, faustum, felix compositoab sociis in urbem receptus, quum summa ur-
Palæpolitanis populoque romano esset, tradere se, ait, bis romano milite implesset, tolli clamorem jussit ad
mœnia statuisse. Eo facto utrum ab se prodita, an ser- quem Graeci, siguo accepto a principibus, quievere. No-
vata, patria videatur, in Ode Romana positum esse. Sibi lani per aversain partem urbis via Nolam ferente effu-
privatim nec pacisci quicquam, nec petere publice pe- giunt. Samnitibus exclusisab urbe,ut expeditior in præ-
lere, quam pacisci, magis, ut, si successissetinceptum, sentta fuga, ita fœdior, postquam periculo evaseruut,
cogitaret populus romanus, potius cu.n quanto studio visa: quippe qui inermes, nulla rerum suarum non reli-
periculuque reditum in amicitiam suam esset quam qua cta inter hustes, ludibrium non exleruis modo, sed etiam
stul.i'ia et temeritate de officio to decessum. à Coliaudatus popularibus spoliati atque egentes domos redicre. Haud
ab imperatore tria millia militum ad occupandam edm ignarus opmionis alterius, qua hac proditio ab Sammti-
partem urbls, quam Samnites insidebant, accepit prae- bus facta traditur, quum auctoribus hoc dcdi quibus di-
sidio ei L. Quinctius tribunus miluum præpositus. gnius credi est, tum fœdus Neapolitanum (eo eaim dein.le
XXVI. Eodem tempure et Nymphius prætorem Sam- summa rei Gracurum venit) similius vero facit, ipsos in
ninum arte
aggressus perpulerat, ut, quoniam omnis amicitiam redisse. Publilio trmmphus decretus; quod satis
romanus exercitus autcirca Palaepolim aut in Samnio es- credebatur, obsidioue domitos hostes in fidem vetiis,e.
set, sioeret se classe circumvebi ad romanum agrum, Duo singularia hac ei viro primum coutigere,prorogatio
Ce personnage est lepremier qui ait obtenu deux consul les a fait battre de verges et presque frapper
faveurs singulières la prorogation du comman- de la hache. Un traitement si affreux par lui-même
dement, que l'on n'avait accordée à personne paraissait plutôt l'œuvre de la violence qu'un stra-
avant lui, et le triomphe après le consulat. tagème aussi la foule soulevée conlraignit-elle
XXVII. Il éclata presque aussitôt une autre par ses clameurs les magistrats à convoauer le sé-
guerre avec les Grecs de l'autre rive. LesTaren- nat. Les uns, entourant l'assemblée, demandent
tins, qui avaient entretenu quelque temps Palépo- la guerre contre Rome; les autres courent appe-
lis d'un vain espoir de secours, à la nouvelle que ler aux armes les habitants des campagnes. Les es-
les Romains étaient maîtres de la ville, s'em- prits les plus sages se laissant aussi entraîner à ce
portèrent en reproches contre les Palépolitains, mouvement tumultueux, on décide que le traité
comme s'ils eussent été trahis par eux plutôt que d'alliance avec les Samnites sera renouvelé, et des
traîtres à leur cause. Leur colère et leur haine députés partent avec cette mission. Comme cette
contre Rome se tourna en rage, surtout quand résolution si subite parut d'autant plus suspecte
ils apprirent que les Lucaniens et les Apuliens qu'elle était moins fondée en raison, les Samnites
(car chacun de ces deux traités eut lieu cette exigèrent que l'on donnât des otages et que l'on
année) étaient venus se mettre sous la protec- reçût garnison dans les places fortes; et les Luca-
tion du peuple romain. « On est presque venu niens, aveuglés par la haine et la perfidie, ne re-
jusqu'à eux, répètent-ils bientôt ils en seront au fusèrent rien. L'imposture se découvrit bientôt
point d'avoir les Romains pour ennemis ou pour après, quand on vit les auteurs de ces accusations
maîtres. Il est certain que le sort de leur pays dé- mensongèresse retirer à Tarente mais, tout pou-
pend de la guerre des Samniles et du résultat de voir de disposer de soi une fois perdu, il ne resta
cette guerre c'est la seule nation qui résiste, et plus qu'un repentir inutile.
encore n'est-elle plus assez forte depuis la défection XXVIII. Cette année, le peuple fut en quelque
du Lucauicn; c'est donc le Lucanien qu'il fautra- sorte initié à une liberté nouvelle par l'abolition
mener et pousser à rompre l'alliance romaine; on de l'asservissement pour dettes on dut ce change-
le peut encore, si l'on sait user d'artifices pour se- ment dans le droit à l'infâme passion et à l'insigne
mer les divisions. » Ces raisons ayant prévalu sur cruauté d'un usurier nommé L. Papirius. Il rete-
les esprits avides de nouveautés, on eut recours nait chez lui C. Publilius, qui s'était livré pour re-
à l'argent pour attirer de jeunes Lucaniens, plus prendre les dettes de son père. L'âge et la beauté
célèbres dans leur pays que dignes d'estime; ils se du jeune homme qui devaient exciter sa pitié, ne
déciment entre eux à coups de verges, et se pré- firent qu'enflammer son penchant au vice et à
sententdépouillés de leurs vêtementsdans l'assem- un impur libertinage. Dans la persuasion que
blée de leurs concitoyens, où ils s'écrient que c'est cette fleur de jeunesse était un supplément à l'in-
pour avoir osé entrer dans le camp romain que le térêt de sa créance, il essaya d'abord de le séduire

imperii non ante in ullo facta, et acto honore triumpbus. esse. Deformis suapte natura res quum speciem mjuriæ
XXVII. Aliud submde bellum cum alterius orae Græcis magis, quam doli prm se ferret, concitati homines co-
exortum. Namque Tarentini, quum rem Palæpolitanam guntclamoresuo magistratus senatum vocare: etalii. cir-
vana spe auxilii aliquaudlu sustiuuissent, postquam llo- cumstantesconcilium, bellum in Romanos poscunt; ahi ad
inanos urbe potitos accepere, velut destttuti, ac uon qui concitaudamin arma multitudinem agrestium discurrunt;
il'si destduissent, increpare Palæpolitanos ira alque m- tumultuque etiam sanos consternante auimos, decerni-
vidia iu llomanus furere; eo etiam, quod Lucanoa et tur, ut societas cum Samnitibus renovaretur; legatique
Apulos (nam uirdque eo auno societas cœpta est) iu fidem ad eam rem mittuutur. Repentina res quia quam causam
populiromani venisse allalum est.. Quippe prnpcmodum nullam, tam ne fiJem quidem habebat, coacli a Samm-
perventum ad se esse jamque in eo rem fore, ut Ho- tibus et obsides dare, et præsidia in loca mumta accipere
mani aut hostes, aut domini habendi sint. Discrimen ca;ci fraude et ira oihil recusarunt. Diluceredeinde brevi
profccto rerum suarum in bello Samnitium eventuque fraus cæpit, postquam crimmum falsorum auctores l'a-
ejus verti. Eam solam geutem restare, nec eam ipsam rentum commigravere; sed, amissaomni de se potestate,
satis validam, quando Lucanus defecerit. Quem revocari nihil ultra, quam ut poeniteret frustra, restabat.
adhuc, impellique ad abolendam societatem romanam XX, III. Eo anuo plebi romanæ velut aliud initium li-
posse, qua ars serendis discordiis adhibealur..Hæc bertatis tactum est, quod necti desierunt mutatum au-
consilia quum apud cupides rcrum novandarum valuis te:n jus ob umus feneraloris simul libidinem, simul cru-
sent; ex juveutute quidam Lucanorum prelio asciti, clari delitateminsignem. L. Papirius is fuit; cui quum se C. Pu-
magis inter populares, quam bonesii, inter se mulcati blitiusob aes alienum paternumnexum dedisset,que ætas
ipsi virgis, quum corpora nuda inwlisseut in eivium cm formaque misericordiam elicere poterat, ad libidinem et
tum, vociferati sunt, se, quod castra romana mgredi ausi contumeliam animum accenderunt et, Oorem ætatis ejus
esseut, a coubule vit ges cæsos, ac prope securi pet cussns fructum adrenticiumcrediti ratue, primo pellicere ade-
lmr ses discours indécents; ensuite, comme Publi- tion donnaient déjà assez d'inquiétudes aux sé-
tius, plein de mépris, fermait les oreilles à ses im- nateurs, on apprit que le peuple Vestin devait
pudiques instances, il cherche à l'effrayer par ses aussi se joindre aux Samnites. Cette nouvelle
menaces, et lui remet sans cesse devant les yeux fut plutôt le vague sujet des entretiens de la
son affreuse misère; eufin, voyant qu'il songe ville que la matière réelle d'une discussion publi-
bien plus à sa condition d'homme libre qu'à son que; mais l'année suivante, les consuls L. Furius
état présent, il le fait dépouiller de ses vêtements Camillus, élu pour la seconde fois, et Juuius Bru-
et frapper de verges. Le jeune homme déchiré de tus Scæva, ne trouvèrent point d'affaire plus
coups parvient à s'échapper par la ville, qu'il rem- importante ni plus pressée à présenter au sénat.
plit de ses plaintes contre l'infamie et la cruauté Quoique la chose fût nouvelle, le sénat en fut si
Je l'usurier; la foule, devenue nombreuse, émue préoccupé qu'il craignit également de l'entre-
Je compassion pour sa jeunesse, indignée de son prendre et de la négliger; car d'un côté, l'im-
outrage, animée aussi par un retour sur le sort punité des Vestins encouragerait à l'audace et à
qui l'attend, elle aussi et ses enfants la foule s'é- l'insolence, et de l'autre, leur punition par la
lance dans le forum, et de là se dirige précipi- guerre jetterait dans la crainte et la colère les
tamment vers la curie. Les consuls, forcés par nations voisines. Et c'étaient toutes peuplades
ce tumulte imprévu, ayant convoqué le sénal à aussi puissantes à la guerre que les Samnites,
mesure que les sénateurs entraient dans la curie, les Marses, les Péligniens, les Marrucins, qu'il
on se précipite à leurs pieds en leur montrant le fallait s'attendre, si l'on attaquait le Vestin, à
corps tout déchiré du jeune homme. Ce jour-là lut avoir tous pour ennemis. Néanmoins ce dernier
brisé, par l'attentat et la violence d'un seul bomme, parti prévalut, et put sembler inspiré plutôt par
l'un des plus forts liens de la foi publique. Les con- le courage que par la prudence; mais l'événement
suls reçurent ordre de proposer au peuple qu'un prouva que le courage a pour soi la fortune.
citoyen désormais ne pourrait, sinon pour une D'après la décision du senat, le peuple ordonna
peine méritée, et en attendant le supplice, être re- la guerre contre les Vestins. Brutus fut chargé de
tenu dans les chaînes ou les entraves; les biens et cette expédition, et Camille de celle du Sam-
non le corps du débiteur devaient répondre de nium. On conduisit une armée dans chacun des
furent mis liberté tous
sa dette. C'est ainsi que en deux pays, et le soin de défendre leur frontière
les détenus pour dettes, et que des mesures furent empêcha les ennemis de réunir leurs forces. Au
prises pour qu'à l'avenir un débiteur ne pùt être reste, l'un des deux consuls L. Furius à qui
jeté dans les fers. était échue la plus lourde lâche, ayant été atteint
XXIX. La même année, lorsque la guerre des d'une maladie grave, se trouva ainsi par la for-
Samuites, la défection inattendue des Lucdniens tune éloigné de la guerre il reçut ordre de nom-
et la complicité des Tarentins dans cette défec- mer un dictateur pour continuer l'expédition, et

lesceutem sermone incesto est conatus; dein, postquam ut et Vestinus populus Samnitibus sese conjuageret.Quæ
asperuabantur flagitium aures, minis territare, atque res sicut eo anno sermuuibus magis passim hominum ja-
ideutidem admonere fortunæ; postremo, quum ingenui- ctata, quam in publico ullo concilio est; ita insequentis
talis magls, quam praesentis conditioois, memorem vi- anni consulihus L. Furio Camillo iterum, Junio Bruto
deret, nudari jubet, verberaque afferri. Quibus laceratus Scævæ, nulla prior potiorque visa est, de qua ad senatum
juvenis, quum se iu publicum proripuisset, libidinem referrent. Et, quanquam nova res erat, tamen tanta cura
crudelitatemqueconquerens feneratoris; ingens vis ho- Patres jucessit, ut pariter eam susceptam neglectamque
minum, quum ætatis niiseratione atque indignitate inju- timerent; ne aut impunitas eorum lascivia superbiaque,
riæ accensa, tum suæ conditionis liberumque suorum aut bello pœoæ expetilæ meta propinquo atque ira cuu i-
respectu, in forum, atque inde, agmine facto, ad Curiam rent finitimos populos. Et erat geaus omoe abunde bello
concurrit. Et quum cousules, tumultu repentmo coac i, Samnitibus par, Marsi Pelignique et Marrucini; quos, sa
senatum vocarent, introeuntibus in curiam Patribus la- Vestinus attmgeretur, omnes habendos hostes. Vicit ta-
cera um juven s tergum procumbentes ad singulorum men pars, quæ in praesentia videri poluit majoris animi,
pedes, ostentabant. Victum eo die ob impotentem inju- quam consilii; sed eventus docuit, fortes fortunam juvare.
riam unius iugeus vinculum tidei; jussique consules ferre Bellum ex aucloritatePatrum pnpulus adversus Vestinos
ad populum ne quis, nisi qui noxam meruisset, donec jussit. Provincia ea Bruto, Samnium Camillo sorte eve-
pœnam lueret, in compedibusaut in nervo tener etur; pe- nit. Exercitus utroque ducti, et cura tuendorum finium
cumæ creditæ bona debitoris,non corpus obnoxiumesset. hostes proh biti conjungere arma. Ceteruni alterum con
Ita uexi soluti; cautumque in posterum, ne necterentur. sulem L. Furium, rui major molrs rerum imhosita erat,
XXIX. Eodem anno, quum satis per se ipsum Samni- morbo gravi implicitum fortuna bello subtraxit; jussus-
tium bellum et defectio repens Lucanorum, auctoresque que dictatorem dicere rei gerend e causa, longe clarissi-
defectionsTarentiui sollicitos babereat Patres accessit, mum bello ea tempestate d nt L Papirrum fnrsnrem, a
il nomma le plus illustre guerrier de celte époque, cune affaire avec l'ennemi. Fabius, après le dé-
L. Papirius Cursor, qui choisit Q. Fabius Maximums part du dictateur, apprend par ses éclaireurs que
Rullianus pour maître de la cavalerie couple tout chez l'ennemi est dans une négligence aussi
fameux par ses exploits pendant sa magistrature, complète que s'il n'y avait pas un seul Romain
mais plus encore par la mésintelligence qui les dans le Samnium; alors ce jeune homme au cœur
poussa jusqu'aux dernières hostilités. L'autre fier, soit indigné que tout parût reposer sur
consul lit conlre les Vestins uue guerre en quel- le dictateur, soit entraîné par l'occasion de bien
que sorte multiple, mais toujours avec le même faire dispose et prépare son armée qu'il fait
succès; il ravagea des campagnes, saccagea, marcher sur Imbrinium (c'est le nom du lieu),
brûla les liabitations des ennemis avec leurs et livre bataille aux Samnites. L'affaire se passa
moissons, les attira ainsi malgré eux au combat; si heureusement, qu'il n'y manqua rien, et le
et, dans une seule bataille, il ruina si bien dictateur en personne ne l'aurait pas mieux diri-
leurs forces, non toutefois sans perte d'hom- gée le général ne fit point faute au soldat, ni le
mes, que les Vestins non-seulement s'enfuirent soldat au général. Les cavaliers, par le con-
dans leur camp, mais, ne se croyant plus même seil de Cominius, tribun militaire, après avoir
en sûreté derrière leurs palissades et leurs fossés, essayé en vain pendant quelque temps et à plu-
se dispersèrent dans les places fortes dont la po- sieurs reprises de rompre la ligne ennemie, otè-
sition et les remparts pouvaient les défendre. A rent la bride à leurs chevaux, les lancèrent à
la fin, il entreprit aussi d'emporter ces places coups d'éperons avec une telle force que rien
d'assaut, Culinn d'abord, que, grâce à l'ardeur et ne put tenir devant eux et porterent au loin à
à la rage de ses soldats, dont presque pas un n'é- travers les armes et les hommes le désastre et la
tait sorti du combat sans blessure, il enleva par mort. L'infanterie s'élança à la suite de la cavale-
escalade; et ensuite Cinglia. Le butin faitdaus ces rie et se précipita avec ses enseignes au milieu des
deux villes fut abandonné à ses troupes, que n'a- rangs en désordre. Vingt mille ennemis périrent,
vaient pu arrêter ni portes, ni murailles ennemies. dit-on, dans cette journée. Des auteurs prétendent
XXX. On partit pour le Samnium sous des aus- que, deux fois pendant l'absence du dictateur,
pices équivoques celte circonstance fâcheuse on en vint aux mains avec l'ennemi et que deux
tourna, non contre la guerre qui fut heureuse, fois la chose se passa heureusement.Dans les plus
mais contre les généraux qui luttèrent de haines anciens écrivains, on ne trouve que cette seule
et d'animosilés. En effet, le dictateur Papirius, bataille; dans quelques annales, il n'est pas du
au moment de retourner à Rome sur l'avis du tout question de cette affaire. Le maître de la ca-
pullaire, pour reprendre les aupices, avait donne valerie, qui avait retiré de nombreuses dépouilles
ordre au maitre de la cavalerie de se tenir dars sa d'une si grande déroute, fit rassembler en un tas
position et de n'engager pendant son absence au- immense et brûler les armes prises sur l'ennemi,

que Q. Fabius MaximusRullianus magister eyuitum est fectionem dictatoris per exploratores comperisset, per-
dictus; par nohile rebus in eo magistratu gestis, discor- inde omuia soluta apud hostes, ac si uemo Romanus iu
dia tamen, qua prope ad ultimum dimicationis veutum Samnio esset; seu ferox adolescensindignitat2 accensus,
est, nobitius. Ab altero consule in Vestinis multiplex bel- quod omuia in dictatoreviderenturreposita esse; seu oc-
lum nec usquam vario eventu gestum est. Nam et per- casionebene gerendærei inductus, exercitu instructo pa-
vastavrt agros et, populando atque urendo tecta hostium ratoque profectus ad Imbriuium (ita vocant locumacre
sataque, in aciem invitos extraxit; et ita prælio uuo ac- cum Samuitibus couflixit. Ea fortuna pugnæ fuit, ut m-
cidit Vestinorum res, haudquaquam tamen incruento hil relictum sit, quo, si affuisset dictator, res mehus geri
imlite suo, ut non in castra soluin relugereut hostes,sed, poluerit; non dui militi, non miles duci defuit. Eques
jam ne vallo quidem ac fossis freti, dilaberentur in op- etiam, auctore L. Cominio tribuno militum, qui aliquo-
pida situ urbmm mœnibusque se defensuri. Poslremo ties impetu capto perrumpere non poterat hostium agmen,
oppida tluoque vi eipuguare adortus primo Cutinam detraxit frenos equis; atque ita coocitatoscalcaribus per-
ingeuti ardore militum aut vuluerum ira, quod haud fere misit, ut sustinere eos nulla vis posset. Per arma, per
qutsquam integer prælio eicesserat, scalis cepit deinde viros lato stragem dedere. Secutus pedes impetum equi-
Cmgiliam. Utriusque urbis prædam mthtibus, quod eos tam, turbatis hostibus intulit signa. Viginli millia hos-
ueque portæ neque muri hostium arcuerant, concessit. tium cæsa eo die traduotur. Auctores ab eo bis cum hoste
XXX. la Samnium incertis ilum auspichs est cujus signa collata dictatore absente, bis rem egregie gestant.
rei vitium non iu belli eveutum, quod prospère gestum Apud antiquissimos srriptorcs una hoec pugua evenitur;
est, sed in rabiem atque iras imperatorum vertit. Vam- in quibusdam annalibus tota res prætermissa est. Magis-
que Papirius dic ator, a pullario monitus quum ad au- ter equitum, ut extanta cæde multis potitus spohis con
spicrum repetendum Romam proficisceretur, magistro gesta m ingentem acervum hostilia arma subditoignecon-
equitum denuntiavit, ut sese loco teneret, neu, absente cremavit seu votum id deorum cuil'iam fuit; seu credet c
se. cam boîte manum conseret et. Fabius quum oqt pro hbel Fabio auc!ori, eo foctum, ne suæ gloriæ fructum
soit qu'il en eût fait le vœu à quelque divinité, ger la fortune, la victoire aux Samnites qu'aux
soit qu'il voulût, s'il faut en croire l'historien Fa- Romains. Il parle de son autorité méprisée, comme
bius, empêcher le dictateur de recueillir le fruit s'il n'avait pas défendu de combattre dans le même
de sa propre gloire, et d'inscrire son nom au bas esprit dont il s'afflige que l'on ait combattu
de ces trophées, ou de porter ces dépouilles à son alors c'était par envie qu'il aurait voulu enchainer
triomphe. La lettre qu'il écrivit au sujet de cette le courage des autres, arracher leurs armes à ses
victoire au sénat et non au dictateur, prouve en- soldats impatients, pour qu'ils ne pussent com-
core qu'il ne l'admettait point à partager sa gloire. battre en son absence; aujourd'hui, il n'est fu-
Il est certain au reste, que le dictateur, à la rieux et indigné que parce que, sans L. Papirius,
nouvelle de cette victoire, loin de s'en réjouir avec les soldats ont fait usage et de leurs armes et de
les autres, en montra de la colère et du chagrin. leurs bras; parce que Q. Fabius s'est cru maître
Il congédia aussitôt le sénat, sortit brusquement de la cavalerie et non un accense du dictateur.
de la curie, et alla répétant partout que c'étaient Qu'aurait-il fait si, par un de ces hasards, par
moins les légions samnites que la majesté dic- une de ces chances communes à tous dans la
tatoriale et la discipline militaire qui avaient été guerre, on avait essuyé un échec, lui qui, voyant
vaincues et détruites par le maître de la cavale- l'ennemi vaincu et la république si bien servie,
rie, si le mépris de ce dernier pour l'autorité qu'elle n'eût pu l'être mieux par le dictateur,
demeurait impuni. Pleiu de menaces et de colè- ce chef unique, menace du supplice le maître
re, il partit pour le camp, et, quoiqu'il matchât de la cavalerie? Ce n'est pas qu'il en veuille plus
à grandes journées, il ne put devancer le bruit au maître de la cavalerie qu'aux tribuns militaires,
de sou arrivée. On était accouru de la ville an- qu'aux centurions, qu'aux soldats s'il pouvait, il
noncer que le dictateur arrivait impatient de pu- sévirait contre tous; mais comme il lui est impos-
nir, et ne parlait presque que pour vanter l'ac- sible, il sévit contre un seul. L'envie d'ailleurs, de
tion de T. Manlius. même que la flamme, s'attaque à tout ce qui est
XXXI. Fabius, au milieu d'une assemblée qu'il grand; c'est contre la tête, contre le chefde l'entre-
aaussitôt convoquée, conjure les soldats de faire prise que sont dirigées les haines si le dictatcur
servir ce courage avec lequel ils ont delendu la peut faire disparaître à la fois l'homme avec sa
république contre ses ennemis les plus acharnés gloire, alors il dominera en vainqueur comme sur
à le protéger, lui, sous la conduite et les auspices une armée captive, et tout ce qu'il aura pu contre
duquel ils ont vaincu, contre l'implacable cruauté le maître de la cavalerie, on l'osera contre les sol-
du dictateur. Il vient, égaré par l'envie, irrité du dats. Ainsi, dans la cause de Fabius, ils serviront la
courage et du bonheur d'autrui furieux que liberté de tous. Si le dictateur voit que l'armée,
pendant son absence la république ait été bien qui a été unanime pour marcher au combat, l'est
servie; il aimerait mieux voir, s'il pouvait chan- également pour défendre sa victoire, et que tous

dictator caperet, nomenque ibi scriberet, aut spolia in rium dictitare spretum, tanquam non eadem mente pu-
triumpho ferret. Littera: quoque de re prospère gesta ad gnari vetuerit, qua pugnatum dwleat et tune invidia im-
seuatum, non ad dictatorem, missæ, argumentum fuere pedire virtutem alienam voluisse, cupidissimisque arma
miuime cum eu communicantis laudes. Ita certe dictator ablaturum fuisse milrtibus ne, se absente, moveri pos-
id factum accepit, ut, littis aliie Victoria parta, prae se sent et nunc id furere id æegre pati, quod sine L. Pa-
lerret iram tristrtiamque. Misso iiaque repente senatu, se pirio, non inermes, non manci militea fueriut; quod se
ei Curia proripuit tum vero, non Sammtium magis le- Q. Fabms magistrum equitum duxerit, ac non accensum
giones, quam majestatem dictatoriam et discipliuam mili- dictatoris. Qmd illum facturum fuisse, si, quod belli ca-
tarem, a magistro equitum victam et eversam dictitans, sus ferunt, Marsque communis, adversa pugna evenis-
ai illi impune spretum imperium fuisset. Itaque plenus set; qui sibi, deuctis hostibus, republica bene gesta, ita
minarum iræqne, profectus in castra, quum maximis ut non ab illo unico duce melius geri potuerit, supplicimn
itineribus isset, non tamen prævenirefamam adventus sui magistro equitum minetur? Neque illum magistro equi-
potuit. Præcucurrerant enim ab urbe, qui nuntiarent, tum infesliorem, quam tribnms militum, quam centu-
dictatorem avidum pœnæ venire alternis paue verbis rionibus, quam militibus esse. Si possit, iu omnes sa'vi-
T. Manli factum laudantem. turum fuisse; quia id nequeat, in uuum sævire. Etiam
XXXI. Fahius concione extemplo advocata obtesta- invidiam, tanquam ignem, somma pelere; in caput con-
tus milites est, « ut, qua virlute rempublicam ab inles- silii, in ducem iucurrere. Si se simul cum rloria rei
tissirnis hostibus défendissent, eadein se cujus duclu gestæ exstmxisset, tune victorem, velut in capto exercitu
auspicioque vicissent, ab impotenti crudelitate diUatoris dominantem, quicquid licuerit in magistro equitum, in
tutarentur. Venire amentem invidia, iratum virtuli alie- militilms ausurum. Proinde adessent in sua causa ommium
næ felicitatique, furere, quod, se absente, respublica libertati. Si conbensum exercitus eumdem qui in prxlio
egregie gesta esset rualle, si mutare fortunam posset, fuerit, in tuenda victoria videat, et salutem unius ornui-
apud Samnites, quam Romanos, victoriam esse. Impe- bus curae esse inclinaturum ad clementiorcm sententiam
veillent au salut d'un seul, il inclinera sans dote l'eunemi? C'est au mépris de ma défense, malgré
à des sentiments de douceur. Enfin, il confie sa l'incertitude des auspices, en dépit de nos saintes
vie et sa fortune à leur foi et à leur courage. s cérémonies; c'est au préjudice des lois militaires,
XXXII. De tous les côtés de l'assemblée on lui contrairementà la discipline de nos ancêtres et à
crie d'avoir confiance nul ne portera atteinte à la volonté des dieux, que tu as osé livrer combat
sa personne, tant qu'il y aura des légions romai- voilà ce que je demande, réponds; réponds à cela
nes. Peu après le dictateur arriva, et la trom- seul; pas un mot hors de là, prends-y garde. Ap-
pette sonna aussitôt pour convoquer l'armée. Le proche, licteur. » Répondre à chacune de ces
silence s'etablit bientôt, et le héraut somma de questions n'était pas chose facrle; aussi, tantôt
comparaitro Q. Fabius maître de la cavalerie. Fabius se plaignait-ild'avoir le même homme pour
Celui-ci qui se trouvait assez loin au-dessous du accusateur et pour juge, tantôt s'écriait-il qu'on
tribuual, s'en approcha aussitôt, et le dictateur pouvait lui arracher la vie plutôt que la gloire de
lui dit ci Je veux savoir de toi, Q. Fabius, puisque ses actions tour à tour aussi il se justifiait et ac-
la dictature est la puissance suprême à laquelle cusait le dictateur. Papirius alors sentant se ral-
obéissent et les consulsrevêtus de l'autorité royale, lumer sa colère, ordonna de dépouiller de ses vê-
et les péteurs créés sous les mêmes auspices que tements le maître de la cavalerie, d'apprêter les
les cousuls, je veux, dis-je, savoir de toi, si tu verges et les haches. Fabius invoquant la foi des
crois juste ou non qu'un maître de la cavalerie se soldats pendant que les licteurs lui arracbaientses
soumette à ses ordres? Je te demande encore, si, vêtements, se réfugia auprès des triaires qui déjà
convaincu que j'étais à mon départ de Rome de excitaient le désordre dans les rangs. Les clameurs
l'incertitude des auspices, je devais livrer au ha- se propagèrent bientôt dans l'assemblée entière;
sard le salut de l'état en dépit de nos saintes cé- on entendait ici des prières, là des menaces. Ceux
rémonies, ou renouveler les auspices, aGn de ne qui par hasard se trouvaient le plus près du tri-
rien faire sans avoir clairement les dieux pour bunal et qui, placés sous les yeux du général,
nous? Je te demande enfin, si, quand un scrupule pouvaient être reconnus de lui, le conjuraient de
de rcligion empêcliait le dictateur d'agir, le maî- pardonner au maître de la cavalerie et de ne point
tre do la cavalerie pouvait s'en défendre et s'en condamner l'armée avec lui. Aux derniers rangs
affranchir entièrement? Mais pourquoi toutes ces de l'assemblée et dans le groupe qui entourait Fa-
questions? puisque, alors même je serais parti bius, on attaquait hautement l'impitoyable dicta-
sans donner d'ordres, tu devais régler ta con- teur, et une sédition n'était pas loin d'éclater
duite d'après l'interprétation que tu pouvais faire on n'était pas même tranquille autour du tribu-
de ma volonté. Réponds-moi ne t'avais-je pas nal. Les lieutenantsqui environnaient le siège du
défendu de rien tenter pendant mon absence? Ne dictateur le suppliaient de remettre l'affaire au
t'avais-je pas défendu d'en venir aux mains avec jour suivant, de donner du relâche à sa colère et

animum. Postremo se vitam fortunasque suas illorum tu imperio meo spreto, incertis auspiciis,turbatis rcli-
fldei virtutique permiltere. gionibus, adversusmoremmilitaremdisciphnamque ma-
XXXII. Glamor e tota concione ortus, uti bonwnani- jorum et numen deorum ausus es cum hoste confligere-
mum hdberet neminem illi vim allaturum, salvis legio- Ad hæc, quas interrogatnses, responde eura ea, cave,
uibus romanis. Haud multo post dictator advenit clas- vocçm mittas. Accede, lictor..Adversus quæ singula
sicoque extemplo ad concionem advocavit. Tum, silentio quum respondereband facile esset, et nunc quereretur,
facto, præco Q. Fabium magistrum equitum cilavit. Qui eumdem accusatorem capitis sui ac judicem esse modo,
simul ex inferiore loco ad tribunal accessit,tum dictator: vitam sibi eripi citius, quam gloriam rerum gestarnm
« Quæro, in uit, de te, Q. Fabi quum summum
impe- posse vociferarelur purgaretque se in vicem atque
rium aictatoris sit pareantque ei consules, regia potes- ultroaccusaret; tune Papirius, redintegrata ira, spoliari
tas, prætores usdem auspicus, quibus consules, creali; magistrum equitum, ac virgas et secures expediri jussit.
æquum censcas necue magistrum equitum dicto au- Fabius, fidem militum implorans, lacerantibus vestem
dientem esse?Itemqiie illud interrogo, quum me iucertis lictoribus, ad triarios, tumultum jam in concione mis-
auspiciis profectum ab domo scirem, utrum mibi turba- centes, sese recepit. Inde clamor iu totam conciouem est
lis religionibus respublica in discrimen cummittenda fue- perlatus alibi preces, alibi minæ audiebantur.Qui proxi-
rit, an auspicia repetenda ne quid dubiis diis agerem? mi forte tribunal steterant, quia subjecti ocuus impera-
Sinml illud quae dictatori religio impedimento ad rem toris noscilari poterant, crabant, ut parceret magistro
gerendam fuerit num ea magister equitum solutus ac li- equitum neu cum eo ex 'rcilum damnaret. Extrema con-
ber poluerit esse ? Sed quid ego hæc interrogo ? quum, cio et circa Fabium globus inerepabant inclementem dic-
si ego tacitus abisacm, tamen tibi ad voluntatis interpre- tatorem uec procul seditione aberant. Ne tribunal qui-
tationem meae dirigenda tua sententia fuerit. Quin tu res- dem satis quietum erat. Legati circumstantes sellam ora-
pondes, vetuerimue te quicquam rei, me absente, bant, ut rem in posterum diem differret, et iræ suas
agere? vetuerimne, signa cum hoçtibus conferre ? Quo spatium, et consilio tempus daret « Satis castigatam
du temps à la réflexion. « La jeunesse, de Fabiu il s'échappa du camp pour se rendre à Romr.
avait été assez punie, sa victoire assez dégradée, Là, d'après le conseil de M. Fabius, son père, qui
il était inutile de pousser la vengeanceà son der- avait été consul trois fois et dictaleur, il convo-
nier terme, au supplice; de marquer d'une telle que aussitôt le sénat et comme il s'y plaignaitvi-
ignominie ce jeune homme si distingué, son père vement de la violence et de l'injustice du dicta-
si illustre, toute la maison Fabia. » Comme leurs teur, tout à coup on entend à la porte de la curie
prières ainsi que leurs raisons avaient peu de suc- le bruit des licteurs qui écartaient la foule; c'était
cès, ils lui montraient l'assemblée déjà furieuse; l'impitoyable dictateur, qui, à la nouvelle du dé-
ils lui disaient qu'échauffer encore l'esprit des sol- part de Fabius, l'avait suivi avec un détachement
dats, déjà si animé, et donner ainsi matière à la de cavalerie legère. La lutte recommença, et Pa-
sédition, ne serait ni de son âge ni de sa pru- pirius ordonna de saisir Fabius. Malgréles prières
dence que personne ne ferait un crime à Fabius des premiers du sénat et du sénat tout entier, ce
d'avoir voulu se soustraire au supplice, mais qu'on cœur inflexible persiste dans sa résolution. Alors
blâmerait le dictateur, si, aveuglé par la cnlère, il M. Fabius, père de l'accusé s'écrie « Puisque
provoquait contre lui, par un acharnementfunes- rien n'a de pouvoir sur toi, ni l'autorité du sé-
te, les fureurs de la multitude. Enfin qu'il ne s'i- nat, ni ma vieillesse que tu veux priver d'un fils,
maginât point qu'ils parlaient ainsi par affection ni la bravoure et la noblesse du maître de la ca-
pour Fabius, qu'ils étaient prêts à en faire le ser- valerie, que toi-même lu as nommé, ni les prières
ment, mais qu'il ne leur paraissait pas de l'inté- qui ont souvent apaisé un ennemi, et qui flechis-
rêt de la république de sevir en ce moment con- sent le courroux des dieux eh bien je vais m'a-
tre lui. dresser aux tribuns du peuple, et j'en appelle au
XXXIII. Ces remontrances attirèrent bien plus peuple lui-même; c'est lui, puisque tu veux te
sur eux l'animusité du dictateur qu'elles ne la dé- soustraire au jugement de ton armée, au jugement
tournèrent du maître de la cavalerie; ils reçurent du sénat, c'est lui que je te donne pour juge, lui
l'ordre de descendre du tribunal. Le héraut es- qui seul a plus de pouvoir et de force que ta dic-
saya, mais vainement de rétablir le silence; le tature. Je verrai si tu céderas à cet appel auquel
bruit et le tumulte augmentent, la voix du dicta- un roi de Rome, Tullus Hostilius, a cédé lui-
teur ni celle des appariteurs ne purent se faire même. o De la curie on se rend à l'assemblée du
entendre et la nuit seule, comme dans un com- peuyle, le dictateur suivi de peu de monde, le
bat, mit ün à cette lutte. Le maître de la cava- maître de la cavalerie entouré des premiers ci-
lerie eut ordre de se représenter le lendemain toyens de Rome. Ce dernier était montéàa la tribune
mais tout le monde lui affirmant que Papirius aux liarangues Papirius lui enjoignit de descendre
excité, exaspéré par cette opiniâtre résistance, et de prendre une place moins élev ée. Le père avait
n'en serait que plus ardent et plus implacable, suivi sou fils « Tu fais bien, dit-il au dictateur,

adolescentiam Fabii esse satis deformatam victoriam dictatorque fuerat, vocato eitemplo senatu quum maii-
ue ad extremuro finem supplicii tenderet neu unico ju- me conquereretur apud Patres vim atque injuriam dic-
veui, neu patri ejus clarissimo viro, neu Fabiæ genti tatoris, repente strepitus ante curiam lictorum summoven-
eam injungeret ignominiam. » Quum parum precibus, tium auditur et ipse infensus aderat, postquam comperit
parum causa proficerent, « intueri sa;vientem concione profectum ex castris, cum expedito equitatu secutus.
jubebant. Ita irritatis militum animis subdere ignem ac Iterata deinde contentio; et prendi Fabium Papirios
materiam scduiofti, nnu esse ætatis, non prudentiæ ejus. jussit. Ubi quum, deprecanlibusprlmoribusPatrum at-
Neminem id Q. Fabio, pœnam deprecjnti suam, vit:o que universo senatu perstaret in incepto immitis
ani-
versurum, sed dictatori si occæcatus ira infestam mul- mus; tum pater M. Fabius « Quandoqnidem, inquit,
titudinem in se pravo certamine movisset. Postremo, ne apud te nec auctoritas senatus
nec ætas mea cui orbi-
id se gratiæ dare Q. Fabiicrederet, se jusjurandumdare tatem paras;
nec virtus nobiltasque magistri equitum,
paratos esse; non videri e republica, in Q. Fabium co a te ipso nominati, valet, nec preces, quæ sæpe hostem
tempore animadveri. miligavere, quæ deorum iras placant; tribunos plebis
XXXIII. Ilis vocibus quum in se magis incitarent dic- appello et provoco ad populum
eumque tibi, fugicnti
tate rem, quam in magistrum equitum placareot, jussi de exercitus tui, fugienti senatus judicium judicem fero, qat
tribunali d sceudere legali et, sientio nequicquam per certe
unus plus, quam tua diclatura, po est polletque.
præconem tentato, quum, præ strepitu ac tumultu nec \idero, cessurusne provocationi sis, cui
ipsius dictatoris, nec apparitorum ejus vox audiretur; Tullus Hostilius cessit. Ex curia in rez romanus
concionem itur. Quo
nox. velut iu prælio, certammi finem fecit. Magister cum paucis dictator, cum omni agmine priocipum
equitum lussus postero die adesse, quum omnes alfir- gister equitum ma-
quum esceodisset: deduci eum de rostris
marent, infestius Papirium exarsui um, agitatum couten- Papirius in partem inferiorem jussit. Secutus
tione ipsa exacerbatumque clam ex castris Romam pro- a Rene agis inquit pater
quum eo nos deduct jussisti, unde
fugit et, pdtre auctore M. Fabio, qm ter am con ul et
prirati vocem uutlcre possemus. » Ibi primo non taii.
tle nous faire descendre à une place d'où, simples tre des vaincus, on l'ose conlre des vainqueurs
particulier, nous pourrons nous faire entendre. o dignes des plus justes triomphes. Car enfin, qu'au-
D abord ce furent moins des discourssuivis qu'une rait eu à souffrir de plus son fils, s'il avait perdu
vivo altercation. Mais le bruit fut bientôt dominé son armée, s'il avait été battu, mis en fuite, dé-
par la voix du vieux Fabius reprochantamèrement pouillé de son camp? La colere et la violence do
au dictateursa tyrannie et sa cruauté. « Lui aussi a cet homme auraient-elles pu aller plus loin que les
été dictateur; mais personne, pas un homme du coups et la mort? Comme il serait convenable que
peuple, pas un centurion, pas un soldat n'a été celui qui est pour la ville une cause de joie, de
outragé par lui. Papirius, comme si c'était sur un victoire, de supplications, d'actions de grâces,
clief ennemi, revendique la victoire et le triom- celui pour qui sont ouverts les sanctuaires des
phe sur un général romain. Quelle différence en- dieux, pour qui fument au milieu des sacrifices
tre cette modération d'autrefois et cette tyrannie, les autels chargés d'honneur et d'offrandes, fût mis
cette cruauté d'aujourd'hui Le dictateur Quinc- à nu et déchiré de verges en présence du peuple
tius Ciucinnatus, après avoir délivré le consul romain, à la vue du Capitole, de la citadelle, de
L. Minucius assiégé dans son camp, se contenta ces dieux qu'il n'a point invoqués en vain dans
pour le punir de le laisser à l'armée en qualité de deux batailles Dans quel esprit l'armée qui a
lieutenant, au lieu de consul. M. Furius Camille, vaincu sous sa conduite et ses auspices, suppor-
quoique L. Furius, au mépris de sa vieillesse tera-t-elle la vue d'un tel spectacle? Quel deuil
et de son autorité, eût engagé un combat qu'il dans le camp romain, et quelle joie dans l'armée
perdit honteusement, non-seulement fut, sur l'in- ennemie 1 C'est ainsi que tautôt avec des re-
stant même, assez maître de lui pour ne rien écrire proches, tantôt avec des plaintes, implurant l'aide
au peuple ou au sénat de défavorable contre son des dieux et des hommes, ou embrassant son (ils
collègue; mais à son retour, quand le séuat lui laissa en vei sant des larmes, le vieux Fabius plaidait sa
le choix de ses collègues, il le prit de préférence à cause.
tous les tribuns consulaires, pour l'associer à son XXXIV. Il avait pour lui la majesté du séuat,
commandement. Le peuple lui-même, qui a en la faveur du peuple, l'appui des tribuns, le souve-
lout la souveraine puissance, jamais, dans sa co- nir de l'armée absente. Son adversaire rappelait
lère contre ceux qui, par imprudence ou inca- « et l'autorité invincible uu peuple romain et la
pacité, ont perdu des armées, n'a infligé de plus discipline militaire, et le commandement du dic-
dure peine qu'une amende pécuniaire. Aucun tateur toujours respecté comme un oracle, et la
chef jusqu'ici n'avait vu sa tête mise en péril pour fameuse sentence de nlanlius, et l'affection pater-
le mauvais succès de ses armes. Mais aujourd'hui nelle sacrifiée à l'intérêt public. C'est ainsi qu'eu
les généraux romains sont menacés des verges et avait agi autrefois, envers ses deux fils, Brutus,
de la hache, et ce qui n'est pas même permis con- le fondateur de la liberté romaine aujourd'hui

perpétuas oratiooes, quam altercatio exandiebantur. nullo ad eam diem esse. Nunc ducibus populi romani,
Vicit deinde strepitum vox et indignatio Fabii senis quæ ne victis quidem bello fas fuerit, virgas et secures
increpantis superbiam crudelitatemque Papirii Se victoribus, et justissimos meritis triumpbos intentari.
Quid euim tandem passurum fuisse rilium suum si excr-
quoque dictatorem Romæ fuisse, nec a se quemquam, ne
plebis quidem hominem, non centurionem, non militem, cnum amisisset; si fusus, fugatus, castris exutus fuisset?
violatum; Papirium, tanquam ex hostium ducibus, sic Quo ultra iram violeutiamque elus excessuram fuisse.
ex romano imperatore victoriam et triumphum petere. quam ut verberaret necaretque? Quam couteniens esse,
Quau,um interesset inter moderationem antiquorum, propter Q. Fabium civitateiu in lætitia, victuria, supph-
et nuvam super biam crude litntemque DictatoremQuinc- cationibus, ac gratulationibus esse eum propter que
lium Cincinnatum in L. Minucium consulem, ex obsi- deum delubra pateant, arae sacrificiis fument, honore,
dione a se ereptum, non ultra sævisse, quam ut legatum donis cumulentur, nudatum virgis lacerari in conspeclu
eum ad exercitum pro consule relmqueret. M. Furium populi romani intuentem Capitolium atque arcem, deos-
Carmllum in L. Furio, qui, contempta sua senectute et que ab se duobus præliis haud frustra advocatos?Quo id
auctoritate, fœdissimo cum eventu pugnasset non so- animo exercitum, qui ejus ductu auspiciisque vicisset,
lum iu præsentia moderatum iræ esse, ne quid de col- laturum? quem luctum in castris romanis quam læti-
lega secus populo aut senatui scriberet; sed, quum re- tiam inter hostes fore ? » Hæc, simul jurgans, querens,
vertisset, potissimum ex tribunis consularibus habuisse, deum hominumque fidem obtestans et complexusfilium
quem, ex collegis optione ab senatu data. socium sibi plurimis cum lacrimis agebat.
imperii delegerit. lram populi quidem, pênes quem po- XXXIV. Stabat cum eo senatus majestas, favor po-
testas omnium rerum esset, ne iram quidem unquam puli, tribunicium auxilium memoria absentis exercitus.
atrociorem fuisse in eos, qui temeritate atque inscitia Ex parte altera « imperium invictum populi romani et
exerctus amitissent, quam ut pecunia eos mullaret ca- disciplina rei militaris et dictatoris edictum pro nomme
pite auquisitum ob rem bello male gestam de imperatore semr er observatum et Manliana imperia, et pos habita
des pères faibles et des vieillards qui tolèrent le plus à l'ordre, et que sans distinction, le jour ou
mépris d'une autorité qu'ils n'ont plus, pardon- la nuit, dans une position convenable ou dés-
nent à la jeunesse, comme une faute légère, le avantageuse, par l'ordre ou contre l'ordre du chef,
renversement de la discipline militaire. Quant à ils engageront le combat qu'ils ne suivront plus
lui, il ne laissera pas que de persister dans sa ré- leurs enseignes et ne garderont plus leurs rangs;
solution et celui qui a combattu contresadéfense, qu'enfin ce ne sera plus qu'un brigandage aveu-
en dépit des saintes cérémonies, et malgré l'in- gle, exercé au hasard, en place d'une milice so-
certitude des auspices, n'obtiendra point de lui lennelle et sacrée. Tous ces malheurs déshono-
remise de la peine qu'il a si justement méritée. Il rants, c'est à vous d'en répondre devant tous les
ne peut faire que la majesté du commandement siècles, tribuns du peuple dévouez vos Utes
soit toujours respectée mais L. Papirius ne l'opprobre pour le plaisir de Q. Fabius. a
souffrira jamais qu'on en affaiblisse les droits. Il XXXV. Les tribuns étaient interdits et déjà
souhaite que la puissance tribunitienne, inviola- plus inquiets sur eux-mêmes que sur celui qui
ble elle-même, n'aille pas violer par son opposi- implorait leur assistance, lorsqu'ils furent dé-
tion l'autorité de Rome, et que le peuple n'agisse barrassés de ce fardeau par l'intervention du
pas surtout contre lui-même, enanéantissantle dic- peuple romain, qui recourut aux prières et
tateur et les droits de la dictature. Que si ce mal- aux supplications pour obtenir du dictateur la
heur arrive, ce n'est pas L. Papirius, mais les tri- grâce du maître de la cavalerie. Eux-mêmes, sui-
buns, mais le jugementerroné du peuple, qu'ac- vant cette impulsion qui les entraine, supplient
cusera la postérité; blâme inutile, puisque, la avec instance le dictateur de pardonner à la fai-
discipline militaire une fois avilie, le soldat n'o- blesse humaine à la jeunesse de Fabius, ré-
béira plus au centurion, le centurion au tribuu, le pétant qu'il était assez puni. Enfin, le jeuue
tribun au lieutenant, le lieutenant au consul, le hemme lui-même,et sou père M. Fabius, abjurant
maitre de la cavalarie au dictateur; que personne leur animosité, se jettent aux genoux du dicta-
n'aura plus de respect ni pour les hommes ni pour teur, et par leurs prières désarment son ressenti-
les dieux; que les ordres des généraux, que les aus- ment. Le dictateur dit alors au milieu du silence
pices mêmes ne seront plus observés; qu'errants « C'est bien, Romains; victoire
à la discipline mi-
sans permission, lessoldatsse disperseronten dés- litaire, victoire à la majesté du commandement,
ordre sur les terres conquises comme sur celles des qui ont risqué de n'exister plus après cette jour-
ennemis que, sans se souvenir de leur serment, née 1 Q. Fabius n'est point absous du crime d'a-
par le fait seul de cette excessive liberté, ils se voir livré bataille contre l'ordre du général;
mettront en congé selon de leur caprice; qu'en mais condamné pour cette faute, il doit son par-
petit nombre auprès des enseignes ils finiront par don au peuple romain, il le doit à la puissance tri-
les déserter entièrement; qu'ils ne s'assembleront bunitienne qui lui a prêté son appui à titre de

filii caritas publica' utilitati jactabantur. Hoc etiam cernatur, interdiu, nocte, æquo, iuiqno loco, jussn,
L. Brutum, conditorem remanæ libertatis, antea in duo- iujussu imperatoris pugneut et nou signa, non ordines
bus liberis fecisse. Nunc patres comes, et senes faciles de servent; tatrocinü modo ca'ca et fortuita, pro sollenni et
alieuo imperio spreto, tanquam rei parvæ, disciplinæ sacrata militia sit. Horum criminum vos reos in omuia
militaris eversæ juventuti gratiam facere. Se tamen per- sacula offerte, tribuni plebis vestra obnoaia capita pro
staturum in incœpto nec ei, qui adversus dictum suum, licentia Q. Fabii ol)jicile.
turbatis rcligionibus ac dubiis auspiciis, pugnasset, quic- XXXV. Stupentes ti ibunos et suam jaro vicem magis
quam ex justa pœna remissurum. Majestas imperii per- anxios quam ejus, cui auxilium ab se petebatur, liheravit
petuane esset, non esse in sua potestate L. Papirium onere consensus populi romani, ad preces et obtestatro-
uihil de ejus jure deminuturum. Optare, ne potestai tri- nem versus ut sibi pœnam magistri equitum dictaterre-
Imnicia inviolata ipsa, violet intercessione sua romanum mitteret. Tribuni quoque, inclinatam rem in preces sub-
imperium neu populus in se potissimum dictatorem et secuti, orare dictatorem insistunt, ut veniam errori bu-
jus dictaturae exstinguat. Quod si fecisset, non L. Papi- mano, veniam adolescentiae Q. Fabii daret satis eum
rium, sed tribunos, sed pravum populi judicium, nequic- pœnarum dedisse. Jam ipse adolescens jam pater M. Fa-
quam posterosaccusaturos; quum, polluta semel militari bius contentionis obliti procumbere ad genu, et iram
disciplina non miles centurionis, non centurio tribuni, deprecari dictatoris. Tum dictator, silentio facto: « Bene
non tribunus legati non legatus consulis non magister habet inquit, Quirites. Vicit disciplina militaris, vicit
equitum dictatorts pareatimperio; nemo hominum, nemo imperii majestas, qux in discrimine fuerunt, an ulla post
deorum verecundiam habeat; non edicta imperatorum banc diem essent. Non noxœ eximitur Q. Fabius, qui
non auspicia observentur sine commeatu vagi milites in contra edictum imperalcris pugnavit;sed, noxæ dainna-
pacato, in bostico errent; immemores sacramenti ,licen- tus, donatur populo romano; donalur tribuniciæ potes-
tia sola se, ubi velint, exauctorent; infrequentia dese- tati, precarium non justum auxilium ferenti. Vive.
rantur signa neque conveniatur ad adictum, nec dis- Q. Fabi, felicior hoc consensu civitatis ad tuendum le,
prières et non à litre de justice. Vis, Q. Fabius, implacable pour Q. Fahius, et qu'après avoir
plus heureux de cet accord unanime de la cité refusé sa grâce à leurs prières, il l'avait ensuite
pour te défendre que de la victoire dont tu te fai- accordée au peuple romain.
sais tout à l'heure une gloire; vis, après avoirosé XXXVI. Le dictateur, après avoir laissé dans la
commettre un forfait que ton père lui-même, ville, pour maître de la cavalerie, L. Papirius
à la place de L. Papirius, ne t'aurait point par- Crassus, et interdit à Q. Fabius tout acte de sa
donné. Tu peux rentrer en grâce avec moi, magistrature, revint an camp, où son arrivée in-
quand tu le voudras quant au peuple ro- spira peu de joie ses concitoyenset ne donna au-
main, à qui tu es redevable de la vie, tu ne peux cune crainte aux ennemis. En effet, le lendemain,
lui rendre de plus grand service que d'avoir ap- ces derniers, soit qu'ils eussent ignoré le retour
pris dans ce jour à pouvoir te soumettre en paix du dictateur, ou qu'ils se fussent peu soucié de sa
comme en guerre aux commandements légitimes.n présence comme de son absence, s'approchèrent
Après avoir ensuite déclaré qu'il ne retenait plus du camp en bataille rangée. La présence de L. Pa-
le maître de la cavalerie, il descendit du temple au pirius, de ce seul homme, fut d'une importance
milieu de la joie des sénateurs, de la joie plus telle, que, si les dispositions du général avaient
grande encore de ses concitoyens, qui se pres- été secondées par la bonne volonté des soldats, ce
saient autour de lui, et qui, en félicitant tantôt jour-là aurait vu indubitablementmettre fin à la
le maître de la cavalerie, tantôt le dictateur, guerre des Samnites tant il sut tirer bon parti
les suivaient tous deux en foule. L'autorité mi- des avantages du terrain et de ses corps de réserve,
litaire ne paraissait pas moins affermie par la pour disposer son armée, et aussi de la science
dangereuse épreuve de Fabius, que par le sup- militaire pour assurer ses opérations. Ses sol-
plice déplorable du jeune Manlius. Le hasard vou- dats lui firent faute, et ce ,fut à dessein de ra-
lut cette année que, toutes les fois que le dicta- baisser le mérite de leur chef, qu'ils mirent des
teur quitta l'armée, l'ennemi fit un mouvement entravesà la victoire. Il y eut plus de morts du
dans le Samnium; mais le lieutenant M. Valérius, côté des Samnites, plus de blessés du côté de;
qui commandait le camp, avait sous les yeux Romains. L'habile général comprit bien ce qui
l'exemple de Q. Fabius, et craignait moins les at- l'empêchait d'être vainqueur il sentit qu'il lui
taques de l'ennemi que l'implacable vengeance du fallait maîtriser son caractère, mêler la douceur à
dictateur. C'est pourquoi des fourrageurs ayant la sévérité. Dans cette intention, prenant avec lui
été enveloppéset massacrés dans une embuscade, les lieutenants, il va voir les soldats blessés, avan-
on pensa généralement que le lieutenant aurait pu çant la tête sous leurs tentes, demandant à cha-
les secourir, s'il n'eût été épouvanté par de si me- cun comment il se trouve, prenant leurs noms, les
naçantes défenses. Cette dureté de Papirius contri- recommandant aux soins des lieutenants, des tri-
bua à lui aliéner l'espritdessoldatslesquels étaient buns, des préfets. Une manière d'agir si populaire
déjà indisposés contre lui, parce qu'il avait été et si adroite fit que, bien avant la guérison de leurs

quam, qua paullo ante exsultabas, victoria. Vive, id fa- cabilis Q. Fabio fuisset; et, quod suis precibus negasset,
cinus ausus, cujus tibi ne parens quidem si eodem loco ejus populo romano veniain dedisset.
fuisset, quo fuit L. Papirius, veniam dedisset. Mecum, XXXVI. Postquam dictator, præposito in urbe L. Pa-
ut voles, reverteris in gratiam populo romano, cui vi- pirio Crasso magistro equitum, Q. Fabio vetilo quic-
tam debes, nihil majus praestiteris, quam si hic tibi dies quam pro magistratu agere, in castra rediit; neque chi-
satis documenti dederit, ut bello ac pace pati légitima bus salis lætus adveutus ejus fuit, nec hostibus quicquam
imperia possis. » Quum se nihil morari magistrum equi- altulit terroris. Namque postero die, seu ignari venisse
tum pronuntiasset, degressum eum templo lætus sena- dictatorem, seu, adesset an abesset, parvi facientes,
tus, lætior populus circumfusi ac gratulantes hinc ma- iostructa acie ad castra accesserunt. Cacterum taulum
gistro equitum, hinc dictatori, prosecuti sunt firma- momenti in uuo viro L. Papirio fuit, ut, si ducis cousilia
tumque imperium militare haud minus periculo Q. Fabii, favor subsecutus militum foret, debeltari eo die cum
qnam supplicio miserabili adolescentisManlii, videbatur. Samnitibus potuisse, pro haud dubio habitum sit: ita
Forte ita eo anno eveait, ut, quotiescunque dictator ab instruxit aciem loco ac substdiis, ita omni arte bellica fir-
exercitu recessit, hostesin Samnio moverentur. Cæterum mavit. Cessatum a milite, ac de industria, ut obtrecta-
in oeulis eiemplum erat Q. Fabius M. Valerio legato, retur laudibus ducis, impedita victoria est. Plures Sam-
qui castris præerat, ne quam vim hostium magis quam nitium cecidere plures Romani vulnerati sunt. Sensit
trucem dictatoris iram timeret. Itaque frumentatores peritus dux, quae res Victoriæ obstaret temperandum
quum, circumventi ex insidiis, casi loco iniquo essent, ingenium suum esse, et severitatem misceniiamcomltate.
creditum vulgo est, subveniri iis ab legato potuisse ni Itaque, adhibitis legalis, ipse circum saucios milites inse-
tristia edicta exhorruisset. Ea quoque ira alienavit a dic- reus in tentoria caput, singulos, ut sese haberent, rogi-
tature militum aoimos, jam ante infensos, quod impla- tant, curam eorum nominatim legatis, tribunisque et
corps, le général avait regagné les cœurs de ses l’al dication de Papirius releva leur courage. Sous
soldais, et rien ne fut si efficace pour cette guéri- ces mêmes consuls, C. Sulpicius et Q.
Émilius
son que la reconnaissance qu'ils avaient de tant ( ou lit Aulius dans quelques annales), à la défec-
d'intérêt. L'armée une fois rétablie, il livra ba- tion des Samnites, vint se juin ire une nouvelle
taille, ni lui ni ses soldats ne doutant du succès, guerre, celle des Apuliens. Une armée fut envoyée
les Samnites furent si bien battus et mis en dé- dans chacun de ces deux pays; après avoir tiré au
route, que ce fut le dernier combat où ils en vin- sort, Sulpicius marcha contre les Samnites, et
rent aux mains avec le dictateur. L'armée victo- Émilius contre les Apuliens. D'après quelques
rieuse se porta ensuite où l'appelait l'espoir du auteurs, on ne fit point la gucrre aux Apulieus,
butin, et parcourut tout le pays ennemi sans mais on protégea les peuples allics de cettc nation
rencontrer nulle part ni troupes, ni résistance, contre la violence et les injustices des Sanmiles.
soit à force ouverte, soit par embuscade. Ce Au reste, l'état du Samnium qui à cette époque,
qui ajoutait à l'ardeur du soldat, c'est que le dic- pouvait à peine défendre son territoire, rend
tateur lui avait abandonné tout le butin; et les moins vraisemblable, l'agression des Samnites
haines nationales ne l'animaient pas plus contreles contre les Apuliens, que la réunion de ces dieux
ennemis que cette occasion de profit. Les Samnites, peuples pour faire la guerre aux Romains. Toute-
domptés par de pareils désastres, demandèrentla fois il ne s'y passa rien de mémorable; l’Apulie et
paix au dictateur. Celui-ci convint avec eux qu'ils le Samnium furent ravagés complètement mais
donneraient à chacun de ses soldats un vêtement l'ennemi ne se montra nulle part. A Rome, une
et une année de paie et il les envoya devant alarme nocturne arracha tout à coup au sommeil
le sénat. Ils répondirent qu'ils ne s'y rendraient la ville effrayée, à tel point que le Capitole et la
qu’à la suite du dictateur, s'en remeUanta à lui citadelle, les remparts et les portes, se rempli-
seul, à sa foi, à sa probité, du soin de leur cause. rent de gensarmés.Quand on eut longtemps couru
Ce fut ainsi que l'armée quitta le Samniuma. et crié aux armes dans tous les quartiers, au point
XXXVII. Le dictateur rentra en triomphe dans du jour l'auteur et la cause de cette alerte avaient
la ville. ll vouhit abdiquer la dictature; mais, disparu. La même année à la requête de Flavius,
avant cette abdication et par l'ordre du sénat, il il y eut jugement du peuple contre les Tusculaus.
créa consuls C. Sulpicius Longus pour la seconde M. Flavius, tribun du peuple, proposa, par une loi,
fois et Q. Emilius Cerretanus. Les Samnites, la de punir les tusculans qui, par des secours et des
paix n'ayant pu se faire faute de s'entendre sur les conseils, avaient engagé les Véliternes et les Pri-
conditions, remportèrent de Rome une trève d'un vernates à faire la guerre aux Romains. Le peuple
an seulement encore ne furent-ils guère fideles deTusculum,avec leurs femmesetleurs enfauts,
à la sainteté de leur serment, tant la nouvelle de vint à Rome. Cette multitude, sous l'habit et l'ap-

præfectis demandabat. Rem per se popularem ita dexter ab urbe retulerunt. Nec carum ipsarum sancta fides fuit
egit, ut, medendis corporibus, animi multo prius mili- adeo, postquam Papirium abisse magistratu nuntiatum
tum imperatorireconciliarentur; nec quicquam ad salu- est, arrecti ad bellandumanimi sunt. C. Sulpicio,Q. AE-
britatem effleacius fuerit, quam quod grato ammo ea milio (Aulium quidam annales habent) consulibus, ad
cura accepta est. Refecto exercitu rurn hoste congressus defectionem Samnitium Apulum novum bellum accessit.
haud dubia spe sua militumque, ita fudit fugavitque Utroque exercitus missi. Sulpicio Samnites, Apuli AEmi-
Samnites ut ille ultimus iis dies conferendi signa cum lio sorte evenerunt. Sunt, qm non ipsis Apulis bellum
dictature fuerit. Incesbit deinde, qua duiit prædæ apes, illatnm, sed socios ejus gen[is populos ab Samnitium vi
viclur eiercitus; perlustravitque hostium agros, nulla alque injuriis defensos seribant. Ceterum fortuna Sam-
arma, nullam vim, nec apertam, nec insidiis, expertus. uitium, vix a se ipsis eo tempore propulsantium bellum
Addebat alacritatem, quod dictator prædam omnem edixe- propius ut sit vero, facit, non Apulis ab Samnitibus ar-
rat militibus nec ira magis publica, quam privatum ma illata, sed cum utraque simul gente bellum Romanis
compendIUm, in hostem acuebat. His cladibus subacti fuisse. Nec tamen res ulla memorabilis acta: ager Appu.
Samnites pacem a dictatore petiere cum quo pacti, ut lus Snnniumque evastatum. hostes nec hic, nec illic
singula vestimenta militibus, et annuum stipendium da- inventi. Romae nocturnus terror ita ex sornno trepidam
rent quum ire ad senatum jussi essent, secuturos se repente civitatem excivit, ut Capitolium atque an, mœ-
dictatorem responderuat, unins ejus fidei virtutiquecau- niaque et portæ, plena armatorum fuerint et quum
sam suam commendantes. Ita deductus ex Samnitibus concursatum conclamatumque ad arma omnibus locis-es-
exercitus. set, prima luce nec auctor, nec causa terroris comparuit.
XXXVII. Dictator triumphans urbem est iugressus Eodem anno de Tusculanis Flavia rogationc populi fuit
et, quum se dictatura abdicare vellet, jussu Patruru, judicium. M. Flaviustribunus plebis tuht ad populum
priusquam abdicaret, consules creavit C. Sulpicium Lon- ut in Tusculanos animadverteretur, quorum eorum ope
qum iterum, Q. Æmilium Cerrelanum. Samnites, infe- ac consilio Veliterni Privernatesquepopulo Romano bel-
cta pace, quia de conditionibus agehatur, inducias annuas lum fecissent. Populus Tusculamus rum conjugihugs ac µ.
pareil des accusés, parcourut les tribus, se rou- de l'ennemi, et fait sortir sans bruit ses légions;
tant aux genoux de tuus les citoyens; et la com- mais les deux camps étaient si voisins qu'il ne
passion lit plus pour leur faire obtenir leur pardon, put cacher ce mouvement. La cavalerie samnite
que l'examen de leur cause pour les justifier de suivit de près sa marche, de manière toutefois
l'accusation. Toutes les tribus rejetèrent la loi, à ne pas risquer l'attaque avant qu'il fit jour,
excepté la tribu Pollia, dont l'avis était que les et même l'infanterie ne sortit pas du camp avant
pubères fussent fouettés et mis à mort, les fem- la fin de la nuit. Au point du jour, la cavalerie
mes et les enfants vendus à l'encan, selon le droit osa charger l'ennemi, et, harcelant l'arrière-
de la guerre. On sait que les Tusculans s'en sou- garde ou pressant l'armée dans des passages dif-
vinrent, et que leur ressentiment contre ceux qui ficiles suspendit sa marche. Bientôt l'infanterie
avaient voté pour une vengeance si atroce dura rejoignit la cavalerie, et le Samnite se disposa à
jusqu’à l'époque même où vécurent nos pères, et charger les Romains avec toutes ses forces. Le dic-
que presque jamais candidat de la tribu Pollia tateur, ne pouvant passer outre sans essuyer
n'eut le suffrage de la tribu Papiria. de grands dommages, ordonna de tracer un camp
XXXVIII. L'année suivante, sous le consulat de dans le lieu même où il s'était arrêté; mais,
Q. Fabius et de L. Fulvius, A. Cornelius Arvina, la cavalerie ennemie enveloppant l'armée de
dictateur, et M. Fabius Ambustus, maître de la toutes parts, il lui fut impossible d'aller cher-
cavalerie, redoutant une guerre plus sérieuse dans cher ses pieux et de se mettre à l’œuvre. Voyant
le Samnium ( l'ennemi, disait-on, avait soudoyé donc qu'il n'y a plus moyen d'avancer ni de
la jeunesse des peuples voisins ), firent des levées demeurer, après avoir fait porter les bagages
avec plus de soin, et conduisirent une armée hors des rangs, il range ses troupes en bataille.
de choix contre les Samnites. Les Romainsavaient Les ennemis en font autant de leur côté, égaux
établi leur camp sur le territoire samnite sans qu'ils sont en force et en courage; ce qui avait
trop d'attention, comme si l'ennemi eût été très- contribué surtout à les enhardir, c'est qu'igno-
éloigné, quand tout à coup s'avancent les lé- rant que ce fût devant une position avantageuse
gions samnites avec une telle audace qu'elles et non devant eux qu'on avait lâché pied ils
viennent planter leurs palissades près des postes croyaient avoir poursuivi un ennemi, saisi d'une
romains. La nuit approchait; ce qui les empê- terreur qu'eux-mêmes avaient inspirée. Cela tint
cha d'attaquer les retranchements; mais elles un moment le combat en balance; car depuis
laissaient assez voir que le lendemain au point du longtemps le Samnite ne savait plus sou enir le
jour elles le feraient. Le dictateur, voyant qu'il cri de guerre de l'armée romaine. Mais, par Iler-
lui faudrait en venir aux mains plus tôt qu'il n'a- cule, ce jour-là, depuis la troisième heure du
vait espérô, et craignant que le désavantage de la jour jusqu'à la huitième, la lutte, dit-on, se
position ne nuisit au courage de ses soldats, laisse maintint si constamment égale, que le cri, une
partout des feux allumés pour tromper les regards fois poussé au premier choc, ne fut plus ré-

beris Romam venit. Ea multitudo, veste mutata, et spe- ignibus crebris relictis, qui conspectum hostium frustra-
cie reorum, tribus circumit, genibus se omnium advol- rentur. silentio legiones educit nec tamen fallere pro-
pter propinquitatem castrnrum potuit. Eques extemplo
Yens. Plus itaque misericordia ad pœnæ veniam impetran- insecutus ita iustitit agmini, ut, (lonec lucesceret, prælio
dam, quam causa ad crimen purgandum valuit. Tribus
abstineret. Ne pédestres quidem copiae ante lucem castris
omnes, præter Polliam, antiquarunt legem. Polliæ sen- egressæ. Eques, luce demum ausus iucursare in hostem,
tenlia fmt, pubères verberatos necari, conjuges liberos-
carpendo novissinios, premendoque iniquia ad transitum
que sub corona lege belli venire memoriamque ejus iræ equitem assccutus;
Tusculanis in pœoæ tam atrocis auctores mansisse ad locis, agmen detinu t. Intérim pedes
Samnis urgebat. Tum post-
patrum ætatem constat, nec quemquam ferme ex Pollia et totis jam copiis incommodo progcedi
dictator,

quam sine magno non poterat. eum


tribus candidatum Papiriam ferre solitum.
locum castris dimetari jussit.
XXXVIII. Insequenti anno, Q. Fabio, L. Fulviocca- ipsum in quo constiterat, equititu, ut vallum pete-
undique
sulibus, A. Cornelius Arvina dictator et M. Fabius Am- Id vero, circumfuso
inciperct, f1eri non poterat. Itaque, ubi
bustus magister equitum, mertu gravions in Samnio belli retur, opnsque
(conducia euim pretio a finitimisJuventus dicebatur) in- ueque
eundi, neque manendi ropiam esse videt, instruit
aciem, impedimentis ex agmine remotis. Instruunt contra
tentiore delectu habito, egregium exercitum adversus
et animis et viribus pares. Auxerat id maxitne
Samoites duxerunt. Castra in hoslico incuriose ita posita, et hostes,
taiujuam procul abesset bostis quum subito adveuere
animos. quod ignari, loco iniquo. non bosti, cessum,
fugientes ac territos lerribiles ipsi seculi fuerant.
Sarouitium legioncs tanta ferocia, ut valium usque ad lelut
aliquamdiu æquavit puguam, jarn pridem desueto
stationem romanam inrerrent. Noi jam appetebat; id Id
clamorem Romani exercitus pati. At, bercule,
prohihuit inunimenta adoriri nec dissimulabant, orta Samnite
ab bora diei tertia ad octavam ita anceps dicilur
lure poster o die fdeturos. Diclator, ubi propiorem spe di- illo die
stctisse. ut nrqtie clamor, ut primo semel con-
micahonem vidit, ne militum virtuti damno locus esset, ccrtarnen
pété, que les enseignes restèrent à la même place plus parfait ces ennemis épars et embarrassés,
sans jamais reculer, et que d'aucun côté on ne remplit tout de carnage surpris au milieu de ces
chargea deux fois. C'est en se raidissant et en résis- bagages qu'ils abandonnent aussitôt et qui tom-
tant de pied ferme, en poussant en avant avec son bent entre les jambes des chevaux qui s'enfuient
bouclier, presque sans reprendre haleine, sans épouvantés, les Samnites, sans pouvoir combattre
détourner de devant soi ses regards, que chacun ou fuir, se laissent massacrer. Alors la cavalerie
soutenait le combat. De part et d'autre, c'était ennemie, une fois détruite presque entièrement,
une fureur, un acharnement égal, qui ne pou- M. Fabius, après un léger détour, vient par der-
vaient fiuir que par une extrême lassitude ou par rière attaquer l'infanterie. Un nouveau cri qui
la nuit. Deja les soldats n’avaient plus de vigueur, éclate alors porte la terreur dans le cœur des Sam-
ui le fer de force; les chefs eux-mêmes ne savaient nites le dictateur, à la vue des premiers rangs
à que) parti s'arrèter quand tout à coup la cava- ennemis, dont les regards se tournent en arrière,
lerie sumnite, apprenant d'un escadron qui s'était à la vue des enseignes en désordre, de tout le
un peu plus avancé, que les bagages des Romains corps de bataille qui chancelle et plie, excite,
sont restes loin de l'armée sans gardiens ni re- par ses paroles, encourage ses soldals, appelle
tranchementpour les défendre, s'y précipite, avide par leurs noms les tribuns et les centurions pour
de pillage. On apporte à la hâte cette nouvelle les engager à recommencer avec lui le combat;
au dictateur « Laissons-ies s'embarrasser de ce on répète le cri de guerre, les enseignes mar-
butin, répond-il. » Arrivent ensuite d'autres chent en avant, et, à mesure que l'on avance,
messagers, les uns après les autres, criant qu'on on voit de plus en plus l'ennemi en proie au
pille qu'on enlève la fortune des soldats. Alors il trouble et au désordre. Cependant la cavalerie
appelle le maitre de la cavalerie: « Ne vois-tu pas, venait d'être aperçue des premiers rangs; et Cor-
M. Fabius, lui dit-il, que les cavaliers ennemis nélius, se retournant vers les manipules, leur
ont quitté le combat? Ils sont maintenant pris et indiquait, de la voix et du geste, qu'il voyait
embarrassés dans ce qui nous embarrassaitnous- les drapeaux et les boucliers de la cavalerie ro-
mêmes. Atlaque-les, pendantqu'ils sont dispersés maine. A cette nouvelle et à cette vue ils oublient
comme il arrive à toute multitude qui se livre au une journée presque entière de fatigue, ils oublient
pillage tu en trouveras bien peu à cheval, bien leurs blessures, et, comme des troupes fraîches
peu les armes à la main. Pendaut qu'ils chargent qui sortiraient de leur camp au signal du combat,
leurs chevaux de butin, taille en pièces ces sol- ils s'élancent sur l'ennemi. Dès lors les Samnites
dais sans armes, et rends-leur ce butin bien san- ne purent tenir plus longtemps contre la peur
glant. Je vais m'occuper des légions et du combat de la cavalerie et l'impétuosité de l'infanterie
de l'infanterie; à toi l'honneur de conduire la les uns furent massacrés sur place, les autres mis
cavalerie. » en fuite et dispersés. Ceux qui résistèrent encore
XXXIX. Ce corps, chargeant dans l'ordre le furent enveloppés et tués par l’infanterie; les

curau est sublatus, iteralus ait; neque signa promota XXXIX. Equitum acies, qualis quæ esse instructissima
loco, retrove recepta; neque recursum ab ulla sit parte. potest, iuvecta in dissipatos impeditosque hostes, cæde
In suo quisque gradu obuisi, urgentesscutis, une respi- omnia replet. Inter sarcinas omissas repente, objacentes
ratione ac respectu puguabant. Fremitus œqualis, tenor- pedibus fugientium consternatorumque quorum, neque
que idem pugnie in defatigationem ulliinam aut noctem pugnæ, neque fugæ satis potentes, cæduntur. Tum, de-
spectabat. Jam tiris vires, jam ferro sua vis, jam consilia leto prope eqmtatu hostium, M. Fabius, circumductis
ducibus deerant; quum subitoSamnitium equites, quum, paullulum alis, ab tergo pedestrem aciem adorttur. C la-
lurma una loiigius provecta, accepisseut, impedimenta mor inde novus accidens et Samnitium terruit aninios;
llomaiioruin procul ab armalis sine præsidio, sine mu- et dictator, ubi respectantes bostium antisignanos, tur-
mmento stare, aviditate prædæ impctum faciunt. Quod bataque signa, et fluctuantem aciem vidit, lum appellare,
ubi dictatori trepidus nuntius attulit; « Sine mndo, inquit, tum adhortarimililes,tribuuosprincipesque ordinuru no-
sese prxda præpediant. » Alii deinde super alios, diripi minatim ad iterandam secum puguam vocare. I\ovato
passim ferrique fortunas militum, vociferbantur. Tum clamore, signa inferuutur et quicquid progrediebantur
magistro equilum accito, » Vides tu, iuquit, M. Fahi, magis magisque turbatos hostes ceruebaut. Ltjucs ipse
ab hostium équité oiuissam puguam? hærent impediti jam primis erat in conspectu et Cornelius, respiciens
impedimentisuostris. Aggrcdere,quod inter pru daudum ad manipulos militum. quod manu quod voce poteral.
omui multitudini evenit, dissipatos raros equis insiden- monstrahat, vexilla se suorum parmasque cernere equi-
les, raros quibus ferrum in manu sit, invenies equosque tum. QuoJ ubi auditum sirnulque visum est, adeo re-
dum præda onerant, cade inermes, cruentamqueillis pente laboris. per diem pæne tutum lolerali, vulnerum-
prædam redde. Mihi legiones peditumque pugni curæ que obliti sunt, ut baud secus, quant si tout integri e
crunt penes te equestre bit decus castris stgnum pugnæ accep sseut, concitavcriut se in
fuyards furent taillés en pièces par la cavaleries, plire. Il fut décidé aussi qu'avec son corps se-
et le général lui-même périt au milieu d'eux. raient livrés tous ses biens; mais on n'accepta
Cette dernière bataille anéantit les forces des Sam- que les prisonniers et ce qui put être reconnu dans
nites et, dans toutes leurs assemblées, on disait le butin; on rejeta l'offre de tout le reste. Un sé-
eu murmurant « qu'il n'y avait rien d'éton- natus-consulte ordonna le triomphe du dictateur.
nant qu'une guerre impie, entreprise au mépris XL. Quelques auteurs prétendent que cette
d'un traité, dans laquelle les dieux leur étaieut guerre fut menée à fin par les consuls, qui seuls
justement plus contraires que les hommes, n'eût triomphèrent des Samnites, et que Fabius s'avança
point été heureuse; qu'il fallait une réparation, dans l'Apulie, d'où il rapporta un butin immense.
une grande expiation pour une pareille guerre On convient bien que Cornélius fut dictateur
qu'il importait seulement de savoir si pource sacri- cette année; on doute seulement s'il fut créé pour
fice on devait preudre le sang de quelques coupa- diriger la guerre ou pour présider aux jeux ro-
bles ou le sang innocent de tous les Samnites. » Et mains, en place du préteur L. Plautius, alors atta-
déjà quelques-unsosaient nommcr les chefs de la qué d'une grave maladie, et y donner le signal des
révolte. Il y avait un nom surtout que désignaient quadriges; et, si ce fut après s'être acquitté de
les clameurs unanimes, celui de Brutulus Papius, cette fonction peu propre à rendre sa magistrature
honune noble et puissant, et reconnu générale- mémorable, qu'il abdiqua la dictature. Il n'est pas
ment pour l'auteur de la rupture de la dernière facile de préférer un fait à l'autre, une autoritéà
trève. Les préteurs, forcés de faire sur lui un une autre autorité. Je suis persuadé que le souve-
rapport, décrétèrent « que Brutulus Papius serait nir du passé a été altéré par les éloges funèbres et
livré aux Romains; qu'avec lui tout le butin et par les fausses inscriptions des images, parce que
les prisonniers faits sur les Romains seraient en- chaque famille veut, à l'aide de mensonges et d'ar-
voyés à Rome; et que les objets revendiqués par tifices, attirer sur soi toute la gloire des actions et
les féciaux, aux termes du traité, seraient resti- des magistratures.De là vient cette confusion dans
tués selon le droit et la justice. Leurs féciaux les actes de chacun et dans les monuments publics
furent, d'après cette décision, envoyés à Rome de l'histoire. Il ne nous reste de cette époque au
avec le cadavre de Brutulus qui, par uno mort cun écrivain dont le témoignage soit assez sûr
volontaire, s'était soustraità l'opprobre et au sup- pour qu'on puisse s'y arrêter.

hostem. Nec ultra Samais tolerare terrorem equitum morte voluotaria ignoiniuim se ac supplicio subtraxit.
peditumque vim potuit partim in medio Mesi, parlim m Placuit cum corpore bona quoque ejus dedi. Nihil tameu
fugam dissipati suut. Pedes restantes ac circumventos ce- earum rerum, praeter captivos, ac si qua coguita ex
cidit: ab équité fugientium atrages est facta; inter quos præda sont, acceptum est ceterarum erum irrita fuit
et ipse Imperator cecidit. Hoc demum prœlium Samni- deditio. Dictator ex senatusconsuitotriumphavit.
tiurn res ita infregit, ut omnibus conciliis frenierent, XL. Hoc bellum a consulibusLellatum, quidam aucto-
Minime id quidem mtrum esse, si impio bello, et contra res soot, eosque de Samnitibus triumphasse Fabium
fœdus suscepto, hifestioribus merito dus quam boiumi- etiam in Apuliam processisse atque inde magnas prædas
bus, nihil prospere agerent. Expiandum id bellum ma- cgisse. llec discrepat, quin dictatoreo anno A. Cornelius
gua mercede, lueudumque esse. Id referre tautum, fuerit id ambigitur, belline gerendi causa creatus sit;
utruin supplicia noxio paucorum, an omoium innoxio an ut esset, qui ludis Romanis, quia L. Plautius prætor
pra·beaut banguiue audebantque jam quidam nominare gram morbo forte implicitus erat, siguum nuttendis qua.
auctores armorum. Unum maxuue uomeu per conseo- drigis daret; funciusque co haud sane memorandi im-
sum clamantium Brutuli Papii exaudiebatur.ir uobilis perii ministerio, se dictalura abdicaret nec facile est,
potensque erat, baud dubie proximarum mdutiarum ru- aut rem rei, aut auctorem aucturi præferre. Vriiatam
plor. De eu coacLi referre prætures decretum fecerunt, memonam funebribus laudibus reor, falsisque inwgiuum
ut Brutulus Papius Romanis dederetur, et cum eo titulis, dum familia ad se quæque famam rerum gesta-
præda omnis Romana, captivique ut Romam mitteren- rum bonorumque fallente meudacio trahuni. Inde certe
tur; quæque res per fetiales ex fœdere repetitæ essent, etsingulorumgcstaet publica mooumenta rerum confuse.
secundum jus fasque restituerentur. »Fetiales Romam, ree quisquam aequalis temporibus illis seriptor exstat,
ut censuerunt, missi, et corpus Brutuli exanime ipse quo satis certo auctore stetur.
LIVRE NEUVIÈME.

SOMMAIRE — Les consuls T. Véturius et Sp. Postumius engagent l’armée dans les Fourches Caudines. Dans
l’impuissanceabsolue d'en sortir, ils capitulent avec les Samnites, donnent six cents chevaliers romains en o:age,
et obtiennent la liberté de se retirer avec le reste des troupes, après avoir passé sous le joug. Sp. Postumius pro-
pose au sénat de livrer aux Sawuites tous ceux qui avaient pris part à cette honteuse cap tulation, afin d'affran-
chir la république de l'engagement contracté en son nom. ils sont remis aux Samnites avec deux tribuns du
peuple, et tous ceux qui avaient signé le traité. Les Samnites refusent de les recevoir. Bientôt apres Papirius
Cursor bat leur armée, delivre les six cents chevaliers retenus eu otage fait subir la peine du joug aux vaiucus,
et lave ainsi la tache imprimée an nom romain. Création des tribus Ufentina et Valerina. — Coloniesenvoyées
à Suessa et à Pontia. Appius Claudius, censeur, fait construire un aqueduc et paver une route, ouvrages aux-
quels on a depuis donné son nom. — Il agrége an sénat des fils d'affranchis; association déshonorante, à laquelle
les consuls de l'année suivante n'ont aucun égard; ils convoquent le sénat tel qu'il était avant la censure d'Appius.
-Divers succès des Romains contre les Apuliens, les Etruriens, les Ombriens, les Marses, les Péligniens, les
Eques et les Samnites, encore infracteurs de la paix. -Flavius, greffier, né d'un affranchi, parvient à l'edilité
curule par le crédit de la faction Foreuse. Troubles causés par cette faction devenue trop puissante, dans les
comices et dans les assemblées du Champ-de-Mars.—Q.Fabius,censeur, réuuit les factieux en quatre tribus,
qu'il fait appeler tribus de la ville cette opération lui vaut le surnom de Maximus. — Mention d’Alexandre, qui
vivait en ces temps-là.—Parallèle de sa puissance avec celle des Romains l'bistorien en conclut que si ce prince
eût passé en Italie, il n'aurait pas triomphé des Romains aussi facilemeut qu'il avait subjugue les nations orien-
tales.

1. L'année suivante eut lieu la paix de Cau- nous de colère divine. Je suis persuadé que les di-
dium, fameuse par la délaite des Romains, sous vinités, quelles qu'elles soient, qui ont voulu nous
le consulat de T. Véturius Calvinus et de Sp. réduire à la nécessité de donner satisfaction aux
Postumius. Les Samnites avaient cette année-là termes du traité, n'ont point voulu que les Ro-
pour général C. Pontius, fils d’Hérennius, né mains rejetassent avec tant de hauteur la répa-
d'un pere d'une habileté consommée, et placé ration offerte. Et que pouvait-on faire de plus
lui-môme au premier rang comme guerrier et pour fléchir les dieux et apaiser les hommes, que
comme capitaine. Quand les députés envoyés pour ce que nous avons fait? Le butin enlevé aux en-
donner satisfaction aux Romains furent revenus nemis, et qui semblait nous appartenir par le
sans avoir conclu la paix, Pontius parla ainsi à ses droit de la guerre, nous l'avons renvoyé; les
concitoyens e N'allez pas croire qu'il n'est rien auteurs de la guerre, que nous ne pouvions plus
résulté de cette députation par elle s'est apaisé livrer vivants, ont été livrés morts leurs biens
tuut ce que la rupture du traité avait excité contre mêmes, pour qu'il ne restât entre nos maius

LIBER NONUS. est, quicquid ci fœdere rupto irarum in nos cœlestium


fuit. Satisscio, quibuscumque diis cordi fuit, subigi nos
I. Scquitur hune annum nobilis clade romana cau- ad necessitatemdedendi res, qux a nobis ex fœdere re-
dioa pax, T. Vetnrio Galvino, Sp. Postumio consulibus. petitæ fuerant, iis non fuisse cordi tam superbe ab Ro-
Samnite eo anno imperatorem C. Pontium, Herenuii manis fœderis eipiatiouem spretam. Quid enim ultra Oeri
flliuin babuerunt, patre longe prudeutissimo natum, pri- ad placandos deos mitigandosque homines potuit, quam
mum ipsum bellatorein ducemque. Is, ubi legati, qui quod nos fecimus T Res hostium in præda captes, que
ud dedendas res missi erant, pace infecta redierunt, « Ne belli jure nostræ videbantur, remisimus; auctores belli
nisil actam, itiquit, bac leaatione censeatis; expiatum i quia vivos non potuimus, perfunclos jam fato dedidimus
rien qui fût souillé par le contact de leur crime, 1 romains étaient campés, dix soldats dégui-
suis

nous les avons portés à Rome. Que te dois-je sés en bergers il leur recommande de mener
donc de plus, ltomain, que dois-je de plus au paître leurs troupeaux, chacun de différents có-
traité, aux dieux garants de ce traité? Quel que tés, à peu de distance des postes romains; et, lors-
soit le juge de ton animosité et de nos supplica- qu'ils tomberont entre les mains des maraudeurs,
tions, peuple ou simple particulier, je ne récuse de s'accorder à dire « que les légions des Samni-
personne. Que si la faiblesse luttant contre la tes sont dans l'Apulie; qu'ils assiégent Lucérie
puissance n'a rien à attendre de la justice des avec toutes leurs forces, et qu'ils sont sur le
hommes, je ferai du moins un appel aux dieux point de la prendre d'assaut. e Déjà ce bruit, ré-
vengeurs d'un insupportable orgueil, et je les panduàdessein,était parvenu jusqu'aux Romains;
conjurerai de tourner leur colère contre ceux les prisonniers le reudirent d'autant plus vraisem-
qu'on ne peut satisfaire, ni en leur rendant ce qui blable que leur laneage était parfaitement d'ac-
leur appartient, ni en comblant la mesure de tout cord. Il n'était point douteux que les Romains ne
ce qui appartient aux autres; dont la cruauté ne dussent porter secours aux Lucérieus qui étaient
peut être rassasiée ni par la mort des coupables, de bons et fidèles alliés; on pouvait craindie
ni par l'abandon qu'on leur a fait de leurs cada- d'ailleurs que l'Apulie épouvantée par le péril pré-
vres, ni par le sacrifice des biens qui sont livrés sent ne passât tout entière du côté de l'ennemi.
après les maîtres que nous ne pourrons apaiser, Il y eut donc délibération uniquement sur la route
si nous ne leur donnons notre sang à boire et nos à prendre. Deux chemins conduisaient à Lucérie
entrailles à déchirer. La guerre est juste, Sam- l'un qui longeait la côte de la mer supérieure, en
nites, quand elle est nécessaire; et les armes plaine et à découvert, mais plus long en pro-
sont innocentes, quand il ne reste d'espoir que portion de ce qu'il était plus sûr; l'autre, plus
dans les armes. Ainsi, puisque ce qui importe le court, par les Fourclies-Caudines. Voici quelle
plus dans les choses humaines c'est d'avoir les est la nature du lieu. Ce sont deux dét lés pro-
dieux propices ou contraires, tenez pour cer- fonds, très-resserrés, couverts de bois, réunis
tain que si vous avez fait les guerres précédentes entre eux par une chaîne de montagnes. Entre ces
contre les dieux plus que contre les hommes, vous deux défilés s'étend une petite plaine, assez à dé-
ferez celle qui vous menace sous la conduite même couvert, enfermée tout autour par ces bois, cou-
des dieux. » verte de verdure et d'eau, et traversée au milieu
II. Après ce discours, qui était tout à la fois par le chemin. Mais avant d'y arriver il faut pas-
un heureux augure et une prédiction si juste, il ser le premier défilé, et alors vous avez à choisir,
part avec l'armée et va, le plus secrètement pos- ou de revenir sur vos pas reprendre le même
sible, camper aux environs de Caudium. De là passage, ou, si vous voulez continuer, d'aller
il envoie à Calatie, où il avait appris que les con- sortir par l'autre défilé encore plus étroit et plus

boni eorum, ne quid ex contagione noiae remaneret cullissime, locat inde ad Calatiam, ubi jam consules
peneaoos, Romam portavimus. Quid ultra tibi, Romane, Romanos castraque esse audiebat, milites decem pasto-
quid fœderi, quid diis arbitria fo'deris debeo? Quem tibi rum habitu mittit. pecoraque diversos, alium alibi, haud
tuarum irarum, quem meorum suppliciorum judicem procul romanis pascere jubet præsidiis ubi inciderint
ferai? Keminem, neque populum, neque pnvatum, in prædatores, ut idem omnibus sermo constet, « legio-
fugio. Quod si nibil cum potenliore juris bumani relin- nes Samnitium in Apulia esse, Luceriam omnibus copiis
quitur inopi, at ego ad deos vindices intolerandæ super- circumsedere, nec procul abesse, quin vi capiant.. Jam
biæ confugiam; et prec.ibor, ut iras suas vertant in eos, is etiam rumor ante de industria vulgatus, venerat ad
quibus uon suae redditæ res, non olienæ accumulatæ Romanos; sed fidem auxere captivi, eo maxime, quod
satis oint; quorum sa;vitiam non mors noxiorum, non sermo inter omnes congruebat. Haud erat dubium, quia
deditio exanimatorum corporum, non boua sequentia Lucerinis opem Romanus ferret, bonis ac fidelibus sociis;
domim deditionem exsatient; placari qui nequeant, nisi simul ne Apulia omnis ad præsentem terrorem deflceret
hauriendumaanguinem laniandaque mscera nostra prae- ea modo, qua irent, consuliatio fuit. Dum ad Luceriam
buerimus. Justum est bellum, Samnites,quibus necessa. ferebant viæ altera præter oram superi marie patens
rium; et pia arma, quibus nulla nisi in armis relinqui- apertaque, sed, quanto tutior, tanto fere longior; altera
tur spes. Proinde, quum rerum humanarum maximum per Furculas Caudinas brevior. Sed ita uatus locus est.
momentum sit, quam propitiis rem, quam adversis Saltus duo alti angusti silvoaique sont, montibus circa
agant diis, pro certo babete, priora bella adversus deos perpetuis inter se juncti jacet inter eos satis patens clau-
magis, quam homines, gessisse; hoc, quod instat, duel- sus in medio campus, berbidus aquosusqne, per quem
bus ispis diis gesturos. » medium iter est. Sed ante quam venias ad eum, intrandæ
lI. Ha'c, non læta magis, quam vera, raticinatus, primæ angiutiae sunt; et aut eadem qua te insinuaveris,
exercita educto, cirea Caudium castra, quam potcst oc- retro via repotenda eut, si ire porro pergas, per ahum-
difficile que le premier. Or, c'est dans cette plaine der les lieutenants et les tribuns vont d'eux-
que les Romains étaient descendus à travers une mêmes les trouver; et les soldats, les yeux
roclre creuse par l'un des défilés, et ils s'étaient tournés vers la tente des consuls, semblent de-
aussitôt portés vers le second mais ils le trou- mander à leurs chefs une assistance que pour-
vèrent fermé par des abatis d'arbres et par des raient à peine leur prêter les dieux immortels.
masses énormes de rochers. A peine y ont-ils 111. Ils étaient bien plus occupés à se lamenter

reconnu un piège de l'ennemi, qu'ils aperçoivent qu'à delibéret, lorsque la nuit vint les surpren-
un corps de troupes sur la hauteur du défilé. dre. Ils disaient avec impatience chacun suivant
Ils se hâtent de retourner sur leurs pas et de re- son caractère, les uns « Allons à travers tous les
prendre le premier passage ils le trouvent fermé obstacles de la route e les autres « Franchissons
par les mêmes obstacles et par des forces samni- les barrières de ces montagnes,traversons ces fo-
tes. A cette vue, ils s'arrêtent sans que personne rcts, marchons partout où nous pourrons avancer
en ait donné l'ordre; tous les esprits sont dans la avec nos armes. Parvenons seulement à cet en-
stupeur, et leurs membres sont frappés d'un en- nemi que nous battons depuis près de trente ans;
gourdissement extraordinaire. Ils se regardent et tout va s'aplanir, tout va devenir facile pour le
fixement les uns les autres, chacun pensant trou- Romain combattant contre le perfide Samnite »
ver dans autrui plus de force d'âme et de res- d'autres « Où et par où irons-nous? pouvons-
source, et restent longtemps immobiles et silen- nous donc déplacer, écarter ces montagnes? tant
cieux. Lorsqu'ils virent dresser les tentes des que ces hauteurs seront là, suspendues sur nos
consuls et quelques-uns d'entre eux faire les pré- têtes, quel moyen d'arriver à l'ennemi? armés on
paralifs nécessaires au campement, quoiqu'ils sans armes, braves ou sans courage, tous égale-
sentissent bien qu'ils allaient s'exposer à la risée ment nous sommes pris, nous sommes vaincus.
de l’ennemi en travallant à se fortifier dans L'ennemi ne nous présentera même pas le fer
une position affreuse où tout espoir même était pour que nous puissions trouver une mort hono-
perdu; toutefois, pour ne point ajouter les torts rable sans bouger de son poste, il va terminer la
au mallieur, chacun de son côté, sans qu'on l'y guerre. » Ce fut dans de pareils discours, sans
exhorte ou qu'on le lui commande, met la main que personne songeât à prendre de la nourriture
à l’œuvre. Ils établissent auprès des sources un ou du repos, que se passa la nuit. Les Sanmites,
camp retranché, tout en avouant eux-mêmes, de leur côté, ne savaient pas plus quel parti tirer
avec une ironie douloureuse, l'inutilité de leurs d'un si grand succès. Ils résolurentd'écrire, pour
ouvrages et de leurs efforts, et malgré les raille- le consulteur, à Hérennius Pontius, père de leur
ries amères de l'ennemi. Les consuls, plongés général. Ce vieillard, appesanti par les années,
dans l'abattement ne songeaient pas même à avait renoncé non-seulement aux emplois mili-
convoquer un conseil car, dans une telle po- laires, mais encore aux fonctions civiles; toute-
sition, il n'y avait ni avis ui secours à deman- fois dans ce corps affaissé par l’âge il y avait en-

saltum arctiorem impeditioremque evadendum. In eum ad%ocantes quidem in consilium, quando nec entisilio,
campum via alia per cavam rupem, Romani, demisso uec auxilio locus esset, sua sponte legati ac tribuni con-
agnunue, quum ad alias allgusuas prutinus pergerent, vcniunt militesquead prætoriumrersi, opem, quam vix
sæptas dejectu arborum saxorumque ingentium objacea- dii immortales ferre poterant, ah ducibus exposeunt.
tem molem invenere. Quum fraus hostil s apparuisset, III. Quercutes magis, quam consultantes, nox oppres-
præsidium etiam in summo saltu conspicitur. Citati inde sit, quum pro ingenio quisque fremerent; alius, «per
r' tro, qua venerant, pergunt repetere viam. Eam quo- cbices viarum alius, Per adversa montium, per silvas,
que clausaiu sua obice armisque inveniunt. Sistunt inde qua ferri arma poterunt eamus. Modo ad hostem perve-
gradum sine ullius imperio; stuporque omnium animos, nire liceat, quem per annos jam prope triginta vinfeimus,
ac velut toruor quidam insulitus membra tenet mtuea- omnia aequa et plana erunt Romano in perfidum Sam-
tesque alii alios, quum alterum quisque compotem mafiis nitem pugnanti; » alius, «Quo, aut qua eamus? Num mon-
mentis ac cousilii ducerent, diu immobiles silent. Donde tes mo in sede sua paramus ? Dum hæc imminebut, juga,
uhi practoria consulumerigi v.dere, et expedire quosdam qua tu ad hostem venies? Armaj, inerines, fortes, igna-
ulilia operi, quanquam ludibrio fore munientes, perditis vi, pariter omnes capti atque victi sumus. Ne ferrum
rébus ac spe omui adempta, cernebant; tamen, ne cul- quidem ad bene morieudum oblaiurus est hostis sedeus
pam mulis addcreut, pro se quioque, nec bortante ullo bellum couficiet. » His in vicem sermonibus, qua cibi,
nec imperante, ad muniendum versi, castra propier qua quietis immenior, noi traducta est. Ne Samnuibus
aquam vallo circumdaut; sua ipsi upero laburemque irri. quidem consilium in tam lætis suppetebat rebus. ltaque
tam, præterquamquod hostessuperbe increpabant, cum universi Herennium Pontium, patrem imperatuns, per
reisccarablil conl'essione eludentes. Ad consules mœstos, ne litcras consulcndum censent. Jam is gras is anuis non mi-
eore une grande force d'esprit et de jugement. amitié ni à vous délivrer de leur haine. Laissez-
Quand il apprit par le message de son Gls que leur donc la vie après les avoir irrités par un ou-
les armées romaines étaient enfermées aux Four- trage, tel est le caractère de la nation romaine,
ches-Caudines, entre les deux défilés, son avis qu'elle ne peut rester en repos après une défaite.
fut qu'il fallait les en laisser sortir tous sur-le- Dans leurs cccurs vivra toujours le souvenir de
cliamp, sans les traiter en vaincus. On rejeta ce tout ce que la nécessité leur aura fait subir d'hu-
conseil et on le consulta de nouveau, en lui ren- miliaut dans cette circonstance; et ce souvenir ne
voyant le même messager; alors il conseilla de leur laissera point de relâche qu'ils ne se soient
les exterminer tous jusqu'au dernier. Au reçu de vengés mille fois de vous. e
ces deux réponses, si peu d'accord entre elles et IV. Ni l'une ni l'autre opinion du vieillard ne
qui scmblaient avoir l’ambiguité des oracles, son fut approuvée. Hérennius quitta lecamp et fut ra-
fils, quoique l'un des premiers à penser que l'âge mené chez lui. Cependant les Romainsavaient fait
aVdit vieilli à la fois le corps et l'esprit de son de nombreuses et inutiles tentatives pour s'échap-
père, n'en céda pas moins au vœu général, en per et commençaient à manquer de tout. Vain-
faisant venir au conseil le vieillard lui-même. cus alors par la nécessité, ils envoient des dépu-
l;elui-ci n'hésita pas à se rendre au camp, où il tés chargés de demander d'abord une paix honora-
arriva, dit-on, amené dans un chariot, et, mandé ble, et, s'ils ne pouvaient l'obtenir, de provoquer
au conseil il y paila à peu près de la même ma- l'ennemi au combat. Pontius répondit « Que la
mère sans changer en rieu d'avis, ajoutant seu- guerre était finie, et que, s'ils ne savaient pas,
Iement ses mutils « par le premier conseil, qu’il vaincus et prisonniers avouer leur position, il les
ju;eait le meilleur, ou affermissait pour toujours, ferait passer sous le joug désarmés et avec un seul
par un grand bienfait, la paix et l'amitié avec une vôtement que les autres conditions de la paix
nation puissante; par le second, ou reculait la seraient égales entre les vainqueurs etles vaincus;
guerre de pl usieurs généra lions, les Romains alarit que, si les Romains évacuaient le territoire sam-
a peine assez de temps pour réparer leurs forces nite et en retiraient leurs colonies les deux na-
après la perte de deux armées entières quant à tions désormais vivraient indépendantes, chacune
un troisième parti, il n’en voyait pas. » Son fils selon ses lois, d'après un traité basé sur la justice.
et les autres chefs insistant et lui demandant Qu'à ces conditions il était prêt à traiter avec les
« s'il n'y avait pas un milieu à adopter, comme consuls; que, dans le cas où elles ne seraient pas
de renvoyer sains et saufs les ennemis en leur im- toutes acceptées, il défendait aux députés de se
posant des lois telles que le droit de la guerre représenter devant lui. » A peine le résultat de
permet d'en prescrire aux vaincus; » « Ce parti, cette députatiun fut-il connu, qu'il s'éleva de
répondit-il, n'est de nature ni à vous gagner leur tous côtés des cris lamentables; la consternation

litaribus solum, sed civilibus quoque, abscesserat mune- imponerentur?—«Istaquidem sententia, inqmt, ea est,
ribus in corpore tamen affecto vigebat vis animi cousi- quæ neque amicos parat, neque inimicos tollit. Servate
lii jue. Is, ubi accepit, ad Furculas Caudiuas inter duas modo, quos ignominid irritaveritis. Ea est romnna geus,
saltus clausos esse exercitus romanos, consultus ab nun- qnæ victa qmescere uesciat. Vivet semper in pectorihus
tio tim, ceusuit, umnes iude quam primum inviolatos di- illorum, quicquid istuc præsens necessitas inusseiit; ne-
mitteudos. Quæ ubi spreta seutentia est, iterumque, eo- que eus aute multiplices poeuas elpetitds a vobis quiescere
dem remeaute nunntio, cousulebatur, censuit, ad uuum sinet.
omnes interliciendos. Quæ ubi tam discordia imer se, IV. Neutra sententia accepta Herennius domum e
velut et aucipili oraculu, responsa data sont; quauquam castris est avectus. Et in ca·tris romanis yuum frustra
lilius ipse in$p jam animum quoque patris couse- mulli conatus ad erumpendum capti essent et Jam cm-
nuisse iu afiecto curpure rebatur; tameu consensu om- nium rerum inopia esset victi necessitatelegatos mittunt,
mum viclus est, ut ipsum in consilium acciret. Nec gra- qui primum pacem æquam peterent si pacem non mi-
vatus seuex plaustro m caslra dicitur advectus, vocâtus- petrarent, uti provocareot ad pugnam. Tum Pontius,
que iu cousilmmita ferme locutus esse, ut nihil setentiæ « debellatum esse, respoudit et, quouiam ne victi qui-
sua; mutaret; causas tantum adjiceret Priore se con- dem ac capti fortunam fateri scirent inermes cum sin-
silio, quod optimum duceret, cum potentissimo populo gulis vestimentis sub jugum missurum alias conditiones
per ingens beneficium perpetuam firmare pacem aminci- pacis squas victis ac victoribus fore, si agru S. mmtium
tiamque altero consilio in multas atates, quibus, amis- decederetur, coloniæ abducerentur, suis dcinde legibus
sis duobus exerciubus, baud facile receptura vires ro- Romanum ac Samnitem a'quo fœdere victurum. His cou-
mana res esset, bellum differre tertium nullum consi- ditiouibus paratum se esse fœdus cum consuliliusferire
lium esse. » Quum filius aliique principes percuntando si quid corum displiceat, legatosredire ad se vetuil.- Hæc
exsequerentur a Quid si média via consilit caperetur quum legaliu renuutiaretur, tantus gemitus omnuium su-
ut et dmitlerentur incolumes, et leges iis jure belli victis bito exortus est, tantaque mœstitia incessit, ut non gra-
n'eût pas été plus profonde, si l'on fût venu leur les livrer et non les sauver que de sacritier cette
annoncer qu'il leur fallait tous mourir où ils armée? Car, qui les défondra? Sera-ce cette mul-
étaient. Après un long silence, et comme les con- titude faible et incapable de se servir d'armes?
suls n'avaient pas la force d'ouvrir la bouche ni en Oui, comme elle les a défendus contre l'attaque
faveur d'un traité si honteux ni contre un traité des Gaulois. lront-ils donc demander en sup-
si nécessaire, L. Lentulns, alors le premicr des pliants une armée aux Véiens et un Camille pour
lieutenants et par son mérite et par les honneurs chef? ici sont toutes nos espérauces et toutes nos
auxquels il avait été élevé, prit la parole en ces forces; les conserver, c'est conserver la patrie;
termes e Consuls, j'ai souvent entendu dire à les sacrifier, c'est abandonner, c'est trahir la pa-
mon père qu'au Capitole, seul entre tous les sé- trie. Mais c'est une honte, une ignominie qu une
nateurs, il n'avait point été d'avis qu'on rachetât pareille capitulation. Tel est cependant l'amour
des Gaulois la ville avec de l'or, quand ni fossés de la patrie, qu'il exige que nous la sauvions,
ni palissades ne séparaient les Romains d'un en- s'il est nécessaire, aux dépens de notre honneur,
nemi que rebutait la fatigue de se fortifier, et comme au péi de notre vie. Subissons donc
quand il leur était possible de se faire jour à tra- cette humiliation, quelle qu'elle soit, et obéis-
vers ses rangs, sinon sans un grand danger, au sons à la nécessité que les dieux eux-mêmes ne
moins sans une perte certaine. Que si, comme sauraient vaincre. Allez, consuls, rachetez par nos
les Romains d'alors ont pu duCapitole tondre sur armes cette ville que vos pères ont rachetée par
l'ennemi les armes à la main, et comme il est ar- leur or. o
rivé souvent à des assiégés de se jeter sur les as- V. Les consuls se rendirent auprès de Pontius
siégeants, il nous était seulement possible d'en ve- pour conférer avec lui, et, comme le vainqueur
nir aux mains avec l'ennemi dans une bonne ou insistait sur le besoin d'un traité, ils lui lireutob-
mauvaise position il ne me manquerait rien du server qu'un traité ne pouvait être conclu sans
caractère de mon père pour douner un conseil. l'autorisation du peuple, sans les féciaux et les
Certes, j'avoue qu'il est beau de mourir pour la autres solennités religieuses. Ainsi, ce n'est point,
patrie; et je suis prêt soit à me dévouer pour le comme on le croit communément et comme le
peuple romain et ses légions, soit à me précipiter rapporte aussi Claudius, d'après uu traité que fut
au milieu des ennemis. Mais je vois ici la patrie, faite la paix de Caudium mais d'après une pro-
j'y vois tout ce qu'il y a de légions romaines; et messe de traité. Et en effet, qu'eût-il été besoin
ces légions, si ce n'est pour elles-mêmes qu'elles de cautions et d'otages dans un traité consacré par
veulent courir à la mort, qu'out-elles à conser- ces imprécations e Que le peuple par qui seront
ver par cette mort? Les maisnns de la ville, dira- enfreintes les conditions arrêtées tombe sous les
t-on, ses murailles, et cette multitude qui com- coups de Jupiter comme le porc sous ceux des fé-
pose les habitants de Rome? Mais n'est-ce pas ciaux » ? Les cautions, ce furent les consuls, les

vins accepturi viderentur si nuntiaretur omnibus eo litur. Imo, hercule, produntur ea omnia dclelo hoc
loco mortem oppelendam esse. Quum diu silentium fuis- exercitu, non servantur. Quis enim ea tuebitur ? Imbel-
set, nec cousules aut pro fœdere tam turpi aut contra lis videlicet atque inermis multitudo. Tam, hercule, quam
fœdus tam uecessariumhi·cere pussent; tum L. Leutulus, a Galloruiu impetu deleiidit. An a Veiis exercitum Ca-
qui tum princepslegatorumvirtuteatquehonoribuserat: millumqueducem implorabunt? Hic omnes spes opesque
« Patrem meum, inquit, consules, sæpe audivi memo- sunt, quas servando patriam servamus; dedendo ad ne-
rantein, se in Capitolio unum non fuisse auctorem sena- cem patriam deserimus ac prodimus. At focda atque ipno-
tui redimendæ auro a Gallis civitatis, quando nec fossa miniosa deditio est. Sed ea caritaspatriæ est, ut tam igno-
valloque ab ignavissimo ad opera ac muniendum huste minia eam quam morte uostra si opus sit, servemus.
clausi essent; et eruinpere si non sine periculo magno, Subeatur ergo ista, quautacuuqueest, indignilas; et pa-
tamen sine certa pernicie posseut. Quod si, ut illis de- reatur necessitati, yuam ne du quidem superant. lte,
currere ci Capitolio armalis in hostem lienit (quo sœpe consules, redimite armis civitatem, quam auro majores
modo obsessi in obsidentes eruperunt), ita nobis quo aut vestri redemerunt.»
iuiquo loco dimicandi tantummo Io cum troste copia es- V. Consules profecti ad Pontium iu colloquium, quum
sct, non mibi paterni animi indoles in consilia dando de fœdere victor agitaret, negarunt, injussu populi fœ-
dcesset. Eqmdem mortem pro patria prclaram esse fa- dus fieri posse nec sine fetialibus cærimoniaque alia sol-
teur et me vel devovere pro populo romauo legionibus- lenni. Itaque non, ut vull!o credunt, Claudiusque etiam
que, vel in medios me immittere hostes paratus sum. scribil, fœdere pax caudina, sed per sponsiunem, facla
Sed hic patriam video, hic quicquid romanarum legio- est. Quid euim aut sponsoribus in fœdere opus esse, aut
num est qua, nisi prose ip.is ad mortem ruere volunt, obsidibus, ubi precatione res trans'gitur Per quem
quid habeut, yuod morte sua servent? Tecta urbis, di- populum flat, quo minus legibus dicus stelur, ut énmu nta
ce! aliquis, et mœma, et eam turbam, a qua urbs inco- Jupiter feriat, quemadmodum a fetialibus porcus fet la-
üeutenants, les questeurs, les tribuns militaires; fourreau, ni en venir aux mains avec l'ennemi.
et les notns de tous ceux qui furent garants de la C'est en vain qu'il leur a été donné des armes,
capitulation, sont au bas de l'acte tandis que, s'il des forces, du courage.* Comme ils murmuraient
avait été conclu un traité, on n'y trouverait que ces plaintes, arriva le moment fatal de l'ignomi-
ceux des deux féciaux. Et, à cause des délais quo nie, qui devait leur faire trouver tout beaucoup
devait nécessairement entraîner la conclusiond'un plus affreux que ce qu'ils s'étaient imaginé. D'a-
traité, il fut exigé de plus six cents otages pris bord, il leur fut enjoint de sortir de leurs re-
parmi les chevaliers, lesquels devaient payer de tranchements avec un seul vêtement et sans ar-
leur tête toute infraction au traité. On fixa ensuite mes et les otages furent les premiers livrés et
le moment où seraient livrés les otages, et où l'ar- conduits en prison ensuite ce fut le tour des con-
mée viendrait sans armes passer sous le joug. Le suls, dont on renvoya les licteurs et à qui on ôta
retour des consuls renouvela la désolation dans le paludamentum. A cette vue, ceux-là même
le camp, à tel point que les soldats eurent de la qui, peu de temps auparavant, les chargeaient
peine à s'abstenir de porter la main sur ceux dont d'exécrations et voulaient les sacrifier et les met-
l'imprudence les avait poussés dans ce piège, et tre en pièces, furent tellement émus de compas-
dont la lâcheté allait les en faire sortir avec plus sion, que chacun, oubliant son propre malheur,
de honte qu'ils n'y étaient tombés. Ils leur repro- détourna ses regards de cette dégradation d'une
chent de n'avoir pas pris de guide, de n'avoir si haute majesté, comme d'un spectacle plein
pas fait reconnaître les lieux, de s'être préci- d'horreur.
pités en aveu-les dans une fosse comme des bê- VI. Les consuls, presque à moitié nus, pas-
tes fauves; ils se regardent les uns les autres, ils sèrent les premiers sous le joug; puis chaque
promènent leurs regards sur ces armes qu'ils vont chef, selon son grade, subit à son tour cette
bientôt livrer, sur ces bras qui dans peu se- ignominie; puis chaque légion l'une après l'au-
ront désarmés, sur ces corps qui vont être à la tre. Les ennemis, rangés en armes autour des Ro-
merci de l'ennemi; ils se représententle joug sous mains, les accablaient d'insultes et de railleries;
lequel l'ennemi va les faire passer, les railleries des épées même furent levées sur le plus grand
du vainqueur, sa fierté insultante, ce passage nombre, et plusieurs furent tués ou blessés, pour
d'hommes sans armes au milieu de gens armés avoir offensé le vainqueur en laissant trop pa-
puis cette marche déplorable de soldats déshono- raître sur leur visage l'indignation que leur cau-
rés traversant les villes alliées pour retourner saient tant d'injures. Ce fut ainsi qu'ils courbè-
dans leur patrie, dans leur famille, où leurs pères, rent la tête sous le joug, et, ce qui était en
où eux-mêmes étaient si souvent revenus triom- quelque sorte plus cruel, sous les yeux de l'en-
phants. « Ils sont, se répètent-ils, ils sont les seuls nemi. Lorsqu'ils furent sortis du défilé, quoique,
qu'on ait vaincus sans blessure, sans fer, sans com- arrachés pour ainsi dire aux enfers, il leur sem-
bat ils n'ont pas même pu tirer leurs épées du blât voir la lumière pour la première fois, cette

tur. » Spopuoderuntconsoles, legati quaestores, tribuni hoste conferre sibi nequicquam arma nequicquam vi-
mililum; nommaque omuium, qui spuponderunt, ex- res, nequicquam animos datos. Hæc frementibus horla
stant ubi si ex foedere acta res esset præterquam duo- fatalis ignominiæ advenit, omnia tristiora expermudo
rum fetialium, non exstarent. Et propter necessariam factura, quam quæ pra'ceperant animis. Jam primum
fœderis dilationem obsides etiam sexcenti équités impe- cum siogulis vestimentis inermes eltra vallum exire jussi,
rali, qui capite luerent, si pacto non staretur. Tempus et primi traditi obsides, atque in custodiam al ducti. Tum
'inde statutum tradeudis obsidibus exercituque inermi a cousulibus abire lictores jussi paludameutaque detracta;
mi tendo. Redintegravit luctum in caàtris consulum ad- tantam inter ipsos, qui paullo ante eos exsecrantes, de-
ventus, ut vix ab iis abstiuerent manus, quorum leme- dendos lacerandosque censuerant, miserationem fecit,
ritate in eum locuin deducti essent; quorum ignaua fœ- ut, sua; quisque conditions ob'itus, ab illa delormatioue
dius inde, quam venissent, abituri. « Illis non ducem lo-
m tantæ majestatis, velut ab nefaudo spectaculo, averteret
corum, non exploratorem fmsse: belluarum modo cæ- oculos.
cos in foveam missos.. Alii alios intueri, contemplari VI. Primi consules prope seminudi sub jugum missi
arma moi tradenda, et inermes futuras deitras, obnoxia- tum ut quisque gradu proximus eret, ita ignominiæ ob-
que corpora bosti proponere sibimet ipsi aute oculos ju- jeclus tum de:nceps singulæ legiones. Circumstabant
guin hoslile, et ludibria victoris, et vultus superbos, et armati hostes, eiprobrantes eludentesque gladii etiam
per armatos inermiumlier iude fœdi agminis miserabi- plerisque intentati et vulnerati quidam necatique, si
lem viam, per sociorum urbes reditum in patriam ad pa- vultus eorum indignitate rerum acrior victorem offeu-
rentes, quo sæpe ipsi majoresque corum triumphantes ve- disset. Ita traducti sub jugum, et, quod pæue gravius
nissent. « Se solos sine vulnere sine ferro, sine acie vic- er.it, per bostium oculos. Quum e saltu evasisscut, etst,
tus sibi non stringere licuisse gl di », n in manum cum velut ab inferis extractr, tum primum lucrm aspicers
lumière même, mettant à nu toute l'ignominie main leur courage leur avait été enlevé avec leurs
de leur marche, leur fut plus insupportable que armes; ils ne reudaient pas le salut, ils n'adres-
toute mort. Ils auraient pu arriver à Capoue avant saient pas un mot à ceux qui les saluaient ils pa-
la nuit mais peu sûrs de la fidélité de leurs al- raissaient si épouvantés qu'ils ne pouvaient ou-
liés et retenus aussi par la honte, ils s'arrêterent vrir la bouche, on eût dit qu'ils sentaient encore
dans le s environs, à qnelque distance de la ville, peser sur leur cou le joug sous lequel ils avaient
manquait de tout, et n'ayant pour lit que la terre. passé. Les Samuites avaient la une victoire écla-
Quand on eu fut infirmé à Capoue, une juste tante qui leur répondaitde l'avenir; car ils avaient
compassion pour les alliés l'emporta dans le coeur réduit, non pas la ville, comme les Gaulois, mais,
des Campaniens sur leur insensibilité naturelle. ce qui était bien autrement décisif, la valeur et la
Ils envoient aussitôt aux consuls les insignes de fierté romaiue. »
leur dignité, des faisceaux, des licteurs, et aux VI1. On en était à tenir de pareils discours, à
soldats, des armes, des chevaux, des vêtements, tes écouter, et, dans un sénat d'alliés fidèles, ou
des vivres. A l'arrivée des Romains à Capoue, le déplorait presque la perte du nom romain, lors-
sénat en corps et tout le peuple sortent à leur qu'O6lius Calavius, fils d'Ovius, illustre par sa
rencontre simples particuliers et magistrats, tout naissance et par ses exploils, vénérable par son
le monde remplit envers eux les devoirs d'une âge, dit qu'il n'en était pas du tout ainsi des Ro-
juste hospitalité. Mais l'accueil plein d'affabilité de mains « Ce silence obstiné, ces yeux fixés à terre,
leurs alliés, leur air de bonté, leurs discours obli- ces oreilles sourdes à toute consolation, cette honte
geants, rien ne put leur arracher un seul mot, de voir la lumière, ce sont, selon lui, autautd'in-
même leur faire lever les yeux et regarder en face dices d'un effrayant amas de colères fermentantau
des amis qui cherchaient à les consoler. Tant fond de leur âme ou il connaît mal le caractère
il y avait en eux, outre la douleur, je ne saisquel romain, ou ce silence arrachera bientôt aux Sam-
sentiment de confusion qui leur faisait fuir les en- nites des cris de douleur et des pleurs amers le
tretiens et la société des hommes. Le lendemain, souvenir de la paix de Caudium sera plus cruel
lorsqu'ils partirent de Capoue, de jeunes nobles pour eux que pour les Romains car le Romain
furent chargés de les accompagnerjusqu'aux fron- aura toujours avec lui son courage, en quelque lieu
lieres de la Campanie. A leur retour, appelés au qu'il livre combat, mais les Samnites n'auront point
sénat, ils répondirent aux questions des plus an. partout les fourches Caudines. » A Rome, on con-
ciens, « que les liomains leur avaient paru beau- naissait déjà ce honteux désastre. On y sut d'abord
coup trop tristes et trop abattus; que, durant leur que les troupes étaient cernées. Ensuite, on apprit
marche, ils avaient été silencieux et presque la nouvelle de cette paix ignominieuse, et cette
muets. C'était fini, selon eux, du caractère ro- nouvelle répandit plus de consternation que celle

visi sunt, tamen ipsa lux ita déforme iutuentibus agmen dare responsum, non biscere quemquam prae metu po-
omui morte tristior fuit. Itaque, quum ante noctem Ca- tuisse, tanquam ferentibus adhuc cervicibus Jugum sub
puam pervenire pusseut. incerti de fide sociorum, et quo emissi essent. Habere Samnitesvictoriam, non prie-
quod pudor præpediebat, circa viam baud procul Ca- claram solum sed etiam perpeluam. Cepisse rnim eos
pua ommum egeui corpora humi prostraverunt. Quod non Romam, sicut ante Gpllos, sed, quod multo bellico-
ubi est Capuam nuntiatum, evicit miseratio justa socio- sius fuerit, romanam virtutem ferociamque. »
runt superbiam ingeniam Calilpanis. Coufestim insiguia VII. Quum haec dicerentur audiienturque,et deplo-
sua cousulibus,fasces, lictores, arma, equus, vestimenta, ratum popue romanum nomen in concilio sociorum fide-
commeatus militibus beuigne mittuat; et venientibus lium esset; dicitur Ofilius Calavius, Ovii filius, clarus
Capuam cunctus seuatus populusque, obviam egressi, genere factisque, tum etiam ætate verendus, longe ali-
justis omnibus hospitalibus, privausqueet publicis fun- ter se habere rem dixisse Silentium illud obstinatum,
guntur officds. Neque illis sociorum comitas vultusque fixosque in terram oculos, et surdas ad omnia solatia au-
benigni, etalloquia non modosermonemehcere, sed ne, rea, et pudorem intuendae lucis ingentem molem ira-
ut oculos quidem attollerent, aut consolantes amicos con- rum ex alto anime cientis indicia esse aut romana se
tra intuerentur,efricere poleraut. Adeo super mœrorem ignorareingénia, aut silentium illud Samniubus flebiles
pudor quidam fugere colloqma et caetus hominum coge- brevi clamores gemitusque egcitaturum; caudinæque
bat. Postero die quum juvenes nobiles, missi a Capua pacis aliquanto Sammtibus, quam Romanis tristiorem
ut proliciscentes ad fioem campanum prosequerentur, memoriam fore. Qmppe suos quemque eorum animos
revertrssent, vocatique in Curiam percunctantibus majo- habiturum, ubicunque congressuri sint; sallus caudiuost
ribub natu « Multo sibi mœstiores et abjectioris animi non ubique Samuitibus fore. Jam Romæ etiam sua in-
visos, referreut; a adeo silens ac prope mutum agmeu in- famis clades erat. Obsessos primum audierut tristior
cessisse jacere indolem illam romanam, ablatsque cum deinde ignomimosæ pacis magis quam periculi, Duntus
armis aonnos. Non reddere salutem, non salutantibus fuit. Ad famam obsidionis delectub bat/en cœptus erat
du péril. Au premierbruit que l'armée était inves- de la cavalerie. Ceux-ci n'assemblèrentpas non
tie, on avait commencé à faire des levées; on re- plus les comices; et, comme le peuple avait pris
nonça ensuite à tout préparatif et à toute idée de du dégoût pour tous les magistrats de cette année,
secours, quand on connut une capitulation si hon- on en vint tin interrème, les interrois furent
teuse et sur-le-champ, sans l'intervention de l'au- Q. Fabius Maximus et M. Volétius Corvus Ce
torité puhliyue, et comme de concert, il y eut dernier nomma consuls Q. Publilius Philn et L. l'a-
deuil général. Les boutiques dans le forum se fer- pirius Cursor pour la seconde fois, choix approuvé
mèrent, le juslitium s'établit de lui-même sans de tous les citoyens, ces deux hommes étant in-
avoir été proclamé on déposa les laticlaves et contestablement les plus illustres capitaines de
les anneaux d'or la désolation de la ville sur- l'époque.
passait presque celle de l'armée. On n'était pas VIII. Le jour de leur nomination fut aussi celui
seulement irrité contre les généraux et contre de leur entrée en charge ( les sénateurs l'avaient
ceux qui avaient conseillé ou garanti la paix; on ainsi décidé) et les cérémonies religieuses une
en voulait même aux suldats, quoique innocents; fois terminées, on mit en délibération la paix de
on parlait de leur refuser l'entrée de la ville et Caudium. Alors Publilius, qui avait les faisceaux,
de leurs propres maisons. Cette fermentation des s'adresse à Postumius « Parle, Spurius Postu-
esprits se calma à la vue de cette armée digne de mius, lui dit-il. 1 Celui-ci se leva aussitôt, et,
la pitié même des plus irrités; car ce ne fut avec le même air qu'il avait en passant sous le
point avec la joie de gens qui reviennent, con- joug, il parla ainsi « Consuls, je n'ignore pas que
tre toute espérance, sains et saufs dans leur c'est pour m'humilier et non pour me faire hon-
patrie, mais avec l'air et la contenance de mal- neur que l'on m'a donné, à moi le premier, l'or-
heureux captifs, qu'ils rentrèrent dans Rome, le dre de me lever et de parler, non comme séna-
soir, et qu'ils coururent se cacher au fond de leurs teur, mais comme coupable à la fois d'une guerre
maisons, de sorte que le lendemain et les jours malheureuse et d'une paix flétrissante. Cepeudant,
suivants pas un d'eux ne voulut paraître sur le fo- puisqu'il n'est question, dans votre rapport, ni
rum ou en public. Les consuls, se renfermant dans de notre faute ni de notre punition, je vais, en
la vie privée, ne firent aucun acte de leur magis- m'abstenant d'une justification qui ne serait pas
trature il leur fut cependant ordonné par un sé- très-difficile devant des hommes connaissant les
nalus-consulte de nommer un dictateur pour la destinées et les nécessités humaines, vous expo-
tenue des comices, et ils nommèrent Q. Fabius ser en peu de mots mon avis sur ce qui fait
Ambustus; le maître de la cavalerie fut P. Ælius l'objet de votre delibération. Cet avis témoi-
Pætus. Cette nomination n'ayant pas été faite ré- gnera si c'était moi ou vos Iérious que j'épar-
gulièrement, on leur substitua M. Émilius Papus guais, quand je me suis lié par une promesse, di-
pour dictateur, et L. Valérius Flaccus pour maître rai-je honteuse ou nécessaire. Quoi qu'il en soit,

dimissus deinde auxiliorum apparatus, postquamdeditio- regnum rediit. Iuterreges Q. Fabius Maximus, M. Va-
nem tam fœde facla n acceperuat extemploque sine ulra lerius Corvus. Is consules oc vit Q. Put 1 lium Plulonem
publica auctoi itate consensum in omnem formam luctus et L. P. pirium Cursorem itei mu baud dubio cousensu
est. Tabei nie circa forum clausæ, justitiumque in foro civitalis quod nulli ea tempestate duces clariores es-
sua sponte cœptum prius, quam indictum lati clavi, sent.
annuli aurei positi; pæne mœstior eaercitu ipso ciiitas VIII. Quo creati suut die, eo (sic enim placuerat Pa-
esse nec ducibus solum atque auctoribus sponsoribusque tribus) magistratum imeruut, sollenmbusque senatus-
pacis irasci, sed innoiios etiam milites odisse, et negare consultis perfectis de pace caudina retulerunt. Et Pu-
urbe tect sve accipiendos. Quam concitationem anima- blilius, peues quem fasces eraut « Dic, Sp. Postumi,
rum fregit adventus exerrilus, etiam iratis miserahi- inquit. Qui ubi surrexit, eodem illo vultu quo sub ju-
lis. Non enim tanquam in patriam revertentes ex inspe- gum missus erat « Haud sum ignarus, imjuit, consules,
rato incolumes, sed capturum habilu vultuque ingressi ignominias, non honoris causa me primum excit tum
sero in urbem, ita se in suis quisque tectis abdiderunt, jussumque dicere, uon tanquam senatorem,sed tanquam
ut postero atque insequentibusdiebus uemo eorum forum reum qua infelicis belli qua ignommiosæ pacis. Ego ta-
aut pulilicum aspicere vellet. Cousules, in privato abditi, nien, quaudo neque de noxa nostra neq e de pœna re-
niliil promagtstratu agere, uisi quud eipressum senatus- tulistis, omissa defeusione, qum non difllcillima essetapud
consulto est, ut dictatorem dictrent comitiorum causa. baud ignaros fortm.arum humanarum necessitatumque,
Q. Fabium Ambustum dixerunt, et P. Ælium Pætum sententiam de eo de quo retulist s, paucis peragam
magistrum equium quibus vnio crealis, suffecti M. Æ- quæ sententia testis erit, mihme, an legionibus vestris
matus Papusdictator, L. Vaterius Flaccus magister equi- pepercerim, quum me seu turpi seu Decessaria sponsione
tum. Nec per eus comtia habita et, quia tædebat po- obstriuai. Qua tamen, quaudo injussu populi facla est
pulum omnium magistratuum elus auni, res ad inter- non tenetur populus romauus; nec quicquaiii ex ca præ-
cotle promesse, faite sans l'ordre du peuple, ne lius, furent une légère tentative d'opposition
l'oblige en aucune manière et même, d'après cette « On ne dégageait pas la conscience du peuple en
promesse, il n'est rien dû aux Samnites. que nos livrant leurs personnes, à moins que tout, à l'é-
personnes. Soyons donc livrés par les féciaux, nus gard des Samnites, ne fût remis dans le même
et enchaînés; dégageons la conscience du peuple, élat, qu'avant la paix de Caudium; et pour avoir,
si nous l'avons engagée de quelque manière; que en se rendant garants de la paix, sauvé l'armée du
rien de la part des dieux ou des hommes ne vous peuple romain, ils n'ont pas pour cela mérité d'ê-
empêche de recommencer une guerre juste et ir- tre punis; enfin, leurs personnes, étant inviola-
réprochable. En attendant, vos consuls peuvent bles, ne pouvaient être livrées à l'ennemi ni ex-
faire des levées, les équiper, les mettre en campa- posées à l'outrage. »
gne mais il ne faut pas mettre le pied sur le ter- IX. Postumius répondit « Livrez-nous tou-
ritoire ennemi avant d'avoir accompli toutes les jours, nous profanes, que vous pouvez livrer
formalités nécessaires pour livrer nos personnes. sans porter atteinte à la religion; vous livrerez
Et vous, dieux immortels, je vous en supplie et plus tard ces personnages inviolables, aussitôt
vous en conjure, si vous n'avez pas voulu que qu'ils seront sortis de charge; mais, si vous m'en
les consuls Sp. Postumius et T. Véturius fissent croyez, avant de les livrer, vous lesferezici, dans
heureusement la guerre avec les Samnites, qu'il le comice, battre de verges, afin qu'ils paient
vous suffise du moins de nous avoir vus passer ainsi le délai de la peine. Car, quant à ce qu'ils
sous le joug, liés par une promesse déshonorante, disent, qu'on ne dégage pas la conscience du peu-
et de nous voir livrés à l'ennemi, nus, enchainés, ple romain eu nous livrant, est-il ici quelqu'un
et recevant sur nos têtes tout le poids de sa colère. assez peu instruit de la législation des féciaux
Permettez que les nouveaux consuls et les légions pour ne pas voir que c'est la crainte d'être li-
romaines fassent avec les Samnites une guerre vrés bien plus que la conviction de ce qu'ils avan-
aussi heureuse que toutes celles qui ont été faites cent, qui leur inspire ce langage? Ce n'est pas
avant notre consulat. » Ces paroles comblèrent que je veuille nier, Pères conscrits, que les pro-
l'assemblée de tant d'admiration et de pitié pour messes ne soient aussi sacrées que les traités pour
lui, qu'à peine pouvait-on croire que ce fût ce quiconque respecte la bonne foi entre les hommes
même Sp. Postumius qui avait été l'auteur d'une à l'égal de la religion; mais je nie que sans l'a-
paix si honteuse, et qu'on déplorait amèrement veu du peuple on puisse rien conclure qui oblige
qu'un tel homme, livré aux mains d'un ennemi le peuple. Si les Samnites, avec la même hau-
irrité dût être puni le premier par le supplice de teur qu'ils nous ont arraclré cette promesse, nous
la rupture de la paix. Tout en le comblant de jus- avaient forcés de prononcer les paroles consacrées
tes éloges, on se bornait toutefois à se ranger de par lesquelles on rond les villes, diriez-vous, tri-
son avis les tribuns du peuple, L. Livius etQ. Mé- buns, que le peuple romain s'est rendu, que cette

terquam corpora nostra debentur Samnitibus. Dedamur cessio est ab L. Livio et Q. Mælio tribunis plebis; qui,
per fetiales nudi vinctique ezsolvamna religione popu- neque exsolvi religione populum, aiebant, deditione
lurn, si qua obligavimus; ne quid divini humanive ob- sua nisi omnia Samnitibus, qualia apud Caudium fuia-
stet, quo minus justum piumque de integro iueatur bel- sent, restituerentur neque se pro eo, quod, spondendo
lum. Interea consules exercitum scribere, armare edu- pacem, servassent exercitum populi romani, pœnam
cere placet, nec prius ingredi hostium flues quam om- ullam meritos esse; neque ad extremum, quum sacro-
nia justa in deditionem nostram perfecta erunt. Vos, dit saucti essent, dedi bostibus violarive posse. »
immortales, precor qua'soque si vobis non fuit cordi, IX. Tum Postumius, « lnterea dedite, inquit, profanos
Sp. Posluinium, T. Veturium consules cum Samnitibus nos, quos salva rehgione potestis; dedetis drinde et istos
prospere bellum gercre; at vos satis habeatis vidisse nos sacrosanctos,quum primum magistratuabierint; sed, si
sub jugum missos, vidisse sponsione infami obligatos, me audiatis, prius quam dedautur bic in comitio virgis
videre nudos vinctosque bosuhus deditos, omnem iram caesos, bancjam ut intercalatæ pœnæ usuram habeant.
bostium nostris capitibus excipientes. Novos consules le- Kam quod deditione nostra negant exsolvi religione po-
gionesque romanas ita cum Samnite gerere bellum veli- pulum, id istos magis, ne dedantur, quam quia ita se res
tis, ut omnia ante nos consutes bella geste sunt. » Quæ habeat, dicere, quis adeo juris fetialium cipers est, qui
u))i dixit, tanta simul admiratio miseratioque viri inces- ignoret? Neque ego inlicias eo, Patres conscripti, tam
ait omnes, ut modo vix crederent, illum eumdem esse sponsiones quam fœdera sancta esse apud cos bomines,
Sp. Pa,tumium uui auctor tam fœdæ pacis fuisset; modo apud quos juxta divinas religiones Odes humaua colitur;
mi erarentur, quod vir talis etiam præcipuum apud hot- sed injussu populi nego quicquam sanciri posse, quod po-
tes supplicium passurus esset ob iram diremptæ pacis. pulum teneat. Au, si eadem auperhia, qua sponsionem
Quum ornues, laudibus modo prosequentes virum, in islam expresseruut nobia Sanmites, coegissent nos verba
sententiam ejus pedihus irent; tentata paullisper inter- légitima dedeatium urbes uuncuparc, deditum populum
ville, ses temples, ses autels, que cette terre, ces pendant qu'ils faisaient venir de chez eux leurs
eaux appartiennent aux Samnites? Mais pour- vieillards pour les consulter, d'envoyer des dé-
quoi parler de ces'iou, puisqu'il s'agit d'une pro- putés à Rome? de faire avec le sénat, avec le
messe ? Que serait-ce donc si nous eussions promis peuple, un traité de paix et d'alliance? Il y avait
que le peuple romain abandonnerait cette ville? pour trois jours de marche en se hâtant. Daus
qu'il y mettrait le feu? qu'il n'aurait plus ni ma- l'intervalle, il y aurait eu suspension d'armes
gistrats, ni sénat, ni lois? qu'il obéirait à des rois? jusqu'au retour de leurs députés, qui leur auraient
Aux dieux ne plaise! dites-vous; mais l'indignité rapporté de Rome ou une victoire certaine ou la
des conditions ne brise pas les liens de l'obliga- paix. Alors c'eût été véritablement un engage-
tion. S'il y a un point sur lequel le peuple peut ment obligatoire que celui que nous aurions pris
être lié, il peut l'être sur tous; et il n'importe par ordre du peuple. Mais un tel engagement,
même pas, encore que cela pût faire impres- vous, vous ne l'auriez pas souffert, et nous, nous
sion sur quelques personnes, que ce soit uu con- ne l'aurions pas contracté. Les choses ne de-
sul, uu dictateur ou un préteur qui se soit porté vaient pas avoir un autre dénoûment; il fallait
garant. C'est ce qu'ont senti les Samnites eux- que les Samnites fussent comme le jouet d'un
mêmes, lesquels ne se sont pas contentés de la songe trop beau pour que leurs esprits pus-
parole des consuls, et ont exigé celle des lieute- sent en supporter l'ivresse; que la même for-
nants, des questeurs, des tribuns militaires. Et tune qui avait engagé notre armée dans un piège
qu'on ne vienne pas maintenant me demander l'en retirât; qu'une victoire vaine devînt entiè-
pourquoi j'ai pris un pareil engagement, puisque rement inutile par une paix encore plus vaine;
un tel acte outrepassait les droits d'un coosul, qu'il ne restât de tout cela qu'une promesse n'o-
puisque je ne pouvais leur garantir la paix ni en bligeant personne excepté ses garants. En effet,
mon nom, moi de qui elle ne dépendait pas, ni quel traité, Pères conscrits, a-t-on fait avec vous,
en votre nom, vous de qui je ne tenais aucun or- avec le peuple romain? Qui peut vous prendre à
dre semblable. Rien de cequi s'est faith Caudium, partie? Qui peut dire que vous l'avez trompé?
Pères conscrits, n'est arrivé par la volonté des l'ennemi, ou le citoyen? L'ennemi, vous ne lui
hommes. Les dieux immortels ont frappé d'aveu- avez rien promis; le citoyen, vous n'avez chargé
glement et vos généraux et ceux des ennemis. personne de rien promettre pour vous. Vous n'a-
Nous, nous avons manqué de prévoyance dans la vez donc rieu à débattre ni avec nous, à qui vous
guerre; et eux, cette victoire qu'ils avaient si mal n'avez rien ordonné; ni avec les Samnites, avec
gagnée, ils l'ont maladroitement gâtée, comptant qui vous n'avez point traité. Les Samnites n'ont
à peine sur les lieux qui les ont fait vaincre, et se de garants que nous, garants assez solvables en
hâtant d'enlever à tout prix leurs armes à des ce qui nous appartient, et que nous pouvons
hommes nés pour les armes. Et s'ils n'avaient pas livrer, à savoir nos personnes et noire vie c'est
eu l'esprit troublé, leur était-il donc si difficile, contre elles qu'ils doivent sévir, contre elles qu'ils

romanum vos tribuni diceretis, et hanc urbem, templa conditione arma viris in arma natis auferre festinant. Ao,
delubra lines aquas, Sammtium esse ? Omitto deditio- si saua mens fuisset, difficile illis fuit, dum senes ab domo
uem, quoniam de sponsione agitur. Quid tandem, si spo- ad consultaudum arces-unt, mittere Romam legatos?
pondissemus, urbem hanc relicturum populum roma- cum senatu, cum populo, de pace ac fœdere agere? Tri-
num si incensurum? si magistratus, si senatum, si leges dui iter expeditis erat. Interea in indutiis res fuisset, do-
non hahiturum si sub regibus tuturum? Dii meliot-a nec ab Roma legati aut victoriam illis certam, aut pacem
inqms. Atqm non indigmtas rerum sponsionis vinculum afferrent. Ea demum sponsio esset, quam populi jusbu
levat. Si quid est, m quod obligari populus possit,in om- spopondissemus. Sed ueque vos tulisseus, nec nos spo-
nia potest; et ne illud quidem, quod quosdam forsitan pondissemus: nec fas fuit alium rerum exitum esse, quant
inoveat, releit, consuls an dictator, an prætor spopon- ut illi, velut somnio lætiore, quam quod mentes eorum
derit. Et hoc ipsi etiam Samnites judeaverunt, quibus capere possent, nequicquam eluderentur; et nostrum
non fuit satis consules spondere, sed legatos, quæstores, eiercitum eadem, quæ impedierat, fortuna eipediret;
Iribunos militum spondere coegerunt. Nec a me uunc vanam victoriam vanior irritam faceret pax; spoo. o in-
quisquam quæsiverit, qnid ita spoponderim? quum id terponeretur, quæ neminem, prater sponsorem, obliga-
nec consulis jus esset; nec illis spundere pacem, quæ mei ret. Quid enim vobiscum, Patres conscripti, quid cum
non erat arbitrd, nec pro vobis, qui mhii mandaveratis, populo romano actum est? quis vos appellare potest ? quis
possem. Nihil ad Caudmm, Patres conscripti, humanis se a vobis dicere deceptum ? Hostis ? an civis? Hosti mhil
consiliis gestum est. Dii immortales et vestris et hostium spopondistis; civem neminem spondere pro vobis jussis-
imperatoribus meuteni ademerunt. Nec nos in bello satis tis. Nihil ergo vobis nec nobiscum ebt, quibus nihil mon-
cavimus; et illi male partam victoriam mal, perdiderunt, dastis nec cum Samnitibus, cum quibus nihil egistis.
dum Tix locit, quibus viceraut, credunt, dum quacuuqar Samnitibus sponsores nos sumus; rei salis locupletes la
doivent aiguiser leur fer, attiser le feu de leur oo- etdeleur lier les mains derrière le dos. Comme
ière. Quant à ce qui regarde les tribuns, voyez si l'appariteur, par respect pour la dignité de Postu-
vous pouvez les livrer maintenantou s'il faut dif- mius, les errait à peine « Que ne serres-tu la cour-
férer nous, cependant, T. Véturius, et vous, roie, lui dit-il, afin que je sois livré comme je dois
qui partagez notre sort, allons porter à l'ennemi, l'être? » Lorsqu'on fut arrivé dans l'assemblée des
pour dégager notre parole, ces têtes de si peu de Samnites et auprès du tribunal de Pontius, le fé-
prix et par notre supplice rendons la liberté aux cial A. Cornélius Arvina parla ainsi « Puisque
armes romaines. o ces hommes, sans l'ordre du peuple romain des
X. Ce débat, et celui qui en était l'auteur, fi- Quirites, ont promis qu'il serait conclu un traité
rent impression sur les Pères conscrits, sur tous de paix, et qu'en cela ils se sont rendus coupables
les autres, sur les tribuns eux-mêmes qui décla- d'une faute; pour que le peuple n'ait point à
rèrent qu'ils se mettaientàla disposition dusénat. répondre d'un crime impie, ces hommes, je
Ils abdiquèrentdonc à l'instant, et furent livrés aux vous les livre. a Tandis que le fécial prononçait
féciaux pour être conduits avec les autres à Cau- ces derniers mots, Postumius lui donna de tou-
dium. Ce sénatus-consulte une fois décrété, Rome tes ses forces un coup de genou sur la cuisse,
parut eu quelque sorte renaitre à la lumière. Le et dit à haute voix « que lui-même était un
nom de Postumius était dans toutes les bouches; citoyen samnite, et le fécial un ambassadeur;
on le louait, on le portait au ciel on égalait son que le droit des gens avait été violé par lui dans
dévouement à celui du consul P. Décius, à toutes la personne du fécial; qu'ainsi les Romains n'en
les actions célèbres « Rome s'était relevée d'une feraient la guerre qu'avec plus de raison. »
paix humiliante par ses conseils et ses efforts. XI. Pontius répondit « Et moi je n'accep-
Lui-même allait s'offrir aux tortures, à la colère terai pas de pareilles satisfactions; les Samni-
de l'ennemi, comme la victime expiatoire da tes ne les approuveront pas non plus. Pourquoi,
peuple roroain. » Une seule idée occupeles esprits: Sp. Postumius, si tu crois qu'il y ait des dieux,
les armes et la guerre. « Se présentera-t-elle bien- pourquoi ne déclares-tu pas nul tout ce qui
tôt, l'occasion de se trouver sur un champ de ba- s'est fait, ou ne tiens-tu pas à nos conventions?
taille en présence des Samnites? » Dans la ville, On doit au peuple samnite tous ceux qu'il a eus
au milieu de ces transports de colère et de haine, en son pouvoir, ou, à leur défaut, la paix. Mam
les enrôlements furent presque tous volontaires; pourquoi m'en prendre à toi, qui viens, avec
les nouvelles légions furent composées des mêmes toute la bonne foi qui t'est possible, te livrer
soldats, et l'armée fut dirigée sur Caudium. Les prisonnier au vainqueur? C'est au peuple romain
féciaux qui avaient pris les devants, une fois ar- que je m'adresse s'il se repent de l'engagement
rivés aux portes du camp ennemi, ordonnent de pris aux Fourches Caudines, qu'il replace ses lé-
dépouillerdeleurs vêtements les garants de la paix gions dans le défilé où nous les tenions enfermées.

id quod nostrum est; in id, quud pra'stare possumus, tiales, ubi ad portam venere, vestem detrahi pacis spon-
corpora nostra et ammos. la hæc sæviant, in ha'c fer- sorihus jubenl, manus post tergum vinciri. Quum appa-
rum, in hxc iras acuant. Quod ad tribunes attinet, con- ritor verecundia majestalis Puslummm laxe vinciret.
sulite, utrum præsens deditio eorum fieri possit au in Quin lu inquit, adducis forum, ut justa fiat deditio ? »
dicm differatur. Ilos intérim, T. Veturi, vosqueceteri, Tum ubi in cœtum Samnitium et ad tribunal venlum
vilia hæc capita luendæ sponsionis feramus, et nostro Pontii est, A. Cornelius Arvina fetialis ita verba fecit
supplicio liberemus romana arma. « Quandoque
bice hommes injussu populi romani Quiri-
X. Movitb Patres conscriptos tum causa tum auctor; tium fœdus ictum iri spopouderuut, atque ob eam rem
nec celeros solum, sed tribuns etiam plebei, ut se in noxam nocueruot; ob eam rem, quo populus romanus
seuatus dicerent fore potestate. Mapistratu inde se exlem- scelereimpio sit solutus, bosce homines vobisdedo.. Hæc
plo abdicaverunt, traditique fetialibus cum ceteris Call- dicenti fetiali Postumius geuu femur, quanta maxime po-
dium ducendi. Hoc facto senatusconsulto, lui quædam terat vi, perculit, et clara voce ait, « se samnitem civem
affuisisse civitali visa est. Postumius ill oreerat; eum lan- es'e, illum legatum fetlalern a se contra jus gentium vio-
dib s ad ferebant dev li ni P Decii consulis, aliis latum; eo justius bellum gesturos..
claimslacinoribusæquabint: Emersisse civiratem ex ob- Xi. Tum Pontius, « Nec ego istim deditionem acci-
nona pace ilius consilio et opera ipsum se cruciatibus piam, inquit, nec Samnites ratam habebuut. Quia tu,
et hostium irae olferre, placulaque pro populo romano bp. Postumi, si deos esse censes, aut omnia irrita facis
dare. » Arma cuncti spectaut et bellum.En unquam aut pacto stas? samniti populo omnes, quos in potestat
futurum, ut congredi armaiis cum Samnite liceat ? » In habuit, aut pro lis pax debetur. Sed quid ego te appellu,
civitate, ira odioque ardente, delertus prooe omuium qui te captum victori, cum qua potes flde restituis ? Po-
voluntariorum fuit. Kescriptae ex eodem milite novæ le- piilnm romanum appello, quem si sponsionis ad Fm culas
gionea, ductusque ad Cauduuu exercitus. Prægressi fe- Caudinas factæ pœnitet, restituat legiones inlra saltum
Point de surprise d'aucun côté que tout soit vous livrez pour sauver les apparences, je ne les
comme non avenu que vos soldats reprennent reçnis pas, je ne les regarde pas comme livrés et
leurs armes, qu'ils nous ontlivrées par une capi- je ne les empêche pas de retourner dans leur pa-
tulation qu'ils reviennentdans leur camp; qu'ils trie liée par l'engagement contracté, braver la
aient tout ce qu'ils avaient la veille de la confé- colère de tous les dieux douton insulte ici la puis-
rence. Qu'on se prononce alors pour la guerre, sance. Faites donc la guerre, parce que Sp. Pos-
pour les fortes résolutions; qu'on rejette toute tumius vient de frapper du genou un fécial votre
idée de capitulation et de paix. Faisons la guerre envoyé. Oui, les dieux croiront que c'est un ci-
avec les mêmes chances, dans les mêmes lieux toyen samnite que Postumius, et non un citoyen
qu'avant toute propositionde paix; et que le peu- romain, que c'est par un Samnites qu'a été ou-
ple romain n'accuse pas plus la promesse des tragé l'envoyé de Rome, qu'ainsi vous nous
consuls, que nous la bonne foi du peuple ro- faites légitimement la guerre. Lt l'on n'a pas
main. Ne manquerez-vous donc jamais de pré- honte de se jouerainsi ouvertementde la rcligion 1
texte pour ne pas tenir vos promesses, quand Et ce sont des vieillards, des personnages cousu-
vous êtes vaincus? Vous aviez donné des otages à laires qui, pour manquer à leur parole cherchent
Porséna, et vous les lui avez enlevés par ruse; des ruses dignesà peinedes petits enfants! Allons,
vous aviez avec de l'or racheté votre ville des licteur, ôte leurs liens à ces Romains; qu'on n'em-
mains des Gaulois, et ils ont été massacrés pen- pêche aucun d'eux d'aller où bon lui semblera. »
dant qu'ils recevaient cet or. Vous avez fait Les Romains, après avoir ainsi satisfait à cequ'ils
avec nous la paix, pour que nous vous ren- devaient personnellement, peut-être aussi à ce
dissions vos légions prisonnières, et voilà que que devait la nation, revinrent dans le camp ro-
vous annulez cette paix, couvrant toujours vos main sans avoir éprouvé aucun mauvais traite-
perfidies de quelque apparence dejustice. Le peu- ment.
ple romain n'approuve pas qu'on lui ait conservé XII. Quand les Samnites virent renaître, à la
ses légions par une paix ignominieuse? Hé bien 1 place d'une paix insolente, une guerre acharnée,
qu'il ne consente pas à cette paix; mais qu'a- toutce qui devait leurarriverseprésenta non-seu-
lors il rende au vainqueur les légions prison- lement à leur esprit, mais même pour ainsi dire à
nières voilà ce qui était digne de la bonne foi, leurs yeux. Alors, mais trop tard et inutilement, ils
digne des traités, digne des cérémonies fécia- reconnurent la sagesse des deux conseils du vieux
les. Vous auriez, vous, par un traité, ce que Pontius; ils sentirent qu'en cherchant un milieu
vous demandiez, la vie de tant de citoyens; et entre l'étroit espace que leur laissaient ces cou-
moi, cette paix que j'ai stipulée en vous les ren- seils, ils avaient changé une victoire sûre en une
dant sains et saufs, je ne l'aurais pas? Est-ce là, paix incertaine, et qu'ayant laissé échapper l'oc-
A. Cornélius, est-ce là, féciaux, le droit que vous casion de faire du bien ou du mal à leur en-
enseignez aux nations? Quant à moi, ceux que nemi, ils auraient à combattre cesmêmes hommes

quo sæptæ fuerunt. Nemo quemquam deceperit; omnia simulatis, nec acripio, nec dedi arbitrer; nec moror,
pro infecto sint; recipiant arma, quæ per pactionem tra- quo minus in civitatem obligatam sponsione commissa,
diderunt; rcdeaut in castra sua. Quicquid pridie halrue- iralis omnibus diis, quorum eluditur numen, l'edennt.
runt, quam in colloquium est ventum, habeant. Tum Gerite hellum quando Sp. Postumius modo legatum fe-
bellum et fortia consiha placeant; tune sponsio et pax re- tialem genu perculit. Ita dii credent, samnitem civem
pudietur. Ea fortuna, iis locis, quæ ante pacis meutionem Postumium, non civem romanum esse, et a Samnite ro-
habuimus, geramus bellum nec populus romanus con- manum legatum violatum; co vobis justum in nos factum
sulum sponsionem, nec nos fidem populi romani accuse- esse bellum. Ha?c ludibria relipinnum non pudere iu lu-
mus. Nunquamne causa deliet,cur victi pacto non stelis? cem proferre, et vix pueris dignas ambages senes ac
Obsides Porsenæ dedist s; furto eos subduxistis: auro ci- consulares fdilendm fidei exquirere ?I,lictor, deme vincla
vitatem a Galhs redemis is; inter accipiendum aurum Romanis: moratos sit nemo, yuo minus, ubi visum fue-
cæsi sunt cem nobiscum pepigistis, ut legiones vobis rit, abeant.. Et illi quidem, forsitan et publira, sua certe
caotis resutuere nus, cam
Iramli
pac
juris
facris, et sem liberata fide, ab Caudio in cnstra romana inviolati re-
per auquam speciem impomtis. Non probat dicrunt.
populus romanus ignominiosapace legiones servatas ? Pa- XII. Sanmitihns, pro superba pace infestissimumcer-
cem sibi habeat, legiones captas victori restituat; hoc fide, neutibus renatum bellum, omnia, qua' demde venerunt,
hoc fœderibus, hoc fetialibus cærimoniis dignum erat. non in ammis solum, sed prope iu oculis esse et sero ac
Ut tu quidem, quod petisti, per paclouem habeas, tot neqmequam laudare senis Pontii utraque consi ia inter
cives meolumes; ego pacem, quam hos tibi remittendo quæ se media lapsos victoriæ possessionem pace merta
pactus sum non habeam; hoc tu, A. Corneli, hoc vus, mmasse, et, beneficii et maleficii occasionc an issa, pug-
tetiales, ju'sgentibus drcitis? Ego vero istos, qHM dcdi naturos cum iis, quos potueriut in perpetuum vel in mi-
dont ils pouvaient à jamais ou se débarrasser et la foi des promesses. Les consuls ayant régle
ou se faire des amis. Quoique nul combat n'eût leurs attributions, Papirius marcha droit à Lu-
encore fait pencher la balance d'un côté ou d'un cérie dans l'Apulie, où étaient gardés les cheva-
autre, la disposition des esprits était tellement liers romains donnés en otage à Caudium. Publi-
changée depuis la paix de Caudium, que Postu- lius s'arrêta dans le Samnium en face des légions
mius chez les Romains brillait de plus d'éclat des Fourches Caudines. Ce plan jeta les Samnites
par son dévouement, que Pontius, chez les Sam- dans un grand embarras ils n'osaient ni se porter
nites, par une victoire qui n'avait pas coûté une sur Lucérie, dans la crainte que l'ennemi ne les
goutte de sang à l'ennemi et que les Romains attaquât par derrière ni rester, dans la crainte
regardaient comme une victoire certaine la pos- que les Romains ne prissent le temps de leur en-
sibilité seule de faire la guerre, tandis que les lever cette place. Ils crurent ne pouvoir mieux
Samnites se tenaient pour vaincus du jour que faire que de s'en remettre au hasard et d'en finir
les Romains recommençaient les hostilités. Ce- avec Publilius en lui livrant combat. En consé-
pendant les Satricans passèrent aux Samnites, quence ils rangent leur armée en bataille.
et la colonie de Frégelles, sur laquelle se portè- XIII. Sur le point d'en venir aux mains avec
rent brusquement ceux-ci avec des Satricans, eux, le consul Publilius, jugeant à propos d'a-
à ce qui paraît assez certain fut surprise par eux dresser quelques mots à ses soldats, donna ordre
pendant la nuit. Dès ce moment jusqu'au jour, de les assembler. On accourut au prétoire avec
une crainte mutuelle retint les deux partis dans un extrême empressement; mais les cris de ceux
inaction. Le retour de la lumière fut le signal du qui demandaient le combat ne permirent pas d'en-
combat. Les Frégellans, qui se battaient pour leurs tendre un seul mot de la harangue du général.
autels et leurs foyers, et auxquels venait en aide Chacun trouvait un motif d'encouragement dans
le reste de la population postée sur les toits, sou- le ressouvenir de l'outragequ'il avait essuyé. Ils
tinrent quelque temps le combat à avantage égal courent donc au combat en pressant les ensei-
mais une ruse fit pencher la balance; un héraut gnes et, dans leur impatience de se jeter dans
cria, et on le souffrit a Que ceux-là auraient la mêlée, ne voulant pas s'attarderà lancer leurs
la vie sauve, qui mettraient bas les armes. p Cet javelots pour tirer ensuite l'épée, tous, comme à
espoir refroidit le courage des combattants, et un signal donné, jettent de côté leurs javelots et
l'on commença de tous côtés à jeter ses armes. fondent sur l'ennemi l'épée à la main. L'habileté
Les plus opimatres se tirent jour par la porte op- du général, les manœuvres savantes ne furent
posée, les armes à la main. Leur audace leur pour rien dans cette occasion. La colère du soldat,
réussit mieux qu'aux autres la peur qui les avait qu'emportait une sorte de frénésie, décida de
rendus si imprudemment crédules ils furent tout. Aussi, non-seulement les ennemis furent
livrés aux flammes et brûlés par les Samnites, culbutés, mais sans même oser s'arrêter dans leur
pendant qu'ils invoquaient inutilement les dieux camp, ils se dispersèrent et gagnèrent l'Apulie.

cos tollere, vel amicos facere. Adeoque, nullodum certa- ad Luceriampergit, ubi equites romani obsides ad Cau-
mine mclinotis viribus, post caudiaani pacem animi mu- dium dati custodiebantur; Publilius in Samnio substitit
taverant,utclariorem inter Romanos deditio Postumium, adversus caudinas legiones. Distendit ea res Samnitium
quam Poutium incruenta victoria inter Samnites, l'aceret animos; quod nec ad Luceriam ire, ne ab tergo instaret
et geri posse bellum Romani pro Victoria certa haberent; hostis, uec manere, ne Luceria intérim amitteretur, sa-
Samnites simul rebellabseet vicisse crederent Romanum. tis audebant. Optimum visum est committererem fortu
Inter hœc Satricaui ad Samnites defecerunt, et Fregellæ næ, et transigere cum Publilio certamen. Itaque in aciem
colouia necupinato adventu Samnitium (fuisse et Satrica- copias educunt.
nos cum iis satis constat) nocte occupata est. Timor inde XIII. Adversus quos Publilius consul quum dimicatu-
mutuus utrosque usque ad lucem quietos tenuit lui pu- rus esset, prius alloquendos milites ratus, conciouemad-
gnæ initium fuit; quam aliquamdiu æquam, et quia pro vocari jussit. Ceterum sicut ingenti alacritate ad praeto-
aris ac focis dimicabatur, et quia ex tectis adjuvabat im- rium coucursum est, ita præ clamore poscentium pugnam
bcllis multitudo, tamen Fregellani suslinueruot.Fraus nulla adhortatio imperatoris audita est. Suus cuique ant-
deiude rem inclinavit, quud vocem audiri prxconis passi mus memor ignominiæ adhorlator erat. Vadunt igitur
suat « Inclumem abiturum, qui arma posuisset.. Ea in prarlium urgentes sigoiferos et, ne mora in coucursu
spes remisit a certamine animos, et passim arma jactari pilis emittendis stricgendisque iude gladiis esset, pila,
cœpta Pertinacior pars armata per aversam portam eru- velut dato ad id signo, abjicinnt,strictisque gladiis cursu
pit tutiorque iis audacia fuit, quam incautus ad creden- in hostem feruntur. Nihil illie iinperaloriae artis ordini-
dmn ceteris pavor; qnos circumdatos igui, nequicquam bus aut subsidiislocandis roit; omnia ira militaris prope
dos fidemque invocantes, Samnites concreniaverunt. vesano impelu egit. Itaque non fnsi modo hostes sunt;
Consoles, intrr se partiti provincias, Papirius in Apuliam sed, ne castris quidem suis fugam imoedirc ausi Apu-
Cependant ils arrivèrent à Lucérie, rassemblés en combattre. Quant aux assiégés, avant que l'autre
corps d'armée. C'est avec la même rage qui les consul fût arrivé avec son armée victorieuse, ils
avait précipités à travers les rangs de l'ennemi, avaient reçu des Samnites, par la voie des monta-
que les Romains pénétrèrent dans son camp; ils gnes, des vivres et des renforts. L'arrivée de Pu-
y répandirent plus de sang et firent plus de blilius diminua beaucoup toutes ces ressources;
carnage que sur le champ de bataille; et dans leur car, remettant à son collègue le soin de continuer
fureur ils gâtèrent la plus grande partie du butin. le siège, il employait toutes ses troupes à battre la
L'autre armée, sous les ordres du consul Papirius, campagne et à intercepter les convois des ennemis.
suivant les côtes maritimes, était parvenue à N'y ayant donc plus d'espoir que les assiégés
Arpi, à travers un pays qui ne remua point, non pussent supporter plus longtemps la disette, les
qu'il fût redevable au peuple romain de quelque Samnites, qui étaient campés auprès de Lucérie,
bienfait, niais parce que les injustices des Sam- furent obligés de concentrer toutes leurs forces
nites les rendaient odieux. Ceux-ci, qui, à cette sur un seul point, et de livrer bataille à Papirius.
époque, habitaient les montagnes où ils étaient Tandis qu'on se prépare des deux côtés au com-
cantonnés dans des bourgades, ravageaient la bat, arrivent des députés de Tarcnte qui signifient
plaine et les bords de la mer, par le mépris qu'ont aux Samnites et aux Romains de cesser la guerre,
naturellement les montagnards pour les habi- menaçant celui des deux partis qui continuerait les
tants des plaines, dont le naturel est plus doux hostilités de prendre contre lui les armes en faveur
et tient assez ordinairement du sol qu'ils culti- de l'autre. Papirius après avoir écouté cette dé-
vent. Si cette contrée eût été fidèle au parti des putation, feignant d'être touché de ce qu'il venait
Samnites, J'armée romaine se fût trouvée dans d'entendre, répondit qu'il en conférerait avec son
l'impossibilitè, soit d'arriver à Arpi, soit d'y sub- collègue. Puis, ayant mandé celui-ci, au lieu de
sister, parce que ses convois arrêtés dans l'inter- conférer sur un parti arrêté d'avance, il employa
valle qui sépare Arpi de Rome l'eussent laissée tout le temps en préparatifs, et fit arborer le
dans un manque absolu de toutes choses. Et même signal du combat. Pendant que les consuls s'occu-
quand partis de là les Romains furent devant Lu- paient des cérémonies religieuses et de toutes les
cérie, ils éprouvèrent, quoique assiégeants, la dispositions en usage au moment d'une action, les
même disette que les assiégés. Ils tiraient tout députés de Tarente accourent, attendant une ré-
d'Arpi; au reste, en bien petite quantité. Toute ponse Papirius leur dit Tarenlius, le pullaire
l'infanterie étant occupée à la garde des postes et annonce que les auspices sont favorables en ou-
des travaux, la cavalerie seule allait chercher à tre, les entrailles de la victime présentent les plus
Arpi du grain dans de petits sacs de cuir quel- heureux pronostics. Vous le voyez, c'est d'après
quefois, rencontrant les ennemis, les cavaliers la volonté des dieux que nous allons combattre.
étaient forcés de jeter leur charge à terre pour Ensuite il fit avancer les enseignes et sortir les

liam dissipati petiere; Luceriam tamen, coacto rursus in tibus Samnitium iwecti erant, et auxilia intromissa. Ar-
unum agmine, est perventum.Romanos ira eadem, quae tiora omnia adventus Publilii fecit; qui, obsidione dele-
per mediam aciem hostium tulerat, et in castra pertulit. gata in curam collegæ, vacuus per agros cuncta iufesla
Ibi plus, quam in acie, sanguinis ac cædis factum, præ- commeatibus hostium fecerat. liaque quum apes nulla
dæque pars major ira corrupta. Exercitus alter cum Pa- esset, diutius ohsessos inopiam laturos ,coacti Samnites,
pino consule locis maritimis pervenerat Arpos per omnia qui ad Luceriam castra habebant, uadique coutractis
pacata, Samnitium magis injuriis et odio, quam benefi- viribus, signa cum Papirio conferre.
cio ullo populi romani. llam Samuites, ea tempestate in XIV. Per id tempus, perantibus utrisque se ad præ-
montibus vicatim habitantes, campestria et maritima loca, Hum, legali Tarentiui intervemunt, denuatiantes Sam-
contempto cultorum molliore atyue, ut evenit fere, locis nitibus Rofuanisque, ut bellum omitterent per utros
simili geuere ipsi montani atque agrestes depopulahai- stetisset, quo minus disoederetur ab armis, adversus eos
tur. Qua' regio si fida Samnitibus fuisset, aut perveoire se pro alteris pugnaturos. Ea legalione Papirius audita.
Arpos exerotus romanus nequisset, aut interjecta inter perinde ac motus dictis eorum, cum collega se contmuni-
Romam et Arpos, penuria rerum omnium, exclusos a raturum respondit accitoque eo, quum tempus omne
commealibus absumpsisset. Tum quoque profectos inde in apparatu consumpaisset, collocutus de re haud dubia,
ad Luceriam, Juxta obsidentes obsessosque, inopia ve- signum pugnæ proposuit. Agentibus divina humanaque,
xavit. Omnia ab Arpis Romanis suppeditabantur; cete- quæ assolent, quum acie dimicsndum est, consulibus,
rum adeo exigue ut militi, occupalo stationibus vigiliis- Tarentini legati occursare responsum exspectantes;
que et opere, eques folliculis in castra ab Arpis frumen- quibus Papirius ait Auspicia secunda esse, Tarentini,
tum veberet; interdum occursu hostium cogeretur, abje- pullarius nuutiat. Litatum praeterea est egregie. Auctori-
cto ex equo frumento, pugnare. Et obsessis prius, quam bus diis, ut videtis, ad rem gerendam proficiscimur.
later consul victore exercitu advenit,etcommeatus ex mon- Sigoa inde ferri jussit, et copias eduxit; vanissimam in-
1.
troupes, se moquant de la sotte vanité d'une na- qui sont armés les esclaves et les personnes li-
tion qui, incapable de se gouverner elle-même à bres, l'enfance et la jeunesse, les hommes et les
cause de ses séditions et de ses discordes inté- bêtes; nul être vivant n'eût échappé, si les consuls
rieures, se croyait en droit de dicter aux autres la n'avaient pas fait sonner la retraite et employé
paix et la guerre. De leur côté, les Samnites qui l'autorité et les menaces pour faire sortir du camp
avaient négligé toute disposition, parce qu'ils dé- les soldats avides de carnage. Comme ils étaient
siraient sincèrement la paix ou parce qu'il était irrités qu'on leur enlevât les douceurs de la ven-
de leur intérêt de le faire croire afin de se con- geance, on les harangua pour leur faire compren-
cilier l'affection des Tarentins, à la vue des Ro- dre « que les consuls ne le cédaient et ne le céde-
mains s'avançanttout à coup en ordre de bataille, raient à aucun des soldats en haine contre l'en-
se mettent à crier « qu'ils s'en tiennent à la décla- nemi que de même qu'ils les avaient menés au
ration des Tarentins, qu'ils ne descendront point combat, ils les mèneraient à la vengeance, si la con-
pour combattre, qu'ils ne sortiront point de leurs sidération des six cents chevaliers détenus en otage
retranchements ils aiment mieux se voir trom- à Lucérie n'avait arrêté leur ardeur et s'ils n'a-
pés, quoi qu'il puisse leur arriver, que de paraître vaient craint que l'ennemi, réduit au désespoir et
avoir méprisé les propositions de paix des Taren- aveuglé par la rage, ne se tournât contre ces mal-
tins. Les consuls répondent a qu'ils acceptent le heureux, se faisant une joie de donner la mort
présage, qu'ils demandent aux dieux d'inspirer avant de la recevoir. o Les soldats applaudirent à
aux Samnites l'idée de ne pas défendre même ces motifs, furent même contents qu'on eût ar-
leurs retranchements. » Puis, s'étant partagé les rêté leur colère, et dirent hautement qu'il fallait
troupes, ils s'avancent au pied du camp en- tout supporter plutôt que de mettre en péril les
nemi, et l'attaquent eu même temps sur tous les jours d'une si belle partie de la jeunesse romaine.
points les uns comblent les fossés, les autres XV. L'assemblée une fois congédiée, il y eut un
y jettent les palissades arrachées tous, pous- conseil pour décider si l'on emploierait toutes les
sés non-seulement par leur intrépidité natu- forces à attaquer Lucérie, ou si l'une des deux
relle, mais par la colère qui aiguillonne leurs armées, sous la conduite d'un des consuls irait
cœurs qu'a ulcérés l'outrage se précipitent faire une tentative dans l'Apulie, dont les dis-
dans le camp il n'y a qu'un cri de toutes parts. positions jusqu'alors avaient paru assez équivo-
«Ce n'est plus ici, disent-ils, les Fourcbes, ni ques. Le consul Publilius, parti pour parcourir
Caudium, ni ces défilés sans issue, où la ruse a l'Apulie, soumit par la force, dans une seule ex-
triomphé de l'imprudence avec tant d'orgueil; pédition, plusieurs peuples, ou les admit à l'al-
mais c'est le tour de la valeur romaine que n'ar- liance des Romains, avec des conditions. De son
rêteront ni fossés ni palissades, » Ils massacrent côté, Papirius, qui était resté pour assiéger Lucé-
indistinctement ceux qui résistent et ceux qui rie, ne tarda pas à voir l'événement répondre à
fuient, ceux qui n'ont point d'armes comme ceux ses espérances. Car, ayant fait garder tous les

crepans gentem, quae, suarum impotens rerum præ do- tentes fusosque, inermes atque armatos, servos, liberos,
ineslicis seditionibus discordiisque aliis modum pa- puberes impuberes homiuea jumeutaque nue ullum
cis ac belli facere aequuin censeret. Samnites ex parte superfuisset animal, ni consules receptui sigLum dedis-
allera, quum omnem curam belli remisissent, quia aut sent, atidosque caedis milites e castris hostium imperio
pacem vere cupiebant, aut expediebat simulare, ut Ta- ac minis expulissent. Itaque apud infensos ob interpella-
rentinos sibi conciliarent, quum instructos repente ad tam dulcedinem iras confestim oratio habita est, ut doce-
pugnam Romanos conspexissent, vociferari Se in au- retur miles, « Minime emquam militum consules odio in
ctoritateTarentinorum manere, nec descendere in aciem hostes cessisse, aut cessuros qum duces, sicut belli,
nec extra vallum arma ferre. Deceptos potius, quodeun- ita iusaliabilis supplicir, futuros fuisse, ni respectusequi-
que casus ferat, passuros,quam ut sprevisse pacis aucto- tum sexcenturum qui Luceriae obsides tenerentur;
res Tarentinos videantur.»—«Acciperese omen,» consu- præpedisset animos ne desperata venia hostes cacor in
les aiunt, set eam precari mentem hostibus, ut ne vallum supplicia eorum ageret, perdere prius, quam perire,
quidem defendant. » Ipsi, inter se partitis copiis, suece- optantes.. Laudare ea milites, lætarique obviam itum
dunt hostium munimentis, et, simul undique adorti, iræ sua esse, ac fateri, onnia patienda potms, quam
quum pars fossas explerent, pars vellerent vallum, atque proderetur salus tot principum romanæ juventutis.
in fossas prorucrent, nec virtus modo insita, sed ira XV. Dimissa concione, consilium habitum, onmibusne
ctiam, exulceratos ignominie stimularet animos, castra copiis Luceriam premerent, au altero exercitu et duce
invasere et pro se quisque, « Non ha'c Furculas uec Apuli circa, gens dubiæ ad id voluntatis, tentarentur.
Caudium, nec sallus invios esse, ubi errorem fraus su- Publilius consul, ad peragrandam profectus Apuliam,
perbe cicisset; sed romanam virtutem, quam nec vallum, aliquot expeditione una populos aut vi subegit, aut con-
nec fossæ arccrcnt, memorantes, cædunt pariter resis- ditionibus in societatem accepit. Papirio quoque, qui
chemines par ou il arrivait des vivres du Samnium étonnant qu'on ne sache pas bien si le chef ennemi
les Samnites qui étaient en garnison à Lucéric fut livré et passa sous le joug
ce qu'il y a de
furent domptés par la faim et envoyèrent des dé- plus extraordinaire, c'est qu'il soit douteur si
ce
putés au consul romain pour l'enoager à lever le fut le dictateur Lucius Cornélius, avec le maîtrede
siège, lorsqu'on lui aurait rendu les chevaliers qui
la cavalerie L. Papirius Cursor, qui obtint à Cau-
étaient la cause de cette guerre. Papirius leur ré-dium et ensuite à Lucérie tous ces avantages, et
pondit « qu'ils auraient dû consulter Pootius fils qui, après avoir vengé à lui seul l'opprobre du
d'Hérennius, d'après l'avis duquel ils avaient fait nom romain, eut les honneurs d'un triomphe le
passer les Romains sous le joug, pour savoir quel plus justementdécerné peut-être jus ju'alors après
traitement il pensait qu'on devait faire subir aux celui de Furius Camille ou si la gloire en re-
vaincus; mais, puisqu'ils avaient mieux aimé lais- vient aux consuls, notammentà Papirius. A cette
ser l'ennemi leur faire justice que de se la faire incertitude s'en joint une autre on ne sait pas si
eux-mêmes, il leur signifiait d'annoncer à Lu- ce fut Papirius Cursor qui, aux comices suivants,
cérie qu'on eût à laisser dans la place les armes, fut, pour ses succès à Lucérie, coutinué dans
les bagages, les chevaux, et tout ce qui n'était sa magistrature, et créé cunsul pour la troisième
pas en état de porter les armes; à l'égard des fois, avec Q. Aulius Cerrétanus, qui l'était pour la
soldats, il les ferait tous passer sous le joug, seconde; ou bien si ce fut Lucius Papirius Mugil-
réduits à un seul vêlement, pour venger l'i- lanus, et s'il a été ainsi commis une erreur de
gnomioic qu'eux mêmes avaient fait subir et surnom.
que, du reste, il n'imposait pas le premier. On XVI. Ce qui n'est point contesté, c'est qu'à
ne se refusa à rien. Sept mille soldats passèrent partir de cette époque le reste de la guerre fut
sous le joug on fit dans Lucérie un butin im- achevé par les consuls. Aulius la termina par uu
mense on y reprit toutes les enseignes et toutes seul combatcontre les Forentans, qu'il défitcom-
les armes que les Itomains avaient perdues à Cau- piétement et dont il reçut à composition la ville
drum et, ce qui causa plus de joie que tout le ou t'armée battue s'était retirée, après avoir exigé
reste, on délivra les six cenls chevaliers que les d'eux des otages. L'autre consul n'eut pas moins
Samuites avaient envoyés à Lucérie pour y être de succès contre les Satricans colonie romaine
gardés comme gages de la paiv. Jamais peut-être qui, après le désastre de Caudium, avaient faitdé-
victoire plus éclatante du peuple romain ne fut fection pour passer aux Samnites et avaient reçu
due à un changement de fortune si subit, car je daus leur ville une garnison de cette nation. Lors-
trouve dans quelques annales, que Pontius, fils que l'armée arriva sous les murs de Satricum, des
d'Hérennius, général des Samnites, pour expier députés furent envoyés en suppliants demander la
l'ignominie des consuls, passa lui aussi, sous le paix au consul, qui leur fit celte terrible reponse:
joug avec les autres. Au reste, il me paraît moins « Qu'à moins d'égorger ou de livrer la garuison

obsessor Luceriæ restiterat, brevi ad spem eventus res- perator, ut expiaret consutum ignominiam, sub jugum
pondit. ham, insessis omnibus viis, per qnas conunealus cum ceteris est missus. Ceterum id minus miror, obscu-
ex Sarnnio snbvehehantnr, fame domili Samnites, qui rum esse de hostium duce dedito missoque sub jugum
Lnceriæ in præsidio erant, legatos misere ad consulem id magis mirab.le est, ambigi, Luciusne Coroelius du:
rnmanum, nt, receptis equitibus, qui causa belli esseut, tator cum L. Papirio Cursore, magistro equitum, eas
absrsteret ohsidione. His Papirius ila respondit « De- res ad Caudi im, atque indc Luceriam gesserit, ultorque
Iruisse eos Pontium, Herernni filium, qno auctore Ro- unicus rom mæ ignominiæ, baud sciam au ju'tissimo
mauos sub jugum misissent, consuleie, quid victis pa. triumpho ad cam i t)tem secundllm Furium Camillum,
tiendum censeret. Ceterum, quomam ab hostibus in se triumphaverit; an consulum Papiriique præcipaum id
:equa slatui, quam in se ipsi ferre maltierint, nuntiare decus sit. Sequitur hune errorem alius error, Cursorne
Luceriam jussit, arma, sarcinas, jumenta, multitudi- Papirius proaimis comitiis cum Q. Aulio Cerretauo ite-
nem omnem imbcllem intra mœnia relinquerent: militem rum, oi) rem benc gestam Luceriæ coutinuato tnagistratn,
se eum singulis vestimeutis sub jugum missurum, ulcis- consul tertium creatus sit au L. Papirius Muglllanus,
centem illatam, non novam inferentem ignomiuiam.. et in cogaomine erratum sit.
Nihil recusatum.Septem millia militumsub jugum missa, X\ I. Convenait, jam iude per consules reliqua belli per-
prædaque ingens Luceri e capta, reueptis omnibus siguis fecla. Aulius cum Forentanis uno secundo prælio debel-
armisque, quœ ad Caudium amiserant; et, quod omnia lavit; urbemque ipsam, quo se fusa contu'eratscies, oh-
superabat gaudia, equidibus recuperatis, quos pipnora sidibus imperatis, in deditionem accepit. Pari fortuna
pacis custodiendos Luceriam Samnites dederant. Baud consulum alter cum Sitricauis, qui cives Romani post
lerme alia mutatrone subita rerum clarior victoria populi caudinam cladcm ad Samnites defecerant, pra'sidium-
romani est siquidem etiam ( quod quibusdam in anna- que eorum in urbem acceperant, rem gessit. Nam quum
libus mvenio) Pontius, Herenuii films, Samnitium im- ad mœnia Satrici admotus esset exercrtus, legatisque,
samnite, ils ne reparussent plus devant lui. » Ces Satricum prise, et tout au pouvoir du consul. Pa-
paroles jetèrent la consternation dans la colonie pirius fit instruire le procès des auteurs de la dé-
bien plus que l'approche des armes romaines. fection et tous ceux qu'il reconnut coupables, il
Les députés insistèrent auprès du consul, de- les fit battre de verges et frapper de la hache
mandant comment il croyait qu'un petit nom- puis, tout en laissant dans la ville une forte gar-
bre d'habitants sans armes pût réduire une gar- nison, il désarma les Satricans. C'est alors que
nison si forte et si bien armée. Celui-ci les con- Papirius Cursor revint à Rome pour y recevoir le
gédia en les envoyant consulter ceux qui leur triomphe au témoignagedes mêmes historiens qui
avaient donné le conseil de recevoir la garnison font honneur à ce général d'avoir repris Lucérie
dans leur ville. Ce fut avec bien de la peine qu'ils et fait passer les Samnites sous le joug. Au reste,
obtinrent de lui de pouvoir en délibérer avec il n'est pas de gloire militaire que n'ait méritée
leur sénat et de veuir lui faire part de sa déter- ce grand homme qui, à une grande vigueur d'âme
mination puis ils retournèrent vers leurs conci- joignait une force de corps extraordinaire. 11 était
toyens. Deux partis divisaient le sénat l'un qui surtout d'une agilité prodigieuse, et c'est à cela
avait à sa tête les auteurs de la défection; l'autre qu'il dut son surnom. Aucun de ses contemporains
composé de citoyens fidèles aux Romains. Toute- ne pouvait, dit-on, l'égaler à la course et, soit
fois les uns et les autres, pour obtenir la paix, force de tempérament, soit résultat d'un exercice
s'empressèrentà l'envi de servir le consul. Seule- presque continuel, aucun homme ne mangeait
ment comme la garnison samnite, qui n'avait rien et ni ne buvait plus. Comme il était lui-même
de prêt pour soutenir un siège, se disposait à sor- infatigable à la peine, jamais service militaire ne
tir la nuit suivante, l'un des deux partis crut fut aussi rude que sous lui, soit pour l'infanterie,
suffisant de faire savoir au consul à quelle heure soit pour la cavalerie. Les cavaliers un jour osè-
de la nuit et par quelle porte sortirait l'ennemi, et rent lui demander qu'en récompense des succès
quel chemin il prendrait l'autre, contre l'avis qu'ils venaient de remporter il voulût bien alléger
duquel on avait passé aux Samnites, ouvrit, pen- un peu leurs corvées; « Pour que vous ne disiez
dant la même nuit, une porte au consul et reçut se- pas que je ne vous dispense de rien, leur répon-
crètement dans la ville des Romains avec leurs ar- dit-il, je vous dispense de passer la main sur la
mes. Grâce à cette double trahison, la garnison croupe de vos chevaux, quand vous en descendez.e
samnite fut attaquée à l'improviste par les Ro- Il exerçait l'autorité du commandement avec une
mains qui s'étaient embusqués dans des bois près extrême énergie, soit contre les alliés, soit contre
de la route, tandis que d'autres remplissaient les citoyens. Un préteur de Préneste avait par
la ville en poussant de grands cris dans l'espace crainte hésité à faire avancer sa troupe de réserve
d'une heure les Samnites furent taillés en pièces, à la première ligne Papiriuc se promenant devant

missis aJ pacem cum precibus petendam triste respon- sum est, et ab urbe plena hostium clamor sublatus; mo-
aum ab consule redditum esset, « Nisi præsidio Samni- mentoque unius horæ cæsus Samnis, Satricanus captus,
tium interfecto aut tradito ne ad se remearent; » plus et omnia in potestate consulis erant. Qui, quæstione ha-
ea voce, quam armis illatis, terroris colonis injectum. bita, quorum opera defectioesset facta, quos soutes com-
Itaque subinde eisequentes quærendo a consule legati, perit, virgis cæsos securi percussit praesidioque valido
quonam se pacto paucos et infirmos crederet pra?sidio imposito, arma Satricanis ademit. Inde ad triumphurn
tam valido et armato vim allaturos, ab iisdem consilium decessisse Romam Papirium Cursoremscribunt, qui eo
petere jussi, quibus auctoribus præsidium in urbem ac- duce Luceriam receptam, Samnitesque sub jugum mis-
cepissent, diseeduat ægreque impetrato, ut de ea re sos auctores aunt. Et fuit vir haud dubie dignus omni
consuli senatum, responsaque ad se referri sineret, ad bellica laude, non animi solum vigore, sed etiam cor-
wos redeunt. Duæ factiones senatum distinebant; una, poris viribus excellens. Praecipua pedum pernicitas in-
cujus principes eraot defectionis a populo romano auc- erat, quæ cognomen etiam dedit victoremque cursu
tores; altéra 6delium civium. Certatum ab utrisque ta- omnium ætatis sux fuisse ferunt et seu virmm ïi, seu
meu est, ut ad reconciliandam pacem consuli opera na- exercitalione multa, cibi vinique eundem capacissimum;
varetur. Pars altera, quum praesidiumSamnilium, quia nec cum ullo asperiorem, quia ipse invicti ad lahorem
nibil satis præparati crat ad obsidionem tolerandam, ex- corporis esset, fuisse militiam pediti pariter equitique.
cessurum proxima nocte esset, enuntiare consuli satis Equites etiam aliquando ausos ab co petere, ut sibi pro
babuit, qua noctis hora quaque porta et quam in viam re beue gesta laxaret aliquid laboris quibus ille, «No
egressurus bostis foret altera, quibus invitis descitum nibil remissum dicatis, remitto, inquit, ne utique dorsum
ad Semnites erat, eadem nocte portam etiam consuli demulceatis, quum ex equis dcscendetis.. Et vis erat in
aperuerunt, armatosque clam hostes in urhem acoepe- eo viro imperii iugens pariter in socios civesque. Præ-
runt. Ita duplici prodüioue et præsidium bamuitium, nestinns praetor per timorem segnius ex subsidiis suos
lusessis circa viam silvestribuslucis, necopinato oppres- dmrrat iu primam aciem. Quem auum iuambulans ante
sa tente le fit appeler et ordonna au licteur d'ap- pour commencer par la comparaison des chefs, je
prêter sa hache. A ces mots, le préteur reste im- ne nierai pas assurément qu'Alexandre n'ait été
mobile d'effroi a Allons, licteur, dit Papirius, un excellent général; toutefois ce qui lui donne
coupe-moi cette racine incommode pour ceux qui plus d'éclat, c'est d'avoir commandé seul c'est
se promènent. i Après avoir ainsi, par l'idée du d'être mort jeune, lorsque ses prospérités al-
dernier supplice, glacé de crainte le préteur, il laient encore croissant, et avant d'avoir éprouvé
lui infligea une amende et le renvoya. Assurément, l'inconstance de la fortune. Pour ne point parler
dans ce siècle, le plus fécond de tous en grands d'autres rois et d'autres généraux qui ont été de
hommes, il n'y en eut pas qui offrit un plus solide grands exemples des vicissitudes humaines, ce
appui à la puissance romaine; on va même jusqu'à Cyrus, tant célébré par les Grecs, quelle autre
trouver qu'il ne l'eût cédé au grand Alexandrenien chose qu'une lonbue vie l'a exposé aux caprices
talents ni en courage, si ce prince, aprèsavoircon- de la fortune, comme dans ces derniers temps le
quis l'Asie, eût tourné ses armes contre l'Europe. grand Pompée? Maintenant passons en revue les
XVII. On a pu voir que je n'ai rien moins cher- généraux romains, non pas tous ceux de toutes
ché, depuis le commencement de cet ouvrage, qu'à les époques, mais ceux-là seulement qui auraient
m'écarter plus que de raison de l'ordre des ma- pu être consuls ou dictateurs au moment de la
tières, et qu'à mettre par des digressions de la va- guerre avec Alexandre; M. Valérius Corvus,
riété dans mes récils, dans le butde procurerà mes C. Marcius Rutilius, C. Sulpicius, T. Manlius
lecteurs l'agrément de quelques riants détours, et Torquatus, Q. Publilius l'hilo, L. Papirius Cursor,
à mou esprit quelque délassement. Toutefois, en Q. Fabius Maximus, les deux Décius, L. Volum-
faisant mention d'un si grand roi et d'un si grand nius, M. Curius. Il eût encore trouvé plus tard de
général, je me sens entraîné à consigner ici quel- grands hommes pour adversaires, s'il eût fait la
ques réflexions qui plus d'une fois ont occupé se- guerre aux Carthaginois avant de la faire aux Ro-
crètement ma pensée. Qu'il me soit donc permis mains, ets'il ne fût passé en Italie que dans sa vieil-
d'examinerquel eût été pour la puissanceromaine lesse. Parmi tous ceux que je viens de nommer
le résultat d'une guerre, si l'on avait eu à lutter il n'en est pas un seul en qui l'on ne retrouve tous
contre Alexandre. Ce qui parait contribuer le plus les traits du courage et du grand caractère d'A-
au succès dans un combat, c'est le nombre et la lexandre joignez à ces qualités la discipline mi-
valeur des soldats, c'est le talent des généraux, litaire, qui, transmise de main en main depuis
c'est enfin la fortune dont l'influence est si grande les commencements de Rome, en était venue à
dans les affaires humaines, et surtout à la guerre. former chez les Romains un art assujetti à des
Or, à peser ces considérations et chacune séparé- principes invariables. C'étaient ces principes qu'a-
ment et toutes ensemble, l'empire romain n'eût vaient suivis les rois dans leurs guerres, que
pas été moins invincible pour Alexandre que pour suivirent après eux les auteurs de leur expulsion,
les autres rois et les autres nations. Et d'abord, les Junius et les Valérius, et plus lard les Fa-

taberuaculum rocari jussisset, lictorem expedire tecurim quoque, facile præatant invictum romanum imperium.
jussit. Ad quam vocem exanimi stante Prænestino, « Age- Jam primum, ut ordiar ab ducibua comparandis,baud
dum, lictor, eicide radicem banc, inquit, incommodam equidem abuuo, egregium ducem fuisse Alexandrum;
ambulanlibus perfusumque ultimi supplicii metu sed clariorem tameu eum facit, quod unus fuit, quod
mutta dicta, dimisit. Haud dubie illa setate, qua nulla adolescensin incremento rerum. nondum alieram for-
virtutum feracior fuit, nemo unus erat vir, quo magis tunam expertus, decessit. Ut alios regei claros ducesque
innisa res roniana staret. Quin eum parem destinant ani- omittam, magna ezempla casuum bumanorum; Cyrwn.
mis Magno Alexandro ducem si arma, Asia perdomita, quem maximeGræci laudibus celebrant, quid nisi longa
in Europam vertisset. vita, aicut magnum modo Pompeiuin, vertenti præbuit
XVII. hihil minus quæsitum a principio bujus operis fortuuæ? Recenseam duces romanos, nec omnes omnium
videri potest, quam ut plus justo ab rerum ordine decli- ætalium. sed ipsos eos, cum quibus consulibusaat dicta-
narem, varietatibusque distinguendo opere, et legenti- toribus Alexandrofuit bellandum; M. Valerium Corvum,
bus velut deverticula amœna, et requiem animo meo C. Martium Rutilum, C. Sulpitium, T. Maulium Tur-
quærerem tamen tanti rega ac ducis mentio, quibus quatum, Q. Publilium Philonem, L. Papirium Curso-
sæpe tacilis cogitationibus volutavit animum, eas evocat rem, Q. Fabium Maximum, duos Decios, L. Volum-
in médium, ut quærere libeat, quinam eventus romanis nium, M'. Curium. Deinceps ingeutes sequuntur viri,
rebus, ai cum Alexandro fbret bellatum, futurus fuerit. si punicum romano prævertisset bellum, seuiorque in
Plurlmum in bello pollere videntur militum copia et vir- Italiam trajecisset. Horum in quolibettum indoleseadem,
tus, ingenia imperatorum, fortuna per omnia humana, quae in Alexandro erat, animi iogeniique; tum disciplina
maxime in res bellicas, potens. Ea, et singula intuenti et militaris, jam inde ab initiis urbis tradita per manus, in
universa, sicut ab aliis regibus gentibusque, ila ab hoc artis perpetuis præceplis ordinatæ modum vencrat. les
bius, les Quinctius, les Cornélius, et ensuite Fu- armée ivre et dans de continuelles débauches,
rius Camille, qu'avaient vu daus sa vieillesse lorsqu'il aurait aperçu les gorges de l'Apulie, les
tous ces jeuues hommes que l'on aurait opposés à monts lucaniens, et les traces récentes du désasti e
Alexandre. Alexandre, dans l'action, déployait de sa propre famille, dans ces lieux où son oncle
toute l'intrépidité d'un soldat, et ce n'est pas là Alexandre, roi d'Épire, venaitde trouver la mort.
un de ses moindres titres de gloire; mais, sur un XVIII. Et je parle d'Alexandre avant qu'il fût
champ de batarlle, placé en face de Manlius Tor- enivre par la prospérité que jamais personne u'a su
quatus ou de Valérius Corvus, eût-il fait reculer moins supporter que lui. Si on le considère d'a-
ces guerriers, illustres comme soldats avant de près la disposition d'esprit où l'avaient mis sa
l'avoir été comme généraux? Eût-il fait reculer nouvelle fortune et le nouveau caractère que
les Décius, qui se dévouèrent et se précipitèrent lui avaient donné ses victoires, il serait arrivé
au milieu des rangs ennemis? Eût-il fait reculer en Italie bien plus semblable à Darius qu'à Alexan-
Papirius Cursor, doué d'une si grande force de dre, et y aurait amené une armée ne se souve-
corps et d'âme? L'eût-il emporté en sagesse, ce nant plus de la Macédoine et ayant dégénéré par
jeune homme, à lui seul, sur tout le sénat l'adoption des mœurs des Perses. C'est avec regret
( pour ne pas en citer les membres les uns après que je rappelle, dans un si grand roi, ce dédain
les autres ), dont celui-là seul s'est fait une idée qui lui fit changer de costume, ces hommages d'a-
juste et vraie qui le représentait a comme une as- dulation qu'il voulait qu'on lui rendîten se proster-
semblée de rois? » Était-il à craindre qu'Alexan- nant jnsqu'à terre, hommages qui eussent été in-
dre ne montrât plus d'habileté qu'aucun de ceux supportables pour les Macédoniens vaincus, qui
que je viens de nommer, pour choisir ses campe- l'étaient à plus forte raison pour les Macédoniens
ments, faire subsister ses troupes, se prémunir vainqueurs; ces supplicesaffreux qu'il ordonnait,
contre les embûches; pour saisir le moment d'une ces meurtres de ses amis au milieu de la joie des
bataille, pour bien diriger ses opérations, pour les festins, cette vanité qui le portait à se dire faus-
seconder par des ressources de toute espèce? Il sement de race divine. Que dis-je? si son amour
n'eût pas manqué de dire qu'il n'avait plus affaire pour le vin se fut fortifié de plus en plus, et si ses
à un Darius, trainant à sa suite une armée de fem- accès de colère fussent devenus plus violents et plus
mes et d'eunuques embarrassé dans sa pourpre terribles (je ue dis rien qui ne soit attesté par les
et son or, chargé de tout l'attirail de sa grandeur, historiens), croit-on que de pareils vices n'eussent
paraissant bien plutôt une proie qu'un ennemi, et fait aucun tort à ses talents militaires? Mais peut-
qu'Alexadre vainquit sans coup férir, sans autre être était-il à craindre, comme répètent quelques
mérite que d'avoir heureusementosé braver un Grecs dont l'opinion est de peu de poids et qui
vain épouvantail. L'Italie lui eût paru bien diffé- d'ailleurs vantent même la gloire des Parthes au
rente de l'Inde, qu'il parcourut à la tête d'une préjudice du nom romain, peut-être était-il à

reges gesserant bella; ita deinde exactores regum Junii sabundus incessit, visus illi habitus esset, saltus Apuhæ
Valertique; ita deinceps Fabii, Quioctii, Cornelii; ita ac moutes lucanos cernenti et vestigia receutia domestica
Furius Camillus, quem juvenes ii quibus cum Alexandro cladis, ubi avunculus ejus nuper Epiri rem Alexander ab
dimicandum erat, seuem viderant. Militaria opera pu- sumptus erat.
gnando obeunti Alexandro ( nam ea quoque baud minus XVIlI. Et loquimur de Alexandro nondum merso se-
clarmo eum faciunt ) cessisset videlicet in acieoblatuspar cundis rebus, quarum nemo intolerantiorfuit. Qui si ex
Manlius Torquatus, aut Valerius Corvus, insignes ante habitu novæ fortunæ noviquo, ut ita dicam, ingenii,
milites, quam duces: cessissent Decii, devotis corpori- quod sibi Mvictor induerat, spectetur, Dirio magis similis,
bus in hostem ruentes cessisset Papirius Cursor, illo quam Alexandro, in Italiam venisset, et exercituiii Ma-
corporis îobore illo animi victus esset cousiliis juvenis cedonia: oblitum degenerantemque jam in Persarum
unius, ne singulos nominem, senatus ille, quem qui. ei mores adduxisset. Reterre in tanto rege piget superbam
rngibus constare » dixit, unus veram speciem romani mutationem vestis, et desideratas humi jacentium adula-
senatus cepit? Id vero erat periculam, ne sollertins, quam tiones, etiam victis Macedouibus graves, nedum viclori-
quilibet unus ex iis, quos nominavi, castris locum ca- bus et fœda supplicia, et inter vinum et epulas cædes
peret, commeatus expediret, ab insidiis præcaveret, amicorum, et vauitdtem ementiendæ stirpis. Quid, si
tempus pugnae deligeret, aciem instrueret, subsidiis fir- vini amor in dies fieret acrior't quid, si trux ac præfer-
maret ? Nou cum Dario rem esse dixisset quem, mulie- vida ira ( nec quicquam dubium inter scriptorcsrcfero )?
rum ac spadonum agmen trabentem, inter purpuram nullane bac damna imperaloriis virtutibus ducimus? Id
atque aurum oneratum fortunæ apparatibus suæ, vero periculum erat, quod levissimi ex Gracis, qui Par-
piædam verius, quamhostem, nihil aliud quam beneau- thorum quoque contra nomcn romanum gloriæ favent,
sas vana contemnere, incruentus devicit. Longe alius dictare soleut, ne majestatem nominis Alexaudri, quens
Italiæ, quam Indiæ, per quam temuleuto agmme conns- ne fama qmdein illis notum arbitror fuisse, sustmera
ciaiudrc que les Romains ue pussent tenir devant romain n'a jamais eu à accuser un seul instant ni
la majesté du nom d'Alexandre ( dont je ne le courage ni la fortune. Et ce qui les rend plus
pense même pas qu'ils aient entendu parler ); et admirables qu'Alexandre ou tout autre roi, c'est
qu'un homme contre qui dans Athènes, devenue que plusieurs n'exercèrent que dix ou vingt jours
la conquête des armes macédoniennes, près de la dictature, et aucun plus d'une année le con-
Thèbes dont elle pouvait voir les ruines encore sulat c'est que dans les levées de troupes ils
fumantes, on osait parler librement dans les as- étaient gênés par les tribuns du peuple c'est
semblées ( ce qui est prouvé par les harangues qu'ils partaient quelquefois trop tard pour la
qui nous restent de celte époque), un tel homme guerre; c'est qu'ils en étaient rappelés trop tut
n'aurait pas eu parmi tant de Romains d'un rang pour les comices; c'est qu'au moment même de
distingue uu adversaire, une voix libre et fière leurs plus grands efforts leur année s'accomplis-
qui s'élevât contre lui? Quelque idée que l'on se sait c'est que tantôt la témérité d'un collègue,
forme de la grandeur d'Alexandre, ce ne sera pour- tantôt sa malveillance, entravait ou ruinait leurs
tant qu'une grandeur individuelle et le fruit d'un opérations; c'est qu'ils succédaient quelquefois à
peu plus de dix années de prospérités. Ceux qui l'é- des hommes qui avaient mal conduit les affaires;
lèvent si haut, par la raison que le peuple romain, c'est que souvent ils recevaient une armée com-
quoiqu'il n'ait été vaincu dans aucune guerre, l'a posée de recrues ou de soldats mal disciplinés.
été néanmoins dans beaucoup de combats, tan- Les rois, au contraire, libres de toute entrave,
dis qu'Alexandre n'en a jamais livré un seul où maîtres des choses et des moments, entraînent tout
la fortune ne lui ait été favorable, ceux-là ne par leur volonté, sans se plier à celle des autres.
prennent pas garde qu'ils comparent les faits de Alexandre eût donc fait la guerre contre des gé-
la vie d'un seul homme, et d'un homme mort neraux qui, comme lui, n'avaient pas été vain-
à la fleur de l'âge, avec les actions d'un peuple cus, et il n'eût pas apporté dans la lutte d autres
combattant déjà depuis huit cents ans. Qu'y a-t-il gages de succès que ceux qu'ils y apportaient. Et
d'étonnant, si, lorsque d'un côté on compte plus même l'épreuve eût été pour lui d'autant plus
de générations que de l'autre on ne compte d'an- périlleuse, que les Macédoniens n'auraient cu que
nées, la fortune a plus varié dans un aussi long lui seul, qui, non-seulement était exposé à tous
espace de temps que dans une durée de treize ans les hasards de la guerre, mais qui les cherchait
au plus? Pourquoi ne pas comparer homme à même; taudis que les Romains auraient eu à op-
homme, général à général, fortune à fortune? poser à Alexandre une foule de concurrentes, ses
Combien ne pourrais-je pas nommer de généraux égaux, soit en gloire, soit par la grandeur de leurs
romains qui, dans les combats, n'ont jamais es- exploits, dont la vie ou la mort n'eussent influe
suyé de revers? On peut parcourir, dans les an- que sur leur destinée personnelle sans compro-
nales et les fastes des magistrats, les pages concer- mettre celle de la république.
nant les consuls et les diclaleurs dont le peuple XIX. Il ne me reste plus qu'à faire la compa-

uon potuerit popnlus romanus, et, adversus quem Alhu- nec fortunæ ullo die populum romanum pœnituit. F.t,
nis, in cmtate fracta Macedonum armis, cernente tum quosmtmirabdiores, quam Alexander aut quisquaiu rex,
maxime prope fumautes Thebarum ruinas, concionari denos viceuosque dies quidam dictaturam, nemo plus
libere ausi sint homines ( id quod ex monumeotis oratio- quam annum consulatum gessit ab tribunis plebis de-
num patet), adversus euin nemo ex tot proceribus Ro- lectus impediti sunt; post tempus ad bella ierunt ante
manis vocem liberam missurus fuerit. Quaotalibet ma- tempus comitiorum causa revocati sunt; in ipso conatu
gnitudo hoiiiinis concipiatur animo, unius tamen ea rerum circumegit se annus collegæ nunc temeritas,
magmtudo hominis erit, collecta paulo plus decem anno- nunc pravitas, impedimento aut damno fuit male gestis
rum felicitate quam qui eo extollunt, quod populus ro- rébus alterius successutn est; tironemautmala disciplina
manus, etsi nullo bello, multis tamen prœliis victus sit, institutum exercitum acceperuut.At, hercule, reges non
Alexandro nullius pugnæ non secunda fortuna fuerit; liberisolum impedimentis omnibus sed domini rerum
non intelligunt, se unius homiuis res gestas, et ejus ju- temporumque, trahunt consiliis cuncta, non sequuutur.
venis, cum populi jam octingentesimum bellanlis annum Iuvictus ergo Alexander cum inviclis ducibus hella geb-
rebus conferre. Miremur, si, quum ex hac parte smcula sisset, et eadem fortunæ pignora in discrimeu detulisset.
plura numerentur, qui et illa anni, plus in tam longo Imo etiam eo plus periculi subisset, quod Macedones
apatio, quam in ætate tredecim annorum, fortuna varia- unum Alexandrum habuissent, multis casibus non solum
verit ? Quin tu hominis cum bumine, et ducis cum duce, obnoxum, sed eliam offerentem se Romanis multi fuis-
fortunam cum fortuna coufers? Quot romanos duces no- sent, Alexaudro, vel gloria, vel rerum inagnitudiue,
minem, quibus nunquam adversa fortuna pugnoe fuit? pares; quorum suo quisque fato, sine publico discrimine,
Paginas in annalibus mngistraluum fastisque percurrere viveret morereturque.
heet, conmlum, dictatorumque, quorum nec virtulis, XIX. Restat, ut copiæ copiis comparentur vel numere,
raison des troupes, soit pour la qualité des sol- pèee de trait qui frappait plus fort et portait
dats, soit pour le nombre, soit pour celui de plus loin que la javeline. L'une et l'autre in-
leurs auxiliaires. Les recensements faits à chaque fanterie combattait de pied ferme, en gardant
lustre de cette époque donnaient deux cent cin- ses rangs. Mais la phalange macédonienne était
quante mille citoyens. Aussi, tout le temps que immobile et ne se composait que d'une espèce
dura la défection des Latins, Rome, presque à de combattants; les légions romaines, au con-
elle seule, fournit dix légions. On eut souvent, à traire, sont moins uniformes, et se compo-
cette époque, quatre et cinq armées qui faisaient saient de plusieurs sortes de soldats, qu'il était
la guerre en Étrurie, en Ombrie, contre les Gau- facile au besoin de diviser ou de réunir. Et pour
lois, dans le Samnium et contre les Lucaniens. les travaux, qui valait le soldat romain? qui ré-
Quant aux auxiliaires,c'était tout le Latium avec sistait mieux à la fatigue? Alexandre, vaincu
les Sabins les Volsques les Èques la Campanie dans un seul combat, aurait été vaincu sans re-
entière, une partie de l'Ombrie et de l'Étrurie, tour quelle bataille perdue aurait découragé les
les Picentins, les Marses, les Péli-niens, les Ves- Romains dont les journées de Caudium et de
tiniens, les Apuliens, en y joignant toute la côte Cannes n'ont pu abattre le courage? Alexandre,
de la grande Grèce sur la mer inférieure, depuis eût-il même obtenu des succès dans le commen-
Thuriumjusqu'à Naples et à Cumes, et de là jus- cement, aurait souvent regretté les Perses, les
qu'à Antium et Ostie. Alexandre n'eût trouvé alors Indiens, et cette Asie si peu propre à la guerre;
dans les Samnites que de puissants alliés de Rome il eût dit qu'il n'avait jusqu'alors combattu que
ou des ennemis épuisés par la guerre. Il n'aurait contre des femmes; comme s'exprimait, à ce
pas lui-même passé la mer avec plus de trente qu'on rapporte, cet autre Alexandre, roi d'É-
mille hommes d'infanterie de ses vieilles bandes pire, lorsque, atteint du coup dont il mourut,
macédoniennes et quatre mille hommes de cava- il comparait le résultat des guerres de ce jeune
lerie, Thessaliens la plupart, ce qui faisait toute prince en Asie avec celui de la guerre qu'il avait
la force de son armée. S'il y eût joint les Perses, entreprise. En vérité, quand je réfléchis que la
les Indiens et d'autres nations de l'Asie, il eût première guerre punique a coûté vingt-quatre
traîné à sa suite un embarras bien plutôt qu'un ans de combats sur mer avec les Carthaginois,
secours. Ajoutez que les Romains, étant chez eux, je suis persuadé que la vie d'Alexandre aurait
auraient eu des recrues sous la main; au lieu à peine suffi pour une seule guerre. Peut-être
qu'Alexandre ( comme il arriva dans la suite à même que, d'anciens traités unissant alors les in-
Annibal), faisant la guerre dans un pays étranger, térêts des Carthaginois à ceux des Romains, et des
eût vu son armée s'affaiblir par le temps. Les Ma- craintes pareilles armant contre l'ennemi com-
cédoniens ont pour armes un petit bouclier et la mun deux cités si puissantes et si belliqueuses,
sarisse le bouclier des Romains, plus large, cou- Alexandre eût été écrasé à la fois par les forces de
vrait mieux le corps, et leur pilum était une es- Carthage et par celles de Rome. A la vérité, ce ne

vel militum genere. vel multitudine auxiliorum. Cense- Romano scutum, majus corpori tegumentum, et pilum,
bantur ejus xtatis lustris ducena quinquagena millia ca- baud paullo, quam basta, vehemenuus ictu missuque te-
pitum. Itaque, in omni defectione sociorum latini no- lum. Statarius uterque miles, ordiues servans; sed illa
minis, urbano prope delectu decem scribebantur legio- phalanx immobilis, et unius generis romana acics di-
nes quaterni quinique exercitus sæpe per eus annos in stinctior, ex pluribus partibus constans; facilis partienti,
Etruria, in Umbria, Gallis hostibus adjunetis, in Samnio, quacunque opus esset, facilis jungenti. Jam in opere quis
in Lucanis gerebant bellum. Latium deinde omne cum par Romano miles? quis ad toleraudum laborem melior?
Sabines, et Volscis, et Acquis, et omni Campania, et Uno praelio victus Alexander, bello victus esset. Roma-
parte Umbriæ Etruriæque, et Picentibus, et Marsis, Pe- nmn, quem Caudium, quem Cannæ non fregerunt, quæ
liguisque, ac Vestinis, atque Apulis, adjunctaque omoi fregisset acies? Nx ille sæpe, etiamsi prima prospere
ora Græcorum inferi maris a Thuriis Neapolim et Cu- evenissent, Persas et Iudos et imbellem Asiam quæsis-
mas, et inde Antio atque Ostüs tenus Samnites, aut so- set, et cum femiois sibi bellum fuisse dixisset quod
cios validos Romanis, aut fractos bello invenisset hostes. Epiri regem Alexandrum mortifero vulnere ictum
Ipse trajecisset mare cum veteranis Macedonibus, non dixisse ferunt, sortem bellurum iu Asia gestorum ab'hoc
plus triginta millibus hommum et quatuor millibus equi- ipso juvene cum sua conferentem. Equidem, quum per
tum, maximeThessalorum. Hoc enim roboris erat. Per- annos quatuor et vigiuti primo punico bello chissibns
sas, Imlos, aliasque si adjuaxisset gentes, impedimen- certatum cum Pœnis recordor, via ætatem Alexandri suf-
tum majus, quam auxilium, traheret. Adde, quod Ro- fecturam fuisse rcor ad unum beUum. Et forsitan,
manis ad mauum domi supplementum esset: Alexaudro quum et fœderibus vetustis juncta punica res romanæ
(quod postea Aunibali accidit) alieno in agro bellanti, esset, et timor par adverse comuiunem bostem duas
exercitus consenuisset. Arma, chpeus sarissteque illis; potentissimas armis virisyue urbes armaret, 6uuul pu-
fut point sons la conduite d'Alexandre ni dans le par la dévastation de leur territoire, livrèrent des
temps de leur splendeur que les Macédoniens otages au consul L. Plautius et se soumirent aux
curent affaire aux Romains; toutefois c'étaient des Romains. Cette même année, pour la première
Macédoniens que les Romains rencontrèrent dans fuis on créa des préfets pour aller à Capoue rendre
leurs guerres contre Antiochus, contre Philippe, lu justice d'après les lois rédigées par le préteur
contre Persée, guerres qu'ils soutinrent, non- L. Furius c'étaient les Capouans eux-mîmes qui
seulement sans essuyer de défaite, mais même en avaieut fait la demande, regardant ces magis-
sans danger sérieux. Toute partialité mise de côté trats et ces lois comme le seul remède aux dissen-
et abstraction faite des guerres civiles, jamais ca- sions intestines qui minaient leur état. A Rome,
valerie ennemie, jamais infanterie, jamais ba- on ajouta deux tribus, l'Ufentine et la Falérine. Le
taille rangée, jamais position ou favorable ou premier mouvement une fois donné à l'Apulie,
également avantageuse pour les deux partis, ne les Téates, autre nation apulienne, députèrent
nous a causé d'inquiétude. La cavalerie, les (lè- vers les nouveaux consuls, C. Junius Bubulcus
ches, les défilés impraticables, les lieux inacces- et Q. Émilius Barbula, pour leur demander un
sibles aux convois, peuvent être des sujets de traité d'alliance, s'engageant à amener l'Apulie
crainte pour le soldat romain si pesamment ar- entière à une paix avec le peuple romain. L'assu-
mé; mais mille corps de bataille, plus redouta- rance avec laquelle ils garantirent l'accomplisse-
bles même que celui des Macédoniens commandés ment de cette promesse leur fit obtenir le traité
par Alexandre, ont été culbutés par lui et le se- les conditions toutefois ne furent pas égales de part
ront toujours, pourvu, toutefois, que l'amour de et d'autre, car ils devaient être sous la dépen-
la paix intérieure dont nous jouissons se conserve dance du peuple romain. La soumission de l'Apulie
parmi nous et que nous prenions soin de main- une fois consommée (car Junius s'était emparé do
tenir la concorde entre les citoyens. Forentum, autre place forte), on marcha contre
XX. Les consuls qui suivirent furent M. Fos- les Lucaniens, et le consul Émilius, arrivant tout
lius Flaccinalor et L. Plautius Venno. Cette année, à coup, emporta d'emblée la ville de Nérulum.
il arriva de presque tous les peuples du Samnium Quand la renommée eut répandu parmi les alliés
des députés chargés de renouveler les traités. que l'ordre avait été rétabli à Capoue par la dis-
Ces députés s'étaient prosternés jusqu'à terre et cipline romaine les Antiates, qui se plaignaient
avaient louché le sénat; renvoyés devant le peu- aussi de n'avoir ni lois fixes, ni magistrats, ob.
ple, leurs prières furent loin d'y être aussi effi- tinrent du sénat, pour leur donner des lois, des
caces. Le traité leur fut donc refasé; seulement, patrons pris dans la colonie même c'est ainsi
grâce aux prières dont ils fatiguèrent pendant plu- que non-seulement les armes, mais les lois ro-
sieurs jours chaque citoyen en particulier, ils ob- maines se propageaient au loin.
tinrent une trève de deux ans. Dans l'Apulie, les XXI. A la titi de l'année, les consuls C. Juuius
habitants de Téanum et de Canusium, découragés Bubulcus et Q. Émilius Barbula remirent les lé-

nico romanoque obrutus bello esset. Non quidem Alexan- datis, in deditionem venerunt. Eodem anno primum
dro duce, nec integris Macedonum rebus, sed experli pra·,fecti Capuæ creari cæpti, legibus ab L. Furio præ-
tamen sunt Romani Macedonem hostem adversus Antio- tore datis quum utrumque ipsi pro remedio ægris re-
chuni, Phdippum, Persen, non modo cum clade ulla, bus discordia intestina petissent. Et duæ Romæ additæ
sed ne cum periculo quidem suo. Ahsit invidia verbo, et tribus, Ufentina ac Falerina. Inclinatis semel in Apulia
civilia bella siteant, nunquam ah equite hoste, nunquam rehus, Teates quoque Apuli ad novos consules, C. Ju-
a pedite, nunquam aperta acie, nunquam aequis, utique nium Bubulcum, Q. Æmilium Barbulam, fœdus petitum
nunquam nostris locis laboravimus. Equitem, sagittas, vecerunt, pacis per omnem Apuliam præstandæ populo
eallus impeditos, avis couimeatibus loca gravis armis romanoauctores.Id audacter spundendo impetravere,ut
miles timere potest mille acies, graviores quam Mace- fœdus daretur neque ut aequo tamen fœdere, sed ut in
donum atque Alexandri, avertit, avertetque; modo sit ditione populi romani essent. Apulia perdomita (nain
perpetuus hujus, qua vivimus, pacis amor et civilis cura Forento quoque validuoppido Juniuspoli tus erat), in Lu-
concordiæ. canos perrectum inde repentino adventu Æmilii consu-
XX. M. Foslius Flaccinatorinde et L. Plautius Venno lis Nerulum vi captum. Et postquam res Capum stabilitas
consules facti. Eo anno ab frequcntibus Samnitium po- Romana disciplina fama per socios vulgavit, Antiatibus
pulis de fœdere renovando lugati quum senatum humi quoque, qui se sine legibus certis, sine magislratibus
strali movisseut, rejecti ad populum baudquaquam tam agere querebantur, dati ab senalu ad jura ttatueoda ip-
efficaces habebant preces. Itaque, fœdere negato, indu- sius coloniæ patroni nec arma modo, sed jura etiam
ti,e bienmi, qaum per aliquut dies fatigassent singulos romaua late pollebant.
precibus, unpetratæ. Et ex Apulia Teauenses Canusi- XXI. C. Junius Bubulcus et Q. émilius Barbula con-
uique populatiombus fessi, obsidibus L. Plautio consuli sules exitu anui non consulrlrus ab se crcatis, Sp. Nautio
gions, non pas aux consuls créés par eux, Sp. Nau- veaux consuls, comme les précédents, restèrent à
tius et M. Popillius, mais au dictateur L. Émi- Rome. Fabius se rendit à Salicula avec quelques
lius. Celui-ci, ayant entrepris avec L. Fulvius, son renforts pour recevoir d'Émilius le commande-
maître de la cavalerie, le siège de Saticula, four- ment de l'armée. Les Samnites n'étaient point res-
nit aux Samnites un prétexte pour reprendre les tés devant Plistia; aussitôt qu'ils eurent reçu de
armes. I es Romainseurentalorsunedoublealerte: leur pays de nouvelles troupes, forts de leur nom-
d'un côté, les Samnites, qui avaient rassemblé bre, ilsrevinrent camper au même endroit, et
une armée nombreuse pour délivrer du siége leurs ils s'efforçaient, en harcelant sans cesse les Ro-
alliés, vinrent camper à peu de distance du camp mains, de les distraire du siège. Le dictateur n'en
romain d'un autre côté, les Saticulans, ouvrant porta que plus d'attention sur la ville ennemie
tout à coup leurs portes, fondirent sur les postes car il ne voyait de guerre que le siège qu'il faisait.
des Romains, où ils causèrent un grand tumulte; S'inquiétant peu des Samnites, il se contentait
puis les uns et les autres s'enhardissant par l'es- d'avoir de ce côté quelques postes pour les empê-
peir d'être secourus bien plus que par la con- cher d'attaquer son camp. Les Samnites n'en fai-
fiance en leurs propres forces, il s'engagea un saient avancer qu'avec plus d'audace leur cavale-
combat régulier où les Romains furent serrés de rie jusque sous les palissades mêmes, et ne lais-
près. Quoique le résultat de la lutte fùt douteux, saient pas un instant de relâche aux Romains.
le dictateur ne se laissa entamer sur aucun point. Déjà même l'ennemi était au moment d'entrer
Outre qu'il avait pris une position où il n'était dans le camp, lorsque le maître de la cavalerie,
pas facile de l'envelopper, il fit face de divers Q. Aulius Cerrctanus, sans consulter le dictateur,
cotés à la fois. Seulement il déploya plus de vi- sortit à grand bruit avec tous les escadrons et re-
gueur contre les Saticulans qui avaient fait une poussa l'ennemi. Dans ce genre de combat qui
sortie, et sans beaucoup de peine il parvint à les laisse le moins de prise à l'animosité, la fortune
repousser dans leurs murs. Alors il tourna toutes se plut à signaler sa puissance de part et d'autre
ses forces contre les Samnites; mais là il trouva par des pertes éclatantes et par la mort des géné-
plus de résistance. La victoire, pour être tardive, raux. Le général des Samnites le premier, voyant
ne fut ni incertaine ni toutefois équivoque. Les avec peine qu'après s'être avancé si lièrement il est
Samnites repoussés dans leur camp éteignent forcé de reculer etde fuir, conjure, encourage ses
leurs feux et se retirent la nuit furtivement; puis, cavaliers, et parvient à les ramener à la charge
renonçant à l'espoir de défendre Saticula, ils vont, tandis qu'il se distingue ainsi au milieu des siens
pour causer à l'ennemi le même déplaisir, assiéger par sa valeur le général de la cavalerie romaine
Plistia, ville alliée des Romains. court sur lui, la lance en avant, de toute la vi-
XXII. L'année révolue, unaulredictateur, Q. Fa- tesse de son cheval, d'un seul coup le démonte et le
bius, futchargé decontinuer cette guerre les nou- renverse sans vie. Loin d'être découragée par la

ft M. Popillio, ceternm dictatori L. Æmilio legiones tra- Roma' manserunt; Fabius, ad accipieudum ab Æmilio
dideruut. Is, cum L. Fulvio magistro equitum Saticulam exercituni, ad Saticulam cum supplemento teuit. lreque
oppuguareadortus rebellandi causam Samnitibus dédit. enim Samnites ad Plistiam manserant; sed, accitis ab
Duplex inde terror illatus Romanis. Hinc Samnis, magno domo novis militibus, multitudine freti, castra eodem,
exercitu coacto ad eximendos obsidione socios baud pro- quo antea, loco posuerunt lacessentesque prælio Ru-
cul castiis Romanorum castra posuit hinc Saticulani manos arertere ah obsidione conabantur. Eo intentius
magno cum tumultu patefactis repente portis, in statio- dictator in moenia hostium versus, id belluin tautum du-
nes hostium iocurreruol, Inde pars utraque, spe alieni cere, quod urbem oppugnabat securior ab Samnitibus
ma gis auxilii, quam viribus fréta suis, justo moi prælio agere, stationibus modo oppositis, ne qua in castra vis
inito Romanos urgent. Et, quanquam anceps dimicatio lieret. Eo ferocius adequitare Samnites vallo, neque ohum
crat, tamen utrimque tutam aciem dictator habuit; quia pati. Et quum jam pn pe in portis castrorum esset bos-
et locum haud facilem ad circumveniendum cepit, et di- tis, nitdl consulto dictature. magister equilum Q. Aulius
versa statuit signa. Infestior tameo in erumpentes inces- Cerretauus, magno tumultu cum omnibus turmis equi-
sit nec magno certamine iolra mœnia compulit. Tum tum evectus, summovit hostem. Tum in minime perh-
totam aciem in Sammtes obvertit. Ibi plus certaminis fuit. naci genere pugnæ sic fortuna exercuit opes, ut insignes
V ictoria sicut sera, ita nec dubia, nec varia fuit. Fusi in utrim jue clades et clara ipsorum ducum ederet funera.
castra Samnites, exstinctis Docte ignibus, tacito agmine Prior Samuitium imperator, agre patiens, quo tain fe-
abeunt et spe abjects Saticulæ tuendæ, Plistiam ipsi, raciter adequitasset, inde se fundi fugarique, orando
socios Romanorum ut parem dolorem liosti redderent, hortaudoque equites prœlium iutegravit. In quem, in-
çircumsiduut. siguem iuter suos cientem pugnam, magister equitum
XXII. Anno circumacto, bellum deinceps ah dictatore romanus infesta cuspide ita permisit equuni, ut uno ictu
Q. Fabro geslum est. Consules novi. sicut superiores, exanimem equo pracipitaret nec, ut lit, ad ducis casum
mort de sun chef, sa troupe n'en devient que plus rivaient, et qu'elles n'étaient plus guère élui-
acharnée. Tous ceux qui l'entouraient font pleu- gnées. On marcha à la rencontre de l'ennemi, et
voir une grêle de traits sur Aulius, engage témé- il s'engagea près de Lautules une action qui ne fut
rairement dans lis escadrons ennemis; mais ils pas décisive. Ce ne furent ni les pertes ni la re-
laissent au frère du général samnite l'honneur de traite de l'un des deux partis, mais la nuit qui
venger sa mort. Celui-ci renverse de cheval le sépara les combattants, incerlains s'ils étalent
maitre de la cavalerie déjà vainqueur; et, dans vainqueurs ou vaincus. Je trouve dans quelques
sa douleur et sa rage, il t'égorge sans pitié peu auteurs que le désavantage fut du côte des Ro-
s'en fallut que son corps, qui élait tombé au mi- mains, et que dans ce combat périt Q. Aulius
lieu des cavaliers ennemis, ne restât au pouvoir maîtredela cavalerie. A sa place on nomma C. Fa-
dcs Samnites. Les Romains mettent pied à terre; bius, qui arriva de Rome avec une armée nou-
les Samnites sont forcés d'en faire autant. Alors, velle. Instruit par les courriersqu'il avait expé-
autour des cadavres des généraux s'engage un diés d'avance au dictateur du lieu où il devait
combat d'infanterie le soldat romain y était in- s'arrêter, du moment et du point oui) il atta-
contestablement supérieur. Le cadavre d'Aulius querait l'ennemi, il se plaça en embuscade, après
est dunc repris, et les vainqueurs l'emportent avoir pris toutes ses mesures. Le dictateur,
dans leur camp avec une joie mêlée de tristesse. qui, pendant plusieurs jours depuis le dernier
Les Samnites, après avoir perdu leur général et combat, avait tenu ses soldais enfermés dans les
essaie leurs forces dans un combat de cavalerie, retranchements, semblables à des assiégés plutôt
renoncent au siège de Saticula, qu'ils désespèrent qu'à des assiégeants, fit arborer tout à coup le
de pouvoir sauver, et vont reprendre le siège de signal du combat; et, persuadé qu'il n'y avait
l'lislia. Au bout de quelque jours, Saticula se rien de plus propre à cuflammer le courage d'hom-
rendit aux Romains, l'listia fut emportée d'assaut mes de cœur que de ne laisser à chacun d'au-
par les Samnites. tre espérance qu'en lui-même, il ne larla point
XXIII. Dès lors changea le théâtre de la guerre, à ses soldats du maître de la cavalerie et de
et ce fut vers Soraque, du Samnium et de l'Apulic, la nouvelle armée; mais, comme s'il n'y avait
se dirigèrent les légions. Sora avait embrassé le plus d'autre espoir qu'une sortie « Soldats,
parli des Samnites, après avoir égorgé les colons leur dit-il, surpris comme nous le sommes dans
venus de Rome. L'armée romaine, dans l'impa- un étroit espace, il n'y a pour nous d'issue que
tience de venger le massacre de ses concitoyenset celle que nous allons nous ouvrir par la victoire.
de recouvrer cette colonie, y avait, par des mar- Notre camp est suffisamment défendu par ses re-
ches forcées, devancé l'ennemi; des éclaireurs tranchements, mais nous avons à y craindre la di-
répandus le long de la route venaient annoncer, sette car tout autour de nous le pays d'où nous
tour à tour, que les légions des Samnites ar- pouvions nous procurerdes vivres a fait défection

perclusa magis, quam irritata est multitudo. Omnes, qui et sparsi per vias speculatores, sequi legioncs Samni-
circa eraut, in Aulium, temere invectum per hostium tium, uec Jam procul abesse, alti super alios, nuntia-
turmas, tela conjecerunt fratri præcipuum decus ulti rent; obviam itum hosti, atque ad Lautulas amipiti præ-
Samnitium imperatoris dederunt. Is victorem detractum lio dimicatum est. Non cædes, non fuga alterms partis:
ex equo magistrum equitum, plenus mœroris alque iræ, sed nox incerlos, victi victoresne e'sent, diremit. Inve-
trucidavit nec multum ablint, quiu corpore etiam, quia nio apud quosdam, adversam eam pugnam Romanis
inter hostilesceciderat turmas, Samnites polirentur. Sed fuisse, atque in ea cecidisse Q. Antium, magistrum equi-
extenplo ad pedes descensumab Romanis est, coactique tum. Suffectus in locum Aulii C. Fabius magister equi-
idem Samnites facere. Et repeuliua acies circa corpora tum cum exercitu novo ab Roma advenit; et, per præ-
dncum pédestre prœlium iniit, quo haud dubie auperat missos nunlios consulto dictatore, ubi subsisteret, quove
Romauus recupcratumque Aulii corpus, mixta cum ternpore, et qua ex parte hostem aggrederetur, sul)stitit
dolore lætitia, vietores in castra referunt. Samni'es, occultus, ad omnia satis exploratis cousiliis. Diclator,
dure amisso, et per equestre cerlamen tentatis virlbus, quum per aliqunt dies post pugnam contmmssetsuos intra
omissa Saticula, quam uequicquam defendi rcbantur, ad vallum, obsessi inagis qu.rm obsidcntis modo, signum
Plistiæ obsidionem redeuut; iutraque paucos dies Sati- repente pugnæ proposuit; et, efficacius ratus ad aca u-
cula Ron) mns per deditionem, Plistia pcr vim Samnis dendos virorum fortium auimos, nullam alibi, quam in
potitur. semet ipso cuiquam rel ctam spem, de magistro equi-
XXIII. Mutata inde belli sedes est ad Soram ex Sam- tum novoque exercitu mihtem œlavit. Et, tan juam nulla,
nio Apuliaquetraductæ legiones. Sora ad Samoites defe- nisi in eruptione, spes esset,Locis, inquit, augn'tis,
ccral, interfectis colonis Romanorum. Quo quum prior milites, deprehensi, nisi quam victoria patefecerimus,
romanus exercitus, ad ulciscendam civium necem recu- viam uullam habemus. Stativa nostra nmnimon osalis
perandan.que colomam, m. gms itneribus præveuisset, tuta sunt; sed mopia eadem inresta, Nam et cu ca omma
et, quand même les habitants voudraient nous se- porté la victoire, que de retrouver intact, contre
conder, nous avons les lieux contre nous. Je ne vous son espoir, tout ce qu'il avait laissé, à l'excep-
abuserai doncpoint en laissantici un camp où vous tion de la faible partie qu'avait endommagée l'in-
puissiez, comme précédemment, vous retirer sans cendie.
avoirachevéde vaincre. Ce sontles armes qui doi- XXIV. On revint de là devant Sora; les nou-
vent protéger les retranchementset non les retran- veaux consuls, M. Pétilius et C. Sulpicius, reçu-
chements qui doivent protéger les armes. Qu'ils rent alors du dictateur Fabius le commandement
aient un camp et qu'ils s'y retirent ceux qui ont le de l'armée, puis congédièrent une grande partie
temps de traîner la guerre en longueur. Pour nous, des anciens soldats, et les remplacèrent par de
soldats, retranchons-nous toute antre ressource nouvelles cohortes amenées dans cette intention.
que la victoire. Marchez à l'ennemi; et, aussitôt Cependant, comme à cause des difficultés que
que l'armée sera sortie des retranchements,que le présentait la situation de cette ville, on n'avait
camp, par le soin de ceux qui en ont reçu l'or- encore arrêté aucun plan d'attaque, et qu'uno
dre, devienne la proie des flammes vos pertes, victoire n'était guère possible sans perdre beau-
snldats, seront largement compensées par le butin coup de temps et courir de grands dangers,
que vous allez faire sur tous ces peuples révoltés. » un transfuge de Sora, sorti secrètement de la
Cette harangue du dictateur, indiquant qu'on était place, parvient jusqu'aux sentinelles romaines,
réduit à la dernière extrémité, enflamme les sol- demande à être conduit immédiatementaux con-
dats qui fondent sur l'ennemi l'aspect du camp suls, et, arrivé en leur présence, promet de li-
livré aux flammes, quoiqu'on n'eût mis le feu, vrer la ville. Quand, à la demande des consuls,
suivant l'ordre du dictateur, qu'à la partie la plus il eut indiqué comment il comptait y parvenir,
proche, ne fut pas un faible encouragement. Aussi, il parut bien qu'il n'en imposait point, et, d'a-
comme emportés par la fureur, au premier choc, près ses conseils on éloigna de six milles le
ils rompent les lignes ennemies. Le maître de la camp romain qui touchait presque aux murs de la
cavalerie, à la vue de l'incendie du camp, qui était ville. Il devait s'ensuivre que, le jour comme la
le signal convenu, fond à propos sur les derrières nuit, il y aurait dans les postes moins de vigi-
de l'ennemi; les Samnites, ainsi enveloppés, se lance à garder la ville. Lui-même, la nuit sui-
mettent à fuir de tous côtés, chacun par oùil peut. vante, après avoir fait placer les cohortes dans des
Une foule immense, agglomérée sur un seul point lieux couverts de bois prend avec lui dix soldats
et se faisant obstacle à soi-même par son désordre, d'élite, et les conduit dans la citadelle à travers des
fut taillée en pièces au milieu de deux armées ro- précipices et des escarpements presque inaccessi-
maines. Le camp ennemi fut pris et pillé. Le dic- bles. On y avait rassemblé des projectiles de toule
tateur ramena dans le camp le soldat chargé espèce, en plus grande quantité qu'il n'en fallait
de dépouilles, et joyeux bien moins d'avoir rum- pour un si petit nombre d'hommes. Il s'y trou-

dcfecerunt, undesubvehi commeatus poterant; et, si ho- que quorum praeda onustum militem in romana castra
mines juvare velint, iniqua loca sunt. Itaque non frus- dictator reducit, baudquaquam tam victoria lætum,
trabor ego vos, castra hic relinquendo, in quæ, infecta quam quod, præter exiguam deformatam incendio par-
victoria, sicut pristino die, vos recipiatis. Armis muni- tem, cetera contra spem salva invenit.
menta, non munimentis arma tuta esse debent. Castra XXIV. Ad Soram inde reditum; novique consules
habeant repetantque, quibus operæ est trabere bellum M. Pœtelius, C. Sulpicius exercitum ab dictatore Fabio
nos omnium rerum respectum, prxterquam victoria?, accipiunt, magna parte veterum militum dimissa, novis-
nobis abscidamus. Ferte signa in hostem ubi extra val- que cohorlibus in supplementum adductis. Ceterum,
lum agmeu excesserit castra, quibus imperatum est, quum propter difficilem urbis situm nec oppugnandi sa-
incendant damna vestra, milites,omnium circa, qui de- tis certa ratio iniretur, et aut tempore longinqua, aut
fecernnt, populorum præda sarcientur.. Et oratione di- præceps periculo victoria esset; soranus trausfuga, clam
ctatoris, quæ necessitatis ultimae index erat, milites ac- ex oppido profectus, quum ad vigiles romanos pense-
censi vadunt in hostem, et respectus ipse ardentium ca- trasset, duci se extemplo ad consules jubet, deductusque
strorum, quanquam prolimis tantum (ita enim jusserat traditurumurbem promittit, Visus inde, quam, quonam
dictator) ignis est subditus, baud parvum fuitirritamen- modo id pra'staturus esset, percunctantesdoccret, haud
tum. Itaque, velut vecordes illati, signa primo impetu vana afferre, peppulit, prope adjuucta mœnibus romana
hostium turbant; et in tempore, postquam ardentia pro- castra ut aex milha ab oppido removerentur fore, ut
cul vidit castra magister equitum ( id convenerat signum), minus intentæ in custodiam urbis diurne stationes ac
hostium terga invadit. Ita circumventi Samnites, qua nocturnæ vigiliae esseut. Ipse insequenti nocte, sub op-
uotest quisque, fugam per diversa petunt. Ingens multi- pido silvestribus locis cohortibus insidere jussis, decem
tudo, in unum metu conglobata ac semet ipsam turba milites delectos secum per ardua ac prope invia in arceot
impediens, in medio casa. Capta hostium castra direpta- ducit; pluribus, quam pro numéro virorum, n)issihbm
vait aussi des pierres, soit celles dont le terrain ceux qu'il rencontre dans les rues. Sora était
était parsemé, comme le sont d'ordinaire les lieux prise à l'arrivée des consuls, qui eut lieu au point
escarpés, soit celles qu'y avaient amassees les ha- du jour. Tout ce qui restait de ce carnage et
bitants pour mieux défendre la place. Après y de cette fuite nocturne fut reçu à composition.
avoir établi les Romains et leur avoir montré un De ce nombre, deux cent vingt-cinq, qu'un cri
senlier étroit et escarpé, montant de la ville à la général désignait comme les auteurs de l'hor-
citadelle, il leur dit Ce passage peut être faci- rible massacre des colons et de la révolte, furent
lement fermé par trois hommes armés à la multi- chargés de chaînes et envoj és à Rome. On fit grâce
tude la plus nombreuse vous, vous êtes dix; et, au reste, qu'on laissa dans Sora, après y avoir mis
ce qui vaut mieux vous êtes Romains, et les plus garnison. Tous ceux qui furent menés à Rome
braves parmi les Romains.Vous serez secondés par furent battus de verges dans le forum, et frappés
le lieu, par la nuit, qui grandit toute chose, par de la hache, au grand contentement du peuple,
l'incertitude et l'effroi. Moi, je vais de ce pas tout auquel il imporlait si fort que les nombreux ci-
remplir de terreur; vous, mettez tous vos soins toyens que l'on envoyait en colonies fussent en
à défendre la citadelle. » A ces mots, il s'élance, sûreté sur tous les points.
semant au loin l'épouvante, et s'écriant çà et là XXV. Les consuls partirent de Sora pour aller
« Aux armes, aux armes; j'en jure parlesdieux, porter la guerre chez les Ausones car, à l'ar-
citoyens, l'ennemi est dans la citadelle accourez, rivée des Samnites et au moment de la bataille
pensez à vous défendre. » Le long de la route, il de Lautules, tout ce pays s'était soulevé, et il
fait retentir ces paroles aux portes des principaux s'était formé de toutes parts dans la Campanie
citoyens, il les répète à ceux qu'il rencontre, des conjurations, auxquelles Capoue même fut
à ceux que la frayeur précipite hors de leurs accusée d'avoir pris part. Les soupçons s'éten-
maisons. Cette alarme, donnée par un seul, dirent jusque dans Rome, où l'on informa contre
est répandue par un grand nombre dans toute plusieurs personnages des premiers rangs. Au
la ville. Les magistrats, hors d'eux mêmes, reste, il en fut des Ausones comme de Sora la
envoient reconnaître l'état de la citadelle; et, trahison nous rendit maîtres de leurs villes. Il y
apprenant qu'elle est occupée par des hommes en avait trois Ausone, Minturnes et Vescia.
armés, dont le nombre est exagéré, ils font Douze jeunes gens des premières familles de ces
perdre eux-mêmes aux habilanis l'espoir de la trois villes, ayant formé le complot de les livrer,
recouvrer. La fuite met tout en désordre les viennent trouver les consuls. Ils leur apprennent,
portes sont enfoncées par les habitants à moi- « que leurs concitoyens qui désiraient depuis
tié endormis et la plupart sans armes. C'est par longtemps l'arrivée des Samnites, n'avaient pas
l'une de ces portes, qu'averti par les cris, pénètre plus tôt appris le combat de Lautules, que regar-
un détachement romain qui égorge tout tremblants dant les Romains comme vaincus, ils avaient en-

telis eo collatis. Ad hæe saxa erant, et temere jacenlia, Jam Sora capla erat, quum consules prima luce adve-
ut lit, in aspretis, et de industria etiam, quo locus tutior
nere et, quos reliquos fortuna ex nocturna cæde ac fuga
essel, ab oppidanis congesta. Ubi quum constituissetRo- fecerat, in deditionem accipiunt. Ex his ducentos viginti
«tanos, semitamque angustam et arduam, ereclam ex quinque, qui omnium consensu destinabantur et inlandae
oppido in arcem, ostendisset « Hoc quidem asceusu, colonorum cædis et defectionis auctores, vinctos Romam
in joit, vel tres armati quarnlibet muliitudinem arcue- deducunt ceteram multitudinem incolumem, proesidio
rint vos et decem uumero, et, quod plus est, Romani, imposito, Sora'relinquunt. Omnes, qui Romam deducti
Rumanorumyue fortissimi viri estis. Et locus pro vobis erant, virgis in foro cæsi, ac securi percussi summo gau-
et uox erit, qua* omnia ex incerto majora territis osten- dio plebis; cujus maxime intererat, tutam ubique, qum
tat. Ego jam terrore omnia implebo vos arcem intenti passim in colonias mitteretur, multitudinem esse.
tenete.. Decurrit inde, quanto maxime poterat cum tu- XXV. Cousules ab Sora profecti, in agros alqne urbes
multu,.Ad arma, et pro vestram fidem, cives clami- Ausonumbellum intulerunt. Mota namque omnia adventu
tans, arx ab hostibus capta est; ite, del'endite. Hæc in- Samnitium, quum apud Lautulas dimicatum est, fuerant,
cidens principum foi ibus, hæc obviis, hæc excurrentibus conjuralionesque circa Campaniam passim facta'; nec
in publicum pavidis iucrepat. Aeceptum ab uno pavorem Capua ipsa crimine caruit quia Romam quoque et ad
plures per urbem ferunt. Trepidi magistratus, missis ad principum quosdam inquirendo ventum est. Ceterum Au-
arcem exploratoribus, quum tela et armalos tenere arcem sonum gens proditione urbium, sicut Sora, in potesta-
multiplicato numero audirent, avertunt animos a spe re- tem venit. Ausona, et Minturnæ, et Vcscia, urbes erant:
cuperandæ arcis. Fuga cuncta complentur,porte'que ab ex quibus principes juventutis duodecim numero, in pro-
semisomuis ac maxima parte inermibus refringuatur ditiouem urbium suarum conjurati, ad consules veniunt:
quarum per unam prarsidium romanum clamore excita- docent, « suos jam pridem exoptantes Samnitium advea-
tum irrumpit, et concursantes per vias pavidos cædit. tum, simul ad Lautulas pognatum audierunt, pro vicit
voyé aux Samniles des troupes et des armes; que rascr la ville. Outre la haine implacablequ'lavaient
depuis la défaite des Samnites, ils reslaient dans excitée ces deux révoltes consécutives, on ne pou-
un état de paix équivoque, ne fermant pas leurs vait sans effroi se faire à l'idée de reléguer des
portes aux Romains, de crainte d'atirer chez eux citoyens à une telle distance de la patrie, au mi-
la guerre, mais résolus à les fermer, s'ils voyaient lieu de nations si acharnées contre Rome. L'avis
approcher une armée que dans cette fluctuation contraire prévalut pourtant; et l'on envoya dans
des esprits, une attaque imprévue réussirait sans cette colonie deux mille cinq cents hommes. Cette
peine. » sur leur avis on alla camper plus près mêmeannée,où de toutes parts on se montrait in-
des villes; et l'on envoya en même temps autour fidèle aux Romains, à Capoue aussi les principaux
de ces trois places des soldats, les uns armés, qui citoyens tramaient secrètement des couspirations.
s'embusquèrent à proximité des murs, les autres On en donna avis au sénat, qui ne manqua pas
en toge, avec des épées cachées sons leurs robes, d'activité dans cette affaire. On décréta des enquê-
lesquels devaient entrer dans les villes, le matin, tes, et, pour les diriger, il parut convenable de
à l'heure où s'ouvraient les portes. Ceux-ci égor- nommer un dictateur. C. Ménius fut clu; il
gèrent les sentinelles en même temps qu'ils don- nomma M. Foslius général de la cavalerie. Cette
nèrent aux autres le signal de sortir de leur em- magistratureinspiraitla terreur; soit cette terreur,
buscade. On s'empara des portes; et à la même soit conscience de leur faute, les deux Calavius,
heure et par la même ruse, les trois places se trou- Ovius et Novius ( ils avaient été les chefs de la con-
vèrent culevées. Mais comme ce coup de main se juration) n'attendirent pas qu'ils fussent cités de-
lit en l'absence des généraux, il n'y eut aucune vant le dictateur, et une mort certainement vo-
borne aux massacres, et la nation des Ausones, lontaire les déroba au jugement. Quand les enquê-
dont la défection n'était pas bien prouvée, fut ex- tes furent épuisées dans la Campanie, on vint les
terminée, comme si elle eût fait aux Romains une continuer dans Rome. On prétendait que ce n'était
guerre à mort. pas nommément de Capoue, mais en général de
XXVI. La même année, par une trahison qui toute espèce de réunions et de complots contrai-
livra aux ennemis la garnison romaine, Lucérie res à la république, qu'il s'agissait dans le décret
retomba au pouvoir des Samnites; mais les traîlres d'enquête du sénat; et que les réunions factieuses
ne restèrent pas longtemps impunis. Les Romains, pour arriver aux honneurs étaient contraires à la
qui n'étaient pas loin reprirent d'emblée la république. Par cette interprétation la commission
ville, située dans une plaine. Lucériens et Sam- élendait son pouvoir sur plus d'objets et plus de
nites, tous furent impitoyablement massacrés; et personnes; et le dictateur se prêtait sans peine à
le pressentiment alla si loin, qu'à Rome même, cet accroissement sans bornes de son droit d'en-
lorsqu'on mit en délibération l'envoi de colons à quête. On citait donc les hommes de haute condi-
Lucérie, beaucoup de sénateurs proposèrent de tion et bien qu'ils en appelassent aux tribuns,

Romanos habuisse; juventute, armis Samnites juvisse. serent. Præter odium, quod exsecrabile in bis captos
Fugatis inde Samnihbus, tncerta pace agere; nec clau- erat, longiuquitas quoque abhorrere a relegandis tam
deutes portas Romanis, ne arcessant bellum et obstiua- procul ab domo civibus inter tam infestas gentes cogebat.
tos claudere si exercilus admoveatur. In ea fluctuatione Vicit tamen sententia ut mitterentur coloni. Duo millia
auimorum opprimi incautos posse. » His auctoribusmuta et quiogenti missi. Eedem anuo, quum omnia infida Ro-
propms castra; missiqueeodem tempore circa tria oppida manis essent, Capua' quoque occultæ principum conj
milites, partim armati, qui occulti propinqua mœuibus rationes factæ. De quibus quum ad senatum relatum e.r
insiderent loca; partim togati, tectis veste gladiis, qui set, haudquaquam ueglecta res est. Qua stioues décrets.
sub lucem apertis portis urbes ingrederentur. Ab his si- dictatoremque quæstionibus exerceudis dici placuit.
niul custodes trucidari cœpti, simul datum signum ar- C. Majuius dictus. Is M. Foslium magiatrum equitum
malis, ut ex insidiis concurrerent. Ita portæ occupatæ, dixit. Ingens erat magistratus ejus terror. Itaque sive li-
triaque oppida eadem hora eodemque consiho capta. Sed more ejus, seu consc entia, Calavios, Ovium Noviumque,
quia obsentibus ducibus impelus est factus, nullus modus Lea capita conjuratiouis fuerant), priusquam nomina-
coedibus fuit; deletaque Ausonum gens, vix certo defec- rentur apud dictatorem, mors baud duhie ab ipsis cou-
tionis crimine, perinde ac si internecivo bello certasset. scita judicio sublraxit. Deinde, ut quæstioni campanæ
XXVI. Eodem anno, prod to bostibus romano præ- materia decessit, versa Romam interpretando res non
sidio, Luceria Samnitium facta. Nec diu proditoribusim- nominatim, qui Capua', sed in nuiversum, qui usquam
punita res fuit. Haud procul inde exercitus romanus erat coissent conjurassentve adversus rempublicam, quæri
cujus primo impetu urbs, sita in piano, capitur. Luce- senatum jussisse et coitiones, honorum adipiscendorum
rini ac Samnites ad internecionem cœsi eoque ira pro causa factas, adversusrempublicamesse: latiorque et re
cessit, ut Romæ quoque, quum de colonis mittendis Lu- et personis quæsti fieri; baud abnuente dictature, sine fine
ceriam cousuleretur senatus, nmlti delendam urbem cen- illa quæstionis suae jus esse. Portulabantur ergo nobles
il ne se présentait personne pour arracher leurs le moins sûr pour eux serait de chercher à prou-
noms à la liste fatale. Enfin, la noblesse,et non pas ver leur innocence) jusqu'à se ruer sur nous, et
seulement ceux qui étaient en cause, mais la no- n'ont pas rougi de donner l'exemple d'un dicta-
blesse en masse protestacontre de pareilles accu- teur accusé par de simples particuliers; moi, pour
sations «Devaient-ellesdonc atteindre les nobles que les dieux et les hommessachent bien que tan-
à qui la fraude scule pouvait fermer la carrière des dis qu'ils tentent même l'impossible pour ne pas
honneurs et non pas plutôt les hommes nouveaux, rendre compte de leur vie, je veux me livrer,
le dictateur et le maître de la cavalerie eux-mê- comme accusé, à mes ennemis, aujourd'hui je
mes, auxquels le rôle d'accusés eût beaucoup cesse d'être dictateur. Je vous prie, consuls, si
mieux convenu que celui de juges? C'est ce qu'ils le sénat vous en donne la mission d'informer
ne tarderaient pas à comprendre, dès qu'ils se- d'abord contre moi, ensuite contre M. Foslius
rni ent sortis de magistrature. » Ménius, plus ja- que voici afin qu'il soit évident que notre inno-
loux dc sa réputation que de sa place, se pré- cence, et non pas la majesté de nos fonctions,
senta devant l'assemblée du peuple, et parla nous sauve de pareilles accusations.» Il se démet
en ces terme a J'ai dans vous tous, Romains, de la dictature, et M. Foslius fait de mêmes du
des témoins de ma vie passée et cet honneur généralat de la cavalerie; et, traduits les premiers
même qui m'a été déféré est une preuve de mon devant consuls que le sénat les avait chargés
innocence. Car ce n'était pas, comme l'a exigé tant de ces poursuites, ils sont, en dépit des déposi-
de fois l'intérêt de la république, parmi les plus tions des nobles, absous avec éclat. Publilius Phi-
illustres capitaines, mais parmi les hommes les lo, qui avait été si souvent élevé aux suprêmes
plus étiangers aux intrigues coupables que vous dignités, qui avait si bien mérité de la patrie
voulcz punir, qu'il fallait choisir un dictateur et dans Home et à la tète des armées, mais qui
pour p'ésider à ces enquêtes. Mais puisque quel- avait encouru la haine de la noblesse, plaida
ques nobles, par des motifs que je vous laisse le aussi sa cause et fut absous. Au reste, comme il
soin d'apprécier, et sur lesquels il ne m'appartient arrive toujours, ce ne fut qu'au commencement
pas, dans l'exercice d'une magistrature,d'émettre que l'enquête se soutint par l'illustration des ac-
une opinion hasardée se sont d'abord efforcés cusés bientôt elle n'atteignit plus que les noms
d'anéantir, autant qu'il dépendrait d'eux, les cu- les plus obscurs, et elle cessa, étouffée par les in
quètes mêmes; et que, voyant tous leurs cf- trigues et les factions contre lesquelles on l'avait
fonts inutiles, ils out, pour ne pas présenter leur décrétée.
défense, réclamé l'appui de leurs adversaires, se XXVII. Le brunit de ces dissensions, mais plus
metlant, eux patriciens, sous le patronage des encore l'espoir de la défection de la Campanie,,
tribuns du peuple puisqu'enfin, repoussés de ce objet principal de la conjuration ramena de nou-
côté, ils en sont venus ( tant il est vrai que le parti veau vers Caudium les Samnites, qui s'étaient

homines; appellantilbusquetribunos uemo erat auxilio, ( adeo omnia tutiora, quam ut innocentiam suam purga-
quin nomina reciperentur. Inde nobilitas, nec hi modo, rent, visa) in nos irruerunt, et privatis dictatorem po-
in quos crimen intendebatur,sed uiniversi simut, negare, scere reum verecundiæ non luit ut omnes dii homines-
nobilium id crimen esse, quihus, si nulla obstetur fraude, que sciant, ab illis, etiam quæ non possent, tentari, ne
pateat via ad honorem, sed hominum nuvorum ipsos rationem vitæ reddant; me obvamire crimmi, et of erre
a !co dictatorem magistrumque equitum reos magts, me inimicis reum, dictatura me abdico. Vos quæso,
quam quæsitores idoneos ejus crimmis esse intellectu- consules, si vobis datum ab senatu negotium fuerit, in
rosque ita id esse, sirnul magistratuabissent. Tum enini me primum et hune M. Foshurn quæstionis exerceatis;
vero Mæmus, jam famæ magis, quam imperii, memor, ut appareat, innocentia nostra nos, non majestate hono-
progressus in couci mem ita verha fecit «Et omnes aute ris, tutos a criminationibus istis esse. » Abdicat inde se
actæ vit* vos consios habeo, Quirites, et hic ipse honos, dictatura, et post eum confestimFoslius magisterlo cqui
(1t,latiis ad me, testis et innocentiæ meæ. Neque enim, tum; primique apud consules (iis enim ab senatu mau-
quod sæpe alias, quia ita tempora postul;ibautreipublicæ, data res est) rei facti, adversus nobilium testimonia
qui bello rclarissimus esset, sed qui maxime procul ah his egrepie ahsolvuntur. Publdius etiam Philo, multipli atis
coitiombus vitam egisset, dielator deligendus exercend:s summis honoribus, post res totdomi belloque gestas,
quæstionibus fuit. bed quoniam quidam nobiles homines reterum invisus nobilitati, causam dixit, absolutusque
(qua de causa, vos existimare, quain n e pro magistratu est. Nec diutius, ut fit, qunm dum recens erat, quæstio
quicquam incompertum dieere, melins est) primum ipsas per clara nomina reorum viguit; inde labi cœpit ad vi-
expugnare quaestiones nmni ope auniài aunt dein po,t- liora capita, donec coitionibus factionibusque, adversus
quam ad id parum potents erant, ne causam dicerent, quas comparata erat, oppressa est.
in præsidia adversartorum, appellationemet tritunicium XXVII. Earum fama rerum, magis timen spes Cam
aaoxiliutn, patricii confugerunt postremo repulsi inde panæ defectionis, in quam conjuratum erat, Sammtes,
diriges vers l'Apulie. Dans cette nouvelle posi- dès l'abord aux premiers rangs les cohortes de
tion, ils devaient être plus à portée, si quelque réserve que l'on ménageait ordinairement pour
mouvement leur en donnait l'occasion, d'enle- les besoins d'une longue bataille. Employant ainsi
ver Capoue aux Romains. Les consuls s'y por- dès le premier choc la totalité de ses forces, il fit
tèrent à la tête d'une forte armée. Ils perdi- plier l'ennemi. L'infanterie des Samnites ainsi
rent quelque temps autour des défilés, les che- ébranlée, la cavalerie s'avance à son tour. Comme
mins pour arriver à l'ennemi étant des deux côtés elle se portait en travers entre les deux lignes de
fort difficiles. Quant aux Samnites, ayant fait bataille, les Romains lancent aussi leurs chevaux,
un léger détour par des lieux découverts, ils fi- culbutent la cavalerie sur l'infanterie, confondent
rent descendre leur armée en plat pays, dans les pêle-mêle et leurs enseignes et leurs rangs,
plaines de la Campanie, où pour la première fois et mettent tout en déroute sur ce point. Ce n'é-
ils campèrent en vue de l'ennemi. Alors les deux tait pas seulement Pétélius qui a\ait encouragé
partis s'essayèrent dans de petits combats, plus cette aile par sa présence; Sulpicius, dont les
souvent de cavalerie que d'infanterie; et le Ro- troupes n'étaient pas encore engagées, y était ac-
main n'eut sujet d'être mécontent ni du succès de couru au premier cri de charge parti d'abord de
ces escarmouches ni du système de temporisation la gauche. Voyant la victoire assurée de ce côté
qu'il avait adopté. Les généraux samnites, au il retourna, avec douze cents hommes d'élite, à
contraire, voyaient leurs forces s'affaiblir de son aile droite, où il trouva tout dans une situa-
jour en jour par ces petites pertes, et se miner in- tion différente les Romains perdant du terrain,
sensiblement par les lenteurs de la guerre. Ils s'a- l'ennemi vainqueur pressant vivement nos trou-
vancent donc en bataille avec la cavalerie répartie pes découragées. Tout fut changé en un instant
sur les ailes celle-ci avait reçu ordre de porter par l'arrivée du consul. Les soldats reprirent
toute son attention sur le camp qui pouvait être courage à la vue de leur général, outre que ce fut
attaqué, plutôt que sur l'ennemi qu'elle avait en un plus puissant secours qu'on ne l'eût attendu
face; l'infanterie devait suffire à la sûreté de l'ar- de leur petit nombre, que ces hommes de cœur
mée. Les consuls se placent, Sulpicius à l'aile qui l'avaient suivi. La victoire de l'autre partie de
droite, Pétélius à la gauche. L'aile droite voyant l'armée, qui leur fut annoncée, et dont ils virent
que les Samnites, soit pour envelopper les en- bientôt les effets, rétablit le combat. Bientôt le
enmis, soit pour éviter d'être eux-mêmes enve- Romain fut vainqueur sur toute la ligne, et les
loppés, avaient considérablement étendu leurs Samnites, ne pouvant plus résister, se laissèrent
lignes, présenta aussi un plus large front de tuer ou prendre, à l'exception de ceux qui se sau-
bataille; la gauche, outre que les rangs y étaient vèrent à Malevent, ville qu'on nomme aujour-
plus serrés reçut une nouvelle force du parti d'hui Bénévent. Environ trente mille Samnites fu-
que prit subitement le consul Pétélius de porter rent tués ou pris, d'après le rapport des historiens.

in Apuliam versos, rursus ad Caudium revocavit ut inde gioris pugnae c-isus reserrahantur, in primam aciem ex-
ex propinqno, si qui motus occasiooem aperiret, Capuam temploemisit;unirersisque hostem primo impetuviribus
Romanis eriperent. Eo consules cum valido exercitu ve- impulit. Commota pedestri acie Samnitium eques in
nerunt. Et primo circa saltus, quum utrimque ad hostem pugnam succedit. In hunc transversoagmine inter duas
iniqua via esset cunctati sunt deinde Samnites per acies se inferentem romanus equitatus concitat equos:
aperta loca brevi circuitu in loca plana, Campanos cam- signaque et ordines peditum atque equilum confundit,
pos, agmen demittunt, ibique primum castra in con- donec universam ab ea parte avertit aciem. In eo cornu
spectu hostibus data deinde levibus prœliis, equitum sæ- non Pœtelius solus, sed Sulpicius etiam, hortator affue-
pius, quam peditum, utrimque periculum factum; nec rat, avectusab suis nondum conserentibus manus ad cla-
aut eventus eorum Romanum, aut moræ, qua trahebant morem ab sinistra parte prius exortum. Unde, haud
bellum, pœnitebat. Samnitium contra ducibus, et carpi dubiam victoriam cernens, quum ad suum cornu tende-
parvis quotidie damais, et senescere dilatione belli vires ret cum mille ducentis viris dissimilem ibi fortunam in-
suæ videbantur. Itaque in aciem procedunt, equitibus in venit Romanos loco puisos, victorem hostem signa in
cornua divisis quibus praeceptum erat, intentiores ad perculsos inferentem. Ceterum omnia mutavit repente
respectum castrorum, ne qua eo vis fleret, quam ad prx- consulis adventus. Nam et conspectu ducis refectus mi-
lium, starent aciem pediti tutam fore. Consulum Sul- litum est animus; et, majus quam pro numero auxilium,
picius in dextro, Pa'telius in loevo cornu consistant. Dex- advenerant fortes viri; et partis alterius victoria audita,
tra pars, qua et Samnites raris ordinibus, aut ad circum- mox visa etiam, prœliumrestituit. Tota deinde jam vin-
eundos hostes, aut ne ipsi circumirentur constiterant, cere acie Romanus et, omisso certamine, cædi capique
tatius patefacta stetit. Sinistris, praeterquam quod confer- Samnites; nisi qui Maleventum cui nunc urbi Reneven-
tiores steterant, repentino consilio Pœtelui consulis addi- tum nomeu est, perfugerunt. Ad triginta millia cwsa aut
ta vires: qui suhsidiarias cohortes, quæ iutegra; ad lon- capta Samnitium, proditnm memortæ est.
XXVIII. Les consuls après cette victoire signa- tus-consulte, portant que des colonies seraient
lée, conduisent incontinent les légions à Bovia- conduites à Inléramna et à Casinum; mais là
num, pour faire le siège de cette ville. Ils y pas- nomination des triumvirs et l'envoi des colous
sèrent l'hiver, jusqu'au moment où les nouveaux au nombre de quatre mille, n'eurent lieu que
consuls, L. Papirius Cursor et C. Junius Bubulcus, sous les consuls suivants, M. Valérius et P. Dé-
qui l'étaient, l'un pour la cinquième fois, l'autre cius.
pour la seconde, remirent l'armée à C. Pétélius, XXIX. La guerre des Samnites était à peu près
nommé dictateur, lequel eut M. Foslius pour géné- terminée; mais avant que le sénat fût entière-
ral de la cavalerie. A la nouvelle que la place de ment délivré de ce soin, on apprit qu'il se prépa-
Frégelles avait été emportée par les Samnites, le rait une nouvelle guerre étrusque. Il n'y avait
dictateur quitta Bovianum et marcha à Frégelles point alors, après les Gaulois, de nation plus
qui fut reprise sans combat, les Samnites l'ayant redoutée des Romains, tant à cause de la proxi
abandonnée pendant la nuit. il y laissa une forte mité de son territoire, que pour ses forces mili
garnison, et revint dans la Campanie, où il se taires. Ainsi, tandis que l'un des consuls restait
proposait principalement de reprendre Nola. A dans le Samnium pour y poursuivre les restes de
l'époque de l'arrivée du dictateur, toutes les trou- la guerre, P. Décius, retenu à Rome par une ma-
pes des Samnites et tous les habitants du territoire ladie grave, nomma, par ordre du sénat, un
de Nola s'étaient réunis dans ses murs. Après en dictateur, C. Junius Bubulcus. Celui-ci, comme
avoir reconnu l'enceinte, Pétélius, pour rendre l'exigeait la gravité des conjonctures, impose le
libres les abords de la place jusqu'au pied des serment à toute la jeunesse, fait préparer avec la
murailles, fit brûler tous les édifices (et le nombre plus grande activité des armes et tout ce qui est
en était considérable) qui se trouvaient en avant nécessaire; et, sans se laisser éblouir par do si
des remparts. Au bout de peu de temps, Nola fut grands préparatifs, il suspend tout projet d'u-
prise, soit par le dictateur Pétélius, soit par le grossion, résolu à rester tranquille, à moins quo
consul Junius on n'est pas d'accord sur ce les Étrusques ne commencent les hostilités. Du
point. Ceux qui font honneur de cette conquête côté de ceux-ci mêmes préparatifs et même pru-
au consul lui attribuent aussi la prise d'Atina et dence. Ni les uns ni les autres ne franchirent les
de Calatia. Selon ces historiens, Pétélius n'aurait frontières. Cette aunée fut signalée aussi par la
été nommé dictateurpendant une peste qui s'était censure mémorable d'Ap. Claudius et de C. Plau-
manifestée, que pour ficher le clou sacré. Les tius. Toutefois c'est le nom d'Appius que la pos-
colonies de Suessa et de Pontia furent établies térité aimera le plus à se rappeler, parce qu'il
cette année. Suessa avait appartenu aux Aurunces; construisit une voie romaine et fit arriver de l'eau
les Volsques avaient possédé Pontia, ile située en à Rome, travaux qu'il acheva tout seul. Son col-
face de leurs côtes. Il fut aussi rendu un séna- lègue, n'osant pas braver la défaveur et la haine

XXVIH. Consoles, egregia victoria parts, protinus incoluerant. Et, Interamna et Casinum ut dedocerenlur
inde ad Bovianum oppugnandum legionesducunt ibi- coloniæ, senatuscunsultum faclum est sed tritimviros
que hiberna egerunt, donec ab nuvis consulibus L. Papi- creavere, ac misere colonorum quatuor millia insequeu-
rio Cursore quintum, C. Junio Bubulco iterum, nomiua- tes coosules M. Valerius P. Decius.
tus dictator C. Pœtelius cum M. Foslio magistro equituru XXIX. Profligato fere Samnitium bello, priusquam ea
exercitum accepit. Is quum audisset arcem fregella- cura decederet Patribus romanis, etrusci bell lama exor-
nam ab Samnitibus captam, omisso Boviano ad Fregel- ta est. Nec erat ea tempestate gens aha cujus secundum
las pergit unde, nocturna Samnitium fuga sine certa- gallicos tumultus arma terribihora esseut. quum propm-
mine receptit Fregellis, praesidioque valido imposito, in quitate agri, tum multitudine homiuum. Itaque, altero
Campaniam reditum maxime ad Nolam armis repeten- cousulum in Samnio reliquias belli persequente, P. De-
dam. Eo se intra mœnia, sub adyentum dictatoris, et cius, qui graTiter æger Roma restiterat, auctore senatu
Samnitium omnis multitudo et Nolani agrestes contule- dictatorem C. Junium Bubulcum dixit. Is prout rel
ranL Dictator, urbis situ circumspecto, quo apertior adi- magnitudo postulabat, omnes juuiores sacramento adi-
tus ad mœnia esset, omnia ædificia (et frequenteribi ha- git arma. qumque alia res poscit summa industria par
bitabatur) circumjccta muris iucendit; nec ita multo post, rat nec tantis apparatibus elatus de inferendo bello agi-
sive a Pœtelio dictatore, sive ab C. Jumo coosule (nam tat, quieturus baud dubie nisi ultro arma Etrusci in er-
utrumque traditur) Nota esteapla. Qui captædecus Nolæ tent. Eadem in comparandu cohibendoque bello cousfiia
ad consulem trahunt, adjiciunt, Atmam et Calatiam ab etapud Etruscos fuere. Neutri finibus egressi. Et ceusura
eodem captas; Pœtelium autem, pestilentia orta, clavi clara eo anno Ap. Claudii et C. Plautii fuit; memorix ta.
figendi causa dictatorem dictum. Suessa et Pontia eodem men felicioris ad posteros nomen Appii, quod viam mu-
anno oulomae deducæ suut. Suessa Auruncorum fuerat nivit, et aquam in urhem duxit, eaque nous perfecit;
Volaci Pontias, insulam aitam in conspcctu litoris sui, quia, ob infamematque invidiosam senatus lectionem va-
1,
dont la révision du sénat fut la cause, avait abdi- eux seraient créés par le peuple pour quatre lé-
qué sa magistrature. Appius, qui avait dans le gions, au lieu qu'aupiravant, à l'exception d'un
caractère l'opiniâtreté héréditaire de sa famille, petit nombre dont l'élection était réservée aux suf-
garda seul la censure. C'est d'après l'autorisation frages du peuple, tous les autres étaient à la no-
de ce même Appius, que les Potitius, en posses- mination des dictateurs et des consuls. Cette loi
sion de desservir le plus grand autel d'Hercule, fut portée par les tribuns du peuple L. Atilius et
avaient, pour se débarrasser d'un tel ministère, C. Marcius. L'autre était celui des duumvirs ma-
formé des esclaves publics aux cérémonies de ce ritimes, chargés de l'armement et de la répara-
culte. On rapporte à ce sujet une chose extraor- tion de la flotte; il fut également décidé que le
dinaire et bien propre à réprimer l'audace des choix de ces officiers appartiendrait au peuple,.
novateurs en fait de religion; c'est que la famille L'auteur de ce plébiscite fut le tribun du peuple
des Potitius qui, dans ce temps, formait douze M. Décius. Je passerais sous silence un événement
branches, et qui comptait jusqu'à trente mâles de la même année, peu digne d'être raconté, s'il
en âge de puberté périt toute dans l'année et se n'avait paru intéresser la religion. Les joueurs
trouva éteinte. La colère des dieux ne se borna de flûte, mécontents de ce que les derniers cen-
pas à faire disparaître le nom des Potitius; elle seurs leur avaient interdit les banquets sacrés
s'étendit sur le censeur Appius, qui, quelques du temple de Jupiter, auxquels ils avaient été
années après, perdit la vue. admis de temps immémorial, se retirèrent tous
XXX. Les consuls de l'année suivante, C. Ju- à Tibur, en sorte qu'il ne resta personne pour
nius Bubulcus et Q. Émilius Barbula, l'un pour jouer pendant les sacrifices. Cet incident alarma
la troisième fois, l'autre pour la seconde, se plai- la religion du sénat. On députa à Tibur pour
gnirent au peuple, dès le commencement de l'an- tâcher d'obtenir que ces hommes fussent rendus
née, de ce qu'on avait dégradé le sénat par une aux Romains. Les Tiburtins, ayant promis de faire
vicieuse révision en rejetant les hommes les plus tout ce qui dépendrait d'eux, font venir d'abord
recommandables pour en substituer d'autres; ils les joueurs de flûte dans leur sénat, et les exhor-
déclarèrent qu'ils ne respecteraient nullement tent à retouiner à Rome. Voyant qu'ils ne pou-
l'œuvre des censeurs, faite sans distinction du vaient rien gagner sur eux ils ont recours à un
bon et du mauvais, et à laquelle le caprice et la stratagème bien assorti au caractère de cette es-
passion avaient présidé et sur-le-champils re- pèce d'hommes. Un jour de fête, sous prétexte
produisirent l'ancienne liste telle qu'elle existait de donner par la musique plus de solennité aux
avant la censure d'Ap. Claudius et de C. Plautius. repas, chacun les invite séparément le vin, pour
Cette année, le peuple nomma aussi pour la pre- lequel les hommes de cette profession sont ordi-
mière fois à deux commandements, l'un et l'autre nairement passionnés, ne leur fut pas épargné.
pour le service de l'armée. L'un était celui des Quand l'ivresse les eut assoupis, on les met sur
tribuns des soldats il fut décidé que seize d'entre des chariots et on les transporta à Rome. Ils ne

reeundia victus, collega magistratu se abdicaverat. Ap- utraque pertinentiaad rem militarem unum, ut tribuni
pius, jam inde autiquitus insitam pertinaciam familim ge- militum seni déni in quatuor legiones a populo crearen-
rendo, solus censuram obtinuit. Eodem Appio auctore, tur; quæ autea perquam paucis suffragio populi rehctis
Potiui gens, cujus ad Aram MaximamHerculis familiere locis, diciatorum et consulum ferme fuerant benelicia.
sacerdotium fuerat, servos pubticos, ministeril delegandi Tulere eam rogationem tribuni plebei L. Atilius, C. Mar-
causa, solennia ejus sacri docuerat. Tradilur inde dictu cius. Atterum, ut duumviros navales classis ornandæ re-
mirabile, et quod dimovendisstatn suo sacris religionem ficieodæquecausa idem populus juberet. Lator hujus ple-
facere posset, quum duodecim familix ea tempestate Po- bisciti fuit M. Decius tribunus plebis. Ejusdem anni rem
titiurum esseut, pubères ad trigiuta, omnes intra annum dictu parvam præterirem, ni ad religionem visa esset per-
cum stirpe exstinctos nec nomen tantum Potitiorum in- tinere. Tibicines, quia prohibiti a proiimia censoribus
terisse, sed censorem etiam Appimn, memori deum ira, erant in æde Jovis vesci, quod traditum antiquitus erat,
post aliquot annos luminibus captum. ægre passi Tibur uno agmine abierunt adeo ut nemo
XXX. Itaque consules, qui eum annum secuti sont, in urbe esset qui sacrificris præcineret. Ejus rei religio
C. Junius Bubulcus terlium et Q. Æmilius Barbula ite- tenuit senatum legatosque Tibur miseront, ut darent
rum, inilio anni questi apud populum, deformatum or- operam, ut hi hominesromanis reslituerentur. Tiburtini,
dinem prava lectione senatus, qua potiores aliquot lectis bénigne polliciti, primum accitos eos in Curiam hortati
praeleriti es,ent; negaveruat, eam lectionem se, quæ sine sunt, uti reverterentur Romam postquam perpelli ne-
recti pratique discrimine ad gratiam ac libidinem facta quibant, consilio, baud abhorrente ab ingeuiishominum,
esset observaturos et senatum extemplo citaverunt eo eos aggrediuntur. Die festo ahi alios per speciem cele-
ordine qui ante censores Ap. Claudium et C. Plautium brandarum cantu epularum invitant, et vino, cujus avi-
tuerat. Et duo imperia eo anno dari cœpta per populum, dum ferme genus est, oneratos sopiunt atque ita in
s'en aperçurent que le lendemain quand le jour comme le Romain avait acquis uue telle supé-
les surprit, appesantis par le vin, sur tes chariots riorité par les armes qu'aucune armée, aucun
abandonnés au milieu du forum. Alors le peuple camp, aucune ville ne pouvait désormais l'ar-
accourut en foule, et l'un obtint qu'ils resteraient rêter, les chefs des Samnites ne songèrent plus
à Rome. Il leur fut accordé de promener chaque qu'à chercher un lieu propre à une embuscade, où
année, durant trois jours, par la ville, leur ma- l'armée romaine, attirée en désordre par l'espoir
gnifique cortège, au milieu des chants et de cette du butin, pourrait être surprise et enveloppée.
joie libre et folle dont la tradition n'est pas per- Des paysans, se donnant pour transfuges, quel-
due. On leur rendit aussi le droit de participer ques prisonniers, dont les uns étaient tombés
aux banquets de Jupitcrlorsqu'ils joueraient pen- par hasard au pouvoir des Romains, et dont les
dant les sacrifices. Ces choses se passaient entre autres s'étaient à dessein laissé prendre, s'accor-
les préparatifs de deux grandes guerres. dent à rapporter au consul, ce qui d'ailleurs était
XXXI. Les consuls procédèrent au partage des vrai, qu'une immense quantité de bétail avait été
provinces; le Samnium échut à Junius, la nou- rassemblée dans des pâturages écartés, et ils le
velle guerre d'Étrurie à Émilius. Dans le Sam- décident à mener les légions à cette proie. Un
nium, Cluvia, défendue par une garnisonromaine, nombreux corps d'ennemis s'était posté en em-
no put être prise de vive force mais, réduite par buscade le long des chemins. Quand ils virent les
la famine, elle se rendit aux Samniles, qui, par Romains engagés dans le défilé, ils poussèrent
une odieuse barbarie, déchirèrent nos soldats tout à coup de grands cris et fondirent en dés-
sous les verges et les massacrèrent malgré la ca- ordre sur les légions prises au dépourvu. D'a-
pitulation. Junius, indigné d'une telle atrocité, bord la surprise causa du trouble, pendant qu'on
n'eut rien plus à cœur que d'attaquer Cluvia il prenait les armes, et qu'on portait au centre les
emporta celte place dès le premierjour et passa bagages; mais sitôt que chacun se fut débarrassé
tous les pubères au fil de l'épée. De là l'armée vic- de sa charge et armé, tous se rallièrent autour de
torieuse fut conduite à Bovianum; c'était la ca- leurs enseignes, prenant leurs places en soldats
pitale des Samnites Pentrins, et de toutes les ci- rompus à la manœuvre, et d'elle-même, sans l'or-
tés de la contrée la plus riche, la mieux pourvue dre de personne, l'armée se mit en ligne de ha-
d'armes et de guerriers. Là, comme le soldat taille. Alors le consul, se portant où il y avait
n'était plus animé par la colère, on réveilla son le plus de danger, saute à bas de son cheval, et
ardeur par l'appât du butin et l'on s'empara de atteste Jupiter, Mars et tous les dieux « que c'é-
la ville. Les ennemis furent traités avec moins tait non le soin de sa gloire, mais le désir de pro-
de rigueur. On en tira presque plus de butin curer du butin au soldat, qui l'avait conduit en
qu'on n'en avait jamais tiré de tout le Samnium, ce lieu; qu'on ne pouvait lui reprocher que son
et ou l'abandonna généreusement au soldat. Et trop d'empressementà enrichir le soldat aux dé-

plaustra somno vinctos conjiciunt, ac Romam deportant; militi concessa. Et postquam praepotenlem armis Rnmo-
nec prms sensere, quam, plaustria in foro relictis, ple- num nec acies subsistere ullæ, oeccastra, nec urbes po-
nos crapulæ eos lui oppressit. Tuuc concursus populi terant; omnium principum in Samnio eo curæ sunt in-
factus, impetratoque,ut manerent, datum, ut triduum tentæ ut insidiis qutereretur locus, si qua licentia popu-
quotannis ornati, cum cantu atque bac, quæ nunc sol- lando effusus exercitus eicipi ao circumveniri posset.
lennis est, licentia per urbem vagarentur restitutumque Transfugæ agrestes et captivi quidam, pars forte, pars
tu ade vescendi jus ils qui sacris præcinerent. Hæc in- consilio oblati, coneruentra ad cousulem afférentes, quæ
ter duurum mgentium bellorum curam gerebantur. et vera erant, pecoris vim iugen'em in sallum avium
XXXI. Cousulcs inter se provincias partiti; Junio compulsam esse, perpulerunt, ut prsdatum eo expediæ
Sammtes, Ænntio novum bellum Etruria sorte obveuit. ducerentur legioues. Ibi ingens hostium exercitus itinera
lu Samuio Cluviam, præsidium romanum, quia nequi- occultus msederat, et, postquam intrasse Rumanos vidit
verat vi capi, obsessum fame in deditionem acceperant saltum repente exortus cum clamore ac tumultu incau os
Samnites, verberibusque fœdum in modum laceratos oc- invadit. Et primo nova res trepidationem fecit, dum
cidcrant deditos. lluic infensus crudelitati Junius, nibil armacapiunt, sarcinas cougerunt in medium: dein, post-
antiquius oppugnatione cluviana ratus, quo die aggres- quam, ut quisque liberaverat se onere, aptaveratque ar-
tus est mœnia, vi cepit, alque omnes pubères interfccit. mis, ad signa undique coibant, et nolis ordimbua in ve-
Inde victor exercitus Bovianum duetus. Caput hoc erat tere disciplinamitittat, jam sine praecepto ullius sua sponte
Pentrorum Samnitium, longe ditissimum atque opuien- struebatur acies. consul, ad uncipitem maxime pugnam
tissimum armis virisque. lhi quia haud tantum irarum adtectus, desilit ex equo, et Jovem Martemque alque
erat, spe prædæ mi5tes accensi, oppido potiuntur. Minus alios testatur deos, « se, nullam suam gloriam iode, sed
itaque swilum in boites est prædæ plus pæne, quam prœdam militi quaprentem in eum locum devenisse ne
elornDi Samnio unquam, egestum, beaigneque omnis que in sealiad, quam nimiam ditandi ex hoste militis cu-
pens de l'ennemi; que s'il a encouru quelqueblâ- qui était comme la clef de l'Étrurie. L'autre con
me, le courage seul de ses soldats peut l'en laver sul, Émilius, s'y porta avec son armée pour dé-
qu'ils n'ont qu'à faire un effort, et à marcher tous livrer les alliés que l'enuemi tenait assiégés. A l'ar-
d'un même esprit contre un ennemi vaincu en rivée des Romains, les Sutriniens firent transpor-
bataille rangée, dépouillé de ses camps, chassé ter des vivres en abondance dans leur camp
de ses villes, qui tentait une dernière ressource établi au pied de leurs remparts. Les Étrusques
dans le stratagème d'une embuscade, et qui se passèrent le premier jour à délibérer s'ils pousse-
fiait à sa position, non à ses armes mais quel raient la guerre avec vigueur, ou s'ils la laisse-
lieu était désormais inexpugnable à la valeur ro- raient traîner en longueur. Le lendemain, comme
maine ? » Il leur rappelait la forteresse de Fré- les chefs préféraient le parti le plus prompt au
gelles, celle de Sora, et toutes les rencontres où plus sûr, le signal du combat est arboré au lever
ils avaient triomphé des obstacles du terrain. En- du soleil et l'armée s'avance en bataille. Sur l'avis
flammé par ces paroles, le soldat, oubliant toutes que le consul en reçoit, il fait donner des or-
les difficultés, marche contre l'ennemi suspendu dres pour que le soldat prenne de la nourriture
anr sa tête. On eut un peu à souffrir, tant qu'il et s'arme après s'être ainsi donné des forces les
fallut gravir ces hauteurs escarpées; mais, du mo- ordres sont exécutés. Quand le consul les vit
ment que les premières enseignes eurent atteint armés et tout prêts, il fit porter les enseignes
le plateau qui les couronnait, et que l'armée sentit hors du camp, et rangea son armée à peu de
ses pas affermis sur un sol égal, l'épouvante re- distance de l'ennemi. Les deux armées restèrent
passa dans les rangs des ennemis, qui, se disper- quelque temps à s'observer, attendant qu'avec
sant et jetant leurs armes, cherchaient à regagner le cri de charge le combat commençât de l'un ou
ces profondes retraites où ils s'étaient cachés peu de l'autre côté il était déjà plus de midi, que, de
de temps auparavant; mais, victimes de leur pro- part ni d'autre, pas un trait n'avait été lancé.
pre ruse, les difficultés des lieux où ils avaient Enfin, pour ne pas se retirer sans avoir rien fait,
voulu attirer l'ennemi les arrêtaient à leur tour. les Étrusques poussent le cri d'attaque leurs
Peu d'entre eux parvinrent à échapper environ trompettes y répondent et leurs enseignes se por-
vingt mille furent tués; et le Romain vainqueur tent en avant. Les Romains ne mettent pas moins
eourut faire sa proie de ces troupeaux que l'en- d'empressement à marcher à l'ennemi; les deux
nemi avait pris soin de lui offrir. armées se heurtent avec animosité: l'ennemi l'em-
XXXII. Pendant que ces choses se passent dans porte par le nombre, le Romain par la valeur. Le
la Samnium tous les peuples de l'Étrurie, à l'ex- combat indécis moissonnedes deux côtés une foule
eeption des Arrétins, avaient déjà pris les armes; de guerriers parmi les plus braves. La balance ne
et, dans cette grande guerre, ils avaient débuté commença à pencher que quand la seconde ligne
par l'attaque de Sutrium, ville alliée des Romains, des Romains eut remplacé la première et que des

rsm, reprebeudi posse. Ab eo se dedecore nullam rem tra Etruriæ erat, ingens orsi bellum. Eo aller consulum
aliam, quam virtutem militum, vindicaturam conuito- Æmilius cum exercitu ad liberandos obsidione socios ve-
rentur modo uno animo omnes invadere hostem, victum nit. Advenientibus Romanis, Sutriui commeatus benigne
acie, castris exutum, nudatumurbibus, nltimam spem in castra ante urbem posita advexere. Etrusci diem pri-
furto insidiarum teutanlem et loco, non armis, fretum. mam consultando,maturarent, traherentne bellum, tra-
Sed quem esse jam virtuti romanæ inexpugnabilem lo- duxerunt. Postero die, ubi celeriora, quamtutiora, con-
cum ? » Fregellana arx, sorauaque, et ubicunque iniquo silia magis placuere ducibus, sole orto signum pugnæ
successum erat loco, memarabauur. His accensus miles, propositum est, armatique in aciem procedunt. Quod
omnium immemor difficultatum,vadit advenus imminen- postquam consuli nuntiatum est extemplo tesseram dari
tem bostium aciem. Ibi paullum laboris fuit, dum in ad- jubet ut prandeat miles firmatisque cibo viribus arma
versum clivum erigituragmen: ceterum, postquam prima capiat. Dicta paretur. Consul, ubi armatos paratosque
signa planitiem summam ceperunt, sensitque acies aequo vidit, signa extra tallum proferri ]ussit, et baud procul
se jam institisse loco versus extemplo est terror in insi- hoste instrnzit aciem. Aliquamdia intenti utrimque ste-
diatores, easdemque latebras, quibus se paullo ante texe- terunt, exspectantes ut ab adversariis clamor et pugna
rant, palati atque inermes fuga repetebant; sed loca dit- inciperet et prius sol meridie se inclinavit quam telum
ficilia, hosti quæsita, ipsos tum sua fraude impediebant. hine aut illinc emissum est. Inde, ne infecta re abirelur,
ltaque ergo per paucis effugium patuit cæsa ad viginti clamor ab Etruscis oritur, concinuntquc tubae; et signa
millia hominum, victorque remanus ad oblatam ultro ab inferuutur. Piec segnius ab Romanis pugna initur. Cen-
buste prædam pecorum discurrit. currunt infensis animis numero bostis, virtute Roma-
XXXII. Dum hac geruntur in Samnio jam omnes nue superat. Ancepsprælium multos utrimque, et fortia-
Etruria populi prêteur Arretinos ad arma ierant, ab op- simum quemque, absumit; nec prius inclinata res est,
puguando Sutrio, quas urbs, socia romanis, velut claus- quam secunda acies romana ad prima signal, iutegri tes-
troupes fraiehes succédèrent à des troupes fati- intenta au censeur une action pour qu'il eût à se
guées. Les Étrusques, qui n'avaient point de ré- démettre de sa charge à l'époque prescrite démar-
serve pour soutenir leurs premiers rangs, périrent che non-seulement populaire, mais juste, et qui ne
tous en avant et autour de leurs enseignes. Ja- fut pas moins agréable à la multitudequ'aux bons
mais, dans aucune rencontre, il n'y eût eu moins citoyens. Comme il relisait à différentes reprises le
de déroute et plus de carnage, si la nuit n'eût texte de la loi Émilia, et qu'il comblait d'éloges
protégé les Étrusques obstinés à mourir; et les l'auteur de cette loi, le dictateur Mam. Émilius,
vainqueurscessèrent le combat avant les vaincus. pour avoir réduit à dix-huit mois la censure au-
Après le coucher du soleil, on sonna la retraite; paravant quinquennale, et dont la longue durée
les deux armées rentrèrent de nuit dans leur faisait une espèce de ropauté « Dis-nous de
camp. Cette année il ne se passa plus rien de grâce, ajouta-t-il, Appius, ce que tu aurais fait,
mémorable auprès de Sutrium; car, du côté des si à l'époque où C. Furius et M. Geganius furent
ennemis, la première ligne ayant été entièrement censeurs, tu l'avais été toi-même? » Appius répon-
détruite dans une seule bataille, les troupes de ré- dit que l'interpellationdu tribun n'avait pas grand
serve suffisaient à peine pour la défense du camp; rapport à sa cause; que la loi Émilia avait obligé
et chez les Romains il y eut tant de blessés, que ces censeurs, puisqu'elle avait été portée pendaut
l'on perdit plus de monde après le combat qu'il leur magistrature, et que le peuple en avait or-
n'en était tombé dans le combat même. donné l'exécution depuis leur nomination, les
XXXIII. Q. Fabius, consul de l'année suirante, derniers décrets du peuple étant toujours ceux
retrouva la guerre sous les murs de Sutrium on qui font la loi et la règle; mais que ni lui ni aucun
lui donna C. Marcius Rutilus pour collègue. Fa- de ceux qui avaient été créés censeurs postérieu-
bius amena de Rome un renfort, et il arriva aux rement à cette loi n'étaient tenus de s'y soumettre.
Étrusques une nouvelle armée. Depuis plusieurs XXXIV. Cette misérable distinction d'Appius
années il ne s'était élevé aucune querelle entre les n'obtint l'approbation de personne « Le voilà,
magistrats patriciens et les tribuns, quand la lutte Romains, reprit le tribun, le descendant de cet
recommençapar un membre de cette famille, dont Appius qui créé décemvir pour une année, se
la destinée semblait alors peser sur les tribuns et nomma lui-même pour la seconde; qui la troi-
sur le peuple. Le censeur Ap. Claudius, après ses sième, sans être nommé ni par lui-même ni par
dix-huit mois révolus, terme fixé par la loi Émilia personne, retint, de son autorité privée, les fais-
pour la durée de la censure, quoique C. Plautins ceaux et l'empire et qui ne renonça à sa magis-
son collègue eût abdiqué sa magistrature, ne put trature, qu'il eût voulu garder toujours, que quand
être contraint par aucune puissance à suivre cet il fut écrasé par un pouvoir indignementacquis,
exemple. P. Sempronius était tribun du peuple il indignement exercé, non moins indignement re-

sis, successerunt.Etrusci, quia nullis recentibus subsidiis pronius erat tribunus plebis; qui finiendæ censuræ intra
fulta prima acies fuit, ante signa circaque omnes cecide- legitimum tempus actionem susceperat, non popularem
runt. Nullo unquam prælio fuga' minus, nec plus cmdis magis, quam justam; nec in vulgus quam optimacui-
fuisset, ni obstinatos moriTuscosnos texisset; ila ut victo- que, gratiorem. Is, quum identidem legem Æmiliam re-
res prius, quam victi,pugnandi 6nem facerent. Post occa- citaret, auctoremque ejus Mam. Æmilium dictatorem
sum solis signum receptui datum est: nocte abntroquein laudibus ferret, qui quinquennalem ante censuram, et
castra reditum. Necdeinde quicquam eo anno rei memoria longinquitate potestatem dominantem, intra ses men-
dignæ apud Sutrium gestum est; quia et ex hostium eier- sium et anni coegisset spatium Dic, agedum, inquit,
citu prima tota acies deleta uno prælio fuerat, snbsidiarüs Ap. Claudi, quidnam facturus fueris, si eo tempore, quo
modo relictis vi: quod satis esset ad castrorum præsi- C. Furius et M. Geganius censores fuerunt, censor fuis-
dium et apud Romanos tantum vulnerum fuit, ut plures ses ? Negare Appius, « Interrogatiooemtribuni magoo
post pra'lium saucii decesserint quam ceciderant in acie. opere ad causam pertinere sua m. Nam, etsi tenuerit lez
XXXIII. Q. Fabius insequentisanni consul bellum ad Æmilia eos censores, quorum in magistratu tata esset,
Sutrium excepit. Collega Fabio C. Marcius Rutilus datus quia post illos censores creatos eam legem populus jussis-
est. Ceterum et Fabius supplementum ab Roma adduxit, set, quodquepostremum jussisset,id jus ratumqueesset;
et novus exercitus domo accitus Etruscis venit. Permulti non tamen aut se, aut eorum quemquam, quiposteamle-
anni jam erant quum inter patricios magistratus tribu- gem latam creati censores essent, teneri ea lege potuisse.b
nosque nulla certamina fuerant; quum ex ea famiha, quæ XXXIV. Ha'c sine ullius assensu cavillante Appio
velut fatalis tum tribunis ac plebi erat, certamen oritur. « En, inquit, Quirites, illius Appii progenies, qui, de-
Ap. Claudius censor, circumactis decem et octo mensi- cemvir in annum creatus, altero anno se ipse creavit
bus, quud Æmilia lege flnitum censuræ spatium tempo- tertio, nec ab se, nec ab ullo creatus, privatus fasces et
ris erat, quum C. Plautius collega ejus magistratu se ab- imperiumobtinuit; nec ante continnando abstitit magis-
dicasset, nulla vi compelli, ut abdicaret, potuit. P.Sem- tratu, quam obruerenteum male perla male gcsta, malo
tenu C'est cette même famille, Romains, dont la maintenant C. Plautius, ton collègue, créé sous
violence et les injustices vous ont forcés à vous les mêmes auspices, en vertu du même droit. Le
exiler de votre patrie, et à aller chercher un asile peuple ne l'a-t-il pas créé censeur pour jouir de
sur le mont Sacré. C'est contre elle que vous vous tous les droits attachés à cette magistrature, ou
êtes ménagé l'assistance tribunitienne; c'est à bien es-tu le censeur par excellence, à qui cet
cause d'elle que deux armées du peuple se sont unique privilége soit réservé? Celui que tu crée-
emparées du mont Aventin c'est elle qui a tou- ras roi des sacrifices, ayant reçu le titre de roi,
jours combattu les lois contre l'usure, les lois prétendra-t-il avoir été créé, en vertu des lois, loi
agraires; elle qui a traversé les alliances entre les réel de Rome? Qui désormais se contentera d'une
patriciens et le peuple elle qui a fermé au peu- dictature de six mois, d'un interrègne de cinq
ple l'accès aux magistraturescurules; son nom, jours? Qui pourras-tu nommer avec confiance dic-
bien plus que celui des Tarquins, est funeste à tateur pour ficher le clou sacré, ou pour présider
votre liberté. Eh quoi 1 Appius Claudius, voilà aux jeux? Combien, Romains, Appius ne doit-il
cent ans écoulés depuis la dictature de Mam. Émi- pas trouver stupides et insensés ceux qui, au bout
lius, et de tant de personnages de la plus haute de vingt jours, après avoir fait de grandes choses,
naissance et du plus grand courage, pas un n'au- se sont démis de la dictature ou qui ont renoncé
rait lu la loi des douze tables, pas un n'aurait su sur-le-champ à leur magistrature pour quelque
que ce qui fait loi, c'est ce que le peuple a ordonné vice dans l'élection?Mais pourquoi chercher si loin
en dernier lieu? Loin de là, tous le savaient, et des exemples? Dans ces derniers temps, il n'y a
c'est pour cette raison qu'ils se sont soumis à la loi pas dix ans, le dictateur C. Ménius, faisant des en-
Émilia, plutôt qu'à l'ancienne loi qui créa les pre- quêtes avec une sévérité qui alarmait quelques
miers censeurs, parce que la loi Émilia avait été personnages puissants, fut accusé par ses ennemis
votée en dernier lieu, et que quand il se rencontre d'être lui-même complice du crime qu'il était
deux lois contraiu es, l'ancienne est toujoursabrogée chargé de poursuivre, et, pour aller au devant de
par la nouvelle. Diras-tu, Appius, que le peuple l'accusation, en quittant son caractère public, il
n'est pas lié par la loi Émilia ou bien qu'il l'est, et abdiqua la dictature. Je n'exige pas de toi une telle
que toi seul, tu ne l'es pas ? La loi Émilia a obligé modération ne dégénère pas de la superbe et des
Furius et M. Géganius, ces censeurs dont la vio- mœurs impérieuses de ta famille ne sors pas de
lence a montré quel mal une pareille magistrature charge un jour, une heure plus tôt qu'il n'est né-
pouvait faire à la république, lorsque par dépit de cessaire, pourvu que tu n'excèdes pas le ter-me
voir leur pouvoir limité, ils privèrent du droit de prescrit. Ce serait déjà trop d'occuper la censure
suffrage Mam. Émilius, le premier citoyen, le pre- un mois, un jour de plus, que la loi ne le veut. Mais
mier capitaine de son temps. Depuis, elle a obligé écoutez-le je garderai la censure, dit-il, trois ans
pendant cent ans tous les censeurs elle oblige et six mois de plus qu'il n'est permis d'après la loi

retenta imperia. Hæc est eadem familia, Quirites, cujus nuit deinceps omnes censores intra centum annornmspa-
vi atque injuriis compulsi,extorres patria Sacrum mon- tium tenet C. Plautium collegam tuum iisdem auspi-
tem cepistis; hæc, adversus quam tribunicium auxilium ciis, eodem jure creatum. An hune non ut qui optimo
vobis couiparastis hæc, propter quam duo eaercitus jure censor creatus esset, populus creavit Y tu unus exi-
Aventinum iusedistis hæc, quae fænebres leges haec, mius es, in quo hoc præcipuum ac singulare valeat? Quem
quæ agrarias semper impugnavit ha'c connubia Patrum tu regem sacrificiorum crees, amplexus regm nomen, ut
et plebis interrupit: haec plebi ad curules magistratus iter qui optimo jure rei Romae creatus sit, creatum se dicet ?
obsepsit hoc est nomen multo, quam Tarquiniarum, Quem semehtri dictatura, quem interregno quinque die-
infestius vestræ libertati. Itane tandem, Ap. Claudi, quum rum contedtum fore putes?quem clavi Bgendi, aut ludo-
eentesimus jam annus sit ab Mam. Æmilio dictatore, tot rum causa dictatorem audacter crees? Quam isti stolidos
eensores fuerint, nobilissimi fortissimique viri, nemo eo- ac socordes videri creditis eos, qui intra vicesimumdiem,
rum duodecim tabulas legit? nemo id jus esse, quod ingeutibus rébus gestis, dictatura se abdicaverunt, aut
postremo populus jussisset, scivit? Imo vero omnes sci- qui vitro creati abierunt magistratu? Quid ego autiqua
verunt; et ideo Æmiliæ potius legi paruerunt, quam illi repetam ? Nuper intra decem annos C. Mænius dictatur,
antiqua;, qua primum cellsores creati erant, quia hanc quia, quum quæstiones severius, quam quibusdam po-
postremam jusserat populus: et quia, ubi duae contrarie tentibus tutum erat, exerceret. conlagio ejus, quod quae-
leges sunt, semper autiquæ obrogat nova. An hoc dicis, rebat ipse, criminis objectata ab iuimicis est, ut privatus
Appi, uon teneri Æmilia lege poputum? au populum te- obviam iret ci imini, dictatura se abdicavit. Nolo ego is-
neri, te unum es legem esse? Tenuit Æmilia lez violen- tam in te modestiam ne degeneraverisa femiha impe-
tos illos ceusores, C. Furium et M. Geganium, qui quid periosissima et superbissima non die, non bora citius,
iste magistratus in republica mali facere posset, indica- quam necesse est, magistratu abieris; modo ne excedas
runt, quum, ira finitæ p otestatis, Mam. Æmilium, prin- finitum tempus. Satis est, aut diem, aut niensem censu-
cipem ætatis suae bclli domique, ærarium fecerunt te- rae adjicere? Triennium inquit, et sez menses ultra,
Émilia, et je la gérerai seul. -Seul? Mais n'est-ce j'ai dit, c'est ton opiniâtreté et ton orgueil qui
pas déjà être roi? Remplaceras-tu ton collègue? m'ont forcé de le dire. Si tu n'obéis à la loi Émilia,
Mais la religion ne le permet pas même à la mort je te ferai conduire en prison car si nos ancêtres
d'un censeur I C'est peu en effet d'avoir, censeur re- ont statué pour les comices censoriaux que, si les
ligieux, fait passer des mains des plus nobles pon- candidats ne réunissent pas tous deux le nombre
tifes en des mains d'esclaves la plus ancienne de de suffrages exigé par la loi les comices doivent
nos solennités, la seule qui ait été instituée par le être ajournés sans qu'on proclame aucun des
dieu même qui en est l'objet Une famille plus an- candidats, je ne souffrirai pas que toi qui n'aurais
cienne que Rome, une famille sanctifiée par l'hos- pu seul être créé censeur, tu exerces seul la cen-
pitalité des dieux immortels, grâce à toi et à ta sure. Après avoir prononcé ces paroles, il donna
censure, a été anéantie dans une année, et peut- l'ordre de saisir le censeur et de le conduire en
être ton sacrilége retombera-t-il sur la républi- prison six tribuns approuvèrent l'action de leur
que entière, présage dont l'idée seule me fait hor- collègue, mais les trois autres reçurent l'appel
reur. Rome fut prise pendant le lustre où L. Pa- d'Appius et, au grand mécontentement de tous
pirius Cursor, pour ne pas sortir de charge, se les ordres, il géra seul la censure.
donna un nouveau collègue, en subrogeant au XXXV. Pendant que ces choses se passent à
censeur C. Julius, qui venait de mourir, M. Cor- Rome, déjà Sutrium était assiégé par les Étrus-
nclius Maluginensis. Et cependant combien son ques. Le consul Fabius s'était mis en marche en
ambition était plus modérée que la tienne, Ap- prenant par le bas des montagnes, pour porter se-
piusl L. Papirius ne resta censeur ni seul ni au cours aux alliés et attaquer même, s'il en trou-
delà du terme fixé par la loi cependant il n'a vait l'occasion, les lignes des assiégeants, lorsque
trouvé personne qui voulût suivre son exemple; les ennemis se présentent à lui en ordre de ba-
tous les censeurs postérieurs à lui ont abdiqué taille. La vaste plaine où ils se déployaient lui
après la mort de leur collègue. Et toi, ni le terme permettant de juger de leur immense multitude,
de la censure qui est expiré, ni l'exemple de ton le consul, pour suppléer au petit nombre des siens
collègue qui s'est démis, ni la loi, ni l'honneur, par l'avantage de la position se détourne un peu,
rien ne t'arrête tu mets la vertu dans l'orgueil, fait gagner à ses troupes le penchant des hauteurs,
dans l'audace, dans le mépris des dieux et des dont le sol était raboteux et rempli de pierres,
hommes. Pour moi, Appius, par respect pour la et de là fait face à l'ennemi. Les Étrusques, ne
majesté de la magistrature dont tu as été revêtu, voyant que leur multitude qui faisait toute leur
je voudrais non-seulement qu'on ne portâtpoint la assurance et oubliant le reste vont au combat
main sur ta personne mais j'aurais voulu pouvoir avec une telle précipitation et une telle ardeur,
t'épargner toute parole trop sévère. Mais ce que que, jetant leurs traits afin d'en venir plus vit*

quam licet Æmilia lege, censuram geram, et soins ge- violatum, sed ne verbo quidem inclementiori a me ap-
ram. Hoc qundem jam regno simile est. An collegam sub- pellatum vellem sed et haec, quæ adhuc egi, pervicacia
rogabis, quem ne in demortui quidem locum subrogari tua et superbia coegit me loqui et nisi Æmiliæ legi pa-
fas est? Pœnitet enim, quod antiquissimum solenne, et rueris, in vincula duci jubebo nec, quum ita compara-
solum ab ipso, cui flt, institutum deo, ah nobilissimis tum a majoribus sit, ut, comilüs censoriisnisl duo confe-
antistlilbus ejus sacri ad servorum ministerium religiusus cerint legitima suffragia, non renuntiato altero comitia
censor deduxisti; gens antiquior originibus urbis bujus, differantur, ego te, qui solus censor creari non possia,
huspitio deorum immortahum sancta, propter te ac tuam solum censuram gerere patiar. » Hæc tahaque quum
censuram intra annum ah stirpe exstincta est; nisi uni- dilisset, prendi censorem, et in vincula duci jussit. Ap-
ver.am rempublicam eo netario obstrioxeris quod omi- probantibus sex tribunis actionem collegæ, tres appellanti
nari eliam reformidat animus. Urbs eo lusiro capta est Appio auxilio fuerunt; summaque invidia omnium ordi-
quo, demortuo collega C. Julio censore, L. Papirius Cur- num solus censuram gessit.
sor, ne abiret magistratu, M. Corndium Maluginensem XXXV. Dum ea Romæ geruntur, jam Satrium ab
colli gam subrogavit.Et quanto modestior illius cupiditas Etruscis obsidebatur consulique Fabin, imis montibus
fuit quam tua Appi? Nec solus, nec ultra fimtum lege ducenti ad ferendam opem sociis tentandasque munitio-
tempus L. Papirius censuram gessit; tamen neminem nes, si qua posset, acies hostium instructa occurrit; quo-
invenit qui se postra auctorem sequeretur; omues dein- rum ingentem multitudinem quum ostenderet subjecta
ceps censures post mortem collegæ se magistrato abdica- late planities; consul, ut loco paucitatem suorum adjuva-
runt Te, nec quod dies exit censuræ, nec quod collega ret, flectit paullulum in clivos agmen (aspreta erant strata
magistralu ahilt, nec lei, nec pudor coercet virtutem salis) inde signa in bostem obvertit. Etrusci, omuium,
in superbia, in audacia, in contemptu deorum bominum- præterquam multitudinis sur, qua sola freti erant, im-
que ponis. Ego te, Ap. Claudi, pro istius magistraius ma- memores, pre'lium ineunt adeo raptim et avide, ut, ab-
lestate ac verecundia, quem gessisti, non modo manu lectis misailihus, quo celerius manus consererent stria-
aux mains, ils tirent leurs épées tout en marchant ches caudines. Un de ceux qui se trouvaient pré.
à l'ennemi. Les Romains, au contraire, lancent sents (c'était uu frère du consul M. Fabius, que
tantôt des traits, tantôt des pierres, armes que les uns nomment Céson, d'autres C. Claudius,
leur fournissait le lieu en abondance. Cette grêle frère utérin du consul) se proposa pour aller re-
de projectiles, frappant les boucliers et les cas- connaître les lieux, avec promesse d'en rapporter
ques, troublait ceux mêmes qu'elle ne blessait bientôt des nouvelles certaines. Élevé à Céré,
pas. Il n'était pas facile à l'ennemi d'arriver au chez des hôtes, il y avait appris les lettres étrus-
pied de la hauteur, pour combattre de plus près, ques et il savait la langue parfaitement. Des au-
ni de combattre de loin, n'ayant plus de traits. teurs assurent qu'à cette époque on instruisait gé-
Ils restaient donc à la même place, exposés aux néralement les jeunes Romains dans les lettres
coups dont rien ne pouvait plus les garantir. Déjà étrusques, comme on les instruit aujourd'hui dans
quelques-uns lâchaient pied, et toute leur armée les lettres grecques; mais il est plus vraisemblable
était flottante et chancelait, lorsque les hastats que c'était quelque chose de particulier à celui
et les princes répétant le cri de charge fondent qui, par un déguisement si audacieux, alla se
sur eux l'épée à la main. Les Étrusques ne purent mêler aux ennemis. On dit qu'il n'était accompa-
tenir contre une telle impétuosité, ils tournent le gné que d'un esclave, élevé avec lui, par consé-
dos, et regagnent leur camp dans le plus grand quent sachant aussi l'étrusque. En partant, ils se
désordre. Mais les cavaliers romains, qui avaient contentèrent de prendre des notions générales
traversé obliquement la plaine se présentent à sur la nature du pays où ils allaient entrer et de
leur rencontre ils abandonnent le chemin du s'instruire des noms de ceux qui avaient l'autorité
camp et cherchent à gagner les montagnes. De là, chez les peuples; de peur que, dans la conversa-
cette armée presque sans armes et criblée de bles- tion, leur hésitation sur des points si importants
sures pénétra dans la forêt Ciminia. Le Romain, ne les fit découvrir. Ils partirent déguisés en ber-
après avoir tué plusieurs milliers d'Étrusques, gers, avec des armes de paysan, des faux et deux
pris trente,huit étendards, s'empare aussi de leur gais. Mais ni la connaissance de la langue, ni la
camp et d'un butin considérable. On pensa en- nature du vêtement et des armes, ne les servit
suite à poursuivre l'ennemi. aussi bien que le peu d'apparence qu'il y avait
XXXVI. La forêt Ciminia étaitalorsplus impéné- qu'un étranger pût s'aventurer dans la forêt Ci-
trable et d'un aspect plus effrayant que ne l'étaient minia. On dit qu'ils pénétrèrent jusque chez les
dans ces derniers temps les forêts de la Germanie; Camertes Ombricns que là le Romain osa avouer
et jusque-là aucun marchand même n'y avait pé- qui il était qu'introduit dans le sénat, il parla, au
nétré. Il n'y avait guère que le général qui eût la nom du consul d'un traité d'alliance et d'ami-
hardiesse d'y entrer; quant h tous les autres, ils tié qu'après avoir reçu un accueil bienveillant,
n'avaient point encore perdu le souvenir des four- il fut autorisé à annoncer aux Romains qu'ils

gerent gladios, vadentes in hostem. Romanus contra nunc ex iis, qui aderant ( consulis fratrem M. Fabium, Kae-
tela, nunc saxa, quibus eos affatim locus ipse armabat, sonem alii, C. Claudium quidam matre eadem, qua con-
iogerere. Igitur scuta galeaeque ictæ quum etiam quos sulem, genitum tradunt), speculatum se iturum profes-
non vulneraverant, turbarent (neque subire erat facile sus, brevique omnia certa allaturum. Gare educatus apud
ad propiorempugnam neque missilia habebant, quibus bospites, Etruscis inde literis eruditus erat, linguamque
emiuus rem gererent ) stantes et expositos ad ictus quum etruscam probe noverat. Habeo auctores, vulgo tum ro-
jam satis nihil tegeret, quosdam etiam pedem referentes manos pueros sicut nunc græcis, ita elruscis literis eru-
fluctuantemque et instabilem aciem rediutegrato clamn- diri solitos. Sed propius est vero, praecipuum aliquid
re, strictis gladiis bastati et principes invadunt. Eum im- fuisse in eo, qui se tam audaci simulatione hostibus im-
petum non tulerunt Etrusci, versisque signis, fuga effusa miscuerit. Servus ei dicitur comes unus fuisse, nutritus
castra repelunt. Sed equites romani praevecti per obli- una eoque haud iguaruslinguaeejusdem nec quicquam
qua campi quum se fugientibus obtulissent, omisso ad aliud proficiscentes, quam summatim regionis, quæ in-
castra itiuere, montes petunt. Inde inermi poene agmine tranda erat, naturam ac Domina principum in populis
ac texato vulneribus in silvam Ciminiam penetratum. accepere ne qua inter colloquia insigni nota ba'sitantea
Romanus, multis millibus Etruscorumcassis, duodequa- deprehendi possent. 1ère pastorali habitu, agrestibus te-
draginta signis militaribus captis, castris etiam hostium lis, falcibus gæsisque binis armati. Sed neque commer-
cum prxda ingeuti potitur. Tum de persequendo hosle cium linguæ, nec vestis armorumvehabitus sic eos texit,
agitari cœptum. quam quod abhorrebat ab fide quemquam externum
XXXVI. Silva erat Ciminia magis tum invia atque bor. Ciminios sallus intraturum. Usque ad Cainertes Umbros
rcnda quam nuper fuere Germanici saltus, nulli ad eam pénétrasse dicuntur.Ibi, qui essent, fateri Romanum au-
dieni ne mercatorum quidem adita. Eam intrare haud sum introductumque in senatum consulis verbis egisse
fere quisquam, prêter ducem ipsum, aud b it aliis om- de societate amicitiaque atque inde comi hospitio accep-
nubus cladis caudinæ nondum memoi la aboleveral.Tum tum, nuntiare ltomauie jussum, commeatum exercituidio-
trouveraient des vivres pour trente jours, s'ils les peuples de l'Étrurie, mais encore ceux des
entraient dans ces lieux et que toute la jeunesse Ombriens qui se trouvaient dans le voisinage.
des Camertes Ombriens serait prête à marcher Une armée, telle qu'on n'en avait point vu aupara-
en armes sous leurs ordres. Ces nouvelles rappor- vant d'aussi considérable, vint à Sutrium et non-
tées au consul, il fit partir à la première veille les seulement les Étrusques levèrent le camp qu'ils
bagages et les légions à la suite, et il resta avec la avaient dans la forêt; mais, dans l'impatience de
cavalerie. Le lendemain au point du jour, il alla combattre, ils portèrent toutes leurs troupes dans
se présenter devant les postes étrusques, disposés la plaine. Après les avoir rangées en balaille, ils
hors de la forêt; et, après avoir quelque temps oc- ne firent d'abord aucun mouvement, laissant aux
cupé l'ennemi, il se retira dans son camp; puis, Romains assez d'espace pour former aussi leurs
sortant par une autre porte, il atteignit son armée lignes. Puis voyant que l'ennemi refusait de com-
avant la nuit. Le lendemain, à la pointe du jour, battre, ils s'approchèrentdes palissades. Quand ils
il occupa les sommets du mont Ciminius, d'où il virent que les premiers postes mêmes avaient été
découvrait les opulentes campagnes de l'Étrurie. retirés dans l'intérieur des retranchements, ils
Il y répand ses soldats. Déjà maîtres d'un grand crièrent tout à coup à leurs chefs, « de leur fairo
butin les Romains rencontrent tout à coup des apporter du camp les vivres qu'il devaient avoir
cohortes de paysans étrusques, réunies à la hàte ce jour-là; qu'ils demeureraient sous les armes,
par les principaux habitants du pays; mais il y avait et que la nuit, ou tout au moins à la pointe du
si peu d'ordre dans leurs rangs, qu'en voulant jour, ils envahiraientle camp des ennemis. «L'ar-
recouvrer leur butin, ils manquèrent de devenir mée romaine, tout aussi impatiente, était retenue
eux-mêmes la proie de l'ennemi. Après les avoir par l'autorité du général. Vers la dixième heure
taillés en pièces ou mis en déroute, après avoir du jour, le consul fait prendre de la nourriture
ravagé au loin le pays, le Romain vainqueur et aux soldats il leur ordonne de se tenir prêts à
chargé de toutes sortes de richesses rentra dans quelque heure du jour ou de la nuit qu'il leur
son camp. Il s'y trouvait alors cinq députés accom- donne le signal. Il leur adresse une courte allocu-
pagnés de deux tribuns du peuple, venus pour si- tion, vante la guerre des Samnites, rabaisse les
gnifier à Fabius, au nom du sénat, de ne pas s'enga- Étrusques. Il leur dit que ces deux ennemis de
ger dans la forêtCimiuia. Enchantés d'être arrivés Rome ne sont pas comparables, non plus que les
trop tard pour arrêter le cours de la guerre, ils re- armées dont ils disposent; que, du reste, il leur
tournent à Rome porter la nouvelle d'une victoire. ferait connaître, quand il en serait temps, une
XXXVII.Cette expéditionduconsul avait étendu arme cachée qu'il tenait en réserve; que pour
la guerre au lieu d'y mettre fin. Tout le pays situé le présent, il convenait de se taire. 9 Par ces
au pied du mont Ciminius, dévasté par les Ro- mots mystérieux, il voulait faire croire qu'il se
mains, avait soulevé d'indignation non-seulement tramait une trahison, pour rassurer les esprits

rum triginta praesto fore, si ea loca intrasset; juventu- quam profligatum, bellum. Vastationem mamque sub Ci-
temque Camertium Umbrorumin armis paratam imperio minii monlis radicibusjacensorasenserat, conciveratque
futuram. Haec quum relata consuli essent, impedimentis indignatione non Etruriae modo populos, sed Umbriaa
prima vigilia praemissis, legionibus post impedimenta ire finitima. Itaque, quantus non unquam ante, exercitus
jussis, ipse substitit cum equitalu; et, luce orta, postero ad Sutrium venit neque e silvis tantummodo promota
die obequitavit stationibus hostium, qum extra sallum castra sed etiam aviditate dimicandi quam primum in
dispositæ erant et quum satis diu tenuisset hoatem in campos delata acies deinde instructa primo suo stare
caatra aese recepit; portaque altera egressus, ante noctem loco, relicto hostibusad instruendum contra spatio: dein,
agmen a,sequitur. Postero die, luce prima, juga Ciminii postquam detrectare hostem sensere pugnam, ad vallum
montis tenebat. Inde, contemplatusopulenta Etruriæ arva, subeunt. Ubi postquam stationes quoque receptas intra
milies emitlit. Ingenti jam abacta præda, tumuliuariæ munimenta sensere, clamor repente circa duces ortus, ut
agrestmm Etruscorum cohortes, repente a principibus eo sibi e castris cibaria ejus diei deferri juberent; man-
regionis ejus concltatæ,Romanis occurrunt, adeo mcom- suros se sub armis, et aut nocte, aut certe luce prima
pusita, ut vindices prædarum prope ipsi prædæ fucrint. castra bostium invasuros.o Nihilo quietior romanui eier-
Ca'sia fugatisque iis, late depopulato agro, victor Roma- citus imperio ducis continetur.Decimaerat fere diei hora,
nus, opulenusque rerum omnium copia, incastra rediit. quum cibum capere consul milites jubet praecipit, ut in
Eo forte quinque legati cum duobus tribunis plebis vene- armis sint, quacunque diei noctiave hora signum dederit.
rant, denuntiatum Fabio senatus verbis, ne saltum Ci- Paucis milites alloquitur, Samnitium bella eitollit, elevat
nunium transiret. Lætati serius se, quam ut impedire Etruscos née hostem hosti, nec multitudinem multitu-
bollum possent, venisse, nuulii victoriæ Romam rever- dini comparandam ait esse. Praeterea telum aliud occul-
tuntur. tum scituros in tempore interea taceri opus esse. » His
XXXVII. Hac expoditioneconsulis motum latius erat, ambagibus prodi aimulabat bostes, quo ammue mihtum
des soldats effrayés du grand nombre des enne- taient levés de toutes parts. Mais en quelque lieu
mis et, comme ceux-ci avaient fait halle sans se que l'on combattît la fortune de Rome l'emporta.
retrancher, cette supposition devenait plus vrai- Aussi vint-il des députés de Pérouse, de Cortone
semblable. Leur repas fini, ils se livrent au repos; et d'Arrétium, cités alors les plus considérables
réveillés sans bruit vers la quatrième verile, ils de la confédération étrusque, demandant paix et
prenneulleurs armes. On distribue des haches aux alliance aux Romains ils obtinrent une trève de
valels d'armée pour abattre les palissades et com- trente ans.
hler les fossés on se range en bataille dans l'in- XXXVIII. Pendant ces événements de l'Étrurie,
térieur des retranchements; des cohortes d'élite l'autre consul C. Marcius Rutilus enleva de vive
se placent au passage des portes le signal est forceAllifas aux Samnites. Beaucoup d'autres pla-
donné ensuite un peu avant le jour, à l'heure où ces et de bourgades furent impitoyablement ra-
dans les nuits d'été le sommeil est le plus pro- sées, ou se rendirent sans assaut. Pendant ce
fond on renverse les palissades et l'armée sort en temps la flotte romaine, conduite par P. Cornélius,
bataille. Elle fond sur les ennemis étendus çà et que le sénat avait chargé du commandement de
là, et la mort frappe au hasard ces hommes sur- la côte maritime, arriva à Pompéi et fit une des-
pris, les uns sans mouvement, les autres à moitié cente en Campanie. De là les équipages de la flotte,
endormis, la plupart courant tumultueusement voulant ravager le territoire de Nucérie, livrèrent
aux armes. Peu eurent le temps de s'armer et d'abord au pillage la partie la plus voisine, d'où
ceux-là même, n'ayant point de signal certain, ils pouvaient regagner sûrement leurs vaisseaux;
ni de chef autour de qui se rallier, le Romain les mais entraînés, comme cela arrive, par l'alpât
mit en déroute et la cavalerie les poursuivit. Ils se du butin ils s'avancèrent trop loin et donnèrent
dirigeaient les uns vers le camp, les autres du l'éveil à l'ennemi. il ne se présenta personne con-
côté de la forêt. La forêt leur offrit un refuge plus tre eux, pendant que, dispersés de toutes parts
assuré; car le camp situé en rase campagne fut dans la campagne, ils auraient pu être entièrement
pris le même jour. Le consul se fit remettre l'or exterminés mais comme ils se retiraient sans
et l'argent; le reste du butin fut abandonné au précaution, des paysans les atteignirent à peu de
soldat. On prit ou l'on tua dans cette journée eu- distance de leurs vaisseaux, leur enlevèrent leur
viron soixante mille hommes aux ennemis. Quel- butin et en tuèrent un certain nombre. Ceux qui
ques historiens prétendent que cette bataille si échappèrent furent repousses en désordre jusque
mémorable se donna par delà la forêt Ciminia, sur leurs vaisseaux. Autant l'expédition de Q. Fa-
près de Pérouse; et que Rome fut dans de grandes bius au delà de la forêt Ciminia avait causé d'ef-
alarmes, parce que l'armée, ayant sa retraite cou- froi dans Rome, autant elle causa de joie aux en-
pée par une si dangereuse forêt, pouvait être ac- nemis, quand la nouvelle en fut parvenue jusque
cablée par les Étrusques et les Ombriens qui s'é- dans le Samnium. Ils publiaient que « l'arméero-

multitudine lerritus restitueretur; et, quod sine muni- gnatum est, res romana superior fait: itaque a Perusia,
mento consederant, verisimilius erat quod simnlabatur. et Cortona, et Arretio, quæ ferme capita Etruriæ popu-
Curati cibu rorpora quieti dant, et quarta fere vigilia sine lorum ea tempestate erant, legati, pacem fœd, sque ab
tumultu excitati arm capiunt. Dolabrae calonibusdividuu- Romains peteutes, inducias in triginta annus impctrave-
tur ad vallum proruendum fossasque implendas intra runt.
munimenta instruitur acies delectæcohortes ad portarum XXXVIII. Dum bæc in Etruria geruntur consul alter
exitus collocanlur. Dato deinde signo paullo aute lucem, C. Marcius Rutilus Allifas de Sammtibus umlibui vi cepit. Multa
quod aestivis noctibus sopitae maxime quietis tempus est, alita castella vicique,
aut deleta hostiliter, aut in egra in
proruto vallo erupit acies stratos passim invadit hostes potestatem venere. Per idem tempus et classis romana a
alios immobiles, alios semifomnos in cubilibus suis, maii- P. Cornelio, quem senatus maritime ours priffecerat, in
mam partem ad arma trépidantes,cxdes oppressit pau- Campaniam acta, quum appulsa Pompeios esset; socii
cis armandi se datum spatium est. Eos ipsos non signum inde navales ad depopulandum agrum nucerinum pro-
certum, non ducem sequentes, fundit Romanus, fugatos fecti, proximis raptim vastatis, unde reditus tutus ad na-
eques pessequitur. Ad castra, ad silvas diversi tendebant. ves esset, dulcedine, ut fit, prædæ longius progressi,
Salvæ tutius dedere refugium nam castra in campis sila exciverehostes. Palatis per agros nemo obvius fuit, quum
eodem die capiuntur. Aurum argentumquejussumreferri occidioneocridi possent redeuntes agmine incauto haud
ad consulem; cetera præda milttis fuit. Cæsa aut capta eo procul navibus assecuti agrestes exuerunt præda, partem
die hostium mtllia ad seiagiuta. Eam tam claram pu- etiam occiderunt quæ superfuit caedi, trepida multitudo
guam trans Ciminiam bilvam ad Perusiam pugnatam, qui- ad naves cumpulsa est. Profectio Q. Fabii ti aus Cimiuiam
dam auctores sunt; metuque in magno civitatem fuisse, silvam quantum Romæ terrorem fecerat. tam lætam fa-
ne interclusus eiercitus tam infestosaltu coortia nndique mam in Sammum ad hostes tulerat interclusum ro-
Tuscis Umbrisque, opprimeretur. Sed, ubicunque pu- manum exercitum obsideri, cladisque imaginem Furcu-
maine investie n'avait aucune issue pour s'échap- devînt un obstacle au bien public, le sénat crut
per qu'elle se trouvait dans de nouvellesfourches devoir lui envoyer une députation composée de
Caudiues; que la même témérité avait conduit personnages consulaires, lesquels, par leur pro-
dans d'impraticables défilés une nation toujours pre autorité outre le caractère public dont ils
avide de s'étendre; que là les ob,tacles des lieux étaient revêtus, devaient amener Fabius à faiie
autant que les armes des ennemis lui opposeraient à la patrie le sacritice de ses haines personnelles.
une barrière insurmontable.» Déjà il se mêlait à Les députés ayant remis au consul le sénatu -con-
leur joie une sorte d'envie, de ce que la fortune sulte, et lui ayant adressé un discours conforme à
eût transporté des Samnites aux Etrusques la leurs instructions, celui-ci, les yeux baissés vers
gloire d'avoir humilié les armes romaines. Avec la terre, se retira sans proférer aucune parole, les
ce qu'ils avaient d'armes et de soldats ils ac- laissant dans l'incertitude de ce qu'il allait faire.
courent pour écraser le consuls C. Marcius, réso- Ensuite, dans le silence de la nuit, comme c'est
lus à gagner sur-le-champ l'Étrurie, au travers l'usage, il nomma L. Papirius dictateur. Comme
des Marses et des Sabins, si Narcius les mettait les députés le félicitaient d'une si belle victoire
dans l'impossibilité de le combattre. Le consul remportée sur lui-même, il garda un silence obs-
nrarcha à leur reucontre; le combat fut aclrarné tiné, et, sans rien leur répondre, sans rien dire do
de part et d'autre, et le succès indécis. Bien que ce qu'il avait fait, il congédia les députés d'un air
les pertes eussent été balancées, cette affaire eut qui faisait voir qu'il comprimait dans sa grande
pourtant l'apparenced'une défaite pour les Ro- âme une extrême douleur. Papirius nomma C. Ju-
mains, parce qu'ils avaient perdu quelques che- nius Bubuleus général de la cavalerie. Au mo-
valiers, des tribuns des soldats, un lieutenant, et ment où il présentait aux curies la loi qui devait
que le consuls, ce qui fut le plus remarqué, avait lui conférer l'autorité sur les soldats, il se vit
reçu une blessure. Comme à tout cela se joignaient forcé d'ajourner cette formalité par suite d'un
encore les exagérations ordinaires de la renom- funeste présage; car la curie fut appelée
mée, une grande terreur saisit le sénat, et il fut la première à donner son suffrage, circonstance
convenu qu'on nommerait un dictateur. Personne qui s'était présentée à deux époques fatales, lors
ne doutait que le choix ne dût tomber sur Papirius de la prise de Rome et de la paix de Caudium. Li-
Cursor que l'on regardait comme le plus grand cinius Macer jette encore sur cette tribu l'odicux
capitaine de ce temps. Mais on ne pouvait faire d'une troisième catastrophe, la défaite deCréméra.
parvenir sûrement un message dans le Sam- XXXIX. Le lendemain, le dictateur, ayant pris
nium à travers tant d'obstacles, et l'on n'avait de nouveau les auspices, fit passer la lui et étant
pas la certitude que le consul vécût encore. L'au- parti avec les troupes récemment levées lors de
tre consul Fabius était l'ennemi personnel de Pa- la terreur qu'avait excitée le passage de l'armée au
pirius. Dans la crainte que son ressentiment ne delà de la forêt Ciminienne, il arriva à Longula.

las caudinas memorabant. Eadem temeritate avidam ul- qui sua quoque eum, non publica solum, auctoritate
teriorum semper qentem in sallus invios deduc!am sep- moverent, ut memoriam simultatium patriæ remitteret.
tam non hostium magis armis, quam locorum iniquitati- Profecti legati ad Fabmm quum senatuscousultum tradi.
bus esse. » Jam gaudium invidia quadam micebatur, dissent, adjecissentque orationem couvenientem manda-
quod belli r( maui decus ab Samnitibus fortuna ad Etrus- tis, cousul, demissis in terram ocuhs, tacitus ab incertis,
cos averlisset. ltaque armis virisque ad obterendum quiduam acturus esset, legatis recessit. l'ode deinde si.
C. Marcium consulem concurrunt protinus inde Etru- leutio, ut mos est, L. Papirium dictatorem dixlt cul
riam per Marsos ac Sabinos petituri,si Marcius dimicandi quum ob animum egregie victum legati gratiasagereut,
potestalem non fdeiat. Obviua iis consul fuit. Dimicatum obstinatum silentium obtinuit, ac sine responso ac men.
pra ko ulrmtque atruci, atque incerto eventu est et quum tioue fncti sui legatos dimisit, ut appareret, insignem do-
anceps ca'des fuisset adversæ tamen rei fama in Roma- lorem ingenti comprimi animo. Papirius C. Junium Bu-
nos vertil, ob amissos quosdam equestris ordinis, tribu- bulcum magistrum equitum dixit atque ei, legem curia-
nosque iulitum atque unum legatum et ( qu rd insigne tam de imperio ferenti, triste omen diem diffidit, quod
maxime fuit) consuls ipsius vulnus. Oh ha'c etiam aucta Faucia curia fuit prmcipium, duabus insignibus cladibus,
fama, ut solet, ingens torror Pdtres invasit dictatorem- captx urbis, et caudinæ pacis quod utroque anno ea-
quc dici placebat nec, quin Cursor Papirius diceretur, dem curia fuerat principium. Macer Liciums terta etram
iu quo tmn summa rei belhcæ pouebatur, dubium cui- clade. quæ ad Cremeramaccepta est, abominandam eam
quam crat sed nec in Samnium nuntium per,erri om- 1 curiam facit.
nibus mlestis, tuto posse; nec vivere Marcium consulem XXXIX. Dictalor postero die, auspiciis repetitis per-
satis fidebant. Aller consul Fabius infestus privatun Pa- tuht legem; et profectus cum legion bus, ad terrorem
pirio erat quæ ne ira obttaret bono publtco legatos ex traducti silvam Ciminiam exercitus nuper scriptis, ad
consularium numéro mittendos ad eum senatus censuit Longulam perienit; acceplisque a Marcio consule vete-
Là, après avoir reçu du consul Marcius les an- qui semblait nouvetle, apparaissant au milieu de
ciens soldats il alla présenter la bataille aux troupes fatiguées, mit en désordre les enseignes
ennemis, qui ne parurent point la refuser ils des Étrusques. Son impétuosité entraîna le reste
restèrent en ligne et sous les armes jusqu'à la nuit des troupes malgré leur épuisement; on parvint
qui survint sans que le signal du combat eût été enfin à enfoncer les rangs des ennemis. Alors l'o-
donné, ni d'un côté ni de l'autre. Pendantquel- piniâtreté fut vaincue; quelques manipules tour-
que temps ils demeurèrenttranquillementcampés nèrent le dos, et ce commencement de fuite en-
a peu de distance des nôtres, sans se défier de traîna une déroute complète. Cette journée porta
leurs forces, sans mépriser l'ennemi. Cependant un premier coup à la puissance des Étrusques,
il se passait des événements en Étrurie. D'abord qui comptaient de longues années de prospéri-
on gagna une bataille sur les Ombriens, qui tés. Toute la force de la nation fut détruite dans
furent plutôt mis en déroute que battus, parce cette bataille; du même coup le camp fut pris et
qu'après avoir engagé vivement le combat ils ne pillé.
le soutinrent pas. Dans une autre affaire, près XL. Avec un péril égal, la guerre, chez les Sam-
du lac de Vadimon, les Étrusques, dont l'ar- nites, présenta un résultat non moins glorieux.
mée avait été levée d'après la loi sacrée, chaque Entre autres préparatifs, ils voulurent faire bril-
soldat ayant un compagnon de son choix, com- I ler leurs combattants par une nouvelle armure.
battirent à la fois et en plus grand nombre et Il y avait deux armées; ils donnèrent à l'une des
avec plus de courage que jamais. On se joignit boucliers ciselés en or, à l'autre des boucliers ci-
avec une telle animosité, que d'aucun côté on ne selés en argent. Telle était la forme du bouclier
songea à lancer les traits l'action s'engagea à plus évasé vers l'endroit qui protège la poitrine
l'épée, et l'attaque, ayant été d'abord très-vive, et les épaules, la partie supérieure offrait une lar-
le devint encore davantage pendant le combat, geur égale; vers le bas il se terminait en coin,
dont le succès fut longtemps douteux. On croyait pour qu'il fût plus maniable; un tissu de feutre
combattre nou avec les Étrusques tant de fois garantissait la poitrine du soldat; une bottine, sa
vaincus, mais avec une nouvelle nation. D'aucun jambe gauche; les casques, surmontés d'un pana-
côté, on ne songe à reculer. Ceux qui étaient che, ajoutaient à la taille. Les soldats aux boa-
en avant des étendards tombent; pour que cliers dorés portaient des tuniques de diverses
les enseignes ne restent pas sans défenseurs, la couleurs; ceux aux boucliers argentés avaient des
seconde ligne vient remplacer la première. En- vêtements de lin blanc. L'aile droite fut assignée
suite on eut recours aux dernières réserves, et à ceux-ci; ceux-là se rangent à la gauche. Les Ro-
le péril et la détresse furent si extrêmes que mains connaissaient déjà cet appareil d'armes
les cavaliers romains, laissant leurs chevaux, éclatantes ils avaient appris de leurs généraux.
s'élancèrent aux premiers rangs à travers des « qu'il faut que le soldat ait l'air rude et fier;
monceaux d'armes et de cadavres. Cette armée qu'il doit être, non pas ciselé en or et en argent,

ribus militibus, in aciem copias edmit nec hostes de- nova inter fessas exorta acies turbavit signa Etruscorum.
trectare visi pugnam. Inslructos deinde armatosquc, Secuta deinde impetum eorum, utcunqueaffecta erat, ce-
quum ab nputris prœlium inciperet, noi oppressit. Quieti tera multitudo tandem perrumpit ordines hostium. Tune
aliquamdiu, nec suis diffidentes viribus, nec hostem vinci pertinacia cœpta, et averti manipuli quidam; et, ut
sperueutes, stativa in propiuquo habuere.Inter ea res iu semet dedere tcrga, etiam certioremcapessere fugam. Ille
Etruria gestæ. Nam et cum Umbrorum exercitu acie de- primum dies fortuna veteri abundantes Etruscorum fre-
pugnalum est ( fusi tamen magis, quam caesi hostes, quia git opes. Caesum in acie, quod roboris fuit; castra eo im-
cæptam acriter non tolerarunt pugnam ) et ad Vadimo- petu capta direptaque.
nis lacum Etrusci, lege sacrata coacto exercitu, quum XL. Pari subinde periculo gloriæque eventu bellum
vir virum legisset, quantis nunquam alias antea simul in Samnitibus erat; qui præter ceteros belli apparatus,
copiis, simul animis, dimicarunt tantoque irarum cer- ut acies sua fulgeret noris armorum insignibus, feceruut.
tamiue gesta res est, ut ab ueutra parte emissa sint tela. Duo exercitus erant; scuta alterius auro, alterius argento
Gladiis pugna cœpit, et, acerrime commissa, ipso cer- cælaverunt. Forma erat scuti summum latius, qua pe-
tamine quod aliquamdiu anceps fuit, accensa est; ut non ctus atque humeriteguntur, fastigio aequali; ad imum cu-
cum Etruscis toties victis, sed cum atiqua nova gente, vi- neatior, mobilitatis causa. Spongia pectori tegumentum;
deretur dimicatio esse. Nihil ab ulla parte moveturfugæ; et sinistrum crus ocrea tectum. Galeæ cristatæ, quac spe.
caduut autesignani et, ne nudentur propugnatoribus ciem magnitudini corporum adderent. Tunicæ suratis
signa, fit ex secunda prima acies. Ab ultimis deinde aub- militibus versicolores, argentatis linteæ candida*. His
sidiis cietur miles; adeoque ad ultimum laboris se periculi deitrum cornu datum; illi in sinistro consistunt. Notus
ventum est, ut equites romani, omissis equis, ad primos jam Romanis apparatus insignium armorum fuerat; do-
ordines peditum per arma, per corporaevarerint. Ea velus ctique a dueibus erant, « horridum militem eose debere;
ttrais protège par le fer et par sou courage ils se précipitent en travers sur les flancs des en-
car, véritablement, c'était moins des armes nemis. Ce fut une nouvelle cause de terreur qui
qu'une proie pour l'ennemi; que toutes ces ar- se répandit des deux extrémités jusqu'au corps de
mes, éblouissantes avant l'action, étaient bien- bataille. L'armée romaine, pour redoubler l'ef-
tôt ternies par le saug et les blessures; ils sa- froi de l'ennemi, poussa de nouveau le cri de
vaieut que la valeur est l'ornement du soldat, et charge et marcha vivement en avant alors la
que ces brillants joyaux suivent la victoire, et déroute commença dans l'armée des Samnites.
passent de l'ennemi riche au vainqueurindigent. o Déjà la campagne est couverte de leurs morts et
Ces réflexions avaient animé les soldats Cursor des débris de leurs armes magnifiques dans leur
les mène au combat; il se place à l'aile droite, et frayeur, leur camp leur offrit d'abord un refuge
conlio la gauche au général de la cavalerie. Dès bientôt même ils ne purent le garder on le prit
qu'on se fut joint, il s'engagea une lutte des plus eton y;mit le feu avant la nuit. Le dictateur obtint
vives avec l'ennemi; elle ne le fut pas moins entre le triomphe par un sénatus-consulte et les ar-
le dictateur et le général de la cavalerie c'était à mes prises sur l'ennemi donnèrentà cette solemnité
qui des deux déciderait la victoire. Junius, le un éclat extraordinaire. On les trouva si magnifi-
premier, ébranla les ennemis opposés à l'aile ques, que les boucliers dorés furent placés devant
gauche qu'il commandait; c'était leur aile droite, les boutiques des orfèvres pour décorer le forum.
dont les hommes, voués aux dieux suivant l'u- C'est de là que vint, dit-on, pour les édiles l'u-
sage des Samnites, se reconnaissaient à la blan- sage d'orner le forum, lorsqu'on portait les sta-
cheur de leur vêtement et de leur armure Ju- tues des dieux. Les Romains se servirent de ces
nius s'écriant « qu'il les immole au dieu des en- armes éclatantes pour la pompe de leur culte;
fers », les charge, trouble leurs rangs, et les mais les Campanieus, par orgueil et par haine
fait plier d'une manière sensible. Le dictateur pour les Samnites, en parèrent leurs gladiateurs
s'en aperçoit o La victoire commencera-t-elle dont ils se donnaient le spectacle pendant leurs
par l'aile gauche? dit-il, et l'aile droite, la ba- repas, et les appelèrent du nom de Samnites.
taillo du dictateur, au lieu d'en avoir la plus La même année, le consul Fabius combattit le
belle part, ne fera-t-ellle que se traîner sur celle reste de l'armée étrusque, aux environs de Pé-
d'autrui? » Il enflamme ses soldats; ni les fantas- rouse, ville qui avait aussi violé la trève. La vic-
sins ne le cèdent à la cavalerie pour le courage, toire ne fut ni douteuse ni difficile; il aurait pris
ni les lieutenants aux généraux pour le zèle. cette place dont il s'était rapproché après sa vic-
M. Valérius, à l'aile droite; P. Décius, à la gau- toire, si des députés n'étaient venus en annoncer
cbe, tous deux consulaires, s'élancent vers les la soumission. Après avoir mis une garnison à Pé-
cavaliers rangés sur les ailes, et, les exhortant à rouse, et s'être fait précéder à Rome des députa-
venir avec eux prendre leur part de la victoire, tious de l'Étrurie qui demandaientla paix, lecon-

non cælatum auro et argento,sed ferro et ammis frelum; coris, in transversa latera hostium incurrunt. Is novus
quippe illa prædam verius, quam arma, esse; nitentia additus terror quum ex parte utraque circumvasisset
ante rem, deformia iuter sanguinem et vuluera. V irtu- aciem, et ad terrorem hostium legiones romaua', redin-
tem esse mihtis decus, et omnia illa victoriam sequi; et tegrato clamore, intulissent gradum, tum fuga ab Sam-
ditem hostem quamvis pauperis victoris præmium esse. » nitibus coepta. Jam slrage hominum armorumque insi.
Ilis Cursor vocibus instinctos milites in prxlium durit. gnium campirepleri; ac primo pavidos Samnites castra
Dextro ipse cornu consistit; sinistro præfecit magistrum sua accepere deiude ne ea quidem retenta. Captis di
equitum. Simul est concursum ingens fuit cum hoste reptisque aute noctein injectus igms. Dictator ex senatus-
certamen; non segnius inter dictatorem et magistrum consulto triumphavit; cujus triumpho longe maximam
equitum, ab utra parte victoria inciperet. Prior forte Ju- speciem captiva arma præbuere. Tantum magnificentiæ
nius commovit hostem, laevo deitrum cornu, sacratos visum in iis, ut aurata scula dominis argentariarum ad
more Samnitium milites, eoque candida veste et paribus forum ornandum dividerentur. Inde natum initium di-
candore armis insignes. « Eos se Orco mactare Junius citur fori ornandi ab xdilibus, quum tensæ ducerentur.
dictitans, quum intulisset signa, turbavit ordines, et Et Romani quidem ad honorem deum insignibus armis
baud dubie impulit aciem. Quod ubi sensit dictator, Ab hostium usi sunt Campani, ab superbia et odio Samni-
lævone cornu victoria incipiet, inquit, et deitrum cornu, tium, gladiatores (quod spectaculum inter epulas erat)
dictatoris acies, alienam pugnam sequetur, non partem eo ornatu armarunt, Samnitiumque nomine compella-
maximam victoriæ trahet?» Concitat milites; nec pedi- runt. Eodem anno cum reliquis Etruscorurn ad Perusiam,
tum virtuti équités, aut legatorum studia ducibus ce- quæ et ipsa induciarum fidem ruperat, Fabius consul nec
duut. M. Valerma a dextro, P. Decius ab lævo cornu, dubia necdifficili victoria dimicat. Ipsum oppidum (nam
ambo consulares, ad equites in cornibus positos evehun- ad mœnia victor accessit) cepisset, ni legati dedentes ur-
lur sdhortatiqueeos, ut partem secum capsserentde- bem exissent. Præsidio Perusiæ imposito, legatiombus
sul rentra triomphalement dans la ville, après un traité d'alliance. Mais elle ne put rien obtenir
une victoire encore plus éclatante que celle qu'a- à cet égard; ou ne lui accorda qu'une trêve d'un
vait remportée le dictateur. L'honneur de la vic- an l'ennemi paya la solde de l'armée romaine
toire remportée sur les Samnites fut en grande pendant cette année, et fut obligé de donner deux
partie attribuée aux lieutenants P. Décius et tuniques à chaque soldat tel fut le prix de la
M. Valérius, que le peuple, aux comices suivants, trêve. La tranquillité dont on jouissait déjà du
nomma, à une grande majorité de suffrages, l'un côté des Étrusques fut troublée par la soudaine dé-
consul, l'autre préteur. fection des Ombriens, nation qui jusqu'alors étaft
XLI. Le consulat est continué à Fabius, pour demeurée à l'abri des malheurs de la guerre, si
prix de ses glorieux et décisifs succès en Étrurie; l'on en excepte le passage de l'armée sur son ter-
Décius lui est donné pour collègue. Valérius est ritoire. Ayant mis sur pied toute leur jeunesse et
créé préteur pour la quatrième fois. Les consuls poussé à la révolte une grande partie de l'Étrurie,
se partagèrent les provinces; l'Étrurie échut à Dé- ils formèrent une si puissante armée, que, lais-
cius, le Samnium à Fabius. Celui-ci s'étant porté sant derrière eux Décius dans l'Étrurie, ils di-
sur Nucéria et Alfaterna, refusa aux habitants la saient hautement qu'ils allaient assiéger Rome,
paix qu'ils demandaient alors, pour les punir de parlant d'eux-mêmes avec emphase, et des Ro-
l'avoir refusée quand on la leur accordait, et, par mains avec mépris. Instruit du projet des Om-
la vigueur de ses attaques, il les réduisit à se sou- briens, le consul Décius revint vers Rome à
mettre. On combattit en bataille rangée avec les marches forcées et s'établit dans le territoire de
Samnites qui furent vaincus sans beaucoup d'ef- Pupinia, attentif aux desseins des ennemis. Cette
forts, et l'on n'eût pas transmis la mémoire de ce guerre des Ombriens n'était pas méprisée dans
combat, sans cette circonstance que les Marses se Rome les menaces mêmes inspiraient de la
trouvèrent alors, pour la première fois, anx pri- crainte à des hommes qui avaient éprouvé pen-
ses avec les Romains. Les Péligniens, entraînés daut la guerrc des Gaulois le peu de sûreté de la
dans la défection des Marses, éprouvèrent le même ville qu'ils habitaient. On députa donc vers le
sort. Décius, l'autre consul, faisait la guerre avec le consul Fabius pour l'engager, dans le cas où la
memesuccès. Il avait réduit, par la terreur, les guerre des Samnites lui laisserait quelque relâche,
habitants de Tarquinies à fournir du blé à l'armée, à conduire promptement son armée dans l'Om-
et à demander une trève de quarante ans. Il prit brie le consul obéit, et, à grandes journées, il
de force quelques places aux Volsiniens; il les rasa gagna Mévania, où étaient alors les troupes des
en partie, de peur qu'elles ne servissent de re- Ombriens. L'arrivée subite du consul, qu'ils
traite aux ennemis; et, en promenant la guerre de croyaient loin de l'Ombrie, occupé d'une autre
tous côtés, il répandit une telle épouvante, que la guerre daus le Samnium, épouvanta tellement les
confédération entière des Étrusques lui demanda Ombriens qu'ils étaientd'avis, les uns de se retirer

Etruriæ amicitiam petentibus præ se Romam ad senatum essent: circumferendoque passim bello, tantum terrorem
missis, consul, præstantioreet,am, quam dictator, victo- sui fecit, ut nomen omne etruscum fœdus ab consule
ria triumphans, urbem est invectus. Quin etiam devic- peteret. Ac de eo quidem nihil impetratum; ioducia an-
torum Samnitium decus magna ex parte ad legatos, num datæ. Stipendium exercitui romano ab hoste in emn
P. Decium et lit. Valerium, est versum quos populus annum pensum, et binm tunicæ in militem exactæ. Ea
proximis comiuis ingenti consensu cousnlem alterum, mei ces induciarum fuit. Tranquillasres jam Etruscis tur-
alterum prætorem declal'avil. barit repentina defectiu Umbrorum, gentis intégræ a
XLI. Fabio ob egregie perdomitam Etruriam couti- cladibus belli nisi quod transitum exercitus ager senserat.
nuatur consulatus; Decius collega datur. Valerius pra'- Ii, concitata omni juventule sua, ex magna parte Etru-
tor quartum creatus. Consules partiti provimias; Etruria scorum ad rebelliouem compulsa tantum exercitum fe-
Decio. Samnium F. b o evenit. Is profectus ad Nuceriam cerant, ut, relicto post se in Etruria Decio, ad appug-
Alfaternam, tum pacem petentes, quod uti ea, quum nandam inde Romam ituros, maguifice de se, ac con-
d,irelur, uoluissent, aspernatus, oppugnando ad dedi- temptim de Romanis loquentes,jaclarent. Quod inceptum
tionem subegit. Cum Samnitibus acie dimicatum. Haud eorum ubi ad Decium consulem perlatum est, ad urbem
magnu certamme hostes victi; neque ejus pugnæ memo- ex Etruria magnia itineribus pergit, et in agro Pupi-
ria tradita foret, ni Marsi eo primum prœho cum Ro- niensi ad famam inteutus hostium consedit. Nec Romæ
manis bellassent. Secuti Marsurum defectionem Peligui spernebatur Umbrorum bellum et ipsæ minæ metum
eandem fortunam habuerunt. Decio quoque alteri con- fecerant expertis gallica clade, quam intutam urbem in-
suli secunda belli fortuna erat. Tarquiniensem meta sub- colerent. Itaque legati ad Fabium consulem missi sunt,
egerat frumentum exercitui præbere, atque iudulias iu ut, si quid lazamenti a bello Samnitium esset, in Um.
quadragintaannos petere. Volsiniensium castella aliquot briam propere exercitum duceret. Diéto paruit consul,
vi cepit; quidam ex iis diruit, ne receptaculo hostibus magnisque itmeribus ad Mevaniam, ubi tum copia Um-
dans leurs places fortes, quelques-uns même de soumission. Le lendemain et les jours suivants,
renoncer à la guerre. Un de leurs cantons ( ils les autres peuples de l'Ombrie se rendirent aussi.
l'appellent Matérina) retint non-seulement les Les Ocriculans reçurent la promesse de l'alliance
autres sous les armes mais il les entraîna sur-le- romaine.
champ au combat. Ils attaquèrent Fabius pendant XLII. Fabius, après sa victoire sur un ennemi
qu'il s'entourait de palissades. Dès que le consul que le sort ne lui avait point assigné, ramena
les vit se précipiter en désordre sur ses retran- son armée dans sa province. Pour prix de ses suc-
chements, il fit cesser les travaux et rangea ses cès, le sénat, à l'exemple du peuple qui, l'an-
soldats, selon que le permettaient la nature des née précédente, lui avait contiuué le consulat,
lieux et les circonstances; et, pour toute exhorta- lui prorogea le commandement pour l'année sui-
tion, leur rappelant la gloire réelle qu'ils avaient vante, malgré l'opposition d'App. Claudius, le-
acquise, tant dans l'Étrurie que dans le Samnium, quel fut nommé cette même anuée, consul avec
il leur ordonna d'en finir avec ce misérable reste L. Volumnius. Je trouve dans certaines annales
de la guerre étrusque, et de tirer vengeance des qu'Appius demanda le consulat pendant sa cen-
menaces impies d'un ennemi qui se vantait de sure, et que son élection fut combattue par L. Fu-
venir prendre Rome. Ces paroles furent enten- rius, tribun du peuple, jusqu'à ce qu'il eût ab-
dues avec un si vif transport de la part des soldats, diqué la censure. Créé consul, et voyant que la
qu'un cri involontairement parti interrompit le guerre contre un nouvel ennemi, les Sallentms,
général au milieu de son discours; puis, sans at- avait été assignée à son collègue, il resta à Rome
tendre l'ordre, au son des trompettes et des cor- pour accroître son crédit par les voies pacifiques,
uets, ils fondent au pas de course sur l'ennemi. puisque la gloire militaire allait appartenirà d'au-
11 semble que ce n'est ni à des hommes, ni à des tres. Volumnius n'eut pas lieu d'être mécontent
guerriers qu'ils ont affaire chose presque incroya- de sa province; il livra plusieurs combats avec
blel ils arrachent les enseignes aux porte-éten succès, et prit de force quelques villes aux en-
dards et entraînent ceux-ci vers le consul; ils trai- nemis. Il était prodigue de butin, et à cette gé-
tent de la même manière le soldat qu'ils trans- nérosité, si agréable par elle-même, il ajoutait
portent de sa ligne dans la leur; s'il y a quelque un nouveau prix par son affabilité cette habile
part de la résistance, l'affaire se termine avec le conduite avait rendu le soldat avide de périls
bouclier plutôt qu'avec l'épée on les pousse vio- et de fatigues. Le proconsul Fabius livra bataille
lemment du bouclier et du coude et on les ren- à l'armée des Samnites, près de la ville d'Al-
verse on prend plus d'hommes qu'on n'en tue lifas le succès ne fut pas un instant douteux. Les
sur tous les points on leur crie de mettre bas les ennemis furent mis en déroute et poussés jus-
armes. Ainsi, au milieu du combat même, ceux que dans leur camp. Ils n'auraient pu même le
qui les premiers avaient pris les armes, font leur garder, si le jour n'eût été si avancé; on les y

brorum erant. perrexit. Repens adventus consulis, quem jubentium per totam fertur aciem. Itaque inter ipsum
procul Umbria in Samnio bello alio occupatum credide- certamen facta deditio est a primis auctoribus belli. Pos-
rant, ita exterruit Umbros ut alü recedendmu ad urbes tero insequentibusque diebus et ceteri Umbrorum poputi
munitas, quidam omittendum bellum censerent. Plaga deduntur. Ocriculani sponsione in am citiam accepti.
una (Materinam ipsi appellant) non coutinuit modo ce- XLII. Fabius alienæ sortis victor belli, in suam pro-
teros in armis, sed confestim ad certamen egit. Castra vinciam exercitum reduxit. Itaque ei, obres tam feliciter
vallantem Fabium adorti sunt. Quoa ubi effusos ruere in geslas, sicut priore anno populus continuaverat consu-
muuimenta consul vidit, revocatos milites ab opere, latum, ita senatus in insequentem annum, quo Ap. Clau-
prout loci nntura tempusque patiebatur, ita instrxxit dius, L. Volamnius consules fuerunt, prorogavit, maxime
cohortatusque prædicatione vera qua in Tuscis, qua in Appio adversante, imperium. Appmm censorem pelsse
Semn o partorum decorum, exiguam appendicein etru- consulatum,comitiaque ejus ab L. Furio trihnno plebis
sci belli conficere jubet et vocis impiæ pœnas expetere, interpellata, donec se censura abdicavit, in quibusdam
qua se urbem romaoam oppugnaluros minati sunt. Hæc annalibus invenio. Creatus consul, quum collegæ novum
tanta sunt alacritate mlitum audita, ut clamor, sua sponte bellum, Sallentini hostes decernerentur, Romæ nmnsit,
ortus, loquentem interpellaverit ducem. Anie imperium ut urbanis artibus opes augeret, quan io belli decus penes
deinde concentu tubarum se cornuam cursn effuso in alios esset. Volumnium provinciæ haud pœnituit. Multa
hostem feruntur. Non tanquam in viros aut armatoa in. aecunda prælia fecit; aliquot urbes hostium vi cepit. Pra·-
currunt (mirabilia dictu !) signa primo eripi cœpta si- dæ erat largitor, et benignitatem per se gratam comitate
gniferis; deinde ipsi sigmferi trahi ad consulem, arma- adjuvabat militemque iis artibus fecerat et pericuh et
tique milites ex acie in aciem transferri et, sicubi est laboris aridum. Q. Fabius proconsul ad urbem Allifas
certamen, scutis magis, quam gladiis, geritur res. Um- cum Samnitium exercitu siguis collatis coofligit. Minime
bonibus incussaque ala sternuntur hostes. Plus capitur ambigua res fuit. Fusi hostes, atque in castra compulsi.
hominum, quam cPditur; atque una x·ox ponere arma Nec castra forent retenta, ni exiguum superfuisset diei.
investit cependant avant la nuit, et l'on fit bonne Marcius. D'abord, s'étant saisis des postes avan-
garde, pour que personne ne pût échapper. Le tageux, ils interceptèrent toute communication
lendemain, lorsque le jour paraissait à peine, entre les camps des consuls, de telle sorte qu'il
ils en vinrent à capituler. Il fut convenu que ce eût été impossible à un simple courrier de passer
qu'il y avait de Samnites sortirait avec un simple et pendant quelques jours chacun des deux cou-
vêtement. On les fit tous passer sous le joug. Il ne suls resta dans une complète ignorance de la po.
fut rien réglé sur le sort des alliés des Samnites; sition de l'autre. L'alarme gagna jusqu'à Rome,
on les vendit à l'encan au nombre de sept mille. et l'on enrôla tous les citoyens encore jeunes,
Ceux qui se dirent citoyens herniques furent mis afin d'avoir, en cas d'événement, deux nouvelles
en réserve et sévèrement gardés. Fabius les envoya armées. Au reste, la guerre des Herniques fut
tous à Rome, au sénat, et, après une enquête loin de justifier la terreur qu'elle causait alors et
à l'effet de savoir si c'était par l'ordre de leurs de répondre à l'antique gloire de cette nation.
magistrats ou de leur propre mouvement qu'ils Nulle part ils ne firent rien de mémorable, ils
avaient fait la guerre pour les Samnites contre les perdirent leurs trois camps dans l'espace de peu
Romains, on les donna en garde aux différents de jours, et, pour obtenir une trève de trente
peuples latins. Les nouveaux consuls qui étaient jours qui leur permît d'envoyer à Rome une dé-
déjà nommés, P. Cornélius Arvina et Q. Mar- putation auprès du sénat, ils se soumirent à four-
cius Trémulus eurent ordre de mettre toute cette nir la solde et le blé pendant deux mois, plus une
affaire en délibération dans le sénat. Les Her- tunique pour chaque soldat. Le sénat les renvoya à
niques furent indignés d'une telle sévérité il se Marcius, auquel un sénatus-consulte donna le
tint une assembléegénérale à Anagnie dans le cir- pouvoir de décider du sort de ce peuple; et le
que qu'ils appellent Maritime, et tous les peuples consul les reçut à discrétion. Dans le Samniurn,
de ce nom, excepté ceux d'Alatrium, de Féren- l'autre consul supérieur en forces, avait le désa-
tinum et de Vérules, déclarèrent la guerre au vantage des lieux. Les ennemis avaient fermé tou-
peuple romain. tes les routes; ils s'étaient saisis des passages,
XLIII. Dans le Samnium aussi après la retraite pour qu'aucun convoi ne pût arriver au consul,
de Fabius, il éclata de nouveaux mouvements. lequel leur présentait tous les jours la bataille,
Calatia et Sora, ainsi que les garnisons romaines sans pouvoir les amener à combattre. On voyait
qui étaient dans ces deux places, tombèrent au clairement que le Samnite avait tout à craindre
pouvoir de l'ennemi, lequel exerça d'horribles d'une affaire générale, et le Romain des longueurs
cruautés contre les prisonniers P. Cornélius y de la guerre. L'arrivée de Marcius, qui, après sa
fut envoyé avec une armée. Les nouveaux enne- victoire sur les Herniques, s'empressa de venir au
mis ( car déjà la guerre contre les Anagniens secours de son collègue, ne laissa plus aux enne-
et les Herniques était résolue ) furent assignés à mis le pouvoir de différer le combat. Sentant bien

ante noctem tamen sunt circnmsessa,et nocte custodita, tur. Primo ita omnia opportuna loca hostes inter consu-
ne quis elabi posset. Postero die, vixdum luce certa, lum castra interceperunt, ut pervadere expeditus nuntius
deditio fleri cœpta et pacti, qui Samnitium forent, ut non posset, et per aliquot dies incerti rerum omnium,
cum singulis vestimentis emitterentur. Hi omnes sub ju- suspensiquede statu allerius, uterqueconsul ageret, Ro-
gum missi. Sociis Samnitium nihil cautum; ad septem mamque is metus manaret, adeo ut omnes juuiores sa-
millia sub corona veniere. Qui se civem hernicum dixe- cramento adigerentur, atque ad subita rerum duo justi
rat, seorsum in custodia habitus. Eos omnes Fabius Ro- scriberentur exercitus. Ceterum bernicum bellum ne-
mam ad seoatum misit; et, quum quæsitum esset, de- quaquam pro præsenti terrore ac vetusta gentis gloria
lectu, an voluntarii pro Samnitibus adversus Romanos fuit. Nihil usquam dictu dignum ausi, trinis castris mtre
bellassent, per latinos populos custodiendi dantur jus- paucos dies exuti, trigintadierum inducias, ita ut ad se-
tique eam integram rem novi consules, P. Cornelius Ar- natum Romam legatos mitterent, pacti sunt bimestri sti
viua, Q. Marcius Tremulus (ii enim jam creati erantl, pendio frumentoque, et singulis in militem tunicis. Ab
ad senatum referre. Id e'gre passi Hernici; concilium senatu ad Marcium rejecti, cui senatusconsulto permis-
populoruro omnium habentibus Anagninisin circo, quem sum de Hernicis erat, isque eam gentem in deditionem
Maritimum vocant, praeter Alatrinatem, Ferentinatem- accepit. Et in Samnio alter consul superior viribus, locis
que, et Verulanum, omnes Hernici nominis populo ro- impeditior erat. Omnia itinera obsæsperant hostes, sal-
mano bellum indixeruut. tusque pervios ceperant, ne qua subvehi commeatus pw-
XL1II. In Samnio quoque, quia decesserat iode Fa- sent neque eos, quum quotidie signa in aciem consul
bius, novi motus exorli. Calatia et Sora, præsidiaque, proferret, elicere ad certamen poterat; satisque appa-
quaiin iis romana erant, expugnata; et in captivorum rebat, neque Samnitem certamen proesens, nec Roma-
corpora militum fœde saevitum. Itaque eo P. Cornelius num dilationem belli laturum. Adventus Marcii, qui,
cum exercitu missus. Marcionovi hostes (Jam enim Ana- Hernicis subactis, maturavitcollegæ venire auxilio, mo-
guinis Hernicisque aliis bellum jussum erat) decernun- ram certaminis hosti exemit. Nam. ut qui alteri quidem
que s'ils ne s'étaient pas crus capables de se me- les vainqueurs s'élanceut sur elles, eu criant « qu'il
surer avec une seule armée, la jonction des deux faut faire faire à ces jeunes Samnites un rude
armées consulaires, s'ils la laissaient s'effectuer, apprentissage, Les consuls cèdent à l'ardeur
lie leur laisserait plus rien à espérer, ils attaquent des légions, sachant bien que des soldats tout
Marcius qu'ils surprennent dans tout le désordre novices, confondus parmi des vétérans abattus
de la marche. Les bagages sont à la hâte trans- par leur déroule, n'auraient pas même le courage
portés au centre; et, selon que le permettait la de tenter un combat. Ils ne se trompèrent pas
circonstance l'armée se range en bataille. D'abord dans leur attente; toutes les troupes des Samnites,
les cris qui parvinrent jusqu'au camp, puis la les anciennes comme les nouvelles, gagnent en
vue de la poussière qui s'élevait au loin, jetèrent fuyant les montagnes voisines. L'armée romaine
l'alarme dans l'armée de l'autre consul. Celui-ci gravit ces hauteurs. Il n'est point de lieu sûr pour
fait prendre aussitôt les armes, range ses troupes les vaincus; on les précipite des sommets qu'ils
en bataille, et vient tomber en travers sur l'ar- avaient occupés. Déjà, tous d'une communie voix
mée ennemie occupée d'un autre combat, criant demandent la paix. On les força à fournir trois
à ses soldats « que ce serait le comble de l'igno- mois de vivres, une année de solde; et une tu-
minie, s'ils souffraient que l'autre armée eût nique pour chaque soldat; après quoi ils envoyè-
l'honneur de deux victoires, et s'ils se laissaient rent demander la paix au sénat. Cornélius resta
ravir la gloire d'une guerre qui était la leur. » Il dans le Samnium; Marcius revint à Rome et
se fait jour à l'endroit où il avait porté son attaque, triompha des Hérniques. On lui décerna une sta-
et, au travers des troupes ennemies, il marche tue équestre, laquelle fut placée devant le temple
droit à leur camp, et, le trouvant sans défenseurs, de Castor. On rendit à trois peuples des Herni-
le prend et y met le feu. Dès que les soldats de ques, ceux d'Alatrium, de Vérules, de Férenti-
Alarcius voient les flammes devant eux et que les num, leurs lois qu'ils préférèrent au droitde cité;
Samnites les voient derrière eux, ceux-ci com- et on leur permit de s'allier entre eux, privilége
mencent à fuir de divers côtés; mais partout s'é- dont ils jouirent quelque temps seuls de tous les
tend le carnage, et nulle part il n'y a de refuge Herniques. Quant à ceux d'Anagnie et aux autres
assuré. Déjà, après avoir tué trente mille hom- qui avaient pris les armes, on leur accorda le droit
mes à l'ennemi, les consuls avaient donné le de cité, sans le droit de suffrages on leur interdit
signal de la retraite, et ils opéraient la jonction leurs assemblées, ainsi que la liberté de contracter
de leurs troupes, en se félicitant réciproquement, des mariages de ville à ville: les fonctions de leurs
lorsque tout à coup apparurent au loin de nou- magistrats durent se borner au soin des sacrifices.
velles cohortes ennemies. C'étaient des recrues, La même année, le censeur Bubulcns commença
qui filent renouveler le carnage. Sans attendre la construction du temple de la déesse Salns,
l'ordre des cousuls, sans avoir reçu le signal qu'il avait voué étant consul, pendant la guerre

exercitur se ad certamen credidisscnt parcs, conjungi In quas, aeclussu consulum, nec aigooacceptn, vielores
ulique passi duos consulares exercitus nihil credereut su- Yadnnt; a mal,) tirociuio imbuendum Samnites » clami-
percase apei, advenienlem incomposrto agmiue Marcium tau tes. Indulgent coosules legiouum ardori, ut qui probe
aggrediuntur. Raptim collatæ sareiuæ in medium; et scirent, novum militem bostium inter pereulsos fuga ve-
prout tempus patiebatur, instructa acies. Clamor pri- teraDos ne tentando quidem satis certamini fore. llec eos
mum iu stativa perlatus, deiu cuuapectus procul pulvis, opiuio fefellit. Omnes Samnitium copiæ, veteres oovr-
tumultum apud alterum consulem m castris fecit. Isque, que, montes proiimos fuga capiont. Eo et romana erigi-
cuufestm arrua cjpcre jussis, raptimyueeduc.is in aciem Lur acies; nec quicquam satis tuti loci victis est. Et de
milibus, transversam bostium aciem, atque alio certa- jngis, qua' ceperant, fuuduatur; jamque una voce omues
miue occupalani, iuvadit; claruitans, summum Oui- pacem petehant. Tum trium mensium frumento impe-
tium furie, si alterum elercitum utriusque Victoria; com- rato, et aunno stipendie, ac singulis in militem tunicis,
protem siaercut lieri, Decad lie sui belli viodicareut decus, ad seaatum pacis oratores missi. Coruelius in Samnio re-
Qua impetum dederat, perrumpit; aciemque per nie- lielus. Marcius de Hernicis trmmpbaos in urbem rediit;
diam iu castra hostium tendit, et vacua defeosoribus ca- statuaque eueestris in foro decreta est, qum ante templum
pit atque incendit. Quœ ubi flagrautia àfarciaous miles Castoris posila est. Hernicorum tribus populis, Alairi-
couspexit, et hosles reapelere, tum passim fuga coel)ta uatt, Verulano, Ferentinati, quia malueruat, quem ci-
Sammtium fieri. Sed omnia oblmet ewdes, nec in ullam vitatem, sua leges redditoe coonubiumque inter ipsos,
partem tutum perfugium est. Jam, tiigiuta millibui ho- quod aliquamdia soli Hernicorum habueruot, permis-
stium cwbis, siguum receptui consules dederant, collige- sum. Anagaiois, quique arma Romanis intulerant, ervi-
bantque iii umnu copias, in vicem mter se gratalites tas sine suffragii latione data; consilia connubiaqueadeia-
qnum repente visa) procul bobtiuni nova; cohortes, qnx pta et magittratibtis,præterquam sacrurum curaviuun,
in rupplementum script«e fuerant, integravere cædem. interilictum. Eodem auno ædes Salutis a L. Juaio Bu-
des Samnites: Conjointement avec son collègue fiées. Le consul, pour faire croire qu'il n'avait
M. Valérius lliarimus, il fit des chemins vicinaux, voulu que se ménager au campement sûr et ahon-
dont la dépense fut supportée par le trésor. Cutte damment pourvu (etil l'était en e(fet), se relran-
même année, futaussi renouvelé, pour la troisième cha dans sa position, y fit apporlcr en grande quan-
fois, le traité avec les Carthaginois; leiii-s ambassa- tité toutes les choses nécessaires; mais, à la troi-
dnurs,vonusà Bonwe à cet effet, furent traités avec sième veille, laissant à la garde de son camp un
toutes sortes d'égards et reçurent des présents. fort détachement, il conduit par le plus court
XLIV. On eut cette année pour dictateur P. Cor- chemin ses légions à son collègue, qui restait aussi
nelius, et pour général de la cavalerie, P. Décius dans l'inaction en présence d'un autre corps d'en-
Mucius. Ils tinrent les comices consulaires pour les- nemis. Là, par le conseil de Postumius, ntinucius
quels on les avait nommés, aucun des deux con- en vint aux mains avec les Samnites le com-
suls ne pouvant s'éloigner du théâtre de la guerre; bat s'étant prolongé, sans succès prononcé, bien
L. Postumius, Ti. Minucius furent créés consuls. avant dans le jour, le consul Postumius fondit
Pison place ces consuls après Q. Fabius et P. Dé- tout à coup avec ses légions toutes fraîches sur
cius, supprimant les deux années du consulat de l'armée ennemie déjà épuisée de lassitude. L'excès
Claudins et Volnmuius, et de Cornélius avec Mu- de la fatigue et leurs blessures les empêchant
cius on ne sait si c'est par oubli ) que dans la ré- même de fuir, ils furent exterminés; on prit
daction de ses annales, il a omis ces deux consulats, vingt et un étendards. Aussitôt on se reporla
ou si c'est à dessein, les croyant apocryphes. Cette sur te camp de Postumius. Là deux armées vic-
année, les Samnites firent des incursions dans la torieuses attaquant un ennemi déjà abattu par
plaine de Stclla, qui faisait partie du territoire la nouvelle qu'il venait de recevoir l'enfoiiceiit
campanien. C'est pourquoi les consuls partirent et la mettent en fuite; on prit vingt-six éten-
pour le Samuium, et se portèrent, Postumius sur dards, le général des Samnites Statius Gcllius et
Tifernum, Mmucius sur l3ovianum. Du côté de beaucoup d'autres prisonniers; on s'empara aussi
l'ostumius, on se battait d'abord à Tifernum. Les des deux camps. Bovianum, dont on commença
uns affirment que les Samnites furent vaincus, et le siège le lendemain, fut bientôt emporté; et la
qu'on leur l'nt vingt mille hommes; les autres gloire de tant de succès fut couronnée par le triom-
prétendent qu'on se sépara des deux côtés avec phe des deux consuls. Quelques historiens disent
un davantage egal; que Postumius, par une feinte que le consul Minncius, rapporté dans son camp,
défiance, marcha la nuit, et fit gagner secrète- grièvement blessé, mourut que M. Fuhius fut
tuent les montagnes à ses troupes; que les enne- nommé consul pour le remplacer, et que c'est
mis l'y ayant suivi, prirent position à deux milles lui qui, ayant reçu le commandement de l'ar-
de son camp, sur des hauteurs également forti- mée de Minucins, prit Bovianum. La mvme an-

bulco censore locala est, quam consul bello Samm.ium sedisse. Consul, utstilna tuta copiosaqtie (et ita erant )
vorerat, Au eodem collegaque ejus M.Valerio Maxims pelisse videretur, postquam et munimentis castra firma-
vrm per agros pulrlica impensa faclae. Lt cum Carlhagi- vit, et oillni apparatu t-ertim utilium instruxit; i-elicto
menslbuy eodem anno fadus tertio renotatum; lel1atl.- lin 1,0 præsidio, de vigilia tertia, qua duci prolime po-
que eormn qui ad îd ïenerant, comitfr munira nussa. test, expeditas legiones ad collegam et ipsuni adversus
XLIV. Dlclatorrm idem annus h iluiit P. (.orueliu n alios sedentem, ducit. Ihi, aucture Poslumio, Minucius
Scipiowon cum magstro equitnlll P. D, no )In, e. Ah lis, emii hostihus signa coiifert; et, quum anceps pr(eliuni ia
propter quu? cieili etnnt, comitia consularid hal1. qu a multum diei pi-oressisset, tum Postumius integris Icgio-
neiitcr consulum pottu'rat bdln alresse. Crcati con'.uh's nitus defessam jam arterii hovtium improviso invadit. Ita-
L. Postumms, Ti. Minucius, Hos consules Piso Q. Fal io que, quum lassitudo ac vulnera fngam qnojue prmpe-
et P. Decio supgent, hiennio expmpto, '1"0 C aurtiistn disseut, occulione occisi hostes, signa unllm et viginti
olumuiunulue,et Gonnelmmcum More o CI n,ules lactns capta asque inde ad caslra Postumii perrectum. Ibi duo
tradidimus. biemoriane fugent in anniihjns dyeremüw, vietores exercitus peiculMimtam fama hostemadorti fun-
an consulte) blOos consule5. falsos ratus, ininsceudeiït, dunt fugantque; signa militaria sei et viginti capta, et
mcertum est. Eodetu auno in Cdmpum Steildtem agri imperator Sainnitiiiiii Statius Gellius, multique a!ii mor-
Cantpaui Samnitium ineursiones farta?. Uaqtie amho con- tales, et castiautrayue capta. Et Bovianum, uld postero
sules, in Samniummissi. (Iuum diversas regioues,Tlfer- die cœplnlU oppugn.II'i, hl'evi capitur; magnaque gloria
Bum Postumius, A Imanum Minucius, petissent; Postu- rerum gestarum consules triumpharunt. Minucium cun-
nui prius ductu ad Tlfernum pngnalum. A il haud dubie sulem, cum vulnere gravi relatum in castra, mortuum,
mllite8 victos, ac igpnti millia huminum capla tradunt quidam 8uctores sunt, et Il. Fulvium in locum ejus cou-
alü Marte aequodiscestum,et Poslumium. meturn simul- sulem suflectum et ab eo, quum ad exercitum Minucii
ant<*m nodllrno itinere, clam in mon'es copias abduxissc m'ssus esset, Boviiiatiin capium. Eodem anno Sora, Ar-
buttes ttcuto'duo mi'lliI ¡uùe I( cis 1111I1IIlis ,'IIP'O' WH tiumu, Ccusennia, rrceyta ab SmnmtUus. Il reuls
née, Sora, Arpinum, Censennia, furent repris passé aux ennemis. Depuis que les féciaux, après
sur les Samniles. On plaça au Capitole une statue le traité conclu à Rome avec les Saiiiiiites, étaient
colossale d'Hercule et on en fit la dédicace. allés leur demander satisfaçtion ils disaient
XLV. Sous le consulat de P. Sulpicius Saverrio « qu'on leur tendait un piège, afin que la craiule
et de P. Sempronius Sophus, les Sanmitcs, soit de la guerre les fît consentir à devenir Romains,
pour mettre fia à la guerre, soit seulcmcnt pour que les Herniques avaient fait voir combien ce
gagner du temps, envoyèrent à Rome des dépu- titre était désirable, puisque ceux à qui la li-
tés demander la paix. Malgré le Ion suppliaut berté en avait été laissée avaient préféré leurs
qu'ils avaient pris, on leur répondit que si les lois au droit de cité romaine et que ceux qui n'a-
Samuites n'avaient pas souvent demandé la paix vaient pu choisir ce qu'ils voulaient regarde-
au moment même où ils se préparaient à la guerre, raient toujours comme un châtiment un titre im-
on eût pu, en discutant de part et d'autres les posé par la force. » Ces propos insultants, jetés
conditions, parvenir à un arrangement; mais que publiquement dans leurs assemblées, déterminè-
les promesses ayant été trompeuses jusqu'ici, on ne rent le peuple romain à déclarer la guerre aux
pouvait plus s'en rapporter qu'à des faits. Le con- Èques. Les deux consuls, partis pour cette nou-
sul Scmpronius allait être bientôt avec son armée velle guerre, se postèrent à quatre milles de leur
dans le Samnium; on ne pourrait le tromper sur camp. L'armée des Èques, qui depuis un grand
les dispositions des esprits, soit à la paix, soit à la nombre d'années n'avaient pas fait la guerre en
guerre il instruirait le sénat de tout ce qu'il au- leur propre nom, avait l'air d'une armée levée
rait reconnu par lui-même; ils pourraient suivre à la bâte, sans chef, sans subordiuation, livrée à
le consul, lorsque celui-ci quitterait le Samnium. e la confusion et au désordre. Les uns veulent que
Cette année l'armée romaine, en traversant le l'on marche au combat, les autres qu'on défende
Samnium, ayant trouvé partout des dispositions le camp la plupart pensent à leurs terres qui
pacifiqueset un grand empressement à lui fournir vont être dévastées, et à Icurs v illes où ils u'out
des vivres, on renouvela l'ancien traité avec les laissé que de faibles garnisons, et dont la ruine est
Samnites. Les armes romaines se tournèrent en- certaine. Aussi, lorsque parmi uu grand nombre
suite contre les Èques, anciens ennemis de Rome, d'avis, il en fut proposé un qui, sacrifiant l'iiilé-
mais qui étaient restés dans l'inaction pendant rêt commun, tournait tous les esprits vers l'intérêt
bien des années, sous les apparences d'une paix particulier, et qui consistait à sortir du camp à la
trompeuse. Ils n'avaient cessé, tant que les Her- première veille, chacun de son côté, pour tout
niques avaient conservé leur indépendance, d'en- transporter dans les villes et s'y défendre derrière
voyer, de concert avec eux, des secours aux Sam- les remparts, tous y consentirent avec un vif em-
nites et, après la réduction des Herniques, la pressement. l'eudant que les ennemis se disper-
nation presque tout entière, sans chercheur à ca- saient dans les campagnes, les Romains sortent
cher une résolution prise ouvertement, avait de leur camp au point du jour et se forment

magnum simulacrum in Capitolio positum dedicatumyue. « teutatouem aiebant esse, ut, terrore meusso belli, Ro-
XLV. P. Sulpicio SdvelTione, P. Stmprouo o Soptio manos ee fieii paterentur; quud quautopere optauduw
cousuilhus, Samuites, seu fiuem. seu d¡I"llUllem belli loret, lleruicos docuiàse quum, ymlma licuerit, suas
quaerentes, Icgatos de pace Romam misère. Quibus sup- leges Runaine civitali præoptaverut; quibus legoudi,
pliciter agentil)us reaponsum est, niai saepe belium pa- quid maillent, copia non fueril pro 1)(tiia necesbartam
rantes pacem petissent Sammtes, oratioue ultro curoque cmtatem fore..Ob bxc vulgo in cuuohis Jactata, po-
habita, de pace transigi potuisse uunc quaudo vcrha pulus Homanut bellum fieri Ajqms jussit ceuaulesyue
vana ad id locorum fucrint, rehus slandum esse. P. Sem- ambs,ad novum profecti belluin quaiuor milita a castrts
pronium consulem cum exercitu brevi in Samnio fore; hostmm consederunt. ^quorum exercitus ( ut qui suo
cum, ad bellum pacemne inclmnt animi falli non posse iioiiiine per multos annos uubellea egissenttumultuario
comperta omniasenatui relalurum decedentem ex Sam- siiuilis, sine ducibus certis, siue imperto, trepidare. Aln
mo consulem legati sequerentur.» Eo anuo quurn paca- exeundum in aciem, alii castra tueuda ccuseut movet
tum Samuium exercitus Romanus,benigne præbito com- plerosque vas,ativ futura agrorum ac deiuceps cum le-
meatu peragrasset, fœdus antiquum Samnitibus reddi- vibus pra!sidits urbrum reltctarum exc dra. Itaque, post-
tum. Ad Æquos inde veteres hostes, ceterum per multos quam inter mullas senteutias una, qus, oiuissa cura
annos sub specie infidæ pacis quietos, versa arma ro- commumum ad respectum suarum yucmque rerum ver-
mana quod incolumi liernico nomine, missitaverant tisset, auditd; ut prima vigilia dnero e castris ad d(poi--
simul cum lis Samniti auxilia; et, post Hernicos sub- tanda Otnuia tuendaque mmnibus in urbes abireut; cuncil
actos, universa prope gens, sine dissimnlatione consilis eum senteultain iogenti assensu accepere. Palatis liosli-
publici, ad hottes desciverat et postquam, icto Romæ bus per agros, prima luce Rumam, signis prolais, iu
cum Satunitilaus faedere, fetiales vénérant res repetitum, atie consistunt, et, uLi memo oblius ibat, pleno gradu
en bataille et, comme personne ne s'avançait à Licinius Macer soutient qu'il avait renoncé quel-
leur rencontre, ils marchent à grands pas au camp que temps auparavant à cette profession, et il se
des enoemis; mais là ne voyant point de postes fonde sur ce que Flavius avait été tribun aupara-
en avant des portes, pas un homme le long des re- vant, et nommé à deux triumvirats, le triumvi-
tranchements, et n'entendant point le bruit con- rat nocturneet celui des colonies. Au reste ( et les
fus ordinaire dans les camps, étonnés de ce silence opinions ne sont pas partagées sur ce point) il dis-
inaccoutumé, ils s'arrêtent dans la crainte d'une puta toujours de hauteur avec les nobles qui mé-
embuscade. Ayant ensuite franchi les palissades et prisaient sa basse extraction. Il divulgua les for-
trouvé tout abandonné, ils se mettent sur les tra- mules de jurisprudence, jusque-là tenues en ré-
ces des ennemis; mais, comme ceux-ci s'étaient serve, comme au fond d'un sanctuaire, entre les
dispersés par mille chemins différents, ces traces, mains des pontifes; et il fit placer autour du fo-
qui portaient dans toutes les directions, trom- rum le tableau des fastes, afin que l'on sût quand
pèrent d'abord les Romains. Ils apprirent bientôt il était permis de plaider; il dédia à la Concorde
de leurs éclaireurs le parti qu'avaient pris les en- un temple élevé sur l'emplacement de celui de
nemis, et alors, portant successivement la guerre Vulcain ce qui excita au plus haut point le cour-
d'une ville à l'autre, ils prirent, dans l'espace de roux des nobles; et le souverain pontife Corné-
cinquantejours, quarante et une places, dont la lius Barbatus se vit forcé, par une décision una-
plupart furent rasées et incendiées, de telle sorte nime du peuple, de lui dicter les formules sacrées,
que le nom des Èques fut presque entièrementaboli. bien qu'il protestât que, d'après lesanciennes cou-
On triompha des Eques et leurs désastres furent tumes, il n'appartenaitqu'à un consul ou à un géné-
un exemple pour les Marruciniens, les Marses, ral de faire la dédicace d'un temple. C'est par cette
les Péligniens, les habitants de Frentum, qui en- raison que, d'après l'autorité du sénat, une loi fut
voyèrent à Rome des députés pour demanderpaix portée que personne ne pourrait faire la dédicace
et amitié. On accorda à ces peuples l'alliance d'un temple ou d'un autel sans l'ordre du sénat
qu'ils sollicitaient. ou de la plus grande partie des tribuns du peuple.
XLVI. La même année, le greffier Cn. Flavius, Je vais rapporter une chose peu intéressante par
fils de Cnéius, petit-fils d'affranchi, né dans une elle-même, si elle ne montrait la fierté que les
humble fortune, du reste plein de finesse et par- lilébéieos opposaient à l'orgueil des nobles. Fla-
lant avec facilité, parvint à l'édilité curule. Je vius étant allé visiter son collègue, qui était ma-
trouve dans quelques annales, que, comme il ser- lade, une troupe de jeunes gens se donna le mot
vait d'appariteur aux édiles, voyant que la pre- pour que personne ne se levât au moment où Fla-
mière tribu le nommait édile et qu'on ne voulait vius entra celui-ci fit apporter sa chaise curule,
point recevoir son nom à cause de sa profession et, du siège de sa dignité, il contempla l'embarras
de sci ibe, il déposa ses tablettes de greffier et af- et le dépit de ses ennemis. Au reste, Flavius avait
firma par serment que jamais il ne les reprendrait. été nommé édile par la faction du forum forti-

ad castra hostium tendunt. Ceterum, postquam ibi neque ceret tabulam posuisse, et jurase se scriptum noo fac-
stationes pro porlis nec quemquam in vallo, nec fremi- turum. Quem aliquanto ante desisse scriptum facere ar-
tum consuetum castrorum auimadverterunt, insolito si- guit Macer Licinius, tribunati ante gesio triumviraii-
lentio moti, melu iasidiartun suhsistunt. Transgressi busque uocturon altero altero coloniaæ deduccudæ.
deinde vallum, quum deserla omuia invonissent, pergunt Ceterum (id quod baud discrepail contumacia adversus
hostem vesligtis sequi; sed vesligia, in oinnes æque fe- coutemnentes humilitatem suam nobiles certavit; civile
rentia partes, ut in dilapsis passim, primo errorem fa- jus, repositum in penetralibus pontificum, evulgavit,
ciebant; post, per eyploralores compertis hoslium con- fastosquecirca furum in albu proposuit ut quaudo lege
sihis, ad singulas urbes circumferendo hello, unum et agi posset, sciretur ædem Coucordiæ in area Vulcani
quadraginta oppida intra dies quinquaginta omuia oppu- summa invidia noldlium dedicavit; coactusque cousensu
guaodo ceperunt, quorum pleraque d,ruta atque in- populi Cornelius Barbatus poulifex maximus verba præ-
censa, nomenque Æquorum prope ad internecionem de- ire, quum more majorum negaret, uisi consulem aut
h'tum. De Æquis triumphatum;exemploque eorurn clades imperatorem, posse templum dedicare. Itaque ex aucto-
fuit, ut Marruciui, Marsi, Peligoi, Frentani mitièrent ritate senatus latum ad populum est, ne quis templum
Romam oratnres pacis pelendæ amicitixque. lis populis aramve injussu senatus aut tribtinurum plebei partis ma-
fædus petenbus datum. joris dedicaret. Ifaud memorabilem rem per te, nisi do-
XLVI. Eodem anuo Cn. Flavius Cn. filias scriba, pa- cumenlum sit adversus auperbiam nobilium plebeie li-
tre liberliuo, bumili fortuua ortus, celerum callijus vir bertatis, référam. Ad collegam agrum visendi causa
et facundus, srdtlis curulis fuit. Inveuio in quibusdam Flavius quum venisset, consesuque nobilium adulescen-
aunalibus, quum appareret æddibus, fierique se pro tribu tium, qui ibi assidebant, assurrectumei non esset, en-
ædlem videret, ueque accipi nomen, quia scriptum fa- rulem afferri ullam eo jussit ac sede hoooru sui anxios
fiée sous la censure d'A ppius lequel avait le pre- Cet état de choses dura jusqu'à la censure de
mier dégradé le sénat eu y introduisantdes petits- P. Décius et de Q. Fabius, lequel voulant rétablir
fils d'affranchis. Comme personne ne tint compte la concorde, et empêcher que les comices ne
de ces choix, Appius, privé du crédit qu'il s'était fussent dans la main de la plus basse populace,
flatte d'acquérir dans le sénat, corrompit le fo- écuma toute cette lie du forum et la jeta dans
rum et le champ-de-mars, en répandant le menu quatre tribus qu'il appela les tribus de la ville.
peuple dans toutes les tribus; et les comices où Cette sage opération, ainsi qu'on le rapporte, fut
fut nommé Flavius excitèrent tant d'indignation, reçue avec une si vive reconnaissance, que le sur-
que la plupart des nobles quittèrent leurs anneaux nom de Maximus, que tant de victoires n'avaient
d'or et leurs colliers. Depuis ce moment Rome fut pu lui acquérir, fut le prix de cet heureux réta-
divisée en deux partis l'un, composé des honnê- blissement de l'équilibre entre les ordres. Ou dit
les gens, attaché aux bons citoyens et voulant les qu'il établit aussi, en faveur des chevaliers, la
porter aux places; l'autre, de la faction du forum. fête équestre des ides de juillet.

invidia laimicos spectavit. Ceterum Flavium dilerat ædi- populus, fautor et cultor bonorum, aliud forensis facile
lem forensis factiu, Ap. Caudii Censura vires nacta, qui teuebat; donec Q. Fabius et P. Decius censores facti s et
senatum primus liberliuorum fillis lectis inquinaverat. Et Fabius, simul concordiæ causa, simul ne humillimorum
postquam eam lectionem nemo ratam habuit, nec in Curia in manu comilia estent, omnem forensem turbam eicn-
adeptus erat, quas petierat, opes urbanas; humilibus per tam in quatuortribusconjecit,urbanasque eas appellavit.
omnes tribus divisis, forum et campum corrupit tan- Adeoque eam rem accepiam gratis anknis ferunt, ut
tumque Flavii comitia indignitatis habuerunt, ut pleri- Maiimi cognomen, quod tot victoriis non pepererat, hae
que nobilium annulos aureos et phaleras deponere8t.El ordinum temperatione pareret. Ab eodem iustitutum di-
co tempore in duas partes discessit civitas. Aliud integer citur, ut equites Idibus Quintilibus trunsvcherentur.
LIVIIE DIXIÈME.

SOMMAIRE. Envoi de colonies à Sora à Albe et à Carséoles. Augmentation du collége des Augures, dont les
membres sont portés à neuf, de quatre qu'ils étaient auparavant.-Loi de l'appel au peuple, portée alors pour
la troisième fois par le consul Vilérius. Deux tribus sont ajoutées aux autres, l'Aniensis et la Térentinc La
guerre est déclarée aux Samnites, contre lesquels on combat avec succès en beaucoup de rencontres. Diverses
expéditions des généraux P. Décius et Q. Fabius contre les Étrusques, les Ombriens, les Samnites et les Gaulois.
Extrême danger que court l'armée romaine. P. Decius, à l'exemple de son père, se dévoue pour l'armée.
et, par sa mort, assure dans ce combat la victoire au peupie romain. Papirius Cursor met en déroute une armee
samnite, qui obligée par sermeut aux plus grands efforts de courage, lui avait présenté la bataille. — Denombre-
ment des citoyens et clôture du lustre. Le nombre des citoyens est fixé à deux cent soixante-deux mille trois
cent vingt-denx.

I. Sous le consulat de L. Génucius et de seurité fut cause que nous eûmes beaucoup de
Ser. Cornélius, il y eut à peu près cessationd'hos- soldats blessés, surtout à coups de pierres. Enfin,
tilités. On conduisit des colonies à Sora et à Albe. lorsqu'on eut découvert l'autre issue de la ca-
Six mille colons furent inscrits pour Albe, dans le verue (car il y en avait deux), on entassa du bois
pays des Èques. Sora appartenait au territoire des aux deux ouvertures et on y mit le feu. Envi-
Volsques, mais les Samnites s'en étaient emparés; ron deux mille hommes qui s'y trouvaient enfer-
on y envoya quatre mille hommes. La même an- més furent étouffés par la fumée et la clialeur,
née, les Arpiuates et les Trébulans reçurent le ou périrent dans les Oammes où ils avaient fini
droit de cilé. Les Frusinates, convaincus d'avoir par se précipiter, en cherchant à s'évader. Sous
cherché à soulever les Herniques, furent conaam- ies consuls Marcus Livius Denter et Marcus Émi-
nés à perdre le tiers de leur territoire; les con- lius, la guerre des Èques recommença. Ne pou-
suls firent une enquête en vertu d'un sénatus- vant se résigner à voir une colonie établie sur
consulte, et les chefs de cette conjuration furent leurs frontières comme une forteresse mena-
battus de verges et frappés de la hache. Cepen- çante, ils vinrent l'attaquer avec une extrême
dant puur que cette année ne s'écoulât point vivacité, et ilsfurent repoussés par les colons eux-
sans guerre une expédition sans importance mêmes. Au reste, il était si peu croyable, qu'af-
eut lieu en Ombrie, sur la nouvelle que des bri- faiblis comme ils étaient, les Èques seuls se fus-
gands armés faisaient, du fond d'une caverne sent portés d'eux-mêmes à la guerre qu'ils
des excursions dans les campagnes. On pénétra causèrent une grande terreur à Home, et qu'on
dans cette caverne, enseignes en tête; mais l'ob- nomma à l'occasion de ce tumulte un dictateur,

LIBER DECIMUS. ex speluncaquadam excursiones armatortimin agros fieri.


In eam speluncam penetratum cum signis est; et ex eo
1. L. Genucio, Sur. Cornelio consnlibus, ab externis loro obscuro multa vulnera accepta maximeque lapidum
ferme hellis otium fuit. Soram atque Albam colouix de- ictu; donec altera specus ejus ore ( nam pervius erat) in-
ductæ. Albam in Æquos sex millia colonorum scripta. vento, utræque fauces congestis lignis accensæ ita intus
Eo quatuor millia hominum niissa. Eodem auno Arpiua- fumo ac vapore ad duo millia armatorum, ruentia no-
tibus Trebulanisque civilas data. Frasinates tertia parte vissimeinipsas tlammas, dum evadere lendunt, absum-
agri damuati quod Hernicos ab iis sollicitatos comper- pta. Marcis Livio Dentre et Aimilio consulibus, redinte-
ttim capitaque conjurationis ejus, quæstione ab consu- gratum Æquicurn bellum. Coloniam ægre patientes
libus ex senatusconsulto babita, virgis cæsi ac securi velut arcem suis finibus impositam summa vi expupnare
peroussi. Tamen, ne prorsus imbellem agerent annum, adorli. ab ipsi, colonis pelluntur. Ceterumtantum Romæ
parva expcditlo in Umbria facta est; quod nuutiabatur, terroi em fecere. quia VIX credibile eral, tam affeclis re-
C. Junius Bubulcus, 11mit en campagne avec
se où ils avaient vu entrer des vaisseaux comme dans
Titinins, général de la cavalerie, dompta les Èques une rade sûre. Cléonyme ordonna de diriger la
dès la première rencontre, rentra triomphant flotte de ce côté et de remonter le fleuve. Le lit du
dans Itome au bout de huit jours, et y fit, comme fleuve n'était point assez profond pour les plus
dictateur, la dedicace du temple de la déesse gros navires on flt passer sur les petits bâtiments
Salus, qu'il avait voué étant consul, et com- une foule de soldats qui gagnèrent des campagnes
mencé étant censeur. fort peuplées, où les Padouans avaient trois
II. La même année, une flotte grecque, com- bourgs qui bordaient la côte. Là ayant pris terre
mandée par le Lacédémonien Cléonyme aborda et n'ayant laissé qu'un petit nombre d'entre eux
sur les côtes de l'Italie, et prit la ville de Thu- pour garder les navires, les Grecs s'emparentdes
ries dans le pays des Sallentins. Le consul Émi- bourgs, y mettent le feu, enlèvent beaucoup
lius envoyé contre cet ennemi, lui livra bataille d'hommes et de troupeaux, et, enrtaînés par l'ah-
et le repoussa dans ses vaisseaux. Thuries fut pât du pillage s'éloignent de plus en plus de
rendu à ses anciens possesseurs, et la paix assurée leurs b.iliments. A cette nouvelle, les habitants
au pays Sallentin. Je trouve, dans quelques anua- de Padoue, que le voisinage des Gaulois tenait
les, que ce fut le dictateur Junius Bubuleus qu'on continuellement en armes, partagent leurs jeu-
envoya au secours des Sallentins, et que Cléo- nes guerriers en deux corps. L'un se porte du
nyme, prévenant l'arrivée des Romains, quitta côté où l'on avait vu l'ennemi dispersé pour le
l'Italie. Il doubla le cap de Brindes et fut porté pil lage l'autre, de crainte de rencontrer en che-
par les vents au milieu de la mer Adriatique. min quelque troupe de ces brigands, prend une
Alors, redoutant sur sa gauche les côtes sans autre roule, et se dirige vers l'endroit où avaient
ports de l'Italie, sur sa droite, les Illyrieus, les été laissés les navires (c'était à quatorze milles de
Liburniens et les Istriens, nations sauvages, fa- la ville ). Ils tuent les gardes et se précipitent sur
meuses surtout pour leurs brigandages mariti- les petits bâtiments les matelots effrayés sont
mes, il s'avança jusqu'au fond du golfe, vers forcés de naviguer vers l'autre rive du fleuve. Sur
la côte des Véuùtes. Là, ayant fait débarquor terre on avait combattu avec autant de succès con-
quelques-uns des siens pour reconnaître les lieux, tre les maraudeurs. Dispersés d.ms la campagne,
il apprit que le rivage n'était qu'une étroite lan- quand les Grecs veulent regagner leurs vaisseaux,
gue de terre; qu'après l'avoir dépassée, on trou- ils rencontrent les Vénètes qui s'opposent à leur
vait par derrière des lagunes baignées par leseaux passage; ils sont enveloppés de toutes parts et
do la mer; qu'à peu de distance on apercevait la taillés en pièces. On apprit des prisonniers que
terre, offrant d'abord une plaine unie, puis des la flotte et le roi Cléonyrne étaient à trois milles
collincs qu'ensuite on trouvait l'enibouchure de là. Laissant aussitôt leurs prisonniers en garde
d'uu fleuve très-profond (c'était le Méduacus), dans le bourg le plus voisin, les habitants de Pa-

bus solos per se Æquos ad bellum coortos, ut lumultus pestres cerm; ulteriora colles; mde esse ostmm flum-
ejus causa dict itor dicereturC. Junius Bubulcus. Il. cum nis præalti, quo crrcumagi naves in stationem lutam vi-
M. Titinio magistro equitum profectus, primo congressu disse (Mednaeusamnis erat ) eo invectam classem suhire
Æquos subegit, ac, die octavo triumphans in urbem tinmine adverso jussit. Gravissimas navium non pertulit
quum redisset, ædem Salutis, quam consul voverat, cen- alveus fluminis; in leviora navigia trausgressa multiudo
sor locaverat, dictator dedicavit. armatorum ad fréquentes agros, tribus maritimis Patavi-
Il. Eodem auno classis Graecorum, Cleonymo duce norum vicis colentibus eam oram, pervenit. Ibi egressi,
Lacedæmonio, ad Italiæ litora apulsa, l'hurias urbem levi praesidio navibus relicto, vicos expugnant, inflam-
in Sallentmis cepit. Adversus hune hostem consul Æmi- mant teeta, hominom pecudumque prædas agunt, et
lius nussus prœho uuo fugatum compulit in uaves. Thu- dulcedine prxdandi longius usque a uavibus proccdunt.
riæ redditæ veteri cultori; Sallentinoque agro pax parta. Hæc ubi Patavium suut nuntiata ( semper autem eos in
Junmm Bubulcum dictatorem missum in Sallentinos, in armis accolx Galh habebant ) in duas partes juventutem
quibusdam annaltbus invenio et Cleonynmm prius, dividunt. Altera in regionem, qua eflusa populatio nun-
quam confligendumesset cum Romanis, Italia excessisse. tiabatur; altera, ne cui prædonum obvia fleret, altero
Ctrcumvectus inde Brundrsi promontormm, medioque itinere ad stationem navium ( millia autem quatuordecim
sinu Iladrraticoventislatus,quum lwva importuosa Italiæ ab oppido aberat) ducta. In naves parvas, curtodibus
litora, dextra Illyrii Liburniqueet Istri gentes feræ, et iuteremptis, impetus factus; territique nautæ coguntur
magna ex parte lalrocinits maritimis infâmes, terrerent, naves in altcram ripam amnis transjcere. Et m terra pro-
pemtus ad litora Venetorum persemt. Ihi expositis pau- sperum a;que in patatos prædatores prœlium fuerat re-
cis, qui loca eaplorarent,quumaudisset, tenue prætentum fugientibusqiie ad stalionem Gracis Veneli obsistunt. lia
htus esse; quod transgressis stafina ah lerfio suit irrigua in medio circumventi hostes cæsique; pars caph classem
sestibus maritimis: agros haud procul oroximos cam- indicant regemque Cleoymum trio millia abesse. luue
doue montent, les uns, des barques de rivière tres- M. Valérius Maximus, qui prit pour général de la
propres, à cause de leur fond plat, a traverserdes cavalerie M. Emilms Paalus, et non, comme on
lagunes; les autres, les légers bâtiments qu'un l'a dit avec moins de probabilité, Q. Fabius, le-
avait pris; puis, se dirigeant vers la flotte, ils quel ne pouvait guère, à son âge, et après avoir
entourent les vaisseaux qui restaient immobiles été élevé à de si grands honneurs, passer sons les
et craignaient, plus que l'ennemi, des lieux qu'ils ordres de Valérius. Au surplus, il n'est pas im.
ne connaissaient pas. Plus empressés de gagner le possible, selon moi, que l'erreur soit venue du
large que d'opposer de la résistance, ces vaisseaux surnom de Marirnus. Le dictateur s'étant mis en
sont poursuivis jusqu'à l'embouchure du fleuve, route à la tête d'une armée, n'eut besoin que
et les vainqueurs s'en reviennent après en avoir d'un combat pour dissiper les Marses; puis les
pris ou brûlé quelqiies-uns, que la précipitation ayant fonces à se renfermer dans leurs places, il
avait jetés dans les bas-fonds. Cléunyme se retira, leur prit en peu de jours Milionia Plestina, F ré-
emmenant à peine la cinquième partie de sa flotte, silia. Il se conlenta de les punir par la confiscation
et n'ayant éprouvé que des revers sur tous les d'une partie de leurs terres et leur rendit l'al-
points du littoral de la mer Adriallque où il avait liance romaine. Alors on porta la guerre en Étru-
tenté de débarquer. Les éperons des vaisseaux et les rie. Pendant l'absence du dictateur, revenu à
dépouilles enlevées aux Lacédémoniens restèrent Rome pour y prendre de nouveau les auspices,
longtemps dans un vieux temple de Junon, où ils le général, sorti pour fourrageur, tomba dans une
ont été vus de beaucoup de personnels qui vivent embuscade et se vit enveloppé de tous côtés. Il
encore. A Padoue. on célèbre tous les ans l'aniii- perdit quelques enseignes, et, après un massacre
versaire de ce combat naval, par une joute solen- et une déroute épouvantables de ses soldats, il rut
nelle des navires, sur le fleuvc qui traverse la ville. repoussé jusque dans sou camp. Cette défaite ne
III. Cette même année on conclut a Rome, sur saurait être attribuée à Fabius, non-seulement à
leur demande, un traité avec les Vestins. Il ar- cause de ses talents militaires, qui lui valurent
riva ensuite de différents côtés des nouvelles alar- surtout son glorieux surnom; mais encore parce
mantes. On annonçait que l'Étrurie allait se ré- que, se rappelant la sévérité de Papirius, jamais il
volter, le mouvement ayant commencé par des n'eût pu être amené à combattre sans l'ordre du
troubles à Arrétium, où l'on avait pris les armes dictateur.
pour chasser les Cilnius, famille très-puissante, IV. Ce revers, qu'on s'exagéra à Itome, jeta la
dont les grandes ricliesses étaient un sujet d'envie. ville dans la terreur et, comme si l'armée eût
Ou disait aussi que les Marses, décidés à résister, été détruite, le juslitium fut proclamé; des pos-
défendraient le territoire de Carséolis, où l'on avait tes de sûreté furent placés aux portes, des dé-
conduit une colonie de quatre mille hommes. Ces tachemeuts parcoururent les divers quartiers, et
mouvements furent cause qu'on nomma dictateur l'on porla sur les remparts des armes de toute es-

captivis proximo vico in rustodiam datis, pars fluvialilesdictas M. Valerius Alavimus dictalor, magistrum equi-
naves, ad superanda vada stagnorum apte planis alveis tum subi legit M. Æmilium Paullum. Id magis credo,
fabricatas pars captiva navigia armatis comptent pro- quam Q. Fabium ea ætate alque iis honoribus Valerio
fêdtique ad classem, immobiles itaves et loca igncta p'us,
subjecum. Ceterum ex Maximi cognomine ortum errn-
yuam hostem, timentes circumvadunt fugientesque in rem haud ahnuerim. Profectus dictator cum exerciln
allum acrius, qum repugnantes, usque ad ostium am- prmlio uno Marsos fundit. Compulsis deinde in urhes me-
ms persecuti, captis qubusdam inceusisque navibus u tas, Milioniam, Plestinam Fresiliam intra dies pau-
hostium, quas trep,datio in vada intulerat, victures rever-
cus cepit et parte agri multatis Marsis fœdus restituit.
tuutar. Cleuuymua, vix qum a parte navium iucutumi. Tum in Elrascos versum bellum et, quum dictatur au-
uulla regione maris Hadrnaici prospère atlita discessit. spicmrum repeteodorum causa profectus Romam esset,
Rostra navium spoliaque Laconum, iu xde Juuonis ve- magister equitum, pabnlatum egressus, ex insid is rir-
teri fixa, mul:, supersuut, qui videruut l'alavil. Monu- cumvenitur; signisque aliquot amissis, fœda mililiim
mentum navalis pugn:e eo die, quod puguatum est, quot- cxde ac fuga in castra est compulsus. Qui terror non eo
aums solenni certamme naviuip in flumiue oppldl medio tantum a Fobio abhorret,quod si Qua alia arte cognomen
evercetur. suum æquavit tum maxime bellicis laudibus sed etiam,
lit. Eudem anno Romre cum Vestiuis, petentibus ami- quod, memor Papirianæsæviliæ, nunquam ut dictatoris
cittam. ictum est fœdus. Multiplex demde exortns terror. injussu diunicaret, adduci potuisset.
Etruriam rebellare, ab Arretiuorum seditionibus motu IV. Nuntiata ea cladesRomam majorem, quam res er.it,
orto, nuatiabatur; ubi Ciluium genus proepotens, divi- terrorem excivil. Nam, ut exercitu deleto, ita juslitium
fiaruni invidia pelli armia cœptum simul Marsos agrum indictum; custodiæ in portis, vigiliæ vicatim exactæ;
vi tueri, in quem colonia Carseoli deducta erat, quatuor arma tela in muros congesta. Omnibus junioribus sa-
rmlibus hominum scriptis. Itaque proptcr eos tumultos çrathento adactis, dictator, ad exereitum inissus, omnis
pèec. On enrôla tout ce qui était en âge de porter Ceux-ci lui rapportent qu'en effet leur accent,
les armes, et le dictateur repartit pour l'armée. Il leur tournure et leur air n'annoncent pas de sim-
y trouva tout plus tranquille qu'il ne s'y atten- ples bergers. » Allez donc, reprit-il, dites-leur
dait, l'ordre rétabli par les soins du général de la que c'est peine inutile de masquer leurs embû-
cavalerie, le camp transporte en un lieu plus sûr, ches que le Romain sait tout, et que désormais
les cohortes qui avaient perdu leurs enseignes, il n'est pas plus possible de le surprendre par la
laissées, sans tentes, en dehors des palissades; les ruse, que de le vaincre par les armes. n Ces mots
troupes impatientes de combattre afin d'effacer n'eurent pas été plutôt entendus et répétés à ceux
la honte de leur défaite. 11 se porta en avant, et qui se tenaient cachés, que, sortant brusquement
alla camper sur le territoire de Russelles, où les de leurs retraites, ils vinrent se déployer dans
ennemis le suivirent. Leurs premiers succès leur une plaine ouverte de toutes parts. Le lieute-
avaient donné la plus grande confiance, même naut ne jugeant pas son détachement assez fort
pour une bataille en rase campague, toutefois pour résister à tant de troupes, envoie promp-
ayant fait un heureux essai de la ruse ils voulu- tement demander des renforts au dictateur; en
rent y recourir encore. Les débris d'une bour- attendant, il tient tête à l'ennemi.
gade incendiée dans la dévastation du pays, se V. A cette nouvelle, le dictateur commande do
trouvaient à peu de distance du camp des Ro- lever les enseignes, de se préparer au combat et
mains. Un corps de troupes se cache dans ces de se mettre en marche; mais ses ordres étaient
ruines, et l'on chasse des troupeaux en avant, en quelque sorte prévenus. Sur-le-champ on arra-
sous les yeux d'un détachement de troupes ro- che les étendards et l'on court aux armes; à peine
maines, commandé par le lieutenant Cn. Fulvius. les soldats pouvaient-ils maîtriser l'ardeur qui
Aucun des Romains ne se laissant prendre à cette les emportait, animés qu'ils étaient par la colère
arnorce et ne s'écartant de son poste, l'un des de leur récente défaite, et par les cris de leurs ca-
bergers s'avance jusqu'au pied même des palis- marades, plus retentissants à mesure que le com-
sades, et crie aux autres qui hésitaient à s'écar- bat s'échauffait. Ils se pressent donc les uns les
ter des masures avec leurs troupeaux « Que autres, et exhortent les porte-enseignes à doubler
craignez-vous? vous pourriez traverser en toute le pas. Plus le dictateur les voit se bâter plus il
sûreté le camp romain. » Ces paroles expliquées prend soin de ralentir leur marche, et leur dé-
au lieutenant par quelques Cérites, ayant excité fend de la précipiter. Les Étrusques, au contraire,
une vive indignation dans tous les manipules, sortis dès le commencement du combat, étaient là
sans toutefois que personne osât remuer, n'en avec toutes leurs forces. Il arrive au dictateur
ayant pas reçu l'ordre, le lieutenant ordonne aux courrier sur courrier, pour lui annoncer que tou-
hommesqui savaient la langue des ennemis d'ob- tes les légions des Étrusques ont pris part au com-
server si le langage de ces pâtres n'était pas plu- bat, et qu'il est impossibleaux siens de tenir plus
tôt celui de la ville que celui de la campagne. longtemps lui-même voit du haut d'une émi-

spe tranquilliora et composita magistri equitum cura, oum linguæ, et corporum habitum et nitorem, cultio-
castra in tutiorem locum redacta, cohortes, quæ signa ra, quam pastoralla, esse; «Ite igitur, dicite, inqnit,
amiserant, extra vallum sine teutoriis deatitutas invenit; detegant nequicquam conditas insidias omnia scire Rn-
exercitum avidum pugnae, quo maturius ignominia abo- manum nec magis jam dolo capi, quam armis viuci,
leretur. Itaque confestim castra inde in agrum Rusella- posse. » Hæc ubiaudita sunt, et ad eos, qui coosederant
uum promovit. Eo et hostes secuti et quauquam ex bene in insidiis perlata, cousurrectum repeute ex latebris est,
gcsta re summum et in aperto certamine virium spem ha- et in patentem ad conspectum undique campum prolata
hebdut; tamen insidiis quoque quas feliciter experti signa. Visa legato major acies, quam quæ ab suo pra'si-
erant, hostem tentant. Tccta semiruta vici, per vastatio- dio sustineri posset. Itaque propere ad dictatorem auxi-
nem agrorum deusti, haud procul castris Romanorum lia accitum mittit; interea ipse impetus bostium sustinet.
aberant. Ibi abditis armalis, pecus in conspectu præsidii V. Nuntio allato, dictatorsigna ferri, ac sequi armatos
romani cui præerat Cn. Fulvius legatus, propulsum. Ad jubct; sed celcriora prope omnia imperio erant. Rapta
qunm illeceliram quum moveretur nemo ab romana sta- extempla signa armaque; et vix ab impetu et cursu tene-
tione, pastorum unus progressus sub ipsas munitiooes, bantur; quum ira ab accepta nuper clade stimulabat,tum
inclamat alios, cunctanter ab ruiuis vici pecus propel- concitatior accidens clamor ab increscente certamine.
leutes, quid cessareut, qumn per média castra romana Urgent itaque alii alios, hortanturque signiferos, ut ocins
tuto agere possent? Hæc quum legato Cærites quidam in- eant. Quo magis festinantes videt dictator, eo impensius
terpretarentur,et per omnes manipulos militum indigna- relentat agmen ac sensim incedere jubet. Etrusci con-
tio ingens esset, nec tamen iojussu movere auderent; ju- tra priucipio excili pugnæ, omnibus copiis aderant. El
bei peritos linguæ attendere animum, pastorum sermo super alios alii nuntiant dictatori, omnes leginnes Etrus-
agresti, an urhano, propior sesvt Qnum referrent, so- corum capesstsse pugnam nec jam ab suis resisti posse;
uence le danger pressant où se trouve le détache- jettent leurs armes pour la plupart et s'échap-
ment. Mais, persuadé que son lieutenant peut te- pent par cette issue. Ce combat porta un second
nir encore, et se sentant à portée de le tirer de coup à la puissance des Étrusques. Le dictateur,,
péril au besoin, il veut que l'ennemi se fatigue le après avoir exigé d'eux une année de solde pour
plus qu'il sera possible, afin que ses troupes fraî- son armée, et des vivres pour deux mois leur
ches ne trouvent plus qu'une armée épuisée de permit d'envoyer à Rome des députés pour traiter
lassitude. Malgré la lenteur de la marche, il res- de la paix. Elle leur fut refusée on ne leur ac-
tait à peine l'espace dont la cavalerie surtout a corda qu'une trève de deux ans. Le dictateur ren-
besoin pour une charge impétueuse. On avait tra dans Rome avec les honneurs du triomphe.
formé les premières lignes de légions, pour ôter à J'ai entre les mains des auteurs qui prétendent
l'ennemi la crainte de quelque piége, ou de quel- qu'il ne fut besoin de livrer aucun combat mémo-
que attaque subite; mais entre les rangs des fan- rable pour pacifier l'Étrurie, et que les exploits
tassins ou avait ménagé des intervalles suffisants du dictateur se bornèrent à calmer les séditions
pour donner passage à la cavalerie. A l'instant d'Arrétium et à réconcilier avec le peuple la fa-
même où l'armée fit entendre le cri du combat, mille des Cilnius. M. Valérius fut nommé consul
les cavaliers lançant leurs chevaux, les rênes sur au sortir de sa dictature. Quelques historiens out
le cou fondent sur l'ennemi comme un orage, et pensé qu'il obtint cet honneur sans le solliciter,
cette charge inattendue répand tout à coup l'épou- même en son absence, et que les comices furent
vante de sorte que, s'il s'en fallut peu que le se- tenus par un interroi. La seule chose sur laquelle
cours n'arrivât trop tard aux Romains déjà pres- on soit d'accord, c'est qu'il géra le consulat avec
que cernés ils purent alors respirer librement. Appuléius Pansa.
Les troupes fraîches continuèrent le combat, qui VI. Sous le consulat de M. Valérius et de
ne fut ni long ni douteux les ennemis rompus Q. Appuléius, les choses furent assez tranquilles
regagnent leur camp, et voyant les Romains au dehors. L'Étrusque abattu par ses revers, et
prêts à l'attaquer, ils reculent et vont s'entasser à retenu par la trêve, n'avait garde de remuer; le
l'autre extrémité. Les portes, trop étroites pour Samnite, dompté par une longue suite de désas-
la fbule qui s'y précipite, arrêtent leur fuite tres, ne songeait pas encore à rompre une al-
une grande partie monte sur les glacis des retran- liance toute récente. A Rome aussi le peuple res-
chements dans l'espoir ou de se défendre à la tait calme, soulagé par le départ d'une foule de
faveur d'une position élevée ou de franchir citoyens pour les colonies. Cependant, pour que
quelque passage et de s'échapper. Par hasard le la paix ne régnât pas partout à la fois, un bran-
rebord du fossé, mal consolidé en un endroit, don de discorde fut jeté entre les premiers de la
s'éboula dans le fossé même sous le poids de ceux ville, patriciens et plébéiens, par les tribuns du
qui s'y tenaient. Alors, ils s'écrient que c'est un peuple Q. et Cn. Ogulnius. Ceux-ci, après avoir
chemin que les dieux leur ouvrent pour s'enfuir, cherché mille prétextes pour accuser les patriciens

et ipse cernit ex superiore loco, in quanto discrimine anperstantium in fossam procubuit asque ea quum deos
praesidium esset. Ceterum, satis fretus, esse etiam nunc pandereviam fugæ conclamassent, pluresinermes, quam
tolerando certamini legatum nec se procul abesse peri- armati, cvadunt. Hoc prælio fractx iterum Etruscorum
culi vindicem, quam maxime vult fatigari bostem, ut in- vires et, pacto annuo stipendio, et duum meusium fru-
tegris adoriatur viribus fessos. Quauquam lente proce- mento, permissum ab dictature, ut de pace legatos mit.
duut, jam tamen ad impetum capiendum, equiti unque, terent Romam. Pax uegata iudulix bieumi datx dicta-
modicum erat spatium. Prima incedebant signa legionum, tor triumphaus in urbem rediit. Habeo auctores, suite
ne quid occultum aut repentinum hostis timeret sed re- tillo menmrabili praelio pacatam ab dictatore Etruriam
liquerat intervalia iuter ordines peditum, qua satis laxo esse, sedittonihus tantum Arrelinorum composais, et
spatio equi permitti possent. Paritcr sustulil clamorem Cilnio génère cum plebe in gratiam reducto. Consul ex
acies; et émisses eques libero cursu m hostem invebitur, dictatura foetus M. Valérius. Non petentem, atque adeo
incomposinsque adversus equestrem procellam subitum eliam absentem, creatum credidere quidam; et per iu-
pavorem offundit. Itaque ut prope sérum auxilium jam terregem ea comtia facta. Id unum non ambigitur, con-
pæne circumveutis,ha universa rcduies data est. Integri sulatum cum Appuleio Pansa gessisse.
accepere pugnain nec ea ipsa louga aut anceps fuit. VI. M. Valerio et Q. Appuleioeonsulibus, satis pacatæ
Fusi hostes castra repetunt, iufcrentibusque jam signa foris res fuere. Etruseum adversa belli res et iudutix qnie-
Romanis cedunt, et in ultimam castrorum partem con- luili tenebant Samuitem, multorum annorum cladibus
globantur.Hærent fugientes in augustiis portarum p.irs domitum hauddum lœderis novi pœnitebat. Romæ quo-
magna aggerem vallumque cousecndunt, si aut ex supe- que plebem quietam et exoneratam deducta in colonias
t iore toco tueri se, aut superare aliqua et evadere pos- multitudo pr:rstabat. Tamen ne uodiqne tranquillæ res
tent. Forte quodam luco male deusatus agger pondère essent, certamen mjectum iuter primoies civilats, pa
devant le peuple, imaginèrent, après plusieurs tance, étant accoutumés à être vaincus dans ce
tentatives inutiles, un projet de loi propre à genre de combats. En effet, ils voyaient leurs
échauffer non le menu peuple, mais les principaux adversaires, non plus briguant les hautes di-
d'entre le peuple, les consulaires et les triom- gnités, auxquelles ils osaient à peine penser au-
pllatcurs plébéiens, aux honneurs desquels il ne trefois, mais en pleine possession des titres qu'ils
manquait plus que les sacerdoces, qui n'étaient avaient disputés avec des espérances incertaines
point encore accessibles à tous. Comme il n'y avait et comptant déjà de nombreux consulats, des cen-
alors que quatre augures et quatre pontifes, et sures et des triomphes.
qu'on devait augmenter le nombre des prêtres, VII. Cependant lors de la discussion de la loi
ils demandèrentque les quatre pontifes et les cinq il y eut des débats animés, surtout entre Appius
augures qu'on voulait ajouter fussent tous tirés Claudius et P. Décius Mus. Après qu'ils eurent
de l'ordre des plébéiens,. Que le nombre des au- reproduit, sur les droits des patriciens et des
gures ait été réduit à quatre, je ne vois pas moyen plébéiens, à peu près les mêmes raisons qui fu-
d'expliquer cette singularité autrement que par la rent alléguées autrefois pour ou contre la loi Li-
mort de deux d'entre eux; car chez les augures, cinia, dans le temps où l'on demandait le consu-
c'est une règle invariable que leur nombre soit lat pour les plébéiens, Décius, à ce que l'on rap-
toujours impair, afin que les trois anciennes tri- porte, retraça à l'imagination des assistants le
lms, Ramnes, Titiens, Lucères, aient chacune le tableau de son père, tel que l'avaient vu plusieurs
slen; en sorte que, si une augmentation devient de ceux qui étaient alors dans l'assemblée, ceint
nécessaire, il faut toujours suivre la même pro- à la gabicnue, les pieds sur le javelot, dans l'ap-
portion dans le nombre, comme cela se pratiqua pareil où il s'était dévoué pour le peuple romain
dans cette occasion, lorsqu'on ajouta cinq augu- et pour les légions « Alors, s'écriait-il, le consul
res aux quatre anciens, pour compléter le nom- l'. Décius ne parut-il aux dieux immortels une
bre de neuf, afin qu'il y en eût trois pour chaque victime aussi sainte et aussi pure que l'eût été son
tribu. Au reste, cette adjonction de prêtres, tous collègue; eût-on pensé que ce même Décius ne
pris parmi les plébéiens, n'offensait pas moins les pouvait sans profanation être élu ministre des sa-
patriciens que ne l'avait fait le partage du consu- crifices du peuple romain? Et quant à lui, est-il à
lat entre les deux ordres; mais ils affectaient de craindre que les dieux ne soient moins favorables
dire que cette innovation regardait les dieux en- à ses prières qu'à celles d'Ap. Claudius? Appius
core plus qu'eux-mêmes; « que les dieux sau- fait-il avec un cœur plus chasle les sacrifices domes-
raient bien empêcher la profanation de leur culte; tiques, et se moutre-t-il plus religieux adorateur
que, pour eux, ils se bornaient à désirer qu'il des dieu\? Avait-on à se repentir des vœux formés
n'en résultat rien de fâcheux pour la république.» en faveur de la république par tant de consuls
Ils mirent moins d'opiniâtreté dans leur résis- plébeiens, par tant de dictateurs, soit au moment

tricios plebeiosque ab tribunis pleliis Q. et Cn. Ogulniis. visuros, ne sacra sua polluantur. Id se uptare tantum, ne
Qui, undique criminandorum Patrum apud plebem oc- qua in rempublicam clades veniat. Minus autem letende-
casionibus quæsitis, postquam alia frustra tentata creant, re, assueti jam tali genere certanunurn vinci. Et cerue-
tam actionem susceperunt, qua non mfiman plebein bant, adversarios non id, quod olim vix speraverint,
Rccendereng, sed ipsa capita plebis, consulares triumpha- affectantes magnos houores, sed omnia jam in quorum
les lue plebeios quorum honoribus nihil præter sacer- spem dubiam erat certatum, tamen adeptos, multiplices
dotia, quæ noudum promiscua eraut, deesset. Rogatio- consulatus, censurasque et triumphos.
iiem ergo promulgarunt, ut, quum quatuor augures VII. Certatum tamen suadenda dissuadendaque lege
qua uor pontifices ea tempestate esseut, placeretque au- inter Ap. Claudium maxime ferunt, et inter P. Decium
gert sacerdotum numerum, quatuor ponufices, quinque Murent. Qui quum eadem ferme de Jure Patrum ac plebis,
augures, de plebe omnes, allegerentur. Quemadmodum qua' prolege Licinia yuondam contiaque eam dicta erant,
ad quatuor augurum numerum, msi morte duorum id quum plebeus consulatus rogabatur disseruissent; retu-
redigi co legium potuerit, non iuvenio quum inter ail- lisse dicitur Decius parentis sui speciem, qualem eum
gures constet, imparem numerum debei-e esse, ut tres multi, qui in concione erant, viderant, incinctum gabino
antiquæ tribus Ramnes, Titienses, Luceres suum qux- cultu, super telum stantem, quo se habitu pro polmlo ac
que augurem habeant; aut, si pluribus sit opus pari Icgiouibusromanis devovisset. « Tum P. Decium consu-
in ter se numéro sacerdotes nmltipliceut sicut mulhpli- lem purum piumque deis æque ac si
cat sant, quum ad quatuor quinque adjecti novem nu- T. Manlius college ejus devoveretur.Eumdem P. Decium,
suerum, ut terni in singulas essent, expleverunt. Ceterum, qui sacra publica populi romani faceret, legi rite non po.
qua de plebe allegebautur, juxta eaut rem ægre passi tuisse? Id esse periculum, ne suas preces minus audirent
Patres, quam qunm consulatum vulgari viderent. Sunu- dii, quam Ap. Claudii ? Castius eum sacra privata facere,
abant, ad deos id magis, quam ad sc, pertimere: ipsos et rehgiostus deos colere, quam se ? Qucm pœmtere voto-
de partir pour les armées, soit pendant les guer- en rejaillira sur nous, et souhaiter, plutôtdans l'in-
res ? Compter les chefs de chaque armée, depuis térêt des dieux que dans le nôtre, d'être chargés
l'époque où les plébéiens avaient commencéà com- d'honorer dans les solennités publiques ceux aux-
mander en chef à donner les auspices, ce serait quels nous rendons nos hommages dans le secret
compter autant de triomphes. Désormais les plé- de nos familles.
béiens ne pouvaient que se féliciter de leurs no- VIII. « Mais qu'ai-je dit jusqu'ici, comme si
bles. Il tenait pour certain, que s'il venait à écla- on en était encore à prononcersur les prétentions
ter quelque guerre inattendue, l'espoir du sénat des patriciens, et que nous ne fussions pas déjà
et du peuple romain ne reposerait pas plus sûre- en possession d'un des plus augustes sacerdoces?
ment sur les chefs patriciens que sur les chefs Parmi les décemvirs ministres de la religion, in-
plébéiens. Puisqu'il en est ainsi, ajouta-t-il, qui terprètes des vers de la Sibylle et des destins de ce
des dieux ou des hommes pourrait trouver peuple, présidant au sacrifice d'Apollon et à d'au-
étrange que des personnages que vous avez dé- tres cérémonies, nous voyons des plébéiens. Ou
corés de la chaise curule, de la prétexte, de la ne fit aucune injustice aux patriciens, en augmen-
tunique palmée, de la toge brodée, du laurier et tant le nombre de ces ministres, jusque-là fixé à
de la couronne triomphale; dont les maisons, qui deux, en faveur des plébéiens; et si aujour-
hrillent entre toutes, ont été de vos mains déco- d'hui un tribun ferme et courageux ajoute pour
rées des dépouilles des ennemis, que de tels le peuple cinq places d'augures et quatre de
hommes, dis-je, ajoutent à tant de titres les insi- pontifes, ce n'est pas pour vous déposséder,
gnes des pontifes et des augures? Celui qui, paré crois-moi, Appius, mais pour que les plébéiens
des mêmes ornements que Jupiter très-bon, très- vous secondent dans l'administration des cho-
grand, aura monté au Capitole, après avoir tra- ses divines, comme ils vous secondent de tout
versé Rome sur un char doré, sera-t-on choqué leur pouvoir dans le soin des affaires humaines.
de le voir tenant le capis ou le lituus, ou, la tête Ne rougis pas, Appius, d'avoir pour collègue
voilée, immolant une victime et prenant les au- dans le pontificat celui que tu aurais pu avoir
gures du haut de la citadelle? On lira, sans s'é- pour collègue dans le consulat, et dans la censure;
tonner, au bas de l'image d'un citoyen, l'inscrip- celui dont tu peux être le général de la cavalerie,
lion de son consulat, de sa censure et de son s'il est nommé dictateur, de même qu'il peut être
triomphe, et si l'on y ajoute qu'il a été augure ou le lien, si tu es élevé à cette suprême magistra-
pontife, les yeux n'en supporteront pas la vue? ture. Ce Sabin, cet étranger, la tige de votre no-
Oui (que les dieux me pardonnent ce langaôe), je blesse, que vous appellerez, si vous voulez, Attus
me flatte qu'au point où nous ont mis les bienfaits Clausus ou Appius Claudius, ces antiques patri-
du peuple romain nous pouvons rendre au sacer- ciens l'ont bien admis dans leurs rangs ne dé-
doce, en le remplissant dignement, tout l'éclat qui daigne pas de nous admettre, nous, au nombre

rum quae pro republica nuncopaverinttot consules pie dignalione uoslra honoris, quam acceperimus; et deo-
beii, tot dictatores, aut ad exercitus euntes, aut inter rum magis, quant nostra causa expetamus, ut, quos pri-
ipsa bella? Numerarenturduces eorum annorum, quibus vatim colimus publice colamus.
plebeiorum ductu et auspicio res geri coeptae sunt nu- VIII. Quid autem ego sic adhuc egi tanquamintégra
merarentur triumpbi.Jam ne nobilitatis quidem suæ ple- sit causa patriciorum de sacerdotiis, et non jam in poî-
beios pœnitere. Pro certo habere, si quod repens bellum sessione unius amplissimi simus sacerdottii?Decemviros
oriatur, non plus spei fore senatui populoque romano in sacris faciundis, carminum Sibyllae ac fatorum populi
patricitis, quam in plebeiisducibus. Quod quum ita se ba- hujus interprètes, antistites eosdem Apollinaris sacri ca'-
beat, cui deorum hominumve indignum videri potest, rimoniarumquealiarum plebeios videmus. Nec tum pa-
inquit, eos viros, quot vos sellis curulibus, toga pré- triciis ulla injuria facta est, quum duumviris sacris fa-
texta, tunica palmata, et toga picta, et corona trium- ciundis adjectus est propter plebeios numerus; et nunc
phali laureaque honoraritis, quorum domos spoliis tribunus vir fortis ac strenuus, quinque augurum loca,
liostium affixis insignesinteralias feceritis, pontificalia at- quatuor ppmtofoci, adjecit, in quae plebeii nominentur;
que auguralia insignia adjicere? Qui, Jovis optimi maxi- non ut vos, Appi, vestro loco pellant, sed ut adjuvent
mi ornatu decoratus, curru aurato per urbem vectus in vos hommes plebeii divinis quoque rébus procurandis,
Capilolium ascenderit, si conspiciatur cum capide ac li- sieut in ceteris humauie pro parte virili adjuvant. Noli
tuo, capite velato victimam cædat, auguriumve ex arce erubescere, Appi, collegam in sacerdntio babere, quem
capiat? Cujus imaginis titulo consulatus, censuraque, et in censura, quem in consulatu collegam habere potuisti
triumpbus aequo animo legetur; si auguratnmaut ponti- cujus lam diclatoris magister equitum, quanti magislri
ficatum adjeceritis non sustinebuat legentium oculi? eqmtnm dictator esse potes. Sabinum advenam, princi-
Equidem (pace dixerim deum) eos nos Jam populi romani pem nobilitatis vestrae, seu Attum Clausum seu Ap. Clau-
beueficioesse spero, qu sacerdotiss non minus reddaruus dium mavuitis, uil antiqui partricii in suum numerum ac-
des prêtres. Nous apportons avec nous beaucoup passa à une grande majorité. On créa pontifes
de titres; je dis plus, tous ces mêmes titres qui P. Décius Mus, qui avait parlé en faveur de la loi,
vous ont rendus superbes. l'armi les plébéiens P. Sempronius Sophus, C. Martius Rutilus,
L. Sextius a été le premier consul C. Licinius M. Livius Denter. Les cinq augures, également
Stolo, le premier général de la cavalerie; C. Mar- tirés du peuple, furent C. Géuucius, P. Elius
cius Rutilus, le premier dictateur, le premier cen- Pœtus, M. Minucius Fessus, C. Marcius et T. Pu-
seur Q. Publilius Philo, le premier préteur. blilius. Ainsi le nombre des pontifes fut porté à
Toujours nous vous avons entendus tenir le même huit, celui des augures à neuf. La même année le
langage; qu'à vous seuls appartiennent les aus- consul M. Valérius porta, en faveur de l'appel au
pices que seuls vous avez des aïeux, seuls des peuple, une nouvelle loi plus soigneusement ré-
titres légitimes à commander sous vos propres digée que les autres c'était la troisième fois, de-
auspicesdans la paix et dans la guerre. Cependant, puis l'expulsion des rois, qu'une loi semblable
jusqu'ici, le plébéien n'a pas commandé avec était portée, et toujours par la même famille. Je
moins de succès que le patricien, et il en sera ne puis expliquer ce fréquent renouvellementde
toujours ainsi. N'avez-vous jamais entendu dire la même loi qu'en supposant que la prépondérance
que les premiers patriciens n'étaient pas descen- de quelques grands parvenait toujours à triom-
dus du ciel, mais qu'on reconnut pour tels ceux pher de la liberté du peuple. Toutefois, la loi Por-
qui pouvaient seulement citer leurs pères, c'est- cia semble la seule qui ait garanti l'inviolabilité
à dire des hommes nés de parents libres, et du citoyen, parce qu'elle contenait des disposi-
rien de plus. Pour moi, je puis déjà citer pour tions sévères contre quiconque frapperait de ver-
père un consul, et dans peu mon fils pourra pps ou mettrait à mort un citoyen romain. La loi
le citer pour aïeul. Au fond, Romains, tout Valéria défendait de battre de verges ou de frapper
se réduit à ce que, pour obtenir, nous essuyons de la hache celui qui en aurait appelé au peuple,
toujours la formalité d'un refus. Les patriciens sans ajouter autre chose, sinon que quiconque
ne demandent qu'à contester, sans s'inquiéter contreviendrait à cette défense, ferait une mau-
de l'issue de ces contestations. Je conclus à ce que, vaise action. Le sentimentd'honneur qui régnait
pour le plus grand bonheur du peuple et de la alors fit que cette déclaration parut, je crois, suf-
république, cette loi, conformément à la de- fisante pour assurer l'effet de la loi. Aujourd'hui
mande qui en est faite, reçoive la sanction de vos on oserait à peine faire sérieusement de pareilles
suffrages. 0 menaces. Le même consul fit contre les Èques une
IX. Le peuple voulait que l'on convoquât sur- guerre qui ne mérite nullement l'attention de
le-champ les tribus, et il paraissait certain que la l'histoire, ce peuple n'ayant gardé de son ancienne
loi serait acceptée mais l'opposition de quelques fortune que son humeur remuante. L'autre con-
tribuns empêcha de rien faire ce jour-là. Le Icn- sul, Appuléius, mit le siège devant la ville de
demain, les opposants n'osèrent persister et la loi Néquinum en Ombrie; le lieu était escarpé, et à

ceperunt. Ne fastidieris nos in sacerdotum numerum ac- accepta est. Pontifies creantur suasor legis P. Decius
cipere. llulta nobiscum décora afferimus imo omnia ea- Mus, P. Sempronius Sophus, C. Marcius Rutilus, M. Li-
dem, quw vos superbos feceruot. L. Sextius primus de vius Denter. Quinque augures ilem de plehe, C. Genu-
plebe consul est factus. C. Licinius Stolo primus magister cius, P. Ælius Pxtus, M. Minucius Fessus, C. Marcius,
equitum, C. Mareius Rutilus primus el dictator et censor, T. Publilius. Ita oclo ponlificum, novem augurum nu-
Q. l'ublilius I'hilo primus prætor. Semper ista audita merus factus. Eodem anno M. Valerius consul de provo-
sunt eadem, penes vos auspicia esse, vos solos gentem catione legem tulit, diligentius sanctam. Tertio ea tom
habere, vos solos juàtum imperium et auspicia domi mi- post reges exaclos tata est, semper a familia eadem. Cau-
htiæque Æque adhuc prosperum plebeium ac patricium sam renovaodae sæpius baud aliam fuisse reor, quam
fmt, porroque erit. En unquam fando audistis, patricios quod plus paucorum opes, quam libertas plehis, pole-
primo esse factos, non de cœlo demissos, sed qui patrem rant. Porcia tamen lex sola pro tergo civ ium lata videtur
ciere possent, id est, oihil ultra quam ingenuos? Con- quod gravi pœua si quis verberasset necasselve civucm
sulem jam pitrem ciere possum; avumque jam poterit romanum, sanxit. Valeria lex, quum eum, qui provo-
films mens. Nihil est ahud in re, Quirites, nisi ut omnia casset, virgis cædi, securique necari vetuisset, si quis
negata adipiscamur. Certamen tautum patricii petunt, adversus ea fecisset nihil ultra quam improbe factum,
nec curant, quem evenlum certitmiaun) habeant. Ego adjecit. Id ( qui tum pudor bominum erat ) vistim, credo,
hanc legem quod bonum,. faustum, fetiaque sit vobis ac vinculum salis validum legis nunc vis serio ita minetur
reipublicæ, uli rogas, jubendam ceoseo.. quisquam. Bellum ab eodem consule haudquaquam me-
IX. Vocare tribus extempto populus jubebat, appare- morabile adversus rebellantes Æquos, quum præter ani-
batque accipi legem ille tamen dies est intercessionesub- moa féroces nihil ex autiqua fortuna baberent, gestum
tatus. Postero die, deterritis tribunis, ingenti consensu est. Alter consul Appulrius in Umbria Nequinum oppi-
pic, du côte où est maintenant située Narnia il introduire une tioupe armée dans l'intérieur Je
n'élait possible de prendre la placeni de viveforce, la ville. Une pareille offre ne parut point à dédai-
ni par des ouvrages de fortifications. Aussi laissa- gner on crut toutefois ne pas devoir s'y fier trop
t-il tout à faire aux nouveaux consuls, M. Ful- légèrement. On envoya avec l'un d'eux (car l'autre
vius Petinus et T. Manlius Torquatus. Suivant le fut retenu en otage ) deux romains chargés de
récit de Macer Licinius et de Tubcroii, Fabius, tout examiner soigneusement. Sur le rapport ras-
que toutes les centuries voulaient nommer consul surant qu'ils lirent, trois cents soldats armés,
pour cette année, sans qu'il l'eût demandé, per- sous la conduite du transfuge, pénétrèrent dans
suada à l'assemblée de remettre son consulat à la ville, et se saisirent, pendant la nuit, de la
une année où il y aurait à craindre des guerres porte la plus voisine. Quand elle fut bribée, le
plus sérienses; que cette année, il servirait plus consul et l'armée romame entièrent sans coup
utilement la républilue dans l'exercice d'une ma- férir dans la place. C'est ainsi que Néquinum
gistrature civile: ainsi, ne dissimulantpas ce qu'il tomba au pouvoir du peuple Romain. On y en-
préférait, sans cependant rien demander, il fut voya, pour contenir les Ombriens, une colonie
nommé édile curule avec Papirius Cursor. Je suis qui fut appelée Narnia, à cause du fleuve qui y
loin de donner ce fait pour certain car un anna- passe. L'armée fut rameuée à Rome avec un butin
liste plus ancien, Pison, rapporte que cetteannée considérable. La même année, les larusques, au
les édiles curules furent C. Domitius Calvinus, mépris de la trêve, se préparaient à la guerre;
fils de Cnéius, et Sp. Carvilius Maximus, fils de mais, pendant qu'ils en faisaient les préparatifs,
Quintus. Je pense que le surnom de Maximus a une armée de Gaulois entra sur leur territoire, et
occasionné l'erreur au sujet des édile; qu'ensuite les détourna quelque temps de leur projet. En-
on aura arrange cette fable, compliquée d'élec- suite, comptant sur leur argent, qui les rendait
tions édilitiennes et consulaires. Cette année aussi puissants, ils cherchent à gagner les Ganlois, à
eut lieu la clôture du lustre par les censeurs s'en faire des alliés, afin de s'aider de cette ar-
P. Sempronins Soplms et P. Sulprcius Saverrio; mée dans leur guerre contre Rome. Les Barbares
et deux tribus furent ajoutées aux autres, l'A- ne repoussent point l'alliance; on traite du prix.
nieusis et la Tércntine. Voilà ce qui se passa à La somme convenueesl livrée; tout d'ailleurs étant
Rome. prêt pour la guerre, l'Étrusque somme les Gaulois
X. Au reste, le siège de Néquinum traînait ton- de le suivre; ceux-ci se défendent d'avoir pris
jours en longueur, lorsque deux habitants de la l'engagement de faire la guerre aux Romains; ils
ville, dont les maisons étaient contiguës au mur, prétendent n'avoir reçu l'argent qu'on leur a
ayant pratiqué un souterrain, parviennent, par donné que pour ne point dévaster les terres de
cette voie secrète, aux premiers postes des Ro- l'Etrurie, pour n'en pas inquiéter les habitants.
mains de là, menés au consul, ils s'engagent à « Si cependant les Étrusques l'exigent, ils pren-

dum circumsedit. Locus erat arduus, atque in parte uns itinere occulto, pervemunt inde ad consu:em deducti
praeceps, ubi nuuc Marnia sita est nec vi, nec muui- pra'sidium armatum se mtra mœnia et mure s accepturos
meutu capi poterat. Itaque eam intectam rem M. Fulvius confirmant. 1\ec asperndanda res visa neque incaute cre-
Patinus, T. Mauliue Torquatus, novi consoles, accepe- denda. Cum altero corum nam alter obses retentus) duo
runt. lu eum annum quum Q. Fabium consulem non pe- exploratores per cumcullum missi per quos salis comperta
tentem ommes dicerent centuriæ, ipsum auctorem luisse re, trerenti armali, transfuga duce in urbem ingressi,
Macer Licinius ac Tubero traduot differendi sibi consu- nocte portam, quae proxima erat, cepere. Qua réfracta
latus in bellicosiorem annum eo anno majori se usui rei- consul ciercitusque romaous sine certamiue urbem inva-
publie& fore, urbano gesto magistratu; ita nec dissimu- sere.lta Nequinum in diti mem populi romani venit. Co-
laotem, quid mallet, nec petentem tamen, ædilem cu. loma eo adversus Umbros missa, a flumiue \arnia ap-
rulem cum L. Papirio Cursore factum. Id ne pro certo pellata exercitus cum magua præda Romam reduclus.
ponerem, vetustior annahum auctor Piso effecit; qui eo Eodem anno ab Etruscis adver.us indutias paratum bel-
anno aediles curules fuisse tradit C. Domitum Cn. F. Cal- loin sed eos alla molietes Galorum ingens excrcuus,
vinum et Sp. Carvihum Q. F. Maximum. Id credo co- fnes ingressus, paullisper a propositio averai. Pecunia
gnomen errorem in æduibus fecisse; secutamque fabulam deinde, qua niultum poterant, freti, socios ex hostubus
mixtam ex ædiliciis et cousularibus comitiis, convenien- facere Gallos conantur, ut eo adjuncto exercitu cum Ro-
tem errori. Et lustrum eo anno condituma P. Sempronio manis bellarent. De societate hand abnuuut Barbart: de
Sopho et P. Sulpicio Saverrione censoribos trihusque mercede agitur. Qua pacta acceptaque, qnum para a ce-
addita dux, Amensis ac Terentina. Hæc Romoæ gesta. tera ad bellum esseut, sequque Elruscusjuberet, infitas
X. Ceterum ad Nequinum oppidum quum segni obsi- eunt, mercedem se belli Romanis inferendi pactos
t
dione tempus reretur, duo ex oppidanis, quorum erant quicqund acceperint accepisse ne agram laruscum
ædificia juncta muw, sjiccu facto ad stationes romanas vastarent, armisquc lacesserent cultores. Mililaluros ta.
dront part a la guerre, mais sous la condition ex- nat aurait dcmandé pour dictateur; on lui or-
presse qu'on leur cédera une portion de territoire, 1 donna de partir aussitôt pour l'Etrurie. Son ar-
et qu'enfin ils entreront en possession d'un éta- rivée comprima les Étrusques au point que pas
blissementsolide. » Il se tint à ce sujet de fréquents un n'osait sortir des retranchements et yu'ils se
conseils dans les cantons de l'Étrurie; mais on ne montraient abattus comme des gens assiégés. Le
put rien terminer, moins cause du sacrifice qu'il nouveau consul ne put les attirer au combat ni
Gillait faire de quclyue terrain que par la répu- par la dévastation des campagnes, ni par l'incen-
gnance que chacun éprouvait à recevoir dans son die de leurs maisons, bien que, de tous côtes,
voisinage des hommes d'une nature si farouche. non-seulement les liabitations isolées, mais les
Ainsi furent congédiés les Gaulois, chargés de ri- bourgs les plus peuplés n'offrissent à leurs regardes
chesses qui ne leur coûtaient ni fatigues ni périls. que des ruines fumantes. Tandis que cette guerre
A Rome on conçut de vives alarmes, quand on se faisait avec plus de lenteur qu'on ne s'y était
entendit parler d'une invasion de Gaulois se joi- attendu, il s'en présenta une autre qui par les
gnant il la guerre d'Étrurie; on n'en mit que sanglants revers qu'avaient essyés tour à tour les
plus de diligence à conclure une alliance avec le deux partis, devait inspirer de vives alarmes. Les
peuple Picenlin. Picentins, ces nouveaux alliés de Rome, vinrent
XI. Le sort assigna au consul Mantius lesaffai annoncer que les Samnites ne respiraient que la
res d'Étrurie. Il était à peine entré sur le territoire guerre et la révolte, et qu'ils avaient cherché à les
ennemi, lorsqu'au milieu d'une manœuvre de ca- mettre dans leur parti. Ou décerna aux Picentins
valerie, son cheval qu'il faisait tourner avec une des remerciments publics, et presque toute l'atten-
extrême rapidité, le renversa si violemment qu'il tion du sénat se porta de l'Étruriesur les Samuiles.
faillit expirer sur l'heure; il mourut trois jours La cherté des vivres causa aussi dus inquiétudes à
apres des suites de sa chute. Ce fut aux yeux des Rome, et l'on eût été réduit à la plus affreuse di-
Gtrusquesun bonaugurepour laguerre: ilsallaient sette, comme l'ont écrit ceux qui veulent que Fa-
répétant que les dieux, déclarés en leur faveur, bius Maximus ait été édile cette année-là, si la
avaient porté le premier coup, et ils se livraient même activité que ce grand homme avait déployée
aux plus brillantes espérances. A Rome, cette nou- si souvent dans ses opérations militaires, il ne
velle attrista les citoyens, parce qu'on regrettail le l'eût portée dans son administration, soit pour
consul, et qu'on tirait de fâcheux présages d'un tel la répartition des subsistances, soit pour l'acliat
accident. Le résultat des comices, conforme au et le transport des blés. Cette année, on n'en dit
vœu des principaux citoyens, put seul empêcher pas la raison, il y eut un interrègne; les inter-
les sénateurs d'ordonner la nomination d'un dic- rois furent Ap. Claudins, ensuite P. Sulpeius. Ce
tateur. Toutes les centuries, à l'unanimité des dernier tint les comices consulaires il créa L. Cor-
voix, nommèrent consul M. Valérius, que le sé- nélius Scipion et Cn. Fuhius consuls. Au com-

nes proficisci jnssit. Adventns ejus compressit Etruscns,


men se, si utique Etrnsri velint; sed nulla aha mercede, adeo ut nemo extra muimenta egredi auderet, timorque
quam ut in partem igri accipiantur, tanderoque aliqua ipsorum obsidioni similis e:set. Neque illos novus consul
sodé certa consistant. » Multa de eo concilia populorum
Etruria habita nec perfici quicquam potuit; non lam ïastandis agris urendisquetectis, quum passim non villæ
solum, sed frequentes quoque vici, incendiis fumarent,
quia imminui agrum, yuam quia accolas sibi quisque ad-
elicere ad certamen potuit. Qnum hoc segnius bellum opi-
jungere tam efteratæ gentis homines horrebat. Ita di- nione esset, alterins belli, quod multis in vieem cladbus
missi Galli pecuniam ingentem sine liibnre ac pericnln
haud immerito terribile erat, fama Picentium, novorum
partam retulerunt. Romx terrorem præbuit fama Gallici socinrum, indicio eaorta est « Samnites arma et rebel-
tomultus ad hellum etruscum adjecti eo minua cunctan-
lionem spectare, seque ab iis sollicitâtes esse. » Piccenbus
ter fœdus ictum cum Piccnti populo est. Rratix actæ, et magna pars curæ Patribus ah Etruria in
XI. T. Manho consuli Etruria provincia sorte evenit;
Samnites versa est. Caritas etiam annona' solhcitam civi-
qui, vixdum inpressus hostium fines, qnum exerceretur
tatem habuit ventnmque ad inopiæ ultimum foret, nt
inter equites, ab rapido cursu circumagendo equo effn-
seripsere, qui bus ædilem fuisse eo annn Fabium Maxi-
sus extpmplo prope exspiravit terlins ab eo casu dies
fiuis vitæ consulifuit. Quovelut omine belli accepto, deos mum placet, ni ejus viri cura, qualis in bellcis rebus
multis tempeslatibus fuerat, tatis domi tum in annone
pro se commnsisse bellum memorantes Etrusci suslulere dispensatione, prapparando ac convehendo frumeto,
animos. Romae, tum desiderio viri, tnm incommoditate
fuisset. Eo anno ( nec traditur cansa ) interregnum iui-
temporis, tristis nuntius fuit ut Patres ab jubendo dic-
tatore consulis subrogandi comitia ex sententia princi- tum. Interreges fuere Ap. Claudius. dein P. Slilpicius.
Is comitia consularia babuit; creavit L. Cornelium Sci-
pum habita, deterruerint. M. Valerium consulem omnes
sententiæ centuriæque dixere, quem senatus dictatorem pionem, Cn. Fulvium consules. Principio hujus anni ora-
eici jussurus fareat. Tum exeample in Etrnriam ad legio tores Lucanorum ad novos consulcs venerunt questum
mencement de cette année, des députés de la Lu- comptait sur une guerre leute, sur une campagne
canie vinrent trouver les nouveaux consuls, pour semblable à celle de l'année précédente; mais les
se plaindre des Samnites, a qui, mécontents de ennemis vinrent il Volalerre lui présenter la ha-
n'avoir pu par leurs offres les entraîner dans leur taille. On se battit la plus grande partie du jour,
projet de guerre, étaient entrés à main armée en faisant de part et d'autre un grand carnage.
sur leur territoire pour le ravager, et par la guerre On ne savait encore de quel côté était la victoire,
les contraindre à la guerre. Le peuple Lucanien quand la nuit survint. Le lendemain la lumière
n'avait pour le passé que trop d'erreurs à se re- du jour fit connaltre le vainqueur et le vaincu;
procher maintenant leur résolution était inva- les Étrusques avaient abandonné leur camp pen-
riablement prise de se résigner à tout, de tout dant le silence de la nuit. Le Romain, sorti en
souffrir, plutôt que de manquer jamais au nom bataille, se voyan en possession de la victoire par
romain. Ils conjuraient donc le sénat de prendre le départ des ennemis, s'avance vers leur camp
les Lucaniens sous sa protection, et de les défen- qu'il trouve abandouné, s'en empare et y fait un
dre contre les violentes agressions des Samnites. immense butin, ce camp ayant été établi pour un
Bien qu'en se déclarant contre les Samnites ils se long séjour et quitté avec une grande précipita-
fussent mis dans la nécessité d'être dorénavant tion. Toutes les troupes s'étant reportées sur le
lidèles aux Romains, ils n'en étaient pas moins territoire des Falisques, on laissa les bagages à
prêts à donner des otages. » Faléries sous la garde d'un assez faible détache-
XII. La délibération du sénat ne fut pas longue. ment et l'armée, n'ayant plus rien qui gênât sa
'l'nus, sans exception, pensent qu'il faut faire al- marche, se mit à ravager le pays ennemi. Tout
hance avec les Lucaniens et demander satisfac- est dévasté par le fer et par le feu; on enlève du
lion aux Samnites. On témoigna beaucoup de butin de tous côtés; on ne se contenta pas de lais-
bienveillance aux Lucaniens et on se lia avec eux ser à l'ennemi un sol dépouillé les châteaux et
par un traité. Des féciaux furent envoyés som- les bourgades mêmes devinrent la proie des flam-
mer le Samnite d'évacuer le territoire des alliés mes. On renonça pour le moment à assiéger tes
et d'emmener sou armée hors des confins de la villes où la frayeur avait jeté les Samnites. Le
Lucduie; des envoyés samnites vinrent à leur consul Cn. Fulvius livra, dans le Samnium, près
rencontre et leur déclarèrent que, a s'ils se pré- Lovianum, un mémorable combat, dont le suc-
sentaient dans une assemblée du Samnium, ils cès ne fut nullement douteux. Ensuite il attaqua
n'en sortiraient pas sains et saufs. » Quand on ap- Rovianum, et bientôt après Aufidéna, qu'il prit
prit à ltome ce qui s'était passé, le sénat décréta de vive force.
et ;e peuple ordonna la guerre contre les Samni- XIII. La même année, une colonie fut conduite
les. Les consuls se partagèrent les provinces; à Carséoles, au pays des Équicoles. Le consul Fui-
l'Étrurie échut à Scipiou, le Samnium à Fulvius, vius triompha des Samnites. Aux approches des
et chacun partit pour son expédition. Scipion comices consulaires, le bruit se répandit que les

«
quia condilionibus pcllicere se uequiverintadsocietacan suum quisque bellum proficiscuntur. Scipioni segue
armorum Samuites infesto exercitu ingreesos fines suos bellum et simile prioris anni militiæ exspectanti, hostes ad
vaslare belloquead bellum cogère. Lucano populo salis Volaterras iustructoagmine occurrerunt. Puguatum ma-
superque erratum quoudam nunc ita obstinatos animos jore parte diei, magua utrimque cæde. Nox iucertis, qua
csse, ut omnia terre ac pati tolerabilius ducant, quam ut data victoria esset, iuterveuit lui insequeus victorcm
unquam postea nomen romanum violent. Orare Patres, victumque ostendit. Nam Elrusci silentio noctis castra re-
ut et Lucanos in fidem accipiant, et vim ntque injuriam tiqueront. Romanus, egressus in aciem, uhi profectione
ab se Samuitium arceant. Se, quanquam, hellu cuin hostium concessamvictoriam videt, progressus ad castra,
Samnitibus suscepto, necessaria jam facta adversus Ro- vacuis cum plurima præda ( nain ct stativa, et trepide
mauos fides sit, tameu obsides dare paratos esse.» deserta fureant) poticur. Inde in faliscum agrum copiis
XII. Brevis cousultatiu renatus fuit. Ad unum omnes reductis, quuui impedimcula Faleriis cum modico pra-
jungeudun) fœdus cum Lucanis, resque repetendas ab sidio rehqmsset, expedilo agmine ad depopulaudos boa-
Samnitibus, censent. Beaigue responsum Lucams, ictum- tium fines iucedit. Omuia ferro ignique vastantur; præ-
que fœdus. Fetiales missi, qui Samnitem decedere agio dae undique actæ: nec solummodo vastum hosti relictum,
sociorum, ac deducere exercitum finibus Lucauis jube- sed castelis etiam vicisque illalus igais urbibus oppu-
sent. Qmbus obviam missi ab Samaitiubs, qui denuntia- guandis temperatum, in quas timor Etruscos compulerat.
rent, « si quoiadissent in Samuio concilium, baud iu- Cu. Fulvii cousulis clara pugua in Samnio ad Bovianum
violatos abituros. » Hæc postquam audita sunt Romæ, baudquaquam amhiguæ victoriæ fuit. Bovianum Inde ag-
bellum Sanmitibus et Patres censuerunt, et popnlns jus- gressus, nec ita æutro post Autidenam, vi cepit.
ut. Conbules inter se provincias partiti suut. Scipioni XIII. Eodem auuo Carteotos colonia in agrum Æqui-
Etruria, Fulvio Samnites obvenerunt; diversique, ad culorum deducta. Fulvius consul de Sammnitbus trum-
Inusqnes et lrç Samni'es levaient de grandes ar- et les tribuns du peuple disaient qu'il n'y aurait
mées que dans toutes les assembléeson adressait point d'obstacle de ce côté, et qu'ils proposeraient
publiquement aux chefs des Étrusques les plus au peuple de le dispenser des lois; mais il persis-
violents reproches de ce qu'ils n'avaient pas à tout lait dans son refus, demandant, « à quoi servait
prix entraîné les Gaulois à la guerre; que l'on de porter des lois, si elles étaient éludées par ceux-
blamait ouvertement les magistrats des Samnitcs là mêmes qui les avaient portées. Déjà ou faisait
de n'avoir opposé aux Romains que l'armée des- lléchir les lois, au lieu de fléctùr devant elles. »
tinée à marcher contre le Lucanien; qu'ainsi les Le peuple néanmoins allait aux voix; et chaque
ennemis allaient entrer en campagne avec les centurie, à mesure qu'elle était appelée dans l'en-
forces de leurs alliés réunies aux leurs, et qu'on ceinte, nommait consul Fabius à une majorité in-
aurait à soutenir une lutte fort inégale. Au milieu contestable. Alors, ne pouvant plus résister au
de ces alarmes, tous les repris, malgré l'illus- vœu général « Puissent les dieux approuver ce
tration de ceux qui demandaient le consulat, se que vous faîtes et ferez par la suite, Romains Au
portèrent sur Q. Fahius Maximus, qui d'abord reste, puisque vous allez en user à mon égard
n'était pas sur les rangs, et qui, voyant les esprits comme vous l'entendez, qu'il me soit permis, pour
décidés sur le choix, alla jusqu'à refuser. « A quoi le choix d'un collègue, de faire valoir ma recom-
pensait-un de vouloir jeter de nouveau dans le mandation auprès de vous. Publius Décius, que
trouble des affaires un vieillard qui avait fourni j'ai eu pour collègue affectionné dans un précé-
sa carrière de travaux et d'honneurs? Il n'avait dent consulat, homme digne de vous, digne do
plus la même vigueur ni de corps ni d'esprit; il son père, nommez-le, je vous en conjure, consul
redoutait jusqu'à sa fortune qui pourrait paraître avec moi. » Cette demande parut juste. Toutes
à quelque dieu déjà plus grande et plus durable les centuries qui restaient nommèrent consuls
que ne le permettentles vicissitudes humaines. Q. Fabius et P. Décius. Cette année beaucoup de
S'il avait succédé à la gloire de chefs plus vieux, citoyens furent mis en jngement par les édiles,
il était heureux, lui aussi, d'en voir d'aulres s'é- parce qu'ils possédaient plus de terrain que la loi
lcver à la hauteur de sa gloire. A Rome, ni les ne le permettait, et il n'y eut presque personne
grandes dignités ne manquaient aux hommes de d'absous. Cettte sévérité devint un frein puissant
cœur, ni les hommes de cœur aux grandes digni- contre les envahissements de la cupidité.
tés. » Une telle modération ne faisait qu'exciter le XIV. Pendant que les nouveaux consuls Q. Fa-
juste enthousiasme des citoyens. Croyant devoir hius Maximus et P. Décius Mus, qui l'étaient,
le comprimer par l'autorité des lois, il fit don- l'un pour la quatrième fois, l'autre pour la troi-
ner lecture de la loi qui défendait de nommer sième, agitaient entre eux, qui des Étrusques ou
consul le même citoyen avant dix ans révolus. des Samnites l'un ou l'autre se chargerait de com-
Cette lecture fut à peine entendue à cause du bruit; battre, quelle quantité de troupes exigeait cha-

phavit. Quum comitia consularia instarent, fama exorta est tribunique plebis, « nihil id impedimenti futurum
Etruscos Samnitesque ingentes conscribere exercitus; pa- aiebant se ad populum laturos, uti legibus solveretur.
lam omnibus conciliis veiari principes Etruscorum, quod Et ille quidem in recusando perstabat qnid ergo atti-
non Gallos quacunque conditione traierintad bellum in- neret leges ferri rogitans, quibus per cosdem qui tuls-
crepiri magistratus Samnitium quod exercitum, in Lu- seat, fraus fieret? Jam regi leges, non regere. » Poyulus
canum hostem comparatum, obJecerint Romanis itaque nihilo minus suffragia inibat et, ut qureque intro rocata
snis sociorumque viribus consurgere hostes ad belltim, erat centuria,consulemhaud dubie Fabium ducebat. Tum
et haudquaquam pari defnngendum esse certamine. Hic demum consensu civitatis vicltis, « Dü approbeut, inquit,
terrnr, qunm illustres viri consulatum peterent, omnes quod agitis, acturiqtie estis, Quirites.Ceterum, quoniam
in Q. Fabinm Maximum, primo non petentem, demde, iu me, quod vos vultis, facturi estis, in collega sit meæ
ut medinata studia vidit, etiam recusantem convertit. apud vos gratiæ locus. P. Decium, eipertum mihi con-
« Qmd se jam senem, ac perfunctumlahoribus laborumque cordi collegio virum, dignum vobis, parente suo,
promus, sollicitarent? Nec corporis, nec animivigorem quasso,mecum consulemfaciatis. » Justa suffragatio visa
remanere eumdem et fortunam ipsam vereri, ne cui omnes que supererant centuriae Q. Fabium, P. Decium
deorum nimia jam in se, et constantior, quam velint consulesdüere. Eo anno plerisque dies dicta ab ædilibus,
humanæ res, videntur. Et se gloriæ seniorum succrevisse, quia plus, quam quod lege finitum erat, agri posside-
et ad suam gloriam consurgentes alios lætum aspicere. reut. Nec quisquam ferme est purgatus vinculunique
Nec honores magnos fortissimis virs Romæ, nec honori- ingeos immodicæcupiditatis injectum est.
bus deesse fortes viros.. Acuehat bac moderatione tam XIV. Consules novi, Q. Fabius Maximus quartum et
justa studia; quæ veiecundia legum restinguenda ratus, P. Decius Mus tertinm, quum ioter se agitarent, uti alter
legem recitari jussit, qua intra deeem annos eumdem Samnites hostes, alter Etroscos deligeret, quantæque in
consulem refict non hecret. Vix præ stepitu audita lez hanc aut in illam provinciam copiæ satis, et uter ad
1.
cune de ces expéditions, et à laquelle des deux Samnium, soit que cette crise décisive exaltât
guerres était le plus propre l'un ou l'autre géné- leur courage, ils ne laissèrent pas, même dans un
ral, arrivèrent des députés de Sutrium, de Né- combat en rase campagne, d'inspirer quelque
pète et de Faléries, annonçant qu'il se tenait en terreur. Fabius, voyant que l'ennemi ne perdait
Étrurie des assemblées pour y régler des propo- de terrain sur aucun point, ordonne à M. Ful-
sitions de paix; cette nouvelle flt retomber sur le vius et à M. Valérius, tribuns des soldats, avec les-
Samnium tout le poids de la guerre. Les consuls quels il était accouru sur la première ligne, d'al-
partirent; et, afin de se procurer plus facilement ler vers les cavaliers et de les exhorter, a au nom
des vivres, et de tenir l'ennemi dans une plus des services signalés que maintes fois la cavalerie
grande incertitude sur le point par où lui arri- avait rendus à la république, à faire en ce jour
verait la guerre, ils menèrent les légions dans tous leurs efforts pour conserver inaltérable la
le Samnium Fabius par le territoire de Sora, gloire de leur arme. Aux prises avec les fantas-
Décius par celui de Sédicinum. Quand on fut sins, l'ennemi restait inébranlable; il n'y avait
parvenu aux frontières des ennemis, l'un et plus d'espoir que dans une charge impétueuse de
l'autre consul, dispersant ses troupes, s'avance cavalerie. » Puis, s'adressant à ces deux jeunes
en ravageant le pays, avec la précaution toute- gens, les appelant par leur nom du ton le plus af-
fois de pousser plus loin les reconnaissances que fectueux, il leur prodigue les louanges et les pro-
le pillage. Aussi ne fut-on pas surpris par l'en- messes. Au reste persuadé que si cette mesure
nemi, qui s'était porté, près de Tifernum, dans ne réussissait pas, il faudrait, la force devenant
un vallon couvert de bois, où il avait fait toutes impuissante, recourir à la ruse, il charge son
ses dispositions pour tomber du haut d'une émi- lieutenant Scipion de retirer du corps de bataille
nence sur l'armée romaine engagée dans le creux les haslats de la première légion et de les con-
du vallon. Fabius, après avoir retiré en lieu sûr duire par des détours, le plus secrètement possi-
ses bagages sous la garde de quelques troupes et ble, vers les montagnes voisines; puis, toujours en
prévenu ses soldats qu'on allait combattre, fit prenant soin de cacher sa marche, de gagner avec
avancer l'armée en bataillon carré vers l'embus- sa troupe le haut de ces montagnes, d'où il se
cade des ennemis dont il vient d'être parlé. Les montrerait tout à coup à l'enuemi sur ses der-
Samnites, ayant perdu tout espoir de surprendre rières. Les cavaliers conduits par les tribuns, s'é-
les Romains, et voyant que désormais le combat tant brusquement portés à la tête des enseignes,
ne pouvait avoir lieu qu'à découvert aimèrent ne troublèrent guère plus les ennemis que les Ro-
mieux courir les chances d'une bataille régulière. mains. L'armée des Samnites tint ferme contre leur
Us descendent donc en plaine et se commettent à impétuosité, et nulle part on ne put la faire recu-
la fortune avec plus de résolution que de con- ler ni la rompre. Voyant l'inutilité de leur tenta-
fiance au reste, soit qu'ils eussent réuni ce qu'il tive, les cavaliers abandonnèrent le combat et se
y avait de plus brave chez chacun des peuples du retirèrent derrière les fantassins. L'audace des

dtrum bellum dus idoneus magis esset; ab Sutrio et Ne- que pugna praebuerunt terroris. Fabius, ubi nulla es
pete et Faleriis legati, auctores, concilia Etruriae popu- parte hostem loco moveri vidit, M. Fulvium et L. Vale-
lorum de petenda pace haberi, totam belli molem in Sam- rium, tribunos militum, cum quibus ad primam aciem
ninm averterunt. Profecti consules, quo expeditiorescom- procurrerat, ire ad equites jubet, et adhortari, « ut, si
meatus essent, et incertior hostis, qua venturum bellum quando unquam equestri ope adjutam rempublicam me-
foret, Fabius perSoranum, Decius perSidicinum agrum, minerint, illo die annitantur, ut ordinis ejus gloriam in-
in Samnium legiones ducunt. Ubi in hostium fines ventum victam præstent. Peditum certamine immobilem hostem
est, uterque populabulidus effuso agmine incedit Explo- restare; omnem reliquam spem in impetu esse eq uitum..Et
rant tamen latius, quam populantur. Igitur non fefellere ipsos nominatim juvenes, pari comitate utrumque, nunc
ad Tifernum bostes in occulta valle instracti, quam iu- laudibus,nunc promissis onerat. Ceterum, quando ne ea
gressos Romanos superiore ex loco adoriri parabant.Fa- quoque tentata vis proficeret, consilio grassandum, si
bius, impedimentisin locum tutum remotis, præsidioque nihil vires juvarent, ratus, Scipionem legatum hastatos
modico imposito, pra'monitis militibus adesse certamen prima; legionis subtrahere ex acie, et ad montes proxi-
quadrato agmine ad pra'dictas hostium latebras succedit. mos, quam posset occultissime, circumducere jubet
Samnites desperato improviso tumultu quando in aper- inde ascensu abdito a conspectu erigere in montes ag-
tum semel discrimen evasura esset res, et ipsi acie justa men, aversoque hosti ab tergo repente se ostendere.
nialuerunt concurrere. Itaque et in æqum descenduut, Equités, ducibus tribunis, baud multo plus hostibus,
ac fortune se, majore animo, quam spe, committunt. quam suis, ex improviso ante signa evecti, præbuerunt
Ceternm sive quia ei omnium Samnitinm populis, quod- tumultus. Adversusincitatas turmas stetit immola Samni-
cunque roboris fuerat, contraierant; seu quia discrimen tium acies, nec parte ulla pelli aut perrumpi potuit. Et.
summæ rerum augebat animos, aliquantum aperta quo- postquam irritum inceptum erat, recepti post signa prœ-
ennemis s'en accrut. La première ligne, épuisée elles le ravagèrent entièrement. Décius occupa
par une lutte aussi opiniâtre, n'eût pu résister à dans le Samnium quarante-cinq campements, et
ce redoublement d'énergie que donnait aux enne- l'autre consul quatre-vingt-six, tous faciles à re-
mis le sentiment de leur force, si le consul ne connaitre, moins par les vestiges des retranche-
l'eût fait remplacer par la seconde. Ces troupes ments et des fossés, que par la dévastation et la
fraiches arrêtent le Samnite, qui déjà se précipi- dépopulation des environs, monument bien plus
tait en avant; et la vue inopinée des enseignes éclatant de leur séjour dans ces contrées. Fabius
qui se montrèrent à propos sur les hauteurs, le en outre prit la ville de Cimetra il y tit deux
cri que poussa le détachement, jetèrent dans mille quatre cents prisonniers, et tua à l'ennemi
l'âme des Samuites une frayeur qu'augmenta environ quatre cent trente hommes. De là s'étant
Fabius, en s'écriant que son collègue Décius ap- rendu à Rome pour tenir les comices, il se hâta
prochait. A ces mots, les soldats transportés de de terminer cette opération. Comme les centu-
joie, se disent les uns aux autres que c'est l'autre ries appelées tes premières nommaient toutes
consul, que ce sont ses légions qui leur arrivent; Q. Fabius consul, Appius Claudius, candidat con-
et cette erreur, en même temps qu'elle fut utile sulaire, homme ardent et ambitieux, autant pour
aux Romains, remplit les Samnites d'épouvante. son propre intérêt que pour celui du patriciat
Ils prirent la fuite, effrayés surtout du danger qu'il eut voulu remettre en possession des deux
d'être écrasés, dans la fatigue qui les accablait, places de consul, réunissant à son crédit person-
par des troupes toutes fraîches, qui allaient char- nel tout l'ascendant du corps entier de la noblesse,
ger pour la première fois. Mais, comme ils se s'acharna à se faire nommer consul avec Q. Fa-
dispersèrent de tous côtés, leur perte ne fut pas bius. Fabius refusa d'abord et fit valoir à peu
en proportion d'une pareille défaite. On leur près les mêmes raisons qu'il avait alléguées l'an-
tua trois mille quatre cents hommes, on leur en née précédente; la noblesse tout entière entoure
prit huit cent trente environ, et l'on s'empara de sa chaise curule tous le conjurent d'arracher le
vingt-trois étendards. consulat de la fange plébéienne et de rendre à
XV. Les Apuliens se fussent joints aux Samni- cette dignité son antique majesté, aux familles
tes avant cette bataille, sans le consul P. Décius patriciennes leur ancienne gloire. Fabius ayant
qui les arrêta près de Malevent, les attira au com- fait faire silence apaisa cette ardeur des esprits
bat et les défit. Là aussi la déroute fut plus grande par des paroles pleines de modération. II dit a qu'il
que la perte; les Apuliens ne perdirent que deux aurait reçu volontiers les noms de deux patri-
mille hommes et Décius, méprisant un tel en- ciens, s'il eut vu nommer consul un autre ci-
nemi, mena ses légions dans le Samnium. Alors toyen que lui; mais que dans les comices, il ne
les deux armées consulaires parcoururent le pays pouvait, au mépris des lois, s'occuper de lui-
en sens opposé, et, pendant l'espacede cinq mois, même qu'il ne donnerait jamais ce funeste exem-

lio excesseruut. Crevit ex eo hostitim animus; nec susti- spatio quiuqae mensium evastarunt.Quadrllginta et quin-
nrre frons prima tam longtim certanien increscentemque que loca in Samuio fuere, in quibus Decii castra fue
fiduria sui vim potuiaset, ni secuuda scies jussu consulis ruut alterius consulis sex et octoginta. Nec valli tantum
in primum successisset. Ibi intrgræ viressistuot invehen- ac fossarum restigia relicta, sed multo illis insiguiora mo
tem ne jam Samnitem et tempore improvisa ex monti- numenta vastitis circa regionumque depopulatarum.
bus signa clamorque sublatus non vero tantum metu ter- Fabius etiam urbem Cimetram cepit. Ibi capta arma o
ruere Samnitium animos. Nam et Fabius Decium colle- rum duo millia quadringenti caesi ferme pugnantes ad
gam appropinquareeiclamavit, et pro se quisque miles, quadringentos triginta. Inde, comitiorum causa Rmnam
adesse alterum consulem, adesse legioues, gaudio profectus, maturavit eam rem agere. Quum primo vo-
alacres fremullt; errorque utilis Romanis oblatus fugæ catæ Q. Fabium consulem dicerent omoes cenluria'
formidiuisqlle Samnites implevit, maxime territos, ne ab Ap. Claudius consularis caudidatus, vir acer et ambito-
dltero exeritu integro intactoque fessi opprimerentur sus, non sui magis honoris causa quam ut patricii recu-
et, quia passim in fugam diss pali sunt, minor cædes, perarent duo consularia loca, quum suis, tum totius no-
quam pro tanta victoria, fuit. Tria millia et quadringenti bilitatis viribus, incubuit, ut se cum Q. Fabio consulem
cæsi; capti octingenti ferme et triginta signa miltæia diccreut. Fabius primo, de se eadem fere, que pnore
capta tria et viginii. anuo, dicendo, abuuere. Circurostare sellam omnis no-
XV. Samnitibus Apuli se ante prœlium conjuniissent, bilitas orare ut ex cœno plebeio consulatum extralie-
ni P. Deciua consul iis ad Maleventum castra objecisset, ret, majestatemque pristioam tum honori, tum patricns
extractus deiride ad certamen fndisset. Ibi quoque plus gentibus redderet. Fabius sitentiofacto, media oratioue
fugæ fuit, quam ce'dis. Duo rnillia Apulorum cæsa; spre- studia hominum sedavit. « Faclurum enim se fuisse dirrl,
toque eo hoste Decius in Samnium legiones duxit. Ibi ut duorum patriciorum nomina reciperet, si alum, quam
duo cousu lares exercitus, diversis vagali partibus, omnia se, consulem neri videret: nunc se sui rationem coruttus,
pie. » Ainsi L Volumnius, de l'ordre des plé- avec la servitude est plus insupportable que la
béiens, fut nommé consuls avec Ap. Claudius ils guerre avec la liberté. il ne leur reste plus d'es-
avaient été collègues dans un premier consulat. poir que dans les Étrusques; ils savent que cette
La noblesse reprocha alors à Fabius d'avoir re- nation est la plus puissante de l'Italie, par ses ar-
douté dans le consulat la concurrence d'Ap. Clau- mes, par ses guerricrs, par ses richesses elle a
dius, qui, pour l'éloquence et l'habileté dans pour voisins les Gaulois, nés au milieu du fer et
les affaires, avait sur lui une incontestable supé- des armes, naturellement intrépides et surtout
riorité. contre les Romains, qu'ils se vantent, non saus
XVI. Les comices terminés, les anciens consuls fondement, d'avoir vaincus et réduits à se rache-
eurent ordre de continuer la guerre dans le Sam- ter à prix d'or. Que les Étrusques se pénètrent du
nium, et on leur prorogea le commandement même esprit qui anima jadis Porsenna et leurs
pour six mois. Ainsi, l'année suivante même, ancêtres, et on ne tardera pas à les rejeter au-
sous le consulat de L. Volumnius et d'Ap. Clau- delà du Tibre et à obliger ces tyrans de l'Italie à
dius, P. Décius, que son collègue avait laissé combattre pour leur propre salut, non plus pour
consul dans le Samnium, devenu proconsul, ne leur odieuse domination. Il leur est arrivé une
cessa de ravager le pays, et finit par en chasser armée de Samnites bien équipée, bien fournie
entièrement l'armée des Samnites, qui ne voulut d'armes et d'argent', disposée à les suivre partout,
jamais s'exposer aux chances d'un combat. Cette même aux pieds des murs de Rome pour l'as-
armée gagna l'Étrurie, et là, se flattant que la siéger. 9
présence d'un si grand nombre de soldats, soute- XVII. Pendant qu'ils essayaient d'ébranlerl'É-
nant leurs demandes par la terreur, agirait plus trurie par un langage si fier, la guerre romaine
efficacement que ne l'avaient pu faire leurs in- dévorait lenr pays. En effet P. Décius, informé
fructueuses députations, ils demandèrent la con- par ses éclaireurs du départ de l'armée samnite,
vocation des principaux chefs étrusques. Quand assemble aussitôt son conseil « Pourquoi nous
ils furent réunis, les Samnites exposent depuis borner, dit-il, à errer dans les champs et à pro-
combien d'années ils combattent pour la liberté mener la guerre de bourgade en bourgade? que
contre les Romains « Ils ont tout mis en œuvre, n'attaquons-nousdes villes et des remparts? il n'y
afin de soutenir avec leurs seules forces tout le a plus d'armée pour défendre le Samnium; l'en-
poids d'une si redoutable guerre; ils ont essayé nemi a évacué son pays; il s'est imposé l'exil à
d'obtenir les secours, du reste bien peu impor- lui-même.» Tous ayant goûté cet avis, il les mène
tants, de quelques peuplades voisines; ils ont attaquer Murgantia, ville forte et les soldats y mi-
demandé la paix au peuple romain, quand ils se rent tant d'ardeur, excités tout à la fois parl'amour
sont vus dans l'impossibilité de continuer la qu'ilsportaient à leur chef et par l'espoir d'un plus
guerre ils ont repris les armes, parce que la paix riche butin que celui qu'ils avaient fait dans les

quam contra leges futurum sit, pessimo exemplo non ha- servientibus gravior, quam liberis bellum esset. Unam
bilunim. » Ita L. Volumnius de ptebe cum Ap. Claudio sibi spem reliquam in Etruscis restare. Scire, gentem
consul est factus; priore item consulatu inter se compa- Italiæ opuleulissimam armis, viris, pecunia, ease ha-
rati. Nobilitas oblectare Fahio, fugisse eum Ap. Claudium bere accolas Gallos, inter ferrum et arma natoi, feroces
collegam, eloquentia civilibusque artibus haud dubie quum suopte ingenio, tum adversus romanumpopulum
praeatantem. quem captum a se auroqueredemptum, baud vana jactan-
XVI. Comitiis perfectis, uretères consoles jussi bellum tes, memorent. Nibil abesse, si sit auimus Etruscis, qui
in Samnio gerere prorogatoin sei menses imperio. Ita- Porsenæ quondam majoribusque eorum fuerit, quia Ro-
que insequenti quoque anno, L. Votumnio, Ap. Claudio manos, omni agro cis Tiberim puisos, dimicare pro
cousulibus, P. Decius, qui consul in Samuio relictus a salute sua, non de intolerando Italiæ regno, cogant. Sam-
collega fuerat, proconsul idem populari non destitit nitem illisexercitum paratum, instructumarmis, atfpeu-
agros donec Samuitium exercitum nusquam se prœlio dio venisse confestim secuturos, vel si ad ipsam Roma-
committentern, postreino expulit finibus. Etruriam pulsi nam urbem oppugnandam ducant..
pelierunt; et, quod legationibus nequicquam sæpe tenta- XVII. Haec eos in Etruria jactantes molientesque bel-
terant, id se tanto agmine armatorum, mixtis terrore lum domi Romanum urebat. Nam P. Decius, ubi cons-
precibus, acturos efficacius rati, postulaverunt principum perit per exploratores profectum Samnitium exercitum,
Etruriæ concilium. Quo coacto, per quot annos pro liber- advocato cousilio, Quid per agros, inqnit, vagamur,
tale dimicent cum Romanis, exponunt. « Omnia expertos vicatim circumferentes bellum? Quin urbes et mœma
eese, si suismet ipsorum viribus tolerare tantam molem aggredimur? l'iullus jam exercitus Samnio præidet. Ces-
belli possent; tentasse etiam baud magni momenti finiti- sere finibus, ac sibimet ipsi exilium conscivere. » Appru-
marnm gentium auxilia: petilse pacemapopuloromano, banlibus cunctis, ad Murgantiam, validam urbem, ope
quum btllum tolerere non possent rebellasse, quod pax pugnandam ducit tantusque ardor militum fuit, et ca-
campagnes, qu'en un seul jour ils emportèrent la I dues avec la plus grande valeur, outre que la place
place à la pointe de l'épée. On y trouva, les ar- était protégée par ses remparts et par sa position
mes à la main, deux mille cent Samnites, qui mais le soldat accoutumé au pillage surmonta
furent enveloppés et faits prisonniers; on y fit tous les obstacles. Environ trois mille ennemis
aussi un butin considérable. Décius dans la furent tués le long des remparts; le butin fut
crainte que l'armée ne fût gênée dans ses mouve- Pour le soldat. Dans quelques annales l'honneur
ments par un lourd bagage, fait convoquer les de ces succès est attribué principalementà Maxi-
soldats « Vous contenterez-vous, leur dit-il, de mus il y est rapporté que Murgantia fut prise
celte victoire ou de ce butin? Ne voulez-vouspas par Décius, Férentinum et Romuléa par Fabius.
élever vos espérances au niveau de votre cou- Certains historiens en rapportent la gloire aux
rage ? Toutes les villes des Samnites, les richesses nouveaux consuls; d'autres à l'un des deux seu-
laissées dans ces villes sont à vous, puisque vous lement, à L. Volumnius, à qui serait échu le Sam-
avez en tant de rencontres battu leurs légions, et nium.
que vous les avez enfin chassées du territoire. XVI Il. Pendant que tous ces événements s'ac-
Vendez ce que vous avez pris, et par l'appât du complissaientdans le Samnium, sous la conduite
gain attirez le marchand à la suite de l'armée et les auspices de l'un ou l'autre de ces généraux,
bientôt je vous procurerai de quoi vendre encore. il se préparait en Étrurie une nombreuse coalition
Marchons d'ici sur la ville de Romulée, qui ne dépeuples d'où allait sortir une guerre terrible con-
vous coûtera pas plus d'efforls et vous donnera tre les Romains; c'est le Samnite Gellius Égratius
plus de butin. » Le butin vendu, pressant eux- qui l'avait fomentée. Presque tous les Toscans
mêmes leur général, ils se portent sur Romulée. avaient pris les armes. La contagion avait gagné
Là aussi, sans recourir aux travaux ni aux machi- les peuples de l'Ombrie les plus voisins, et l'on
nes, on ne fut pas plus tut à portée, que bravant achetait à prix d'argent les secours gaulois. Le
tout ce qui pouvait défendre les approches, cha- rendez-vous de toute cette multitude était le
cun courut au plus près appliquer les échelles, et camp des Samniles. Quand on apprit à Rome
l'on parvint au haut des murs. La ville fut prise ces mouvements imprévus, le consul Volumuius
et livrée au pillage. Il y périt deux mille six cents était déjà parti pour le Samnium avec la seconde
hommes; six mille furent faits prisonniers. Le sol- et la troisième légion et quinze mille alliés; l'ou
dat, maitre d'un butin considérable, fut forcé décida de faire partir le plus tôt possible Ap.
de le vendre comme la première fois; conduit Claudius pour l'Étruric. Il fut suivi de deux lé-
de là à Férentinum, bien qu'on ne lui laissât pas gions romaines, la première et la quatrième et
le temps de respirer, il marcha avec un empres- de douze mille alliés; il alla camper à peu de
sement extrême. Au reste on trouva là plus de distance de l'ennemi. Au reste la prompte arrivée
fatigues et de périls les murailles furent défen- de Claudius eut pour principal avantage, que la

ritate ducis, et spe majoris, quam ex agrestibus popula- sunt, et locus erat munimento naturaque tutus sed
tionihus, prædæ, ut uno die vi atque armis urbem capc- evicit omnia assuetus prædæ miles. Ad tria millia hostium
rent. Ibi duo millia Samnitium et centum puguantes circa muros ca'sa; pra'da militis fuit. Hujus oppugnata-
circumventi captique et alia pre'da ingens capta est. rum urbium decoris pars major iu quibusdam aunalibus
Quae ne impedimentisgravibus agmen oneraret, convo- ad Maximum trabilur: Murgantiam ab Decio, a Fabio
cari milites Deciuslubet.. Haccine. inquit, victoria sola, Ferentinum Romuleamque oppugnatas tradunt. Sunt,
aut hac præda contenti estis futuri? Vultis vos pro vir- qui novorum consulum banc gloriam faciant; quidam non
tute spes gerere? Omnes Samnitium urbes, fortunæque amborum, sed alterius, L. Volumnii; ei Samnium pro-
iu urbibus relictw vestroe sunt; qllando legiones eorum, vinciam evenisse.
tôt prœliis fusas, postremo finibus expulistis. Vendite XVIII. Quum ea inSamnio, cujiiscunque ductu auspi-
isla, et illicite lucro mercatorem, ut sequatur agmen; cioque gererentur; Romanis in Etruria iterum bellum
ego subinde suggeram quoe vendatis. Ad Romuleam ur- ingens mullis ex gentibus concitur; cujus auctor Gellius
bem hinc eamus, ubi vos labor haud major, praeda major Egnatius ex Samnitibus erat. Tusci fere omnes consci-
tnanet. Divendita pra'da, ultro adhorlantes imperato- verant belium traxerat contagio proximos Umbriae po-
rem ad Romuleam pprgunt. Ibi quoque sine opere, sine pulos et Gallica auxilia mercede sollicitabantur. Omnis
tormentis, simul admota sunt signa, oulla vi deterriti a ea multitudo ad castra Samnitium conveniebat. Qui tu-
muris, qua cuique proximum fuit, scalis raptim admotis, multus repens postquam Romam perlatus est, quum jam
in mœnia evasere. Captum oppidum ac direptum est. Ad L. Volumnius consul cum legionibus secunda ac tertia,
duo millia et trecenti occisi et sex millia hominum canta; sociorumque millilrus quindecim profectus in Samuium
et miles ingenti præda potitus quam vendere sicut prio- esset, Ap. Claudium primo quoque tempore in Etruriam
rem, coactus, Ferentinum inde, quanquam nihil quictis ire placuit. Duae Romana legiones secutae, prima et
dabatur, tamen summa alacritate ductus. Ceterum ibi quarta, et sociorum duodecim millia. Castra haud procul
plus laboris aa perieuli fuit. Et defensa summa vi mœnia ab hoste posita. Celerum magis eo profectum est, quod
crainte du nom romain comprima quelques peu- tude que de le dissimuler. Après qu'ils se furent
ples de l'Étrurie prêts à prendre les armes; du salués, Appius s'avançant à la rencontre de son
reste le consul montra peu d'habileté et n'eut collègue, lui dit a Tout va-t-il bien, Volum-
guère de succès. 11 engagea plusieurs combats nius ? Où en sont les affaires du Samnium? Quel
dans des positions et des circonstances défavora- motif a pu t'engager à quitter la province? » Vo-
bles. La confiance que donnaient à l'ennemi ces lumnius répondit « que les affaires du Samnium
petits avantages le rendait plus incommode de jour étaient satisfaisantes;qu'il était venu mandé par
en jour, et l'on en était presque au point que une lettre de lui; que si cette lettre était fausse,
les soldats ne comptaient plus guère sur leur gé- et qu'on n'eût pas besoin de ses services en Étru-
néral, ni le général sur ses soldats. Je trouve dans rie, il allait retourner à l'instant sur ses pas.
trois annalistes qu'il écrivit à son collègue de ve- —Pars donc, lui dit-il, on ne te retient pas. Car
nir du Samnium à son secours; cependant je ré- il n'est nullement convenable que, suffisant peut-
pugne à donner ce fait comme certain, quand je être à peine à la guerre (dont tu es chargé, tu
vois qu'entre deux consuls du peuple romain, déjà puisses te vanter d'être venu ici pour nous se-
revêtus pour la seconde fois de cette dignité, ce courir. » Volumnius répliqua « Plaise à Hercule
point même devint un sujet de débat, Appius di- que tout aille pour le mieux. J'aime mieux avoir
sant qu'il n'avait point écrit, Volumnius affirmant pris une peine inutile que d'avoir été témoin
qu'il n'était venu que sur une lettre de son col- de quelque malheur qui rendît une seule armée
lègue. Volumniusavait déjà pris dans le Samnium consulaire insuffisante pour l'Étrurie. »
trois forteresses, où il avait tué à !'ennemi envi- XIX. Les consuls se séparaientdéjà, lorsque les
ron trois mille hommes, et fait à peu près quinze lieutenants et les tribuns de l'armée d'Appius les
cents prisonniers; de plus, il avait réprimé chez entourent les uns conjurent leur général de ne
les Lucaniens des séditions excitées par des plé- pas rejeter un secours que lui offrait la fortune
béiens et des hommes sans ressources qui en et qu'il eût dû solliciter lui-même la plupart se
étaient les chefs, en y envoyant Q. Fabius avec sa jettent au-devant de Volumnius qui partait, et le
vieille armée, lequel fut puissamment secondé supplient de ne pas perdre la république par un
par les grands du pays. Laissant à Décius le soin déplorable débat avec son collègue. « S'il surve-
de saccager le territoire ennemi, il se met eu nait quelque désastre, on s'en prendrait à celui
marche avec ses troupes pour rejoindre son col- qui se serait retiré plutôt qu'à celui qui aurait été
lègue en l:lrurie. Son arrivée causa une joie uni- abandonné. Les choses en étaient au point que la
verselle. A mon avis, Appius, qui avait conscience gloire ou la honte du résultat de la campagne en
de ce qu'il avail fait, dut à bon droit se sentir ir- Etrurie rejaillirait tout entière sur L. Volumnius;
rité, si en effet il n'avait point écrit; mais s'il avait on ne s'informerait pas des discours d'Appius,
eu besoin de secours, c'était petitesse et ingrati- mais du sortdel'armée.S'il était repoussé parAp-

mature ventum erat. ut quosdam spectantes jam arma esset,Satin' salvæ, inquit, L. Volumni? ut sese in
Etruriæ populos metus Romani nomiuis comprimeret, Samuio res habent? quæ te causa, ut provincia tua exce-
quam quod ductu consulis quicquam ibi satis scite aut deres, induxit?» Volumnius in Samnio res prosperas esse
fortuuale gestum sit. Multa locis et temporibus ait, literis ejus accitum venisse: quæ si falsae fuerint,
iuiquis commissa; spesque in dieu graviorem hostem fa- nec usus sui sit in Etrurio, extemplo conversis signis ah-
ciebat et jam prope erat ut nec duci milites, nec mili- iturum. Tu vero abeas, inquit, neque te quisquæn
tibus dux satis Bderet. Literas ad collegam aroessenduin moratur; etenim minime consentaneum est, quum bello
ex Samnio missas, in trinis annalibus inveuio. Piget ta- tuo foraitan vil sufficias hic te ad opem ferendam aliis
men incertum ponere, quum ea ipsa inter consules po- gloriari venisse. Bene Hercules verteret, dicere Vo-
puli romani, jam iterum eodem honore fungentes, dis- lumnius « malle frustra operam insumptam, quam quic-
crepalio fuerit: Appio abnuente missas; Volumnio affir- quam incidisse cur non salis esset Etruriæ unus cousu-
maote, Appii se literis accitum. Jam Volumnius inSamnio laris exercitus. »
tria castella ceperat, in quibus ad tria millia hostium XIX. Digredientes jam consules legati tribunique ex
ciesa erant, dimidium fere ejus captum et Lucauorum Appiano exercitu ciroumsistant pars imperatorem suum
seditiones, a plebeiis et egeutibus ducibus ortas, summa orare « ne collegæ auxilium, quod acciendum ultro fue-
optimatium voluntate per Q. Fabium proconsulem, rit, sua sponte oblatum sperneretur »plures abeunti
missum eo cum veteri exercitu eompresserat. Decio de- Volumniuobsistere atque obtestari, ne pravo cum col-
populandos bostium agros relinquit ipse cum suis copiis lega certamine rempublicam prodat. Si qua clades in-
in Etruriam ad collegam pergit; quem advenientem læti cidisset. desertori magis, quam deserto, noxiæ fore. Eo
omnes accepere. Appium ex conscientia sua credo ani- rem adductam, ut omne rei bene aut secus gestæ m
mus habuisse baud immerito iratum, si nihil scripserat; Etruria decus dedecusque ad L. Volumnium sit delega-
filit erali et ingrato animo, si eguerat ope, dissimulantem. tum. heminem quæsiturum, quae verba Appii, sed qua
Vix emim salute mitua reddita, quum obviam egressus foituna exercitus fuerit. Dimitti ab Appio eüm, sed
pius, la république et l'armée le retenaient; il n'a- sur les vôtres. Faites-moi connaitre par vos cris
vait qu'à éprouver les dispositions des soldats.» Au si vous voulez que je demeure ou que je me re-
milieu de ces représentations et de ces instances, tire. » Alors il s'éleva une clameur si grande, que
ils entrainèrent les consuls presque malgré eux, les ennemis sortirent de leur camp, tout armes
jusqu'à la grande place du camp où les soldats en bataille. Volumnius, de son côté, fit sonner la
étaient réunis. Là, de longs discours furent pro- charge et porter les enseignes hors du camp. On
noncés à peu près dans le sens de ce qui avait été rapporte qu'Appius hésita, voyant que, suit qu'il
dit jusqu'alors dans des groupes peu nombreux; 1 combattit, soit qu'il se tînt en repos, son collè-
et comme Volumnius, dont la cause était la meil- gue remporterait la victoire; qu'ensuite craignant,
leure, n'avait point été trouvé sans quelque talent que ses propres légions ne suivissent Volumnius,
oratoire, même devant l'éloquence si renom- il donna aussi le sigual qu'elles demandaient avec
mée de son collègue, Appius lui dit en le rail- instance. D'aucun côté il n'y eut assez d'ordre dans
lant « qu'on devait lui savoir gré, à lui Appius, les dispositions. En effet, le général des Samniles,
d'avoir fait un consul éloquent d'un homme dont Gellius Egnatius était allé au fourrage avec quel-
la langue semblait liée; que durant leur premier ques cohortes; et ses soldats, en se portant au
consulat, surtout dans les premiers mois, il n'avait combats, suivaient plutôt leur impétuosité, que la
pas ouvert la bouche, et que maintenant il pro- direction ou le commandement d'un chef quel-
diguait les harangues populaires.» — «Il vaudrait conque d'autre part, les deux armées romaines
incomparablement mieux, reprit Volumnius, que ne marchèrent pas au même moment, et l'on
tu eusses appris de moi à bien faire, que moi de n'eut pas le temps de les ranger en bataille.
t
toi à bien dire. H unissait par lui proposer un Volumnius en vint aux mains, avant qu'Appius
parti qui devait décider, non pas quel était le fût à portée de l'ennemi. Aussi, la première charge
meilleur orateur, objet peu important pour l'état, se fit sur un front inégal et, par je ne sais quel
mais quel était le meilleur général. Il y avait deux hasard qui changea pour les deux consuls les en-
provinces, l'Étrurie et le Samnium; Appius n'a- nemis qui leur étaient opposés, les Etrusques se
vait qu'à prendre celle qu'il préférerait; et lui, portèrent contre Volumnius, et les Samnites, un
Volumnius, soit dans l'Étrurie, soit dans le Sam- peu retardés par l'absence de leur général, contre
nium, saurait faire son devoir avec son armée. » Appius. On dit qu'Appius, au fort du combat, le-
Alors, les soldats se mirent à crier qu'il fallait vant les mains au ciel de manière à être remarqué
que tous deux entreprissent ensemble la guerre aux premiers rangs, fit cette prière « Belloue,
d'Étrurie. A cette manifestation de la volonté des si tu nous donnes anjourd'hui la victoire, moi, de
troupes, a Puisque je me suis trompé, dit Volum- mon côté, je te voue un temple. o Après avoir
nius, en interprétant les intentions de mon collè- prononcé ces mots, animé en quelque sorte de l'es-
gue, je ne m'exposerai pas à prendre le change prit de la déesse, il égala lui-même la valeur de

a republica et ab exercitu retineri; experiretur modo velitis, clamore significate. Tum vero tantus est clamor
voluntatem militum.. Hæc monendo obtestandoque, eiortus, ut bostes e castris cxciret; armis arreplis in
prope restitantes consules in concionem pertraierunt.Ibi aciem descendu nt. Et Volumnius signa canere, ac vesilla
orationes longiores habitæ in eandem ferme sententiam efferri e castris jussit. Appium addubitasse ferunt, cer-
in quam inter paucos certatum verbis fuerat. Et quum uentem sen pugnante, seu quieto se, fore collegae victo-
Volumnius,causa superior, ne infacundus quidem adver- riam deinde veritum, ne sua quoque legiones Volum-
eue eximiam eloquentiamcollegae visus esset; cavillansque nium sequerentur, et ¡psum llagitantibus suis signum
Appius, aibi acceptum referre, diceret, debere quod dedisse. Abneutra parte salis commode instructi fuerunt.
ex muto atque elingui facundum etiam conaulem habe- Nam et Samnitium dui Gellius Egnatius pabulatum cum
rent; priore consulatu, primis utique mensibus, hiscere cobortibui paucis ierat; suoque impetu magis milites,
enm nequisse, nunc jam populares orationes serere quam cujusquam ductu aut imperio, pugnam oapease-
Quam mallem, inquit Volumnius, tu a me strenue fa- bant et romani exercitus nec pariter ambo ducti, nec
cere, qunm ego abs te scite loqui didicissem. — Postremo salis temporis ad instruendum fuit. Prius concurrit Vo-
conditionem ferre, que decretura ait, non orator (neque lumnius, quam Appius ad hostem perveniret. Itaque
enim id desiderare rempublicam, sed imperator uter fronte inæquali concursum est et velut forte quadam
sit melior. Etruriam et Samnium provincias esse; utram mutante assuetos iuter se hostes,EtrusciVolumnio, Sam-
mallet, eligeret. Suo exercitu se vel in Etruria, vel in nites, parumper cunctati, quia dux aberat, Appiooccur-
Samnio rem gestorum. Tum militum clamor ortus, rere. Dicitur Appius in medio puguæ discrimine, ita ut
ut simul ambo bellum Etruscum ausciperent.. Quo inter prima signa manibus ad cœlum sublatis conspice-
animadverso consensu, Volumnius, Quoniam iu collegæ retur, ita precatus esse Bellona, si bodie nobis victo-
voluntate interpretanda, inquit, erravi non committam, riam duis, ast ergo templum tibi voveo. » Hæc precatus
ut, qmd vos vel;Vs, obscurum sit. Manere, an abire me velut instigante dea, et ipso collegæ et exercitum virtutena
son collègue et celle de son armée. Les deux chefs samnile sur le territoire des Campaniens, il se
se signalent comme généraux; et les soldats de porte au secours des alliés. Arrivé dans le Calé-
chaque armée font tous leurs efforts pour ne nnm il voit de ses yeux les traces d'une récente
pas céder à l'autre l'honneur de vaincre la pre- dévastation et il apprend des Caléniens que les
mière. Ils culbutent et mettent en fuite les en- ennemis traînaient avec eux un butin déjà si con-
nemis, qui ne pouvaient tenir contre une masse sidérable, que la marche de l'armée en était ra-
hien supérieure à celle avec laquelle ils avaient lentie que les chefs disaient hautement, qu'il fil-
coutume de se mesurer. En les pressant à mesure lait retourner dans le Samnium, y déposer leur
qu'ils abandonnaient le terrain, et les poursuivant butin, pour reprendre ensuite leur expédition, et
dans leur déroute, ils les poussèrent jusqu'à leur ue pas exposer aux chances d'une bataille des
camp. Là, l'arrivée de Gellius avec ses cohortes troupes aussi surchargées. Bien que ces rapports
de Sabellins ranima un peu le combat. Ces trou- fussent vraisemblables, il crut devoir s'assurer
pes ayant été aussitôt rompues, les vainqueurs plus exactement de la vérité des faits, et détacha
attaquèrent le camp même; et comme Volumnius. quelques cavaliers pour enlever des pillards qui
se porta en personne à l'une des portes, etqu'Ap- s'aventuraientdispersés dans la campagne. En les
pius répétant de temps à autre le nom de Bellone questionnant, il apprend que l'ennemi est sur les
victorieuse, enflammait les esprits des soldats, bords du Vnlturne qu'il doit décamper à la troi-
on franchit les palissades et les fossés. Le camp sième veille, et qu'il se dirige vers le Samnium.
fut pris et livré au pillage; on y trouva un butin Sur des informations aussi précises, il vint se
considérable, qui fut abandonné au soldat. L'en- placer à une certaine distance des ennemis, de
nemi perdit sept mille trois cents hommes qui manière à cacher son armée et à être h portée
trouvèrent la mort sur le champ de bataille, et de tomber sur l'ennemiquand il sortirait de son
deux mille cent vingt qui furent faits prisonniers. camp. Un peu avant le jour, il se rapproche du
XX. Tandis que la guerre étrusque absorbe camp, et il envoie des émissaires qui savaient
les deux consuls et la totalité des forces ro- la langue osque, examiner ce qui s'ypasse. Ces
maines, de nouvelles armées formées dans le hommes, mêlés parmi les ennemis, chose facile
Samnium partent pour aller ravager les con- dans le désordre de la nuit, apprennent que ceux
fins de l'empire romain, et, traversant le pays qui sont partis étaient clairsemés autour des en-
de Vescia, s'avancent dans la Campanie et le seignes que le butin défilait avec les soldats
territoire de Faléries, où elles font un butin im- chargés de l'escorter vil troupeau où chacun
mense. Volumnius retournait à grandes journées ne consultait que soi-même, sans ensemble,
dans le Samnium ( car le commandement qu'on sans chef qui sût se faire obéir. Ce moment pa-
avait continué à Fabius et à Décius était près d'ex- rut très-propre pour l'attaque; le jour appro-
pirer) mais apprenant les ravages de l'armée chait déjà: le général romain fait sonner la charge

æquavit. Duces imppraloria opéra exequuntur; et mi- socios convertit. Ut in Calenum agrum venit, et ipse
lites, ne ab altera parte prius Victoria incipiat, annitun- cernit recentia cladis vestigia et Caleni narrant, tantum
tur. E)go fundunt fugantque hostes, majorem molem loin prædæ hostes trahere, ut vix explicare agmen pos-
haud facile sustinentes, quam cum qua manus conserere sint itaque jam propalam duces loqui extemplo eundum
assueti fuerant urgendo cedentes, insequendoque effu- in Samnium esse; ut, rclicta ihi pra'da in expeditionam
sos compulere ad castra. Ibi, interventuGelld cohortium- redeant, nec tam oneratum agmen dimicationi commt-
que Sabellarum, paullisper recruduit pugna. lis quo- tant. Ea, quanquam similia veris erant, certiua tamen
que mox fubis, pam a victoribus castra oppugnabantur; exploranda ratus, dimittit équités, qui vagos prædatores
et quum Volumnius ipse portx signa inferret; Appius, in agros palantes excipiant ex quibus inquirendocogno-
Bellonam victricem identidem celebrana, accenderet mi- scit ad Vulturnum flumen sedere hostem; inde tertia
litum animos, per vallum per fossas irruperunt. Ca- vigilia moturum iter in Samnium esse. His salis explo-
stra capta direptaque præda ingens parta et militi con- ratis profectus, tanto intervallo ab hostibus cousedit, ut
cessa est. Septern millia ac trecenti hostium occisi, duo nec adventus sous propinquitate nimia nosci posset, et
millia et centum viginli capti. egredientem e castris hostem opprimeret. Ahquanto ante
XX. Dum amho consules omnisque Romana vis in lucem ad castra accessit; ignarosque Oscae linguæ, ex-
Etruscum bellum magis inclinat, in Samnio novi exer- ploratum quid agatur, mittit. Internixti hostibus (quod
citus, exorti ad depopulandos imperii Romani fines, per facile erat in noctnrna trepidatione) cognoscunt, infre-
Vescinos in Campaniam Falernumque agrum transcen- quentia armatis signa egressa, prædam prædæque cu-
dunt, ingentesque prædas faciunt. Volumnium. magnis slodes exire; iguolnle agmen, et sua quemque moheutem,
itineribus in Samnium redeuntem (jam emm Fabio De- nullo inter ahos consensu, nec satis certo imperio. Tem-
cioque prorogati imperii finis aderat), fama de Samni- pus aggrediendi aptissirunm visum est; et )am lut appe-
tium exercim populationibusqueCampani agri ad luendos tebat. Itaque signa canere jussit; agmenque hostium ag-
et attaque l'armée des ennemis. Les Samnites fixé, ne fut point réclamé, fut laissé au soldat, et
embarrassés de leur butin, la plupart sans ar- chacun fut forcé de vendre son butin, pour n'a-
mes, doublent le pas, chassent devant eux leurs voir à s'occuper que de ses armes.
bêtes de somme, s'arrêtent sans savoir s'il est XXI. Ce ravage de la Campanic avait excité
plus sûr pour eux d'aller en avant ou de retour- dans Rome de grandes alarmes justement, dans
ner dans leur camp, et sont écrasés au milieu de le même temps, on annonça de l'Étrurie qu'après
leur irrésolution. Déjà les Ilomains avaient fran- le départ de Volumnius de cette contrée, les
chi leurs palissades; le carnage et la confusion Étrusques avaient repris les
armes que Gellius
étaient dans le camp même. L'armée Samnite, Egnatius, général des Samnites, poussait les Om-
outre l'attaque subite des ennemis, fut trou- briens à la révolte, et cherchait à séduire les Gau-
blée par la révolte inattendue des prisonniers. lois par des offres considérables. Le sénat, épou-
Ceux qui étaient déjà libres s'occupaient à délier vanté de ces nouvelles, fit proclamer le justitium,
leurs camarades; quelques-uns se jetaient sur les et ordonna des levées extraordinaires. On soumit
armes, attachées parmi les bagages. Confondus à la formule du serment, non-seulement les hom-
ptle-mtle avec les Samnites, ils causèrent parmi mes libres et les jeunes gens mais on forma des
ceux-ci un désordre plus affreux que le combat cohortes de vieillards etdes centuries d'affranchis.
même. Ensuite ils se signalèrent par un fait d'ar- On s'occupait aussi des moyens de défendre la
mes mémorable. Apercevant le général Staius ville, et le préteur P. Sempronius présidait à
Minacius, qui parcourait les rangs en exhortant l'ensemble de ces opérations. Au reste, le sénat
les siens, ils fondent sur lui, dispersent les cava- fut soulagé d'une partie de ses inquiétudes par
liers qui l'entourent, l'enveloppent et l'entraînent une lettre du consul L. Volumnius, qui fit cou-
sur son cheval vers le consul romain. La tête de naitre l'extermination des dévastateursde la Cam-
l'armée samnite, entendant ce tumulte, revint panie. On ordonna des prières publiques au nom
sur ses pas, et le combat, déjà terminé, recom- du consul, à cause de ses succès, et l'on fitces-
mença mais il ne put se soutenir longtemps. Six scr le justitium qui avait duré dix-huit jnurs
mille hommes environ furent taillés en pièces; les prières publiques furent célébrées avec une
deux mille cinq cents furent faits prisonniers, et joie universelle. Alors on pensa à mettre à l'abri
dans le nombre quatre tribuns des soldats. On de nouvelles attaques le pays ravagé par Ics Sam-
prit trente étendards et, ce qui mit le comble à nites. Il fut décidé que deux colonies seraient en-
la joie des vainqueurs, on recouvra sept mille voyées aux environs des cantons de Vescia et de
quatre cents prisonniers, et un butin considérable Falerne, l'une vers l'embouchuredu Liris, à la-
appartenant aux alliés. Un ordre du général in- quelle on donna le nom de Minturne l'autre dans
vita les propriétaires à venir reprendre ce qui les gorges de Vescia, qui confinent au territoire
leur appartenait. Tout ce qui, après un terme de Falerne, à l'endroit où fut, dit-on, la ville

greditur. Samniles præda impediti, infrequentes armati, cessæ; cnactiquf vendre prædam, ne alibi, quam in ar-
pars atidere gradum, ne præ se agere prædam, pars mis, animum haberent.
*tare; incerti utrum progredi an regrldi in castra lutius XXI. Magnum Ca populatio Campani agri lumultum
foret, inter cuuctationem opprimuntur. Et Romani jam Romæ præhuerat; et per cos forte dies ex Etruria allatum
transcenderantvallum, cædesque ac tumullus erat in erat, p.lst deductum inde Volumnianum exercitum Etru-
castris. Samnitium agmen, præterquam hostili tumultu, riam concitam in arma, et Gellium Egnatium, Samni-
captivorum etiam repentma defectione turbatum erat; tium ducem, et Umbros ad defectionem vocare, et Gall os
(lui partim ipsi suluti vinctos solvebant partim arma in pretio ingenti sollicitare. His nuntiis senatus conterritus
sarcinis deligata rapiclrant, tumultumque, prœlio ipso justitiunj indici, delectum omnis generis hominum ha-
ternbiliorem, intermixti agmini præbebant. Memoran- beri jussit; nec ingenui modo aut juniores sacramento
dum deinde edidere facinus; nam Staium Minacium adncti, sed seniorum etiam cohortes factæ, hbertinique
ducem, adeuntem ordines hortantemque, invariunt dissi- centuriati. Et defendendæ urhis consilia agitabantur;
patis iude equitibus, qui com eo aderant, ipsum circum- summæque rerum prætor P. Sempronius præerat. Cete-
sistunt, insidentemque equo captum ad consulem roma- rum parle cura' exonerarunt senatum L. olumnil con-
num rnpiunt. Revocata eo tumullu prima sigua Samni- sulis literae, quibus cæsos fusosque populatores Camtla-
tium; præliumque Jam prolligatum integratum est, nec nm cognitum est. Itaque et supplicationes ob rem bene
diutius sustineri potuit. Cæsa ad sex millia homiuum; gestam consulis nomine decernant juslilium remittitur,
duo millia et quingenti capti in üs tribuni militum qua- quod fuerab dies decem et octo, supplicatioque perlæta
tuor; signa mulitaria trigiuta; et, quod Ixlissimum vi- fuit. Tum de præsidio regionis depopulatæ ab Samnli.
ctoribus fuit, captivorum recepta septem millia et qua- bus agitari cceptum. Itaque placnit, ut dux colonix circa
drageuti; prxda iugens sociorum accitique edicto do- Vescinum et Falernum agrum deducerentur uua ad
miui ad res suas noscendas recipiendasque. Præstituta ostium Liris fluvii, qua- Minturnæ appellata; altera in
die, quatum rerum non cislitit dominus, unhti con- saltu Vesciuo, Falernum contingente agrum, ubi SI-
grecque de Sinope, que les colons romains nom- il aurait nommé sur-le-champ un dictateur. v
mèrent ensuite Sinuesse. On chargea les tribuns XXII. Il n'était douteux pour personne que
du peuple d'autoriser, par un plébiscite, le pré- tous les suffrages ne dussent se porter sur Q. Fa-
teur P. Sempronius à créer des triumvirs pour bius et la centurie privilégiée et toutes celles
y conduire les colons. Mais on trouvait peu de qui furent appelées les premières, le nommaient
citoyens qui voulussent se faire inscrire, chacun consul avec L. Volumnius. Fabius paria comme il
étant persuadé qu'on voulait l'envoyer dans un l'avait fait deux ans auparavant puis, vaincu par
poste militaire où il faudrait sans cesse avoir le vceu général, il se réduisit à demander P. Dé-
les armes à la main, et non dans des terres à cius pour collègue « Ce serait un appui pour sa
cultiver. Le sénat fut détourné de ces soins par la vieillesse; pendant la censure et les deux consulats
guerre d'Étrurie qui s'organisait, et par les fré- gérés avec lui, il avait éprouvé que rien ne con-
quentes lettres d'Appius qui avertissait le sénat tribuait tant à la force et à la sûreté de l'état que
de ne pas négliger les mouvements de ce pays la bonne intelligence entre deux collègues; l'hu-
« Quatre nations, disait-il, réunissaient leurs ar- meur d'un vieillard s'accommodait difficilement
mes, les Étrusques, les Samnites, lesOmbriens, les d'un nouveau compagnon de pouvoir; il s'enten-
Gaulois. Déjà deux camps avaient été établis, drait bien mieux avec un homme dont il connais-
un seul ne pouvant contenir une si grande nml- sait déjà le caractère. n Le consul souscrivit à ces
titude. » Ces nouvelles et les comices dont l'é- représentations, ainsi qu'aux justes louanges don-
poque approchait firent rappeler à Rome le con- nées à P Décius; il insista même sur tous les avan-
sul L. Volumnius, qui, avant d'appeler les cen- tages de la concorde et sur les funestes inconvé-
turies à donner leurs suffrages, convoqua le peu- nients de la désunion des consuls dans la conduite
ple et entra dans de grands développements sur des opérations militaires, rappelant, « quel épou-
l'importance de la guerre d'Étrurie, disant « que vantable malheur avaient manqué d'amener ses
dès le temps où il avait combattu de concert avec contestations avec son collègue ;» recommandant à
son collègue, la guerre était si formidable, qu'il Décius et à Fabius « de conserver cet accord de
n'eût pas été possible à un seul général et à une sentiments et de pensées. Ils étaient d'ailleurs des
seule armée de la soutenir; que depuis les forces hommes nés pour la guerre grands par leurs ac-
des ennemis s'étaient, disait-on accrues des Om- tions, peu versés dans la science des mots et daus
briens et d'une grande armée de Gaulois; qu'il les combats de la parole; c'étaient là des carac-
fallait donc penser que les consuls auraient à faire tères vraiment consulaires. Quant aux esprits sub-
la guerre à quatre peuples; que sans la persuasion lils et exercés, qui, comme Ap. Claudius, avaient
où il était que le peuple romain serait unanime étudié les lois et l'art de l'éloquence, il fallait les
pour nommer consul celui qui passait incontesta- retenir dans Rome pour l'administration civile et
blement pour le plus habile de tous les généraux les tribunaux en faire des préteurs pour rendre la

nope dicitur græca urbs fuisse. Sinuessadeinde abcolonis primus omnium ductor habeatur, diclatorem fuisse ex-
romanis appellata. Tribunis plebis negotium datum est, templo dicturum.. »
ut plebeiscito juberetur P. Sempronius pra'tor triumviros XXII. INemini dubium erat, quia Q. Fabius omnium
in ea loca colonis deducendis cl'eare nec, qui nomina consensu destinaretur; eumque et praerogativa, et primo
darent, facile inveniebantur, quia in stationem se prope vocatæ omues centuriæ consulem cum L. Volumnio dice-
perpetuam infestoe regionis, non in agros, mitti reban- bant. Fabii oratio fuit, qualis biennio ante; deinde, ut
tur. Avertit ab iis curis senatum Etruriae ingravescens viucebatur cousensu versa postremo ad collegam P. De-
bellum et crebrae literm Appii, monentis ne regionis cium poscendum. « Id senectuti sua; adminiculum fore;
ejus motum negligerent Quatuor gentes conferre ar- censura duobusque consulatibus simul gestis expertum
ma, Etruscos, Samnites, Umbros, Gallos. Jam castra se, nil concordi collegio firmius ad rempublicam tuen-
bifariam facta esse, quia unus locus capere tantam multi- dam esse. Novo imperii socio vil jam assuescere senilem
tudinem non possit..Ob bac, et (jam appetebat tem- animum posse; cum moribus notis facilius se communica-
pus) comitiorum causa L. Volumnius consul Romam turum consilia. » Subscripsit orationi ejus consul quum
revocatus qui prius, quam ad suffragium cenlurias vo- meritis P. Decii laudibus, tum, qua ex concordia con-
caret, in concionem advocato populo, multa de magni- sulum bona, qua'que ex discordia mala in administratione
tudine belli Etrusci disseruit.. Jam tum, qumn ipse ibi rerum militarium evenirent, « memorando, quam prope
cum collega rem pariter gesserit, fuisse tantum bellum, ullimum discrimen suis et collegæ certaminibus nuper
ut uec duce uuo, nec exercitu geri potuerit accessisse ventum foret admonendo Decium Fabiumque, lut uno
postea dici Umbros, et ingentem exercitum Gallorum. animo, uua mente viverent. Esse præterea viros nalos
Adversus quatuor populos duces consulesillo die deligi militiae, factis magnos, ad verborum linguaeque certami-
meminissent. Se, uisi confideret, eum conseusu populi na rudes ea ingénia consularia esse. Callidos sollertes-
Romani consulem declaratum iri qui baud dubie tum que, juris atque eloquentiæ consultos, qualis Ap. Clau-
justice. c La journée se passa dans ces pourparlers. dressa un autel puis, ayant convoqué les matrones
Le lendemain, selonl'ordre du consul, se tinrent plébéiennes, elle se plaignit de l'outrage que lui
les comices consulaires et prétoriens. On créa avaient fait les patriciennes, et dit « Je consacre
consuls Q. Fabius et P. Décius; Ap. Claudius fut cet autel à la Pudicité plébéienne; que désormais
nommé préteur; aucun d'eux n'était présent. Pour il n'y ait pas moins d'émulation de chasteté parmi
L. Volumnius, un sénatus-consulte et un plébiscite les femmes que d'émulation de courage parmi les
lui prorogèrent le commandementpour une année. hommes; faites tous vos efforts pour qu'on dise
XXIII. Il y eut celte année-là un grand nombre que cet autel est honoré encore plus saintement
de prodiges. Pour détourner ce qu'ils pouvaient que l'autre, s'il est possible, et par des femmes
présager de fâcheux, le sénat ordonna des prières plus chastes. o On adopta pour cet autel à peu près
publiques pendant deux jours. Le trésor supporta les mêmes rites que pour l'ancien, si bien que le
les frais du vin et de l'encens. Ces solennités atti- droit d'y sacrifier ne fut accordé qu'aux femmes
rèrent un grand concours d'hommes et de femmes. d'une chasteté reconnue, et qui ne s'étaient ma-
Ce qui les rendit remarquables, ce fut un débat riéesqu'une fois. Dans la suile, ce culte, prostitué
qui éclata entre les dames romaines dans le petit non-seulement à d'indignes matrones, mais à des
temple de la Pudicité patricienne, situédanslefo- femmes de toute condition, finit par être aban-
rum boarium, auprès de la rotonde consacrée à donné. La même année, Cn. et Q. Ogulnius, édiles
Hercule. Virginie, fille d'Aulus, patricienne, avait curules, poursuivirent quelques usuriers, et du
épousé le consul L. Volumnius., plébéien pour la produit de id confiscation de leurs biens, on fit la
punir de celle mésalliauce, les matrones l'avaient porte d'airain du Capitole, des vases d'argent pour
éloignée de leurs cérémonies sacrées. De là une décorer trois tables placées dans le sanctuaire de
altercation légère, qui, par suite de l'irritabilité Jupiter, la statue de ce dieu avec le quadrige qui
naturelle aux femmes, fut poussée jusqu'à une orne le faîte de cet édifire, et près du figuier ru-
querclle des plus vives. Virginie prétendait avoir minal les représentationsdes deux enfants fonda-
eu le droit d'entrer dans le temple de la Pudicité teurs de Rorne, allaités par la louve de plus, on
patricienne, étant patricienne, pudique, n'ayant fit paver en pierres carrées le chemin qui conduit
épousé qu'un seul homme auquel elle avait été de la porte Capène au temple de Mars. Les édiles
présentée vierge, n'ayant point à rougir d'une telle plébéiens, L. Élius Pétus et C. Fulvius Curvus,
alliance, mais au contraire à se glorifier du carac- ayant fait condamner les fermiers des pâturages
tère, des dignités et des exploitsde son époux. De si publics, donnèrent des jeux avec l'argent prove-
belles paroles furent couronnées par une action nant des amendes, et firent placer des coupes d'or
qui ne les démentait point. Dans la rue Longue dans le temple de Cérès.
où elle demeurait, elle sépara de sa maison un XXIV. Q. Fabius et P. Décius, consuls, l'un
emplacement suffisant pour un petit temple, et y pour la cinquième fois et l'autrepourla quatrième,

dius esset, urbi ac foro præsides babendos. pratoresque exclusit; aramque ibi posuit et, convocatis plebeiis ma-
ad reddenda jura creandos esse. » His agendis dies est tronis, conquesta injuriam patriciarum, « Hanc ego
coasumptus. Postridie ad præscriptum consulis et consu- aram, inquit, Pudicitiae plebeias dedico vosque hortor,
laria et prætoria comitia habita. Consolescreati Q. Fabius ut quod certamen virlutis viros in hac civitate tenet, hou
et P Decius Ap. Claadius pra2tor; omnes absentes. Et pudicitiæ inter matronas sit; delisque operam, ut hæc
L. Volumnio ex senalusconsulto et scito plebis proroga- ara, quant illa, si quid potest, sanctius et a castioribus
tum in annuil] imperium est. coli dicatur. Eodem ferme ritu et hæc ara, quo illa an-
XXIII. Eo anno prodigia multa fuerunt quorum aver- tiquior, culta est; ut nulla nisi spectatæ pudicitiæ ma-
runcandorumcausa supplicationesin biduum senatus de- trona, et quae uni viro nupta fuiàset, jus sacrificandi
crevit. Publice vmum ac tus præbitum. Supplicatum iere haberet. Vulgata dein religio a pollutis, nec matronis
frequentes viri feminæque. Insignem supplicationem solum, sed omnis ordinis feminis, postremo in oblivio-
fec t certamen in sacello Pudicitiæ patriciae, qum in foro nem venit. Eodem anno Cn. et Q. Oguinii ædiles curules
boario est ad ædem rolundainHerculis, inter matronas aliquot feneratoribus diem dixeront; quorum bonis mul-
ortum. Virginiam, Auli filiam, patriciam plebeio nu- tatis, et eo, quod in publicum redactum est, ænea in Ca-
plam L. Volumnio cousuli, malronoe, quod e Patribus pilolio limina et trium mensarum argentea vasa in cella
enupsisset, sacris arcuerant. Brevis altercatio inde ex Jovis, Jovemque in culmine cum quadrigis, et ad ficum
iracundia muliebri in contentionem animorum exarsit; Ruminalem simulacra infantium conditorum urbis sub
quum se Virginia et patriciam et pudicam iu patriciae Pu- uberibus lupæ posuerunt; semitamque saxo quadralo a
diciliae templum ingressam, et uni nuptam, ad quem Capena porta ad Martis straverunt. Et ab ædilibus ple-
virgo deducta sit; nec se viri lionorumve ejus ac rerum beiis L. Ælio Paelo et C. Fulvio Curvo, ex multaticia
gestaium pœnitere, vero gloriaretur. Facto deinde egre- item pecunia, quam eiegerunl pecuariis damnatis, ludi
gio magmlica verba ddauiit. lu viro Longo, ubi babita- facti; pateraeque aureae ad Cereris positae.
bat, ex paite a·diam, quod salis esset loci modico sacello, XXIV. Q. inde Fabius qmntum et P. Decius quarlum
se voyaient pour la troisième fois collègues dans peuple. »P. Décius se plaignait de l'injustice du
cette dignité, après l'avoir été dans la censure; sénat: « Autant qu'ils l'avaient pu, les patricieus
ils ne tiraient pas plus d'éclat t de la gloire de leurs s'étaient efforcés de fermer aux plébéiens l'accès
actions, si grande qu'elle fût, que de leur con- aux grandes dignités; depuis que le mérite était
corde. Elle fut cependant troublée un moment parvenu à se faire honorer dans toutes les classes,
par un débat qui provenait plus, je crois, de la on cherchait non-seulement à leur rendre inutiles
rivalité des deux ordres, que d'eux-mêmes. les suffrages du peuple, mais à leur enlever les
Les patriciens prétendaient que l'Étrurie fût assi- chances de la fortune, pour les tourner au profit
gnée extraordinairementpour province à Fabius; d'un petit nombre. Tous les consuls avant lui
les plébéiens poussaient Décius à réclamer la dé- avaient tiré au sort leur province; et maintenant,
cision du sort. Il est certain qu'il y eut quelque sans avoir recours au sort, le sénat donnait à Fa-
discussion dans le sénat; et comme Fabius y avait bius une province. Si l'on avait en vue de l'hono-
la prépondérance, l'affaire fut ensuite portée de- rer, assurément il avait assez bien mérité de son
vant le peuple. Le jour de l'assemblée, la discus- collègue et de la république, pour que lui, Dé-
sion ne fut pas longue; elle fut telle qu'on devait cius, cherchât à servir la gloire de Fabius, mais à
l'attendre de deux hommes de guerre, qui atta- condition que sa propre honte n'en rehaussât pas
chaient plus d'importance aux actions qu'aux pa- l'éclat. Qui ne voyait que, confier à l'un des con-
roles. Fabius alléguait « qu'il était odieux que le suls la conduite de la seule guerre inquiétante et
fruit d'un aibre qu'il avait planté fût cueilli par difficile qu'on eût à faire, c'était déclarer l'autre
un autre; il avait ouvert la forêt Ciminia et frayé consul incapable et inutile? si Fabius se vantait de
un chemin aux armes romaines à travers ces dé- ses succès en Élrurie, lui aussi voulait pouvoir
filés inaccessibles. Pourquoi l'avoir si vivement vanter les siens; et peut-être, ce feu que Fabius
sollicité à son âge, si l'on voulait donner à un au- n'avait pu qu'étouffer, et qui avait si souvent pro-
tre la conduite de la guerre? o Puis il glisse quel- duit un nouvel incendie, il parviendraità l'étein-
ques légers reproches contre Décius, (1 qui devient dre. Enfin, s'il était question d'honneurs et de
son adversaire au lieu du collègue fidèle qu'il récompenses pour son collègue, il cèderait par
avait cru choisir, et qui regrette la concorde qui respect pour son âge et pour sa dignité person-
avait régné entre eux, toutes les fois qu'ils avaient nelle mais là où il y avait des périls, des combats,
exercé ensemble la même dignité. » Il finit en di- il ne faisait et ne ferait jamais le sacrifice de son
sant « qu'il ne demandait autre chose que d'être droit et s'il succombe dans celte lutte, il rem-
envoyé dans la province, dans le cas où il serait portera du moins cet avantage, que ce qui appar-
jugé digne de cette distinction; et que, comme il tient au peuple sera ordonné par le peuple plu-
s'en était rapporté à la décision du sénat, il s'en tôt que décerné par le sénat à titre de faveur. Il
remettait de même au jugement souverain du suppliait Jupiter très-bon, très-grand et les dieux

consulatum ineunt, tribuns consulatibus censuraque col- tus pervicerit, uc in ullo génère hominum inhonorata
legæ; nec gloria magis rerum, quoe ingens erat, quam esset, quari, quemadmodum irrita sint non suffragia
concordia inter se clari. Quæ ne perpetua esset, ordi- modo populi sed arbilria etiam fortunæ, et iu paucorum
num magis, qnam ipsorum, inter se certamen interve- 1 potcstatem vertantur. Omnes ante se consules sortilos
nisse reor patriciis tendentibus, ut Fabius Etruriam provinciam esse; nunc extra sortem Fabio seuatum pro-
extra ordinem provinciam haberet plebeiis auctoribua vinciam dare. Si honoris ejus causa ita eum de se, de-
Decio, ut ad sortem revocaret. Fuit certe contentio in que republica meritum esse, ut faveatQ. Fahii gloriæ,
senatu; et, postquam ibiFabius plus poterat, revocata quæ modo non sua contumelia splendeat. Cui autem du-
res ad populum est. In concione ut inter militares viros, bium esse, ubi unum bellum sit asperum ac difficile,
et factis potius, qnam dictis fretos, pauca verba habita quum id alteri extra sortem mandetur, quin alter consul
Fabius, «quam auborem consernisset, sub ea legere pro supervacaueo atque inutili haheatur? Gloriari Fa-
alium fructmn, indignum esse, dicere; se aperuisse Ci- bium rebus in Etruria gestis. Velle et P. Decium gloriari:
miniam silvam viamque per devios saltus Romano et forsitan, quem ille obrutum ignem reliquerit, ita ut
bello fecisse. Quid se id atatis sollicitassent, si alio duce toties novum ei improviso incendium daret, eum se ex-
bellum gesturi essent? Nimrum adversarium se, non stincturum. Postremo se collegæ honores pra'miaque
socium imperii, legisse, sensim eiprobrat et invidisse concessurum verecundia ætatis ejus majestatisque quum
Decium concordibus collegiis tribus. Postremo, se ten- periculum, quum dimicatio proposita sit, neque sedere
dere nihil ultra, quam ut, si se dignum provincia duce- sua sponte, neque cessurum. Et, si nihil aliud ex eo cer-
reot, in eam mitterent in senatus arbitrio se fuisse, et tamine tulerit, illud certe laturum, ut, quod populi sit,
in potestate pupuli futurum.. P. Decius senatus injuriain populus jubeat potius, quam Patres gralificentur. Jovem
querebatur quoad potueriut, Patres aunisos ne ple- optimum maximumdcosque immortales se precari, ut ita
beiis aditus ad mai uns honores esset po-tquain ipsa vir- sortem aequam sibi cum collega dent, si eandem rirtu-
immortels de déposer le sort aussi favorablement tendu nommer le consul Fabius, que dans leurs
pour lui que pour son collègue, s'ils devaient lui transports ils rendirent grâces aux dieux et
accorder la même capacité et le même bonheur au peuple romain de leur avoir envo)ë un tel
dans la conduite de la guerre. Certes il était juste capitaine. Ensuite, comme ils entouraient le con-
au tond et d'un bon exemple, et il y allait de la sul pour le saluer, Fabius leur demanda où ils
réputation du peuple romain, que les deux consuls allaient; et sur leur réponse qu'ils allaient cher-
fussent capables l'un et l'autre de conduire habi- cher du bois Quoi, dit-il, n'avez-vous pas un
lement les opérations de la guerre étrusque. » Fa- camp palissadé? Ils s'écrièrent qu'il était for-
bius, pour toute demande, pria le peuple qu'il tifié d'un double rang de palissades et d'un
fût donné aux tribuns, avant qu'on les appelât fossé, ce qui ne les empêchait pas d'être dans les
dans l'enceinte pour voter, lecture de la lettre du alarmes. « Vous avez donc du bois suffisam-
préteur Ap. Claudius, arrivée d'Ltrurie; et il ment, dit-il; allez-vous-enet arrachez vos palis-
sortit des comices. Il y eut parmi le peuple la sades. » Ils retournent au camp; et, arrachant
même unanimité que dans le séuat pour assigner les palissades, ils remplissent de terreur les sol-
l'Étrurie à Fabius, sans recourir au sort. dats qui y étaient restés et Appius lui-même. ils
XXV. Presque tout ce qu'il y avait de jeunes ne faisaient, disaient-ils à leurs camarades, qu'exé-
gens se rendit en foule auprès du consul cha- cuter les ordres du consul Fabius. Dès le lendemain
cun avait hâte de se faire inscrire, tant était le camp fut levé et Appius renvoyé à Rome. De
grand le désir de servir sous ce général. aJ'ai l'in- ce moment, l'usage des longs campements cessa
tention, dit-il, quand il fut entouré de cette mul- dans les armées romaines. Fabius disait qu'il n'y
litudo, de n'enrôler que quatre mille fantassins a rien à gagner en restant louétemps dans un
et six cents cavaliers ceux d'entre vous qui se même poste', que les marches et les change-
seront fait inscrire aujourd'hui et demain, je les ments de lieux rendaient le soldat plus dis-
emmènerai avec moi. J'ai plus à cœur de vous pos et mieux portant. Du reste les marches se
ramener tous riches que d'avoir de nombreux réglaient sur la saison, l'hiver n'étant pas en-
soldats pour faire la guerre. » Avec une armée si core passé. Au commencement du printemps,
facile à conduire et qui avait d'autant plus de ayant laissé la seconde légion à Clusium, qu'on
confiance et d'espoir qu'on ne l'avait pas désirée appelait autrefois Camars, et confié la garde
plus forte, il s'avance pour gagner le camp du du camp au propréteur L. Scipion, il revint à
préteur Appius vers la ville d'Alrarna, près de la- Rome, pour y délibérer sur la guerre, soit qu'il
quelle se trouvaient les ennemis. A quelques milles se fût décidé à cette démarche de son propre
en deçà, il rencontre des fourrageurs escortés mouvement, ayant vu la guerre de près, et
d'un détachement. Ceux-ci n'eurent pas plutôt la trouvant plus sérieuse qu'il ne se l'était ima-
aperçu les licteurs qui marchaient en avant et en- giné sur de simples rapports; soit qu'il eût été

tem felicitalemque in bello administrando daturi sint. accepere, lxti atque alacres diis populoque romanngra-
Certe id et natura aquum et exemplo utile esse, et ad tes agunt, qnod eum sibi imperatorem misissent. Cir-
famam pnpuli romani pertinere, eos consules esse, quo- cumfusi deinde quum consulem salutarent, quærit Fa-
rum utrolibet duce bellum Etruscumgeri recte possit. bius, quo pergerent; respondentibusque, lignatum se
Fabius, mhil aliud precatus populum, quam ut prius, ire, «Ain tandem, inquit, num castra vallata nou habelis?
quam intro vocarentur ad suffragium fribus, Ap. Clau- Ad hoc quum succlamatum esset, duplici quidem vallo,
dit prætoris allalas ex Etruria literas audirent, comilio et fossa, et tamen in ingenti metu esse « Habetisigitur,
abiit nec minore populi consensu, quam senatus pro- inquit, affatim lignorum redite, et vellite vallum. Re-
vincia Etruria extra sortem Fabio decreta est. deunt in castra, terroremque ibi, vellentes vallum, et
XXV. Concursus inde ad consulem factus omnium iis, qui in castris remanserant, nulitibus, et ipsi Appio
ferme juniorum et pro se quique nomina dabant. Tanta fecerunt.Tum pro se quisque alii aliis diccre e consulis
cupido erat sub eo duce stipendia facieudi. Qua circum- se Q. Fabii facere jussu. » Postero iode die castra mota,
fusus turba Quatuor millia inquit, peditum et seicen- et Appius praetor Romam dimisscts. Inde uusquam stativa
tos equites duntaxat scribere in auimu est hodierno et Romanis fuere. Negabat utile esse, uno loco sedere exer-
crastino die qui nomina dederitis, mecum ducam. Majori citum itineribus ac mutatione locorum mobiliorem ac sa-
nnhi curée est, ut omnes locupletes reducam, quam ut lubriorem esse. Fiebant autem itinera quanta fieri sine-
multis rem geram militibus. »Profectus apto exercitu, et bat biems baud dum exacta. Vere inde primo, rclicta
eo plus fiduciæ ac spei gerente, quod non desiderata mul- secunda legione ad Cliisium quod Camars olim appella-
titudo erat, ad oppidum Aharnam, unde baud procul haut præpositoque castris L. Scipione propra'tore
hottes erant, ad castra Appii prætoris permit. Paucis ci- Romam ipse ad consultan(lum de bello rednt sive ipse
Ira millibus lignatores ei cum pra-sidio occurrunt; qui sponte sua, quia bellum ei majus in conspectu erat quam
ut lictores prægredi viderunt, Fabiumque esse cousulem quantum eue famæ crediderat sive senalusconsulto
mandé par un sénatus-consulte; car ces deux mo- langage mesuré, sans paraître ni grossir ni dimi-
tifs ont été allégués par les historiens. Quelques- nuer les alarmes que causait la guerre. S'il con.
uns veulent qu'il ait été rappelé sur les représen- sentait à prendre avec lui un autre général, c e-
tations du préteur Ap. Claudius, qui s'appliquait tait plus pour accorder quelque chose à la terreur
( ce qu'il n'avait cessé de faire dans les lettres générale, que par la crainte de quelque danger,
qu'il écrivait ) à inspirer dans le sénat et dans soit pour lui, soit pour la république « Au reste,
le peuple les plus vives alarmes sur la guerre si on voulait lui associer quelqu'un dans le com-
d'Étrurie. « Un seul général et une seule armée mandement et la conduite de cette guerre, com-
ne sufGraient pas contre quatre peuples. Il était à ment pourrait-il oublier P. Décius, dont il avait
craindre que, soit que les ennemis agissent avec eu à se féliciter toutes les fois qu'il l'avait eu pour
toutes leurs forces sur un seul point, soit qu'ils collègue? Il n'était personne qu'il désirât plus se
portassent la guerre sur des points différents, un voir adjoindre avec P. Décius il aurait tou-
seul ne pût faire face à tous en même temps. Il jours assez de troupes et jamais trop d'ennemis.
n'avait laissé là que deux légions romaines, et Mais si son collègue préférait quelque autre desti-
Fabius s'y était rendu avec moins de cinq mille nation, il les priait de lui donner L. Volumnius. v
hommes, infanterie et cavalerie. Il était d'avis que Tout fut laissé à la disposition de Fabius, et par
le consul P. Décius partit au plus tôt pour aller le peuple, et par le sénat, et par son collègue lui-
joindre son collègue en Étrurie, et que la pro- même et lorsque P. Décius se fut montré égale-
vince du Samnium fût donnée à L. Volumnius. ment prêt à partir, soit pourle Samnium, soit pour
Si le consul aimait mieux aller dans sa province, l'Étrurie, la joie et les félicitations furent telles,
Volumnius irait joindre en Étrurie l'autre consul, qu'il semblait que l'on se crût assuré par avance
avec une armée consulaire au complet. a Comme de la victoire, et qu'on décernât aux consuls non
ces paroles du préteur faisaient impression sur une guerre, mais le triomphe. Je trouve dans quel-
une grande partie des sénateurs, le consul Décius ques historiens qu'aussitôtaprès avoir pris posses-
émit, dit-on, l'avis de ne gêner en rien la liberté sion du consulat, Fabius et Décius partirent pour
de Q. Fabius et de ne prendre aucune décision à l'Étrurie il n'y est fait aucune mention du partage
son égard, jusqu'à ce yu'il vînt lui-même à Rome, des provinces ni des débats entre les deux consuls,
s'il le pouvait faire sans préjudice pour la répu- que j'ai exposés plus haut. D'autres ne se sont pas
blique, ou qu'il envoyât quelqu'un de ses lieute- contentés de rapporter ces démêlés ils ont ajouté
nants par qui le sénat apprendraitjusqu'à quel qu'Appius avait hasardé devant le peuple, contre
point la guerre était grave en Étrurie, et combien Fabius absent, des inculpations que ce préteur
elle exigerait de troupes et de généraux. reproduisit avec opiniâtreté en présence même du
XXVI. Fabius, dès son retour à Rome, parut consul; et qu'il y eut une autre contestation entre
dans le sénat et devant le peuple il y tint un les deux collègues, Décius prétendant que cha-

accitus nam in utrnmque auctores sunt. Ab Ap. Claudio gere, nec minuere videretur belli famam; magisque in
praetore retractum quidam Nideri volunt; quum in senatu altero assumendo duce aliorum indulgere timori quam
etapud populum (id quod per literas assidue fecerat) suo aut reipublicæ periculo consulere. « Ceterum, si sibi
terrorem bclh Etrusci augeret « Non suffecturum du- adjutorem belli sociumque imperli darent, quonam modo
cem unum nec exercitum unum, adversus quatuor po- se oblivisciP. Decii consulis per tot collega expert) posse?
pulos. Pericnlosum esse sive juncti unum premant, sive Neminem omnium secum conjungi malle et copiarum
id diversi gérant bellum ne ad omnia simul obire unus satis sibi cum P. Decio, et nunquam nimium hostium
non possit. Duas se ibi legiones romauas reliquisse et fore. Sin collega quid aliud malit, at sibi L. Volumnium
minus quinque millia peditum equitumque cum Fabio darent adjutorem.» Omnium rerum arbitrium et a pa-
venisse. Sibi placere P. Decium consulem primo quoque pulo, et a senatu, et ab ipso collega, Fabio permissum
tempore in Etruriam ad collegam proficisci L. Volum- est. Et quum P. Decius se in Samnium vel in Etruriam
nio Samnium provinciam dari. Si consul malit in suam proficisci paratum esse ostendisset, tanta lætitia ac gra-
provinciam ire, Volumnium in Etruriam ad consulem tulatio fuit, ut praeciperetur victoria animis, triumphus-
cum exercitu justo consulari proficisci.. Quum maguam que, nou bellum decretum consulibus videretur. Iuvemo
partem mmeret oratio praetoris, P. Decium ceusuisse apud quosdam, extemplo, consulatu inito, profectos in
ferunt, ut omnia intégra ac libera Q. Fabio servarentur, Etruriam Fabium Deciumque, sine ulla mentione sortis
donec vel ipse, si per commodum reipublicae posset, Ro- provinciarum certamiuumque inter collegas, quæ expo-
mam venisset, vel aliquem ex legatis misisset; a quo dis- sui. Sunt, quibus ne hæc quidem certamina exponere
ceret senatus, quautum in Etruria belli esset, quantisque satis fuerit. Adjecerunt et Appii criminationes de Fabic
administrandum copiis, et quot per duces esset. absente ad populum, etpertioaciam adversus præsentem
XXVI. Fabius, ut Romam rediit, et in senatu et pro- consulem prætoris, conleotionemquealiam inter colleRas,
ductus ad populum mediam uralioneui liabuit, ut nec au- tendente Decio, ut suæ quisque provinciæ sortem tuere-
cun restât chargé exclusivement de sa province. qui fit essyer cet échec était le Gaulois plutôt
Les rapports commencent à s'accorder, à dater du que l'Ombrien car, en aucune autre année,
départ des deux consuls pour la guerre. Au reste, la terreur du nom gaulois ne préoccupa si fort
avant leur arrivée en Étrurie, les Gaulois Senons les esprits. En effet, outre que les deux con-
marchèrent vers Clusium avec de nombreuses suls étaient partis pour la guerre avec quatre lé-
troupes, pour attaquer la légion romaine et le gions, une nombreuse cavalerie romaine, mille
camp. Scipion, qui y commandait, voulant sup- cavaliers campauiens d'élite, envoyés pour cette
pléer ail nombre par l'avantage de la position, fit guerre, et une armée d'alliés et de Latins, plus
gagner à sa troupe une colline qui se trouvait forte que l'armée romaine, il y avait encore deux
entre la ville et le camp. Mais lo précipitation armées qui, à peu de distance de la ville, for.
ue permit pas de faire reconnaître le chemin, maient une barrière du côté de l'Étrurie, l'une
et quand il parvint sur la hauteur, il la trouva dans le pays des Falisques, l'autre dans la cam-
occupée par les ennemis, qui avaient débouché pagne du Vatican. Cn. Fulvius et L. Postumius
par un autre côté. Aussi, la légion, assaillie par Megellus tous deux propréteurs, eurent ordre
derrière, fut-elle taillée en pièces, et bientôt en- d'établir dans ces deux pays des camps retran-
veloppée. L'ennemi la pressant de toutes parts, chés.
elle fût entièrement détruite et il n'en resta per- XXVIf. Les consuls ayant franchi l'Apennin,
sonne pour porter la nouvelle de ce malheur. arrivèrent sur le territoire de Sentinum. Ils y
C'est ce que rapportent quelques historiens, les- campèrent à quatre milles environ des enne-
quels ajoutent que les consuls, qui n'étaient mis. Bientôt ceux-ci tinrent conseil et il fut dé-
pas loin de Clusiuw, n'en furent instruits qu'an cidé qu'ils n'occuperaientpas tous le même camp,
voyant les cavaliers gaulois qui portaient les et qu'ils ne marcheraient pas tous ensemble en
têtes suspendues au poitrail de leurs chevaux ligne de balaille. Les Gaulois se joignirent aux
et au bout de leurs lances et célébraient leur Saronites, les Ombriens aux Étrusques. On prit
victoire dans leurs chants nationaux. D'autres jour pour le combat. Les Samnites et les Gaulois
rapportent que c'étaient les Ombriens et non devaient le livrer; et pendant l'action même, les
les Gaulois, et que la perte ne fut pas si considé- Étrusques et les Ombriens avaient ordre d'atta-
rable; que des fourrageurs, sous les ordres du quer le camp romain. Ces projets furent décon-
lieutenant L. Manlius Torquatus, ayant été enve- certés par trois transfuges de Clusium qui, la nuit,
loppés, le propréteur Scipion sortit du camp et passèrent furtivement au camp de Fabius. Après
alla les secourir; que le combat ayant recom- qu'ils eurent fait connaître le plan des ennemis,
mencé, les Ombriens vainqueurs furent vaincus on les renvoya avec des présents, pour les encoura-
à leur tour et perdirent leurs prisonniers et leur gera s'informerexactement de tout ce qui serait dé-
butin. Mais il est plus vraisemblable que l'ennemi cidé de nouveau et à venir en donner avis. Les con-

tnr. Constare res incipit ex eo tempore, quo profectiainbo quod, quum sæpe alias, tum eo anno, Gallici tumnlloa
consulesad bellum sunt. Ceterum, antequam consules in prxcipuus terior civitatem tenuit. Itaque præterquam
Ktruriam pervenirent, Senones Galli multitndine ingenti quod ambe consules prnfecti ad bellum erant cum qua-
ad Clusium venerunt, legionem romanam castraque op- tuor legionibus, et magno equitatu romano, Campanis-
pugnaturi. Scipio, qui castris præerat, loco adjuvandam que mille equitibus delectis, ad id brllum missit, et
paucitalem suorum mulitum ratus, in collem, qui inter sociorum nominisque Latini majore exercitu, quam ro-
urbem et castra erat, aciem erelit. Sed, ut in re subita, mani alii duo exercitus haud procul urhe Etrurix oppo-
p.irum explorato itinere ad jugum perrexit, quod hostes titi, unus in Falisco, aller in Vaticauo agro. Cn. Fulvius
ceperant, parte alia egressi. Ita cæsa ab tergo legio, at- et L. Postumius Megellus, propra'tores ambo, ttativa in
que in medio, quum hostis undique urgeret, circumventa. iis locis habere jussi.
Deletam quoque ibi legionem, ita ut nuntius non auper- XXVII. Consules ad hostes, transgresso Apennino, in
esset, quidam auctures sunt; uec ante ad consules, qui agrum Sentinatem pervenerunt. Ibi quatuor millium
jam haud procul a Clusio aberant, famam ejus cladis ferme iutervallo castra posita. Inter hostes deinde con-
perlatam, quam in conspectu fuere Gallorum equites, sultationes habitæ atque ita convenit, ne unis castris
pectoribus equorum suspensa restantes capita, et lanceis miscerenturomnes, neve in aciem descenderent simul.
infila, ovantesque moris sui carmine. Sunt, qui Umbros Sammtibus Galli, Etruscis Umbri adjecti. Dies indicta
fuisse, non Gallos, tradant; nec tantum cladis acceptum, pugnae Samuiti Gallisque delegata pugna inter ipsum
et circumventis pabulaloribus cum L. hlanlio Torquato certamen Etrusci Umbriquejussi castra Romana oppu-
legato Scipionem propra'toremsubsidium e castris tu- gnare. Hæc consilia turbarunt transfugæ Clusioi ires,
lisse, vieloreque Umbros, redintegrato prœlio, victoa clam nocte ad Fabium consulem transgressi qui, editis
esse, captivosque iis ac prædam ademptam. Similius vero hostium consiliis, dimissi cum donis, utsubinde, ut qua'-
est, à Gallo hotte, quam Umbro, eam cladem acceptam; que res nova decreta esset, exploratam perferrent. Cou-
suls écriventà Fulvius et à Postumiusde quitter les le Samnium avec le proconsul L. Volumnius. Le
postes qu'ils occupaient, l'un près du territoire combat se soutint d'abord avec tant d'égalité, que
Falisque, l'autre près du Vatican, et de s'avancer si les Étrusques et les Ombriens eussent été là,
vers Glusium en faisant les plus grands dé- quelque part qu'ils eussent donné, soit contre
gâts dans le pays ennemi. La nouvelle de cette l'armée, soit contre le camp, la défaite des Ro-
dévastation fit sortir les Étrusques du terri- mains était inévitable.
toire de Sentinum pour défendre le leur. Alors XXVIII. Au reste, bien que la chance des ar-
les consuls mirent tout en œuvre pour en venir mes fût jusqu'alors la même pour les deux partis,
à une bataille el ils provoquèrent l'ennemi pen- et que la fortune n'eût point encore laissé voir de
dant deux jours, où il ne se passa rien de mémo- quel côté elle ferait pencher la balance, l'aile
rable. Des deux côtés on perdit quelques hommes droite et l'aile gauche étaient loin de présenter le
et ces escarmouches n'eurent d'autre effet que même aspect. Avec Fabius les Romains se défen-
d'irriter le désir d'une affaire générale sans pou- daient plus qu'ils n'attaquaient, et cherchaient à
voir l'amener. Le troisième jour on fit descendre prolonger le combat le plus avant dans le jour,
toutes les troupes sur le champ de bataille. Quand Car le général savait que les Samnites et les Gau-
elles furent en présence une biche chassée lois avaient une première fougue terrible, mais
des montagnes par un loup qui la poursui- à laquelle il suffisait de ne pas céder; que, le
vait, traversa la plaine qui séparait les deux ar- combat se prolongeant, le courage des Samnites
mées puis les deux animaux se dirigèrent en s'affaissait insensiblement; qu'à l'égard des Gau-
sens opposé, la biche vers les Gaulois, le loup lois, `nation incapable de supporter la fatigue et
du côté des Romains. Les rangs de ceux-ci s'ou- la chaleur, leurs corps fondaient pour ainsi dire
vrirent pour donner passage au loup, les Gaulois tout en eau, et que paraissant plus que des hom-
percèrent la biche. Alors un soldat romain de la mes au commencement de l'action ils étaient à
tête de la ligne, élevaut la voix « La fuite et la la fiu moins que des femmes. Il ménageait donc
mort, dit-il, passent de ce côté-là où vous voyez les forces du soldat jusque vers l'heure où l'en-
étendu l'animal consacré à Diane. De ce côté-ci, le nemi avait coutume de se laisser vaincre. Décius,
loup de Mars, vainqueur, échappé au péril sans au contraire, plus bouillant et par son âge et par
blessure, nous a rappelé notre fondateur et notre la vivacité de son caractère, déploya lout ce qu'il
origine qui remonte à Mars. » Les Gaulois se placè- avait de forces dès le commencement de l'ac-
rent à l'aile droite, les Samnites à la gauche. tion et, comme une attaque d'infanterie lui pa-
Fabius à l'aile droite opposa aux Samnites la pre- raissait offrir trop de lenteur, il ébranle sa cava-
mière et la troisième légions; à la gauche, Décius lerie, et se mêlant lui-même à un escadron de
fit face aux Gauloisavec lu cinquième et la sixième; jeunes cavaliers des plus intrépides, il conjure les
la seconde et la quatrième faisaient la guerre dans chefs de cette brave jeunesse de fondre avec lui

sules Fulvio, nt ex Falisco, Postumio, ut ex Valicatino gerebant bellum. Primo concursu adeo æquis viribus
exercitum ad Clusium admoveaut, summaque vi fines gesta res est, ut, si affuissent Etrusci et Umbri, aut in
hostium depopulentur,scribunt. Hujus populationis fama acie, aut in castris, quocunque se inclinassent,accipienda
Etruscos ex egro Sentinate ad suos fines tuendos movit. clades fuerit.
Instare inde consules ut absenttbus îis pugnaretur. Per XXVIII. Ceterum, quanquam commuais adhuc Alars
biduum lacessiere praelio hostem biduo nihil dignum belli erat, necdum discrimen fortuna fecerat, qua datura
dictu actum. Pauci utrimque cecidere; magisque irritati vires esset, haudquaquam similis pugna in dextro lævo-
sunt ad justum certamen animi, quam ad diærimen sum- que cornu erat. Romani apud Fabium arcebant magis,
ma rerum adducta tertio die descensum in campum quam iuferebant, pugnam; extrahebaturque in quan
omnibus copiis est. Quum instructæ acies starent cerva maxime serum diei certamen quia ita persuasum erat
fngiens lupum e montibus exacta per campos inter duas duci, et Samnites et Gallos primo impetu feroces esse,
acies decurrit inde diversæ ferx, cerva ad Gallos, lu- quos sustineri satis sit; longiore certamine sensim resi-
pus ad Romanos cursum deflexit. Lupo data inter ordines dere Samnitium animos Gallorum quidem etiam cor-
via; cervam Galli conlixere. Tum ex antesignanis Ro- pora intolerantisssima laboris atque aestus fluere prima-
manus miles « Illac fuga, inquit, et coedes vertit ubi que eorum proelia plus quam virorum, postrema minus
s icram Dianæ feram jacentem videtis. Iline victor Mar- quam feminarum esse. lu id tempus igitur, quo vinci so-
tius lupus, integer et intaclus, gentis nos Martiae et con- lebat hostis, quam integerrimas vires militi servabat.
ditoris nostri admonuit. Dextro cornu Galli, sinistro Ferocior Decius et atate et vigore animi, quantumcun-
Samnites constiterunt. AdversusSamnites Q. Fabiuspri- que virium habuit, certamine primo effudit. Et, quia
mam ac tertiamlegiones pro dextro cornu adversus Gal- lentior videbatur pedestris pugna, cquitatum in pugnam
los pro sinistro Decius quintam et sextam instruxit. Se- concitat et ipse fortissimæ juvenum turmæ immixlus,
cunda et quarta cum L. Volumnio proconsule in Samnio orat pro cres juveututis, in hostem ut secum impetum
sur l'ennemi, leur faisant envisager une double vius, auquel, en se rendant sur le champ de
gloire, si la victoire commençaiet par l'aile gauche bataille, il avait défendu de le quitter un seul
et par la ca valerie. Deux fois ils tirent tournerle dos instant, de lui dicter la formule qu'il devait ré-
à la cavalerie gauloise; mais à la seconde charge, péter pour se dévouer lui et les légions des enue-
comme ils regagnaient du terrain, et que déjà mis pour l'armée du peuple romain des Quirites.
ils avaient pénétré jusqu'au milieu même des es- Puis, dans les mêmes termes et avec les mêmes
cadrons ennemis, un nouveau genre de combat cérémonies, il se dévoua comme avait fait P. Dé-
les remplitdo terreur. L'ennemi, monté tout armé cius son père dans la guerre des Latins et sur
sur des chars de diverses formes, accourut avec les bords du Véséris. A la suite des prières solen-
un grand bruit de chevaux et de roues et fit pren- nelles, il ajouta « qu'il faisait marcher devant lui
dre l'épouvante aux chevaux des Romains, qui la terreur et la fuite, le carnage et le sang, la co-
n'étaient pas accoutumés à ce fracas. Alors une lère des dieux du. ciel celle des dieux des enfers
terreur, qui semblait tenir du délire, dissipe qu'il frappaitd'horriblesanathèmes les étendards,
cette cavalerie victorieuse; et, dans la confusion les traits, les armes des ennemis, et que le même
de la fuite, hommes et chevaux tombent les uns lieu qui lui serait mortel le serait aux Gaulois et
sur les autres. Le désordre gagna aussi les légions,aux Samnites. Après ces imprécations contre
et beaucoup de soldais des premiers rangs furent lui même et contre les ennemis, il poussa son
écrasés par le choc des chevaux et des chars em- cheval vers le plus épais de l'armée gauloise, et
portés au travers des lignes. De plus l'infanterie tomba percé de leurs traits au-devant desquels il
gauloise qui, ayant aperçu leur épouvante s'é- courait.
lait aussitôt mise à les poursuivre, ne leur laissa XXIX. De ce moment il ne fut plus guère pos-
pas le temps de respirer et de se remettre. Alors sible de voir l'œuvre des hommes dans les évé-
Décius do leur crier « Où fuient-ils? et quel nements de cette journée. Les Romains, après
espoir ont ils dans la fuite?» Il
arrête ceux la perte de leur chef, chose qui pour l'ordi-
qui lâchent pied, il rappelle ceux qui étaient naire répand la terreur dans une armée, s'ar-
déjà dispersés. Enfin, voyant qu'aucune force rêtent dans leur fuite et veulent recommencer
humaine ne pouvait les retenir dans la frayeur le combat. Les Gaulois, et particulièrement le
dont ils étaient saisis, il dit en invoquant P. peloton qui environnait le corps du consul,
Décius, son père, et l'appelant par son nom comme frappés de vertige, lancent au hasard des
1 Pourquoi tarder plus longtemps à subir le traits inutiles; quelques-uns demeurent immo-
destin de ma famille? il a été donné aux Dé- biles, sans penser ni à fuir ni à combattre. Mais,
cius de s'offrir en victimes pour détourner les de l'autre côté, le pontife Livius, à qui Décius
dangers publics. Je vais, en me livrant, livrer avait remis les licteurs, et recommandé de tenir
avec moi les légions des ennemis pour être immo- lieu de préteur, crie à haute voix « Que la vic-
lées à la Terre et aux dieux mâues.» Ayant pro- toire est aux Romains, acquittés envers les dieux
noncé ces paroles, il ordonna au pontife M. Li- par la mort du consul; que les Gaulois et les Sam-

faciant duplicem illorum gloriam fore, si ab lævo cornu gredi vetuerat ah se, præire jussit verba, quibus se le-
et ab equite Victoria incipiat. Bis avertere gallicum equi- gionesque hostium pro exercitu populi romani Quiri-
tatum. Iterum longius evectos, et jam inter média equi- tium devoveret. Devotus inde eadem precatione eodem-
tum agmina prœbum cientes, novum pugnæ conterruit que habitu, quo pater P. Decius ad Veserim bello latino
geuus essedis carrisque superetans armatus hostis in- se jusserat devoveri. Quum secundum sollennesprecatio-
genti sonitu equorum rotarumque advenit, et insolitus nes adjecisset, « præ se agere sese formidinem ac fugam,
ejut tumullus Romanorum conterruitequos.Ita victorem caedenique ac cruorem, cœlestrum inferorum iras con-
equitatum velut lymphaticus pavor dissipat sternit inde tracturum funebribus diris signa, tels, arma hostium;
ruentes equos virosque improvida fuga. Turbata bine locumque eundem sum pestis et Gallorum ac Samnilium
el,am signa legionum; multiqueimpetu equorum ac vehi- fore; » hæc exsecratus in se hoslesque, qua confertissi-
culorum raptorum per agmeu obtriti autesignani et in- mam cernebal Gallorum aciem, concitat equum infe-
secuta simul territos hostes vidit, Gallica acies nullum rensque se ipse infestis telis est intertectus.
spatium respirandi recipiendique se dedit. Vociferari De- XXIX. Vix humaoz inde opis videri pugna potuit. Ro.
cius, « quo fugerent? quamve in fuga spem haberent? mani duce amisso, quæ res terrori alias esse solet, sistere
obsistere cedentibus, ac revocare fusos. Demde, ut nulla fugam, ao novam de integro velle instaurare pugnam.
vi perculsos sustinere poterat, patrem P. Decium nomine Galli, et maxime globus circumstans contulis corpus,
compellans, Quid ultra moi-or,inquit, familiare fatum ? velut alienata mente vana incassumjactare tela torpet m
Datum hoc noîtro generi est, ut tuendis periculis publi- quidum, et nec pugnæ meminisse, nec fugæ. At ex parte
cis piacula simus. Jam ego mecum hostium legiones ma- altera pontifex Livius, cui lictores Decius Iradiderat,jus
etandas Telluri ac diis Manibus dabo. » Hæc locutus seratqijepro praetore esse, vociferari,« vit isse Romano
M. Livium pontiflcem, quem, descendens in aciem, di- defunctos consulia fato. Galloi Samnitesque Teiluria mu
nites appartiennent à la Terre, mère des dieux, qu'on ne résistait pas, et que la lassitude n'était
et aux dieux mânes; que Décius entraînait et ap- pas douteuse, il réunit tous les corps de réserve
pelait à lui leur armée qu'il avait dévouée avec qu'il s'était ménagés pour cette occasion lance
lui; que chez les ennemis tout était en proie aux en même temps ses légions en avant et donne aux
furies et à la terreur.» Pendant que les soldats cavaliers le signal de fondre sur les ennemis. Les
de cette aile rétablissaient le combat, arrivent Samnites ne purent soutenir une charge si vigou-
L. Cornélius Scipion et C. Marcius, avec des ren- reuse, et, passant près des Gaulois, ils regagnè-
forts que le consul Q. Fabius avait tirés de son rent leur camp avec la plus grande précipitation
corps de réserve, et qu'il envoyait au secours de après avoir laissé leurs alliés aux prises avec
son collègue. Là, ils apprennent le dévouement l'ennenii. Les Gaulois ayant formé la tortue se
de Décius; noble exemple qui encouragea cha- tenaient serrés. Alors Fabius, instruit de la mort
cun à tout oser pour la république. Comme les de son collègue, fait sortir de sa ligne de bataille
Gaulois, serrés les uns contre les autres, présen- les Campaniens au nombre d'environ cinq cents
taient un rempart de boucliers et qu'il ne parais- cavaliers, avec ordre de tourner et de prendre à
eait pas facile de les combattre corps à corps, on dos l'armée gauloise; il les fait suivre par les
ramassa par ordre des lieutenants les javelots princes de la troisième légion qui au moment où
dont la terre était jonchée entre les deux armées, ils verraient l'armée ennemie ébranlée par l'atta-
et on les lança contre la tortue des ennemis. Les que de la cavalerie, devaient arriver sur elle et
boucliers en sont criblés, les soldats ont le corps profiter de l'effroi des Gaulois pour les tailler en
tout hérissé de dards, et la barrière qu'ils oppo- pièces. Pour lui, après avoir voué à Jupiter Vain-
sent est renversée. Dans la frayeur qui les saisit, queur un temple et toutes les dépouilles des en-
une grande partie des ennemis tombèrent sans nemis, il marcha vers le camp des Samnites, où
avoir reçu aucune blessure. Telles étaient à l'aile se précipitait consternée la multitude des furards.
gauche les vicissitudes de la fortune; à l'aile Au pied même des palissades,les portes ne pouvant
droite, Fabius, comme nous l'avons dit précé- recevoir une foule si considérable, ceux qui ne pu-
demment, avait prolongé le combat bien avant rent rentrer dans le camp tentèrent un combat.
dans la journée. Quand les cris des ennemis, Le général samnite Gellius Egnatius y périt en-
leurs mouvements, les traits qu'ils lançaient, suite les Samnites furent repoussés dans leurs re-
ne lui parurent plus avoir la même force, il tranchements. On s'empara de leur camp sans
ordonna aux préfets de la cavalerie de faire filer beaucoup d'efforts, et les Gaulois pris à dos fu-
les corps qu'ils commandaient sur les flancs des rent enveloppés. On tua aux ennemis, dans cette
Samuites, afin de pouvoir, au signal donné, les journée, vingt-cinq mille hommes, et on leur lit
prendre en travers et tomber sur eux avec la plus huit mille prisonniers. Cette victoire coûta du
grande impétuosité; il ordonna aux siens d'avan- sang aux Romains car on perdit sept mille hom-
cer insensiblement et de pousser l'ennemi. Voyant mes de l'armée de Décius et dix-sept cents de celle

tris ac deorum Manium esse. Rapere ad se ac vocare De- et band dubiam lassitudinem esse; tum collectis omnibus
cium devolam secum aciem; furiarumque ac formidinis subsidiis, quae ad id tempus reservaverat, et legiones
plena omnia ad hostes esse.» s Superveniuntdeinde bis re- concitavit, et signum ad invadeudoshostesequitibus dedit.
stituentibus pugnam L. Cornelius Scipio et C. Marcius, Nec sustinuerunt Samnites impetum; prmterque aciem
cum subsidiis ei novissima acie jussu Q. Fabri consulis ipsam Gallorum, relictis in dimicatione sociis, ad castra
ad præsidium collegm missi. Ibi auditur P. Decü eventus, effuso cursu ferebantur. Galli, testudine facta, conferti
ingens hortamen ad omnia pro republica audenda. Itaque stabant. Tum Fabius, audita morte collegæ, Campano-
quum Galh structis ante se scutis conferti starent, nec rum alam, quingentos fere équités, eicedere acie jubet,
facits pede collato videretur pugua jussu legatorum col- et circumvectos ab tergo gallicam invadereaciem tertiæ
lecta humi pila, quae strata inter duas acies jacebant, at- deinde legiouis subsequi principes, et, qua turbatum
que iu testudiuex) hostium conjecta quibus plerisque agmen hostium vidèrent impetu equitum, instare ac ter-
iu scuta, verutis in corpora ipsa fixis, stermtur cuneus; ritos cædere. Ipse aedem Jovi Victori spoliaque hostium
ita ut magna pars integris corporibus attouiti conciderent. quum vovisset, ad castra Samnitiumperrexit; quo mul-
Haec in siuistro cornu Romanorum fortuna variaverat. titudo omnis consternataagebatur. Sub ipso vallo, quia
Fabius in dextro primo (ut ante dictum est) cunctando tantam multitudinem portw non recepere, tentata ab ex-
extraxeratdiem deiude, postquam nec clamor hostium, clusis turba suorum pugua est. Ihi Gellius Egnatius, im-
tec impetus, nec tela missa eandem vim habere visa perator Samnitium cecidit. Compulsideiude intra vallum
præfectis equitum jussis ad latus Samuitium circumdu- Samnites, parvoque certamine capta castra, et Galli ab
cere alas, ut signo dato in transversos, quanto maximo tergo circumventi. Cæsa eo die hostium viginti quiuque
possent impetu, incnrrerent; sensim suos signa inferre millia, octo capta. Nec incruenta victoria fuit nam ex
jusit, et commoyere hostem. Postquam non resisti vidit, P. Decii exercitureæsasrptrm millia; ex Fabü mille sepliu-
de Fabius. Fabius avant donné ordre de chercher consuls. Pendant ce temps Volumniusfait la guerre
le corps de son collègue, fit mettre en un monceau dans le Samnium, et, après avoir repoussé l'armée
les dépouilles des ennemis et les brûla en l'honneur des Samnites jusque sur le mont Tifernum, il
de Jupiter Vainqueur. Le corps du consul enseveli l'y attaque sans s'effrayer des difficultés du
sous des monceaux de Gaulois ne put être re- lieu, et la met en fuite. Q. Fabius, ayant laissé
trouvé ce jour-là. te lendemain, les soldais dans l'Étrurie l'armée de Décius, ramena ses lé-
le rapportèrent au camp en versant beaucoup de gions à Rome, où il triompha des Gaulois, des
larmes, et Fabius, laissant de côté tout autre soin, Étrusques et des Samnites. Les soldats suivirent le
s'occnpa des obsèques de son collègue, auquel il char du triomphateur, et dans leurs libres chants
rendit les plus grands honneurs et paya le tribut de guerre, ils célébrèrent la mort glorieuse de
de toutes les louanges qu'il méritait. P. Décius non moins que la victoire de Q. Fabius;
XXX. Durant ces mêmes jours il y eut encore et ils rappelèrent la mémoire du père, dont le
de grands avantages remportés en Étrurie par le dévouement, aussi beau que celui du fils, avait été
propréteur Cn. Fulvius. Outre les pertes énormes également heureux pour la république. On donna
qu'il fit essuyei aux ennemis par la dévastation de à chaque soldat, pour sa part du bulin, quatre-
leurs terres, il livra un brillant combat, où plus vingt-deux as de cuivre, une saie et des tuniques;
de trois mille hommes, tant Pérusiens que Clu- récompense qui n'était pas à dédaigner à cette
siens, restèrent sur le champ de bataille on époque de notre histoire militaire.
prit jusqu'à vingt drapeaux. Les Samnites, en XXXI. Tant d'avantages signalés n'avaient pu
fuyant au milieu des terres des Péligniens, furent pacifier les Samnites ni l'Étrurie; car, après le
enveloppés par ceux-ci, qui sur cinq mille qu'ils retour du consul, les Pérusicns donnèrent le si-
étaient en tuèrent près de mille. La gloire de gnal d'une nouvelle guerre, et les Samnitcs vin-
cette mémorable journée de Sentinum est assez rent ravager les terres de Vescia et de Formies, et
éclatante, quand on s'en tiendrait à l'exacte vé- sur un autre point celles d'Eserninum, et lescon-
rité. Mais quelques historiens l'ont enflée par trées yui bordent le fleuve Vulturne. On envoya
leurs exagérations. Ils donnent aux ennemis qua- contre eux le préteur Ap. Claudius avec l'armée
rante mille trois cent trente hommes de pied, six de Décius. Dans l'Étrurie révoltée Fabius tua aux
mille chevaux et mille chariots, sans doute en Pérusiens quatre mille cinq cents hommes; il fit
y comprenant les Ombriens et les Étrusques, dix-sept cent quarante prisonniers, à chacun des-
qu'ils font trouver à cette bataille; et, pour quels il fit payer pour sa rançon trois cent dix as
grossir également les forces des Romains,ils ajou- de cuivre; tout le reste du butin fut abandonné
tent le proconsul L. Volumnius aux consuls et aux soldats. Les légions des Samnites, poursui-
son armée à leurs légions. Selon la plupart des vies d'un côté par le préteur Ap. Claudius, et de
annales, cette victoire appartient en propre aux l'autre par le proconsul L. Volmunius, se réu-

genti. Fabius, dimissis ad quærendum collegm corpus, consulum propria vic!oria est. Volumnius in Sammo in-
spolia hostium coujecla m acervum Jovi Victori cremavit. terim res gerit, Samnitmmque exercitum, in Tiferuum
Consulis corpus eo die, quia obrutum superstratis Gallo- montem compulsum, non deterritus iniquitate loci fun-
rum cumnlis erat, inveniri non potuit. Postero die in- dit fugatque. Q. Fabius, Deciano exercitu relicio in
ventum relatumque est cum multis militum lacrimis. In- Etruria, suis legionibus deductis ad urbem, de Gallis
termissa inde omnium aliarum rerum cura, Fabius col- Etruscisque ac Samnitibus triumphavit milites trium-
legae fuuus omni honore laudibusque meritis celebrat. phantem secuti aunt. Celebrata inconditis carminibus mi-
XXX. Et ia Etruria per ensdem dies ab Cn. Fulvio litaribus non magis victoria Q. Fabii, quam mors præ-
proprætore res ex sententia gesta et, praeter ingentem clara P. Decii est eacitataque memoria parentis, aequata
illatam populatiombus agrorum hosti cladem pugnatum eyentu publico privatoque filii laudibus. Data ex præda
etiam egregie est Perusinorumqueet Clusinorum cæsa militibus æris octogeni bini, sagaque et tunicæ; pra'mia
amphus millia tria, et signa militaria ad viginti capta. illa tempestate militiae baudquaquam spernenda.
Samnitium agmen, quum per Pelignum agrum fugeret, XXXI. His ita rebus gestis, nec in Samnitibus adhuc,
circmuventum a Pelignis est; ex millibus quinque ad nec in Etruria pai erat. Nam et, Perusinis auctoribus,
mille caesi. Magna ejus diei, quo in Sentinati agro bella- post deductum ab consuleexercilum rebellatum fuerat
tum, fama est, etiam vero stanti. Sed superjecere quidam et Samnites praedatumin agrum Vescinum Formiannm-
augendo Qdem, qui in hostium exercitu peditum qua- que, et parte alia in Æserninum, quæque Vulturno ad-
draginta millia trecentos triginta, equitum sei millia, jacent flumini, descendere. Adversus eos Ap. Claudius
mille carpentorum scripsere fuisse écilicet cum Umbris prætor cum exercitu Deciano missus. Fabius in Etruria
Tuscisque, quos et ipsos puguæ affuisse. Et, ut Roma- rebellante denuo quatuor millia et quingentos Perusino-
norum quoque augerent copias, L. Volumnium pro con- rum occidit; cepit ad mille septiogentos quadrasiuis
sole ducem consulibus, exercitumque ejus legionibus qui redempti singuli a'ris trecentis decem. Præda olia
consulum adjiciunt. In pluribus annalibus duorum ea omnis militibus concessa. Samnitium legioues, quum
nirent sur le territoire de Stella, et y attendirent les plaines de Stella, soit avec leurs seules légions,
l'ennemi. Appius et Volumnius firent aussi leur soit mêlés à des troupes étrangères, avaient été
jonction. Romains et Samnites se battirent avec taillés en pièces par quatre armées romaines. Ils
un acharnement extrême, les uns indignés de avaient perdu le plus illustre général de leur na-
tant de révoltes successives, les autres tirant une tion ils voyaient leurs compagnons d'armes, les
force nouvelle de leur désespoir même. Les Sam- Étrusques, les Ombriens, les Gaulois dans une
niteslaissèrentsur le champ de bataille seize mille situation pareille à la leur; ils ne pouvaient plus
trois cents hommes, et en perdirent en outre se soutenir ni par leurs propres forces, ni par
deux mille sept cents qui furent faits prisonniers les forces étrangères toutefois ils ne renon-
de l'armée romaine il en périt deux mille sept çaient point à la guerre et le malheur même ne
cents. Cette année, si heureuse pour les armes pouvait les dégoûter de défendre leur liberté
romaines, il y eut une peste désastreuse et des ils aimaient mieux être vaincus que de ne pas
prodiges alarmants. On parla de pluies de terre tenler la victoire. Quel est l'historien, le lec-
tombées en différents lieux, et d'un grand nom- teur que ne rebuterait pas la perpétuité de la
bre de soldats de l'armée d'Ap. Claudius frappés guerre, qui ne lassa point ceux qui la faisaient?
de la foudre. Les livres Sibyllins furent consultés. XXXII. Q. Fabiuset P. Décius eurent pour suc-
Cette année, Q. Fabius Gurges, fils du consul, pu- cesseurs dans le consulat L. Postumius Mégellus
nit d'une amende quelques matrones qui avaient et M. Atilius Régulus. Tous deux eurent pour
été citées devant le peuple et condamnées pour le province le Samnium, le bruit courant que les
déréglement de leurs mœurs; avec l'argent prove- ennemis avaient formé trois armées l'une
nant de ces condamnations, il fit construire le tem- pour marcher de nouveau en Étrurie la seconde,
pledeVénusquiest auprès du Cirque. Je suis encore pour recommencer les dévastations de la Campa-
loin d'avoir rapporté toutes les guerres des Sam- nie la troisième, pour défendre leurs frontières.
nites, quoiqu'elles aient déjà rempli quatre livres Postumius fut retenu à Rome par une maladie;
de mon histoire, et une période non interrompue Atilius partit sur-le-champ, afin de pouvoir, con-
de quarante-six ans, depuis le consulat de M. Va- formément aux instructions qu'il avait reçues du
lérius et d'A. Cornélius, qui les premiers portè- sénat, tomber sur les ennemis dans le Samnium,
rent les armes romaines dans le Samnium. Pour avant qu'ils eussent eu le temps d'en sortir. Là,
ne point rappeler actuellement les sanglantes dé- les deux armées se rencontrèrent comme à des-
faites essuyées par l'une et l'autre nation pen- sein, de telle sorte qu'il fut impossible aux Ro-
dant tant d'années, ni leurs pertes antérieures, mains de pénétrer dans le Samnium, bien loin de
lesquelles ne purent réduire ces cœurs opiniâ- pouvoir le ravager, et qu'à leur tour ils em-
tres, l'année suivante les Samnites à Senti- pêchèrent les Samnites d'en sortir pour se jeter
num, chez les Péligniens, sur le Tifernum, dans sur des contrées paisibles et sur le territoire des

partim Ap. Claudius prætor, partim L. Velumnius pro nites in Sentinati agro, Pelignis, ad Tifernum, Stella-
consule sequeretur, in agrum Stellatem convenerunt. Ibi Libus campis, suis ipsi legionibus,mixti aliems, ab qua-
et Samnitium omnes considunt, et Appius Volumuiusque tuor elercitibus, quatuor ducibus romanis caesi fuerant;
castra conjungunt. Pugnatum infestissimis animis; hinc imperatorem clarissimum gentis suæ amiserant; socios
ira stimulante adversus rebellantes toties, illinc ab ultimabelli, Etruscos,Umbros, Gallos, in eadem fortuua vide-
jam dimicautibua spe. Coesa ergo Samnitium seidecim bant. qua ipsi erant nec suis, nec elternu viribus jam
millia trecenti, capta duo millia septingenti ex romano stare poterant; tamen bello non abstinebant adeo ne
exercitu cecidere duo millia septingenti. Felix annus bel- infeliciter quidem defensæ libertatis tædebat; et viuci,
ücis rebus, pestilentia gravis, prodigiisquesollicitus. Nam quam non tentare victoriam, malebant. Quinam sit ille,
et terram multifariam pluisse, et in exercitu Ap. Claudii quem pigeât longinquitatis bellorum scribendo tegendo-
plerosque fulminibus ictos, nuntiatum est: librique ob que, quoe gerentes non fatigaverunt?
hæc adili. Eo anno Q. Fabius Gurges, consulis filius, XXXII. Q. Fabium, P. Decium. L. Postumius Me-
atiquot matronas ad populum atupri damnatas pecunia gellus et M. Atilius Regulus consoles seculi sunt. Sam-
inutavit ex quo multaticio ære Veneris ædem, quæ nium ambobus decreta provincia est; quia tres scriptos
prope Circum est, faciendam curavit. Supersunt etiam hostium exercitus, uno Etruriam, altero populationes
nunc Samnitium bella, quæ continua per quartum jam Campaniæ repeti, tertium tuendis parari finibus, fama
volumen annumque sextum et quadragesimum,a M. Va- erat. Postumium valetudo adversa Romæ tenuit; Atihus
leiio, a Cornelio consulibus, qui primi Samnio arma in- extemplo profectus, ut in Samnio hosies (ita enim pla-
tulerunt, agimus et ne tot annorum clades utriusque cuerat Patribus) nondum egressos opprimeret. Velut ex
gentus laboresque actos nunc referam, quibus nequive- composito ibi obviuin habuere hostem; nbi et intrare.
mt Lamou dura illa pectora vinci; prolimo anno Sam- 1 nedum vastare, ipsi Samnitium agrum probiberentur et
alliés du peuple romain. Comme les deux camps redoublés do consul, qui leur demandait &*ilî
«
étaient opposés front à front, ce que le Romain voulaient se laisser chasser hors de leurs palissa-
tant de fois vainqueur eût à peine osé, les Sam- des pour attaquer ensuite leur propre camp,
»
nites l'osèrent, tant l'excès du désespoir donne de les retiennent ils rassemblent leurs forces en
téméritél ils attaquèrent le camp romain; et si poussant des cris tiennent ferme, gagnent du
une entreprise si hardie n'eut pas de résultat défi- terrain, poussent à leur tour les ennemis, et, les
nitif, elle ne fut pourtant pas tout à fait vaine. Il ayant ébrautés, ils les font reculer tout aussi
s'était élevé un brouillard épais, qui, jusque bien effrayés qu'eux-mêmes l'avaient été d'abord. Ils
avant dans le jour, en déroba tellement la clarté, les rejettent hors de la porte et du retranche-
que non-seulement on ne pouvait rien distinguer ment sans oser aller plus loin ni les poursuivre,
au delà des palissades, mais qu'il était même im- car l'épaisseur du brouillard leur faisait crain-
possible de se reconnaître en s'abordant. Cachés dre quelque embuscade dans les environs; et
dans l'obscuritécomme dans une secrète embus- contents d'avoir délivré leur camp, ils rentrent
cade, les Samnites, à la première lueur du jour, dans les retranchementsaprès avoir tué aux en-
que le brouillard affaiblissait encore, arrivent au nemis environ trois cents hommes. La perte des
premier poste des Romains, lequel gardait avec Romains, y compris le premier poste, les sen-
assez de négligence la porte du camp. Assaillis à tinelles et tout ce qui fut surpris autour du ques-
l'improviste, les solda ts ne se sentirent ni assez de torium, fut d'à peu près sept cent trente hom-
courage ni assez de forces pour résister. Ce fut à mes. L'audace n'ayant pas mal réussi aux Samnites,
la porte décumane, sur les derrières du camp, leur courage s'en enfla; et loin de souffrir que
que l'attaque eut lieu. Le questorium fut pris, le Romain s'avançât dans leur pays, ils ne l'y lais-
et le questeur L. Opimius Pansa fut tué. Alors on saient pas même fourrager. C'était sur ses der-
cria aux armes. rières, dans le paisible canton de Sora, que l'ar-
XXXIII. Le consul, réveillé par le tumulte, mée envoyait chercher ses fourrages. Cette situa-
donne la garde du prétorium à deux cohortes tion, que la renommée rendait plus alarmante
d'alliés, composées,l'une de Lucaniens, l'autre de qu'elle n'était, ayant été connue à Rome, on fit
Suessans, les premières que le hasard eût mises à partir le consul L. Postumius, à peine remis de
sa disposition; puis il conduit les manipules des sa maladie. Il fit prendre les devants à ses trou-
légions par la principale rue du camp. Les soldats pes qui eurent ordre de se réunir à Sora, et, avant
ayant eu à peine le temps de s'armer, prennent d'aller les y rejoindre, il fit la dédicace du temple
leurs rangs, et distinguent l'ennemi à la voix de la Victoire qu'il avait fait construire du produit
plutôt qu'à la vue, sans en pouvoir juger le des amendes, pendant son édilité curule. Arrivé à
nombre. Dans l'incertitude de leur position son armée il marcha de Sora dans le Samnium
ils reculent d'abord, et laissent pénétrer l'en- et se rendit au camp de son collègue. Ensuite,
nemi jusqu'au milieu du camp. Enfin, les cris comme les Samnites, désespérant de pouvoir ré-

egredi inde in pacata sociorumque populi romani fines nec, quantus numerus sit, æstimari polest. Cedunt primo
Sammtem prohibèrent.Quum castra castris collataessent, incerti fortunæ suæ, et hostem intronum in media castra
quod vix Romanus toties victor auderet, ausi Samuites accipiunt. Inde quum consul vociferarelur, elpulsine
sunt ( tantum desperatio ultima temeritatis facit ) castra extra vallum, castra deinde sua oppugnaturi essent, » ro-
romana oppugoare. Et quanquam non venit ad finem gitans; clamore sublato conaisi primo resistunt deinde
tam audai inceptum, tamen baud omnino vanum fuit. inferunt pedem urgentque, et impulsos semel terrore
Nebula erat ad multum diei densa adeo, ut lucis usum eodem agunt, quo cœperunt. Expellunt extra portam
eriperet, non prospectu modo extra vallum adempto, sed vallumque. Inde pergere ac persequi, quia turbida lux
prop,nquoetiam congredientium inter se conspectu.Hac metum ciren insidiarum faciebat, non ausi, liberatis ca-
velutlatebra insidiarum freti Samnites,viidum salis certa atris contenti receperunt se intra vallum trecentisferme
luce, et eam ipsam premeule caligine, ad stationem ro- hostium occisis. Romanorum stationis primæ vigilumque,
mauam in porta segniter agentem vigilas perveniunt. et eorum qui circa quæstorium oppressi, periere ad
Improviso oppressis nec animi satis ad resistendum uec septingentos triginta. Animosinde Samnitibus non infelix
tirium fuit. Ab tergo castrorum decumana porta impetus audacia auxit; et non modo proferre inde castra Roma-
factus. Itaque cuptuin quæstorium quaestorque ibi num, sed ne pabulari quidem per agros suos, patieban-
L. Opimius Pansa occisus. Conclamatum inde ad arma. tur rétro in pacatum Soranum agrum pabulatores ibant.
XXXIII. Consul, tumultu eicitus, cohortes duas so- Quarum rerum fama, tumultuosior etiam, quam res
ciorum lucanam suessanamque, quae proximæ forte erant, perlata Romam, coegit L. Postumium consulem,
erant, tueri prætoriumJubet manipulos legionum priu- vixdum validum, proficisci ex urbe. Prius tamen, qoam
cipali via inducit. Vildum satis aptatis armis in ordines exiret, militibus edicto Soram jussis convenire, ipqe
eunt; et clamore magis, quam oculis hostem noscunt xdem Victoriæ, quam ædilis curulis ex multaticia pecu-
sister aux deux armées, prirent le parti de se re- venaient y aboutir, les traces de la fuite nocturne
tirer, les deux consuls se séparèrent, pour aller, des ennemis. Ils s'approchent ensuite peu à peu
chacun de son côté, ravager les campagnes et as- des portes, et, sans s'exposer, découvrent l'inté-
siéger les villes. rieur de la ville par les rues en ligne droite qui
XXXIV. Postumius ayant essayé d'abord d'em- la traversaient. Ils rapportent au consul que la
porter Milionia de vive force et l'épée à la main, ville est abandonnée, que la solitude non douteuse
se vit obligé, ce moyen ne lui ayant pas réussi, de de l'intérieur les traces récentes de la fuite, et
recourir aux travaux de siège et aux machines, l'amas confus d'objets laissés çà et là dans le dés-
qu'il poussa jusqu'au pied des murs. Ayant ainsi ordre de la nuit, en sont des preuves évidentes.
pris la ville, il eut à soutenir dans tous les quar- Sur un rapport aussi précis, le consul conduit
tiers, depuis la quatrième heure jusqu'à la hui- son armée vers la partie de la ville où les cavaliers
tième environ un combat dont l'événement fut avaient fait une reconnaissance et faisant halte
longtemps incertain enfin le Romain l'emporta. non loin de la porte, il détache cinq cavaliers seu-
Trois mille deux cents Samnites furent tués et lement, avec ordre de pénétrer dans la ville jus-
quatre mille sept cents faits prisonniers, sans par- qu'à une certaine distance, et s'ils voient qu'il n'y
ler du reste du butin. De là les légions furent di- ait rien à craindre, de rester là au nombre de
rigées sur Férentinum. Des habitants, à la faveur trois, tandis que les deux autres reviendront pour
de la nuit, sortirent sans bruit de la ville par la donner des nouvelles. Ceux-ci, de retour, rap-
porte opposée, emmenant avec eux tout ce qui portent qu'ils se sont avancés jusqu'à un endroit
pouvait être transporté. Le consul, arrivé devant d'où l'on apercevait toutes les parties de la ville,
la place, lit aussitôt toutes ses disposions, et et que de tous côtés ils n'ont remarqué que si-
s'avança en bon ordre au pied des murailles, s'at- lence et solitude. Sur-le-champ le consul fil en-
tendant à trouver la même résistance qu'à Milio- trer les cohortes légères, et il ordonna au reste
nia. Mais lorsqu'il eut remarqué le vaste silence des troupes de fortifier le camp dans l'intervalle.
qui régnait dans la ville demeurée sans armes, Les soldats entrés brisent les portes des mai-
sans défenseurs sur les tours et sur les murs, il sons et y trouvent un petit nombre de vieillards
contint le soldat impatient d'escalader ces murail- et de malades, et les choses qu'il eût été difficile
les désertes, pour ne pas s'exposer à tomber im- d'emporter. Ces objets furent livrés au pillage. On
prudemmentdans quelque embuscade. Il ordonne apprit des prisonniers que quelques villes des en-
à deux détachements de cavalerie, pris parmi les virons s'étaient concertées pour une évasion du
alliés du nom latin, de faire le tour de la place et même genre; que leurs concitoyens étaient partis
de tout examiner. Les cavaliers aperçoivent une dès la première veille que l'on devait s'at-
porte, puis une autre à peu de distance et du même tendre à trouver la même solitude dans les au-
côté, toutes deux ouvertes, et sur les chemins qui tres villes. On ajouta foi au rapport des prison-

nia faciendam curaverat, dedicavit. Ita adeiercitum pro- mœnia, atque explorare omnia jubet. Equites portam
fectus, ab Sora in Samuium ad castra collegae perrexit. unam alteramque eddem regione in propinquo patentes
Inde postquam Samnites, diffisi duobus exercitibus re- conspiciunt, itiueribusque iis vestigia nocturnæ hostium
sisti posse, recesserunt; diversi cousules ad vastando. fugæ. Adequitant deiude seusim purlis, urbemque ex
agros urbesque oppugnandas discedunt. tuto rectis itioeribus perviam conspiciuut ad consulem
XXXIV. Postumius Milioniam oppugnare adortus, vi referuut, excessum urbe; solitudiue haud dubia id per-
primu atque impetu, dein, postquam ea parum procede- spicuum esse, et recentibus vestigiis fugæ, ac strage re-
bmt, opere ac vineis demum mjunctis murocepit. Ibi rum in trepidatione nocturna passim reliclarum.llis au-
cipta jam urbe, ab hora quarta usque ad octavam fere ditis, consulad cam partem urbis, qua adierant équites,
lioram omnibus partibus urbis dm iucerto eventu pugna- circumducit agmen constitutisque baud procul porta
tum est. Postremo potitur oppido Romanus. Samnitium signis, quinque équites jubet intrare urbem, et, modi-
ca'si tria millia duceuti capti quatuor millia septingenti cum spatium progressos,tres manereeodem loco, si tuta
præter prajilam aliam. IndeFerentinum ductæ legiones: ndeantur duos explorala ad se referre. Qui ubi redie-
unde oppidani cum omnibus rébus suis, quae ferri agique runt, retuleruntque, eo se progressos, unde in omuet
potuerunt, nocte per aversam portam silentio ezcesse- partes circumspectus esset, longe lateque silentium ac so-
runt. Igitur, simul advenit consul primo ita compositus litudinem vidisse extemplo consul cohortes expeditas in
instruclusque mœmbus successit, tanquamidem, quod urbem induxit; ceteros interirn castra communire jussit.
ad Miliomam fuerat, certaminis foret deinde, ut sileu- Ingressi milites, refractis foribus, paucos graves ætate
tium vastum iu urbe. Dec arma, nec viros in turribus aut invalidos inveniunt,relictaque, quæ migratu difficlia
ac muris vidit, avidum invadendi déserta mœnia militem essent. Ea direpta et cognitum ex capthvis est, commu ui
detiaet, ne quam occultam in fraudem incautus rueret. consilio aliquot circa urbes conscisse fugam ruos prima
Duas turmas sociorum latmi noininis circumequitare vigilia profectos credore, candem in alüs tirLibos soli
niers le consul prit possession des villes aban- que les soldats sont découragés et abattus; que.
données. pendant la nuit tout entière on a veillé au milieu
XXXV.L'autre consul, M. Atilius, ne trouva des blessés et des cris des mourants que si l'en-
pas à beaucoup près une guerre aussi facile. nemi fût venu avant le jour attaquer le camp, la
Comme il conduisait ses légions vers Lucérie, dont consternation leur eût fait abandonner les ensei-
il avait appris que les Samnites faisaient le siège, gnes qu'encore que la honte les arrête, ils ne
il rencontra, sur les confins du territoire de cette s'en tiennent pas moins pour vaincus. » Sur ces
ville, l'ennemi qui venait au-devantde lui là, l'a- représentations, le consul crut devoir se mon-
nimosité rendit les forces égales. Le combat, après trer lui-même aux soldats et leur adresser la pa-
des chances diverses, resta indécis le résultat role et, dans sa ronde, il les gourmandait d'être
en fut toutefois plus fâcheux pour les Romains, si lents à prendre les armes Que pouvaient-
tant parce qu'ils n'étaient point accoutumés à ils attendre de toutes ces tergiversations? l'ennemi
êlre vaincus, que parce qu'en se retirant ils s'aper- viendrait dans le camp, s'ils n'en sortaient eux-
çurent mieux qu'ils ne l'avaient fait dans l'action, mêmes et ils combattraient pour leurs tentes,
combien le nombre de leurs blessés et de leurs s'ils refusaient de combattre pour leurs retranche-
morts était plus considérable que du côté de l'en- ments. En s'armant et en combattanton avait des
nemi. Aussi il se répandit dans le camp une ter- chances de victoire, au lieu qu'en restant nu et
reur telle, que si un semblable découragement les désarmé, on n'avait à attendre que la mort ou
eut saisis pendant le combat, ils eussent essuyé l'esclavage. » A ces énergiques reproches du con-
une désastreuse défaite. Ils passèrent la nuit dans sul ils répondaient, «qu'ils étaient exténués du
de vives alarmes, croyant que le Samnite al- combat de la veille; qu'il ne leur restait ni forces
lait se jeter sur le camp, ou qu'au point du jour ni sang; qu'on voyait l'ennemi s'avancer en plus
il faudrait de nouveau en venir aux mains avec grand nombre que le jour précédent. » Cependant
les vainqueurs. Avec moins de perte, il n'y avait l'armé ennemie approchait; et à une moindre di-
pas plus de confiance du côté des ennemis; dès stance les soldats plus certains deco qu'ils voient,
les premiers rayons du jour, ils n'aspirent qu'à assurent que le Samllite porte avec lui des pieux,
se retirer sans combattre. Alais il n'y avait de qui, à n'en pas douter, vout lui servir à entou-
chemin que le long de l'armée romaine, en sorte rer leur camp d'une ligne de circonvallation. Alors
qu'en le suivant ils avaient l'air de marcher droit le consul s'écrie d'une voix menaçanle « Que
au camp pour l'attaquer. Le consul commande ce serait la plus révoltante indignité que de souf-
aux soldats de prendre les armes et de le suivres frir une pareille honte une pareille ignominie
Itors des retranchements il donne aux lieute- de l'ennemi le plus lâche. Nous laisserons-nous
nants, aux tribuns aux préfets des alliés les or- donc assiéger dans notre camp pour mourir lrou-
dres nécessaires. Tous lui déclarent «qu'ils feront teusement de faim, plutôt que de périr, s'il le
certainement tout ce qui dépendra d'eux, mois faut, par le fer, en hommes de cœur? Il priait les

tudinem inventuros. Dictis captivorum Odes exstilit de- jacere animos. Tota nocte inter vulnera et gemitus mo-
sertis oppidis consul potitur. rientium vigilatum esse. Si ante lucem ad castra veotum
XXXV. Alteri consuli M. Atilio nequaquam tam facile foret, tantum pavoris fuisse ut relicturi signa fuerint
bellum fuit. Quum ad Luceriam duceret legiones, qnam nunc pudore a tuga contineri alioquin pro victis esse.»
oppugnari ab Samnitibus audierat, ad finem Lucermum Quae ubi consul accepit, sibimet ipsi circumeundos allo-
ei bosus obvius fuit Ibi ira vires æquatit. Prælium va- quendosque milites ratus, ut ad quosque venerat, cun-
rium et anceps fmt tristius tamen eventu Romanis; et ctautes arma capere increpabat Qmd cessarent, tergi-
quia insueti erant vinci, et quia digredientes magis, quam versarenturque? flostem in castra venlurum, nisi illi
in ipso certamine senseruut, quantum in sua parte plus extra castra exisseut et pro tentoriis suis pugnaturos, sa
vulnerum ac caedis fuisset. Itaque is terror in castris or- pro vallo nollent. Armatis ac dimicaulibus dubiam victo-
tus, qui si pugnautes cepisset, insignis accepta clades riam esse. Qui nudus atque inermis hostem maneat, ei
foret. Tum quoque sollicita noi fuit jam invasurum castra aut mortem, aut servitutem paliendam.. Hase jurganti
Sammtem credenlibus, aut primi luce cum victoribus inerepantiqiie respondebant « Confectos se pugna hes-
conserendas manus. Minus cladis ceterum non plus ani- terna esse nec virium quicquam, nec sangumis super-
morum, ad hostes erat. Ubi primum illuxit, abire sine esse. Majorent multitudiuem hostium apparere, quam
certamiite cupiunt. Sed via una, et ea ipsa praeter hostes, pridie fuerit.Inter hæc appropinquabatagmen; et, jam
erat qua ingressi præbuere speciem recta tendentium breviore intervallo certiora intuentes, vallum secum por
ad castra oppugnanda. Consul arma capere milites jubet, tare Samnitem affirmant, nec dubium esse, (juin castra
et seqm se extra vallum legatis, tribunis, prxfectis so- circumvallaturisint. Tunc, « enimvero,consul, indignum
ciorum imperat quod apud quemque facto opus est. Om- factuus esse.. vociferari, « tantam contumeliam ignomi
nes affirmant, « se qmdem omma facturos, sed militum ntamque ab ignavissimoace,pi hoste. Etiamnc circumso-
dieux d'être favorables à tous, quelque parti que de la part des troupes, qui poussèrent à peine le
chacun jugeât digne de soi quant à lui, M. Ati- cri de guerre d'une voix mal assurée et sans en-
lius consul, dùt-il n'être suivi de personne, il irait semble personne ne faisait un pas en avant.
seul contre les ennemis, et tomberait au milieu des Alors le consul romain, pour animer l'affaire,
rangs des Samnites, plutôt que de voir assiéger envoya quelques escadrons sur la ligne; plusieurs
le camp romain. » Les lieutenants, les tribuns, cavaliers furent renversés de cheval et la confusiou
tous les corps de cavalerie et les chefs des premiè- se mit parmi les autres. L'infanterie samnite s'é-
res centuries approuvèrent les paroles du consul. branla pour tuer ceux qui étaient tombés, et
Alors le soldat vaincu par la honte prend ses ar- l'infanterie romaine pour défendre les siens. Le
mes et sort du camp avec lenteur. Défilaut sur une combat devint un peu plus vif mais les Samni-
longue ligne où l'on remarque des intervalles, ils tes s'étaient avancés avec un peu plus de résolu-
s'avancent, d'un air triste et semblablesà des vain- tion et en plus grand nombre, au lieu que la ca-
cus, au-devantd'un ennemi qui montrait tout aussi valerie romaine, dans le désordre où elle se trou-
peu de confiance et de fermeté. Car à peine les en- vait, foula ceux qui venaient la soutenir sous les
seignes romaines furent-elles aperçues des Sam- pieds de ses chevaux effarouchés la fuite qui com-
nites, qu'ils se dirent les uns aux autres, depuis la mença alors entraîna toute l'armée romaine. Déjà
tête de l'armée jusqu'à l'arrière-garde, «que les les Samnites chargeaient ces fuyards. lorsque le
Romains, comme ils l'avaient appréhendé, sor- consul prenant les devants, court à cheval vers la
taient pour leur fermer le chemin qu'il ne leur porte du camp, y place un poste de cavaliers, aux-
restait aucune issue, pas même pour la fuite: qu'il quels il commande de traiter en ennemi quicon-
fallait périr là, ou terrasser les ennemis et s'échap- que approchera des palissades, qu'il fût Romain
per en marchant sur leurs corps. » ou Samnite; puisil revient, en répétant les mêmes
XXXVI. lls jettent les bagages au milieu de l'ar- menaces, s'opposer aux fantassins qui se précipi-
mée puis chacun reprenant son rang avec ses ar- taient en désordre vers le camp. « Où vas-tu,
mes, ils se forment en bnlaille. Déjà les deux ar- soldat? dit-il; là aussi tu trouveras des armes et
mées n'étaient plus séparées que par un étroit es- des guerriers; et tant que ton consul existera tu
pace, et chaque parti attendait que l'autres'avan- n'entreras au camp qu'après avoir remporté la
çât le premier et poussât le premier le cri de victoire Choisis donc; vois s'il vaut mieux com-
charge. Ni l'un ni l'autre n'avait envie de se bat- battre contre ton concitoyen que contrel'ennemi. »
tre, et ils se fussent retirés sans même lancer Pendant que le consul prononçaitces paroles, les
un javelot, s'ils n'eussentcraint réciproquement cavaliers, la lance à la main, les enveloppent et
d'ètre poursuivis dans leur retraite. Enfin, après les somment de retourner au combat. Le consul
de longues tergiversations, le combat s'engagea fut bien servi, non-seulement par son courage,
de lui-même avec une répugnance non douteuse mais encore par le hasard car la charge des Sam-

debimur, inquit, in castris, ut famé potius per ignomi- tact! abissent, ni cedenti instaturum alterum timuissent.
niam, quam ferro, si necesse est, per virtutem, moria- Sua sponte inter invitos tergiversantesquesegnis pugna
murf Dit hene vertereut; farerentque, quod se dignum clamore incerto atque impari cœpit nec vestigio quis-
qunsque ducerent.Consulem M. Atilium vel solum, si ne- quam movebatur.Tum consul romanus, nt rem eicila-
ino atuns sequatur, iturum adversus hostes casurumque ret, equitum pancas turmas extra ordinem immisit: quo-
Inter signa Samnitium potius, quam circumvallari castra rum quum plerique delapsi ex equis essent et alii turba-
romana videat. » Dicta cousulis legati, tribunique, et ti, et ab Samnitium acie ad opprimendos eos. qui ceci-
omnes turmae equitum, et centuriones primorum ordi- derant, et ad suos tuendos ab Romanis procursum est.
num, approbavere. Tum pudore victus miles segniter Inde paullulum irritata pugna est; sed aliquanto et impi-
arma capit, segniter e castris egredilur longo agmine, gre magis et plures procurrerant Samnites et turbatus
nec continenti mœsti ac prope victi procedunt adversus eques sua ipse subsidia terri lis equis proculcavit. Hine
hostem, nec spe, nec animo certiorem. Jtaque simul fuga cœpta totam avertit aciem romanam.Jamque in terga
conspecta su ut romana signa extemplo a primo Samut- fugieulium Samoites pugnabant, quum consul eqno
tium agmine ad novissimumfremitus pertertur, Exire, prævectus ad portam castrorum, ac statione equitum ibi
id quod timuerint, ad impedieodum iter Romanos. Nul- opposita, edictoque, ut, qaicunque ad vallum tende.
lam inde ne fugae quidem patere viam. Illo loco aut ca- ret, sive ille Romanus sive Samnis esset, pro hosto ha-
dendum esse, aut, stratis bostibus, per corpora eorum berent; » haec ipsa minitans, obstitut profuse tendentibus
evadendum. » suis in castra.. Quo pergis, inquit. miles? et hic arma
XXXVI. tn médium sarcinas conjiciunt, armati suis et viros inventes nec vivo cousule tuo, nisi victorcastra
qunsque ordinibus instruunt aciem. Jam exiguam inter intrabis. Proinde elige, cum cive, an hoste, pugnare
duas acies erat spatium et stabaot exspeetantes, dum ab malis.. Hæc dicente consule, equites infestis cuspidibus
hostibus prius imp tus, prius clamar inciperet. Neutris circumfunduntur, ac peditem in punnam redire jubent.
anmus est ad pugnandum diversique integri atque in- Non virtus solum consulem, sed fors etiam adjuvit; quod
nites manqua de vigueur, et l'on eut le temps de cents hommes lui manquaient. Tandis que ces
reformer l'ordre de bataille et de faire volte-face. choses se passaient en Apulie les Samnites avec
Alors les soldats s'exhortent les uns les autres à une autre armée essayèrent de s'emparer d'Inté-
recommencer le combat; les centurionsarrachent ramna, colonieromaine sur la voie Latine; mais i!s
aux porte-étendardsleurs enseignes pour les por- n'y réussirent pas. Après avoir ravagé le territoire,
ter en avant ils font remarquer aux leurs que comme ils s'en retournaient avec une grande
les ennemis qui les poursuivent sont peu nom- capture d'hommes et de bestiaux, et de colons faits
breux, et qu'il n'y a parmi eux que désordre et prisonniers, ils rencontrent le consul victorieux
confusion. Pendant ce temps, le consul levant les qui revenait de Lucérie. Ils ne perdent pas seule-
mains au ciel et haussant la voix de manière à ment leur butin, mais eux-mêmes, embarrassés de
être entendu, voue un temple à Jupiter Stator leurs bagages et marchant sur une longue file, fu-
si l'armée romaine s'arrêtait dans sa fuite, et rent taillés en pièces. Le consul, après avoir in-
si, retournant au combat, elle réussit à vaincre vité par un édit les propriétaires à venir à lnté-
et à détruire les Samnites. Il se fit alors un effort ramna reconnaître et recouvrer ce qui leur ap-
général pour rétablir le combat; chefs, soldats, parlenait, et y avoir laissé l'armée, se rendit à
cavaliers, fantassins, tous rivalisèrent d'ardeur. Rome pour la tenue des comices. Il demanda le
Les dieux mêmes parurent s'être iutéressés à la triomphe, maison le lui refusa à cause de la perte
gloire du nom romain, tant il fut facile de re- de tant de milliers de soldats, et parce qu'il s'était
prendre le dessus et de repousser loin du camp les contenté, sans imposer aucune condition aux vain-
ennemis, qui bientôt même furent ramenés à l'en- cus, de faire passer sous le joug les prisonniers.
droit où s'était engagé le combat. Là ils se XXXVII. L'autre consul, Postumius, ne trou-
trouvent arrêtés par les bagages qu'ils avaient vant plus à occuper ses armes dans le Samnium
entassées au milieu de la plaine. Pour ne pas les avait fait passer son armée dans l'Étrurie, où d'a-
exposer au pillage, ils les enferment dans un cer- bord il s'était mis à ravager les terres des Volsi-
cle de soldais. Mais, en ce moment, les fantassins nions ceux-ci étant sortis pour défendre leur
tes pressèrent vi\emeut de front, et la cavalerie territoire, il leur livra bataille à peu de dis-
alla les envelopper par derrière; ainsi serrés de tance de leurs murs. Deux mille huit cents Étrus-
toutes parts, ils furent taillés en pièces ou faits ques furent tués la proximité de leur ville sauva
prisonniers. Le nombre de ceux-ci se monta à sept les autres. L'armée fut conduite sur le territoire de
mille denx cents, qui tous passèrent nus sous le Rusellum;là, non-seulement on dévasta les lerres
joug on porte à quatre mille huit cents le nom- mais on emporta la ville de vive force. Plus de
bre de ceux qui furent tués. La victoire ne laissa deux mille hommes y furent pris, le nombre des
pas de coûter cher aux Romains. Le consul ayant hommes tués autour des remparts ne fut pas de
fait le recensement de ceux qu'il avait perdus pen- deux mille. Mais ce qui signala cette année beau-
dant ces deux jours, reconnut que sept mille deux coup plus que les succès de la guerre en Étrurie,

non institeruutSamniles,spatiumque circuraagendi signa rus relatus septem millium ac ducentorum. Dum he'c in
veriendique aciem a castris in hostem fuit. Tum alii alios Apulia gerebantur, altero exercilu Samnites Iuteramnam,
hortari, ut repelerent pugnam centurione" ab signife- colouiam romanam, quoe via latina est, occupare conati,
ris rapta signa inferre et ostendere suis, paucus et ordi- urbem non Lenuerunt; agros depopulati quum prædam
nibus incompositiselfuse veuire hostes. Iuter baie consul aliam inde mixtam bominum atque pecudum, colonos-
manus ad cœlum attollens, voce clara, ita uteiaudiretur, que captos agerent, in victorem incidunt consulem, ab
templum Jovi Statori vovet, si constitisset a fuga romana Luceria redeuutem nec prædam solum amittunt sed
acies, redintegratoclueprælio cecidisset vicissetquelegio- ipsi longo atque impedito agmine incompositi caeduntur.
nes Samnitium. Omnes undique annisi ad reslituendam Consul, Interamnam edicto dominis ad res suas noscen-
pugnam duces, milites, peditum equitumque vis nu- das recipicndasque revocalis, et exercitu ibi relicto, co-
men etiam deorum respexisse nomen romauum visum mitiorum causa Romam est profectus. Cui de triumpho
adeo facile inclinata res, repukique a castris hostes; mox agenti negatus honos, et ob amissa tôt millia militum, et
dtiam redacti ad eum locum, in quo commissa pugua quod captives sine pactione subjugum misisset.
erat. Ibi, objacente sarcinarum cumulo, quas conjece- XXXVII. Consul aller Postumius, quia in Samnitibus
rant in médium, hæsere impediti deinde ne diriperen- materia belli deerat, in Etruriam traducto exercitu, pri-
tur res, orbem armaturum sarcinis circuindant. Tum mum pervastaverat Volsiniensem agrum dein cum egrea-
vero cos a fronte urgere pedites, ab tergo circumvecti sis ad tuendos fines baud procul mœnibus ipsorum de-
equites. Ita in medio cæsi captique. Captivorum numerus pugnat. Duo millia octingenti Etruscorum cæsi ceteros
fuit septem millium ac duceolorum, qui omnes nudi sub propinquitas urbis tutata est. In Rusellanum agrum exer-
jugum missi coesos retuleread quatuormillia octingentos. citus traductus. Ibinonagri tantum vastati, sed oppidum
Ne Romanis quidem læla victoria fuit; recensente con- etiam expugoatum capta amplus duo millia bommum
Iule biduo acceptam cladem, amissorum militum nume- minus duo milLa circa muros cæse. Pax tamen clarior
ce fut l'importance et l'éclat de la paix qui fut avaient triomphé, non par t'autorité du sénat,
conclue. Trois villes des plus puissantes, Volsinie, mais par l'ordre du peuple, et il ajouta e qu'il
Pérusia, Arrétium, la demandèrent; et, après se serait aussi adressé au peuple, s'il n'eût été in-
avoir contracté avec le consul l'engagement de struit que des tribuns, vendus aux nobles, de-
fournir aux soldats des blés et des vêtements, pour vaient se déclarer contre lui que la volonté et la
qu'il leur fût permis d'envoyer des négociateurs à faveur du peuple, manifestant à l'unanimité son
Rome, elles obtinrent une trêve de quarante ans. consentement,lui tenait et lui tiendrait toujours
Pour le présent, on leur imposa à chacune une lieu de loi. Et le lendemain, soutenu par trois
amende de cinq cent mille as. En récompensedeces tribuns du peuple contre sept opposants et le corps
exploits, le consul demanda le triomphe au sénat, entier du sénat, il triompha aux acclamations du
plutôt pour se conformer à l'usage que dans l'es- peuple. Il y a sur les événements de cette année
poir de l'obtenir. Voyant qu'on le lui refusait, les peu d'accord entre les historiens. Claudius rap-
uns, parce qu'il était sorti de Rome trop tard; les porte que Postumius, après avoir pris quelques
autres, parce que sans un ordre du sénat il avait villes dans le Samnium fut défait et mis en fuite
passé du Samnium dans l'Étrurie; ceux-ci, comme dans l'Apulie, qu'il fut même blessé et qu'il revint
ses ennemis personnels; ceux-là, en qualité d'amis à Lucérie avec peu de monde; que la guerre d'É-
de son collcnue, qu'ils cherchaientà consoler de trurie fut conduite par Atilius, qui obtint les
la mortification d'un refus en la faisant partager à honneurs du triomphe. Suivant Fabius, les deux
Postumius «Pères conscrits, leur dit-il, ce que je consuls firent la guerre dans le Samnium et se
dois à la majesté du sénat ne me fera point oublier trouvèrent ensemble à Lucérie il ajoute que de là
que je suis consul. C'est en vertu de ce légitime (mais il ne dit pas par lequel des deux consuls)
pouvoir qui m'a donné le droit de faire la guerre, l'armée fut conduite en Étrurie; qu'à Lucérie la
qu'après l'avoir faite heureusement, après avoir perle fut grande des deux côtés; et qu'en ce com-
subjugué le Samnium et l'Étrurie, après avoir bat on voua un temple à Jupiter Stator, ainsi que
conquis la victoire et la paix, je triompherai. » l'avait fait Romulus; quoique jusqu'à ce moment
Puis il sortit du sénat. Les tribuns du peuple ne il n'y eût eu de consacré que le fanum, c'est-à-
furent point d'accord; les uns déclaraient qu'ils dire l'emplacement du temple. Cette année enfin
s'opposeraient à un triomphe qui n'était autorisé le sénat ordonna la construction du temple méme:
par aucun précédent; les autres, qu'ils l'assure- la république, liée une seconde fois par le même
raient, malgré l'opposition de leurs collègues. vœu, n'en pouvait plus retarder l'accomplisse-
L'affaire fut débattue devant le peuple. Le consul ment sans s'exposer au courroux des dieux.
invité à s'expliquer,rappela que les consuls M. Ho- XXXVIII. Tout concourut à faire de l'année
ratius, L. Valérius, et tout récemment C. Marcius suivante une époque mémorable, et le consulat
Rutilus, père de celui qui alors était censeur, de L. Papirius Cursor, illustre par la gloire de sou

majorque, quam bellum in Etruria eo anno fuerat, parta lune censor esset, non ei auctoritate senatus, sed jussu
est. Tres validissimæ urbes, Etrutiæ capita, Volsinii, populi triumphasse diceret adjiciebat, «se quoque latu-
Perusia, Arretium, pacem petiere; et, vestimentis mili- rum fuisse ad populum, ni sciret, mancipia nobihum tri-
tum frumentoque pacti cum consule, ut mitti Romam bunos plebis legem impedituros; voluntatem sibi ac fa-
oratores liceret, indutias in quadraginta annos impetra- vorem cousentientis populi pro omnibus jussis esse ac
verunt. Mulcta præsens quingentum millium aeris in sin- futura. Posteroque die aunlio tribunorum plebis trium
gulas civitates imposüa. Ob basce res gestas consul quum adversus intercessionemseptem tribunorumet consensum
triumphumab seuatu, moris magis causa quam spe im- senatus, celebrante populo diem, triumphavit. Et bujus
petrandi, pelisset, videretque alios, quod tardius ab urbe anni parum constans memoria est. Postumium, auctor
exisset alios, quod injussu senatus ex Samuio in Etru- est Claudius, in Samnio captis aliquot urbibus, in Apulia
riam transisset, partim sucs inimicos, partim collegm fusum fugatumque,saucium ipsum cum paucis Luceriam
amicos, ad solatium æquatæ repulsae sibi quoque ne- compulsum: ab Atilio in Etruria res gestas, eumque
gare triumphum « Non ita, inquit. Patres conscripti, triumphasse. Fabius ambo consulesin Samnio et ad Lu-
vestræ majestatis meminero, ut me consulem esse obli- ceriam res gessisse, scribit, traductumque in Etruriam
viscar. Eodem jure imperii, quo bella gessi, bellis felici- exercitum (sed ab utro consule, non adjecit) et ad Lu-
ter geslis, Samnio atque Etruria subactis victoria et pace ceriam utrimque multos occisos inque ea pugna Jovis
parta, triumphabo. » Ita senatum reliquit. Inde inter tri- Statoris a'dem votam, ut Romulus ante voverat; sed fa-
bunos plebis contentio orta pars intercessuros, ne novo num tantum, id est locus, templo effatus sacratus fue-
exemplo triumpharet, aiehant; pars auxilio se adversus rat. Ceterum, hoc demum anno ut ædem eliatn fieri se-
collegas trumphantifuturos. Jactata res ad populum est; natus luberet, bis ejusdem voit damuata republica ia
vocatuaqueeo consul, quum M. Horatium, L. Valerium rcligionem venit.
consules, C. Marcium Rutilum nupcr, patrem ejus, qui XXXVIII. Sequitur hune annum et consul instgnis
père et par la sienne, et une guerre terrible et une reur, mais au milieu de cette enceinte, partout
victoire si éclatante qu'aucun général, excepté le couverte, on avait dressé des autels, entourés de
père du consul, L. Papirius, n'en avait remporté victimes immolées et gardés par des centurions
de semblable jusqu'à ce jour sur les Samnites. qui se tenaient debout, l'épée à la main. On fai-
Ceux-ci, avec les mômes efforts et le même sait approcher de ces autels chaque soldat, plu-
appareil qu'autrefois, avaient paré leurs trou- tôt comme victime que comme prenant part au
pes de tout le luxe de leurs armes magnifiques; ils sacrifice; et force lui était de s'engager par ser-
avaient fait intervenir les dieux, en éprouvant ment à ne rien révéler de ce qu'il aurait vu ou
les soldats par une sorte d'initiation, par un entendu dans ce lieu. Ensuite on le contraignait à
serment emprunté à un rite antique, et en fai- prononcer des imprécations horribles, dont on lui
sant des levées dans tout le Samnium, d'après une dictait la formule, contre lui-même, contre sa fa-
loi nouvelle qui portait, que si quelqu'un parmi mille et toute sa race, s'il ne marchait au combat,
les jeunes gens ne se rendait pas à l'appel du gé- partout cù ses chefs le conduiraient; s'il s'en-
néral ou quittait ses drapeaux sans permission, fyait lui-même du champ de bataille, ou s'il ne
sa tête serait dévouée à Jupiter.Aquilonia fut tuait à l'instant le premier qu'il verrait s'enfuir.
clioiai pour servir de point de réunion à l'ar- Quelques-uns d'abord se refusèrent à un pareil
mée. il s'y ressembla quarante mille combattants serment on les égorgea près des aulels et leurs
qui formaient toute la force du Samnium. Là, corps gisant au milieu des victimes sanglantes fu-
vers le milieu du camp, on forma une enceinte rent pour les autres un avertissement de ne pas
ayant tout au plus deux cents pieds en tous sens, résister. Les plus distingués des Samnites une fois
que l'on ferma de grilles et de cloisons, et que l'on liés par ces imprécations, le général en nomma
couvrit de toile de lin. Un sacritice y fut célébré dix, qui durent en nommer autant, jusqu'à ce
dans les formes prescrites par un vieux rituel qu'on eûtcomplété le nombrede seize mille. Celte
écrit sur toile. Le sacrificateur était Ovius Pactius, légion fut appelée Linteala, à cause des voiles de
homme d'un âge très-avancé, qui assurait avoir lin qui couvraient l'enceinte où la noblesse s'était
trouvé ces formules dans les anciennes pratiques liée par serment. On donna à ceux qui en fai-
religieuses des Samnites, employées autrefois par saient partie des armures éclatantes et des cas-
leurs aïeux, lorsqu'ils prirent des mesures secrètes ques surmontés de panaches afin de les pouvoir
pour enlever Capoue aux Étrusques. Le sacrifice distinguer au milieu des autres. Le reste de l'ar-
terminé, le général envoyait chercher par un of- mée montait à un peu plus de vingt mille hom-
ficier public les plus distingués par leur naissance mes, qui soit pour la taille soit pour la réputa-
et leurs belles actions; on les introduisaitun à un. tion de courage, soit pour l'équipement, ne le
Non-seulement tout l'appareil de cette cérémonie cédaient guère à la légion Linteata. Telle était
était fait pour pénétrer l'âme d'une religieuse ter- l'armée qui se rassembla à Aquilonia.

L. Papirius Cursor; qua paterna gloria, qua sua, et religioneanimum posset; tum in loco circa omni contecto
bellum ingens victoriaque, quantam de Samnitibus nemo aræ in medio, victimæque circa cæsæ; et circumstantes
ad eam diem prater L. Papirium patrem consulis, pe- centuriones striclis gladiis. Admovebatur altarlbus miles,
pererat. Et forte eodem conatu apparatuqueomnt opuleo- magis ut victima, quam ut sacri particeps adigebatur-
tia insignium armorum bellum adornaverant: et deorutn que jnrejurando, qua visa auditaque in eo loco essent,
etiam adhibuerant opes ritu quodam sacramenti vetusto non enuntiaturum.Dein jurdre cogebatur diro quodam
velut initiatis militibus, delectu per omne Samnium ba- carminé, in exsecrationem capitis familioeque Pt stirpis
lulo nova lege ut, qui juniorum non couvenisset ad im- composito, nisi isset in proelium, quo imperatores duxis-
peralorium edictum, quique injussu abisset, capot Jovi sent; et si autipse ex acie fugisset, aut, si quem fugien-
sacratum esset. Tum exercitus omnis Aquiloniam est in- tem vidisset, non extemplo occidisset. Id primo quidam
dictus. Ad quadragiuta mill:a militum quod roboris in abnuentes juraturos se, obtruncati circa altaria sunt la-
Samnio erat, conveneruut. Ibi mediis fere castris locus centes deinde inter stragem victimarum documento cete-
estconsa'ptus cratibus pluteisque, et lioteis contectus, ris fuere, ne abnuerent.PrimoribusSammtum ea detes-
patens ducentos maxime pedes in omnes pariter partes. tatione obstrictis decem nomiuatis ab imperatore edic-
Ibi ei libro vetere tmteolecto sacrificatum,sacerdote Ovio tum, ut vir virum legerent, donec sexdecim milhum nu-
Paclio quodam, homine magno uatu, qui se id sacrum merum confecissent. Ea legio linteata ab integumento
pelere affirmabat ex vetusta Samnitium religione; qua consæpli, quo sacrata nobilitas erat, appellata est. His
quondam usi majores eorum fuissent, quum adimenda' arma insiguia data, et cristatae galeae, ut inter ceteros
Etruscis Capua; clandestinumcepissent consilium. Sacri- eminerent. P,mHo plus viginti millium allus exercitusfuit
licio perfectu, per viatorem imperaloracciri jubebat no- nec corporumspecie, nec gloria belli nec apparatu lin-
bdissunum quemque genere faclisque. Singuliiulroducc- teatæ legiont dispar. Hic bomiuum numerus, quod ro-
bantur. Erat quum alius apparatus sacri qui pei fundere boris erat, ad Aquiloniam consedit.
XXXIX. Les consuls partirent de Rome. Sp. Car- pour une bataille, envoie annoncer à son collè-
vilius, à qui l'on avait assigné les légions que gue « que son intention était les auspices le
M. Atilius, consul de l'année précédente, avait lui permettant, d'attaquer l'ennemi le jour sui-
laissées à Interamna, entra avec elles dans le Sam- vant qu'il était nécessaire que de son côté il at-
nium et pendantque les ennemis, occupésde leurs taquât Cominium avec la plus grande vigueur,
superstitieuses cérémonies, ne songeaient qu'à dans la crainte que les Samnites, si on leur lais-
des réunions secrètes, il leur enleva de vive force sait quelque relâche, n'envoyassent des renforts
la ville d'Amiterne. Là furent tués environ deux à Aquilonia. a Le courrier eut le jour pour se
mille huit cents hommes; quatre mille deux cent rendre à sa destination; il revint la nuit, rappor-
soixante-dix furent faits prisonniers. Papirius, tant que l'autre consul approuvait la mesure pro-
après avoir formé une nouvelle armée, ainsi qu'il posée. Papirius, après avoir dépêché son message,
avait été décidé, emporta Duronia. Il fit moins de convoqua aussitôt ses soldats. Il s'étendit beau-
prisonniers que son collègue, mais il tua un peu coup sur la nature de la guerre en général, beau-
plusde monde à l'ennemi.Dans lesdeuxendroits on coup sur cet appareil des ennemis, vaine repré-
se rendit maître d'un riche butin. De là les con- sentation qui ne pouvait être un moyen de suc-
suls, après avoir parcouru le Samnium et ravagé cès. « Des panaches feraient-ils des blessures? le
surtout le pays d'Atinum, se portèrent, Carvilius javelot romain percerait l'or et les.peintures des
sur Cominium, Papirius sur Aquilonia, où se boucliers; et quant à ces tuniques d'une éclatante
trouvaient les principales forces des Samnites. blancheur, le fer, dès qu'il serait tiré, les rougi-
Là, pendant quelque temps, on ne laissa pas de rait de sang. Son père avait autrefois exterminé
se battre, mais sans en venir à une affaire sé- une armée de Samnites toute dorée, tout argen-
rieuse. Attaquer l'ennemi quand il était tran- tée, et ces magnifiques dépouilles avaient fait
quille, se replier lorsqu'il tenait ferme, menacer plus d'honneur aux vainqueurs que les armes
plutôt que d'engager le combat, tel était l'exer- n'en avaient fait aux vaincus. Peut-être était-
cice de chaque jour. Et comme l'action, si elle ce à des chefs de son nom et de sa famille
s'engageait, ne se soutenait pas, l'issue de toutes qu'il devait être donné de résister aux plus
les affaires, même légères, restait indécise. L'autre grands efforts des Samnites et de leur enlever
camp romain était à vingt milles de là mais cette des dépouilles dignes de décorer même les pla-
distance n'empêchait pas les consuls de se con- ces publiques. Les dieux immortels seraient pour
certer sur toutes les opérations; et même Car- eux vengeurs de ces traités tant de fois demandés,
vilius portait plus son attention sur Aquilonia, où tant de fois violés; et même s'il était permis de
devaient se frapper les plus grands coups, que sur pénétrer dans la pensée divine, jamais armée ne
Cominium dont il faisait le siège. L. Papirius, leur a été plus odieuse que celle-ci, qui souillée,
après avoir fait à peu près toutes ses dispositions dans un sacrifice impie, du sang des hommes

XXXIX. Consul es profecti ab urbe prior Sp. Carvi- quam ad Cominium, quod obsidebat, erat. L. Papirius,
lius, cui veteres legiones, quas M. Atilius superioris Jam per omnia ad dimicandum satis paratus, nuntium ad
auni consul, in agro Interamnali rehquerat, decreta collegam mittit « sibi in animo esse, postero die, si per
erant. Cum iis in Samnium profectus dum hostes ope- anspicia liceret, conQigerecum hoste. Opus esse, et illum,
rati superstitionibus,conciliasecreta agunt, Amiternum quanta maxima vi posset, Cominium oppugnare, ne quid
oppidum de Samnitibus vi cepit. Cæsa ibi millia bominum laxamenti sit Samnitibus ad subsidia Aquiloniam millen-
duo ferme atque octingenti capla quatuor millia ducenti da. » Diem ad proficiscendum nuntius habuit nocte re-
septuaginta.Papirius, novo exercitu (ita decretum erat) dut, approbare collegam consulta referens. Papirius
scripto, Duroniam urbem expugnavit. Minus, quam col- nuntio misso, extemplo concionem habuit; mulla de uni-
legs, cepit hominum, plus aliquanto occidit. Præda opu- verso génère belli, multa de præsenti bostium apparatu
leuta ulrobique est parta. Inde pervagati Samnium con- vana magis specie, quam efficaci ad eventum, disseruit.
mules, maxime depopulato Atinate agro, Carvilius ad « Non enim cristas vulnera facere; etperpicta atque au-
Cominium Papiriusad Aquiloniam, ubi summa rei Sam- rata scuta transire romanum pilum et candore tunica-
nitium erat, pervenit. Ibi aliquanidiu nec cessatum ab rum fulgentem aciem, ubi res ferro geratur, rruentari.
armis est, neque naviter pugnatum lacessendo quietos, Aureamolim atque argenteamSamnitium aciem a parente
resistentibus cedendo, comminandoque magis, quam in- suo occidione occisam; spoliaque ea bonestiora Tictort
ferendo pugnam, dies absumebatur.Quod quum incipe- hosti, quam ipsis arma, fuisse. Datum hoc forsitan no-
retur, remittereturque, omnium rerum etiam parvarum mini familia'que suæ, ut advenus maximosconatus Sam-
eventus proferebaturin dies. Altera romana castra viginti nitium opponerentur duces; spoliaque ea referrent, qua
millium spatio aberant et absentis collegæ consilia om- insigoia publicis etiam locis decorandis essent. Deos im-
nibus gerendis intererant rébus iutentiorque Carvilius mortales adesse propter toties petita foedera loties rupta;
quo majore discrimine res vertebatur, in Aquiloniam, tum, fi qua conjectura mentit divine sit, nulli unquam
mêlé à celui des animaux, doublement dévouéeà de quatre cents hommes) étaientparties pour Comi-
la colère céleste, redoutant d'un côté les dieux té- nium. Dans la crainte que son collègue ne fût sur-
moins des traités conclus avec les Romains, de pris, il lui dépêche un courrier sur-le-champ;puis
l'autre les imprécations terriblespar lesquelleselle il ordonne aux siensde hâter le pas. Il avait désigné
s'est engagée contre ces traités, a prêté malgré aux corps de réserve et leurs postes et leurs chefs.
elle un serment qu'elle abhorre, et craint tout Il confia l'aile droite à L. Volumnius, la gauche à
à la fois les dieux, ses concitoyens et les enne- L. Scipion, et donna le commandement de la ca-
mis. 9 valerie à deux autres lieutenants, Caius Cédicius
XL. Quand il eut révélé tous ces détails qu'il et C. Trébonius. Il ordonne à Sp. Nautius de
tenait des transfuges, en présence de soldats déjà prendre les mulets, de leur ôter leurs bâts et
assez irrités par eux-mêmes contre l'ennemi, d'aller en grande hâte avec les cohortes auxi-
ceux-ci, pleins de confiance et dans les dieux et liaires tourner une éminence, puis, l'action
dans eux-mtmes, demandent le combat d'un cri engagée, de se montrer sur cette hauteur eu
unanime; ils regrettent qu'on l'ait différé jus- faisant le plus de poussière qu'il pourrait. Pen-
qu'au lendemain, et ils ne peuvent supporter le dant que le général était occupé de ces dis-
relard d'un jour et d'une nuit. A la troisième positions, il s'éleva entre les pullaires, au sujet
veille de la nuit, la réponse de son collègue lui de l'auspice de ce jour, une altercation qui fut
étant déjà parvenue, Papirius se lève sans bruit entendue par des cavaliers romains. Ceux-ci, per-
et envoie le pullaire prendre les auspices. Il n'y suadés que ce n'était point une chose à mépriser,
avait personne au camp, à quelque classe qu'il prévinrent Sp. Papirius, fils du frère du consul,
appartint, qui ne partageât cette ardeur pour le qu'il se manifestait des doutes sur l'auspice. Le
combat; les premiers officiers, les derniers soldats jeune homme, né avant la doctrine qui apprend
avaient la même impatience. Le général comptait à mépriser les dieux, vérilie le fait pour ne rien
sur ses soldats les soldats sur leur général. Cette avancer sans preuves, et fait son rapport au con-
ardeur de tous les esprits avait gagné jusqu'aux sul. Celui-ci lui répond Montre toujours la
ministres des auspices. Car, bien que les poulets même exactitude et le même zèle; mais celui qui
eussent refusé de manger, le pullaire, osant ha- procède à l'auspice, s'il fait un faux rapport, at-
sarder une imposture, annonça aux consuls que tire l'anathème sur sa tête. Quant à moi, on m'a
les auspices étaient favorables. Le consul, ravi annoncé le tripudium ce qui est un excellent pré-
d'une si heureuse nouvelle, annonce aux soldats
qu'ils auront pour eux les dieux et il donne le si-
sage pour le peuple romain et pour l'armée.. II
commanda ensuite aux centurionsdeplacer les pul-
gnal du combat. Déjà il sortait pour se porter con- lairesau premier rang. Les Samnites, de leur côté,
tre l'ennemi, quand un transfuge lui annonce que font avancer leurs étendards, suivis d'une armée
vingt cohortes de Samnites(elles étaient à peu près qui, par ses riches vêtements et ses armes, était

exercitui fuisse infestiores, quam qui, nefando sacro mixta tium (quadringenariœ ferme erant) Cominium profectas.
hommum pecudumque caede respersus ancipiti deum Quod ne ignoraret collega extemplo nuntium mittit
iræ devolus, hinc fœderum cum Romanis ictorum testes ipse signa ociua profcrri jubet, subsidiaque suis quæque
deos hine junsjurandi adversus fœdera suscepti exsecra- locis et præfectos subsidiis attribuerat. Dextro cornu
tiones horrens, invitus juraverit, oderit sacramentum, L. Volumoium,sinistro L. Scipionem, equitibus legatos
uno tempore deos, cives, hostes metuat. alios, Caios Caedicium et Trebonium, praefecit. Sp. hau-
XL. Hæc, comperta perfugarumindiciis, quuin apud tium mulos, detractis clitellis, cum cohortibus alariis in
infensosjam sua sponte milites disseruisset,simul divinæ tumulum conspectum propere circumducere jubet, atque
humanæque spei pleni clamore consentienti pugnam inde inter ipsam dimicationem, quanto maxime posset,
poscunt pœnitet in posterum diem dilatum certanen moto pulvere ostendere.Dum biaintentus imperatorerat,
muram diei noctisque oderunt. Tertia vigilia noctis, altercatio inter pullarios orta de auspicio ejus diei exau-
jam relatis literis a collega Papirius silentio surgit, ditaque ab equitibus romanis qui, rem baud spernen-
et pullarum in auspicium mittit. Nullum erat genue ho- dam rati, Sp. Papirio fratris Hlio consulia, ambigi de
minum in castris intactum cupiditate pugnæ summi in9- auspicio, renuntiaverunt. Juvenis, ante doctrinam deos
mique a?que intenli erant dui militum miles ducis ar- spernentemnatus rem inquisitam, ne quid iocompertum
dorem spectabat. Is ardor omnium etiam ad eos, qui deferret ad consulem, delulit. Cui ille: Ta quidem
auspicio intererant, pervenit nam quum pulli non macte virtute diligentiaque esto ceterum qui auspicio
pascerentur, pullarius, auspicium mentiri ausus, tripu- adest, si quid falsi nuntiat, in semetipsum religionem re-
dium solistimum consuli nuntiavit. Consul la-tus, auspi- cipit. Mihi quidem tripudium nuntiatum; populo romano
cium egregium esse et deis auctoribus rem gesturos, eiercituique egregium auspicium est. a Centurionibut
pronuntiat signumque pugnm proponit. Exeunti jam deinde imperavit, ut pullarios inter prima signa consti-
forte in acicm unaliat perfuga viginti cobortea Samni- luprent. Promoventet Samnites signa; insequitur acics
pour les ennemis mêmes un spectaclemagnifique. Le Romain les pressait aux ailes, au centre, et
Avant qu'on eût poussé le cri de charge et qu'on les massacrait dans l'espèce de stupeur où les te-
en fût venu aux mains, le pullaire, frappé d'un nait la crainte
des dieux et des hommes. Les Sam·
javelot lancé au hasard tomba en avant des nites n'opposent qu'une faible résistance, comme
enseignes. Quand on l'eut annoncé au consul des hommes dontlapeurseule retarde la fuite. Déjà
« Les dieux assistent au
combat, dit-il; le cou- le carnage était parvenu jusqu'aux étendards,
pable a reçu son châtiment. o Comme il disait ces quand on aperçut un nuage de poussière qui
mots, un corbeau passant devant lui jeta un cri semblait produit par la marche d'un corps d'ar-
perçant enchanté de cet augure, le consul af6r- mée considérable. C'était Sp. Nautius, ou selon
mant que jamais les dieux n'ont manifesté plus quelques-uns Octavius Métius, qui arrivait à
visiblement leur intervention dans les choses hu- la tête des cohortes des ailes, et le tourbillon de
maines, donne le signal aux trompettes et com- poussière qu'il soulevait trompait sur leur nombre
mande le cri de charge. parce que les valets de l'armée, montés sur
XLI. Il s'engagea un combat terrible, du reste des mulets, traînaient par terre des branches
avec des dispositions d'esprit bien différentes de garnies de feuilles. Ou distingue d'abord les ar-
part et d'autre. La colère, l'espérance, l'ardeur mes et les étendards au milieu du nuage que la
guerrièreentraînent au combatles Romains avides lumière avait peine à percer; mais sur les der-
du sang des ennemis; pour la plupart des Sam- rières la poussière s'élevant et s'épaississant de
nites, c'est la nécessité et l'empire de la religion plus en plus faisait croire qu'un corps de cavalerie
qui les forcent, moins à se porter au devant fermait la marche. Les Samnites s'y trompèrent
de l'ennemi qu'à lui résister. Ils n'auraient pu et les Romains eux-mêmes; et le consul confirma
soutenir le premier cri ni le premier choc l'erreur, en criant aux premiers rangs, de ma-
des Romains, accoutumés qu'ils étaient depuis nière à être entendu même des ennemis, que
quelques années à être vaincus, si une autre Cominium était pris; que son collègue victorieux
crainte plus forte dont les cœurs étaient péné- arrivait; qu'il fallait s'efforcer de vaincre, pour
trés ne les eût empêchés de fuir. Ils avaient de- ne pas laisser à l'autre armée la gloire de cette
vant les yeux tout l'appareil de leurs affreux mys- journée. » Il parlait ainsi, monte sur son cheval.
tères, leurs prêtres armés la terre jonchée Il ordonne ensuite aux tribuns et aux centurions
d'hommes et d'animaux égorgés, le sang humain d'ouvrir un passage à la cavalerie. 11 avait re-
ruisselant sur les autels avec le sang des victimes, commandé à Trébonius et à Cédicius, dès qu'ils
ces imprécations, ces formules horribles qui les le verraient élevant et agitant sa lauce de
dévouaient aux furies, eux, leur famille et leur pousser la cavalerie sur l'ennemi avec la plus
race. Enchaînés par ces liens, ils n'osaient fuir, grande impétuosité. Tout s'exécute ponctuelle-
redoutant plus leurs concitoyens que les ennemis. ment, tant les mesures avaient été bien prises.

ornataarmataque,ut hostium quoque magnificumspecta- hostem timentes. Instare Romanus a cornu utroque
culum esset. Priusquam clamor tolleretur, concurrere- a média acie, et cædere deorum hominumque attonitos
turque, emisso temere pilo ictus pullarius ante signa ce- metu. Repugnatursegniter, ut ab iis, quos timor mora-
cidit. Quod ubi consuli nuntiatum est « Dii in prselio retur a fuga. Jam prope ad signa cædes pervenerat,quum
sunt, inquit; babet pœnam noxium caput.. Ante con- ex transverso pulvis velut ingentis agminis incessu mo-
sulem hxc dicentem corvus voce clara occinuit quo læ- tus, apparuit. Sp. Nautius (Octavium Metium quidam
tus augurio coosul, affirmans nunquam humanis rebus eum tradunt) dui alaribus cohortibus, erat. Pulverem
magie præsentes interfuisse deos, signa canere, et cla- majorem quam pro numero, excitabant insidentes
morem tolli jussit. mulis calones frondosos ramos per terram trabebant,
XLI. Prxlium commissum atrox, ceterum longe dis- arma signaque per turbidam lucem in primo apparebant;
paribus animis. Romanos ira, spes, ardor certaminis, post altior densiorque pulvis equitum speciem cogenlium
avidos hostium sanguinis in prælium rapit Samnitium agmen dabat. Fefellitque non Samnites modo, sed etiain
magnam partem nécessitas ac religio invitos magis resis- Romanos et consul affirmavit errorem clamitans inter
tere, quam inferre pugnam, cogit. Nec sustinuissent pri- prima signa ita ut vox etiam ad bostes accideret, Cap-
inum clamorem atque impetum Romanorum per aliquot tum Cominium, victorem collegam adesse; anniterentur
jam annos vinci assueti ni potentior alius metus insi- vincereprius, quam gloria alterus exercitus fleret. Hæc
deus pectoribus a fuga retineret. Quippe in oculis erat insideus equo. Inde tiibunis centurionibusque imperat,
omnis ille occulti paratus sacri, et armati sacerdotes, et nt viam equitibus patefaciant. Ipse Trebonio Cædicioque
promiscua hominum pecudumque strages, et respersae prædixerat, ut, ubi se cuspidem erectam quatientem vi-
fando nefandoque sanguine arw, et dira exsecratio, ac dissent, quanta maxima vi possent, concitarent equites
furiale carmen,detestandæ familiæ stirplque compositum. in hostem. Ad natum omnia ut ex ante praaparato flunt.
llis vinculis fugæ obstricti stabant, civem magis, quam Panduntur inter ordiues riae prævolat eques, atque in-
Les rangs s'ouvrent, la cavalerie s'élance et se murs: mais étant peu nombreux, ils n'osent
précipite, la lance en avant, au milieu des ba- pénétrer dans l'intérieur de la ville.
taillons ennemis; partout où elle se porte, elle XLII. Le consulignora d'abord ces circonstances
enfonce les lignes. Volumnius et Scipion la sui- et il s'occupait à faire rentrer l'armée; car déjà
vent et culbutent les ennemis ébranlés. Sur- le jour était sur son déclin, et la nuit qui s'ap-
montant alors la crainte des dieux et des hommes, prochait rendait tout dangereux et suspect, même
les cohortes de la légion Lintéata se débandent, à des vainqueurs. S'étant avancé à quelque dis-
tous fuient en même temps, ceux qui sont liés tance, il voit à la droite le camp pris; à la gauche
par leur serment comme ceux qui ne le sont il entend dans la ville des cris d'effroi se mêler aux
pas ils n'ont plus que la peur de l'ennemi. Ce cris et au bruit des combattants; en ce moment
qui resta de l'infanterie fut poussé dans son même, on faisait l'attaque de la porte. Pous-
camp près d'Aquilonia; la noblesse et la cavalerie sant ensuite son cheval plus près de la ville, il
s'enfuirent à Bovianum. La cavalerie est pour- aperçoit ses soldats sur les murs et comme alors
suivie par nos cavaliers; l'infanterie par nos fan- il n'y avait plus à délibérer, la témérité d'un petit
tassins, et les ailes prenant une route opposée, se nombre lui ayant procuré l'occasion d'exécuter
portent, la droite au camp des Samnites, la gauche unegrandeentreprise, il rappelle les troupes qu'il
vers la ville. Volumnius se rendit bientôt maître avait réunies, et leur ordonne de marcher sur la
du camp la ville opposa plus de résistance à ville. Elles entrèrent par le côté le plus proche;
Scipion; non que les vaincus y montrassent plus mais la nuit approchant, elles se tinrent dans
de résolution, mais parce que des murailles sont l'inaction. Pendant la nuit la ville fut abandonnée
une meilleure défense que des palissades. Du par les ennemis. Ce jour-là on tua aux Samnites
haut des remparts on repousse les assaillants à trente mille trois cent quarante hommes on leur
coups de pierre. Scipion pensant que si l'on ne en prit trois mille huit cent soixante-dix; ils per-
terminait l'affaire pendant le premier moment de dirent quatre-vingt-dix-septétendards. Au reste,
consternation et avant que les ennemis eussent le on dit que jamais général ue parut sur un
temps de se reconnaître l'attaque d'une ville for- champ de bataille plus gai que Papirius, soit
tifiée traînerait en longueur, demande à ses sol- que ce fût l'effet de son naturel, soit confiance
dais « Si, quand l'autre aile s'est emparée dans le succès. Cette même force d'âme se
du camp, ils souffriront qu'on les repousse, montra lorsque les doutes élevés sur l'auspice
victorieux, des portes de la ville ? »Tous se ré- ne purent le détourner de combattre, et lors-
criant, il donne l'exemple, élève son bouclier qu'au fort même du péril, dans un de ces mo-
au-dessus de sa tête et s'avance vers la porte les ments où il était d'usage de vouer des temples
autres le suivent, en furmant la tortue, et forcent aux dieux immortels, il fit vœu, s'il battait les
la place. Après avoir culbuté ce qu'il y avait légions des ennemis, d'offrir à Jupiter Vain-
de Samnites autour de la porte, ils occupent les queur, avant de boire du vin, une petite coupe

festiscuspidibus in medium agmen hostium ruit; perrum- teriora urbis, quia pauci admodum erant, non audent.
pitque ordmes, quacunque impetum dedit. Instant Vo- XLII. Hæc primo ignorare consul, et intentus reci-
lumnius et Scipio, et perculsos sternunt. Tum, jam deo- piendo exercitui esse; jam enim præceps in occasum sol
rum hominumque victæ vi, funduntur linteata; cohortes erat et appetens nox periculosa et suspecta omnia etiam
pariter Jurati injuratiquefugiunt, nec quemquam, proe- victoribus faciebat. Progressus longius ab dextra castra
ter hostes, metuunt. Peditum agmen quod superfuit capta videt; ab læva clamorem in urbe mutum pugnan-
pugnæ, in castra ad Aquiloniam compulsum est. Nobi- tium ac paventium fremitu esse et tum forte certamen
litas equitesque Bovianum perfugeruut équités eques ad portam erat. Advectus deinde equo propius, ut suos
sequitur, peditem pedes ac diversa cornua dextrum ad in muris videt, nec jam integri quicquam esse, quoniam
castra Samniuum, laevum ad urbem tendit. Prior ali- temeritate paucorum magnæ rei parta occasio esset, ac-
quanto Volumnius castra cepit; ad urbem Scipioni ma- ciri, quas receperat, copias, signaque in urbern inferri
jore resistitur vi non quia plus animi victis est, sed me- jussit. Ingressi proxima ex parte, quia nox appropin-
lius mûri, quam vallum, armatos arcent. Inde lapidibus quabat, quievere. Nocte oppidum ab hostibus desertum
propulsanthostem. Scipio, nisi in primo pavore, prius- est. Cæsa illo die ad AquiloniamSamnitium millia trigiuta
quam colligerentur animi, transacta res esset, len:iorem trecenti quadraginta capta tria millia octingenti et sep-
fore munitæ urhis oppugnalionem ratus iuterrogat mi- tuaginta signa militaria nonaginta septem. Ceterum il-
liles, Satin æquo animo paterentur, ab altero cornu lud memoriæ traditur, non ferme alium ducem lætiorem
castra capta esse se victores pelli a portis urbis? » Re- in acie visum, seu suopte ingenio, seu fiducia bene ge-
clamantibus universis, primus ipse, scuto super caput rendae rei. Ab eodem robore animi neque controverso
elato pergit ad portam secuti alii, testudine facta auspicio revocari a prælio potuit; et in ipso discrimine,
in urbem perrumpunt delurbatisque Samnitibus, qui quo templa diis immortalibus voveri mos erat, voverat
ciroa portam erant, muros occupavere. Penetrare in in- Jovi Victori si legiones bostium fudisset, porillum mulsi
de vin miellé. Ce vœu fut agréé des dieux plain-pied un ennemi qui leur était inférieur.
et les auspices prirent une tournure favora- Abandonnant les tours et les murs, ils se sauvè-
ble. rent tous au milieu de la ville, où ils tentèrent,
XLIII. L'autre consul ne fut pas moins heureux pendant quelque temps, une dernière chance de
à Cominium. Dès le point du jour, ayant fait avan- combat. Ensuite, ayant mis bas les armes, ils se
cer toutes ses troupes vers les remparts, il investit rendirent à discrétion au consul, au nombre dr
la ville, et plaça aux portes de forts détachements, onze mille quatre cents hommes environ quatre
pour empêcher toute sortie. Déjà il donnait le si- mille huit cent quatre-vingts avaient été tués.
gnal, lorsque le courrier de son collègue arrive C'est ainsi que les choses se passèrent à Cominium
en toute hâte pour le prévenir de l'approche des et à Aquilonia. On s'attendait à un troisième com-
vingt cohortes ennemies. Cet avis lui fit suspen- bat, dans l'espace qui se trouve entre ces deux
dre son attaque, et rappeler une partie de ses villes; mais on ne rencontra point d'ennemis.
troupes qui étaient disposées pour l'assaut et n'at- Comme ils étaient à sept milles de Cominium,
tendaient que le signal. Il enjoignit à D. Brutus rappelés par les leurs, ils ne se trouvèrentà au-
Scéva de se porter avec la première légion, dix cune des deux batailles. Presque à l'entrée de la
cohortes auxiliaires et la cavalerie, au-devant du nuit, étant déjà en vue du camp et d'Aquilonia,
corps ennemi, et, en quelque lieu qu'il le rencon- ils entendirent de deux côtés à la fois une clameur
trât, de lui tenir tête et de l'arrêter, et, au be- semblablequi suspenditleur marche puis, aper-
soin, de lui livrer bataille; de telle sorte que cevant du côté du camp où les Romains avaient
ces troupes ne pussent parvenir à Cominium. mis le feu, la flamme qui s'étendait au loin cet
Pour lui, il fit apporter des échelles pour escala- indice d'une défaite indubitable leur ôta le courage
der les murs sur tous les points, et, à l'abri de la d'aller plus loin. Ils restèrent sur le lieu même.
tortue, il s'avança jusqu'aux portes. En même Étendus çà et là par terre, à peu près au hasard
temps qu'on les brisait, on donnait l'assaut de et tout armés, ils passèrent tout le temps de la
tous côtés. Tant que les Samnites ne virent pas nuit dans l'inquiétude, attendant et redoutant le
l'ennemi sur les murs, ils mirent assez de résolu- jour. Au point du jour, ils hésitaient sur la route
tion à lui en défendre les approches; mais, du qu'ils allaient prendre, lorsque, se voyant décou-
moment où l'on ne se battit plus à distance avec verts par des cavaliers, ils se mettent à fuir en
les armes de trait, et que l'on commença à se désordre. Ces cavaliers, qui s'étaient mis à la
joindre, ils perdirent tout espoir de résister à des poursuite des Samnites sortis de la ville pendant
hommes qui, après s'être élevés avec peine du pied la nuit, avaient remarqué cette multitude qui
des murs jusqu'au haut, vainqueurs de ce qu'ils n'avait pour se défendre ni palissades ni postes
avaient le plus redouté, de la difficulté du lieu, avancés. On l'avait également aperçue des murs
avaient maintenant toute facilité de combattre de d'Aquilonia, et déjà les cohortes légionnaires se

prius, quam temetum biberet, sese facturum. Id volum æquo pugnabant; relictis turribus murisqne in forum
diis cordi fuit et auspicia in bonum verterunt. omnes compulsi, paullisper inde tentaverunt extremam
XLIII. Eadem fortuna ab altero consule ad Cominium pugnæ fortunam. Deinde, abjects armis, ad undecim
gesta res. Prima luce ad mœnia omnibus copiis admotis millia hominum et quadringeoti in fidem couaulis vene-
corona cin:it urhem; subsidiaque firma, ne qua eruptio runt cæsa ad quatuormillia octingenti ocloginta. Sic ad
Oeret, portis opposuit. Jam signum dantem eum nuntius Comiuium, sic ad Aquiloniamgesta res. Iode medio inter
a collega trepidusde viginti cobortiumadventu et ab im- duas urbes spatio, ubi tertia eispectata erat pugna, hos-
petu muratus est, et partem copiarum revocare instruc- tes non inventi. Septem millia passunm quum abessent a
tam intentamque ad oppugnandumcoegit. D. Brutum Cominio, revocati ab suis ueutri prælio occurrerunt.Pri-
Scævam legatum cum legione prima et decem cohortibus mis ferme tenebris, quum in conspectu jam castra, jam
alariis equitatuque ire adversus subsidium bostium jussit; Aquiloniam habuissent, clamor eos utrimquepar accident
quoeunque in loco fuisset obvius, obsisteretac morare- sustinuit deinde e regione castrorum quai incensa ab
tur manumque, si forte ita res posceret, conferret Romanis erant, flamma late fusa cerlioris cladis indicio
modo ne ad Cominium eæ copiæ admoveri possent. Ipse progredi longius prohibait. Eo ipso loco prope temere
scalas ferri ad muros ab omoi parte urbis jussit, ac tes- sub armis strati passim inquietum omne lempus uoctis,
tudinead portas successit.Simul et refringebanturportae, exspectando timendoque lucem, egere. Prima luce, in-
et vis undique in muros tiebat. Samnites, sieut, antequam certi quam in partem intenderent iter, repente in fugam
in souris viderent armatos, satis animi habuerunt ad pro- consternantur, conspecti ab equilibus qui, egressos
hibeudos urbis aditu hostes; ita, postquam jam non ex nocte ab oppido Samniles persecuti, viderant multitudi-
intervallo nec missilibus, sed cominus gerebatur res et, nem, non vallo, non stationibus Ormatam. Conspecla et
qui aegre successerant ex plano in muros, loco, quem ex mûrit Aquiloniæ ea mullitudo erat jamque etiam lo-
magis limoerant, victo, facile in hostem imparem ex gionariæ cohortes Eequebantur. Ceterum nec pedcâ tu-
portaient aussi à sa poursuite. An reste, il fut im- les murs d'Aquilonia. Il donna à tous les cava-
possible à l'infanterie de joindre les fuyards; mais liers pour la brillante valeur qu'ils avaient mon-
la cavalerie ayant atteint l'arrière-garde, on lua trée en plusieurs occasions des cornettes est
environ deux cent quatre-vingts soldats. Les en- des bracelets d'argent. On lint ensuite conseil, le
nemis, dans leur fuite précipitée, laissèrent beau- temps paraissant arrivé de retirer du Samnium
coup d'armes et dix-huit étendards. Le reste de les deux armées, ou du moins l'une des deux.
ce corps de troupes parvint sans perte notable à On jugea que plus les forces des Samniles
Bovianum, malgré le désordre d'une semblable étaient abattues, plus il fallait mettre d'opiniâ-
déroute. treté et d'acharnement à poursuivre le reste des
XLIV. Chacune des deux armées ressentit dou- opérations, afin de pouvoir livrer le S.mnium
blement la joie de ses succès en apprenant ceux soumis aux consnls suivants. Puisque les ennemis
de l'autre. Les deux consuls, d'un commuu ac- n'avaient plus d'armée en état de soutenir une
cord, abandonnèrentau soldat le pillage des deux bataille rangée, il ne restait plus qu'une chose à
villes qu'on venait de prendre. Lorsqu'on eut tout faire, le siége des villes. En les détruisant on
enlevé des maisons, on ymit le feu, et le même jour pourrait enrichir de butin le soldat, et en finir
Aquilonia et Cominium disparurent dans les flam- avec l'ennemi, obligé de combattre pour ses autels
mes. Les consuls dont les légions se félicitaient mu- et ses foyers. En conséquence, après avoir adressé
tuellement, ainsi qu'ils se félicitaient eux-mêmes, au sénat et au peuple romain des lettres contenant
réunirent leurs troupes dans un seul camp. En le récit de leurs exploits, les consuls, se sélarant,
présence des deux armées, Carvilius distribua aux vont, Papirius assiéger Scpinuin, Carvilius Volana.
siens les éloges et les récompenses selon le mérite XLV. Les lettres des consuls, lues daus le sénat
de cliacun; Papirius, dont les troupes avaient et dans l'assemblée du peuple, y excitèrent des
combattu tant de fois, à l'attaque du camp, au- transports; il y eut quatre jours d'actions de grâ-
tour des remparts, donna des bracelets et des cou- ces solennelles, durant lesquels l'empressement
ronnes d'or à Sp. Nautius, à Sp. Papirius, fils de des particuliers témoigna de la joie publique. Cette
son frère, à quatre centurions et à un manipule victoire était fort importante pour le peuple ro-
de hastats à Nautius, pour avoir épouvanté les main elle eut encore le mérite de l'a-propos,
ennemis, comme aurait pu le faire une grande puisque dans le même temps on apprit que les
armée; au jeune Papirius pour s'être signalé à la Étrusques s'étaient soulevé. On se prenait à
pen-
tête de sa cavalerie pendant le combat, et pendant ser comment, en cas de revers dans le Samnium,
la nuit, à la poursuite des Samnites sortis secrè- on eut pu contenir l'Étrurie, dont la ligue des Sam-
tement d'Aquilonia; aux centurions et aux soldats, nites avait ranimé le courage, et qui, sachant les
parce que les premiers ils avaient forcé la porte et consuls et toutes les forces romaines occupées loin

gentes persequi potuit et ah equite novissimi agmins armiliisque arrpcnteis donat. Consilinm inde habitum,
ducenti ferme et octoginta inerlecti. Arma milita pavidi quum jam tempus essct dcduccndi ah Samnio exercuus,
ac signa militarta duodeviginti l'eliquere; alio agmine
incoluni,ut ex tanta trepidatione, Bovianum perventum
est. festuts agere cetera et persequi ut perdomitum Sam
XLIV. Lætitiam utrusque exercitus Romani auxit et nium insequenlibus consulibus tradi posset. Quando jam
uh altera parte feliciter gesta les. Uterque ex alterius sen- nullus esset hostiuin exercitus qui signis collalis dimica
tenlia consul captum oppidum diripiendum militi dedit turus viderctur, uuum superesse belli genus, urbum
exlraustisdeinde tectis ignem injecit; eodemque die A4ui. oppugnationes;quarum per excidi militem locupletare
loma et Cominium dellagravere. Et consules, cum fira- prajdd et hostem pro aris ac focis dimicantem conficere
tulatione mutila legionum suaque, cas:ra conjunxere. In posseul. Itaque Ineris missis ad senamm populanpue ro-
conspectu duorum exemtuum et Carvilius suos pro en- manum de rebus ab se gestis diversi, l'apil tus ad Sæ
jusque merito laudavit donavitque; et Papirius, apud pinum, Carvilius ad Volanam oppugnandam legiones du
quem multiplex in acie, circa castra, circa urbem, fuerat cunt.
certamen, Sp. Nautium, Sp. Papirium, fratris filium, XLV. Literæ consulum ingenti læt tia et in curin eine
et quatuor centuriones, manipulumque hastatorum, ar- concione auditæ eL quatridui supplicatione publicum
millis aureisyue coronis donavit Nautium prep er rxpe- gaudium privatis studiis celcbratum est. Nec populo ro
ditionem, qua inagni agminis modo terruerat Itostrs iu- mano magna solum, sed peropporuma etiam ca victoria
venem Papirium propter navatam cum equittau et iu præ- fuit; quia per idem forte tempus rebcllasse Etruscos al-
liu operam, et nocte qua fugam infestam Samnilibus ab latum est. Subibat cogitatio auimum quouam modo to
Aquilonia clam egres ià fecit centuriones militesque, lerabilis futura Etruria fuisset, quid m Samnio adversi
quia primi portam murumque Aquilouiæ ceperant. Equi- venisset quæ, conjuratione Samnitium erecta quo-
Si omues. ob insignem multis locis operam, cornicurs uiam ambo consulesomnisque romana vis aversa in Sam.
1
d'elle dans le Samnium, avait saisi cette occasion hommes le nombre des prisonniers surpassa
pour se révolter. Lesdéputalions des alliés, inlro- de peu celui des morts. Les consuls ayant liie
duites dans le sénat par le préteur M. Atilius, se au sort les provinces, l'Étrurie écbut à Carvi-
plaignaient de ce que les Étrusques de leur voisi- lius, au grand contentement de ses soldats qui
nage incendiaient et dévastaient leurs terres pour ne pouvaient plus tenir contre la rigueur du
les punir de leur fidélité au peuple romain, et elles froid dans le Samnium. A Sépinum, Papirius
conjuraient les Pères conscrits de les mettre à l'a- éprouva une plus vive résistance de la part des en-
hri des violences et des outrages de leurs com- nemis on combattit souvent en bataille rangée,
muns ennemis. Il fut répondu aux députés o Que souvent en marche, souvent autour de la ville pour
le sénat veillerait à ce que les alliés n'eussentpoint repousser les sorties des ennemis. Ce n'était ni un
à se repentir de leur attachement; que bienlût les siége, ni une guerre à chances égales; car si les
Étrusques éprouveraient le même sort que les Samnites faisaient servir leurs mursa leurdéfense,
Samnites. » On aurait cependant apporté peu d'ac- ils opposaient aussi leurs armes et leurs guerriers
tivité aux affaires d'Étrurie, si l'on n'eût appris pour la défense de leurs murs. Enfin, à force de
que les Falisques aussi, qui depuis plusieurs an- combats, on réduisit l'ennemi à subir un siége;
nées étaient demeurés dans l'alliance romaine, et le consul, par un assaut et des ouvrages, em-
avaient réuni leurs armes à celles des Samnites. porta la ville. L'irritation causée par tant d'opi-
La proximité de ce peuple éveilla l'attention des niâtreté fit verser plus de sang; après la prise
sénateurs, qui crurent devoir réclamer par des fé- de la ville sept mille quatre cents hommes furent
ciaux. Les Falisques n'y ayant point satisfait, un taillés en pièces un peu moins de trois mille fu-
décret du sénat confirmé par une décision du peu- rent faits prisonniers. Le butin, qui était consi-
yle leur décara la guerre; et les consuls eurent or- dérablc, les richesses des Samnites se trouvant
dre de tirer au sort lequel des deux passerait avec entassées dans un petit nombre de places, fut
l'Étrurie. Déjà Car-
son armée du Samnium dans abandonné au soldant.
vilius avait pris sur les Samnites Volana, Palum- XLVI. Les neiges couvraient déjà tout le pays,
binum et Hercutanéum Volana, après quelques et il n'était plus possible de tenir la campagne le
jours de sié;;e; Palumbinum, le jour même où il consul retira donc son armée du Samnium. A son
etait arrivé sous ses murs; Herculanéum après arrivée à Rome, le triomphe lui fut unanimement
deux batailles dont le succès fut balancé et qui lui décerné. 1l triompha dans l'exercice de sa magis-
coûtèrent plus de monde qu'à l'ennemi. C'est trature, et la pompe en futd'une grande magni-
après avoir établi son camp et renfermé l'en- ficence pour ces temps-là. Les fantassins et les
nemi dans l'enceinte de ses murailles, qu'il at- cavaliers défilèrent, décorés de distinctions mili-
taqua la ville et s'en rendit maître. Dans ces taires on ne voyait que couronnes civiques, val-
trois villes ou prit ou l'on tua environ dix millc laires et murales. Les dépouilles des Samnites

esset occupationem populi romani pro occasione bibus capta aut cmsa ad deccm millia hominum ita ut
rebellandi habuisset. Legationes sociorum, a M. Atiho parvo admodum plures caperentur. Sortientibus provin-
prætore in senatum imtroductæ, querebantur, uri et vas- cias consulihus. Etruria Carvilio eveait secundum vota
tari agrus a finitimis Etrmscrs, quod desciscere a populo militum, qui vim frigoris jam in Samnio non patiebautur.
a omano
nollent obtes abanlurque Patres conscriplos, ut Papirio ad Sæpmum major vis hostium restitit. Smpe in
bu a ri alque injuria communium
hostium tut reutur. acie, sæpe in agmine, sape circa ipsam urbem adversus
Responsum legatis, curæ senatui futurum, ne socios eruptiones hostium pugnatum neque obsidio, neque
fidei sua* pœniteret Etruscorum propediem eamdem bellum ex æquo erat. Non enim muris magis se Samnites,
fortunam quam Samntium fore. Seguiua tamen, quam armis ac viris mœnia, tutabantur. Tandem po-
quod a Etruriam attinebat, acta res esset, ni Faliscos gnando in obsidionem justam coegit hostes ohsidendo-
quoque, qui per multos annos in amicitia fuerant, alla- que vi atque operibus urbem expugna vit. Itaque ab ira
tum loret arma Etruscis junxisse. Hujus propinquitas plus cædis editum, capta urbe septem millia quadrin-
populi acuit curam Patribus, ut fetralesmittendos ad res geuli ca'si capta minus tria millia hominum præda,
repetendas ceuserent. Quibus non redditis, ex auctoritate quae plurima fuit, congestis Samnitium rebus in nrbes
l'atrum jussu populi bellum Faliscis indictum est jnssi- paucas, militi concessa est.
'lue consules sortiri, uter ex Samnio in Etruriam cum XLVI. Rives jam omuia oppleverant,nec durari extra
exercitu transiret. Jam Carvilius Volanam, et Palum- tecta poterat itaque consul exercitum de Samnio de-
binum, et Herculancum ex Samnitibus ceperat Vola- duxit. Venienti Romam triumphus omnium consensu est
uam iutra paucos dies, Palumbinum eodem quo ad mu- delatus. Triumphavit in magistratu insigni ut illorum
rot accessit.Ad Herculaneuin bis etiam signis collatis an- temporum habitus erat, triumpho. Pedites equitesque in-
cipiti praelio et cum majore sua, quam hostium jactura signes donis transiere ac transvecti sunt multae civicae
dimicavit. Castris deinde positis, mœnibus hostem inclu- coronæ, vallaresque, ac murales conspectae. Inspectata
sut OppuRnatum oppidum captumque. In bis tribus ur- spolia Samnitium et décore ac pulchritudine paterne
attiraient tous les regards; ou les comparait, pour de Troilium en Étrurie; et qualre cent soixante-
l'éclat et la beauté, à celles qu'avait rapportées dix des plus riches habitants lui ayant orfert des
le père du consul, et qui, servant à orner un sommes considérables pour avoir la liberté de sor-
grand nombre de monumeuls publies, étaient tir de la place, il les laissa partir. Il prit les au-
connues de tout le monde. Quelques prisonniers tres habitants et la ville elle-mtme de vive force. Il
d'une haute naissance, illustrés par leurs belles emporta ensuite cinq châteaux situés sur des hau-
actions et par celles de leurs pères, décoraient ce leurs de difficile accès il y tua aux ennemis deux
triomphe. Deux millions trente-trois mille livres mille quatre cents hommes, et en fit prisonniers
pesant de cuivre provenant, disait-on, de la près de deux mille. Les Falisques demandant la
vente des prisonniers furent portés sur des cha- paix, il ne leur accorda qu'une trêve d'un an, et
riols il y avait aussi treize cent trente livres il les obligea à lui fournir cent mille livres pesant
d'argent qu'on avait pris dans les villes. Tout ce de cuivre, et à ses soldats, la solde de l'année.
cuivre et cet argent furent portés au trésor publie. Ces opérations terminées, il vint triompher à
On ne réserva rien du butin pour les soldats ce Home. La part qu'il avait prise aux affaires du
qui indisposa d'aulant plus le peuple, qu'on n'en Samnium ne pouvait donner à Sofl triomphe tout
exigea pas moins le tribut pour la solde des légions; l'éclat qu'avait eu celui de son collègue; mais la
tandis que si le consul eût renonce à la vaine guerre d'Élrurie comblait la différence. Il porta
gloire de déposer au trésor tout l'argent pris sur au trésor trois cent quatre-vingtmille livres pesant
l'ennemi, on aurait pu, avec le butin, faire des de cuivre. Avec le reste de l'argent qui lui appar-
largesses aux soldats et pourvoir à la solde de tenait comme général, il fit construire un temple
l'armée. Papirius fit, pendant son consulat. la dé- à la déesse Fors-Fortuna, près de celui que le roi
dicace du temple de Quirinus je ne trouve dans Ser. Tullius avait dédié à la même déesse et, sur
aucun historien qu'il l'eût voué pendant la ba- le produit du butin, il distribua à chaque soldat
taille même et il est certain qu'li n'eût pu le finir deux as, et le double seulement aux centurions et
en si peu de temps: c'était un vœu de son père pen- aux cavaliers; récompenses que la dureté de son
dant sa dictature. Papirius l'embellitdes dépouilles collègue rendait pluschères à tout le monde. La fa-
des ennemis. Elles étaient en si grande quantité, vcur de ce consul fut auprès du peuple une sauve-
(lue non-seulementon en orna le temple et le fo- garde pour son lieutenant L. Postumius. Celui-ci,
rum, mais qu'on en distribua aussi aux alliés et assigné en justice par le tribun du peuple M. Can-
aux colonies voisines, pour la décoration de leurs tius, avait demandé, disait-on, le titre de lieute-
temples et de leurs monuments publics. Après son nant pour échapper au jugement du peuplo.
triomphe, Papirius mena son armée hiverner sur L'accusation put être lancée, mais ne put être
le territoire de Vescia, parce que ce pays était poursuivie.
continuellement inquiété par les Samnites. Cepen- XLVII. L'année étant déjà révolue, de nou-
dant le consul Carvilius avait entrepris le siège veaux tribuns du peuple étaient entrés en charge;

spoliis, quæ nota frequenti publicorum ornatu locorum Etruria Troilium primum oppuguare adortus, quadrin-
erant, comparabantur.Nobiles aliquot captivi, clari suis gentos septuaginta ditissimos, pecunia grandi paclos, ut
patrumque factis, ducti. JEris gravis transvecta vicies abire inde liceret, dimisit: ceteram mulutud uem oppi-
centena et ad triginta tria inillia. Id æs redactum ex cap- dumque ipsum vi cepit. Inde quinque cas ella, locis sita
tivis dicebatur. Argenti, quod captum ex urbibus erat, munitis,eipugnavit. Cæsaibi hostiuiu duo millia quadnn-
pondo mille trecenta triginta. Omne æs argentumquein genti; minus duo millia capti. Et Faliscis pacem petenti-
ærarium conditum. Militibus nihil datum ex praeda est; bus annuas indutias dedit, pactus centum nnllra grams
auctaque ea invidia est ad plebem, quod tributum etiam a3ris, et stipendium ejus anni militibus. Bib rebus actis
in stipeudium militum collatum est quum, si spreta glo- ad triumpbum decesait, ut minus clarum de Samnitibus,
ria fuisset captivae pecuniæ in ærarium illatoe, et militi quam collepae triumphusfuerat, ita cumulo Etrusci belh
tum dan ex præda, et stipendium mihtare praestari po æquatum. Æris gravis tulit in ærarium trecenta octoginta
tuisset. Ædem Quiriui quam io ipsa dimicatione votam millia: de reliquo ære ædem Fortis Fortunæ de maou-
apud neminem veterem auctorem invenio (neque, her- biis faciendam locavit, prope ædem ejus deæ ab rege Ser-
cule, tam eiiguo tempore perficere potuisset), ab dic- Tullio dedicatam et militibus ex pra'da centenos biuos
tatore patre votam, filius consul dedicavit, cxoruavitque asses, et alterum tantum centurionibusatque equitibus,
bostirm spoliis: quorum tanta multitudo fuit, ut non maliguitate collegæ gratius accipientibus munus, divistit.
templum toutum forumque bis ornaretur, sed sociis Favor consulis tutalus ad populum est L. Postumium le,
etiam colonisque Bnitimis, ad templorum locurumque pu- gatum ejus: qui dicta die a M. Cautio, tribuno plebis,
blicoruuj ornatum, dividerentur. A Iriumpbo exercitum fugerat in legationem (ut fdma ferebal) populi judicmm;
iu agrum Vescinum, quia regio ea iufesta ab Samnitibus jactarique magis, quam peragi, accusatio ejus poterat.
erat, bibernatum dmit. Inter bæc Carvilius consul, in XLVII. Exacto jam anco, novi tribum plebis macit-
et, au bout de cinq jours, pour quelque vice dans ple de Mars jusqu'à Bovilles. L. Papirius tint les
leur élection ils furent obligésde céder leur place comices consulaires; il créa consuls Q. Fabius
à d'autres. Le lustre fut clos cette année par les Gurges, fils de Maximus, et D. Junius Brutus
censeurs P. Cornélius Arvina et C. Marcius Ruti- Scéva; Papirius fut créé préteur. Tant de prospé-
lus le recensement donna deux cent soixante- rités suffirent à peine, pendant cette année, pour
deux mille trois cent vingt-deux citoyens. C'étaient consoler Rome d'un seul fléau, la peste, qui ra-
les vingt-sixièmes censeurs depuis l'établissement vageait en même temps et la ville et les campagnes;
de cette magistrature, et le dix-neuvième lustre. et déjà le mal prenait le caractère des prodiges
Cette même année, les citoyens assistèrent, pour les plus effrayants. On consulta les livres pour sa-
la première fois, aux jeux romains une couronne voir quelle serait la fin de cette calamité, ou quel
sur la tête, en réjouissance du succès de nos ar- remède les dieux y devaient apporter. On trouva
mes, et pour la première fois aussi on donna, à qu'il fallait faire venir Esculape d'Épidaure à
l'exemple des Grecs, des palmes aux vainqueurs; Rome; mais cette année les consuls, toujours oc-
cette mêmes anuée encore, les édiles curules qui cupés du soin de la guerre, ne prirent aucune
firent célébrer ces jeux, ayant condamnéquelques mesure à cet égard seulement on consacra un
fermiers des pâturages publics, employèrent l'ar- jour à des prières publiques en l'honneur d'Es-
gent des amendes à paver la route depuis le tem. culape.

tratum inierant: iisque ipsis quia vitio creati eraut, quin- babuit. Creavit consules Q. Fabium Maximi filium Gur-
que post dies alii sulfeci. Lustrum conditum eo anno est gitem et D. JuniumBrutum Scaevam ipse Papirius præ-
a P. Cornelio Arvina, C. MarcioRutilo, censoribus censa tor factus. Multis rébus laetus annus vix ad solatium unius
capitum millia ducenta sexagintaduo trecenta viginti duo. mali, pestilentiæ urentis simul urbem atque agros anffe-
Censores vicesimi sexti a primiscensoribus; lustrum un- cit portentoque jam similis clades erat. Ethbri adili,
devicesimum fuit. Eodem anno coronati primum ob res quinam finis, aut quod remedium ejus mali ab diis dare-
bello bene gestas, ludos romanos spectaverunt palmæ- tur. Inventum in lihris, Æsculapium ab Epidauro Ro-
que tum primum, translato e Græcia more, victoribus mam arcessendum. Neque eo anno quia bello occupali
datæ. Eodem anno ab wdilibus eurutibus, qui eos ludos consules erant quicquam de ea re actum præterquam
fecerunt, damna lis aliquot pecuariii, via a Martis silice auod unum diem Æsculapio supplicatiohabita est.
ad Bovillas perstrata est. Comitia consul aria L. Papiriua

( It y a tat une lacune de dix livres. 1


LIVRE VINGT ET UNIÈME.

SOMMAIRE. — Origine de la seconde guerre punique. Annibal, général des Carthaginois, pisse l'Elrre contre
la teneur du traite, attaque Sagoute, ville alliée de Rome, et la prend après un siège de huit mois. Une députa-
tion est envoyée à Carthage pour porter plainte de cette rupture.-Refus de donner satisfaction. Rome déclare
la guerre aux Carthaginois,. Annibal franchit les Pyrénées, défait les peuples de la Gaule qui veulent arrêter
sa m irche, et arrive au pled des Alpes qu'il traverse avec beaucoup de peine obligé souvent de repousser les
attaques des montagnards. — II descend en Italie auprès du fleuve Tesin; les Romains sont vaincus dans un
combat de cavalerie P. Cornelius Scipion atteint d'une blessure, est sauvé par son fils qui depuis fut surnommé
l'Africain. Seconde victoire d'Annibal auprès de la Trébia; fatigues inouïes, tempêtes affreuses essuyées par
son armee au passage de l'Apennin Cn. Cornelius Scipion obtient des succès en Espagne sur les Carthaginois,
et fait prisonmerMagon. leur chef.

1. Qu'il me soit permis d'annoncer à cet en- abusaient du malheur des vaincus. On rapporte
droit de mon ouvrage, comme l'ont fait la plupart aussi qu'Annibal, à peine âgé de neuf ans, ayant
des historiens en tête de leurs récits, que je vais supplié son père, avec mille caresses enfantines,
écrire la plus mémorable des guerres qui aient ja- de l'emmener en Espagne, lorsqu'après avoir ter-
mais été faites, je veux dire celle que les Carlha- miné la guerre d'Afrique Amilcar se préparait,
ginois, conduits par Annibal, soutinrent contre par un sacrifice, à conduire une armée dans ce
le peuple romain. Jamais, en effet, nations ni cités paps, celui-ci le mena près de l'autel, lui fit ton-
plus puissantes ne mesurèrent leurs armes; ja- cher les offrandes, et l'obligea par un serment à se
mais Home et Carthage elles-mêmes n'eurent au- faire, le plus tôt qu'il pourrait, l'ennemi du peu-
tant de puissance et de forces. Ce n'était pas non ple romain. Cet esprit superbe était désolé de la
plus sans connaissance de la guerre mais avec perte de la Sicile et de la Sardaigne. La Sicile, à
l'expérience acquise dans la première guerre pu- son avis, avait été abandonnée par un désespoir
nique, qu'elles luttaient ensemble; et la fortune trop prompt; et il accusait les Romains d'avoir per-
fut si variable et la guerre si incertaine, que le fidement enlevé la Sardaigne, à la faveur des trou-
parti qui demeura vainqueur fut le plus en pé- bles de l'Afrique, de lui avoir en outre imposé un
ril. D'ailleurs il y eut peut-être des deux côtés nouveau tribut.
plus de haine encore que de forces engagées
dans la lutte les Romains s'indignaientde voir
I Préoccupé de ces regrets, pendant les cinq ans
de la guerre d'Afrique, laquellesuivit de près la paix
les vaincus oser attaquer les vainqueurs; et dans avec Home, puis en Espagne, neuf années durant, il
l'esprit des Carthaginois, la tyrannie et la cupidité travailla tellement à augmenter la puissance de sa pa-

LIBER VICESIMUS PRIDIUS. superbe avareque crederent imprrita tum victis esse. Fama
etiam est, Annibalem annurum ferme novem, pueriliter
I. In parte operis licetmihi præfari, quod in prin-
mei blaudieutem patri Hamilcari, ut duceretur in tlispamam,
cipio summæ totius professi plerique sunt rerum scri- qumn perfecto africo bello, exercilum eo trajecturus sa-
piores, bellum maxime omnium memorabile, quae un- crificaret, nltaribus admotum, tactis sacris juiejuraudo
quam gesta sint, me seriplurum; quod Annibale duce, adactum, se, quum primum posset, bostem fore ppulo
Carthagiiiienses cum pulmlo romano gessere. Nam ne- romano. Aogebaut ingentis spirUus virum Sicilia Sardi-
que validiores opibus ullm inter se cvitates gentesque niaque amissæ: nam et Siciliam nimis celeri despera-
contuleiunt arma; neque his ipsis tantum uoqunm vi- tione rerum concessam, et Sardiniam inter motum Atricæ
rhim aut roboi is fnit et haud ignotas belli artes inter fraude Romanorum, stipendio etiam insuper imposito,
se, sed expertas primo punico couserebant bello: et adeo interceptam.
varia belli fortuna ancepsque Mars fuit, ut propins pe- II. Hia aniius curis ita se africo bello, quod fuit sub
riculum fucrint, qui vicerunt. Odiis etiam prope majori- recentem Romanam pacem, per quinque annos. ita deinde
bus certarunt, quam viribus Romanis indignantibus, novem anms in Hispania augendo puuico imperio gessit,
quod victoribus victi ullro inferreut arma; Pœnis, quud ut appareret, majus eum, quam quod gereret, agnare
trie, qu'il futfacile de voir qu'il méditait une guerre tre les deux frontières, conserver leur indépen-
plus importanteque celle qui l'occupait alors; et dance.
que, s'il eût vécu plus longtemps, les Carthaginois III. la mort d'Asdrubal, pcrsonne ne douta
A
auraient porté en Italie sur les pas d'Amilcar, que l'initiative des soldats qui sur-le-champ
la guerre qu'ils y portèrent, conduits par Annibal. avaient porté le jeune Annibal dans le prétoire,
La mort d'Amilcar, tics-heureuse pour nous, et et l'avaient proclamé général d'un cri et d'un
l'enfance d'Annibal relardèrent cette guerre. Il y consentement unanimes, ne fût bientôt confirmé
cut entre te père et le fils tin intervalle de huit an- par le suffrage du peuple. A peine était-il entré
nées pendant !equel Asdrubal eut le commande- daus l'âge de puberté, qu'Asdruhal avait écrit à
ment. La grâce de sa jeunesse, dit-on, lui valut Carthage pour l'avoir auprès de lui cette de-
d'abord l'affection d'Amilcar; puis, dans la vieil- mande fut mise en délibération dans le sénat, et
lesse de celui-ci, devenu son gendre à cause de fortement appuyée par les Barca, qui désiraient
l'élévation de son caractère, et appuyé, à ce titre, vivement qu'Annihal fit son apprentissage dans la
parla faction barcine, dont l'influence était grande guerre, et succédât à la puissance de son père.
sur les soldats et sur le peuple, il s'empara du pou- Hannon, chef de la faction contraire, déclara que
voir, uù les grands étaientloin de le porter. Usant la demande d'Asdrubal lui paraissait juste, mais
plus volontiers d'habileté que de force, des liens qu'il n'était pas d'avis de l'octroyer et comme
d'liospitalité formés avec les petits rois de l'Afri- la singularité de cette opinion ambiguë frappait
que, et l'art de gagner ainsi les peuples par l'ami- tous les esprits « sans doute, dit-il, Asdrubal,
tié des princes, l'aidèrent plus que la guerre et pour avoir prostitué la fleur de sa jeunesse au père
les armes à n·lever la puissance de Cartliage. Du d'Annibal, pense avoir le droit de reprendre cette
reste, la paix ne le sauva pas un barbare, irrité faveur sur le fils mais il ne nous convient pas à
de ce qu'il avait fait périr son maître, l'assassina nous que notre jeunesse, au lieu de faire l'appren-
publiquement. Saisi par ceux qui entouraient As- tissage de la guerre, aille s'habituer à la débauche
drubal, il ne fut pas plus troublé que s'il se fût de nos généraux. Avons-nouspeur que le fils d'A-
échappé: et alors même qu'il était déchiré par la milcar ne voie pas assez tôt l'image du pouvoir
torture, il fit une telle contenance que sa sérénité ne illimité et de la royauté de son père? et craint-on
céda point à la douleur, et qu'il laissa mcme voir que nous soyons trop tard asservis au fils de ce
le sourire sur les lèvres. Par cet art merveilleux roi de Carthage qui a laissé nos armées en héritage
que possédait Asdrubal pour attirer les nations et à son gendre? Pour moi, je pense que ce jeune
les attaclicr à son joug, il avait engagé les Ro- homme doit être ici tenu sous la discipline des lois,
mains à renouveler avec lui le traité d'alliance, pour apprendre sous nos magistrats à vivre dans
aux termes duquel les deux empires devaient avoir l'égalité avec ses concitoyens, de peur qu'un jour
l'Èbre pour limites, et les Sagontins, placés en- cette faible étincelle n'allume un vaste incendie.»

in animo bellum et, si diutins vixisset, Hamilcare dure III. In Asdrubalis locum haud dubia res fuit, qui
Pœnos arma Italiæ iilataros fuisse,
quæ Annibilis ducit prœrogativam militarem, qua extemplo luvenis Annibal
intulerunt. Mors Hamilcaris peropportunaet pueritia An- iu prætoriumdelatus, imperatorque ingenti omnium cla-
nibatis distolerunt bellum. Medius Asdruhal inter palrem more atque assensu appellatus erat, favor eli rm plebis
et filium octo ferme annos imperium obtinuit: Bore æta- sequeretur. Huuc vivdum puberem Asdrubal literis ad se
lis, uti ferunt, primo Hamilcari conciliatus: gener inde arcessierat: actaque res etiam in senatu fuerat, Barcinis
ob altam indolem provecto annis ascitus, et, quia gener nitentibus, ut asuesceret militiæ Anuibal, atque in pa-
erat, factionis Barcina' opibus, quæ apud milites plobem ternas succederet opes. Hanno, alterius factionis princeps,
que plus qunm modicæ erant, haud sane voluntate prin- Et æquum postulare videtur, inqurt, Asdrubal; et ego
cioum, imperio pnt tus. Is, plura consilio, quam vi tamcn non censeo, quod petit, tribuendum. » Quum ad-
gerens, hospitiis regulorum magis, conciliandisque per miratioue lam ancipitrs sententiæ in se omucs couvertis-
amicitiam principum novis centibus, quam bello aut ar- sert, Florem ætatis, inquit, Asdrubal, quem ipse patri
mis, rem Carthagmiensem auait. Ceterum nihilo ei pax Annibalis frnendum præbuit, justo jure cum a filio re-
tutior fuit. Barbarus eum quidam palam oh iram inter- peti censet: nos tamen minime decet, juventutem no-
ferli ab eo domini, obtruncavit, comprehensusque ah stram pru militari rudunento assuefdcere lilndiui præto-
circumstantious baudaho, quam si evasisset, vultu, tor- rum. An hoc timeffus. ne Hami caris filius uimis sero im-
mentis quoque quum laceraretur, eo fuit habitu oris. ut, peria immodica et regni paterni speciem videai; et cujus
superante lætitia dolores, ridentis etiam speciem præ- regis penero hereditarii sint relicti exercitus nostri, ejus
buerit. Cum hoc Asdrubde, quia mira* ar.is in sollicitan- iiiio parum mature serviamus? Ego lstum fuvenem domi
dis gentibus, impertoque jungendis suo fuerat, fœdus re- temudum, sub legibus, sub magistratibus docendum VI-
novaverat populus romanus, ut fins utriusque imperii vere œquo jure cunt ceteris, censeo: ne quaudoque par-
esset amuis Iberus, Sagnntinisque mediis inter imperia vus bic ignis incendium ingens exsuscitet.»
duorum populorum li ertes sei var dur. IV. PAUI, ac fer me oytimus quisque, Hannoni assentie-
IY. Quelques sénateurs presque tous les plus quer. Le meilleur à la fois des cavaliers et des
sages, partageaient l'avis d'Hannon mais, comme fantassins, il allait le premier au combat et se re-
il arrive le plus souvent, le nombre l'emporta sur la tirait le dernier. Tant de grandes qualités étaient
prudence. Envoyé en Espagne, Annibal,dès son ar- accompagnées de vices non moins grands une
rivée, attira sur lui les regards de toute l'armée. cruauté féroce, une per6die plus que punique,
Les vieux soldais crurent revoir Amilcar dans sa nulle franchise, nulle pudeur, nulle crainte des
jeunesse c'était dans le visage la même expression dieux, nul respect pour la foi du serment, nulle
d'énergie, le même feu dans le regard, la même religion. Avec ce mélange de vertu et de vices, il
physionomie, les mêmes traits. Bientôt il n'eut servit trois ans sous Asdrubal, sans rien négliger
aucun besoin du souvenir de son père pour se con- de ce que devait faire ou voir un homme destiné
cilier la faveur. Jamais esprit ne fut plus propre à à être un grand capitaine.
deux choses bien opposées, obéir et commander; V. Au reste, du jour où il fut nommé général,
aussi eût-il été difficile de décider qui le chéris- il sembla qu'on lui eût assigné pour province l'I-
sait davantage du général ou de l'armée. Asdru- talie et la guerre avec les Romains. Persuadé qu'il
bal ne cherchait point d'autre chef, quand il s'a- ne fallait pas perdre un moment, de peur que,
gissait d'un coup de vigueur et d'intrépidité; et s'il hésitait, il ne fût, comme son père et As-
sous nul autre les soldats ne montraient plus drubal, frappé de quelque coup du sort, il réso-
de confiance ou de courage. D'une audace in- lut d'attaquer Sagonte. Mais comme le siège de
croyable pour affronter le danger, il gardait dans cette ville devait infailliblement provoquer les
le péril une merveilleuse prudence. Nul travail armes romaines, il entra d'abord sur le territoire
ne fatiguait son corps, n'abattait son esprit. Il des Olcades, nation située au-delà de l'Èbre, et
supportait également le froid et le chaud. Pour qui se trouvait dans le lot des Carthaginois plutôt
le boire et le manger, il consultait les besoins que dans leur dépendance, afin qu'il parût ne
de la nature, et jamais le plaisir. Ses veilles, pas avoir porté volontairement la guerre aux Sa
son sommeil n'étaient pas réglés par le jour et la gontins, mais y avoir été entraîné par la suite des
nuit. Le temps qui lui restait après les affaires, il choses, dans la conquête et la soumission des peu-
le donnait an repos, qu'il ne cherchait du reste ples voisins. Cartéja, ville opulente, capitale des
ni dans la mollesse de la couche ni dans le silence. olcades, est prise et pillée. Frappées de terreur,
Souvent on le vit couvert d'une casaque de sol- les villes moins fortes se soumirent et s'obligèreut
dat, étendu sur la terre, entre les sentinelles et à payer tribut. L'armée victorieuse et riche de bu-
les corps-de-garde. Son vêtement ne se distin- tiu alla passer ses quartiers d'hiver à Carlhagène.
guait en rien de celui de ses égaux il n'y avait Là, par une large distribution du butin par le
que ses armes et ses chevaux qui se fissent remar- paiement exact de la solde arriérée, il s'attacha

hantur sed, ut plerumque fit, major pars meliorem vi- in prælium ibat ultimus conserto pra'lio excedebat. Haa
cit. Missus Annibal in Hispaniam primo statim adveotu tantas viri virtutes ingentia vitia æquabant; inhumana
omnem exercitum in se convertit. Hamilcarem juvenem crudelitas, perfidia plus quam punica, nihil veri, nihil
reddilum sibi veteres milites credere; eundem vigorem in sancli, nullus deum metus, nullum jusjurandum, nulia
vultu, vimque in oeulis, habitum oris, liueamentaque religio. Cum bac indole virtutumalque vitiorum trieuuiu
intuei i. Dein brevi effecit, ut pater in se minimum mo- sub Asdrubale imperatore meruit, nulis re, quæ agenda
mentum ad favorem conciliandum esset. Nunquam inge- videndaque magno futuro duci esset, prætermssa.
nium idem ad res diversissimas, parendum atque impe- V. Ceterum ex quo die dux est declaratus velut Italia
randum, babilius fuit. Itaque baud facile decerneres, ei provincia decreta, bellumque romanum mandatum
utrum imperatori, an exercitui, carior esset neque As- esset, nihil prolatandum ratns, ne se quoque, ut patrem
drubal alium quemquam praeficere malle, ubi quid forti- Hamilcarem deinde Asdrubalem, cunctantem casus ali-
ter ac strenue agendum esset neque milites alio duce quis opprimeret, Sagootinis inferre bellum statuit. Qm-
plus confidere, aut audere. Plurimum audaciæ ad peri- bus oppugnandis quia haud dubie romana arma move-
cula capessenda, plurimum consilü inter ipsa pericnla bantur, in Olcadum fines prius ( ultra Iberum ea gens in
frjt nullo labore aut corpus fatigari, aut animus vinci parte magis, quam in ditione, Carthaginiensium erat)
poterat. Caloris ac frigoris patientia par, cibi potionis- induxit exercitum, ut non pelisse Saguotinos, sed rerum
que desiderio naturali, non voluptate, modus fiuitus serie, finitimis domitis gentibus, jungendoque, tractus
vigiliarum somnique nec die, nec nocte discrimmata tem- ad id bellum videri posset. Carteiam, urbem opulentam,
pora. Id, quod gerendis rébus superesset,quietidatum: caput gentis ejus, expugnat diripitque.Quo metu per-
eu neque molli strato, neque silentio arcessita. Multi sæpe culsae minores civitates, stipendio imposito, imperinm
militari sagulo opertum, ubi jacentem inter custodias sta- accepere. Victor exercitus, opulentusque præda, Cartha-
tionesque militum, conspexerunt. Vestitus nihil inter ginem novam iu hiberna est deductus. Ibi large partiendo
æquales excellens arma atque equi conspiciebantur. prædam, stippndio præteritocum fide exsolvendo, cun-
Equitum peditumque idem longe primus erat. I'rioceps cts s civrom soiorumque anannmis in se firmatis, vere
de plus eu plus ses concitoyensot les alliés; et dès sât au hasard sun chevai, tandis que celui-ci, le
les premiers jours du printemps, il fit une expé- corps et les armes libres, sur un cheval toujours
dition contre les Vaccéens. Hermandique ctArbu- ferme, même aux endroits les plus profonds, pou-
cale, villes des Cartéieus, furent emportées d'as- vait frapper clde près etde loin. Un grand nombre
sam. Arbocale résisla longtemps, grâce à la va- périt dans le fleuve; plusieurs, empotas vers les
leur et au nombre de ses habitants. Les émigrés ennemis par la rapidité du coursant, furent écrasés
d Hermandique, joints aux exilés des Olcades, par les éléplrams. D'autres enfin, qui croyaient
domptés l'année précédente, soulèvent les Carpé- plus sûr de regagner leur rive, clrercliaient à se ral-
tans, attaquent Annibal à son retour du pays Vac- lier, accourant en désordre de divers points mais
céen, nou luiu du Tage, et tioublent la marche de avant même qu ils se fussent remis d'une si grande
sou armée embarrassée par le butin. Toutefois, An- terreur, Anuibal, ayant fait former le carré à ses
nibal s'abstint de combattre; il campa sar la rive, soldats, traverse le fleuve, et les cliasse de la
et, lorsqu il s'aperçut que les ennemis étaient rive 11 ravagea leur territoire, et reçul en peu
endormis, et que tout bruit a\ait cessé, il tra- de jours la soumission des Carpétans. Des lors,
versa le Ileuve à gué; puis il établit ses retrancbe- tout ce qui se trouvait au delà de l'Èbre, sauf les
ments assez lom pour laisser venir les ennemis, Sagouins, fut au pouvoir des Carthaginois.
dans le dessein de foudre sur eux au passage. Il I. Les hosilités n'avaient pas encore éclaté
01 duuua aux cavaliers de les ch arger quand ils les avecSagoute. Madis des querelles, germes de guerre,
verraient entrés dans l'cau, disposa son infanterie lui étaient suscitées avec ses voisins, surtout avec
sur les bords et la masqua par quarante éléphants. les Turdétans. Cumme ces derniers étaient soute-
Les Carpétans, avec les Olcades et les Vaccéens, nus par l'auteur du litige lui-même, et qu'il n'é-
ctaient au nombre de cent mille hommes en rase Lait que trop visible qu'on cherchait, non la
campagne c'eût éié une armée invincible. Na- satisfaction d'un droit, mais une cullision, les Sa-
tnrellement présomptueux, forts de leur multi- gontins envoyèrent des députés à Home pour de-
tude, persuadés que la peur faisait reculer l'en- mander des secours contre une guerre évidem-
nemi, et que le fleuve qui les en séparait retardait ment imminente. Les deux consuls étaient alurs
seul leur victoire, ils poussent leur cri de guerre Coruélius Scipion et Semprouius Lougus. Ceux-ci,
et se jettent daus le Tage au hasard, sans cher, ayant introduit les députés dans le sénat, exposè-
chacun devant soi. Aussilôt, du bord opposé, s'é- rent ce qui était de l'intérêt de la république, et
lance un gros de cavalerie, et il s'engage au milieu l'on convint d'envoyer des députés en Espagne
des flots une lutte fort iuégalc; car, pour renver- pour examiner la situation des alliés. Si la cause
ser le fantassin chancelant ot se défiant du gué, de ces derniers leur paraissait juste, ils devaient
il suflisaitque le cavalier, même sans armes, pous- sommer Annibal de respecter les Sagontins nos al-

primo inVaccæos promotum bellum. Hermandica et Ar- mere acto, perverti posset eques, corporee armisque
bocala urbes vi captæ. Arbocala et virtute et nntltitudiueliber, equo vel per medios gurgites stabili, comiuus emi-
oppidanurum diu defensa. Ab Hermandica protugi, exsu- nusque rem gereret. Pars magua fiumine alisunipta
libus Olcadum, priore æstate dumitai gentis, quum se quidam, vorticoso amui delati in hostrs, ab elephantis
obtrili sunt; pustremi, quibus regressus in suam ripam
regressum et Vaccaeis, baud procul Tago flumine agmen tutior fuit, es varia trepidatione quum iu unum collige-
grave præda lurbavere. Annibal prælio abstinuit; castris- reuiur, priusquam ex tanto pavore teciperent auimos,
que super ripam positis, quum prima quies silentiumque Annibal, agmine quadrato amnem iugressus, fugam et
ab hostibus fuit, amnem vado trajecit: valloque ita pro- ripa fecit vastatisque agris, iulra paucos dies Carpelaiios
ducto, ut locum ad transgrediendum hontes haberent, quoquein deditiouem accepit. Et jam omnia trans Ibermm,
invadere eos trauseuotesstatu t. Equitibus præcepit, ut, præter Saguntiuus,Carbaginiensium craut.
quum ingressos aquam viderent, adorirca ur. Peditum VI. Cum Saguutiuis bcllum nondum erat ceterum
agmen iu ripa, elephaptos ante quadragiula disposuit. jam belli causa certamiua cum liuitiwis serebatitur,maii-
Carpetanorumcum appendicibus Olcadum Vaccæorum- me Turdenatis. Quibus quum adesset idem, qui litis erat
que ceutum millia fuere; invicta acies, si a'quo dimica- sator, nec certameu juris, sed vint quxri appareret; le-
tctur campo. Itaquo et ingenio feroces, et muititudine gati a Saguntinis Romam ntisbi, auxilium ad bellum jam
freti, et, quod metu cessisse credebaut hostem, id mo- baud dubie imminens urautes. Consolestune Romæ eraut
rari rati, quod interesset amnis, clamore sub P. Cornelius Scipio et Ti. Sempronius Longus.Quiquum\,
lato, passim sine ullius imperio, qua cuique proximum legatis in senatum introductis, de republica retulissent,
est, in amnem ruunt. Et ex parte altera ripæ vis ingens placuissetque mitti legatos iu llispaniam, ad res socio-
equitum in flument immissa, neduiqye alveo haudqua- rum inspiciendas; quibus si videretur digna causa, et
quam pari certamme concursum; quippc ubi pedes insta- Anuihali denuntiarent, ut ab Saguntinis, sociis populi
biss, ac vix vado tideus, vel ab iuertui équité, equo te- romani, abstincrent, et Carthagiuem in Africain tralice-
liés, et puis passer en Afrique, pour y porter les par trois côtés à la fois. Un angle de la muraille
plaintes des alliés du peuple romain. Mais cette s'avançait dans une vallée plus unie et plus ou-
députation décrétée n'était pas encore partie qu'on verte que le terrain environnant ce fut de ce
apprit que Sagonte était assiégée, chose à laquelle côté qu'il se proposa de pousser ses mantelets à
personne ne s'attendait si tôt. Alors nouvelle dé- l'abri desquels le bélier pourrait être conduit jus-
libération dans le sénat, les uns, décernant déjà qu'au pied des remparts; mais autant, loin de la
l'Espagne et l'Afrique pour provinces aux deux muraille, le terrain facilitait le transport des man-
consuls, étaient d'avis que l'on attaquât à la fois telets, autant, lorsqu'on voulut en faire usage, il
par terre et par mer; les autres voulaient diriger se rencontra d'obstacles. On était dominé par une
tout l'effort de la guerre contre Annibal et l'Es- tour immense le mur, comme c'était le côté
pagne enfin l'avis de quelques autres était de ne faible de la place était lh beaucoup plus fort et
pas traiter légèrement une affaire si grave, et d'at- plus élevé; enfin, c'est là qu'on devait trouver le
tendre le retour des députés. Celte opinion, qui plus de fatigues et de dangers, et que l'élite de la
semblait la plus sûre, l'emporia; et l'on pressa le jeunesso faisait les plus grands efforts. D'abord
départ des députés Valérius Flaccus et Bæbius une grêle de traits écarte les assiégeants, sans lais-
Tamphilus qui devaient se rendre auprès d'Anni- ser aux travailleurs la moindre sûreté. Bientôt on
lml, et de li à Carthage, s'il ne cessait les hostili- ne se borne plus à lancer des projectiles du haut
tés, pour réclamer la personne même du général des remparts et de la tour; on pousse la résolu-
en réparation de la violation du traité. tion jusqu'à se jeter sur les postes et les ouvrages
VII. Pendant ces projets et ces délibérations, ennemis; et, dans ces combatsimprovisés, les Sa-
Sagonte était pressée avec la dernière vigueur. De gontins ne perdaient pas plus de monde que les
toutes les cités au delà de l'Èbre, c'était incompa- Carthaginois. Mais un jour qu'Annibal lui-même,
rablement la plus puissante. Elle était située à en- s'étant approché du mur avec trop peu de pré-
viron mille pas de la mer. Ses habitants passaient caution, tomba frappé d'une javeline à la cuisse,
pour une colonie de Zacinthe, mêlée dans la suite il y eut autour de lui tant d'épouvante et de con-
de quelques Rutules d'Ardée. Du reste, elle s'était fusion, qu'on faillit abandonner les ouvrages et les
rapidement élevée à ce point de puissance, soit mantelets.
par son commerce de terre et de mer, soit par VIII. Ensuite, durant quelques jours, le siège
l'accroissementde sa population, ou bien par cette ne fut plus qu'un blocus, en attendant qu'Annibal
sévérité de principes, qui lui fit garder la foi des fût guéri de sa blessure. Dans cet intervalle, s'il
alliances jusqu'à sa propre ruine. Annibal étant y eut trêve de combats, les ouvrages et les forti-
entré sur son territoire avec une armée formida- fications continuèrent. Aussi l'attaque fut reprise
ble, ravage la campagne et vient attaquer la ville avec plus d'acharnement,et, malgré les difficultés

rent, ac sociorum popilli romani querimonias déferrent: muri erat in planierem patentioremque quam cetera
hac legatione décreta, necdum imssa, omnium spe cele- circa, vallem vergens. Adversus eum vineas agere insti-
rius Saguntum oppugnari allatum est. Tune relata el in- tuit, per quas aries moenibusadmoveri posset. Sed ut
iegro res ad senatum. Alii, provincias cousulibus Hispa- locus procul muro satis æquus agendis vineis fuit; ita
mam atque Africam deceraeutes, terra marique rem ge- haudquaquam prospere, postquam ad effectum operis
rendam censebant: alii totum iu Hispaniam Annibalem- ventum est, cœptis succedebat. Et turris ingens immine-
que intendebantbellum. Erant, qui non temere moien- bat et murus, ut in suspectoloco, supra ceteræ modum
dam rem lanlam, exspectandusque ex Hispania legatos altitudinis emunitus erat et juveutus delecta, ubi pluri-
censerent. Hæc sententia, quæ tutissima videbatur, vi- mum periculi ac laboris osteudebatur, ibi vi majore ob-
cit: legatique eo maturius missi, Il. Vaterius Flaccus et sistebant. Ac primo missilibus summovere hostem, nec
Q. Bæbius Tamphilus, Saguntum ad Annibalem, atque quicquam satis tutum munientibus pati. Deiude jam non
mdc Carthagmem, si non absisteretur bello, ad ducem pro mœmbus modo atque turri tela micare, sed ad erum-
ipsum in pœnam fœderis rupti deposcendum. pendum etiam in statioues operaque hostium animus crat:
VII. Dum ea Romani paraut consultantque, jam Sa- quibus tumultuariis certaminibus haud ferme plures Sa-
guntum summa vi oppugnabatur.Civitas ea longe opu- guntini cadebaut, quam Pœni. Ut vero Annibal ipse,
Icntissima ultra Iberum fuit, bila paàsus mille ferme a dum murum incautius subit, adversumfémur t igula gra-
mari. Oriundi a Zacyntho insnla dicuntur, mixtiqueetiam viter ictus cecidit; taula circa fuga ac trepidatio fuit, ut
ab Ardea Rutulorum quidam generis. Ceterum in tantas non multum abesset, quin opera ac vineae deserereutur.
brevi creverant opes, seu marlilluis,seu terrestribus fru- VI1I. Obsidio deinde per paucos dies magis, quam op-
ctibus, seu multitudmis incremento, seu sanctitate disci- pugnatio, fuit, dum vulnus ducis curarctur: per quod
plma, qua fidem socialem usque ad perniciem suam co- tempus ut quies cerlaminum erat, ila ab apparatu ope-
Inerunt. Anuibal, infesto exercitu ingressus fines, perva- rum ac muuitionum nihil cessatum. Itaque acrius de m-
statis pa sim agris, urbem tripartito aggreditur. Angulus tegro obortum est bellum, pluribusque partibus, vii ac-
des licnx, les galeries s'avancèrent sur plusieurs dans nos javelots, était enveloppée d'une étoupe
points avec les béliers. L'armée des Carthaginois goudronnée. Quant au fer, il avait trois pieds de
était fort nombreuse; on l'estimait à cent cinquaute lonâ, de manière à pouvoir transpercer et l'ar-
mille hommes. Les assiégés, pour toutdéfendreet mure et le corps. Mais quand la fabrique se serait
tout surveiller, furent contraints d'éparpiller leurs arrêtée dans le bouclier et n'eût point atteint le
forces; et déjà ils ne pouvaient plus tenir, car les corps, elle causait néanmoins la plus grande
murs, battus sans cesse, étaient ébranlés en plu- frayeur. Car, comme elle était embrasée au mi-
sieurs endroits. D'un côté même, une large brèche lieu, et que le jet activait vivement la flamme, le
avait ouvert la ville ensuite trois tours et la mu- soldat frappé était forcé de jeter ses armes, et de
raille qui les joignait s'étaient écroulées avec un s'exposer sans défense aux coups qui le poursui-
terrible fracas, et les Carthaginois se crurent mai- vaient.
tres de la ville par le moyen de cette brèche, sur IX. Le combat restait depuis longtemps incer-
laquelle les deux partis marchèrent l'un contre tain mais les assiégés, qui avaient tenu plus
l'autre, comme s'ils eussent été tous deux cou- longtemps qu'ils ne l'espéraient, redoublaient
verts par un rempart. Du reste, rien de pa- de courage, et les Carthaginois, pour n'être pas
reil à ces mêlées confuses qu'amené dans les sié- vainqueurs, se croyaient déjà vaincus. Tout v
ges une attaque imprévue. ICI, deux armées se coup les Sagontins poussent un cri terrible, et
tenaient rangées en bataille comme dans une refoulent l'ennemi sur le mur ruiné; de là, ils
plaine, entre les décombres du mur et les mai- le renversent, embarrassé, plein d'épomantc, le
sons de la ville placées à peu de distance. D'un chassent, le mettent en déroute et le rejettent dans
côté l'espérance, de l'autre le désespoir animent son camp. Cependant on annonce l'arrivée des
les courages. L'assiégeant se voit déjà, au moin- députés romains; Annibal envoie au-devant d'eux
dre effort, maître de la place; les Sagontins cou- jusqu'à la mer, pour leur dire qu'ils ne seraient
vrent leur cité de leur corps, à défaut de murs: point en sûreté au milieu des armes de tant de na-
et pas un ne recule, pour ne pas livrer à l'en- lions irritées par la guerre, et que pour lui, dans
nemi le terrain abandonné. Aussi, plus les com- une conjoncture aussi critique, il n'avait pas le
battants étaient acharnés et serrés, plus les bles- tcmps d'entendre des ambassades. Il était évident
sures étaient nombreuses, aucun trait ne tom- qu'après ce refus ils se rendraient sur-le-champ à
bant à faux entre l'armure et le corps. Les Caithage. Il envoie donc à l'avance des lettres et
Sagonlins avaient une arme de trait, nommée des messagers aux chefs de la faction barcine,
falarique, dont la hampe était de sapin, et ronde pour qu'ils disposent les esprits de ses partisans
dans toute sa longueur, sauf pourtant l'extrémité à déjouer toutes les tentatives du parti contraire
d'où sortait le fer. Celte extrémité, carrée comme en faveur des Romains.

cipienlibns quibusdam opéra locis vineæ cœptæ agi gno, et cetera tereli, præterquam ad extremum, unde
admoverique aries. Abundtbat multitudine hominum ferrum eistabat. Id, sicut in pilo, quadratum stuppa cir-
Pœnus; ad centum enim quinquaginta millia habuisse in cumligabant, linebantque pice. Ferrum autem tres lon-
armis satis creditur. Oppidani ad omnia tuenda atque gum babebat pedes, ut cum armis transfigere corpus
obeunda multifariam distineri cœpi sunt et non suffi- posset. Sed id maxime, etiam3i hæsisset iu sruto nec pe-
ciebaut. Jam enim feriebauturarietibus mm i, quassatæ- netrasset in corpus, pavorem faciebat; quod, quum me-
que multx partes erant. Uua continentibus ruinis nu- dium accensum mittereiur, conceptumque ipso motu
daverat urbem tres deiuceps turres, quantumqueinter multo majorem ignem ferret, arma omiui cogebat, nu-
cas muri erat, cum fragore mgenti prociderant: captum- dumque militem ad insequentes ictus prabpbat.
que oppidmn ea ruina crediderant Pœni; qua velut si IX. Quuin diu anceps fuisset certamen, et Saguntinis,
pariter utrosque uiurus teiisset, ita utrimque iu pugnam quia præter spem résistèrent, crevissent animi; Pœnus,
procursum est. Nihil tumultuariæ pugnae simile erat, quia non vicisset, pro victo esset clamorem repente op-
yuales in uppugnationibus urbium per occasionem partis pidani tollunt, hostemque in ruinas muri expelluut; inde
alteriua conseri rotent sed justæ acies, velut pateuti impeditum trepidantemque ealurbaut; pustremo fusum
campo, inter ruinas mûri tectaque urbis modico distantia fugatumque in castra redigunt. Interim ab Roma legatos
intervallo constiterant. tline spes, hine desperatio animos venisse numiatum est; quibus obviam ad mare miàsi ab
irritât Pœno cepisse jam se urbem si paullu'um anni- Anmbale, qui dicerent, nec tuto eos adiluros inter tot
tatur, credente; Saguutinis pro nudata mœuibus patria tam efferatarum gentium arma nec Annibali, in tanto
corpora opponentibus,nec ullo pedem referente, ne iu discrimine rerum operae esse legationes audire. Appa-
re ictum a se locum hostem immitteret. Itaque quo acrius rebat, non admissos protinus Cartbagioem ituros. Lderae
et conferti magis utrimque pugnabant, eo plures vnlne- igitur nuntiosque ad principes factionisbarcioæ pre'mit-
rabantur, nnllo inter arma corporaqne veno intercidente tit ut preepararentsuorum animos, ne quid pars altera
telo. Falarica erat Saguntmis, missile Éplum bastiti abie- gratdicari pro Romams posset.
X. Aussi, à cela près qu'ils obtinrent audience, ches, plus, je le crains, une fois déchainés, ils sé-
la députation rut encore vaine et stérile. Hannon viront avec rigueur. Rappelez-vous les îles aga-
seul, contre tout le sénat, soutint ta cause du tes, le mont Erix, et tous les désastres que vous
traité, au milieu d'un profond silence accordé à avez essuyés sur terre et sur mer pendant vingt-
son caractère, mais non pas a son opinion « Au quatre ans. Et votre général n'était pas un enfant;
nom des dieux arbitres et garants des traités, il c'était Amilcar lui-même, cetautre Mars, comme
les avait aveitis, supyliés de ne pas envoyer à l'ar- disent ses amis mais alors nous n'avions pas
mée le fils d'Amilcar; ni les mânes, ni le rejeton respecté Tarente, c'est-à-dire l'Italie, selon la
d'un tel homme ne pouvaient se résigner au re- prescription du traité; de même qu'aujourd'hui
pos, et tant qu'il resterait yuelqu'un du sang et nous ne respectons pas Sagonte. Aussi les dieux
du nom de Barca, jamais l'alliance romaine ne et les hommes nous vainquirent; et la ques ion
serait paisible. Un jeune homme était parmi vous, de savoir lequel des deux peuples avait rompu le
brûlant de la soif de régner, et ne voyant, pour y traité, le sort de la guerre l'a décidée, en don-
parvenir, d'autre moyen que de semer guerre sur nant, comme un juge équitable, la victoire au
guerre et de vivre entouré d'armes et de légions, parti qui avait pour lui la justice. C'est contre
et vous, vous alimentez ce feu menaçant, vous Carthage qu'Annibal pousse aujourd'hui ses man-
envoyez ce jeune homme à l'arméel Vous avez tclets et ses tours c'est le mur de Carthage qu'il
donc allumé l'incendie qui vous dévore. Vos sol- ébranle à coups de bélier. Les ruines de Sagonte
dats assiégent Sagonte, dont les traités leur dé- (puisse ma prédiction cti e fausse 1 ) retomberont
fendent d'approcher. Bientôt les légions romaines sur nos têtes cette guerre commencée contre les
assiégeront Carthage, conduites par ces mêmes Sagontins, il faudra la soutenir contre Rome. Li-
dieux, qui, dans la première guerre, ont vengé vrerons-nous donc Annibal? me dira-t-on. Je sais
la violation des traités. Est-ce l'ennemi, ou vous- que sur ce point je ne puis guère faire autorilé à
mêmes, ou la fortune de l'un et l'autre peuple que cause de mes inimitiés avec le père. Mais je ne
vous méconnaissez? Des députés sont envoyés par me suis réjoui de la mort d'Amilcar que parce
des alliés et pour des alliés: votre digne général que, s'il vivait encore, nous aurions déjà la
ne les admet pas dans son camp; il abolit le droit guerre avec Rome; et partant, je hais et je déteste
des gcns. Cependant, chassés, comme ne l'ont en ce jeune homme une furie, un vrai brandon de
jamais été les envoyés même d'un ennemi ces guerre. Non-seulement donc nous devons le livrer
dépotés se présentent devant vous; ils demandent en expiation du traité vioté mais si personne ne
satisfaction d'après le traité; ils ne mettent point le réclame, il faut le déporter aux dernières limi-
la nation en cause, ils ne réclament qu'un seul cou- tes du monde, et le reléguer dans un lieu d'où
pable, l'auteur du crime. Plus ils montrent de sa renommée ni son nom ne puissent arriver jus-
douceur et de patience dans les premières démar- qu'à nous, et troubler le repos de notre patrie.

X. Itaque, præterquam quod admissi auditiqne sunt, poscumt Quo lenius agunt, segnius incipiunt, eo, quum
ca quoque vaua atque irrita legat o fuit. Hanno unus ad- cœperint, vereor. ne perseverantius sæviant. Ægates in-
verso senatu causam fœderis, magno silentio propter au- sulas Erycemque ante oculos propon te; qure terra mari-
cloritatem suam, non a-sensu audientium, egit..« Per que per quatuor et viginti annos passi sitis. Nec puer
deos, tœderum arbitros ac testes, monuisse, prædixisse hic dux erat, sed pater ipse Hamilcar, M rs alter, ut isti
se, ne Amilcaris progeniem ad evercitum mitterent. Non volunt. Sed tune T,rento, ici est Ilalia, non alist naera-
maues, non stirpem ejus conquiescere viri; nee uiiquam, mus ex fœdere: sicut nunc Sagunto noa ahstinemus. Vi-
douéc sangumis nominisque Barciui quisquam supersit, cerunt ego dii hominesque; et id de quo verbis ambi-
quietura Romana fœdera. Juvcucm tlagranteut cupidiue gehatur, uter populus fœdus rupisset, eveutus belli.
regui, viamque unam ad id cerueutem, si ex bellis bella velut æquus judex, unde jus stabat, ei victoriam dedit.
serendo succmctus armis legionibusque vivat, velut maie- Carthagim nunc aunibal vineas turresque admovet
riam igni præbentes, ad exereitus misistis. Aluistis ergo Carthagmis mœnia quatit aricte. S igunti ruinæ falsus
hoc incendium, quo aune ardetis. Siguntuin vestri cir- utinam vates siml) nostris capitibus incident, susceptum-
cumstdent exercitus, undc arcentur fœdere: moi Car- que cum Saguntinis bellum hahendum cum Romanis est.
thaginem circumsidebunt romanæ legiones, ducibus iis- Dedemus ergo Ann balem? d cet aliq ds. Scio, meam le-
dem diis, per quos pi iore bello rupta foedera sunt ulti. vem esse in eo auc.oritatem propter paternas ininncitias.
Utrum hostem, on vos, an fortunam utrimque populi Sed et Hamilcarem eo periisse lætatus sum, quo l, si ille
ignoralis? Legatos, ab sociis et pro sociis venientes, bo- viveret, bellum Jam cum Romanis haberenmus; et hune
nus imperator vester in castra non admisit, jus gentium juvenem, tauquam furiain facemque hujus belli, odi ac
sustulit. Ili tamen, unde ne hoslium quidem legati ar- detestor.Piecdedendum solum id piacutum rupli læderis;
ceplur, pulai ad voi veniunt, res ex fœdere repetunt. sed si nemo deposcat, devebeudum in ultrmas mans
Pobhca frous abstl auctorem culpæ et re um crimins de- terrarumque oras, ablegandumque eo, unde nec ad nom
Je propose donc d'envoyer sur-le-champ une am- assauts recommencèrent plus terribles que ja-
bassade à Rome, pour donner satisfaction au mais et les assiégés ne savaient trop, au milieu
sénat; une autre vers Annibal pour lui ordonner des clameurs qui retentissaient de toutes parts,
de lever le siège de Sagonte, et le livrer lui- quel endroit ils devaient secourir d'abord ou de
même aux Romains une troisième enlin pour préférence. Annibal lui-même, partout où s'avan-
restituer à Sagonte tout ce qu'elle a perdu. » çait une tour mobile, qui dominait toutes les for-
XI. Lorsque Hannon eut fini son discours, tifications de la ville, était là pour donner l'im-
personne n'eut besoin de lui répondre, tant la pulsion et lorsque ceue tour, par le moyen des
grande majorité du sénat était dévouée à Annibal. catapultes et des balistes disposés sur tous les éta-
On reprocha même à flannon d'avoir parlé avec ges, eut nettoyé la muraille de ses défenseurs,
plus d'aigreur que Valérius Flaccus, le député Annibal, saisissant l'occasion, envoya cinq cents
romain. En conséquence, on répondit « que la Africains environ avec des pioches pour ruiner le
guerre était venue des Sagontms et non d'An- mur par le pied. Or l'ouvragen'était pas difficile,
nibal, et que les Romains agiraient fort in- car les pierres n'étaient pas liées avec de la cliaux,
justement, b'ils préféraient Sagonte à Carthage mais avec un ciment de terre, suivant l'usage des
leur plus ancienne alliée. » Pendant que les Ro- anciens. Aussi n'était-ce pas seulement l'endroit
mains perdent ainsi le temps en députations, sapé qui s'écroulait, et, par de larges ouvertures,
Annibal voyant ses soldats fatigués de combats et les bataillons ennemis se précipitèrent dans la
de travaux, leur donna quelques jours de repos, ville. Enfin ils s'emparent d'une hauteur, où ils
après avoir établi des postes pour garder les man- étahlissent leurs catapultes et leurs balistes, et
lelets et les autres ouvrages. Cependant il excite qu'ils environnent de murs, afin d'avoir dans
les courages tantôt par la haine des ennemis, tan- la ville même une citadelle qui la dominât. Les
tôt par l'espoir des récompenses surtout quand Sagontins, de leur côté, construisent un mur
il eut déclaré dans une assemblée que tout le bu- intérieur devant la partie de la ville qui n'est
tin de la ville appartiendrait aux soldats, leur en- pas encore prise. De part et d'autre on se forti-
thousiasme fut si vif que, si le signal eût été fie, et l'on combat avec la plus grande activité;
donné sur-le-champ, nulle force n'eût paru ca- mais en élevant des remparts intérieurs, les as-
pable de leur résister. Les Sagonlins avaient pu siégés resserrent de jour en jour l'enceinte de la
pendant quelques jours se reposer des combats, ville. En même temps, le dénûment s'accroît par
n'attaquant pas de leur côté plus qu'ils n'é- la longueur du siégc, et l'espoir d'un secours
taient attaqués; mais ils avaient travaillé nuit et étranger s'évanouit peu à peu; car Rome, leur
jour sans relâche pour élever un nouveau mur à unique espérance, est, hélas trop éloignée, et
la place où la brèche était ouverte. Bientôt les tout ce qui les entoure est au pouvoir des enno-

nnmen famaque ejus accedere, neque sollicitare quietæ siti per aliquot dies; ita non nocte, non die unquam ces-
civitatis statum possit. Ego ita censeo, legatos extemplo saverant ab opere ut novum murum ab ea parte, qua
Roman mittendos, qui senatui satisfaciant alios, qui patefactum oppidum ruinis erat, reficereot. Inde oppu-
Annibali nuntient, ut exercitum ab Sagunto abducat, gnatio eos aliquantoatrocior, quam ante, adorta est: nec,
ipsumque Annibalem et fœdere Romanis dedant: ter- qua primum aut potissimum parte ferrent opem quum
tiam legationem ad res Saguntinis reddendas decerno. » omnia variis clamortbus streperent, satis scire poterant.
XI. Quum Hannu perorasset uemiui omnium certare Ipse Annibal, qua turris mobilis, omnia munimenta ur-
oralione cmn eo necesse fuit: adeo prope omnis senatus bis superans altitudine agebatur, bortator aderat. Quæ
Aunibaliserat; infestiusque locutum arguebant Hanno- yuum admota catapultis ballistisque per omnia tabulata
uem quam Flaccum Valermm legatum Romanum. dispositis, muros defensoribus nudasset; tum Annibal,
Responsum iude legatis Romanis est, Bellum ortum ab occasionemratns, quingentos ferme Afros cum dolabris
Saguntinis, non ab Aumbale esse. Populum Romanum ad subruendum ab imo murum mittit nec erat difficile
injuste tacere si Saguntinos vetustissimæ Carthaginien- opus quod caementa non calce durata erant, sed iuter-
sium societati præpouat. » Dum Romaui tempus terunt lita luto, structuræ antiquæ genere. Itaque latius, quam
legationibus mitteudis, Annibal, quia fessum militem cæderetur, ruebat perque patentia ruinis agmina arma-
prælits operibusque habebat, paucorum üs dierum quie- torum in urbem vadebant. Locum quoque editum ca-
tem dedit, stationibus ad custodiam vinearum aliorum- piunt collatisque eo catapultis ballistisque, ut castellum
que operum dispositis. Iuterim animos eorum nunc ira in ipsa urbe velut arcem imminentem haberent, muro
in hostes stimulando, nunc spe præmiorumaccendit. Ut circumdant et Saguntini murum iuteriorem ab nondum
vero pro coucione prædam captæ urbis edixit militum capta urbis parte ducunt. Utrimque summa vi et mu-
fore, adeo accensi omnes suot, ut, si extemplo signum munt, et pugnant sed, illteriora tuendo, minorem iu
datum esset, nulla vi resisti videretur posse. Saguntini ut dies urbem Saguntini faciunt. Simul crescit inopia om-
a præhis quietem habuerant, nec lacessentef. nec laces- nium longa obsidione, et mmuitur exspectatro externæ
mis. Cependant les esprits abattus se relevèrent vêtement, pour aller s'établir au lieu qu'on leur
un peu, Annibal étant parti tout à coup pour désignerait. Alcon affirmant que les Sagolltinsn'ac-
marcher contre les Oretans et les Carpetaus. Ces cepteraient jamais de telles conditions, Alorcus
deux peuples, alarmés de la rigueur des levées, prétendit que le courage ne survit pas à la ruine de
avaient arrêté ceux qui les faisaient et menaçaient toutlereste,ets'offrit pour médiateur. Alorcus, sol-
d'une defection; mais, prévenus par la rapide dat d'Annibal, avait été l'hôte et l'ami des Sagon-
arrivéed'Aunibal, ils laissèrent là les armes qu'ils tins. En plein jour, il s'avance, remet ses armes aux
voulaient prendre. sentinelles ennemies, franchit les retranchements,
XII. Toutefois le siège ne fut point ralenti; car et se fait conduire devant le gouverneur. Cet in-
Maharbut, lils d'Himilcon, auquel Annibal en cident avait rassemblé dans un instant une foule
avait laissé la conduite, déployait une telle acti- immense; cependant la multitude fut écartée, et
vité, que les assiégeants ni les assiégés ne s'a- le sénat donna audience à Alorcus, qui s'exprima
percevaient de l'absence du clief. Il remporta en ces termes
quelques avantages, abattit un pan de muraille XIII. « Si votre concitoyen Alcon, après être
avec trois béliers, et quand revint Annibal, il venu auprès d'Anuibal, pour lui demander la
lui montra le sol jonché de ruines récentes paix vous avait rapporté sa réponse il eût
Celui-ci conduisit sur-le-champ son armée été superflu que je me présentasse devant vous
devant la citadelle et après un combat san- sans être ni l'orateur d'Annibal ni un Irans-
glant, funeste pour les deux armées, une partie fuge. Mais puisque, par votre faute ou par la
de cette citadelle fut emportée. Alors deux hom- sienne, il est resté chez l'ennemi, par sa faule, si
mes essayèrent de ménager un accommodement, sa crainte était feinte, par la vôtre, s'il y a péril
Alcon de Sagonte et l'Espagnol Alorcus. A l'insu à vous dire la vérité, je suis venu moi-même,
des Sagontins, Alcon, espérant que ses prières fe- au nom de notre ancienne liaison d'hospitalitv,
raient quelque effet, pénétra de nuit jusqu'auprès afin de vous apprendre que vous avez encore
d'Annibal et comme celui-ci, sans être touche de quelques moyens de salut et de paix. Or la preuve
ses larmes, voulait, en vainqueur irrité, imposer que je parle ici dans votre intérêt uniquement,
de déplorables conditions, Alcon d'orateur se fit c'est que, tant qu'il vous a été permis de résister
transfuge et resta chez l'ennemi, protestant qu'il avec vos propres forces ou d'espérer le secours des
serait mis à mort, s'il osait proposer une paix à Romains, jamais je ne suis venu vous conseiller la
tel prix. La volouté du vainqueur était que les Sa- soumission; mais lorsque vous n'avez plus d'es-
gontins donnassent aux Turdetans toute satisfac- pérance du côté des Romains, et que vos armes
tion, et qu'après avoir livré tout leur or et tout ni vos remparts ne peuvent plus vous défendre, je
leur argent, ils sortissent de la ville avec un seul vous apporte une paix plus nécessaire qu'avanta-

opis, quum tam procul romani, unica spes, circa onira cum singulis vestimenlis ibi babitarent ubi Pœnus jus-
huslium essent. Paullisper tarnen affectos auimos reorra sisset. Has pacis leges abnuente Alcone accepturus Sagun-
vit repentma profectio Annibalis in Ol'etanos Carpetanos- linos: Aloreus « vinci animos, uhi alia vineaiilur, affir-
que qui duo populi, delectus acerbitate cousteruati, re- mans, se pacis ejus interpretem fore pollicetur. Erat au-
tenlis conquisitoribus meturn defectionis quum prx- tem tum miles Anoibalis; ceterum publice Saguntinis
buissent, oppressi celeritate Aunibalis, omiserunt mota amicus atque hospes. Tradito palam telo custodibus bos-
arma. trum transgressus munimenta ad proetorem Sagunti-
XII. Nec Sagunti oppugnatio segnior erat, Maharbale, nuin (et ipse ita jubebat) est deductus. Quo quum ex-
llimilconis fiho (eum praefecerat Annibal) ita impigre templo concursus omnis generis hominnm esset factus,
rem agente, utducem abesse nec cives, nec hostes senti- summota cetera multitudine, senatus Alorco datus est
rent. 1s et prrelia alquot secunda fecit, et tribus arieti- cujus talis oralio fuit.
bus aliquantum muri discussit strataque omuia recenti- XIII.Si civis vester Alcon sicut ad pacem peteudam
bus ruinis advenienti Ilaunibali ostendit. Itaque ad ipsarn ad Aunibalem venit, ita pacis conditiones ab Anuihale ad
arcem ettempto ductus exercitus, atroxque praelium cum vos retulisset, supervacaneum hoc mihi fuisset iter, quo
multurum utriruque cæde initum,etpars arcis capta est. nec oratop Aumbalis nec transfuga ad vos venissem.
Tentata deinde per duos est exigua pacis spes, Alconem Quum ille, aut vestra, aut suaculpa, tnanseritapud hos-
Saguutinum, et Alorcum Hispanum. Alcon, insciis Sa- lcm (simetum simulavit, sua; vestra, si perieulum est
guntmis, precibus aliquid nwturum ratus, quum ad apud vos vera referentibus), ego, neigoorarehs, esse
Auuibalem dodu trausisset, postquam uihil lacrinioe mo- aliquas et salutis et pacis vobis couditiooes, pro vetuslo
nbant condi4ionesqite trittes, ut ab irato victore, fere- hoàpitio, quod mihi Tohiscmn est, ad vos veni. Vestra
bentur, transfuga ex orature factus, apud hostem man- autem causa me, nec ullius alterius, loqui, qu-- toquor
nit; muriturum affirmans, qui sub conditiombus his de apud vos. vel ea Odes sit. quod, neque dum vestris viri-
pace agerrt. Postulabatur autem, redderent res Turde- bus rcstitisiis neque dum auxilia ab Romanis sperastis,
tams; traditoyue onmi auro atque argento, egressi urbe pacisurquam apud vos mentiooem feci. Postquam necab
geuse. J'ai quelque espérance que vousl'obtiendrez eux-mêmes pour la plupart. Déjà ce spectacleavait
si vous écoutez eu vaincus les propositions d'un répandu dans la ville la consternation et le trou-
vainqueur,et si, au lieu de compter pour une perte ble, lorsqu'on entend un nouveau tumulte du
ce qui vous est ôtc par ce vainqueurdéjà maître de côté de la citadelle une tour battue depuis long-
tout, vous considérez plutôt comme uu don qu'il temps venait de s'écrouler. Aussitôt une cohorte
vous fait tout ce qu'il veut bien vous laisser. Cette carthaginoise, s'élançant sur ses ruines, avertit
ville, en grande partie détruite, et presque tout par un signal le chef de l'armée que la place est
entière occupée, il vous l'enlève, mais il vous laisse dégarnie de posteset de sentinelles. Annibal pensa
vos champs, tout en se réservant de vous désigner qu'une telle occasion, ne lui permettait pas d'hé-
la place où vous pourrez bâtir une cité nouvelle. siter il attaqua la ville avec toutes ses forces,
Tout ce qu'il y a chez vous d'or, d'argent, soit l'euleva en un instant, et commanda de passer
dans le trésor public, soit dans les mains des par- au fil de l'épée tous ceux qui étaient en âge de por-
ticuliers, doit lui être remis, mais il respecte ter les armes mesure cruelle, dont la nécessité
et conserve vos personnes, vos femmes et vos en- fut néanmoins démontrée par l'événement. Car
fants, si vous consentez à sortir de la v ille sans ar- comment épargner des hommes qui se brûlaient
mes et avec deux vêtements. Tel est l'ordre du dans leurs maisons avec leurs femmes et leurs
vainqueur, ordre sans doute terrible et cruel, enfants, ou qui, les armes à la main, combattaient
mais que votre fortune vous oblige à subir. Au jusqu'au dernier soupir?
reste, je ne désespèrepas qu'une fois votre soumis- XV. Sagonte fournit uu immense butin. Quoi-
sion reçue, il ne se relâche un peu de sa rigueur. que les habitants eussent presque tout dégradé,
Dans tous les cas, je pense qu'il vaut mieux vous que le carnage eût fait à peine quelque distinction
résigner à tout, que de vous exposer a être massa- d'âge, et que les prisonniers eussent élé la proie
crés, età voir vos enfants et vos femmes enlevés et des soldats, cependant il est certain que le pro-
traîués devant vous, selon les droits de la guerre. à duit des objets vendus fit une somme assez consi-
XIV. Pour entendre ce discours la foule s'était dérable, et qu'une grande quantité de vêtements
amassée peu à peu, de manière que l'assemblée et de meubles précieux fut envoyée à Carthage.
du peuple se trouva mêlée au sénat. Tout à coup Quelques écrivains prétendent que Sagonte suc-
les principaux sénateurs s'éloignent avant qu'on comba après huit mois de siège, qu'alors Annibal
ait répondu, rapportent dans la place publique alla passer ses quartiers d'hiver à Carttagène, et
tout l'or et tout l'argent qui se trouvait soit dans que ce fut cinq mois après avoir quitté cette der-
leurs maisons, soit dans le trésor public, le jet- nière ville qu'il rentra dans l'ILalie. S'il en est
tent dans un feu allumé à la hâte, et s'y précipitent ainsi il est impossible que P. Cornélius et Ti.

Romanis vobis ulla spes est, uec vcstra jam aut arma vus, Quum ex co pavor ac trepidalio totam urbem pervasbset,
aut mœnia satis defeudunt, pacein affero ad vus magis alius insuper tumutbis ex arue auditur. Turris diu quas-
uecessariam, quam æquim cujus ita ali pua spes est si sata prociderat perque ruinam ejus cohors pœnorum
cam quemadmodum ut victor fert Aunibal, sic vos ut impetu facto quum signuin imperatoridedisset, nudatam
Nicti audiatis si non id quod amittitur, in damno (quum statuonibus custodjisquc soliiis hostium esse urbem; non
omnia victoria sint), sed, quiequid rcliuqmtur, promu- cuoctancfurn in tali occasione ratus Annibal, lotis viribm
nere habituri estis. Urbem vobis, quam ex magna jam aggressus urbem momento cepit, signo dato, ut omnes
parte dirutam, captam fere tutam habet, adimit: agros pubères iuterficerentur. Quod imperium crudele, cete-
relinquit, locum assignaturus, in quo novum oppidmn rum prope necessarium cognitum ipso eventu est. Cui
adificetis; aurum argentumque omne, publicum priva- enim parci potuit ex iis, qui aut inclusi cum conjugibus
tumque, ad se jubet deferri conjuguai vestraque cor- oc liberis domos super se ipsos concretnaveruot, aut ar-
pora ac liberorumvestrorum servat inviolati, si inermes mati nuilum aute finem puguae, quam morientes, fece-
cum binis vestimentisvelitis ab Saguoto exire. flæc victor runl?
boblis imperat. Hæe, quaoquam siut gravia atque acerba, XV. Captum oppidum est rum ingenti priera. Quan-
turtuna veslra vobis suadet. Equidem haud desperu, quum quam pleraque ab domiuis de tudustria corrupta erant,
omuium putestas ei facta sit, aliquid ex bis rcbus remis- et in caedibus vix ullum discrimco a;tatis ira fecerat, et
buruiii. Sed vel hæc patieuda censeo potius, quam truci- captivi mililum proeda fuerant; tamen et e: pretio rerum
dari corpora vestra, rapi trahique aule or a veslra coaju- venditarum aliquantum pecuaiœ redactum esse constat,
ges ac hberos belli jure sinatis. et inultam pretiosam bupellectilein vestemque missam
XIV. Ad hæc audienda quum, circuntfusa paulatim Carthaginem. Octavo inense, quam cœptum oppugnari,
mulittudine, permixtum senatm esset populi coucilium; captum Saguntum, quidam scripsere inde Ca'thajtiaem
uppute primores, secessione facta prtusquam respon- novam lu hiberna Anoihalem concessisse quinto deinde
sum daretur, argentuin aurumqueomoe, ex publieopri- meuse, quaniabCarthagineproteclussit, in Italiam per-
vatoque in forum colla,um in ignem ad nid raptim factum veuisse. Quœ si ita suut, lien non potuit, ut P. Corne-
cpnjicientes, eodem plerique teiuetipii prœcipiiaYtrunt. lius, Ti. Senipronim consules fucrint, ad quos etprinci-
Sempionius soient les mêmes consuls qui reçurent qu'une guerre. Mais voilà que les Carthaginois,
les députés de Sagonte au commencement du ces vineux ennemis, aguerris par vingt-troisans de
.iége, et qui plus tard se battirent avec Annibal,, pénibles victoires, sous Amilcar d'abord ensuite
l'un auprès du Tésin et tous les deux quelque sous Asdrubal, et maintenant sous l'intrépide An-
temps après sur les rives de la Trébie. Ou tout se nilal, tout tiers encore de la ruine d'une ville
passa plus vite, ou Sagonte fut non pas attaquée, opulente, Iraverseut l'Lhre, entrainant avec eux
mais prise au commencement du consulat de une foule de peuplades espagnoles, et bientôt vont
P. Cornélius et de Ti. Sempronius. Car la bataille soulever les nations gauloises toujours avides de
de la Trébie ne peut être rejetée à l'année de Cn. batailles. il faudra combattre avec l'univers en-
Servilius et de C. Flaminius, parce que Flami- tier dans l'Italie même et sous les murs de
nius revêtit le consulat à Ariminum, après avoir Rome. o
été proclamé par Sempronius, qui vint à fiome, XVII. Déjà les provinces avaient été assignées
après l'affaire de la Trébie, pour l'élecliou des aux consuls ils eurent ordre de les tirer au sort.
consuls, et, les comices finies, s'empressa de re- L'Espagne échut à Cornélius, l'Afrique avec la Si-
joindre l'armée dans ses quartiers d'hiver. cile à Sempronius. On décrélaque les consuls lève-
XVI. Ce fut presque en même temps que les raient cette année six legions; et tout ce qu'ils
députés revenus de Carthage rapportèrent qu'ils voudraient d'alliés, et que la flotte serait aussi
n'avaient rencontré que des dispositions hostiles, considérable qu'on le pourrait. Vingt-quatre mille
et qu'on apprit à Rome la nouvelle de la ruine de hommes de pied et dix-huit cent chevaux furent
Sngonte. Alors les sénateurs ressentirent à la fois levés à Rome; et parmi les alliés, quarante mille
tant de douleur et de pitié pour le déplorable sort fantassins avec quatre mille quatre cents cavaliers.
de leurs alliés, tant de honte de ne pas les avoir Quant à la flotte, elle se composa de deux cent
secourus, tant de colère contre Carthage, et tant vingt quinquérèmes et de vingt vaisseaux légers.
de crainte pour l'avenir, comme si l'enucmi eût On proposa ensuite au peuple d'approuver et de
été déjà aux portes de Rome, que les esprits, sécréter la déclaration de guerre contre Car-
troublés par tant d'émotions à la fois, (louaient thage. A cette occasion, des prières publiques eu-
irrésolus plutôt qu'ils ne délibéraient. « Jamais, rent lieu dans la ville, et l'on supplia les dieux
dlsait-on Rome u'avait rencontré d'ennemi plus d'accorder une heureuse issue à la guerre entre-
actif et plus bellirlueux; et jamais la république prise par le peuple romain. Voici de quelle ma-
n'avait eu tant de lâclleté ni de faiblesse. La Sar- nière les troupes furent partagées entre les con-
daigne, la Corse, l'Istrie et l'lllsrie avaient été suls Sempronius reçut deux légions ( chaque
pour nos armes un jeu plutôt qu'une épreuve et légion avait quatre mille hommes de pied et trois
les Gaulois avaient apporté un tumulte plutôt cents chevaux ) de plus, seize mille fantassins et

pio oppugoatioois legali Saguntiui mishi sint, et qui iii hostem veteranum, trium et viginti annorum militia du-
suo magisli-atu cum Annibale, alter ad Ticinum amnem, rissima inter Hspanas gentes semper victorem primuin
ambo aliquanto post ad Trebiam, pugnaverint. Aut um- Hamilcarc, deinde Asdrubale, nunc Auuibaleduce acer-
ma twevma aliquanlo ftiere, aut Saguntum prmcipio rimo assuetum, recàntem ah elcidio upuleutissimaeur-
mini, quo P. Cornelius,Ti. Sempronius cousulcs tuei-unt, bis, Iberum transire: irabes-e sccum tut eldlos Ilispano.
nuu cœplum oplugnari est, sed captum. Nam excessisse rum populos conciturum avidas semper armorum galli-
pugoa ad Trebiam in aonum Cn. Servilii et C. Flawinü cas genles. Cum orbe terramm bellum gcreuduiu in Italia
iiun poiest quia Flannmius Arimiui consulatum inuit, ac pro minibus romanis esse.»
creatus ab Ti. Sempronio consume qui, post pugnam ad XVII. Nominatw jam aulea consulibus provinciæ erant;
Trebiaw ad creandos consules Romam qumn venisset, tum sortiri jussi. Cornelio Hispania Sempromo Atrica
c mitiiis perkou ad eierciiuiu in hiberna redoit. cum Sicitia evenit. Sei in eum annun décrets legiunes,
XVI. Sub Idem fere tempus et lega.i qui redierant a et socium quantum ipsis videretur, et classis quanta pa-
Carthagine Romam reluleruut, omma hostilia esse, et rari posset. Quatuor et viginti peditum Romanorum
Saguuli excidium uuntatuiu est tanlusque simul mœror millia suut scripta et mille oetingenli cquites sociorum
Patres miseriawdiaquc suciorum peremplorumindigne, quadraginta millia peditum quatuor millia et quadriu-
et pudor non lati auxitii, et ira m Carthaginienses me- geati equites naves ducentae viginti quintluereiiieb, ce-
tusyue de summa rerum cepit, velut bi jam ad portai loce4Vigiuli deduclæ. Lalum iude ad populum, Vexent,
hoalis euct; ut, tot uuo tem ore monbus animi turbati, jubereut, populo carthaginiensi bellum indici. Clusque
trepidarent magis quaw consuterent. Nam neque hos- belli causa bupplicatio per urhem habita, atque adorati
tem acriorem bellicosioremque secum congressum nec dii, ut bene ac feliciter eveniret, quud bellum populue
rew rumanam tam desi lem unquam fuisse atque imbel- romanus jussuset. Inter consules ita copia; divisa;. Sem-
lem. Sardos, Corsosque, et Istros, atque lllyrios, la- pronio datw legiones duae (ea quaternamillia erant pedi-
cesaisse magis quaut exercuisse roniana arma et cum tum, et treceui equites) et sociorutn scidecim milha
Gallis tuonultuatum verius, quam bell geratum. Pœuum, prditum, équités mi'le octingrnti navet longs; centmu
dix-huit cents cavaliers auxiliaires, et enfin cent seul coupable du su ge de Sagonte; mais colle-ci,
soixante vaisseaux longs avec douze Iégers. A la plus modérée dans les termes, est, en réalité,
tête de ces forces de terre et de mer, Sempronius plus violcnte encore. Alors Annibal était seul
fut envoyé en Sicile, avec mission do passer en accusé et réclawé; aujourd'hui c'est à nous que
Afrique, si l'autre consul suffisait à eliasserles Car- vous prétendez imposer l'aveu d'une faute, et
thaginois de l'Italie. Cornélius eut moins de trou- par suite, une réparation immédiate. Pour moi,
pes, parce que le préteur Manlius était lui-même j'estime que la question est de savoir non pas
détaché vers la Gaule avec un corps assez consi- si le siège de Sagonte est résulté d'une volonté
dérable. Sa flotte surtout fut très-réduite il n'eut publique ou privée, mais bien s'il a été légitime
en toutque soixante quinquérèmes.On pensait que ou injuste. Car c'est à nous seuls qu'il appartiens
l'ennemi ne viendrait point par mer, et qu'il n'y de juger et de punir notre concitoyen, qu'il ait
aurait pas, par conséquent, de combat naval. Du agi par ou sans notre ordre. Avec vous, nous
reste, on lui donna deux légions avec leur cava- n'avons qu'un point à discuter. Le fait était-il dans
lerie, quatorze mille fantassins alliés et seize cent les limites du traité? Or, puisqu'il vous plait
chevaux, deux légionsromaines avec six cents cava- de distinguer, dans les actes des généraux,
liers. Dix mille hommes d'infanterie alliée et mille ceux qui leur sont personnels et ceux qui leur
de cavalerie furent dirigés vers la Gaule, sur la- sont commandés, il existe entre Rome et nous
quelle allait tombeur, cetteannée,la guerre punique. un traité conclu par le consul Lutatius, dans le-
XVIII. Ces préparatifs étant faits, afin de mettre quel il fut stipulé pour les alliés des deux parties,
entièrement la justice de leur côté, les Romains et nullement pour les Sagontins; car ils n'étaient
députent cinq hommes vénérables, Q. Fabms, pas encore vos alliés. Mais, dira-t-on, dans le
M. Livius, L. Émilius, C. Licinius, Q. Baebius, traité fait avec Asdrubal les Sagontins sont ex-
pour demander aux Carthaginois si Annibal avait ceptés. A ceci je ne répondrai que ce que vous
été autorisé à assiéger Sagonte, et pour leur dé- m'avez appris vous-mêmes. En effet, vous ne vous
clarer la guerre, dans le cas fort probable où ils êtes point crus liés par le traité du consul Lutatius,
avoueraientle fait, et en revendiqueraient la res- parce qu'il n'était autorisé ni par le sénat ni par
ponsabilité. Arrivés à Carthage, les députés ro- le peuple en conséquence, il a été renouvelé par
mains sont introduits dans le sénat, et Fabius ex- la puissance publique. Si donc vous n'admettez
pose simplement la question prescrite. Aussitôt un que les traités rédigés sous votre sanction et par
Carthaginois se lève « Romains, dit-il, votre votre ordre, le traité qu'Asdrubal a souscrit à no-
première ambassade fut certainement téméraire, tre insu ne peut non plus nous oblige. Parlant,
lorsque vous vîntes réclamer Annibal comme étant ne parlez plus de Sagonte et de
l'Ebre; et que ce

seiagiuta celoces duodecim. Cum his terrestribusmari- fuit, quum Annibalem. tanqanm suo concil o Saguntnm
timisque copias Ti. Sernprooiusmissus in Siciliarn ita in oppugnantem deposceLatis ceterum hæc legatio verbis
Africamtransmissurus, si ad arcendumItalia Pœnum con- adhuc lenior est, re asperior. Tunc enim Ann.bal et insi
sul aller satis esset. l:ornelio minus copiarum datum, mulabatur, et deposccbatur nuuc ah nobis et confessio
quia L. Manlius prtætur et ipse cum haud invalide pra'si- culpae eiprimitur et ut a coufessis, res citemplo ropp-
dio in Galliam mittebatur. Navium maiime Cornelio nu- tuutur. Ego autem non privato pubticone consilio Sa.
merus deminulus. Sexagiula quinquerenies data ( neque gunlum oppugnatum sit, quærendum crnseam scd utrum
enim mari veulurum, aut ea parle belli dimicatutum jure, an injuria. Nostra emm hœc quæstio atque animad-
hostetn credebaut) et duæ romaine legiones cum suo lusto venio in civem uostrum est; oostro an suo fecerit arbi-
rquitatu, et quatuordeciin millibus sociorum peamm trio. Volmcum una diserptatiu est, licueri:ne per fœdus
equitibus mille sexcentis. Duas legiones romanas et de- fieri. Itaque quouiam discerni placet, quid publico con-
cem millia sociorum pedilum, mille équités socios, sez- silio, quid sua sponte imperatores faclant; nobis vubis
centos romanos Galliaprovince eodem versa in Pnoicum cum fœdus est a Lutalio consule ictum in quo quum ca-
bellum babuit. verctur utrorutnque sociis nihil de Saguntinis (necdum
XVIII. His ita comparatis, ut omnia justa ante bellum enim erant socti vestri ) cautum est. At enim en firdere,
fièrent, legatua majores natu, Q. Fabium, M. Livium, quod cum Asdrubale ictum est, Saguntini excipiuritur.
L. milium, C. Licinium, Q. Ba*bium, in Africam Advenus quod nibil ego dicturus sum nisi quod a vol is
mitunt ad percullcLmduti Carthagiuienses, publicoue con- didici. Vos enim quod C. Lutatius consul primo nobis-
silio Annibal Saguiituiti oppuguasset'! et si id quod lac- cum fœdus icit, quia neque auctontate t'atrum, ncr po-
turi videtiantiir, faterentur, acdefeuderent pubhco con- puli jussu ictum erat, negaslis vos eo teneri. Ita lue aliud
mitio factum, ut indicerent populo Carthaginiensi bellum. de integro fœdus publico consilio ictum est. Si vos nou
Romani postquam Caithagmcm venerunl, quum senatus tenent vestra fœdera, nisi ex auctoritateaut jussu vestro
ditus cuet, et Q. Fabius mhil ultra, quam uuum, quod icta; ne nos quidem Asdrubalis fœdus, quod nobis inscis
maudatum erat, percunctatus esset; tum ex Carthaginien- icit, obligare potnit. Proindr omittite S igunti atque lberi
tribus unus Præceps vestra, Rcmani, et prior mentronem facere et, quod diu parturit anmus vester,
qui couve depuis longtemhs dans vos esprits seulement tenus de ne point solliciler à la défec-
éclate enfin en ce jour. » Alors Fabius, faisant tion les alliés des Carthaginois, etdans le
cas où ils
un pli à sa toge: «Nous vous portons, dit-il, la s'y porteraient d'eux-mêmes, de
ne point faire
paix ou la guerre choisissez. Choisissez vous- alliance avec eux. Les députés romains, suivant
même, s'éci-ie-t-oii avec non moins de fiertc. leurs instructions, passèrent de Cartlrage en Espa-
Eh bien, la guerre! reprend Fabius, en secouant gne, dans le but de visiter les nations de ce paps,
sa toge. La guerre! répondent les Carthaginois, pour les engager à s'unir à nous ou les détacher
et nous saurons la soutenir comme nous l'accep- des Carthaginois. Ils vinrent d'abord chez les Bar-
tons. » gusieus, qui leur firent très-bon accueil,
parce
XIX. Lne question si précise suivie d'une dé- qu'ils s'ennuyaient de la domination punique.
claration dc guerre eût paru plus convenable à la Plusieurs peuples d'au-delà de l'Èhre s'émurent
dlignite du peuple romain qu'une dispute de mots également du désir d'une fortune nouvelle. Ensuite
sur le droit des traités, avant la ruine de Sagonte, ils passèrent chez les Volcians, dont la réponse,
à plus for te raisou api ès. En effet, si une telle dis- bientôt répétée par toute l'Espagne, détourna de
cussion eût eu quelque valeur, comment aurait-on notre cause les autres nations. Le Plus âgé d'entre
pu comparer le traité d'Asdrubal avec le premier eux avait dit à nos ambassadeurs « Queue est
traité de Lutatius, qui fut bientôt modifié? Lutatiiis donc votre audace, Homains, de venir nous
pres-
n'avait pas uéglibé d'y ajouter cette disposition ser de sacrifier l'amitié de Carlhage à la vôtre,
«Qu'il ne serait valable que moyennant la ratifica- lorsque les Sagonlius, qui vous ont crus, ont souf-
tion du peuple. » Mais, dans le traité d'Asdrubal, fert de votre part une trahison plus cruelle que la
nulle restrictionpareille; bien plus, un silence de vengeance de leur ennemi? Cherchez des alliés,
plusieurs années l'avait tellement confirmé du vi- croyez-moi, en des lieux où soit ignoré le mal-
vant de ce général, qu'après sa mort il n'y fut rien heur de Sagonte. Pour les peuples espagnols, les
changé. Cependant, quand ou s'en fût tenu au ruines de cette cité seront un enseignement aussi
premier trailé, les Sagontinsétaient assez protégés triste que solennel de la confiance que mérite la
par l'exception stipulée en faveur des alliés car parole des Romains.» Sommés de quitter aussitôt
on n'avait pas ajouté « De ceux qui le sont le pays des Volcians, les députés ne trouvèrent
maintenant, » ni « Qu'il u'en serait point ac- désormais des paroles bienveillantes dans aucune
cepté d'autres à l'avenir. » Et puisqu'il était per- cité espagnole, et, après avoir inutilement par-
mis de prendre de nouveaux alliés, eût-il été couru l'Espagne, ils passèrent dans la Gaule.
juste de n'admettre aucun peuple dans notre ami- XX. Là, un spectacle aussi nouveau qu'effrayant
tic; pour un service qnelconque, ou de ne point s'offrit à leurs yeux, lorsque les Gaulois, suivant
le défendre après l'y avoir admis? Nous étions leur coutume, vinrent tout armés à l'assemblée

Hic, inquit, vobis et


aliquando pariat. Turn Romanus sinu ex toga facto

« daret, utrum vellet,


pacem portamus; utrum
placet, sumite. Sub banc vocem haud miuus ferociter,
succlamatum est. Et quum is
fendi? tanquam, ne Carthaginiensium soc;¡ ant sollicita-
rentur ad defectionem, aut sua sponle desciscentes reci-
pcrentur. Legati romani ab Carthagine, sicut bis Roma
imperatum erat, in Hispanian), ut adirent civitates, ut
iterum sinu efluso bellum dare dixisset, accipere in societatem pellicerent, aut averterent a Pœnis, traje-
se » omoes responderunt, et, quibusacciperentanimis, cerunt. Ad Bargusios primum venerunt a quihus béni-
iisdem se gesturos.» gne excepti, quia twdebat imperii Puuici, multos trans
XIX. Hæc directa percunetatio ac denunlialio belli ma- Iberum populos ad cupidinem novm fortunæ erexerunt.
gis ex dignitate populiromani visa est, quam de fœderum Ad Volcianosinde eit eventum quorumcelebre per His-
jure verbis disceptare, quum ante, tum maxime Sagunto paniam responsum ceteros populos ab societale romana
excisa. Nam, si verborum disceptationis res esset, quid avertit. Ita enim maximus natu ex iis in concilio respon-
fœdus Asdrubalis cum Lutatii priore fœdere, quod muta- dit « « Quae verecundia est, Romani, postulare vos, uti
tum est, comparaodum erat? quum in Lqitatii foedere vestram Carthoginiensium arneitiæ præponamus,quum,
diserte addilum esset, ita id ratum fore, si populuscen- qui id fecerunt, Saguntinos crudelius, quam Pœnus hos-
suisset: in Asdrubalisfœdere nec exceplumtale quicquam tis perdidit, vos socii prodideritis Ibi quæratis socios,
fuerit, et lot annorum silentio ita vivo eo comprobatum censeo ubi Saguntina cladesignota est. Hispanis populis,
sit fcedus, ut ne mortuo quidem auctore quicquam muta- sicut lugubre ita insigne documentum Sagunti ruinæ
retur. Quauquam etsi priore foedere staretur, satis cau- erunt, ne quis fidei romanæ aut societati confldat. »Inde
lum erat Saguntinis, sociis utrorumque elceplis nam extemplo abire finibus Volcianorumjussi,ab nullodeinde
neque additum erat, iis, qui tune essenl; nec, ne qui concilio Hispaniæ benigniora verba tulere. Itaque nequic-
postea assumerentur.. Et quum assumere novos liceret quam peragrala Hispania, in Gallias transeont.
socios, quis æquum censeret, aut oh nulla quemquam XX. Io his uova terrihilisque species visa est, quodar-
mérita in amicitiam recipi, aut receptos in ridem non de- mati (ita mos gentis erat) in concilium venerunt. Quant.
et quand nos députés, exaltant la gloire, la vertu de la guerre, la nouvelle paraissant assez certaine
du peuple romain et la grandeur de son empire que les Carthaginoisavaient déjà passé l'Élire.
demandèrent aux Gaulois de ne point livrer pas- XXI. Annibal, après la prise de Sagonte, avait
sage sur leurs terres et par leurs villes aux Car- pris ses quartiersd'hiver h Carthagcne. Là, ayant
thaginois, qui portaient la guerre en Italie, il s'é- appris ce qui avait été fait et décrété à Rome
leva, dit-on, un tel éclat de rire et de tels mur- et à Carthage, et voyant qu'il est non-seulement
mures que les magistrats et les anciens eurent le chef mais encore la cause de la guerre il hâte
beaucoup de peine à calmer la jeunesse, tant leur le partage et la vente de ce qui reste du butin
semblait imprudente et sotte la proposition de et, sans perdre un instant, convoque les Espa-
barrer le passage à la guerre qui menaçait l'Italie, gnols de son armée « Amis, dit-il, je pense que
pour l'appeler sur eux-mêmes, et d'exposer leurs vous comprenez très-bien qu'après avoir pacifié
champs à la dévastation pour préserver ceux de toute l'Espagne, nous devons terminer nos travaux
l'étranger. Le tumulte enfin apaisé, on répondit et licencier nos armées, ou bien porter la guerre
aux ambassadeurs a que les Gaulois n'avaient reçu en d'autres contrées car la paix et la victoire en-
ni service des Romains, ni injure des Carthaginois, richiront à la fois les peuples de ce pays, si nous
pour prendre les armes ou pour Rome ou contre allons chercher ailleurs le butin et la gloire. Or,
Cartbage. Ils savaient, au contraire, que les puisqu'une guerre lointaine se présente, et qu'on
hommes de leur race étaient chassés par les Ro- ne saurait dire quand vous reverrez vos demeu-
maius de toute l'Italie, accablés de tributs et de res et tout ce qui vous est cher, si quelques-uns
persécutions. o Toutes les cites de la Gaule leur de vous veulent visiter leur famille, je leur donne
tinrent à peu près le même langage; et ils n'en- un congé; mais aux premiersjours du printemps,
tendirent pas une seule parole de paix ou d'hus- soyez tous de retour, afin qu'avec l'aide des dieux
pitalité avant d'arriver à Marseille. Là, grâce nous commencions une guerre qui nous promet
aux informations actives de ces fidèles alliés, l'on beaucoup de gloire et de butin. » Cette permis-
sut qu'Aniiibal s'était, à l'avance, emparé de l'es- sion d'aller voir leurs familles fut agréable à tous,
prit des Gaulois; mais qu'il ne pourrait pas lui- parce qu'ils en étaient déjà séparés depuis long-
même trop compter sur eux tant cette nation est temps, et qu'ils prévoyaient pour l'avenir une plus
indomptable et farouche, si l'or, dont elle est longue séparation. Le repos de tout un hiver,
très-avide, ne lui gagnait l'affection des chefs. entre les travaux passés et les travaux à venir,
Après avoir aiusi parcouru l'Espagne et la Gaule, renouvela les forces et le3 courages pour de
nos députés rentrèrent dans Rome peu de temps nouvelles fatigues. Le retour du printemps les
après le départ des consuls pour leurs provinces, ramena tous à leur poste. Annibal, après une
et trouvèrent la ville toute préoccupée de l'attente revue des troupes auxiliaires, se rend à Cadix

verbis extollentes gloriam virtutemque pupuli romani ac tationem belli erectam invenerunt, satis constante fama,
magnitudinern imperii, petisseut, ne Pœuo. beitum Ita- jam lberum Pœnos transmisisse.
liæ infèrent), per agros urbesque suas transitum dareut; XXI. Annibal, Saguuto caplo, Carlhaginem novam in
tantus cum fremitu risus dicitur ortus, ut vix a magistra- hiberna coneesserat ibique audilis quæ Romœ, quæ-
tibus majoribusque natu juventus sedaretur. Adeo stolida que Carthagine acta decretaqueforent, seque nou ducem
impudeusque postulatio visa est, censere, ne in Italiam solum, sed etiam causam esse belli, partilis divenditis-
transmutant Galli bellum, ipsos id avertere iu se, agros- que reliquiis praedae, nihil ultra differendum ratus, His-
que suos pro alienis populandos objicere. Sedato tandem pani generis milites convocat Credo ego vos inquit,
fremitu, responsum legatis est: « Neque Romanorumin socii, et ipsos cernere, pacatisomnibus Hispamæpopulis,
se meritum esse, neque Carthagmiensium injuriant, ob aut finiendam nobis militiam, exercitusque dimiltendos
quæ aut pro ltomanis, aut adversus Pends sumantarma. esse aut in alias terras trausferendumbelluni ita enim
Contra ea audire sese, gentis suæ homines agris finibus- hæ gentes non pacis solum, sed etiam victoriæ, bonis
que llalix pelli a populo romano atipendiumque pendere, florebunt, si ex aliis gentibus praedam et gloriam quære-
et cetera indigna pati.. Eadem ferme in ceteris Gallræ mus. Itaque, quum tooginqua ab domo instet militia, in-
coucliis dicta auditaque nec hospitale quicquam paca- certumque sit, quando domos vestras et quœ cirque ibi
tumve salis prius auditum, quam Massiliam venere. Jbi cara sunt, visuri sitis si quis vestrum suos inviiere vul.,
omnia, ab sociis inquisita cuin cura ac fide, cognita commeatuin do. Primo vere edicu adsitis; ut, diis bcne
préoccupatos jam ante ab Annibale Gallorum auimos juvantibus, bellum ingentis gloriæ præda que futurum
esse sed ne illi qudem ipsi satis mitent gentem fore incipiamus. » Ommbus fere visendi domos obldta ultro
( adeo ferocia atque indomita ingénia esse ), ni subiude potestas grata erat, et jam desiderantibus suos, et lon-
auro, cujusavidissima gens est, priucipum animi conci- gius in futurum providentibus desiderium. Per totum
tiontur. Ita peragratis Hispaniæ et Galliæ populis, le- tempus biemis quies inter labores, aut jam exhauslos,
gati Romam redeunt, haud ita multo post, quam consultes aut mox eibauriendos, renovavit corpora animosque ad
iu pruvincias profecti erant Civitatem omnem in exspec- omuia de integro patienda. Vere primo ad edictum cuu-
pour t'acquitter des vœux qu'il avait faits à Her- de Phéniciens et d'Africains, dix-huit cents Mau-
cule, et s'en impose de nouveaux, si la fortune lui res et Numidesdes rives de l'Océaii, et deux cents
continue ses faveurs. Ensuite, partageant ses soins cavaliers Ilergètcs, d'origine espagnole. Enfin,
entre la guerre offensive et défensive, pour que, pour que rien ne manquât à ces forces de lerre
pendant sa marche vers l'Italie, à travers l'Espa- il ajouta quatorze élépUanls. Asdruhal reçut en
gne et la Gaule, l'Afrique ne fût pas ouverte sans outre une flotte pour protéger la cote maritime,
défense aux Romains du côté de la Sicile, il résolut parce qu'il était vraisemblable que les Romains
d'y laisser une garnison formidable. Eu échange, victorieux sur mer, s'y montreraient encore. Cette
il demanda à l'Afrique un renfort de troupes lé- flotte était composée de cinquante quinquérèmes,
gères, sur lout de gens de trait, en sorte que les de deux quadrirèmes et de cinq trirèmes; mais
Africains devaient servir en Espagne, et les Espa- trente-deux quinquérèmes et les cinq trirèmes
gnols en Afrique, avecd'autant plus de zèle qu'ils étaient seules pourvues de rameurs. De Cadix l'ar-
seraient, loin de leurs foyers, otages en quelque mée revint à Carthagène dans ses quartiers d'hi-
sorte les uns des autres. Il fait donc passer en ver. Annibal, partant de cette ville, passa par
Afrique treize mille huit cent cinquante fantassins Etovisse, et conduisit son armée vers l'Èbre et
au bouclier léger, huit cent soixante-dix frondeurs les côtes. Là, on rapparie qu'il vit en songe un
baléares, et douze cents cavaliers de diverses na- jeune homme d'une forme divine, qui se disait en-
tions, avec ordre de garder une partie de ces trou- voyé par Jupiter pour le guider en Italie, et qui lui
pes dans Carthage, et de distribuer le reste dans recommanda de le suivre, sans jamais détourner
l'Afrique. En même temps ses recruteurs vont dans les yeux. Saisi de stupeur, Aunibal le suivit d'a-
les diverses cités lever quatre mille jeunes gens bord, sans regarder près de lui ni derrière. Mais,
d'élite, qu'il envoie à Carlhage pour servir à la par une curiosité trop naturelle à l'homme, il se
fois de défenseurs et d'otages. prit ensuite à chercher eu lui-même quel pouvait
XXII. Ne voulant pas non plus négliger l'Espa- être l'objet dont la vue lui était interdite, et ne put
gne, car il n'ignorait pas que les députés romains surmonter son désir. Alors il vit dertière lui un
l'avaient parcourue dans tous les sens pour tâcher serpent d'une grandeur prodigieuse s'avançant
de séduire les chefs, il la confie à l'activité de son au milieu d'un vaste amas d'arbres et d'arbrisseaux
frère Asdrubal, auquel il laisse une armée prin- brisés; puis il crut entendre un coup de tonnerre
cipalement composée d'Africaius, savoir onze suivi d'un violent orage. Ayaut demandé ce que
mille huit cent cinquante fantassins d'Afrique, signifiaient ce monstre et ce prodige, une voix lui
trois cents Liguriens et cinq cents Baléares; plus répondit que c'était la dévastation de l'Italie;
trois cents cavaliers Libyphéniciens, race mêlée mais qu'il continuât sa roule, sans faire d'autre

vencre. Anmbal quum recensuisset omnium auiilia gen- guribus trrccntis, Balianbtis quingeulis. Ad haec pediliau
tium, Cades profectus lierculi vota eysolvit novisque se auxilia additi équités Lihyphœmces (miltum puoicl1lu
obligatvotis, aicetera prospéra evenissent. Inde partiens Afrisgenus) trecenti, et riuinidie blauriyueaccolxOcealli
curas simul in infereudmn atque arcendum bellum, ne, ad mille octingeuti, et parva liergetum maous ex His-
dum ipse terrestri per Hispauiam Galliasqueilinere lta- Pmia. ducenli cyuites et, ne quod terrestris deesset all-
liam peteret, nuda apertaque Romanis Africa ab Sinisa xiiii grenus, elephanti quattioi-deciiii.Classis præterea data
esset, valido præsidio firmare eam staluit. Pru co sup- ad tueudaiu tuaritimam oram (quia, qua parte belli vi-
plementum ipse ex Africa, maxime laculatorum, levium ceraut, eu tum quoque rem gesturos KomaoM credi
armis, petit ut Afri in Hispauia, in Africa Hispaui, poterat), ymnquagiuta quinquérèmes, quadriremesdua',
melior procul ab domo futurus uterque miles, velut mu- triretnetquiuque sed aplæ mstructaique remigio trtginta
tuis pignoribus obligati, stipendia facerent. Tredecrm et dum quinqueremes étant, et trirèmes quiuque. Ab ba-
millia oclingeulos quiuquaginta pedites cæatratos misit in dibus Carlhaginein ad Itiberna exercitus rediit atque
Africain, et funditores baliares octingentos sepluaginta; inde, prufectus projeter Etovlobam urbem, ad Iberum ma-
rqmtet mixtos ex tniiliis genhbus mille ducentus. lias co- ritiinjmqut: oram ducit. lbi, fama eet, in quiète visum
pias partim Carthagini prasdio esse, partim distribui per ab eo juvenem divina specie, yui te ab Jove diceret du-
Africain jubet. Simul conquisitoribus in civitates mrasis, cem in Itatiam Aunibali missum: pruinde sequeretur,
quatuor millia conseripta délectas Juventutis, praesidium neque mquauj a se dellecteret oculos. Pavidum prima.
eo,dem et obsides, duci Cartbaginem jubet. nusquam circumspicieotem aut respicientem secutum
EXIL. Nuque Hispaniam negligendam ratus (atque deinde, cura bumani ingenii, qnum, quidoaw id esse, quo
ideo baud minus, quod baud iguarus erat circumitam respicere vetitus esset, agitaret animo temperare oculus
ab Romanis eam legatis ad sollicitandos priocipum ani- nequivisse; tum vidisse, post eese serpentem mira ma
mos), Asdrubalr fratri, viroimpigro,eam prnviociamdes- gmtudine cum iugeuti arborum ac virgulloruiii strage
linat, firmatque eum africis maxime præsidiis, pedum ferri, ac post iasequi cum fragore cœli nimbum tum,
alrorum uudecim millibus oclingeutis quinquagiuta Li- qaœ moles ea, quidve prudigii esset, quæreenem au-
question et qn'il respectât le secret des destins. sait aussi que les Espagnols d'au-delà des Pyré.
XXIII. Plein de joie de cette vision, il passa nées avaient été soumis par la force, et qu'on
l'Lbre sur trois points, ayant eu soin d'envoyeren leur avait imposé de fortes garnisons, quelques
avant des gens chargés de gagner par des présents peuplades, soulevées par la crainte de la servi-
les Gaulois dont il devait traverser les terres, et tude, prennent les armes et se rassemblent à
de reconnaître ensuite les passages des Alpes. Ruscinon. A cette nouvclle, Annibal, redoutant
Quatre-vingt-dix mille fantassins et douze mille plus la perte de temps que la guerre, fit dire
cavaliers passèrent l'Ebre sous ses ordres. Puis il aux chefs de ceq Gaulois « qu'il désirait avoir un
soumit les Ilergèles, les Bargusiens, les Ausétans entretien avec eux, qu'ils s'approchassent d'llli-
et la Lacétanie, située au pied des Pyrénées, et béris ou qu'il s'avancerait tui-meme jusqu'à Rus-
remit tout ce pays à la garde d'Hannon, afin d'ê- cinon, afin que la proximité rendîtl'entrevue plus
tre maître des gorges qui joignent les Espagnes facile qu'il serait heureux de les recevoir dans
aux Gaules. Du reste, Hannon reçut dix mille son camp, de mime qu'il se rendrait auprèsd'eux
hommes de pied et mille chevaux pour conserver sans hésitation; qu'il venait comme l'hôle et non
celte conquête. Lorsqu'on fut entré dans les défi- comme l'ennemi de la Gaule; et qu'il ne tirerait
lés des Pyrénées, et que le bruit d'une guerre avec point l'épée, si les Gaulois ne l'y forçaient, avant
les Romains eut pris plus de consistance parmi les d'arriver en Italie. n Ces propositions se firent par
Barbares, trois mille fantassins carpétaus rebrous- message mais lorsque les chefs barbares eurent
sèrent chemin, beaucoup moins effrayés de la rapproché leur camp d'illibéiis, et qu'ils furent
guerre, que de la longueur de la route et de la venus de bon gré dans cclui du Carthaginois, sé-
barrière infianchissable des Alpes. Annihal, n'o- duits par ses présents, ils laissèrent son armée
sant ni les rappeler m les retenir par force, de traverser tranquillement leur pays, en passant à
peur d'irriter tous ces esprits farouches, renvoya côté de Ruscinon.
dans leurs foyers plus de sept mille hommes, XXV. Cependant l'Italie n'avait encore d'autre
chez lesquels il avait reconnu de la répuguance nouvelle que celle du passage de l'Èbre, apportée
pour cette guerre, feignant aussi d'avoir libre- à Rome par les députés de Alarseille, et déjà,
ment congédié les Carpétans. comme si Annibal eût franchi les Alpes, les Boïens
XXIV. Ensuite, de peur que les retards et l'oi- se soulevaient en entraînait les Insubriens, non
siveté n'amollissentlecourage des soldats, il fran- pas tant à causc de leur vieille inimitié contre les
chit les Pyrénées avec le reste de ses troupes, et Romains, que parce qu'ils voyaient avec peine les
va camper auprès d'lllibéris. Les Gaulois avaient colonies de Plaisance et de Crémone récemment
bien entendu dire que la guerre ne menaçait établies sur les bords du Pô, dans le territoire
que l'Italie toutefois, comme la renommée di- gaulois. Prenant donc tout à coup les armes, ils

disse Vastitatem Italiw esse pergeret porro ire nec inferri audebant lumen, quia vi subactos trans Pyre-
ultra inquireret, siueretque fata in occulto esse.» ua?um llispanos fama erat, præsidiaque valida imposita,
XXIII. Iloc visu lætus triparlito lberum copias traje- metu servitutis ad arma cousternati, Ruscitionemaliquot
cit, præmissis, qui Gallorum animos, qua traducendus populi conveniunt. Quod ubi Anuib.ili nuntiatum est,
exercitus crat, donis conciliarent, Alpiumque transilus moram magis quam bellum metueus, oratores ad re-
specularentur. l\onaginta millia peditum, duodecim mil- gulos eorum misit, culloqm semeLipsum velle cum his;
ha equitmu Iberum lraduait. Ilergetes inde Bargusios- et vel illi propius Illiberi accédèrent, vel se Ruscinonem
'lue, et Ausetanos et Lacetauiam quæ subjecta Pyre- processurum ut ex propinquo congressus facilior esset
næis moutibus est, subegit oræque huic omni praefecit nam et accepturum eos in castra sua se lætum, nec cou-
Hanaonem ut fauces, quæ Hispanias Galliis jungunt, in ctanter se ipsum ad eos veuturum. Hospitem euim se
polestate essent. Decem millia peditum Hanaoni ad prae- Galliæ non hostem advellisle nec étricturum ante gla-
scdium oblioendæ regionis data, et mille equites. Post- dium, si per Gallos liceat, quam in Italiam venisset Et
quam per Pyrenauro saitum traduci eiercitus est co'ptus; per nuniios quidein hœe, Ut vero reguli Gallorum, cas-
ramorque per barbaros manavit certior de bello romano; tris ad Illiberim extempto molis, haud gravatead Pœnum
tria millia iude carpetanorum peditum iter averterunt. venernut; capti doniscum bona pace exercitum per fines
Constabat, non tam bello motos, quam longinquilate viæ suos praeter Ruscinonem oppidum transmiserunt.
msuperabiliyue Alpium transitu. Annibal, quia revocare XXV. In Italiam intérim nihil ulira, quam Iberum
aut vi retinere eos anceps erat, ne ceterorumetiam fero- transisse Annibalem, a Massilteusiumlegatis Romam per-
ces animi irrdarentur supra septem mittia hominum do- latum erat; quum permde, ac si Alpes jam transisset,
mos remisit, quos et ipsos gravari militia senserat, Car- Boii, sollicitatis Insubribus, defecerunt; uec tam ob ve-
petanos quoque ab se dimissossimulans. teres in polulum romauum iras quam quod nuper circa
XXIV. Inde, ne mora atque ottum animos sollicitarent, Padum Placentiam Cremonainque colomaa in agrum
cum reliqms copiis Pyrena:um transgreditur, et ad oppi- gallicum deductas ægre patiebautur. Itaque, armis re-
dum l'lhberi castra locat. Galli quanquam Italiæ bellum pente arreptis, in eum ipsum agrum impetu facto, tan-
tirent une irruption sur ces colonies, et y causè- ment la plaine découverte après avoir perdu beau-
sent tant de terreur et do désordre que non-seule- coup de monde. Là, il établit un camp retranché,
meut la multitude dispersée dans la campagne, et comme les Gaulois ne songèrent point à l'alla-
mais les triumvirs eux-mémcs, venus pour le par- quer, nos soldats reprirent courage, quoiqu'ils
tage des terres, ne se croyant pas eu sûreté daus n'ignorassent pas que six cents des leurs avaient
l'laisance, se réfugièrent à Mutine, Ces triumvirs succombé. Bientôt on se remit en route. Tant que
étaient C. Lutatius, C. Servilius, T. Annius. Pour l'armée marcha par des lieux découverts,l'ennemi
Lutatius du moins il n'y a pas de doute; mais au ne se monlra pas mais lorsqu'elle fut entrée de
lieu de C. Servilius et de T. Annius, quelques an- nouveau dans les bois, il attaqua l'arrière-garde,
nales nomment Q. Aoilius etC. liérenmus; d'autres jeta dans tous les rangs l'épouvanle et le trouble,
P. Cornélius Asina et C. Papirius Maso. Il est éga- nous tua huit cents hommes, et nous enlevasix en-
lemenl incertain si le droit des gens fut violé dans seignes. Enfin, les Gantois cessèrent de nous harce-
la personne des députés envoyés en réclamalion ler, et nos soldats de craindre,lorsqu'on fut sorti de
auprès des Boïcus, ou si l'insulte eut lieu contre cette gorge non frayée et remplie d'obstacles. Une
les triumvirs préposés au partage des terres. Les fois dans les lieux découverts, les Romains, mar-
Boïens avaient investi Alutine; mais comme ces clrant en sûreté, gagnèrent Tanétum, bourg voi-
Barbarcs, ignorants dans l'art des siéges, et trop sin du Pô. Là, provisoirementretranchés grâce
paresseux pour les travaux militaires, restaient aux vivres qu'apportait le fleuve et aux secours
oisifs sous les mursde la ville, sans chercher à les des Gaulois Brixians, ils se tenaient à l'abri con-
entamer, ils feignirent de vouloir traiter de la tre la multitude toujours croissante des enne-
paix, et les députés, invites à une entrevue par mis.
les chefs gaulois, furent saisis non-seulement con- XXVI. Lorsque ce tumulte soudain fut annoncé
tre le droit des gens, mais encore au mépris du à Rome, et que les sénateurs apprirent que la
sauf-conduit qu'ils avaient reçu pour la circon- guerre punique était aEgravée par une guerre
sauce. Les Gaulois déclarèreut même qu'ils ne les gauloise, ils envoyèrent le préteur C. Atilius avec
remettraient pas en liberté, si on ne leur rendait une légion romaine et cinq mille alliés, récem-
leurs otages. Dès qu'on eut appris le sort des dé- ment levés par le consul, au secours de son col-
pulés et le danger qui menaçait Mucine et sa gar- Ièguc Manlius. Atilius parvint à Tanétum sans
nison le préteur L. Manlius, enflammé de colere, combattre car la crainte avait déjà chassé l'en-
marcha vers cette ville avec quelqucs troupes en nemi. P. Cornélius, axant levé une nouvelle lé-
désordre. La route était bordée de forèts, et pres- gion pour remplacer celle qu'avait emmenée 1
que tout le piys iocultc Or, Manlius s'y étant en- préteur, partit de Home avec soixante vaisseaux
gagé sans le faire reconnaître, tomba dans une lunos, longea les cônes d'Étrurie, de Ligurie, les
enbuscade, et ne put gagner que très-difficile- montagnes des Salies, aborda à Alarscille et

tum terroris ac tumultus fecerunt, ut non agreslis modo castra communita; et, quia Gallis ad tentanda ea delmt
multimdo, sed ipsi trmmmri romani, qui ad agrum ve- spes, refecli sunt mililum animi, quanquam sexcentos
Heraul assiguandum, diffisi Placeutiæmmnibus, Mutinant cecidisse satis constabat. lter deinde de integro cœptum;
confugerint, C. Lutatius, C. Servilius, T. Aunius. Luta- nec, dum per patentia loca ducebatur agmen apparuu
lii nomen haud dubium est pro C. Servilio et T. Annio hostis ubi rursus silvæ intratae tum postremos adurO,
Q. Acilium et C. liereniiium habent quidam Punales cum magna trepidatioue ac pavore omnium octingentos
alii P. Cornetunu Asinam et C. Papirium Masonem. Id milites occiderunt, sel signaademere.Fmis et Gallister-
qusque dubium est, tegad, ad expostulandum missi ad ritaudi et pavendi Romauis fuit, ut e saltu invio atque
Botos, aolati sint an in triumviros agrum metantes ini- impedito evasere. Inde apertis locis facile tntantes ag-
petus sit factus. Mutinas quum obsiderentur, et gens, ad ineu, Romani Tanetum, vicum propinquuin l'ado, c
olb ugnandai-uin urbium artes rudis pigrrnma eademad tendere ibi se munimento ad tempus commeatibusque
militaria opera, segnis intactis assideret mûris, simulari fluminiset Brixianorum Gallorum auxdio, adversus crcs-
Ctoptum de pace agi evocatique ab Gallorum principi- centem in dies multitudinem hustium, tutabautur.
ttus legah ad colloquium, non contra jus modo gentium XXVI. Qui tumultus repem postquam est Romam per-
sed violata etiam, queedatain id tempus erat, fide, com- latus, et punicum insuper gallicu bello auctum Patries ac-
prebeiiduntur; negaiitibus Gallis, nisi obsides sibi redde- ceperunt C. Atilium pratturem cum una Icgmre mmaua
rentur, eos dimissurus. Quum hume de legatis nuntiata es- et quinque millbus sociorum, delectu novo a constile
sent, et Mutina prmsidiuiiitluein periculo esset, L. Man- conscriptis, auxilium ferre hlaulio lutent yni sine ullo
lius prætor, ira accensus, effusum agmen ad Mutinam certamine (abscesserant enim metu hostes) Tanelum per-
ducit. Silvre tune circa viam eraut, plensque incultis. lbi, veuit. Et P. Cornelius, in locum ejus, quæ missa cum
inexploralo profectus in insidias praecipitaius, niultaque praetore fuerat, transcripta legione nova, profectus ab
cum cède suorum ægre in aperlos campos emersit. Ibi urbe sciagiota longis navibus, præter oram Elruriæ La-
campa près de la bauche du Rhône la plus voi- firent à la hâte de petits canots informes, pour
sine car ce fleuve se jette dans la mer par plu- transporter eux et leurs effets ne songeant qu'àà
sieurs embouchures. A peine croyait-il qu'Anni- les rendre propres à flotter sur l'eau et à porter
bal eût franchi les Pyrénées. Comme il le vit se des bagages.
préparer déjà à passer le Rhône, ne sachant où XXVII. Déjà tout était prêt pour le passade
marcher à sa rencontre, et ses troupes n'étant pas mais on voyait avec effroi tout le rivage opposé
encore assez remises des fatigues de la traversée, couvert de chevaux et d'hommes. Pour les en dé-
il envoie trois cents cavaliers d'élite, avec des loger, Annibal ordonne à Hannon, fils de Bomil-
guides marseillais et des auxiliaires gaulois pour car, de partir, à la première veillée de la nuit,
tout observer et pour reconnaître les ennemis sans avec une partie de ses troupes, surtout des Espa-
s'exposer. Annibal, après avoir lié les autres peu- gnols de remonter le fleuve l'espace d'un jour de
ples par la crainte ou les présents, était déjà par- chemin, puis de le traverser le plus tôt et le plus
venu sur le territoire de la puissante nation des secrètement possible, et de fdire faire un grand
Volques, qui occupe les deux rives du Rhône. détour à son armée, afin d'attaquer l'ennemi par
Les Volques n'espérant pas pouvoir défendre la derrière au moment opportun. Des Gaulois des-
rive citérieure contre les Carthaginois, pour se tinés à lui servir de guides l'instruisent qu'à en-
faire un rempart du fleuve, se transportèrent viron vingt-cinq mille plus haut le Rhône embras-
presque tous au delà du Rhône, et couvrirent de sait une petite île, et qu'étant plus large, à l'en-
leurs armes la rive ultérieure. Quant aux autres droit où il se divisait, et partant moins profond,
riverains et à ceux des Volques qui n'avaient pas il offrait là un passage facile. Arrivés en ce lieu,
quitté leurs demeures, Annibal les engagea par les soldats d'Hannon se hâtent de couper du bois
ses dons à lui procurer et à lui construire des et de fabriquer des radeaux pour transporter les
barques de tous côtés, d'autant mieux que ces chevaux, les hommes et le baguage. Les Espagnols,
peuples étaient impatients de voir l'armée cartha- sans prendre aucune peine, jetèrent leurs vête-
ginoise rendue sur l'autre bord, et leur pays dé- ments sur des outres, et traversèrent le fleuve,
livré de cette multitude qui le ruinait. On eut couchés sur leurs boucliers. Le reste de l'armée
bientôt réuni une grande quantité de bateaux et ayant passé sur des radeaux liés ensemble, campa
de nacelles construits simplement pour la com- sur les bords du fleuve et, comme on était faigué
municatiun des deux rives. En outre, les Gaulois de la marche nocturne et du travail, on prit un
se mirent les premiers à façonner de nouvelles jour de repos, le général étant attentif à remplir
barques, en creusant des troncs d'arbre; et bien- à propos sa mission. Le lendemain, Hannon se re-
tôt les soldats eux-mêmes invités à la fois par l'a- mit en route, et fit connaître par ses feux allumés
bondance des matériaux et la facilité du travail, qu'il avait passé le Rhône, et qu'il n'était pas

gurumque, et inde S dyum montes, pervenit Massiliam ( nihil dummodo ionare aquæ et capere onera possent
et ad proximum ostium Rhodani ( pluribus enim divisus crantes quibus se suaque transveherent, raptim facie-
amnis in mare decurrit) castra locat vixdum satis cre- bjnt.
dens, Anoibalem superasse Pyrenaeos montes. Quem ut XXVII. Jamque omnibus saliscomparatis ad tralicien-
dit Rhodani quoque transitu agitare animadvertit, incer- dum, Lerrehant ex adverso Lostes, omnem ripam equis
tus, quonam ei loco occurreret, noedum satis refectisab virisrlue obtinentes. Qnos ut averteret, Hanuonem Bu-
jactatione maritima militibus, trecentos intérim delectos ntilcaris filium viéilia prima noctis, cum parte copiarum
equitct, ducibus Massiliensibus et auailiaribus Gallis ad maxime lispanis adverso flumioe ire iter uuius dici ju-
exploranda omnia visendosque ex tuto hostes prxmitit. bet et, ubi primum possit quam occultissime trajecte
Aunihal, ceteris metu aut pretio pacatis, jam in Volca- amui, circumducere agmen, ut, quum opus facto sit,
rum pervenerat agrum gentis validas. Colunt autem adoriatur ab tergo bostem. Ad id dati duces Galli edocent,
circa utramque ripam Khodjui sed difOsi citerioreagro inde milha quioque et viginti fei me supra parvae insulæ
arceri Pœnum posse, ut flumen pro munimento hahe- cirrumfusumamnem, latiorem, ubi dividebatur, eoque
rent, omnibus ferme suis trans Rhorlauum tralectis, ul- minus alto alveo, transitum osteudere. Ibi raptim cæsa
terioremripam amuis armis ohtiuehant, Ceteros accolas materia ratesque fabricalæ in quibiis equi virique et alia
fluminis Annibal, et forum ipsorum, quos sedes suæ te- ouera trajicerentur. Hispani sine ulla mole in utres ves-
oueraut, simul pellicit donis ad naves undique contra- timentis conjectis ipsi extris suppositis incubantpt, flu-
heudas fabricandasque simul et ipsi trajici exereitum men trauavere. Et alms eaercitus ratihus junclis trajec-
levarique quam primum regionem suam tanta urgente tus, castris prope tlumen positis nocturne itinere talque
hoininum turba cupiebant. Itaque ingens coacta vis'na- operis laloro fessus, quietc unius diei reficilur. inlento
mum est lintriumqne temere ad vicinalem usum parata- duce ad cunsiliunt opportune exsequendum. Postero die,
rum novasque alias primum Galli inchoantes cavabaut profecti et loco, prodito fumo sigmficnat, se transisse,
ex singutis arooriblls de,nde et ipsi milites, simul copia et haud proculabesse.QuoJ ubi accepit Anmbal, ne tem-
materiæ, simul fac litale operis inducli, alveos informes por i deesset, dat signum ad trajiciendum. Jam parates
loin. Sur cet avis, Auuibal, pour ne pas perdre Annibal fit passer tranquillement le reste de
l'occasion, donne le signal du passage. Déjà l'in- troupes, méprisant déjà les tumulles gaulois,ses
et
fanterie avait ses canots prêts et dispusés les ca- établit aussitôt son camp. Quant
aux moyens de
valiers, dont presque tous les chevaux suivaient à passer les éléphants, je pense qu'on ouvrit divers
la nage, étaient sur les gros bateaux, qui s'avan- avis du moins les récils varient beaucoup
sur
çant en file au dessus des autres, pour rompre ce fait. Selon quelques-uns, les éléphants étant
la violence du courant, rendaient la traversée rassemblés sur la rive, le plus furieux d'entro
plus facile aux canots qui passaient plus bas. La eux, irrité par son conducteur, le poursuivit dans
plus grande partie des chevaux nageaientconduits l'eau, où il se sauvait à la naee, et entraina ainsi
par la bride du haut de la poupe à l'exception toute la troupe or, aussitôt que chacun de ces
de ceux qu'on avait embarqués sellés et bridés, animaux, qui redoutent tant l'eau profonde,
afin que le cavalier pût s'en servir en prenant avait perdu pied, il était emporté vers l'autre
terre. rive par le courant même. Il est plus probable
XXVIII. Les Gaulois accourent sur la rive avec qu'ils furent transportés sur des radeaux; et
des hurlements divers et leur chant de guerre, comme c'était le moyen le plus sûr avant l'expé-
secouant leurs boucliers sur leurs têtes, et bran- rience, il est aussi le plus croyable après l'événe-
dissant leurs javelols de la main droite. Cepen- ment. Un radeau, long de deux cents pieds et large
dant ils étaient effrayés par le grand nombre des de cinquante, fut jeté sur le fleuve pour que
bateaux ennemis, par le bruit horrible du fleuve, le courant ne l'emportât pas on l'attacha avec
et les cris confus des matelots et des soldats qui de fortes amarres à la partie supérieure de la
s'efforçaient de vaincre l'impétuosité du courant, rive et on le couvrit de terre, de manière à si-
ou qui, de l'autre rive, animaient leurs compa- muler un pont, sur lequel ces animaux pussent
gnons occupés à passer. Déjà fort épouvantés du s'avancer hardiment comme sur le sol. Un autre
mouvement qu'ils voyaient en face, ils eutendi- radeau de la même largeur, mais seulement long
rent tout à coup derrière eux un cri plus terrible: de cent pieds, fait pour la traversée, fut joint au
Hannon venait de prendre leur camp. Bientôt il premier. Et lorsque les éléphanls, marchant sur
pal ut lui-même, et ils se trouvèrent assiégés par le radeau solide, comme sur un route, à la suite de
une double terreur, entre cette multitude de sol- leurs femelles, eurent passé sur le plus petit, aus-
dates qui descendaientdes bateaux, et cette attaque sitôt les liens qui le retenaient légèrement étant
imprévue qui les pressait par derrière. Repoussés rompus, il fut remorqué vers l'autre rive par
des deux côtés, après quelques efforts de rési- quelques bâtiments légers. Les premiers ainsi dé-
stance, ils se précipitent là où il leur semble plus barqués, les autres furent successivementcharge
facile de se frayer un passage, et, pleins d'ef- et transportés. lis ne témoignaient aucune inquié-
froi, se dispersent çà et là dans leurs bourgades. tude tant qu'ils allaient comme sur un pont so-

aptatasque habehat pedes lintres équités fere propter phantorum trojiciendorum varia l'onsilia fuisse credo
equos nantes navium agmen, ad excipiendum adversi im- certe varinta memoria actæ rei. Quidam, congregalis aJ
petum fluminis,parte superiore transmittens, tranquilli- ripam elephautis, tradunt, ferocissimum ex iis irritatum
tatem infra trapcienlibus liotribus praebebat. Equorum ab rectore suo, quum refugieotem in aquam nantem se-
p.irs magna naines loris a puppibus trabebantur, prxter queretur, traiisse gregem ut quemque timentem altitu-
eos, quos instratos fienatosque, ut extemplo egresso in dinem destituerat vadum iinpetu ipso fluminis in alteram
tipam equiti usui essent, impusueraut in uaves. ripam rapiente. Ceterum magis constat, ratibus trajec-
XXVI II. Galli occursant in ripam cum variis ululati- tos id ut tutius consilium ante rem foret, ita acta re,
bus cantuque moris sui, quatientes scuta super capita, ad fidem pronius est. Ratem unam, ducentos logam pe-
vibrantesque dextris tela quanquam et ex adverso terre- des, quinquagiuta latam, a terra in amnem porrexerunt;
bat lanta vis navium cum ingenti sono fluminis et cla- quam, ne secunda aqua deferretur, pluribus validis ren-
inore vario nautaruin et militum, qui nitebanturperrum- uaculis parte superiore ripæ rehgatam, pontis in modum
pcrc impetum fluminis, et qui ex altera ripa trajicientes bumo injecta constraverunt; ut belluae audacter velut per
suos hortabantur. Jam satis paveutes adverso trmultu solum ingrederentur. Altera ratis, a que lata, longa pe-
terribilior ab tergo adortus clamor, castris ah Ilanuone des centum, ad trajiciendum flumen apta, huic ropulata
captis. Mox et ipse aderat, ancepsque terror cireumsia- est etquum elephanti, per stabilem ratcm, tanquam
bat, et e navibus tanta vi armatorum in terram evadente, viam, prægredientibusfeminis, acli, in minorem appli-
et ab tergo improvisa premente acie. Galli, postquam catam transgressi eunt; extemploresolutis, qnibus Ieviter
ultro vim facere conati, pellehantur, qua patere visuin annexa erat, vinculis ab actuariis aliquot navibus ad al-
maxime iter perrumpunt, trepidique in vicos passim tcram ripam pertrahitur ila primis expesitis, ahi demde
snos diffugiiiiit. Annibal, céleris copiis per otium trajec- repe iti ac trajecti sunt. hihil sane trepidabant, donec
tis, spernem jam gallicus tumultus, castra lecat. Ele- continenti velut ponte agerentur. Primus erat pavor,
lide. Leur frayeur commençait lorsque, le der- prises dc l'ennemi: Annibal etait incertain s'il
mer radeau se détachant, ils se voyaient em- poursuivrait sa route vers l'Italie, ou s'il combat-
portés au milieu des flots; alors, comme ils se trait cette armée romaine qui se présentait la pre-
pressaient les uns contre les autres, ceux qui mière. Il fut détourne de cette dernière idée
étaient aux extrémités cherchant à s'éloigner de par l'arrivée des députés boïens et du chef Ma-
l'eau, il y avait un peu de trouble, jusqu'à ce galus, qui, promettant de guider sa marche et de
qu'ils fussent contenus par la crainte que leur in- partager ses périls, lui conseillèrent de ne com-
spirail la vue de l'eau. Quelques-uns à force de mencer la guerre qu'en Italie avec ses forces encore
s'agiter, tombèrent dans le fleuve; mais soutenus entières. L'armée carthaginoise redoutait l'en-
par leur propre poids, après avoir renversé leurs nemi, à cause des souvenirs encore vivants de la
conducteurs, ils trouvèrent pied insensiblement et dernière guerre; mais la longueur du chemm et
gagnèrent la terre. surtout les Alpes, que la renommée peignait à sou
XXIX. pendaut le passage des éléphants, Anni- inexpérience sous les couleurs les plus horribles,
bal avait détaché cinq cents cavaliers numides vei s l'effrayait encore plus.
le camp des Romains, pour reconnaître leur posi- XXX. Dès qu'Aunibal eut pris la détermination
tion, leurs forces et leurs projets. Ce corps de ca- de continuer sa route et d'entrer en ltalie, il tint
valerie rencontra les Irois cenls cavaliers romains, une assemblée générale et remua diversement
partis, cumme on l'a vu, de l'embouchure du l'eshrit des soldais par les reproches et les exhor-
Rhône, et ils engagèrent un combat bien plus ter- tations. « Il s'étonnait que dos cœurs toujours in-
rible que ne le comportait le nombre des combat- tiépides fussent saisis d'une terreur subite. Depuis
tants car, sans compter de nombreux blessés, le tant d'années, la guerre n'a été pour eux qu'une
carnage fut à peu près égal de part et d'autre. La suite de victoires; ils n'ont quitté l'Espagne qu'a-
peur et la fuite des Numides donnèrent la victoire près avoir soumis à Carthage toutes ces nations,
aux Rotuains déjà très-fatigués les vainqueurs toutes ces terres qu'embrassent deux mers oppo-
perdirent environ cent soixante hommes, Romains sées. Ensuite indignés de ce que les vainqueurs
ou Gaulois, et les vaincus plus de deux cents. Ce de Sagonte étaient réclamés par les Romains
combat, début et présage de la guerre, annonçait comme autant de coupables, ils avaient passé
aux Romains que l'issue de la lutte leur serait fa- l'Eure pour anéantir le nom romain, et pour de.
vorable, mais aussi que la victoire serait sanglante, livrer l'univers. Alors, la route n'avait paru lon-
vement et longtemps disputée. Lorsqu'après cette gue à personne, lorsqu'on partait de l'occident
alfaire les deux partis eurent rejoint leur chef, pour aller à l'orient; et maintenant yu'ils ont fait
Scipion ne pouvait avoir d'autre pensée que celle la plus grande partie du chemin, qu'ils ont fran-
de régler sa conduite sur les desseins et les eutre- chi les Pyrénées à travers tant de nations féroces,

quum, soluta ab ceteris rate, in altum raperentur ibi, intenderet iler, an cum co, qui primus se obtulisset ro-
turgenles iu,ter se cedentibus extremis ab aqua trepida- manus exercitus, manus romereret, avertit a præsent
tionis ahquantum edebant; douée quretem ipse umor cir- certamine Roiorum leg torum regulique Magali achen-
cumspectautibus aquam frc sset. Excrdere etiam savien- tus qui se du es it ncrum socios periculi fore, af ir-
les quidam in flumen: sed, pondere ipso stabiles, dejec- mantes, integro bello musquam ante hbatis virbus,
lis rectoribus, quærendis pedeteutim vadis, iu terram Italiam ggrediendamcensent. Multitudotimebat quidem
evasere. hostem, nondum obhteraia memoria superioris belli:
XXIX. Dum elephanti trajiciuntur, interim Annibal sed magis iter immeiisuin Alpesque, rem fama utique in-
Numidas equites quingenios ad castra romana miserat expertis horreudam, metnebat.
speculatum, ubi, et quantæ copiæ essent, et quid para- XXX. Itaque Annibal, postquam ipsi sententia stetit
rent. Huic alæ eqmtum missi. utante diclumest, abostio pergere ire, atque Italiam petere, advocata concione,
Rhodani trecenli Romaoorum équités occurrunt. Prælium varie militum versat animos castigando adhorlandoque.
atrocus, quam pra numero pugoantium, editur. I\ain Nlirari se, qninam peclora semper impa% ida repens
prater multa vulnera cædes etiam prope par utrimque terror invaserit. Per totannos vincentes eos stipendia fa-
fuit fugaque et pavor Nmmidarum llomanis, jam admo- cere neqne ante Hispania excessisse quam omnes gen-
dum fessis, victoram dedit. Victores ad centum sexa- tesque et terræ eæ, quas duo diversa maria amplectm-
ginta, nec omnes Romani, sed pars Gallorum victi tur, Carthaginiensium estent. Iudiguatos deinde, quod,
amplius décent) ceciderunt. Hoc princiipiumsimul omen- quicunque Saguntum obsedissent, velut ob noxam bibi
que belli. ut summæ rerum prosperum etcutum, ita dedt postularet populus romanus, Iberum trajecisse ad
haud sane incruentam anipitisque certamiuis victoriam, delendum nomen Ilomauorum liberandumque orbem
Romanis portendit. Ut, re ila gesla, ad ulrumque du- terrarum. Tum nemini visum id longum quum ab oc-
cem sui rodierunt, nec Scipioni stare sententia poterat, casu solis ad exortus mtenderent iter. Nunc, postquam
nisi ut ex cons liis cœplisque hostis et ipse couatus ca- mullo majorem partem mine emensam ceruaul, Pyre-
peret et Ann balem mcertum. un um cœptum in Ilalam uaum saltum iuter foloc ssnnas gentes superatuiu, Rho-
passé le Rhône, ce grand fleuve, malgré tant de s'étend entre le Tibre et les murs de Rome.
millicrs dr Gaulois et l'impétuosité du fleuve lui- XXXI. Après les avoir ranimés par ses exhor-
même; lorsqu'ils ont devant eux les Alpes dont talions, il leur ordonne de prendre de la nourri-
le versant opposé appartient à l'llalie, au\ por- ture et du repos, et de se préparerà partir. Le len-
tes mêmes de l'ennemi, ils s'arrêtent fatiguésl dcmain, remontant la rive du Rhône, il gagne le
Croy aien t-ils douc quc tes Alpes étaient autre chose milieu des terres, non que ce fût le chemin le plus
que de hautes montagnes? Qu'ils les supposent direct vers les Alpes, mais parce qu'il pensait que
plus haute que les Py rénées uulle terre ne tou- plus il s'éloiriuerait de la mer, moins il serait ex-
che le ciel et n'est inaccessible aux hommes. Les posé à rencontrer les Romains qu'il n'avait pas
Alpes sont habitées et cultivées; elles produi- l'intention de combattre a\ant d'être arrivé en
sent et nourrissent des êtres vivants sont- Italie. En quatre campemenls, le quatrième jour
elles praticables pour quelques hommes, mais il parvint à l'Ile. C'est là que l'Isère, et le Rhône,
impraticables pour des armées? Les députés qu'ils descendant de deux poiW dilférents des Alpes,

indigènes; mais, sortis d'une terre ils


voyaient ne les avaicnt pas franchies, portés sur
des ailes leurs ancêtres d'ailleurs n'étaient pas

étaient venus s'établir en Italie, et sowent de


nombicuses bandes trainant à leur suite des en-
réunissent leurs eaux, après avoir embrassé une
certaine étendue de pays ce qui a fait donner le
nom d'Ile à l'espace ainsi entouré d'eau. Près de
là sont les Allobroges, qui ne le cèdent à aucun
autre peuple de la Gaule en puissance et en gloire.
fants et des femmes, comme il arrive dans les mi- Ils étaient alors divisés. Deux frères se disputaient
gralions, avaient passé ces Alpes sans péril. Pour le trône l'aîné, nommé Brancus, qui l'avait oc-
un soldat armé, qui ne portait que son équipe- cupé d'abord, venait d'en être dépossédé par son
ment de guerre, que pouvait-il y avoir d'inacces- frère cadet et la jeunesse du pays, qui avaient
sible ou d'infranchissable? Pour prendre Sagonte, pour eux la force a défaut du droit. Le jugement
quels dangers, quelles fatigues n'avaient-ils pas de cette querelle venue si à propos fut déféré à
essuies pendant Imit mois? Et lorsqu'ils mar- Annibal,qui, devenu ainsi l'arbitre d'un royaume,
chaient vers Rome, capitale du monde, quel ob- en rendit à l'aîné la possession, suivant le vœu du
stacle pouvait leur paraître assez grande et assez sénat et des grands. En récumpcnse, il reçut des
redoutable pour arrêter leur entreprise? Jadis vivres et toutes sortes de provisions en abondance,
les Gaulois avaient pris cette Nille dont les Car- surtout des vêtements, dont les froids redoutables
thaginois désespéraient d'appiocher. Ils doivent des Alpes forçaient de se munir. Lorsque après
donc, ou s'avouer inférieurs en valeur et en avoir apaisé les divisions des Allobroges il se mit
fermeté à celte nation tant de fois vaincue par en marche vers les Alpes il ne prit pas le droit
eux depuis quelques jours, ou bien n'espérer chemins, mais il tourna sur la gauche, vers le
d'autre terme de leur marclie que la plaine qui pays des Tricastins; puis, suivant la lisière du

danum, tantum amnem, tot millibus Gallorum prohi- campnm interjacentem Tiheri ac mtrnibus romanis.
bentibus, domi a etiam ipsus flumin s vi. trajectum, in XXXI. Bis adburtatiunibus incitatos corpora curare,
conspcctu Alpes halcant, yuarum altcrum latus Ialie atque ad iter se parare jubet. Postero die, profectus ad-
sit; in ipsis por is hostium fatigatos subsistere, quid versa ripa Rhodaui, mediterraueaGalliæ petit, non quia
rectior ad Alpes via esset, sed, qudntuin a mari reces-
Fingerent altores Pyrenai jugis nuilas profecto terras sisset, miuus obvium fore Romanum credens, cum quo,
cœlum conugere, nec mexsuper ables humano gencri prmsquam in Italiam ventum foret, non erat in animo
c.se. Alpes quÎlJ¡>1II hauitari, ("nli, ¡.,iguere atqne aler'e manus conserere. Quartis castris ad Insulam perteuit
auimautes: pervias paucis esse, exercitbus invias? ibi Isara Rhodanusque amnes, dmersis ex Alpibus de-
tpsos, quos cernant, legatos non pennis sublimeelatos currentes, agri ahquaulum amplexi, conflunnt in unum.
Alpes transgressos: ne majores quidem eorum indige- Inde niediis campis Insulæ nomen indilum. Incolunt
nas sed advenas Italiæ cultores, has ipsas Alpes ingen- propeAllobroges,gens jam inde nulla Gallica gente opi-
tibus sæpe agminibus cum liberis ac conjugibus, migran- bus aut fama inferior tum discurs erat. licgui certamine
tium modo, tuto transnnsisse. Miti quidem armatu, nihil ambigebaut fratres. Major, et qui prius imperitarat,
secum præter instrumenta belli purtanti, quid mvium aut Brancus nomiue, minure ab fratre et cœlu juniorum,
inexsuperabile esse? Saguntum ut caperetur, quid per qui jure minus, vi plus poterat, pellebatur. Ilujus sedi-
octo menses periculi, quid laboris exhaustum esse Ro- tionis peropi ortuna disceptatio quum ad Annibalem re-
mam, orbis terrarmn caput. petentus quicquam jecta esset, arbitrr regm factus, quod ea senatus princi-
asperum atque arduum videri, quod inceptum moretur? pumque sententia fuerat, imperium majori restituit. Ob
Cepisse quondam Gallos ea, quæ adiri posse Pœnus de- id meritum commeatu copiaque rerum omnium, maxime
speret. Proinde aut cedent ammo alque virlute genti, vestis, est adlutus quam infames frigaribus Alpes præ-
p eos dres toties ab se vutæ aut itmeris finem sperent pai ari cogehant. Sedatis certammibus Allobroguiu, quun
pays des Vocontiens, il arrive chez les Trico- chasser Asdrubal de l'Espagne. Lui-même, avec un
riens, sans avoir rencontré d'obstacles, jusqu'à ce très-faihle corps, regagna Gênes, comptant défen-
qu'il fût parvenu sur les bords de la Durance. dre l'Italie avec l'armée qui était sur les bords du
Cette rivière, qui snrt aussi des Alpes, est sans Pô. Annibal alla de la Durance jusqu'aux Alpes,
comparaison la plus difficile à passer de toutes presque toujours par un pays de plaine, sans être
celles de la Gaule. En effet, quoiqu'elle ait beau- aucunement inquiété par les Gaulois de ces con-
coup d'eau, elle ne porte point bateau, parce que, trées. Là, quoique ses soldats fussent déjà préve-
n'étant point retenue par ses rives elle coule nus par la renommée, qui exagère ordinairement
dans plusieurs lits à la fois et jamais dans les les choses inconnues, quand ils virent de près
mêmes, formant toujours des gués et des gouf- la hauteur des montagnes, les neiges qui sem-
fres nouveaux, ce qui rend le passade incer- blaient se confondre avec le ciel de misérables
tain, même pour les piétons; outre qu'elle roule cabanes suspendues aux pointes des rochers, le
des roches pleines de graviers, et n'offre rien de bétail et les chevaux rabougris par le froid des
solide ni de sûr à qui veut la traverser. Grossie hommes aux longs cheveux et presque sauvages,
alors par des pluies subites, elle occasionna un les êtres animés et inanimés paralysés par la glace,
grand tumulte dans le passage, d'autant qu'in- toute celte désolation de l'hiver, plus affreuse en-
dépendamment des autres dangers, les soldats se core qu'on ne peut le décrire, renouvela la terreur
troublaient eux-mêmes par leur propre frayeur et de l'armée. Comme on commençait à gravir les
leurs cris confus. premières pentes, on aperçut les montagnards
XXXII. Environ trois jours après le départ postés sur les hauteurs. S'ils se fussent cachés
d'Annihal des bords du Rhône, le consul P. Corné- dans l'intérieur des vallées pour fondre à l'im-
lius s'était avancé en bataillon carré vers le camp proviste sur les Carthaginois, ils les auraient
des ennemis, avec le dessein de combattre sur-le- tons mis en fuite et taillés en pièces. Annibal,
champ mais, lorsqu'il vit le camp désert, et fait arrêter les étendards et envoie des Gaulois
qu'il ne lui serait pas facile d'atteindre les Cartha- en avant pour reconnaître les lieux. Apprenant
ginois qui avaient sur lui tant d'avance, il re- qu'il n'y avait pas de passage de ce côté, il
tourna vers ses vaisseaux, afin d'arrêter Annibal campe entre mille précipices dans la vallée la
plus sûrement et plus facilement à sa descentedes plus étendue qu'il peut trouver. Puis ces mêmes
Alpes. Toutefois, pour ne pas priver du secours Gaulois, qui, grâce à l'af6nité de leurs langues
des Romains l'Espagne, que le sort lui avait assi- et de leurs moeurs, avaient pu se mêler aux en-
gnée, il envoya contre Asdrubal Cn. Scipion son tretiens des montagnards, l'ayant instruit que
frère avec la majeure partie de ses troupes, non- le défilé n'était gardé que pendant le jour, et que
seulement pour protéger les anciens alliés, et la nuit chacun rentrait dans sa cabane; de grand
pour en gagner de nouveaux, mais encore pour matin il s'avance au pied des hauteurs, comme

jam Alpes peteret, non recta regione iter instituit; sed sit non ad tueudos tantummodo veteres socios concilian-
ad lævam in Tricastinos flexit; inde per extremam oram dosque uovos, sed etiam ad pellendum Hispama Asdru-.
Vocuntiorum agri tetendit in Tricorios haud usquarn balem. Ipse cum admodum exiguis copiis Geuuam repe-
impedita via priusquam ad Druentiam Oumen pervenit. tit, eo, qui circa Padum erat, exercitu Italiam delensu-
Is et ipse Alpinus amnia longe omnium Gailiæ fluminum rus. Annibal ab Druentia campestri maxime itinerc ad
diflicillimus transitu est. Nam quum aquæ vim vehat in- Alpes cum bona pace incolentium ea loca Gallorum per-
gentem, non tamen navium patiens est quia nullis coer- vemt. Tum, quanquam fama prius qua incerta in majus
citus ripis, pluribus simul, ueque üsdem alveis fluens vero ferri solent, præcepta res erat, tamen ex propin-
nova semper vada novosque gurgites ( et ob eandem pediti quo visa moutiiim allitudo, nivesque cœlo prope im-
qnoque iucerta via est), ad hæc saxo glareosa volvens, mixtæ, tecta informia imposita rupibus, pecora Jumen-
nihil stabile nec tutum ingredientipræbet; et tum, forte taque torrida frigore homines inlonsi et inculti, amma-
imbribus auctus ingentem transgrcdientibustumultum lia ioanimaque omuia rigenlia gelu, cetera visu, quam
fecit quum super cetera trepidatione ipsi sua atque in- dictu, fœdiora, terrorem renovarunt. Erigentibus in pri-
csrtis clamoribus turbarentur. mos agmen elivos apparuerunt imminentes tumulos insi-
xXXII. P. Cornelius consul, triduo fere post, quam dentes montani qui, si valles occuliiores insedissent,
Annibal ab ripa Rhodani movit, quadrato agmine ad ca- coorti in pugnam repente, ingentem fugam stragemque
stra hostinm venerat, nullam dimicandi moram facturus. dedissent. Annibal consistere signa jubet; Gallisque ad
Ceterum, ubi deserta munimenta, nec facile se tantum) visenda loca pracmissis, postquam comperit, transitum
progressas assecuturum videt, ad mare ac naves rediit, ea non esse, castra inter conlragosa omnia præruptaque,
tulius faciliusque ita descendenti ab Alpibus Annibali oc- quam extentissima putest valle, locat. Tum per eosdem
cursurus. Ne tamen nuda auxihis RomanisHispania esset, Gallos, baud sane multum iingua moribusque abhorren-
qnam provinciam sortitus erat, Cn. Scipioncm fratrem tes, quum se immiscuissent colioquiis montanorum. edo-
cum maxima parte ccpiarum adwrsus Aidrubalem nri- ctus interdm tantum obsideri sallum, nocto in sua quem-
pour forcer le passage ouvertement et en plein les ennemis, chacun faisant tous ses efforts pour
jour. Toute la journée se passa à simuler tout au- échapper le premier an péril. Les chevaux sur-
tre chose que ce qu'on projetait, et l'on se retran- tout troublaient la marche; car ils s'agitaient ef-
cha dans le lieu même où l'on s'était arrête mais, frayés par les clameors confuses que les échos des
dès qu'Annibal s'aperçut que les mnntagnards bois et des vallées rendaient encore plus terri-
avaient abandonne les hauteurs, et que les postes bles. Si par hasard ils étaient frappés ou blessés,
n'étaient plus gardés, ayant allumé, pour trom- leur épouvante était si forte qu'ils renversaient
per l'ennemi, bien plus de feux qu'il ne laissait de tous côtés les hommes et les bagages. Et
d'hommes, et laissant les bagages et les chevaux, comme le défilé était bordé par deux précipices
avec la plus grande partie de son infanterie. il escarpés, l'agitation de la foule fit tomber dans
franchit à la hâte les défilés avec une troupe légère l'abîme plusieurs hommes tont armés; mais
composée de ses plus braves soldais, et s'établit quand les chevaux eux-mêmes y roulaient avec
sur les hauteurs que les ennemis avaient occu- leurs charges, c'était avec le fracas d'un vaste
pées. éboulement. Malgré l'horreur de ce speclacle,
XXXIII. Au point du jour on leva le camp, Annibal demeura quelque temps immobile avec
et le reste de l'armée se mit en marche. Déjà son détachement, de peur d'augmenter le trouble
les montagnards, au signal donné, couraient et la confusion mais lorsqu'il vit ses troupes cou-
de leurs forts au poste accoutumé, quand tout à pées, et qu'il était à craindre que son armée,
coup ils aperçoivent une parlie des Carthaginois dépouillée de ses bagages, ne pût effectuer le pas-
au-dessus de leurs têtes, sur leur citadelle de ro- sage sans de grandes pertes, il accourut de sa
clrers, et les autres s'avançant par le chemin de hauteur, et. culbuta l'ennemi du premier choc,
la monlagne. D'abord ce double spectacle, frap- mais nou sans occasionner un nouveau désor-
pant à la fois leurs yeux et leurs esprits, les tint dre parmi les siens; toutefois ce trouble fut
un instant immobiles; mais lorsqu'ils virent l'em- apaisé dans un instant, lorsque les chemins furent
barras de l'armée dans le défilé, le désordre occa- libres par la fuite des montagnards. Alors l'ar-
sionné par son trouble même et surtout par l'épou- mée défila tranquillement et presque en silence.
vante des chevaux, persuadés que la moindre Annibal s'empara d'un fort, chef-lieu de celle
alarme ajoutée par eux suffirait pour perdre les contrée, et de toutes les bourgades environnan-
ennemis, ils s'élancent de toutes parts du haut tes il put nourrir son armée durant trois jours
des rochers, accoutumés qu'ils sont à pratiquer avec le bétail et le blé qu'il y trouva. Et comme
les lieux les plus difficiles et les plus escarpés. ni les lieux, ni les montagnards, encore frappés
Les Carthaginois étaient arrêtés tout à la fois et de leur première défaite, ne lui opposaient de
par les ennemis et par les difficultés du terrain: grands obstacles, il fit quelque chemin pendant
encore avaient-ils plus à lutter entre eux qu'avec ces trois jours.

que dilabi tecta luce prima subiit tumulos ut ex aperto cum hostibus, cerlaminis erat. Eqni maxime infeslum
atque interdin vim per angustias lacturus. Die deinde si- agmen faciebant, qui et clamoribus dissums, quos ne-
mulaudo nliud, quam quod parabatur, consumpto, quum mora etiam repercussæ tue valles augebant, terrili trepi-
eodem, quo constiterant, loco castra communissent,ubi dabant, et icti forte aut vuluerati adeo consternabantur.
primum dcgressos tumulis montanos laxatasque sensit utstragem ingentem simul hominum ac sarcinarum omnis
custodias, pluribus iguibus, quam pro numéro manen- generis facerent maltosque turba, quum précipites de.
tium, in speciem factis, impedimentisque cum equite re- ruplæque utriruque augustiæ essent. in immensum altitu-
lictis, et maxima parte peditum; ipse cum eipeditis, dinis dejecit; quosdam et armatos sed ruina* maximæ
acerrimo quoque iiro, raptim angustias evadit iisque modo jumenta cum onerihus devolvebantur. Quæ quan-
ipsis tumulis, quos hostes tenuerant, consedit. quam foeda visu erant, stetit parumper tamen Annibal;
XXXIII. Prima deinde luce castra mota et agmen re- ac suos continuit, ne tumultum actrepiditionem augeret.
liquum mcedere eœpit. Jam montani signo dato ex castel- Deinde, postquam interrumpi agmcn vidit, periculum-
lis ad statiouem solitam couveniebant; quum repente queesse, ne exulum impedimentisexercitum nequicquam
couspiciunt alios arce occupala sua, super caput immi- incolumen traduxiset, derurrit ex superiore loco; et,
nentes alios via transire ho,tes. Utraque simul objecta quum impetu ipso fudisset hostem suis quoque tunml-
res oculis animisque immobiles parumper eos defixit. tum auxit. Sed is tumultus momento temporis, postquam
Deinde, ut trepidationem in angustiis, suoque ipsum tu- liberata itinera fuga montanorum erant, sedatur nec
multu misceri agmen videre, equis maxime consternalis, per otium modo, sed propre silentio. mox omnes tradocti.
quicqud adjecissent ipsi terroris, satis ad perniciem fore Castellum inde, quod caput elus regionis erat, viculos-
rati, dmersis rupibus, juxta invia ac devia assueti, de- que eireumjectos capit et captivo cibo ac pecoribus per
curruut. Tum vero simul ab hostibus, simul ab iniqui- triduum exercitum aluit. Et quia nec montanx primo
late locorum Pœm oppugnabantur; plusque inter ipsos perclusis, nec Inco magnapere impediebantur, aliquan-
bim quoque tendente, ut pericnlo pr)us evaderet quam tnm eo triduo viæ confecit
XXXIV. Ensuite il arriva chez une autre nation dans le défilé, parce qu'elle n'était pas soutenu
fort nombreuse pour un pays de montagnes. Là, il par derrière, comme la cavalerie l'était par lui-
faillit périr non dans une guerre ouverte, mais par même, les montagnards, accourant sur le flanc
ses propres armes, par la perfidie et des embûches. de l'armée, la coupèrent, et s'emparèrent du
Les chefs qui étaient d'un grand âge vinrenten chemin; de sorte qu'Annibal passa toute une nuit
deputation auprès de lui, disant aque lemalheur séparé de sa cavalerie et de ses bagages.
des autres était pour eux une utile leçon, qu'ils XXXV. Le lendemain, les agressions des Barba-
aimaient mieux éprouver l'amitié que la force des res s'étant ralenties, les troupes se rejoignirent,
Carthaginois,qu'ils obéiraient aux ordres qui leur etle défilé fut franchi, non sans une certame perte,
seraient donnés, et qu'ils le priaient d'accepter mais en bCtes de charge plus qu'en hommes. Dans
des vivres, des guides, et des otages pour garants la suite les montagnards ne se montrèrent qu'en
de leurs promesses.» Annibal, sans les croire aveu- petit nombre, en voleurs plutôt qu'en ennemis,
glérnent et sans les repousser, de crainte qu'un tantôt à la tête, tantôt à la queue de l'armée, se-
refus n'en fit des ennemis déclarés, leur répondit lon que la commodité du terrain, les traînards,
obligeamment, accepta leurs otages, les vivres ou ceux qui allaient en avant leur en fournissaient
qu'ils avaient apportés sur la route, et suivit leurs l'occasion. Les éléphants marchaient très-lente-
guides, sans permettre à son armée de marcher ment dans les chemins étroits et escarpés, mais
en désordre, comme on fait avec des amis. Les leur présence mettait les soldats à couvert de l'en-
éléphants et les chevaux étaient à l'avaut-garde, nemi qui craignait d'approcher de trop près ces
lui-même marchait à l'arrière-garde avec l'élite animaux inconnus. Le neuvième jour on atteignit
de l'infanterie, portant de tous côtés des regards le sommet des Alpes, après avoir passé par des
inquiets et attentifs. Dès qu'on fut arrivé dans un chemins non frayés et après s'être égaré souvent,
chemin étroit, dominé d'un côté pnr une haute soit par la perfide des guides, soit par les fausses
montagne, les Barbares sortant tout à coup d'une conjectures des Carthaginois, qui, poussés quel-
embuscade, par devant, par derrière, de près, quefois par la défiance, s'engagèrent d'eux-mêmes
de loin, assaillent les Carthaginois, et font rouler dans des vallées sans issue. On s'arrêtadeux jours
sur eux d'énormes rochers. Une grande multitucle sur ces hauteurs pour laisser prendre du repns
pressait les derrières; mais l'infanterie qui leur fit aux soldats fatigués parles marches etles combats;
face montra que, si l'arrière-garde n'eût pas été et quelques bêtes de somme qui avaient roulé
bien appuyée, l'armée eût essuyé de très-grandes sur les rochers revinrent au camp en suivant les
pertes dans ces gorges. Toutefois, elle courut traces de l'aimée. Déjà las de tant de souffrances,
un extrême péril et faillit être anéantie, caF, pen- la chute de la neige, au moment du coucher des
dant qu'Anuibal hésitait à engager son infanterie pléiades, vint ajouter à leur consternation. La

XXXIY. l'erventum inde ad frequentem cultoribus nibal dcmittere agmen in angustis, quia nou ut ipse
alium, ut inter moutana, populum. lbi non bello aperto, equitibus praesidio erat ita peditibus quiequam ab tergo
sed suis artibus, fraude, deiude iusidiis est prope circum- auxilii reliquerat; occursantes per obliqua montani per-
veutus. Magno natu principes caslellorum oratores ad rupto medio agmine viam insedere noxque una Auni-
Pœnum veniunt « Alienis malis, utili exemplo, doctos, bali sine equitibus atque impedimentis acta est.
menmrantes, amicitiam malle, quam vim experiri Pœ- XXXV. Postero die, jam segnius intercursanlibusbar-
norum. Uaque obedieuter imperata facturos commea- baris, junctæ copix, saltusque haud sine clade, majore
tum itinerisque duces et ad fidem promissorum obsides tamen jumentorum, quam hominum, peruicre, supe-
acciperet.. Annibal nec temcre credendo nec asper- ratus. Inde montani pauciures jam et latrociuii mag s
nando, ne repudiati aperte hostes liereut, benigne qutnn quam belli more concursabant;mod in primum, modo
respnndisset;obsidibus,quos dabant, acceptis, et com- iu novissimum agmen, utcunque aut locus oppurtuuita-
meatu, quem in viam ipsi detulerant, usus uequaquam, tem daret, aut progressi morative al quam occasionem
ut iuter pac,dos, iucomposito agmine duces eorum se- fec sseat. Elcphauti,sicut per artas præcipites vias magna
quitur Primum agmen eh phanti et equites erant ipse mora agebantur, ita tutum abhostibus, quacuuque ince-
post cum robore peditum, circumspectans sollicitusque derent, quia insuetis adeundi propius metus erat, agmen
omnia, incedcbat. Ubi in angustiorem viam ex parte al- præhebanl, Nono die in jugum Alpium perventum est,
tera subjectam jugo insuper imminent vetitum est, un- per invia pleraque et errores quos aut ducentium fraus,
dique ex insidiis barbari a fronte, ab tergo coorti, comi- aut, ubi tildes iis non esset, temere initx valles a cooje-
nus eminus petunt saxa iugentia in agmen devolvuut ctan ibus, iter faciebaut. Bidumm in jugo stativa habila
maxima ab tergo vis hominum urgebat. la ens versa pe- fessisque labore ac pugnando quies data mililibns; lu-
ditum acies baud dubium fecit, quin, nisi firmala ex- mentaque aliquot, quæ prolapsa in rupibus erant, se
trema agminis fuissent, ingens in eo saltu accipienda quendo vesligia agmiuis in castra pervenere. Fessis tædio
clades fuerit. Tune quoque ad extremum periculi ac tot malorum nivis etiam casus occidente jam siderc er-
prope peru.ciem veatum est nan, dum cuuctatur An- garum, ingeutem terrureorm adjecit. Per omuia uive op-
terre en était déjà couverte, lorsqu'aux premiè- comme si le chemin eût fini là; et, comme Anni-
res lueurs du jour les enseignes se mirent en mou- bal demandait la cause de ce retardement
on
vement. L'armée s'avançait lentement, et l'a- lui répondit que la roche était infranchissable;
Imltement et le désespoir se peignaient sur tous il s'avança pour reconnaître les lieu,
et vit
les visages. Alors Annibal), marchant en tête, clairement qu'il fallait faire un long duour
par
ordonne à ses soldats de faire halte sur une émi- des lieux non frayés, où le pied de homme
nence d'où la vue s'étendait au loin et de là leur n'avait jamais passé. Mais cette route fut égale-
montre l'Italie et les plaines baignées par Ie Pô au ment impraticable. Comme l'ancienne neige dur-
pied des Alpes. a Ils escaladaient, clisait-il, les cie était recouverte par une nouvelle couche de
remparts de l'Italic et même de Ilome; le reste du médiocre épaisseur, le pied portait assez solide-
chemin serait uni et facile; un ou deux combat ment sur cette neige molle et peu profonde mais
tout au plus mettraient en leur pouvoir le Lou- quand elle fut fondue sous les p.is de lant d'hom-
levard et la capitale de l'Ilalie. » L'armée con- mes et de chevaux, on ne marchait plus que sur
tinua sa marche, sans que les ennemis tentas- la glace mise à découverl et sur le liquide verglas
sent autre chose que de faibles vols facilités de la neige fondante. Alors ce fut une lutte ter)i.
par l'occasion. Du reste, la descente fut bien plus l,le et contie la glace où l'on ne pouvait assu-
pénible que la montée, parce que la pente des rer ses pas, et contre la pente rapide où le
Alpes étant moins longue du côté de l'Italie, est pied manquait chaque inotant. Loissqu'ils s'e-
par cela même plus raidie le chemin presque tout laient rclevés à l'aide de leurs mains et de leurs
entier était à pic, étroit et gli,sanl, de telle façon genoux, ces appuis venant à les trahir, ils tom-
qu'il était imlmssilrlc de s'empêcher de tomber. baient de nouveau, u'y ayant nulle part ni trones
Ceux qui trébuchaient tant soit peu ne pouvaient ni racines auxquels ils pussent s'accrocher des
même rester à la place où ils tombaient; mais pieds ou des mains. ils lie pouraient que rouler
hommes et chevaux roulaient les uns sur les autres sur la glace unie et sur la neige fondue. Quel-
au fond de l'alrîme. quefois les bêtes de somme herçaient jusqu'à la
XXXVI. «n parvint 11 une roche beaucoup neige inférieure; aussitot elles glissaient, et daus
plus étroite et tellement à pic, que le soldat, leurs violents efforts pour se retenir, leur sabot
sans armes et sans bagages, tâtonnant et s'ac- brisant la glace, elles reslaiellt souvent engagées
crochant avec les mains aux broussailles et aux et comme prises au piége, dans cette neige durcie
souches qui se montraient çà et là, avait en- et pelée profondément.
core la plus grande peine à descendre. Ce lieu XXXVII. Enfin, après bien des fatigues inutiles
fort escarpé par lui-même, avait été transformé puur les hommes et les chevaux, on campa sur le
en un précipice de mille pieds de profondeur pir sommet de la montagne, défllayé à cet effet nou
un récent éboulement. La cavalerie s'y arrêta, sans beaucoup de lleine tant il fallut creuser et

pleta quum, signis prima luce m lis, segni er agmen altitudinem abruplus crat. Ihi quum, velut ad finem viæ,
incederet, pignliaque et desperatio in omnium vultu equites constitissent,miianli Annihali quæ res murare-
emineret, pragressus signa Annibal in promontorio quo- tar agmen, nuntialur, rupem irniarn esse. Digressus
dam, unde longe ac late prospectus erat, consistere jus- deinde ipse ad locum visci dum. Ilaud dubia res visa,
sis mihtibus Italiam ovtenlat, subjectosque Ipins mon- quin per iwia circa nec trita autca quamvis longo am-
tibus circumpadaos campos «mœniaque eos tom tran- bitu, eireumduceret agmen. Ea vero via insuperabilis
scendere non Italiæ modo sed eliam urbis romanæ. fud. llam quum super veterem nivem intactam nova
Cetera plana, proclivia fore: uno. aut summum altero mod ex altitudinis csset, molli nec præaltæ nivi facile pe-
prælio arcem et caput Italiæ in manu ac potestate habi- des iugrcdien ium msistebant. Ut vero tot huminum ju-
turos.. l'rocedcrc inde agmeu cœpit; jam nihil ne ho- mentorumque ince·su dilapsa est, per nudam infra gla-
stibus quidem prater parva furta per occasionem, ten- ciem fluentemque tahem liquescentis nivis ingredieban-
lanlibus. Ceterumitermulto, quam in as;ensu fuerat ( ut tur. Telra ibi luotatio erat, ut a lubrica glacie, non re-
pleraque Alpium ab Itaha sieut breviora ita arrecliora cipiente vesligum, et iu prono citms pedes fallente et,
sunt), difficilius fuit. Omnis enim ferme via præceps, seu manibus in assurgendoseu genu seadjuvissent, ipsis
allgusla, lubrca erat: ut ne jue sustinere se a lapsu pos- adminiculis prolapsi si iterum corrucreut, nec stirpes
seut; nec, qui paullulum titubassent, hærere afflicti ve- circa radicesve, ad quas pede aut manu quisquam emti
stigio suo; alique super alios, et jumeuta et homines, posset, erant; ila in levi tantum glacie t ibidaque nive
occiderent. vel itabantur. Jumenta secabant interdum etam lum infi-
XXXVI. Ventum deinde ad muttoan angustiorem rupem, mam ingredieutia nivem, et prolapsa jactandis gravius
atque ita rectis saxis ut ægre expedttus miles tentabun- in connilendo ungulis penitus perfringebant: ut plera-
dus, mandmsque retinens virgulta ac stirpes circa emi- que, velut pedica capta ha'rerent iudurata et alte con-
nentes, demittere sese posset. Natura locus jam ante creta glacie.
præeps, rcenti lapsu terra* in pedum mille admodum XXXVII.Tandem, neqtjicqiiamjumentis atque homi-
enlever Je neige Ensuite, comme pour rendre hommes de pied et six mille chevaux. L'autorité
praticable la roche qui seule présentait un passage de CinciusAlimentus, qui dit avoir été prisonnier
possible, les soldats étaient obligés de la tailler, d'Annibal, serait pour moi décisive, s'il ne faisait
ils abattirent tout autour des arbres énormes qu'ils pas confusion sur le nombre en y ajoutant des Gau-
dépouillèrent de leurs branches, et qu'ils entas- lois et des Liguriens. En les comptant, quatre-vingt
sèrent en forme de bûcher; puis ils y mirent le mille fantassins et dix mille chevaux seraient en-
feu, sous un vent violent très-propre à exciter la trés en Italie ( il est plus vraisemblable que ce
flamme, et versèrent sur la pierre brûlante du nombre ne fut formé que par une jonction et
vinaigre pour la dissoudre. La pierre étant ainsi c'est l'opinion de quelques auteurs). Du reste
calcinée, ils l'ouvrent avec le fer, et, par de lé- Cincius prétend avoir entendu dire à Annibal lui-
gers circuits adoucissent la pente de façon que même, qu'après le passage du Rhône jusqu'à son
les bêtes de somme, et même les éléphants, pus- arrivée en Italie, il avait perdu trente-six mille
sent facilement descendre. On passa quatre jours hommes, outre un grand nombre de chevaux et
sur ce point, et les chevaux furent près de mou- autres bêtes de somme sur le territoire des Tau-
rir de faim car ces hauteurs sont presque en- riniens, peuplade voisine des Gaulois. Commue
tièrement nues et le peu de pâture qui s'y trouve tous les auteurs s'accordent sur ce fait, je n'en
est enseveli sous la neige. Les parties inférieures suis que plus étonné de l'incertitude où l'on est
ont des vallons, des collines exposées au soleil, sur le point par lequel Annibal franchit les Alpes,
des ruisseaux le long des bois, el des sites plus et de l'opinion commune qui le fait passer par les
dignes d'être habites par les hommes. Là, on fit Alpes Pennines, qui auraieu tiré leur nom de cette
paître les chevaux et l'on donna trois jours de circonstance. Célius prétend qu'Annibal suivit le
repos aux hommes fatigués par les travaux de mont de Crémone or, ces deux défilés l'eussent
tranchées. Enfin on descendit dans la plaine où conduit non chez les Tauriniens, mais chez les
tout s'adoucissait, le terrain comme le naturel des Gaulois Libueins, par les montagnes des Salasses.
habitants. Et il n'est pas vraisemblable qu'il eût pu gagner
XXXVIII. Tels furent les principales circonstan- la Gaule cisalpine, car tous les chemins qui mè-
ces de la marche d'Annihal. Il parvint en Italie nent aux Alpes Pennines auraient été fermés par
cinq mois après son départ de Carthagène, selon des peuplesdemi-germains. D'ailleurs, une preuve
quelques auteurs, ayant mis quinze jours à pas- bien certaine pour qui partagerait cette opinion,
ser les Alpes. Quant au nombre de troupes qu'il c'est que les Véragres, habitants de ces montagnes,
avait en ce moment, les historiens ne sont nulle- n'ont aucun souvenir qu'elles aient reçu leur num
ment d'accord. Ceux qui le portent le plus haut d'un passage quelconque des Carthaginois, mais
lui donnenteent mille fantassinsetvingt millecava- bien d'un dieu honoré sur leur sommet, et que
liers ceux qui le mettent au plus bas vingt mille ces montagnards appellent Pennin.

uibus fatigatis, castra in jugo posita oegerrimead id ip- millia peditum, viginti equitum fuisse seribunt; qui mi-
aum loco purgato tantum nivis fodiendum atque ege- nimum, viginti millia peditum, sex equitum. L. Cin-
reudum fuit. Inde ad rupem muniendam per quam cius Alimeutus. qui captum se ab Annibale scribit, maxi-
unam via esse poterat, ruilites ducti, quum eædendam me auctor me moveret, nisi coufundeiet nmnerum,
esset sainm, arboribus circa immanibus dejectis detrun- Gallis Liguribusyue additis cum bis octogiota millia
catisque, struem ingentem lignorum faciuat eamque, peditum, decem equitum adducta in Italiam ( magis af-
quum et vis venti apta faciendoigni coorta esset, suc- fluxisse verisimile est, et ita quidam auctores sunt) et
cenduot, ardentiaquesaxa infuso aceto putrefaciunt. Ha ipso autem audisse Annibale, postquam Rhodauum trans-
torridam incendio rupem ferro pandunt, molliuntque ierit, ti-iginta tex millia hominum, iogeotemque nume-
anfractibus modicis clivos, ut non jumeuta solum, sed rum equorum et aliorum jumentorum amisisse, Tauri-
elephauti etiam deduci possent. Quatriduum circa ru- nis, quæ Gallis proxima gens erat, in Italiam degres-
pem consumptum pmentis prope famé absumptis nuda sum. Id quum ioter omnes c'mstet, eo magis miror am-
enim fere cacumina aunt et, si quid est pabuli, obruunt bigi, quanam Alpes transierit et vulgo credere, Penino,
mves. Inferiora valles et apricos quosdam colles habent, atque inde uomen ei jugo Alpium inditum, transgressum.
rivosque prope silvas, et jam humann cultu digniora loca. Cœlius per Cremoms jugum dicit transisse qui ambo
Ibi jumenta in pabulum missa, et quies muniendo fessis soltus eum uon in Tauriuos, sed per Salassos montanos
hominibus data tridun. Inde ad plaoum descensum etiam ad Libuos Gallosdeduxiésent. rec verisimile est ea tum
locis melioribus et accolarum ingeniis. ad Galliam patuisse itinera; utique, qnai ad Pemum
XXXVIII. Hoc maxime modo in Italiam perventum ferunt, obsaepta gentibus semigermanis fuissent. Neque,
est, quinto mense a Carthagine ISova ut quidam aucto- hercule montibus hia (si quem forte id movet ) ab tran-
res sunt, quiuto decimo die Alpibas superatis. Quantæ situ Pœnorumullo Veragi i incolae jugi ejus, norunt no-
copia transgresso iu Ital.am Auoibali fuerint, nequa- men inditum; sed ab eo, quem, insununosacratumver.
quum inter auctures constat. Qui Dlurimum. centum tice, l'eninum montani appellaut.
XXXIX. Dès son début, Annibal trouva fort ment choisi pour le combattre. Et ils avaient réei-
a propos les Tauriniens en guerre avec les In- proquement accru leur estime, Scipion, en venant
subriens leurs voisins; mais il ne pouvait of- chercher en Italie Annibal, qui lui avait échappé
fi ir à l'un des deux partis son armée qui dans dans la Gaule Annibal, en formant le hardi projet
les premiers instants du repos, ressentait plus du passage des Alpes et en l'exécutant. Scipion se
vivement les maux qu'elle avait soufferts. Le hâta le premier de passer le Pô, et porta son
passage de la fatigue au repos, de la disette à camp sur les hords du Tésin mais avant de ran-
l'abondance de la saleté la plus dégoûtante à la ger son armée en bataille, il la harangua en ces
propreté, éprouva diversement tous ces hommes termes pour animer son courage.
défigurés et presque semblables à des sauvages. XL. « Soldats, si je menais au combat l'armée
Ce fut le motif qui détermina le consul P. Cor- que j'avais dans la Gaule, je me serais abstenu de
nélius, lorsqu'il eut débarqué à Pise et reçu parler. Que servirait-il en effet d'exhorter ces ca-
des mains de Manlius et d'Attilius une armée de valiers qui ont si glorieusement vaincu sur les
recrues, encore intimidée d'un récent affront, bords du Rhône la cavalerie ennemie, ou ces lé-
à se porter rapidement sur le Pô, pour livrer ba- gions, avec lesquelles, poursuivant cet ennemi qui
taille à l'ennemi avant qu'il eût eu le temps de se fuyait devant nous, j'ai pu prendre du moins pour
refaire. Mais lorsque le consul arriva à Plaisance, une victoire et pour un aveu de sa défaite son re-
Annibal avait déjà décampé, et pris d'assaut la fus d'accepter le combat? Mais comme cette ar-
capitale des Tauriniens, qui n'avaient pas voulu mée, enrôlée pour l'Espagne, y fait maintenant
entrer dans son alliance et il aurait entraîné, par la guerre sous mes auspices avec mon frère Cn.
crainte ou par affection, les Gaulois riverains du Scipion, selon les ordres du sénat et du peuple
Pô, si, pendant qu'ils épiaient le moment d'une romain; pour qu'un consul vous conduisît contre
défection, ils n'eussent été arrêtés par la subite Annibal et les Carthaginois, je suis venu volon-
arrivée du consul. Alors Annibal quitta le pays des tairement m'offrir à ce combat. Un nouveau gé-
Tauriniens, persuadé que sa présence soulèverait uéral doit donc adresser quelques mots à ses nou-
les Gaulois encore incertains. Déjà les deux ar- veaux soldats. Vous ne devez pas ignorer la
mées étaient presque en présence, et les deux gé- guerre ni les ennemis qui vous attendent sa-
néraux, sans se connaître encore parfaitement, chez donc, soldats, que vous aurez à combattre des
avaient cependant l'un pour l'autre une certaine hommes vaincus par vous sur terre et sur mer dans
admiration Le nom d'Annibal était déjà célèbre la guerre précédente; qui ont été vingt ans vos tri
chez les Romains, même avant la ruine de Sagonte; butaires, et auxquels vous avez enlevé la Sicile et
et Scipion était regardé par Annibal comme un la Sardaigne, que vous possédez encore comme
homme supérieur, parce qu'il avait été spéciale- trophées de vos victoires. Vous porterez donc les

XXXIX. Peropportune ad principia rerum 1'auriuis, Annibal eo ipso, quod adversus se dux potissimum lectus
proximæ genti, adversus Insubres motum bellum erat. esset, præstantem virum credebat. Et auxeraut inter se
Scd armare eiercitum Annibal, ut parti alteri auxilio opinionem; Scipio, quod relictus in Gallia, obvius fue-
esset, in reficieudo maxime sentientem contracta ante rat in Italiam transgresso Annibali; Annibal, et conatu
mala, non polerat. Olium etenirn ex labore, copia ex tam audaci trajiciendarumAlpium et effectu.Occupavit
inopia, cullus ex illuvie tabeque sqnalida et prope effe- tamen Scipio Padum trajicere, et, ad Ticinum amuem
rata corpora varie movebant. Ea P. Cornelio consuli motis castris prius, quam educeret in aciem adhortan-
rausa fuit, yuum Pisas navibus venis,et, eiercitu a Man- dorum militum causa talem oratiouem exorsus est
lio Atllioquc accepto tirone, et in nous is ignominiis tre- XL..Sieum exercitum, milites, educerem in aciem,
pidn, ad Padum festinandi; ut cuiu hoste nondum re- quem in Gallia mecum habui supersodissem loqui apud
fecto mauum consereret. Sed quum Placentiam consul vos. Quid enim adhortari referret aut eos equites, qui
venil, jam ex stativis moverat Annibal; Taurinorumque equitatum hostum ad Rhodanum flumen egregie vicis-
unam urbem caput geutis ejus quia volentes in amici- sent, auteas legiones, cum quibus fugientemhuue ipsum
ti im non veniebant, vi expugnarat:junxissetquesibi, non hostem secutus, confessionem cedentis ac detrectantis
ntetu solum, sed etiam voluntate, Gallos accolas Padi, certamen pro victoria habui? Nunc, quia ille exercitus
ni eos, circumspectaotes defectionis tempus subitu ad- Hispaniæ provinciae scriptus, ibi cum fratre Cn. Sci-
ventus cousulis oppressisset. Et Annibal movit ex Tauri- pinne meis auspiciis rem gerit, ubi eum gerere senatus
lits, incerlos, quæ pars sequeuda esset, Gallos præsen- populusque romanus voluit; ego, ut consulem ducem
tem se secuturos ratus. Jam prope in conspectu erant adversus Annihilent ac Pœnos baberetis, ipse me huic
exercitus, conveneranique duces sicuti inter se nondum voluntario certamini obtuli; novo imperaturiapud novo6
satis noti, ita jam imbutus uterque quadam admiratione milites pauca verba facienda sunt. 1\e genus belli neve
alterius. Nam Annibalis et apud Romanos, jam ante Sa- hostem ignoretis; cum iis est vobis, milites, pngnandum.
guuti excldium, celeherrimum uomeu erat: et Seipionem quos terra marique priore bello vieistis, a quil us stipeu-
uns et tes autres dans cecombat l'esprit qui appar- tout en ayant dans l'âme des sentiments bien dif-
tient d'ordinaire aux vainqueurs et aux vaincus. férents. J'étais libre d'aller avec mon armée dans
Ce n'est point le courage, mais la nécessité qui les ma province d'Espagne, pour laquelle j'étais déjà
pousse maintenantà combattre, à moins que vous en route, où d'ailleurs j'aurais trouvé mon frère
n'imaginiez qu'une armée qui a refusé le com- pour s'associer à mes projets et partager mes pé-
bat, étant encore entière, conçoive aujounl'hui rils, Asdrubal pour adversaire au lieu d'Annibal,
plus d'espérance, après avoir perdu la moitié de et, sans doute une guerre moins périlleuse. Tou-
son infanterie et de sa cavalerie, et lorsque le tefois lorsque mes vaisseaux côtoyaient la Gaule,
nombre des morts surpasse presque celui des sur- à la nouvelle de l'arrivée de ce nouvel ennemi, je
vivants. Mais peut-être ces ennemis, si peu suis debarqué, j'ai envoyé en avant la cavalerie,
nombreux, ont une telle vigueur d'âme et de et j'ai marché vers le Rliône. Dans un combat de
corps, qu'il n'est presque aucune force capable cavalerie, la seule partie de mes tioupes qui ait
de leur résister? Loin de là, soldats ce sont des eu l'occasion d'en venir aux mains, j'ai battu les
fantômes, des ombres d'hommes, des corps épui- Carthaginois; mais comme leur infanterie m'évi-
sésparla faim, le froid, la saleté la plus hideuse; lait avec la rapidité d'une découfe, et qu'il m'é-
froissés, rompus au milieu des rochers, dont les ar- tait impossible de l'alteiudre, je me suis rembar-
ticulations ont été gelées, les nerfs raidis par la qué, et, avec toute la célérité que pouvait me
neige, les membrues paralysés par la glace; ce sont permettre un aussi long circuit de terre et de mer,
des armes disloquécs et brisées, des chevaux boi- je suis venu à leur rencontre au pied des Alpes.
teux et sans force. Voilà la cavalerie, voilà l'infan- Or, ai-je bien l'air de m'être jeté, sans le savoir,
terie avec lesquelles vous allez vous mesurer; ce devant un ennemi formidable, tout en cherchant à
sont les derniers restes d'une armée l'armée l'éviter, ou d'accourir sur ses traces, de le har-
n'existe plus. Et ce que je crains le plus, c'est cclcr et de le traîner au combat? Je suis curieux
qu'après le combat les Alpes ne paraissent plus d'éprouver si depuis vingt ans la terre a produit
que vous avoir triomphé d'Annibal. Mais peut- tout à coup de tout autres Carthaginois; ou si ce
être convenait-il que les dieux eux-mêmes enga- sont les mêmes qui combattirent aux îles Ægates,
geassent et décimassent la guerre sans l'inter- et que vous relâchâtes au mont Érix, moyennant
vention des hommes, contre un général et un dix-huit deniers par tête; si cet Annibal est,
peuple violateurs des traités, et que nous, qui comme il le prétend, l'émule des voyages d'Her-
avions été outragés les seconds, nous accomplis- cule, ou bien le vassal, le tributaire et l'esclave
sions la vengeance commencée par eux. du peuple romain, ainsi que l'a laissé son père;
LXI. » Je ne crains pas que personne m'accuse cet Annibal, qui, s'il n'était égaré par le crime
de tenir un langage fier pour vous encourager, de Sagoute, se rappellerait à coup sûr sinon l'a-

dium per viginti annos ecegistis a quibus capla belli fectum esse. Licuit in Hispania, provinciam meam,
pra·,mia Siciliam ac Sardmiam hahetis. EI it igitur in quo jam profectus eram, cum exercitu ire meo ubi et
hoc certamine is vobis illisque animus, qui victoribus et fralrem cousilii participem ac periculi socium haberem
victis esse solet. Nec nunc illi quia audeut sed quia ne- et Asdrubalem potius, quam Annibalem hostem et mi-
cesse est pugnaturi sunt nist creditis qui exercitu iu- nurem haud dubie molem belli. Tamen, quum præter-
columi puguam detrectavere, eos, duahus partibus pe- veherer navibus Galliæ oram, ad famam hujus hostis in
ditum equitumque in transitu Alpium amissis, quum terram egressus, præmisso eyuilatu, ad Rhodauum
plures paeue perierint, quam supersuut, plus spei nactos movi castra. Equestri prælio, qua parte copiarum conse-
esse. At enim pauci quidem sunt, sod vigentes auimis rendi manum fortuna data est, hostem fudi peditum
corporibusque,quorum robora ac \ires vix sustinere vis agmeu, quod in modum tugientium raptim agebatur,
ulla possit. Effigies, imo umhræ hominum, fame, fri- quia assequi terra non poteram, regressus ad naves,
gore, illuvie, squalore enecti, contusi ac debilitati inter 1 quanta maxima celeritate potui, tanto maris terrarum-
saxa rupesque. Ad haec, præusti artus, nive rigentes que circuitu, in radicibus Alpium obvius fui. Huic ti-
nervi membra torrida gelu quassata fractaque arma mendo hosli utruin yuum decliuarem certamen,impro-
claudi ac debiles equi. Cum hoc equite, cum hoc pedite visus incidisse videor an occurrere in vestigiis ejus ? la-
pugnaturi estis reliquias extremas hostium non hostes cessere ac trahere ad decerneudum? Experiri juvat,
habebitis. Ac nihil magis vereor, quam ne, vos quum utrum alios repente Carthaginienses per viginti annos
pugnaveritis, Alpes vitisse Annibalem videantur. Sed ita terra ediderit an iidem sint, qui ad AEgates pugnave-
forsitan decuit, cum lœderum ruptore duce ac populo runt insulas, et quos ab Eryce duodevicenisdenariis æsti-
deos ipsos, sine ulla humana ope, committere ac prolli- matos emisistis et ulrum Annibal hic sit æmulus itine-
gare bellum nos, qui secundum deos violati sumus, rum Herculis ut ipse fert, an vectigalis stipendiariusque
commissum ac profligatum conficere. etservus populi romani a pâtre relictus quem nisi Sa-
XLI. » Non vereor, ne quis me hoc vestri adhortandi guntinum scelus agitaret, respiceret profecto, si non
causa magmfice loqui existimet; ipsum aliter animo af- patriam victam, domum certe, patremque, et fœdera
bassement de sa patrie, du moins celui de sa ici, comme si nous combattions devantles murailles
maison, de son père, et ces traités écrits de la mêmes de Rome. Que chacun de vous se persuade
main d'Amilcar, qui, sur l'ordre de notre consul, que ce n'est pas son corps qu'il défend mais bien
évacua le mont Érix, subit, la rage dans le cœur, sa femme et ses enfants; et que, sans s'occuper
les dures conditions imposées aux Carthaginois uniquement de sa famille, il songe
encore de
vaincus, et consentit la cession de la Sicile et le temps eu temps que le sénat et le peuple ont les
paiement d'un tribut au peuple romain. C'est yeux sur nous en ce moment, et que notre
pourquoi, soldats, je voudrais que, dans cette énergie et notre valeur décideront de la fortune
occasion, vous ne montrassiez pas seulement le de Rome et de l'empire. »
courage qui vous anime contre vos ennemis ordi- XLII. Ainsi parla le consul aux Romains. An-
naires, mais de l'indignation et de la colère, nibal, pensant que, pour animer les siens, il de-
comme si vous voyiez vos esclaves prendre tout à vait employer les faits avant les paroles, range
coup les armes contre vous. Il était en notre pou- son armée eu cercle comme pour un spectacle
voir de les tenir emprisonnés sur le mont Érix, et puis il fit amener des prisonniers montagnaids
de les y laisser périr par le plus cruel des sup- auxquels on jeta des armes, et un interprète leur
plices, la faim; nous pouvions porter en Afrique demanda si moyennant la liberté, des armes et
notre flotte victorieuse,et, sans combat, détruire un cheval pour le vainqueur, ils seraient dispo-
Carthage en quelques jours. Nous leur avons ac- sés à se battre entre eux. Comme tous deman-
cordé la grâce qu'ils ont implorée, nous avons daient un glaive et le combat, et qu'on fut obligé
cessé de les assiéger, nous avons fait la paix de recourir au sort, chacun d'eux souhaitait d'ê-
avec des vaincus; enfin nous les avons pris tre choisi par la fortune. A mesure que leurs
sous notre sauvegarde lorsqu'ils étaient pressés noms étaient appelés, fiers, transportés de joie,
par la guerre d'Afrique. Pour prix de ces bien- au milieu des féli citations de leurs compagnons,
faits, ils viennent, à la suite d'un jeune forcené, ils couraient se saisir de leurs armes, en bondis-
attaquer notre patrie. Et plût aux dieux que votre sant à la manière de leur pays; et, pendant le
honneur, et non votre salut, fût en question dans combat, telle était la disposition des esprits, non-
cette luttel Mais il s'agit aujourd'hui, non comme seulement parmi les prisonniers, mais encore
autrefois de la possession de la Sicile et de la Sar- parmi les spectateurs, que les vainqueurs n'exci-
daigne, mais de l'Italie même; et il ne reste pas taient pas plus l'admiration que la mort glorieuse
une autre armée pour arrêter l'enuemi si la vic- des vaincus.
toire nous échappe; point d'autres Alpes dont le XLIII. Après les avoir frappés par le spectacle
passage, retardant l'ennemi, nous donne le temps de quelques combats de ce genre, il renvoya
de préparer de nouvelles forces; il faut faire tête ses soldats; puis les assemblant de nouveau, il

Amilcarit scripta mauu qui, jussus a consule nostro, pus suum, sed conjugem ac liberos parvos armis prote-
præsidium deduxit ab Eryce qui graves impositas victis gere putet nec domesticas solum agitet curas sed iden-
Carthaginiensibus leges fremens mœreosque. accepit tidem hoc animo reputet, nostras nunc intueri manus
qui decedere Sicilia qui stipendium populo romano dare seuatum populumque romanum qualis nostra vis vir-
pactus est. Itaque vos ego, milites, non eo solum animo, tusque fuerit, talem deinde fortunam illius urbis ac ro-
quo adversus alios hostes soletis, pugnare velim; sed mani imperii forte.
cum indignatione quadam atque ira velut si servos XLII. Hwc apud Romanos consul. Annibal, rebus
videatis vestros arma repentecontra vos ferentes. Licuit prius, quam verbis adhortanaos milites ratus, circum-
ad Erycem ctausos ullimo supplicio bumanorum fame dato ad spectaculum exercitu captivos moutanos iin-
interficere. licuit victricem classem in Africam trajicere, clos in medio statuit; armisque Gallicis ante eorum pe-
atque intra paucos dies sine ullo certamine Carthaginem des projectis, interrogare interpretem lussit ecquis si
delere. Veniam dedimus precantibus; emisimus ex obsi- vinculis levaretur, armaque et equum victor acciperet,
dione pacem cum victis fecimus; tutelai deinde nostræ decertare ferro vellet? Quum ad unum omnes ferrum
duxmus, quum Africo bello urgerentur. Pro his impar- pugnamque poscereut, et dejecta in id sors esaet, a*
titis, furiosum juvenem sequentes, oppugnatum patriam quisqueeum optabat, quem fortuna in id certamen lege-
nostram veniunt. Atque utinam pro décore tantum hoc ret. Ut eujusque sors exuiderat, alacer inter gratulantes
vobis et non pro salute, esset certamen. Non de posses- gaudio exsuitans, cum sui moris tripudiis arma raptim
sione Sicihæ ac Sardiniæ de quibus quondam agebatur, capiebat. Ubi vero dimicarent, his habitus animorum
sed pro Italia vohis est pugnandum nec est alius ab non inter ejusdem modo couditionis bomines erat, sed
tergo exercitus, qui nisi nos vincimus hoati obsislat etiam iuter spectantes vulgo, ut non vincentium magie
nec Alpes aliæ sunt quasdum superant, comparari nova quam beoe morientium, fortuna laudaretur.
possint prajsidie. Hic est obstandum. milites, Teint si XLIII. Quum sic aliquot speclatis paribus affectos
ante Rowana mœnis pugnemus. Uuusquisque se non cor- dimisisset, concioue inde advocata, ita apud ans lucutue
1
leur parla, dit-on, en ces termes « Si vous jugez avoir fait une si lonâue route à travers tant de
votre position avec les mêmes sentiments que montagnes, tant de fleuves et de nations armées.
vous avez montrés àla vue d'une fortune qui n'é- C'est ici que la fortune a posé le terme de vos tra-
tait pas la vôtre, soldats, la victoire est à nous vaux c'est ici qu'elle vous destine une récom-
car ce n'est pas ici seulement un spectacle, mais pense digne de vos longs services. N'allez pis
en quelque sorte une image devotre situation; et mesurer la difficulté de la victoire sur la grandeur
je ne sais même si les entraves et la nécessité qui de cette guerre. Souvent un ennemi méprisé a li-
vous pressent ne sont pas plus fortes que celles de vré de terribles combats; souvent aussi des rois
vos captifs. A droite et à gauche deux mers vous et des peuplescélèbres ont été vaincus au premier
enferment, et vous n'avez pas un seul vaisseau choc. En effet, ôtez l'éclat de leur nom, en quoi les
pour fuir; devant vous est le Pô, le Pô plus large Romains peuvent-ils vous être comparés? Pour ne
et plus violent que le Rhône; et derrière s'élèvent point parler de cette guerre de vingt ans que vous
les Alpes, que nous avons eu tant de peine à avez soutenue avec tant de courage etde bonheur,
franchir, alors même que notre armée était en- des colonnes d'Hercule, des bords de l'Océan, des
tière et pleine de force. Soldats, il faut vaincre extrémités du monde, vous êtes venus jusqu'ici
ou mourir à la première rencontre; mais la for- en vainqueurs à travers les féroces peuplades de
tune qui, vous impose la nécessité de combattre l'Espagne et de la Gaule; et vous allez vous battre
promet à votre victoire des récompenses telles contre une armée de recrues, qui, cet été même,
que les vœux des hommes n'en demandentjamais a été battue, taillée en pièces, assiégée par les
de plus grandes aux dieux immortels. Quand Gaulois, qui est encore inconnue a son chef, et
nous ne devrions recouvrer par notre valeur que qui ne le connaît pas. Et moi, né, ou du moins
la Sicile et la Sardaigne enlevées à nos pères ce élevé dans la tente de mon père, cet illustre gé-
serait un assez beau résultat; mais tout ce que les néral moi, le conquérant de l'Espagne et de la
Romainsont acquis et accumulé par tant de triom- Gaule; moi, le vainqueur des nations alpines, et,
phes, tout cela passera dans vos mains avec les ce qui est bien plus, des Alpes elles-mêmes, irai-je
possesseurs eux-mêmes. Pour un aussi riche bu- me comparer à un général de six mois, déserteur
tin, allons, soldats, prenez les armes, sous les de son armée, et qui, si les Romains et les Car-
auspices des dieux. Assez longtemps sur les monts thaginois se présentaient devant lui sans dra-
de la Lusitanie et de la Celtibérie, vous avez peaux, ne saurait, j'en suis sûr, reconnaître l'ar-
poursuivi les troupeaux, sans tirer aucun avan- mée dont il est consul. Et ce n'est pas un petit
tage de vos fatigues et de vos périls; il est temps avantage à mes yeux, soldats, qu'il n'y ait aucun
de faire une guerre plus fructueuse et plus riche, de vous qui n'ait assisté à plusieurs de mes faits
et de recueillir un digne prix de vos peines, après d'armes, et à qui je ne puisse rappeler, avec le

fertur Si quem animum in aliénas sortis exemplo magna operæ pretia mereri, tantum itineris per lot mon-
paullo ante halmistis, eundem moi in æstimanda fortuna tes fluminaque et tnt armatas gentes emensos. Hic vobis
vestra hahueritis, vicimus, milites: neque enim specta- terminum laborum fortuna dedit hic dignam mercedem,
culum modo illud, sed quaedam veluti imago vestræ con- emeritis stipendüs, dabit. Nec, quam magni nominis
ditionis erat. Ac nescio, an majora vincula m qoresque bellum est, tam diffieilem existimaritis victoriam fore.
necessitates vobis, quam captivis vestris, fortuna circum- Saepe et contemptus hostis cruentum certamen edidit,
dederit. Dextra lævaque duo maria clauduat, nullam, et incluti populi regesque perlevi momento victi sunt.
ne ad rffugium quidem, navem halipntibus contra Pa- Nam dempto hue uno fulgore nominis Rnmani, quid
dus amnis, major Pddus ac violentior Rhodano; ab tergo est, cur illi vobis comparandi sint ? Ut viginti annorum
Alpes urgent, vix integris vobis ac vigentibus Iraositæ. militiam vestram fum illa virlute, cum illa fortuna ta-
Hic vinrendum aut moriendum, milites, est, ubi primum ceam ab Herculis columnis, ab Oceano terminisque ul-
hosti occurrisus. Et eadem fortuna quae necessitatem timis terrarum per tut ferocissimos Hispaniæ et Galliæ
pugnandi imposuit, præmia vobis ea vietorbus proponit, populos vincenteshue pervenistis pugnabitis cum exer-
quibus ampliora homines ne ab diis quidem immortali- citu tirone, hac ipsa oestate cæso, .icto, eireumsesso a
bus optare soient. Si Siciliam tantum ac Sardiniam, pa- Gallis, ignoio adhuc duci suo ignorantiqtie ducem. An
rentibus nostris ereptas, nostra virtute recuperaturi es- me, in praetorio patris, clarissimi imperaloris, prope
semus, satis tamen ampla pretia essent. Quicquid Ro- natum, certe eductum, domitoremHispaniæ Galliæque
mani tot triumphis partum congestumque possident, id victorem eundem non Alpinarum modo gentium sed
omue vestrum cum ipsis dominis futurum est. In banc ipsarum, quod multo majus est, Alpium, cum semestri
tam opimam mercedem, agite, cum diis bene juvantibus hoc conferamduce, desertore exercitus sut? Cui si quis,
arma capite. Satis adhue in vastis Lusitaniæ Celtiberiat- demptis signis, Pœnos Romanosque hodie ostendat,
que montibus, pecora consectacdo, nullum emolumen- ignoraturum certum habeo, utrius exercitus sit consul.
lum tôt laborum periculorumque vestrurum vidistis Non egoillud parvi wstimo, milites, quod nemo veslrum
tempus est jam, opulenta vos ac ditia stipendia facere, et est, cujus non ante oculos ipsi sæpe militare aliquod edi-
moment et le lieu, des traits de courage dont j'ai -C'est donc peu do me ravir mes anciennes pro-
été le spectateur et le témoin. C'est donc avec de vinces, la Sicile et la Sardaigne, vous m'enlevez
tels soldats, mille fois loués et récompensés par encore l'Espagne? et, si je l'abandonne, vous
lui, qu'Annibal, votre élève à tous avant d'être viendrez en Afrique? Que dis-je, vous viendrez?
votre général, va marcher au combat contre une les deux consuls de cette armée ne sont-ils
pas
armée et un chef qui sont inconnus l'un à l'autre. déjà envoyés, l'un en Afrique, l'autre en Espa-
XLIV. » De quelque côté que se portent mes gne ? nous ne possédons rien nulle part que par le
yeux, je vois partout le courage et la force; ici droit des armes. Ils peuvent être craintifs et là-
ma vieille infanterie, là les cavaliers de deux ches ceux qui ont derrière eux des ressources,
nations courageuses; les uns qui se servent du qui, fuyant à travers un pays sûr et ami, trou-
frein, les autres qui montent des chevaux libres; vent un asile dans leurs champs, dans leur patrie.
d'un côte, mes braves et fidèles alliés, et de l'au- Mais pour vous, il y a nécessité d'être braves, de
tre mes Carthaginois prêts à combattre à la fois placer toute votre destinée entre la victoire ou la
pour leur patrie et pour une juste vengeance. mort; de vaincre, ou, si la fortune vous trahit, de
C'est nous qui portons la guerre, et qui venons trouver la mort dans le combat plutôt que dans la
déployer en Italie nos étendards menaçants; et fuite. Si cette idée est bien fixée, bien arrêtée dans
notre courage et notre audace seront d'autant vos esprits, je le répète, vous êtes vainqueurs.
plus grands que l'espoir et la valeur sont excités Jamais les dieux ne donnèrent à l'homme un mo-
par l'agression bien plus que par la résistance. bile plus puissant pour vaincre. »
Nos cœurs sont enoutreanimés par le ressentiment XLV. Lorsque de part et d'autre on eutéchauffé
et les indignes outrages de nos ennemis. N'ont-ils par ces harangues le courage des soldats, les Ro-
pas demandé pour victimes, moi d'abord, votre mains jetèieut un pont sur le Tésin, et y con-
général, puis vous tous qui aviez assiégé Sagonte? struisirent un fort pour le défendre. Pendant
Une fois dans leurs mains, ils nous auraient livrés qu'ils s'occupaient de cet ouvrage, Annibal déta-
aux plus affreux supplices. Nation orgueilleuse et cha Maharbal avec cinq cents cavaliers numides
cruelle, qui veut tout envahir et tout gouverner, pour ravager les terres des alliés de Rome. Il lui
qui prétend nous marquer nosennemis et nosamis, recommanda par dessus tout d'épargner les Gau-
qui nous resserre et nous renferme entre des mon- lois, et de pousser les chefs à la défection. Le pont
tagnes et des fleuves qu'elle nous défend de fran- terminé, l'armée romaine passa sur le territoire
chir, tandis qu'elle n'observe pas elle-même les des Insubriens, et se posta à cinq milles de Vic-
bornes qu'elle a posées. « Ne passez pas l'Èbre tumvia c'est là que campait Annibal. Il rap-
n'inquiétez pas Sagonte. » Mais Sagonte est en pelle en toute hâte Maharbai et ses cavaliers, et,
deçà de l'Èbre. —
« Ne faites point un seul pas. » persuadé qu'à l'approche du combat, il n'en di-

derim facinus; cui non idem ego, virtutis spectator ac quam te vestigiomoveris.» Parum est, quod veterri-
testia notata temporibus locisque referre sua possim de- mas provincias meas Siciliam et Sardiniam adimis eliam
cora. Cum laudatis a me milites donatisque, alumuas Hispanias? et inde cessero, in Africamtranscendes. Trau-
prius omnium vestrum, quam imperator, procedam acie scendes autem, dico? Duos coosules hujus anni, uuum
adversus ignotos inter se ignorantesque. inAfricam, alterum in Hispaniam miserunt. Nihil us-
XLIV. Quocunque circumtuli oculos, plena omnia quam nobis relictum est, nisi quod arma vindicarimus.
video auimorum ac roboris; veteranum peditem, gene- lllis timidis et ignavis licet esse, qui respectum habent,
rosissimarum gentmm equites frenatos et infrenatos, vos quos suus ager, sua terra, per tuta ac pacata itinera fu-
socios fidelissumos fortissimosque, vos Carthaginienses, gieutes, accipient vobis necesse est forubus viris esse,
quum ob patriam tum ob iram justissimam, pugna- et, omnibus inter victoriammortemve certa desperatione
turos. Infertmus bellum iufestisque signis descendi- abruptis, aut vincere, aut, si fortuna dubitabit, in præ-
mus in Ilaliam, tanto audacius fortiusque pugnaturi, lio potius, quam in fuga, mortem oppetere.Si hoc bene
quanto major spes, major est animus infèrent vim, fixum omnibus destinatumque in ammo est, iterum di-
quam arcentis. Accendit praeterea animos et stimulat cam, vicistis nullum momeutum ad vincendum homini
dolor, injuria, indiguitas. Ad supplicium depoposcerunt ab diis immortalibus acrius datum est..
me ducem primum, deinde vos omnes, qui Saguntum XLV. His adhortationibu,quum utrimqueadcertamen
oppugnassetus deditos ultimis cruciatibus affecturi accensi mihtum animi esseot Romani ponte Ticinum
fueruut. Crudelissima ac superbissima gens sua omnia jungunt, tutaudique pontis causa castellum instiper im-
suique arbitrit facit. Curo quibus bellum, cum quibus pa- ponunt. Pœnus, opere occupalis hostibus, Mabarbalem
cem haheamus, be modum imponere æquum censet cir- cum alt Numidarum equttibus quingentis, ad depopu-
cumscribit includilque nos terminis montium fluminum- landos sociorum populi romani agros mittit. Gallis parci
que, quos ne excedamus neque eos, quos statuit, ter- quam maxime jubet, principumque animos sollicitari ad
minos observat. « Ne tranàieris Iberum ne quid rei tibi defectionem. Ponte perfecto, traductus romanus exer-
ait cum Saguntinis. » Ad Iberum est Sagnntnm. — « Nus- citus in agrum Insubrium, quinque millia passaum a
rait jamais assez à ses soldats pour les enflammer, Après les sacrifices expiatoires, Scipion, avec sa
il convoqueune nouvelle assemblée, il leur expose cavalerie et une troupe légère d'hommes de trait,
les récompenses pour lesquelles ils allaient com- s'avança vers le camp des ennemis pour observer
battre. « Il leur donnerait des terres en Italie, en de près le nombre et la qualité de leurs troupes,
Afrique, en Espagne, partout où ils voudraient, et rencontraAnnibal, qui venait aussi avec sa ca-
avec immunité complète pour le donataire et ses valerie reconnaître les lieux. D'abord les deux
enfants; si quelqu'un préférait l'argent à la terre, partis ne se voyaient pas; mais bientôt un épais
il le satisferais ceux des alliés qui voudraient de- nuage de poussière soulevé par la marche de tant
venir citoyens de Carthage en auraient la faculté; d'hommes et de chevaux, annonça fapproche des
quant à ceux qui aimeraient mieux retourner ennemis. Les deux troupes firent halte et se pré-
dans leur patrie, il ferait en sorte qu'ils n'eussent parèrent an combat. Scipion range sur le front les
envie d'échanger leur fortune contre celle d'au- archers et les cavaliers gaulois, et met en réserve
cun de leurs concitoyens. Aux esclaves qui ont les Romains et les plus braves des alliés. Annibal
suivi leurs maîtres il promet la liberté, et aux place au centre les chevaux soumis au frein, et
maîtres deux esclaves pour un. Et pour qu'ils fortifie ses ailes pour les Numides. Au premier
tinssent ces promesses pour sacrées, saisissant un cri, les archers s'enfuirent vers le corps de ré-
agneau de la main gauche, et de l'autre une serve qui formait la seconde ligne. Le combat
pierre il conjura Jupiter et les autres dieux de de cavalerie fut quoique temps incertain. Mais
l'immoler, s'il manquait à sa parole, comme il comme les fantassins troublaient les chevaux aux-
immolait cet agneau, et tout en prononçant cette quels ils s'étaient mêlés la plupart des cava-
prière il brisa avec la pierre la tête de la victime. liers ayant perdu selle ou sauté à terre lorsqu'ils
Tous alors regardant les dieux comme garants de avaient vu leurs compagnons enveloppés, l'affaire
leurs espérances, et estimant que la seule chose qui s'était presque transformée en combat d'infante-
pût en retarder l'accomplissement, c'était de dif- rie tout à coup les Numides, placés aux deux
férer le combat, n'ont qu'une âme et qu'un cri ailes, et qui s'étaient étendus peu à peu en demi-
pour le demander. cercle, parurent sur les derrières. A cette vue
XLVI. Les Romains étaient loin de montrer les Romains furent saisis d'une frayeur qu'aug-
la même ardeur; des prodiges nouveaux venaient menta une blessure du consul, lequel fut sauvé
d'ajouter à leur première frayeur, car un loup par la valeur de son fils à peine en âge de pu-
avait pénétré dans le camp, et, après avoir dé- berté. C'est ce jeune héros qui devait avoir la
chiré ceux qu'il avait rencontrés, il s'était échappé gloire de terminer cette guerre, et mériter le sur-
sans blessure. Un essaim d'abeilles était venu se nom d'Africain par sa grande victoire sur Annibal
poser sur l'arbre qui couvrait la tente du général. et les Carthaginois. Cependant, cette fuite à la

Victumulis consedit. Ibi Aunibal castra habebat; revoca- evaserat et examen apum in arbore prætorio imminente
toque propere Maharbale atque equitibus quum instare cousederat. Quibus procuratis, Scipto cum equitatu Ja-
certamencerneret, nihil unquam satis dictum praxnoni- culatoribusque expeditis profectus ad castra hostium. ex-
tumquead cohorlandos mililes ratus, vocatisad concionem que propinque copias, quantæ, et cujus generis esseut,
certa præmia pronuntiat, in quorum spem pugnarent. speculaudas, obvius fit Annibali, et ipsi cum equitibus
« Agrum sese daturum esse in Italia Africa, Hispania, ad exploranda circa loca progresso.Neutri alteros primo
ubi quisque velit, immunem ipsi, qui accepisset, libe- cernebanl densior deinde iucessu tôt hominuni equo-
risque qui pecuniam, quam agrum, maluisset, ei se rumque oriens pulvis signum propinquantiumnostium
argento sallsfacturum qui sociorum cives Carthaginien- fuit. Constitit utrumque agmen, et prælio sese expedie-
ses fieri vellent, potestatem facturum qui domos redire bant. Scipiojaculatores et gallos eqaites in fronte locat;
mallent, daturum se operam ne cujus suorum popula- Romanos, sociorumque quod roboris fuit, in subsidris.
rium mutatam secum fortunam esse vellent. » Servis quo- Annibal frenatos equites in médium accipit, cornua Nu-
que dominos prosecutis libertatem proponit, binaque midis firmat. Vixdum clamore sublato. jaculatores fuge-
pro his mancipia dominis se redditurum. Eaque ut rata runt inter subsidia. Ad secundam aciem inde equitum
seirent fore, agnum læva manu, dextra cilicem retinens, certamen erat aliquamdiu anceps dein, quia turbabant
si falleret, Jovem ceterosque precatus deos, ita se macta- equos pedites intermixti, multis labentibus ex equis, aut
rent, quemadmodum ipse agnum martasset, secundum desilientibus, ubi suos premi circumventos vidissent, jam
precationem caput pecudis saxo elisit. Tum vero omnes, magna ex parte ad pedes pugna venerat douce Numidee,
velut diis auctoribus in spem suam quisque acceplis, id qui in cormbus erant, circumvecti paulluluiu, ab tergu
mora, quod nondum pugnarent, ad potienda sperata se ostenderunt.Is pavor perculit Romanos, auxitque pa-
rat, prælium uno animo et voce una poscunt. vorem cousulisvulnus, periculumque intercursu tum pri-
XLVI. Apud Romanos haudquaquam tanta alacritas mum pubescentis filii propulsatum. Hic eritjuvenis, pe-
ærat, super cetera recentihusetiamterritosprodigiis.Nam ues quem perfecti bujusce belli laus est, Africanm ob
et lupus mtraveratcastra, lanialisque obviis ipse intactus egregram victoriam de Aunibale Pœmsque appellatus.
débandade n'eut guère lieu que parmi les archers, rant. Ceux qui connaissent ce fleuve eroiront dir-
sur qui les Numides fondirent d'abord. Le reste ficilement ce récit car il n'est pas vraisemblable
de la cavalerie reçut le consul dans ses rangs bien que la cavalerie ait pu, sans perdre ni armes ni
serrés, le couvrant non-seulement de leurs armes, chevaux, surmonter la violence du fleuve, quand
mais même de leurs corps, et le ramena dans le même tous les Espagnols eussent passé sur des ou-
camp sans trouble ni désordre. Cœlius attribue à tres enflées; et il aurait fallu faire un circuit de
un esclave ligurien l'honneur d'avoir sauvé le con- plusieurs jours de chemin pour trouver des gués
sul pour moi j'aime mieux le reporter au fils où pût se risquer une armée chargée de bagages.
comme l'ont fait la plupart des historiens, et Jecroirai plutôt ceux qui disent qu'à peine trouva-
comme la tradition l'a consacré. t-on au bout de deux jours un endroit propre à
XLVII. Tel fut le premier combat contre Anm- jeter un pont, sur lequel Magon passa le premier
bal. il fit voir évidemment que la cavalerie car- avec les cavaliers espagnoles, débarrassés de tout
thaginoiseétait supérieure, elque, par conséquent, bagage. Tandisqu'Annibal, s'arrêtant sur les bords
les plaines découvertes, comme celles qui s'éten- du fleuve pour recevoir les ambassades des Gau-
dent entre le Pô et les Alpes, ne convenaient pas lois, fait passer l'infanterie la plus lourde, Magon
aux Romains pour faire la guerre. Aussi, la nuit et ses cavaliers font une journée de chemin vers
suivante, le consul ayant fait plier les bagages, on Plaisance, où étaient les Romains. Peu de jours
quitta les bords du Tésin, et l'on marcha rapide- après, Annibal vint se retrancher à six milles de
ment vers le Pô, afin que, sur le pont qu'on y avait Plaisance; et le lendemain il déploya ses troupes
jeté, et qui n'était pas encore rompu, l'armée en face de l'ennemi, et lui présenta la bataille.
pût passer sans tumulte et sans être inquiétée par XLVIII. La nuit suivante, il y eut dans le camp
l'ennemi. Elle parvint à Plaisance avant qu'An- romain un massacre, plus tumultueux toutefois
nibal connût positivement son départ des rives que sanglant, fait par les Gaulois auxiliaires en-
du Tésin. Cependant il prit environ six cents viron deux mille fantassins et deux cents cavaliers
traînards, qui, sur l'autre rive, mirent trop de de cette nation égorgèrent les sentinelles des por-
lenleur à détacher les radeaux mais il ne put tes, et passèrent dans le camp d'Aunibal celui-ci
passer sur le pont, qui, ses extrémités une fois leur parla avec bienveillance, et, après les avoir
rompues, fut emporté par le courant. Cœlius as- excités par l'espoir de grandes récompenses, il
sure que Magon passa sur-le-champ le fleuve à la les renvoya chacun dans sa cité pour soulever leurs
nage avec la cavalerie et les fantassins espagnols; concitoyens.Scipion regardant ce massacrecomme
et qu'Annibal lui-même fit passer son armée par le signal de la défection de tous les Gaulois; que la
des gués situés plus haut ses éléphants étant ran- contagion de ce crime allait sans doute remplir
gés de manière à soutenir l'impétuosité du cou- d'une espèce de frénésie et faire coutir aux ar-

Fuga tamen effusa jaculatorum maxime fuit, quos pri- fluminisoppositis.Ea peritis amnis ejus vix fidem fecerint.
mus Nuniidæ invaserunt. Alius confertus equitatus con- Nam neque equites, armis equitque salvis tantam vim
sulein in medium acceptum, non armis modo, sed etiam Quminis superasse verisimile est, ut jam IIispanos omnes
corporibussuis, protegens, in castra nusquam trépide inflati transvexerint utres et multorum dierum circuitu
ueque effuse cedendo, roduxit. Seruli consuhsdecusCœ- Padi vada petenda fuerant qua exercitus gravis hnpedi-
huis ad servum natione Ligurem delegat. Matim equidem mentis traduci posset. Potiorcs apud me auctores sunt,
de filio verum esse, quod et plures tradidere auctores qui biduo vil locum rate jungendo flumini inventum tra-
et fama obtinuit. dunt ea cum Magone equites Hispanorum expeditos
XLVII. Hoc primum cum Annibaleprælium fuit; quo præmissos. Dum Annibal, circa flumenlegationibus Gal-
facile apparuit, et equitatu meliorem Pœnum esse et ob lorum andiendis moratus, trajicit gravius peditum agmen,
id campus patentes, quales sunt inter Paduni Alpesque, interim Mago equitesque ab transitu fluminis diei unius
bello gerendo Romauis aptos non esse. Itaque proaima itmere Placentiam ad hostes contendunt. Anoibal paucis
nocte, jussis miltibus vasa silentio colligere, castra ab post diebus sex millia a Placentia castra communivit et
Ticino mota, festinatumyue ad Padum est; ut ratibus, postero die, in conspectu hostium acie directa potesta-
quibus junxerat flumen, nondum resolutis, sine tumultu tem pugnæ fecit.
atque iusectatione hostis, copias trajiceret. Prius Placen- XLVIII. Insequenti nocte ca'des in castris romami,
tiam perveuere, quam satis sciret Annibal ab Ticmo pro- tumultu tamen quam re major, ab auxiliaribus Gallis facta
fectos tameu ad sexcentos muratorum in citeriore ripa, est. Ad duo millia peditum et ducenti équités, vigilibus
segniter ratem solventes, cepit. Transire non potuit pon- ad portas trucidatis ad Annibalem transfugiunt; quos
tem, ut extrema resoluta erant, tota rate in secundam Pœnus bénigne allocutus et spe ingentium donorum ac-
aquam labente. Cœlius auctor est, Magonem cum equi- censos, in civitates quemque suas, ad sollicitandos popur
tatu et Hispanis peditibus flumen extemplo transnasse larium animosdimisit. Scipio, cædem eam signum defec-
ipsuui Annibalem per superiora Padi vada exercituni tra- tionis omnium Gallorum esse ratus, contactosque eo
dumsse, elephantis in ordinem ad sustiuendum impetum scelere velut injecta rabie ad arma iturus quanqam
mes, quoique fort souffrant encore de sa blessure, la place à Annibal. Ce fut le magasin des Car
partit néanmoins sans bruit la quatrième veille thaginois tant qu'ils restèrent près de la Trébie.
de la nuit suivante, se dirigeant vers la Trébie, et Du reste, Annibal n'usa d'aucune rigueur contre
vint asseoir son camp sur des hauteurs inaccessi- la garnison prisonnière, afin de se faire une ré-
bles à la cavalerie. Cependant il trompa moins putation de clémence dès le début de son entre-
l'ennemiqu'au Tésin et Annibal, lançant d'abord prise.
les Numides, puis toute la cavalerie, eût mis en XLIX. Pendant que la guerre était suspendue
déroute l'arrière-garde, si l'avidité du butin n'a- sur les bords de la Trébie, autour de la Sicile et
vait détourné les Numides vers notre camp aban- des îles qui regardent l'Italie plusieurs événe-
donné. Pendant qu'ils en fouillent tous les re- ments avaient eu lieu sur terre et sur mer, sous
coins, perdant un temps précieux pour un profit la conduite du consul Sempronius, et même avant
qui n'en valait pas la peine, leur ennemi leur son arrivée. De vingt quinquérèmes, montées par
échappe des mains; et voyant déjà les Romains mille combattants, que les Carthaginois avaient
au delà de la Trébie, occupés à tracer leur camp, envoyées pour ravager les côtes d'Italie, neuf
ils ne purent que tuer quelques traîneurs surpris abordèrent à Lipari, huit à l'ile de Vulcain, et
en deçà du fleuve. Scipion, ne pouvant plus sup- trois furent emportées par le courant dans le dé-
porter la douleur que lui causait sa blessure irri- troit. Ces dernières ayant été signalées à Messine,
tée par la marche, et croyant devoir attendre son douze vaisseaux envoyés contre elles par Hiéron,
collègue, qu'il savait avoir été rappelé de Sicile, roi de Syracuse, qui se trouvait par hasard à Mes-
choisit près de la rivière l'endroit qui lui parut le sine, attendant le consul romain, les prirent sans
plus propre à un campement, et le fortifia avec résistance, et les amenèrent dans le port de cette
beaucoup de soin. Annibal était campé à peu de ville. On sut par les prisonniers qu'outre la flotte
distance; mais autant il avait été fier de sa vic- de vingt vaisseauxdont ils faisaient partie, et qui
toire de cavalerie, autant il s'inquiéta de la di- cinglait vers l'Italie, trente-cinq quinquérèmes se
selte qui pressait de jour en jour davantage une dirigeaient vers la Sicile pour y soulever les an-
armée marchant sur un territoire ennemi sans ciens alliés; que leur principal but était de s'em-
convois préparés. C'est pourquoi il envoya un parer de Lilybée, et que probablement la tempête
parti vers le bourg de Clastidium, où les Romains qui les avait dispersés avait jeté cette flotte vers
avaient amassé une grande quantité de blé. L'es- les îles agates. Le roi transmet aussitôt cette
poir d'une trahison suspendit les préparatifs d'un nouvelle au préteur M. Émilius, qui avait le dé-
coup de main. Pour la misérable somme de qua- partement de la Sicile, et lui recommande de
tre cents écus d'or, Dasius de Brindes, le com- placer dans Lilybée une forte garnison. Sur-le-
mandant de la garnison, se laissa gagner et livra champ le préteur envoya dans les villes voisines

gravis adhue vulnere erat, tamen quarta vigilia noctis Annibali Claslidium. Id horreum fuit Pœmis sedentibus
insequentis tacito agmine profectus ad 1'rebiam fluvium, ad Trebiam. la captivos ei tradito præsidio, ut fama cle-
in loca altiora collegue impeditiores equiti castra mo- mentiæ in principio rerum colligeretur, nihi) sævitum est.
vet. Mmus, quam ad Ticinum, fefelht misstsque Anni- XLIX. Quum ad Trebiam terrestre conshtisset bellum,
bal primurn Mumidis, deiude omoi equitatu, turbasset intérim circa Siciliam insulasque Italiæ imminentes, et a
utique novissimum agmen, ni aviditate praedae in vacua Sempronio consule et ante adventum ejus, terra mari-
romana castra Numidæ devertissent. Ibi dum, perscru- que res gesta. Vigiuti quinqueremes cum mille armatis
tautes loca omnia castrorum, nullo satis digno moræ pre- ad depopulandam oram Italia,, a Carthaginiensibus missie,
tio tempus terunt, emissus hoslis de manibus est et uovem Liparas, octo insulam Vulcani tenuerunt tres
quum Jam trausgressos Trebiam Romanos, metantesyue in frelum avertit æstus. Ad eas conspectasa Messana duo-
castra couapexissent,paucos moratorumocciderunt, citra decim naves ab Hierone rege Syracusanorum missæ, qui
flumea interceptos. Scipio nec vexationemvulneris in via tum forte Messanæ erat, consulem romanum oppertens,
jactati ultra patiens, et collegam ( jam enim et retocatum nullo répugnante captas naves Messanamin portum de-
ex Sicilia audierat) ratus exspectaudum, locum, qui duxerunt. Coguitum ex captivis præter vigmti naves,
prope (lumen tutissimus stativis est visus, delectum com- cujus ipsi classis essent, iu Italiani missas, quinque et tri-
munit. Nec procul inde Annihal quum consedisset, quan- giuta al as quinqueremes Siciliam petere ad sollicitandoa
tum victoria equestri elatus, tautum anxius inopia, quæ veleres socios. Lilyhei occupandi prseripuam curam esse;
per hostium agros euntem, nusquam præparatiscommea- credere eadem tempestate, qua ipsi di-jecti forent, eam
tibus, major in dies excipiebat, ad Clastidium vicum, quoque classemad Ægates insulas dejectam. Haec sicut
quo maguum frumenti numerum congesserant Romani, audita erant, rei M. Æmtlio prætori, cujus Sicilia erat
mittit. Ibi quum vim pararent, spes facta proditionis: provincia perscribit, monelque, Lilybæum firmo lene-
nec sane magno pretio, nummis aureis quadringenlis, ret præsidio. Extemplo et circa a prætore ad civitates
Dasio Bruudismo pra'fecto præsidii corrupto, traditeur missi legati lribumque, qui suos ad curam custodiæ iu-
des lieutenants et des tribuns pour ordonner aux tre par l'art que par la force, avec les vaisseaux
habitants de faire une garde sévère, et surtout qu'avec les soldats et les armes; car leur flotta,
pour mettre Lilybée en état de défense. Indépen- riche en équipage, était fort pauvre en soldats;
damment de ces préparatifs, un édit fut publié et, dans un abordage, ils n'auraient opposé
portant que les équipages prépareraient des vi- qu'un nombre bien inférieur de combattants.
vres pour dix jours, et les transporteraientà bord; Ce fait étant reconnu, les Romains furent
en-
qu'au premiersignal, tout le monde s'embarque- couraâés par leur grand nombre, et les Cartha-
rait à l'instant; et que les habitants de la côte ginois, effrayés de leur faiblesse. En un instant
guetteraient par des vedettesl'approche des enne- sept vaisseaux ennemis furent enveloppés; le reste
mis. Aussi, quoique les Carthaginois eussent à prit la fuite. On lit sur les sept vaisseaux dix
dessein ralenti la marche de leurs vaisseaux sept cents prisonniers, soldats et matelots, parmi
pour aborder à Lilybée avant le jour, on ne fut lesquels trois nobles Carthaginois. La flotte ro-
pas surpris par leur arrivée, parce que la nuit maine rentra dans le port sans autre dommage
était éclairée par la lune, et qu'ils venaient les qu'une galère percée de part en part, qui fut néan-
voiles déployées. A l'instant le signal fut donné moins ramenée avec les autres. Ce fut après ce
par les vedettes, et dans la ville on cria aux ar- combat, et avant que la nouvelle en fût parvenue
mes, et l'on courut aux vaisseaux. Une partie des à Messine, que le consul T. Sempronius arriva
soldats était sur les murs et aux portes le reste, dans cette ville. A son entrée dans le détroit, le
sur la flotte. Les Carthaginois, voyant qu'il n'y roi Hiéron vint à sa rencontre avec une flotte bien
avait pas à compter sur une surprise, se tinrent équipée, et, passant de son bord à celui du consul,
jusqu'au jour en dehors du port, et passèrent ce il le félicita d'être arrivé sans accident avec son
temps à plier leurs voiles, et à se préparer au armée et ses vaisseaux, lui souhaita une heureuse
combat. Dès que le jour parut, ils gagnèrent le traversée pour la Sicile, et, après lui avoir exposé
large, afin d'avoir plus d'espace pour la bataille, l'état de l'île et les tentatives des Carthaginois, lui
et pour laisser à la flotte ennemie la faculté de promit de servir les Romains, dans sa vieillesse,
sortir du port. Les Romains ne refusèrent point avec tout le zèle qu'il avait montré, jeune encore,
le combat, encourages tout à la fois par le souve- dans la guerre précédente. Il fournirait gratuite-
nir de la gluire acquise dans ces parages, et par ment du blé et des habits aux légions du consul
le nombre et la valeur de leurs soldats. ainsi qu'aux équipages. Du reste, il l'avertit qua
L. Des qu'on fut en pleine mer, les Romains Lilybée et les autres villes maritimes étaient fort
cherchèrentà en venir aux mains et à se mesurer menacées, et que quelques esprits étaient portés
de près avec l'ennemi. Les Carthaginois, au con- à un changement. Sur ces avis, le consul pensa
traire, évitaient la mêlée, aimant mieux combat- qu'il fallait sans retard faire voile pour Lilybée. Le

tenlerent; ante omuia Lil)ba'um teneri ad apparatum Nam ut sociii navalibus affatim instructam classem, ita
belli, edicto proposrto, ut s icii navales decem dierum inopem milite habebant et sicubi conserta navis esset,
coeta cibaria ad naves deferrent; ubt signum datum es- haudquaquam par numerus armalorum es ea pugnabat.
n
set, quis moram conscendendi faceret perque omnem Quod ubi animadversum est, et Romanis multitudo sua
oram (lui ex speculis prospicerentadventantem hostium auxit animum, et paucitas illis mmuit. Extemplo septem
c assem. Simul itaque quanquam de industria morati naves Punicæ circumventæ; fugam ceteræ ceperunt. Mile
cursum nivim crant Carthagmienses ut ante lucem ac- et septmgenti fuere in navibus capli, milites nautique;
cédèrent Lilybænm, præsensum tamen est, quia et luna in his tres nobiles Carthagmiensium.Classis romana in-
pernox erat, et snlilatis armamentis veniebant extemplo columis, una tantum perforata navi sed ea quoque ipsa
datum e speculis signum, et in oppido ad arma concla- reduce, in portum rednit. Secundum banc pugnam, non-
matum est, et in uaves conscensum pars mlitum in mu- dum gnaris ejus, qui Messanae erant, Ti. Sempronius
ris purtarumque m stationibus, pars in navibus erant. consul Messanam venit. Ei fretum intranti rez Hero clas.
Et Carthagiuienses.quia rem fore haud cum imparatis sem ornatam obviam duxit transgressusque ex regia m
cernebant, usque ad lurent portu se abstinuerunt, de- pra'toriam navem gratulatus sospitem cum exercitu et
inendis armamentis eo tempore aptandaque ad pugnam navibus advenisse, precatusque prosperum ac felicem in
classe absumplo. Uhi illuxit, recepere classem in altum, Siciliam transitum; statum deinde insulæ et Carthagi
ut spatiuin puguæ esset, exitumque liberum e pnrtu na- niensum conata exposud pollicitusque est, quo ammo
ves hostium habcreot. Nec Romani detreclavere pugnam, priore bello populum ronianumjuvenisadjuvisset, eo se
et memuria eirca ea ipsa loca gestarum rerum freti et nem adjuturum. Frumentum vestimentaqne sese legio
mlitum multitudme ac virtute. ni bus consulis socüsque navalibus gratis præbiturum.
L. Ubi in altum evecti suat, Romanus conserere pu- Grande perieulum Ltlybæo maritimisque civitatibus este,
gnam et ci propinquo vires conferre velle contra elu- et quibusdam volentibut novas res fore. Ob biec consuli
dere Pœnus, et arte, non vi, rem gerere naviumque, nihil cunctandum visum, quin Lilyhæum classe peteret;
quam vtrorum aut armorum malle oertamen facere. et rex regiaque classis una profecti. Navigantes inde,
roi et la Botte royale partirent avec lui, et bientôt après avoir mis la Sicile en bon état, il se rendit
ils apprirent en mer le combat de hilybée, la à Rimini, en côtoyant l'Italie. De là il se mit en
défaite des ennemis et la prise de leurs vaisseaux. marche avec son armée vers la Trébie, et se joi-
LI. De Lilybée, le consul ayant congédié Ilié- gnit à son collègue.
ron avec la flotte royale, et laissant un préteur LII. La réunion des deux consuls et de toutes
pour défendre la côte de Sicile, se porta vers l'île les forces romaines contre Annibal disait assez
de Malte, qui était occupée par les Carthaginois. ou que Rome pourrait être défendue par de tels
A son arrivée, on lui livra Hamilcar, fils de Gis- moyens, ou qu'il fallait renoncer à tout espoir.
gon, commandant de la garnison, avec un peu Cependant l'un des consuls, intimidé par son com-
moins de deux mille hommes, la place et l'île bat de cavalerie et par sa blessure, voulait traîner
tout entière. Quelques jours après, l'on revint à la guerre en longueur l'autre, plein d'uueardeur
Lilybée, et le consul, ainsi que le préteur, vendit nouvelle, et partant plus hardi, n'admettait aucun
à l'encan ses captifs, à l'exception de ceux qui délai. Tout le pays qui se trouve entre la Trébie
étaient d'une noble naissance. Lorsque le consul et le Pô était alors occupé par des Gaulois, qui,
crut avoir suffisamment couvert la Sicile de ce dans cette lutte de deux grands peuples, cher-
côté-là il se dirigea vers les îles de Vulcain, chaient, sans nul doute, par une conduite ambi-
le bruit courant que la flotte Carthaginoise y guë, à se ménager la faveur du vainqueur. Les Ro·
stationnait; mais il ne se trouva aucun ennemi mains souffraient cette politique assez patiem-
dans ces parages; ils étaient allés ravager les côtes ment, pourvu qu'ils se tinssent tranquilles; mais
d'Italie, et la dévastation du territoire de Vibone Annibal en était fort irrité, disant que les Gaulois
avait déjà jeté l'alarme dans Rome. Le consul l'avaient eux-mêmes pressé de venir les délivrer.
retournait en Sicile, lorsqu'il fut instruit de la Pour satisfaire à sa colère, et pour nourrir son ar-
descente des ennemis sur le territoire de Vibone, mée par le pillage, il envoya deux mille fantas-
et reçut des lettres du sénat, qui l'informaient de sins et mille cavaliers, presque tous Numides, et
l'entrée d'Annibal en Ilalie et lui ordonnaient avec eux quelques Gaulois, ravager tout le pays
de courir sur-le-champ au secours de son collè- jusqu'aux rives du Pô. Dénués de moyens de résis-
gue. Partagé entre toutes ces inquiétudes, il fit tance, les Gaulois, qui, jusqu'alors étaient restés
d'abord embarquer l'armée, qu'il envoya à Armi- indécis, poussés par ceux qui les maltraitent, se
uium par la mer supérieure il donna ensuite il tournent vers ceux qui doivent les venger ils
son lieutenant Sex. Pomponius vingt-cinq vais- envoient des députés au consul, pour appeler le
seaux longs, pour protéger le territoire de Vibone secours des Romains sur une nation qui est vic-
et la côte d'Italie, et laissa au préteur M. Émi- time de sa fidélité pour eux. Cornélius ne trouvait
lius une flotte de cinquante vaisseaux. Pour lui, ni le motif ni la circonstance favorables pour ten-

pugnatum ad Lilybæum fusasqueet captas hostium naves, vit ipse, compositis Siciliæ rebus decem navibus oram
accepere. Italiae legens, Ariminum pervenit inde cum exercitu
LI. A Lilybaeo consul, Hierone cum classe regia di- suo profectus ad Trebiam flumen collegæ conjungitur.
misso, relictoque praetore ad tuendam Siciliæ oram, ipse LiI. Jam ambo consules, et quicquid Romanarum vi-
in msulam Melitam, quæ a Carthaginiensibus tenebatur, rium erat, Annibali oppositum, aut illis copiis defendi
trajecit. Advenienti Hamilcar Gisgonia filius pre'fectus posse romanum impermm, aut spem nullam aham esse,
præsidii, cum paulo minus duobus millbus milium, satis declarabat. Tamen consul alter, equestri prælio uno
oppidumque cum insula traditur inde post paucos dies et vulnere suo minutus, trahi rem malebat recentis
reditum Lilybæum captivique et a consule et a preetore, animi aller, eoque ferocior, nullam dilationem patieba-
pra'ter insignes nobililaie viros, sub corona vemeruot. tur. Quod inter Trebiam Padumque agri est, Galli tum
Postquam ab ea parte satis tutam Siciliam censebat con- incolebant, in duorum præpotentium populorum certa-
sul, ad insulas Vulcani, quia fama erat, stare ibi Punicam mine, per ambiguum fatorem, baud dubie gratiam vic-
classem trajecit nec quisquam hostium circa eas insulas toris spectantes. Id Romani, ne quid modo moverent,
inventus. Jam forte transmiserant ad vastandam Italiæ oequo satis, Prenus periniquo animo ferebat, ab Gallis ao-
oram depopulatoqueVibonensi agro, urbem etiam ter- citum se venisse ad liberandos eos, dictitans. Oh eam
rebant. Repetenti Siciliam consuli exscensio hostium in iram, simul ut præda militem aleret, duo millia peditum
agrum Vibooensem facta nuntiatur literæque ab senatu et mille équités, Numidas plerosque, mixtos quosdam et
de transitu in Itaiiam Annibalis, et, ut primo quoque Gallos, popuhri omnem deinceps agrum usque ad Padi
tempore collegæ ferret auxilium, missae traduntur. Mul- ripas jussit. Egentes ope Galli, quum ad id dubios ser-
lis simul anxius euris, exercitum extemplo in naves im- vassent animos coacti ab auctoribus injuriæ ad vindices
positum, Ariminum supero mari misit Sex. Pomponio futuros declinant legatisque ad consulem inissis, auxi-
legato cum vigmti quinque longis navibus Vibonensem lium Romanorum terras, ob nimiam cultorum fidem in
agram maritimamque oram Itahæ tuendam attribmt Romanos laboranti, orant. Cornelio nec causa, nec tem-
M. Æmilio prætori quinquaginta uavium classem exple- pus agendæ rei placebat suspectaque ei gens erat, quum
ter une action; les Gaulois lui étaient suspects mée ? Les Carthaginois étaient campés en Italie,
pour leurs nombreuses trahisons, et surtout, presque à la vue de Rome. Ce n'érait plus à la Si-
quand le temps aurait effacé toutes les autres, cile, à la Sardaigne enlevées à leurs pères vain-
pour la récente pertidie des Boiens. Semprouius, cus qu'en voulaient leurs armes; ce n'était plus
au contraire, pensait qu'une protection accordée même à l'Espagne en deçà de l'Èbre; c'était du
aux premiers, qui en avaient besoin, était le lien le sol paternel, de la terre natale, qu'ils prétendaient
plus fort pour retenir les alliés dans le devoir. chasser les Romains. Combien gémiraient nos pè-
Aussi, son collègue hésitant encore, il détache sa res, s'écriait-il, eux qui portaient la guerre sous
cavalerie avec mille fantassins, presyue tous hom- les murs de Carthage, s'ils nous voyaient, nous,
mes de trait, qu'il fait passer au delà de la Trébie, leurs enfants avec deux consuls et deux armées
pour défendre le territoire des Gaulois. Cette consulaires, trembler dans notre camp au milieu
troupe, ayant surpris à l'improviste les soldats, de l'llalie; s'ils voyaient les Carthaginois maitres
d'Annibal dispersés, en désordre, la plupart char- de tout le pays qui est entre les Alpes et l'Apen-
gés de butin, jeta pai mi eux la terreur et la mort, nin ? » Tels étaient les discours qu'il prononçait
et les mena fuyant jusqu'à leur camp et aux pre- sur le ton de harangues auprès du lit de son col-
miers postes repoussée un instant par une sortie lègue, et jusque dans le prétoire. Du reste, il
fort nombreuse, grâce à quelques renforts, elle était stimulé par l'approche des comices qui pou-
rétablit le combat,. L'action eut ensuite des chances vaient transférer le soin de la guerre à de nou-
très-variables; mais bien qu'à la fin l'avantage veaux consuls, et par l'avantage de s'approprier
fût égal de part et d'autre, la victoire fut attri- toute la gloire du succès, pendant la maladie de
buée aux Romains plutôt qu'aux ennemis. son collegue. Cornélius, s'y opposant en vain, il
LIII. Du reste, ce succès ne parut à personne ordonne aux soldats de se tenir prêts à combat-
plus qu'au consul important et certain il était tre. Annibal, lorsqu'il considérait ce qui convenait
au comble de la joie d'avoir été vainqueur dans le mieux à l'ennemi, n'osait guère compter sur
un genre de combat où son collègue avait été une imprudence ou une témérité de la part des con-
vaincu. « Il avait, disait-il, rassuré et relevé suls. Mais, comme la renommée et l'expérience
l'esprit des soldats; seul, son collègue voulait re- lui avaient appris que l'un des consuls était d'un
tarder la bataille plus malade d'esprit que de caractère fougueux et fier, et qu'il présumaitque
corps, c'était le souvenir de sa blessure qui lui cette fierté n'avait pu que s'accroître par l'avantage
inspirait de l'horreur pour les armes et les com- remporté sur ses maraudeurs, il ne désespérait
bats. Mais fallait-il languir avec un malade? plus de la bonne fortune d'un prochain engage-
l'ourquoi différer et perdre encore le temps? At- ment. Il apporta donc tous ses soius, toute sa vi-
tendait-on un troisième eonsul, une autre ar- gilance à ue point en laisser échapper l'occasion,

ob infida multa facinora, tum, ut alia vetustate obsole- thaginiensium in Italia, ac prope in conspectu urbis esse.
vissent, ob recentem Boiorum perfidiam. Semproniu. Non Siciliam ac Sardiuiam viclis ademptas, nec cis Ibe-
contra continendis in fide sociis maximum vinculum esse rum Hispaniam peti, sed solo patrio terraque, in qua
prmos, qui eguissent ope, defensos censebat. Tum col- geuiti forent, pelli Romanos. Quantum ingemiscant. m-
lega cunclante, eqnitatum snum, mille peditum jaculato- quit, patres uostri, circa mœnia Carthagims bellare so-
rrbus ferme admxtis, ad defendendum gallicum agrum lili, si videant nos, progeniem suam, duos consules con-
trans Trebiam nuttit. li sparsos et incomposilos, ad hoc sularesque exercitus, in média Italia patentes intra cas-
graves præda plerosqne, quum inopinatos invasissent, tra Poenum, quod inter Alpes Apenainumque agri sit,
ingenton terrorem canlemque ac fugam usque ad castra suae ditionis fecisse ? » Hæc assidens ægro collegæ, hæe
statinuesque hostium fecere unde multitudine effusa in praetorio prope conciouabundus agere. Stimula bat et
pulsi rursu, subsidio suorum prælium reslituere. Varia tempus propinquuin comitiorum, ne in novos consulcs
inde pugna sequente, quauquam ad eztremumæquassent bellum diflerretur, et occasio iu se uuum vertendæ glo-
certamen, major tamen hostum Fomanis lama vietoriæ ria', dum aeger collega erat. Itaque, nequicquam dissen-
fuit. tiente Cornelio, parari ad propinquumcertamen ouhtes
LIII. Ceterum nemini omnium major justiorque,quam jubet. Annibal, quum, quid optimum foret hosli, cer-
ipsc consuli, videri; gaudio elferri, « qua parte copiarum neret, vix ullam spem habebat, temere atque improvide
aller consul viclus furet, ea se vicisse. Restitutos ac re- quicquam consules acturos. Quum alterius ingenium,
fectos mmtibus ammos; nec quemquam esse, prêter fama prius, deinde re coguitumn percitum ac ferox sci-
collegam, qui dilatam dimicationem vellet eum, animo ret esse, fcrociusque factum prospero cum pra'datoribm
mugis, quam corpore, ægrum memoria vulueris aciem suis certamine crederet; adesse gerendæ rei furtuuam
ac tela horrere. Sed non esse cum ægro senescendum. baud diffidebat. Cujus ne quod prætermitterettempm,
Qmd enim ultra differri aut teri tempus ? Quem tertium sollicitusinteulusque erat, dum tiro bostium esset miles,
consulem, quem alium exerotum exspectart 1 Cas:L,d C ir- dum mdiorem ex ducibus inutilem vulntis faceret, dum
tandis que les soldats ennemis étaient encore novi- tassius, Annibal, au point du jour, ordonne à la-
ces, que le meilleur de leurs généraux était réduit à cavalerie numide de passer la Trébie, de voltigcr
l'inaction par sa blessure, et qu'il pouvait compter aux portes du camp romain, de harceler les postes
sur l'ardeur des Gaulois, dont il savait bien que le avancés pour attirer les ennemis au combat, et
plus grand nombre le suivrait avec plus de ré- quand l'action serait engagée, de se retirer peu à
pugnance, à mesure qu'il les éloigneraitde leur peu pour les amener en deçà de la rivière. Telles
patrie. Comme ces divers motifs lui faisaient es- furent les instructions données aux Numides. Lea
pérer un prochain combat, qu'il désirait le pro- autres commandants de l'infanterie et de la cava-
voquer en cas de retard, et que des espions gau- lerie eurent ordre de faire dîner leurs tioupes,
lois, d'autant plus sûrs pour cette mission, que qui devaient ensuite, sous les armes et leurs che-
ce peuple servait dans l'une et l'autre armée, lui vaux sellés, attendre le signal. A la premièr e alerte
avaient rapporté que les Romains se préparaient des Numides, Sempronius, impatient de com-
au combat, Annibali se mit à chercher dans les en- battre, fait avancer d'abord sa cavalerie, dont il
virons un lieu propre à une embuscade. était si fier, puis six mille fantassins, enfin toules
LIV. Entre les deux armées se trouvait un ruis- ses forces, selon son projet bien arrêté d'avance.
seau, dont les rives très-hautes étaient couvertes Il faisait un temps de brume, et il tombait de la
d'herbes marécageuses, de broussailles et de buis- neige ce qui est assez commun dans le pays si-
sons, comme le sont d'ordinaire les terres incultes. tué entre les Alpes et l'Apennin, et que refroidit
Annibal, ayant lui-même visité ce lieu et l'ayant d'ailleurs le voisinage des fleuves et des marais.
trouvé assez fourré pour cacher même de la cava- En outre, les hommes et les chevaux étant sortis
lerie « Voilà ton poste, dit-il à son frère Magon. précipitamment, sans avoir pris de nourriture, ni
Choisis cent hommesdans l'infanterie, cent dans la aucune précautiou contre le froid, se trouvaient
cavalerie, et viens me trouver avec eux à la pre- dépourvus de toute chaleur; et plus ils appro-
mière veille Maintenant il faut prendre de la nour. chaient du fleuve, plus le froid devenait piquant.
riture etdu repos. » Puis il congédie leconseil. Bien- Lorsqu'ils furent entrés dans l'eau, à la suite des
tôt Magon arrive avec sa troupe d'élite: « Vous êtes Numides, la rivière, grossie par la pluie de la nuit
de braves guerriers, dit Annibal mais, pour que précédente, leur venant jusqu'à la poitrine,leurs
vous soyez aussi forts par le nombre que par la membres furent, au sortir de l'eau, tellement per-
valeur, que chacun de vous choisisse parmi les ca- clus, qu'ils pouvaient à peine tenir leurs armes;
valiers et les fantassins neuf camarades aussi bra- d'autant qu'étant encore à jeun, à une heure du
ves que lui. Magon vous montrera le poste que vous jour déjà fort avancée, ils étaient épuisés de be-
devez occuper. Vous aurez affaire à un ennemi qui soin.
ne connaît pas ces ruses de guerre. o Après avoir LV. Cependant les soldatsd'Annibal, ayant allu-
expédié Magon avec mille cavaliers et mille fan- mé du feu devantlcurs tentes, assoupli leurs mem-

Gallorum animi vigerent quorum ingentem multitudi- gressos Trebiam flnmen, obequitarejubet hostium por-
nem sciebat segnius secuturam, quanto longius ab domo tis, jaculandoque in statiunes elicere ad pugnam hovtem
traherenur. Quum ob hxc tahaque speraret propin- injecto deinde certamine, cedendo sensim citra flumen
quum certamen, et facere, si cessaretur, cuperet; spe- pertrahere. Ha'c mandata Numidis. Ceteris ducibus pe-
culatoresque Galli, ad ea exploranda, quæ vellet, tutio- ditum equitumque praceptum ut prandere omues jube-
res, quia in utrisque castris militabant, paratos puguæ rent. armatos deinde, instratisque equis, signum exspec-
esse Romanos retulissent; locum insidiis circumspectare tare. Sempronius, ad tunmltum Numidarum primum
Pœnus cœpit. omnem equitatum ferox ea parte virium demde ses
LLV. Erat in medio rivus, prwaltis utrimque clausus millia peditum poslremo omnes copias ad destinatum
ripis, et circa obsitus paluslribus berbis et, quibus in- jam ante consilio, avidus cerlaminis, eduxit. Erat forte
uilla ferme vestiuntur, virgultis vepribusque. Quemubi brumae tempus et nivalis dies in locis Alpibus Apenomo-
equiti quoque tegendo satis latebrosum locum circum- que interlectis, propinquitate etiam fluminum se palu-
vectus ipse oculis perlustravit Hic erit lo us, Magoni dium prxgelidis. Ad hoc raptim eductis hominibus atque
fratri ait, quem teneas. Delige centeuos viros ex omui equis, non capto ante cibu, non ope ulla ad arcendum
pedite nique equite; cum quibus ad me vigilia prima ve- frigus adhibita, nihilcaloris inerat et quicqurd auræ flu-
nias. Nunc corpora curare tempus est.. Ita prætorium minis appropinquabant, af0abat acrior frigoris vis. Ut
missum. Mox cum deleclis Mago aderat. » Robora virorum vero refugieutes Numidas insequentes aquam ingressi
cerno, inquit Annibal sed, ut et numero etiam, non sunt ( et erat pectoribus tenus aucta nocturno imbri),
animis modo, valeatis, singulis vobis novenos ex turmis tum utique egressis rigere ommbns corpora ut vix ar-
manipulisque vestri similes eligite. Mago locummonstra- morum tenendorum potentia essent, et simul lassitudine,
bit, quem insideatis. Hostem caecum ad bas belli artes procedeote jam die, fame etiam deficere.
habebitis.. Ita mille equitibus Magon, mille peditibus LV. Annibalis mterim miles, ignibus ante tentoria fac.
dimissis, Annibal prima luce Numidas équités, trans- tis, oleoque per manipulos, ut mo'lirent arlus, misso.
bres avec l'huile distribuée dans les compagnies, combat qu'entièrement refaits, tandis que les Ro-
et pris tranquillement leur repas, à la nouvelle du mains étaient affaiblis par la faim et la fatigue, et
passage de la rivière par l'ennemi, saisissent leurs paralysés par le froid. Cependant ils eussent résisté
armes, dispos de corpset d'esprit, et vontse ranger par le courage seul, s'ils n'avaient eu affaire qu'à
en bataille. Annibal place en tête les Baléares, et l'infanterie. Mais les Baléares, après avoir dissipé
ses troupes légères, formant en tout environ huit la cavalerie, criblaient leurs flancs de traits, et
mille hommes; ensuite son infanterie pesam- les éléphants s'étaient déjà portés sur le centre.
ment armee, c'est-à-dire tout ce qu'il avait de Enfin, Magon et ses Numides, dès que l'armée
meilleurs soldats; sur les ailes il jette ses dix mille qui ne soupçonnait rien eut dépassé leur embus-
chevaux, et devant chacune établit ses éléphants. cade, l'attaqua par derrière, et jeta dans ses
Le consul, voyant ses cavaliers lancés à la pour- rangs le désordre et la terreur. Au milieu de
suite des Numides, refoulés tout à coup par ces tant de périls qui les pressaient de toutes parts,
mêmes Numides qui font volte-face, fit sonner la les Romains tinrent ferme quelque temps, et
retraite, les rappela, et les disposa autour de son même, ce qu'on était bien loin d'attendre, con-
infanterie. Son armée se composait de dix-huit tre les éléphants. Des vélites, postés à cet effet,
mille Romains, de vingt mille tant alliés que du lançant leur javeline sur ces animaux, leur fai-
nom latin, et d'un corps auxiliaire de Cénomans, saient tourner le dos, et, s'attachant à leurs pas,
la seule nation gauloise qui nous fût restée fidèle. les perçaient sous la queue, à l'endroit où leur
Ce fut avec ces forces qu'on livra bataille. L'action peau, beaucoup plus molle, était, par cela même,
fut engagée par les Baléares mais, comme les lé- plus vulnérable.
gions leur opposaient une résistance trop forte, LVI. Déjà tout effarés, ils allaient se rejeter sur
ces troupes légères furent promplement rappelées les Carthaginois eux-mêmes, lorsque Annibal or-
sur les ailes, ce qui fit que la cavalerie romaine donna de les conduire du centre aux extrémités,
fut accablée sur-le-champ; car quatre mille hom- et de les placer à l'aile gauche en face des Gaulois
mes déjà fatigues, qui ne résistaient qu'avec peine auxiliaires. La déroute de ces derniers fut prompte
à dix mille cavaliers, en grande partie de troupes et point équivoque. La terreur des Romains s'ac-
fraîches, se trouvèrent en outre écrasés par la grêle crut encore à la vue de leurs auxiliaires mis en
de traits que les Baléares firent pleuvoir sur eux. fuite. Réduits à faire face de tous côtés, dix mille
Dc plus, les éléphants, débordantles extrémités des hommes environ, les seuls qui n'eussentpas été
ailes, épouvantaient surtout les chevaux par leur rompus, s'ouvrirent un chemin fort sanglant pour
aspect à la fois et par leur odeur inaccoutumée et les ennemis à travers le centre des Africains ren-
répandaientau loin la déroute. La lutte des deux forcés de Gaulois et comme le fleuve leur fermait
infanteries fut égale par le courage plutôt que par le chemin de leur camp, et que la pluie les empé-
les forces les Carthaginois n'étaient venus au chait de voir où ils avaientà porter du secours, ils

et cibo per otium capto ubi transgressos flumen hostes ratit corporibus, in praelium attulerat: contra, jejuna
nuntiatum est, alacer animis corporibusque arma capit, lessaquecorpora Romanisetrigentia gelu torpebaut. lies-
atque in aciem procedit. Baliares locat ante signa levem tititsent tamen animis si cum pedite solum loret pugna-
armaturam, octoferme millia hommum dein graviorem turn. Sed et Baliares, pulso equite, jaculabauturin latera
armis peditem quod virium quod roboris erat in cor- et elephanti jam in mediam peditum aciem sese tuleraol;
nibus circumfudit decem millia equitum; et ab coruibus et Mago Numidæque, simul latebras eormu improvida
in utramque partem divisos et elephantos statuit. Consul præterlata acies est, exorti ab tergo ingeutem tumultum
effusos sequentes équités, quum ab resistenllbus subito ac terrorem fecere. Tamen in tot circumstantbus malis
Numidis incauti exciperentur, signo receptui dato, revo- mansit aliquamdiu immota acies, maxime prater spem
catos circumdcdit peditibus. Duodeviginti millia Romaui omnium adversus elephautos. Eos velites, ad id ipsum
erant, socum nominis Latini viginti; auxilia præterea locati, verutis conjectis et avertere, et msecuti aversos
Cenomanorum ea sola in flde manserat gallica gens. His sub caudis, qua maxime molli cute vulnera accipiunt, fo-
copus concursum est. Prælium a Baliaribus ortum eat; diebant.
qmbus quum majore roboie legiones obsisterent, deduc- LVI. Trepidantes propeque jam in suos consterna-
tæ propere iu coruua leves armaturtc sunt. Quæ res ef- tos média acie in extremam, ad sinistrum cornu adver-
fecit, ut equitatus romanus extemplo urgeretur; nam sus Gallos auxiliares agi jussit Annibal. Extemplo haud
quum vix jam per se résistèrent decem milibus equitunt dubiam fecere fugam. Additus quoque novus terror Ro-
quatuor millia, et fessi plerisqueintegris, obruti sunt in. manis, ut fusa auxilia sua viderunt. Itaque, quum jam
super velut nube jaculorum a Baliaribus conjecta. Ad in orbem pugnarent, decem millia ferme hominum
hoc elephauti, emiuentes ab extremis cornibus, equis quum alia evadere nequissent,média Afrorum acie, qua
maxime non visu modo, sed odore insolito territis, fu- gallicis auxihis firmata erat, cum ingenti cæde hostium
gam late faciebant. Pedestris pugna par animis magis, perrupere; et, quum neque in castra reditus esset flu-
quam vtribus, erat; quas recentes Pœnus, paulo ante cu- mine interclusts, neque præ imbl i satis deceruere pos-
marchèrent droit à Plaisance. La foule chercha son res étant défaites, quels généraux, quelles légions
salut de côté et d'autre. Ceux qui gagnèrent la ri- pourraient-ils encore appeler à leur secours? Au
vière furent engloutis dans ses eaux, ou surpris milieu de cette consternation arriva Sempronius:
par l'ennemi dans leur hésitation. Ceux qui s'é- il venait d'échapparà un graudpéril, ayant passé
taient dispersés à travers les champs, atteignirent à travers les cavaliers ennemis répandus çà et là
Plaisance en suivant les traces du corps d'armée pour piller, par témérité plutôt que par prudence
qui faisait sa retraite; d'autres, par crainte des en- et avec l'espoir soit de tromper l'ennemi, soit de
nemis, eurent le courage de se jeter dans le fleuve, lui résister s'il était découvert. Il tint les comices
et parvinrent heureusement dans le camp. Une consulaires, chose qu'on désirait le plus en ce
pluie mêlée de neige, et l'excessive rigueur du moment, et retourna dans ses quartiers d'hiver.
froid firent périr beaucoup d'hommes et de bêtes Cn. Servilius et C. Flaminius furent créés consuls.
de somme, et presque tous leséléphants. LaTrébie Du reste, les Romains n'étaient pas même tran-
arrêta la poursuite des Carthaginois, lesquels quilles dans leurs cantonnements, à cause des.
rentrèrent dans leur camp tellement saisis par le courses continuelles des cavaliers numides ou des
froid, qu'à peiue sentaient-ils la joie de leur vic- Celtibériens et des Lusitaniens, quand le terrain
toire. Aussi, dans la nuit suivante, lorsque les arrêtait les premiers. De sorte que tous les con-
gardes de notre camp et les débris de notre armée vois leur étaient interceptés, excepté ceux qui
passèrent la Trébie sur des radeaux, les Cartha- leur arrivaient par le Pô sur des barques. Il y
ginois ne s'en aperçurent point, à cause du bruit avait, près de Plaisance, un marché, fortifié avec
de la pluie; ou bien empêchés de se mouvoir par le plus grand soin, et défendu par une foite gar-
leur lassitude et leurs blessures, ils firent semblant nison. Annibal s'y porta dans l'espoir de s'en em-
de ne rien voir. L'ennemi ne faisant aucune dé- parer avec sa cavalerie et ses troupes légères, et
monstration, Scipion conduisit par une marche comme il fondait principalement sur le secret le
silencieuse sa division jusqu'à Plaisance; et de là, succès de son entreprise, il fit son attaque de nuit:
traversant le Pô, se rendit à Crémone, afin que mais il ne put tromper les sentinelles. Les cris
le cantonnement de deux armées ne pesât pas sur d'alarme furent si forts qu'ils retentirent jusqu'à
une seule colonie. Plaisance. Aussi, au point du jour, le consul ar-
LV1I. Cette défaite jeta dans Rome une si grande riva avec la cavalerie, après avoir ordonné aux.
terreur, que l'on croyait déjà voir aux pieds des légions de suivre en bataillon carré. Il s'en-
murs les drapeaux ennemis, sans qu'on eûtaucun gagea un combat de cavalerie, dans lequel, An-
espoir ni aucun moyen de repousser l'atiaque. L'uu nibal s'étant retiré par suite d'une blessure, la
des consuls ayant été vaincu près du Tésin, l'au- frayeur s'empara des ennemis, et la garnison
tre rappelé de Sicile, et les deux armées consulii- se défendit vaillamment. Après quelques jours de

sent, qua suis opem ferrent, Placentiam recto itinere altero ex Sicilia revocato, duobus consulibus, duobus
perreiere. Plures deinde in omnes partes eruptioues fac- consularibus exercitibus viclis, quos alios duces, quas
tæ et, qui Oumen petiere, aut gurgitibus absumph sunt, alias legiones esse, quæ arcessautur? »Ita territis Sem-
aut inter cunctalionem ingrediendi ab hostibus oppressi. pronius consul advenit, ingenti periculo per effusos pas-
Qui passim per agros fuga sparsi erant, vestigia cedentis sim ad prædandum hoslium équites, audaciamagis, quam
aequentes agminis, Placeutiam contendere alois limor consilioaut spe fallendi resistendive,si non falleret, trans-
hostium audaciam ingrediendi flumen fecit, transgressi- gressus. Id quod unum maxime in præsentia desideraba-
que in castra pervenerunt. Imber nive mktus, et intole- tur, comiUis consularibus babitis, in hibernarediit. Creati
randa vis frigoris et hommes multos et jumenta et ele- consules Cn. Servilius et C. Flaminius. Ceterum ne hi-
phantos prope omnes, absumpsit. Finis insequendibostis berna quidem Romanis quieta erant, vagantibus passim
Pœnis flumen Trebia fuit et ita torpentes gelu in castra Numidis equitibus, et, qua his impeditiora erant, Cel-
rediere ut vix laetitiam victoriæ sentirent. Itaque nocte tiberis Lusitanisque. Omues igitur clausi undique com-
insequenti,quum præsidium castrorum,et quod reliquuin meatus erant, nisi quos Pado naves subveherent. Em-
ex magna parte militum erat, ratibus Trebiam trajice- porium prope Placentiam fuit, et opere maguo munitum,
rent, aut nihil sensere, obstrepente pluvia; aut, quia et valido firmatum praesidio. Ejus castelli expugnandi spe
jam moveri præ lassitudine nequibant ac vulneribus cum equitibus aclevi armatura profectus Aumbal, quum
sentire sese dissimularunt quietisque Pœnis, tacito plurimum in celando incepto ad effectum spei habusset,
agmiue ab Scipinne consuleexercitus Placentiam est per- nocte adortus, non fefellit vigiles. Tantus repente clamor
ductus iode Pado trajectus Cremonam, ne duorum est sublatus, ut Placentiæ quoque audiretur. Itaque sub
exercituum hibernis una colonia premeretur. lucem cum equilatu consul aderat, jussis quadrato ag-
LVII. Romam tantus terror ex bac clade perlatus est, mine legiouibus sequi. Equestre proelium intérim com-
ut jam ad urbemcrederent infestis signis hostem ventu- missum in quo, quia saucius Annibal pugna excessit,
rum; nec quicquam spei aut auxilii esse, quo partis mm- pavore hoslibus injecto, defensum egregie præsidium est.
uibusque vim arcerent. « Uno consule ad Ticinum victo Paucorum inde dierum quiete snmpta, et tndum satus.
repos, et sa blessure étant a peine guérie, Anni- rieuse tempête, qu'elle surpasse presque toutes
bal se mit en marche pour aller assiéger Victum- les horreurs des Alpes. Une pluie mêlée de vent,
vix. C'était un marché que les Romains avaient qui leur donnait dans le visage, les força d'a-
fortifiédans laguerredes Gaulois. Depuis lors, il s'y bord de s'arrêter, sous peine de laisser leurs ar-
était établi un mélange nombreux des peuples voi- mes, ou, s'ils avaient lutté contre l'orage, d'ê-
sins et en ce moment la peur du pillage y avait ras- tre entraînés et renversés par le tourbillon. En-
semblé presque toute la population des campagnes. suile, comme ils avaient la respiration coupée,
'foutecette multitude, enflammée par les récits de et même absolument arrêtée, ils s'assirent quel-
la belle défense du poste voisin de Plaisance, prit que temps, le dos tourné au vent. Tout à coup
les armes, et courut à la rencontre d'Annibal. Ce l'air retentit de violents coups de tonnerre, et les
furent des bandes plutôt qu'une armée qui s'offri- éclairs brillent à travers ce fracas épouvautable.
reutau combat sur la route; et comme, d'un côté, Les oreilles et les yeux également frappés, ils
se trouvait une foule sans ordre, et, de l'autre, un étaient tous immobiles d'effroi. Entin la pluie
chef et des soldats soutenus par une confiance mu- cessa; mais le vent en ayant pris plus de force,
tuelle, trente-cinq mille hommes environ furent ils se virent obligés de camper au lieu même où
dispersés par une poignée d'ennemis. Le lendemain la tempête les avait surpris. Alors leurs fati-
la place capitula, et reçut garnison. Puis, lorsqu'àà gues recommencèrent comme de nouveau; car,
la première sommation, les vaincus eurent livré ou ils ne pouvaient ni déployer ni établir leurs
leurs armes, le signal fut donué de piller la ville, tentes, ou celles qu'ils parvenaient à dresser ne
comme si elle eût été prise d'assaut. Il n'y man- tenaient poiut en place, le vent déchirant ou
qua aucune des horreurs qu'on a coutume de emportait tout. Bientôt l'eau élevée par le vent
voir dans les récits de pareils désastres, tant s'etant gelée sur le sommet glacé des montagnes,
la brutalité, la barbarie et l'arrogance la plus retomba en neige si forte et si pressée que, renon-
féroce s'exercèrentcontre les malheureux vaincus. çant à tout, les hommes se couchaient, ensevelis
Telles furent les opérations d'Annibal pendant plutôt qu'abrités sous leurs vêtements. A cette
l'hiver. neige succéda un froid d'une telle âpreté que de
LVIII. Il donna quelque repos aux soldats, tous ces misérables, hommes et chevaux étendus
pendant que les froids étaient insupportables; par terre, quand chacun voulut se soulever et se
et, aux premiers signes du printemps, quoi- redresser, de longtemps aucun ne le put, parce
que incertains encore quittant ses quartiers que leurs nerfs ayant été raidis par le froid, ils ne
d'hiver, il mena son armée en Étrnr ie pour s'at- pouvaient plus mouvoir leurs articulations.Eulin,
tacher ce pays, comme il avait fait des Gaulois et lorsqu'à force de s'agiter ils eurent recouvré le
des Liguriens, de force ou de bonne volonté. Au mouvement et leurs esprits, et que l'on eut al-
passage de l'Apennin, il fut assailli par une si fu- lume du feu de distance en distance, chaque

percurato vulnere, ad Victumvias ire pcrgit oppugnan- adorta tempestas est, ut Alpium fœditatem prope supe-
dao. Id emporium a Romanis gallico bello fuerat munitum. raverit. Vento mixtus imber quum ferretur in ipsa ora,
Inde locum frequenta verant accolæ mixti uudiqueex fini- primo, quia aut arma omittenda eraut, aut coutra eni-
timis populis; et tum terror pnpulationum eo plerosque tentes vortice intorti affligebantur, constitere dein,
ex agris compulerat. Hujus generis multitudo, fama im- quum jam spiritum inctuderet nec reciprocareanimam
pigre defeusi ad Placentiam præsidii accensa, armis ar- sineret, aversi a vento parumper consedere. Tum vero
reptis obviam Anmbali procedit. Magis agmina, quam ingenti sono cœlum strepere, et inter horrendos fragorea
acies, in via concurreruut; et, quum ex aitera parte ni- micare ignes capti auribus et oculis metu omnes torpere.
hd, præter inconditam turbam, esset, in altera et dux Tandem, effuso imbre, quum eo magis arcensa vis venti
militi, et duci fidens miles, ad triginta quinque millia esset, ipso illo, quo deprehensi eraut, loco castra pouere
hominum a paucis fusa. Postero die, deditione facta, necessarium visum est. Id vero laboris velut de integro
praesidiumiutra mœnia accepere jussique arma tradere ioitium luit. Nam nec explicare quicquam, nec statuere
quum dicto paruissent, signum repente victoribus datur, poterant; nec, quod statutum esset, maoebat, omnia
ut tanquam vi captam urbem diriperent. Neque ulla qux perscindente vento et rapiente et mox aqua levata vento,
iu tali re memorabdis scribentibus videri solet præter- quum super gelida montium juga coucreta esset, tantum
missa clades est adeo omnis libidinis, crudelitatisque nivosæ grandinis dejecit, ut, omnibus omissis, procum-
et inhumanæ superbiæ editum in miseros est exemplum. berent liomines, tegminibus suis magis ubruti, quam
Ha* fuere hibernæ expeditionesAunibalis. tecti. Tantaque vis frigoris insecuta est, ut, ex illa mise-
LVIII. Haud longe inde temporis, dum intolerabilia rabili hominum jumentorumquc strage quum se qlmque
fngora eraut, quies militi data est et ad prima ac dubia aitollere ac levare vellet, diu nequiret, quia, torpentihus
sigua veris profectus ex hibernis, in Etruriam ducit, eam rigore nervis, vix tlectere artus poterant. Deinde, ut tan-
quoque geutem, sicut Gallos Ltguresque, aut vi aut vo- dem agitando sese movere ac recepere auimos, et raria
luntate adjuncturus. Transeuntem Apeuninum adeo atrox locis ignis fieri est cœplus, ad alienam opem quisque iuopat
homme trop faible par lui-même avait recours fureur fut interrompue par la nuit; aussi la ren-
à son compagnon. Ils passèrent deux jours en contre fut-elle plus rude que sanglante; et comme
cet endroit comme assiégés il y périt beaucoup le combat s'était à peu près balancé, la perte fut
d'hommes, de chevaux, et sept des éléphants qui égale de part et d'autre. Du reste il ne périt d'au-
avaient survécu à la journée de la Trébie. cun côté plus de six cents fantassins et de trois
LIX. Étant descendu de l'Apennin, Annibal re- cents cavaliers; mais la perte des Romains fut
tourna vers Plaisance, et alla camper à dix milles plus grave en elle-même que par le nombre, car
environ de cette ville. Le lendemain il mena con- il resta sur la place quelques chevaliers, cinq
tre l'ennemi douze mille fantassins et cinq mille tribuns militaires et trois préfets des alliés. Après
cavaliers. Le consul Sempronius, déjà de retour ce combat, Annibal se retira chez les Liguriens,
de Rome, ne refusa pas le combat ce jour-là il et Sempronius à Lucques. A son arrivée chez les
n'y avait que trois mille pas entre les deux camps. Liguriens, Annibal reçut de leurs mains, comme
Le lendemain on se battit avec une grande ani- nantissement de leur paix et de leur alliance, deux
mosité et des chances diverses. Au premier choc, questeurs romains, C. Fulvius et L. Lucretius,
les Romains eurent tellement l'avantage que nou- avec deux tribuns militaires, et cinq chevaliers,
seulement ils repoussèrentl'ennemi sur le champ presque tous fils de sénateurs, qu'ils avaient pris
de bataille, mais qu'ils le chassèrent dans son par trahison.
camp, et l'y assiégèrent. Annibal, laissant un pe- LX. Pendant que ces événements se passent en
tit nombre de soldats aux portes et sur le retran- Italie, Cn. Cornélius envoyé en Espagne avec une
chement, resserra tout le reste de ses troupes vers flotte et une armée, partit des bouches du Rhône,
le milieu du camp, leur ordonnant de se tenir at- doubla les monts Pyrénées, et vint aborder à
tentives au signal de sortie. Déjà l'on était à la Empories. Puis, ayant débarqué là ses troupes,
neuvième heure du jour, lorsque le consul, voyant et commençant par les Lacétans, il soumit aux Ro-
ses soldats fatigués, et n'ayant nul espoir de forcer mains toute la côte jusqu'à l'Èbre, soit en formant,
le camp, fit sonner la retraite. Aussitôt qu'Anni- soit en renouvelant des alliances. En peu de
bal s'aperçut que le combat mollissait, et que l'en- temps il se fit une réputation de clémence qui le
nemi s'éloignait, il lança sa cavalerie à droite et mit en crédit non-seulement chez les peuplades
à gauche, et sortit lui-même par le centre avec maritimes, mais encore dans l'intérieur des terres
l'élite de son infanterie l'affaire eût été des et les montagnes, sur des nations bien plus indé-
plus acharnées et des plus meurtrières pour pendantes. il sut se ménager avec elles la paix et
les deux partis, si le jour eût permis qu'elle se une alliance armée, et en tira quelques cohortes
prolongeât. L'action engagée avec la plus grande d'auxiliaires. Hannon commandait en deçà de

tendere. Biduum eo loco, velut obsessi, mansere. Multi lium diremit. Itaque acriorconcursus fuit, quam cædes;
homines, multa lumenta elephanti quoque ex his, qui et, sicut aequata ferme pugna erat, ita clade pari disces-
pralio ad Trebiam facto superfuerant septem ab- sum est. Ab neutra parte sexcentis plus peditibus, et di-
sumpli. midium ejus equitum cecidit. Sed major Romanis, qnarn
LIX. Degressus Apennino retro ad Placentiam castra pro numero, jactura fnit quia equestris ordinis aliquot,
movit, et ad decem millia progressus consedit. Postero et tribuni militum quinque, et præfecti sociorum tres,
die duodecim millia peditum quinque equitum adversus sunt interfecti. Secuudum eam pugnam Annibal in Ligu-
hostem ducit. Nec Sempronius consul ( jam enim redierat res, Sempronius Lucam concessit. VenieuLi in Ligures
ab Roma) detrectavit certamen atque eo die tria millia Annibali per insidias intercepti duo quæstores rumaui,
passuum inter bina castra fuere. Postero die ingentibus C. Fulvius et L. Lucretius, cum duobus tribunis mihtum,
auimis, vario eveutu, pugnatum est. Primo concursu et quinque equestris ordiuis senatorum ferme liberis, quo
adeo res romana superior fuit, ut non acie vincerent so- magis ratam fore cum his pacem socictatemque crederet,
Imu, sed pulsos bostes in castra persequerentur; mox traduntur.
castra quoque oppugnarent. Annibal paucis propugna- LX. Dum hsc in Italia geruntur, Cn. Cornelius Sci-
toribus in Yallo portisque positis, ceteros confertos in pio, in Hispaniam cum classe et exercitu missus, quum,
média castra recepit, intentosque signum ad erumpen- ab ostio Rhodaui profectus, pyrenæosque montes circum-
dum spectare jubet. Jam nona ferme diei bora erat, quum vectus, Emporiis appulisset classem,expusito Ibi exercitu
Romanus, nequicquam fatigato milite, postquam nulla orsus a Lacetanis, omnem oram usque ad Iberum flu-
spes erat potiundi castris, signum receptui dedit. Quod men, partim renovandis societatibus, partim novis insti-
ubi Annibal accepit, laxatamque pngnam et recessum a tuendis, romana ditionis fecit. Inde conciliataclementiæ
castris vidit, eilemplo equitibus deitra lævaque emissis fama non ad marilimos modo populos, sed in medi-
in hostem ipse cum peditum robore mediis castris eru- terraneis quoque ac montanis, ad ferocioresjam gentes
pit. Pugna raro ulla magis sa'va et cum utriusquepartis valuit nec pax modo apud eos sed societas etiam ar-
pernicie clarior fnisaet, si extendi eam dies in longum morum, parata est validæque aliquotamiliorum cohor-
spatium sivisset. Not accensum ingentibus animis prx- tes ex iis conscriptae cunt. Hannonis eis Iberum proTincia
l'èbre; Annibal lui avait laissé la garde de ce un grand nombre, et poussa le reste en désordre
pays. Sentant qu'il fallait arrêter l'ennemi avant jusqu'à leurs vaisseaux. Toutefois, n'osant pas
que toute la contrée eût été détachée, il alla cam- demeurer plus longtemps, de peur d'être sur-
per en face des Romains, et leur présenta la ba- pris par Scipion, il se retira au delà de l'Èbre.
taille. Scipion n'eut garde de la refuser, car il Scipion, de son côté, ayant précipité sa marche
savait qu'il aurait bientôt affaire à Hannon et à sur le bruit de l'apparition d'un nome) enuemi,
Asdrubal, et il aimait mieux les combattre sépa- punit quelques préfets de la flotte, laissa une
rément que tous les deux ensemble. La victoire ne petite garnison à Tarragone, et revint à Empo-
fut pas sérieusement disputée. L'ennemi eut six ries avec ses vaisseaux. A peine se fut-il éloigné,
millemortsetdeux mille prisonniers, plus la garde qu'Asdrubal reparut, gagna les Ilergètes, qui
du camp; car le camp fut aussi emporté, et le gé- avaient donné des otages à Scipion, et avec leur
néral pris avec quelques-uns des principaux of6- jeunesse ravagea les terres des alliés restés fideles
ciers. Scissis, place voisine, tomba même en son au peuple romain. Scipion étant sorti de ses quar-
pouvoir. Du reste le butin de cette ville fut peu tiers d'hiver, il évacua de nouveau tout le pays
de chose; quelques meubles barbares et de misé- en deçà de l'l:bre, Se jetant ensuite avec son
bles esclaves. Mais le camp enrichit le soldat, car armée sur les Ilergètes abandonnés par l'auteur
il renfermait presque tous les effets précieux de de leur défection, et les refoulant tous dans Atha-
l'armée vaincue, et même de celle qui faisait la nage, leur capitale, mit le siége devant cette ville;
guerreen Italie avec Annibal, et qui, pour ne pas et, peu de jours après, il reçut ce peuple à discré-
être embarrassée de bagage, les avait laissés en tion, en exigeant plusd'otagesque la première fois,
deçà des Pyrénées. et en lui imposant même une contribution. De là il
LXI. Avant la nouvelle certaine de cette dé- entra chez les Ausétans, voisins de l'Èbre, autres
faite, Asdrubal avait passé l'Èbre avec huit mille alliés des Carthaginois. Pendant qu'il assiégeait
fantassins et mille chevaux, dans l'intention de leur ville, les Lacéians ayant voulu secourir leurs
recevoir tes llomains à leur arrivée; mais, lorsqu'il voisins durant la nuit, tombèrent, au moment où
apprit le désastre de Scissis et la prise du camp, ils essayaient d'entrer dans la place, dans une
il tourna vers la mer. Ayant rencontré près de embuscade dressée par lui. On leur tua près de
Tarragone les soldats de la tlotte et les hommes douze mille hommes les autres, presque tous dés-
d'équipage fournis par les alliés, lesquels cou- armés, regagnèrent leurs demeures à la déban-
raient dispersés dans la campagne, par suite de dade et à travers champs. Les assiégés n'avaient
cette négligence qu'amènent ordinairement les d'autre défense que l'hiver qui contrariait les as-
succès, il lança sur eux sa cavalerie, qui en tua siégeants. Le siège dura trente jours, pendant les-

erat eum reliqueratAnnibal ad regionis ejus præsidium. gligentiam creent), equite passim dimisso, cum magna
Itaque prius, quam alienarenturomnia, obviam eundem cæde, majore fuga ad naves compellit. Nec diutius circa
ralus, castris in conspectu hostium positis, in aciem ea loca morari ausus, ne a Scipiune opprimeretur, trans
eduxit. NecRomano differendum certamen visum quippe Iberum sese recepit. Et Scipio, raptim ad famam novo-
qui sciret, cum IIannonc et Asdrubale sibi dimirandum rum hostium agmine acto, quum in paucos prsfectos na-
esse; malletque adversus singulos separatim, quam ad- viam ammadvertisset, praesidio Tarracone modico re-
versus duos simul rem gerere. Nec magm certaminis ea licto, Emporias cum classe rediit. Vixdum digresso eo
dimicatio fuit. Sex millia hostium caesa, duo capta cum Asdrubal aderat et, Ilergelum populo, qui obsides Sci-
præsidio castrorum nam et castra expugnata sunt at- pwm dederat, ad defectionem impulso, cum eorum ip-
que ipse dm cum aliquot principibus capiuotur et Scis- sorum juventute agros fideliumRomanissociorum vastat.
sis, propinquum castria oppidum, expugnatur. Ceterum Excito deiude Scipioue hiberms, toto cis Iberum rursus
præda oppidi parvi pretii rerum fuit; suppellex barbarica cedit agro. Scipio, relictam ab auctore defectionis Iler-
ac vilium mancipiorum. Castra militemditavere; non ejus getum gentem quum infesio eaercitu invasisset, compul-
modo excrcitus, qui victus erat, sed et ejus, qui cum sis omnibus Athanagiam, urbem, quoe caput ejus populi
Anmbale in Italia militabat, omnibus fere caris rebus, erat, Clrcumsedit intraque dies paucos, pluribus quam
negravia impedimenta ferentibus essent,citra Pyrenæum ante obsidibus imperatis, Ilergetes, pecunia etiam mul-
relictis. tatos, in jusditionemquerecepit.Iude in Ausetanosprope
LXI. Priusquam certa hujus cladis fama acciJeret, Iberum, socios et ipsus Pœnorum, procedit: atque urbe
transgressuslberum Asdrubal cum octo millibuspeditum eorum obsessa, Lacetanos auxilium finitimis ferentes
mille eqmtum, tanquam ad primum adventum Romano- nocte, haud procul jam urbe, quum intrare vellent, ex-
rum occursurus, postquam perditas res ad Scissim amis- cepit insidiis. Cæsa ad duodecim millia exuti pæne om-
saque castra accepit, iter ad mare convertit. Haud procul nes armis, domos passim palantes per agros diffugere
Tarracone classicos milites navalesque socios vagos pa- næ obsessos alia ulla res, quam iuiqua oppugnantibus
lantesque per agros (quod ferme fit, ut secundæ res ne- hiems, lutabatur. Triginta dies obsidio fuit purquoi
quels il y eut rarement moins de quatre pieds de du Piceutin, on décréta neuf jours de sacrifices.
neige elle avait tellement recouvert les man- D'ailleurs toute la ville fut occupée à des cérémo-
telets et les gabions des Romains, qu'elle suf- nies expiatoires. Premièrement, des lustrations
fit pour les protéger contre les feux quelquefois eurent lieu dans tous les quartiers de Rome, et de
lancés par l'ennemi. Enfin leur chef Amusitus s'é- grandes victimes furent immolées aux dieux que
tant réfugié auprès d'Asdrubal, ils obtinrent une l'on désigna. Une offrande en or du poids de qua-
capitulation, moyennant vingt talents d'argent. rante livres fut portée à Lanuvium, au temple de
Les Romains rentrèrent en quartier d'hiver à Tar- Junon et les dames romaines consacrèrent à cette
ragone. déesse une statue d'airain sur le mont Aventin.
LXII. Pendant cet hiver, il arriva plusieurs On commanda un lectisterne à Caeré, où les sorts
prodiges à Rome ou aux environs; ou du moins, avaient été rapetissés; des prières publiques à la
comme il arrive, quand les esprits sont une fois Fortune sur le moot Algide; à Rome, on ordonna
portés à la superstition, on en annonça un grand aussi un leclisterne à la Jeunesse, des prières dans
nombre auxquels on ajouta foi légèrement. Un le temple d'Hercule en particulier, et des prières
enfant de six mois, né de condition libre, avait générales autour de tous les pulvinars. Cinq
crié triomphe dans le marché aux herbes; dans grandes victimes furent immolées au génie de
celui des bœufs, un bœuf était monté de lui- Rome; et le préteur C. Atilius Serranus reçut or-
même jusqu'à un troisième étage, d'où il s'était dre de faire des voeux, pour le cas où la répu-
ensuite précipité, effrayé par les cris des habitants blique se maintiendrait dix ans dans le même
de la maison; des images de vaisseaux avaient état. Ces expiations et ces voeux, conformes aux
brillé dans le ciel. Le temple de l'Espérance, qui prescriptions des livres sibyllins, calmèrent en
est dans le marché aux herbes, avait été frappé de grande partie les terreurs religieuses.
la foudre. A Lanuvium, la lance de Junon s'était LXIII. L'un des consuls désignés, Flaminius,
agitée. Un corbeau était descendu dans le temple à qui les légions cantonnées à Plaisance avaient
de la déesse, et s'était posé sur le pulvinar même. été assignées par le sort, expédia au consul une
Dans la campagne d'Amiterne, on avait aperçu de lettre et un édit pour que son armée se trouvât
loin, en plusieurs endroits, des fantômeshumains campée, aux idesde Mars, à Ariminum. Son projet
vêtus de blanc, que personne n'avait pu appro- était de prendre possession du consulat dans cette
cher. Il avait plu des pierres dans le Picentin. province, car il se souvenait des démêlés qu'il
A Caeré, les sorts s'étaient rapetissés. Dans la avait eus avec le sénat, étant tribun du peuple,
Gaule un loup avait tiré du fourreau l'épée d'une et plus tard dans son consulat, d'abord sur l'a-
sentinelle et l'avait emportée. Pour la plupart de brogation de son titre de consul, et ensuite au su-
ces prodiges, les décemvirs eurent ordre de con- jet du triomphe. Il était encore odieux aux séna-
sulter les livres sibyllins. Pour la pluie de pierres teurs, à cause d'une loi nouvelle que Q. Claudius,

raro uuquam nix minus quatuor pedes alta jacuit adeo- prope tota civitas operata fuit. Jam primum omnium urbs
que pluteos ac vineas Romanorumoperuerat, ut ea sole luslrata est, hostiæque majores, quibus editum est, diis
ignibus aliquoties cbnjectis ab hoste, etiam tutameutmn cæsæ, et donum ex auri pondo quadraginta Lanuvium
fuerit. Postremo quum Amusitus princeps eorum ad As- ad Junonis portatumest; et signum æneum matronæ Ju-
drubalem profugisset, viginli argenti talentis pacti de- noni in Aventino dedicaverunt; et lectisternium Cære,
duntur. Tarraconem in hiberna reditum est. ubi sortes attenuatae erant, imperatum; et supplicatio
LXII. Romæ aut circa urbem multa ea hieme prodigia fortunæ in Algido; Romæ quoque et lectisternium Juven-
facta aut (quod evenire solet, motis semel in religio- tati, et supplicatioad ædem Herculis nominatim;deinde
nem animis ) multa nuntiata et temere credita sunt in universo populocirca omnia pulvinaria indicta; etGenin
quis ingenuuminfantem semestrem in foro olitorio trium- majores hostiae cæsæ quinque; et C. Atilius Serranus
phum clamasse et foro boario bovem in tertiam conti- prxtor vota suscipere jussus, si in decem annos respu-
gnationem sua sponte escendisse atque inde tumultu ha- blica eodem stetisset statu. Hæc procurata votaque ex li-
bitalorumterritum sese dejecisse et navium speciem de bris sibyllinis magna ex parte levaverant religione
cœlo affulsisse, et ædem Spei, quæ est in foro olitorio, auimos.
fulmine ictam; et Lanuvii hastam se commovisse et cor- LXIII. Consulum designatorum alter Flaminius, cui
vum in wdem Junonis devolasse, atque in ipso pulvinario eae legiones, quae Placentiæ hibernabant, sorte evene-
consedisse et in agro Amiteraino multis locis hominum rant, edictum et literas ad consulem misit, ut is exerci-
specie procul candida veste visos, nec cum ullo congres- tus Idibus Martiis Arimini adesset in castris. Huic in pro-
sos; et in Piceno lapidibus pluisse et Caere sortes cite- vincia consulatum inire consilium erat, memori velerum
nuatas; et in Gallia lupum vigili gladium e vagina ra- certaminum cum Patribus; quae tribunus plebis, et quæ
plum abstulisse. Ob cetera prodigia libros adiré decem- postea consul, prius de consulatu qui abrogabatur, dein
viri jussi. Quod autem lapidibus pluisset in Piceno uo- de triumpnohabuerat; invisus etiam Patribus ob novam
\mdiale sacrum ediclum, et subinde aliis procurandis legem, quam Q. Claudius tribunns plebis adversus le-
Iribun du peuple, avait portée contre le sénat, ter, avec l'aveu des auspices, au Capitole pour y
Flamiuius l'ayant seul appuyée parmi les séna- prononcer les vœux sacrés, et pour ne pas aller
teurs, laquelle loi défendait à tout sénateur ou dans sa province, revêtu du manteau consulaire
père de sénateur d'avoir un navire qui tînt plus et suivi de licteurs. Comme un valet, sans iusi-
de trois cents amphores. Cette capacité parut gnes ni licteurs, il était parti en secret, furtive-
suffisante pour le transport de la récolte; et toute ment, comme s'il eût quitté son pays pour l'exil.
spéculation fut jugée iudigne d'un sénateur. La Sans doute il serait plus digne de la majesté de
question, débattue avec la plus grande chaleur, l'empire d'entrer en charge à Ariminum qu'à
souleva contre Flaminius, partisan de cette loi, Rome, et de prendre la prétexte dans une hôtel-
la haine de la noblesse, mais lui procura la faveur lerie plutôt qu'au milieu de ses pénates. x Tous
du peuple et par suite un second consulat. Par furent d'avis de le rappeler, de le contraindre à
ces motifs, persuadé qu'on aurait recours à de revenir, et de l'obliger à s'acquitter sous leurs
faux auspices et aux féries latines, et à d'autres yeux de tous ses devoirs envers les dieux et les
entraves consulaires pour le retenir dans Rome, hommes, avant d'aller à l'armée et dans sa pro-
sous le prétexte d'un voyage, il s'en alla furtive- vince. Q. Térentius et M. Antistius, chargés de
ment dans sa province, n'étant encore qu'homme cette mission (car on jugea convenable de lui en-
privé. Dès que ce fait fut devenu public, il aug- voyer des députés ), ne le touchèrent pas plus que
menta le ressentiment des sénateurs déjà fort ir- n'avaient fait les lettres du sénat lors de son pre-
rités contre lui. « Ce n'était plus au sénat seule- mier consulat. Quelques jours après, il prit pos-
meut, mais aux dieux mêmes que Flaminius fai- session de sa magistrature, et la victime, offerte
sait la guerre. Nommé antérieurementconsul sous par lui, s'étant échappée après le premier coup
de fâcheux auspices, il avait désobéi aux dieux et des mains des sacrificateurs, couvrit de sang la plu-
aux hommes qui le rappelaient de l'armée. Et part des assistants. Ce fut encore une fuite et un
maintenant, par consciencede son impiété, il avait tumulte plus grand parmi ceux qui ignoraient la
fui le Capitole et les vœux solennels, pour ne cause du désordre. Cet accident fut généralement
point entrer le jour de son installation dans le regardé commeun présage très-effrayant.Ensuite
temple de Jupiter très-bon et très-grand, pour ayant reçu deux légions de Sempronius, consul
ne pas voir ni consulter le sénat, auquel il était l'année précédente, et deux autres du préteur
odieux et que seul il haïssait, pour ne point prési- C. Attilius, Flaminius entra dans les sentiers de
der les féries latines, ne point offrir sur le mont l'Apennin pour se rendre en Étrurie.
Albain de sacrifice à Jupiter Latial, ne pas mon-

natum, uno Patrum adjuvante C. Flaminio. tulerat; ne profectus in Capilolium ad vota nuncupanda, paludatus
quis scuator, cuive senaturius pater fuisset, maritimam nainde cun lictoribus ad proviuciam iret. Lim modo sine
vem, quæ plus qumn trecentarum amphorarum esset, insignibus, sine lictoribus, prolectnm clam furtim, haud
haberet. Id satis habitum ad fructus ex agris vectandos aliter quam si exsilii causa solum vertisset. Magis pro
quæstus omnis Patribus indecorus visus. ltes, per aum- majestale videlicet imperi Arimini, qnam Romae, magi-
mam contetitionem acta, invidiam apud nobilitatem sua- stratum initurum, et in deversurio hospitali, quam apud
snri legis Flaminio, favorem apud plebem altertunque pénates suos, prwtextam sumpturum.. Revocandum
inde consulatum peperit. Ob hæc ratus auspiciis emen- universi retrahendumquecensuerunt; et cogendum om-
tiendts, latinarumque feriarum mora et consularbus nibus prius praesentem iu deos hominesque fungi officiis,
aliis impedimentis retenturos se in urbe, simulato iti- quam ad eiercitum et in provinriam iret. In eam lega-
nere privatus clam in provinciam abiit. Ea res, ubi palam tionem ( legatos enirn milti ptacuit) Q. Terentius et
facta est, novam insuper iram infeslis jam ante Patribus M. Antisuus profecli, nihilo magiseum moverunt, quam
movit « Non cum senatu modo sed jam cum diis im- priori consulatu literas moverant ab senatu missæ. Pau-
mortalibus,C. Flaminium bellum gerere. Consulemante cos post dies magistratum iniit, immolantique ei vitulus
in8uspicato factum revocantibus ex ipsa acie diis atque jam ictus e manibus sacrificantium sese quum prori-
hominibus non paruisse; et nunc conscientia spretorum puisset, multos circumstantes cruore respersit. Fuga
et Capitolium et sollennem votorum nuncupationem fu- procul etiam major apud iguarot, quid trepidaretur, et
gisse ne die initi magistratus Jovis optimi maximi tem- concursatio fuit id a plerisque in omen magni terroris
plum adiret ne senatum, invisus ipse, et sibi uni invi- acceptum. Legionibus inde duabua a Sempronio prioris
sum, videret consuleretque; ne latinas indiceret, Joviqne anni conaule, duabus a C. Atilio praetore acceptis, in
Latiari solienne sacrum in monte faceret ne, auspicato Etruriam per Apenninitramites etercitm duci est cœptus.
LIVRE VINGT-DEUXIÈME.

SOMMAIRE. — Annibal, épuisé de veilles, perd un œil dans les marais d'Étrurie, lasuite d'une marche forcé
pendant quatre jours et trois nuits. Le consul Flaminius, homme témeraire, parti sous des auspices defavo-
rables, arrache de terre les enseignes qu'on ne pouvait lever, et tombe de cheval la tète la première; surpris dans
une embuscade, il est tué près du lac Trasimène et son armée est taillée en pièces. Six mille hommes qui s'e-
taient fait jour à travers l'ennemi et s'étaient livrés à la foi de Maharbal, sont chargés de fer par une perfidie
d'Annibal. Deuil à Rome à la nouvelle de cette défaite. Deux mères qui, contre leur attente, ont revu leurs
fils meurent de joie.- Consultés à l'occasion de ce desastre les livres de la sibylle ordonnent le vœu d'un prin-
temps sacré. Ensuite Q. Fabius Maximus nommé dictateur, et envoyé contre Annibal évite d'en venir aux
mains avec un ennemi fier de nombreux succès, et d'exposer aux chances d'un combat ses soldats effrayés de tant
de revers; il se borne à opposer une sage résistance aux efforts du Carthaginois. Mais M. Minucius, maître de la ca-
valerie, accuse le dictateur de faiblesse et de làcheté, et obtient, sur l'ordre du peuple, une autorité égale à celle
de Fabius.-L'armée est parlagée; Minucius livre bataille dans une position désavantageuse; les legions vont
être accablées, lorsque Fabius, arrivant avec des troupes, le délivre du péril; vaincu par cette générosité, il passe
dans le camp du dictateur, le salue du titre de père, et ordonne à ses soldats d'imiter son exemple. — Annibal,
qui a ravagé la Campanie, se laisse enfermer par Fabius entre la ville deCasilinum et le mont Callicula. Il attache
des sarments aux cornes de plusieurs bœufs, y met le feu, dissipe la division romaine portée sur le mont Callicula,
et se tire ainsi de ce mauvais pas. Au milieu de la dévastation des champs voisins il épargne les terres de Fabius
afin de le rendre suspect do trahison. Sous le consulat de Paul-Émile et de Térentius Varron, funeste bataille
de Cannes; il y périt quarante-cinq mille Romains, avec le consul Paul-Emile, quatre-vingts sénateurs et trente
personnages qui avaient été ou consuls, ou préteurs, ou ediles. Le désespoir fait prendre aux jeunes gens des
premières familles de Rome le dessein d'abindonner l'Italie. Au moment où ils délibèrent, P. Cornelius Scipion,
alors tribun des soldats, depuis surnomfne l'Africain, tire le glaive sur leur tète et jure de traiter comme ennemi
de la patrie quiconque refusera de prêter le sermentqu'il va dicter, et les contraint de jurer après lui que désor-
mais ils ne songeront plus à quitter l'Italie. -Alarmes et deuil à Rome. — Heureux succès obtenus en Espagne. —
Les vestales Opimia et Floronia condamnées pour inceste. — Le petit nombre de soldats libres forcé d'armer huit
mille esclaves. — Les prisonniers, dont on avait la faculte de payer la rançon, ne sont point rachetés. -On va
au-devant de Varron; on lui rend gràce de n'avoir pas désespéré de la république.

1. A l'approche du printemps, Annibal quitta Romains sur Anoibal. Souvent menacé par les
ses quartiers d'hiver après avoir été arrêté, par embûches de leurs chefs, il avait dû son salut à
des froids insupportables,dans une première ten- leur trahison mutuelle, qui dénonçait un complot
tative pour franchir l'Apennin, et s'être vu dans aussi légèrement qu'ils l'avaient formé le chan-
de vives craintes et de graves périls dans son gement d'habit ou de coiffure l'avait également
cantonnement. Les Gaulois que l'espoir du bu- préservé en trompant leurs yeux. Du reste, ce
tin et du pillage avait attirés, voyant qu'au lieu furent ces alarmes qui lui tirent avancer l'ouver-
de piller et de dévaster un territoire étranger, ture de la campagne. A la même époque, Cn. Ser-
leurs terres étaient le théâtre de la guerre, et se vilius prit à Rome possession du consulat, aux
trouvaient foulées par les quartiers d'hiver des ides de mars, et le rapport qu'il fit sur la situa-
deux armées, reportèrent toute leur haine des tion de la république réveilla le mécontentement

LIBER VIGESIMUS SECUNDUS. que partis exercituum hiberois viderunt,verterunt retro


ad Aunibalem ab Romanis odia petitusque sæpe priuci-
1. Jam ver appetebat, quum Annibal ex hibernis mo- pum insidiis, ipsorum interse fraude, eadem levitate.
vit.et neqoicquam ante conatus transcendere A penninum qua consenserant,consensum indicantium, servatus erat;
intolerandis frigoribus, et cum ingenti periculo moratus et, mutando nunc vestem, nunc tegumenta capitis, er-
ac metu. Galli, quos praedae populationumque conciverat rore etiam sese ab insidiis mnnierat. Ceterum hic quoque
spes, postquam -pro eo, ut ipsi ex alieno agro râpèrent ei timor causa fuit maturius movendi ex hibernis. Per
agerentque, suas terras sejem belli esse, premique utrius- idem tempus Cn. Servilius consul Romæ idibus martiis
des esprits contre Flaminius. o On avait créé deux pienne etcelle des loups toutes couvertes (le sueur.
consuls, et l'on n'en avait qu'un. Quelle autorité Capoue, enfin, avait vu le phénomène d'un ciel
légitime, quel auspice a-t-il reçu? Les magistrats embrasé et de la lune tombant avec la pluie. On
n'étaient institués qu'à Rome même, au milieu crut ensuite à des prodigesbeaucoup moins graves:
des pénates publics et privés, après avoir célébré le poil de quelques chèvres s'était changé en laine,
les féries latines, offert un sacrifice sur le mont des poules en coqs et des coqs en poules. Ces faits
Albain, et prononcé au Capitole les vmux solen- ayant été exposés, comme on les avait annoncés,
nels. Les auspices n'appartenaientpoint à un parti- et les témoins introduits dans le sénat, le consul
culier, et lorsqu'on était parti sans les prendre, ouvrit une délibération sur la question religieuse.
on ne pouvait les obtenir vrais et parfaits sur un Il fut décrété que ces prndiges seraient expiés en
sol étranger. » La crainte était encore augmentée partie par de grandes victimes en partie par de
par les prodiges qu'on annonçait de plusieurs en- petites, et que des prières solennelles auraieut
droits en même temps. En Sicile, les javelots lieu pendant trois jours devant tous les pulvinars;
de quelques soldats avaient pris feu dans leurs que, pour le reste, les décemvirs consulteraient les
mains, et de même en Sardaigne, le baton d'un livres sacrés, et qu'il serait fait ainsi que les dieux
chevalier qui faisait une ronde sur un rempart; le ordonneraient par les chants de la Sibylle. Sur le
rivage avait brillé de feux répétés; deux boucliers rapport des décemvirs, ou arrêta qu'on offrirait
avaient sué du sang; la foudre était tombée sur à Jupiter un foudre d'or pesant cinquante livres,
quelques soldats, et le disque du soleil avait sem- à Junon et à Minerve des dons en argent; qu'on
blé se rapetisser. A Prcneste, des pierres brû- immolerait de grandes victimes à Junon Reine,
lantes étaient tombées du ciel; à Arpi, on avait sur l'Aventin, et à Junon Sospita, à Lanuvium;
vu des boucliers dans les airs, et le soleil luttant que les dames romaines, contribuant chacune
coutre la lune à Capène, deux lunes s'étaient suivant ses moyens, porteraient une offrande à
montrées en plein jour; à Cœré, les eaux avaient Junon Reine sur l'Aventin, et qu'on ferait un
roulé du sang, et la fontaine d'Hercule s'était lectisterne; enfin, que les affranchies elles-mé-
souillée de taches sanglantes; à Antium, des épis mes se cotiseraient pour offrir un don à la déesse
sanglants étaient tombés dans une corbeille de Féronie. Après ces expiations, les décemvirs
moissonneur; à Faléries, il s'était fait dans le ciel immolèrent de grandes victimes dans le forum
une large ouverture, par où s'était échappé une d'Ardée. Au mois de décembre précédent, on avait
grande lumière les sorts s'étaient d'eux-mêmes fait un sacrifice à Rome, dans le temple de Sa-
rapetisses, et il en était tombé un, poilant ces turne, un lectislerne avait été ordonné, et le lit
mots Mars brandit sa lance. Dans le même temps, dressé par les sénateurs; un festin public avait eu
Rome avait vu la statue de Mars sur la voie Ap- lieu; enfin, toute la ville avait répété pendant un

magistratuminiit. Ibi quum de republica rctulisset, re- simulacra luporum sudasse; et Capuæ speciem cœli ar-
dintegrata in C. Flaminum invidia est. « Duos se consules dentis fuisse, lunæque mter imbrem cadentis. Inde mi-
créasse, unum habere. Quod enim illi justum imperium, noribus etiam dictu prodigiis fides habitua capras lanatas
quod auspicium esse? Magistratus id a domo, publicis quibusdam factas, et gallinam in marem gallum in fe-
privatisque penaubus, latutus feriis actis, sacrificio in minam sese vertisse. His, sicut erant nuntiala, expositis,
moule perfecto, votis rite in Capilolio nuncupatis, secum auctoribusque in Curiam introductis, consul de religione
ferre nec privatum auspicia sequi, nec sine auspicits Patres consuluit. Decretum, ut ea prodigia partim ma-
profectum in externo ea solo nova atque intégra conci- joribus hostiis,partimlactentibus, procurdrentur et nti
pere posse. » Augebaot metum prodigia ex pluribus si- supplicatio per triduum ad omnia pulvinaria baberetur.
mul locis Buntiata in Sicilia militibus aliquot apicula, Cetera, quum decemviri libros inspexissent, ut ita fie-
in Sardinia autem in muro circume unti vigihas equiti sci- rent, quemadmodum cordi esse divis, carrninihus præ-
pionem, quem manu tenuerat, arsisse, etlitora crebris farentur. Deccrnvirorum monitu decretum est, Jovi pri-
iguibus fulaisse, et scuta duo sanguine sudasse, et mdites mum donum fulmen aurcum pondo quioquaginla fieret;
quosdam ictos fulminibus,et solis orbein minui visuin Junoni Minervæque ex argento dona darentur et Juuoui
et Præeneste ardentea lapides cœlo cecidisse; et Arpis Reginæ in Aventino, Junonique Sospitæ Lanuvii majori-
parmas in coelo visas, puguantemque cum luna solem; bus hostüs sacrificaretur; matronæque, pecunia collata,
et Capeuæ duas interdiu lunas ortas et aquas Cæretes quantum conterre cuique commodum esset, donum Ju-
sanguine mixtas fluxisse; fontemque ipsum Herculis noni reginae in Aventinum ferrent, lectisterniumque ne-
crueulis manasse sparsum maculis; et in Aohati metenti- ret quin et ut libertinæ et ipsæ, unde Feroniæ donum
lius cruentas In corbem spicas cecidisse et Falerüs cœ- daretur, pecuniam pro facultatibus suis conferrent. Ha'c
lum findi velut magno biatu visum; quaque patuerit, in- ubi facta decemviri Ardeæ in foro majoribus hostiis sa-
gens lumen effulsisse sortes sua sponte attenuatas, unam- crificarunt. Postremo decembri jam mense ad aedem Sa-
que excidisse, ita scriptam MAVORS TELUM SUUM CONCUTIT turni Romæ immolatum est, lectisterniumque impera
et per idem tempus Romae signum Martis Appia via ad tum (et eum leotum senatores straverunt), et convivium
jeur et une nuit le ci des Saturnales; et il avait de somme étendues çà et là Mais ce qui les acca-
été décrété que le peuple conserverait et célébre- blait le plus, c'étaient les veilles qu'on eut à sou-
rait ce jour de fute à l'avenir. tenir quatre jours et quatre nui ls. Comme les eaux
Il. Pendant que le consul s'occupait à Rome du couvraient tout le terrain, et qu'il ne restait plus
soin d'apaiser les dieux et de hâter les levées, un endroit sec où les soldats pussent étendre leurs
Annibal était parti de ses quartiers d'hiver, corps harassés, ils se couchaient sur les bagages
sur le bruit que le consul Flaminius était déjà amoncelés dans l'eau. Les cadavres des chevaux
arrivé à Arrélium; et comme on lui indiquait entassés sur toute la route servaient quelques in-
un chemin facile, mais long, il en prit un plus stants de lit à ces malheureux qui ne cherchaient
court traversun marais que l'Arno, depuisquel- qu'un petit espace à sec pour y prendre un peu
ques jours, avait couvert plus que de coutume. Il de repos. Annibal, déjà malade des yeux par l'ef-
fit marcher en tête les Espagnols et les Africains, fet de ces variations de chaud et de froid qui ont
qui constituaient la principale force de ses vieilles lieu au printemps, quoique monté sur le seul élé-
troupes, mêlant avec eux leurs bagages, afin que, phant qui lui restât, afin d'être toujours hors de
s'ils étaient forcés de s'arrêter, ils ne manquassent l'eau vit ses souffrances s'aggraver par les veil-
point des objets nécessaires; après eug, les Gau- les, l'humidité des nuits et les brouillards du ma-
lois formant le centre, et la cavalerie à l'arrière- rais et comme ce n'était ni le lieu ni le temps de
garde. Enfin, il ordonna à Magon de fermer la se soigner, il perdit un œil.
marche avec les Numides armés à la légère, et de III. Après avoir eu ainsi à déplorer la perte
maintenir surtout les Gaulois, au cas où, rebutés de tant d'hommes et de chevaux, Annibal
des fatigues ou de la longueur de la route, épreuve sorti enfin de ces marais campa sur le pre-
pour laquelle cette nation est sans énergie, ils s'é- mier endroit sec qu'il rencontra. Là il apprit par
carteraient ou s'arrêteraient. Les premiers, seule- les éclaireurs qu'il avait envoyés en avant, que
ment précédés de guides qui les dirigeaient à tra- l'armée romaine était sous les murs d'Arré-
vers les gouffres formés par le tleuve, quoique tium. Aussitôt il s'appliqua fortement à s'in-
enfonçant à mi-corps dans la vase, suivaient struire des desseins et du caractère du consul,
néanmoins leurs drapeaux. Mais les Gaulois ne de la situation des lieux, des routes, des moyens
pouvaient ni se retenir, ni se relever quand ils d'avoir des provisions, et de tout ce qu'il lui im-
tombaient dans un gouffre; ils ne savaient point portait de connaître. L'Italie n'avait pas de contrée
soutenir le corps par l'âme, ni l'âme par l'espé- plus fertile que ces plaines étrusques qui s'éten-
rance. Les uns traînaient avec peine leurs membres dent entre Fésules et Arrétium, et qui sont fort
fatigués; les autres, cédant au découragement,se riches en blé, en troupeaux et en productions de
laissaient tomber et mouraient au milieu des bêtes tout genre. Le consul était tout fier de son pre-

publicum ac per urbem Saturnalia diem ac noctem cla- conflciebant, per quatriduum jam et tres noctes loleratae.
matum, populusque eum diem festum habere ac servare Quum, omnia obtinentibus aquis, nihil, ubi in sicco fessa
in perpetuum jussus. sternerejit corpora, inveniri posset, cumulatis in aquas
Il. Dum consul placandis Romæ diis habendoque de- sarcinis insuper incumhebant.Jumentorum itinere toto
leclu dat operam, Annibal, profectus ex hibernis. quia prostratorum passim acervi tantum, quod exstaret aqua,
jam Flaminiiim consulem Arretium pervenisse fama erat, quærentibus ad quietem parvi temporis necessarium
quum aliud longius, ceterum commodius, osteuderelur cubile dabant. Ipse Annibal, æger oculis ex verna pri-
iter, propiorem viam per paludein petit, quam fluvius mum intemperie variante calores frigoraque, elephanto,
Arnus per eos dies solito magis inundaverat.Hispauos et qui unus superfuerat quo altius ab aqua eistaret vectus;
Afros ( id omne veterani erat robur exercitus ) admiitis vigiliis tandem et nocturno humore palustrique cœlo gna-
ipsorum impedimentis, necubi consistere coacti neces- vaute caput, et quia medendi nec locus uec tempua erat,
saria ad usus deesseut, primos ire jussit sequi Gallos, altero oculo capitur.
ut id agminis médium esset; novissimos ire équités: III. Multis hominibus jumentisquefœde amissis quum
Magonem inde cum expeditis Numidis cogere agmen, tandem de paludibus emersisset, ubi primum in sicco
maxime Gallos, si tædio laboris longæque viæ (ut est potuit, castra locat certumque per præmissos explo-
mollis ad talia gens) dilaberentur aut subsistèrent, colri- ratores habuit, exercitum romanum cwca Arretii mœnia
bentem. Primi, qua modo praeireut duces, per præaltas esse. Consulis deiude consilia atque animum, et s.tum
fluvii ac profundas voragines, hausti pæne limo immer- regionum, itineraque, et copias ad commeatus expe-
geutesque se, tameu signa sequebantur. Galli neque sus- diendos, et cetera, qum cognosse in rem erat, summa
tinere te prolapsi, neque assurgere ex voraginibus po- omnia cum cura inquirendoeisequebatur. Regio erat in
tcraut; aut corpora animis, aut animos spe sustineuant primis Italiæ fertilis, Etrmci campi, qui Faesulos inter
alii fessa aegre trabentes membra; alii, ubi semel victis Arretiumquejacent,frumeuti ac pecoris et ommum copie
taedio auimis procubuissent, inter jumenta, et ipsa ja- rerum opulenti.Consul ferox ab consulatupriore et non
centia passim, morientes mnimeque omuium vigilim modo legum ac Patrum majestatis, sed ne deorum qui-
mier consulat, et ne respectait guère la majesté jusqu''a ce que le sénat appelle Flaminius d'Arré-
des lois et du sénat, ni même celle des dieux. tium, comme autrefois de Véies il appela Camille.
Cette témérité qui lui était naturelle la fortune Dans son emportement, il ordonna de prendre les
l'avait entretenue par de brillants succès dans la enseignes et sauta sur son cheval; mais l'animal
guerre et dans la cité. Dès lors il était évident que, s'abattit aussitôt, et le jeta par terre sur la tète.
sans consulter les dieux ni les hommes, il agirait Tous ceux qui l'entouraient furent effrayés de cet
en tout avec orgueil et précipitation. Le Cartha- accident, comme d'un mauvais présage au dé-
ginois, pour le faire abonder dans sa propre folie, but d'une expédition; en même temps, on vint
s'apprête à le harceler et à l'irriter, et lais- annoncer qu'un porte-enseigne ne pouvait, mal-
sant l'ennemi sur la gauche il se dirige vers gré tous ses efforts, arracher son drapeau de
Fésules, va ravager le cœur de l'Étrurie, et met terre. Alors, se tournant vers le messager « Ne
tout à feu et à sang, pour montrer de loin au con- m'apportes-tu pas aussi, dit-il, une lettre du sé-
sul la plus terrible dévastation. Flaminius, qui ne nat, qui me défende de combattre? Va-t'en dire
serait pas resté en repos, quand même l'ennemi au porte-enseigne de bêcher son drapeau, si son
n'eût pas fait un mouvement, voyant les terres bras paralysé par la crainte ne peut plus l'arra-
des alliés pillées presque sous ses yeux, regarda cher. s Ensuite l'armée se mit en marche les
comme un déshonneur pour lui que les Carthagi- principaux officiers, outre leur opposition dans
nois se promenassent au milieu de l'Italie, et qu'ils le conseil, étaient alarmés de ce double prodige;
allasscnt, sans trouver de résistance, mettre le mais les soldats étaient animés par l'audace du
siége devant Home. Et lorsque, dans le conseil, consul, considérant plutôt sa confiance que le mo-
tous les autres lui conseillaient un parti plus sage tif qui la lui inspirait.
que brillant, qui était « d'attendre son collègue, IV. Annibal ravagea de la manière la plus
pour agir tous deux de concert après avoir réuni cruelle le pays compris entre Cortone et le lac de
leurs forces, et de contenir, dans l'intervalle, avec Trasimène afin de piquer la colère du consul, et
de la cavalerie et des troupes légères l'audace des de l'exciter à venger les injures de ses alliés. Les
pillages ennemis, il s'élança tout indigné hors Carthaginois étaient déjà parvenus à un endroit
du conseil, et donna à la fois le signal du départ naturellement fait pour une embuscade, là où le lac
et du combat. « Oui, sans doute, s'écria-t-il, res- de Trasimène se prolonge jusqu'au pied des mon-
tons tranquilles devant les murs d'Arrétium. Ici tagnes de Cortone; il n'en est séparé que par
sont la patrie et nos dieux pénates. Annibal, un étroit sentier, qui semble ménagé pour quel-
échappé de nos mains, ravagera l'Italie, et mar- que coup perfide. Au delà le terrain s'étend un peu
chera jusqu'aux portes de Rome en brûlant et sac- en plaine, puis se relève en collines. Annibal,
cageaut tout. Pour nous, ne bougeons pas d'ici, campa lui-même dans la partie découverte, avec

dem satis metuens. Hanc insitam ingenio ejus temerita- niat; nec ante nos hinc moverimus, quam, licut otim
lem fortuna prospero civilibus bellicisque rebus successu Camillum ab Veiis, C. Flaminium ab Arretio Patres ac-
aluerat. Itaque salis apparebat, nec deos nec hommes civerint. Hæc simul increpans, quum ocius signa con-
consulentem, ferociter omnia ac præpropere acturum. velli juberet, et ipse in equum insiluisset, equus repente
Quoque pronior esset in vitia sua, agitare eum atque corruit, consulemque lapsum super caput effudit. Ter-
irritare Pœnus parat et, lieva relicto hoste, Fæsulas ritis omnibus, qui circa erant, velut fœdo omine inci-
petens, medio Etruriæ agro prædatum profectus quaa- piendæ rei insuperauntiatur,signum, omni vi moliente
tam maximam vastitatem potest, cædibus incendiis- signifero, couvelli nequire. Conversus ad nuntium
que consuli procul ostendit. Flaminius, qui ne quieto Num literas quoque, inquit, ab senatu affers, quæ me
quidem hoste ipse quieturus erat, tum vero, postquam rem gerere vetent? Abi, nunlia signum effodiaut, si ad
res sociorum ante oculos prope suos ferri agique vidit, convellendam manus prae metu obtorpueriut.. Incedere
suum id dedecus ratus, per mediam jam Ilaliam vogari inde agmen cœpit; primoribus, super quam quod disseu-
Pœnum, atque, obsistente nullo, ad ipsa romana mœnia serant a consilio, territis eiiain duplici prodigio; milite
ire oppugoanda; ceteris omnibus in consilio salutaria in vulgus loeto feroeia ducis quum spem magis ipsam,
magis, quam speciosa, suadentibus, « collegam expe- quam causam spei intueretur.
ctandum ut conjunctis exercitibus,communi animo con- IV. Annibal, quod agri est inter Cortonam urbem
silioque rem gererent; intérim equitatu auxiliisque levium Trasimenumque lacum omni clade belli pervastat, quo
armorum ab effusa prædandi licentia hostem cohiben- magis iram hosti ad vindicandas sociorum injurias acuat.
dum; iratus se ex consilio proripuit, signumque si- Et jam pervenerant ad loca insidiis nala ubi maxime
mul itineris puguœque proposuit. «Quin imo Arretii monles Cortonenses Trasimenus subit. Via tantum in-
ante mœnia sedeamus, iuquit hic enim patria et penates terest perangusta velut ad id ipsum de industria relicto
sunt. Annibal emissus e manibus perpopuielurItaliam spatio deinde paullo latior patescit campus; inde colles
vastandoque et urendo omuia ad romana mœuia Verve- assurgunt. Ibi castra iu aperto locat, ubi ipse cum Afria
les Africains et les Espagnols seulement; il ca- ble dans une surprise, range ses soldats en désor-
cha les Baléares et le reste des troupes légères dre, et se touruaut en tous sens aux cris de l'eu-
derrière les montagnes, et posta la cavalerie à nemi, selon que le temps et le lieu le permettaient,
l'ouverture du dé6lé, qui se trouvait heureuse- harangue partout où il peut se montrer et se faire
ment masquée par des éminences, afin qu'aus- entendre, et commande de tenir ferme et de com-
sitôt que les Romainsseraient entrés, la cavalerie battre. « Ce n'était ni par les vœux ni par les
se montrant par derrière, ils fussent enfermés de prières, mais pir la force et le courage qu'on pou-
tous côtés par le lac et les montagnes. Flaminius, vait se tirer du péril. Le fer ouvre un chemin
arrivé la veille au coucher du soleil sur les bords à travers les rangs ennemis; et moins on a de
du lac, franchit le défilé le lendemain, le jour crainte, moins on court de danger. Mais le
étant encore faible, sans faire de reconnaissance; bruit et le tumulte ne permettaientd'entendre ni
et ce ne fut qu'en commençant à déployer son ar- conseil ni commandement; et le soldat, loin de
mée dans la plaine qu'il aperçut les ennemis qu'il pouvoir reconnaître ses drapeaux, son rang et son
avait en face, sans se douter d'ailleurs de l'em- poste, avait à peine assez de présence d'esprit
buscade dressée sur ses derrières et sur sa tête. pour prendre ses armes et s'en servir, tellement
Annibal, voyant, selon ses désirs, l'ennemi en- que plusieurs furent surpris plus embarrassés
fermé par le lac et les montagnes, et enveloppé que défendus par elles. D'ailleurs, dans une si
par ses troupes, donna le signal d'une attaque gé- graude obscurité, on faisait moins usage des yeux
nérale. Lorsque les Carthaginois descendirent des que des oreilles. Aux gémissements des blessés,
hauteurs, chacun par le chemin le plus court, au choc des corps et des armes, aux cris mêlés de
la surprise fut d'autant plus soudaine et plus im- fureur et d'effroi, ils tournaient la tête de tous
prévue pour les Romains, que le brouillard qui côtés. Les uns, dans leur fuite, étaient arrêtés
s'était exhalé du lac était plus épais dans la plaine par un peloton de combattants; d'autres, retour-
que sur les montagnes, et que les ennemis, pou- nant au combat, élaient refoulés par une troupe
vant se voir de plusieurs collines, n'en accouraient de fuyards. Enfin, après de vains efforts dans lous
qu'avec plus d'ensemble. Les Romains reconnu- les sens, comme ils étaient enfermés sur les flancs
rent qu'ils étaient cernés, par le cri qui retentit par le lac et les montagnes, et sur le front et les der-
de toutes parts, avant qu'on pût rien distinguer; rières par les ennemis, ev qu'ils virent bien qu'ils
et déjà l'on se battait sur le front et sur les ailes, i ue pouvaient attendre leur salut que de leurs bras
qu'ils n'avaient pu encore se former en bataille, et de leurs épées, chacun pour se conduire et
préparer leurs armes, et tirer leurs épées. s'exciter ne prit conseil que de soi-même, et un
V. Le consul, conservant sou intrépidité, au nouveau combat commença. Ce n'était pas un de
milieu de l'effroi général, autant qu'il est possi- ces combats réguliers où l'on marche par princes,

modo Ilispanisque consideret.Baliares ceteramque levem dissonos clamores, instruit, ut tempus locusque patitur;
armaturam post montes circumducit equites ad ipsas et quacunque adire audiriquepotest, adhortalur, ac slare
fauces saltus, tumulis apte tegeulibus, locat; ut, ubi in- et pugnare jubet; uec enim inde votis aut imploratione
trassent Romani, objecto equitatu. clausa omnia lacu ac deum, sed vi ac virtute, evadendum esse. Per medias
montibus essent. Flammius quum pridie solis occasu ad acies ferro viam fieri; et, quo timoris minus sit, eo mi-
lacum pervemsset, inexplorato, postero die, vixdum satis nus ferme periculi esse. » Ceterum præ slrepilu ac tumultu
certa luce, angustiis superatis, postquam in patentiorem nec consilmm uec imperium accipi poterat; tautumque
campum pandi agmen cœpit; id tantum bostium, quod aberat, ut sua signa atque ordinem et locum nosceret
ex adverso erat, conspexit ab tergo et super caput de- miles, ut vil ad arma capienda aptandaque pugnae com-
repere insidiæ. Pœnus ubi, id quod petierat, clausum peteret animus opprimerenturquequidam onerati ma-
lacu ac montibus et circumfusum suis copiis babuit ho- gis his, quam tecti; et erat in tauta caligine major usus
etem, signum omnibus dat simul invadendi. Qui ubi, aurium quam oculorum. Ad gemitus vulnerum ictusque
qua cuique proximuin fuit, decucurrere, eo magie Ro- corporum aut armorum, et mixtos strepentium paven-
manis subita atque improvisa res fuit, quod orta ex lacu tiumqtie clamores, circumferebant ora oculosque. Alii
nebula campo, quam montibus, densior sederat, agmi- fugientes pugnantium globo illali baerebant alios redeun-
naque hostium ex pluribus cullibus ipsa inter se satis cou- tes in puguam avertehat tugientium agmen. Deinde, ubi
speeta, eoque magie pariter decucurrerunt. Romanus in omues partes ncquicquam impetus capti, et ah lateri-
clamore prius uudique orto, quam satis cerneret se cir- bus montes ac lacus, a fronte et ab tergo hostium acies
cumventum esse sensit; et ante in frontem lateraque pu- claudebat,apparuitque, nullam, nisiin dextra ferroque,
guari cceptum est, quam satis instruereturacies, aut ex- salutis spem esse; tum sibi quisque dux adhortatorque
pediri arma, stringique gladii possent. factus ad rem gerendam, et nova de integro pugna ex-
V. Consul, perculsis omnibus, ipse satis, ut in trepida orta est; non illa ordinata per principes bastalosque ac
ro, impavides, turbatos ordines vertente se quoque ad triarios, uec ut pro signis autesignaui, post signa alia
hostaires et lriaires on ne voyait pas les antési- des aveugles par les sentiers les plus étroits et les
gnaires combattre devant les drapeaux, et les au- plus escarpés armes et hommes roulaient pêle-
tres derrière; ni les soldats rangés par légion, mêledans les précipices. Un grand nombre voyant
par cohorte ou manipule. Le hasard les rassem- la terre manquer à leurs pas, s'avancèrent sur les
blait, et chacun, suivant son courage, se battait bords marécageux du lac, tant qu'ils purent avoir
devant ou derrière. Enfin, la chaleur de l'action liors de l'eau la tête et les épaules. Quelques-uns,
fut telle, et absorba si fort toute leur âme, que poussés par une terreur insensée, tentèrent même
personne ne sentit ce tremblement de terre qui de s'enfuir à la nage; mais l'immensité du trajet
détruisit en partie plusieurs villes d'Italie, dé- leur ôtant bientôt tout espoir, les forces leur man-
tourna des rivières malgré la rapidité de leur quaient et ils disparaissaient dans les eaux, ou
cours, rejeta la mer dans les fleuves, et renversa bien, après s'être en vain fatigués, ils regagnaient
des montagnes par de vastes écroulements. péniblement le bord, et tombaient sous les coups
VI. On se battit pendant près de trois heures, des cavaliers ennemis qui entraient dans le lac.
et partout avec acharnement. Cependant, autour Environ six mille hommes de l'avant-garde, s'û-
du cunsul, l'action fut encore plus vive et plus tant fait bravement un chemin à travers les en-
meurtrière. Ses plus braves soldats le suivaient, nemis, et ne sachant point ce qui se passait der-
et partout où il voyait les siens pressés et maltrai- rière eux, sortirent du défilé. S'étant alors arrêtés
tés, il s'y portait lui-même avec ardeur. Signalé sur une éminence, ils entendirentles cris et le bruit
par son armure les ennemis faisaient les plus des armes; mais ils ne pouvaient apprendre l'évé-
grands efforts pour l'atteindre, et les siens pour nement du combat, ni même en juger par leurs
le défendre. Enfin un soldat insubrien, nommé yeux dans l'obscurité du brouillard. Cependant,
Ducarius, reconnaissant ses traits, dit à ses com- quand l'action fut à sa fin le soleil, prenant de
patriotes « Le voilà, ce consul qui a massacre la force, dissipa la brume, et ramena le jour;
nos Iégions, ravagé nos champs et notre ville. alors les montagnes et la plaine, entièrement éclai-
C'est une victime que je vais immoler aux mâ- iées, montrèrent à leurs )eux la défaite complète
nes de nos concitoyens si indignement égorôés » et l'affreux carnage de l'armée romaine. Crai-
et, piquant son cheval, il s'élança dans les rangs gnant qu'on ne les aperçût, et qu'on ne mît la ca-
les plus serrés de l'eunemi, tua l'écuyer qui valerie à leur poursuite, ils levèrent précipitam-
vint se jeter devant lui, et perça le consul de ment leurs enseignes, et faisant les plus grands
sa lance. Il voulut ensuite le dépouiller, mais les efforts de marche, ils s'éloignèrent. Le lendemain,
triaires l'en empêchèrent en opposant leurs bou- comme une faim pressante vint s'ajoutera, leurs
cliers. Alors commença la déroute d'une grande autres maux, Maharbal, qui les avait poursuivis
partie de l'armée ni le lac ni les montagnes n'ar- toute la nuit avec toute la cavalerie, leur ayant
rêtèrent les fuyards effrayés; ils couraient comme donné l'assurance que, s'ils livraient leurs ar-

pugnaret acies nec ut in sua legione miles, aut cohorte lacus, nec montes obstabant pavori. Per omuia aria prie-
aut mampulo esset. Fors conglobat, et animus suus cui- ruptaquevelut cæci evadunt: armaque et viri superalium
que ante aut poàt pugnandi ordinem dabat; tantusque alii proecipitantur. Pars magna, ubi locus fugæ deest,
fuit ardor armorum, adeo intentus pugnae animus, ut per prima vada patudis in aquam progressi, quoad capi-
eum motum terræ, qui multarumurhium Italm magnas tibus humerisque extare possunt, sese immergunt.Fuere,
partes prostravit, avertitquecursu rapidos amnes, mare quos inconsultus pavor nando etiam eapessere fugam im-
fluminibus invexit, montes lapsu ingenti proruit, nemo pulerit. Quae ubi immensa ac sine spe erat aut dericien-
pugnsntiumsenserit. libus animis baurlebanlur gurgitibus, aut nequicquam
VI. Tres ferme horas pugoatum est, et ubique atro- fessi vada rétro ægerrime repetebant, atque ibi ab in-
citer. Circa consulem tamen acrior iufestiorque pugna gressis aquam hostium equitibus passim trucidabautur.
est. Eum et rubora virorum sequebantur, et ipse, qua- Sex millia ferme primi agmmis, per adversos hostes
cunque in parte premi ac laborare senseral suos, impigre eruptione impigre facta, ignari omnium, quae post se
ferebat opem; insignemque armis et hostes summa vi agerentur, ex saltu evasere. Et, quum in tumulo quo-
petebant, et tuebantur cives donec insuber eques (Du dam constitissent,clamorem modo ac souum armorum
cario nomen erat), faciequoque noscitans, Consul, en, audientes, quae fortuna puguae esset, ueque scire, nec
inquit, hic est,. popularibus suis, qui legiones nostras perspicere præ caligine poterant. Inclinata denique re,
cecidit, agrosque et urbem est depopulatus. Jam ego quum incalescente soie dispulsa nebula aperuissetdiem,
banc victimammanibus peremptorum fœde civium dabo tum liquidajam luce montes campique perditas res stra-
subditisque calcaribus equo, per confertissimam hostium tamque ostendere fœde ronmuam aciem. Itaque, ne in
turbam impetum facit obtruncatoque prius armigero conspectos procul immitteretur eques, sublatis raptim
qui se infebto venienti obviam objecerat consulemlancea signis, quam citatissimo poterant agmine, sese abri pile.
transfixit. Spoliare cupientem triarii objectis scutis ar- runt. Postero die, quum super cetera extrema fames
cuere. Magnæ partis fuga iudc primum cœpit et jam nec ctiam instaret, fidem dante Maharbale, qui cum omin-
mes, il les laisserait tous aller avec teurs vête- magistrats. Enfin, un peu avant le coucher du so-
ments, ils se rendirent. Mais cette parole fut te- leil, le préteur M. Pomponius vint dire e Nous
nue par Annibal avec la foi punique il les fit tous avons perdu une grande bataille. 1 Et quoiqu'il
jeter dans les fers. n'eût rien annoncé de précis, tous, remplis des
VII. Telle est la fameuse bataille de Trasi- bruits qui circulaient de l'un à l'autre, rapportè-
mène, célèbre parmi les rares défaites du peu- rent dans leurs familles « que le consul avait été
ple romain. Quinze mille Romains périrent sur tué avec une grande partie de ses troupes; qu'il
le champ de bataille. Dix mille s'étant répandus ne s'était sauvé qu'un petit nombre de soldats dis-
dans leur fuite par toute l'Étrurie, revinrent à persés par la fuite dans l'Étruric, ou que le vain-
Rome par divers chemins. Les ennemis perdirent queur avait faits prisonniers. Tous les malheurs
quinze cents hommes dans le combat. Beaucoup qu'avaient essuyés l'armée vaincue étaient autant
des deux côtés moururent ensuite de leurs bles- de sujets d'inquiétude pour les parents de ceux
sures d'autres font monter beaucoup plus haut le qui servaient sous le consul Flaminius, et qui
nombre des morts de part et d'autre. Pour moi, ignoraient le sort de chacun des leurs. On ne sa-
outre que je n'aime pas les vaines suppositions, vait ni ce qu'on devait espérer ni ce qu'on devait
auxquelles ne sont que trop portés la plupart des craindre. Le lendemain,et plusieurs jours de suite,
historiens, je suis principalementl'autorité de Fa- une grande foule composée de femmes encore plus
bius Pictor, annaliste, contemporain de cette que d'hommes, se tint aux portesde la ville, pour
guerre. Annibal ayant renvoyé sans rançon les attendre quelqu'un de leurs proches ou bien de
prisonniers latins, et mis les Romains dans les leurs nouvelles; on se pressait autour de ceux qui
fers, fit trier, parmi les monceaux de cadavres arrivaient; on les questionnait, et si c'étaient des
ennemis, les corps de ses soldats, pour les ense- citoyens connus, on ne s'en arrachait qu'après
velir il ordonna aussi do chercher avec le plus leur avoir fait raconterla catastrophe dans tous ses
grand soin le corps de Flaminius, pour lui rendre détails. Ensuite on voyait sur les figurcs de ceux
les honneurs de la sépulture; mais on ne put le qui s'éloignaient des expressions bien différentes,
trouver. A Rome, à la première nouvelle de cette selon qu'ils avaient eu des nouvelles heureuses
défaite, le peuple, plein d'effroi, se rassembla en ou tristes; et ils retournaient chez eux, entou-
tumulte au forum. Les femmes courant par les rés d'amis qui les félicitaient ou les consolaient.
rues, questionnaient tous ceux qu'elles rencon- Les femmes faisaient surtout éclater leur joie ou
traient sur le bruit qui venait de se répandre, et leur douleur. L'une d'elles, ayant tout à coup
sur le sort de l'armée. La foule aussi nombreuse aperçu son fils, mourut, dit-on, à l'instant, à la
que pour une assemblée générale, s'était portée porte même. Une autre, à qui on avait faussement
vers le comitium et la curie, où elle appelait les annoncé la mort du sien, et qui se tenait dans sa

bus equestribus copiis nocte consecutus erat, si arma tra- comitium et Curiam versa magistratus vocarel; tandem
didissent, abire cum singulis vestimentis passurum haud multo ante solis occasum M. Pomponius prxtor,
sese dcdiderunt. Qux punica religione servata fides ab Pugua, inquit, magna victi sumus » et, quanquam
Annibale est, atque in vincula omnes conjecit. nihil certius ex eu auditum est, tamen alius ab alio impleti
VII. Haec est nobilis ad Trasimennm pugna, atque rumoribusdomos referunt, consulem cum magna parle
iuter paucas memorata populi romani clades. Quindecim copiarum caesum superesse paucos, aut fuga passim
millia Romanorum in acie coesa sont; decem millia, sparsa per Etruriam sparsos, aut capios ab hoste.. Quot casus
fuga per omnem Etruriam diversis itineribus urbem exercitus victi fuerant, tot in curas dispertiti eorum animi
petiere. Mille quingenti hostium in acie, multi postea erant, quorum propinqui sub C. Flaminio consule me-
utrinique ex vulueribus periere. Multiplexcædes utrim- ruerant, ignorantium, qua; cujusque suorum fortuna
que facta traditur ab aliis. Ego, pra-terquam quod nihil esset nec quisquam satis certum habet, quid aut speret
haustum ex vano velim quo mmis iucliuant ferme scri- aut timeat. Portera, ac deinceps aliquot diebus, ad por-
hentium animi, Fabium æqualem temporibus hujusce tas major prope mulierum, quam virorum, multitudo
belli potissimum auctorem habui. Annibal, captivorum stelit, aut suorum ahquem aut nuntiosde his opperiens
qui latini nominis essent, sine pretio dimissis, Romanis circumfundebanturqueobviis sciscitantes; neque avelli,
in vincula datis, segregata ex hostium coacervatorum utiqueab notis, prins, quam ordiue omnia inquisissent,
cumulis corpora suorum quum sepe!iri jussisset, Flaminii poterant. Inde varios vultus digredientium ab nuntus
inquisi-
quoque corpus, funeris causa magna cum cura cerneres, ut cuique la'ta aut tristia nuntiabantur gratu-
tum. uou invenit. Romæ, ad primum nuntium cladis lantesque aut consolantesredeuntibusdomos circunifusos.
ejus, cum ingenti terrore ac tumultu concursus in forum Feminarum prxcipue et gaudia insignia erant, et luctus.
populi est factus. Matronae vagæ per vias qum repens Unam in ipsa porta sospiti filio repente oblatam in con-
clades allata, quaeve fortuna exercitus esset, obvios per- spectu ejus expirasse ferunt; alteram cui mors filii fals0.
cuuclautur. Et quum frequentis concionismodo turba iu nuutiala etat, mœstam sedeulem domi, ad primum coq-
maison, accablée de douleur, à la vue de ce fils dictateur, chose qui n'avait jamais eu lieu jusqu'à
qui revenait, fut tuée par l'excès de sa joie. Les ce jour, on créa prodictateur Q. Fabius Maximus,
préteurs pendant plusieurs jours tinrent le sénat et M. Minucius Rufus maître de la cavalerie.
assemblé depuis le lever jusqu'au couclier du so- Ils furentchargés par le sénat de fortifierlesmurs
leil, pour délibérer sur le général et sur les trou- et les tours de la ville, de placer des forces où
pes que l'on pourrait opposer aux Cartragiuois ils le jugeraient convenable, et de couper les
victorieux. ponts de toutes les rivières. Il fallait bien com-
VIII. Avant qu'aucune résolution fût arrêtée, battre pour Rome auprès des pénates, puis-
on annonce tout à coup un nouveau malheur. qu'on n'avait pu défendre l'Italie.
Quatre mille cavaliers, envoyés par le consul Ser- IX. Annibal, traversant l'Ombrie, vint droit à
vilius au secours de son collègue, sous les ordres Spolète; mais ayant tenté de s'emparer de cette
du propréteur C. Centénius, avaient été surpris ville, après avoir dévasté la campagne, il fut re-
par Annibal dans l'Ombrie où ils s'étaient diri- poussé avec une grande perte, et put juger par
gés, eu apprenant la bataille de Trasimène. Cette celle malheureuse lentativesur une colonie, quelle
nouvelle produisit des impressions diverses. Les résistance il trouverait dans Rome. Alors il se di-
uns, préoccupés d'une plus grande affliction, rigea vers le Picénum, pays fertile en productions
trouvaient la perte actuelle légère en comparaison de tout genre, et rempli en outre d'un butin que
de la précédente; les autres ne la considéraient ses soldats avides et pauvres allaient pillantde tous
point en elle-même, mais, comme dans un corps côtés. Il y campa quelques jours pour laisser repo-
épuisé la moindre secousse se fait sentir bien plus ser ses troupes fatiguées des marches d'hiver, do
vivement qu'une plus grave dans un corps ro- leur route au milieu des marais, et d'une bataille
buste, de même ils pensaient que, dans la crise plus heureuse que facilement gagnée. Quand on
où se trouvait l'état, tous les revers devaient être eut pris assez de repos, le butin et le pillage ayant
estimes, non par leur propre importance, mais pour ses soldats plus de charmes que le repos et
d'après l'épuisement des forces publiques, iucapa- l'inaction, Annibal se remit en marche, et ravagea
bles de soutenir tout ce qui aggraverait Ic mal. successivement le territoire de Prétutia et celui
Aussi la république eut-elle recours à un remède d'Adria, le pays des Marses, des Marrucins et des
qui depuis longtemps n'avait été ni désiré ni em- Péligniens, et toute la partie de la l'ouille, autour
ployé, la création d'un dictateur. Mais comme le d'Arpi et de Lucérie. Le consul M. Servilius, après
consul, qui seul paraissait pouvoir le désigner, quelques escarmouches contre les Gaulois, et
était absent, et que, toute l'Italie étant occupée après avoir pris une place de peu d'importance,
par les Carthaginois, il n'était pas facile de lui apprit le malheur de son collègue et de son ar-
envoyer un messager ou des lettres; comme d'ail- mée craignant pour sa patrie, et ne voulant
leurs le peuple n'avait pas le droit de nommer un pas lui manquer dans un si grand péril, il prit le

speclum redeuntis filii gaudio nimio exanimatam. Scua- prodictatorcmpopulus crcavit Q. Fabium Maximum,et
timi prætores per dies aliquot ab orto usque od occiden- magistrum equitum M. Minucium Rufum. Ilisque nego-
tem solem in curia retinent, consultantes, quouam duce, tium ab senatu datum, ut muros turresque urbis firma-
aut qmbus copiis, resisti victoribus Pœnis posset. rent, et præsidia disponerent, quibus locis viderelur,
VIII. Prinsquam satis ccrta consilia essent, repens alia pontesque rescinderent fluminum ad penates pro urbe
nuntiatur clades; quatuor millia equitum, cum C. Cen- dimicandum esse, quando Italiam tueri nequissent.
tenio proprætore missa ad collegam ab Servilio consule, IX. Annibal recto itinere per Umbriam usque ad Spo-
in Umbria, quo post pugnam Hd Trasunenum auditam Ictum venit. Inde, quum perpopulato agro urbem op-
averterant iter, ab Anmbate circumveula. Ejus rei fama pugnare adortus esset, cum magna cxde suorum repul-
varie hommes affecit. Pars, occupatis majore ægritudine sus, conjeclans ex uuius coloniæ haud nimis prospère
auimis, levem, ex comparatione priorum, ducure re- tculatx viribus, quanta moles romanæ urbis esset, in
centem equitum jacturam pars non id quod acciderat, agrum Picenum avertit iter, non copia sotum omnis ge-
per se æstimare, sed, ut in alfecto corpore quamvis neris frugum abundantem, sed refertum præda, quam
Imis causa magis, quam balido gravior, sentiretur, ita efluse avidi atque egentes rapiebaut. Ibi per dics aliquot
tum ægræ et affectæ civitati quodcnnque adversi incide- staVva habita refectusque miles, hiberms ilincribus ac
rit, non rerum magmtudine, sed viribus extenuatis, quæ palustri via prælioque, magisad eventum secundo,quam
nihil quod aggravaret, pati possent, æstimandum esse. levi aut facili, affectus. Ubi satis quieti datum, præda
Itaque ad remedmm, Jam dm neque desideratum nec ac populationibus magis, quam otio aut requie, gaudcu
adhibitum, diclatorem dicendum, cnitas confugit et tribus, profectus Prætutianum Adrianumque agrum
quia et consul aberat, a quo uno dici pos,e videbatur, Marsos inde Marrucinosquc et Pelignos devastat, circa-
uec per occupatam armis punicis Italiam facile erat aut que Arpos et Luceriam proximant Apuliae regionem.
nuotium, aut literas mitti, nec dictatoiem populus creare (.n. Servilius consul, levibus præliis cum Gallis achs, e
polerat, quod nunquam aute eam diem factum eiat uno oppido ignob expugnato, postquam de collegæ
chemin de Rome. Q. Fabius Maximus, dictateur sulté en ces termes a Voulez-vous et ordonnez-
pour la seconde fois convoqua le sénat le jour vous que l'on procède de cette façon? Si d'ici à
même de son entrée en charge, et s'occupant d'a- cinq ans la république du peuple romain des Qui-
bord des dieux, il fit comprendre aux sénateurs rites sort heureusement comme je le souhaite,
que c'était plus par négligence des cérémonies et de la guerre qu'elle a à soutenir contre les Cartha-
des auspices que par ignorance ou témérité qu'a- ginois et contre les Gaulois d'en deçà des Alpes,
vait péché Flaminius, et qu'il fallait consulter les que le peuple romain des Quirites fasse uneoffrande
dieux mêmes sur les expiations dues à leurcolère. à Jupiter de tout ce que le printemps aura vu
Il obtint que les décemvirs, par une mesure qui naître de porcs, de brebis, de chèvres et de bœufs,
n'est prise que dans le cas des prodiges les plus et qui ne se trouvera pas déjà consacré, à compter
terribles, reçussent ordre de consulter les livres du jour fixé par le peuple et le sénat. Que celui
sibyllins. Ceux-ci, après avoir examiné ces livres qui fera ce sacrifice le fasse quand et comme il
des destinées, rapportèrent aux sénateurs « Que voudra et de quelque manière qu'il l'ait offert,
le vœu fait à Mars au sujet de cette guerre n'ayant qu'il soit légitime. Si l'animal qui devait être im-
pas été convenablement accompli, devait l'être molé vient à mourir, qu'il soit profane, et que sa
de nouveau avec plus de magnificence; qu'il fal- mort ne soit pas réputée pour impiété si quel-
lait vouer les grands jeux à Jupiter, des temples qu'un l'estropie ou le tue sans le vouloir, qu'ou
à Vénus Érycine et à la Prudence, ordonner des ne lui eu fasse pas un crime s'il est volé, que le
prières publiques et un lectisterne, et promettre vol ne retombe point sur le peuple, ni sur celui
aux dieux un printemps sacré, si la guerre était quien aura souffert. Si lesacritice a lieu, par igno-
heureuse, et si la république se maintenait dans rance, dans un jour néfaste, qu'il soit légitime;
la situation où elle était avant la guerre. » Comme qu'il soit fait la nuit ou le jour, par un esclave ou
Fabius allait être entièrement occupé des soins un homme libre, il sera légitime. Si c'est avant le
de la guerre, le séuat, d'après l'avis du collége terme indiqué par le sénat et le peuple, que le
des pontifes, chargea le préteur M. Émilius de peuple n'en soit nullement responsable. o Dans le
veiller au prompt accomplissement de tous ces même dessein, on fit vœu de consacrer aux grands
devoirs. jeux trois cent trente-trois mille trois cent trente-
X. Ces sénatus-consultes étant publiés, L. Cor- trois livres un tiers de cuivre; d'immoler à Jupi-
nélius Lentulus, souverain pontife, consulté par ter trois hécatombes, et à plusieurs autres dieux
le collége des préteurs, déclara qu'il fallait avant des bœufs blancs et d'autresvictimes. Les vœux étant
tout prendre l'avis du peuple au sujet du prin- régulièrementformulés, des prières furent ordon-
temps sacré car, sans l'ordre du peuple, on ne nées, et l'on vit s'y rendre non-seulement les ha-
pouvait fdirc aucun vœu. Le peuple fut donc con- bitants de la ville avec leurs femmes et leurs eu-

exercitusque cæde audivit, jam mœnibus patriæ metuens, censet injussu populi voveri non posse. Rogatus iu base
ne abessctin discrimine extremo, ad urbem iter intendit. verba populus, « Velitis jubeatisne hoc sic fieri? si respu-
Q. Fabius Maximus, dictator iterum, quo die magistra- blica populi romaui Quiritium ad quinquennium proii-
tum inilt, vocato senatu, ab diis orsus, quum edocuisset mum, sicut velun eam, salva sertata erit hisce duellis
Patres, plus negligenlia caerimouiarum auspiciorumque, (quod duellum populo romano cum Carthaginiensi est,
quam temeritate atque inscitia peccatnm a C. Flammio quæque duella cum Gallis suot, qui cis Alpes sunt), da-
cousule esse, quæque piacula ira deum essent, ipsos tum donum duit populus romanus Quwitium quod ver
deos consulendos esse; pervicit, ut, quod non ferme attulerit ex suillo, ovillo, caprmo, bovillo grege, quae-
decernitur, nisi quum tetra prodigia nuntiata sont, que profana erunt, Jovi fieri, ex qua die senatus popu-
decemviri hbros sibyllinos adiré juberentur. Qui, in- lusque jusserit. Qui faciet, quando volet, quaque lege
spectis fatalibus libris, retulerunt Patribus,.quod ejus volet, facito; quo modo faxit, probe factum esto. Si id
belli causa votum Marti foret, id non rite factum de in- 1 moritur, quod fieri oportebit, profanum esto, neque
legro atque amplius facieudum esse et Jovi ludos ma- scelus esto. Si quis rumpet occidetve insciens, ne fraus
gnos, et ædes Veiieri Erycinæ ac Menti vovendas esse, esto. Si quis clepsit ne populo scelus esto neve cui cle-
et suppiicaliuneinlectisterniumque habendum, et ver sa- plum erit. Si atro die faxit insciens, probe faclum esto.
crum vovendum, si bellatum prospère esset, resque pu- Si nocte sive luce si servus sive liber faxit probe factum
blica in eodem, quo ante bellum luisset, statu perman- esto. Si antidea senatus populusque jusserit 6eri ac
sisset. » Senatus, quoniam Fabium belli cura occupatura faxit, eo populus solutus, liber esto. Ejusdem rei causa
esset, M. Anntium proetorem, ex collegii poatificum ludi magm voti aeris trecentis triginta tribus millibus,
tententia, omnia ea ut mature fiant, curare jubet. trecentis triginta tribus, triente præterea bubus Jovi
X. His senatusconsuilis perfectis L. Coruelius Lentu- trecentis, multis alus divis bubus albis, atque ceteris ho-
lus pontifex maximus, consulente collegio praetorum, stiis. Notis rite uuncupatis, supplicatio edicta; supplica-
ommum primum populum consulendum de vere sacra tunique tcre cum conjugibus ac liberis uou uibana mul
fonts, mais encore ceux de la campagne, que leur brûlé leurs maisons et détruit les récoltes, afin
fortune privée liait en grande partie à la fortune qu'il ne trouvât aucune ressource; enfin il partit
publique, Ensuite, le lectisterne fut tenu pen- par la voie Flaminia pour aller au-devant du con-
dant trois jours, par les soins des décemvirs des sul et de l'armée. Dès qu'il aperçut de loin l'ar-
sacrifices. On exposa six pulvinars, l'un à Jupiter mée sur les bords du Tibre auprès d'Ocriculum,
et à Junon, le deuxième à Neptune et à Minerve, et le consul venant à lui avec la cavalerie, il lui
le troisième à Mars et à Vénus, le quatrième à fit dire par un vialeur de se présenter sans lic-
Apollon et à Diane, le cinquième à Vulcain et à teurs devant le dictateur. L'obéissance du consul
Vesta le sixième à Mercure et à Cérès. Enfin et l'entrevue de ces deux magistrals donnèrent
1rs deux temples furent voués; celui de Vénus une très-haute idée de la dictature aux Romains
Érycine, par le dictateur Fabius Maximus, les et aux alliés, chez qui le temps avait presque
livres sacrés al ant demandé pour cet office le ma- effacé le souvenir de cette dignité. Au même
gistrat le plus élevé de la république; et celui de instant, une leltre de Rome fit savoir que des vais-
la Prudence par le préteur T. Otacilus. seaux de charge, qui portaient des provisions
XI. Les choses de religion étant ainsi terminées, d'Ostie en Espagne, avaient été pris par la flotte
le dictateur fil un rapport sur la guerre, les res- carthaginoise dans les parages du port de Cossa.
sources publiques, le choix et le nombre des lé- Le consul eut ordre de se rendre à Ostie, de
gions que le sénat croirait devoir envoyer contre prendre tout ce qui se trouverait de vaisseaux
un ennemi victorieux et il fut décrété « qu'il dans ce port ou près de Rome, de les remplir de
prendrait l'armée du consul Cn. Servilius; qu'il soldats et de matelots, de poursuivre la tlolte en-
lèverait en outre dans la ville et chez les alliés au- nemie, et de protéger les côtes de l'Italie. On avait
tant de cavaliers et de fantassins qu'il le jugerait fait à Rome des enrôlements considérables les af-
convenable; et qu'en tout le reste il disposerait et franchis mêmes, qui avaient des enfants et l'âge
agirait selon qu'il croirait utile à la république. militaire, avaient été admis à prêter serment. De
Fabius déclara qu'il ajouterait deux légions à l'ar- cette armée citoyenne on embarqua ceux qui
mée de Servilius. Ces légions ayant été enrôlées avaient moins de trente-cinq ans; les autres res-
par le maître de la cavalerie, il leur assigna un tèrent pour la défense de Rome.
jour pour se réunir à Tibur; il publia une or- XII. Le dictateur, ayant reçu l'armée du con-
donnance par laquelle il enjoignait à tous ceux sul des mains du lieutenant Fulvius Flaccus, se
qui avaient des places ou des châteaux sans dé- rendit à Tibur, par le territoire sabin, le jour
leuse de se retirer dans des lieux fortifiés, et à qu'il avait indiqué pour le rendez-vous aux nou-
tous les habitants de la campagne d'abandonner le veaux soldats. De là, il rejoignit Préneste, et, par
pays par où devait passer Annibal, après avoir des chemins de traverse, la voie Latine, d'où, fai-

titudo tantum, sed agrestium etiam, quos in aliqua sua rei copia esset; ipse, via Flaminia profectus obviam con-
fortuna publicæ quoque contiugebat cura. Tum lectister- suli exercituique, quum ad Tiberim circa Ocriculum
nium per triduumhabitum, decemviris sacrorum curan- prospexisset agmen, consulemque cum equitibus ad se
tibus. Sei pulviuaria in conspectu fuere; Jovi ac Junoni prodeuntem, viatorem misit, qui consuli nuntiaret, ut
uuum alternum Neptuno ac Mmervæ; tertium Marti ac sme lictoribus ad dictatorem veniret. Qui quum dicto pa-
Veneri; quartumApollini ac Dianæ; quiulum Vulcano ac ruisset, congressusque eorum ingentem speciem dicta-
Vestx; sextum Mercurio ac Cereri. Tum ædes votæ. Ve- turm apud cives sociosque, vetustate jam prope oblitos
neri Erycinæ adem Q. Fabius Maximus dictator vovit; ejus intperii, fecisset hteræ ab urhe all tæ sunt, naves
quia ita ei fatalibus libris editum erat, ut is voveret, ouerarias,commeatum ab Ostia in IIispaniam ad exerci-
cujus maiimum imperium in civdate esset. Menti a'dem tum portantes, a classe punica circa portum Cosanum
T. Otacilitis prætor vovit. captas esse. Itaque extemplo consul Ostiam proficiscijus-
XI. lia rebus divinis peractis, tum de bello reque de sus, navibusque, quae ad urbem romanam aut Ostiæ es-
publica dictator retulit, quibus quotve legionibus victori sent, completis milite ac navalibus sociis, persequi hos-
hosti obviam eundum esse Patres censerent. Decretum tium classem, ac litora Italiae tutari. Magna vis hominum
e ut ab Cn. Servilio consule eiercitum acciperet scri- conscripta Romæ erat; libertini etiam, quibus liben es-
beret præterea ex civibus sociisque, quantum equitum ac sent, et ætas militaris, in verba juraverant. Ex hoc ur-
peditum videretur: cetera omnia ageret faceretque, ut e bano exercitu, qui minores quinque et trigiuta anuy
republica duceret.. Fabius duas se legiones adjecturum erant, in naves impositi alii, ut urbi præsiderent, re-
ad Serviliauum exercitum dixit. His, per magistrum equi- licti.
tum scriptis, Tibur diem ad conveniendumedixit. Edicto- XII. Dictator, exercitu consulis accepto a Fulvio Flacco
que proposito, ut quibus oppida castellaqueimmunita es- legato, per agrum Sabinum Tibur, quo diem ad conve-
seut, ut iu loca tuta commigrarent; ex agris quoque niendum edixerat novis militibus, veuit iode Præneste,
demigrarentomnes regionis ejus, qua iturus Annibal es- 1 ac transversis
bmitibus in viam latiuam est egressus
set, teclis prius incensis ac fiugibus corruptis, ne cujus unde, ttmeribus summa cum cura exploralis, ad hostcq1
sant reconnaîtreles routes avec le plusgrand soin de troupes légères, organisé et équipé pour les
il marcha à l'ennemi, bien résolu à ne tenter alertes subites, garantissait la sûreté des siens, et
nulle part la fortune, qu'autant que la nécessité châtiait les pillards ennemis qui venaient à s'écar-
l'y obligerait. Le premier jour qu'il campa non ter. Le dictateur ne voulait poiut risquer une af-
loin d'Arpi en présence de l'ennemi, Anni- faire générale, mais par de légères escarmouches
bal sur-le-champ déploya son armée, et pré- engagées à coup sûr, toujours à portée d'une re-
senta la bataille; mais dès qu'il vit que tout était traite sûre il apprenait à ses soldats effrayés de
calme chez les Romains, et que leur camp restait leurs récentes défaites, à douter un peu moins
dans une immobilité complète, il s'écria fièrement de leur valeur et de la fortune. Ses sages mesu-
que l'esprit martial des Romains était enfin abattu, res ne trouvaient pas dans Annibal un obstacle
que la guerre était terminée, qu'on lui avait cédé plus dangereux que son maître de cavalerie, le-
ouvertement le prix de la valeur et de la gloire, quel, n'étant empêché que par sa dépendance de
et il rentra dans son camp. Toutefois, il ressrn- pousser la république à sa pcrte, présomptueux,
tait intérieurementune vive inquiét ude de ce qu'il irréfléchi dans tes conseils sans mesure dans ses
allait avoir affaire à un général qui ne ressemblait discours, accusait son général, d'abord devant
uullement à Flaminius et à Sempronius, et de ce quelques témoins, ensuite publiquement en pré-
que les Romains instruits par leurs revers avaient sence de l'armée, appelant inertie sa circonspec-
enfin choisi un chef digne d'Annibal. Dans le tion, sa prudence lâcheté, lui prêtant les délauts
premier moment il redouta la prudence, sinon l'é- qui se rapprochaient de ses vertus,et se réhaussait
nergie du dictateur. N'ayant pas encore éprouvé ainsi par cet art perfide d'abaisser ses supérieurs
sa constance il chercha à le tenter et à l'émou- quo d'heureux et fréquents succès en ce geure
voir, en décampant très-souvent et en ravageant n'ont que trop perfectionné.
sous ses yeux les terres des alliés. Tantôt il se met- XIII. Du pays des Hirpins, Annibal passe dans
tait rapidement hors de vue, tantôt il s'arrêtait le Samnium, ravage le territoire de Bénévent, et
brusquementà quelque détour qui le cachait, pour prend Télésia; il irrite à dessein Fabius, il tâche-
voir s'il pourrait surprendre son ennemi en rase de l'enflammer de colère par les maux indignes
campagne. Fabius tenait son armée sur les hau- dont il accable les alliés, afin de l'entrainer à une
teurs, à peu de distance de l'ennemi, de manière bataille en plaine. Dans cette multitude d'alliés
à ne pas le laisser échapper, et à ne pas être forcé ilalieus qu'Annibal avait pris à la bataille de Tra-
d'en venir aux mains. Les soldats étaient retenus simène et qu'il avait relâchés, il se trouvait trois
dans le camp, à moins d'une nécessité absolue; ils chevaliers campaniens, que, par ses dons et ses
n'allaient au fourrage et au bois, ni en petit nom- promesses, Aouibal avait engagés à lui concilier
bre, ni dispersés. Un détachement de cavalerie et les esprits de leurs concitoyens. Ceux-ci lui ayant

ducit nullo loco, nisi quantum necessitas cogeret, for- bitos tumultus, et suo militi luta omnia, et infesta effusis
tunæ se commissurus. Quo primum die haud procul Ar- hostium populatoribus pracbebat. Neque universo peri-
pis in conspectu hostium posuit castra nulla mora facta culo summa rerum committebatur et parva momenla
quin Pœnus educeret in aciem, copiamque pugnandi fa- levium certaminum ex tuto eœptorum, finitimo receptu
ceret sed ubi quieta omuia apud hostes, nec castra ullo assuefaciebantterritum pristinis cladibus militem, minus
tumultu mota videt, inerepans quidem, victos tandem jam tandem aut virtutis aut fortunæ pœuitere sua·. Sed
quoque martios animos Romanis, debellatumqne et cou- non Annibalem magis infestum tam sauis eonsilüs babe-
cessum propalam de virtute ac gloria esse, in castra re- bat, quam magislrum equitum qui nihil aliud, quam
diit ceterum tacita cura animum incensus, quod cum quod impar erat imperio, moræ ad rempublicam præci-
duce, haudquaquam F'laminio Sempronioquesimili, fu- pitandam babebat. Ferox rapidusque in consiiiis, ac lin-
tura sibi res esset; ac tum demum edocti malisltomani gua mtmodicus, primo inter paucos, dein propalam in
parem Annibali ducem quæsissent. Et prudentiam qui- vulgus pro cunctatnre segnem pro cautu timidum, af-
dem, non vim, dictatures extemplo timuit. Constantiam fingens vicina virtutibus vitia cempellabat premendo-
haud dum expertus, agitarc actentare animum niovendo que superiorem (quæ pessima ars oimis prosperis mul-
crebro castra populandoque in oeulis ejus agros socio- torum successibuscrevit), sese extollebat.
rum, cœpit. Et modo cilato agmine e conspectu abibat, XIII. Annibal ex Ilirpinis in Samnium transit; Bene-
modo repente in aliquo flexu via' si excipere degressum ventanum depopulalnr agrum, Telesiam urbem capit
in æquum posset, occultus subsistebat. Fabius per loca irritât etiam de industria ducem, si forte accensum tôt
alla agmen ducebat, modico ab hoste intervallo, ut ne- indignitatibus cladibusque suciurum detrahcre ad æquum
que omilteret eum, ueque congrederetur. Castris, nisi certamen possit. Inter multiludinem sociorum italici ge-
quantum usus neeessario cogeret, tenebatur miles. Pa- neris, qui ad Trasimenum capti ab Annibale dimissique
balum et ligna nec pauci petebant, uec passim. Equitum fuerant, tres Campani équités erant, multis jam tum
levisque anmatuiæ statio, coœposite m su- illecti donis promissisque Annibalis ad conciliandos pe-
rapporté que s'il conduisait son armée en Cam- 1 même cette terreur, alors que tont était em-
panie, il se rendrait facilement maître de Ca- brasé du fcu de la guerre, n'ebranla pas la fidé-
poue, comme l'entreprise était bien au-dessus lité des alliés. C'est qu'ils étaient gouvernés par
d'une telle garantie; il fut quelque temps incer- un pouvoir juste et modéré, et que la supériorité
tain, Gottant entre la conGance et la défiance; de leurs maitres, ce qui est le meilleur gage de la
enfin il se décida à passer du Samnium dans soumission, leur rendait l'obéissance facile.
la Campanie. Ayant expressément recommandé XIV. Quand l'armée romaine fut campée au-
à ses nouveaux aflidvs de confirmer de plus eu près du Vulturne, et qu'on vit la plus belle con-
plus leurs promesses par des effets, et de re- trée de l'Italie ravagée par le feu, et la fumée de
venir avec un certain nombre des leurs et quel- l'incendie qui sortait çà et là des maisons de cam-
ques chefs, il les renvoya. Puis il ordonna à son pagne, tandis que Fabius restait sur les hau-
guide de le mener sur le territoire de Casinum, teurs du Massique, les murmures séditieux re-
ayant appris de gens qui connaissaient bien le commencèrent d'éclater. Durant quelques jours
pays, que s'il pouvait occuper ce défilé il ôterait ils s'étaient apaisés, parce que la marche ayant
aux Homains tout moyen de secourir leurs alliés. été plus rapide qu'à l'ordinaire, on avait cru que
Mais la prononciation carthaginoise s'éloignant le dictateur se hâtait pour arrêter la dévastation
beaucoup de la prononciation latine, le guide de la Campanie. Mais lorsqu'on fut arrivé à l'ex-
comprit Casilinum pour Casinum; et Annibal trémité de la crête du Massique, et qu'on vit aux
prenant une fausse route, descendit, par les terri- pieds de la montagne l'ennemi incendier le terri-
toires d'Allifa, de Calatium et de Calès, dans les toire de Falerne et de la colonie de Sinucssa, sans
plaines de Stella. Là, voyant un pays entouré de qu'il fût question de combattre a Sommes-nous
fleuves et de montagnes il appelle son guide, et donc venus ici, s'écria Minucius, pour avoir en
lui demande où il est. Celui-ci lui ayant répondu spectacle le massacre et l'incendie de nos alliés?
qu'il arriverait ce jour-là même à Casilinum, il et si les étrangers ne nous touchent pas, serons-
reconnut enfin son erreur, et que Casinum était nous sans pitié pour des concitoyens que nos pères
bien loin de là dans une autre direction. A l'in- envoyèrent en colonie à Sinuessa, pour protéger
stant il fit battre de verges et mettre en croix le contre les Samnites cette cote, saccagée mainte-
guide, pour effrayer les autres se retrancha, et nant, non par les Samnites nos voisins, mais par
détacha Maharbal avec la cavalerie sur le terri- des étrangers, qui, des extrémitésdu monde ont
toire de Falerne pour le piller. Cette excursion pénétré jusqu'ici, grâce à notre lenteur et à notre
fut poussée jusqu'à Sinuessa le dégât fut consi- lâcheté? Nous avons, hélas!1 tellement dégénéré
dérable; mais la terreur et la fuite se répandirent de nos ancêtres, que ces bords dont ils n'auraient
plus loin encore devant les Numides. Toutefois, souffert qu'une flotte carthaginoise s'approchât,

pularium animos. IL nuntiantes, si in Campaniam exer- midæ fecerunt. Nec tamen is terror, quum omnia bello
i-ilum admovisset, Capuæ potiendæ cnliam fore, quum flagrarent, fide socios duuovit,; videlicetquia justo et mo-
res major, quam auctores, esset, dubiuin Anmbalem derato regebantur imperio; nec abnuebant,quod unuio
alternisquelidenlem ac diffidentem, tamen, ut Campa- vinculum fidei est, melioribus parere.
nos ex Sanwio peteret, moverunt; mnnitos, ut cliam XIV. Ut vero ad Vulturnum flumen castra sunt posita,
atque ctiam promissa rebus affirmarent, jussosque, cum exurebaturqueamœnioslmus Italiæ ager, villæque pas-
pluribus et aliquibus principum redire ad se, dunisit. sim incendiis fumallant, per juga Massici moutis Fabio
ipse imperat duci, ut se iu agrum Casmatem ducat ducente, tum prope de integro seditio accensa. Quieve-
edoctus a perilis regiouum, si eum saltum occupasset. rant enim per paucos dies; quia, quum celcrius solito
exitum Romano ad opem ferendam sociis iuterclusurum. ducium agmen fuisset, festinari ad prohibendam popula-
Scd puwcum ahhorrcns ab Latinorum nominum prola- tiunibusCumpaniam crediderant.Ut vero in extrenta juga
one, pro Casino Casilinum dux ut acciperet, fecit; aver- Massici montis veutum est, hostesque sub oculis erant,
susque ab suo ihnere, per Allilanum, Calatinumque,et Falerni agri colonorumque Sinuessæ tecla ureutes, nec
Caleuuin agrum in campum Stellatem descendit ubi ulla erat meutio pugnœ « Spectatumue hue, iuquit Mi-
quum montibus flumimbusque clausamregionem circum- nucius, ut rem fruendam oculis, sociorum cædes et in-
spexisset, vocatum ducem percunctatur, ubi terrarum cendia, venimus? Nec, si nullius aiterius nos, ne civium
esset? Quum is Casilun eo die mansurum eum dixisset, quidem horum pudet, quos Sinuessam colouos patres
tum demum cognitus e!.t error, et Casinum longe inde nostri miserunt, utab Sammte huste tuta hic ora esset
alia regione esse virgisque cæso duce, et ad reliquorum quam iiune non vicinus Samnis urit, sed Pœnus advena,
terrorem in crucem aublato, castris communitis, Mahar- ah extremis orbis terrarum terminis oostra cunctatione
balem cum equilibus in agrum falernum prædatum dimi- et secordia, jam hue progressus? Tantum, prohl degene-
sit. Usque ad aquas siuucssanas populatio ea perveuit. Iu- ranms a parentibus noslris, ut, præter quam oram illi
gentem elitdeiii fugaiu tameu terroremque latius, Piu- punicas vagariclasses dedecusesse imperii sui duxerint,
sans se croire déshonorés, nous les voyons au- vant l'ennemi victorieux, que Papirius Cursor
jourd'hui couverts de Maures et de Numides! rejeta sur l'orgueilleux Samnite le joug qu'il avait
Nous qui, naguère, indignés du siège de Sagonte, imposé à nos fronts? Plus récemment, à quoi
invoquions les hommes, les traités et les dieux, C. Lutatius a-t-il dû la victoire, si ce n'est à sa
nous regardons tranquillementAnnibal escaladant célérité? si ce n'est à ce qu'ayant vu la veille la
les murs d'une colonie romaine. La fumée des flotte ennemie surchargée de vivres, embarrassée
maisons et des champs incendiés vient fatiguer de son armement et de tout son appareil, il l'ac-
nos yeux. Nos oreilles sont pleines des cris de nos cabla le lendemain? C'est une folie que de croire
malheureux alliés qui invoquent notre appui plus pouvoir terminer la guerre par l'inaction ou par
souvent que celui des dieux; et nous, comme des des voeux il faut armer les troupes, les amener
troupeaux que l'on mène l'été dans les bois et dans la plaine, afin qu'on puisse joindre l'ennemi
dans des pacages écartés, nous demeurons ici, corps à corps. C'est par le courage et l'action que
cachés dans les nuages et les forêts. Si M. Furius Rome s'est élevée, et non par celle molle con-
se fût proposé de chasser les Gaulois de Rome par duite, que les lâches qualifient de prudence.
les moyens dont se sert ce nouveau Camille, cet Pendant cette espèce de harangue, Mmucius éta;b
unique dictateur trouvé dans nos périls pour dé- entouré de tribuns et de chevaliers; ses paroles
livrer l'Italie des armes d'Annibal, Rome serait arrogantes allaient même jusqu'aux oreilles des
au pouvoir des Gaulois; et notre lenteur me soldats; et si la chose eût dépendu du suffrage
fait craindre que nos pères ne raient sauvée militaire, toute cette multitude faisait assez voir
tant de fois que pour Annibal et ses Numides. qu'elle aurait préféré Minucius à Fabius.
Encore ce héros, ce vrai Romain, aussitôt qu'il eut XV. Fabius, non moins ferme contre les siens
appris que le sénat et le peuple l'avaient d'un com- que contre l'ennemi, se montra d'abord invin-
mun accordnommé dictateur, bien que le Janicule cible à l'égard des premiers. Bien qu'il sût par-
fût assez haut, pour qu'il pût du sommet regarder faitement que sa lenteur était blâmée, non-
tranquillementl'ennemi, descendit dans la plaine, seulement dans son camp, mais encore à Rome,
et ce jour-là même, au milieu de la ville, à l'en- il suivit son plan primitif avec une constance
droit où sont aujourd'hui les lombes des Gaulois, inébranlable pendant le reste de la campagne;
et le lendemain, en deçà de Gabies il tailla en piè- en sorte qu'Annihal désespérant d'amener enfin
ces les légions gauloises. Eh quoi! longtempsaprès, cette bataille qu'il désirait si fort, se mit à
lorsque les Samnites nous eurent fait passer sous chercher un lieu commode pour ses quartiers
le joug aux Fourches Caudines, est-ce en parcou- d'hiver, le pays où il était ne lui offrant que des
rant les montagnes du Samuium, ou bien en ressources momentanées, mais nullement du-
pressant, en assiégeant Lucérie, et en poursui- rables, étant planté d'arbres fruitiers, de vi-

cam nos nunc plenam hostium Numidarumque ac Mau- riam premendo obsidendoque, et lacessendo victorem
rorum jnm tactam videamus? Qui modo, Saguutum op- hostem depulsum ab romanis cervicibus jugum auperbo
pognari indignando, non homines tautum, sed fmdera et Samniti imposuit? Modo C. Lutatio que alia res, quam
deos, ciebanius scandentem mœnia romanæ coloniæ celeritas, victoriam dedit? quod postero die, quam hos-
Aunibalem leuli spectamus. Fumus ex incendiis villarum tem vidit, classem gravem comideatibus, impedilam auo-
agrorumque iu oculos atque ora venit strepunt aures metipsam instrumento atque apparatu oppressit. Stul-
clamoribus plorantiumsociorum, sa·pius nos, quam deo- titia est, sedendo aut volis debellari credere posse. Ar-
rum invocantium opem. Nos hic pecorum modo per wsti- mari copias oportet, deducendas in æquum, ut Tir cum
vos saltus deviasque colles exercitum ducimus, conditi vire congrediaris. Audendoatque agendo res romaua cre-
nubibus silvisque. Si hoc modo peragrando cacuinina vit, non his segnibus consiliis, quæ timidi cauta vocant..
saltusqeu M. Furius recipere a Gallis urbem voluisset Hæc velut concionanti Minucio circumfundebaturtribu-
quo hic novus Camillus, nobis dictator unicus in rebus norum equitumque romanorum multitudo, et ad aures
affectis quæsitus, Italiam ab Annibale recuperare parat, quoque militum dicta ferocia volvebantur ac ai militaria
Gallorum Roma esset; quam vereor, ne, sic cunctanti- suffragii res esset, haud dubie ferebant, Minucium Fa-
bus nubis, Anuibali ac Pœnis toties servaverint majores bio duci prælaturos.
nostri. Sed vir, ac vere Romanus, quo die, dictatorem XV. Fabius pariter, insuos baud minus quam in hostes
cum ex auctoritate Patrum jussuque populi dictum, Veios intentus, prius ab illis invictum animum præstat. Quan-
allatum est, quum esset satis altum Jauiculum, ubi se- quam probe scit non in castris modo suis, sed jam etiain
deus prospectaret hostem descendit in æquum atque Roma infamem suam cuuctationem esse, obstinatus ta
illo ipso die media in urbe, qua nunc busta gallica snnt men eodem consiliorum tenore æstatisreliquum eitraiit,
et postero die citra Gabios cecidit Gallorum legiones. ut Annibal destitutus ab spe summopere petiti certami-
Qu.d ? post multos annos, quum ad Furculas Caudinas ab nis, jam hibernis locum circurospectaret quia ea regio
Samnite hoste sub jugum missi sumus, utrum tandem præsentis erat copiæ, non perpétuæ arbusta vineæque,
L. Papirius Cursor juga Samnii perlustrando, an Luce- et consita omma magis amœnis quam necessariis fructi-
gnes et cultivé pour l'agrément plutôt que pour de toute façon. Il fut enveloppé et périt avec
les besoins de la vie. Fabius en fut informé par l'élite de ses cavaliers. Les autres, se sauvant à
ses éclaireurs. Or, comme il était sûr qu'Annibal toute bride, gagnèrent d'abord Calès, et de là,
s'en retournerait par le défilé qui l'avait conduit par des sentiers presque impraticables, le camp
dans le territoire de Falerne, il fait occuper par du dictateur. Ce jour-là, par hasard, Minucius
de faibles détachements le mont Callicula et Ca- avait rejoint Fabius, après avoir été par son or-
silinum, petite vilie, qui, partagée par le Vul- dre établir un détachement dans un défilé, qui,
turne, sépare le Falernum de la Campanie. Pour resserré en gorges très-étroites, domine la met,
lui, il ramène son armée par les mêmes hau- au dessus de Terracine. La voie Appia se trou-
teurs, envoyant toutefois à la découverte L. Ilos- vant sans défense, il s'agissait d'empêcher qu'An-
tilius Mancinus avec quatre cents chevaux des nibal ne pénétrât par là dans la campagne de
alliés. Cet officier était un de ces jeunes gens Rome. Ayant donc opéré leur jonction, le dicta-
qui prenaient plaisir à écouter les discours arro- teur et le maître de la cavalerie transportent leur
gants du maître de la cavalerie. D'abord il s'a- camp sur la route par où devait passer Annibal.
vança, comme dans une reconnaissance, de ma- L'ennemi n'était qu'à deux milles.
niere à observer l'ennemi sans s'exposer. Mais dès XVI. Le lendemain les Carthaginois couvrirent
qu'il vit les 1\umides répandus çà et là dans les de leurs bataillons tout l'espace qui était entre les
villages, il en tua quelques-uns par occasion, deux camps. Quoique les Romains se fussent pos-
et bientôt, l'esprit possédé de l'idée de combat- tés devant leur retranchement, où ils avaient
tre, il oublia les instructions du dictateur, qui évidemment l'avanlage du lieu, Annibal ne laissa
lui avait ordonné de ne s'avancer qu'avec la pas de s'approcher avec sa cavalerie légère. qui,
plus grande précaution, et de se retirer avait pour provoquer l'ennemi, le harcelait, çà et là,
d'être en vue de l'eunemi. Les Numides l'at- chargtant et fusant tour à tour. L'armée ro-
taquant et fusant successivement, l'altirèrent maine resta fcrme à son poste, et le combat fut
ainsi jusque près de leur camp, non sans avoir languissant par la volonté du dictateur plus que
fortement fatigué ses hommes et ses chevaux. par celle d'Annibal. Les Romains perdirent deux
Alors Carthalon, général en chef de la cavalerie cents hommes et les ennemis huit cents. Alois
ennemie, s'élançant à bride abattue, avant qu'on Annibal se trouva complétement enfermé, par
fût à la portée du trait, 6t tourner le dos aux suite de l'occupation du chemin de Casilinum.
Romains, et les poursuivit saus relâche pendant Tandis que Capoue, le Samniun et tant d'autres
près de cinq miles. Mancinus voyant que l'ennemi riches alliés apporteraieut par derrière des vivres
s'obstinait à le poursuivre, et qu'il n'y avait au- aux Romains, il se voyait lui-même réduit à pas-
cun espoir de lui échapper, exhorta les siens, et ser son hiver entre les rochers de Formies d'un
revint au combat avec des forces bien inférieures côté, et de l'autre les sables et les marais affreux

bus. Hæc per exploratores relata Fahio. Quum satis aci- impar. Itaque ipse, et delecti equitum, circumventi oc-
ret, per easdem angustias, quibus intraverat Falernum ciduatur ceteri effuso rursus curau Cales prumum, inde
agrum rediturum Calliculam montem et Casilinum oc- prope invils callibus ad dictatoremperfugerunt.Eo forte
cupat modicia præsidiis; quke urbs, Vulturno flumine die Minucius se conjunterat Fabio. missus ad fiirmandum
dirempta, Falernurn ac Campanum agros dividit: ipse præsidio saltum, qui super Tarracmarm,in arlas coactus
jugis usdem exercitum reducit, misso exploratum cum fauces, imminet mari, ne, immunito Appiæ limite, Pœ-
quadringentis equitibus sociorum L. Hostilio Mancino. nus pervenire in agrum romauum posset. Conjunetis
Qui ex turba juveuum audientium sæpe ferociterconcio exercitibus dictator ac magister equitum castra in viam
nantem magistrum equitum, progressus primo explora- deferuut, qua Annibal ducturus erat. Duo inde millia
toris modo, ut ex tuto bpecularetur hostem, ubi vagos bostes ai erant.
passim per vicos Numidas vidit, per occasionem etiam XVI. Postero die Pœni, quod viae inter bina castra
paucosoccidit. Extemplo occupatus certamineest animus, erat, agmine complevere. Quum Romani sub ipso consti-
excideruntque praecepta dictatoris; qui, quantum tuto tissent vallo, baud dubie æquiore loco, successit tamen
posset, progressum prius reciperesese jusserat, quam in Pœnus cum eipeditis equitibus, atque ad lacessendum
conspcctum hostium veniret. Numidæ, alii atque alii uc- bostem carptim et procursando recipiendoque sese pu-
cursantesrefugientesque,ad castra prope ipsum cum fa- gnavere. Restitit suo loco roniana acies. Lenta pugna et
tigatione equorum atque hominum pcrtraxcre. Inde Car- ex dictatoris magis, quam Aonibalis, fuit voluntate. Du-
thalo, pênes quem summa equestri imperiis erat conci- centi ab Romanis, octingenti hostium cecidere. Inclusus
tatis equis invectus quum prius,quamad conjectumteli inde videri Anuibal, via ad Casilinum obsessa; quum
veniret, avertisset hostem, quinque millia ferme conti- Capua et Samuium, et tantum ab tergo divitum socio
nenli cursu secutusestfugientes. Mancinus, postquam nec rum Romanis commeatus subveheret; Pœnus contra in-
h )stem desistere sequi nec spern vidit effugieodi esse, ter Formiana saxa ae Literni arenas stagnaque perhor-
cohortatus suos in prælium rediit, omni parte virium rida silu biberoaturus esset. Nec Aunibalem fefelld suis
de Linternum. Il comprit qu'on l'attaquait par ses fraient l'apparence d'hommes courant çà et la.
propres armes. Ne pouvant donc s'échapper par Ceux à qui on avait confié la garde du défilé,
Casilinum, et se trouvant forcé de gaguer les apercevantdes feux sur les montagnes et au des-
montagnes et de franchir les sommets du Calli- sus de leurs têtes, se crurent enveloppés, et quit-
cula, de peur que les Romains n'attaquassent son tèrent leur poste. Mais en cherchant à gagner le
armée enfermée dans ces vallons, il imagina, sommet des montagnes, où les feux étaient rares,
pour tromper l'ennemi, un épouvantait effrayant et où la retraite paraissait plus sûre, ils rencontrè-
pour les yeux, et résolut de s'approcher furtive- rent quelques bœufs écartés du troupeau. Deloiu,
ment des montagnes au commencement de la à la première vue, ils crurent voir des monstres
la nuit voici comment il exécuta son strata- vomissant des flammes, et s'arrêtèrent étonnés;
gème. Des torches ramassées de tous côtés dans ensuite, dès qu'ils eurent reconnu une ruse tout
la campagne, ainsi que des fagots de menu bois et humaine, persuadés que c'était une embuscade,
de sarment sec furent attachés aux cornes de ils se mirent à fuir avec plus de frayeur encore, et
bœufs domptés ou indomptés, qu'il conduisait vinrent donner dans les troupes légères de l'en-
parmi son butin il y en avait à peu près deux nemi. Du reste la nuit, tenant les deux partis
mille. Asdrubal fut chargé de lancer, sur les dans une égale crainte: les empêcha jusqu'au jour
montagnes, à la nuit sombre, tous ces animaux de commencer le combat. Annibal n'en fit pas
les cornes allumées, et de les diriger, s'il le pou- moins sortir toute son armée du défilé, où il tua
vait, au-dessus des défilés occupés par l'ennemi. même quelques ennemis, et alla camper sur le
XVII. A l'entrée de la nuit, le camp fut levé territoire d'Allifa.
en sileuce les bœufs marchaientun peu eu avant XVIII. Fabius s'aperçut bien de ces mouve-
des enseignes. Dès qu'on fut arrivé au pied des ments mais persuadé aussi que c'était un piége,
montagnes et à l'entrée des défilé, le signal fut à et redoutant surtout un combat nocturne, il retint
l'instant donné de mettre le feu aux cornes des ses troupes dans les retranchements. Au point du
bœufs, et de les pousser vers les montagnes op- jour, un engagement eut lieu vers le haut de la
posées. La frayeur, causée par la flammequi bril- montagne, dans lequel les Romains, supérieurs
lait sur leur tëte, la chaleur, qui déjà péné- en nombre, auraient facilement défait les troupes
trait jusqu'au vif à la racine des cornes, les légères d'Annibal, qui se trouvaient cernées, si
aiguillonnèrent jusqu'à la fureur. Dans leur une cohorte d'Espagnols, détachée pour les secou-
course rapide, les arbrisseaux s'embrasèrent de rir, ne fût survenue à propos. Ces soldats habi-
toutes parts, comme si les forêts et les monta- tués aux montagnes, et parfaitement habiles à
gnes eussent été incendiées. Et toutes ces têtes courir de rochers en rochers, grâce à l'agilité de
s'agitant en vain, et excitant ainsi la flamme, of- leur corps et à la nature de leurs armes, se jouè-

te artibus peti. Itaque, quum per Casilinms evadere non bat. Qui ad transilum saltus insidendum locati erant, uhi
posset, peteudique montes et ]ugum Calliculæ superan- in summis montibus ac super se quosdam ignes-conspexe-
dum esset; necubi romanus inclusum vallibus agmen.ag- runt, circumventos se esse rati praesidio excessere; qua
grederetur, ludibrium oculorum, specie terrible, ad minime densæ micabant flammæ, velut tutissimum iter,
frustrandum hostem commentus principio noctis furtim petentes summa montium juga, tamen in quosdam bovfs
palatos ab suis gregibus inciderunt. Et primo, quum pro-
succedere ad montes staluit. Fallacis consilii talis appa-
cul cernerent veluti Gammas spirantium miraculo alto-
ratus fuit. Faces undique ex agris collectæ. fascesque vir-
garum atque arida sarmenta præligantur cornilms boum. uiti constiterunt:deinde, ut humana apparuitfraus,tum
quos domitos indomitosque multos inter ceteram agres- vero insidias rati esse, dum majore metu concitant se iu
ton praedam agebat. Ad duo millia ferme boum effecta fugam, levi quoque armaturae bostium incurrere. Cete-
Asdrubalique negotium datum ut primis tenebris noctis rmn noi æquato timore neutres pugnam incipientes ad
id armeutumaccensiscornibusad montes ageret; maxime, 1 lucem tenuit. Interea toto agmine Annibal trausducto
si posset, super saltus ab hoste insessos. per saltum, et quibusdam in ipso saltu bostium oppressix,
XVII. Primis tenebris silentio mota castra boves ali- in agro Allifano posuit castra.
quanto ante signa acti. Ubi ad radices montium viasque XVIII. Hune tumultum sensit Fabius. Ceterum et in-
angustasventum est, signum extemplo datur, ut accet- sidias esse ratus, et ab nocturnoutique abhorrens certa-
sis cornibus armenta in adversos concitenturmontes. Et mine, suos munimentis tenuit. Luce prima sub jugo mon-
mctus ipse relucentis flammæex capite, calorque, jam ad tis praelium fuit; quo interclusam ab suis leveun armatu-
vivum, ad imaque cornuum adveniens, velut stimulatos ram facile (etenim numero aliquantum praestabant) Ro-
furore agebat botes. Quo repente discursu, haud secus mani superassent, nisi Hispanorum cohorte, ad id ipsum
quam silvis montibusque accensis, omnia circum vir- remissa ab Anuibale, praevenisset.Ea assuetier momitus
gulta ardere capitumque irrita quassatio, excitans flam- et ad concursaudum inter saxa rupesque aptior ac lev'or,
mam, hominum passim discurreutium apeciem pra'be- quum velocilate corporum, tum armorum babitu, calit-
rent aisément, par leur manière de combattre, XIX. Au commencement de la campagne que
d'un ennemi pesamment armé, fait pour la plaine nous venous de décrire, la guerre s'ouvrit aussi
et les combats de pied ferme. Après une lutte si en Espagne sur terre et sur mer. Asdrubal ajouta
inégale, les Espagnols et les Romains rentrèrent dix vaisseaux à ceux qu'il avait reçus de son frère
dans leur camp, ceux-là presque sans coup férir, tout armés et équipés; il en douna quaranle à
ceux-ci avec quelque perte. Fabius décampa aus- Himilcon, et partit de Carthagène, les vaisseaux
sitôt, et, franchissant les gorges au dessus d'Al- côtoyant la terre, et lui, menant l'armée le long
lifa, vint s'établir dans une position forte et éle- de la mer, dans le dessein d'attaquer l'ennemi à
vée. Alors feignant de marcher sur Rome par le la première rencontre sur l'un ou l'autre élément.
Samnium, Annibal revint dans le pays des Péli. Cn. Scipion, apprenant le mouvement des Car-
gniens, en ravageant tout sur son passage. Fabius thaginois, conçut d'abord le même dessein. En-
conduisait son armée par les hauteurs, se tenant suite, le grand bruit qu'on faisait des renforts ar-
entre Rome et l'ennemi, sans s'éloigner et sans rivés à l'ennemi lui faisant cramdre une bataille
combattre. Du Pelignum Annibal rebroussa che- sur terre, il embarqua l'élite de ses troupes, et
min, et, rentrant dans l'Apulie, vint à Géronium, alla chercher l'ennemi avec une flotte de trente-
dont les habitants, voyant leurs murailles en rui- cinq vaisseaux. Le second jour après son départ
nes, s'étaient enfuis de frayeur. Le dictateur se de Tarragone, il aborda à une station située à dix
retrancha sur le territoire de Larina. Ensuite rap- mille pas de l'embouchurede l'Èbre. De là il en-
pelé à Rome pour des cérémonies religieuses, il voya à la découverte deux vaisseaux légers de.
employa son autorité, les conseils et presque les Marseille, qui rapportèrent que la flotte ennemie
prières, pour recommander au maître de cava- était à l'embouchure du fleuve, et qu'on avait
lerie, « de se fier plus à la prudence qu'à la for- établi un camp sur le rivage. Pour le surprendre
tune de l'imiter lui-même plutôt que Sempro- à l'improviste et l'écraser par une terreur se ré-
nius et Flaminius de ne point considérer comme pandant de tous les points à la fois, il lève l'an-
uu résultat nul d'avoir déjoué les efforts de l'en- cre et marche à l'ennemi. L'Espagne a beau-
uemi pendant toute la campagne. Les médecins coup de tours bâties sur des hauteurs, pour
obtenaient parfois plus par le repos que par l'agi- servir de pointsd'observation et de défense contre
tation et les secousses. Ce n'était pas peu de chose les pirates ce fut de là qu'on découvritd'abord
que d'avoir cessé d'être vaincu par un ennemi les vaisseaux des Romains, et qu'on avertit As-
tant de fois vainqueur, et d'avoir pu respirer drubal par un signal. Toutefois, on s'agitait déjà
après tant de défaites consécutives. o Après ces sur terre et dans l'armée, que tout était en-
sages instructions données en vain au maître de core tranquille au bord de la mer et sur les
la cavalerie, il se rendit à Rome. vaisseaux, parce qu'on n'entendait ni le bruit

pestrem hostem, gravem armis statariumque, pugnae XIX. Principio asstatis, qua haec gerebantur, in His-
génère facile elusit. Ila haudquaquam pari certamine di- pania quoque terra inariqne cœptum bellum est. Asdru-
gressi, Ilispani fere omnes mcolumes, Romani, aliquot bal ad eum navium numerum quem a fratre iustructum
suis amissis, in castra contenderunt. Fabius quoque mo- paratumqueacceperat, decem adjecit, qtiadraginta na-
vit castra. transgressusque saltum super Allifas, loco alto vium classem Ilimilcoui tradidit aique ita Cartbagine
ac munito consedit. Tum, per Samuium Romam se pe- profectus navibus prope terram exercitum in litore du-
tere stmulans, Annibal usque in Pelignos populabundus cebat, paratus conlligere, quacunque parte copiarum
rediit. Fabius medius inter hostium agmen urbemqueRo- hostis occurrisset. Cn. Scipioni, postquam movisse ex
mam jugis ducebat; nec absistens, nec congrediens. Ex hibernis hostem audivit, primo idem consilii fuit deinde
Pelignis Po'nua flexit iter, retroque Apuliam repeteos, minus terra, propter ingeutem famam novorum auliho-
Geronium perveuit, urbem metu, quia collapsa ruinis rum, coucurrere ausus, delecto milite ad naves imposi-
pars mœnium erat, ab suis desertam. Dictator in Lari- to, quinque et triginta navium classe ire obviamhosti per
nale agro castra communiit. Inde sacroruro causa Romam git. Altero ab Tarracoue die ad stationem decem millia
revocatus non imperio modo sed consilio etiam ac passuum distantem ab ostio Ibeii amnis, pervenit. Inde
prope precibus agens cum magistroequitum, « ut plus duæ Massihensium speculatorie præmissæ retulerunt
constio, quam fortunæ, confidat et se potius ducem, classem punicam stare in ostio fluminis, castraque in
quam Sempronium Flaminiumque, imitetur. Ne nibil ripa posita. Itaque, ut improvidos incautosque univerto
aclum censeret, extracta prope wslate per ludificationem simnl offuso terrore opprimeret, sublatis ancorisad Los-
bostis. Medicos quoque plus iuterdum quiète, quam mo- tem vadit. hlultas et locis aitis positas turres Hispania
vendo atque agendo, proficere. IIaud parvam rem esae, babet, quibus et speculis et propugnaculis adversus la-
ab tolies victore hoste viuci desisse, et ab coutinuis cladi- troncs utuntur.Indeprimo, conspectishostium navibus,
bus respirasse. » Hæc nequicqnam præmonito magistro datum signum Asdrubali est; tumultusque prus in ierra
cquitum, Romam est profectua. et cartris, quam ad mare et ad naves, est ortus, nonduu onglui»
1.
des rames ni les cris des matelots, et que la flotte se réfugièrent vers leur armée rangée sur le bord
ennemie était cachée par les promontoires. Tout de la mer. Cependant deux vaisseaux ennemis
à coup plusieurs cavaliers dépêchés l'un sur l'au- avaient été pris dans le premier choc et quatre
tre par Asdrubal viennent ordonner à tous ces coulés à fond.
soldats errant sur le rivage, ou se reposant dans XX. Les Romains, quoique la terre fût aux
leurs tentes, et qui ne s'attendaient à rien moins ennemis, et qu'ils vissent leur armée border le
qu'à se voir attaqués ce jour-là, de monter à la rivage, n'hésitèrent pas à poursuivre la flotte en
hâte sur leurs vaisseaux et de prendre leurs ar- déroule; et tous les vaisseaux qui n'avaient pas
mes, car la flotte romaine approchait du port. brisé leur proue sur la côte, ou ne s'étaient pas
Tandis que les cavaliers portaient cet ordre de engravés sur les bas-fonds, ils les emmenèrent à la
tous côtés, Asdrubal arriva lui-même avec toute remorque vers la pleine mer. Ils en prirent vingt-
l'armée. En ce moment, ce fut un tumulte uni- cinq de cette maniere. Mais le plus bel avantage
versel matelots et soldats se précipitaient pêle- de leur victoire fut qu'un combat très-léger venait
mêle sur les vaisseaux, et semblaient fuir de la de les rendre maîtres de la mer dans tous ces pa-
terre plutôt qu'aller au combat. A peine tout le rages. Cinglant alors vers Honosca, ils firent une
monde est-il embarqué, que les uns s'attachent descente, prirent la ville et la pillèrent. De là, ils
aux câbles pour lever l'ancre, les autres, pour se dirigèrent vers Carthagëne, ravagèrent tout le
aller plus vite, les coupent. Tout se faisant ainsi pays d'alentour, et brûlèrent les maisons qui tou-
avec une extrême précipitation, les préparatifs chaient aux murs et aux portes de la ville. Ensuite
des soldats embarrassaientles manœuvres des ma- leur flotte chargée de butin poussa jusqu'à Lon-
telots, et l'agitation de ceux-ci empêchait les sol- guntica, où Asdrubal avait amassé une grande pro-
dats de prendre et d'apprêter leurs armes. Déjà vision de cordages pour les besoins de sa marine.
les Romains approchaient, et même ils avaient On emporta tout ce qu'on crut nécessaire, et l'on
formé leur ordre de bataille. Les Carthaginois, brûla le reste. Et non-seulement les Romains par-
moins troublés par l'ennemi et le combat que coururent la côte dans toute son étendue, mais ils
par leur propre désordre, après avoir essayéplu- passèrent même dans l'île d'Ébusc, dont ilsassiégè-
tôt qu'engagé la balaille prirent promptement rent vainement la capitale pendant deux jours avec
la fuite. Et comme l'embouchure du fleuve n'était la plus grande vigueur. Voyant qu'ils perdaient
pas assez large pour recevoir tant de vaisseaux leurtempsen efforts inutiles, ils se tournèrent vers
venant à la fois sur une longue ligne, ils se je- le pillage de la campagne, et, après avoir dévasté
tèrent çà et là sur le rivage. Les uns échouè- et brûlé quelques bourgades, ils remontèrent sur
rent sur des bas-fonds, les autres sur la grève; et leurs vaisseaux, avec un butin plus riche que ce-
les équipages, partie armés, partie sans armes, lui fait sur le continent. En ce moment des dépu-

aut pulsu remorum slrepituque alio naulico exaudito, perfugere. Duae tamen primo concursu captæ erant Pu-
aut operienubus classem promontoriis quum repente nicæ naves, quatuor suppressæ.
eques, alius super alium ab Asdrubale missus, vagos in XX. Romani, quauquam terra hostium erat, armt-
htore quietosque iu tentoriis suis nihil minus quam hos- tamque aciem tuto prætentarn in litore cernebant, haud
tem aut pralium eo die eispectantes, conscendere naves cunctanter insecuti trepidam hostium classem, natea
propere atque arma capere jubet classem romanam jam onmes, quæ non aut perfregerant proras litore illisas,
haud procul portu esse. Hæc équités dimissi passim im- aut carinas fixerant vadis, religatas puppibus in altum
perabant. Mox Asnrubal ipse cum omni exercitu aderat; extraiere ad qumque et viginti naves ex quadraginta
varioque omnia tumultu atrepuat, ruentibus in naves si- cepere. Neque id puicherrimum ejus vietoriæ fuit, sed
mut remigibus militibusque, fugientium magis e terra, quod una levi pugna toto ejus oræ mari potiti erant. ]la-
quam in pugnam euntium modo. Viidum omnes cons- que ad Honoscam classe provecti, exscensione ab navi-
cenderaut, quum alii, resolutis oris, in ancoras evebun- bus in terram facta, quum urbeni vi cepisseot, captam-
tur alii, ne quid teneat, aucoralia incidunt: raptimque que diripuissent, Corthaginem iode petunt; atque, om-
omnia pra'propere agendo, militum apparatu nautica nem agrum circa depopulati postremo tecta quoque cou-
mmisteria impediuntur, trepidatione nautarum capere et juncta muro portisque incenderunt.Inde jam praeda gravis
aptare arma miles prohibetur. Et jam Romanus non ap- ad Longunticam pervenit classis uhi vis magna sparti
propinqurbat modo, sed direxerat etiam in pugnam ua- ad rem nauticam congesta ab Asdrubale. Quod satis in
vet. Itaque non ab hoste et pralio magis Pceni quam usum fuit, sublato, ceterum omne incensum est. Nec con-
suometipsi tumultu turbati tentata verius pugaa, quam tiuentismodoprojectas oras prætervecta, sed in Ebusum
inita, in fugam averterunt classem. Et quum adversi insulam transmissum. Ubi urbe quæ caput insulæ est
amuis os Iato agmine ac tam multis simul venientibus biduum nequicquam summo labore oppugnata, ubi iu
tiaud sane intrabile esset, in litus passim naves egerunt spem irritam frustra leri tempus auimadversum est, ad
atque alii vadis, alii sicco litore eicepti, partim armati, populationem agri versi direptis aliquot incensisque vi-
partim inermes, ad instructam per litus aciem suorum cis, majore, quam ex continenti, praeda parta, quum
tés des îles Baléares vinrent demander la paix prennent les armes, entrent avec une forle armée
à Scipion. La flotte retournant sur ses pas ga- dans la province des Carthaginois, enlèvent trois
fina la côte citéricure de la province, où se ren- places d'assaut, se battent ensuite contre Asdru-
dirent des députés de tous les peuples qui habi- bal lui-même avec la plus grande intrépidité, lui
tent les bords de l'Èbre, et même des nations les tuent quinze mille hommes, et lui en prennent
plus reculées de l'Espagne. Le nombre de ceux quatre mille avec plusieurs drapeaux.
qui se soumirent réellement à l'empire romain, XXII. Telle était en Espagne la situation des
en donnant des otages, dépassa cent vingt. Plus affaires, lorsque P. Scipion arriva dans cette pro-
confisant dès lors dans ses forces de terre, Scipion vince, investi par le sénat d'un commandement
s'avança jusqn'au défilé de Castulon. Asdrubal se prorogé apres son consulat, avec trente vaisseaux
retira dans la Lusitanie, vers les bords de l'Océan. longs, huit mille soldats, et un convoi considéra-
XXI. Le reste de la campagne semblait devoir ble qui le suivait. Cette flotie, à laquelle une lon-
être tranquille et elle l'eût été du côté des Car- gue suite de bâtiments de transport donnait de
thaginois mais outre que les Espagnols ont un loin 1 air le plus formidable, entra dans le port
esprit inquiet et avide d'aventures, Mandonius et de Tarragone, au milieu des transportsde joie des
Indibilis, ce dernier, précédemment roi des Ilergè- Romains et des alliés. P. Scipion ayant débarqué
tes, voyant les Romains quitter le défilé pour re- là ses troupes, alla se joindre à son frère; et des
gagner la côte, soulevèrent leurs compatriotes, et lors ils conduisirent cette guerre avec un parfait
vinrent ravager le territoire pacifique de nos al- accord de pensées et d'affections. Tandis que les
liés. Un tribun militaire, envoyé contre eux par Carthaginois étaient occupés de la guerre Celti-
Scipion avec quelques troupes légères, détruisit bérienne, ils passent l'Èbre sans hésiter, et ne
facilement cette bande de pillards. Une partie fut voyant point d'ennemis, ils poussent droit à Sa-
prise ou tuée; le plus grand nombre jeta ses ar- gonte, où l'on disait que les otages de toute l'Es-
mes. Cependant ce mouvement ramena en deçà pagne avaient étédéposés parAsdrubal,et n'étaient
de lÈbre, pour défendre ses alliés, Asdrubal qui gardés dans la citadelle que par une faible garni-
se portait vers l'Océan. Les Carthaginois étaient son. Ce gage seul retenait tous les peuples d'Es-
campés sur le territoire des llercaoniens, les Ro- pagne, portés de cœur vers notre alliance: ils crai-
mams près de la nouvelle flotte, lorsqu'une alarme gnaient en effet de payer leur défection du sang
soudaine porta la guerre d'un autre côté. Les de leurs enfants. Ce lien fut rompu par un seul
Celtibériens, qui, les premiers de leur pays, homme, d'une façon plus habile que loyale. Cet
avaient envoyé des députés et donné des otages homme était Abelux, noble Espagnol, qui se trou-
aux Romains, excités par un messager de Scipion, vait alors à Sagonte attaché naguère aux Cartha-

in naves se reccptssent, ex Baliaribus insulis legati pacem suæ legatos miserant, obsidesque dederant Romanis,
petentes ad Scipionem venerunt, Inde fleia retro classis, nuntio misso a Scipione exciti, arma capiunt, provin-
rcditumque in citeriora proviociæ; quo omnium popu- ciamque Carthagimensium valido exercitu invadnnt ti ia
lorum, qui cis Iberum incoluut multorum et ullimæ oppida Yi expugoant. Inde, cum ipso Asdrubale duobus
Ilispauiae legati concurrerunt. Sed qui vere ditionis im- præliis egregie pugnantes, quindecim millia hostium oo-
periique romani facti sunt, obsidibus datis, populi, am- ciderunt, quatuor millia cum multis militaribus signis
plius fuerunt ceutum viginti. Igitur terrestribus quoque capiunt.
copiis satis fidens Romanus usque ad saltum Castulonen- XXII. Hoc statu rerum in Hispania P. Scipio in pro-
sem est progressus. Asdrubal in Lusitaniam ac propius vinciam venit, prorogato post consulatuiu imperio ab
Oceanum concessit. senatu missus, cum viginti longis navibus, et octo nul-
XXI. Quietum inde fore videbatur reliquum sestatis libus militum, magnoque commeatu advecto. Ea classis
tcmpus, fuissetque per Pœnum hoste sed, præter- ingens agmine onerariarum procul visa, cum magna lae-
quam quod ipsorum Hispanorum inquiéta avidaque in titia civium sociorumque,portum Tarraconis ex alto te-
novas res sont ingénia MandoniusIndibilisque, qui an- uuit. Ibi milite exposito, profectus Scipio fratri se con-
tea Ilergetumregulus fuerat, postquam Romani ab saltu jungit ac deinde communi animo consilioque gerebant
recessere ad maritimam oram, concitis pnpularibus, in bellum. Occupatis igitur Carthaginiensibus Celtiberico
agruru pacatum sociorum Romanorum ad populandum bellu baud cunctanter Iberum transgrediuntur nec ulio
venerunt. Adversus eoe tribuous militum cum eipednit viso hoste, Saguntum pergunt ire, quod ibi obsides to-
auxiliis, a Scipione missi levi certamine ut tumultua- tius Hispaniæ custodiæ traditos ab Annibale fama erat
rvam manum fudere omnes; occisis quibusdam captis- modico in arce enstodiri præsidio. Id unum pignus incli-
que, magna pars armis exuta. Hic tamen tumultus ce- "atoi ad romanam societatem omnium Hispaniæ populo-
dentem ad Oceanum Asdrubalem cis Iberum ad socios rum animoa uiorabatur, ne sanguine liberorum suorum
tutandos retraxit. Castra punica in agro Ilercaonensium, culpa defectionis lueretur. Eo vinculo Hispaniam vir unus
castra romana ad novam classem erant, quum fama re- sollerti magisquam Odeli consilio, exsolvit. Abelux erat.
pens alio sertit bellum. Celtiberi, qui principes regionis Sagunti nobilis Hispanus, fidua ante Pœnis tum ( yualu
ginois, il avait, comme font les barbares, changé de ramener les otages chez eux afin de soutenir
avec la fortune. Du reste, convaincu qu'un trans- mon projet de tous mes moyens, et de rele-
fuge qui passait à l'ennemi sans apporter une tra- ver, autant que possible, la valeur d'un ser-
hison importante n'était qu'un objet de mépris vice déjà si agréable en soi. o Ayant ainsi per-
il cherchait à devenir une acquisition très-utile suadé cet homme, qui n'avait pas la finesse de sa
pour ses nouveaux alliés. Après avoir examiné nation il s'avance furtivement dans la nuit jus-
tout ce que la fortune lui permettait de faire, il qu'aux postes ennemis, s'abouche avec quelques
s'arrêta de préférence au projet de livrer les ota- auxiliaires espagnols, et conduit par eux devant
ges, persuadé que c'était le seul moyen de con- Scipion, lui expose ses intentions. Les paroles don-
eilier aux Romains l'amitié des chefs espagnols nées de part et d'autre, le lieu et le moment fixés
mais comme il savait fort bien que les gardiens pour la remise des otages, il retourne à Sagonte.
des otages ne feraient rien sans l'ordre de Bostar, Le jour suivant fut employé avec Bostar, à re-
commandant de la place, il attaqua par la ruse cevoir toutes les instructions nécessaires. Lors-
Bostar lui-même. Ce chef avait son camp hors de qu'il eut pris congé, comme il avait été décidé
la ville sur le rivage même, afin de fermer l'en- qu'il se mettrait en route la nuit, pour tromper la
trée du port aux Romains. Abelux s'y rend, et, le vigilance de l'ennemi, à l'heure convenue avec
tirant à l'écart, il l'avertit, comme d'une chose les Romains, il va réveillerlagarde des otages, et
inconnue pour lui, du véritable état des affaires. part pour les conduire, comme sans dessein pré-
« La crainte avait retenu jusqu'à ce jour les Espa- médité, dansl'embuscadepréparée par sa perfidie.
gnols, parce que les Romains étaient éloignés; Ces otages furent conduits dans le camp romain
maintenant que leur camp est en deçà de l'Èbre, du reste, leur restitution fut exécutée, ainsi qu'il
c'est un asile et une forteresse pour tous les mé- avait été réglé avec Bostar, absolument comme
contents il fallait donc s'attacher par un bienfait si elle eût eu lieu au nom des Carthaginois. Un tel
et par la reconnaissance ceux que la crainte ne bienfait valut aux Romains une gratitude bien
pouvait plus enchaîner. » Boslar s'étonnant, et lui plus grande que celle qu'on aurait eue pour les
demandant quel pouvait être ce bienfait capable Carthaginois car ceux-ci s'étant montrés durs et
de remplir tout à coup un si grand objet « Ren- superbes dans la prospérité, pouvaient paraître
voyez, reprit-il, les otages dans les cités; par là adoucis par la fortune et la crainte; au lieu que les
vous obligerez tout à la fois et leurs familles qui Romains, dès leur arrivée, entièrement inconnus
jouissent d'une grande considération dans le pays jusqu'alors, débutaient par un acte de clémence et
et les peuples en général. Chacun veut qu'on se de générosité. D'ailleurs Abelux, homme si pru-
fie à lui, et la confiance spontanée enchaîne ordi- dent, n'avait pas, aux yeux des alliés, changé de
nairement la foi. Pour moi, je réclame le soin parti sans raison. 'I ous donc, d'un accord una-

plerumque sunt Barbarorum ingénia ) cum fortuna mu- restituendorum domos obsidum mihimet deposeo ipse,
taverat lidem. Ceterum, trausfugam, sine magnm rci ut opera quoque impensa consilium adjuvem meum, et
prodilione venientem ad hostes, nihil aliud quam unum rei suapte natura gratæ, quantam insuper gratiam pos-
vile atque infâme corpus esse ratua, id agebat, ut quam 8im adjiciam.. Homini, non ad cetera punica ingenii
niaiimum emolumentum novis sociis esset. Circumspe- callido, ut persuasit, nocte clam progressus ad bostium
ctis igitur omnibus, quæ fortuna potestatis ejus poterat stationes, conventis quihusdamauxiliaribus Hispanls, et
facere, obsidibus potissimum tradendis animum adjecit ab iis ad Scipionem perductus, quid alferret, eipromit.
eam uuam rem maximeratus conciliaturamRomauis prin- Fide accepta dataque ac loco et tempore constituto ad
ciputu Hispaniæ amicitiam. Sed quum, injussu Bostaris obsides tradendos. Saguntum redit; diem iusequentem
prsfecti, satis sciret, nibil obsidum custodes facturos absumpsit cum Bostare, mandatis ad rem agendam acci-
esse, Bostarem ipsum arte aggrediuir. Castra extra ur- piendis. Dimissus quum se nocte iturum ut custodias
bem in ipso litore habebat Bostar, ut aditum ea parte in- hostium falleret, constituisset, ad compositam cum iis
tercluderet Romanis. Ibi eum in secretum abductum, boram excitatis custodibus puerorum profectus, veluti
velut ignorautem, monet, quo statu sit res. « Metum ignarus in præparatas sua fraude insidias ducit. In castra
continuisse ad eam diem Hispanorum auimos, quia pro- romana perducti cetera omnia de reddendis obsidibus,
cul Romani abessent nunc cis Iberum castra romana sicut cum Bostare coostitutum erat, acta per eumdem
esse, arcem tutam perfugiumque novas volenlibus res. ordinem quo si Cartbaginiensiumnomine sic ageretur.
Itaque, quos nietus non teneat, beueficio et gratia devin- Major aliquanto Romanorum gratia fuit in re pari quam
cieudos esse. Miranti Bostari percunetantique,quod- quanta futura Carthaginiensium fuerat. Illos enim, gra-
uam id subitum tantae rei douum possit eusse ? Obsides ves superbosque in rebus secundis expertos, fortuua et
iaquit, in civitales remitte. Id et privatim pirentibus, timor mitigasse videri poterat. Romanus primo adventu,
quorum maximum nomen in civithtibus est suis, et pu- incognitus aute, ab re clementi liberalique initium fece-
bhce populis gratum erit. Vult sidi qnisque credi, et ha- rat et Abelux vir prudens, baud frustra videbatur
bita files ipsam plerumque obligat lidem. Mtaitterium socius mutasse. Itaque ingenti consensu defectionem om-
nimc, éiaiemt disposés à la défection, et le mouve- reçu deux cent quarante-sept de plus que les Car-
ment eût éclaté sur-le-champ, si l'hiver ne fût sur- thaginois, et l'aquittementde cette dette longtemps
venu, et n'eût forcé les Romains ainsi que les Car- discutée dans le sénat parce qu'il n'avait pasétécon-
thaginois de se retirer dans leurs cantonnements. sulté, se faisait toujours attendre. Il envoya son fils
XXIII. Voilà ce qui se passa en Espagne la se- Quintus à Rome pour vendre cette terre que l'en-
conde année de la guerre punique, tandis qu'en nemi avait épargnée, et libéra la foi publique de
Italie la sage lenteur de Fabius apportait un peu ses propres deniers. Annibal avait son camp de-
de relâche aux désastres des Romains. Mais autant vant cette ville de Géronium, qu'il avait prise et
cette leuteur inquiétait Annibal, qui voyait qu'en- brûlée, et dont il avait épargné quelques maisons
fin les Romains avaient choisi un général faisant pour lui servir de greniers. De là il envoyait Ics
la guerre avec prudence et non pas au hasard, deux tiers de son armée faire des provisions do
autant elle était méprisée parmi les Romains, ci- blé, gardant l'autre tiers auprès de lui, pour la
toyens et soldats, surtout depuis qu'en l'absence défense du camp, et pour veiller à ce que ses
du dictateur la témérité du maître de la cavalerie fourrageursne fussent pas surpris.
avait obtenu un succès plus brillant qu'avanta- XXIV. L'armée romaine se trouvait alors sur la
geux. Deux autres motifs avaient augmenté le mé- territoire de Larinum, commandée par Minucius,
contentement général contre Fabius. L'un venait le dictateur étant, comme nous l'avons déjà dit,
de la ruse d'Annibal, qui, s'étant fait montrer par parti pour Rome. Du reste, le camp établi d'abord
des transfuges une des terres du dictateur, dévasta sur un point élevé et sûr était déjà descendu dans
tout ce qui était à l'entour, et la préserva toute la plaine; et l'on agitait les projets les plus har-
seule du fer et de la flamme, afin qu'ou pût voir dis, conformément à l'esprit du chef, comme de
dans cette exception le prix de quelque pacte se- fondre sur les fourrageurs dispersés, ou sur le
cret. Le second était un acte de Fabius, qui d'a- camp gardé seulement par une faible réserve. An-
bord put sembler équivoque, parce qu'il n'avait pas nibal s'aperçut bientôt que la méthode de faire la
attendu l'autorisation du sénat; mais qui finit par guerre était changée avec le général et que ses
tourner manifestement à sa gloire. Voici en quoi ennemis allaient se comporter avec plus d'audace
consistait cet acte, relatif à l'échange des prison- que de prudence. Pour lui, chose à peine croya-
niers. De même que dans la première guerre pu- ble, malgré le voisinage de l'ennemi, il envoya la
nique, il avait été convenu entre les deux géné- tiers de son armée à la provision, gardant le reste
raux romain et Carthaginois que celui qui en rece- dans son camp puis il se rapprocha des Romains,
vrait plus qu'il n'en donneraitpaierait deux livres et vint camper, à deux milles de Géronium sur
et demie d'argent par soldat. Or, Fabius en avait une éminence en vue de l'ennemi, afin de ne pas

nes spectare armaque eitemplo mota forent, ni hiems, gentumque pro iis debitum, sœpe jactata in senatu re,
quo Romanos quoque et Carthagioienses concedere in quoniam non consuluissetPatres tardius erogaretur in-
tccta coegit, intervenisset. violatum ab hoste agrum, misso Romam Quiuto fiho,
XXlll. Hac in Hispania quoque secunda æstate punici vendidit, fidenique publicam impendio privato eisolvit.
belii gesta quum in lialia paulum intervalli cladibua ro- Aonibal pro Gerouü mœnibus, cujus urbis captae atque
manis soliers cunetatio Fabii fecisset qua; ut Annibalem incensae ab se, in usum borreorum pauca reliquerat lecta,
non mediocri sollicitum cura habebat taudem eum mi- in stativis erat. Inde frumeutatum duas exercitus partes
lilm magistrum delegisse Romanos cerneutem, qui bel- mtttebat cum tertia ipse expedita in statione erat, simul
lum ratione, non fortuna, gereret; ita contempta erat castris præsidio, et circumspectans, necunde impetus in
mter cives, armatos pariter togatosque; utiquepostquam frumentatores fleret.
absente eo temerilate magistri eqmtum la'tu verius XXIV. Romanus tune exercitus in agro Larinati erat.
dilerim, quam prospero eventu, pugnatum fuerat. Ac- Præerat Minuciusmagister equitum profecto sicut ante
aesserant duo res ad augendam invidiam dictatoris una dictum est, ad urbem dictature. Ceterum castra quæ m
fraude ac dalo Aunibalis, quod quum a perfugis ei monte alto ac tuto loco posita fuerant, jam in planum de-
monstratusager dictaloris esset, omnibuscircasolo æqua- feruntur: agilahanturquepro ingenio ducis consilia cah-
tis, ab uno eo ferrum ignemque et vim onineni hostum diora, ut impetus aut in frumentatorespalatos, aut in
-bstineri jussit, ut occulti alicujus pacti ea merces videri castra, relicta cum levi præsidio, fiéret. Nec Annibalem
dosset altera ipsius facto, primo forsitan dubio, quia fefellit, cum duce mutatam esse belli rationem et fero-
non eispectata in eo senatus auctoritas est; ad eitremum cius, quam consultius. rem hostes gesturos. Ipse autem
haud ambigue in maxmam laudem verso, in permutan- (quod minime quis crederet), quum hoshs propius es-
dis captivis quod, sicut primo punico bello factum erat, set, tertiam partem militum frumentatum, duabus in
convenerat inter duces romanum Poeumnque, ut, qua castris retentis, dimisit dein castra ipsa propius hos-
pars plus reciperet. quam daret, argenti pondo bina et tem movit, duo ferme a Geronio millia, in tumulum
selibras in mililem præstaret. Ducentos quadraginta sep- hosti conspectum; ut intentum sciret esse ad frumenta
tein guum plures Romanus, quam Pœnus, receptsset, ar- 1 tores. si qua vis Béret, tutandos. Propior inde ci, atque
lui laisser ignorer qu'il était prét, en cas d'at- mille fantassins et cinq cents cavaliers dans le
laque, à secourir ses fourrageur. De là, il dé- camp des Romains, au moment où il avait paru
couvrit une autre éminence plus voisine des Ro- sur les derrières d'Annibal, avait fait croire aux
mains, et qui commandait leur camp. Comme il deux partis qu'un renfort arrivait de Rome avec
était évident que, s'il eût tenté de l'occuper en Q. Fabius; qu'Annibal, craignant quelque piège,
plein jour, l'ennemi l'aurait prévenu par un che- s'était retiré dans ses retranchements; que les
min plus court, il détacha pendant la nuit des Romains, secondés des Samnites, l'avaient pour-
Numides qui s'en emparèrent. Mais les Romains, suivi, et avaient emporté ce jour-ni deux redou-
méprisait leur petit nombre, les eu délogèrent tes que les ennemis avaient perdu six mille
le lendemain, et s'y établirent eux-mêmes. Les hommes, et les Romains cinq milleenviron et que,
deux armées n'étaient plus séparées que par un nonobstant une perte aussi balancée, on avait ap-
tiès-petit imervalle presque entièrement rempli porté à Rome la nouvelle d'une éclatante victoire,
par les Romains leur cavalerie, sortant par les avec une lettre pleine de jactance du maitre de la
derrières du camp avec l'infanterie légère, alla cavalerie.
tomber sur les fourrageurs dispersés, qui furent X\Y. Il était sans cesse question de cette affaire
eu grande partie tués ou mis en fuite. Cependant dans les assemblées du sénat et du peuple. Comme,
Annibal n'osa pas risquer une llatallle, ayant à au milieu de la joie générale, le dictateur seul re-
peine assez de monde pour défendre son camp, fusait de croire au bruit public et aux lettres de
s'il était attaqué. Déjà même une partie de son Minucius,, et qu'il disait que, les faits fussent-ils
armée étant absente, il ne faisait plus la guerre vrais, il craignait plus un succès qu'un revers,
qu'à la manière de Fabius, et, se tenant dans Métilius, tribun de peuple, s'écria « qu'on ne
une inaction presque absolue il s'était retiré pouvait plus souffrir une telle conduite. Que le
dans le camp qu'il avait antérieurement établi dictateur, non content d'avoir empêché par sa
sous les murs de Géronium. Quelques histo- présence le succès des armes romames, s'oppo-
riens préteudeut qu'il y eut aussi une bataille sait, mcme absent, à ceux qu'on avait obtenus
rangée, dans laquelle les Carthaginois, repoussés qu'il s'appliquaità trainer la guerre en longueur,
au premier choc jusque dans leur camp, rejetè- afin d'être plus longtemps en charge, et de com-
rent par une brusque sortie la terreur dans les mander seul à Rome et dans l'armée car l'un des
rangs des Romains mais que le combat avait été consulsavait péri sur le champ de bataille; l'autre,
rétabli par l'arrivée imprévue du samnite 1\umé- sous le prétexte de poursuivre une flotte cartha-
rius Décimius; que cet homme, le premier par ginoise, était relégué loin de l'Italie; et quant aux
sa naissance et ses richesses, non-seulement du deux préteurs, ils étaient occupés dans la Sicile et
Bovianum, où il était né, mais même de tout le la Sardaigne, qui n'avaient en ce moment ni l'une
Samnium, amenant par ordre du dictateur huit ni l'autre besoin de préteur; que M. Minucius,

ipsis imminens Romanorum castris tumulus apparuit ad apparuisset Annibali, speciein parti u1rique præbuisse
quem capiendum si luce palam iretur, quia haud dubie novi præsidii, cum Q. Fabio ab Roma venientis: Anni-
hostis breviore via præventurus erat, nocte clam nrissi baleminstdiarum quoque aliquid timentem rccepisse suos,
Numidæ ceperunt. Quosteneoteslucum, coutumpla pau- Komanuni insecutum, adjuvante Sammte, duo castella
citate, romani postero die quum dejecissent, ipsi eo eo die cvpugnasse sex millia hostium caesa, quinque ad-
trausferunt castra. Tum itayue, ut exiguum spatii vallum modum Romanorum tamen in Uun pari prope clade fa-
a vallo aberat, et id ipsum totum prope compleverat ro- mam egregiæ Victoria; cum vanioribus literis magistri
manx acies, simul et per aversa castra a castris Anmbalis equitum Romam perlatam.
cquilatus, cum levi armatura emissus in frumeulatores, XXV. De bis rcbus pei saepe et in senatu et in concione
late cadem fugamyue hosliuui palatorum fecit. Nec acie actum est. Quum, la'ta civitate, dictateur unus nihil nec
cerlare Annibal ausus; quia tania paucilatc vix castra, si famæ, nec literis crederet; ut vera omnia essent, sceunda
oppuguarentur tutari poterat. Jamque artibus Fabii se magis, quam adversa timere diceret tum M. Meli-
pars exet citus abei at) jam ferme sedendo et cuuctaudo lius tribuuus plebis,id enim ferendum esse negat. Non
bellum grebat, rceperatque suos in priora castra, quæ præsentem solum dictatorem obstitisse rci bene gerendæ,
pro Geronii mœnibus eraut. Justa quoque acie et cullatis sed abseutem etiam gestæ obslare et iu ducendo bello
signis dimicatum,quidam auctores suut. Primo concursu se lulo tempus terere, quo diutius iu magistratu sit, so-
Pœuum usque ad cistra fusum, inde eruptiuue l'acta re- lusque et Romw et in exercitu imperium habeat. Qu ppe
pente versum terruremiu Romanos:Num. Decimii Sam- consuluin alterum iu acie cecidisse; alterum specie clas-
nitis deinde mterventu praelium restiturum. Hune, prm- sis Punicæ persequcudæ, procul bb Italia ablegatum.
cipem génère ac divitris non Boviani modo, uude erat, Duos prætores Sicilia atque Sardinia occupatos, quarum
sed Mto Samnio, jussu dictatoris octo millia peditum, et neutra boc tempore proviucia prætore egeat. M. Mi-
equiles quingentos duuentem iu castra, àb lergo quum uucium magistrum cquitum, ne hostem vuleret, ne
pour qu'il ne vit pas l'ennemi, pour qu'il ne pût pour un bon général la fortune était peu de
rien entreprendre, avait presque été mis aux ar- chose, que le génie et la prudence maîtrisaient
rêts qu'aussi, par Hercule, non-seulement le tout que, dans ce moment, il était plus glorieux
Samnium, qu'on avait abandonné aux Carthagi- pour lui d'avoir sauvé l'honneur de l'armée, que
nois comme l'Espagne au delà de l'Èbre, mais d'avoir tué des milliers d'ennemis. » Après avoir
même la Campanie, le Calénum et le Falernum, vainement prononcé quelques discours de co
avaient été dévastés sous les yeux du dictateur, genre, il nomma consul M. Attlius Régulus, et
immobile à Casilinum, et protégeant ses terres pour ne pas avoir à débattre sa propre autorité,
avec les léguions du peuple romain; qu'une armée la veîlle même du jour où la proposition devait
brûlant de combattreavait été tenue, avec le mai- être présentée il partit de nuit pour l'arméc.
tre de la cavalerie, enfermée dans les retranche- Au point du jour le peuple s'assembla mais
ments qu'on les avait désarmés comme des en- quoique les esprits fussent pleins d'une haine se-
nenus captifs; qu'enfin se trouvant comme délivrés crète contre le dictateur et de bienveillance pour
d'un siége par le départ du dictateur, ils s'é- le maître de la cavalerie, personne n'osait encoure
taient élancés de leur camp, pour battre et mettre appuyer hautement ce que la multitude désirait,
en déroute les ennemis; qu'en conséquence, si le et, malgré le penchant général, la motion man-
peuple romain eût conservé son antique courage, quait d'un avocat. Un seul homme se rencontra
il n'aurait pas craint de proposer l'abrogation du pour la soutenir, C. Térentius Varron, préteur
pouvoir de Fabius qu'il se bornerait maintenant l'année précédente, d'une naissance non-seule-
à demander un partage égal du commandement ment obscure, mais même ignoble. On dit que
entre le maître de la cavalerie et le dictateur que son père avait été boucher, colporteur de sa mar-
néanmoins FaUius ne devait pas être renvoyé à chandise, et qu'il avait même employé son fils aux
l'armée, avant qu'il n'eût subrogé un consul à la serviles détails de ce métier.
place de Flaminius. » Le dictateur n'alla point XXVI. Grâce à la fortuneque lui avait laissée son
aux assemblées du peuple, le débat n'étant nul- père par ce trafic, le jeune Varron ayant conçu
lement populaire. Au sénat même, il était peu l'espoir d'une position plus honorable, adopta la
favorablement écouté lorsqu'il exaltait l'enne- to;;e et le forum, et en parlant pour des hommes
mi, rejetait sur la témérité et l'ignorance des vils et de sales causes contre le bien et la réputa-
généraux les défaites essuyées depuis deux ans, et tion des gens de bien, il parvint d'abord à une
disait « que le maître de la cavalerie aurait à lui certaine popularité puis aux honneurs. Après
rendre compte d'avoir combattu contre son ordre; avoir passé par la questure, les deux édilités, plé-
que, s'il conservait le commandement et la di- béienne et curule, et enfin la préture, comme il
rection de la guerre, il montrerait bientôt que élevait alors ses prétentions jusqu'au consulat, il

quid rei bellicæ gereret, prope in custodiam habitum. esse mentem rationemque dominari. Se in tempore et
Itaque, Ilercule, non Samnium modo, quo jam, tan- sine ignominia servasse exercitum, quam multa millia
quam trans Iberum agro, Paems concessum sit, et Cam- hostium occidisse, majorem gloriam esse. » Hujus ge-
panum, Caleoumque, et Falernum agros pervastatos neris orationibus frustra habitis, et consule creato
esse, sedente Cas liai dictatom, et legionibus populi ro- M. Atilio Regulo, ne præsens de Jure imperii dimiciret,
maui agrum suum tutante. Exercituin cupientem pu- pridie quant rogatioms ferendae dies adesset, nocte ad
gnare, et magistrum equitum, clausosprope intra vallum exercitum abiit. Luce orta, quum plebis cobcukuyn esset,
retentos, tanquam hostibus captivis arma adempta. Tan- magis tacita invidia dictatoris favorque magistri eqyuyn
dem, ut abscesserit iude dictator, ut obsidione hberatos, animos versahat, quam satis audehant homines a:l sua-
extra vallum egressos fudisse ac fugasse hostes. Quas ob dendum quod vulgo place bat prodire et favore super-
res, si antiquus animus plebi Romanæ esset, audaciter ante, auctoritas Gtmen rogationi deerat. L'nus inventus
se laturum fuisse de abrogando Q. Fabii imperio nunc est suasor legis C. Teremius Varro, qui priore anuo
modicam rogatiouem promulgaturum de xyuando ma- prætor fuerat, loco non humili solum sed eliam sor-
gistri equitum et dictatoris jure; nec tamen ne ita qui- dulo, ortus. Patrem lauium fuisse feruut, ipsum instito-
dem prius mttendum ad exercitum Q. Fabium, quam rem mercis, filioque hoc ipso in servilia ejus artis mini-
consulem in locum C. Flamind auffecisset..» Dictatorcon- steria usum.
cionibus se abstinuit, in actione minime populari. 1\e in XXVI. Is juvenis, ubi es eo genere quaeslus pecunia a
senatn quidem salis aequis auribus audiebatur, tuncquum patre relicla animos ad spem liberalioris fortunae fecit
hostem verbis extolleret, bienniique clades per temerita- togaque et forum placnere, proclamando pro sordidis
tem atque inscientiam ducnm acceptas referret Ma- homindws causisque advenus rem et famam bonorum,
gistroque equitum quod contra dictum suum pugnasset, prinwm in nottUam pupuli deiude ad honores pervenit.
rptionem diceret reddendam esse. Si pênes se summa Quæstura quoque et duabus ædllitalibus plebeia et cu-
imperii consiliique sit, propediem effccturum ut sciant ruli postremo et Prætura perfuuctus, lam ad consulatus
homines, bono imperalori haud magni fortunam momeuti spem quum attoleret animos, baud parum callide auram
prit fort habilcmeut le vent de la faveur pupulaire eux. Que pour lui, il pensait que ce qu'ils avaient
en se déclarant contre le dictateur, et il emporta de mieux à faire, c'était de prendre tour à tour le
seul tout le mérite du plébiscite. Tout le monde, commandement en chef, ou de deux jours l'un,
à Rome comme à l'armée, amis et ennemis re- ou à un plus long intervalle, s'il l'aimait mieux;
garda cel te décision comme un affront pour le dic- afin d'être toujours égal à l'ennemi en pouvoir
tateur, excepté le dictateur lui-même. Pour lui ce et en forces s'il s'offrait une bonne occasion
fut avec la dignité qu'il avait opposée aux accu- pour l'attaquer. » Cet arrangement ne convint
sations de ses ennemis devant la multitude, qu'il pas à Falmis. 11 pensa que e font ce qui serait li-
supporta l'injuste rigueur du peuple. 11 reçut en vré à la témérité de son collègue serait à la merci
route le sénatus-consulte touchant le partage du de la fortune qu'on leur avait donné le pouvoir
pouvoir; mais sachant bien qu'on n'avait pas éga- en commun, mais qu'on ne l'avait pas complète-
lisé le talent comme l'autorité, il rejoignit son ment dépouillé lui-même. Il ne renonceraitdonc
armée avec une fermeté aussi invincible à l'égard jamais à sa part d'autorité dans la conduite de la
de ses concitoyens que contre les ennemis. guerre il ne partagerait pas avec son collègue la
XXVII. Pour Minucius, que le succès et la fa- durée et les jours de commandement, mais l'ar-
veur du peuple rendaient auparavant insupporta- mée afin de sauver par sa prudence, sinon tout
ble, perdant alors toute modération et toute me- puisqu'on l'en empêchait, du moins ce qu'il pour-
sure, il n'était pas moins fier d'avoir vaincu rait. »Ainsi il obtint qu'ils partageraient entre
Fabius qu'Annibal. « Le voilà donc, disait-il, cet eux les légions, comme les consuls la première
homme, la seule ressource de Rome en péril, le et la quatrième échurent à Minucius; la seconde
seul champion digne d'Annibal; le voilà, chose et la troisième à Fabius. Ils partagèrent de même,
sans exemple dans nos annales, égalé à son infé- par nombre égal, la cavalerie et les auxiliaires
rieur, à son maître de la cavalerie, par un décret tant alliés que latins le maître de la cavalerie
du peuple, dans cette même cité, où les maîtres voulut aussi avoir un camp séparé.
de la cavalerie tremblaient et frémissaient devant XXVIII. Ce fut alors une double joie pour An-
les verges et les haches du dictateur. C'était là nibal car il n'ignorait rien de ce qui se passait
l'effet éclatant de son bonheur et de son courage chez les ennemis, grâce aux avis des transfuges
il suivrait donc sa fortune, si le dictateur persis- et à ses espions. II se flattait en effet de prendre
tait dans cette mollesse et cette hésitation condam- dans ses piéges la témérité désormais libre de Mi-
nées à la fois par les hommes et par les dieux. » nucius et quant à l'habileté de Fabius, il la voyait
Aussi le premier jour qu'il se trouva en présence privée de la moitié de ses forces. Entre le camp de
de Fabius, il lui dit « qu'il fallait régler avant tout Minucius et celui des Carthaginois, il y avait une
l'usage qu'ils feraient du pouvoir partagé entre éminence qui devait évidemment assurer au parti

favoris popularis ex dictatoria invidia petiit, scitique plebs æquato ulantur. Se optimum ducere, aut diebus alternis,
unus gratiam tuht. Omnes eam rogationem, quique Rome, aut, si majora intervalla placerent, partitis temporibus,
quique ineiercitu eraut, aequi atque iniqui, praeter ipsum alterius summum jus imperiumque esse ut par hosti
dictatorem, in contumeliam ejus latam acceperunt. Ipse, non solum consilio, sed viribus etiam esset, si quam oc-
qua gravitate animi criminantes se ad multitudinem ini- casionem rei gerendæ habuisset.. Q. Fabio haudqua-
micus tulerat, eadem et populi in se saevientis injuriant quam id placere omnia emm fortunam habituram
tuht accepiisque in ipso itinere literis senatusque con- quæcullque temeritas collegae habuisset. Sibi couimuni-
sulto de æquato imperio, satis fidens, baudquaquam cum catum cum illu, non ademptunt, imperium esse. liaque
imptrit Jure ar,ew imperandi ae quatam, cum imictoa ci se nua luam voklllelll paite, qua posset, rernni consitio
vibus hostibusqueanimo ad eïei citum rediit. gerendarum cessurum nec se tempora aut dies imperii
XXVII. Minucius vero, quum jam ante vil tolerabilis cum eo, exercilus divisurum suisque comiliis, quoniam
fuittet secundis rebus a fuvore vulgi tum utique immo- omnia non liceret, quæ posset. servaturum. » Ita obti-
dice immodesteque, non Anmbale magis victo ab se, nuil, uti legiones, sicut consulibus mos esset, inter se
quam Q. Fabio, gloriari Illum in rebus asperis uni- dividerent. Prima et quarta Minucio, secunda et tertia
cum ducem ac parein quaesitum Auoibali, majorem mi- Fabio eveuerunt.Item equiles pari numero, sociumque
uori, dictatorem magistro equitum, quod nulla memoria et latiui nomiuis auxilia diviseruut castris se quoique
habeat auualium, jussu populi æquatum iu eadem civi- separari magister equitum voluit.
tete, iu qua magistri equitum virnaa ac secures dictatoris XXVIII. Duplei inde Annibali gaudium fuit; neque
tremere atque borrere solili sint. In tantum suam felici- enim quicquam eorum, quæ apud hostes agerentur,eum
talem virtutestique enituisse. Ergo tecuturum se fortu- fallebat, et perfugis multa indirantibus, et per suos ei-
nam suani, si dictator in cuuctatione ac segnitie, deorum plorantem. ISam et liberam Minucii teecritatem se suo
boiniatinique judicio damnata, perslaret. »Itaque, quo modo captawrum, et sollertiæ Fabii dimdium virium
die primum congressus est cum Q. Fabio, « statuendum decessisse. Tumulus erat inter castra Minucii Pœuorum-
omuiuut primum, ait, esse, quemadmodum imperio que. Eum qui occupasset, haud dubie iniquiorem crat
qui l'occuperait un grand avantage de position. combat s'échauffait, de nouveaux corps d'infan-
Annibal était moins jaloux de l'occuper sans com- terie et de cavalerie, avait complété son armée;
bat, quoique l'avantage en valut la peine, que en sorte qu'on se battait de part et d'autre avec
d'en tirer l'occasion d'un engagement avec Minu- toutes ses lbrees. L'infanterie légère des Romains,
cius, qu'il était sûr de voir toujours à sa rencon- gravissant nne éminence dont la partie supérieure
tre. Le terrain intermédiaire n'offrait, au premier était occupée par l'ennemi, fut poussée et culbutée
aspect, aucune facilité pour dresser un piège, sur la cavalerie qui montait après elle, et se réfu-
parce qu'on n'y trouvait, d'aucun côté, ni bois ni gia sous les eusognes des légions. Celles-ci seules
buissons; mais il était d'autant plus propre à étaient inébranlablesau milieu du désordre; et il
masquer une embuscade, que dans une vallée paraissait que, silecombat était régulier et loyal,
toute nue rien de tel ne semblait à craindre, tan- elles ne céderaient poin t la victoire, tant leur cou-
dis que des anfractuosités avaient des roches creu- rage était animé par le succès obtenu quelques
ses, dont quelques-unes étaient capables de con- jours auparavant. Mais les ennemis, sortant tout
tenir deux cents hommes armés. Ces cavernes à coup de leur embuscade, et se jetant à la fois
reçurent cinq mille hommes, infanterie et cava- sur les flancs et sur les derrières des Romains,
lerie, distribués selon que chacune en pouvait jetèrent dans leurs rangs tant de confusion et d'ef-
contenir. De peur qu'un mouvement imprudent froi, qu'il ne resta à personne ni le courage de se
ou l'éclat des armes ne vînt à trahir la ruse dans défendre, ni l'espérance de fuir.
une vallée si découverte, il envoya, au point XXIX. Alors Fabius, aux premiers cris d'effroi
du jour, un détachement pour s'emparer de la qu'il entendit, et à la premièrevue de l'armée en
liauteur dont j'ai parlé, et détourna ainsi l'atten- déroute: e Voilà donc, dit-il, ce que j'avais prévu;
tion des ennemis. A la première vue, on méprisa la fortune a surpris la témérité, mais pas plus vite
cette poignée de soldats; et chacun demandait la que je ne l'avais craint. L'homme qu'on a égalé à
faveur de les chasser et de prendre leur place. Fabius a trouvé dans Annibal un maître heureux
Le général lui-même, au milieu des plus étourdis et brave. Mais ce n'est pas le moment des plaintes
et des plus présomptueux, crie aux armes, et et des reproches Soldats, hors des retranche-
lance contre l'ennemi de ridicules bravades et de ments. Arrachons la victoire aux ennemis, et à
vaines menaces. D'abord il détache ses troupes nos concitoyens l'aveu de leur faute. » Tandis que
légères, puis sa cavalerie en colonne serrée; en- les gens de Minuciussuccombaient en grand nom-
tin, voyant que l'ennemi recevait aussi des ren- bre, ou ne songeaient qu'à fuir, Fabius apparut
forts, il s'avance lui-même avec ses légions ran- tout à coup, comme venant du ciel à leur secours.
gées en bataille. Annibal, de son côté, envoyant Avant même qu'il fût à la portée du trait, ou qu'il
sans cesse au secours des siens, à mesure que le pût engager l'action, il arrêta la fuite précipitée

nosli locum facturus. Eum non tam capere sine certa- que, jam juslam expleverat aciem ac totis utrimque vi-
mine volebatAnnibal (quanquam id operæ pretium et at), ribus certabatur. Prima levis armatura Romanorum,
quam causam certaminis cum Mmucio, quem semper pra'occupatum iuleriore loco succedens tumulum, pulsa
occursurum ad obaistendum satis beiebat, contrahere. detrusaque lerrorem in succedentem intulit eyuitem, et
Ager omniamédius ci at prima specie inutilis insidiatori, ad signa legionum refugit. Peditum acies inter perculsos
quia non modo silvealre quicquam, sed ne vepribus qui- impavida sola erat, videbaturque, si justa aut si recta
dem vestitum babebat re ipsa natus tegendis insidiis, eo pugna esset haudquaquam impar futura. Tantum ani-
inagis quod in nuda valle nulla talis fraus limeri poterat morum fecerat prospere ante paucos dies res gesta. Sed
et erant m anfracnbus cavæ rupes, ut quædam earum exorli repeute insid atores eum tumultum terrorcmque,
ducenos armatos pussent capere. In bas latebras, quot in latera utrimque ab tergoqne mcursautea, feceruut, ut
quenique locum apte insidere poterant, qumque millia 1 neque animus ad pugnam, neque ad fugam spes cui-
conduntur peditum equitumque. Necuhi tamen aut mo- quam superesset.
tus alicujus leniereegressi, aut fulgor armorum fraudem XXIX. Tunc Fabius, primo clamore paventium au-
in valle tam aperta detegeret missis paucis prima luce dito, dein conspecta procul turhata acie:. Ita est, in-
ad capiendum, quem aute diximus, lumulum, avertit quit, non celerius, quam timui deprehendil forluna le-
oculus hostium. Primo statim couspectu contempla pau- meritatem. Fabio æquatus imperio Auuibalemet virtute
citas; ac siiii quisque deposcere pellendos inde hostes. et fortuna superiorem videt. Sed aliud jurgandi succen-
Ad locum capiendum dui ipse inter stolidissimosferocis. sendique temput erit nunc signa extra vallum proferte.
simosque ad arma vocat; et vanis animis et minia incre- Victoriam bosti extorqueamus, coufessionem erroris ci-
pat hoslem. Principio levem armaturam dimiltit, deinde vibus.. Jam magna ex parte cæsis aliis aliis circum-
conferto agmine mittit équites postremo, quum bosti- spectantibus fugam Fabiana se acies repente velut cœlo
bus quoque subsidia mitti videret, instructis legiombus demissa ad auxilium osteudit. Itaque priusquam ad con-
procedit. Et Aumbal laborantibua suis alia atque alia jectum teli veniret, aut manum consereret, et sucs a
crescente certamine, mittens auxilia peditum equitum- fuga effusa, et ab nimis feroci pugna hostes contmuit.
des nôtres et ''acharnement des ennemis. Ceux gages. Puis ils partent, et marchanten bon ordre
qui couraient à la débandade se rallièrent au- vers le camp du dictateur, i!s frappent d'étonne-
près de l'armée qui s'avançait en bon ordre ment Fabius et tous ceux qui l'entourent. Dès que
ceux qui s'étaient retirés par pelotons firent les enseignes furent placées devant le tribunal de
volte-face, et, se formant en cercle, se mirent Fabius, le maitre de la cavalerie, s'avançant hors
tantôt à reculer lentement, tantôt à s'arrêter, des rangs, appela Fabius son père et ses soldats
faisant face de tous côtés. Déjà les troupes vain- saluèrent du nom de patrons ceux du dictateur,
cues et les troupes fraîches ne formaient plus rangés autour de leur chef. Puis « Fabius, dit-il,
qu'un seul corps, et se portaient ensemble sur mes parents, auxquels je viens de vous égaler par
l'ennemi, lorsque Annibal fit sonner la retraite, ce nom de père, qui me permet du moins de vous
proclamant hautement qu'il avait vaincu Minu- parler en fils, ne m'ont donné que la vie à vous,
cius, et que Fabius l'avait vaincu. Ces vicissitu- je dois et mon salut et celui de ces braves. C'est
des de la fortune occupèrent la plus grande partie pourquoi je rejette et j'abroge le premier ce plé-
de la journée. Lorsqu'on fut rentrédans le camp, hiscite qui a été pour moi un fardeau plutôt qu'un
Minucius ayant assemblé ses soldats Soidats, honneur. Et, puisse ma résolution être aussi heu-
dit-il, j'ai souvent entendu dire que l'homme le reuse pour vous que pour moi, aussi heureuse
plus capable était celui qui savait prendre le parti pour l'armée sauvée que pour l'armée libératrice!
le plus convenable; que le second degré de mé- Je rentre sous votre commandement et sous vos
rite était de suivre les bons conseils mais que ce- auspices, je vous restitue ces enseignes et ces lé-
lui qui ne savait ni agir par lui-même, ni obéir gions. Et vous, pardonnez, je vous en supplie,
aux autres, n'était qu'un esprit du dernier ordre. et maintenez le maître de la cavalerie et ses com-
Puisque le sort m'a refusé la première place, en pagnons chacun dans leur grade. On se serra
fait de talent et de génie, sachons tenir la seconde; les mains de part et d'autre, et l'assemblée étant
et, en attendant que j'apprenne à commander, ré- congédiée, les soldats de Minucius furent invi-
signons-nousà obéir à plus prudent que nous. Joi- tés par ceux de Fabius, connus ou inconnus, et
gnons notre camp à celui de Fabius; portons nos traités avec une généreuse hospitalité, de sorte
enseignes devant sa tente. Là, lorsque je l'aurai que cette journée, naguère si triste et presque
appelé mon père, titre qu'il mérite si bien par néfaste, finit par être un jour de fête. Dès que
son bienfait et par sa dignité, vous, soldats, sa- la nouvelle en fut arrivée à Rome, et confirmée
luez du nom de patrons ces braves dont le bras doublement par les lettres des généraux et celles
et les armes viennent de vous sauver. Et qu'à dé- des soldats des deux armées, chacun porta aux
faut d'une autre gloire, ce jour nous assure du cieux Maximus. Les mêmes hommages lui étaient
moins celle de la reconnaissance. » rendus par Annibal et les Carthaginois, qui s'aper-
XXX. Au signal donné, on crie de plier les ba- cevaient enfin qu'ils avaient à faire la guerre avec

Qui solutis ordinibus vage dissipati erant, undique con- vasa. Profecti et agmine incedentea ad dictatoris castra
fugerunt ad integram aciem; qui plures simul terga de- in admirationem et ipsum, et omnes, qui circa erant,
derant, conversi in hostem volventesque orbem, nunc converterunt. Ut constituta suut ante tribunal signa pro-
seusim referre pedem, nunc conglobati restare. Ac jam gressus aute alios magister equituu], quum patrem Fa-
prope una acies facta erat victi atque integri exercitus, bium appellasset, circumfusosque militum ejus totum
inferebantque signa in bostem; quum Pœnus receptui agmen patronos consalutasset, Parentibus inquit,
cecinit, palam ferente Annibale, ab se Minucium se a meis, dictator (quibus te modo nomine, quo fando pos-
Fabio victum. Ita per variam fortunam diei majore parte sum, æquavi), vitam tantum debeo tibi quum meam
exacta, quum in castra reditum esset, Minucius convo- salutem, tum omnium borum. Itaque plebeiscitum, quo
catis militibus « Sæpe ego inquit, audivi milites, eum oneratus magis, quam honoratus sum, primus antiquo
pnmum esse virum qui ipse consulat, quid in rem sit: abrogoque et, quod tibi mihique, quod exercitibus-
secundum eum qui bene monenti obediat qui nec ipse que bis tuis servato ac conservatori sit felix sub impe-
consulere, nec alteri parère sciat, eum extremi ingenii rium au.piciumquetuum redeo, et signa hæc legiones-
esse. Nobis quoniam prima animi ingeniique negala sors que restituo. Tu, quxso, placatus me magisterium equi-
est, secundam ac mediam teneamus et, dum imperare tum, hos ordines suos quemque tenere jubeas. s Tum
discimus, parère prudenti in enimum inducamus. Castra dextræ interjunctæ, militesque, concione dimissa, a notis
eum Fabio jungamus ad prætorium ejus signa quum ignotisque bénigne atque hospitaliter invitati lætusque
tulet imus ubi ego eum parentem appellavero, quod be- dies, ex admodum tristi paullo ante ac prope exsecrabili,
neficio ejus erga nos ac majestate ejus dignum est; vos factus. Romæ, ut est perlata fama rei gestoe dein literis
milites, eos quorum vos mudo arma dextræque texerunt, non magie ipsorum imperatorum, quam vulgo militum
patronos salutabitis, et, si nihil aliud, gratorum certe
noliis animorum gloriam dies hac dederit. »
pro
ex utroque exercitu affirmata, se qnisque Maximum
laudibus ad cœlum ferre. Par gloria apud Annibalem
XXX. Signo dato, conclamalnr inde, ut colliganlur liostcsque Pxnos erat; ac tum demum sentire, cum Ro
les Romains et eu Italie. Car, les deux années pré- consul lui-même, traversant la Sicile par Icrre,
cédentes, ils avaient conçu tant de mépris pour passa en Italie par te détroit, sur une lettre de
les généraux et les soldats romains, qu'ils croyaient Fabius quil'appelait, ainsi que son collègue N. At-
à peine avoir affaire à cette même nation, dont tilius, pour leur remettre l'armée, les six mois
leurs pères leur avaient laissé une idée si terrible. de sa dictature étant près de finir. Presque tou-
On rapporte même qu'Annibal dit, en revenant tes les anoalcs donnent le titre de dictateur à Fa-
du combat « Ce nuagc qui restait d'ordinaire sur bius dans la guerre contre Annibal. Cœlius dit
les montagnes vient enfin de vomir la tempête. o même qu'il fut le premier dictateur créé par le
XXXI. Pendant que ces choses se passent en peuplc. Mais Cœlius et les autres oublient que le
Italie, le consul Cn. Servilius Géminus, après consul Cu. Servilius, qui se trouvait alors dans
avoir côtoyé avec une flotte de cent vingt vaisseaux la province de Gaule, avait seul le droit de nom-
les îles de Sardaigne et de Corse, et en avoir reçu mer un dictateur, et que la ville, trop effrayée
des otages, fit voile pour l'Afrique. Mais, avant de la dernière défaite pour se résigner un
long
de tenter aucune descente sur le continent, il ra- retard, avait eu recours à la création d'un pro-
vagea l'île de Ménix, et se fit donner dix talents dictateur par le peuple. Depuis, les belles ac-
d'argent par les habitants de Cercina, pour ne pas tions, la çloire éclatante de ce grand homme, et
porter sur leurs terres la flamme et le pillage. la postérité qui décora sa mémoire d'un plus beau
Ensuite il aborda aux côtes de l'Afrique, où il titre, out fait prévaloir facilement le nom de dic-
débarqua ses troupes. Les soldats et les hommes tateur.
d'équipage s'étant répandus çà et là pour piller, XXXII. Les consuls M. Atilius et Géminus Ser-
conune s'ils eussent été dans des îles désertes, vilius ayant pris, le premier l'armée de Fabius.
ils allèrent étourdiment se jeter dans une em- le second celle de Minucius, se retranchèrent de
buscade dispersés et n'ayant aucune connais- bonne heure dans leurs quartiers d'hiver, car on
sance des lieux, ils furent en un instant enve- était à la fin de l'automne, et firent toujours la
loppés par des ennemis nombreux habitués au guerre avec un accord parfait, d'après le système
pays, qui les ramenèrent honteusement vers leurs de Fabius. Lorsque Annibal allait à la provision
vaissaux, en leur tuant beaucoup de monde. On ils se présentaient à propos en divers endroits,
perdit près de mille hommes, au nombre des- pour harceler sa marche, et surprendre ceux qui
quels le questeur Sempronius Blœsus. La flotte, s'écartaient, évitant avec soin une action générale
s'éloignant précipitamment de ces bords remplis que l'ennemi cherchait par tous les moyens possi-
d'ennemis, se dirigea vers la Sicile et fut remise bles. Aussi Annibal fut réduit à une telle disette
à Lilybée, au preteur T. Otacilius, pour que que, s'il n'eût craint que sa retraite n'eût l'air
son lieutenant P. Sura la ramenât à ltome. Le d'une fuite, il aurait regagné la Gaule, ayant perdu

manis atque in Italin bellum esse. Nam biennio anteadco Ipse, per Siciliam pedibus profectus, freto in Italiam
et duces romanos et milites spreverant, ut vix cum eadem trajecit, literls Q. Fabli accitus et ipse, et collega ejus
gente bellum esse crederent, cujus terribdem eam fa- M. Atilius, ut exercitusab se, exacio jam prope semestri
mam a patribus accepissent. Annibalem quoque ex acie imperio, accipercnt. Omnium prope annales Fabium di-
redeuntem dixisse ferunt, « tandem eam nubem, quæ ctatorem adversus Anmbalem rem gessisse traduul. Cœ-
sedere in jugis montium solita sit, cum procella imbrem lius etiam eum primum a populo crealum diclaturem
dedisse. » scribit. Sed et Cœlium et ceteros fugit, uni consuli
XXXI. Dum bæc geruntur in Italia, Co. Servilius Ge- Cn. Servilio, qui tum procul in Gallia provincia aberat,
minus cousul cum classe centum viginti navium, circum- jus fuisse dicendi dictatoris quam moram quia exspe-
vectus Sardiniæ et Corsicæ oram et obsidibus utrimque ctare territa jam clade civitas non poterat, eo decursum
acceplis, m Africam transmisit et priusquam in conti- esse, ut a populo crearetur, qui pro dicta tore esset res
nentem exsceusiones faceret, Menige iusula vastata, et inde gestes gloriamque insignem ducis et augentes titu-
ab incolentibus Cercinam, ne et ipsorum ureretur diri- lum imaginis posteros, ut, qui pro dictatore, dictator
pereturque ager, decem talentis argeuù acceplis, ad diceretur, facile obtinmsse.
litora Africæ accessit, copiasque expoéuit. Inde ad popu- XXXII. Consules, Atilius Fabiano Geminus Servilius
landum agrum daci milites, navalesquesodi luxia ellusi, Minudiano exercitu accepto, hibernaculismature com-
ac si insuht cultorum egentibus praedarentur. Itaque in munitis (extremum autumui eraq, Fabii artibus cum
insidias tcmei iilaii quum a frequentibus palantes ab summa inter se coucordia bellum gesserunt. Frumenta-
locorum guaris ignari circumvenirentur, cum mul a tum exeunti Anuibali diversis locis opportuni aderaut,
cæde ac fœda fuga retro ad uaves compulsi sunt. Ad carpentes agmen, palatosque excrpiences. lu casum uni-
mille hom.num, cum bis Sempronio Blæso quæstore versx dimicationis, quam omnibus artibus petchat hostis,
amisso, classis, a litoribus hostium plenis trépide soluta, nou vemebant adeoque inopia est coactus Annibal, ut,
in Siciliam cursum tenuit traditaque Lilybæi T. Octacilio nisi tum fugæ speciem abeundo timuisset, Galliam repe-
prætori, ut ab legato ejus P. Sura Romam reducoretur. titurus fuerit, nalla relicta spe alendi exm cilus m ils loci
tout espoir de nourrir ses troupes dans ce pays, si états de ce prince; d'autres aux Liguriens, pour
les consuls suivants faisaientla guerre de la même leur demander compte des secours qu'ils avaient
façon. Tandis qu'auprès de Géronium l'hiver fournis aux Carthaginois en hommes et en provi-
avait suspendu la guerre, des députés de Naples sions, et en même temps, pour observer de près
arrivèrent à Rome. Ils présentèrent au sénat qua- ce qui se passait chez les Boïens et les Insubriens.
rante coupes d'or d'un poids considérable, et s'ex- Une troisième ambassade fut aussi envoyée à Pi-
primèrent à pou près en ces termes « lls savaient née roi d'Illyrie, pour demander le paiement du
que le trésor du peuple romain s'épuisait par la tribut, dont le terme était échu, ou, s'il voulait un
guerre, et comme cette guerre se faisait autant délai, pour prendre des otages: tant les Romains,
pour les villes et les terres des alliés que pour au milieu même de la formidable guerre qui
Rome et l'empire, il avait paru juste aux Napoli- était à leurs portes, savaient porter leur atten-
tains de sacrifier tout l'or que leur avaient laissé tion sur les affaires de tous les pays, même les
leurs ancêtres, soit pour l'ornement des temples, plus éloignés On eut aussi un scrupule de reli-
soit comme ressource permanente, pour en aider gion, parce qu'un temple, que le préteur L. Man-
le peuple romain. S'ils croyaient que leurs per- lius avait fait vœu d'élever à la Concorde, dans
sonnes pussent être de quelque utilité, ils s'offri- une sédition militaire arrivée en Gaule, deux
raient avec le même empressement. Le sénat et le ans auparavant, n'avait pas encore été mis en
peuple romain leur feraient le plus grand plaisir, adjudication. En conséquence des duumvirs,
s'ils voulaient regarder comme à eux tout ce que créés par le préteur M. Emilius, Cn. Pupius et
possédaient les Napolitains, et s'ils daignaient ac- Caeso Quintius Flamininus, chargèrent des entre-
cepter un don qui avait plus de prix par la bonne preneurs de bâtir ce temple dans la citadelle. Le
volonté de ceux qui l'offraient que par sa propre même préteur, conformément à un sénatus-con-
valeur. On remercia les députés de leur géné- suite, écrivit aux consuls, que, s'ils le jugeaient
rosité et de leur sollicitude, et l'on n'accepta que à propos, l'un d'eux pouvait venir à Rome pour
la plus légère des coupes. la création des consuls, et qu'il convoquerait les
XXXIII. Dans ce même temps, on découvrit à comices pour le jour qu'ils auraient choisi. A cet
Rome un espion carthaginois, qui était resté ca- avis les consuls répondirent qu'ils ne pouvaient
ché depuis deux ans. On le renvoya après lui avoir s'éloigner de l'ennemi sans péril pour la républi-
coupé les mains. Vingt-cinq esclaves furent mis que qu'il fallait donc faire tenir les comices par
en croix, pour avoir conspiré dans le Champ-de- un interroi, plutôt que de rappeler l'un d'entre
Mars le dénonciateur reçut la liberté et vingt eux. » Les sénateurs trouvèrent plus convena-
mille as. On envoya des députés à Philippe, roi ble de faire nommer pour cette fonction un dicta-
de Macédoine, pour réclamer Démétrius de Pha- teur par un consul L. Véturius Philo fut nommé,
ros, qui, après sa défaite, s'était réfugié dans les et choisit pour maître de cavalerie Manius Pom-

si insequentes consules iisdem artibus bellum gererent. PhilippumMacedonumregem missi ad deposcendum De-
Quum ad Geronium jam hieme impediente constitisset metrium Pharium,qui, bello victus, ad eum fugisset
bellum, Neapolitani legati Romam venere. Ab iis qua- et alii in Ligures ad expostulandum quod Pœnum opi-
draginta pateræ aureæ magni ponderis in curiam illatæ, bus auxiliisque suis juvissent simul ad visendum ex pro-
atque ita verba facta ut Jicerent Scire sese, romani pinquo, quae in Boiis atque Insubribus gererentur. Ad
populi ærarium bello exhauriri; et, quum juxla pro ur- Pineum quoque regem in Illyrios legati missi ad stipen-
bibus agrisque sociorum, ac pro capite atque arce Italiæ, dium, cujus dies exierat, poscendum; aut, si diem pro-
urbe Romana atque imperio gerdtur, aequum censuisse ferre vellet, obsides accipiendos. Adeo, etsi bellum in-
Neapoliranos,quod auri sibi quum ad templorum orna- gens in cervicibuserat, nullius usquam terrarum rei cura
tum, tum ab subsidium fortunae a majoribus relictum Romanos, ne longinqua quidem effugiebat. In religio-
oret, eo juvare populum romanum. Si quam opem in nem etiam venit, ædem Concordiæ,quam per seditionem
sese crederent, eodem studio fuisse oblaturos. Gratum militarem biennio ante L. Manlius prætor in Gallia vo-
tibi Patres romanos populumque facturum, si onmes res visset, locatam ad id tempus non esse. Itaque duumviri
Neapolitanorum suas duxissent; dignosque judtcaveriut, ad eam rem creati a M. Æmilio praetore urbis, Cn. Pu-
ah quibus donum, animo ac voluntate eorum, qui li- pius et K. Quinctius Flamininus, aedem in arce facien-
bentes dareot, quam re, majus ampliusque, acciperent. dam locaverunt. Ab eodem praetore ex senatusconsullo
Legatis gratiæ actæ pro munificentia curaque; paiera, literæ ad consules missæ, ut si iis videretur, alter eorum
qua; ponderie minimi fuit, accepta. ad consules creandos Romam veniret se in eam diem,
XXXIII. Per eosdem dies speculator carthaginiensis, quam jussissent, comitia edicturum. Ad hæc a consuli-
qui per bienuium fefellerat, Romæ deprehensus, præci- bus rescriptum, « sine detrimento reipublicæ abscedm non
sisque manibus dimissus et servi quinque et viginti in posse ab hoste. Itaque per interregem comitia habenda
crucem acti quod id campo Martio conjurassent. Iudici esse potius, quam consulum alter a bello avocaretur. »
data libertas et æris gravis viginli millia. Legati et ad Patribus rectius visuna est, dictatorem a consule dici co-
ponius Matho; mais ces élections se trouvant irré- glaive de l'eunemi et bientôt sauvées du
carnage,
gulières, ces magistrats furent obligés d'abdiquer pour donner les litres de père et de patron à
ce-
au bout de quatorze jours, et l'on en revint aux lui qui avait empêché les Romains de vaincre
interrois. avant de les soustraire à la défaite. Ensuite les
XXXIV. Le pouvoir des consuls fut prorogé consuls, lorsqu'ils pouvaient combattre, avaient
pour un an. Les interrois nommés par le sénat prolongé la guerre par les artifices de Fabius.
furent C. Claudius Cenlho, fils d'Appius; puis C'était un pacte fait entre tous les nobles; et la
P. Cornélius Asina. Les comices se tinrent sous guerre ne finirait pas, jusqu'à ce qu'on eût choisi
l'interrègne de ce dernier, et furent agités par de un consul vraiment plébéien, c'est-à-dire un
violents débats entre le sénat et le peuple. C. Té- homme nouveau car les plébéiens anoblis étaient
rentius Varron, que le peuple s'efforçait de porter initiés aux mêmes mystères, et méprisaient le
au consulat, parce qu'il était de son ordre, qu'il peuple, depuis qu'ils n'étaient plus méprisés
avait gagné la faveur de la multitude par ses alla- par les sénateurs. Qui ne voyait pas que par
quels contre les grands et son manège populaire, leurs mouvements et leurs intrigues ils avaient
et que les coups portés naguère à la puissance et amené un interrègne, afin de mettre les comices
à la dictature de Fabius avaient signalé sa haine, à la discrétion du sénat? C'est ce qu'avaient cher-
était fortement repoussé par les sénateurs, les- ché les consuls en restant tous deux à l'armée. Et
quels craignaient que les hommes sans nom ne comme on avait, malgré eux, nommé un dicta-
s'habituassent à s'élever jusqu'à eux, en atta- teur pour les comices, ils avaient pour ainsi dire
quant leur ordre. Q. Bæbius Herennius, tribun emporté d'assaut une déclaration des augures con-
du peuple parent de C. Terenlius accusait tre la régularité de cette nomination. Ils avaient
non-seulement le sénat, mais encore les augures, donc obtenu l'interrègne. Mais le peuple du moins
d'avoir empêché le dictateur de tenir les co- était maître d'un consulat; il saurait bien en dis-
mices et par la haine qu'il soulevait contre eux, poser librement et le décerner à un citoyen plus
il conciliait à son candidat la faveur publique. jaloux de vaincre franchement que de garder
« Les nobles,
qui depuis plusieurs années cher- longtemps le pouvoir. o
chaient une guerre, avaient attiré Annibal en Ita- XXXV. Comme ces discours avaient échauffé
lie. Et maintenant ils traînaient perfidement en le peuple, malgré la concurrence de trois patri-
longueur cette guerre qu'il leur était loisible de ciens, P. Cornélius Merenda, L. Manlius Vulso,
terminer. Il avait bien paru qu'on pouvait livrer M. Emilius Lepidus, et de deux nobles de fa-
bataille avec les quatre légions réunies, par le mille plébéienne, C. Atilius Serranus et Q. Ælius
succès qu'avait obtenu Minucius en l'absence du Petus, dont l'un était pontife et l'autre augure,
dictateur. Deux légions avaient été livrées au C. Térentius fut seul créé consul, afin qu'il eût

mitiorum habendorum causa. Dictas L. Veturius Philo duas legiones bosti ad cfedem objectas, deinde ex ipsa
M. Pomponium Mathonem magistrum equitum dixit. cæde ereptas, ut pater patronusque appellaretur, qui
His vitio creatis, jussisquedie quarto decimo se magi- prius vincere prohibuisset Romanos, quam vinci. Con-
ttratu abdicare, ad interregnum res rediit. suies deiode Fabianis artibus, quum debellare posseut,
XXXIV. Consulibus prorogatum in annum imperium. bellum traaisse. Id fœdus inter omnes nobiles ietum nec
luterreges proditi a Patribus C. Claudius, Ap. filius, (inem ante belli habituros, quam consulemvere plebeium,
Centho inde P. Cornelius Asina. In ejus interregno co- id est, hominem novum, fecissent.Nam plebeiosnobiles
mitia habita magno certaniine Patrum ac plebis. C. Te- jam iisdem initiatos esse sacris et coutemnere plebem
rentio Varroni, quem, sui generis hominem, plebei ex quo contemni desierint a Patribus cœpisse. Cni non
insectatione principum popularibusque arlibus coocilia- apparere, id actum et quaesiturn esse, ut interregnum
tum, ab Q. Fabii opibus et dictalorio imperio concussis iniretur, ut in Patrum potestate comitia esseot? Id con-
aliena invidia spleudentem, vulgus et extrahere ad con- sules ambos ad exercitum morando quæsisse id postea
sulatum nitebatur, Patres summa ope obslabaut, ne se quia invitis i s dictator esset dictus comitiorum causa ex
insectaudo sibi æquari assuescerent homines. Q. Bæbius puguntum esse, ut vitiosus dictatur .per augures fleret.
Herennius tribunus plebis, cognatus C. Terentii, cri- Habere igitur interregnum eos. Consulatum unum certe
minaodo non senatum modo, sed etiam augures, quod plebis Romauw esse; populum liberum babiturnm ao
diclatorem prohibuisseutcomilia perficere, per invidiam daturum ei qui magis vere vincere quam diu impe-
eorum favorem candidato suo conciliabat. « Ab homini- rare, malit.
bus nobilibus, per multos annos bellum quærentibus, XXXV. Quum bis orationibus accensa pleba esset, tri-
Annibatem in Italiam adduclurn ab iisdem, quum de- bus patriciis petentibus, P. Cornelio Merenda, L. Mauho
bellari possit, fraude id bellnm trahi. Cum quatuor mi- Vulsone, M. Æmilio Lepido, duobus nobilibus jam fa-
litum legionibus universis pugnari posse apparuisse eo, miliarum plebei, C. Atilio Serrano et Q Ælio Pe'to,
quod M. Miaucius, absente Fabio, prospere pugnasset; quorum aller pontifex, alter augur erat, C. Terentius
dans sa main les comices qui devaient avoir lieu suivant quelques-uns, les légions auraient même
pour la création de son collègue. La noblesse été augmentées, chacune de mille fantassins et de
ayant éprouvé le peu d'influence de ses premiers cent cavaliers, et portées ainsi à cinq mille hom-
candidats, détermina L. Paul Emile à se présen- mes de pied et trois cents chevaux. Les alliés au-
ter, après une longue résistance de sa part; car ce raient de plus fourni le double de chevaux et un
noble citoyen, qui avait été consul avec M. Li- nombre égal de fantassins; en sorte que les Ro-
vius, avait conservé un vif ressentiment de la mains auraient eu quatre-vingt-sept mille deux
condamnation de son collègue, et du péril qu'il cents combattants à la bataille de Cannes. Mais il
avait couru lui-même. Aux comices suivants, les est unaniment reconuu qu'on déploya plus d'ef-
eompétiteurs de Varron s'étant désistés, il fut forts et de zèle que les années précédentes, le dic-
donné pour antagoniste au consul plutôt que tateur ayant donné l'espoir de vaincre l'ennemi.
pour collègue. On procéda ensuite à la nomina- Du reste, avant que les nouvelles légions sortis-
lion des préteurs. Manius Pomponius Matho, et sent de Rome, les décemvirs eurent ordre de con-
P. Furius Philus furent élus. Le sort donna à sulter les livres sacrés, à cause de nouveaux pro-
Pomponius la juridiction des citoyens romaines, et diges qui effrayaient la multitude. Ou disait qu'à
celle des étrangers à Furius Philus. Deux autres Rome, sur l'Aventin et dans la ville d'Aricie, il
préteurs furentcréés, M. Claudius Marcellus pour avait plu des pierres à peu près en même temps;
la Sicile, L. Postumius Albinus pour la Gaule. dans le pays des Sabins, des eaux chaudes avaient
Tous furent nommés en leur absence; et, sauf le jailli d'une source tout ensanglantées, ce qui
consul Térentius, on n'avait décerné ces dignités présageait un grand carnage. Un accident plu-
qu'à des hommes qui les avaient déjà occupées, sieurs fois répété alarmait encore davantage. Dans
ct l'on avait même écarté quelques citoyens pleins la rue Fornicata, quelques personnes avaient été
de courage et d'énergie, parce que, dans de telles 1 tuées par la foudre. Ces prodiges furent expiés se-

circonstances, on pensait qu'on ne devait point I lon les prescriptions des livres sacrés. Des dépu-
admettre de magistrats sans expérience. tés de Pæstum apportèrent à Rome des coupes
XXXVI. On augmenta aussi les armées. Quant d'or on leur rendit grâces comme aux Napoli-
au chiffre de ces augmentations en infanterie et tains mais on refusa l'or.
cavalerie, les auteurs varient tellement sur le nom- XXXVII. Vers le même temps, il entra dans le
bre et le genre des troupes, que je ne pourrais port d'Ostie une flotte du roi Hiéron, chargée d'ap-
l'aflirmer positivement. Les uns disent qu'on leva provisionnemenls. Les députés syracusains intro-
dix mille nouveaux soldats pour renforcer les ca- duitsdans le sénat annoncèrent Que la nouvelle
dres, d'autres quatre légions nouvelles, pour que de la mort du consul Flaminius et du désastre de
les consuls eussent huit légions sous leurs ordres; son armée avait causé une si vive peine à Hiéron,

consul uuus creatur, ut in manu ejus essent comitia ro- mero quoque peditum equitumque legiones auctas, mil-
gando collegæ. Tum experta nobilitas, parum,fuissevi- libus peditum et centenis equitibus in singulas adjectis
rium iucompetitoribus, L. ÆmiliumPaullum, qui cum ut quina millia peditum, treceni equites essent, socii
M. Livio consul fuerat, et damnatione collegæ, et sua duplicem numerum equitum darenl, pedites æquarent.
prope ambustus evaserat, iufestum plebei, diu ac mul- Septem et octoginta niillia armatorum et ducentos in ca-
tum recu,aotem, ad petitionem compellit. Is proximo stris Romanis, quam pugnalum ad Cannas est, quidam
comitiali die, coucedeutibus omnibus, qui cum Varrone auctores sunt. Illud baudquaquamdiscrepat, majore co-
certaverant, par magis in adversandum, quam collega, natu atque impetu rem actam, quam prioribus annis;
datur consuli. Inde prætoria comitia habita. Creati quia spem posse tinci hostem, dictator prsebuerat. Ce-
M'. Pomponius l'latho et P. Furius Philus. Romæ juri terum, priusquam signa ab urbe novæ legiones move-
dicundo urb ma sors Pomponio inter cives Romanos et rent, decemviri libros adiré atque inspicere jussi propter
peregrinos P. Furio Philo evenit. Additi duo praetores, territos vulgo homines novis prodigiis. Nam, et Romæ
M. ClaudiusMarcellusin Siciliam L. Postumius Albinus in Aventino et Aricia; nuntiatum erat, sub idem tempus
iu Galliam. Omnes absentes creati sunt; nec cuiquam lapidibus pluisse et multo cruore bigua iu Sabmis su-
eorum, prxter Terentium consulem, mandalus houos, dasse, aquasque e foutecalidas manasse. Id quidem ctiam,
quem jam non autea gessisset; pra'teritis aliquot fori- quod sæpius acciderat, magis terrebat. Et in via Forni-
bus ac strenuis viris, qma in tali tempore nulli nuvus cata, quæ ad Campum erat, aliquot homines de cælo
magistratus videbatur mandandus. tacti exanimatique fuerant. Ea prodigia ex libris procu-
XXXVI. Exercitus quoque multiplicati sunt. Quanta rata. Legati a Paesto pateras aureas Romam attulerunt.
autem peditum equitumque additæ sint copiæ, adco et lis, sicut Neapohtanis, gratiæ actæ; aurum non acce-
numero et genere copiarum variant auctores, ut Nix ptum.
quicquam saiis certmn affirmare ausim. Decem mtllia XXXVII. Per eosdem dies ab Ilierone classis Ostiam
novorum militum alii scripta in supptementum; alb novas cum magno commeatu accessit. Legali syracusani in se-
quatuor legiones, ut octo legionibus rem gérèrent nu- natum introducti nuntiarunt « Cædem C. Fldminii con-
qu'il n'aurait pu être plus affligéd'un malheur qui publique avec munificence. Que le peuple romain
eût frappé sa personne et son royaume. Aussi en avait toute la reconnaissance qu'il devait avoir;
quoiqu'il sût très-bien que la grandeur d'âme du que d'autres cités lui avaient offert de l'or, qu'il
en
peuplo romain était encore plus admirable dans avait agréé l'hommage, mais refusé le don. Qu'ils
la mauvaise fortune que dans la bonne, il lui en- acceptaient la Victoire et le présage; qu'ils place-
voyait néanmoins tous les secours que peuvent raient cette déesse an Capitole, dans le temple du
offrir dans la guerre de bons et fidèles alliés, et grand Jupiter installée dans cette citadelle sa-
suppliait les Peres conscrits de ne pas les refuser. crée, elle y demeurerait sans doute à toujours fa-
Et d'abord ils apportaient, comme présent de bon vorable et propice au peuple romain. 9 Les fron-
augure, une Vicloire d'or du poids de trois cent deurs, les archers et le blé furent donnés aux
vingt livres, avec prière de l'accepter et de la gar- consuls. On ajouta vingt-cinq quinquerèmes à la
der à perpétuité. Leurs vaisseaux avaient en ou- Hotte que le propréteur T. Otacilius commandait
tre amené trois cent mille boisseaux de froment, et en Sicile, et on lui permit de passer en Afrique,
deux cent mille d'orge, afin qu'ils ne manquassent s'il le jugeait utile à la république.
point de vivres; et ils en transporteraient autant XXXVIII. Les levées étant faites, les consuls
qu'il leur en faudrait, où ils l'ordonneraient.Ilié- attendirent quelques jours que les auxiliaires la-
ron savait que le peuple romain u'admettait dans tins fussent arrivés. Alors les tribuns militaires,
son infanterie et sa cavalerie que des Romains et chose qui ne s'était jamais faite jusqu'à ce jour,
des Latins; mais il avait vu dans leurs camps des firent jurer aux soldats qu'ils accourraient à l'or-
troupes légères composées d'étrangers. C'est pour- dre des consuls, et qu'ils ne s'éloigneraient jamais
quoi, il leur envoyait mille archers et frondeurs sans autorisation. Auparavant il n'y avait qu'un
fort bons à opposer aux Baléares, aux Maures et engagement solennel; lorsqu'ils étaient rangés
aux autres nations qui combattent de loin. » A ces par décuries ou centuries, les cavaliers et les fan-
dons ils ajoutaient le conseil « d'envoyer en Afri- tassins, dans leurs décuries ou centuries, juraient
que avec une flotte le préteur à qui le sort donne- ensemble et spontanément de ne point s'enfuir lâ-
rait la Sicile, alin que les ennemis ayant la guerre chement et de ne jamais quitter leur poste, si ce
aussi chez eux, eussent moins la faculté de faire n'est pour prendre ou ramasser une arme, frap-
passer des renforts à Annibal. Le sénat répondit: per un ennemi, ou sauver un concitoyen ce pacte
«Que Hiéron était un homme généreux et un noble volontaire fut converti en un serment légal, prêté
allié, que depuis qu'il avait fait alliance avec le dans les mains des tribuns. Avant de sortir de
peuple romain, il était resté constamment fidèle Itome, Varron prononça devant le peuple plu-
et avait en tout temps et en tout lieu aidé la ré- sieurs harangues pleines d'arrogance, dans les-

sulisexercitusque allatam adeo tegre tulisse regem Iliern- coluisse, ac rem romanam omni tempore ac loco munifice
nem, ut nulla sua propria regniquesui clade moveri ma- adjuvisse. Id perinde ac deberet, gratum populo ro-
gis potuerit. Itaque, quanquam probe aciat, magnitudi- mano esse. Aurum et a civilatibus quibusdam allatum
nem populo Ro maui ddnurabiliorem prope adversis rebus, gratia rei accepta, non accepisse populum romanum.
quam secundis esse; tamen se omnia, quibus a bonis Victoriam omenque accipere; sedenique ei se divæ dare,
fidelibusquesociis bella juvari soleant misisse quæ ue dicare Capilo.ium, templum Jovis optimi maximi. In ea
arcipere abnuant, magno opere se Patres couscriptos arce urbis Romauae sacratam volentent propitiamque,
orare. Jam ommum primum oininis causa vicloriam au- firmam ac slabilem fore populo romano.. Funditores,
ream pondo trecentum viginti afferre sese. Acciperent sagittariique, et frumentum traditum consulibus. Quin-
cam, tenerentque, etbaberent proprmm et perpetuam. yueremes ad navium classem quæ cum T. Oclacilio pro-
Advevisse eliam trecenta millia modium tritici, ducenta prætore in Sicilia erat, quinqne et viginti additæ, peur-
hordei ne commeatus deessent et quantum præterea missumque est, ut, si e republica censeret esse, in Afri-
opus esset, quo jussissent, subvecturos. Milite atque cam trajiceret.
equile scire, msi Romano Latinique nominis, non uti XXXVIII. Delectu perfecto, consules paucos morati
populum romanunt levium armorum auxilia etiam ex- dies dum socii ab nomine Latino venirent. Milites tune,
terna vidisse in casiris Romams. Itaque inisisse mille sa- quod nunquam antea factum erat, jurejurando ab tribunis
gittariorum ac funditorum, aptam manum adversus Ba- militum adacti, jussu consulum conventuros, neque in-
li.ires ac Mauros, pugnacesque alias missili telo gentes.» jussu abituros. ram ad eam diem nihil pra'ter sacramen-
Ad ea dona consilium quoque addehant, ut prætor, tum fuerat; et, uhi ad decuriatnm aut centuriatum con-
cui provincia Sicilia evenisset, classem in Africain traji- venissent, sua voluotate ipsi inter se équites decuriati,
ceret; ut et hostes in terra sua bellum haberent, miniis- centuriati pedites conjurabant, sese fugæ atque formi-
que laxamenti daretur iis ad auxilia Annibali summit- dinis ergo non abituros, neque ex ordine recessuros,
tenda. Ah senatu ita responsum regi est « Virum bo- nisi teli sumendi aut petendi et aut hostis feriendi, aut
num egregiumque socium Hieroneni esse atque uno civis servandi causa. Id ex voluntario inter ipsos fœdere
tenore, ex quo in amicitiam populiromani venerit, fidem a tribunis ad legitimam jurisjurandi adactionem transla
quelles il criait bien haut que les nobles avaient térêts de la république avec conscience deux
attiré la guerre dans l'Italie, qu'elle demeurerait mauvais auraient fermé leurs oreilles et leur es-
attachée aux entrailles de la république, si l'on prit à mes discours. Mais voyant ce qu'est voire
avait des généraux de la trempe de Fabius; mais collègue et ce que vous êtes, je viens m'adresser
qu'il saurait bien y mettre fin, lui, le premier à vous, parce que je prévois que votre mérite et
jour qu'il verrait l'ennemi. Son collègue, Paul votre patriotisme seront vains si la république
Émile, ne parla qu'uue fois, la veilledu départ son est compromise d'un autre côté. Les bons et les
discours fut plus sincère qu'agréable au peuple. mauvais desseins auront les mêmes droits et le
Toutefois, sans se permetttre aucune parole hos- même pouvoir. Vous vous trompez en effet, Paul
tile contre Varrou, il s'étonna seulement « qu'un Émile, si vous croyez avoir moins à lutter contre
général, avant de connaître son armée, celle des Varron que contre Annibal je ne sais même si
eunemis, la situation des lieux, la nature du pays, votre antagoniste ne sera pas plus redoutable pour
pût savoir au forum ce qu'il aurait à faire à l'ar- vous que votre ennemi.Vous n'aurez affaire à celui-
mée, et même prédire le jour où il livrerait ba- ci que sur le champ de bataille seulement, à celui-
taille à l'ennemi. Pour lui, sachant que les cir- là en tout temps et en tout lieu. Contre Annibal et
constances commandaient aux desseins des hom- ses légions vous aurez votre cavalerie et votre in-
mes plutôt que les hommes aux circonstances, il fanterie Varron vous attaquera avec vos propres
ne prendrait d'avance aucune résolution. Il sou- soldats. Je ne cherche pas un présage dans le sou-
haitait fort que des opérations, conduites avec venir de Flaminius pourtant, ce ne fut qu'après
prudence et réflexion, eussent un heureux succès. avoir été nommé consul qu'il fit éclater son extra-
Quant à la témérité, outre qu'elle était insensée, vagance dans sa province et dans l'armée et
elle avait été malheureuse jusqu'à ce moment. » Varron, avant, pendant sa candidature et depuis
Cela montrait que Paul Émile était disposé de son élection, n'a cessé d'extravaguer. Or cet
lui-même à préférer les partis sûrs aux partis homme, qui soulève déjà tant de tempêtes parmi
prompts. Cependant, pour l'affermirdans ses bons les citoyens, en faisant sonner bien haut les com-
desseins, Q. Fabius, au moment de son départ, bats et les batailles, que ne fera-t-il pas, je vous
lui adressa, dit-on, ce discours. le demande, au milieu d'une jeunesse armée, là
XXXIX. Si votre collègue, Paul Émile, était, où l'effet suit à l'instant la parole? Eh bien si,
ce que je souhaiterais, parfaitement semblable à comme il l'annonce, il en vient aux mains sur-le-
vous, ou si vous étiez semblableà votre collègue, champ, ou je ne connais pas l'art militaire, la
mes paroles seraient superflues. Car deux bons nature de cette guerre et notre ennemi, ou bien-
consuls auraient, sans mes conseils, servi les in- tôt il y aura un lieu plus célèbre que Trasimène

tum. Conciones, priusquam ab urbe signa moverentur, vestra faceretis et mali nec mea verba auribus veslris,
consulis Varroois multæ ac feroces fuere, denuntiantes, nec consilia animis acciperetis. Nunc et collegam tuum
« bellum arcessitum in
Italiam ab nobilibus, mansurum- et te talem virum intuenti mihi tecum omnis oratio
que in visceribus reipublicæ,si plures Fabios imperatores est quem video nequicquam et virum bonum et civem
haberet se, quo die hostem vidisset. perfecturum.. » Col- fore. Si altera parte claudicet respublica malis consilis
legm ejus Paulli una, pridie quam ex urbe proficisce- idem ac bonis juris et potestatis erit. Erras enim
rentur, concio fuit verior, quam gratior populo, qua L. Paulle, si tibi minus cerlaminis cum C. Terento,
mhil inclementer in Varronem dictum, nisi id modo quam cum Annibale, futurum censés. Nescio, an infestior
Mirari se, quomodo quis dux, priuaquam aut suum, bic adversarius, quam ille hostis, maneat. Cum illo in
aut hostium exercitum, locorum situm, naturam regio- acie tantum, cum boc omnibus locis ac temporibus certa-
uis nosset, jam nunc togatus in urbe sciret, quæ sibi turus es et adversus Anoibalem legiouesque eius tuis
agenda armato forent; et diem quoque praedicere posset, equitibus ac peditibus pugnandum tibi est Varro dux
qua cum hoste signis collatis esset dimicaturus. Se, qua' tuis militibus te est oppugnaturus.Ominis etiam tibi causa
consilia magis res dent homimbus, quam hommes rebus, absit C. Flaminii memoria. Tamen ille consul demunx,
ea ante tempus immatura non praecepturum. Optare, ut, et in provincia, et ad exercitum, cœpit furere hic,
quæ caute atque consulte gesta essent, satis prospere priusqnam peteret consulatum,deinde in petendo cousu-
evenirent. Temeritatem, præterquam quod stulta sit, latu, nunc quoque consul, pnusquam castra videat aut
iufelicemetiam ad id locorum fuisse. ld sua sponte ap- hostem, insanit. Et, qui tantas jam nunc proceltas,
parebat, tuta celeribus consiliis præpositurum; et, quo pralia atque acies jactando, inter togatos ciet, quid mter
id constantius perseveraret, Q. Fabius Afaximus sic eum armatam juventutem censés facturum et ubi eiten)plo
proficiacentem allocutusfertur verba res sequiturî Atqui si bic, quod facturum se de-
XXXIX. « Si aut collegam id quod mallem, tui si- nunliat, extemplo pugnaverit; aut ego rem militarem,
milem, L. Æmili, haberes, aut tu collegæ tui similis belli hoc genus, hostem hune ignoro, aut Dobilior alins
esses, supervacanea esset oratio mea. Nam et duo boni Trasimenolocus nostris cladibus erit. Nec gloriandi tem-
consules, etiam me indicente, omuia e republica fide pus adversus unum est, et ego, coutemnendo potius,
par nos malheurs. Ce n'est pas le moment de me Atilius, les derniers consuls, se sont joués de lui.
glorifier devant vous seul; et, d'ailleurs, j'ai C'est là la seule voie de salut, Paul Émile mais
montré plutôt trop de mépris que d'amour pour vos concitoyens vous la rendront plus difficile et
la gloire. Mais la chose est ainsi la seule méthode plus dure que vos ennemis. Car vos soldats
vou-
de faire la guerre contre Annibal, c'est celle que dront la même chose que les soldats ennemis, et
j'ai suivie. Et cela n'est pas seulement démontré Varron ne désirera pas autre chose qu'Annibal, le
par l'événement, ce maître des esprits bornés, chefcarthaginois. Seul vous aurez à résister à deux
mais aussi par la raison, qui fut et sera toujours généraux; et vous leur résisterez si vous restez
immuable, tant que les choses ne changeront ferme contre l'opinion et les rumeurs de la foule;
point. Nous faisons la guerre en Italie, sur notre si vous n'êtes touché ni de la vaine gloire de votre
sol et dans nos foyers; nous sommes entourés de collègue, ni de voire prétendu déshonneur. La
concitoyens et d'alliés; ils nous aident et nous vérité, dit-ou, est souvent éprouvée; jamais elle
aiderontd'armes, d'hommes, de chevaux, de vi- ne s'éteint. Le mépris de la gloire donne la véi ila-
vres déjà ils nous ont donné ce gage de leur 6- ble. Laissez qualifier votre prudence de timidité,
délite dans nos revers. Chaque jour nous rend votre circonspeclion de lentcur, votre habileté do
meilleurs, plus prudents, plus fermes. Annibal, lâcheté; mieux vaut la crainte d'un sage ennemi
au contraire, est sur une terre étrangère, enne- que les éloges de citoyens insensés. Andacieux,
mie, où tout est armé, conjuré contre lui; loin de Annibal vous méprisera; jamais téméraire, il vous
ses foy ers, de sa patrie, il n'a de paix ni sur terre, craindra. Ce n'est pas que je vous engage à no
ni sur mer. Pas une ville, pas une forteresse pour rien faire; mais je veux que dans vos entreprises
le recevoir. Nullc part il ne voit rien qui soit à vous preniez pour guide la raison, non la fortune.
lui; il vit au jour le jour de pillage. A peine lui Soyez toujours maitre des événements; soyez
reste-t-il le tiers de l'armée avec laquelle il a passé armé, vigilant; ne manquez pas une occasion,
l'Èbre. La faim lui a tué plus de soldats que le n'en livrez pas une à l'ennemi. Ne hâtez rien,
fer; et déjà il ne peut plus nourrir le peu qui lui tout sera clair et assure la précipitation est im-
reste. Doutez-vousdonc qu'en temporisant, nous prévoyante et aveugle.
ne venions à bout d'un ennemi qui s'affaiblit de XL. La réponse du consul ne fut nullement
jour en jour, et qui n'a ni convois, ni re- rassurante il trouvait les avis de Fabius très-
crues, ni argent? Depuis combien de temps n'est- justes, mais fort difficiles à pratiquer. « Si un
il pas arrêté devant Géronium, un misérable dictateur avait trouvé tant d'opposition dans un
château d'Apulie, comme s'il était devant les mu- maître de cavalerie, quelle autorité, quelle force
railles de Carthage? Mais je ne veux pas me glori- aurait un consul contre un collègue téméraire et
fier devant vous. Voyez comme Cu. Servilius et séditieux? Il avait eu peine à échapper à un in-

quam appetendo gloriam, mudum excesserim; sed ita ficilem infestamque cives tibi magis, quam hostes, fa-
res habet uua ratio belli gerendi adversus Anmbalem cient. Idem enim tui, quod hostium milites, volent;
est, qua ego gessi. Nec eventus modo hoc docet ( stulto- idcm Varro, consul romanus, quod Aunibal, pœnus ifn-
rum iate magister est), sed eadcw ratio, quæ fuit, perator, cupiet. Duobus ducibus unus resistas oportet
futuraque, donec res eædem manehunt, immutabilia est. resistes autem, adversus famam rumoresque hominum
In Italm bellum gerimus, in sede ac solo nostro. Omnia si satis firmus steteris; si te neque collegæ vana gloria,
circa plena civium ac sociorum sunt. Armis, viris, equis, neque tua falsa infamia moverit. Vcritatem laborare ui-
commeatibua juvant, juvabuntque. Id jam fidei docu- mis sæpe, aiunt, exstiugui nunquam. Gloriam qui spre-
mentum in adversis rebus nostris dederunt. Meliores, verit, veram habebit. Sine, timidum pro cauto, lardum
prudentiores, constautiores nos tempus diesque facit. pro considerato, imbellem pro perito belli vocent. Malo
Annibal contra iu aliena, in hostili est terra, inter om- te sapieus hostis metuat, qnam stulti cives laudent. Om-
nia mimica infestaque, procul ab domo, procul ab patria. nia audenlem cootemnet Aunibal nil temere agentem
lheque illi terra, neque mari est pax; nullm eum urbes metuet. lnec ego, ut nihd agatur, moneo; sed ut ageu-
acciprunt, nulla mœnia nihil usquam aui videt; in diem tem te ratio ducat, non fortuna tuæ potestatis semper,
raplo vivit. Partem vix tertiam exercitus ejus habet, tuaque omnia sint. Armatus intentusque sis neque oc-
quein Iberum amnem trajecit plures fames, quam fer- casioni tus desis, neque saam occasionemhostides. Oal
rum, absumpsit; nec his paucis jam victus suppeditat. nia nou properauti clara certaque erunt: festinatio im-
Dubitas ergo, quin sedendo superaturi simua enm, qui provida est et caeca.
scueseat in dies ? non commeatus, non supplementum, XL. Adversus ea oratio consulis baud sane laeta fuit,
non pecuniam habeat? Quam diu pro Gerouii, castelli magis fatentis ea. quai diceret, vera quant facilia factu.
Apuliæ inopis, tanquam pro Carthaginis mœnibus? Sed esse. Dictatori magistrum equitum intolerabilem fuisse;
m- adversus te quidem ego gloriabor. Cn. Servilius atque quid consuli adversus collegam seditiosum ae temera-
Atilins, protimi consules, vide quemadmoduin eum lu- rium virium atqne auctoritatis fore? Se popnlare incen-
dilicati sint. Hæc una salutis est via L. Paulle, quam dit- dium priore consulatu seminstum effagisse. Optare, ut
1.
cendie populaire dans son premier consulat. Il de la fortune, par suite d'un combat tumultuaire
souhaitait que la campagne eût une heureuse is- contre les fourrageurs d'Annibal, engagé plutôt
sue mais s'il arrivait quelque malheur, il aimait par l'élan des soldats que de dessein prémédité ou
mieux livrer sa tête aux coups de l'ennemi qu'aux par l'ordre des généraux, et dans lequel les Car-
suffrages d'une multitudeirritée. » On dit qu'après thaginois eurent un grand désavantage car ils
cet entretien Paul Émile partit, accompagnéjus- eurent environ mille sept cents hommes tués,
qu'aux portes de la ville par les premiers du sénat. tandis que les Romains et leurs alliés n'en perdi-
Le consul plébéien fut suivi de la foule de ses ad- rent pas plus de cent. Mais comme les vainqueurs
hérents, cortège plus nombreux que digne. Lors- se livraient sans aucun ordre à la poursuite de
qu'ils furent arrivés au camp, après avoir mêlé l'an- l'ennemi, Paul Émile, qai commandait ce jour-là
cienne et la nouvelle armée, et avoir formé deux (car les deux consuls alternaient), les arrêta de
camps, de manière que le nouveau, qui était plus peur d'une embuscade, au grand dépit de Varron
petit, se trouvât plus rapproché d'Annibal et que qui criait qu'on laissait échapper l'ennemi de leurs
l'ancien renfermât la meilleure et la plus forte mains, et qu'on aurait pu terminer la guerre si
partie de l'armée, ils renvoyèrent à Rome M. Ati- l'on n'avait pas lâché prise. Annibal ne fut pas
lius, l'un des consuls de l'année précédente, très-affligé de cet échec il le regarda plutôt
qui s'excusa sur son grand âge, et mirent son comme une amorce pour la témérité de l'impé-
collègue Géminus Servilius dans le petit camp à la tueux Varron et de ses soldats, nouveaux pour la
tête d'une légion romaine et de deux mille hom- plupart. Car il connaissait les affaires des ennemis
mes de troupes alliées, infanterie et cavalerie. comme les siennes. Il savait que les deux consuls
Quoique Annibal vît les troupes romaines augmen- étaient d'une humeur fort différente, toujours en
tées de moitié, il n'en ressentit pas moins une querelle, et que presque les deux tiers de l'armée
grande joie de l'arrivée des consuls non-seule- se composaient de nouvelles recrues. Croyant
ment en effet il avait épuisé toutes les provisions donc avoir trouvé le temps et le lieu favorables
qu'il pillait chaque jour, mais il n'y avait plus pour une embuscade, il part avec ses soldats char-
moyen d'en faiie de nouvelles, car tout le blé, gés seulement de leurs armes, abandonnantdans
depuis que la campagne avait cessé d'ttie sûre, son camp toutes les richesses de l'armée et de cha-
avait été transporté dans les places furtes, si bien que soldat, va les cacher derrière les montagnes
qu'il lui restait à peine du blé pour dix jours voisines, l'infanterie à gauche, la cavalerie à
(cumme on le sut plus tard), et que la disette al- droite, et fait détiler les bagages par le vallon qui
lait amener la désertion des Espagnols, si l'on se trouvait au milieu, afin d'accabler l'ennemi
eût laissé mûrir les choses. pendant qu'il serait tout occupé et embarrassé
XLI. Du reste la témérité de Varron et sa fou- dans le pillage d'un camp qui semblerait déserté
gue impétueuse reçurent une nouvelle excitation par ses maîtres épouvantés. Cependant il laissa un

omna prospere evenirent. At, si quid adversi caderet, datoribus tumultuarioprmlio, ac procursu magis militum,
hoscium se telis potms, quam suffragiis ir.itorum civium, quam ex præparato aut jussu imperatorum orto, haud-
caput objecturum. » Ab hoc sermone profectum Paullurn quaquam par Pœnis dimicatio fuit. Ad mille et teptin-
tradunt, prosequentibus primoribus Patrum. Plebeium genti cæsi, non plus centum Romanorum sociorumque
consulem sua plebes prosecuta, turba, quam dignitate, occisis. Ceterum victoribus effuse sequeolibus metu insi-
conspectior. Ut m castra venerunt, permixto novo exercitu diarum obs ititPaullus cousul; cujus eo die (nam allernis
ac vetere, castris bifariam fdc.is ut nova minora essent imperitabant) imperium erat, Varroue ind gnante ac
propius Annibalem, in veteribus major pars et omne vociferante, emissum hostem e manibus; debellarique,
robur virium esset; tum consulum anni prioris M. Ati- ni cessatum foret, potui,se. Anmbal id damnum haud
lium, ætatem excusantem, Romam miserunt; Geminum ægerrime pati, quin potins credere, velut inescatam te-
Serviliumin miooribus castris legioni romanæ et socium meritatem ferocioris consnlis ac noTOrum maxime mili-
peditum equitumque duobus millibus pra'ficmnt. Anni- tum esse. Et omnia ei hosiium, baud secus quam sua,
bal quanquam parte dimidia auctas hos ium copias cerne- nota erant dissimiles discordesque imperirare; duas
bat, tainen adventu consulum mire gaudere. Non solum prope partes tironum militum in exercitu esse. Itaque,
enim mhd ex raptis in diem commeatibus superabat, sed locum et tempus insidiis aptum se habere ratus, nocte
ne, unde raperet, quidem quicquam reliqm erat, omni proxima nihil præter arma ferentes secum militesducens,
undique frunu-nto, postquam ager parum tutus erat, in castra plena omnis fortuna publicæ privatæque relinquit;
urbes munitas convecto ut vix decem dierum (quod transque proximos moutes la'va pedites instructos coudit,
compcrtum postea est) frumentum superesset Hispano- dextra equites impedimenta per convallem médium
mmque ob inopiam transitio parata fuerit, si maturitas agnien, traducit ut diripiendis velut desertis fuga do-
temporum exspectataforet. minorum castris occupatum impeditumque hostem oppri-
XLI. Ceterum temeritaticonsulis ac prappoperoingenio meret. Crebri relicti in castris ignes, ut fides Oeret, dum
materiam etiam fortuna dédit; quod in prohibendis præ- ipse longius spatiwn fuga praeciperet, falsa imagine ca-
grand nombre de feux, pour faire croire qu'il ne l'en0amma que davanlage et les soldats, s'é-
avait voulu retenir les consuls dans leur position tant mis à crier o que, si on ne donnait pas le si-
tandis qu'il gagnerait de l'avance, parce simula- gnal, ils marcheraientsans chef, u le chef ne leur
cre de camp, qui avait trompé Fabius l'année fit pas faute; Varron donna sur-le-champ le
précédente. signal du départ. Mais l'opposition de Paul Émile
XLII. Dès qu'il fit jour, les Romains furent fort ayant été confirmée par l'auspice des poulcts sa-
étonnés, d'abord, de l'absence des postes, puis, crés, il le fit annoncer à son collègue au moment
en s'approchantdavantage, du silence extraordi- où les enseignes sortaient du camp. Bien que Var-
naire qui régnait de toutes parts. L'abandon du ron en fût vivement contrarié, le désastre ré-
camp étant dès lors reconnu, on court aux pré- cent de Flamiuius et la célèbre défaite navale
toires des consuls leur annoncer que les ennemis du consul Claudius dans la première guerre
ont pris la fuite avec tant de précipitation, qu'ils punique, réveillèront des scrupules dans son es-
ont laissé leurs tentes dressées, et même beaucoup prit. Les dieux eux-mêmes, ce semble, différèrent
de feux allumés, pour mieux cacher leur fuite. ce jour-la, plutôt qu'ils ne détournèrent le mal-
Aussitôt un cri général s'élève; les soldats veulent heur qui menaçait les Romains, car, à l'instant
qu'un donne le signal du départ, qu'on les mène même où les soldats refusaient d'obéir au consul
à la poursuite de l'ennemi, et d'abord au pillage qui leur ordonnait de reporter les enseignesdans
du camp.\arron vociféraitcomme la soldatebque. le camp, deux esclaves, dont l'un était à un cava-
l'aul Émile ne cessait de répéter qu'il fallait user lier formian, et l'autre à un cavalier sidicin et
de prudence et se tenir sur ses gardes enfin,, qui, sous le consulat de Servilius et d'Atilius,
ne pouvant plus faire tête à la sédition et à avaient été pris par les Numides parmi des four-
son chef, il enoya a la découverte le préfet Ma- rageurs, vinrent ce jour-là même retrouver leurs
rius Siatilius avec un escadron de Lucauiens. maîtres. Conduits aussitôt devant les consulis, ils
Celui-ci, arrivé aux portes du camp ennemi, fit leur apprirent que l'armée d'Annibal était en em-
arrêter sa troupe en dehors, entra lui-même dans buscade derrière les montagnes voisines. Cette
l'eucemte avec deux cavaliers, et, après avoir nouvelle vint fort à propos relever l'autorité des
tout observé avec le plus grand soin, il rapporta consuls, l'un d'eux ayant tout d'abord compro-
que certainement on leur tendait un piége: que mis sa dignité par son ambition et une basse
les feux avaient été laissés dans la partie du camp complaisanœ.
qui regardait l'ennemi; que les tentes étaient ou- XLII Annibal, voyant que les Romainsavaient
vertes, tous les objets précieux exposés à la vue, fait un mouvement hasardeux sans aller jusqu'à la
et qu'il a% ait vu de l'argent semé en quelques en- dernière témérité, et que sa ruse était découverte,
droits sur le chemin, comme un appât pour le rentra dans son camp sans avoir rien obtenu.
pillage. Ce rapport, fait pour contenirla cupidité, Mais le manque de blé ne lui permettait pas d'y

strorum, sicutFabium priore anno frustratus esset, :e- accenderunt; et, clamore crin a militibus, « ni signum
uere in locis consules vulmsse. detur, sine ducibus ituros, » haudyuaquam duz defuit:
XLII. Ubi illuxit, subductæ primo stationes, deinde nam extemploVari o signumdedit proficiscendi.Paullus,
propius adeuntibus msohtum silentium admirationem le- quum ci sua spoute cunctanti pulli quoque auspicio non
cit. Jam satis comperta solitudme, in castris concursus additissent, Obnuntiari Jam efferenti porta signa collegæ
lit ad pr.etoria cousulum, nuntiantium fugam hostium jussit. Quod quanquam Varro aegre est passus. Flaminii
adeo trepidam, ut, tabernaculis stantibus, castra re.i- tamen recens casus, Claudiique consulis primo punico
quermt quoque fuga obscurior esset, crebros etiam re- bello memorala navalis clades, religionem animo incus-
liclos ignes. Clamor inde ortus, ut signa pi-oferri jube- sit. Dii prope ¡psi eo die magis distulere, quam prohi-
rent, ducereutque ad persequendos hostes, ac protinus buere, imwineulem pestem Romanis, Nam forte ita eve-
castra diripienda. Et consul aller velut unus turbæ mili- nit, ut, quum referri signa in castra jubenti consuli mi-
taris erat. Paullus etiam atque etiam dicere, provideudam lites non parèrent, servi duo, Formiaui unus. aller
præcavendumque esse. Postremo, quun) ahter neque se- Sidicini equitis, qui, Servilio atque Atilio cousulibus,
ditionem ueque ducem seditionis sustinere posset, Ma- inter pabulatores excepti a Numidis fuerant, profuge-
rium Statihum præfectum cum turma Lucana explora- rent eo die ad donuaos qui deducti ad consules nun-
tum mittit. Qui, ubi adequitavit portis, subsistere eitra tiant, omnem eiercitum Annibalis trans proximos mon-
mummenta ceteris jussis, ipse cum duobus equitibus val- tes sedere in iusidiis. Horum opportuuus adventua con-
lum mtravit speculatusque omnia cum cura renuntiat sules imperii potentes fecit, quum ambitio allerins suam
iusic'ias profecto esse ignés in parte castrorum, quæ primum apud eos prava indulgentia majestatem soi-
vergat iu hostem relictos taberuacula apei ta et omnia visset.
caru in promptu relicta argentum quibusdam locis te- XLIII. Annibal, postquam motos magis inconsultc
mere per vias, velut objectum ad pi ædam, vidisse. Quæ Romanos, quam ad ultimum temere evectos vidit; ne-
ad deterrendos a cupidttate animos nuntiata erant, ea quicquam, detecta fraude, in castra red it. Ibi plures dies
rester longtemps; et chaque jour voyait éclore de pelé Vulturne, qui, dans ces champs brùlés par
nouveaux projets non-seulement chez les soldats, la sécheresse, soulève sans cesse des nuages de
ramas confus de toutes les nations, mais même poussiere. Cette position, fort avantageuse pour le
chez le général lui-même. Car, lorsque l'armée campemont, devait t'être surtout quand viendrait
passa des murmures aux clameurs pour réclamer la bataille, puisque le vent, qu'ils avaient seule-
la solde arriérée, et pour se plaindre d'abord desment par derrière, rejetterait sur l'ennemi une
poussièrequi l'aveuglerait.
rations, ensuite de la faim, et que le bruit courut
que les soldats mercenaires,surtout les Espagnols, XLIV. Les consuls suivirent le Carthaginois, en
avaient formé le projet de passer à l'eunemi, ayant soin d'éclairer leur marche; et lorsqu'ils
dit-on, Annibal lui-même songea plus d'une fois furent arrivés à Cannes, en vue de l'ennemi, ils
à s'enfuir en Gaule avec sa cavalerie, en abandon-établirent deux camps, séparés comme ceux de
Géronium, dans lesquels les troupes furent ré-
nant toute son infanterie. Ces desseins, cette dis-
position des esprits l'engagèrent à décamper et à parties. L'Aufide, coulant près des deux camps,
se retirer dans l'Apulie, dont le climat plus chaudpermettait aux Romains d'y venir puiser de
était par cela même plus précoce pour les mois- l'eau, chacun à sa commodité, mais non pas
sons d'ailleurs, plus il serait loin de l'ennemi, sans combat. Dans le petit camp, qui était au
delà du llcuve on faisait de l'eau plus libre-
plus la désertion deviendraitdifficile pour tous ces
esprits légers. Il partit la nuit, en laissant desment, les ennemis n'ayant aucun corps sur la
feux comme auparavant, et quelques tentes pour rive ultérieure. Annibal, espérant enfin que les
tromper les yeux, a6n de retenir encore les Ro- consuls lui livreraient bataille dans un lieu formé
mains par la crainte d'une embuscade. Mais le Lu- tout exprès pour la cavalerie, qui était sa force
canien Statilius, ayant rapporté, après avoir re- invincible fait ses dispositions, et harcelle les
connu tous les lieux au delà du camp et des mon- ennemis avec ses Numides pour les provoquer.
tagnes, qu'on voyait au loin l'armée des ennemis, Alors les camps romains furent de nouveau agi-
on agita sur-le-champ le projet de les poursuivre. tés par la sédition des soldats et la discurde
Comme les consuls conservaient chacun leur pre- des consuls. Paul Émile reprochait à Varron la
mière opinion, et que Varron avait pour lui toute témérité de Sempronius et de Flaminius, et Var-
l'armée, tandis que Paul Émile n'était soutenu ron accusait Paul Émile de suivre l'exemple de
que par Servilius, consul de l'année précédente, Fabius, si précieux pour les généraux lâches et
la majorité le voulant ainsi, ils partirent, poussés
mous; il prenait les dieux à témoin « que ce n'é-
par le destin pour aller illustrer Cannes par une tait pas sa faute si Annibal avait déjà comme
sanglante défaite. Anuibal avait campé près de ce l'usufruit de l'Italie; qu'il était enchainé par sou
village, de manière à tourner le dos au vent ap- collègue; qu'on arrachait le fer et les armes aux

propter inopiam frumenti manere nequibat novaque gente fato, profecti sunt. Prope eum vicum Annibalcas ra
consilia in dies non apud milites solum, mixtos ex collu- posuerat aversa a Vulturno vento, qui campis torridis
vione omnium genlium, sed etiam apud ipsum ducem, siccitate nubes pulveris vehit. Id quum ipsis castris per-
oriebantur. Nam quum initio fremitns, deinde aperta vo- commodum fmt, tum salutare præcipue futurum erat,
ctferatio fuisset exposcentiumstipeudium debitum, que- quum aciem dirigèrent, ipsiaversi, terga tantum afflante
rentiumque annonam primo postremo famem; et mer- vento, in occæcatum pulvere offuso hostem pugnaturi.
cenarios milites, maaime hispaui generis, de transitione XLIV. Consules, sahs exploratis itineribus, sequentes
cepisse consilium fama esset ipse cLiam interdum Anni- Pœnum, ut ventum ad Cannas est, nbi in conspectu Pœ-
bal de fuga in Galliam dicitur agitasse, ita ut relicto pe- num habebant, bina castra communiunt, eodem ferme
ditatu omni, cum equitibus se proriperet. Quum hxc iotervallo, quo ad Geronium, sieut ante, copiis divisis.
consifia atque hic habitusanimorum esset in castris, mo- Aufidus amnis, utrisque castris affluens, aditum aqnato-
vere inde statuit in calidiora atque eo maluriora messi- ribus ex sua cujusque opportunitate haud sine certamine
bus Apuliæ loca simul ut, quo longius ab hoste reces- dahat. Ex minoribus tamen castris, quæ posita trans Au-
sisset, transfugia impeditiora levibusingeniisessent.Pro- fidum eraut, liberius aquabantur Romam, quia ripa ul-
fectus est nocte ignibus similiter factis, tabernaculisque terior nullum habebat hostium præsidium. Anoibal spem
paucis in speciem relicis, ut insidiarum par priori me- nactus, locis natis ad equestrem pugnam qua parle vi-
tus conlineret Romanos. Sed, per eumdem Lucanum rium invictus erat, facturos copiam pugnandi consules,
Statilium, omnibus ultra castra transque montes explo- dirigit aciem, lacessitque ISumidarum procursatione hos-
ratis, quum relatum esset, visum procul hostium agmen; tes. Inde rursus sollicitari seditione mlhtari ac discordia
tum de insequendo eo consilia agitaricœpta. Quum utrius- consulum romana castra quum Paullus Semproniique et
que consulis eadem quæ semper ante fuisset sententia; Flaminii temeritatem Varroni, Varro speciosum timidis
celerum Varroni fere omnes, Paullo nemo, præter Ser- ne segnibus ducibus exemplum Fabium objiceret testa-
vilium prioris anni cousulem assentiretur; majoris par- returque deos hominesque hic, nuliam peues se culpam
lis seutentta ad nobilitaudas clade romaua Canuas, ur- esse, quod Anuibal jam velut usucepisset ltaliam; se cuu.
soldats impatients de combattre. » Paul Émile di- puyait au fleuve, on mit la cavalerie romaine,
sait do son côté, « que si les légions étaient ex- puis de l'infanterie: la cavalerie des alliés fut
posées et livrées à une bataille irréfléchie et im- placée à l'extrémité de l'aile gauche, et en deçà
prudente, il en rejetait toute la responsabilité, leur infanterie jointe à des légions romaines, qui
Mais qu'il prendrait sa part de tout événement; formaient le centre. Les troupes de trait avec le
que, du reste, son collègue ferait bien d'examiner reste des auxiliaires, armés à la légère, firent l'a-
si ceux dont la langue était si prompte et si témé- vant-garde. Les consuls commandaient les ailes,
raire auraient la main aussi vaillante dans le Térentius la gauche, Émile la droite. Géminus
combat. » tervilius avait le centre.
XLV. Tandis que le temps se passe en alterca- XLVI. Annibal, au point du jour, après avoir
tions plutôt qu'en délibérations, Annibal, qui fait prendre les devants aux Baléares et aux autres
avait tenu ses troupes en bataille une grande partie troupes légères, passa le fleuve, rangeant les di-
de la journée, les fait rentrer dans leur camp; vers corps de son armée à mesure qu'ils arrivaient.
mais il envoie les Numides au delà du fleuve pour A l'aile gauche, tenant au fleuve, il opposa la ca-
surprendre les Romainsdu petitcamp,quivenaient valerie espagnoleet gauloise à la cavalerieromaine,
y faire de l'eau. A peine descendus sur la rive, les donna l'aile droite aux Numides, et disposa au
barbares mettent en fuite, par leurs cris et leur centre l'infanterie, de manière que les deux ex-
course tumultueuse, cette troupe sans ordre, trémités fussent occupées par les Africains, et le
et gagnent un poste placé en avant des retran- milieu par les Gaulois et les Espagnols. Les Afri-
chements, et presque jusqu'aux portes du camp. cains ressemblaient en grande partie à une ar-
Les Romains furent tellement indignés de voir mée romaine, par les armes qu'ils avaient prises
une bande désordonnée venir jeter la terreur dans naguère au bord de la Trébie et surtout dans le
leur camp, que la seule cause qui les empêcha de désastre du Trasimène. Les Gaulois et les Espa-
passer sur-le-champ le fleuve pour engager la gnols avaient des boucliers à peu près de même
bataille, fut que Paul Émile avait, ce jour-là, le forme; mais leurs épées étaient fort différen-
commandement. Aussi le lendemain, Varron, qui tes celles des Gaulois étaient longues et sans
commandait à son tour, sans consulter son collègue, pointe, au lieu que les Espagnols, habitués plutôt
donna le signal du combat, et fit passer le fleuve à frapper d'estoc que de taille, les avaient courtes
à l'armée. Paul Émile suivit, parce qu'il lui était et pointues. Les guerriers de ces deux nations
plus facile de désapprouverque de ne pas seconder étaient également terribles par leur taille gigan-
l'entreprise. Le fleuve passé, les troupes du petit tesque et leur physionomie féroce. Les Gaulois
camp se réunirent à l'armée, qui fut disposée étaient nus jusqu'à la ceinture, et les Espagnols
dans l'ordre suivant à l'aile droite, qui s'ap- vêtus de tuniques de lin, bordées de pourpre,

strictum a collega teneri ferrum atque arma iratis et bueraut, copias suis adjungunt atque ita instructa acie,
«
pugnare cupientibus adimi militibus » ille, quid pro- in dextro cornu ( id erat flumini propius) Romanos equi-
jeetis ac proditis ad inconsultam atque improvidam pug- tes locant, deinde pedites lævum cornu extremi équités
nam legionibus accideret, se omnis culpw exsurtem, sociorum, intra pedites, ad medium juneti legionibus
omnis evenlus participem fore diceret. Videret ut, qui- romanis tenuerunt jaculatores cum ceteris levium ar-
bus Imgua tam prompta ac temeraria, aque in pugna vi- morum auxiliis prima acies facti. Consules cornua tenue-
gerent mauus. runt Terentius lævum, Æmilius dextrum. Gemino Scr-
XLV. Dum altercationibus magis quam consiliis, tem. vilio média pugna tuenda data.
pus terilur, Annibal ex acie, quam ad multum diei te- XLVI. Annibi) luce prima Baliaribus levique alia ar-
nuerat inslructam quum in castra ceteras reciperet co- matura præmissa, transgressus flumen, ut quosque tra-
pias, Numidas ad invadendos ex minoribuscastris Roma- duxerat, ita in acie locabat. Gall )s Hispanosque equites
norum aquatores trans flumeu mittit. Quam inconditam prope ripam laevo in cornu adversus romanum equita-
lurbam quum vixdum in ripam egressi clamore ac tu- tum deitrum cornu Numidis cquitibus datum, media
multu fugassent, in stationem quoque pro vallo locatam acie peditibus fi mata ita ut Afrorum utraqne cornua
atque ipsas prope portas evecti sunt. Id vero indignum essent, interponerentur his medii Galli atque Hispani.
visum ab tumultuario auxilio jam etiam castra romana Afros roroanam magna ex parte crederes aciem ita ar-
terreri ut ea mod) una causa, ne extcmpto transirent mati eraut, armis et ad Trebiam, ceterum magna ex
flumen, dirigerentque acicm, tenuerit Romanos, quod pirte ad Trasimenum captis. Gallis Hispanisque seuta
summa imperi eo die penes Paullum fuerit. Itaque Varro ejusdem formæ fere erant, dispares ac dissimiles gladü
p ostero die cui sors ejus dici imperii erat, nihil consulto Gallis prælongi ac sine mucronibus; Ilispano, punctim
tollega, signum puguæ proposuit, inslrnctasque copias magis, quam ca'sim, assueto petere hostem, brevitate
tlumen traduxit, sequente Pdullo; quia magis non pro- hahileset cum mucrombus. Sane et alius habitues gentium
bare, quam non adjuvare, consilium poterat. Traus- harum tum magnitudine corporum, tum sperie terribilis
gressi flumen eas que lue, quas in castris minoribus ha- crat. Galli super umbilicum erant midi liispani lintes
qui avaient une blancheur éclatante. L'infanterie profondes, enfoncèrent enfin le corps ennemi,
s'élevait à quarante mille hommes, et la cavalerie qui, ayant trop peu de profondeur, et par coa-
à dix mille. Asdruhalavaitl'aile gauche, Maharbal séquent peu de force, s'avançait en saillie hors
la droite; Annibal s'était réservé le centre, avec du front de bataille. Dès qu'ils les virent plier et
son frère Magon. Le soleil, soitpar l'effet d'une ha- làclier pied, ils les pressèrent d'autant plus; et
bile disposition, soit par hasard, donnait oblique- portés du même élan à la suite de cette troupe
ment sur les deux armées, ce qui était favorable qui fuyait avec précipitation et en désordre, jus-
à l'une et à l'autre, les Romains regardant le midi, qu'à sa première position au centre de l'armée,
les Carthaginois le nord mais le vent, que les ha- ils parvinrent enfin, sans résistance, jusqu'à la
bitants du pays appellent Vulturne, soufflant dans réserve des Africains qui s'étaient postés des deux
le visage des Romains, les couvrait de nuages de côtés en ailes recourbées, tandis que les Gaulois
poussière qui les empêchaient de voir devant eux. et les Espagnols avaient fait une saillie en avant
XLVII. Bientôt un cri se fit entendre; les auxi- du centre qu'ils occupaient. Pendant que ce corps
liaires se portèrent en avant, et l'action s'engagea avancé reculait jusqu'à la ligne de bataille, eta'en-
par les troupes légères. Ensuite la cavalerie des fonçait versle milieu devant des ennemis acharnés,
Gaulois et des Espajnols, qui formait l'aile gau- les Africains avaient formé le croissant les Ro-
che, attaqua la droite des Romains mais cette mains s'y étant jetés aveuglément, ceux-ci rap-
rencontre ne ressemblait nullement à un combat prochèrent leurs ailes, en les étendant, et en-
de cavalerie car ils avaient à combattre front con- fermèrent l'ennemi par derrière. Alors les Ro-
tre front, n'ayant point d'espace pour s'étendre mains, sortis d'un combat inutile, laissent les
et étant pressés d'un côté par le fleuve, de l'autre, Espagnols et les Gaulois dont ils ont taillé les der-
par l'infanterie, et réduits à diriger tous leurs ef- rières en pièces, et commencent contre les Afri-
forts devant eux. Les chevaux étant immobiles cains un combat tout nouveau, doublement désa-
et entassés dans une mêlée très-épaisse, les cava- vantageux, parce qu'ils étaient enfermés et réduits
liers se saisissaient corps à corps pour se jeter à faire face de toutes parts, et que, déjà fatigués,
par terre, et le combat s'était transformé pres- ils avaient affaire à des troupes friches et plei-
que entièrementen combat d'infanterie. La lutte nes de vigueur.
fut plus vive que longue ies cavaliers romains XLVIII. A l'aile gauche des Romains, où la ca-
enfoncés tournèrent le dos. Au moment où cet valerie des alliés était opposée aux Numides, le
engagement finissait, celui de l'infanterie com- combat s'était aussi engagé, mais avec mollesse.
mença. D'abord les Gaulois et les Espagnols se Bientôt il fut signalé par une perfidie vraiment
maintinrent avec le même courtage et la même punique. Cinq cents Numides environ, portant,
énergie. Mais les Romains, après de longs et con- outre leurs armes ordinaires, des épées cachées
tinuels efforts, et grâce à leurs lignes égales et sous leurs cuirasses, viennent vers les nôtres

prætextis purpura tunicis, candore miro fulgeutibus Primo et viribus et animis pares constabant ordines Gal-
consliterant. Numerus omnium peditum qui tum stete- lis Hispanisque; tandem Romani, diu ac swpe cunnisi
runt in acie millium fuit quadraginla decern equitum. æqua fronte acieque densa iinpulere bostium cuneum m.
Duces coruibus pracerant sinistro Asdrubal, dextro Ma- mis tenuem eoque parum valitum, a cetera prominen-
harbal mediam aciem Annibal ipse cum fratre Magone tem acie. Impulsis deinde ac trépide referentibus pedem
tenuit. Sol, seu de industria ita locatis, seu quod forte insistere ac tenore uno per pracceps pavore fugientium
ita starent, peropportuueutique parti obliquns erat, Re- agmen in mediam primum acièm illati postremo, nullo
maois in meridiem, Pœnis in septentrionem versis. Ven- resistente, ad subsidia Afrorum pervenerunt; qui ntrim-
tus (Vulturnum incolæ regionis vocant), adversus Ro- que reductis alis constilerant, media, qua Galli Hispani-
manis coortus, multo pulvere iu ipsa ora volvendo pro- que steterant aliquautum prominente acie. Qui cuneus
spectum ademit. ut pulsus æquavit frontem primum, deinde nitendo etiam
XLVII. Clamore sublato, procursum ab auxiliis, et sinum in medio dedit, Afri circa Jam curnua fecerant;
pugna levibus primum armis commissa deinde equitum irruentihmsque iiicaute in médium Romauis c reumde-
Gallorum Hispanorumque lævum cornu cum dextro ro- dere alas; mox, cornua extendeudo, clausere et ab lergo
mano concurrit, minime equeslris more pugnæ fron- hostes. Hinc Romani, defuncti nequicqnam pra'liu uno,
tibus emm adversisconcurrendumerat, quia, nullo circa omissis Gallis Hi,panisque, quorum terga ceciderant,et
ad evagandum relicto spatio, hinc amnis, hine peditum adversus Afros integram puguam ineuut non tauturo eo
acies claudebant in direclum utnmque nitentes. Stanti- iniquam, quod inclusi adversus circumfusos, sed eliam
bus ac confertis postremo turba equis, vir virum am- quod fessi cum recentibus ac vegetis puguabaut.
ple.us detrahebat equo. Pedestre magna jam ex parte XLVIII. Jam et m sinistro coinu romano, uhi socio-
cettameu factum erat acrius tameo quam diutius, pu- rum equites adversus Numidassteterant consertum præ-
gnatum est; pulsique romani equites terga vertunt. Sub lium erat, segue primo, et a punica ccoptum fraude.
equestris flnem certaminis coorta est peditum pugna. Quingenti ferme Numidæ, pra'ter solita arma telaque,
comme des transfuges, le bouclier sur le dos, vaudrait me les livrer pieds et poings liés 1 s Ce
sautent à bas de leurs chevaux, et jettent leurs combat des cavaliers à pied fut tel qu'il devait être,
boucliers et leurs javelots aux pieds de leurs enne- lorsque la victoire des ennemis n'était plus dou-
mis, qui les admettent dans leurs rangs, et les teuse les vaincus aimaient mieux mourir à leur
conduisent sur les derrières, avec ordre d'y res- place que de fuir; les vainqueurs, irrités du re-
ter immobiles. Tandis que le combat s'engageait tard qu'ils apportaient à leur victoire, massa-
sur tous les points, ils se tinrent tranquilles; mais, craient ces hommes qu'ils ne pouvaient repousser:
lorsqu'ils virent tous les esprits et tous les yeux ils n'en mirent en fuite que quelques-uns qui se
occupés de cette grande lutte, saisissant des bou- trouvaient épuisés par la fatigue et leurs bles-
cliers jetés çà et là parmi les cadavres ils tom- sures. Alors la déroute fut générale, et tous ceux
bent sur les Romains qui leur tournaient le dos, qui le purent remontèrentsur leurs chevaux pour
et les frappant par derrière ou leur coupant les se sauver. Cn. Lentulus, tribun des soldats, pas-
jarrets, ils en font un grand carnage et répandent sant près du consul, qui était assis sur une pierre
parmi eux une terreur et un tumulte plus grands et tout couvert de son sang « Paul Émile, lui
encore. Comme d'un côté étaient la peur et la dé- dit-il, seul innocent de la faute fatale de cette
route, et que de l'autre le combat se soutenait journée, vous méritez la protection des dieux;
avec une opiniâtreté sans espérance, Asdrubal, prenez ce cheval, tandis qu'il vous reste quelque
qui se trowait à ce dernier endroit, fait reti- force. Je puis vous emporter et vous défendre. Ne
rer les Numides, qui se battaient mollement, failes pas cette journée plus sinistre par la mort
et les envoie à la poursuite des fuyardes, pour d'un consul; il y aura bien assez de larmes et de
soutenir avec l'infanterie espagnole et gauloise deuil sans cela. » Le consul répondit « Bon cou-
les Africains déjà fatigués de tuer plutôt que de rage, Cornélius; mais prends garde, par une
combattre. vaine pitié, de perdre le peu de temps qm te reste
XLIX. Sur un autre point, Paul Émile, quoi- pour échapper aux mains des ennemis. Pars, va
que blessé grièvement d'un coup de fronde dès le dire au sénat de fortifier Rome et de la munir de
commencement de l'action se porta souvent au défenseurs, avant l'arrivée de l'ennemi victorieux.
plus fort de la mêlée en face d'Annibal, et réta- Dis en particulier à Fabius que Paul Émile a vécu
blit le combat de divers côtés, soutenu par les ca- et meurt fidèle à ses préceptes. Mais laisse-moi
valiers romains, qui mirent à la fin pied à terre, mourir au milieu de mes soldats, pour ne pas
alors que le consul n'eut plus assez de forces pour être accusé de nouveau au sortir de mon consulat,
gouverner son clreval. Quelqu'un ayant aussitôt ou pour ne pas être l'accusateur de mon collègue,
instruit Annibal que le consul venait de mettre afiu de sauver mon honneur aux dépens de celui
ses cavaliers à pied, on dit qu'il s'écria « Autant d'un autre. » En ce moment survint une troupe

gladios occultos sub loricis habentes, specie transfuga- balem ferunt « Quam mallem vinclos mlhi traderet
rum quum ab suis, parmas pust terga habentes, adequi- Equitum pedestre prælium, quale jam haud dubia hos-
tassent, repente ex eqms destliunt; parmisque et jaculis tium victoria, fuit; quum victi mori in vestigio mallent,
ante pedes hostium projectis, in mediam aciem accepti, quam fugere; victores, morantibus victoriam irati, tru-
ductique ad ultimos,considereab tergojubentur. Ac, dum cidarent, quos pellere non poterant. Pepulerunt tamen
præhum ab omni parte conseritur, quieti manserunt; jam paucos snperantes, et labore ac vulneribus fessos.
postquam omnium animos oculosque occupaverat certa- Inde dissipati omnes sunt, eqnosque ad fngam qui po-
men, tum arreptis scutis, qua passim inter acervos coe- terant, repetebant. Cn. Lentulus tribunus militum, quum
sorum corporum strata erant, aversam adoriuntur ro- prætervehens equo, sedentem in saxo cruore oppletum
manam aciem; tergaque ferieutes, ac poplites cædentes, consulem vidisset: « L. Æmili, in juit, quern unum in-
stragem ingentem, ac majorem aliquanto pavorem ac sontem culpæ cladis hodiernae dii respiceredehent, cape
tumultum, fecerunt. Quum alibi terror ac fuga, alibi per- hune equnm dum et tibi virium ahquid superest, co-
tiuai in mala jam spe prælium esset, Asdrubal, qui ea rnes ego te tollere possum ac protegere. Ne funestam
parte præerat, subductos ex media acie Numidas, quia hanc pugnam morte consulis feceris. Etiam sine hoc la-
seguis eorum cum adversis pugna erat ad persequendos crimarum satis luctusque est. » Ad ea consul « Tu qui-
passim fugientes m.ttit Ilispan s et Gallos pedites, jam dem, Cn. Corueli, macte virtule estol Sed cave, frustra
Afris prope fessis caxde magis quam pugna adjungit. miàerando exiguum tempus e manibus hostium evadendi
XLIX. Parte altera pugnae Paullus, quanquam primo absumas. Abi, nuntia publice Patribus, urbem romanam
statim pra'lio funda graviter ictus fuerat, tamen et oc- muniant. ac prius, quam hostis victor adveniat, prsesi-
currit sæpe cum confertis Anuibali, et aliquot locis præ- sidiis firment privatimque Q. Fabio, L. Æmilium præ-
linm restituit, protegentibus eum equitibus romanis ceptorum ejus memorem et viiisse, et aclhuc mori. Me in
omlssis postremo equis, quia-consulem et ad regendum bac strage militum meorum patere eispirare, ne aut
equum vires deficiebant. Tum denuntianti cuidam, jus- reus iterum e consulatu sim, aut accusator collegae exis-
sisse consulemad pedes descendere equites, dixisse Anni- tam, ut alieno crimine innocentiam meam protegam, 8
de fuyards, puis un gros d'ennemis, qui percè- sul qui échappa fut à peine suivi de soixante-dix
rent le consul de mille traits, sans le connaître. hommes; et l'autre périt avec presque toute l'ar-
Lentulus fut emporté par son cheval, au milieu mée. Comme la multitude réfugiée dans les deux
du tumulte. Dès lors ce ne fut plus qu'une fuite à camps était sans chefs et presque sans armes, ceux
la débandade. Sept mille hommes se réfugièrent du grand camp envoyèrent « inviter ceux du pe-
dans le petit camp, dix mille dans le grand, et tit à se réunir à eux pendant que les ennemis,
deux mille environ dans le bourg de Cannes, où fatigués du combat et de la joie des festins se
ils furent enveloppés sur-le-champ par la cavale- livreraient au repos de la nuit, pour se rendre
rie de Carthalon, le bourg étant absolument sans ensemble à Canouse. » Les uns repoussèrent ab-
défense. L'autre consul, soit hasard, soit inten- solument cette proposition. « Pourquoi ceux qui
tion, ne suivit aucun de ces corps, et parvint à les appelaient ne venaient-ils pas eux-mêmes,
Venouse, avec environ soixante et dix cavaliers. puisque la jonction pouvait aussi se faire de leur
Rome perdit, dit-on, quarante-cinq mille fantas- côté? Sans doute parce que l'intervalle qui sépa-
sins, et deux mille sept cents cavaliers;du reste, rait les deux camps était rempli d'ennemis, et
à peu près autant de citoyens que d'alliés. On qu'ils aimaient mieux exposer la vie des autres
compta parmi les morts les deux questeurs des que la leur à un si grand péril. 1 Les autres au-
consuls, L. Atilius et L. Furius Bibaculus; vingt raient volontiers accepté le conseil mais le cou-
et un tribuns militaires, plusieurs consulaires, rage leur manquait. Alors P. Sempronius Tudita-
prétoriens ou édilitiens, entre autres Cn. Servilius nus, tribun des soldats, leur adressa ces paroles
Géminus et M. Minucius, maître de la cavalerie (1 Vous aimeriez donc mieux être pris par un en-
l'année précédente, et consul quelques années nemi avare et cruel, voir vos têtes estiméos et
auparavant; de plus quatre-vingtssénateurs ou an- des rançons exigées par un vainqueur insolent,
ciens magistrats, auxquels leur charge devait don- qui vous demanderait si vous êtes citoyens ro-
ner entrée dans le sénat, lesquels s'étaient enrô- mains ou alliés latins et ferait de votre misère
lés volontairement dans les légions. L'ennemi prit et de vos affronts un honneur pour autrui? Non,
aussi, dit-on, trois mille fantassins et trois cents répondrez-vous, si vous êtes de dignes conci-
cavaliers. toyens de ce Paul Émile qui a mieux aimé mou-
L. Telle fut la bataille de Cannes, aussi fameuse rir avec honneur que de vivre dans la honte, et
que la journée d'Allia. Moins grave à la vérité de tant de braves soldats qui sont couchés autour
dans ses conséquences,parce que l'ennemis'arrêta, de lui. Avant que le jour nous surprenne, et que
elle fut plus funeste et plus terrible par le carnage les ennemis ne viennent en plus grand nombre
qui s'y fit de nos légions. La déroute d'Allia livra nous barrer le passage, ouvrons-nous un chemin
Rome et sauva l'armée; mais à Cannes, le con- à travers ceux qui, mêlés et sans ordre, s'agitent

Haec exigentes prius turba fugientium civium, deinde fœdiorque. Fuga namque ad Alliam sicut urbem prodi-
hostes, oppressera consulem ignorantes quis esset, ob- dit, ita exercitum servavit ad Cannas fugientem consu-
rnere telis Lentulurn inter tumultum ahripuit equus. lem vix septuagmta secuti sunt alterius morientis prope
Tum inde effuse fugiunt. Seytcm millia hominum in mi- tolus exercitus fuit. Binis in castris quum multitudo se-
nora castra, decem in majora, duo ferme in vicum ip- miermis sine ducibus esset, nuntium, qui in majoribus
snm Cannas perfugerunt qui extemplo a Carthalone at- erant, mittunt dum pra'lio, deinde ex lætitia epulis
que equitibus, nullo muuimcuto tegente vicum, circuin- fatigatosquies nocturna hostes premeret, ut ad se trans-
venli snnt. Consul alter, seuforte seu consilio, nulli fu- irent uno agmine Canusium abituros esse. Eam sen-
gientmm infestus agmini cum septuagiuta fere equitibus tentiam alii totam asperuari « Cur enim illos, qui se
Venusiam perfugit.Quadraginta quinque millia peditum, arcessant, ipsos non venire, quum aeqne coujungi pos-
duo millia septingenti equites, et tanta prope civium so- seut? quia videlicet plena hostium omnia in medio es-
ciorumque pars, ctesi dicuntur; in his ambo consulum sent, et aliorum, quam sua, corpora tanto periculo
quæstores L. Aldius et L. Furius Bibaculus unus et vi- mallent objicere. » Alus non tam sententia displicere,
gmti tribuni m litum consulares quidam proetoriique et quam animus deesse. P. Sempronius Tuditanustribunus
a dilicti inter eus Cn. Servilium Geminum et M. Minu- militum, « Capi ergo mavultis, mquit, ab avarissimo et
eium numerant, qui magister equitum priore anno, ali- crudehssimo boste, aestimariquecapita vestra, et exquiri
quot ante consul fuerat octoginta praeterea aut senato- pretia ab interrogantibus, Romanus civis sis, an Lati-
res, aul qui eos magistratus gessi. sent, unde in senatum nus socius, ut ex tua contumelia et miseria alteri honos
legi deberent, quum sua voluntate milites in legionibus quæratur? Non tu si yuidem L. Æmilii consulis, qui
facli essent. Capta eo prælio tria millia peditum et equi- se bene mori, quam turpiter vivere maluit, et tot fortis-
xs treceoti dieuntur. simorum virorum, qui circa eum cumulati jacent, cives
L Hæe est pugna Canneusis, Alliensi cladi nobilitate estis. Sed ante quam opprimitlux, majorante hostium
par ceterum ut illis, qua post pugnam accidere,levior, agmina obsæpiunmter, per hos, qui mordmati atque in-
quia ab hoste cessatum est; sic strage exereitus gravior composili obstrepunt portas, erumpamus. Ferro atque
si bruyamment à nos portes. Le fer et l'audace se un même homme tu sais vaincre, Annibal, mais
font jour à travers les plus épais balaillons serréstu ne sais pas profiter de la victoire. » On pense
en colonne nous passerons sans obstacle au mi- assez généralement que ce retard sauva Rome et
lieu de cette troupe débandée. Qu'ils me sui- l'empire. Le lendemain, au point du jour, les
vent donc ceux qui veulent sauver eux et la répu- Carthaginois s'occupèrentde ramasser les dépouil-
blique. » A ces mots, il tire son épée, et traverse les et de visiter ce champ de carnage, horrible
l'ennemi en colonne serrée; et comme leur flanc même pour des ennemis. Des milliers de Romains
droit, qui était découvert, se trouvait en butte jonchaient la terre, cavaliers et fantassinsconfon-
aux traits des Numides ils passent leur bou- dus ça et là, suivant que les avait réunis le ha-
clier au bras droil. Ils gagnèrent le grand camp sard du combat ou de la fuite. Quelques hommes
au nombre de six cents environ; et de là réunis se soulevant tout sanglants du milieu des morts,
à une autre troulre considérable, ils atteignirent agités par leurs blessures que la fraîcheur du ma-
sains et saufs la ville de Canouse. En tout cela, les tin avait irritées furent achevés par l'ennemi.
vaincus agissaient par l'impulsion que donnait à On en trouva aussi quelques-unsencore vivants,
chacun son caractère ou le hasard, plutôt que par avec les cuisses et les jarrets coupés, qui décou-
une détermination commune ou par un ordre vrant leur cou et leur gor,e, demandaient qu'on
quelconque. épuisât le reste de leur sans d'autres avaient la
LI. Comme Annih;il vainqueur était entouré de tête plongée dans la terre, qu'ils avaient eux-mv-
ses officiers qui le félicitaient et lui conseillaient mcs creusée, comme il paraissait bien, en entassant
de donner le reste du jour et la nuit suivante au sur leur tête la terre remuée pour étouffer leur
repos, pour lui et pour son armée fatiguée, Ma- respiration. Mais ce qui attira tous les regards, cc
harbal, préfet de la cavalerie. convaincu qu'il fut le spectacle d'un Romain vivant, couché sous
n'y avait pas un moment à perdre, lui dit « Afin un Numide mort, avec le nez et les oreilles déchi-
que vous sachiez quelles sont les conséquencesde rés son ennemi, ne pouvant tenir une arme avec
cette bataille, dans cinq jours vous souperez au ses mains, l'avait, dans un accès de rage, mutilé
Capitole. Suivez-moi je vous devancerai avec la avec ses dents en rendant le dernier soupir.
cavalerie, pour que les ennemis apprennent mon LII. La plus grande partie du jour ayant été
arrivée avant mon départ. Ce projet parut trop consacrée à ramasser les dépouilles, Annibal se
beau et trop grand à Annibal, pour qu'il pûtsur- porta à l'attaque du petit camp; et d'abord il éta-
le-champl'adopter. Il répondit donc « qu'il louait blit une ligne pour ôter aux Romains la ressource
Mabarbal de son zèle, mais que son conseil vou- du fleuve. Du reste, comme ils étaient tous épui-
lait du temps pour être pesé. Je le vois bien, sés par les fatigues, les veilles, les blessures, ils
reprit Maharbal, les dieux n'ont pas donne tout à se rendirent plutôt qu'il ne l'avait espéré, avec

audacia via fit, quamvis per confertos hostes. Cuneoqui- dii dedere. Yincere scis, Annibal; victoria uti nescis.
dem hoc laxum alque solutum agmen, ut si nihil obstet, Mura ejus diei satis creditur saluti fuisse urbi atque im-
transibimus. Itaque ite mecum, qui et vosmet ipsos et perio. Postero die ubi primum illuxit, ad spolia legenda
rempublicam salvam vultis. »Hæc ubi dicta dedit, strin- fœdamque etiam hostihus speclandam stragem insistunt.
git gladium cuneo jue facto per mcdios vadit hostes. Et, Jacebant tot Romanorummillia, pedites passim equites-
yuum in latus dextium, quod patebat, Numidæ jacula- que, ut quem cuique fors aut pugna junierat aut fuga.
rentur, translatis in dextrum sentis, in majora castra ad Assurgentes quidam ex strage media cruenti quos stricta
sexcentos evaserunt: atque inde protinus, alio magno ag- malutino frigore eicitaveraut vulnera, ab hoste oppressi
mme adjuncto, Canusium incolumes perveniunt. Hac suut. Quosdam et jacentes mvos succisis feminibuspopli-
upud victos magis impetu animorum, quem ingenium tibusque iuvenernnt, nudantes cervicem jugulumque, et
suum cuique aut furs dahat, qtiam ex consilio ipsorum, reliyuum sanguinem jubentes haurire. Iuventi sunt qui-
aut imperio cujusquam, agebantur. dam mersis in effossam tcrram capitibus, quos sibi ipsos
LI. Annibali victori quum ceteri circumfusi gratula- fecisse foveas obrucntesque ora superjecta humo inter-
rcutur, suaderentque, ut, tanto perfuuctus bello, diei clusisse spii itum apparebat. Praecipue convertit omnes
quod reliquum est, noctisque insequentis, quietem et substratus Numidæ morluo superincubanti Roinaiius vi-
ipse sibi sumeret, et fcssis darct militibus; Maharbal, vus, naso auribusque laceratis quum, manibus ad ca-
præfectus eqmtum, mimme cessandum ratus « Imo, ut, piendum telum inutilibus, in rabiem ira versus, laniando
quid hac pugna sil actum, scias, die quinto, inquit, vie- dentibus hostem exspirasset.
tor in Capitobe epulaberis. Sequere cum equite, ut prius LU. Spohis ad multum diei lectis, Annibal ad minnra
venisse, quam venturum, sciant, prœcedam. »Aunil ali durit castra oppugnanda, et omnium primum bracliio
mmi. Ixta res est visa majorque, quam ut cam statim objecto, Ilumine eos excludit. Ceterum ab omnibus, la-
capere e animo posset. Itaque, volnntatem se laudare bore, vigiliis, vulneribns etiam fessis, maturior ipsius
Maharbalis ait ad consihum pensandum temp oris opus spe deditio est facta. Pacti, ut arma atque eqtios trade-
sese. » Tum Maliatbal «Non omuia, nimn um, eidem rent, in capita romana trecems nummis quadrigatis, in
une capitulation qui les obligeait de livrer leurs la première légion, dont le père avait été dicta-
armes et leurs chevaux, de payer trois cents qua- teur l'année précédente; L. Publicius Bibulus et
drigati pour un Romain, deux cents pour un al- P. Cornélius Scipion de la seconde légion, et dans
lié, cent pour un esclave, et qui leur assurait la la troisième, Appius Claudius Pulcher, qui avait
liberté de s'en aller chacun avec son vêtement, été édile tout récemment, d'un consentement
après la rançon soldée puis ils ouvrirent le camp unanime, le commandement fut déféré à P. Sci-
à l'ennemi qui les mit tous sous bonne garde pion, encore fort jeune, et à Ap. Claudius. Au
les Romains d'un côté, les alliés de l'autre. Tan- moment où ils délibéraient en petit nombre sur
dis qu'on perd le temps de ce côté, ceux du grand leur situation, P. Furius Philus, fils d'un consu-
camp qui eurent assez de force ou de courage, laire, vient leur dire « que c'est en %ain qu'ils
au nombre de quatre mille bommes de pied et de veulent relever une espérance détruite; que la ré-
deux cents chevaux, les uns en corps, les autres publique est perdue, désespérée; que plusieurs
dispersés dans les champs, ce qui n'était pas jeunes nobles, L. Cécilius Métellus à leur tête,
moins sûr, se réfugièrent à Canouse, et le camp cherchaient des vaisseaux pour quitter l'Italie, et
fut livré à l'ennemi aux mêmes conditions que se réfugier chez quelque roi. » Cet événement,
l'autre par les blessés et les lâches qui y étaient déplorable par lui-même, et surtout nouveau,
restés. Le butin fut immense;et, sauf les chevaux, même après tant de malheurs, les frappa tous de
les hommes et l'argent, qui se trouvait surtout aux surprise et de stupeur, et ceux qui étaient pré-
harnais des chevaux, carles Romains avaient très- sents proposaient de tenir conseil à ce sujet. Mais
peu de vaisselle d'argent à la guerre, tout fut le jeune Scipion, le chef que les destins réservarent
abandonné au pillage. Alors Anuibal fit rassembler pour cette guerre, répliqua que le conseil n'avait
tous ses morts pour les ensevelir. On dit qu'il y rien à voir en cette affaire; « que dans un mal si
en avait huit mille, et de ses meilleures troupes. pressant, il fallait oser agir et non delibérer; que
Quelques-uns assurent qu'il fit chercher aussi le ceux qui voulaient sauver la république n'avaient
consul romains, et lui donna la sépulture. Ceux qu'à s'armer et à le suivre que les ennemis
qui s'étaient sauvés à Canouse n'avaient reçu des étaient véritablement là où se tramaient de pa-
habitants que l'asile et le logement mais une reils desseins. «Aussitôt il marche, suivi d'un petit
Apulienne, noble et riche, nommée Busa, leur nombre, vers le logement de Métellus; et trouvant
donna du blé, des habits et même de l'argent; en là ce conciliabule de jeunes gens dont on lui avait
récompense de cette générosité, le sénat, après parlé, il tire son épée, et la tenant sur leur tête
la guerre, lui décerna des honneurs. « Je suis fermement résolu, dit-il, à ne pas aban-
LUI. Au reste, comme il y avait parmi ces trou- donner la république romaine, et à ne pas souf-
pes quatre tribuns militaires, Fabius Maximus, de frir qu'un autre l'abandonne. Si je manque à ce

socios ducenis, in servos centenis, et ut, eo pretio per- cius Bibulus et P. Cornelius Scipio, et de legione tertia
solulo, cum singulis abirent veslimentis,in castra hostes Ap. Claudius Pulcher, qui proxime adilis fuerat; om-
acceperunt; traditique in custodiam omnes sunt, seor- nmm consensu ad P. Scipionem, admodum adolescen-
sum cives socüque. Dum ibi tempus teritur,interea quum tem, et ad Ap. Claudium summa imperii delata est. Qui-
ex majoribus castris, quibus satis virium aut aninii fuit, bus consultantibus inter paucos de summa rerum nuntiat
ad quatuor millia hommum et ducenti equites, alii agnji- P. Furius Philus, consularis viri filius Nequicquam
ne, alii palati passim per agros, qund baud minus tutum eos perditam spem fovere desperatam comploratamque
erat, Canusmm perfugissent, castra ipsa ab sauciis timi- rem esse pubhcam. Nobiles juvenes quidam quorum
disque eadem conditione,qua altera, tradita bosti. Præda principem L. Cxcilium Metellum, mare ac naves spec-
ingens parla est et, preeter equos virosque, et si quid tare, ut, deserta Ital:a, ad regum aliquem transfugiant. »
argenti (quod plurimum in phaleris equorum erat; nam Quod malum, præterquam atrox, super tot clades etiam
ad vescendum facto perexiguo, utique militantes, ute. novum, quum stupore ac miraculo torpidos defixisset,
bantur), omnis cetera præda diripienda data est. Tum et, qui aderant, consilium advocandum de eo censerent;
tepeliendi causa conferrv in unum corpora suorum jussit. negat consihi rem esse Scipio juvenis fatalis dux hujusce
Ad ocio uullia fuisse dicuutur fortissimorum virorum. belli.. Audendum atque agendum, non consultandum,
Consulem quoque romauum conquisitum sepultumque, ait, in tanto malo esse. Irent secum extemplo arniati,
quidam auctores sunt. Eos, qui Canusium perfugerant, qui rempublicam salvam vellent. Nullo verius, quam ubi
mulier Apula, Domine Busa, genere clara ac divitiis, ea cogiteutur, hostium castra esse. P Pergit ire, sequen-
mænibustantumtectisquea Canusinisacceptos, frumento, tibus paucis, in hospitium Metelli
veste, viatico euam juvit; pro qua ei munificentia poàtea, ibi juvenum, de quibus allatum erat,et,invenisset.stricto
quum concilium
bello perfecto, ab seuatu honores habiti sunt. super capita consultantium gladio Ex mei animi sen-
LIII. Ceterum quum ibi tribuni militum quatuor es- teutia, iuquit, ut ego rempublicam populi romani non
sent, Fabius Maximus de legione prima cujus pater prio- deseram neque alium civem romanum deserere patiar.
re anno dictator fuerat, et de legione secunda L. Publi- Si sciens fallo, tum me, Jupiter optima maaime, do-
serment, que Jupiter très-bon, très-grand, inflige tence de ces débris, et même le bruit s'était ré-
à ma famille et à moi la plus cruelle mort! Céci- pindu que les consuls avaient péri
avec les deux
lius, et vous tous qui m'écoutez, jurez sur ces pa- armées et que rien n'avait échappé au carnage.
roles je l'exige. Celui qui ne jurera pas, périra Jamais, la ville étant
sauve, on ne vit dans ses
par cetle épne. w Aussi tremblants que s'ils avaient murs tant de terreur et de tumulte; un tel tableau
vu Annibal lui-même, tous jurèrent, et se remi- serait une tâche au-dessus de mes forces, et je
rent sous la garde de Scipion. n'essaierai pas de raconter des faits que mon récit
LIV. Dans le temps que ceci se passait à Ca- ne ferait qu'affaiblir. Après un consul et une ar-
nouse, quatre mille hommes environ, fantassins mée perdus l'année précédente, au lac de Travi-
et cavaliers, que la fuite avait dispersés dans la mène, ce n'était pas une blessure ajoutée à une
campagne, rejoignirent le consul à Vcnouse. Les blessure, c'étaient plutôt plusieurs défaites dans
habitanls de cette villc, les ayant distribués dans une défaite on disait que deux armées consulai-
leurs maisons pour les entourer de soins, donnè- res avaient été massacrées avec les deux consuls;
rent à chaque cavalier des toges des tuniques et qu'il ne restait plus ni camp ni chef, ni sold it
vingt-cinq quadrigati, dix pièces de la même qu'Annibal était maître de l'Apulie, du Sanmium,
monnaie à chaque fantassin, et des armes à ceux et de presque toute l'Italie. Toute autre nation
qui en manquaient. Enfiu, tant en public qu'en aurait été certainementaccablée par un si grand
particulier, ils reçurent l'hospitalité la plus géné- désastre. Voudrait-on lui cnmpaier la défaite na-
reuse. On voulaitque le peuple de Vcnouse ne fût vale des Carthaginois, près dis îles Ægates, la-
pas vaincu en bons offices par une femme de Ca- quelle les abattit à tel point, qu'ils abandonnèrent
nouse. Mais le grand nombre de ses hôtes imposait la Sicile, la Sardnigne, et consentirentà devenir
à B isa une charge plus lourde il se trouvait déjà tributaires;ou bien cette fameusebataille d'Afrique,
dix mille hommes à Canouse. Lorsque Appiuset qu'Annibal lui-même perdit dans la suite? Elles
Scipion eurent appris que l'un des deux consuls n'y sunt en rien compaiables, si ce n'est qu'elles
était vivant, ils lui dépêchèrent sur-le-champ uu furcnt soutenues avec bien moins de fermeté.
courrier, pour lui faire connaître les forces qu'ils LV. Les préteurs P. Furius Philus et Atauius
avaient avec eux en infanterie et cavalcrie, et Pomponius convoquèrent le sénat dans la curie
pour lui demander s'ils devaient lui amener leurs Ilostilia, afin de concerter les mesures nécessaires
troupes ou rester à Canouse. Varrou vint les y re- pour la défense de la ville; car ils ne doutaient
joindre. Ainsi, ils avaient déjà une apparence pas qu'après avoir détruit lesarmées, l'ennemi ne
d'armée consulaire, et ils paraissaient en état de vint assiéger Rome, puisque c'était la seule chose
se défendre, sinon en rase campagne, du moins qui lui restât à faire. Comme, dans un malheur si
derrière des remparts. A ltome, on ignorait l'exis- grand et encore inconnu, il était difficile de pren-

mum, familiam remque meam pessimoleto afficias Iu has quidem reliquias superesse civium sociorumque,sed
hæc verba, L. Cmeili, jures, pustulo, ceterique, qui occidione occ sos cum duobus exercitibus consules, dele-
adestis qui non juraverit, in se hune gladium strictum tasque omnes copias, allatum fuerat. Nunquam, salva
esse sciat.. Ilaud secus pavidi, quam si victorem Auni- urbe, tantum pavoristumultusque intra mœnia romana
balem cernerent, jurant omnes custodiendosquesemet- fuit. Itaque succumbam oneri, neque aggrediar narrare,
ipsos Scipioni tradunt. quæ edissertindo minora vero fccero. ( oosule exercitu-
LIV. Eo tempore, quo hæc Canusii agehantur, Venu- que ad Trasimenum priore anno amisso, non vulnus su-
eiam ad consulem ad quatuor nullia et quingenti peditcs per vulnus sed multiplex clades, cum duobus consuli-
equitesque, qui sparsi fuga peragros fuerant, pervcnere. bus duo consulares exercitus amissi nuntiabantur nec
Eos omnes Vcnmini per familias benigne accipiendos cu- ulla jain c istra romana nec ducem, nec nuhtem esse
raudos lue quum divisissent, iu singulos equites togas est Annibalis Apuliam Samnium ac Jam prope totam Ita-
tunicas et quadrigatos nummos quinos vicenos, et pediti- liim factam. Nulla protecto alia geus tanta mole cl;idis
bus dcnos, et arma, quibus deerant, dederunt cetera- non obruta tsset. Compares cladem ad Ægates insulas
que publiee ac privatim hospitahter facta, certatumque, Carthagmiensium, prxlio uavah acceptam, qua fracti
ne a muliere Canusina pupulus Venusiuus officiis vince- Sirilia ac Sardima cessere, hinc vectigales ac stipend a-
retur. Sed gravius onus Buste multitudo faciebat, et jam riosfieri se passi suut; aut pugnam adversam in Africa,
ad dmem milha bominum erant. Appiusque et Scipio cui postea hic ipse Anmbal succtibuit nulla ex parte com-
postquam incolumem esse alterum consulem acceperunt, pirandae sont, nisi quod minore ammo latæ sunt.
nuutium extemplo mittunt, quantæ secum peditum equi- LV. P. Furius Philus et M. Pomponius pra'lores sena-
tunique copiw essent sciscitatumque simul, utrum Ve- tum iu curiam Hostiham vocaveruut, ut de urbis cus o-
nusiam addxci exercitum au mauere juberet Canusin? dia cunsulerent. Neque enim dubitabant, deletis exerciti-
Varro ipse Canusium copias traduxit. Et jam aliqua spe- bus, bostem ad oppugnandam Romam quod unum opus
cles consularis exercitus erat mœnibusque se certe, si btlli restaret, venluruin. Quum in malis, sicut ingeult
non armis, ab hoste videbantur defensuri. Romam ne bus, ita ignotis, ne consilium quidem satis expedirent,
dre une résolution que les cris et les lamenta- nateurs se répandirent de divers côtés pour cal-
tions des femmes retentissaientaux portes du sé- mer le tumulte. Alors, enfin, il arriva une lettre
nat, et que, dans l'ignorance où l'on était, toutes du consul Térentius, par laquelle il annonçait
les maisons pleuraient à la fois les morts et les vi- Émile avait péri avec l'ar-
« que le consul Paul
vants, Q. Fabius Maximus dit « qu'il fallait en- mée que, pour lui, il était actuellement à Ca-
voyer sur la voie Appia et sur la voie Latine, des nouse, où il recueillait les débris d'un si grand
cavaliers armés à la légère, pour interroger les naufrage; qu'il avait environ dix mille hommes
hommes qu'ils rencontreraient ( quelques-uns à sans organisation et sans ordre qu'Annibal était
coup sûr, devaient s'être dispersés dans la dé- toujours à Cannes, tenant marché pour la rançon
route) et pour apprendre d'eux quel était le sort des captifs et le reste de son butin, sans rien mon-
des consuls et des armées; si les dieux immortels, trer de l'âme d'un vainqueur, ni de la conduite
touchés des maux de l'empire avaient laissé sub- d'un grand capitaine. » Alors aussi les familles ap-
sister quelques restes des légions, où se trouvaient prirent leurs pertes particulières et tant de per-
ces troupes; où s'était porté Annibal après le com- sonnes furent en deuil qu'on interrompit les fêtes
bat; ce qu'il projetait, ce qu'il faisait et ce qu'il annuelles de Cérès, ceux qui sont dans l'affliction
allait faire. Cette commission devait être remplie ne pouvant les célébrer, et n'y ayant d'ailleurs
par des jeunes gens pleins d'activité. Les sénateurs en cette circonstance aucune mère de famille
devaient se charger, à défaut des magistrats trop qui n'eût fait quelque perte. C'est pourquoi, pour
peu nombreux, d'arrêter dans la ville le trouble que la même cause n'empêchât pas encore les au-
et l'épouvante, d'iulerdire aux femmes les lieux tres sacrifices publics ou particuliers, un sénatus-
publics, et de les obliger à se tenir toutes dans consulte limita le deuil à trente jours. Du reste,
leurs maisons; de réprimer les lamentations des lorsque, le tumulte apaisé, les sénateurs se fu-
familles, de maintenir le silence dans Rome, de rent de nouveau rassemblés, une autre lettre,
faire savoir aux préteurs toutes les nouvelles, de expédiée de Sicile par le propréteur T. Otaci-
veiller à ce que chacun attendît chez soi celles qui lius, vint apprendre que « les états d'Uiéron
lui seraient personnelles, de placer enfin des gar- étaient ravagés par une flotte carthaginoise qu'au
des aux portes, pour empêcher tout le monde de moment où il s'apprêtait à secourir ce roi, d'après
sortir, et pour forcer chaque citoyen a n'espérer de ses instances, on lui avait annoncé qu'une autre
salut que par le salut de la ville. Quand le tumulte flotte se tenait près des îles agates, tout équipée,
serait apaisé, on pourrait de nouveau convoquer et toute prête, dès qu'elle le verrait parti pour
le sénat et délibérer sur les moyens de défense, aller protéger les côtes de Syracuse, à se jeter
LVI. Tout le monde se rangea à cet avis; les sur Lil) bée et sur une autre province romaine
magistrats écartèrent la foule du forum et les sé- qu'il était donc besoin d'une autre flotte, si l'on

obstreleretque clamer lamentantium mulierum, et, nou- summctaque foro per magistratus turba Patres diversi
dum palam facto, vivi mortuique per omnes paene do- ad sedandos tumultus discessissent; tum demum literæ a
mos promiscue complorarentur; tum Q. Fabius Maxi- Terentio consule allatæ sunt L. Æmilium consulem
mos censuit, « eqnites expeditos et Appia et Latina via exercitumque cæsum; sese Canusii esse, reliquias tantæ
mittendos, qui ohvios percunclnndo (aliquos profecto ea cladis velut ex naufragio colligentem. Ad decem millia
fuga passim dissipatos fore) referant, quæ fortnna con- militum ferme esse incompositorum inordinatorumque.
sulum atque exercituum sit; et si quid dii immortales Pœnum sedere ad Cannas, in captivorumpretiis praeda-
miseriti imperii, reliquum romano nomini fecPrint ubi que alia nec mctoris anime, nec magni ducis more, nun-
eae copias smt quo se Anuibal post prælium contnlerit dinantein. Tum privatæ quoque per domos clades vul-
quid paret, quid agat, acturusque sit. Hæe exploranda gatae sunt adeoque totam urbem opplevit luctus, ut
noscendaque per impigros juvenes esse. Illud per Patres sacrum anniversarium Cereris intermissum sit; quia nec
ipsos agendum, quonidm magistratuum parum sit, ut lugentibus id facere est fas, nec ulla in illa tempestate
tumultum ac trepidationem in urbe toliant, matronas pu. matronaexpers luctus fuerat. Itaque, ne ob eimdein cau-
blico arceaut, coutinerique iutra suum quamque linien sam alia quoque sacra publica aut privata deserereniur,
cogant: comploratus familiarum coerceant silentium per senatusconsultodiebus trigiuta luctus est finitus. Ceterum
urbem faciaut nuntios rerum omnium ad prætores de- quum, sedato urbis tumultu, revocati in curiam Patres
ducendos curent suæ quisque fortunæ domi auctorem ex- essent, aliæ insuper ex Sicilia literae allatæ sunt ab T.
spectent, custodesque praetereaad portas ponant, qui pro- Otacilio proprætore, « Regnum Hieronis culasse punica
hiheant, quemquam egredi urbem cogantque homines, vastari cui quum opem imploranti ferre vellet, uuntia-
nullam nisi urbe ac mœnibus salvis, salutem sperare. tunt sibi esse, aliam classem ad Ægates insulas stare, pa-
Lbi couticuerit tumultus recte tum in Curiam Patres ratam instructamque; ut, ubi se versum ad tuendam Sy-
revocandos, consulendumque de urbis custodia esse. » racusanam oram Poeni sensissent, Lilybæum extemplo
LVI. Quum tu hauc sententiam pedibub omnes issent, provmciamque aliam ronanam aggredereutur. 1 aque
voulait défendre un prince allié et la Sicile. i) Le peuple croyant les dieux satisfaits, M. Clau.
LVII. Quand on eut pris connaissance des let- dius Alarccllus envoie à Rome, pour la défeu-
tres du proconsul et du préteur, on résolut d'en- dre, quinze cents soldais, enrôlés pour la flotte
voyer à l'armée de Canouse M. Claudius, qui d'Ostie. Lui-même, ayant envoyé la troisième
commandait la flotte en station à Ostie, et de légion qui était sur la flotte, à Teanum Sidi-
mander au consul de venir à Rome, aussitôt cinum, avec les tribuns militaires, et livré la
après avoir remis l'armée au préteur, pourvu que flotte à P. Furius Philus son collègue, se rendit
les intérêts de la république lui en laissassent la peu de jours après a Canouse, à grandes jour-
faculté. Les esprits, après de si grands désas- nées. M. Junius, créé dictateur par l'autorité du
tres, furent troublés par divers prodiges, et sénat, et Ti. Semprouius, maître de la cavalerie,
surtout parce que, cette année-là, deux vesta- enrôlent les jeunes gens depuis l'âge de dix-
les, Opimia et Floronia, avaient été convaincues sept ans, quelques-uns même ayant encore la
d'adultère; que l'une, suivant la coutume, avait prétexte. Cette levée fournit quatre légions et
été enterrée toute vive près de la porte Colline, mille cavaliers. Ils font aussi demander des sol-
et que l'autre s'était donné la mort. L. Canlilius, dats, selon les traités, aux alliés et aux peuples
l'un de ces scribes du pontife, que l'on appelle latins; ils ordonnent de préparer des armes, des
aujourd'hui pontifes mineurs, qui avait séduit traits et le reste. Les antiques dépouilles des enne-
Floronia, fut battu de verges par le grand pon- mis sont arrachées des temples et des portiques.
tife, dans le comitium, jusqu'à ce qu'il expirât Une levée d'une nouvelle espèce fut même com-
sous les coups. Ce crime ayant été, comme il ar- mandée par le manque de citoyens et par la né-
rive dans les grands malteurs, transformé en cessité. Huit mille esclaves des plus vigoureux,
prodige, les décemvirs eurent ordre de consulter à chacun desquels il fut demandé s'ils vcu-
les livres sybillins; et Q. Fabius Pictor fut envoyé laient servir, furent achetés et armés aux dépens
à Delphes pour demander à l'oracle par quelles du trésor public. On aima mieux prendre de tels
prières et quels sacrifices on pourrait apaiser les soldats, quoiqu'on eût pu, à moins de frais, ra-
dieux, et quel serait le terme de tant de calami- cheter les prisonniers.
tés. Dans l'intervalle, selon les prescriptions des LVIII. En effet, Annibal, après l'éclatant suc-
livres sacrés, on lit quelques sacrifices extraordi- cès de Cannes, se livrant plus à l'ivresse de la
naires. Entreautres, un Gauloiset une Gauloise,un victoire qu'aux soins de la guerre, fit défiler de-
Grec et une Grecque furent enterrés vivants, au vant lui les prisonniers, et, prenant les alliés à
marclié aux bœufs, dans un lieu fermé par d'énor- part, il leur parla avec bonté, comme à la Trébie
mes pierres, et déjà ensanglauté par des victi- et à Trasimène, et les renvoya sans rançon. Puis
mes humaines, sacrifice indigne du nom romain. il appela aussi les Romains, ce qu'il n'avait pas

classe opus esse, si regem socium Siciliamque tucri vel- imbutum. Placatis satis, utrebantur, deis, M. Claudius
lent.» nlarcellus ab Ostia mille et quingentos milites quos in
LVII. Literis consulis proprætorisque lectis, censue- classem scriptus habebat, Romam, ut urhi præsidio es-
runt, M. Claudium,qui classi ad Ostiam stanti præesset, sent, mittit ipse, legione classis (ca lertia legio erat)
Canusium ad exereitum miltendum, scribendumque con- cum tribums mililum Teanum Sidicinum pracmissa,classe
suli, ut quum prætori exercitum Iradidisset,primo qno- tradita P. Furio Philo collegæ, paucos post dies Canu-
que tempore, quantum per commodum reipublicæ lieri simn magnis itinerihus couteudit. I)iclalur ex auctoritate
posset, Romam vemret. Terri etiam super tantas cla- Patrum dictus 11I. Junius et Ti. Sempronius magister
des, quum ceteris prodigiis, tum quod duae Vestales eo equitum, delectu edicto, juniores ab annis septendecim,
anno, Opimia atque Floronia, stupri compertæ, etaltera et quosdam proetextatos, scribunt. Quatuor ex his legio-
sul) terra, ut mos est, ad portam Collinam necala fucrat, ues et mille equites elfecti. Item ad socios Lalinumque
alteri sibimetil sa mortem consciverat. L. Cantilius, scri- nomen, ad milites ex formula accipiendos, mittunt. Ar-
Ira pontilicis, quos nune minores pontificesappelant, qui ma tela, alia parari jubent et vetera hostium spolia de-
cum Floronia stuprum fecerat, a ponlifice maximo eo trahunt templis porticibusque. Et aliam formam novi de-
usque virgis in comitio cæsus erat, ut inter verbera ex- lectus inopia liberorum capitum ac necessitas dedit oeto
spiraret. Hoc nefas quum inter tot, ut fit, clades in pro- millia juvenum validorum ex servitiis, prius sciscitantes
drgium versum esset, decemviri libros adire jussi sunt. singulos, vellentne militare, empta publice armaverunt.
Et Q. Fabius Pictor Delphos ad oraculum missus est scis- Hic miles magis placuit, quum pretio minore redimendi
citatum, quibus precibus suppliciisquedeos possent pla- captivos copia fleret.
care, et quaenam futura finis tantis cladibus foret. Inte- LVIII. Namque Annibal, secundum ram prosperam
rim ex fatalibus libris sacrificra aliquot extraordinaria ad Cannas pugnam, victoris magis, quam bellum geren-
facta inter quæ Gallus et Galla Græeus et Grwca, in tis, intentus curis, quum captivis productis segregatis-
foro boario sub terra vivi demtasi sunt in locnm saxo con- que socios, sicut ante ad Trebiam Trasunenumque la-
sæptum, jam ante liostris humams, minime romono sacro, coin bénigne allocutus, sine pretio, dimisisset; Roma-
fait encore, et leur dit avec assez de douceur main. Toutefois, à moins que nous ne soyons
« qu'il ne
faisait point aux Romains une guerre trop prévenus pour notre cause, jamais prison-
d'extermination qu'il combattait seulement pour niers ne furent moins à mépriser que nous. Nous
l'honneur et l'empire; que ses aïeux avaient cédé n'avons pas livré nos armes par lâcheté au milieu
à la valeur romaine; qu'il voulait à son tour que du combat; mais, après avoir combattu presque
les Romains cédassent à sa fortune et à son cou- jusqu'à la nuit sur des monceaux de corps morts,
rage. Qu'il leur offrait donc la faculté de se rache- nous sommes rentrés dans notre camp. Le reste
ter que la rançon serait de cinq cents quadrigati du jour et la nuit suivante, malgré la fatigue et
pour un cavalier, de trois cents pour un fantassin nos blessures, nous avons fortifié nos retranche-
et de cent pour un esclave. » Quoique par là se ments. Le lendemain, investis par une armée vic-
trouvât augmenté le prix que les cavaliers avaient torieuse, qui nous était la ressource de l'eau, no
stipulé dans leur capitulation, ils reçurent néan- voyant aucun espoir de nous faire jour à travers
moins avec joie ces conditions de leur déli- les rangs épais de l'ennemi, pensant qu'après le
vrance. Ils choisirent dix de leurs compagnons, massacre de cinquante mille hommes, quelques
pour aller à Rome parler au sénat on n'exigea Romains pouvaient, sans déshonneur, survivre à
d'autre gage de leur foi que leur serment de re- la bataille de Cannes, nous avons enfin traité de
venir. Avec eux fut envoyé Carthalon, noble Car- notre rançon, et nous avons rendu à l'ennemi des
thaginois, chargé, au cas où les Romains seraient armes qui ne pouvaient nous être d'aucun se-
disposés à la paix, de proposer les conditions. cours. Nous savions que nos ancêtres s'étaient
Lorsqu'ils furent sortis du camp, l'un d'eux, aussi rachetés des mains des Gaulois au prix de
homme très-peu Romain, feignant d'avoir oublié l'or; et que vos pères, ces hommes si sévères pour
quelque chose, retourna dans le camp pour se les conditions de paix, avaient néanmoins envoyé
délier de son serment, et rejoignit ses compa- des députés à Tarente pour le rachat des captifs.
gnons avant la nuit. Quand on apprit à Rome leur Or le combat d'Allia contre les Gaulois, et celui
approche, ou envoya un licteur au devant de Car- d'Iléraclée contre Pyrrhus, furent moins à déplo-
thalon, pour lui ordonner, au nom du dictateur, rer par la perte qu'on y fit que par la peur et la
de sortir avant la nuit des terres de la république. déroute. Les champs de Cannes sont jonchés de
L1X. Les députés des prisonniers furent admis Romains; et nous n'avons échappé à la mort que
par le dictateur à l'audience du sénat. Leur chef, parce que le fer et les forces ont manqué aux en-
M. Junius, s'exprima ainsi « Pères conscrits, nemis pour nous massacrer. Quelques-uns même
aucun de nous n'ignore que jamais peuple n'a d'entre nous n'ont pas quitté le champ de bataille;
fait moins de cas des prisonniers que le peuple ro- restés pour garder le camp, ils sont tombes avec

nos quoque vocatos (quod nunquam alias antea) salis plus justo nostra placet causa non alii unquam minus
miti sermone alloquitur « Non internecinum sibi esse uegligendi vobis, quam nos, in hostium poteslatem ve-
cum Romanis bellum de dignitate atque imperio cer- neruut. Non enim in acie per Gmorem arma tradidimus;
tare. Et patres virtuti romanæ cessisse et se id anniti, sed quum prope ad noctem superstantes cumulis cæso-
ut suas in vicem simul felicitati et virtati cedatur. Itaque rum corporum prælium extraxissemus,in castra recepi-
redimendi se capthis copiam facere: pretium fore in ca- mus uos. Dici reliquum ac noctem insequentem, fesii la-
pita, equiti quingenos quadrigatos nummos treceuos bore ac vulneribus, vallum sumus tutati. Postero die,
pediti, servo ceutenos. Quanquam aliquantum adji- quum circumsessi ab exercitu victore aqua arceremur,
ciebatur equitibus ad id pretium, quod pepigerant de- nec ulla Jam per confertos hostes erumpendi spes esset,
dentes se; læti tamen quameunque conditionem paci- nec esse nefas duceremus, quinquzginta millibus homi-
sceudi acceperunt. Placuit suffragio ipsorum decem de- num ex acie nostra truciddtis, aliquem ex Canneusi pugna
ligi, qui romam ad senatum irent: nec pignus aliud fidei, Romanum militem restare; tum demum pacti sumus
quam ut jurarent se redituros, acceptum. Missus cum his pretium, quo redempti dimitteremur arma, in quibus
Carthalo nobilis Cartbaginiensis qui. st forte ad pacem nibiljam auxilii erat, hosti tradidimus. Majores queque
mclinarent animos, conditiooes ferret. Quum egiessi icceperamus se a Gallis auro redemisse et patres ve-
castris essent, unus ex iis, minime romani ingenii homo, stros, asperrimos illos ad conditionem pacis, legatos
velut ahquid oblitus, jurisjurandi solvendi causa quum tamen captivorum redimendorum gratia Tarentum tui-
in castra redisset, ante noctem comités assequitur.Lbi sisse. Atqui, et ad Alliam cum Gallis, et ad Heracleam
eos Romam venire nuntiatum est, Carthaloui obviam cum Pyrrho, ntraque non tam clade infamis, quam pa-
liclor missus, qui dictatons verbis nuntiaret, ut aute vore ac fuga, pugna fuit.Canuenses campos acervi roma-
noctem excederet tinibus romanis. norum corporum tegunt; nec supersumus pugnæ, udi
LIX. Legatis captivorum senatus ab dictatore datus in quibus trucidandis et ferrum et vires hostenr defece-
est. Quorum princeps M. Junius, « Patres couscripti m- runl. Sont etiam de nostrts quidam, qui ne in acie qui-
quit, nemo nostrum ignorât, nulli unquam civitati ,i- dem refugerunt sed, præsidio castris relicti, quum
hores fuisse captivos, quam nostræ. Ceterum, nisi nobis castra traderentur, in potestatem hostium venerunt.
le camp au pouvoir des ennemis. Je ne porte point portesdu sénat, attendant votre réponse. Eh bien!
envie à la fortune ou à la condition d'aucun de quand ceux-ci attendent avec une si vive inquié-
mes concitoyens ou de mes compagnons, et je ne tude pour nous et pour ceux qui sont absents,
veux pas m'élever aux dépens des autres. Mais, quelle pensez-vous que soit l'anxiété de ceux dont
à moins que l'agilité des pieds et de la course ne la vie et la liberté sont ici en cause? Par les
soit un mérite, ceux qui ont fui sans armes du dieux, si Annibal lui même voulait, contre sa
champ de bataille, et ne se sont arrêtés qu'à Ve- nature, se montrer humam envers nous, nous ne
nouse ou à Canouse, n'ont pas lieu à coup sûr de voudrions pas de la vie, après avoir été jugés par
se mettre au dessus de nous, et de se glorifier vous indignes d'être rachetés. Autrefois les prison-
d'être plus que nous utiles à la république. Sans niers de Pyrrhus revinrent à Rome renvoyés sans
doute vous trouverez en eux de bons et braves rançon; mais ils revinrent avec les premiers ci-
soldats; mais nous serons encore plus dévoués à toyens que l'on avait députés pour les racheter.
notre patrie, parce que nous aurons été rachetés, Reviendrai-jedans ma patrie, moi citoyen, estimé
et rendus à notre patrie par votre bienfait. Vous au dessous de trois cents écus? Chacun a sa façon
faites une levée dans tous les âges et dans toutes de sentir, Pères conscrits. Je sais que ma liberté et
les conditions on m'a dit que vous armiez huit ma vie sont en danger. Mais le péril de ma répu-
mille esclaves. Notre nombre n'est pas moindre, tation me touche davantage, s'il est décidé que
et notre rançon ne coûtera pas plus que l'achat de nous devons partir condamnes et repoussés par
ces derniers: du reste, si je les comparais avec vous; car jamais on ne croira que vous ayez été
nous, je ferais injure au nom romain. Je pense déterminés par une raison d'économie. »
aussi que dans cette affaire vous devez considé- LX. Dès qu'il eut fini de parler, la foule qui
rer, Pères conscrits (si toutefois vous penchez était dans le Comitium fit entendre aussitôt ses
pour une rigueur que nous n'avons nullement sanglots et ses cris; tous, les mains étendues vers
méritée), à quel ennemi vous allez nous livrer. le sénat, priaient qu'on leur rendit des enfants,
Sera-ce à un Pyrrhus qui traita nos prisonniers des frères, des parents. Les femmes aussi avaient
comme des hûtes; ou à un barbare, à un Cartha- été poussées par la crainte et l'intérêt sur la place
ginois, en qui la cruauté le dispute à l'avarice? Si publique au milieu de cette multitude d'hommes.
vous voyiez les chaînes, la saleté, le dépérissement Le sénat ayant fait retirer le public, commença la
de vos concitoyens certes cet aspect ne vous délibération. Comme les avis étaient pai tagés,
toucherait pas moins que si, d'autre part, vons que les uns proposaient de racheter les prison-
aviez sous les yeux vos légious couchées dans niers aux frais du trésor public, et les autres de ne
les plaines de Cannes. Vous pouvez voir l'inquié- faire aucune dépense publique, mais de permettre
tude et les larmes de nos parents qui sont aux à chacun de se racheter de ses propres deniers; et,

tiaud equidem ullius civis et commilitonis fortune aut riæ stantium cognatorum nostrorum, eispectantiumque
conditiom invideo, nec premendo alium me extulisse responsum vestrum. Quum ii pro nobis proque ils, qui
velim ne illi quidem (nisi pernicitatis pedum et cursus absout, ita suspensi ac solliciti siut; quem censetis am-
aliquod præmium est), qui plerique inermes ex acie fu- mum ipsorum esse, quorum in discrimine vita liberlas-
gientes non prius, quam Venusiæ aut Canusii, constite- que est? Si, me dius fidins, ipse in nos mitis Annibal
runt, te nobis merito prætuleriut, gloriatique sint, in se contra naturam suam esse veht, uilnl tamen nobis vita
plus, quam in nobis, præsidii reipublicæ esse. Sed illis opus esse censeamus, quum indigni ut a vobis redime-
et bouts et forubus militibus utemini et nobis etiam remur, visi simus. Rediere tiomam quondam remissi a
prompt oribus pro patria quod beneficiovestro redem- PSrrho sine pretio capti; sed rediere cum legatis, pri-
pli atque in pairiam restituti fuerimus. Delectumex omni moribus civitatis, ad redimendos sese missis: redeam
ætate et tortuna habetis octo milia servorum audio ar- ego in patriam trecentis nummis non æstimatus civis ?
mari, Non minor numerus uoster est, nec majore pretio Suum quisque habet ammum, Patres conscripti. Scio in
reduui possumus, quam hi emuntur. Nam si conferam discrimine esse vitam corpusyue meum. Magis me famæ
nos cum illis, injuriam nomiui romano faciam. Illud periculum n ovet, ne a vobis damnati ac repulsi abea-
etiam in tali consilio ammadvertendum vobis censeam, mus:neque enim vos pretio pepercissehomines credent.»
Patres conscripti (si tamen duriores esse velitis, quod LX. Ubi is finem fecit, extemplo ab ea turba, qum in
nulle nostru merito faciatis), cui nos hosti reticturi sitis. comitio erat, clamor flebilis est sublatus, manusque ad
I'yrrho videlicet, qui nos hospitum numéro hablIIt ca- Curiam tendebant orantes, ut sihi liberos, fratres, co-
ptivos, an barbaro ac Pœno, qui utrum avarior, an cru- gnatos redderent. Feminas quoque metus ac necessitas
delior sit, vii existimari potest. Si videatis catenas, in foro turha huie virorum immiscuerat. Senatus, sum-
cqualorem, deformitatem civium vestrorum, non minus motis arbilris, consuli cœptus. Ibi quum sententris va-
profecto vos ea species moveat quam si ex altera parte riare'ur, et ahi redimendos de publico, alii nullam pu-
ceruatis stratas Cannensibus campia legiones vestras. In- blice impensam fariendam, uec prohibendos ex privatu
fueri potestissollicitudinem et lacrimas in vestibule Cu- redimi; si quibus argentumin præsentia deesset, dandam
si quelques-uns manquaientalors d'argellt, de leur plus épais bataillons, ils n'ont osé ni tenter eux-
en prêter sur le trésor public, en exigeant des cau- mêmes un effort, ni suivre l'exemple d'un autre.
tions et des hypothèques, T. Manlius Torquatus, Pendant presque toute la nuit, Sempronius Tudi-
homme d'une rigidité antique et même excessive tanus ne cessa de leur conseiller, de les presser,
aux yeux du plus grand nombre, invité à dire son tandis que les ennemis se trouvaient en petit nom-
opinion, s'exprima, dit-on, en ces termes « Si bre autour du camp, que tout était dans le repos et
les députés s'étaient bornés à demander le rachat le silence, que la nuit couvriraitleur entreprise, de
de ceux qui sont au pouvoir des ennemis, j'aurais marcheravec lui avant le jour ils pouvaient gagner
sans les attaquer aucunement, en peu de mots des lieux sûrs, des villes alliées. II cita les exem-
énoncé mon avis. Qu'aurait-il en effet fallu vous ples de nos aïeux, etDécius tribun des soldats dans
dire autre chose que de maintenir, par un exemple le Samnium; et, du temps de notre jeunesse, dans
nécessaire à la discipline militaire, les coutumes la première guerre punique, Calpurnius Flamma,
transmises par vos ancêtres? Mais puisqu'ils se qui, marchant avec trois cents volontaires, pour
sont presque glorifiés de s'être rendus aux enne- s'emparer d'une hauteur située au milieu des en-
mis, et qu'ils ont trouvé juste de se préférer non- nemis, leur dit « Mourons, soldats, et, par notre
seulement à ceux qui n'ont pas été pris dans le mort, délivrons nos légions assiégées. » Si Sempro-
combat, mais même à ceux qui se sont réfugiés à nius vous eût adressé ces paroles, et que personne
Venouseet à Canouse, et au consul Térentius lui- n'eût répondu à un si noble courage, il ne vous
même, je dois, Pères conscrits, ne vous laisser eût regardé ni comme des hommes ni comme des
rien ignorer de ce qui s'est passé. Et plût aux Romains. Mais il vous montre à la fois le chemin
dieux que ce que je vais vous dire fût dit à Canouse du salut et de la gloire; il vous ramène dans votre
en présence de l'armée elle-même, qui est le meil- patrie, vers vos parents, vos femmes, vos en-
leur témoin de la valeur et de la lâcheté de cha- fants et, pour vous sauver vous-mêmes, le cou-
cun ou du moins que nous eussions ici Sempro- rage vous manque 1 Que feriez-vous donc, s'il fal-
uius, dont ceux qui vous implorent auraient dû lait mourir pour la patrie? Cinquante mille ci-
suivre le courage, car ils seraient aujourd'hui toyens ou alliés sont tombés autour de vous dans
dans le camp des Romains et non pas prisonniers cette journée. Si tant d'exemples de courage ne
dans celui des ennemis 1 Mais les ennemis étant vous touchent pas, rien ne vous touchera jamais;
fatigués du combat, et dans l'ivresse de la vic- si tant de morts ne vous ont pas donné le mépris
toire, eux-mêmes étant pour la plupart rentrés de la vie, rien ne vous le donnera. Libre, jouis-
dans leur camp, lorsqu'ils avaient toute la nuit sant de tous ses droits, on peut regretter la pa-
pour s'échapper, lorsque sept mille hommes ar- trie on peut la regretter, tant que celte patrie
més pouvaient se faire jour au travers même des subsiste, tant qu'on est citoyen mais vous la re-

ci aerario pecuniam mutuam prædibusque ac prædiis fertos hostes potuissent; neque per se ipsi id facere co-
cavendum populo, censerent tum T. Manlius Torqua- nati sunt, neque alium sequi voluerunt.hocte prope tota
tus, priscæ ac nimis duras, ut plerisque videbatur, seve- P. Sempronius Tuditanus non destitit monere, adhortari
ritatis interrogatus sententiam, ita locutus fertur Si eos, dum paucitas hostium circa castra, dum quies ac
tantummodo postulassent legati pro iis, qui in hostium silentium esset, dum nox inceptum tegeret, se ducem
potestate sunt, ut redimerentur, sine ulluis insectatione sequerentur ante lucem pervenire in tuta loca in so-
eorum, brevi sententiam peregissem. Quid enim aliud ciorum urbes posse. Sicut avorum memoria P. Decius
quam admonendi essetis ut morem traditum a patribus, tribunus militum in Samuio sicut, nobis adolescentilius,
necessario ad rem militarem exemplo, servaretis? Nunc priore punico bello Calpurnius Flamma trecentis volun-
autem quam prope gloriati sint, quod se hostibus dedi- tariis, quum ad tmnulum eos capiendum, situm inter
derint, præferrique non captis modo in acie ab hostibus, medios bostes, duceret, dixit Moriamur, milites, et
sed etiam iis, qui Venusiam Canusiumque pervenerunt, morte nostra eripiamus ei obsidione circumventas legio-
atque ipsi C. Terentio consuli, asquum censuerint; nihil nea Si boc P. Sempronius diceret; nec viros quidem,
vos corum Patres conscripti yuae illic acta sunt igno- nec Romanos vos duceret, si nemo tantæ virtutis exsti-
rare patiar. Atque utinam hæc quæ apud vos acturus tisset cornes. Viam non ad gloriam magis, quam ad sa-
sum Canusii apud ipsum exercitum agerem, optimum lutem ferentem demonstrat reduces in patriam ad pa-
lestem ignaviæ cujnsque et virtutis aut unus hic saltem rentes, ad conjuges ac liberos facit. Ut servemini deest
adesset P. Sempronius, quem si isti ducem secuti essent, vobis animus ? quid, si moriendum pro patria esset, fa-
milites bodie in castris romanis, non captivi in hostium ceretis ? quinquagiuta millia civium sociorumque circa
pnestate essent. Sed quum, fessis pugnando hoslibus, vos eo ipso die ca sa jacent. Si tot exempla virtutis non
tum victoria lætis et ipsis plerisque regressis in castra movent, nihil unquain movebit si tanla clades vilem vi
s:a, noctem ad erumpendum liberam habuissent, et se- tam non fecit, nulla faciet. Liberi atque incolumes deai-
ptem armatorum homiuum millia perrumpere etidmcot- derate patriam imo dcsiderate, dum patria est. duos
grettez trop tard, vous, frappés de mort civile; berté, à la gloire que ces derniers ont conquises
vous, qui avez aliéné vos droits de citoyens; vous, par leur valeur, lorsqu'ils ont la conscience que
qui êtes devenus esclaves des Carthaginois. L'ar- leur crainte et leur lâcheté sont la cause de leur
gent vous rendra-t-il jamais ce que vous avez ignominieux esclavage? Ils ont mieux aimé atten-
perdu par bassesse et par lâclreté? Vous n'avez dre, cachés dans leurs tentes, le soleil et l'en-
pas écouté Sempronius, votre concitoyen, lors- nemi, tandis que le silence de la nuit leur of-
qu'il vous commandait de prendre vos armes et frait l'occasion de s'échapper. Mais peut-être que
de le suivre; mais bientôt après vous avez le courage ne leur a manqué que pour sortir du
écouté Annibal, vous ordonnant de livrer votre camp, et qu'ils en ont eu pour le défendre; peut-
camp et vos armes. Encore n'accusé-je que la lâ- être qu'assiégés pendant plusieurs jours et plu-
cheté de ces hommes, quand je pourrais les ac- sieurs nuits, ils ont protège leurs retranchements
cuser de crime. Non seulement ils ont refusé par leurs armes, et leurs personnes par leurs re-
de suivre celui qui leur donnait un bon conseil; tranchements peut-être enfin qu'après les der-
ils ont même tenté de l'arrêter et de le retenir; niers efforts de courage et de patience, quand
mais les lâches se sont écartés devant l'épée des toutes les ressources de la vie leur ont manqué,
braves. Ainsi Sempronius a dû se faire jour à tra- que leurs forces, épuisées par la faim, ne leur per-
vers ses concitoyens avant de percer les ennemis. mettaient plus de soutenir leurs armes, ils ont été
Et la patrie regretterait de tels citoyens? Si les au- vaincus par la nécessité plutôt que par le fer?
tres leur eussent ressemblé, elle ne conserverait Au lever du soleil, l'ennemi s'approcha de leurs
pas aujourd'hui un seul de ceux qui combattirent lignes; et, avant la seconde heure, sans avoir
à Cannes. Sur sept mille hommes, il s'en est tenté la chance d'un combat, ils se sont livrés eux
trouvé six cents qui ont eu le courage de passerau et leurs armes. Voilà quel fut leur service pendant
milieu des Carthaginois et de revenir dans leur deux jours: lorsqu'ils devaient rester et combattre
patrie libres et nantis de leurs armes; quarante sur le champ de bataille, ils se sont sauvés dans
mille ennemis n'ont pu les arrêter. Combien le leur camp; lorsqu'il fallait combattre pour le dé-
chemin n'eût-il pas été plus facile pour deux lé- fendre, ils l'ont livré, aussi lâches derrière les
gions presque entières 1 Vous auriez aujourd'hui retranchements que sur le champ de bataille. Et
à Canouse, Pères conscrits, vingt mille combat- je vous rachèterais! Quand il faut sortir du camp,
tants braves et fidèles. Mais comment ceux-ci vous hésitez et vous restez; quand il faut y rester
pourraicnt-ilsêtre de bons et fidèles citoyens (car et le défendre les armes à la main, vous livrez à
pour braves, eux-mêmes n'ont point osé le dire) l'ennemi le camp, vos armes, vos personnes! Mon
à moins qu'on ne prétende qu'ils l'out été en s'op- avis est donc, Pères conscrits, que nous ne de-
posant à la sortie des compagnons de Sempro- vons pas plus racheter ces prisonuiers, que livrer
uius, ou qu'ils ne porteront point envie à la li- à Annibal les braves qui se sont échappés de leur

cives ejus estis. Sero nunc desideratis, diminuti capite, fuisse, ut erumpentibus, quin erumperent, obsistere
abalienati jure civium, servi Carthaginiensium facti. conati sunt aut non invidere eos quum incolumilati
Pretio redituri estis eo, unde iguavia ac nequitia abistis? tum gloriæ illorum per virtutem partae, quum sibi timu-
P. Sempromum civem vestrum non audistis, arma ca- rem ignaviamque servilutis ignominiosæ causam esse
pere ac sequi se jubentem Annibalem post paullo au- sciant. Maluerunt in teutorüs latentes simul lucem atque
distis, castra prodi et arma tradi jubentem. Quam ego hostem exspectare, quum sileutio noctis erumpendi oc-
ignaviam istorum accuso quum sceius possim accusare? casio esset. At enim ad erumpendum e casiris defuit am-
Non enim modo sequi recusarunt bene monentem sed mus; ad tutanda fortiter castra animum babuerunt. Dieu
obsistere ac retinere conati sunt, m strictis gladiis viri noctesque aliquot obsessi, vallum armis, se ipsi tutati
fortissimi ioertessummovissent. Prius, inquam, P. Sem- vallo sunt tandem ultima ausi passique quum omma
pronio per civium agmen, quam per hostium, fuit erum- subsidia vitæ abessent, affecusque fame viribus, arma
pendum. IIos cives patria desideret? quorum si ceteri jam sustiuere nequirent, necessitatibus magis humams,
similes fussent, neminem hodie ex iis, qui ad Cannas quant armis, victi sunt. Orto sule bostis ad vallum acces-
pugnaterunt, civem haberet. Ex millibus septem arma- sit ante secundam horam nullam fortuuam certamiutt
torum sexcenti exstiterunt, qui erumpere auderent, qui experli, tradideruntarma ac seipsos. Ha'c vobis ipsorum
in palriam liberi alque armati redirent neque iis qua- per biduum militia fuit. Quum in acie stare ac pugnare
dragmta millia hostium obstitere. Quam tutum iter dua- decuerat, tum in castra refugeruut quum pro vallo pu-
rum propo legionum aginiui futurum censetis fuisse? gnandum erat, castra tradiderunt, neque iu acie neque
Haberetis hodie viginti millia armatorum Cauusii, for- in castris utiles. Vos redimam? quum erumpere castris
lia, fidelia, Patres conscripti. Nunc autem quemad- oportet, cunctamini ac manetis quum manere, castra
modum hi honi fldelesque ( nam fortes ne ipsi quidcm tutari armis necesse est, et castra et arma et vos ipso*
dixermt) c:ves esse possunt? nisi qms credere potest traditis tiosti! Ego non magis istos redimendos,Patres
1.
camp à travers les ennemis, et, par une héroïque prisonniers, et le sénat aurait rejeté la
valeur, se sont conservés à leur patrie. » lion. Les trois nouveaux députés seraient reti,iii,-
LXI. Après que Manlius eut parlé, quoique la nés auprès d'Anuibal, et les dix anciens seraieat
plupart des sénateurs tinssent aux prisonniers restés, parce qu'étant revenus dans le camp après
par les liens du sang, ils furent entraînés par leur départ sous prétexte de prendre les noms des
les souvenirs de l'antique sévérité de liome à l'é- prisonniers, ils se croyaient dégagés de leur ser-
gard des prisonniers, et surtout par la question ment le sénat aurait vivement discuté leur resti-
d'argent; car, une forte somme ayant été déjà dé- tution, et la négative n'aurait passé qu'à très-peu
pensée pour l'achat et l'armement des esclaves, de voix; du reste, sous les censeurs suivants, ils
ils ne voulaient ni épuiser le trésor, ni procurer à auraient subi tant de marques d'infamie, que lea
Annibal la ressource dont on savait qu'il manquait uns se seraient donné la mort, et les autres n'au-
le plus. Lorsque cette triste décision que les pri- raient plus paru du reste de leur vie, nou-seu-
sonniers ne seraient point rachetés fut connue, et lement au lorum, mais même en public et au
que le deuil fut augmenté par cette nouvelle perte grand jour. Quant à cette opposition entre les an-
de tant de citoyens, le peuple accompagna les dé- nalistes, il y a plus sujet d'en être surpris qu'il
putés jusqu'aux portes de la ville avec des larmes n'est facile d'y démêler la vérité. Du reste, ce
et des sanglots. Un seul de ces députés se retira qui montre combien cette défaite l'emporta sur
chez lui, comme si par un retour feint dans le les défaites antérieures, c'est que ceux de nos al-
camp il se fût délié de son serment. Le fait dé- liés, qui jusqu'à ce jour étaient restés fidèles,
couvert et rapporté au sénat, tous les sénateurs commencèrent alors à chanceler par cela seul,
furent d'avis de l'arrê,er et de le ramener au sans contredit, qu'ils désespéraient de l'empire.
camp d'Annibal par des gardes choisis à cet effet. Les peuples qui passèrent du côté des Carthaginois
11 existe uu autre récit sur les prisonniers, d a- lurent les Atellans, les Calatins, les Hirpiniens,
près lequel dix députés seraient venus d'abord et, une partie des Apuliens, les Samnites,à l'exception
comme le sénat était incertain s'il devait les rece- des Pentriens, tous les Bruttiens, les Lucaniens;
voir ou non dans la ville, on les aurait admis, de plus, les Surrentins et presque toute la grande
mais sans leur donner audience dans le sénat. Grèce, les Tarentins, les Métapontins, les Crotouia-
Ceux-ci étant restés trop longtemps au gré de leurs tes, le, Locriens et tous les Gaulois Cisalpins.
compagnons de captivité, trois autres seraient ar- Toutefois tant de défaites aggravées par la défec-
rivés, L. Scribonius. C. Calpuruius,et L. Manlius. tion desalliés ne purent réduire les Romainsà par-
Alors enfin un tribun du peuple, parent de Scri- ler de paix, ni avant l'arrivée du consul à Rome,
bonius, aurait fait un rapport sur le rachat des ni lorsqu'il reparut et renouvela le souvenir de la

conscripti, censeo, quam illos dedendos Annibali, qui latum esse nec censuisse redimendos senatum et nov 08
per medios bostes e castris eruperunt, ac per summam legatos tres ad Annibalem revertrsse, decem veteres re-
virtutem se patriæ restituerunt. » mausisse quod per causam recognoscendi uomina ca-
LXI. Postquam blanlius dixit, quanquam Patrum quo- ptivorum ad Annibalcm ex itinereregressi, religione sese
que plerosque captivi cdgnatione attingebant, præter exsolvissent de iis dedendis magna conteatione actum
exemplum civitatis minime in captivos jam inde antiqui- in senatu esse: victosque paucis sententiis, qui dedendos
tus indulgentis, pecuniæ quoquesummabomines movit: ceusuerint. Ceterum proximis censoribus adeo omnibus
quia nec ærarium exhaurire, magna jam summa ero- notis ignominiisque confectos esse, ut quidam eornm
pata iu servos ad müitiam emendos arnmndosque, nec mortem sibi ipsi extemplo consciverint ceteri non foro
Annibalem maxime hujusce rei, ut fama erat, egentem solum omni deinde vite, sed prope luce ac publico. ca-
locupletari volebant. Quum triste responsum non re- ruerint. Mirari magis, adeo discrepare inter auctons;
dind captivos » reddttum esset nuvusque super vete- qunm quid veri sit, discerncre queas. Quanto autem
rem Inctus tut jactura civium adjectus esset, cum magnis major ea clades superioribus cladibus fuerit, vel ea res
IIetibus questibusque legatos ad portam prosecuti sunt. indicio est, quod, qui sociorum ad eam diem firmi stc-
Unus ex iis domum abirt, quod tallaci reditu in castra terant, tum labare cœperunt, nulla profecto alia de.re,
jurejurando se exsolvisset. Quod ubi iunotuit, relatum- quam quod desperaverant de imperio. Defecere autem
que ad senatum est, omnes censuerunt comprehenden- ad Pœnos bi populi Atellani, Calatini, Hirpini, Apiilo-
dum et custodibus pubtioe datis deducendum ad Anni- rum pars, Samnites praeterPentros, Bruttii omnes, Lu,
balem esse. Est et alla de captivis fama, decem primos cani praeter hos Surrentini et Græcorum omnis ferme
génisse de iis quum dubitatnm in senatu esset, admit- ora Tareutini Metapontini, Crotonienses, Loerique,
terentur in urbem, uec ne; ita admissos esse, ne tamen et Cisalpini omnes Galli. Nec tamen hæ elades defectio-
iis senatus daretur. Morantibus deiude longius omnium nesque sociorum moverunt, ut pacis unquam mentio
ope, alios très insuper legatos venisse, L. Scriboninm, apud Romanos fieret; neque ante consulis Romam ad-
et C. Calpuruium et L. hlanlium. Tum démuni ab co- ventum, nec postquam is rediit reoovavilque memo-
Quato Scribonii tribuno plebis de redimendis captivis re- riam acceptx cladis. Quo in tempore ipso adeo mæuo
dernière défaile. Et môme dans cette conjoncture, pressement au-devant de lui, et lui rendirent des
Rome montra tant de grandeur d'âme, qu'au re- actions de grâces de ce qu'il n'avait pas désespéré
tour du consul, qui avait été la principale cause de la république général des Carthaginois, il
du désastre, tous les ordres se portèrent avec em- n'y a point de supplice qu'on lui eût épargné.

xnimo civitas fuit, ut consuli, ex tanta clade, cujus ipse de republica non desperasset: cui, si Carthaginiensium
causa maiima fuisset, redeunti, et obviam itum fre ductor fuisset, nihil recusandum supplicü foret.
quenter ah omnibus ordinibus sit, et gratiæ aclæ, quod
LIVRE VINGT-TROISIÈME.

SOMMAIRE. Révolte des Campaoiens en faveur d'Annibal. Envoyéà Carthage pour y porter la nouvelle du
triomphe de Caunes, Magon répand au milieu du vestibule du sénat les auneaux d'or arrachés aux doigts des
Romains tués dans l'action il y en avait, dit-on, plus d'un boisseau. A cette nouvelle Hannon, l'un des ci-
toyens les plus distingués de Carthage, conseille au sénat de celte ville de demander la paix aux Romaias; mais
son avis est rejeté par suite de la vite opposition de la faction barcine. Le preteur Claudius Marcellus attaqué
dans Nola par Annibal, fait une sortie où il remporte l'avantage.-L'arméecarthaginoise, qui a pris ses quartiers
d'hiver à Capoue, s'énerve dans les delici a et perd à la fois l'énergie de l'àme et celle du corps. Casilioum
assiégé par les Carthaginois, et en proie à la famine, est réduit à manger les peaux, les cuirs arrachés aux bou-
cliers, et jusqu'aux rats des noix, que les Romains ont jetées dans le Vulturne, servent de nourriture aux h;ibi-
tants. Le nombre des sénateurs complété par l'admission de cent quatre-vingtdit-sept chevaliers.Le préteur
L. Postumius est vaincu et tué par les Gaulois avec son armée. Les deux Scipion, Cneius et Publius battent
Asdrubal en Espagne, et soumettent cette province.Les soldats, débris de la déroute de Cannes, sont relégues eu
Sicile, avec ordre d'y servir jusqu'à la fin de la guerre. Traité d'alliance entre Philippe, roi de Macédoine, et
Annibal. Le consul Sempronius Gracchus tail:e en pieccs les Campaniens. Heureux succès du preteur
T. Manlius. en Sardaigne, contre les Carthaginois et les Sardes.Asdrubal,geuéral en chef; Magon et Hannon,
faits prisonniers. Le préteur Claudius Marcellus défait l'armée d'Annibal et la met en fuite près de lrola; le
premier il rend quelque espoir aux Romains dans une guerre marquee par tant de désastrex.

1. Annibal après la bataille de Cannes, avait la soumission de celles des villes de ce pays qui
pris et pillé le camp des Romains, et s'était porté abandonneraient la cause de Rome, et de forcer
sans retard de l'Apulie dans le Samnium il celles qui s'y refuseraient. Lui-même il traverse
était appelé chez les Hirpiniens par Statius qui lui le territoire campanien, et se dirige vers la mer
promettait de lui livrer Compsa. Trébius Statius inférieure, dans l'intention d'assiéger Naples pour
était un des citoyens les plus distingués de Compsa; s'assurer d'une ville maritime. Sitôt qu'il eut fran-
mais il était forcé de plier devant la faction des chi la frontière napolitaine, il plaça une partie de
Mopsiens, famille puissante par la faveur des Ro- ses Numides en embuscade aux endroits qui lui
mains. A la nouvelle de la bataille de Cannes, au semblaient s'y prêter le plus, ce pays étant rem
bruit de l'arrivée d'Annibal, que répandait par- pli de chemins creux et de défilés impénétrables.
tout Trébius, les Mopsiens étaient sortisdela ville. Il ordonne à d'autres de chasser devant eux, avec
Compsa se rendit donc sans résistance aux Cartha- affectation, les bestiaux qu'ils ont enlevés dans la
ginois, et reçut une garnison. Annibal y laisse campagne, et de pousser leurs chevaux jusqu'aux
tout son butin et tous ses bagages, et, divisant son portes de la ville. En les voyant ainsi peu nom-
armée en deux corps, il charge Magon de recevoir breux et tout en désordre, une troupe de cava-

LIBER VICESIMUS TERTIUS. dimentis relictis, exercitu partito, Magonem regionis


ejus urbes aut déficientes ab Romanis accipere aut de-
Castris Annibalpost Cannensem pugnam captis ac dire- trectantes cogère ad defectionem jubet ipse per agrum
ptis, confestim ex Apulia in Samnium moverat accilas Campanum mare inferum petit, oppugnaturusNeapo-
in Hirpiuos a Statio, poilicente se Compsam traditurum. lim, ut urbem maritimam haberet. Ubi fines Neapolita-
Compsanus erat Trebius nobilis inter suos sed premebat norutu intravit, Numidas partim in insidiis (et pleræque
eum Mopsiorumfactio, familiæ per gratiam Romanorum cavæ sunt vise, sinusque occulti), quacunqueapte poterat,
potentis. Post famam Cannensis pugnæ, vulgatumque disposuit altos prae se actaro prasdam ex agris oaten-
Trehii sermonibus adventum Annibalis, quum Mopsiani tantes, obequitare portis jussit. la quos, quia nec multi,
urbem eicessissent; sine certamine tradita urbs Pœuo, et incompositi videbantur, quum turma equitum erupis-
præsidiumoue acceotum est. Ibi præda omni atque impe- set, aU cedentihus consulto tracta m iustdias, circumdata
liers fait une sortie; les Numides, reculant exprès tence possible pour une ville privée d un eonseil
devant eux, les attirent dans l'embuscade où ils public. Il imagina donc un moyen de conserver le
sont entourés; et pas un n'eût échappé si le sénat et d'en faire en même temps l'esclave de ses
voisinage de la mer et de quelques barques, volontés et de celles du peuple. Il convoqua les sé-
pour la plupart destinées à la pêche, qu'ils aper- nateurs, et commença par déclarer qu'une ré-
cevaient assez près du rivage, n'eût offert un re- volte contre Rome n'aurait son approbation qu'au-
fuge à ceux qui savaient nager. Quelques jeunes tant qu'elle serait nécessaire « qu'il avait en effet
gens de distinction furent faits prisonniers ou tués, des enfants de la fille d'Ap. Claudius, et que sa
entre autres Hégéas, le chef de ces cavaliers, propre fille était mariée à Rome avec Livius;
qui périt en poursuivant avec trop d'ardeur les mais qu'un malheur bien autrement terrible les
fuyards. Quant au siège de la ville, Annibal y re- menaçait; que le peuple ne pensait pas à se révol-
nonça, à la vue de ces murailles qu'il lui eût ter pour ôter le pouvoir au sénat, mais à le mas-
été trop difficile d'emporter d'assaut. sacrer et à livrer à Annibal et aux Carthaginois
Il. Il dirigea alors sa marche sur Capoue, ville une ville sans gouvernement;qu'il peut cependant
énervée par une longue prospérité, par les faveurs les sauver de ce péril s'ils veulent s'abandonnerà
do la fortune, mais surtout par la licence du peu- lui, et, oubliant tout débat politique, ajouter foi à
ple, qui, au milieu de la corruption générale, sa parole. o Vaincus par la crainte, ils consentent
jouissait d'une liberté sans frein. Pacuvius Cala- tous. « Je vous enfermerai dans la curie, dit alors
vius avait asservi le sénat à scs volontés et à celles Pacuvius, et comme si moi-même je prenais part
du peuple. Noble à la fois et populaire, c'était du au complot, en donnant mon approbation à uu
reste à de mauvais moyens qu'il devait sa puis- crime auquel je m'opposerais en vain, je trou-
sance. Or, il se trouvait premier magistrat de la verai moyen de vous sauver. Vous recevrez do
ville, l'année même où les Romains furent vaincus moi toutesles garantiesquevous voudrez.»Ayant
auprès du Trasimène. Il savait bien que le peuple, ainsi engagé sa parole, il fait fermer la curie,
depuis longtemps déjà ennemi du sénat, saisirait et laisse dans le vestibule une garde qui ne doit
cette occasion de faire une révolution, et que, si laisser entrer ni sortir personne sans un ordre.
Annibal se présentait à la tête d'une armée victo- IIf. Il convoque alors une assembléedu peuple.
rieuse, il ne reculerait pas devant un grand crime, « Campaniens, dit-il, vous avez souvent désiré
et massacrerait les sénateurs pour livrer Capoue de pouvoir punir cet infâme et détestable sénat;
aux Carthaginois. Pacuvius était un homme mé- vous le pouvez aujourd'hui, sans obstacle ni dan-
chant, mais non pas complétement perdu de sens; ger, sans avoir à courir les périls d'une émeute
il aimait mieux exercer sa puissance sur Capoue où il vous faudrait emporter d'assaut chacune do
que sur ses ruines, et il savait qu'iln'est pas d'exis- leurs maisons défendues par une garnison de

est nec evasisset quisquam ni mare propinqnum et lium placiturum nullo modo, nisi necessarium fuisset,
haud procul litore naves, piscatoriæ pleræque, conspectoe præfatus esset; quippe qui liberos ex Ap. Claudii filia
peritis nandi dedissent effugium. Aliquot tamen eo præ- haberet, (ilianiqueRomam nuptum Livio dedisset; cete-
lio nobiles juvenes capti cæsique sunt inter quos et rum majorem molto rem magisque timendam instante;
Hegeas proefectus equitum, intemperantius cedentes se- non enim per defectionemad tollendum ex civitate sena-
cutus, cecidit. Ab urbe oppugnanda Pœnum absterruere tum plebem spectare, sed per cxdem senatus varuam
conspecta mœma, haudquaquam prompta oppugnanti. rempublicam tradere Annibali ac Poenis velle eo se pe-
II. Inde Capuam flectit iter, luxuriautem longa felici- riculo posse liberare eos, si se permittant sibi, et, cer-
tate atque indulgenlia forlunm maxime tamen, inter taminum in republica obliti, credant » qunm onmcs
corrupta omnia, licentia plebis siue modo libertatem victi metu permitterent; Claudam in curia vos, inquit,
exercentis. Seuatum et sibi et plebi obnoxium Pacuvius et, tanquam et ipse cogilati facinoris particeps, appro-
Calavius fecerat; nobilis idem ac popularis homo, cete- baudo consilia, quibus nequicquam adversarer, viam sa-
rum matis artibus nactus opes. Is quum eo forte anno, luii vestræ inveniam.In hoc fidem,quam vultis ipsi,
quo res male gesta ad Trasimenum est, in summo ma- accipite. Fide data egressus, claudicurismjubet,præ-
gistratu esset, Jam diu infestam senatui plebem, ratus, sidiumque in vestibulo reliquit; ne quis adiré curiam in-
per occasiouem novandi res magumn ausuram facinus jussu suo, neve inde egredi possit.
ut si ea loca Annibal cum victore exercitu venisset, tru- III. Tunc vocato ad concioneni populo « Quod sa'pe,
cidato senatu traderet Capuam Pœnis; improbus homo, iuquit, oytastis Campani, ut suppliciisumendi vobis ex
sed non ad extremum perditus, quum mallet incolumi, improbo ac delestabili senatu potestas esset; eam nuuc,
quam eversa republica dominari nullam autem incolu- non per tumultum expugnantes domos singulorum quas
mem esse orbatam publicoconsilio crederet, rationem ioiit, præsidiis clientium servorumque tuentur, cum summo
qua et senatum servaret, et obnoxium sibi ac plebi faceret. vestro periculo, sed tutam habetis ae liberam. Clausos
N ocato senatu, quum, sibi defectionisab Romanis consi- omnes in curiam accipite, solos, inermes nec quioquam
clients et d'esclaves. Je vous les livre tous enfer- qu'ils ne le connaissaient pas, les autres lui repro-
més dans la curie, seuls, sans armes; et vous chaient ses actions déshonorantes, sa basse coudi-
n aurez pas à agir avec précipitation et au hasard. tion, sa honteuse pauvreté, son métier, ses gains
Je vous donnerai le droit de prononcer sur le sort infâmes. La scène se renouvela avec bien plus de
de chacun d'eux, afin que chacun subisse le violence quand on eut cité un second et un troi-
supplice qu'il aura mérité. Mais avant tout, il ne sième sénateur; il était bien évident qu'on n'en
faut satisfaire votre colère qu'à condition de lui voulait plus, mais il ne se trouvait personne que
préférer votre conservation, votre propre intérêt. l'on pût élire à leur place. On ne pouvait propo-
Vous détestez ces sénateurs, mais vous ne voulez ser ceux qui déjà n'avaient été nommés que pour
pas, ce semble, abolir entièrement le sénat; car s'entendre accabler d'injures et quant aux au-
il vous faut ou un roi, pensée abominable 1 ou tres, ils étaient bien plus méprisables, bien plus
un sénat, seul conseil d'un état libre. Vous avez obscurs que ceux dont les noms s'étaient présen-
donc doux choses à faire en même temps dé- tés les premiers. Le peuple se sépara donc, disant
truire l'ancien sénat, et en créer un nouveau. que le mal le mieux connu était le plus suppor-
Je vais faire appeler l'un après l'autre tous les table, et il ordonna que les sénateurs fussent mis
sénateurs; je vous consulterai sur le sort de en liberté.
chacun, et ce que vous prononcerez sera exé- IV, En sauvant la vie aux sénateurs, Pacuvius
cuté. Mais à la place du condamné vous choisirez les avait mis dans sa dépendance bien plus que
un nouveau sénateur, un homme de cœur et de dans celle du peuple. Ainsi, sans violence, et du
bien, avant que le coupable soit livré au sup- consentement de tous, il était maître souverain.
plice. » Il s'assied alors, fait jeter les noms dans Dès lors les sénateurs, laissantde côté tout souvenir
une urne, et le premier dont le sort amène le d'honneur et de liberté, commencèrent à flatter
nom, il ordonne qu'on l'aille chercher dans la cu. les gens du peuple, à les saluer, à les inviter avec
rie et qu'on l'amène devant le peuple. Le nom à bonté, à leur offrir des festins magnifiques. La
peine entendu tous s'écrient que c'est un mé- cause dont ils se chargeaient, le parti qu'ils favo-
chant, un misérable, digne du supplice. Alors risaient, la décision à laquelle ils amenaient les
Pacuvius « Je vois que vous vous êtes prononcés juges, était toujours la plus populaire, la plus
sur son compte. Maintenant, à la place de ce mé- propre à gagner la bienveillance de la multitude.
chant, de ce misérable, nommez un sénateur, Au sénat, rien ne se faisait plus qui n'eût été fait
homme de bien et vertueux. s D'abord il y eut en assemblée du peuple. Portée de tout temps à
un moment de silcnce; on n'en trouvait pas de l'extrême mollesse, non-seulementpar la dépra-
meilleur pour le remplacer. Enfin, quelqu'un vation des esprits, mais encore par l'affluence
s'enhardit à prononcer un nom au hasard et un de voluptés et l'action énervante des délices que
tri bien plus fort s'éleva aussitôt. Les uns disaient lui offraient la terre et la mer, Capoue alors,

raptim aut forte temere egeritis. De singulorum capite nunc bumilitalem sordidamque inopiam, et pudendae
vobis jus sententiæ dicendae faciam ut, yuas quisque me- artis aut quæstus genus, objicerent. Hoc multo magis in
ritus est, pœnas pendat. Sed ante omnia ita vos iræ in- secundo ac tertio citato senatore est factum ut ipsius
dulgere oportet, ut potiorem ira salutem atque utititatem pœnitere homines appareret; quem autem in ejus substi-
vestram habeatis. Etenim hos, ut opinor, odistis senato- tuerent locum déesse quia nec eosdem nominari atti-
res non senatum omnino babere non vultis quippe aut nebat, nihil aliud quam ad audienda probra nominatos,
rex (quod abominandum), aut, quod unum liberæ civi- et multo humiliores obscurioresque ceteri erant iis, qui
talis consilium est, senatus habendus est. Itaque duw res primi memoriæ occurrebant.Ita dilabi homiues, notis-
simul agendæ sunt vobis, ut et veterem senatum tollatis, simum quodque malum maxime tolerabile diceules esse,
et novum cooptetis. Citari singulos senatores jubebo, de jubentesque senatum ex custodia dimitti.
quorum capite vos conaulam. Quod de quoque censue- IV. Hoc modo Pacuvius quum obnoxium vilae beneficio
ritis, flet. Sed prius in ejus locum virum fortem ac stre- senatum multosibimagis, quam plebi, fecisset,sine armis
nuum oovum senatorem cooptabitis,quam de noxio sup- jam omnibusconcedentibus,dominabatur. Hinc senatores
plicium sumatur. » Inde consedit, et nominibus in urnam omissa dignitatis libertatisque memoria plebem adulari,
conjectis, cilari, quod primum sorte nomen eacidit, salutare, bénigne invitare, apparatis accipere epulis, es,
ipsumque e curia prodtici jussit. jJbi auditum est nomen, causas suscipere, et semper parti adesse, secundum eam
malum et improbum pro se quisque clamare, etsupplicio litem judices dare; quæ magis popularis aptiorque in vulgus
dignum. Tum Pacuvius, « Video, quae de hoc senteutia favori couciliando esset. Jam vero nihil in senatu aclum
sit data. Eligite pro malo atque improbo bonum senato- aliter, quam si plebis ibi esset concilium. Prona semper
rem et justum. » Primo titeutimu erat iuopia potioris civitas in luxuriam non ingeniorum modo vitio sed af-
subjiciundi deinde, quum aliquis, omissa verecundia fluenti copia voluptatuin et illecebris omnis amœmtatis
quempiam nominasset, multo major e:templo clamor maritimæ terrestrisque; tum vero ita obsequio princi-
qriebatur, quum alii uegarent uusse, alii nunc probra, pum et licentia plebei lascivire lit nec libidini nec sum-
grâce à la bassesse complaisante des premiers ci- nez de parler comme le font des alliés,
en nous
toyens, à la licence de la populace, s'abandonnait engageant à vous demander ce qu'il nous fallait
avec une telle fureur à tous les excès, qu'il n'y pour la guerre; mais ce n'est pas là le laugago
araitde bornes ni à ses caprices ni à ses dépenses. qui convient dans l'état actuel de nos affaires. Que
A ce mépris des lois, des magistrats, du sénat, nous est-il resté à Cannes, pour que nous deman-
ajoutez le mépris où, après la bataille de Cannes, dions à nos alliés de nous fournir ce qui nous
man-
tomba la puissance romaine, seul frein qu'ils eus- que, comme si nous avions encore quelque chose?
sent respecté jusqu'alors. Il y avait encore un ob- Vous demanderons-nous de l'infanterie comme s'il
s'acle qui les empêcbait de se déclarer sans délai nous restait de la cavalerie? Dirons-nous
que l'ar-
contre Home: c'est que d'anciennes alliances gent nous manque, comme si l'argent seul nous
avaient uni à des famines romaines de nobles et manquait? La fortune ne nous rien laissé,
a pas
puissantes familles de Capoue; outre le lien puis- même des cadres à remplir. Légions, cavalerie,
sant de plusieurs de leurs compatriotes servant armes, enseignes, che\aux et soldats, argent, pro-
dans t'armée romaine et de trois cents cavaliers, visions, nous avons tout perdu dans le combat
les plus nobles de la Campanie, lesquels avaient ou le lendemain, à la prise des deux
camps. Ce
été, par un choix exprès, envolés en garnison qu'il nous faut donc, Gampaniens, ce n'est pas
dans les villes de Sicile. que vous nous aidiez dans cette guerre, c'est près-
V. Leurs parents obtinrent, non sans beaucoup que que vous entrepreniez la guerre à notre place.
de peine, qu'une députation fût envoyée au consul Rappelez-vous comment vos ancêtres, qui ja-
romain. Les députés le trouvèrent à Vénouse, dis, pleins de frayeur derrière leurs murs où ils
(il n'était pas encore parti pour Canousc), ac- avaient été repoussés, tremblaient devant les ar-
compagné de quelques soldats à demi armés, dans mes, je ne dirai pas des Samnites, mais des Sidici-
un état digne de toute la compassiond'alliés fidè- niens, furent reçus sous notre protection; comment
les, mais qui ne devaient qu'exciter le mépris d'al- nous les défendîmesà Saticula, entreprenantainsi
liés orgueilleux et perfides comme l'étaient les pour vous, contre les Samnites, une guerre qui
Campaniens; et ce mépris qu'ils conçurent alors s duré près de cent ans, avec des succès si di-
pour sa position et pour lui-même, leconsul ne Gt vers. Bien plus, vous étiez à notre discrétion et
qu'y ajouter, en ne dissimulant rien, en confes- nous vous avons traités en égaux. Vous avez con-
sant au contraire le désastre dans toute son éten- servé vos lois; et ce qui, avant le désastre de
due. Lorsque les députés lui dirent combien le sé- Cannes, était un bienfait plus grand que tout le
nat et le peuple de Capoue ressentaient vivement reste, nous avons accordé le droit de cité ro-
le mallieur qui accablait les Romains, ajoutant maine à un grand nombre d'entre vous. Considé-
qu'ils subviendraient à tous les besoins de la rez donc cette défaite, Campaniens, comme attei
guerre; « Campaniens, leur répondit-il, vous ve- gnaul également les deux peuples; pensez que

ptibus modua esset. Ad contemptum leguin, magistra- bellum, imperare., quam convenienter ad præsentem
tuum, senatus, accessit tum, post Cannensem cladem, fortunæ nostræ statum locuti estis. Quid enim nobis d
ut, cujus aliqua erat verecuodia, Romanum quoque im- Cannas reliclum est, ut, quasi aliquid habeamus, id,
perium spernerent. Id modo erat in mora, ne extemplo quud deest, expleri ab sociis vclimusP Pedites vobis im-
deficerent, quod connubium vetustum multas familias peremus, tanquam équités habeamus ? Pecuniam deessa
claras ac poteules Rommis miscuerat: et quod, quum dicamus, tanquam ea tantum desit ? Nihil ne quod sup-
mihtarent aliquot apud Romauos, maximum vinculiuu pleremus quidem, nobis reliquit fortuna. Legiones equi-
erant trecenti équités, nobilissimus quisque Campano- tatus, arma, sigua, equi virique pecunia, commeatus,
rum in præsidia Sicularum urbium delecli ab Romanis aut in acie, aut biais postero die amissiscastris perie-
ac missi. runt. Itaque uon juvetis nos in bello oportet, Campaui
V. Ilorum parentes cognatique aegre pervicerunt, ut sed paene bellum pro nohis suscipiatis. Veniat in mentem,
legati ad consulem romanum mitterentur. Ii, nondum ut trepidos quondam majores vestros intra mœnia com-
Cmusium profectum sed Venusioe cum paucis ac se- pulsos, nec samnitem modo hostem sed etiam sidicinum
miermibus consulem inveuerunt, quam poterat maxime paventes, receptos in fldem apud Saticulam defenderi-
miserahilem bonis sociis; superbis atque infidelibus, ut mus, cœptumque propter vos cum Samnihbus bellum
eraut Campani spernendum. Et auxit rerum suarmn per centum prope annos, variante fortuna eventum, tu-
suique contemptum consul nimis detegendo cladem nu- lerimus. Adjicite ad haec, quod fœdus a quum deditis,
dandoque. Nam quum legati, agre ferre senatum popu- quod leges vestras, quod ad extremum (id quod ante
lumque Campauum, adversi quicquamevenisseRomanis, Cannensem certe cladem maximum fuit) civitatem no-
nuntiassent, pollicerenturque omnia, quw ad bellum stram magna; parti vestrum dedimus, communicavimus-
opus essent, Morem magis, inquit, loquendi cum so- que vobiscum. Itaque communem vos hauc cladem quæ
cus servastis, Campaui,jubentes, quæ opus essent ad acœpta est crodere, Campani oportet communem
vous avez à défendre notre commune patrie. Nous toire que les Romains leur ont autrefois ravi in-
n'avons pas affaire aux Samnites et aux Étrusques; justement, mais même de se rendre maîtres de
l'empire qu'ils pourraient nous enlever resterait toute l'ltalie. Qu'en effet 'ils pourraient traiter
du moins en Italie. Le Carthaginois, notre ennemi, avec Annibal aux conditions qu'ils voudraient. La
traîne à sa suite des soldats non pas même afri- guerre une fois terminée, Annibal, vainqueur, se
cains, mais partis des extrémités du monde, de retirerait en Afrique, emmenant avec lui son ar-
l'Océan et des colonnes d'Hercule, sans lois, sans mée, etles laisserait, sans contestation, maîtres de
droits, presque sanslangage humain. Ces soldats, l'Italie. » Tous les députés se rangent à l'avis de
naturellement féroces et sauvages, leur chef les a Virrius. Ils rendent compte de leur ambassade de
rendus plus sauvages encore, en leur faisant éle- manière à faire croire à tous que le nom romain
ver des ponts avec des digues de cadavres ha- est à jamais anéanti. Aussitôt le peuple et la plus
mains amoncelés, et, ce qu'on ne peut dire sans grande partie du sénat ne songent plus qu'à chan-
horreur, en leur apprenant à se repaître de chair ger de parti toutefois, les plus vieux sénateurs
humaine. Ces hommes, nourris de mets infâmes, obtiennent un délai de quelques jours. il fut en-
ces hommes qu'on ne pourrait même toucher sans fin décidé à la majorité que les mêmes députés
horreur, il faudrait les regarder, les considérer 1 qui avaient été envoyés au consul romain seraient
comme nos maîtres t il faudrait demander nos lois envoyés à Annibal. Je lis dans certains auteurs
à l'Afrique, à Carthage, souffrir que l'Italie fût qu'avant le départ de ces députés, et quand il
une province des Numides et des Maures! Est-il n'était pas arrêté encore que l'on dût abandonner
un seul Italien qui puisse y penser sans indigna- les Romains une ambassade fut envoyée à Rome
tion ? Il sera beau, Campaniens, que l'empire pour demander que l'un des deux consuls fût
romain, sur le penchant de sa ruine, ait trouvé choisi parmi les Campaniens; que les secours de
son soutien, son salut, dans votre fidélité, dans Capoue étaient à ce prix. L'indignation fut géné-
votre puissance. La Campanie, je pense, peut le- rale ils reçurent ordre de sortir du sénat; un
ver une armé de trente mille fantassins, et de licteur, chargé de les conduire hors de la ville,
quatre mille cavaliers. L'argent, le blé y sont dut veiller à ce que le même jour ils quittassent
en abondance. Si votre fidélité est égale à votre le territoire romain. Comme les Latins avaient fait
fortune, Annibal ne s'apercevra pas qu'il soit vain- autrefois une demande tout à fait semblable, et
queur, ni les Romains qu'ils aient été vaincus. » que Cœlius et d'autres encore n'en ont rien dit,
VI. Après le discours du consul, les députés se sans doute pour quelque motif, je n'ai pas voulu
retirent et retournent dans leur patrie. Pendant donner ce fait comme certain.
la route, l'un d'eux, Vibius Virrius, leur déclare VII. Les ambassadeurs vinrent trouver Auni-
« que le temps est venu pour les Campaniens, bal, et conclurent la paix avec lui à ces condi-
non seulement de reprendre possession du terri- tions «que nul général ou magistrat carthaginois

patriam tuendam arbitrari esse. Non cum Samaite aut quondam per injuriam ademptum recuperare, sed im-
Elrusco res est, ut, quod a nobis ablatum sit, in Italia perio etiarn Italiæ potiri possint. Fœdus enim cum Anni-
tamen imperium maneat. Pœnus hostis, ne Africæ qui- bale, quibus velint legibus, facturos. Neque controver-
dem indigenam, ab ultimis terrarum oris, freto Qceani siam fore, quin, quum ipse confecto bello Annibalvictor
Herculisque columnis expertem omnis juris et conditio- in Africam decedat, eiercitumque deportet, Italiæ im-
ais et lioguæ prope humanæ, militem trahit. Hune, na- perium Campanis relinquatur.. Ha'c Virrio loquenti as-
tura et moribus immitem ferumque, insuper dux ipse sensi omnes, ita renuntiant legationem, uti deletum om-
efferavit, pontibus ac molibus ex humanorum corpo- nibus videretur nomen romanum. Extemplo plebes ad
rum strue facieodis, et (quod proloqui etiam piget), defectionem ac pars major senatus spectare. Extracta ta-
vesci humanis corporibus docendo. Hos, infandis pastos men, auctoritatibussemorum, per paucos dies est res
epulis, quos contingere etiam nefas sit, videre atque ha- postremo vicit sententia plurium, ut iidem legati, qui ad
bere dominos, et ex Africa et a Carthagine jura petere, consulem romanum ierant, ad Annibalem mitterentur.
et Itali4m Numidarum ac Maurorum pati provinciam Quo priusquam iretur, certumqae defectionis conçilium
esse, cui non, genito modo in Italia, detestabile sit? esset, Romam legatos missos a Campanis, in qmbusdam
Pulchrum erit, Campani, prolapsum clade romana im- annalibus invemo, postulantes,ut aller consul campanus
perium vestra fide vestris viribus retentum ac recupe- fieret, si rem romauam adjavari vellent. Indignati ro
ratum esse. Triginta millia peditum, quatuor equitum orta, summoveria Curia jussosesse missumquelictorem,
arbitrer ex Campania scribi posse. Jam pecuniae affatim qui ex urbe educeret eos atque eo die manere extra fines
est frumentique.Si parem fortuna vestræ fidem habetis, romanos juberet. Quia nimis compar Latinorum quon-
nec Annibal se vicisse sentiet, nec Romani victos esse. dam postulatio erat Cœliusque et alii id haud sine c usa
VI. Hac oratione consulis dimissis redeuntibusque do- prætermiserantscriplores, pouere pro certo sum veritus.
mum legatis, unas ex iis, Vibius Virrins, Tempus ve- VII. Legati ad Annibalem venerunt, pacemq te cum
uisse, ait, quo Campani non agruin solum ab Romanis eu conditionibus fecerunt « Ne quis imperatormagistra-
n'aurait de droit sur un citoyen campanien;qu'au- voya d'abord à Magius l'ordre de venir le trouver
cuu citoyen campanien ne serait soumis au ser- dans son camp. Magius refusa avec hauteur de s'y
vice ni à aucune charge; que les Campaniensau- rendre, disant qu'Annibal n'avait aucun droit sur
raient à part leurs lois et leurs magistrats; que un citoyen campanien. Le Carthaginois, trans-
parmi les captifs romains, le général carthaginois porté de colère, voulut le faire saisir et traîner
en donnerait aux Campaniens trois cents, qu'ils devant lui cliargé de chaînes. Mais, craignant
choisiraient eux-mêmes, pour les échanger contre que cette violence ne causât du tumulte, et
tes cavaliers campaniensqui servaient en Sicile. » que l'agitation des esprits ne lit éclater quel-
'l'el fut le traité. Voici les crimes que les Campa- que rixe inattendue, lui-même après avoir fait
niens y ajoutèrent les préfels des alliés et les au- prévenir Marius Blosius, le préteur campanien,
ties citoyens romains, chargés de quelques fonc- que le jour suivant il serait à Capoue, il part du
tons militaires, ou engagés dans des affaires pri- camp avec une escorte peu nombreuse. Marius
vées, furent aussitôt saisis par le peuple, qui, convoque l'assemblée du peuple et ordonne par
sous prétexte de les garder en prison les fit en- un édit que les citoyens iraient en foule avec leurs
fermer dans les bains étouffés par la vapeur qui femmes et leurs enfants au-devant d'Aunibal. Le
les suffoquait, ils y périrent misérablement. A peuple tout entier obéit, et il obéit avec entliou-
toutes ces horreurs, ainsi qu'au traité avec Anni- siasrne avec entraînement on voulait voir ce gé-
bal, Décius Magius avait opposé la plus vive résis- néral, illustré déjà par tant de victoires. Décius
tance. Magius était un homme auquel il n'avait Magius ne sortit pas à sa rencontre; bien plus
manqué, pour exercer la plus haute autorité sur pour qu'on ne pût pas le soupçonner de quelque
ses concitoyens, que de trouver en eux des es- sentiment secret de terreur, il ne voulut pas se
prits plus sensés. Des qu'il apprit qu'Annihal eu- renfermer chez lui, et se promena tranquille-
voyait une garuison, cherchant des exemplesdans ment sur la place publique avec son fils et quel-
le passé, il rappela à ses concitoyens l'orgueil- ques clients, tandis que la population entière était
leuse domination de Pyrrhus, et le déplorable as- en mouvement pour recevoir et contempler le gé-
servissement des Tarentins; et il s'écria haute- nérai carthaginois. Annibal, dès qu'il fut entré,
ment qu'il ne fallait pas recevoir cette garnison. demanda que le sénat fût convoqué, puis il céda
l'lus tard, quand elle eut été reçue, il conseilla à la prière des principaux Campaniens, qui le
de la chasser, ou, s'ils voulaient par une action suppliaient de ne pas penser pour l'instant à des
hardie et mémorable expier leur défection impie affaires sérieuses, et de célébrer lui-même avec
envers d'anciens alliés, unis à eux par les liens du bienveillance et bonne grâce ce jour dont son ar-
sang, de mettre à mort les Carthaginois, et de re- rivée faisait uu jour de fête; et, quoique naturel-
tourner aux Romains. Ces discours qu'il prouou- lement porté à satisfaire sans délai sa colère, pour
çait tout haut furent rapportés à Annibal. Il en- ne pas repousser leur première demande, il passa

tusve Pœnorum jus ullum in civem campanum haberet; enim occulte agebantur) quum relata Annibali essent,
neve chis campanus invitus militaret, munusve faceret; primo misit, qui vocarent Magium ad sese in castra
ut suæ leges sui magistratusCapuæ essent; ut trecentos deinde, quum is ferociter negasset se iturum (nec enim
ex romams captivis Pœnus daret Campanis, quos ipsi Aouibali jus esse in civem campanum) concitatus ira
elegissent; cum quibus equitum campanorum qui in Pœnus, comprehendi bominem, vinctumque attrahi ad se
Sicilia stipendia facerent, permutatio fieret. » Hæc pacta: jussit. Vertus deinde, ne quid inter viîn tumultue, atque
illa insuper, quam quæ pacta erant, facinora Campaui ex concitalione animorum inconsulti ceriaminis oriretur,
ediderunt. Nam præfectos sociorum civesque romanos ipse, prasmisso nuntio ad Marium Blosium prælorem
alios, partim aliquo mititiæ mucere occupatos, partant campanum, postero die se Capuæ futurum, proflciscitur
privatis negotiis implicitos, pleba repente omnes com- e castris cum modico præsidio. Marius concione advocata
prehensos, velut custodiæ causa balneis includi jussit edicit, ut fréquentes cum conjugibus ac liberis obviam
ubi fervore atque æstu amma interclusa fœdum in mo- irent Annibali. Ab uuiversis id non obedienter mocio, sed
dum exspirarent.Ea ne fierent, neu legatio mitteretur enixe favore eiiam vulgi, et studio Nisendi lot jam vieto-
ad Pœnum, summa ope Decius Magius. vir, cui ad sum- riis clarum imperatorem fdctum est. Decius Magius nec
mam auctoritatem nihul, præter sanam civium mentem, obviam epressus est, nec, quo timorem aliquem ex con-
defuit, résilierat. Ut vero praesidium milti ab Annibale scientia significare posset, privatim se tenuit in foro
audivit, Pyrrhi superbam dominationem,miserabilem- cum filio clientibusque paucis otiose iuambulavit,trépi-
que Tarentinor um servitutem, exempla referens, primo, dante tota civitate ad excipiendum Pœnum visendumque.
ne reciperetur præsidium, palam vociferatusest deinde, Annibal ingressus urbem, senatum estemplo postulat
ut receptum aut ejiceretur, aut, si malum faciuus quod a precantibusque inde primoribus Campanorum, ne quid
vetustissrmissociis consauguineisquedefecissent, forti ac eo die seriæ rei gereret, diemque ut ipse adventu suo fe.
memorabili facmore purgare vellent, ut, interfecto pu- stum Iætus ac libens celebraret, quaoquam præceps in,
nuo piæsidio, restituèrent se Romanis. Hæc ( neque gemo iu iram erat, tamen, ne quid m prmciplo ne-
une grande partie de la journée à visiter la ville. nous obtenir auprès des Romains le pardon de
VIII. Il s'établit chez deux membres de la notre défection, niaiï même placer Capoue dans
famille des Ninnius Célérès, Sténius et Pacuvius, un degré de faveur et de dignité bien plus élevé
distingués tous deux par leur naissance et par que jamais. » Son père, plein d'étonnement, lui
leurs richesses. Pacuvius Calavius, dont nous demanda que) était ce dessein. Alors Pérolla, re-
avons parlé plus haut, le chef de la faction qui jetant sa toge de dessus son épaule, lui montre
avait entraîné le peuple dans le parti d'Annihal une épée qu'il porte à sa ceinture « Je vais,
y amena son jeune fils, qu'il avait arraché des cô- dit-il, sceller du sang d'Annibal notre alliance
tés de Décius Magius, avec lequel ce jeune homme avec Rome; j'ai voulu t'en avertir pour le cas où
s'était prononcé hautement pour l'alliance du tu voudrais être absent pendant que j'exécuterai
Romain contre le Carthaginois. Ni la faveur avec ce que j'ai résolu. o
laquelle Capoue avait adopté l'opinion contraire, IX. A cette vue, à ces paroles, le vieillard,
ni l'autorité paternelle n'avaient pu l'ébranlcr. comme s'il voyait s'accomplir sous ses yeux ce
Son père apaisa Annibal plutôt par des prières qu'il ne faisait qu'entendre « Mon fils, s'écrie-
que par une justification et, vaincu par les in- t-il, par tous les droits qui unissent les enfants
stances et les larmes de Pacuvius, Annibal fit in- a leurs parents, je t'en prie, je t'en supplie, ne
viler le jeune homme avec son père à un repas où rends pas ton père témoin de ton crime et de ton
il ne devait admettre aucun Campanien que ses supplice. 11 y a quelques heures à peine, unissant
hôtes et Jubellius Tauréa, guerrier de la plus notre main à celle d'Annibal, nous lui avons, au
haute distinction. On se mit à table de jour. Le nom de tous les dieux, engagé notre foi. Tout à
festin ne se ressentait nuldement de la frugalité l'heure encore nous nous entretenions avec lui:
carthaginoise, et encore moins de la discipline était-ce donc pour que cette main, qu'enchaîneno-
militaire il fut digne d'une ville et d'une mai- tre serment, s'armât aussitôt contre sa vie? Tu le
son où abondaient toutes les séductions de la vo- lèves de la table hospitalière, où seul, avec deux
lupté. Seul, le fils de Calavius, Pérolla ne céda autres Campaniens, tu as été admis par Annibal,
ni aux invitations des maîtres de la maison, ni à et c'est pour la couvrir du sang de tou hôte? J'ai
celles qu'Annibal y joignait de temps en temps. pu, moi, ton père, obtenir d'Annihal la grâce de
Lui-même il s'excusait sur sa santé, et son père mon fils, et je ne pourrai pas obtenir de mon fils
alléguait le trouble bien naturel où il devait se la grâce d'Annibal? Mais que parlé-je de choses
trouver. Vers le coucher du soleil, Calavius sortit, sacrées, d'honneur, de religion, de piété filiale?
Pnrolla le suivit, et dès qu'ils se trouvèrent sans Ose un crime monstrueux, pourvu que ce crime
témoins ( c'était dans un jardin sur les derrières n'entraîne pas avec lui notre perte. Seul tu vas
de la maison) « Mon père, dit-il, je suis venu attaquer Annibal? et cette foule d'hommes libres et
ici avec un dessein qui peut, non pas seulement d'esclaves, et tous ces yeux fixés sur lui seul. et

garet, visenda urbe magnam diei partem consumpsit. pervenerunt, Consilium, inquit, affero, pater, qun
V III. Deversatus est apud Ninnios Celeres Stenium non veniam sol uni peccati, quod defecimus ad Auniba-
Pacuviumqun inclutos nobilitate ac divitiis. Eo Pacuvius lem, impetraturi ab Romanis, sed in multo majore d
Calavius de quo ante dictum est, priuceps factionis ejus, gnitate et gratia simus Campa ni quam unqnam fuimus. »
quæ traierat rem ad Pœnos, filium juvenem adduxit, Quum mirabundus pater, « quidnam id esset consilii, »
abstractum abs Decii Magii latere, cum quo ferocissime quoereret; topa rejecta ah humero, latus succinctum gla-
pro romana societate adversus punicum fmdus steterat; dio nudat:. Jam ego, inquit, sanguine Annihalis san.
nec eum aut inclinata in partem alteram civitas aut ha- ciam romanum fœdus. Te id prius scire volui si forte
tria majestas sententia depulerat. Huic tum pater juveni abesse, dum facinus patratur, malles..
Annibalem dcprecandomagis, quam purgando, placavit, IX.Quæ ubi viditaudivitquesenex, velut si jam agendis,
victusque patris precibus lacrimisque etiam ad cœnam quæ audiebat, interesset, amens metu, « Per ego te,
eum cum patre vocari jussit cui convivio neminem inquit, fili quæcunque jura lil)eras jungunt parenlibus,
Campanum præterquam hospites Jubelliumque Tau- precor qnæsoque, ne ante oculos patris facere et pali
ream, insignem bello virum, adbibiturus erat. Cœpe- omnia infanda velis. Paucæ horae sunt, intra quas juran-
runt epulari de die, et convivium non ex more punico, tes per quidquid deorum est, dextræ dextres jungentes,
aut militari disciplina esse sed, ut in civitateatqueetiam fidem obstrinximus, ut sacratas fide manns digressi ab
dumo diti ac luxuriosa omnibus voluptatum illecebris cnlloquio, extemplo in eum armaremus ? Ab hospitali
instructum. Uuus nec dominorum invitatione, nec ipsius mensa surgis, ad quam tertius Campanorum adhibitus
interdum Aunibalis, Calavii filius Perolla vinci potuit; es ab Annibale ut eam ipsam mensum cruentares hospilis
ipse valetudinem excusans, pâtre animi quoque ejus liaud sanguine ? Annibalem pater filio meo potui placare, fl-
mirabilem interturbatiouemcausante. Solis ferme occasu lium Annibuli non possum ? Sed sit nihil sancti, non
patrem Calavium, ci convivio egressum, secutus filius, fides, non religio, non pietas audeanturinfauda, si non
ubi in seçrctum (horlus erat po5ticis ædinm partibus) peroiciem nobis cum scelere afferunt. Tluus aggressurus
tous ces bras qui sont à lui, ton acte insensé va- le sénat, devant une assemblée nombreuse. Son
t-il les paralyser ? Et le regard d'Annibal lui- discours fut d'abord plein de flatteries et de dou-
même, que des armées ne peuvent soutenir sur ces paroles; il rendit grâce aux Campaniens de ce
le champ de bataille, devant lequel tremble le qu'ils avaient préféré son amitié à l'alliance de
peuple romain, toi, tu le soutiendras sans crainte ? Rome. Entre autres promesses magnifiques, il
Et quand tout autre secours lui manquerait, ose- jura que bientôt Capoue serait la capitale de toute
ras-tn me frapper moi-même, moi qui ferai de l'Italie, et que le peuple romain subirait ses lois,
mon corps un bouclier au corps d'Aunibal ? C'est ainsi que tous les autres. De cette amitié, de cette
à travers ma poitrine qu'il te faut lui adresser alliance entre Capoue et Carthage, un seul homme
tes coups. Laisse-toi donc détourner ici de ton était excepté, Magius Décius, qui n'était pas Cam-
projet, plutôt que d'y échouer en sa présence. Que panien, qui ne devait pis être appelé de ce nom.
mes prières aient auprès de toi quelque puissance, Il demandait donc que Magius lui fût livré; que
comme aujourd'hui elles en ont eu pour tni- devant lui, Annibal, on délibéràtsur son sort, et
même. Puis, voyant le jeune homme en larmes, que le sénat prononçât. Tous se rangèrent à l'avis
il le prend dans ses bras, le couvre de baisers, d'Annibal; et cependant beaucoup d'entre eux
et ne cesse de le supplier qu'après avoir ob- sentaient bien que Décius ne méritait pas un pa-
tenu qu'il déposera son glaive, et lui donnera sa reil traitement, et que c'était là une grave atteinte
parole de ne rien tenter de semblable. « EU portée tout d'abord à leur liberté. En sortant du
bien! s'écrie alors le jeune homme, cet amour sénat, le magistrat alla se placer sur son tribunal.
que je dois à mon pays, c'est à mon père que Magius, saisi et amené à ses pieds, reçut de lui
ja vais en donner une preuve. Je te plains, car il l'ordre de se défendre. Mais, toujours aussi fier,
le faudra soutenir le reproche d'avoir trahi trois il protesta contre cette violence que rien dans le
fuis la patrie la première en conseillant la révolte traité, ne pouvait autoriser. On le chargea de
contre Home, la seconde en faisant alliance avec chaînes, et on le conduisit, suivi d'un licteur,
Annibal, la troisième en m'empechaat aujour- au camp des Carthaginois. Tant qu'on lui laiasa la
d'hui même de rendre Capoue aux Romains. Et tête découverte, il marcha, haranguant le peuple
toi, ô ma patrie reçois ce fer dont je m'armai qui se pressait de toutes parts, ne cessant de s'é-
pour toi quand j'entrai dans cette maison, refuge crier « Vous en jouissez, Campaniens, de cette
de tes ennemis, reçois-le, puisque mon pere l'ar- liberté tant désirée Au milieu du forum, en plein
rache de mes mains. » Alors, il jette sou épée sur jour, à vos yeux, moi, qui uesuis lesecond de per-
la voie publique par-dessus le mur du jardin, et, sonne à Capoue, je suis chargé de chaînes et traîné
pour ne pas exciter de soupçon, il rentre lui-même à la mort 1 Qu'auriez-vousde plus odieux à souf-
dans la salle du festin. frir, si Capoue eût été prise d'assaut? Allez au-
X. Le jour suivant, Annibal fut introduit dans devant d'Annibal, décorez votre ville, consacrez

es Annibalem? Quid ? illa tnrba tôt liherorum servorum- X. Postera die senatus frequens datns Aunibali. Ubi
que; quid? iu unum inteuti omnium oculi; quid? tôt prima ejus oratio perblanda ac beuigua fuit, qua gratias
dextræ torpescentne in amentia illa? Vultum ipsius An- egit Campanis, quod amicitiam suam romanæ societati
mbalis, quem arniati exercitus sustinere nequeunt, quem præposuissent et inter cetera magnifiea promissa polli-
horret populiis romanus, tu sustinebis? et, alia auxilia citus, brevi caput Italiæ omni Capuam fore, juraque inde
desmt, me ipsum lerire, corpus meum opponentem pro cum ceteris populis romanum etiam petilurum. Unum
corpore Anmbalis, sustmebis ? Atqui per meum pectus esse eisortem puoicæ amicitiae fœdersique secum facti
petendus ille tihi trausligendusque est. Deterreri bic sine quem neque esse Campanum, neque dici debere, Ma-
te pnlius quam illic vinci. Valeaut preces apud te meæ, idum Decium. Eum postulare, utsibi dedatur, acse prm-
sicut pro te hodie valuerunt.. Lacrimautem inde juve- sente de eo referatur, senatusque consultum fiat. Omnes
nem cernens, medium complectitur, atque, osculo hæ- in eam senteritiam ierunt quanquam maguæ pat ti et vir
rena, non ante precibus abstrtit, quam pervicit, ut gla- iudignus ea calamitate, et baud parvo initio mmui vide-
dium poneret, fidemquedaret, mhil facturum tale. Tum batur jus libertatis. Egressus cui ia, in templo magistra-
juvenis, « Ego quidem. inquit, quam patriæ debeo, pieta- tuum conaedit; comprehendique Decium Magium, atque
tem exsolvam patrt. Tuam doleo vicem, cui ter proditæ ante pedes destitution causam dicere jussit. Qui quum,
patrie sustinendum est crimeu; semul, quum defectioms manente ferociaanimi, negaretlege fœderis id cogi posse,
ah Romanis; nerum, yu.nn pacis cum Aumbale fuisti tum injectæ catenæ ducique autel:ctorem in castra est
auctor; tertio hodie, quum restituendæ Romanis Capuæ jusjus. Quoad copite aperto est ductus, concionabundiis,
mora atque impedimeutum es. Tu, patria, ferrum, quo incesssit, ad circumfusam undique miltitudinem vocife-
pro te armatus banc arcem boàtium inii, quaudo parens rans «Habetis libertatem, Campani, quam petistis. Forq
extorquet recipe. » Hæc quum dilisset, gladium in pu- medio, luce clara, videntibus vol)is uulli Campanorum
bbeum trans mareriam horti abjecit; et, quo miuus res secuudus, vinctus ad mortem rapior. Quid violentius
suspecta esset se ipse convivioreddidit. Capua capla fieret? ite obviam Annibali, elornate ur-
ie jour de son arrivée, et venez le voir triomphait à ces ordres, Romains, votre position en deviendra
d'un de vos concitoyens. « Comme le peuple sem- meilleure et, plus facile; les affaires en iront plus
hlait s'émouvoir à ses cris, on lui enveloppa la à votre gré, et, dans ce combat entre Annibal et
lête, on l'emmena rapidement hors de la ville, vous, la victoire restera an peuple romain. Lors-
et de là au camp. On l'embarqua aussitôt pour que la république sera hors de tout danger, et
Carltage; car Annibal craignait qu'une violence dans un état prospère, envoyez à Apollon Pythien
si révoltante ne soulevât le peuple de Capoue, et une offrande bien méritée payez-lui un tribut
que le sénat même se repentant de lui avoir livré prélevé sur le butin, sur les dépouilles, sur le
l'un des premiers citoyens de la ville,unedépu- produit de la vente, et gardez-vous de l'orgueil. »
tation ne fût envoyée pour le réclamer. Il aurait Fabius yant lu cet oracle qu'il avait traduit du
fallu ou qu'il indisposât contre lui de nouveaux grec, il ajouta qu'aussitôt après avoir quitté le
alliés en leur refusant leur première demande, temple il avait offert des libations d'encens et de
ou qu'en y cédant il donnât un chef aux mécon- vin à tous les dieux, et que la prêtresse d'Apollon
tentset aux séditieux de Capoue. La tempête porta lui avait ordonnéde montrer sur son vaisseau, avec
le vaisseau à Cyrènes, alors sous la domination la couronne de laurier qu'il avait en consultant
des rois d'Egypte. Là Magius se réfugia au pied l'oracle et pendant le sacrifice, et de ne pas la dé-
d'une statue du roi Ptolémée. Saisi par des gardes poser avant d'être arrivé à Rome. Qu'il avait evé-
et conduit à Alexandrie devant le roi, il lui apprit cuté tous ces ordres avec un soin religieux, et dé-
qu'Annibal l'avait chargé de chaînes contre le posé la couronne sur l'autel d'Apollon. Le sénat
droit des traités. Ptulémée le lit aussitôt mettre décréta que ces sacrifices et ces supplications se-
en liberté, et lui donna le choix de retourner à raient accomplies au plus tôt, et avec la plus
llomeou à Capoue, seion qu'il l'aimerait le mieux. grande exactitude. Pendant que tout cela se passait
Magius répondit qu'il ne serait pas en sûreté à à Rome et en Italie, Magon, fils d'Amilcar, avaitap-
Capoue; qu'à Rome, pendant une guerre entre porté à Carthage la nouvelle de la victoire de Can-
les Romains et les Campaniens, c'était un séjour nes. Il arrivait, non pas envoyé du champ de bataille
convenable pour un transfuge pluldt que pour un même par son frère, mais après avoir été occupé
hôte; qu'il aimait donc mieux vivre auprès du pendant quelques jours à recevoir la soumission
rui, son vengeur et son libérateur. des villes du Bruttinm, qui abandonnaient le parti
XI. Cependant Q. Fabius Piclor, qui avait été des Romains. Introduit au sénat, il raconte toutce
envoyé à Delphes, revint à Rome et lut la réponse qu'a fait son frère en Italie a Il a combattu en
écrite de l'oracle. L'oracle disait à quels dieux bataille rangée avec six généraux en chef, dont
il fallait adresser des supplications et d'après quels quatre consuls, un dictateur et un maitre de la
rites. Puis il ajoutait « Si vous vous soumettez cavalerie, avec six armées consulaires. 11 a tué

bem, diemque adventus ejus consecrate, ut hune trium- plicarelur tum, « Siita faxilis, Romani, vcatræ res me-
phmn de cive vestro spectetis.. Hæc vociferanti, quum liores facilioresque erunt magisque ex sententia respu-
moveri vulgus videretur, obvolutuin caput est, ociusque blica vestra vobis procedet victoriaque duelli populi
rapi extra portam jussus. Ita in castra perducitur ex- romani erit. Pylhio Apolliui, republica vestra bene gesta
lemploque impositus in navim, et Carthagmem missus; servataque lucris meritis donum mittitoie, deque præda,
ne motu aliquo Capux ex indignitate rei orto, senatum manubiis, spohisque bonorem habetote lasciviamvo-
quoque pœniteret dediti principis: et, legatione missa ad I bis prohibetote. » Haec ubi ex grmco carmine interpre-
repetendum eum, ne aut negando rem, quam primam tata recitavit, tum dixit,se oraculo egressum extem-
peterent, offendendi sibi novi socü; aut tribuendo, ha- plo his omnibus divis rem divinam ture ac viuo fecisse
hendus Capuæ esset seditionis ac turbarnm auctor. Na- jussumque ab templi antistite, sicut coronatus-laurea
vem Cyrenas detulit tempestas qua* tum in ditinne re- corona et oraculum adisset, et rem divinam fecisset; ita
gum erant. Ibi quum Magius ad statuam Ptolemæi regis coronatum navim ascendere nec ante deponere eam,
confugisset,deportatus a custodihus Alexandriamad Pto- quam Romam pervenisset.Se quæeunque imperata sint,
lemxum, quum eum docuisset, contra jus fœderis vine- cnm summa religione ac diligentia exsecutum coronam
tum se ab Annihale esse, vinrulis liberatur; permissum- Romm in aram Apollinis deposuisse.. Senatus decrevit,
que, ut rediret, seu Romam sen Capuam mallet.. Nec ut ew res divins snpplicationesque primo quoque teni-
Magius Capuam sibi tutam dicere et Romain eo tem- pore cum cura fierent. Dum hapc Romæ atque iu Italia
pore, quo mter Romanes Campanosquebellum sit, Irans- geruntur, nuntius victoriæ ad Cannas Carthaginem ve-
fugæ magis, quam hospitis, fore domicilmm. Nusquam nerat Mago Amilcaris filius non ex ipsa acie a fratre mis-
malle, quam in regno ejus, vivere, quem viodicem atque sus, sed retentus aliquot dies in recipiendis civitatibus
auctorem habeat lihertatis. Bruttiorum queequedeficiebaut. Is, quum ei senatus da-
XI. Dum ha'c geruntur, Q. Fabiuç Pic or legatus a tus esset, res gestas in Italia a fratre expon t: « Cum set
Delphis Romam rediit, responsumque ex scripto recita- imperatoribus cum, quorum quatuor consules, duo dic-
vit. Divi quoquc in eo erant, quibus quojue modo sup- talor ac magister equitum fuerint, cutn sex consularibus
plus de deux cent mille hommes à l'ennemi, et lui armées romaines, avaient aussi diminué les trou-
a fait plus de clinquante mille prisonniers. Des qua- pes du vainqueur. Il fallait donc envoyer des re-
treconsuls, deux sont morts, un autre a été blessé, crues, de l'argent pour la solde et du blé à des
le dernier, après avoir perdu toute son armée, a soldats qui avaient si bien mérité du nom cartha-
pris la fuite, accompagné à peine de cinquante ginois. » A ce discours de Magon tous firent écla-
hommes. Le maître de la cavalerie, dignité égale ter leur joie, et Ilimilcon qui était de la faction
à celle de consul, a été battu et mis en fuite. Le Barcine, persuadé que c'était là le moment de
dictateur, pour ne s'être pas une seule fois ha- poursuivre Hauuon de ses railleries « Eli bien,
sardé à combattre, passe pour un général unique. Uannon, s'écria-t-il, regrettes-tu encore que l'on
Les Bruttiens, les Apuliens, une partie du Sam- ait entrepris cette guerre contre Rome? Dis-nous
nium et de la Lucanie ont embrassé le parti de donc de livrer Annibal défends-nous, au milieu
Carthage. Capoue, la capitale, non-seulement de de succès si éclatants, de rendre grâces aux dieux
la Campanie, mais de l'Italie tout entière, de- immortels. Écoutons donc ce sénateur romain au
puis que la puissance romaine a péri à Cannes, milieu du sénat de Carthage. » Alors Hannon
Capoue s'est donnée à Annibal. Pour tant et de si « J'aurais aujourd'hui gardé le silence, Pères
grandes victoires, il est juste de rendre aux dieux conscrits, dit-il, de peur qu'au milieu de cette joie
immortels de solennelles actions de grâces. » universelleje n'eusse fait entendre des parolesqui
XII. Pour preuve de si glorieux triomphes, il vous déplussent. Mais maintenant qu'un séna-
lit verser dans le vestibule de la curie un tel mon- teur me demande si je regrette encore qu'on ait
ceau d'anneaux d'or, que certains auteurs préten- entrepris cette guerre contre Rome, sije me taisais,
dent qu'on en mesura trois boisseaux et demi. je paraîtrais ou orgueilleux ouabattu. Orl'orgueil
L'opinion qui a prévalu et qui se rapproche le plus ne convient qui t'homme qui oublie que les au-
dc la vérité est qu'il n'y en eut qu'un boisseau. tres sont libres, l'abattementqu'à celui qui oublie
Magon ajouta, pour faire supposer un plus grand qu'il l'est lui-même. Je répondrai donc à Himilcon
désaslre, que les chevaliers seuls, et seulement les que je n'ai pas cessé de déplorer cette guerre, et
premiers d'entre eux, portaient ce signe de dis- que je ne cesserai d'accuser votre invincible géné-
tinction. Le résumé de son discours fut celui-ci ral, que le jour où je la verrai terminée à des con-
« Que plus on était en droit d'espérer la fin de la ditions supportable. Je regretterai toujours l'an-
guerre, plus on devait mettre de zèle à secourir cienne paix jusqu'à ce qu'une paix nouvelle soit
Annibal; qu'il faisait en effet la guerre loin de sa conclue. Ainsi donc, ces triomphes dont vient de
patrie, au cœur même du pays ennemi; qu'il se nous parler Magon, et qui déjà comblent de joie
consommait beaucoup de vivres, beaucoup d'ar- Ilimilcon etles autres satellitesd'Annibal, peuvent
gent. Que tant de victoires, tout en détruisant les m'être précieux aussi, parce que des succès à la

exercitibus acieconflixisse occidisse supra ducentamillia exercitus delesse, ila victoris etiam copias parte ahqua
hustium supra quinquaginta millia cepisse. Ex quatuor mmuisse. Mittendum igitur supplementum esse milten-
consulibus duos occidisse; ex duobus àaucium allerum dam in stipendium pecuniam trumentumque tam bene
allerum, toto exercilu amisso, vii cum quinquaginta ho meritis de nomine punico militibus. » Secuudum hæc dicta
mutihus effugisse. Magistruin equitum, quæ consularis Magoms lætis ommbus, Himilco, vir factionis Barcinæ,
poteatas sit, fusum fugatumque dictatorem, quia se iu locum Hanuonis in crepandi esse ratus, Qmd est, Hanno?
aciem nunquamcommserit, unicum haberi imperatorem. inquit, etiam nunc pœnitet belli suscepti adversus Koma-
Bruttios Apuosque, partim Samuitium ac Lucanorum nos ? Jubé dedi Anuibalem veta iu tam prosperis rebus
defectssead Pœnos Capuam, quod caput, non Campa- grates diis immortalibus agi. Audiamus romanum seua-
niæ modo, sed, post am clam rem romaoam Canneusi turem in Carthaginiensium curia.» Tum Hauoo: -Tacuis-
pugua, Itahæ sit, Anmbali se tradidisbe. Pro bis laulis sem hodie, Patres oonscripti, ne quid in commuui oui-
totque victoriis, verum es,e, gratesdeis immortalibus agi uium gaudio, miuus lætum quod esset vobis, loquerer.
haberique. » Nunc interroganti senatori, pœniteatne me adhue sus-
XII. Ad tidem deinde tam lætarum rerum effundi iu cepti adtersus Romanos belli, si reticeam, aut superbus,
vestibulo Curiæ jussit annu'os aureos, qui Lantus acervus aut obnoxius videar quorum alt(rum est homims alienæ
fuit, ut, melienlibus dimidium super tres modios explesse libertatis obliti; alterum suae. Respondeam igitur Himil-
tint quidam auctores. Fama teuuit, qua? propior vero est, coni, non desisse pœnitere me belli, neque desiturum
hand plus fuisse modio. Adjecit deinde verbis, quo ma- ante invictum vestrum imperatoremincusare, quam fini-
joriscladisindiciumesset,neminem, nisi equitem, atque tum aliqua tolerabili conditione bellum videro nec mihi
eorum ipsorum primores, id gerere insigne. Sununa fuit pacis antiquæ desiderium ulla alia res quam pax nova,
oratiouis, Quo propos spem belli perficiendi sit, eo liuiet. Itaque ista quæ modo Mago jactavit, Himilcom
magis omni ope Juvaudum Annibalem esse. Procul enim ceterisque Anmbalis satellitibus Jam lœta sunt. Mihi pos-
ab domo militiam esse in média bostmm terra magnam suut lata esse, quia res bello bene geslæ, si volumusfor-
vim frumeuli pecumæ, absumi et tut aci's ut hostium tuna uti pacem nobis acquiorem dabunt. Nam si præter-
guerre, si nous voulons mettre à profit notre bon- nous avons à soutenir une guerre aussi peu avan-
hcur, nous donneront une paix plus avantageuse. cée que le jour où Annibal est passé en Italie.
Si nous laissons échapper cet instant, où nous Combien la victoire fut inconstante pendant la
pouvons paraître donner plutôt que recevoir la première guerre punique, nous pouvons nous le
paix, je crains que toute cette joie ne nous enivre rappeler, nous qui presque tous en avons été té-
et ne s'évanouisse sans aucun résultat. Et main- moins. Jamais ni sur terre ni sur mer nous n'a-
tenant même qu'est-ce donc que cette victoire? vons été dans une situation plus brillante qu'a-
-J'ai détruit les armées ennemies envoyez-moi vant le consulat de C. Lutatius et de A. Postu-
des soldats. Que demanderais-tu donc si tu étais mius. Sous leur consulat, nous fûmes battus aux
vaincu? J'ai pris les deux camps des ennemis îles Agites. Que si aujourd'hui encore (puis-
(sans doute remplis de butin et de vivres) donnez- sent les dieux détourner le présage!) la fortune
moi du blé et de l'argent. Que demanderais-tu venait à changer, espérerez-vous après la dé-
donc autre chose si tu étais dépouillé de tout, faite une paix que personne ne nous accorde au
si l'ennemi eût pris ton camp? Et pour ne pas milieu de nos victoires? Quant à moi, si l'on
être seul à m'étonner de tout cela (ayant répondu agite la question de proposer la paix aux enne-
à Ilimilcon, j'ai bien le droit de lui faire quel- mis ou de l'accepter, je sais quel sera mon avis.
ques questions), je demande qu'Himilcon, ou Si vous délibérez sur ce que demande Magon, je
Magon me réponde La bataille de Cannes a dé- pense qu'il ne faut pas envoyer de secours à An-
truit l'empire romain il est certain que l'Italie nibal s'il est victorieux, et bien moins encore
entière est soulevée eh bien, qu'il me dise d'a- s'il nous trompe par de fausses et vaines espéran-
bord quel peuple latin s'est joint à nous? qu'il me ces. n Le discours d'Hannon fit peu d'impression
dise ensuite quel homme, sur les trente-cinq tribus, car sa haine pour la famille Barcine lui ôtait
est passé au camp d'Annibal? » Magon répondit beaucoup de son autorité; et les esprits, pleins
que rien de tout cela n'avait eu lieu. a Il nous reste de joie à cette heure, ne voulaient rien entendre
donc encore beaucoup trop d'ennemis, continue qui affaiblit leurs transports; outre que l'opinion
Hannon; mais cette multitude, quels sont ses générale était que la guerre serait promptement
sentiments, ses espérances, je voudrais le savoir. s terminée, si l'on consentait à faire le plus léger
XIII. Magon dit qu'il l'ignorait. « Cependant effort. Le sénat décréta doue à une grande majo-
rien n'est plus facile à connaître. Les Romains rité qu'on enverrait à Annibal un renfort de qua-
ont-ils envoyé quelques dépêches à Annibal pour tre mille Numides, quarante éléphants, et une
demander la paix? Avez-vous appris qu'il eût été summe d'argent considérable. On envoya aussi en
question de paix à Rome? » Magon dit encore Espagne un dictateur avec Magon, pour y faire
qu'il n'en savait rien. « Alors, répondit Hannon, une levée de vingt mille fantassins et de quatre

mittimus hoc tempus, quo magis dare, quam accipere, habemus, quam habuimus, qua die Annibal in Italiam
possumus videri pacem, vereor, ne bsc quoque lælitia esttransgressus.Quam varia victoria priorepunico bello
luxuriet nobis, ac vana evadat. Quae tamen nunc quoque fuerit, plerique, qui meminerimus, supersumus. Nun-
qualis est? Occidi exercitus hostium mittite milites quam terra marique magis prosperæ res nostræ visæ
mihi.-Quid aliud rogares,siesses victus?— Hostium cepi sunt, quam ante consules C. Lutatium et A. Postumium
bina castra (prædæ videlicet plena et commeatuum ) — fuerunt. Lutatio et Postumio consulibus devicti ad Aga-
frumentum et pecuniam date.-Quid aliud, si spoliatus, tes insulas sumus. Quod si ( id quod dii omen avertaut )
si exutus castris esses peteres ? Et ne omnia ipse mirer nunc quoque fortuna aliquid variaverit, tum pacem spe-
(mihi quoque enim, quoniam respondi Himilconi, inter- ratis, quum vincemur, quam uunc, quum vincimus, dat
rogare jus fasque est), velim seu Himilco, seu Mago res- nemo? Ergo, si quis de pace consulet, seu deferenda
poudeat; quum ad internecionem romani imperii pugna- hostibus, seu accipienda, habeo, quid senlentiæ dicam;
tum ad Cannas sit, constetque in defectione tolam Italiam si de iis, quæ Magon postulat, refertis, nec victoribus
esse; primum ecquis latini nominis populus aefecerit ad mitti attinere puto et frustrantibus nos falsa atque inani
nos? deinde ecquis homo, ex quinque et triginta tribu- spe multo minus censeo mittenda esse. Haud multos
bus, ad Annibalem transfugerit? Quum utrumqae movit Hannouis oratio. Nam et simultas cum familia
Magon negasset: « Hostium quidem ergo, inquit, adhuc Barciaa leviorem auctorem faciebat, et occupata animi
nimis mullnm superest. Sed multitudo ea quid animo- praesenti lætitia nibil quo vanius fleret gaudium suum,
rum, quidve spei habeat, scire velim. » auribus admittebant debellatumquemoi fore, si anniti
XIII. Quum id nescire Mago diceret « Nihil faci- paullulum voluissent, rebantur. Itaque ingenti consensu
lius scitu est, inquit. Eoquos legatos ad Annibalem Ro- fit senatusconsultum, ut Annibali quatuor Numidarum
mani miseruntde pace? Ecquam denique mentionem pa- millia in supplementum mitterentur, et quadragintaele-
cis Romx factam esse, allatum ad vos est? » Quum id phanti, et argenti mille quinquaginta talenta. Dictator-
quoique ngassct Bellum igitur, inquit, tain integrum que cum Magone in Hispaniam præmissus est ad cou-
mille cavaliers, qui devaient compléter les cadres pourrait les punir ou les effrayer. Les sénateurs,
des armées d'Italie et d'Espagne. et surtout les premiers d'enlre eux, restaient iné-
XIV. Du reste, toutes ces mesures, comme branlables dans leur fidélité a l'alliance de Rome;
c'est l'ordinaire dans la prospérité, furent exé- le peuple, comme c'est l'ordinaire, alrpelait de
cutées avec négligence et lenteur. Les Romains, tous ses vœux une révolution et Annibal. Il ne
au contraire, outre leur activité naturelle avaient pensait qu'à ses champs dévastés, aux maux cruels
encore la fortune qui leur défendait tout délai. qu'il lui faudrait souffrir pendant un siège. Et il
Le consul n'avilit manqué à rien de ce que lui im- ne manquait pas de gens pour l'engager à la dé-
posait sa charge, et, quant au dictateur M. Ju- fection. Les sénateurs craignant donc, s'ils agis-
nius Pera, après avoir accompli les devoirs de la saient à découvert, de ne pouvoir résister à la
religion, et présenté, selon l'usage, une loi au multitude soulevée, entrèrent en apparence dans
peuple pour qu'il lui fût permis de monter à clie- ses vues, et trouvèrent ainsi moyen de retarder
val, descendant aux ressources dernières d'une le mal. Ils feignent d'approuver ces projets de
république presque à l'agonie, où l'honnête cède défection en faveur d'Anuibal, mais de ne pas
à l'utile, outre les deux légions urbaines, formées être entièrmeut d'accord avec le peuple sur les
par les consuls au commencement de l'année, et conditions de cette nouvelle alliance et de cette
la levée faite parmi les esclaves, outre les co- amitié nouvelle. Gagnant ainsi du temps, ils en-
liortes tirées du Picénum et des Gaules, il avait voient en toute hâte uue députation au préteur
déclaré par un édit «Que si tous ceux qui étaient romain, Marcellus Claudius, qui était à Casi-
en prison pour quelque crime capital, ou pour linuin avec une armée: ils lui représentent dans
dette, voulaient s'curûler sous lui, il leur re- quel danger se trouve Nola, qu'AuniDal et ses
mettrait et leurs crimes et leurs dettes. Il ob- Carthaginois sont maîtres de la campagne, et
tint ainsi un corps de six mille hommes que l'on qu'ils le seront bientôt de la ville, si elle u'est se-
arma des dépouilles des Gaulois, apportées après courue. Qu'en promettantau peuple de passer aux
le triomphe de C. Flaminius. Le dictateur partit Carthaginois dès qu'il le voudrait, le sénat l'avait
donc de Rome avec une armée de vingt-cinqmille empêché de se déclarer sur-le-champ. Marcellus
hommes. Annibal, une fois maître de Capoue, les comble d'éloges, les engage à soutenir ce rôle,
essaya de nouveau d'ébranler l'esprit des Na- et à traîner en longueur jusqu'à son arrivée, tout
politains, tantôt par l'espoir, tantôt par la crainte; en cachant cependant avec le plus grand soin ce
mais ce fut en vain. Il passa alors avec son armée qui s'etait passé entre eux et lui et l'espoir qu'ils
sur le territoire de Nola, non pas comme ennemi avaient d'un secours de la part de Rome., Lui-
d'abord, car il comptait un peu sur une soumis- même il part de Casilinum et se dirige vers Cala-
sion volontaire, mais avec l'intention, s'ils trom- tia et de là passant le Vulturne et traversant le
paient son espoir, de ne rien négliger de ce qui territoire de Saticulum et de Trébia au-dessus

ducenda viginti millia peditum, quatuor equitum, qui- ut non hostiliter statim, quia non desperabat voluntariam
bus exercitus qui in ltalia, quique in Hispania erant, deditionem ita si morarentur spem, nibil eorum, que
Mippleientur. pati aut timere possent, prætermissurus. Senatus, ne
XIV. Ceterum haec, ut in secundis rebus, segniter maxime primores ejus,in societate romana cum fide per-
otioseque gesta. Romauos prœter iusitam industriam stare; plebs novarum, ut solet, rerum atque Annibalis
ammis, fortuna etiam cunctari probibebat. Nam nec cou- tota esse; metumque agrorum populationis, et patienda
sul ulli rei, quai per eum agenda esset, deerat et dic- in obsidione multa gravia indiguaque proponere animo.
talor M. Junius Pera, rebus divinis perfectis, latoque, Neque auctores defectionis deerant. Itaque ubi senatum
ut solet, ad populum, ut equum escendere liceret, præ- metus cepit, si propalarn tenderent, resisti multitudmi
ler duas urbauas legiones, quæ principio anui a consu- consitaæ non posse clam simulando dilationem mali
hbus cunscrlptæ fueraut, et servorum delectum cohor- inveniunt. Placere enim sibi defectionem ad Annibalem
tesque ex agro Piceno et gallico collectas, ad ultimum simulant quibus autem conditionibus in fœdus amici-
prope despcralæ reipubhcæ auxilium, quum honesta uti- tiamque novam transeant, parum constare. Ita spatio
Lbus ceduut, descendit, edixitque Qui capitalem frau- sumpto, legatos propere ad prætorem romanum Marcel-
dem ausi, quique pecuniæjudicati in vinculis essent, qui lum Claudium qui Casilini cum exercitu erat, mittunt,
eorum apud se mihtes fierent, eos noza pecuniaque sese docentque, quanto in discrimine sit nolana res agrum
exsolvi jussurum. » Ea sex millia hominum gallicis spo- Annibalis esse et Pœnorum urbem extemplo futuram
liis, quæ triumpho C. Flaminii translata erant, armavit. ni subveniatur. Coacedendo plebei aenatum, ubi velint,
Ilaque cum viginti quinque millibus armatorum ab urbe defecturos se, nedeficere prœfestiuarent effecisse. Mar-
proficiscitur. Annibal, Capua recepta, quum iterum Nea- cellus, collaudatis Nolanis, cadem simulatione extrahi
politauorum animos, partim spe, partim metu, nequic- rem in suum adventum jussit intérim celari, quæ se-
quam tentasset, in agrum Noianum exercitum traducit: cum acta esspnt, spemque oninem auxilli romani. Ipse a
de Suessula, il arrive à Nola à travers les monta- fut saccagée et brûlée. Marcellus était maître de
gnes. Nola, grâces à la volonté des principaux citoyens
XV. A l'arrivée du préteur romain, le Cartha- non moins qu'à l'appui de la garnison qu'il y avait
ginois sortit du territoire de Nola, et descendit mise. Mais le peuple inspirait des craintes, et,
vers la mer, se dirigeant sur Naples; plein du plus que tous les autres, L. Bantius, partisan dé-
désir de s'emparer d'une ville maritime, vers la- claré de la défection projetée, lequel redoutant
quelle pussent se diriger en sûreté les vaisseaux la vengeance du préleur, était résolu à livrer sa
qui partiraient d'Afrique. Du reste, lorsqu'il ap- patrie à Annibal, ou, si la fortune trompaitson dé-
prit qu'un officier romain commandait à Naples sir, à passer au camp ennemi. C'était un jeune
( cet officier était M. Junius Silanus, que les 1\a- homme plein de courage, et le cavalier le plus
politains avaient appelé eux-mêmes), il aban- distingué peut-être de toutes les nations alors al-
donna Naples comme il avait abandonne Nola, et liées de Rome. Annibal l'avait trouvé à Cannes
marchant sur Nucéria, il la tint quelque temps à demi mort, sous un monceau de cadavres; il
bloquée, employant tantôt la force, tantôt des l'avait fait soigner avec beaucoup de honlé, et
sollicitations inutiles auprès du peuple comme au- l'avait même renvoyé dans sa patrie, comblé de
près des grands. Réduite enfin par la famine présents. Par reconnaissance, L. Bantius voulait
Nucéria se rendit aux conditions suivantes Les soumettre Nola au pouvoir d'Annibal et il tenait
habitants devaient sortir sans armes, et avec un le préteur en grand ·ouci de ses projets de chan-
seul vêtement. Mais comme dès le commence- gement. Il fallait ou le contenir par un châtiment,
ment il avait voulu se montrer bienveillant à l'é- ou le gagner par un bienfait. Marcellusaima mieux
gard de tous les peuples de l'Italie, les Romains s'attacher un homme plein de cœur et de résolu-
exceptés il offrit des récompenses et des honneurs tion, que d'en priver seulement l'ennemi. Il le
à ceux qui voudraient rester et prendre du ser- fait donc appeler auprès de lui, et, lui pailant
vice auprès de lui. Cette offre même ne put rete- avec bienveillance, il lui dit: « Qu'il avait bien
nir personne. Tous, selon que les y déterminaient des envieux parmi ses concitoyens, qu'il devait
ou les liaisons d'hospitalité, ou simplement leur donc facilemeut comprendre que personne à Nola
volouté du moment, se dispersèrentdans les villes n'eût appris au préteur les nombreux exploits
de la Campauie; le plus grand nombre gagna par lesquels il s'était illustré; mais que le cou-
Nola ou Naples. Trente sénateurs environ, et le rage d'un homme qui avait servi dans les ar-
hasard voulut que ce fussent les plus distingués mées romaines ne pouvait rester ignoré; que
se présentèrent à Capoue; mais ils en furent re- beaucoup de compagnons d'armes de Bantius
poussés, parce qu'ils avaient fermé leurs portes à avaient dit au préteur quel homme il était, quels
Annibal, et ils se réfugièrent à Cumes. Le butin dangers il avait tant de fois bravés pour le salut et
fait à Nucéria fut donné aux soldats puis la ville la gloire du peuple romain, comment à Cannes il

Casilino Calatiam petit atque inde, Vulturno amni tra- gis fiducia præsidii, quam voluntate principum habe-
jecto, perque agrum Saticulanum Trebulanumquesuper bat. Plebes timebatur, et ante omnes L. Bantius, quem
Suessulam per montes Nolam pervenit. consensus attentalæ defectionis ac metus a pra'lore ro-
XV. Sub adventum pra'toris romani Pœnus agro no. mano, nunc ad prodilionem patriæ nunc, si ad id for-
lanoexcessit, et ad mare proxime Neapolim descendit, tuna defuisset, adtransfugiendum stimülahat. Eratju-
cupidus maritimi oppidi potiundi, quo cursus navibus venis acer, et sociorum ea tempeslate prope nobilivsimus
tutus ex Africa esset. Ceterum, postquam Neapolim a eques. Seminecem eum ad Cannas in acervo cæsorum
praefecto romauo teneri accepit (M. Junius Silanus erat, corporum iuveutum, curatumque benigne, etiam cnm
ab ipsis Neapolitanis accitus), Neapoli quoque, sicut Nola, donis Annibal domum remiserat. Ob ejus gratiam me-
omissa, petit Nuceriam. Eam quum aliquamdiu circmn- riti rem nolanam injus ditionemque dare voluerat Pœno;
sedisset, sæpe vi, sæpe sollicitandis nequicquam nunc amimnque eum et sollicitum cura novandi res pra'tor
plebe nunc principibus, fame demum in deditionem ac- cernebat. Ceterum qunm aut poena cohibendus esset
cepit, pactus, ut inermes cum singulis abirent vestimen- aut beneficio conciliandus, sibi assumpsisse quam hosti
tis. Deinde, ut qui a principio mitis omnibus Italicis, ademisse, fortem ac strenuum maluit socium, accitum-
prêter Romanos, videri vellet, præmia atque honores, que ad se benigne appellat « Multos eum invidos iuter
qui remanerent, se militare secum voluissent, proposuit. populares habere; inde existimatu facile esse quod nemo
Nec ea spe quemquam tenuit. Dilapsi omnes, quocunque civis nolanus sibi indicaverit quam multa ejus egregia
hospitia aut fortuitus animi impetus tulit, per Campaniæ facinora militaria essent. Sed, qui in Romanis mditave-
urbes, maxime Nutam Neapulimque. Quum ferme tri- rit castris, non posse obscuram ejus virtutem esse. Mul-
ginta seuatores, ac forte primus quisque, Capuam pe- tos sibi, qui cum eo stipendia ftcerint, referre, qni vir
lissent, exclusi inde, qued portas Annihali clausissent, esset ille, qua'que et quoties pericula pro sainte ac digni-
Cumas se contulerunt. Nuceriæ præda militi data est, tate populi romani adisset utique Cannensi prælio non
urbs direpla atque incensa. Nolam Marcellus non sui ma- prius pugna abstiterit, quam prope exsanguis ruina
n w il pas cessé de combattre,jusqu'à ce que, pres- ple ont des entretiens secrets avec les Carthagin;
que épuisé de sang, il eùt été ccrasé sous la masse qu'il a été résolu que, quand l'armée romaine sor-
des hommes, des chevaux des armes qui tom- tirait de la ville, on pillerait les bagages, on ferme
baient sur lui. Courage donc, ajouta Marcellus,, rait les portes et l'on s'emparerait des murailles,
tu recevras de moi toute espèce de récompense et afin qu'une fois maitre absolu dela ville, le peuple
d'honneurs, et, quand tu me connaîtras mieux pût recevoir les Carthaginois à la place di s Ro-
tu verrasque la gloire et ton intérêt n'en souffriront mains. » Marcellus, à cette nouvelle, comble d'é-
pas. Puis il donne en présent au jeune homme, loges les sénateurs, et, avant qu'un mouvement
que ces promesses remplissentde joie, un cheval n'éclate il se décide à tenter la fortune du com-
magnifique et cinq cents écus qo'il lui fait com- bat. Il divise son armée en trois corps, et les
pter parle questeur. Enfin il ordonne aux licteurs place aux trois portes qui regardent 1 ennemi il
de le laisser entrer toutes les fois qu'il le dési- se fait suivre de ses bagages, et donne ordre que
rera. les valets, les vivandiers et les malades portent
XVI. Cette bienveillance de Afarcellus toucha les palissades. A la porte du milieu il place 1 élite
tellement l'âme de l'orgueilleux jeune homme, des légions et les civaliers romains; aux deux an-
que, dès ce moment, Rome n'eut pas d'allié plus tres, les nouvelle levées, les soldats armés à la lé-
courageux et plus fidèle. Annibal était aux portes gère et la cavalerie des alliés. Il défend aux habi-
( car Nucéria une fois prise, il était revenu de- tants d'approcher des murs et des portes; et, de
venu Nola ), et le peuple pensait de nouveau peur que, les légions une fois engagées, ceux-ci ne
à une défection; alors Marcellus, à l'arrivée tombent sur le bagage,il le fait garder par des trou-
de l'ennemi, se renferma dans la ville, non pes réservées dans ce but. Aiusi préparés, les Ro-
qu'il craignit pour son camp, mais pour ne lais- mains se tenaient en armes en dedans des portes.
ser aux nombreux rebelles qui l'épiaient l'oc- Annibal., qui avait passé sous les armes une grande
casion de livrer Nola. Bientôt des deux côtés on se partie de la journée ( ce qu'il faisait depuis quel-
rangea en bataille; les Romains, sous les murs de ques jour. s'étonna d'abord que l'armée romaine
la ville; les Carthaginois, devant leur camp de ne sortît pas, et qu'aucun soldat ne parût sur les
sorte qu'entre la ville et le camp, il se livra quel- remparts. Persuadé enfin que ses intelligences
ques combats, dont le succès fut très-divers. Les avec le peuple avaient été découvertes, et que la
deux généraux voulaient bien permettre ces dé- crainte arrêtait les Romains, il renvoie au camp
fis particuliers, mais non pas donner le signal une partie de ses troupes, avec ordre d'apporter
d'une bataille générale. Les deux armées res- en toute hâte, sur le front de l'armée, tout ce qu'il
taient ainsi depuis longtemps en présence, lors- faut pour un assaut, assuré que s'il les pressait
que les principaux citoyens de Nola avertissent dans ce moment d'hésitation, il s'élèverait dans la
Marcellus que pendant la nuit, des gens du peu- ville quelque mouvement parmi le peuple. Tandis

superincidentium virorum,eqnorum, armorumque sitop- cello Nocturna colloquia inter plebem ac Pœnos fieri
pressus. Itaque macte virtute esto, inquit. Apud me tibi statiitumque esse ut. quum romana aries ecressa por-
omnis honos atque omue præmium erit et, quo frequen- tis iret, impedimenta eorum ac sarcinas diriperent, clau-
tior mecurn fueris, senties eam rem tibi dignitati atque derent deiude portas, murosque occuparent, ut, poten-
en olumento sse lætoque juveni promissis equum tes rerum suarum atque urbis, Pœnum inde pro Romano
eiimtum dono dat, bigatosque quiugeotos quæstorem acciperent.. Hæc ubi nuntiata sunt Marcello, collauda-
numerare jubet lictoribus imperat, ut eum se adire, tis senatoribus nolanis, priusquam aliquis motus iulus
quoties velit, patiantur. orirelur, fortunam pugnm experii-i statuit. Ad très por-
XVI. Hac comitate Marcelli ferocis juvenis animus tas in hostes versas tripartito exercitum instruxit impe-
adeo est mollitus, ut nemo inde aociorum rem romanam dimenta subsequi jussit calones liaasque et invalidos
fortius ac fidelius juverit, quum Annibal ad portas esset, milites vallum ferre. Media porta robora legionum et ro-
( rolam enim rursus a Nuceria moverat castra ) plebes- manos equites, duabus circa portis novos milites levcm-
que nolana de inteqro ad defectionem spectaret. Marcel- que armaturam ac tociorun) eqnites statuit. Nolani mu-
lus snb adventum hostium inlra niuros se recepit; non ros portasque adire veliti subsidi aque destinata impedi-
castris metuens, sed ue prodendæ urbis occasionem ni- meutis data, ne, occupatis prxlio legionibus, in ea
mis multis in eam inuninentibus daiet. Instrui deinde impetus fieret. Ita iustrurti intra portas stabant. Anni-
utrimque acies cœptæ, Romanorum pro mœnibus Nolæ, bali, sub signis ( id quod per aliquot dies fecerat ) ad mul-
Pœnorum ante castra sua. Praelia bine parva inter ur- tum diei in acie stanti, primo miraculo esse, quod nec
bem castraque, et vario eventu fiebant qnia duces nec exercitus romanns porta egrederetur nec armatus quis-
prohibere paucos temere provocantes nec dare signum quam in muris esset. Ratus deinde prodita colloquia esse,
universæ pugnæ volebant. In bac continua jam duorum metuque resides factos, partent militum in castra re-
exercituum statione principes Nolanorum nuntiant Mar- mittit, jussos propere apparatum omnem oppugnandæ
1
que sur la première ligne chacun se presse d'exé- biens furent confisqués au profit du peuple romain.
cuter les mouvements prescrits par Anuibal, et Remettant ensuite au sénat le pouvoir suprême,
que l'armée s'avance sous les murs, tout à coup il partit avec toute son armée, et vint camper au
une porte s'ouvre Marcellus ordonne aux trom- dessus de Suessula. Annibal avait tenté d'abord
pettes de sonner, aux troupes de pousser un cri, d'amener Acerra à une capitulation volontaire;
et aux fantassins, puis à la cavalerie, de charger mais trouvant les habitants déterminés à résis-
avec tout l'élan possible. Déjà ils avaient répandu ter, il se prépara à en faire le siège et à l'atta-
le tumulte et l'effroi au centre de l'armée ennemie, quer de vive force. Les habitants avaient plus de
lorsque, des portes voisines, les deux lieutenants, courage que de force; aussi, désespérant de pou-
P. Valérius Flaccus et C. Aurélius, s'élancent snr voir défendre la ville, dès qu'ils virent les murs
les ailes de l'ennemi. Cette nouvelle attaque est entourés d'une ligne d'ouvrages, ils n'attendirent
suivie des clameurs des valets, des vivandiers, et pas que les travaux des ennemis fussent achevés
aussi de la troupe chargée de garder les bagages; ils s'échappèrentpendant le silence de la nuit à
de telle sorte que les Carthaginois, qui méprisaient travers les intervalles des fortificationset les postes
surtout le petit nombre des Romains, pensèrent mal surveillés, et chacun d'eux chercha, par les
avoir affaire à une armée nombreuse. Je n'oserais routes frayées ou à travers les champs, selon
pas affirmer ce que rapportent quelques auteurs, que sa volonté ou le hasard le guidait, un asile
que les ennemis eurent deux mille huit cents hom- dans les villes de la Campanie que l'on savait
mes de tués, et que les Romains n'en perdirent être restées fidèles. Annibal, après avoir pillé et
que cinq cents. Que cette victoire ait été moindre brûlé la ville, apprit qu'on rappelait de Casilinum
ou aussi grande, il n'en est pas moins vrai que le dictateur et les nouvelles légions craignant
cette journée fut marquée par un grand succès, quelque mouvement sur Capoue, dont les Ro-
je dirai presque par le plus grand succès de toute mains allaient être si proches, il conduisit son ar-
cette guerre car il fut plus difficile, ce jour-là, mée devant Casilinum. Casilinum était alors oc-
aux vainqueurs d'Annibal de ne pas être vaincus cupée par cinq cents Prénestins et par quelques
par lui, qu'il ne le fut par la suite de le vaincre. soldats romains et latins, que la nouvelle du dés-
XVII. Annibal, perdant tout espoir de s'em- astre de Cannes y avait amenés. Comme les enrô-
parer de Nola, se retira sur Acerra. Marcellus fit lements à Préneste n'avaient pas été achevés au
aussitôt fermer les portes, plaça des gardes pour jour fixé, ils en étaient partis plus tard, et, ar-
que personne ne pût sortir, et, au milieu du fo- rivés à Casilinum avant la nouvelle de la défaite,
rum, il commença une enquête au sujet de ceux après s'être joints à d'autres soldats romains ou
qui avaient eu avec l'ennemi de secrètes intelli- alliés, ils avaient quitté la ville en assez grand nom-
gences. Il y en eut plus de soixante-dixqui furent bre. Mais la nouvelle de la déroute de Cannes les
condamnés comme traîtres et décapités. Leurs fit revenir sur leurs pas. Pendant quelques jours

urbis in primam aciem afferre satis fidens, si cunctan- nrm in foro de lis, qui clam in colloquiis hostium fue-
tibus instaret tumullum aliquem in urbe plebem motu- rant, habuit supra septuaginta damnatos proditionis
ram. Dum in sua quisque miuisteria discursu trepidat ad securi percussit, bonaque eorum jussit publien populi ro-
prima signa succeditqiie ad muros acies, patefacta re- mani esse et, somma rerum senatui tradita, cum exer-
pente porta Marcellussigna canere, clamoremque tolli, citu omni profectus supra Suessulam castris positis con-
ac pedites primum, deinde equites, quanta maaimo pos- sedit. Pœnus Acerras primum ad volnntariam deditio-
sent impetu, in hostem erumpere jubet. Satis terroris nem conalus pellicere, postquam obstinatos vidit, obsi-
tumultusque in aciem mediam intulerant, quum duabns dere inde atque oppngnare parât. Ceterum Acerranis
circa portis P. Valerius Flaccus et C. Aurelius legali in plus ammi, quam virium, erat. Itaque, desperata tutela
cornua hostmm erupere. Addidere clamorem lixæ calo- urbis, ut circumvallari mœnia viderunt, priusquam cou-
nesque,et alia turba custodiæ impedimentorumapposita tinuarentur bostium opera per intermissa munimenta
ut paucitatem maxime spernentibus Pœnis ingentis re- neglectasque custodias silentio noctis dilapai, per vias in-
pente exercitus speciem fecerint. Vix equidem ausim af- viaque, qua quemque aut consllium aut error tullt, in
firmare, quod quidam auctores sunt, duo millia et octin- urbes Campaniac, quas satis certum erat non mutasse
gentos hostium cæsos; non plus quingentos Romanum 6dem, perfurgerunt. Annibal Acerris direptis atque in-
amisisse. Sive tanta sive minor victoria fuit, ingens eo censis, quum a Casilioo dictatorem romanum legiones-
die res, ac nescio, an maxima illo bello gesta sit. Non que novas acciri nuntiassent, ne quis tam propinquis hos-
vinci enim ab Annibale tnnc vincentibus difficilius fuit tium castris Capuam quoque recurrat, elercitum ad Ca-
quam postea vincere. siliuumducit. Casilinum eo tempore quingenti Prænestini
XVII. Annibal, spe potiundæ Nolæ adempta, quum habebant, cum paucis Romanis Latinique nominis, quoi
Acerras recessisset Marcellus extemplo clausis portis eodem audita Cannensis clades compulerat. Hi, non con-
eustodibusque dispositis, ne quis egrederetur, quæstio- fecto Præneste ad diem delectu, serius profecti domo,
ils étaient restés à Casilinum, suspects aux Cam- freux, et font de l'ennemi un grand carnage. Cette
paniens, qu'ils redoutaient de leur côté, et occu- première attaque repoussée, Maharbal reçut ordre
pes à se prémunir contre leurs surprises, ainsi de marcher avec des forces plus considérables, et
qu'à leur en préparer eux-mêmes. Bientôt ils ap- ne soutint pas mieux la sortie des cohortes. Enfin,
prirent positivement que Capoue traitait avec An- Annibal vint camper devant les murailles, et se
nibal et était prête à le recevoir; alors, pendant tint prêt à assiéger avec toutes ses forces, toutes
la uuit, ils massacrèrent les Casiliniens, et se ren- ses ressources, une si petite place, défendue par
dirent maitres de la partie de la ville qui est en une si faible garnison. Dans une attaque fort vi-
deçà du Vulturne, lequel traverse Casilinum. Tel- goureuseoù il avait entouré complètement les mu-
les étaient donc les forces des Romains à Casili- railles, il perdit quelques soldats, les plus braves
num; il s'y trouvait encore une troupe de Puru- de son armée, que les assiégés frappèrent du haut
siens de quatre cent soixante hommes, que la de leurs tours et de leurs remparts. Ceux-ci, du
même nouvelle y avait amenés peu de jours après reste, ayant hasardé une sortie, furent presque
les l'réneslins. Pour la défense d'une enceinte coupés par les éléphants qu'il lança contre eux.
aussi peu étendue, et que le fleuve couvrait en Ramenés eu désordre dans la ville, ils perdirent
partie, avait une garnison suffisante. Le man-
il y beaucoup de monde, eu égard à leur petit nom-
que de blé la faisait même trouver trop consi- bre, et ils en eussent perdu bien plus encore, si
dérable. la nuit n'eût interrompu le combat. Le lende-
XVIII. Annibal., lorsqu'il en fut tout proche, main, les assiégeants se portèrent avec ardeur à
détache les Gélules, commandés par Isalcas; le- l'assaut. Une couronne murale en or leur avait été
quel le clrarge, s'il voit quelque moyen d'en- promise; le générallui-même était là, reprochant à
gager une conférence, d'essayer, par des pa- ses soldats que le cœur leur manquât pour enlever
roles bienveillantes, d'amener la ville à ouvrir ses une petite place en plaine, à eux, les vainqueurs
portes et à recevoir une garnison s'ils persistent de Sagonte; et il rappelait à chacun en particu-
à se défendre, il devra tenter de pénétrer par lier, à tous en général, Cannes, Trasimène et la
quelque côté dans la place. Quand les Gétules fu- Trébie. Bientôt il employa les mantelels et les mi-
rent sous les remparts, le silence qui régnait dans nes mais à ces efforts de tout genre les alliés des
la ville la leur lit supposer déserte, et le Barbare, Romains opposaient et la force ouverte et les res-
persuadé que la garnison s'était retirée par sources de l'art. Contre les mantelets, ils élevaient
crainte, se disposa à attaquer les portes et à forcer des ouvrages de défense; ils traversaient les mi-
les retranchements.Tout à coup les portes s'ou- nes par des mines en sens contraire. Toutes les
vrent, et deux cohortes, préparées dans la ville attaques ouvertes, toutes les surprises étaient re-
à ce mouvement, s'élancent avec un bruit af- poussées. Enfin, la honte même arrêta Annibal.

quum Casilinum ante adverse puguæ farnam venissent, quam, patefactis repente portis cohortes duæ, ad id ip-
et ahis aggregarent sese Romanis sociisque, prcfecli a sum instructæ intus, ingenti cum tumultu erumpunt,
Casilino cum salis magno agmine irent; avertit eos retro stragemque bostium faciuut.Ita primis repulsis, Mahar-
Casilinum nuntius Cannensis pugnæ. Ibi quum dies ali- bal, cum majore robore virorum missus, nec ipse eru-
quot, subpecti Campams limentesyue, cavendis ac struen- ptionem cohortium sustinuit. Postremo Annibal, castris
dis m vicem insidiis traduxissent, jainque de Capuæ de- ante ipsa mœnia oppositis, parvam urbem parvumque
fectione agi accipique Annibalem satis pro certo habe- praesidium summa vi alque ommbus copiis oppuguare pa-
rent, interfectis nocte oppidanis partem urbis quas cis rat. Ac. dum instat lacessilque, corona undlque circum-
Vullurnum est ( eo emm dividitur amni ), occupavere datis moenibus, aliquot milites et promptissimum quem-
idque præsidium Casilmi habebant Rnmani. Additur et que, e muro turribusque ictos amisit. Semelultro erum-
perusma cohors, hommes quadringenti sexaginta, eo- pentes agmme elephanturum opposito prope mterclusit,
dem nuntio, quo Prænestini paucos ante dies Casilinum trepidosque compulit in urbem, bâtis mullis, ut ex tanta
compulsi. Et batis ferme armatorumad tam exigua mœ- paucitate, interfectis. Plures cecidissent, ni noi prælio
ma, et flumme altera parte cincta tuenda erat penuria intervenisset. Postero die omnium animi ad oppugnan-
frumenti uimium etiam ut videretur bominum effi- dum accenduntur utique postquam corona aurea mura-
ciebat. lis proposita est, atque ipse dux castelli, plaoo loco po-
XVIII. Annibal quum jam inde baud procul esset, siti, segnem oppugnationem Saguati expugnatoribus ex-
Gætulos cum præfecto nomme Isalca, præmittit ac pri- probrabat, CannarumTrasimeniqueet Trebim singulos
mo si fiat colloquii copia verbis beoignis ad portas ape-
admonens universosque. Inde vineæ quoque cœptæ agi
riendas præsidiumque accipieudum pellicere jubet; si in cuniculique nec ad varios conatus hostium aut vis ulla
pertmacia perstent, rem gerere ac tentare si qua parte aut ars deerat. Socii Romanorum propugnacula adversus
invadere urbem possit. Ubi ad mœnia accessere, quia si- vineas statuere; transversis cuniculis hostium cuniculos
lentium erat, sohtudo visa; metuque concessum barba- exciperé,et palam et clam cœptis obviam ire, donec pu-
rut ratus, inoliri portet claustra reh ingère parât; dor etiam Annibalemab incepto avertit castrisque com-
il fortifia son camp, y laissa un détachement peu quittant, sans congés, leurs enseignes; et c était
considérable, pour ne pas paraître renoncer à son à Capoue que se réfugiaient les déserteurs.
entreprise, et alla prendre ses quartiers d'hiver XIX. Du reste, la saison commençant déjà à
à Capoue. Pendant la plus grande partie de ce s'adoucir, Annibal fit sortir ses troupes des quar-
temps, il tint logées dans les maisons de la ville tiers d'hiver, et revint devant Casilinum; car,
ses troupes depuis si longtemps éprouvées et en- bien que les opérations du siège eussent été sus-
durcies contre toutes les souffrances, si étrangè- pendues, le blocus avait été continué, et la gar-
res et inaccoutumées au bien-être. L'excès des nison, ainsi que les habitants, avaient été réduits
maux les avait trouvés invincibles; ils furent à la plus extrême disette. L'armée romaine était
sans force contre les délices de voluptés immo- sous les ordres de T. Semprouius, le dictateur
dérées, et d'autant plus enivrantes, qu'ils les étant allé à Rome reprendre les auspices. lliarcel-
ignoraient. Aussi s'y précipitèrent-ils avec fu- lus aussi eut bien désiré porter du secours aux
reur. Le sommeil, le vin, les festins, les dé- assiégés, mais il en était empêché par le Vulturne,
bauches, les bains et le repos, que l'habitude dont les eaux étaient gonflées, et par les prières
rend de jour en jour plus attrayant, les éner- des habitants de Nola et d'Acerra, qui redoutaient
vèrent à un tel point, qu'ils se défendirent dans les Campaniens, si l'armée romaine s'éloignait.
la suite plutôt par leurs victoires passées que par Gracchus, campé seulement près de Casilinum
leurs forces présentes. Aux yeux des gens de l'art, ne tentait aucun mouvement, le dictateur lui
cette faute fut regardée comme plus grave encore ayant ordonné de ne rien entreprendre en son
que celle qu'il avait commise en ne marchant absence, et il n'y avait pas de patience si forte
pas sur Rome aussitôt après la bataille de Can- qui pût tenir contre les nouvelles reçues de
nes. Son hésitation, dans cette circonstance, put, Casilinum. On savait positivement que quel-
en effet, ne paraître qu'un retard apporté à son ques-uns de ces malheureux, ne pouvant plus
triomphe; tandis que cette dernière faute lui en- supporter la faim, s'étaient précipités du haut des
leva les forces nécessaires pour vaincre à l'ave- murs; que d'autres se tenaient sans armes sur
uir. Aussi, l'on put voir qu'il n'avait plus la les remparts, offrant ainsi leurs corps tout nus
même armée lorsqu'il sortit de Capoue. Les Car- aux traits des ennemis. Gracchus était désespéré
thaginois revenaient presque tous embarrassés de de ces malheurs; mais il n'osait engager le com-
femmes de mauvaise vie et quand ils recommen- bat sans ordre du dictateur, voyant bien cepen-
cèrent à habiter sous la tente, qu'ils retrouvèrent dant qu'il faudrait en venir aux mains, s'il fai-
les marches et les fatigues de la vie de soldat, sait ouvertement passer du blé aux assiégés. Ne
semblables à de nouvelles recrues, la force leur pouvant même espérer d'en introduire secrète-
manquait aussi bien que le courage. Plus tard, ment, il eu fit ramasser dans toute la campagne
pendant tout l'été, ils s'échappaient eu foule, en emplit un grand nombre de tonneaux, et fit

munitis, ac præsidio modico imposito, ne omissa res vi- neque aliæ latebra;, quam Capua desertoribus erant.
deretur, in hiberna Capuam concessit. Ibi partem majo- XIX. Ceterum, mitescente lam hieme, educto ex bi-
rem biemis exercitum in tectis habuit, adversus omnia bernis mHite, Casilinum redit. Ubi, quanquam ab op-
humana mata sæpe ac diu duratum bonis inexpertum at- pugnatione cessatum erat, obsidio tamen continuata op-
que insuetum.Itaque, quos nulla mali vicerat vis, perdi- pidanos præsidiumque ad ultimum inopiæ adduxerat.
dere nimia bona ac votuptates immodicæ et eo impen- Castris romanis Ti. Sempronius præerat, dictatore au-
tius quo avidius ex insolentia in eas se merserant. spiciorum repetendorum causa profecto Romam. Marcel-
Somnus enim, et vinum et epulæ, et scorta, balinea- lum, et ipsum cupientem ferre auxilium obsessis, et
que, et otium consuetudine in dies blandius, ita enerva- Vulturnus amnis inflatus aquis, et preces Nolanorum at-
Terunt corpora ammosque, ut magis deinde præteritæ que Acerranorum tenebant, Campanos timentium, si
victoriæ eos quaro præsentestutarentur vires; majusque praesidium romanum abscessisset. Gracchus assidens
id peccatum ducis apud peritos artium militarium habe- tantum Casilino, quia prædictum erat dictatoris, ne quid
retur, quam quod non ex Cannensi acie protinus ad ur- absente eo rei gereret, nihit movebat quanquam, quoe
bem romanam duxisset. llla enim cunctatio distulisse facile omnem patientiam vincerent, nuntiabantura Casi-
modo victoriam videri potuit; hic error vires ademisse lino. Nam et, précipitasse se quosdam non tolerantes fa-
ad vincendum. Itaque, hercule, velut si cum alio exer- mem, constabat; et stare inermes in mûris, uuda cor-
cita a Capua exiret, nihil usquam pristinæ disciplinæ te- pora ad missilium telorum ictus præbentes. Ea aegre pa-
nuit. Nam et redierunt plerique scortis impliciti et, ubi tiens Gracchus, quum neque puguam conserere dictatoris
primum sub pellibus haberi cœpti sunt, viaque et alius injussu auderet (pugnandum autem esse, si palam fru-
militaris labor excepit, tironum modo corporibus animis- mentum importaret, videbat), neque clam importaudi
que deficiebant et deinde per omne æstivorum tempus spes esset, farre ex agris circa undique convecto, quuni
magna pars sine commeatibus ab siguis dilabebantur complura dolia complesset, nuntium ad magistratumCe-
avertir le magistrat de Casiliuum de recevoir au tendre parler d'aucunes conditions de paix, con-
passage les tonneaux qu'apporterait le fleuve. La sentit enfin à traiter du rachat des hommes libres.
nuilsuivante, toute la garnison, ranimée parl'es- Le prix pour chacun fut fixé à sept onces d'or. Ces
poir que lui donnait l'envoyé de Gracchus, avait conditions acceptées, ils se rendirent et furent re-
les yeux fixés sur le fleuve, quand les tonneaux tenus captifs jusqu'à ce que tout l'or eût été payé,
arrivèrent portés par le courant. Le blé fut égale- puis renvoyés à Cumes, selon les conventions du
ment partagé entre tous. Le lendemain et les jours traité. Ce récit est plus exact que celui d'après le-
suivants la même chose se répéta. C'était la nuit quel, ceux-ci apantrefusé, Annibal aurait envoyé
que les tonneaux s'envoyaient et se recevaient; par de la cavalerie pour les massacrer. Ils étaient en
ce moyen, on trompait la surveillance des postes grande partie de Préneste sur cinq cent soixante-
carthaginois. Mais bientôt des pluies continuelles dix qui formaient la garnison, plus dela moitié pé-
vinrent ajouter d'une manière inaccoutumée à la rit par la faim ou par le fer. Les autres rentrèi ent
force du courant, qui, dans sa violence, jeta de sainset sauf à Préneste avec leur préteur M. Ani-
côté les tonneaux sur le rivage qu'occupaient les cius, autrefois secrétaire. Il y a un monumentqui le
Carthaginois. Ils les yaperçurent embarrassés dans prouve, c'est une statue de M. Anicius, qu'on voit
lessaules qui croissaient sur le bord; ce qu'ayant à Préneste sur le forum, couverte d'une cuirasse,
su Annibal il prit les précautions les plus rigou- revêtue de la toge, la tête voilée il y a aussi trois
reuses pour que rien ne pût échapper de ce que autres statues, et on lit cette inscription gravee
le Vulturne porterait à la ville. Les Romains ré- sur une lame d'airain Offrande promise par
pandirent sur le fleuve des noix, qui, emportées M. Anicius pour les soldats et la garnisou de Ca-
par le courant à Casilinum, y étaient recueillies silinum. Trois statues, placées dans le temple de
à l'aide de claies. Enfin, les assiégés en vinrent à la Fortune, portent la même inscription.
un tel pointde détresse, qu'ils arrachaient les cour- XX. Casilinum fut rendu aux Campaniens;
roies et les peaux de leurs boucliers, et les amol- Annibal y mit une garnison de sept cents soldats
lissaient dans l'eau bouillante pour essayer de s'en de peur que les Carthaginois, une fois partis les
nourrir. Les rats et tous les autres animaux fu- Romains n'en tentassent le siège. Le sénat de Rome,
rent dévorés. Ils arrachaient les herbes, les raci- par un décret, vota aux soldats de Préneste une
nes de toute espèce qui croissaient au pied des solde double et l'exemption du service militaire
murailles; et comme l'ennemi avait labouré tout pendant cinq années. Il leur offrit aussi le droit
ce qu'il y avait de terre végétale hors du mur, les de cité romaine en récompense de leur courage.
assiégés y jetèrent de la graine de raves, si bien Mais ils ne voulurent pas renoncer au nom de
qu'Annibal s'écria: «Est-ce qu'il me faudra rester Prénestins. Le sort des Pérusiens est moins connu,
devant Casilinum jusqu'à ce qu'elles soient pous- n'ayant été révélé ni par un monument qu'ils au-'
sées ? Et lui, qui jusque-là n'avait voulu en- raient élevé, ni par un décret du sénat. Dans la

silinum misit, ut exciperent dolia, quæ amnis deferret. redemplione liberorum capitum. Septunces auri in sin-
Insequenti nocte, intentis omnibus in flumen ac spem ab gulos pretium convenit. Fide accepta, sese tradiderunt;
nuntio romano factam dolia medio missa amni defluie- donec omne aurum persotutum est, in vinculis habiti
runt. Æqualiter inter omnes frumentum divisum. Id pos- tum remissi Cumas cum fide. Id verius est, quam ab
tero quoque die ac tertio factum est. Nocte et mitteban- equite in abnuentes immisso interfectos. Praenettini mam-
tur et perveniehant eo custodias bostium fallebant. Im- ma pars fuere. Ex quingentis septuaginta qui in pran-
brihua deinde continuis citatior solito amni8 transverso dio fuerunt, minus dimidium ferrum famesque absump-
vortice doha impulit ad ripam, quam hostes servabant. sit ceteri incolumes Præneste cum proetore suo M. Am-
Ihi haerentia inter obnata ripis salicta conspiciuntur nun- cio (scriba is antea fuerat) redierunt. Statua ejus indicio
tiatumque Annibali est, et deinde intentiore custodia eau- fuit, Præneste in foro statuta, loricala amiela toga,
lum ne quid falleret Vulturno ad urbem missum. lruces velato capite; et tria signa cum titulo lamux æneæ in-
tamen fusæ ab Romanis castris, quum medio amni ad scripto, « M. Anicium pro milinbus, qui Ca,ilini in prte-
Casilinum defluerent, cratibus excipiebantur. Postremo sidio fuerint votum vovisse. » Idem titulus tribus àignis
ad id ventum inopiæ est, ut lora detractasque scutis pel- in a'de Fortunæ positis fuit subjectus.
les, ubi fervida mollissent aqua, mandere conarentur XX. Casilinum oppidum redditum Campanis est fir-
nec muribus atiove aaimali abstinerent, et omne herba- niatum septingentorum militum de exercitu Annibalis
praesidio ne, nbi Pœnus inde abscessisset, Romani op-
rum radicumque genus aggeribusinfimis muri eruerent
et quum bostes obarassentquicquid berbidi terreni ex- pugnarent. Prænestinis militibus senatus romanus du-
tra murum erat raporum semeu injecerunt,ut Annibal, plex stipendium et quinquennii militiæ vacationemdecre-
Eooo usque, dum ea nascantur, ad Casilinum sessurus vit. Civitate quum donarentur ob virtutem, non mutave-
suint exclamaret et, qui nullam antea pactionem au- rant. Perusinorum casus obscurior fama est; quia nec
ribus admiserat, Lam demum agi secum est passus de ipsorum monumento ullo est illustratus, nec decreto Ro-
même temps, les Pétéliens qui, seuls des Brut- qui était daps la campagne fût apporté à la ville,
tiens, étaient restés fidèles à l'alliance de Rome, et que l'on travaillât à la fortifier.
se voyaient attaqués non-seulement par les Car- XXI. A peu près à cette même époque, on re-
thaginois, alors maîtres du pays, mais aussi par çut à Rome des lettres de la Sicile et de la Sar-
les autres Bruttiens, desquels ils avaient séparé daigne. Celles de Sicile furent lues les premières
leur cause. Incapables de résister aux maux qui les dans le sénat. Titus Otacilius, propréteur de cette
pressaient, les députés envoyèrent une ambassade province, annonçait « que le préteur P. Furiusétait
pour implorer le secours de Rome. Quand on leur avec sa flotte à Lilybee, de retour d'Afrique,
eut déclaré qu'ils eussent à pourvoir eux-mêmes à blessé gravement et en danger de perdre la vie;
leur sûreté, ils se répandirent en pleurs et en gé- que les soldats et les équipages n'avaient reçu au
missements devant le vestibule de la curie. A leurs juur Gté ni blé ni solde, et qu'on n'avait pas d'ar-
prières, à leurs larmes, le peuple et le sénat s'ému- gent pour leur en donner. Il priait donc de tou-
rent d'une grande compassion. Le sénat, consulté tes ses forces le sénat d'en envoler au plus tôt,
de nouveau à ce sujet par le préteur M. Pompo- et, s'il le croyait convenable, de lui nommer
nius, après avoir examiné toutes les forces de l'em- un successeur parmi les nouveaux préteurs. e
pire, fut contraint d'avouer que désormais il ne A. Cornélius Mammula, propréteur en Sardaigne,
pouvait rien pour la défense d'alliés si éloignés; mandait à p 'u près la même chose au sujet de la
qu'il leur fallait donc retourner dans leur patrie, paie et de la nourriture de l'armée. On leur répon-
et, après avoir jusqu'à la fin persisté dans leur dit à tous deux qu'on n'avait rien à leur envoyer,
fidélité, aviser eux-mêmes, dans les circonstances et on leur enjoignit de pourvoir eux-mômes à
présentes, aux moyens d'assurer leur salut à ve- l'entretien des flottes et des troupes. T. Otacilius
nir. A cette réponse, rapportée par les ambassa- envoya une députation à Hiéron, unique ressource
deurs, le découragement et la terreur s'empa- du peuple romain, et il en reçut assez d'argent
rèrent aussitôt de leur sénat; les uns voulaient pour la solde de l'armée, et du blé pour six mois.
que l'on s'enfuît chacun de son côté et qu'on aban- En Sardaigne, les villes alliées vinrent généreuse-
donnât la ville; les autres proposaient, puisqu'on ment au secours de Cornélius. L'argent manquant
se voyait abandonné par d'anciens alliés, de se aussi à Rome on créa d'après la proposition
joindre aux autres Bruttiens, qui régleraient les de M. Minucius, tribun du peuple des trium-
condilionsauxquelles on se soumettraità Annibal. virs, chargés des opérations des finances. Ces
Cependant on se rangea à l'avis de ceux qui pen- triumvirs furent L. Émilius Papus, qui avait été
saient qu'il ne fallait rien faire au hasard, ni avec consul et censeur, M. Atilius Régulus, qui avait
précipitation.L'affaire fut remise au lendemain; et été deux fois consul, et L. Scribonius Libo, en ce
alors, après une délibération plus calme, les ci- moment tribun du peuple. On créa aussi duum-
toyens les plus considérables obtinrent que tout ce virs M. et C. Atilius, qui firent la dédicace du

manorum. Eodem tempore Petelinos, qui uni ex Bruttiis tectis omnibus ex agris, urbem ac muros firmarent.
manserant in amicitia romana non Carthagimeoses mo- XXI. Per idem lere tempus literæ ex Secilia Sardima-
do, qui regionem oblinebant, sed Bruttii quoque ceteri, que Romam allatæ. Priures ei Sicilia T. Otacilii propræ-
ob separata ab se consilia, oppugnabant. Quibus quuin toris in senatu recitatae sunt « P. Furium prætorem
obsistere malis nequireut Petelini legatos üomam ad cum classe ex Africa Lylibæum venisse ipsum graviter
præsidium peteudum miserunt.Quorum preces lacrimæ- saucium in discrimine ultimo vitæ esse. Militi et navali-
que (in questus enim flebiles, quum sibimet ipbi consu- bus sociis neque stipendium neque frumentum ad diem
lere jussi sunt, sese in vestibulo Curiae profuderunt) ddri neque, unde detur, esse. Magnopere suadere, ut
ingentem misericordiam Patribus ac populo moverunt. quam primum ea mittantur sibique si ita videatur, ex
Consultique iterum a M. Pomponio praetore Patres, cir- novis prætoribus successoremmittant. » Eademque ferme
cnmspectis omnibus imperii viribus, fateri coacti, uihil de slipendio frumentoque ab A. Cornelio Mammula pro-
jam longinquis sociis in se praesidii esse, redire domum, prætore ex Sardinia scripta. Responsum utrisque, non
fideque ad ultimum expleta, consulere sibimet ip,os in esse, unde mitteretur jussique ipsi classibusatque exer-
reliquum præsenti fortuna jusserunt. Hæc postquam re- cnibus suis consulere.T. Otacilius, ad uuicumsubsidium
nunliata legatio Petelinis est, tantus repente mœror pa- pupuli romani Hieronem legatos quum misisset, in sti-
vorque senatum eorum cepit, ut pars profugiendi, qua pendium, quanti argenti opus fuit, et sex mensium fru-
quisque posset, ac deserendæurbis auctures essent pars mentum accepit. Cornelio in Sardinia civitates sociw be-
quando deserti a veteribus sociis essent, adjungendi se nigne contulerunt.Et Romæ quoque propter penuriam
ceteris Bruttiis, ac per eos dedendi Anmbali. Vicit tamen argenti, triumviri mensarii, rogatione M. Minucii tribuni
ea pars, quae nibil raptim nec temere agendum, consu- plebis, facti, L. Æmilius Papus, qui consul censorque
lendumque de integro censuit. Ile laxata postero die per fuerat, et M. Atilius Regulus, qui bis consul fuerat, et
mmorem irepidaunem teaucrunt optimates, ut, cou- L. Scribomus Libo, qui lum tubunus plebis cral. Et
temple de la Concorde, construit d'après le vœu dignation souleva toute l'assemblée Manlius
de L. Manlius, lorsqu'il était préteur; puis trois surtout se prononça plus haut que tous les autres
pontifes, Q. Cécilius Métellus Q. Fabius Maxi- il s'écria,qu'il y avait encore un homme de la
mus, et Q. Fulvius Flaccus, à la place de P. Scan- même race que le consul qui, au Capitule, me-
tinius, mort à Rome, de L. Émilius Paulus et de naça autrefois de tuer de sa propre main le pre-
Q, lElius Pétus qui avaient succombé à Cannes. mier Latin qu'il verrait introduit dans le sénat.
XXII. Après avoir, autant qu'il est donné à la Q. Fabius Maximusdit « quejamais proposition plus
prudence humaine, réparé les désastres dont la déplacée n'avait été faite au sénat qu'au milieu
fortune avait de tons côtés accablé l'empire, les sé- des incertitudes, des doutes des alliés, c'était tou-
nateurs jetèrent enfin un coup d'ceil sur eux- cher un point qui devait les agiter plus encore
mêmes, sur ce sénat désert, sur le petit nombre que cette parole insensée d'un seul homme, il fal-
de membres qui composaient le conscil de la na- lait l'étouffer dans un silence unanime et que
tion. En effet, depuis la censure de L. Emilius et si jamais, dans le sénat, il y avait eu quclyue
de C. Flamiuius, on n'avait pas élu de nouveaux chose de secret, de sacré à taire c'était surtout
sénateurs, quoique, pendant les cinq années qui une pareille proposition, qu'on devait cacher,
s'étaient écoulées, les chances malheureuses de la oublier, regarder comme non avenue. o Il n'en
guerre et les accidents ordinaires de la vie en eus- fut donc fait aucune mention. Il fut décrété
sent enlevé un grand nombre. Le dictateur étant que l'on créerait dictateur un homme qui eût été
parti pour l'armée, aussitôt après la prise de Casili- déjà censeur, le plus ancien de tous les censeurs
num ,M. Pomponius, préteur, à la demande géné- actuellement existants, et qu'il serait chargé de
rale, fit un rapport à ce sujet. Sp. Carvilius, après nommer les nouveaux membres du sénat. Le con-
avoir déploré, dans un long discours, que le sénat sul C. Térentius fut mandé pour proclamer le dic-
fut si peu nombreux, et qu'il y eût si peu de ci- tateur. Il quitta l'Apulie, où il laissa des troupes,
toyens parmi lesquels on pût choisir de nouveaux et revint à grandes journées à Home. La nuit sui-
sénateurs, déclara que pour compléter le sénat et vante, selon l'usage, d'après un sénatus-consulte,
unir plus étroitement les peuples latins à Rome, il proclama M. Fabius Butco dictateur pour six
il conseillait de tout son pouvoir de donner, si le mois, sans maître de la cavalerie.
sénat le trouvait bon, ledroit de cité à deux séna- XXIII. Fabius, suivi de ses licteurs, monta alors
teurs de chacun des peuples du Latium, et de les à la tribune, et déclara « qu'il n'approuvait pas
admettre au sénat à la place de ceux qui avaient qu'il y eût à la fois deux dictateurs, mesure jus-
péri. Cette proposition fut accueillie avec autant que-là sans exemple ni qu'on l'eût nommédicta-
de colère que la demande même qu'en avaient teur sans maître de la cavalerie; que l'on n'aurait
autrefois faite les Latins. Un frémissement d'in- pas dû confier une puissance, telle que la censure,

duumviri creati, M. et C. Atilii ædem Concordiæ, quam ipsorum quondam postulatum Latinorum, Patres audie-
L. Manlius prsetor voverat, dedicaverunt. Et tres ponti- runt et, quum fremitus indignantium tota Curia esset,
nces creati, Q. Cæcilius Metellus, et Q. Fabius Maxi- et prxcipue T. Manlius, « esse etiam nune stirpis ejus
mus, et Q. Fulvius Flaccus, in tocum P. Scautinii de- firum, diceret, ex qua quondam in Capitolioconsul mi-
mortui, et L. Æmilii Paulli consulis et Q. Ælii Pæti matus esset, quem Latinum in Curia vidisset, eum sua
qui ceciderant pugna Cannensi. manu se interfecturum; Q. Fabius Maximums, « Non-
XXII. Quum cetera, quæ continnis cladibus fortuna quam rei ullius alieniore tempore mentionem factam in
minuerat, quantum consiliis bumanis assequi poterant, senatu, dixit, quam intertam suspensos sociorum animos
Patres explessent tandem se quoque et solitudinem Cu- incerlamque fidem id tactum, quod insuper sollicitaret
riæ, paucitatemque convenientium ad publicum consi- eos. Eam unius hominis temerariam vocem silentio om-
lium respeierunt. Neque enim post L. Æmilium et C. Fla- nium exstinguendam esse et, si quid unquam arcani
minium censores senatus lectus fuerat, quumtantum se- sanctive ad silendum in Curia fuerit, id omnium maxime
natorum adversæ pugnæ, ad hoc sui quemque casus per tegendum, occulendum, obliviscendum, pro non dicto
quinquennium absumpsissent. Quum de ea re M. Pom- babendum esse. Ita ejus rei oppressa mentio est. Dicta-
poniuspraetor, dictature post Casilinum amissum profecto torem, qui censor ante fuisset, velustissimusque ex iis,
jam ad exercitum, eiposcentibus cunctis retulisset; tum qui viverent, censoriis esset, creari placuit, qui sena-
Sp. Carvilius, quum longa oratione non solum inopiam, tum legeret accirique C. Tereulium consulemad dicta-
sed paucitatem etiam chium, ex quibus in Patres lege- torem dicendum jusserunt. Qui quum et Apulia, relicto
rentur, conquestus esset, explendi senatus causa, et jun- ibi præsidio magnis itineribus Romam redisset, nocte
gendi artius latini nomims cum populo romano, magno- proxima ut mos erat, M. Fabium Buteonem ex senatus-
pere se suadere dixit, ut ex singulis populis Latiuorum, consulto sine magistro equitum dictatorem in sex menses
b nis senatoribus, si Patres romani censuissent, civitas dixit.
daretur, atque in demortuorum locum in senatum lege- XXIII. Is, ubi cum lictoribus in rosira escendit, « ne-
rentur. Eam sententiam haud æquioribus animie, qeam que duos dictatores tempore uno, quod nunquam autea
à uu seul homme, et au même homme pour la prêcher que le désir de le reconduire chez lui n'en.
seconde fois; ni enfin donner au dictateur un pou- traînât le peuple hors du forum. Cependant le
voir de six mois, quand il n'était pas nommé pour retard ne ralentit pas le zèle des citoyens, et un
faire la guerre. Il ajouta qu'il mettrait des bornes cortège nombreux le ramena chez lui. La nuit sui-
à ce que le hasard, les circonstances et la né- vante, le consul repartit pour l'armée sans en rien
cessité avaient mis d'exagération dans ces mesu- dire au sénat, a6n de n'être pas forcé à rester à
res qu'il ne ferait sortir du sénat aucun de ceux Rome pour les comices.
que les censeurs C. Flaminius et L. Emilius XXIV. Le lendemain le sénat, consulté par le
avaient nommés; qu'il donnerait seulement l'or- préteur M. Pomponius, décida qu'on écrirait au
dre de transcrire et de proclamer leurs noms, afin dictateur de venir pour nommer les nouveaux con-
qu'un seul homme n'eût pas le pouvoir de juger suls, et, s'il le jugeait utile à la république, d'ame-
et de décider arbitrairement de la réputation et ner avec lui le maître de la cavalerie et le préteur
des mœurs d'un sénateur qu'il ferait enfin, pour M. Marcellus, afin que l'on pût apprendre d'eux-
remplacer les morts, uu choix tel, qu'en vît bien mêmes où en étaient les affairesde la république,
qu'il préférait un ordre de citoyens à un autre, et arrêter les mesures que dicteraient les circon-
et non pas un homme à un autre homme. » On lut stances. Ils se rendirent tous à cet ordre, et lais-
donc le nom des anciens sénateurs; puis Fabius sèrent à des lieutenants le commandement de l'ar.
nomma à la place des morts, chacun à son rang mée. Le dictateur parla peu de lui-même, et dans
d'ancienneté, ceux d'abord qui, depuis la cen- des termes très-mesurés. Il rapporta au maître de
sure de L. Émilius et de C. Flamiuius, avaient la cavalerie, T. Sempronius Grachus, une grande
occupé une magistrature curule et qui ne fai- partie des succès obtenus puis il fixa le jour des
saient pas encore partie du sénat; il appela comices, où furent nommés L. Postumius pour la
ensuite ceux qui avaient été édiles, tribuns troisième fois ( malgré son absence, car il com-
du peuple, ou questeurs, puis après les magis- mandait en Gaule), et T. Sempronius Gracchus,
trats, ceux qui avaient chez eux des dépouilles des alors maître de la cavalerie et édile curule. On
ennemis, ou qui avaientreçuunecouronne civique. créa ensuite préteurs M. Valérius Lévinus,
Lorsqu'il eût ainsi créé cent soixante-dix-sept sé- Ap. Claudius Pulcher, Q. Fulvius Flaccus, Q. Mu-
nateurs, à la grande satisfactionde tous, il se dé- cius Scévola. Le dictateur après les élections,
mit aussitôt de la dictature et descendit comme retourna à Téanum où l'armée était en quartiers
simple particulier de la tribune, ordonnant aux d'hiver, laissant à Rome le maître de la cavalerie,
licteurs de se retirer puis il se méla à la foule de qui, devant entrer en charge sous peu de jours,
ceux qui s'occupaient de leurs affaires particu- avait besoin de s'entendre avec le sénat au sujet
lières, ayant soin d'y rester longtemps, pour em- de la levée et de la destination des troupes pour

factum esset, probare se, dixit: neque dictatorem se sine Neque tamen elanguit cura hominum ea mora frequen-
magistro equitum nec censoriam vim uni permissam, tesque eum domum deduierunt. Consul nocte insequenti
et eldem iterum nec dictatori, niai rei gerendæ causa ad exercitum rediit, non facto certiore senatu, ne comi-
creato, in sei menses datum imperium. Quæ immoderata tiorum causa in urbe retineretur.
fors tempus ac necessitas fecerint, iis se modum impo- XXIV. Posiero die consultus a M'. Pomponio prætore
siturum. Nam neque seuatu quemquam moturum ex iis, senatus decrevit, dictatori srribendum, uti, si e repu-
quos C. Flaminius L. Aimilius censores in senatm8 le- blica censeret esse, ad consulessubrogandes vemret cum
gissent transscribi tautum recitarique eos jussurum ne magistroequituroet prætore M. Marcello, ut ex iis præ-
pênes unum hominem judicium arbitriumque de fama sentibus noscere Patres possent, quo statu respubliea
ac murihus senatoris fuerit et ita in demortuorum lo- esset, consiliaque ex rébus caperent. Qui acriti erant,
cum sublecturum, ut ordo ordini, non homo homini omnes venerunt, relictis legatis, qui legionibus præes-
prælatus videretur.. Recitato vetere senatu, inde primos sent. Dictator, de se pauca ac modice locutus, in magi-
in demortuorum locum legit, qui post L. Æmilium et atrum equitum, Ti. Sempromum Gracchum, magnam
C. Flaminiumcensores curuletn magistratum cepissent, partem gloriæ vertit; comitiaque edixit, quibus L. Po-
necdum in senalum lecti essent, ut quisque eoi um pri- stumius tertium absens, qui tum Galliam provinciam ob-
mus crejtus erat; tum legit, qm a'diles, tril)uni plebei, tinebit, et Ti. Scmpronius Gracchus, qui tum magister
quæstoresve fu 'raot tum ex its, qui magistratus non eqtiitum et a dilis curul s erat consules crearentur. Præ-
cepissent qui spolia tx hoste fixa domi haberent, aut ci- tores inde creati, M. Valerius Lævinus. Ap. Claudius
vicam coronam decepissent. Ita, centum sepluaginta se- Pulcher, Q. Folvius Flaccus Q. Mucius Sca'vola. Dicta-
ptein coin ingenti approbatioue bominum in senatum le- tor, creatis magistratibus, Teanum in hiberna ad exerci-
ctis, extemplo se magistratu abdicavit, privatusque de tum rediit, relicto magislro equitum Romæ qui, quum
rostris descendit, bctoribus abire jussis turbæque se post paucos dies magistratuminiturus esset, de exerciti-
immiscuitprivatas agentium res, tempos hoc sedulo te- lius scribendis comparandisque in annum Patres cousu-
rens, ne dedlecendi sin causa populare de furo abduceret. leret. Quum cæ res maxime agerentur, nova clades nun
l'année. Au milieu de toutes ces mesures, on tewple le plus respecté chez cette nation puis, la
apprit une nouvelle défaite. La fortune accumu- tête fut vidée, et le crâne, selon l'usage de ces
lait tous les désastres sur cette année. L. Postu- peuples, orné d'un cercle d'or ciselé, leur servit
mius, consul désigné, avait péri en Gaule avec de vase sacré pour offrir des libations dans les
toute son armée. Il y avait une vaste forêt que fêtes solennelles. Ce fut aussi la coupe du grand
les Gaulois appellent Litana, et où il allait faire pontife et des prêtres du temple. Le butin fut pour
passer son armée. A droite et à gauche de la route, les Gaulois aussi considérable que l'avait été la
les Gaulois avaient coupé les arbres, de telle sorte victoire; car, bien que les animaux, pour la plu-
que tout en restant debout ils pussent toruber à part, eussent été écrasés par la chute de la forêt
la plus légère imlmlaion. Postumius avait deux n'y ayant pas eu de fuite ni par conséquent de dis-
légions romaines; etdu côté de la mer supérieure persion des bagages, on retrouva tous les objets à
il avait enrôlé tant d'alliés, qu'une armée de terre, le long de la ligne formée par les cadavres.
vingt-cinq mille hommes le suivait sur le terri- XXV. A la nouvelle de ce désastre, la ville fut
toire ennemi. Les Gaulois s'étaient répandus sur plusieurs jours plongée dans une consternation
la lisière de la forêt, le plus loin possible de la profonde. Les boutiques restaient fermées, la ville
roule. Dès que l'armée romaine fut engagée dans était déserte comme pendant la nuit. Lesédiles,
cet étroit l assage, ils pnussèrent les plus éloignés par ordre du sénat, en parcoururent touslcs
de ces arbres qu'ils avaient coupés par le pied. quartiers firent rouvrir les boutiques et dispa-
Les premiers tombant sur les plus proches, si peu raltre tous les signes de ce désespoir général.
stables eux-mêmes et si faciles à renverser, tout T. Sempronius, dans une assemblée qu'il présida,
fut écrasé par leur chute confuse, armes, hommes, consola les sénateurs et les exhorta, « eux que
chevaux il y eut à peine dix soldats qui échappè- les désastres de Cannes n'avaient pu abattre,
rent. La plupart avaient péri étouffés sous les à ne pas se désespérer d'une défaite bien moins
troncs et sous les branches brisées des arbres; importante qu'en ce qui regardait les Carthagi-
quant aux autres, troublés par ce coup inattendu, nois et Annibal, pourvu que les choses fussent
ils furent massacrés par les Gaulois, qui cernaient aussi prospères qu'il espérait qu'elles allaient l'ê-
en armes toute l'étendue du défilé. Sur une ar- tre, il n'y avait pas de danger à abandonner
mée si considérable, quelques soldais seulement pour l'instant la guerre des Gaules, et que plus
furent faits prisonniers, en cherchant à gagner le tard les dieux et le peuple romain sauraient bien
pont, où l'ennemi, qui en était déjà maître, les tirer vengeance d'une telle perfidie. Ce qui devait
arrêta. Ce fut là que périt Postumius, en faisant fixer toute leur attention, ce dont il fallait s'oc-
les plus héroïques efforts pour ne pas être pris. cuper surtout, c'était Annibal et les armées que
Ses dépouilles et sa tête, séparée de son corps, fu- l'on emploierait dans la guerre carthaginois. »
rent portées en triomphe par les Boïens dans le Lui-même dit le premier ce qu'il y avait, à l'ar-

tiata, aliam super aliam cumulante in eum annum for- vam auro celavere idque sacrum vas iis erat, quo
tuna: L. Postumium, consulem deiignatum, in Gallia sollennibus libarent poculumque idem sacerdoti esse,
ipsum atque exercitum deletos. Silva erat vasta ( Litanam ac temph antistitibus. Præda quoque haud minor Gallis
Galli vocahant), qua elercitum traducturus erat. Ejus quam victoria, fuit. Nam etsi magna pars animalium
silvæ dextra lævaque circa viam Galli arbores ita incide- strage silvæ oppressa erat, tamen ceteræ res, quia nihil
rant, utimmotæstarent, momento leri impulsæ occide- dissipatum fuga est, stratæ per omoem jacentis agminis
reot. Legiones duas romanas habebatPostumius,socium- ordinem inventa* sunt.
que ab supero mari tantum conscripterat, ut vigioti quin- XXV. Hac nuntiata clade, quum per dies multos in
que millia armatorum in agros hostmm induierit. Galli tanto pavore fuisset civitas, ut, tabernis clausis, velut
oram extremæ silvæ quum circumsedissent, ubi intra- nocturna solitudine per urbem acta, senatus ædilibus ne-
vit agmen saltum, tum eitremas arborum succisarum gotium daret ut urbem circumirent, aperirique taber-
impellunt quæ, alia in aliam instabilem per se ac male nas, et mœstitiæ publicæ speciem urbi demi juberent tum
bærentem, incidentes, ancipiti strage arma, viros, equos Ti. Sempronius senatum habuit, consolalusque Patres
obruerunt, ut vu decem humioes effugereiit. Nam quum est, et adhortatus, « ne, qui Canneusi ruinæ uon succu-
exauimati plerique essent arborum truocis fragmentisque buisseot, ad minores calamitates animos summitterent.
ramorum, ceteram quoque multitudmem, inopinato Quod ad Carthaginienses hostes Aouibalemque attioet,
malo trepidam, Galli, saltum omnem armati circumse- prospera modo essent, sicut speraret futura, Gallicum
dentes iuterfecerunt; paucis e tant numéro captis qui, bellum et omitti tuto et dilferri posse ultiooemyue eam
flumims pontem petentes, ohsesso ante ab hostibus ponte fraudis in deorum ac populi romani polestate fore. De
interclusi sunt. Ibi Postumms, omni vi, ne caperetur, hoste poeno eiercitibusque,per quos id bellum gereretur,
dumicans, occubuit. Spolia corporis capulque ducis prx- consultandum atque agitandum.» Ipse primum, quid pedi-
cisum Boli ovantes t4 mplo quod sanctissimumest apud tum equitnmque, quid civium quid sociorum iu exercilu
ens intulere, Purgato inde capite, ut mos tis est, cal- esset dictatoris, disseruit. Tuin Marcellus suarum copia-
mée du dictateur, d'infanterie et de cavalerie Scipions, Publius et Cnéius s'étaient partagé les
de citoyens et d'alliés. Ensuite Marcellus donna troupes. Cnéius commandait l'armée de terre, et
uu aperçu des forces qu'il commandait. On sut Publius la flotte. Asdrubal, le général carthagi-
par les gens les mieux informés ce qu'il y avait nois, peu confiantdans ses soldats et dans sa flotte,
de troupes en Apulie avec le consul C. Térentius. se tenait loin de l'ennemi, à une distance et dans
Toutefois on ne voyait aucun moyen de donner des positions où il n'avait rien à craindre. Après
aux consuls des armées assez fortes pour soutenir de longues et pressantes prières, il avait enfin
une si grande guerre. Il fut donc résolu, malgré la obtenu d'Afrique un renfort de quatre mille fan-
juste colère dont tous étaient animés contre la tassins et de cinq cents chevaux. Plein d'espoir
Gaule, qu'on ne s'en occuperait pas cette année. alors, il se rapprocha de l'ennemi, et fit lui-mémo
Un décret donna au consul le commandement de équiper et préparer une flotte pour protéger les
l'armée du dictateur. Quant à l'armée de Blarcel- îles el les côtes. Mais au milieu même de cette
lus, un autre décret fit passer en Sicile tous ceux activité toute nouvelle qu'il imprimait déjà aux
de ses soldats qui avaient fui à Cannes ils du- opérations, il fut paralysé par la trahison des chefs
rent y servir tant qu'on aurait la guerre en Italie. de ses vaisseaux. Depuis les reproches sévères que
On y fit encore passer tous ceux des soldats du leur avait valus leur lâcheté lors de l'abandon
dictateur qui étaient trop faibles, mais sans leur de leur flotte auprès de l'Èbre, ils avaient été
imposer l'obligation de servir plus longtemps que médiocrement fideles à leur général, et au parti de
ne le prescriraient les lois. Deux légions urbaines Carthage. Ces transfuges avaient tenté de soule-
furent mises sous les ordres du consul qui pren- ver les Carpésiens, et quelques villes avaient été
drait la place de L. Postumius, et qu'on devait entraînées par eux à la révolte; l'une d'elles
nommer dès que les auspices seraient favorables. fut même prise d'assaut. Il fallut donc quitter
On dut rappeler aussi le plus promptement possi- les Romains pour porter la guerre chez ce peu-
ble deux des légions de Sicile, d'où le consul, ple. Asdrubal entra en ennemi sur leur terri-
qui aurait sous ses ordres les légions urbaines, toire, et résolut d'attaquer Galbus, chef renommé
était autorisé à tirer tous les soldats qui lui se- des Carpésiens, qui, sous les murs de la ville prise
raient nécessaires. Le commandement fut con- par les révoltés quelques jours auparavant, avait
servé au consul C. Térentius pour une année campé à la tête d'une armée considérable. D'a-
encore, et il garda toutes les troupes avec les- bord il envoya en avant des soldats armés à la
quelles il défendait l'Apulie. légère, pour attirer l'ennemi au combat, et une
XXVI. Tous ces événements, tous ces prépara- partie de son infanterie reçut l'ordre de ravager
tifs qui occupaient l'Italie, ne ralentissaient nul- sur plusieurs points la campagne, et de se saisir
lement la guerre d'Espagne; où les Romains jus- de ceux des ennemis qui s'y seraient répandus.
qu'alors avaient été plus heureux. Les deux La terreur était au camp ennemi, en même temps

rum summam exposuit. Quid in Apulia cum C. Terentio gereret, Asdrubal Pcenorum imperator, neutri parti vi-
consule essct, a peritis quæsitum est. Nec, unde cousu- rium satis fidens procul ab boste, intervallo ac locis
lares exercitus satis firmi ad tantum bellum efficerentur, tutus, tenebat se quoad multum ac diu obtestanti qua-
inibatur ratio. Itaque Galliam, quanquam stimulabat tuormillia peditum et quingenti equites in supplemeutum
justa ira, omitti eo anno placuit. Exercitus dictatoris con- nrssi ex Africa sunt. Tum, refecta tandem spe, castra
suli decretus est. De exercitu Marcelli, qui eorum ex fuga propius hostem movit classemque et ipse instrui parari
Cannensi essent in Siciliam eos traduci, atque ibi mili- que jubet ad insulas maritimamqueoram tutandam. In
tare, donec in Italia bellum esset placuit. Eodem ex ipso impetu movendarum de iutegro rerum perculit eum
dictatoris legionibusrejici militem minimi quemque robo- præfectorum navium trausitio qui, post classem ad
ris, nullo praestituto militiæ tempore, nisi qui stipendio- Iberum per pavorem desertam graviter increpiti, nun-
rum legitimorum esset. Dux iegiones urbanæalteri con- quam demde satis fidi aut duci, aut Carthaginiensium
suli, qui in locum L. Postumii suffectus esset, decretæ rébus fuerant. Fecerant hi transfugæ motum in Carpe-
sunt:eumque, quum primum salvis auspiciis posset, siorum gente, desciverantque iis auctoribus urbes ah-
creari placuit. Legiones praeterea duas primo quoque quot una etiam ab ipsis m capta fuerat. In eam gentent
tempore ex Sicilia acciri atque inde consul, cui legioues versum ab Romanis bellum est; infestoque exercitu As-
urbanae evenissent, milltum sumeretquantumopusesset. drubal ingressus agrum hostium pro capta* ante dies
C. Terentio consuli propagari in annum imperium ne- paucos urbis mœnibus, Galbum nobilem Carpesiorum
que de eo exercitu, quem ad praesidium Apulim babe- ducem, cum valido exercitu castris sese teneutem, ag-
ret, quicquam minui. gredi statuit. Pra'missa igitur levi armatura quae elice-
XXVI. Dum hac in Italia geruntur apparanturque, ret hostes ad certamen peditum partem ad depopulau-
nihilo segnius in Hispama bellum erat sed ad eam diem dum per agros passim dimisit, ut palantes exciperent.
magis prosperum Romanis. P. et Cn. Scipiombus inter Simul et ad castra tumultus erat, et per agros fugaque et
te partiris CJIAdS, ut Cnæus terra, Pubhua nambus rem cœdes demde undtque diversis itineribus quum iu caste,
que la futc et le carnage dans la campagne. Mais quer les ennemis, ainsi dispersés et sans ensei-
bientôt, par différents chemins, les révoltés rega- gnes pour se rallier; et, descendant de la colliue,
gnèrent le camp, et alors leur frayeur se dissipa il marche en bataille sur leur
camp. Les senlinel-
si cumplétement, qu'ils reprirent assez de cou- les abandonnent leur poste et viennent en désor-
rage, non seulement pour défendre leurs re- dre annoncer la présence de l'ennemi. On crie
tranchements, mais même pour attaquer l'en- aux armes; chacun, selon qu'il est armé, s’élance
nemi. Ils s'élancent donc en foule hors du camp, au ambat, sans attendre ni commandement ni
bondissant selon leur coutume; leur audace enseignes, sans observer aucun ordre. Déjà
subite frappa de terreur l'ennemi, qui na- les premiers sont engagés, que quelques-uus
guère s'était mis à les poursuivre. Asdrubal fit accourent encore par petites troupes, et que
retirer sou armée sur une colline assez escarpée, les autres n'ont pas quilté le camp. D’abord leur
que protégeait encore une rivière qui passait au audace seulc épouvanta un instant l’ennemi
bas il rappcla ses troupes Iégères et sa cavalerie, mais bientôt, dans celle attaque de quelques in-
qui s'était dispersée; et, comme si la hauteur de dividus contie des masses, sentant bien le dan-
la colline et le fleuve n'eussent pas été une dé- ger où les met l'infériorité du nombre, ils se re-
fense assez sûre, il fit fortifier son camp. Dans gardent entre eux; repoussés de toute part, ils
cette terreur, qui s'empara alternativement des se forment en cercle; ils s'appuient les uns contre
deux partis, il y eut quelques engagements. Le les autres, ils entrelacent leurs armes, et alors
cavalier numide n'y put pas tenir tête au cavalier circonscrits dans un étroit espace, ayant à peine
espagnol, ni le maure, avec ses javelots, au sol- la liberté de mouvoir leurs armes, ils sont enve-
dat armé de la cétra, aussi léger que lui, mais loppés par les ennemis et massacrés pendant une
plus brave et plus vigoureux. grande partie du jour. Un petit nombre s'ouvre
XXVII. Les révoltés, voyant que leurs provoca- une issue et gagne les forêts et les montagnes. La
tions devant les palissades ne pouvaient attirer les terreur était si grande que le camp fut aban-
Carthaginois au combat, et que, d'un autre côté, donné, et que, lelendemain, la nation entière
l'attaque du camp n'était pas chose facile, allèrent vint se soumettre. Cette soumission ne fut pas
à Ascua, où Asdrubal, en entrant par le territoire de longue durée; Asdrubal ayant reçu, presque
ennemi, avait fait transporter ses grains et tous aussitôt après l'ordre de conduire sans délai
ses vivres ils la prennent d'assaut, et se rendent sou armée en Italie. A peine la nouvelle s'en fut-
maitres de la campagne environnante. Dès ce mo- elle répandue en Espagne, que presque tous les
ment, il n'y eut pas de pouvoir capable de les esprits se lournèrent vers les Romains. Asdrubal
maintenir, soit dans la marche, soit au camp. As- écrivit aussitôt à Cartlrage combien avait été fu-
drubal s'aperçoit de cette négligence, résultatordi- neste le bruit de son départ, et « que s'il partait
naire d'un succès il exhorte ses soldats à atta- réellement, il n'aurait pas passé l'l:bre, que l'Es-

se recepissent, ado repente decessit animia payer, ut non ire acie instrucla ad castra. Quem ut adesse tumultuose
ad mummenta modo defendenda satis animorum esset, nuntiavere fugientea ex speculisstationibusque, ad arma
sed etam ad lacessendum hostem pra'lio. Erumpunt igi- conclamatum est. Ut quisque arma ceperat sine imperio,
tur agmine e castris, tripudiautes more suo; repentina- sine signo, incompositi inordinati in prœhum ruunt.
que eorum audacia terrorem hosti paullo ante ultro la- Jam primi conseruerant manus, quum alii catervatim
cessenti incussit. Itaque et ipse Asdrubal in collem salis currercut, alii nondum e castris exissent. Tamen primo
arduum lulum flumine eliam objecto, tum copias sub- ipsa audacia terruere hostem. Deiude, rari in conferlos
ducit et præmissammissamlevem armaturam equitesque pa- illati, quum paucitas parum tuta esset, respicere alii
latos eodem recipit nec aut colli aulllnmiui satis lidens, alios, et undique pulsi coire in orbem; et dum corpori-
vallo castra permunit. In hoc alterno pavore certaminj bus applicantur, armaque armis jungunt, in artum com-
aliquot sunt contracta nec Numida Hispauo eques par pulsi, quum vix moveudisarmis salis spatii esset, corona
fuit uec jaculator Maurus cætrato, velocitate pari, ro- hostium cincti, ad multum diei cxduntur. Exigua pars,
bore animi viriumque aliquantum præstanti. eruptione facta silvas ac montes petit parique terrore
XXVII. Postquam neque elicere Pœnum ad certamen et castra sunt deserta et universa gens postero die in de-
obversati castris poterant, neque castrorum oppugnatio ditionem venit. Nec diu in pacato mansit. Nam subinde
facilis erat, urbem Ascuam, quo, fines hostium ingre- ab Carthagine allatum est, ut Asdrubal primo quoque
diens, Asdrubal frumentum commeatusque alios con- tempore in lialiam exercitum duceret. Qua vulgala res
veierat Ti capiunt, omnique circa agro potiuntur. Nec per Ilispauiam omnium ferme animos ad Romauos aver-
jam, aut in aginine, aut in castris, ullo imperio couti- tit. Itaque Asdrubal extemplo literas Carthaginem miit,
neri. Quam ubi uegligenliam ex re, ut fit, beue gesta indicans, quanto fama profectionis suae damuo fuisset.
oriri senscrat Asdrubal cohortatus milites ut palatos “ Si vero inde pergeret, priusquam Iberum transmet,
sine bignis hostes aggnderentur,degressus colle, pergit Romanorum Hispaniam fore. Nam, præterquam quod
pagne serait aux Romains. Qu'eu effet, outre qu'il gnorait pas qu’Annibalavait souvent acheté à prir
n'avait à laisser à sa place ni soldats ni général, d'or un passage qu'il n'avait obtenu les se-
les généraux romains étaient tels, qu'à peine avec cours des Gaulois qu'en les payant; que s'il eût
des forces égales, on 1 ouvaitlcur résister; qu'ainsi tenté sans argent un si immense trajet, il se-
donc, si l'on attachaitquelque importanceà la pos- rait à peine parvenu au pied des Alpes. Asdru-
session de l'Espagne, on lui envoyât un successeur bal recueillit donc à la hâte les impôts, et descen-
avec une armée considérable; que même au cas dit vers l'l?bre. Dès que l'armée romaine avait eu
où tout réussirait au nouveau général un pareil connaissance des décrets de Carthage et de la
commandement ne le laisserait pas oisif. marche d'Asdrubal, les généraux n'avaient plus
XXVIII. Cette lettre lit d'abord beaucoup d'im- pensé qu'à réunir leurs armées, et ils se pré-
pression sur le sénat. Toutefois la guerre d'Italie paraient à s'opposer à la marche tentée par As-
étant d'une Lien autre importante, la décision drubal, bien persuadés que s'il parvenait avec
du sénat au sujet d'Asdrubal et de ses troupes l'armée d’Espagne à rejoindre Annibal, à qui, bien
fut maintenue. Himilcon, avec une armée suf- que seul, l’italie pouvait à peine résister, la ruine
lisante et une flotte renforcée de plusieurs vais- de l'empire romain serait inévitable. Dominés
seaux, fut envoyé pour maintenir et défendre par cetle inquiétude, ils rassemblent leurs trou-
l'Espagne sur terre aussi bien que sur mer. pes sur l’Èbre, puis, passant le fleuve, ils délibè-
Dès qu'il a débarqué son armée et les équi- rent s'ils doivent aller camper en l'ace d’Asdrubal,
pages de la flotte, il fortifie son camp, met à ou se contenter d'attaquer les alliés de Carthage,
sec ses vaisseaux, les entoure de palissades, et et de détourner ainsi l'ennemi du chemin qu'il se
lui-même, à la tête d'une troupe de cavaliers proposait de prendre. Ils se décident enfin à faire
d'élite, il s'avance à marches forcées, non sans le siège d’Ibera, ville ainsi appelée du fleuve
la circonspection nécessaire, au milieu de ces dont elle est voisine, la plus riche alors de toute la
populations toutes suspectes ou ennemies; il contrée. Asdrubal l'apprend, mais au lieu de por-
parvient auprès d'Asdrubal. Il lui fait part du ter secours à ses alliés, il va lui-même assiéger
décret et des ordres du sénat, reçoit en retour ses une ville, qui vient de se soumettre aux Romains.
instructions sur la direction de la guerre en Espa- Aussitôt les Romains abandonnent le siège d'i-
gne, et revient à son camp. La rapidité de sa bera, et tournent toute la guerre contre Asdrn-
marche avait plus que tout le reste assuré sa sécu- bal.
rité car sur chaque point, il s'était retiré avant XXIX. Pendant quelques jours les deux armées
que les ennemis eussent pu se concerter contre restèrent en présence à cinq milles l'une de l'au-
lui. Asdrubal n'opéra son mouvement qu'après tre il y eut quelques légers engagements, mais
avoir levé uue forte contribution en argent dans pas de bataille rangée. Enfin le même jour, comme
tous les pays où s'étendait sa domination. Il n'i- de concert, des deux côtés, le signal du combat

nec praesidium, nec ducem haberet, quem relinqueret quosdam pretio mercatum nec auxilia Gallica aliter,
pro se; eos imperatores esse romanos, quibus vit acquis quam conducta, habuisse; inopem tantum iter ingressum,
viribus resisti possit. Itaque si ulla Hispaniæ cura esset vil penetraturum ad Alpes fuisse. Pecuniis igitur raptim
successorem sibi cuin valido exercitu mitterent cui ut exactis, ad Iberum descendit. Décréta Carthagiuiensium
omnia prospère evenirent, non tamen otiosam provinciam et Asdrubalis iter uhi ad Romanos sunt perlata omnibus
fore. ” omissis rebus ambo duces junctis copiis ire ohviam
XXVIII. Hie literæ quanquam primo admodum mo- cœptis alque obsistere parant; rati si Annibali vix per
verunt senatum tamen quia Italiæ cura prior pntior- se ipsi tolerando Ilaliae hosti, Asdrubal dux atque hispa-
que erat nihil de Asdrubale neque de copiis ej is muta- niensis exercitus esset juuctus, illum Romani finem im-
tum est. Himilco cum exercitu jus o et aucta classe, ad perii fore. Ilis anxii curis ad Iberum contrabunt copias;
retinendarn terra mariyue ac tuendam Hispaniam, est et, transite amne, quum diu consultassent utrum castra
missus; qui, ut pedestres navalesque copias trajecit, ça- castris conferreut, an satis haberent, sociis Carthagi-
stris communitis navibusque subductis et vallo circum- niensium oppugnandis morari ah itinere proposito ho-
datis, cum equitibus delec is ipse quantum maxime ac- stem, urbem a propinquo flumine Iberam appellatam,
celerare poterai, per dubios infestosque populos juxta opulentissimam ea tempestate regionis ejus, oppugnare
intentus ad Asdrubalem pervenit. Quum decreta senatus parant. Quod ubi sensit Asdrubal, pro ope ferenda so-
mandataque exposuisset, atque edidicisset ipse in vicem, ciis, pergit ipse ire ad urbem deditam nuper in fidem
quemadmodum tractandum bellum in Hispania foret, Romauorum, oppugnaudam. Ita jam cœpta obsidio onissa
retro in sua castra rediit; uulla re, quam celeritate, tutior, ab Romanis est, et in ipsum Asdrubalem versum bellum.
quod undique abierat,-antequamconsentirent. Asdrubal, XXIX. Quinque millium intervallo castra distantia ha-
priusquam moveret castra pecuuias imperat populis om- buere paucos dies nec sine levibus prœliis, nec ut in
nibus aux ditiouis, satis gnarus, Annibalem transitus aciem eurent. Tandem uno eodenique die velut ex coin.
fut donné, et les deux armées descendirent dans le centre d'Asdrubal lâclia pied, et tourna le dos
la plaine. L'armée romaine fut formée en trois aux Romains qui se portaient vigoureusement en
corps. Une partie des vélites fut mêlée aux soldats avant. Le combat n'en fut pas moins acharné aux
du premier rang; le reste se tiut derrière les en- deux ailes. D'un côté les Carthaginois, de l'au-
seignes la cavalerie garnit les ailes. Les Espa- tre les Africains pressent l'armée romaine, la
gnols formèrent le centre d'Asdrubal; à la droite il chargent sur les deux flancs, l'enveloppent dans
plaça les Carthaginois, à la gauche les Africains et une double attaque. Mais en se réunissant par
les mercenaires. La cavalerie fut distribuée sur masses sur le centre, elle eut assez de force
les ailes, les Numides avec l'infanterie carthagi- pour rejeter de chaque côté les deux ailes de
noise les autres cavaliers avec les Africains. Les l'ennemi. Il y avait donc deux combats dans les-
Numides ne furent pas tous placés à la droite, quels les Romains, qui avaient enfin enfoncé
mais ceux-là seulement qui, comme les sauteurs le centre, se trouvaient bien supérieurs et en
de profession, ont l'habitude de conduire avec eux nombre et en forces. Leur victoire ne fut pas
deux chevaux au plus fort de la mêlée, et de sau- douteuse. Il périt dans le combat beaucoup de
ter tout armés du cheval fatigué sur le cheval monde, et si les Espagnols n'eussent pas fui en
frais, tant est grande et leur agilité et la docilité désordre quand la bataille commençait à peine
de cette race de chevaux. Tel était l'ordre de ba- de toute l'armée ennemie bien peu eussent sur-
taille des deux armées; les généraux de chaque vécu. La cavalerie ne fut presque pas engagée;
parti étaient égalemeut pleins de confiance; ni car les Maures et les Numides, des qu'ils vi-
l'un ni l'autre n'avait de supériorité marquée rent le centre ébranlé, s'enfuirent confusément,
quant au nombre ou à la bonté des troupes; ce- chassant même les éléphants devant eux, et lais-
pendant les dispositions des soldats étaient loin sant aiusi les ailes à décou\ert. Asdrubal resta
d'être les mêmes dans les deux armées. Quoique jusqu'à ce que la déroute fût bien décidée, et il
les Romains combattissent loin de leur patrie, s'échappa avec quelques hommes seulement du
leurs chefs leur avaient facilement persuadé qu'ils milieu du carnage. Les Romains prirent son camp
combattaient pour l'Italie et pour Rome. Aussi, et le pillèrent. Ce combat leur rallia tous ceux
comme des hommes dont le retour dans la patrie qui hésitaient encore en Espagne, et enleva à As-
dépendait du résultat de cette bataille, ils étaient drubal tout espoir, non-seulement de transpor-
bien résolus de vaincre ou de mourir. Dans l'autre ter en Italie ses troupes, mais même de rester en
armée il y avait moins de détermination. Les sol- sûreté en Espagne. A Rome, où cette nouvelle fut
dats y étaient presque tous Espagnols, et ils ai- annoncée par des lettres des Scipions, on se ré-
maieut mieux être vaincus en Espagne, que de jouit moins de la victoire, que de l'impossibilité
vaincre pour être traînés en Italie. Aussi, au pre- où se trouvait désormais Asdrubal d'arriver en
mier choc, quand à peine les traits furent lancés, Italie.

posito ulrimque signum pugnae propositum est, atque Vix pila conjecta essent, retulit pedem media acies, infe-
omnibus copus in campum descensum. Triplex stetit ro- rentihusque sese magno impetu Romanis terga verlit.
mana acies. Velitum pars inter antesignanos locala pars Nihilo segnius in cormbus prœlium fuit. Hinc Pœnus,
post signa accepta; équités cornua ciniere. Asdrubal hinc Afer urget; et velut in circumventos prœlio ancipiti
mcdiam aciem Hispanis firmat in cornibus, dextro Pœ- pugnant. Sed quum in medium tota jam coisset Romana
nos locat, lævo Afros mercenariorumqueauxilia equi- acies, satis virmm ad dimovenda hostium cornua habmt.
tum Numidas Pœnorumpeditibus, ceteros Afris pro cor- Itaque duo diversa prœlia erant utroque Romani, ut
uibus apponit. Nec omnes Numidæin dextro locati cornu, qui, pulsis tandem mediis et numero et robore virorum
sed qmbus, desultorum in modum, binos trahentibus præstarent, haud dubie superarunt.Magna vis hominum
equos inter acerrimam sæpe pugnam in recentem equum ibi occisa et nisi Hispani vixdum conserto prœlio tam
ex fesso armatis transsultare mos erat tanta velocitas effuse fugissent, perpauci ex tota superfuissent acie. Eque-
ipsis, tamque docile equorum genus est. Quum hoc stris pugna nulla admodum fuit; quia simul inclinatam
modo instructi starent, imperatorum utriusque partis mcdiam aciem Mori Numidæque videruat, extemplo fuga
haud ferme dispares spes erant. Nam ne multum quidem, effusa nuda cornua elephantis quoque præ se actis de-
aut numéro, aut génère militum bi aut illi præstabant. seruere. Et Asdrubal, usque ad ultimum eventum pugnæ
Militibuslonge dispar animus erat. Romanis enim quan- moratus, e media caede cum paucis effugit. Castra Ro-
quam procul a patria pugnarent, facile persuaserant du- mani cepere atque diripuere. Ea pugna, si qua dubia in
ces, pro Italia atque urbe Romana eos pugnare. Itaque, Hispania erant, Romanis adjunxit Asdrubaliqne non
velut quibus reditus in patriam eo discrimine pignæ ver- modo in Italiam traducendi exercitus, sed ne manendi
teretur, obstinaverantauimis, vincere aut morio Minus quidem satis tuto in Hispauia spem reliquit. Quæ post-
pertinaces viros habebat altera acies. Nam maxima pars quam literis Scipionum Romæ vulgata sunt, non tam
llispani erant qui vinci in Hispania, quam victores in victoria, quam prohibuo Asdrubalis in Italiam trantu,
Ilaham trahi, malebant. Primo igitur concursa, quum lætabantur.
XXX. Pendant que ces événements se passaient son. Gélon, l'aîné de la race, méprisant la vieil-
en Espagne, Pétélia, dans le Bruttium, fut prise lesse de son père, et, après la défaite de Cannes,
d'assaut, après un siège de plusieurs mois, par Ili- l'alliance des Romains, passa aux Carthaginois,
milcon, l'un des lieutenants d'Annibal. Cette vic- et la Sicile se fût révoltée, si une mort, surve-
toire coûta bien du sang et des pertes aux Car- nue si à propos que son père même ne fut pas à
thaginois. Ce fut la famine bien plus que la force l'abri des soupçons, ne l'eût emporté quand déjà
qui vainquit les assiégés. En effet quand tous leurs il armait la multitude et qu'il cherchait à sou-
aliments eurent été épuisés, soit grains, soit lever les alliés. Tels furent les différents événe-
chair de toute espèce d'animaux, ils se nourrirent ments qui se passèrent cette année-là en Italie,
du cuir de leurs chaussures, d'herbes, de raci- en Afrique, en Sicile et en Espagne. Sur la fin de
nes, d'écorces tendres, des feuilles dont ils dé- l'année, Q. Fabius Maximus demanda au sénat la
pouillaient les buissons. La ville ne fut prise que permission de faire la dédicace du temple de Vé-
quand ils n'eurent plus assez de force pour se tenir nus Erycine, que, dictateur, il avait fait vœu
sur les murs et pour porter leurs armes. Pétélia d'élever. Le sénat décréta que T. Sempronius,
une fois dans ses mains, le Carthaginoisconduisit consul désigné, dès son entrée en charge, pro-
ses troupes devant Consentia elle fut défendue poserait au peuple une loi qui nommerait Fa-
avec moins de constance, et il s'en rendit maître bius duumvir pour faire la dédicace de ce tem-
en peu de jours. A peu près à la même époque une ple. En l'honneur de M. Émilius Lépidus qui
armée de Bruttiens investit Crotonc, ville grec- avait été deux fois consul et augure, ses trois fils
que, autrefois puissante à la guerre et populeuse, Lucius, l\1arcus et Quintus donnèrent des jeux
mais à cette époque accablée par tant et de si grands funèbres pendant trois jours, et pendant trois
malheurs, qu'à peine elle renfermait vingt mille jours aussi dans le forum, un combat où parurent
citoyens de tout âge. Cette ville, sans défenseurs, vingt-deux paires de gladiateurs. Les édiles curu-
tomba bientôt au pouvoir des ennemis. La cita- les C. Létorius et T. Sempronius Gracchus, con-
delle seule fut sauvée. Une poignée d'hommes, sul désigné, qui pendant son édijité avait été
au milieu du tumulte d'une ville prise d'as- maître de la cavalerie, firent célébrer les jeux
saut, parvint à s'y réfugier après avoir échappé romaines, qui durèrent trois jours. Les jeux du
au massacre. Les Locriens aussi passèrent aux peuple furent trois fois célébrés par les édiles
Bruttiens et aux Carthaginois les principaux ci- M. Aurélius Cotta et M. Clamlius Marcellus. La
toyens avaient livré le peuple. Dans toute cette troisième année de la guerre punique venait de
contrée, les Rhégiens seuls restèrent fidèles aux s'écouler, lorsqu'aux ides de Mars, le consul
Romains et indépendants. Cette tendance des es- T. Sempronius entra en fonctions. Quant aux pré-
prits gagna jusqu'à la Sicile, et la maison même teurs, Q. Fulvius Flaccus, qui avait été déjà deux
d'iliéron ne fut pas entièrement pure de trahi- fois consul et censeur, il eut en partage la juri-

XXX. Dum hæc in Hispania geruntur, Petelia in Brut- pervenit et ne domus quidem Hieronis tota ab defectione
tiis, aliquot post mcnsibus,quam cœpta oppugnari erat, abstinuit. hiamque Gelo maximus stirpis, contempla si-
ab Himilcone, præfecto Annibalis, expuguata est. Multo mul senectute patris simul post Cannensem cladem Ro-
sanguine ac vulueribus ea Pœnis Victoria stetit nec ulla mana societate, ad Pœnos defecit: movissetque in Sicilia
magis vis obsessos, quarn fames, expugnavit. Absumptis res, nisi mors adeo opportuna, ut patrem quoque suspi-
enim frugum alimeotis, carnisque omnis generis qua- cione aspergeret,armantemeum multitudinem, sollicitan-
drupedum sulrinae postremo coriis, berbisque et radi- temque socios absumpbisset. Hæc eo auno in Ilalia, in
cibus, et corticibus teneris strictisque rubis vixere; nec, Africa in Sicilia, in Hispania vario eventu acta. Exitu
antequam vires ad standum in mûris ferendaque arma anni Q. Fabius Maximus a senatu pnstulavit,ut ædem
deerant, eipugnati sunt. Recepta Petelia, Pœnus ad Veneris Erycinæ, quam dictator vovisset, dedicai-e li-
Consentiam copias traducit quam, minus pertinaciter ceret. Senatus decrevit, ut Ti. Sempronius consul de-
defensam, intra paucos dies in deditionem accepit. lis- sipuatus, quum primum honorem inisset, ad populum
dem ferme diebus et Bruttiorun exercitus Cmtonem. ferret, ut Q.Fabium duumvirum essejuberent aedia de-
Græcam urbem circumsedit, opulentam quondam ar- dicandae causa. Et M. Æmilo Lepido qui bis consul au-
mis virisque, tum jam adeo multis magnisque cladibus gurque fuerat, filü tres, Lucius, Marcus, Quintus lu-
afllictam, ut omnis ætatis minus viginti millia civium su- dos funèbres per triduum, et gladiatorum paria duo et
peressent. Itaque urbe a defensoribus vasta facile potiti viginti per triduum in foro dederunt. Ædiles curules
sunt bostes arx tantum retenla, in quam inter tumultum C. Lætorius, et Ti. Sempronius Gracchus, consul de-
captæ urbis e media cæde quidam effugere. Et Locren- I signatus qui in aedilitate magister equitum fuerat, ludos
ses descivere ad Bruttios Pœnosque, prodita multitudine Romanos fecerunt, qui per triduum instaurati sunt. Ple-
principibus. Rhegini tantummodo regionis ejus et in bei ludi a·dilium M. Aurelii Cottæ et M. Claudii Marcelli
fide erga Romanos, et potestatis suæ ad ultumum man- ter instaurati. Circumacto tertio anno Punici bclli,
scrunt. In Siciliam quoque eadem inrliuatio animorum Ti. Semproniusconsul Idibus Martiis magistratum uni
diction de la ville, M. Valerius Lévinus celle des année, à cause des exploits qui avaient illustré sa
étrangers; Ap. Claudius Pulcher la Sicile, Q. Mu- préture, tout le sénat frémit d'indignation. Le
cius Scévula la Sardaigne. Le peuple voulut que consul s'en aperçut « Pères conscrits, dit-il, il
M. hfarcellus eût le pouvoir de proconsul, parce était de l'intérêt de la république que M. Claudius
que seul de tous les généraux romaius, depuis la partit pour la Campanie afin d'effectuer le mouve-
défaite de Cannes, il avait remporté une victoire ment des armées, et que les comices ne fussent pas
en Italie. convoqués avant qu'il eût rempli sa mission et qu'il
XXXI. Le sénat, dans la première séance qu'il fût de retour, pour que vous eussiez au consulat
tint au Capitole, décida que l'impôt serait exigé l'homme qu'y appellent et les circonstances et vos
double cette année, et qu'on eu percevrait la moi- vœux les plus ardents. ” Il ne fut plus question de
tié sans délai, pour payer à tous les soldats la comices jusqu'au retour de Alarcellus. Pendant ce
solde échue, excepté toutefois à ceux qui avaient temps-là on créa duumvirs Q. Fabius Maximus, et
été à Cannes. Quant aux armées, le décret por- T. Otacilius Crassus, qui présidèrent à la dédi-
tait que, le consul T. Sempronius fixerait le jour cace, l'un du temple de la Sagesse, l'autre de ce-
où les deux légions urbaines se réuniraient à lui de Vénus Érycine. Ces deux temples sont au
Calès; qu'ensuite elles seraient conduites au Capitole, séparés seulement par un fossé. Les
camp de Claudius au delà de Suessula, que cel- trois cents cavaliers campaniens après avoir
les qui l'occupaient actuellement, composées en achevé avec honneur leur temps de service en
grande partie de troupes qui s'étaient trouvées à Sicile, étaient arrivés à Rome. Il fut proposé une
Cannes, seraient emmenées par Ap. Claudius Pul- loi au peuple par laquelle ils élaient déclarés ci-
cher en Sicile, d'où l'on rappelait à Rome les toyens romains, comme faisant partie du muni-
troupes qui y servaient. M. Claudius hlarcellus fut cipe de Cumes, à dater de la veille de la défection
envoyé à l'armée qui avait dû se rassembler de Capoue. Une considération surtout fit proposer
Calès à un jour fixé, et il reçut ordre de con- cette loi, c'est qu'ils avouaient eux-mêmes ne plus
duire au camp de Claudius les légions urbaines. savoir à quelle nation ils appartenaient; ils avaieut
Ap. Claudius envoya le lieutenant T. Métilius renoncé à leur ancienne patrie, et ils n'étaient pas
Croto pour recevoir l'ancienne armée et la con- encore reconnus par celle où ils étaient rentrés.
duire en Sicile. On avait d'abord attendu en si- Marcellus étant revenu de l'armée, les comi-
lence que le consul convoquât les comices pour la ces sont assemblés pour nommer un consul à la
nomination de son collègue; mais quand ou vit place de L. Postumius. On nomme d'un commun
Marcellus éloigné, comme à dessein, lui que la accord Marcellus, qui devait aussitôt entrer en
volonté générale appelait au consulat pour cette charge. Au moment de son installation le tonnerre

Prxtores Q. Fulvius Flaccus, qui ante bis consul cea- tum, velut de industria, M. Marcellum viderunt, quem
sorque fuerat, urbanam, M. Valerius Lævinus peregri- maxime consulem in eum annum ob egregie in prastura
nain sortem in jurisdictione habuit. Ap. Claudius Pul- res gestas creari volebaut, fremitus in Curia est ortus.
cher Siciliam, Q. Mucius ScævolaSardiniam sortiti sunt. Quod ubi sensit consul, “Utrimque, inquit, e republica
M. Marcello proconsule irnperium esse populus jussit, fuit, Patres conscripti et M. Claudium ad perniutandos
yuod post Cannensem cladem unus Romanorumimpera- exercitus in Campaniam proficisci et comitia non prius
torum in Italia prospere rem gessisset. edtci, quam is inde, confecto, quod mandatum est, ne-
XXXI. Senatus, quo die primum est in Capitolio con- gotio, revertisset; ut vos consulem, quem tempus rei.
sultus, decrevit, ut, quo eo anno duplex tributum im- publicæ postularet, quem maxime vultis, haberetis.. Ita
peraretur, simplex confestim exigeretur, ex quo stipen- de comitis, donec redut Marcellus, silentium fuit. Interea
dmm prxsens omnibus militibus daretur, præterquam duumwri creati sunt Q. Fabius Maximus et T. Otacilius
qui milites ad Cannas fuissent. De exercitibus ita decre- Crassus, aedibus dedicandis, Menti Otacilius, Fabius
verant, ut duabus legionibus urbanis Ti. Sempronius Veneri Erycinæ. Utraque in Capilolio est, canali uno
cunsul Cales ad cnnvenieodum diem ediceret inde ea' discretae. Et de trecentis equilihus Campanis, qui, in
legiones in castra Claudiana supra Suessullm deduce- Sicilia cum fide stipendiis emeritis, Romam venerant,
rentur qux ibi legiones essent (erant autem Cannensis dein latum ad populum, ut cives Romani essent item,
maxime exercitus), cas Ap. Claudius Pulcher prætor in uti municipes Cumani essent, pridie quam populus Cam-
Siciham trajiceret; quæque in Sicilia essent, Romam panus a populo romano defecisset. Maxime, ut hoc fer-
deportarentur.Ad exercitum, cui ad conveniendum Cales retur, moverat, quod quorum hominum essent, scire se
edicta dies erat, M. Claudius Marcellus missus; isque ipsi negabaut; vetere patrla relicta, in eam, in quam
jussus in castra Claudiana deducere urbanas legiones. Ad redierant, nondum asciti. Postquam Marcellus ab exer-
veterem exercitum accipiendum deducendumque inde in citu rediit, comitia uni consuli rogando in locum
Siciliam T. Metilius Croto legatus ab Ap. Claudio est L. Postumii edicuntur.Creatur ingenti consensu Marcel-
missus. Taciti primo exspectaverant homines uti consul lus, qui eitemplo magistratum occiperet. Cui ineuuti
compta collegæ creando baberet. Deinde, ubi ablega- consulatum quum tonuisset, vocati augures vitio creatum
gronda; les augures appelés déclarèrent que fé- en Italie avec douze mille fanta sins, quinze cents
lection paraissait mauvaise, et les patriciens al- cavaliers, vingt élépliauts et mille talents d’argent,
laient répétant partout que les dieux étaient mé- sous l'escorte de soixante vaisseaux longs, lors-
contents de ce que, pour la première fois, deux qu'arriva la nouvelle qu'on avait été battu en Es-
plébéiens étaient ensemble consuls. Marcellus se pagne, et que presque tous les peuplesde cette pro-
retira, et à sa place on nomma Fabius Maximus vince avaient passé aux Romains. Quelques-uns
pour la troisième fois. Cette année-là les eaux de voulaient que Magon avec sa flotte et son armée se
la mer prirent feu. A Sinuessa une génisse mit rendit en Espagne sans plus songer à l'Italie, mais
bas un poulain à Lanuvium dans le temple de tousse laissèrent, disait-on, séduire à l’espoir sou-
Junon Sospita, les statues suèrent du sang, et au- dain de recouvrer la Sardaigne. « Il ne s'y trouvait
tour du temple il tomba une pluie de pierres. A qu'une faible armée romaine l'ancien préteur
cause de cette pluie, il y eut, selon l'usage, des A. Cornélius, qui connaissait la province, allait la
prières de neuf jours, et tous les autres prodiges quitter; on en attendait un nouveau. Et puis les
furent expiés avec soin. Saides étaient fatigués d'une si longue domina-
XXXII. Les consuls se partagèrent les armées. tion, exercée l'année précédente avec tant de
Fabius eut celle qu'avait commandée le dictateur cruauté et d'avarice ils avaient été accablés d'im-
M. Junius; Sempronius dut avoir les esclaves qui pûts excessifs et de contributions en blé qui dé-
s'enrôleraient volontairement,et vingt-cinq mille passaient leurs ressources. Il ne leur manquait
alliés; le préteur M. Valérius fut chargé du com- plus qu'un chef auquel ils pussent se rallier. a Ces
mandement des légions qui reviendraient de Si- nouvelles, une députation secrète des citoyens les
cile, et Marcus Claudius envoyé comme pro- plus considérables de l'île les avaient apportées à
consul à l'armée qui était établie devant Nola, Carthage. Le chef de cette conspiration était Ham-
au dessus de Suessula. Les préteurs partirent psicora son crédit et ses richesses en faisaient le
pour la Sicile et la Sardaigne. Les consuls personnage le plus important du parti. Les deux
par un édit, ordonnèrent que toutes les fois messages arri\ èrent presque à la fois. Troublés par
que le sénat serait convoqué par eux, les séna- l'un, rassurés par l'autie, les Carthaginois en-
teurs et ceux qui avaient droit de donner leur voient en Espagne Magon avec sa flotte et ses trou-
avis dans le sénat s'assembleraient à la porte pes, et, pour diriger l'expéditionde Sardaigne ils
Capène. Les préteurs, chargés de l'administration choisissent Asdrubal, auquel ils donnent une ar-
de la justice, placèrent leurs tribunaux auprès de mée presque aussi considérable que celle de 1\la-
la piscine publique. Ce fut là que durent être gon. A Rome, les consuls, après avoir terminé ce
portés les témoignages, et là que pour cette an- qu'ils avaient à y faire, se mettaient déjà en mou-
née ils rendirent leurs arrêts. Pendant ce temps, vement pour commencer les opérations. T. Sem-
Magon, frère d'Annibal, allait passer de Carthage pronius fixa aux soldats le jour où ils devaient se

videri pronuntiaverunt vulgoque Patres ita fama fere- elephantos, mille argenti falenta in lialiam transmissu-
bant, quod tum primum duo plebeii consules facti es- rus erat, cum prxsidio sexaginta uavium lougarum, nun-
sent, id deis cordi non esse. In locum Marcelli ubi is se tius alfertur, in Hispania rem male gestam, omnesque
magistratuabdicavit, suffectus Fabius Maximustertium. ferme ejus proviociae populos ad Romanos defecisse.
Mare arsit eo anno ad Sinuessam bos equuleum peperit Erant, qui Mjgonem cum classe ea copds lue, omissa Ita-
signa Lanuvii ad Junonis Sospitæ cruore mauavere, la- lia, in Hispauiam averterent quum Sardimæ recipiendæ
pidibusque circa id templum pluit. Ob quem imbrem repentina spes affulsit. “ Parvum ibi exercitum romanum
novendiale,ut assolet, sacrum fuit ceteraque prodigia esse; veterem praitorem inde A. Cornelillm provinciæ
cum cura expiata. peritum decedere novum exspectari. Ad hoc, fessos jam
XXXII. Consulesexercilus inter sesediviserunt. Fabio animos Sardorum esse diulurnilate imperii et proximo
exercitus, cui M. Junius dictator præfuerat, eveuit; Sem- iis anno acerbe atque avare imperalum. Gravi tributo et
prouio volones, qui fierent, et sociorum vigenli quinque collai nne iniqua frnmenti pressos. Nihil deesse alud
millia; M. Valerio practoti legiones, quw ex Sicilia re- quam aucto rem, sd qmm deficerent. «Iloec clandestina le-
dissent, decretæ; M. Claudius proconsul ad eum exer- gatio per principes missa erat maxime cam rem moliente
citum, qui supra Suessulam INolae præsideret, missus. Hampsicora qui tum auctoritate alque opihus longe pri-
Prastores in Siciliam ac Sardiniam profecti. Consules mus erat. II nuntiis prope un tempore turbati erecti-
edixerunt, quotiet in senatuin vocassent uti senatores que Magonem cum classe sua copiisque in Ilispaniam mit-
quibusque in senatu dicere sententiam liceret, ad por- tunt. In Sardiniam Hasdrubalem deliguntducem; ettan-
tam Capenam convenirent. Prætores, quorum jurisdictio tum ferme copiarum, quantum Magoni, decernunt. Et
erat, tribunalia ad piscinam publicam posuerunt. Eo va- Romæ consules, transactis rebus, qua; in urbe agendæ
dimonia fieri jusserunt ibique eo anno jus dictum est. eraut, moveb nt jam sese ad b Ilum. T. Sempronius
Intérim Carthaginem, unde Mago frater Annibalisduo- militibus Sinuessam dicm ad conveniendum edixit et
decim millia pedilum et mille quiogentos equites, viginti 0. Fabius, consulto prius senatu ut frumenta omnet ex
trouver à Sinuessa. Q. Fabius, après avoir con- auquel des deux partis il souhaitait la victoire.
sulté le sénat, donna ordre que tous les grains des Cependant, lorsque dans trois combats les Car-
campagnes fussent avant les calendes de juin trans- thaginois eurent été trois fois vainqueurs, il pen-
portés dans les villes fortes; que si quelqu'un y cha du côté de la fortune et envoya des ambassa-
manquait, il ravagerait ses champs, vendrait ses deurs à Annibal. Ces ambassadeurs évitant le
esclaves aux enchères et brûlerait ses fermes. Les port de Brundusium et celui de Tarente, que sur-
préteurs mêmes, qui avaient été créés pour ren- veillaient des stations romaines, débarquèrent
dre la justice, furent employés à l'administration auprès du temple de Junon Lacinia. De là, se di-
de la guerre. Le préteur Valérius dut aller en rigeant vers Capoue, à travers l'Apulie, ils se je-
Apulie pour recevoir l'armée de Térentius et tèrent dans une garnison romaine, et furent
défendre ce pays avec les légions qui arriveraient conduits devant le préteur M. Valérius Lévinus,
de Sicile; l'ai mée de Térentius devait partir sous qui avait son camp près de Lucéria. Xénopha-
les ordres d'un lieutenant. M. Valérius eut le nes, le chef de l'ambassade, lui déclare, avec le
commandement de vingt-cinq vaisseaux, avec plus grand sang-froid, qu’il est envoyé par le
lesquels il devait protéger les côtes depuis Brun- roi Philippe, pour faire amitié et alliance avec
dusium jusqu'à Tarente. Q. Fulvius, préteur ur- Home qu'il est chargé des instructions du roi
bain, fut chargé avec un pareil nombre de vais- pour les consuls, le sénat et le peuple romain.
seaux de veiller sur les côtes voisines de Rome. Au milieu des défections des anciens alliés, Valé-
Le proconsul C. 'l'éreutius reçut ordre de faire rius, joyeux de la nouvelle alliance que propo-
une levée dans le Picéuum et de protéger tout sait un roi si renommé, reçoit ces ennemis avec
le pays. T. Otacilius Crassus, après avoir fait la dé- autant de bienveillance que des hôtes; il les fait
dicace du temple de la Sagesse au Capitole, fut accompagner par des guides qui doivent leur indi-
envoyé en Sicile pour prendre le commandement quer avec soin chaque point, chaque délilé occupé
de la flotte. par les Romains ou par les ennemis. Xénophanes
XXXIII. Sur cette lutte des deux peuples les arrive en traversant les garnisons romaines jus-
plus puissants de la terre s'était concentrée l'at- que dans la Campanie, et de là par le chemin le
tention de tous les rois, de tous les peuples, mais plus court au camp d’Annibal. Il conclut avec lui
celle surtout de Philippe, roi de Macédoine, si un traité d'alliance et d'amitié aux conditions sui-
voisin de l'Italie, dont la mer Ionienne seule le vantes “ Le roi Philippe, avec le plus de vais-
séparait. Au premier bruit du passage des Alpes seaux qu'il pourra ( on pensait qu'il pouvait
par Annibal, il s'était réjoui de voir la guerre en mettre en mer deux cents ), devait passer eu
allumée entre les Romains et les Carthaginois;mais Italie, ravager les côtes et faire la guerre avec
tant que le succès fut incertain, il ne savait trop ses propres forces sur terre et sur mer. La guerre

agris, ante kalendas junias primas, in urbes munitascon- esse, incertis adbuc viribus, fluctualus auimo fuerat.
veherent. Qui non invexisset, ejus se agrum populatu- Poslquam tertia jam pugna, tertia victoria cum Pœnis
rum, servos sub basta venditurum villas incensurum. ” erat, ad fortunam iuelinnit, legatosque ad Aunibalem
Ne prætoribus quidem, qui ad jus dicendum creati erant, misit; qui, vitantes portus Brundhinum Tarentinumque,
vacatio ab belli administraiione data est. Valerium præto- quia custodis navium romanarum lenebantur, ad La-
rem in Apuliamire placmt, ad exercitum à Terentio ac- cimæ Jiuionis templum in terram egressi sunt. Inde per
cipiendum quum ex Sicilia legiones venissent, lis polis- AI uliam petentes Capuam, media in præsidia romana il-
simum uti ad regiouis ejus præsidium;Terentianummitti lati sunt deductique ad M. Valerium Lævinum praeto-
cum aliquo legatorum. Et vigeuti quinque naves P. Va- rem, circa LuceFiam castra habentem. Ihi iutrepide Xe-
lerio datæ sunt, quibus oram marinmaminter Brundu- nopbaues, legationisprinceps, a Phitippo rege se missum,
sium ac Tarentum tutari posset. Par navium numerus ait, ad amicittam societatemque jungendamcum populo
Q. Fulvio prætori urbano decretus ad suburbana litora romano, mandata habere ad consules ac senatum popu-
tutanda. C. Terentio proconsuli negotium datum, ut in lumque romanum. Prætor, inter defect ones veterum so-
Piceno agro conquisitioneni militum haberet, locisque ciorum nova socielate tam clari régis lætus admodum,
ils præsidio essel. Et T. Otacilius Crassus postquam hostes pro hospitibus comiter accepit; dat, qui prose.
ædem Mentis in Capitolio dedicavit, in Siciliam cum quantnr, itinera cum cura demonslrent, quæ loca, quoi-
imperio, qui classi praeesset, missus. que sallus, aut Romanus, aut hostes teneant. Xenophanes
XXXIII. In hanc dimicationem duorum opulentissi- per præsidia romana in Campaniam, iode, qua proxi-
morum in terris populorum omnes reges gentesque aoi- mum fuit, in castra Aunibalis pervenit, fœdusque cum
mos intenderant; inter quos Philippus Macedonumrex, eo atque amicitiam junxit legibus bis “ Ut Philippus rex
eo magis, quo propior Italiæ, ac mari tantum Ionio dis- quam maxima classe (ducentas autem naves videbatur ef-
cretus erat. la ubi primum fama accepit, Annibalem fecturus) in Italiam trajiceret, et vastaret maritinam
Alpes transgressum, ut bello inter Romanos Pœnumque oram; bellum pro parte sua terra marique gereret. Ubi
orto lætatus erat, ita, utrius populi mallet victoriam debellatum esset, Italia omnis cnm ipsi urbe Roma Car-
1
terminée, l'Italie tout entière, avec la ville de soupçons; on les interroge, et leur langage les
Rome, devait appartenir aux Carthaginois et à trahit. On prit à part ceux qui les accompa-
Annibal. A Annibal seul était réservé tout le bu- gnaient, ct, en les effrayant, on trouva les
tin. Après la soumission complète de l'Italie, lettres d'Annibal à Philippe, et le traité entre le
les Carthaginoisdevaient passer en Grèce et faire roi macédonien et le général carthaginois. Quand
la guerre à tous les rois que désignerait Philippe il ne resta plus rien à apprendre, on résolut d'en-
tous les étals du continent et toutes les îles qui voyerau plus tôt les captifs et leurs compagnons à
entourent la Macédoine appartiendraient à Phi- Rome, au sénat, ou aux consuls, quelque part
lippe, et feraient partie de son royaume. » qu'ils pussent être. Pour cela, on fit choix de cinq
XXXIV. Ce fut à ces conditions à peu près que vaisseaux les plus légers de tous. L. Valérius d'An-
se conclut le traité entre le général carthaginois et tium en reçut le commandement; il eut ordre de
les ambassadeurs macédoniens, lesquels emmenè- faire garder les ambassadeurs séparémentsur cha-
rent avec eux, pour en avoir la confirmation du roi que vaisseau, et d'empêcher qu'ils eussent entre
lui-même, Gisgon, Bostar et Magon. Ils arrivent de eux aucun entretien ni aucun moyen de se concer-
nouveau près du temple de Junon Lacinia, où leur ter. Cefutàcette époque que A. CornéliusMammula
navire était caché dans une anse; puis ils mettentàà revint de Sardaigne, où il commandait il dit à
la voile. Déjà ils étaient en pleine mer lorsqu'ils Rome quel était l'état des affaires dans cette île;
furent aperçuspar la flotte romaine qui surveillait que l'on n'y pensaitqu'à la guerre et à la révolte,
les côtes de Calabre. P. Valérius Flaccus envoie que Q. Mucius, son successeur, frappé à son ar-
quelques légers bâtiments pour les poursuivre et rivée par l'insalubrité de la température et des
les ramener. D'abord les Macédoniens essayèrent eaux, était retenu par une maladie, non pas dan-
de fuir; mais, se sentant gagnés de vitesse, ils gereuse, mais longue, et telle que de longtemps
se rendent aux Romains, et sont conduits devant il ne pourrait soutenir le poids de cette guerre; que
le commandant de la flotte, qui leur demande l'armée, assez forte pour occuper un pays tran-
« qui ils sont, d'où ils viennent, et vers quels
quille, était insuffisante pour les besoins de la
lieux ils se dirigent. » Xénoplranes, qui avait déjà guerre qui semblait devoir éclater. Le sénat dé-
assez bien réussi une fois, invente un nouveau créta que Q. Fulvius Flaccus enrôlerait cinq mille
mensonge; il dit « qu'envoyé par Philippe vers les fantassins et quatre cents cavaliers; qu'il ferait
Romains il était parvenu jusqu'à M. Valérius, le passer au plus tôt en Sardaigne cette légion, dont
seul auprès duquel il ait pu se rendre en sûreté; il donnerait le commandement à un officier de son
mais qu'il n'avait pu franchir la Campanie, gar- choix, lequel dirigerait les opérations jusqu'à ce
dée partout par les garnisons ennemies. » Cepen- que Mucius fût rétabli. T. Manlius Torquatus, qui
dant les députés d'Annibal, par leurs vêtements, avait été deux fois consul et censeur, et qui pen-
leur extérieur carthaginois, font naître quelques dant son consulat avait soumis les Sardes, fut

thaginiensium atque Aunibalis esset, prædaque omnis tera quoque ab Annibale ad Philippum inventæ, et pacla
Annibali cederet. Perdomita Italia, navigarent in Gra- inter regem Macedonum pœnumque ducem. Quibus sa-
ciam, bellumque, cum quibus regibns placeret, gere- lis cognitis, optimum visum est, captivos comitesque
rent. Quæ civitates continentis, quæ insulæ ad Macedo- eorum Romans ad senatum, aut ad consules, ubicunque
niam vergunt, eæ Philippi regnique ejus essent. ” essent, quam primum deportare. Ad id celerrimæ quin-
XXXIV. la bas ferme leges inter pœnum ducem lega- que naves delectæ, ac L. Valerius Antias, qui præesset,
(osque Macedonumictum fœdus, missique cum iis ad re- missus eique mandatum, ut in omnes naves legatos se-
gis ipsius firmandam fidem legati, Gisgo et Rnstar. et paratim custodiendos divideret, daretque operam, na
Mago, eodem ad Junonis Laciuiae, ubi navis occulta in qaod iis colloquium inter se, neve quae communicatio
statione erat, perveniunt iode profecti, quum jam altum cousilü esset. Per idem tempus Romæ quum A. Corne-
tenerent, conspecti a classe romana sont, quæ præsidio lius Mammula, ex Sdrdioia provincia decedeus, retnlisset,
erat Calabriæ litoribus. P. Valerius Flaccus cercuros ad qui status rerum ia insula tsset; bellum ac de'eclionem
persequendam retrahendamque navem quum misisset, omnes spectare; Q. Mucium qui successissetsibi, gra-
primo fugere regii conati; deinde, uhi celeritate vinci vitate cmli aquarumque adveuientem exceptum, non tam
senserunt, tradunt se Romanis, et ad præfectum classis in periculosum, quam longum, morbum implicitum, diu
adducti quum quæreret, « qui, et uude et quo tende- ad belli vim sustiueodam iuutdem fore, exercitumque it i
rent cursum ? ” Xenophanes primo, satis jam semel felix, ut satis flrmum pacatæ provinciæ prwsidio esse, ha pa-
mendacium struere, a Philippo se ad Romanos missuin, rum bello, quod motum iri videretur; decreverunt Pa-
ad M. Valerium, ad quem unuin iter tutum fuerit, per- tres, ut Q. Fulvius Flaccus quinque millia peditum, qua-
vepisse. Campaniam superare uequisse, sæptam hostium dringentos equites scriberet, eamque legionem primo
præsidiis. ” Deinde, ut ptinicus cultus habrtusque suspec- quoque tempore in Sardiniam trajiciendam curaret, mit-
tos legatos fecit Annibalis, interrogatosquesermoprodi- teretque cum imperio, quem ipsi videretur, qui rem ge-
dit· tum, comitibus eorum seduclis ac metu territls, li- reret, quoad Mucius convaluisset. Ad eam rem missil
chargé de cette mission. A peu près à cette époque nies ordinaires, il traversa le Vulturne et vint
la flotte envoyée par les Carthaginois en Sanlai- ramper dans les environs de Liternum. Comme
gne, sous les ordres d’Asdrubal, surnommé le l'armée était dans l'inaction, il faisait faire sou-
Chauve, fut battue par une horrible tempête qui vent de longues courses à ses soldats pour ac-
la repoussa sur les îles Baléares, où il fut obligé coutumer les recrues, la plupart esclaves cu-
de mettre les vaisseaux à sec pour les réparer: rôlés volontairement, à suivre les enceignes et
car ce n'était pas seulement les agrès, mais le à retrouver leurs rangs sur le champ de bataille.
corps même des vaisseaux qui avait élé fracassé. Un soin surtout occupait le général il avait
re-
Ces travaux retinrent Asdrubal pendant quelques commandé aux lieutenantset aux tribuns « qu'au-
jours. cun reproche, adressé à qui que ce fut, à propos
XXXV. En Italie, après la bataille de Cannes, de sou ancienne condition, ne vînt M'mer la dis-
l’épuisement des forces d'un côté, de l'autre l'a- corde dans les rangs de l'armee; que le vieux sol-
mollissement des courages, avaient rendu la dat se laissât mettre sur le même rang que les
guerre plus languissante. Les Campaniens en- nouveaux, l'homme lihre que l'enrôlé volontaire;
treprirent à eux seuls de soumettre Cumes à leur qu'il fallait regarder conmie des gens honorables
domination. D'abord ils employèrent l'intrigue et de bonne naissance tous ceux à qui le peuple
pour la séparer de Rome mais comme ce fut romain avait confié ses armes et ses enseignes que
sans succès, ils essayèrent d'une ruse pour s'en la fortune qui avait forcé à eu venir à ces me-
rendre maître. Tous les peuples de Campanie sures, exigeait qu'elles fussent maintenues. n Ces
célebrent un sacrifice annuel à Hames. On fit sa- ordres furent observés avec autant de soin par les
voir aux habitants de Cumes que le sénat de Ca- soldats que par les chefs, et il régna bientôt dans
poue s'y rendrait, et on les pria d'y envoyer aussi l'armée un tel accord que l'on avait
presque oublié
leur sénat, afin d'aviser en commun ace que les de quellecondition chacun était sorti pour devenir
deux peuples n'eussent plus que les mêmes alliés soldat. Danscesentrefaites, Graculusapprend, par
et les ennemis. Les Capouans devaient y ras-
mêmes des députés venus de Cumes, la proposition que
sembler assez de soldats eu armes pour qu'il n'y leur avaient faite les Campaniens quelques jours
eût aucun danger à craindre de la part des Ro- auparavant, et ce qu'ils y avaient eux-mêmes
mains nu des Carthaginois. Les habitants de Cu- répondu. La fête était à trois jours de là et l'on
mes, bien que soupçonnant quelque perfidie, ac- devait y voir, non-seulement le sénat de Capoue,
ceptent tout, sûrs de cacher ainsi leur propre ruse. mais un camp et une armée de Campauicns.
Pendant ce temps-là, le consul romain, T. Sem- Gracchus ordonne aux habitants de Cumts de
pronius, avait trouvé ses troupes à Sinuessa, où il transporter dans la ville tout ce qu'ils out à la
leur avait donné l'ordre de se réunir à un jour fixé. campagne, et de rester eux-mêmes dans leurs
Là, après avoir purifié son armée avec les cérémo- murs; et, la veille du jour fixé pour le sacrifice,

est T. Manlius Torquatus, qui bis consul censorque fue- gressus Vulturnum flumen, circa Literuum castra po-
rat, subegeratque in consulatu Sardos. Sub idem fere suit. Ibi, quia otiosa stativa erant, crebro decurrere mi-
tempus et a Carthagine in Sardiniam classis missa, duce lites cogebat, ut tiroues (ea maxima pars volouum erat)
Hasdrubale, cui Calvo cognomen erat, fœda tempes- assuebcerent sigua sequi, et in acie agnoscere ordines
tate vexata, ad Baliares iusulas dejicitur ibique (adeo suos. Inter quæ coocordiae niaxima inerat cura duci; ita-
non armameuta modo, sed etiam alvei naviuin quassati que legatis tribunisque præceperat, « ne qua exprobratio
erant) subductoe uaves dum reficiuntur, aliquantum tem- cui luam veteris fortunæ discordiam inter ordinrs serercl;
pons triverunt. velus miles tironi, hber voloni sese exæquari sineret
XXXV. la Italia quum post Canuenaem pngnam, frac- omnes satis honestos generososque ducerent, quibus ar-
tis partis alterius viribus alterius mollrtis animis, se- 1 ma sua signaque populus romauus commisisset qua; for-
gmus bellumn esset Campaui per se adorti sunt rem cu- tua coegisset ita lieri, eamdem cogere tueri factum.. Ea
manam suæ dilioms facere; primo sollicitantes, ut ab non majore cura præcepta ab ducibus suat, quam a mili-
Romanis deficerent. I bi id pdrum processit, dolum ad tibus observata; bi evique tauta coucordia coaluerant em-
capiendos eos comparant. Campanis omnibus statum sa- niuro animi, ut prope in oblivionem veniret, qua ex con-
crificium ad Ilamas. Eo senatum Campanum venturum ditione quisque esset miles factus. Hæc agenti Graccbo le-
certiores Cumanos fecerunt petieruntque, ut et Cuma- gati Cumani nuntiarunt, quæ a Campanis legatio paucos
nus eo senatus veniret ad consultandum commuuiter, ut aute dies venisset, et quid ils ipsi i-espoudissent. Triduum
eosdem uterque populos socios hostesque baberet pro- post eum diem festum esse non senatum solum omnem
sidium ibi armatum sebe habituros, ne quid ab Romano ibi futururo sed castra etiam et exercitum Campanuro.
Pœnove periculi esset. Cumani (quanquam suspecta fraus Graccbus, jussis Curnanis omnia ex agris in urbem con-
erat) uihil ahnuere; ita tegi fallax consilium posse rati. vehere, et manere intra muros, ipse pridie, quam sta-
IuterimTi. Sempronius coubul romanus Sinuessæ quo tum sacrificium Campanis essel, Cumas movet castra.
ad conveuieudumdiem édixerat exercitu lustrato, trans- Hamæ inde tria millia passuum absunt. Jam Campani eo
il vient lui-même camper auprès de Cumes. Ha- au delà de Capoue, sur le mont Tifate. Il n'eut pas
mes en est à trois milles. Déjà les Campaniens, à se repentir de cette prudente prévision. En ef-
d'après leur plan, s'y étaient réunis en grand nom- fet, aussitôt que cette défaite fut connue à Capoue,
bre; et près de là, s'était mis en embuscade le Annibal, sachant que l'armée de Gracchus était
médixtutique Marius Alfius ( tel est le titre du composée en grande partie de nouvelles recrues
premier magistrat de Capoue), h la tête de qua- et d'esclaves s'imagine qu'il allait la trouver à
torze mille soldats, bien plus occupé d'ordonner Hames, enivrée de joie et d'orgueil après un tel
les préparatifs du sacrifice et d'y ménager là succès, et occupée à dépouiller les vaincus et à
réussite de son complot, que de veiller aux for- enlever le butin. II emmene en toute hâte quel-
tifications de son camp ou à tous autres travaux ques troupes légères au delà de Capoue. Bientôt il
militaires. La célébration du sacrifice à Hames rencontre les Campaniens en fuite il leur donne
dura trois jours. La fête avait lieu pendant la une escorte pour les ramener à Capoue, où il fait
nuit, mais seulement dans la première moitié. transporter les blessés sur des chariots. Arrivé
Gracchus résolut de saisir cet instant; il place des à Hames, il trouve le camp abandonné par les
gardes aux portes pour que personne ne puisse ennemis; il n'y voit que des traces récentes du
divulguer son projet. Dès la dixième heure du carnage, et çà et là les cadavres de ses alliés.
jour, il donne ordre aux soldats de prendre de Quelques-uns lui conseillaient de marcher aussi-
la nourriture et du repos, afin qu'au commence- tôt à Cumes, et d'en faire le siège. Mais, malgré
ment de la nuit ils pui,sent se rassembler à un tout son désir de posséder au moins Cumes, ville
signal donné vers la premièreveille, il fait le- maritime, au défaut de Naples qui lui avait
ver les enseignes, part en silence et arrive au mi- échappé, les soldats, dans la précipitation du
lieu de la nuit devant Hames, au camp des Cam- départ, n'ayant emporté avec eux que leurs ar-
paniens, mal gardé, comme cela devaitétreaprès mes, il lui fallut se retirer à son camp de Tifate.
une fête nocturne. Il entre par toutes les portes à Cependant, fatigué par les prières des Campaniens,
la fois, et trouve les uns ensevelis dans le som- il revint le lendemain devant Cumes avec tout un
meil, les autres revenant sans armes après le sa- équipage de siège. Il en ravagea les environs,
crifice il les massacre tous. Dans cette surprise et établit son camp à mille pas de la ville. Grac-
de nuit on tua aux Campaniens plus de deux mille chus était resté à Cumes, plutôt par honte d'aban-
hommes, avec leur chef Marins Altius; on leur prit donner dans une position aussi fâcheuse des alliés
trente-quatre enseignes. qui imploraient sa protection et celle du peuple
XXXVI. Gracchus, pour se rendre ainsi maître romain que par confiance dans ses troupes. L'au-
du camp des ennemis, n'avait pas perdu cent tre consul Fabius, qui avait son camp à Calès,
hommes il se hâta toutefois de se retirer à Cu- n'osait faire franchir le Vulturue à son armée;
mes car il redoutait Annibal qui avait son camp fort occupé d'abord à reprendre de nouveaux aus-

frequentes ex composito convenerant, nec procul inde in Capuam ea clades est nuntiata, ratus Annibal, ab re bene
occulto Marius Alfius Medixtuticus (summus magistratus gesta insolenter lætum exercitum tironum magna ex parle
erat Campanis) cum quatuordecim millibus armatorum servorumque,spoliantem victos, prædasque agentem, ad
hahebat castra; sacrificioapparaodo, et inter id iostrueudm Hamas se inventurum; citatum agmen præter Capuam
fraudi aliquanto intentior, quam muniendis castris aut rapit, obviosque ex fuga Campanorum dato præsidio,
uUi militari operi. Triduum sacrificatumad Hamas. Noc- Capuam duci saucios vehiculis portari jubet. Ipse Hamis
turauro erat sacrum, ita ut ante mediam noctem comple- racua ab hostibus castra Dec quicquam præter recentis
retur. Huic Gracchus insidiandum tempori ratus, custo- vestigia caedis, strataque passim corpora sociorum inve-
dibua ad portas positis, ne quis enuntiare posset cœpta nit. Auctores erant quidam ut protinus inde Cumas du-
et ad decimam diei horam coactis militibus corpora cura- ceret, urbemqueoppugoaret. Id quanquam baud modice
re, somnoque operam dare, ut primis tenebrisconvenire Annibal cupiebat ut, quia Neapolim non potuerat, Cu-
ad signum possent, vigilia ferme prima tolli jussit signa; mas saltem, maritimam urbem, haberet; tamen, quia
identiqueprofectusagmine,quumiid Hamas media nocte præter arma uihil secum miles raptim acto agmine, ex-
pervemsset, castra campana, ut in pervigilio neglecla, tulerat, retro in castra supra Tifata se recepit. Inde fa-
simul omuihus purlis invadit alios somno stratos, alios tigatus Campanorum precibus, sequenti die cum onini
perpetralo sacro iuermes redeuntes obtruncat. Hominum apparatu oppugnandaeurbis Cumas redit perpopulato-
ro tumultu nocturuo ca'sa plus duo millia cum ipso duce que agro cumano, mille passus ab urbe castra locat;
Mario Alfio: capta sunt signa militaria quatuor et triginta. quum Gracchus magis verecundia in tali necessitate de-
XXXVI. Gracchus, miuuscentummilitum jactura cas- serendi socios, implorantes 6dem suam populique ro-
tris hostium potitus, Cumas se propere recepit, ab An- mani, substitisset, quam satis Ddens exercitui. Nec alter
iiibale metuens,qui super Capuam in Tifatis habebat cas- consul Fahius, qui ad Cales castra habebat, Vulturnum
ra. Nec eum provida futuri fefellit opinio. Nam simul tlumen tradncfre audebat exercitum; occupatus primo
piccs. il avait encore à conjurer les prodiges qu'on le consul, enivré de son succès, ne refuserait pas
lui annonçait coup sur coup par des expiations de combaltre en plaine, rangea son armée en ba-
qui, au dire des auspices, ne rendaient pas les taille entre son camp et la ville. Mais voyant que
présages plus favorables. le général romain s'en tenait aux précautions or-
XXXVII. Tous ces motifs retenaient Fabius; ce- dinaires pour la défense de la place, et ue vou-
pendant Sempronius était assiégé, et déjà l'ennemi lait rien donner à de téméraires espérances, An-
poussait les travaux d'attaque. A une tour de bois nibal se retire à son camp de Tifate sans avoir pu
immense qu'ils avaient fait avancer coutre les réussir. A l'instant même où le siège de Cumes
murs, le consul, sur le rempart même, eu opposa était levé T. Sempronius, surnommé Longus
une autre plus haute encore. Sur ce rempart, obtint aussi un succès près de Grumentum,en Lu-
déjà fort élevé, il avait fait placerde fortes poutres, canie, sur le Carthaginois Hanuon. Il lui tua plus
dont il s'était servi comme de base pour ses con- de deux mille hommes, et en perdit lui-même
structions. D'abord du haut de cette tour, les as- deux cent quatre-vingts;il prit quaranteet une en-
siégés défendirent les murs de la ville avec des seignes. Chassé de Lucanie, Hannon se retira dans
pierres, des pieux, des armes de jet de toute es- le Bruttium.Trois villesdes Hirpiniens,qui avaient
pèce puis, quaud ils virent que la tour des en- quitté le parti des Romains, Vercellium, Vescel-
nemis s'était approchéedu mur et les touchait déjà, lium et Sicilinulll, furent aussi reprises d'assaut
lançant des torches enflammées ils y mirent le par le préteur M. Valérius. Les auteurs de la défec-
feu sur plusieurs points en même temps. A la vue tion périrent sous la hache. On vendit plus de
de l'incendie, la multitude des soldais se précipite mille captifs à l'encan. Le reste du butin fut aban-
hors de la tour; en même temps les Romains, donné au soldat et l'armée ramenée à Lucéria.
faisant une sortie par deux portes à la fois, vien- xYXVIII. Tel était l'état des choses en Lucanie
nent jeter le trouble parmi les ennemis et les ra- et chez les Hirpiniens, lorsque les cinq vaisseaux
mener jusque dans leur camp, de telle sorte que qui amenaient à Rome les députés captifs de Ma-
ce jour-là on eût dit qu'Annibal était, non pas cédoine et de Carthage, après avoir suivi presque
assiégeant, mais assiégé. Il y eut treize cents Car- toute la côte de l'Italie pour entrer de la mer su-
thaginois de tués; cinquante-neuffurent faits pri- périeure dans la mer inférieure, passèrent devant
sonniers, qui se tenant avec négligence et sans Cumes. Gracchus, ne sachant s'ils étaient amis ou
précautions à leur poste, au pied des murailles, et ennemis, détacha quelques vaisseaux à leur reu-
ne s'attendant à rien moins qu'à une sortie, avaient contre. Ceux du convoi, apprenant à leur tour que
élé pris à l'improviste. Gracchus, avant que les en- Gracchus était à Cumes, y vinrent relâcher, et re-
nemis se fussent remis de leur frayeur subite, Gt mirent au consul les prisonniers et leurs lettres.
sonner la retraite, et se retira dans la ville avec Le consul lut toute la correspondance d'Annibal
ses troupes. Le lendemain, Annibal persuadé que avec Philippe apposa sou cachet à toutes les piè-

auspiciis repetendis, dein prodigiis, quæ alia super alia lem justo pralio ratus certaturum, aciem inter castra at-
nuntiabantur, eipiantique ea haud facile litari haruspices que urbem instruxit. Ceterum postquam nemmem mo-
re.spondebant. veri absolita custodia urbis vidit, nec committi quicquain
XXXVII. Hm causæquum Fabium tenerent, Sempro- temerariæ spei ad Tifala redit infecta re. Quibus diebus
nius in obsidione erat; et jam operibus oppugnabatur. Cumae liberatæ sunt obsidione, lisdent diebus et in Lu-
Adversus ligueam iugentem admotam urhi, aliani turrem canis ad GrumentumTi. Sempronius, cm Longo cogno-
ex ipso muro excitavit consul romanus aliquanto altio men erat, cum Hannone Pœno prospère pugnat. Supra
rcm qma muro salis per se alto subjectis validis sublicis duo millia hostium occidit, et ducentos octoginta mil les
pro solo usus erat. Inde primum satis sudibusque et ce- amisit; signa militaria ad quadraginta uuum cepit. Pulsus
teris missilibus propugnalores mœnia atque urbem tue- finibus Lucanis Hanno retro in Brutti4)s sese recepit. Et
bantur postremo, ubi promovendo adjunctam muro ex Hirpinis oppida tria quae a populo romano defecerant,
viderunt turrem facibus ardentibus plurimum simul vi recepta per M. Valerium praetorem, Vercellium, Ves-
ignem conjecerunt. Quo incendiotrépida armatorum mul- ceilium, Sicilinum et auctores defectionissecul'i per-
titudo quum de turre sese præcipitaret, eruptio ex oppi- cussi. Supra millecaptivorum sub hasta vemeruot: proeda
do simul duabus portis stationes hostium fudit, fugavit- alia militi concessa exercitus Luceriam reductus.
que in castra ut eo die obsesso, quam obsidenli simi- XXXVIII. Dum ha'c in Lucanis atque in Hirpinis ge-
lior esset Pœnus. Ad mille trecenti Carthaginiensium ca?si, runtur, quinque naves, qum Macedouum atque Poeuo-
et undesexaginta vivi capti; qui, circa muros et in statio- rum captos legatos Romam portabant, ab supero mari
mbus solute ac negligenter agentes, quum nih;l minus, ad inferum circumvectæ prope omnem Italiæ oram, quum
quam eruptionem timuissent, ex improviso oppressi fue- praetcr Cumas velis ferrentur neque hostium au socio-
rant. Gracchus, priusquam se hostesab repentino pavore rum essent, satis sciretur, Graccbusobviam eiclasse sua
colligerent, receptui sigonm dédit, ac suos intra muros naves misit. Quum percunetando in vicem cognitum es-
vecepit. Postero die Annibal, la'tum secunda recousu- set, consulem Cumis esse; naves Cumas appulsæ, capti-
ces, et les envoya par terre au sénat les am- de la flotte et aux frais de la guerre de Macé-
bassadeurs furent transportés par mer à Rome. doiue, on disposa de l'argent qui avait été en-
lls y arrivèrent à peu près le même jour que voyé à Ap. Claudius en Sicile, pour être rendu
les lettres ils furent interr gés, et leurs réponses au roi Hiéron. Le lieutenant L. Apustius le fit por-
s'accordèrent avec les dépêches. D'abord le ter à Tarente; Iliéron envoya en même temps
sénat fut en proie à de cruelles inquiétudes, deux cent mille boisseaux de blé et cent mille
lorsqu'il vit que Rome, à peine capable de résis- boisseaux d'orge.
ter aux armes de Carthage, allait avoir encore XXXIX. Tandis que les Romains sont tout entiers
à soutenir le poids accablant d'une guerre avec la à ces préparatifs, un des vaisseaux qui avaient
Macédoine. Cependant, loin de se décourager, il élé pris et envoyés à liome parvint à s'enfuir et
s'occupa sur-le-champ de détourner cet ennemi à retourner près de Philippe. Le roi apprit ainsi
de l'Italie, en l'attaquant le premier. Les captifs que ses ambassadeurs avaient été saisis avec leurs
furent mis eu prison; les gens de leur suite vendus lettres. Ne sachant pas ce qui avait été convenu
à l'encan. Aux vingt vaisseaux que commandait entre eux et Annibal ni la réponse que devaient
Valérius Flaccus, on en ajoute par un décret, lui rapporter les ambassadeurs carthaginois, il
vingt autres tout prêts à tenir la mer. Ces bâti- lui adresse une seconde ambassade, chargée des
ment-, équipés et lancés, avec les cinq qui avaient mêmes instructions. Elle était composée d'Héra-
amene les ambassadeurs prisonniers, formaient clitus, surnommé Scotinus, de Criton Béroceus
une flotte de trente voiles, qui partit d'Ostie pour et de Sositheus Magnes. Ils réussirent à porter
Tarente. P. Valérius Flaccus reçut ordre d'em- et à rapporter leurs dépêches mais l'été se passa
barquer les soldats de Varron que commandait avant que le roi pût se mettre en mouvement et
à Tarente le lieutenant L. Apuslius, et avec ses tenter quoi que ce fût. Ainsi, la prise d'un seul
cinquante vaisseaux, de ne plus se borner à pro- vaisseau et des ambassadeurs qu'il porlait suf-
téger la côte d'Italie, mais d'essayer de prendre fit pour retarder la guerre qui menaçait Rome.
quelques informations sur la guerre de Macédoine Fabius avait passé le Vulturne après avoir enfin
que si les desseins do Philippe s'accordaient avec expié les prodiges, et les deux consuls agissaient
leslettres etlesaveux des ambassadeurs, ill'écrivît de concert dans les environs de Capoue. Fabius
au préteur M. Valérius pour l'en instruire; qu'a- prit d'assaut Compultéria, Trebula et Salicula,
lors M. Valérius, laissant le commandement de qui avaient passé au Carthaginois. Il y lit prison-
l'armée au lieutenant L. Apustius, rejoignît la nières les garnisons qu'y avait mises Annibal et
flotte à Tarente, et de là, passant en Macé- avec elles un grand nombre de Campaniens.
doine, fit tous ses efforts pour contenir Philippe A Nola, comme l'année précédente, le sénat te-
dans son royaume. Afin de subvenir aux besoins nait pour les Romains, le peuple pour Anuibal; et

tique ad consulem deducti, et literæ datæ. Consul, lite- regno contineret.Pecunia ad classem tuendam bellumque
ris Philippi atque Annibalis perlectis, consignata omnia Macedonicumea décréta est, qua' Ap. Claudio in Siciliam
ad senatum itinere terrestri misit navibus devehi legalos missa erat, ut redderetur Hieroni régi ea per L. Apus-
lussit. Quum eodem fere die literæ legatique Romam ve- tium legatum Tarcntum est devecta. Simul ab Hieroue
nissent. et, percunctalione facta, dicta cum scriptis con- missa ducenta millia modium tritici et bordei centum.
gruerent, primo gravis cura Patres incessit, cernentes, XXXIX. Dum hæc Romani parant aguotque ad Phi-
quanta vit tolerantibus punicum bellum Macedonici belli lippum captiva navis, una ex iis, qui Romam missæ
moles instaret. Cui tamen adeo non succubuerunt, ut erant, ex cursu refugit inde scitum, legatos cum literis
extemploagitarelur,quemadmodumultro inferendo bello captos. Itaque ignarus de iis, qua' cum Aunibale legatis
alertèrent ab Italia hostem. Captivis in vincula condi sms convemssent, quaeque legati ejus ad se allaturi fuis-
jnssis, comitibusque eorum sub basta venditis, ad naves sent, legationem aham cum ilsdem mandatis mitlit. Le-
viginti quinyue, quibus P. Valerius Flaccus præfectus gati ad Aunibalemmissi, Heraclitus, cui Scotino cogno-
praeerat, viginti parandas alias decernunt. His compara- men erat et Crito Berocæus, et Sositheus Magnes. lIi
tis deductisque,et additis quinque navibus, qua advexe- prospere tulerunt ac retulerunt mandata. Sed prms se
rant captivos legatos, triginta naves ab Ostia Tarentum æstas circumegit, qnam movere ac moliri quicquam rez
profectae jnssusque P. Valerius, militibus Varronianis posset tantum navis una capta cum legatis momenti fe-
quibus L. Apustius legatus Tarenti praeerat, in naves im- cit ad dilationem imminentis romanis belli. Et circa Ca-
positis, quinquagmta navium classe non tueri modo Ita- puam, transgresso VulturnumFabio post expiata tandem
lim oram sed explorare de macedonico bello. Si con- prodigia, ambo consules rem gerebant. Compulteriam,
grueutid literis legatorumque indiciis Philippi consilia es- et Tret ulam, et Saticulam, urbes, qua' ad Poenum de-
sent, ut M. Valerium praetorem literis certiorem faceret fecerant, Fabius vi cepit; præsidiaque in iis Annibalis
isque, L. Apustio legato eiercitui præposito, Tarentum Campanique permulti capti. Et Nolæ, sicut priore anno,
ad classem profectus, primo quoque tempore in Macedo- senatus Romanorum, plebs Annibalis erat; consiliaque
uiam transmitteret. daretque operam, ut Philippum ta occulta de code prmcipumet proditione m bis imbantur
il s'y formait des complots secrets pour massacrer chef Asdrubal, pour apporter aux Sardes quelque
les nobles et livrer la ville. Afin d'en empêcher la espoir de recommencer la guerre. Manlius, eu
réussite, Fabius fit passer son armée entre Capoue apprenant que les Carthaginois étaient débarqués,
et le camp qu'Anmbal avait établi sur le mont Ti- se retira à Carales, et Hampsicora saisit cette occa-
fate, et il vint s'établir lui-méme au dessus du sion de se joindre au général carthaginois. Asdru-
Vésuve, au camp de Claudius, d'où il envoya le bal débarqua ses troupes, et renvoya la flotte à
proconsul M. Marcellus, avec les troupes qu'il Carthage; puis, conduit par Hampsicora, il alla
commandait, pour protéger Nola. ravager le territoire des alliés du peuple romain,
XL. En Sardaigne, le préteur P. Dlanlius diri- et il aurait poussé jusqu'à Carales, si la rencontre
geait les opérations qui avaient été abandonnées de l'armée de Manlius ne l'eût arrêté au milieu de
depuis que le préteur L. Mucius était tombé si sé- ses excès et de ses brigandages. D'abord, les deux
rieusement malade. Rfanlius avait mis à sec ses camps furent placés à quelque distance l'un de
vaisseaux longs auprès de Carales, et en avait l'autre; bientôt il eut des escarmouches, de lé-
armé les équipages pour les employer à lerre gers engagements, dont le succès était balancé.
en les joignant à l'armée du préteur, dont il prit Enfin, les troupes furent rangées en bataille, les
le commandement, il s'était formé un corps de deux armées s'attaquèrent, et pendant quatre
vingt-deux mille hommes d'infanterie, et de douze heures on combattit avec acharnement. Long-
cents cavaliers. A la tête de cette armée, il entra temps les Carthaginois, réduits à eux seuls, les
sur le territoire ennemi, et établit sou camp non Sardes étant accoutumés à être aisément vaincus,
loin de celui d'Hampsicora. Hampsicorase trouvait rendirent la victoire indécise; mais quand toute la
alors chez les Sardes Pellites; il tâchait de soulever plaine fut couverte de Sardes fugitifs ou massacrés,
leur jeunesse afin d'en augmenter ses forces. eux-mêmes furent rompus. Lorsqu'ils commence-
Son fils Iliostus commandait au camp. Plein d'une rent à tourner le dos, l'armée romaine les cerna
ardeur naturelle à la jeunesse, Iliostus engagea du côté où elle avait enfoncé les Sardes; dès cet
témérairement le combat. Il fut défait et mis en instant ce fut moins un combat qu'un massacre.
fuite. Il y périt trois mille Sardes environ; huit Douze mille ennemis, Sardes ou Carthaginois,
cents à peu près furent faits prisonnuiers. Le reste furent tués; trois mille sept cents à peu près fu-
de l'armée, après s'être dispersé dans les champs rent pris, ainsi que vingt-sept enseignes.
et dans les forêts, alla se réfugier au lieu où XLI. Cequi, plus que tout le reste, rendit cette
l'on disait que son chef s'était retiré, dans une bataille illustre et mémorable, ce fut la prise d'AN-
ville nommée Cornus, capitale de ce pays. Ce drubal, le général ennemi, et celle d'Hannon et de
combat eût mis fin à la guerre eu Sardaigne, si la Magon, nobles Carthaginois. Magon était de la fa-
flotte carthaginoise, que la tempête avait rejetée mille des Barca, et proche parentd'Annibal. Han-
aux îles Baléares, ne fût venue à temps avec sou non avait soulevé les Sardes c'était lui, sans au-

Quibus ne incepta procederent, inter Capuam castroque in tempore ad sfem rebellandi advenisset. Manlius post
Anuibalis, quæ in Tifatis erant, traducto exercitu, Fa- famam appulsæ punicæ classis, Carales se recepit. Ea oc-
bius super Suessulam in castris Claudianis cousedit; inde casio Hampsicoræ data Pœno se jungendi. Hasdrubal
M. Marcellum propra'torem cum iis copiis, quas habe- copiis in terram expositis et classe remissa Car tbaginem
bat, Nolam in præsidium misit. duce Hampsicora ad sociorum populi romani agrum po-
XL. Et in Sardinia res per T. Maulinm prxtorom ad pulandum profectus, Carales perventurus erat, oi Man-
ministrari cœptæ, qax omissx erant, postquam Q. Mu- lius obvio exercitu ab effusa eum populatione continuis-
cius prxtor gravi morbo est implicitus. Manlius, navi- set. Primo castra castris modico intervallo sunt objecta
bus longis ad Carales subductis navalibusque sociis ar- deiude procursatioues leviaque certamina vario eventu
matis, ut terra rem gereret, et a prætoreexercitu accepto, inita postremo descensum in aciem signisque collatis
duo et viginti millia peditum, mille et ducentos equites jusio prœlio per quatuor boras pugnatum. Din pugnam
confecit. Cum bas equitum peditumque copiis profectus ancipitem Pœni, Sardis facile vinci assuetis, fecerunt
in agrum hostium baud procul ab Hampsicora; castris postremo et ipsi, quum omnia circa strage ac fuga Sar-
castra posait. Hampsicora tum forte profectus erat in dorum repleta essent, fusi. Ceterum terga dantes, cir-
Pellitos Sardos, ad juventutem armandam, qua copias cumducto cornu quo pepulerat Sardos inelusit Roma-
augeret. Films ejus, nomine Hiostus, castris pra-crat is, nus. Cædes inde magis, quam pugna, fuit. Dundecim
adolescente ferox, temere prælio inito fusus fugatusque. millia hostium cæsa Sardorum simul Pœnorumque,ferme
Ad tria millia Sardorum eo prælio cxsa octingenti ferme tria millia et septingenti capti, et signa militarra septem
vivi capti. Alms eiercitus primo per agros silvasquefuga et viginti.
palatus; dein, quo ducem fugisse fama erat, ad urbem XLI. Aute omnia claram et memorabilem pugnam fe-
nomine Cornum, caput ejus regionis, confugit; debella- cit Ilasdrubal imperator captus et Ilanno, et Mago, uo-
tumque eo prælio in Sardiniaesset, ni classis puniea cum biles Cartliaginicnses Mago ex gente Barcina, propin
duce Ilasdrubale,quæ tempestatedejecla ad Baliares erat, qua cognalione Anuibali junclns Iliuno auctor rebellio-
cun doute, qui les avait poussés à entreprendre recrues envoyéesde Carthage, des éléphants et un
cette guerre. Les désastres des généraux sardes convoi, s'approcha de Locres. Ap. Claudius, vou-
ne contribuèrent pas moins à rendre ce combat lant tomber surlui à l'improviste, conduit en toute
célèbre. Le fils d'Hampsicora, Hiostus, périt sur le hâte son armée à Messane, comme s'il avait inten-
champ de bataille; Harnpsicora lui-même s'en- lion de visiter laprovince; et, secondé par un vent
fuit avec quelques cavaliers, et lorsque pour favorable, il passe à Locres. Mais, déjà Bomilcar
comble de malheur, il apprit la mort de son fils, était parti pour le Bruttium, se rendant auprès
la nuit, afin que personne ne s'opposât à son des- d'IIannon, et les Locriens fermèrent leurs portes
sein, il se tua. Les autres se réfugièrent encore aux Romains. Appius, après de grands efforts sans
à Cornus. blanlius, à la tête de son armée victo- résultat, regagna Messane. Dans ce même été, Illar-
rieuse, vint assiéger cette ville et la prit en peu cellus, de Nola qu'il occupait, fit de fréquentes
de jour. D'aul.res villes, qui avaient embrassé le incursions contre les Hirpiniens et les Samnites
parti d'Ilampsicora et des Carlhaginois, donnè- Caudiniens; et il désola tellement la contrée par
rent alors des otages et se rendirent à discré- le fer et par le feu, qu'il renouvela pour le Sam-
tion. Manlius, selon les ressources et la faute de nium le souvenir de ses anciens désastres.
chacune, les frappa d'une contribution en ar- XLII. Les deux peuples à la fois envoyèrent
gent et en grains, et ramena l'armée à Carales. à à Annibal des députés qui lui parlèrent en ces
1 à il remit à la mer ses vaisseaux longs, embar- termes « Annibal, nous avons d'abord été par
qua les soldats qu'il avait amenés, et revint à nous-mêmes ennemis du peuple romain, tant
Rome annoncer que la Sardaigne était entièrement que nos armes, tant que nos forces ont pu nous
soumise; il remit l'argent aux questeurs, les soutenir. Lorsqu'elles nous trahirent, nous nous
grains aux édiles, les captifs au préteur Fulvius. fîmes les alliés du roi Pyrrhus; abandonnés par
A la même époque, le préteur Titus Otacilius, lui, nous acceptâmes une paix devenue néces-
qui, avec une flotte de cinquante vaisseaux, était saire: nous sommes restés en cet état pendant
passé de Lil) bée en Afrique, et y avait ravagé le près de cinquante ans, jusqu'au moment où tu
territoire de Carthage, se dirigerait de là sur la arrivas en Italie. Tu nous séduisis alors par ton
Sardaigne, où l'on disait qu'Asdrubal venait de se courage, ton bonheur, surtout par ta bonté,ta
rendre en quittant les îles Baléares. Lorsqu'il ren- bienveillance particulière envers nos concitoyens
contra la flotte carthaginoisequi retournait en Afri- captifs que tu nous renvoyas, si bien qu'aussi
que,un léger engagement eut lieu en pleine mer, longtemps qu'Annibal notre ami et notre allié,
et Otacilius prit sept vaisseaux avec les équipages. n'aurait point essuyéde revers, nous n'eussions pas
La crainte, aussi bien que la tempête, dispersa tout redouté, je ne dis point le peuple romain, mais, si
le reste. Vers le même temps, Bomilcar, avec des j'ose parler ainsi, la colère même des dieux. Au-

nis Sardis, belliqne ejus haud dubie concilor. Npc Sar- et Bomilcar rum militibus, ad supplementum Carthagine
durum duces minus nobilem eam pugnam cladibus suis missis elephantisyue et eommeatu Locros accessit.
tecerunt. 1\am et filius Hampsicoræ Hioslus in acie ceci- Quem ut incautum opprimeret Ap. Claudius, per simu-
dit et Hampsicora, cum paucis equitibus fugiens, ut 1 ationem proviuciae circumeuiidaeMessanam raptim eier-
super afflictas res nccem quoque filii audivit, nocte ne citu ducto, astu secundo Locros trajecit. Jam iude Bo-
cujus interventus caepta impediret, mortein sibi conscivit. milcar ad Hannonem in Bruttios prufectus erat; et Lo-
Ceteris urbs Gornus eadem, qua' aute fugae receptacu- creusts portas Romanis clauserunt.Appius maguo conatu
lum fuit quam Manlius, victore eiercitu aggressus, in- uulla re gesta, Measanam repetit. Eadem æstate Marcellus
tia paucos dies rece pit. Deiude alise quoque civitaies, qum ab Nola, quam præsidio obtinebat, crebraa excursiones
ad Hampsicoram Pœnosque deteceraut, obsidibus datis, in agrum Ilirpinum et Samnites Caudmos fecit adeoque
dediderunt sese. Quibus stipeudio frumentoque impe- omnia ferro atque igni vastavit, ut antiquarum cladium
rato, pro cujusque aut viribus aut delicto, Carales eier- Sammo memorram renovaret.
cilum reduxit. Ibi navibus longis deductis, impositoque, XLII. Itaque extemplo legati, ad Annibalem missi si-
quem secuin advexerat, milite, Romam navigat, Sardi- mul ex utraque gente, ita Pœnum allocutr sunt o Hostes
niamque perdomitam nuutiat Patribus; et stipeudium populi romani, Annibal, fuimus primum per nos ipsi
quaestoribus, fruiueutum aedilibus, captivos Q. Fuhio quoad nostra arma nostræ vires nos tutari poteraut. Post-
prætori tradidit. Per idem tempus T. OLacilius prætor, quam iis parum fidebamus, Pyrrbo regi nos adjunximus;
quiuquagmta naviumab Lilybxo classe in Africam trans- a quo relicti pacem nccessariamaccepimus,fmmusqueiu
vectus, depopulatusque agrum Carthaginiensem, quum ea per annos prope qumquaginta, ad id tcmpus, quo in
Sardiniam iude peteret, quo fama erat Hasdrubalem a Ba- Italiam venisti. Tua nos non magis virtus fortunaque,
liaribus uuper trajecisse, classi Africam repelenti occur- quam unica comitas ac benignitas erga cives nostros, quos
rit,levique certaminein alto corumisso, septem inde na- captos nobis remisisli, ita conciliavil tibi, ut, te saho at-
ves cum sociis navalibus cepit ceterasmetus baud secus, que incolumi amico, non modo populum romanum, sed
quam tempestas, passim disjecit. Per eosdem forte dies ne deos quidem aratos (si dici fasest ) timeremus. At. her
jourd'hui, cependant, aucun danger ne te menace, promenaientsurle territoire de Rome. Eh bien la
tu es vainqueur, tu es là auprès de nous (car tu cause en est à toi, qui ne nous défends pas, et qui
pourrais presque entendre les cris de nos femmes, retiens sous tes enseignes toute notre jeunesse, qui
de nos enfants, et contempler nos toits en proie nous protégerait si elle était ici. Ce serait mécon-
aux flammes), et pourtant, à voir les ravages dont naître et toi-même et ton armée que de penser qu'il
nous avons été plus d'une fois victimes dans cette soit difficile à celui qui a je le sais, défait et mis
campagne, il semble que ce soit Marcellus, et non en fuite tant d'armées romaines, d'écraser ces
pas Annibal, qui a vaincu à Cannes; aussi, les pillards, errant sans enseignes, et se portant cha-
Romains disent-ils avec orgueil que, plein de vi- cun là où les attire l'espoir, quoique déçu, de
gueur pour porter un coup, tu languis après faire quelque butin. Ils seront la proie de quel-
avcir laucé ton aigmllon. Pendant près de cent ques Numides, et tu auras ainsi détruit cette gar-
ans nous avons fait la guerre aux Romains, sans nison envoyée contre Nola et contre nous, pour
le secours d'aucun général, d'aucune armée étran- peu qu'a près nous avoir jugés dignes d'être tes
gère, si ce n'est que pendant deux aunées Pyrrhus alliés, tu ne nous croies pas indignes d'être
a plutôt augmenté ses forces de nos soldats, que protégés par toi, à qui nous nous sommes con-
les siens ne nous ont protégés. Je ne veux pas fiés. »
vanter notre fortune, je ne parlerai pas de deux XLIII. Annibal répondit que « les Hirpiniens et
consuls, de deux armées cousulaires que nous les Samnites faisaient toutes les choses à la fois, in-
avons fait passer sous le joug, ni de ce qui a pu diquant leurs pertes, demandant du secours, et se
nous arriver de succès et de gloire. Quant à ce plaignant d'être laisséssans défense et sans prolec-
que nous avons eu à éprouver alors de cruel et de tion. Qu'il fallait avertir d'abord, puisdemander du
désastreux le souvenir nous en est plus facile à secours; et, enfin, si le secours avait été refusé,
supporter que les malheurs qui nous écrasent au- se plaindre alors de l'avoir imploré en vain. Pour
ourd'Uui. En ce temps-la, des dictateurs illustres, lui, il ne conduirait pas son armée sur le terri-
avec leurs maîtres de la cavalerie, les deux consuls toire des Ilirpiniens, ni sur celui des Samnites,
avec les deux armées consulaires, envahissaient de peur que, lui aussi, il ne leur devînt à charge;
notre territoire; mais ils faisaient d'aborddes recon- mais qu'il camperait aussi près d'eux qu'il le
naissances, ils établissaient des réserves, ils te- pourrait, sur les terres des alliés de Rome, enri-
naient l'armée entière sous lesdrapeaux quand ils chissant ses soldats par le pillage pendant que,
venaient ravager nos champs. Maintenant nous par la terreur il attirerait l'ennemi loin des
sommes la proie d'une petite garnison destinée uni- Hirpiniens et des Samnites. Quant à la guerre
quement a ta défensede Nola. Et ce n'est même plus avec Rome, si la victoire du Trasimène avait
en corps, c'est comme des voleurs qu'ils parcourent été plus éclatante que celle de la Trébie, celle
notre pays, avec plus de négligeuce que s'ils se de Cannes plus que celle de Trasimène, il sau-

cule, non solum incolumi et victore, sed præsente te, agro. Causa autem ha'c est, quod neque tu défendis, et
quum ploraluin prope coujugum ac liberorumnostrorum nostra juveutus, quæ, si domi esset, tutaretur, omnis
exaudire, et flagrantia Lecta posses coospicere, ita suiuus sub signis militat tuis. Née te, nec exercitum tuum no-
aliquotieshac æstate devastati, ut M. Marcellus, non An- rim nisi a quo tot romauas acies fusas stralasque esse
nib.il, vicisse ad Cannas videatur; glorienturque Romani, sciam,ei facile esseducam opprimere populatores nostros
te, ad unum modo ictum vigentem, velut aculeo emisso, vagos, sine sigms, palatos, quo quemque tralut, quam"
torpere. Per centum prope anuos cum populo romano vis vana, prædæ spes. Numidarum paucorum Illi quidem
bellum gessimus, nullo externô adjuti uec duce nec præda erunt, praesidiumque missum nobis et Nolæ ade-
exercitu nisi quod per biennium Pyrrhus nostro magis merit si modo, quos, ut socios baberes, dignos duiisti,
milite suas auxit vires, quam suis viribus nus defendlt. 6aud indignos judicas, quos in fidem receptos tuearis. »
Non ego secundisrebus uostris gloriabor duos consules, XLIII. Ad ea Annibal repondit « Omnia simul facere
ac duos consularea exercitus a nobis sub jugum missos, Hirpinos Samnitesque: et indicare clades suas, et petere
et si qua alia aut læta aut gloriosa nobis eveneruut. Quae pra'sidium, et queri indefensosse neglectosque. Indican-
aspera adversaque Lunc acciderunt, minore iudignatiune dum autem fuisse primum dein petendum prasidium
referre possumus, quam quæ hodie evemunt. Magm dic- postremo, ni impetraretur, tum denique querendum,
tatores cum magistris equitum, biui consules cum hinis frustra opem imploratam. Exercitum sese non in agrum
consularibus exercitibus ingrediebantur fiues nostros; Hirpinum Samnitemve, ne et ipse oneri esset, sed in
aute explorato, et subsidris posius, et sub signis ad po- proxima loca sociorum populi romani adduclurum iis
pulandnm ducehant nunc propraitoris unius et parvi ad populandis et militem suum repleturum se, et metu pro-
tuendam Nolam præsidii prada sumus. Jam ne manipu- cul ab iis summoturum hostes. Quod ad bellum romanuin
latiin quidem, sed latronum modo, percnrsant tolis fini- attineret, si Trasimeni quam Trebiæ, si Caunarum
hus nostris neghgentius, quam si ill lomano vagarentur quem Trasimeni pugna nobilior esset; Caunarum se qua
rait par une victoire plus grande, plus illuslre tous les captifs italiens, les habitants de Nula de-
encore, effacer le souvenir de Cannes. « Il renvoie vraieut préférer l'alliance et l'amitié de Carthage à
les députés avec cette réponse et chargés de pré- celle de Rome. Si les deux consuls avec leurs deux
sents. Lui-même il laisse quelques troupes à son armées étaient devant Nola, ils ne résisteraient
camp sur le Tifate, et, avec le reste de son armée, pas mieux à Annibal qu'il ne lui avaient résisté à
il se dirige sur Nola. Hannon de son côté, vint Cannes; un préteur avec quelques jeunes soldais
du Bruttium, conduit des renforts amenés de pourra bien moins encore défendre leur ville. Il
Carthage, ainsi que ses éléphants. Annibal s'é- était bien plus important pour eux que pour Au-
tablit près de la ville, et là, après avoir pris des uibal que Nola se rendît et ne fût pas prise d'as-
informations, il apprend tout autre chose que ce saut. Annibal, en effet, s'en rendrait le maître
que lui a rapporté l'ambassade de ses alliés. Mar- comme il avait fait de Capoue et de Nucéria. Mais
cellus, en effet, n'agissait nullement de manière la différencedusort de ces deux villes, les habitants
à ce qu'on pût l'accuser de se livrer en rien de Nola, placés pour ainsi dire entre elles deux,
au hasard ou à l'ennemi; il n'allait reconnaître devaient la connaître de reste. Il ne voulait pas
et ravager le pays que sous bonne escorte, et leur prédire les malheurs qui accableraient leur
après avoir bien assuré sa retraite. Il avait ville prise d'assaut il aimait mieux leur pro-
pourvu à tout et pris toutes ses précautions, mettre que s'ils livraient Marcellus avec la gar-
comme s'il se fût trouvé en présence d'Annibal. Dès nison et leur ville, personne qu'eux-mêmes ne
qu'il fut instruit de l'approche de l'ennemi, il re- réglerait les conditions auxquelles ils feraient al-
tint ses troupes derrière les murailles, et donna liance et traité avec Annibal. o
ordre aux sénateurs de Nola de se promener sur XLIV. A cela Hérennius Bassus répondit que,
les remparts, et d'examiner ce qui se passait dans « depuis bien des années, il existait entre le peu-
le camp ennemi. Alors Hannon s'approcha et de- plc romain et le peuple de Nola une amitié dont
manda une conférenceà deux d'entre eux, Héren- jusqu'à ce jour aucun des deux n'avait eu à se
nius Bassus et Hérius Pettius; ils sortirent avec la repentir; que s'ils avaient voulu changer avec la
permission de Marcellus, et Hannon leur parla fortune, il était bien tard aujourd'hui pour le
à l'aide d'un interprète. Il éleva bien haut le cou- faire; que pour se rendre à Annibal, ils n'au-
rage et la fortune d'Annibal, et rabaissa la majesté raient pas demandé une garnison romaine; que
du peuple romain, qui, disait-il, vieillissait ainsi tout était commun et le serait jusqu'au dernier
que ses forces. « Et quand bien même, ajoutait-il, sa instant entre eux et les Romains, venus pour
puissanceserait aujourd'hui ce qu'elle était autre- les protéger. » Cette conférence enleva à Anni-
fois, a près a voir éprou vé combien était durepour les bal tout espoir de s'emparer de Nola par trahi-
alliés la domination de Rome; combien, au con- son. il enloura donc la ville avec ses troupes,
traire, Annibal avait montré de bonté même pour atin d'attaquer les murailles de tous les côtés à

que memoriam obscuram majore et clariore Victoria fa- etiam in captivos omnesitalici uominis fuisset, piinicam
cturum. » Cum hoc responso muneribusque amplis legatos romanæ societatem atque amicitiam præoptandam esse.
dimisit. Ipse, præsidio modico relicto in Tifatis, pro- Si antbo consoles cum suis exercitibus ad Nolam essent,
fectus cetero exercitu ire Nolam pergit. Eodem Hanno ex tamen non magis pares Annibali futuros quam ad Can-
Bruttüs, cum supplemeuto Carthagine adiecto atque nas fussent nedum prætor unus cum paucis et novis
elephantis, venit. Castris hand procul positis, longe alia nuliiibus, Nolam tutari possit. Ipsorum, quum Annibalis,
omnia inquirenti comperta sunt, qu im quae a legatis so- interesse, capta an tradita 1\ola potiretur. Potiturum
ciorum audicrat. Nihil euim Marcellus ita gerebat, ut euim ut Capua Nuceriaque potitus esset sed, quid inter
mit fortunæ, aut temere hesti commissum dici posset. Capuae Nuceriæ lue fortunam interesset, ipsm prope
Exp!urato, cum firmisque præsidiis, tuto receptti præ- in mc·dio sitos Nolanos scire. Nolle ominari, quæ ciptæ
datum ierat omniaque, vellit adversus præsentem Au- urlri cessura forent: sed potins spondere, si Marcellum
nibalem, cauta p ovisaque fuerunt. Tum, uid sensit ho- cum præsidio ac Nolam tradidissent, neminem alium,
stem adventare, copias intra mœnia tenuit per niuros quam ipsos, legem, qua in societatem amicitiamque An-
inambulare senatores Nolanos jussit, et omnia circa ex- nibalis venirent dicturum.
plorare, quæ apud hostes fierent. Ex iis Ilanno, quum XLIV. Ad ea Herenuius Bassus respondit « Multos
ad murum successisset, Herennium Bassum et Herium annus jam inter romanum nolanumque populum amici-
Pettium, ad colluquiuin evocatos, permissuque Mar- tiam esse, cujus neulrus ad eam diem pœnitere, et sibi,
rxlli egressos, per interpretem alloquitur. Annibalis vir- si cum forluna mutanda fides fuerat, sero jam esse mu-
tutetu fortuuamqueextollit populi romani obterit sene- tare eam. Deditnris se Annibali non fuisse arcessendum
scentem cum viribus majestatem. « Quae si paria essent, romanum praesidium cum iis, qui ad se tuendos venis-
utquondam fuissent, tamen expertis, quam grave ro- sent, omnia sibi et esse consociala et ad ultimum fore. »
manum imperium sociis, quanta indulgentia Annibalis Hoc colloquium abstulit epem Annibali per proditionem
la fois. Dès que Marcellus le vit sous les rem- méler à l'action que s'ils en recevaient de lui le
parts, il rangea son armée en bataille dans l'in- signal.
térieur de la ville, puis s'élança hors des portes XLV. L'avanlage du combat était balancé; tous
avec une grande impétuosité. Dans ce premier déployaient la plus grande énergie, les chefs à
clioc, quelques Carthaginois furent surpris et tues, exhorter leurs soldats, les soldats à combattre.
mais bientôt des deux côtés on se réunit aux com- Marcellus crie aux siens de pousser vivement
battants; les forces redevinrent égales, et alors l'ennemi que ce sont là les mêmes hommes
la mêlée s'annonça terrible. Sans doute cette ba- qu'ils ont vaincus il y a trois jours, et qui peu
taille eût été comptée dans le petit nombre des plus de jours auparavant ont été repoussés de Cumes;
mémorables, si la pluie, tombant par torrents, ne que l'année précédente, lui-même, Marcellus,
fût venue séparerlesdeux armées. Après un combat avec une autre armée, les a chassés de devant Nola.
peu important, qui ne fit qu'animer lescourages, « Tous ne sont pas présents au combat les four-
les Romains rentrèrent dans la ville, et les Car- rageurs courent dans la campagne, et ceux qui
thaginois dans leur camp. Cependant les Carthagi- combattent sont énervés par les délices de Ca-
nois, surpris d'abord par cette sortie, avaient poue, par le vin, par les courtisanes, par tout
perdu trente hommes à peu près, et les Romains un hiver de débauches. Ils n'ont plus leur vi-
pas un seul. La pluie tomba sans interruption gueur, leur énergie d'autrefois ils ont perdu
toute la nuit, et jusqu'à la troisième heure du cette force de corps ce courage, qui leur a
jour suivant. Aussi ce jour-là, malgré toute leur fait franchir les Pyrénées et les Alpes. Ce ne
envie d'en venir aux mains, les deux partis se sont plus que les débris des Carthaginois d'alors,
tinrent dans leurs retranchements. Le surlen- à peine capables aujourd'hui de porter leurs ar-
demain, Annibal envoya des troupes ravager le mes et dese porter eux-mêmes. Annibal a trouvé
territoire de Nola. Dès que Blarcellus s'en aper- Cannes dans Capoue. A Capoue ont péri sans retour
çut, il sortit aussitôt en bataille. Annibal ne re- leur courage, leur discipline, leur vieille gloire,
cula pas. Un espace d'un mille environ séparait la leurs espérances pour l'avenir. 1 Par ces parolcs
ville du camp. Ce fut dans cet espace ( car tout est de mépris pour l'ennemi, Marcellus cherchait
plaine autour de Nola), que s'engagea l'action. Les à encourager les siens. Annibal adressait aux
cris poussés de part et d'autre rappelèrentan com- Carthaginois des reproches bien plus amers en-
bat, qui déjà était engagé, les moins éloignées core. o Il reconnaissait bien, disait-il, les ar-
des cohortes, qui étaient allées ravager lescarnpa- mes, les enseignes qu'il avait vucs, qu'il avait di-
gnes. Les habitants de Nota, à leur tour, se joi- rigées à la l'rébie, au Trasimène, et dernière-
gmrent à l'armée romaine. Marcellus les en loua ment à Cannes; mais, à coup sûr, il avait mené
beaucoup; mais il leur donna l'ordre de rester en quartiers d'hiver à Capoue une autre armée
avec la réserve, d'enlever les blessés, et de ne se que celle qu'il venait d'en retirer. C'est un lieu-

recipiendæ Nolæ. Itaque oppidum corona circumdedit, revocavit. Et Nolani aciem romanam auxerunt quos
ut simul ab onini parte mœnia aggrederetur. Quem ut collaudatosMarcellus in subsidiis stare, et saucios ex acio
successisse muris Marcellus vidit instructa intra portam efferre jussit; pugna abstinere, ni ab se signum accepissent.
acie cum magno tumultu erupit. Aliquot primo impetu XLV. Prælium erat anceps summa vi et duces horta-
pereti!si cæsique sunt; deiu, concursu ad puguantes b antur, et milites puguabaut. Marcellus victis ante diem
facto, æquatisque viribus, atrox cœpit esse pugua me- tertium, fugatis ante paucos dies a Cumis, pulsis prioro
morabilisque inter paums fuisset, ni ingentibus procellis anno ab Nola ab eodem se duce, milite aho, instare ju-
effusus imber diremisset pugnantes. Es die commisso bet. « Noo omnes esse in acie; prxdantes vagari in agru
inodico certamine, atque irritatis animis, in urbem Ro- sed, qui pugnent, marcere Campana luxuria, vino et
mani, Pœni in castra sese receperunt.Tamen Pœnorum scortis omnibusque lustris per totam hiemem coiifectos.
prima eruptione perculbi ceciderant h1ud plus quadrin- Abisse illam vim vigoremque,dilapsa esse robora corpo-
genti, Romani duinquaginta. Imber continens per noctem rum animorumque quibus Pyrenæi Alpiumque super-
totam usque ad horam tertiam diei insequentis tenuit ata siut juga reliquias illorum virorum, vix arma mem-
itaquc, quanquam utraque pars avidi certaminis erant, braque sustinentes, pugnaie. Capuam Annibali Cannas
co die tenucrunt sese tanien munimentis. Tertio die An- fuisse. Ibi virtutem bellicam, ibi militarem disciplinam,
uihal ptrtem copiarum pra?datum in agrum Nolanum ibi præteriti temporis famam, ibi tpein futuri exstin-
mis t. Quod ubi animadvertit Marcellus, extemplo in ctam. » Qunm haec exprobrando hosti Marcellus suorum
aciem copias eduxit; neque Annibal detrectavit. Mille militum animos erigeret, Annibalmultu gravioribus pro-
fere passunm inter urbem erant castraque. Eo spatio (et bris increpabat « Arma signaque eadem se uoscere quæ
santomnia campi circa Nolam) concurrerunt. Clamor, ad 'I'rebiam Trasimenumque postremo ad Caunas vi-
ex parte utraque sulrlatua, proiimosex cohortibus iis, quaj derit habueritque. militem alium profecto be in hiberua
ni agi os prædatum exierant, ad prælium jam commissum Capuam duxisse, alium inde eduxisse. Legatumue ru-
tenant romain, une seule légion, une seule aile de joie et des félicitations du peuple même, qui
de cavalerie, dont, avec tous vos efforts, vous auparavant penchait pour les Carthaginois. Les
soutenez à peine l'attaque, vous à qui n'ont jamais ennemis perdirent, ce jour-là, cinq mille hom-
pu résister deux armées consulaires? Voilà donc la mes on leur en prit six cents, avec dix-neuf en-
seconde fois que Marcellus, avec des recrues et seignes et deux éléphants. Quatre éléphauts avaient
quelques habitants de Nola, nous aura attaqués, été tués dans le combat. Les Romains n'eurent
sans que nous l'en ayons fait repentir? Où est ce pas mille hommes de tués. La journée du lende-
soldat qui arracha le consul C. Flaminius de dessus main, par une trêve tacite, fut employée à ense-
son cheval, et lui coupa la tête? Où est celui qui velir les morts de chaque côté. Marcellus brûla
tua L. Paullus à Cannes? Vos fers sont-ils donc les dépouilles des ennemis; c'était un voeu qu'il
émoussés ? vos mains engourdies? y a-t il là avait fait à Vulcain. Trois jours après (par mé-
quelque prodige? Autrefois, inférieurs en nom- contentement, je pense, ou dans l'espérance
bre, vous étiez accoutumés à vaincre; aujour- d'une plus haute paye), douze cent soixante-
d'hui, en grand nombre contre une poignée deux cavaliers, Numides et Espagnols, passè-
d'hommes, vous pouvez résister à peine? Bra- rent à Marcellus les Romains eurent souvent,
ves en paroles, vous vous vantiez de prendre dans cette guerre, à se louer de leur courage et
Rome d'assaut, si vous trouviez quelqu'un pour de leur fidélité. La guerre terminée, les Espa-
vous conduire. Apparemment la chose est plus fa- gnols en Espagne, les Numides en Afrique, re-
cile mais ici je veux éprouver votre force et vo- çurent des terres en récompense de leur bra-
tre courage. Enlevez Nola, une ville en plaine, voure. Annibal renvoya de Nola Hannon dans le
sans fleuve, sans mer pour la protéger. Et quand Bruttium, avec les troupes qu'il avait amenées;
vous serez chargésdes dépouillesd'une ville si opu- lui-même il alla prendre en Apulie ses quartiers
lente, alors je vous conduirai, je vous suivrai où d'hiver, et s'arrêta près d'Arpi. Dès que Q. Fa-
vous voudrez. o bius sut qu'Annibal était parti pour l'Aplllie, il
XLVI. Ni louanges, ni reproches ne raffermi- fittransporter du blé de Nola et de Naples au camp
rent leur courage. De toutes parts ils furent re- situé au dessus de Suessula; il en fortifia les re-
poussés tandis que les Romains s'animaient aux tranchements, et y laissant assez de troupes pour
exhortations de leurs chefs, et aux cris des habitants le défendre pendant l'hiver, lui-même il se rap-
de Nola eux-mêmes, qui leur témoignaient ainsi procha de Capoue, et mit tout à feu et à sang
leur bon vouloir et réchauffaient leur ardeur pour dans la Campanie; si bien que les Campaniens
le combat, les Carthaginois tournèrent le dos, et furent obligés, quoiqu'ils n'eussent pas grande
furent repoussés dans leur camp. Les soldats ro- confiance en leurs forces, de sortir de la ville et
mains voulaient les y assiéger; mais Marcellus les d'établir un camp dans la plaine sous leurs mu-
fit rentrer dans Nola, au milieu des acclamations railles. Ils avaient six mille soldats; leur infante-

maoum et legionis unins atque alæ magno certamine vii clinatior ad Pœnos fuerat. Hostium plus qninque millia
toleratis pugnam, quos binoe acies cousularea nunquam caesa eo die, vivi capti sexcenti, et signa militaria unde-
sustinuerunt? Marcellus, tirone milite ac Nolanis subsi- vigmti et duo elephanti quatuor in acie occiài. Romano-
diis, inultus nos jam iterum lacessit? Ubi ille meus miles rnm minus mille interfecti posterum diem indutiis ta-
est, qui erepto ex equo C. Flamiuio consuli caput ab- citis, sepeliendo utrimque cæsos in acie consumpserunt.
stulit? ubi, qui L. Paullum ad Cannas orcidit ? Ferrum Spolia hostium Marcellus, Vulcano votum, cremavit.
uuoc hebet? an dextræ torpent? an quid prodigii est Tertio post die (ob iram credo aliquam, aui spem libe-
aliud? Qui pauci plures vincere solili estis, nunc paucis ralioris militiæ) mille ducenti septuaginta duo equit s,
plures vix restatis. Romam vos expugnaturos,si quis du- mixti Numidæ Hispanique, ad Marcellum transfugerunt.
ceret, fortes lingua, jactabatis. Enim minor est res. Hic Eorum forti fidelique opéra in eo bello usi sunt siepe Ro-
i
experit vim virtutemque volo. Expugnate Nolani, cam- mani. Ager Hispanis in Hispauia, Numidis m Africa post
peslrem urbem, non flumine, non mari sieptam. Hinc bellum, virtutis causa, datus est. Annibal, ab Nola re-
vos ex tam opulenta urbe prada spolisque onustos vel misso in Bruttios Hannone cum quibus vent rat copiis,
ducam quo voletis, vel sequar.. ipse Apuliæ hiberna petit, circaque Arpos consedit.
XLVI. Nec bene, nec male dicta profuerunt ad con- Q. Fabius, ut profectum in Apuliam Annibalem audivit,
flrmandos animos. Quum omni parte pellerentur, lIo- frumento ab Nola Neapolique in ea castra convecto, quæ
manisque crescerent ami, non duce solum adhortante, super Suessulam erant, munimentisque lirmatis, et præ-
sed Nolanis etiam per clamorem, favoris indicem, ac- sidio, quod per hiberna ad tutandum locum satis esset
cendentibus ardorem pugnæ, terga Pœni dederunt, relicto, ipse Capuam propius movit castra, agrumque
atque in castra compulsi sunt. Quæ oppugnare cu- Campanum ferro ignique est depopulatus donec coacti
pieutes milites romanos Marcellus Nolam reduxit, cum sunt Campani, mhil admodum viribus suis fideutes,
'naguo gaudio et gratulationeetiam plebis quæ ante in- egredi portis et castra ante urbem in aperto communire.
rie était mauvaise, leur cavalerie valait mieux se prolongeait sans qu'ils pussent se
frapper. Alors
aussi J'employaient-ilstoujours à harceler les Ro- le Campanien dit au Romain « Ce seront les
mains. Il y avait à Capoue une foule de ca- chevaux et non pas les cavaliers qui combattront,
valiers de grande distinction; mais le plus brave si nous ne quittons la plaine. Entrons dans ce
de tous, sans contredit, c'était Cerrinus Jubellius, chemin creux. Là il n'y aura pas d'espace pour
surnommé Tauréa. Il était aussi citoven romain. s'esquiver, et nous nous attaquerons de près.
Sa supériorité était telle qu'au temps où il servait A peine a-t-il parlé que Claudius lance son clieval
dans l'armée romaine, il ne s'y trouvait qu'un seul dans le chemin. Mais Tauréa, plus brave en pa-
homme, Clamlius Asellus, qui l'égalât comme ca- roles qu'en actions, a Prends garde, s'écrie-t-il,
valier. Un jour Taurea l'avait longtemps cherché que j'aille jeter mon cheval dans un fossé l » Mot
des yeux sur le front de la cavalerie ennemie qu'il devenu proverbial dans les campagnes. Clan-
parcourait à cheval le silence régnait dans tous dius, après avoir parcouru longtemps le che-
les rangs Taurea demande « où était Claudius min dans toute son étendue sans rencontrer son
Asellus ? Après lui avoir si longtemps disputé en euuemi, revient dans la plaine l'accusant de lâ-
paroles la supériorité, que ne venait-il combat- cheté, et rentre vainqueur au camp, au milieu
tre et lui laisser de riches dépouilles s'il était des cris de joie et des félicitations. Quelques ré-
vaincu, ou prendre celle de Tauréa, s'il était vain- cits ajoutent à ce combat des deux cavaliers une
queur. circonstancevraisemblable, puisqu'elle est généra-
XLVI1. Asellus, qui était au camp, est informé Iementcrue, mais qui à coupsûr est merveilleuse
de ce défi il ne s'arrête que pour demander au on dit que Claudius, en poursuivant Tauréa, qui
consul s'il lui sera permis de combattre hors des fuyait vers la ville, entra par une des portes res-
rangs l'ennemi qui le provoquait. Il obtient cette tée ouverte et sortit par une autre, sans que les
permission, prend aussitôt ses armes, s'avance ennemis l'eussent touché, tant ils élaient frappés
à cheval au delà des postes, et appelant Tauréa, d'étonnement.
il lui crie qu'il l'attend pour combattre au lieu XLVIII. Depuis lors les deux camps restèrent
qu'il choisirait lui-même. Déjà les Romains étaient dans l'inaction: le consul même se reporta en ar-
sortis en foule pour contempler la lutie, et les re- rière, pour que les Campaniens pussent ensemen-
tranchements des Campaniens, les murs mêmes de cer leurs champs, et il ne commit de dégâts sur
la ville étaient couverts de spectateurs. Ajoutant leur territoire que lorsque les moissons furent
encore à l'intérêt de ce spectacle par leurs défis déjà assez hautes pour qu'on en fit du fourrage.
orgueilleux, les deux adversaires mirent enfin la Ce fourrage fut transporté dans le camp de Clau-
lance en arrêt et poussèrent leurs chevaux en dius au dessus de Suessula, où il fit construire
avant; mais comme la carrière était libre, ce des baraques pour que l'armée y passât l'hiver.
combat n'était qu'une vaine représentation qui Il donna ordre au proconsul M. Claudius de ne

Sex millia armatorum habebant, peditem imbellem; inter se ludificantes, sine vulnere pugnam extrahebant.
equitatu plus poterant itaque equestribus præliis laces- Tum Campanus Romano, « Equorum, inquit, hoc, non
sebant bostem. Inter multos nobiles equites Campanos eyuilum erit certamen, nisi e campo in cavam banc
Cerriuus Jubellius erat, cognomine Taurea. Civis in- viam dimittimus equos ibi nullo ad evagandum spatio
didem erat, lonee omnium Campanorum fortissimus cominus conserentur manus. » Dicto prope cilius equum
eques adeo ut, quum apud Romanos militaret, unus in viam Claudius dejecit. Taurea, verbis ferocior, quam
cum Romanus, ClaudiusAsellus, gluria equestri aequaret. re, « Minime sis, inquit, cantherium in fossam. Quae
Hic Taurea, quum diu perlustrans oculis obequitasset vox in rusticum inde proverbium prodita. Claudius,
hostium turmis, tandem facto silentio, ubi esset Clau- quum ea via longe perequitasset, nullo obvio hoste in
dius Asellus? quesitit et quoniam verbis secum de vir- campum rursum evectus, inerepans ignaviam hostis,
tute ambigere solitus esset, cur non ferro decerneret cum magno gaudio et gratulatione victor in castra redit.
daretque upima spolia victus, aut victor caperet? Huic pugnæ equestri rem (quam vera sit, communis
XLVII. Hxc ubi Asello nuntiata sunt in castra, id existimatio est) mirabilem certe, adjiciunt quidam an-
modo moralus, ut consulem percunctaretur, liceretue nales quum refugientem ad urbem Tauream Claudius
extra ordiuem m provocantem bostem pugnare? per- sequeretur, patenli hostium portæ invectum, per alte-
nussu ejus arma eitemplo cepit provectusque ante sta- ram, stupentibus miraculo hostibus, intactum evasisse.
tiones equo, Tauream nomine compellavit, congredique, X.LVIII. Quieta inde stativa fuere, ac retro etiam
ubi vellet, jussit. Jam Romani ad spectaculum pugnæ consul movit castra, ut sementem Campani facerent
ejus frequentes exierant et Campani, non vallum modo nec ante violavit agrum Campauum quam jam allie in
castrorum sed mœma etiam urbis prospectantes reple- segetibus herbæ pabulum pra'bere poterant. Id convexit
verant. Quum jam ante ferocibus dictis rem nobilitas- in Claudiana castra super Suessulam; ibique hiberna
tent, intestis hastis coucitarant equos. Dein libero spatio 1 ædificavit. M. Claudio proconsuli imperavit, nt, retento
garder à Nola que la garnison nécessaire à la dé- srment que le nombre de ceux qui le payaient était
fense de la ville, et de renvoyer le reste de l'ar- dimiuué par les pertes énormes qu'avaient faites
mée à Rome, afin d'éviter une charge aux alliés les armées auprès du lac Trasimène et a Can-
et des dépenses à la république. Ti. Gracchus nes si le petit nombre de ceux qui avaient sur-
aussi ramena ses légions de Cumes à Lucéria en vécu était accablé coup sur coup de contributions,
Apulie. De là il envoya à Brundusium le préteur ils succomberaient sous ce nouveau fléau. Ainsi
M. Valérius wec l'armée qu'il commandait alors c'était le crédit seul qui prouvait soutenir la répu-
à Lucéria, et le chargea de protéger le côtes des blique, et non pas ses propres ressources. Il fallait
Sallentins et de pourvoir à tout ce qui regar- donc que le prétcur Fulvius se rendît à l'assem-
dait Plrilippe et la guerre de Macédoine. Sur la blée du peuple, qu'il lui mit sous les yeux les
fin de cet été, pendant lequel se passa tout ce nécessités de l'état, et qu'il engageât ceux des ci-
que nous avons raconté, on reçut des deux Sci- toyens qui avaient augmenté leur fortune dans le
pions, Publius et Cnéus, des lettres dans les- maniement des fonds publics à prêter pour uu
quelles ils annonçaient les succès si importants, certain temps de l'argent à l'état qui les avait en-
si heureux, qu'ils avaient obtenus en Espagne. richis, et à fournir à l'armée d'Espagne tout ce
Mais en même temps ils disaient qu'ils n'avaient qu'il lui fallait, à condition qu'ils seraient payés les
pas d'argent pour la solde, que l'armée manquait premiers, dès qu'il y aurait des fonds dans le tré-
de vêtéments et de blé, et les équipages de la sor. Telle fut la proclamation du préteur au peu-
flotte de lout ce qui leur était nécessaire. Que ple il indiqua en outre quel jour il adjugerait les
quant à la solde, si le trésor était sans ressources, fournitures de vêtements et de vivres pour l'ar-
ils trouveraient quelque moyen de tirer de l'argent mée d'Espagne, et aussi de tout ce qu'exigeraient
des Espagnols; mais qu'il fallait envoyer tout le les équipages de la flotte.
reste de Rome et au plus tôt; que c'était là le seul XLIX. Le jour arrivé, il se présenta trois com-
moyen de couserver et l'armée et la province. pagnies composées de dix-neuf citoyens qui se
Après la lecture de ces lettres, il n'y eut personne chargèrent des fournitures en exigeant deux con-
qui ne reconnût que tout en était vrai et que toutes ditions l'une qu'ils seraient exempts du service
ces demandes étaient justes; mais on pensait aussi militaire pendant toute la durée de ce service pu-
aux immenses armées de terre et de mer que l'on blic, l'autre que tout ce qu'ils embarqueraient
entretenait, à la nouvelle flotte si considérable qu'il leur serait garanti par l'état contre l'ennemi ou la
faudrait bientôt équiper si la guerre s'engageait tempête. Ces deux conditions leur étant accor-
avec la Macédoine. La Sicile et la Sardaigne, qui dées, ils se chargèrent des fournitures, et ce service
avant la guerre payaient un tribut, nourrissaientà se fit avec l'argent des particuliers. Ces sen-
grand'peine les armées qui les occupaient; l'im- timents, cetamour de la patrie unissaientainsi d'un
pôt devait suffire à toutes les dépenses, alors préci- lien indissoluble toutes les classesdu peuple. Tous

Nota' necessario ad tuendam urbem præsidio, ceteros ptus suppeditari quum ipsum tributiim conferentium
milites dimitteretRomam, ne oneri sociis, et sumptui numerum tantis exercituum stragibus, et ad Trasimenum
reipublicæ essent. Et Ti. Gracchus a Cumis Luceriam in lacum, et ad Cannas, imminutum; tum, qui superessent
Apaliam legiones quum duiisset, M. Valerimn iude præ- pauci, si multiplici gravarentur stipendio, alia perituros
torem Brundusium cum eo, quem Luceriæ habuerat, peste. Itaque, nisi fide staret respublica, opibus non sta-
exercitu misit, tuerique oram agri Sallcmiui, et provi- turam. l'rodeuudum in concionem Fulvio prætori esse,
dere, quod ad Philippum bellumque macedonicuin atti- indicandas populo publicas necessitates, cohortandosque,
neret, jussit. Exitu æstatis ejus, qua ha'c gesta perscri qui redempturis auxissent patrimonia, ut reipublicæ, ex
psimus, literæ a P. et Cn. Scipionibus venerunt quan- qua crev issent, ad tempus commodareot conducerent-
tas, quamque prosperas in Hispania res gessissent sed que ea lege prarbeuda quae ad exercitum Hispaniensem
pecuniam in st pendium, vestimentaque,et frumentum opus essent, ut quum pecuoia in ærario esset, üs pri-
exercitui, et sociis navalibusoinuia deesse. Quod ad sti- mis solveretur. Hæc prætor in concione edixit, et qua
pendium attineat, si aerariun) inops esset, se aliquam die vestimeota frumentum Hispaniensi exercitui præ-
rationem inituros, quo modo ab Hispanis sumaut cetera benda, quæque alia opus essent navalibus sociis, esset lo-
utique ab Roma mittenda esse nec aliter aut excrcitum caturus.
aut provinciam relineri posse. Literis recitatis, nemo XLIX. Ubi ea dies vemt, ad conducendum tres so-
omnium erat, quin, et vera scribi et pcstulari æqua, cietates aderant bominum undeviginti, quorum duo po-
fateretiir sed occurrebat animis quantos exercitus ter- stutala fuere unum, ut militia vacarent, dum in eo pu-
res res navalesque tuerentur, quantaque nova classis mox blico essent: alterum, ut, quæ in naves imposuissent, ah
paranda esset, si bellum macedonicum moveretur. Sici- hostmm tempes atisque vi publico periculo etsent. Utro-
liam ac Sardmiam, qnae ante bellum vectigales fuissent, que impetrato, conduxerunt, privataque pecunia respu-
vix præsides provinciarum exercitus atere tributo sum- blica administrata est. Hi mores, eaque caritas patii-r per
ces marchés avaient été généreusement acceptés; victoire fut si peu douteuse, que les Romains
tous furent exécutés avec la fidélité la plus scru- tuèrent plus d'ennemis qu'ils n'avaienteux-mêmes
puleuse, de même que si le trésor public les eût de combattans. Ils leur prirent plus de trois mille
comme autrefois soutenus de toute son upulence. liommes, un peu moins de mille chevaux, cin-
Lorsque les convois arrivèrent, Asdrubal, Magon quante-neuf enseignes et sept éléphants. Ils en
et Hamilcar, fils de Bomilcar, assiégeaient llli- avaient tué cinq dans le combat. Les Romains
turgi, qui avait passé aux Romains. Les Scipious, s'emparèrent des trois camps. Le siège d'Illiturgi
après un grand combat dans lequel ils massacrè- fut levé, mais les armées carthaginoises vinrent
rent ceux qui s'opposaient à leur passage, parviu- former celui d'Intibili. La province avait rempli
reut à travers ces trois camps jusqu'à la ville de les vides de leurs rangs; elle était de toutes la
leurs alliés, et y firent entrer du blé dont la di- plus avide de guerre, pourvu qu'il y eût à es-
sette y était grande. Exhortant alors les habitants pérer du butin ou une forte solde, et, à cette épo-
à défendre leurs murailles, aussi bravement qu'ils que, la population y était très-nombreuse. Une se-
avaient vu les Romains combattre pour eux, ils conde rencontre eut lieu entre les deux armées
conduisent leur armée au plus grand des trois avec même fortune de part et d'autre. Les ennemis
camps, qui était celui d'Asdrubal. Les deux géné- perdirent plus de treize mille hommes on lui en
raux carthaginois, voyant qu'il s'agissait d'une pril plus deux mille avec quarante-deux enseignes
affaire décisive, vinrent s'y porter avec leurs ar- et neuf éléphants. Alors presque tous les peuples
mées. L'engagement commença dès que les trou- de l'Espagne passèrent aux Romains. Dans celte
pes furent sorties du camp. Les ennemis avaient campagne, l'Espagne fut le théâtre d'événements
ce jour-là soixante mille hommes en ligne; les bien autrement importants que ceux qui se pas-
Romains à peu près seize mille; et cependant la sèrent en Italie.

omnes ordiues velut tenore uno pertinebat. Quemadmo- circitcr Romanis. Tamen ndco haud dubia Victoria fuit
dum conducta omnia magno animo suut sic summa fide ut plures numero, quam ipsi erant, Romant hostium oc-
præbita nec secus quam si ex opulento a'rario, ut quon- ciderint ceperint amphus tria millia hominum, paullu
dam alerentur. Quum hi commeatus venerunt, Ilhturgi minus mille equorum, undesexaginta militaria signa
oppidum ab Asdrubale, ac Magoue, et liamilcare Rnmil- septem elephautos, quinque in prælio occisis trimsque
caris tilio, ob defectionem ad Romanos oppuguabatur. castris eo die potiti suut. llliturgi obsidione liberato, ad
Inter hæe trina castra hostium Scipiones, quum in urbem Intibili oppugnandum punici exercilus traducti, suppletis
sociorum magno certamine ac strage obsistentium per- copiis ex provmcia, ut quæ maxime ommum bolli avida,
venissent, frumentum, cujus inopia erat, advexerunt modo præda aut merces esset, et tum juventute abuu-
cohortahqueoppidanos,ut eodem animo mœuia tutarm- dante. Iterumsigniscollatis,eadem fortuna utriusque par-
tur, quo pro se pugnantem romanum exercitum vidis- lis pugnatum. Supra tredecim milha hostium cæsa, supra
seut, ad castra maxima oppugnanda, quibus Asdruhal duo capta, cum signis duobus et quadraginta, et novem
praperat, ducunt. Eodem et duo duces, et duo exercitus elephantis. Tum vero omnes prope Hispaniæ populi ad
Carthaginiensium,ibi rem summam agi ceruentes con- Romanos defecerant multoque majores ea æstate in
veuerunt. Itaque eruptione e caatria pugnalum est. Seia- Hispama, quam iu Italia, res gestæ.
ginta hosttum millia eo die in pugna fuerunt, sexdecim
LIVRE VINQT-QUATRIÈME.

SOMMAIRE. — Hiéronyme, roi de Syracuse, dont l'aïeul Hiéron avait été l'ami constant du peuple romain, embrasse
le parti des Carthaginois tyran farouche et cruel, il est massacré par ses sujets. — Ti. Sewpronius Gracchus,
piocousul, remporte auprès de Béuévent une victoire sur les Carthaginois, et sur Hannon, leur chef il doit son
succès principalement aui esclaves; il leur rend la liberté. —Claudius Marcellus, consul, assiege Syracuse en Si-
cile, contrée qui s'était presque tout entière soulevée en faveur de Carthage.—On declare la guerre à Philippe,
roi de Macédoine ce prince vaincu pendant la nuit et mis en fuite auprès d'Apollonie regague difficilementbon
royaume açec des troupes presque désarmees. Le preteur Valérius est chargé du soin de cette expédition.
Avantages obtenus en Espagne sur les Carthaginois par P. et Cn. Scipion.-Alliance faite avec Syphax, roi de
Numidie.—Defait par Massmissa roi des Massyliens, et alors allié des Carthaginois Syphax passe avec des forces
impusantes, dans le pays des Maurusieus,du côté de Gadès, où l'Espagne est séparée de l'Afrique par un détroit.
Les Celtibérieos sont admis également au nombre des alliés de Rome. Pour la première fois, la république re-
çoit dans ses armées des soldats merceuaires.

I. A son retour de la Campanie dans le Brut- lions, errait dans la campagne en grande partie
tium, Hannon, aidé et conduit par les Brut- sans armes. Le général carthaginois Ilamilcar
tiens, chercha à se rendre maître des villes grec- lança contre eux quelques cavaliers; il leur fut
ques qui persistaient d'autant plus à rester fidèles défendu de maltraiter qui que ce fut, et ils se con-
à l'alliance de Rome, qu'elles voyaient avec les tentèrent de disposer quelques pelotons de ma-
Carlhaginois les Bruttiens, objet pour elles de nière à fermer tout retour aux fuyards. Le général
crainte et de haine à la fois. Ce fut sur Rhégium lui-même se plaçant sur une éminence d'où il do-
que se porta la première tentative, et Hannon y minait la campagne et la ville, envoya sous les
employa quelques jours fort inutilement. Pendant murs une cohorte de Bruttiens, avec ordre d'appe-
ce temps-là les Locriens transportent en hâte de ler à une conférence les principaux Locriens, de
leurs champs dans la ville le blé, le bois et toutes leur promettre l'amitié d'Annibal, et de ;es enga-
tes choses nécessairesà la vie, dans l'intention aussi ger à livrer la ville. D'abord ils ne voulurent pas
de ne rien laisser à l'ennemi dont il pût profiter. ajouter foi à ce que disaient les Bruttiens; mais
De jour en jour la foule qui sortait par toutes les lorsque les Carthaginois se montrèrent sur les
portes devenait plus considérable. On en était venu hauteurs, et que quelques fuyards vinrent an-
à ne laisser dans la ville que ceux que l'on forçait à noncer que tout le reste du peuple était au pou-
réparer les murs et les portes, et à faire des amas voir de l'ennemi, vaincus par la crainte, ils ré-
d'armes sur les remparts. Cette multitude, com- pondirent qu'ils allaient consulter le peuple.
posée d'habitants de tout âge et de toutes condi- L'assemblée fut aussitôt convoquée; tous les lmm-

cogenantur. In permixtam omnium ætatum ordinumque


LIBER VICESIMUS QUARTUS. multitudin°m et vagaotem in agris, magna ex parte in-
ermem, Hamilcar Pœnus equites emisit; qui violais
I. Ut ex Campania in Bruttios reditum est, Hanno, ad- quemquam vetiti, tantum, ut excluderent ab urbe fuga
jutoribus et ducibus Bruttiis, graecas urbes tentavit, eo disslpatos, turmas objecere. Dux ipse, loco suppriore captu,
facilius in societate maueutes romana, quod Bruttios, unde agros urbemque posset conspicere, Brnttiorum
quos et oderant, et metuebant, Carthaginiensium partis cohortem adiré muros, atque evocare principes Locrpu-
factos cernebaut, Rhegium primum tentatum est, dies- sium ad colloquium jussit, et, polliceutes amicitiam
que aliquot ibi nequicquam absumpti. Intérim Locrenses Annibalis, adliortari ad urbem tradeodam. Bruttiis in
frumeutum lignaque, et cetera, necessaria usibus ex colloquio nullius rei primo fides est deinde ut Peenus
agris in urbem rapere, etiam ne quid relictum prædæ apparuit in collibus, et refugientes pauci aliam omuem
liostibus esset et in dies major omnibus portis multitudo multitudinem in potestate bostium esse afferebant; tum
effundi. l'ostremo ii modo relicti in urbe erant, qui reli- metn vicli, consulturos se populum respouderuot advo-
cere muros ac portas, telaqne in propugnacula cougerere cataque citrmplo concione, quum et levissimus quisque
mes sans consistance se déclarèrent pour un chan- voir drs Locriens. Aux termes de l'alliance, les
gement et pour cette alliance nouvelle, et ceux Carthaginois devaient aider les Locriens en temps
dont les parents étaient retenus hors de la ville de paix et en temps de guerre, et les Locriens les
par l'ennemi se trouvaient aussi liés que s'ils eus- Carthaginois. »
sent donué des otages. Quelques citoyens seule- lI. Les Carthaginois s'éloignèrent donc du dé-
ment, tout en sentant bien qu'il valait mieux res- troit, et les Brutticns en murmurèrent, parccqu'il
ter fidèles à la foi jurée, n'osaient pas toutefois leur avait fallu respecter Rhégium et Locres, qu'ils
déclarer que tel était leur avis. Il y eut donc, au avaient résolu de piller. Ils se décident à enrôler
moins en apparence, unanimité dans la résolution et à armer quinze mille hommes de leur jeunesse,
de se donner aux Carthaginois. L. Atilius, qui et marchent seuls contre Crotone, dont ils font le
commandait la garnison, et les soldats romains siège. Crotone étant aussi une ville grecque et une
qui la composaient, furent conduits secrètement ville maritime, ils comptaient bien augmenter
au port et placés sur des vaisseaux qui devaient considérablement leur puissance s'ils pouvaient
les porter à Rhégium. On reçut alors Hamilcar et s'emparerd'un port de mer, entouré de fortes mu-
les Carthaginois dans la ville, à condition qu'un railles. Mais ils avaient une inquiétude il était
traité serait fait aussitôt, dans lequel les deux bien difficile qu'ils n'appelassent pas les Carthagi-
parties seraient considérées comme égales. Aussi- nois à leur aide, sous peine de paraître ne plus
tôt après la reddition de la ville, ces conditions agir en alliés; et, d'un autre côté, si le Cartha-
faillirent être rompues, le Carthaginois accu- ginois devait se faire une fois encore l'arbitre de
sant les Locriens d'avoir employé la ruse pour la paix plutôt que leur auxiliaire dans leur projet
faire échapper les Romains, et les Locriens, au de conquête, ils auraient encore combattu sans
contraire, prétendant que les Romains avaient avantagecontrel'indépendancedeCrotone, comme
pris d'eux-mtmesla fuite. Hamilcar envoya même auparavant contro celle de Locres. Ils crurent que
des cavaliers pour les poursuivre, dans le cas où ce qu'ils avaient de mieux à faire, c'était d'en-
le veut les eût retenus dans le détroit, ou con- voyer une ambassade à Annibal et de prendre
traints de prendre terre. Ceux qui les poursui- leurs précautions à son égard, afin que Crotone,
vaient ne purent les atteindre, mais ils aper- une fois prise, appartint aux Bruttiens. Anni-
çurent d'autres navires qui traversaient de Mes- bal répondit que c'était à ceux qui étaient sur les
sine à Rhégium. C'étaient des soldats romains lieux de décider la question et il les renvoya à
que le préteur Claudius envoyait tenir garnison Hannon. Hannon ne leur répondit rien de posi-
dans la ville. Asdrubal ne pensa donc plus à Rhé- tif et, en effet, ni lui ni Anniba! ne voulaient
gium. Par ordre d'Annibal lesconditions du traité abandonner au pillage une ville célèbre et opu-
avec les Locriens furent celles-ci « ils devaient lente, et ils espéraient bien que quand les Brut-
vivre libres sous leurs lois; la ville serait on- tiens l'assiégeraient,et qu'il serait évident que les
verte aux Carthaginois et le port resterait au pou- Carthaginois n'approuvaient ni ne secondaient

novas res novamque societatemmallent et, quorum pru- Locrensem, Locrensisque Pœnum pace ac bello lu-
pinqui extra urbem interclusi ab hostibus erant, velut varet. »
obsulibus datis, pigneratos haberent animos, pauci magis II. Sic a freto Pœni reducti, fremcntibus Bruttiis, quod
taciti proharent constantem fidem, quam probatam tueri Rhegium ac Locros, quas urbes direpturos se destiuave-
auderent baud dubio in speciein couseusu fit ad Pœnos rant, intactas reliqnissent. Itaque per se ipsi, conscriptis
deditio. L. Atilio præfecto præsidii, quique cum eo mi- armatisque juventutis suæ quindecim millibus, ad Cro-
htes romani eraut, clam iu portum deductis, atque im- tonem oppugnandum pergunt ire, græcam et ipsam ur
positis in naves ut Rhegium deveherentur. Hamilcarem bern et maritimam plurimum accessurum opibus si
Pœnosque ea conditioue, ut fœdus extemplo acquis legi- in ora maris urbem portu ac mœnibus vahdam tenuissent,
bus lieret, in urbem acceperunt. Cujus rei prope non credentes. Ea cura angebat, quod neque non arcessere
servata fides deditis est, quum Pœnus dolo dimissum ad auxilium Poenos satis audebant, ne quid non pro so-
Romanum incusaret; Locrenses profugisse ipsum causa- ciis egisse viderentur et, si Pœnus rursus niagis arbiter
rentur. Insecuti etiam équités sunt, si quo casu in freto pacis, quam adjutor belli, fuisset, ne in libertatem Cro-
astus morari, aut deferre naves in terram posset. Et eos tonis, sicut ante Locrorum, frustra pugnaretur. Itaque
quidem, quos sequebantur, non sunt adepti; alias a Mes- optimum visum est, ad Annibalem miüi legatos, cave-
sana trajicientes freto Rhegium naves conspexerunt. Mi- rique ab eo, ut receptus Croto Bruttiorumesset. Annibal
lites crant romani, a Claudio pra'tore missi ad ohtinen- quum praeseotium eam consultationem esse respondisset,
dam urbem praesidio. Itaque Rhegio extemplo abcessum et ad Hannonem eos rejecisset, ab Hannone nibil certi
est. Locrensibus jussu Annibalis data pax, ut liberi suis ablatum. Nec enim diripi volebant nobilem atque opu-
Icgibus viverent urbs pateret Pœnis, portus in porta- lentam urbem etsperabant, quum Bruttms nppugnaret,
tem Locrensium esset societas eo jure staret, ut Pœnus Pœnus nec probare, nec juvare eam oppugnationem ap-
1.
cette attaque, Crotone ne s'en livrerait que plus corc que la ville c'était le temple de Junon La-
vite aux Carthaginois. A Crotone, il n'y avait cinia, fort révéré de tous les peuples d'alentour.
ni résolution ni volonté unanime parmi les ci- Au milieu du bois sacré, qu'entourait une forêt
toyens. Il semblait que la même maladie se fût épaisse de hauts sapins, se trouvaient d'abon-
répandue sur tous les états de l'Italie; partout le dants pâturages. Là paissaient sans bergers des
peuple et les principaux citoyens étaient divisés troupeaux de toute sorte consacrésà la déesse, et
d'opinion le sénat était pour Rome, et le peuple chaque espèce, à l'approche de la nuit, retour-
se prononçait pour les Carthaginois. Un transfuge nait séparément à son étable sans avoir jamais eu
annonce aux Bruttiens que Crotone est ainsi divi- à souffrir des attaques des bêtes sauvages ou des
sée qu'Aristomachus, tout-puissantsurle peuple, piéges des hommes. Aussi les produits de ce trou-
veut livrer la ville; que dans une si vaste en- peau étaient considérables on les avait employés
ceinte, où les diverses parties des remparts sont à élever une colonne d'or massif, consacrée à la
si éloignées les unes des autres, quelques postes déesse, et le temple, déjà célèbre par sa sainteté,
quelques corps-de-garde seulement sont occupés l'était devenu aussi par ses richesses.Comme il ar-
par les sénateurs; mais que sur tous les points rive presque toujours pour des lieux aussi renom-
confiés à des hommes du peuple, l'accès leur se- més, il se rattache à ce temple quelque chose de
rait facile. Encouragés et guidés par le transfuge, miraculeux on dit donc qu'il y a dans le vestibule
les Brultiens cernèrent la ville reçus par le peu- un autel où les vents ne troublent jamais la cendre
ple, ils se rendirent maîtres, à la première atta- des sacrifices. Quant à la citadelle de Crotone, qui
que, de tous les postes, à l'exception de la cita- d'un côté domine la mer et de l'autre regarde la
delle qui était au pouvoir des nobles. Déjà de- campagne, elle n'eut d'abord d'autres fortifications
puis longtemps ils s'étaient préparé ce refuge que sa position naturelle par la suite elle fut
contre les chances d'un pareil malheur. Aristo- aussi entourée d'un mur à l'endroit où Dcnys,
machus s'y réfugia aussi, montrant par là qu'il tyran de Sicile, l'avait surprise par ruse en pre-
avait voulu livrer la ville aux Carthaginois et nant les rochers à revers. Telle était cette cita-
non pas aux Bruttiens. delle, à l'abri, ce semblait, de toute attaque, et
III. Crotone avait un mur de douze mille pas alors occupée par les nobles de Crotone. Le peu-
de circonférence avant l'arrivée de Pyrrhus en ple s'était joint aux Brutliens pour l'assiéger. Enfin
Italie. Dépeuplée par cette guerre, les habitants ceux-ci se voyant incapables de la prendre avec
en occupaient à peine la moitié. Le fleuve, qui leurs seules forces, et contraints par la nécessité,
d'abord avait traversé la ville, passait maintenant implorent le secours d'Hannon. Hannon essaya
en dehors des lieux habités; la citadelle aussi d'obtenir la soumissiondes Crotoniates, à condition
était éloignéede la partie peuplée. A six milles de qu'ils recevraient une colonie de Bruttiens, qui
la ville était un temple célèbre, plus célèbre en- repeuplerait cette ville autrefois si populeuse et

pareret, eo maturius ad se defecturos. Crotone nec con- omnibus circa populis. Lucus ibi, frequenti silva et pro-
silium unum inter populares, nec voluntas erat. Unus ceris abjectis arboribus sæptus, læta in medio pascua ba-
velut morbus invaserat omnes Italiæ civitates, ut plebes buit, ubi omnis generis sacrum des pascebamr pecus
ab optimatibus dissentirent senatus Romanis faveret, sine ullo pastore separatintque egressi cujusque generis
plebs ad Pœnos rem traberet. Eam dissensiooem in orbe greges nocte remeabaut ad stabula nunquam insidiis fe-
perfuga nuntiat Bruttiis; Aristomachunt esse principem rarum, non fraude violati bominum. Magni igitur fructus
plebis, tradendaeque auctorem urbia et in vasta urbe ex eo pecore capti, columnaque inde aurea solida facta
tateque omnibus disjectis mœnibus raras et stationes cu- et sacrata eat ioclutumque templum, divitiis etiam, non
ttodiasqne senatorum esse quacunqne custodiant plebis tantum sanctitate fuit. Ac miracula aliqua aftinguntur
bomines, ea patere aditnm. Auctore ac duce perfuga, plerumque tam insignibus locis. Fama est, aram esse in
Bruttii corona cinxerunt nrbem acceptique a plebe primo vestibulo templi, cujus cinerem nulio unquam moveri
impetu locos omnes, præter arcem cepere. Arcem opti- vento. Sed arx Crotonis, una parte imminens mari, al-
mates tenebant, præparatojam ante ad talem casum per- tera vergente in agrum, situ tantum naturali quondam
fugio. Eodem Aristomacbus perfugit tanqnam Pœnis, munita, postea et muro cincta est, qua per aversas ru-
non Bruttiis, auctor urbis tradendæ fuisset. pes ab Dionysio,Siciliæ tyranno, per dolum fuerat capta.
III. Urbs Croto murum in circuitupatentem duodecim Eam tum arcem, satis, ut videbatur, tutam, Croto-
millia passuum habuit, ante Pyrrhi in Italiam adventum. niatum optimates tenebant, circumsedente cum Bruttiis
Post vastitatem eo bello factam vii pars dimidia babita- eos etiam plebe sua. Postremo Bruttii, quum suis viribus
batur flumen, quod medio oppido fluxerat, extra fre- inexpugnabilem vidèrent arcem coacli neceuitate. Han-
quentia tectis loca præterfluebat et an procul iis, quæ nonis auxilium implorant. Is, conditiombus ad deditio-
habitabantur. Sei millia aberat ab urbe nobili templum nem compellereCrotoniatas conatus, ut coloaiam Bruttio-
(ipsa urbe erat nobilius ) Laciniæ Junonis, sauctum rum eo deduci, aotiqnamque frequentiam eo recipere
dont la guerre avait depuis fait une vaste solilnde. avait prévu ce qui devait arriver, voulut, dit-on,
Il ne put ébranler qu'Arislomachus. Tous ju- dans sa vieillesse, laisser Syracuse libre, de peur
raient de mourir plutôt que de recevoir parmi que, sous la domination d'un enfant, ce pouvoir
eux les Bruttiens, et de dénaturer ainsi leur reli- qu'il avait acquis et affermi par une si noble con-
gion, leurs mœurs, leurs lois et bientôt leur lan- duite, ne pérît au milieu du mépris général. Les
gage même. Aristomachus, n'ayant pas à lui seul filles d'Hitron s'opposèrent de toute leur force à
assez de crédit pour les engager à se rendre, et ne ce projet, bien sûres que cet enfant n'aurait que
trouvant pas l'occasionde livrer la citadellecomme le nom de roi, et que tout le pouvoir leur appar-
il avaitlivré la ville, vint se réfugier auprèsd'IIan- tiendrait à elles et à leurs maris Andranodorus et
non. Bientôt après les députés de Locres entrant Zoippus, laissés par Hiéron comme les premiers
dans la citadelle avec la permission d'Hannon, per- tuteurs d'Hiérouyme. A l'âge de quatre-vingt-di\
suadèrent aux Crotouiates de se laisser transpor- ans assiégé jour et nuit par des caresses de fem-
ter à Locres, et de ne pas attendre les dernières mes, il n'était pas facile à Hiéron de conserver une
extrémités. Annibal, à qui une ambassadeavait été âme libre, et de ne penser qu'aux affaires de
envoyée, avait déjà lui-même accordé cette per- l'état, sans s'occuper de celles de sa famille. Il
mission. Ainsi Crotone fut abandonnée, et les donna quinze tuteurs au jeune homme, les sup-
Crotoniates, conduits jusqu'au rivage, montèrent pliant, avant de mourir, de conserver intacte la
sur les vaisseaux. Presque tous se retirèrent à foi que pendant cinquante ans il avait gardée au
Locres. En Apulie, l'hiver même ne s'était pas peuple romain, et de faire en sorte que le jeune
passé sans combats entre les Romains et Annibal. roi ne s'écarlât jamais des traces de son grand-
Le consul Sempronius s'était établi à Lucéria, et père, ni des principes dans lesquels il avait été
Annibal non loin d'Arpi. Le hasard, ou quelque élevé. Telles furent ses recommandations. Dès
occasion favorable à l'un ou à l'autre parti, don- qu'il eut cessé de vivre, les tuteurs du roi ren-
nait entre eux naissance à de légers engagements; dirent le testament public ils produisirent dans
et les Romains en devenaient chaque jour plus l'assemblée le jeune homme qui avait alors à peu
forts, plus prudents, plus habiles à se garantir des près quinze ans. Un petit nombre seulement de
surprises. citoyens qu'ils avaient disposés dans l'assemblée
IV. En Sicile, la mortd'Hiéron et l'avénement pour exciter les acclamations, approuvèrent le
du trône d'Hiéronyme, son petit-fils, avaient tout testament. Les autres, comme s'ils eussent perdu
changé pour les Romains. Hiéronyme était un en- leur père, ne témoignaient que de la crainte an
fant capable à peine de supporter convenablement milieu de la cité en deuil. On célébra les funérail-
la liberté, bien loin d'être assez fort pour le pouvoir. les du roi, où l'amour, la tendresse des citoyens
Son âge, son caractère, ses tuteurs, ses amis le pré- se firent remarquer bien plus que les soins de
cipitèrent dans toute espèce de vices. Hiéron, qui sa famille. Bientôt après, Andranodorus écarte

vastam ac desertam bellis urbem paterentur, omnium praecipitandumin omnia viti accepernnt que ita futura
neminem, prêter Aristomachum, movit. Morituros se cernens Hiero, ultima senecta voluisse dicitur liberas
aftlrmabant cilius, quam, immixti Bruttiis, in alienos Syracusas relinquere ne sub dominatu puerili, per ludi-
ritus, mores, legesque, ao moi linguam etiam verte- brium, bonis artibus partum firmatumque interiret re-
rentur. Aristomachus unut, quando nec suadendo ad gnum. Huic consilio ejus summa ope obstitere filliæ, no-
deditionem saits valebat, nec, sicut urbem prodiderat, men regium peues puerum futurum ratæ, regimen
locum prodendæ arcis inveniebat, transfugit ad Hau- rerum omnium penes se virosque suos, Andranodorum
nonem. Locrenses brevi post legati quum permissu et Zoippum nam ii tutorum primi relinquebantur.Non
Hannonis arcem intrassent, persuadent, nt traduci le infacile erat nonagesimum jam agenti annum, circumaesso
Locros paterentur, nec uliima eiperiri vellent. Jam bocdies noctesque muliebribus btanditiis,liberare animum,
ut sibi liceret, impetraverant et ab Annibale, missis et convertere ad publicam privata curam. Itaque tutures
ad id ipsum legatis. Ita Crotone excessum est, dedu- modo quindecim puero reliquit quos precatus est mo-
chque Crotoniatæ ad mare naves conscendunt. Locros riens, ut fidem erga populum romanum, quinquaginta
omnis multitudo abeunt. la Apulia ne hiema quidem annos ab se cultam, inviolatam servareut, juvenemque
quieta inter Romanos atque Annibalem erat. Luceriæ suis potissimum vestigiis insistere vellent disciplinæque,
Sempronius consul, Annibal baud procul Arpis biber- in qua edoctus easet. Hæc mandata. Quum exspirasset,
nabat. Inter eos levia praelia ex occasioue, aut opportu-
per tutores testamento prolato pueroque in conoonem
nitate hujus aut illius partis, oriebantur meliorque iis
producto ( erat autem quindecim tune ferme anoorum ).
paucit, qui per coocionem ad excitandos clamores dia-
Romanus, et in dies cautior tutiorque ab insidiis fiebat.
IV. lu Sicilia Romanis omnia mutaverat mon Hiero- positi eraut, approbantibus tettamentum, celeris veint
nis, regnumque ad Hieronymum nepotem ejus transla- patre amisso in orba civitate omnia timentibus, funus flt
tum puerum vixdum libertatem, oedum dominationem, regium magi. amore civium et cantate, quam cura suo-
modicelaturum. Læte id ingenium tutores atque amici ad rum, celebre. Brevi deinde ceteros tutores summovet
tous les autres tuteurs, disant hautement qu'Hié- avec Rome; et leurs débats, la passion qu'ils y
ronyme était homme déjà, et capable de gouver- mettaient, attiraient de temps en temps l'atten-
ner. Renonçant lui-même à la tutelle qui lui était tion du jeune homme. Bientôt une conjuration
commune avec plusieurs autres, il concentre en dirigée contre la vie du tyran fut découverte,
sa personne le pouvoir de tous. grâce à un certain Callon, qui était de l'âge d'Ilié-
V. II eût été difficile, même à un roi vertueux ronyme et admis dès l'enfance à tous les droits
et bon, de se concilier l'amour des Syracusains d'une intime familiarité. De tous les conjurés, le
en succédant à Hiéron, qu'ils avaient tant chéri dénonciateur ne put nommer que Théodotus, qui
mais Hiéronyme, comme s'il eût voulu par ses vi- lui avait fait à lui-même quelques ouvertures.
ces faire regretter son aïeul, montra, dès les pre- Théodotus, saisi sur-le-champ et livré à Andrano-
miers moments, combien tout était changé désor- dorus pour être soumis à la torture, avoua sans
mais. Ceux qui, pendant tant d'années, n'avaient hésitation tout ce qui le regardait lui-même mais
vu ni Hiéron, ni Gélon son fils, se distinguer du il cacha le nom de ses complices. Enfin, déchiré
reste des citoyens par leurs vêtements ou par au- par les tourments plus forts que l'homme n'en
cun autre insigne, aperçurent tout à coup la peut supporter, il feint de céder à la douleur,
pompe, le diadème, des satellites armés, et quel- détourne les soupçons de ses complices et char-
quefois même le roi sortant de son palais dans geant des innocents, il accuse faussementThrason
un char attelé de quatre chevaux blancs, à la ma- d'être à la tête du complot, déclarant que sans
nière du tyran Denys. A cet appareil, à cet exté- l'appui d'un chef aussi puissant, les intimes du
rieur si orgueilleux répondaient bien son mépris tyran n'auraient jamais osé tenter une telle en-
pour tous, son dédain quand il écoutait, sa pa- treprise, et il nomma, parmi les plus indignes,
role toujours injurieuse, le soin de se rendre inac- ceux qui eu outre se présentaient à son imagi-
cessible, non pas seulement aux étrangers, mais nation au milieu des douleurs et des gémisse-
même à ses tuteurs enfin des débauches inouïes ments. Au nom de Thrason, le tyran ne douta plus
et une cruauté sans exemple parmi les hommes. La de rien. Il le fit trainer aussitôt au supplice, où il
terreur fut si grande et si générale, que parmi ses fut suivi de presque tous les autres accusés, inno-
tuteurs, quelques-uns, par une mort ou par un cents comme lui. Bien que leur complice fût li-
exil volontaire, prévinrent les supplicesqu'ils re- vré à de si longues tortures, aucun des conjurés
doutaient. Trois d'entre eux, les seuls qui eus- ne se cacha ni ne s'enfuit, tant ils avaient de
sent un accèsplusfacile dans lepalais, Andranodo- confiance dans le courage et l'honneur de Théodo-
rus et Zoippus, gendres d'Hiéron, et un certain tus tant Théodotus lui-même avait de force pour
Thrason, n'avaient guère de crédit auprès du roi cacher un secret.
que sur une seule question les deux premiers VI. Ainsi le seul lien qui maintint l'alliance avec
penchaient pour Carthage, Thrason pour l'alliance Rome avait été rompu par la mort de Thrason.

Andranodorus,juvenem jam esse dictitans Hieronymum, magnopere audiebantur tendendo autem duo ad Cartha-
ac regni potentem deponendoque tutelam ipse, qum ginienses, Thraso ad societatem romanam, certamino
cum pluribus communis erat, in se unum omnium vires ac studiis interdum in se convertebant animum adole-
convertit. sentis quum conjuralio, in tyranni caput facta, indi-
V. Vix quidem ulli bono moderatoque regi facilis erat catur per Callonem quemdam a'qualem Hieronymi et
favor apud Syracusanos, succedenli tantæ caritati Hie- jam inde a puero in omuia familiaria Jura assuetum. Index
ronis. Verum enim vero Hieronymus,velut suis vitiis de- unum ex conjuratts Theodotum, a quo ipse appellatus
biderabilem efficere vellet avum primo statim conspe- erat, nominare poluit. Qui comprehensus extemplo,
etn, omnia quam disparia essent, ostendit. Nam qui per traditusque Andranodoro torquendus, de se ipse baud
tut annos Hieronem filiumque ejus Gelonem, nec vestis cunctanter fassus, conscios celabat. Postremo, quum
habitu, nec alio ullo insigni différentes a ceteris civibus omnibus intolerandis patientiæ humana' cruciatibus lace-
vidisseot, conspexere purpuram, ac diadema, ac satellites raretur, victum malis se simulans, avertit ab consciis in
armatos, quadrigisque etiam alborum equorum interdum insontes indicium, Thrasonem esse auctorem consilii
ex regia procedentem more Diouysü tyranni. Hunc tam mentitus, nec, oisi tam potenti duce conflsos, rem tan-
superbumapparatumbabitumque convenientes sequeban- tam ausuros ab latere tyranni quorum capita vilissima
tur contemptus omnium hominum superbæ aures, con- fiugenti inter dolores gemitusque occurrere. Maxime
tumeliosa dicta, rari aditus non alieuis modo sed tuto- animo tyranni credibile indicium Thraso nominatus fecit.
ribus etiam, libidinesnovæ inhumana crudelitas. Itaque Itaque extemplo traditur ad supplicium adjectique
tautus omnes terror invaserat, ut quidam ex tutoribus pœnæ ceteri juita insontes. Consciorum nemo, quum
aut morte voluntaria out fuga præverterentmetum sup- dia socius consilii torqueretur, aut laluit, aut fugit. Tan-
pliciorum. Tres ex iis, quibus solis aditus in domum fa- tum illis in virtute ac fide Theodoti fiduciæ fuit tantum-
miliarior erat, Andranodorns et Zoippus, generi Hie- que ipsi Theodoto virium ad arcana occultanda.
conis, et Thraso quidam, de aliis quidem rebus haud VI. Ita quod unum vinculum cum Romanis societatis
Ladéfeclion de la Sicile n'était doncplus douteuse. après, enivré des flatteries de ses courtisans, qui
Des ambassadeurs furent envoyés à Annibal, qui l'engageaient à se rappeler non-seulement Hiéron,
à son tour envoya au roi, avec Annibal jeune mais le roi Pyrrhus, son aïeul maternel, il envoya
homme d'illustre naissance, Hippocrate et Épi- une nouvelle ambassade par laquelle il exigeait
cyde, nés à Carthage, mais dont le grand-père comme un droit la possession de la Sicile entière,
était un Syracusain exilé, et qui toutefois étaient disant que la domination en Italie était ce que
Carthaginois du côté de leur mère. Ils furent les cherchaient les Carthaginois. Cette légèreté, cette
intermédiaires du trailé d'alliance entre Annibal jactance, les Carthaginois ne s'en étonnaient pas
et le tyran de Syracuse, auprès duquel ils restè- dans un jeune homme iusensé, et ils ne se ré-
rent avec l'agrément d'Annibal. Le préteur Ap. criaient pas non plus, pourvu qu'ils pussent le dé-
Claudius, qui commandait en Sicile, apprenant tacher des Romains.
cette nouvelle, envoya des députés à Hiéronyme VII. Mais tout en lui contribuait à précipiter
lesquels dirent au roi qu'ils venaient renouve- sa chute. Il avait envoyé en avant Hippocrate et
ler avec lui l'alliance qui existait entre Home Épicyde avec deux mille soldats pour faire une
et son aïeul. Iliéronyme les reçut et les congédia tentative sur les villes occupées par des garnisons
avec dédain il leur demanda en raillant « quel romaines, et lui-même, avec le reste de son armée
avait été pour eux le succès de la bataille de Can- (quinze mille hommes environ d'infanterie et de
nes ? Que les députés d'Annibal en racontaient cavalerie), il marchaitsur Léontium. Les conjurés,
des choses à peine croyables, et qu'il voulait sa- qui par hasard se trouvèrent tous à l'armée, s'éta-
voir là-dessus la vérité, pour se décider d'a- blirent dans une maison qui était libre et qui
près les chances que lui offriraient les deux par- donnait sur une rue étroite, par où le roi descen-
tis. n Les Romains lui dirent « qu'ils reviendraient dait ordinairement au forum. Là, tous étant à
lorsque le roi serait en état d'entendre sérieuse- leur poste, bien armés et attendant le passage du
ment une députation; ils l'avertirent plutôtqu'ils roi, l'un d'eux, nommé Dinomène, qui était
ne le prièrent de ne pas changer légèrement d'al- garde du corps, fut chargé, au moment où le
liance, et ils partirent. Hiéronyme envoya aus- roi approcherait de la porte, de retenir, sous
sitôt une ambassade à Carthage pour arrêter un un prétexte quelconque, l'escorte qui devait le
traité d'après les bases convenues entre lui et An- suivre. Tout s'exécuta comme il avait été con-
nibal. Le traité portait que, les Romains une fois venu. Dinomène leva le pied pour relâcher les
chassés de la Sicile, ce qui se ferait prompte- liens de sa chaussure, comme s'ils l'eussent
meut, si Carthage envoyait une armée et une gêné, et il arrêta ainsi l'escorte à une distance
flotte, le fleuve Himera, qui sépare à peu près assez grande pour que les conjurés, s'élançant
l'île en deux serait la limite du royaume de Sy- sur le roi sans gardes, eussent le temps de le
racuse et des possessions carthaginoises. Bientôt percer de plusieurs coups avant qu'on pût le

erat, Thrasone sublato e medio extemplo baud dubie ad assentationibus eorum, qui eum non Ilieronis tantum,
defec:ionem res spectabat: legatique ad Annibalemmissi, sed Pyrrhi etiam régit, materni avi, jubebant memi-
ac remiasi ab eo cum Anmbale, nobili adolescente, Hip- nisse, legationem misit, qua æquum ceusebat, Sicilia
pocrates et Epicydes, nati Carthagine, sed oriundi ah sibi omm cedi Italiae impermmproprium qua·ri Cartha-
Syracusis exsule, avo, Pœni ipsi materno génère. Per giniensi populo. Hanc levitatem ac jactationem animi ne-
hos juncta societas Annibali ac syracusano tyranno; nec que mirabantur in juvene furioso, neque arguebant,
invitoAnmbale apud tyrannum manserunt.Ap. Claudius dummodo averterent eum ab Romanis.
prætor, cujus Sicilia provincia erat, ubi ea accepit, ex- VII. Sed omnia in eo præcipitia ad entium fuerunt.
templo legatos ad Hieronymum misit qui quum sese ad Nam quum praemissis Hippocrate atque Epicyde cum
renuvandam societatem, quae cum avo fuisset, venissedi- binis millibus armatorum ad tentandas urbes, quae prae-
ccrent, per ludibrium auditi dimissique sunt ab quæ- sidiis tenebantur Romanis, et ipse in Leoulinos cum
rente per jocum Hieronymo, qum fortuna iis pugnæ ad cetero omni exercilu (erant autem ad quindecimmillia pe-
Cannas fuisset? vix credibilia enim legatosAnnibalis nar- ditum equitumque ) profectus esset; liberas ædes conju-
rare. Velle,quid veri sit, scire, ut ex eo, utram spem se- rati ( et omnes forte militabant), imminentes viæ angustæ,
quatur, consilium capiat.» Romani, «quum serio legatio- qua descendere ad forum rez solebat, sumpserunt.Ibi,
nes audire cœpisset, redituros se ad eum dicentes esse, quum instructi armatique ceteri transitum exspectantes
monito magis eo, quam rogato, ne fidem temere mu- starent, uni ex iis (Dinomeni fuit nomen), quia custos-
taret, proficiscuntur. Hieronymus legatos Carthaginem corporis erat, partesdata; sunt, ut, quum appropinqua-
misit ad fœdus ex societate cum Annibale faciendum. ret januæ rex, per causam aliquam in angustiis sustine-
Pdelo convenit, ut, quum Romanos Sicilia expulissent ret ab tergo agmen. Ita, ut convenerat, factum est.
(id autem brevi fore, si naves atque eaercitum misissent), Tanquamlazaret elatum pedem ab stricto nodo, moratus
ilimera amnis, qui ferme insulam dividit, finis regni turbam Dinomenes, tantum intervalli fecit, ut, yuum in
syracusani ac punici imperii esset. Aliam deinde. inflatus prætereuntem sine armatis regem impetus fieret, con
secourir. Aux clameurs, au bruit qui se fit enten- rait se souvenir bien peu que vous êtes libres.
dre, on lança sur Dinomène, qui opposaitalors une Mais, dans cette guerre, et en face d'Annibal, il
résistance ouverte, des traits, à travers lesquels n'est pas arrivé une seule fois qu'un de nos
il put s'échapper, bien qu'atteint de deux blessu- généraux fit une faute sans qu'il en résultât
res. Les satellites prirent la fuite à la vue du roi quelque grand désastre pour la république. Il
étendu mort sur la terre. Des meurtriers, les uns convient donc que vous mettiez autant de soin à
courent au forum vers la muttitude joyeuse de sa nommer les consuls qu'à vous armer pour mar-
liberté recouvrée, les autres à Syracuse, pour pré- cher au combat; il convient que chacun se dise:
venir les desseins d'Andranodorus et des autres Je vais nommer un consul capable de résister à
partisans du roi. Dans ces vicissitudes, Ap. Clau- un général tel qu'Annibal. Cette année, devant
dius voyant une guerre s'élever à côté de lui, écri- Capoue, Jubellius Tauréa, le meilleur des cava-
vit au sénat que la Sicile se prononçait pour Car- liers campaniens, nous avait provoqués nous
thage et Annibal. Lui-même, pour se mettre en lui avons opposé le meilleur des cavaliers ro-
mesure contre les entreprises des Syracusains mains, Asellus Claudius. Autrefois, un Gaulois
dirige toutes ses troupes sur la frontière qui sé- provoqua les Romains sur le pont de l'Anio nos
pare la province du royaume de Syracuse. Sur la ancêtres envoyèrent contre lui P. blanlius plein
fin de celte année, Fabius, d'après les ordres du de confiance en son courage et en ses forces. Ce
sénat, fortifia Putéoli, qui grâce à la guerre, était fut encore, je m'en assure, par ce motif que,
devenu un marché très-fréquenté, et y mit gar- peu d'années après, on ne se défia pas de M. Va-
nison. Puis venant à Rome pour les comices, il en lérius, lequel prit les armes pour combattre un
fixa la réunion pour le premier des jours comi- autre Gaulois qui nous avait provoqués. Nous vou-
ciaux, et il se rendit droit au Champ-de-Mars, lons des fantassins et des cavaliers plus vigoureux,
sans même traverser la ville. Ce jour-là, le sort ou tout au moins aussi vigoureux que ceux de
désigna pour voter la première la centurie des l'ennemi. Cherchons donc aussi un général qui
jeunes gens de l'Anio. Elle nomme consuls T. Ota- vaille le général ennemi. Et alors même que nous
cilius et M. Émilius Régillus. Le silence rétabli, aurons choisi le meilleur, élu subitement, nommé
Q. Fabius prononça le discours suivant seulement pour une année, il se trouvera en face
VIII. « Si nous avions la paix en Italie, ou si d'un vieux général qui conserve perpétuellement
nous avious affaire à un ennemi qui n'exigeât pas le commandement,qu'aucune borne, soit dans le
tant de vigilance, celui qui viendrait opposer le temps, soit dans ses pouvoirs, ne viendra gêner
moindre obstacle à votre choix, déjà fixé quand ni empêcher dans tout ce qu'exigeront les divers
vous arrivez au Champ-de-Mars sur ceuxque vous accidents de la guerre. Chez nous, au contraire,
voulez élever aux honneurs, celui-là me semble- les préparatifs mêmes, ou à peine le commence-

deretur aliquot prius vulneribus quam succurri possft. velitis honores affertis moram ullam offerret, is mihi
Clamore et tumultu audito, in Dinomeoem jam haud parum memioisse videretur vestræ libertatis. Sed quum
dubie obstantem, tela conjiciuntur inter quæ tamen in hoc bello, in hoc hoste, nunquam ab ullo duce sine in-
duobus acceptis vulneribus, evasit. Fuga satellitum, ut genti nostra clade erratum sit, eadem vos cura, qua in
jacentem videre regem, facta est. Interfectores pars in aciem armati desceuditis,inire suflragium ad creaudos
furutn ad multitudinem laetam libertate, pars Syracusas consules decet, et sibi sic quemquc dicere Annibali im-
perguat, ad praeoccupanda Aodrauodori regiorumque peratori parem consulem aomiuo. Hoc anno ad Capuam
aliorum consilia. Incerto rerum statu, Ap. Claudius bel- Jubellio Taureæ, campanosummo e juiti provocanti sum-
lum oriens ex propmquo quum cerneret, senatum literis mus romanus eques Asellus Claudius est oppositus. Ad-
certiorem fecit Siciliain Carthaginiensi populo et Anui- versos Gallum, quoudam provocantem in ponte Anienis,
bali cunciliari ipse adversus syracusana consilia, pro- T. Manlium, fidentem et animo et viribus, misère majo-
vmciam, reguique fines oumia convertit praesidia. Exitu res nostri. Ob eamdem causam haud multis annis post
auui ejus, Q. Fabius ex auctoritate senatus Puteolos, per fuisse non negaverim cur 11f. Valerio non diffideretur,
bellum cœptum frequentariemporium, communit, prae- adversus similiter provocantem arma capienti-Gallum ad
sidiumque imposuit. Inde Romam comihorum causa ve- certamen. Quemadmodum peddes equitesque optamus,
mens, in eum, quem primum diem comitialem habuit, ut validiores, si mmus, ut pares hosti habpamus ita duci
comitia edixit; atque ex itinere pra'ter urbem in campum bostium parem imperatorem quasramus. Quum qui est
descendit. Eo die quum sors prærogativæ Anieosi junio- summus iu civitate dux, eum legerimus; tamen repente
rum exisset, eaque T. Otacilium, M. Æmilium Regil- lectus, in annum creatus, adversus veterem ac perpe-
lum consules diceret, tum Q. Fabius, silentio facto, tali tuum imperatorem comparabitur, nullis neque temporis,
oratione est usus neque juris inclusum angustiis, quo minus ita omma ge-
VIII. « Si aut parem in Italia aut bellum cum eo hosto rat administretque ut tempora postulabunt belli nobis
haberemus, in quo negligentiæ laiior locus esset, qui autem in apparatuipso, ac tantum inchoantibus res, au-
vestris studiis, qua* in campum aj mandandos, quibus nus circumagitur.Quoniam, quales viros creare vos con-
ment d'une expédition, consument une année en- de ces trois commissions,'maisd'une seule. Si,
tière. Je viens de vous expliquer assez quels pendant que tu commandais la Cotte tout ce
hommes vous devez nommer consuls il me reste qu'on a envoyé de Carthage à Annibal lui est ar-
à vous parler en quelques mots de ceux qui ont rivé comme s'il n'y eût pas eu de guerre maritime.
réuni les suffrages de la centurie appelée la pre- sans le moindre danger et sans aucune perte si
mière à voter. M. Émilius Régillus est flamine les côtes de l'Italie, cette année, ont été ravagées
quiriual et nous ne pouvons ni l'enlever à ses plus que celles de l'Afrique, que diras-tu donc
fonctions sacrées, ni le retenir ici, si nous ne vou- pour obtenir qu'on te nomme général de prefé-
lons pas que le culte du dieu ou la guerre en souf- rence à tout autre en face d'un ennemi comme
frent. Otacilius a épousé la fille de ma sœur, il a Annibal? Si tu étais consul nous demanderions
eu d'elle des enfants. hlais, Romains, vos bien- qu'à l'exemple de nos ancêtres un dictateur fût
faits envers moi et envers mes ancêtres ne sont créé; et tu ne pourrais t'indigner que dans Rome
pas tels que je ne doive pas sacrifier à la républi- tout entière on trouvât un général préférable à
que mes intérêts de fanrille. Il n'est pas de mate- toi. Personne n'est plus intéressé que toi, P. Ota-
lot ou de passager qui, sur une mer tranquille, cilius, à ce qu'on ne fasse pas peser sur ta tête
ne puisse prendre en main le gouvernail; mais un fardeau qui t'écraserait. Pour moi, je vous en-
dès que s'élève une violente tempête, que sur la gage de toutes mes forces à nommer vos consuls
mer bouleversée les vents emportent le navire, dans le même esprit où vous seriez si, armés
il faut alors un homme uu pilote. Nous ne navi- déjà pour combattre, il vous fallait choisir tout à
guons point sur une mer tranquille. Déjà plusieurs coup deux généraux sous la conduite et sous les
tempêtes nous ont presque submergés. Il vous faut auspices desquels vous auriez à marcher à l'en-
donc mettre tous vos soins, toute votre pru- nemi c'est entre les mains de ces consuls que vos
dence, à bien choisir celui qui doits'asseoiraugou- enfants vont prêter serment c'est par leurs or-
vernail. Nous t'avons vu à l'œuvre, T. Otacilius, dres qu'ils se rassembleront, c'est sous leur tutelle,
dans des circonstances moins difficiles, et certes sous leur protection qu'ils feront toute une cam-
tu n'as rien fait qui doive nous engager à nous en pagne. Le lac Trasimène et Cannes sont de tristes
fier à toi pour quelyue chose de plus important. exemples à rappeler mais ce sont aussi des en-
En équipant, cette année, la flotte que tu com- seignements uliles pour nous apprendre à nous
mandais, nous avions trois motifs d'abord nous garder de pareils malheurs. Héraut, dis aux jeunes
voulions ravager la côte d'Afrique, ensuite proté- gens de la centurie de l'Anio de venir voter de
ger les rivages de l'Italie; entin, et par-dessus nouveau. »
tout, empêcher que Carthage ne fit parvenir à IX. T. Olacilius s'écria alors avec rage que Fa-
Annibal des recrues avec de l'argent et des vivres. bius voulait se continuer dans le consulat, et il
Eh bienl nommez consul P. Otacilius, s'il peut poussait de grands cris, lorsque Fabius ordonna
rendre bon compte à la république je ne dis pas à ses licteurs de se diriger vers lui, et il l'avertit

sules deceat satis est dictum restat, ut pauca de üs, in aliyu:d eornm reipublicæ præstitit. Sio autem te clas-
quos prærogativæ favor inclinavit, dicam. M. Æmilius sem obtinente, etiam, velut pacato mari, quæhbet Au-
Regillus flamen est quirinalis, quem neque mittere ab nibali tuta atque intégra ab domo venerunt si ora Italiæ
sacris, neque retinere possumus, ut non deum aut belli infestior hoc anno, quam Africæ fuit quid dicere po-
deseramus curam. Otacilius sororis meæ flliam uxorem tes, eur te potissimum ducem Annibali hosti oppooant ?
atque ex ea hberos babet. Ceterum non ea vestra in me Si consul esses, dictatorem dicendum exemplo majoruiu
majoresque meos merita sunt, ut non potiorem privatis nostrorum censeremus nec tu id indignari posses, ali-
necessitudimbus rempublicam habeam. Quilibet naula- quem in civitate romana meliorem bello haberi, quam te.
rum vectorumque tranquillo mari gubernare potest ubi Magis nullius interest quam tua, T. Otacili. non impuut
M'va orta tempestas est ac turhato mari rapitur vento cervicibus tuis onus, sub quo concidas. Ego magnopere
navis, tum viro et guberoatore opus est. Non tranquille suadeo, eodem animo, quo, si stantibus vobis in aciem
navigamus, sed jam aliquot procellis submersi pæne su- armatis repente deligendi duo imperatores essent, quo-
mus. ltaque, quis ad gubernacula sedeat, summa cura rum ductu atque attspifio dimicaretis, hodie quoque con-
providendum ac præcavendum vobis est. In minore te sales creetis, quibus sacramento liberi nostri dicant, ad
experti, T. Otacili. re sumus; haud sane, cur ad majora quorum edictum conveniant, sub quorum tutela atque
tibi ftdamus, documenti quicquam dedisti. Classem hoc cura militent. Lacus Trasimenus et Cannm tristia ad re-
anno, cui lu præfuisti, trium rerum causa paravimus: cordationem exempla, sed ad præcavendum simile utili
ut Africæ oram popularetur; ut tuta nobis Italiæ litora documento sunt. Praeco, Aniensem juniorum in suffra-
essent ante omnia ne supplementum cum stipendio com- gium revoca. »
meatuyue ab Carthagine Annibalitransportaretur. Create IX. Quum T. Otacilius ferociter, eum continuare con-
consulem T. Otacilium, non dico, si omnia hæc, sed si sulatum velle. vociferaretur atque obstreperet,Uctorcs ad
que, comme il n'était pas entré dans la ville et pendant son absence, car il était à l'armée; Fa-
qu'il était arrivé directement au Champ-de-Mars, bius était présent, et présidait lui-même les co-
les faisceaux de ses licteurs étaient surmontés de mices, lorsqu'il fut continué dans le consulat. Les
haches. La centurie qui avait voté la première alla circonstances, les besoins de la guerre, la position
donc de nouveau aux voix, elle nomma consul difficile de l'état empêchèrent qu'on ne blâmât
Q. Fabius Maximums pour la quatrième fois, et cet exemple, ou qu'on suspectât le consul d'être
M. Alarcellus pour la troisième. Les autres cen- trop avide du pouvoir. Ou louait, au contraire,
turies nommèrent à l'unanimité les mêmes con- cette grandeurd'âme avec laquelle, voyant que la
suls. Un seul préteur, Q. Fulvius Flaccus, fut républiqueavait besoin du plusgrand de ses géné-
réélu; tous les autres furent nouveaux c'étaient raux, et sachant qu'il n'en avait aucun au-dessus
T. Otacilius Crassus pour la seconde fois, Q. Fa- de lui, il s'occupa moins de la haine qu'il pour-
bius, lits du consul, qui était alors édile curule; rait s'attirer que de l'intérêt de la république.
puis P. Cornélius Lentulus. Après la nomination X. Le jour où les consuls entrèrent en charge,
des préteurs, un sénatus-consulte chargea extra- l'assemblée du sénat se tint au Capitole, et il fut
ordinairement Q. Fulvius de l'administration de décidé, avant tout, que les consuls tireraient au
la ville, et d'y commander de préférence à tout sort ou s'arrangeraient entre eux pour savoir le-
autre, lorsque les consuls seraient partis pour quel des deux, avant de partir pour l'armée, pré-
la guerre. 11 y eut cette année-là, deux inon- siderait les comices pour la nomination des cen-
dations le Tibre déborda dans les campagnes, seurs. On prorogea ensuite le commandement de
entraînant avec lui les maisons, les troupeaux tous ceux qui étaient aux armées, et l'on main-
et les hommes. Ce fut dans la cinquième année tint dans leurs provinces Tib. Gracchus à Luce-
de la seconde guerre punique que les consuls ria, où il avait une armée d'esclaves enrôlés vo-
entrèrent en charge Q. Fabius Maximus pour la lontaires, C. Térentius Varron dans le Picénum,
quatrième fois, M. Claudius pour la troisième. M. Pomponius en Gaule. Des préteurs de l'année
Les yeux étaient fixés sur eux avec plus d'intérêt précédente, Q. Mucius eut la Sardaigne comme
que d'ordiuaire. Il y avait, en effet, bien du temps propréteur, M. Valérius le commandement des
qu'on avait vu deux aussi grands hommes occuper côtes près de Brundisium, pour surveiller tous les
à la fois le consulat. Les vieillards rapportaient mouvements de Philippe, roi de Macédoine. Le
que c'était ainsi que l'on avait autrefois élu en- préteur P. Cornélius Lentulus eut le commande-
sembleMaximusRullus et P. Décius pour la guerre ment de la Sicile; Olacilius la même flotte qu'il
des Gaules, et plus tard Papilius et Carvilius con- avait eue l'année précédente contre les Carthagi-
tre les Samnites et les Bruttiens, contre les Luca- nois. Cette année-là on annonça un grand nom-
niens« les Tarentins. Marcellus avait été nommé bre de prodiges, et plus les hommes simples et

eum accedere consul jussit et, quia in urbem non inie- Fabio, atque ipso comitia habente, consulatus continua-
rat, protinus in campum ex ilinere profectus admonuit, tus. Tempus ac nécessitas belli, ac discrimen summæ re-
cum securibus sibi fasces præferri. Iterum prærogativa rum faciebant, ne quis aut in eiemplum exquireret, aut
suffragium init; crentique in ea consules Q. Fabius Maxi- suspectum cupiditatis imperii consulem haberet. Quiu
mus quartum, M. Marcellus tertium. Eosdem cousules laudabant potius magnitudinem animi, quod qumn
ceteræ centurim sine variatione ulla dixeruut. Et prætor summo imperatore esse opus reipublicæ sciret, seque
unus refectus Q. Fulvius Flaccus; novi alii creati, T. Ota- eum haud dubie esae, minoris invidiam suam, si qua ex
cilius Crassus iterum Q. Fabius consulis filius, qui tum re oriretur, quam utilitatem reipublica?, fecisset.
ædilis eurulis erat, P. Cornelius Lentulus. Comitiis præ- X. Quo die magistratum inierunt consules senatns in
torum perfectis, senatusconsultum factum est, « ut Q. Capitulio est habitus decretumque omnium primum ut
Fulvio extra ordinem urbana provincia esset isque po- consules sortirentur, compararentve inter se, uter cen-
tissimum consulibusad bellum profectis urbi præesset.» soribus creaudis comitia haberet, priusquam ad exerci-
Aquae magna bis eo anno fuerunt Tiberisque agros inun- tum proficisceretur. Prorogatum deinde imperium om-
davit cum magna strage tectorum, pecorumque et homi- mbus, qui ad exercilus erant, jussique in provinciis ma-
num pernicie. Quinto anno secundi punici belli, Q. Fa- nere, Ti. Gracchus Lucerioe, ubi cum volonum exercitu
bius Maximus quartum, M. Claudius Dlarcellus tertium, erat, C. Terentius Varro in agro Piceno, M. Pomponius
consulatum ineuntes plus solito converterant in se civi- in Gallico et prætoribusprioris anui pro prætore Q. Mu-
tatis amnios. Multis enim anms tale consulum par non cius obtineret Sardmiam, M. Valerius ad Brundisium
fuerat. Referebant senes, sic Maximum Rullum cum ora' maritima', intentus adversus omnes motus Philippi
P. Deiio ad bellum gallicum sic postea Papirium Carvi- Macedonumregis, præesset. P. Cornelio Lentulo praelori
liumque adversus Samnites Bruttiosque, et Lucanum cum Sicilia décréta provincia; T. Oiacilio classis eadem, quam
Tarentino populum, consoles declaratos. Absens blarcel- adversus Carthaginienses priore anno habuisset. Prodi-
lua cuusul creatus, quum ad exercitum esset; præsenti gia co anno multa nuntiata suut. Quie quo magis crecie-
religieux y ajoutaient de confiance, plus on en XI. Après avoir achevé toutes les cérémonies
annonçait. A Lanuvium, dans l'intérieur du tem- qui devaient apaiser les dieux, les consuls firent
ple de Junon Sospita, des corbeaux avaient fait un rapport au sénat sur l'état de la république,
leur nid; en Apulie, un palmier vert s'était em- sur les opérations de la guerre, sur le nombre des
brase, à Mantoue, l'étang que forme le Alincio troupes et la position qu'elles occuperaient. Il fut
avait paru ensanglanté; à Calès, il avait plu de décidéqu'on emploierait dans cettecampagne dix-
la craie, et à Rome, dans le forum boarium, il huit légions; les consuls en devaient prendre cha-
avait plu du sang. Dans la rue Instéius, une source cun deux. Il devait y en avoir deux pour la Gaule,
souterraine avait coulé avec tant d'impétuosité deux pour la Sicile, deux pour la Sardaigne, deux
que des vases et des tonneaux, qui se trouvaient sous les ordres du préteur Q. Fabius en Apulie.
là furent entraînés comme par un torrent im- Tib. Gracchus en commandait deux composées
pétueux. Le feu du ciel tomba sur la salle com- d'esclaves enrôlés volontaires, aux environs de Lu-
mune au Capilole, sur un temple dans le champ céria. On en laissait une au proconsul C. Pérentius
de Vulcain, sur la citadelle et sur le grand chemin dans le Picénum, une à M. Valérius pour le ser-
en Sabine, sur un mur et sur une porte à Gabies. vice de la flotte, aux environs de Brundisium; deux
D'autres miracles encore avaient été déjà rappor- enfin restaient pour la défense de Rome. Pour at-
tés. La lance de Mars, à Préneste, s'était mise teindre à ce nombre il fallut en créer six nou-
d'elle-même en mouvement; en Sicile un bœuf velles les consuls reçurent ordre de les former au
avait parlé; chez les Marruciniens, un enfant dans plus tôt, et d'équiper une flotte. En comptantles
le sein de sa mère, s'était écrié Triomphe! triom- navires qui tenaient la mer sur les côtes de la Cala-
phe! A Spoletum, une femme avait été changée bre, on avait une armée navale de cent cinquante
eu homme; à Iladria, on avait vu dans le ciel un vaisseaux longs. Lorsque les cadres furent rem-
autel, et autour, des fantômes d'hommes vêtus plis et les cent nouveaux bâtiments lancés à la mer,
de blanc; à Rome même, au sein de la ville, on Q. Fabius convoqua les comices pour la nomina-
vit un essaim d'abeilles dans le forum, et quelques tion des censeurs. M. Atilius Régulus et P. Fu-
personnes affirmèrent qu'elles avaient aperçu des rius Plalu furent élus. Les bruits d'une guerre
légions armées sur le Janicule, et appelèrent les en Sicile prenaient de la consistance. P. Otacilius
citoyens aux armes. Toutefois ceux qui étaient reçut ordre de s'y rendre avec sa flotte. Comme
sur le Janicule déclarèrent qu'il n'y avait paru les matelots manquaient, les consuls, d'après un
personne que ceux qui y habitaient ordinaire- sénatus-consulte, ordonnèrentque tousceux qui,
ment. D'après la réponse des aruspices, on expia sous la censure de L. Émilius et de C. Flaminius,
ces prodiges par des sacrifices solennels, et l'on avaient eu leur fortune ou celle de leur père éva-
adressa des prières à tous les dieux qui avaient à luée de cinquante à cent mille as de cuivre, ou
Rome un pulviuar. qui, depuis, l'auraient élevée jusqu'à ce taux,

bant simplices ac religiosi homines, eo plura nuntiaban- XI. Perpetratis, quae ad pacem deum pertinebant, do
lur Lanuvinii æde intus Sospitw Junonis corvos nidum republica belluque gerendo, et quantum copiarum, et
fecisse in Apulia palmam viridem arsisse Mantuæ sta- ubi quæque essent, consules ad senatum retulerunt. Duo-
gnum effusum Mincio amni cruentum visum et Calibus deviginti legionibus bellum geri placuit binas consules
creta, et Romæ in foro boario sanguine pluisse et in sibi sumere biuis Galliam, Sicilamque, ac Sarduman
vico Insteio fontem sub terra tanta vi aquarum fluaisse, obtiueri: duabusque Q. Fabium prxtorem Apuiliæ, dua-
ut serias doliaque, quæ in eo loco erant, provoluta velut bus volouum Ti. Graccbum circa Luceriaut pracsse
impetus torrentis tulerit tacta de cœlo atrium publicum singulas C. Terentio proconsuli ad Picenum, et M. Va-
in Capitolio, adem in campo Vulcani, arcem in Sabinis lerio ad classem circa Brundisium relinqui, et duas urbi
pubhecamque viam, murum ac portam Gabiis. Jam alia præsidiu esse. llic, ut numeruslegionum expleretur, sei
vulgata miracula erant hastam Martis Praæneste sua novæ; legiones eraut scribendæ. Eas primo quoque tem-
sponte pronmtam bovem in Sicilia locutum infantem pore consulesscribere jussi, et classem parare ut cum
in utero matris in Marrucinis, « lo triomphe 1 » clamasse iis navibus quae pro Calabriælitoribus in statione essent,
ex muliere SpoMi virum factum Madrid aram in cœlo, centum quiuquaginta longarum uavium classis eo anno
speciesque hominum circum eam, cum candida veste, expleretur. Delectu habito et centum navibus noma de-
visas esse. Quin Romæ quuque in ipsa orbe, secundum ductis, Q. Fabius comitia ceosorlbus creaudis habuit.
epum examen in foro visum, affirmantes quidam, legio- Greati M. Atilius Hegulus et P. Furius Philus. Quum in-
nes se armatas in Janiculo videre, coucitaverunt cmita- crebresceret rumor, bellum in Sicilia esse, T. Otaciliui
tem ad arma qui tum in Jamculo esseut, negarunt, co cum classe proricisci jussus est. Quum deessent naturæ,
quemquam ibi, præter assuetus collis ejus cultores, ap- consules ex senatusconsultoedixerunt, ut, qui, L. Æmi-
paruisse. Hæc prodigia hosliis majoribus procurata suut liu, C. Flamin,o censoribus, millibus a'ris quinquaginta
ci Harusprcum respouso: et supplicatio omnibus dus, ipsc aut pater ejus census luisset, usque ad centum mil-
quorum pulvmarta Romæ esscut, mdicta est. Ila, aut cui pustea res tauta esset facta, naturam uuum
fourniraient un matelot avec six mois Je paie trouver son armée. Il envoie l'ordre à Tib. Grac-
de cent à trois cent mille, trois matelots et la solde chus de partir de Lucéria avec ses troupes, pour
d'un an; de trois cent mille jusqu'à un million, se porter sur Bénéventum et au préteurQ. Fabius
cinq matelots; au delà d'un million, sept. Les sé- (c'éiait le fils du consul), de remplacer Gracchus
nateurs devaient donner huit matelots et un'an de à Lucéria. Deux préteurs arrivèrent à cette épo-
paie. » Les matelots, recrutés en vertu de ce dé- que eu Sicile, P. Cornélius qui se rendait à l'ar-
cret, furent armés et équipés par leurs maîtres, mée, Otacilius qui venait prendre le commande-
et ils s'embarquèrent avec des vivres préparés ment de la côte maritime et de la floUe. Les au-
pour trente jours; et la flotte romaine, pour la tres se rendirent chacun dans leurs départements;
première fois alors, fut montée ainsi par des ma- ceux dont les pouvoirs avaient été prorogés con-
telots aux frais des particuliers. servèrent les positions qu'ils avaient occupées
XII. Ces préparatifs, plus considérables qu'ils l'année précédente.
ne l'avaient jamais été, effrayèrent surtout les XIII. Annibal était sur les bords de l'Averne
Campaniens, qui craignirent que les Romains ne lorsqu'il vit arriver près de lui cinq jeunes no-
commençassent la campagne par le siège de Ca- bles de Tarente, qu'il avait faits prisonniers, les
poue. lis envoyèrent donc prier Annibal de rap- uns au lac Trasimène, les autres à Cannes, et
procher son armée de leur ville, disant o que pour qu'il avait renvoyés chez eux avec cette généro-
en former le siège on avait levé à Rome de nou- sité qu'il avait montrée envers tous les alliés des
velles armées, qu'aucune défection, en effet, n'a- Romains. Ils lui annoncent que «reconnaissants de
vait irrité les esprits des Romains autant que celle ses bienfaits, ils avaient engagé une grande partie
de Capoue. » A ces nouvelles, aoportées tout en de la jeunesse de Tarente a préférer l'amitié et
hâte, Annibal pensa qu'il devait se presser pour l'alliance d'Annibal à celle du peuple romain;
ne pas être prévenu par les Romains. Il quitta qu'ils lui étaient députés pour le prier de s'appro-
donc Arpi, et revint s'établir au-dessous de Ca- cher de Tarente avec son armée, que dès qu'on
poue à son ancien camp du mont Tifate. Il y laissa apercevrait ses enseignes et son camp, la ville se
un corps de Numides et d'Espagnols pour défen- donnerait aussitôt à lui. Les jeunes gens dispo-
dre et le camp et Capoue; puis, avec le reste de saient du peuple, et le peuple de Tarente. » An-
son armée, il se dirigea vers le lac d'Averne, en nibal les comble d'éloges, les accable des promes-
apparence pour y faire un sacrifice, mais de fait ses les plus pompeuses, et les prie de retourner
pour hasarder une tentative sur Puléoli et la gar- chez eux pour hâter l'exécution de cette entre-
nison de cette ville. Maximus apprend qu'Anni- prise « quant à lui, il se trouvera à temps
bal a quitté Arpi et qu'il rentre en Campanie. A sous leurs murs. Les Tarentins s'en retournèrent
cette nouvelle il marche nuit et jour, et vient re- avec cet espoir, et Annibal lui-même avait le plus

cnm sel mPnsinmstipendio daret qui supra centum mil- citum redit et Ti. Gracchum ab Luceria Beneventum
lia, usque ad trecenta millia, très nautas cum stipendio copias admovere, Q. Fabium prætorem ( is filius consu-
annuo qui supra trecenta millia usque ad decies xris, lis erat ) Luceriam Graccho succedere jubet. Iu Siciliam
quinque nautas; qui supra decies, septem senatores eodem tempore duo prætores profecti P. Corneliue ad
octo nautas cum annuo stipendio darent. a Ex hoc edicto exercitum, Otacilius, qui maritimæ oræ reique navali
dati nautæ, armati instructique ab dominis, cum triginta præsset; et ceteri in suas quisque provincias profecti
dierum coctis cibariis uaves conscenderunt. Tum pri- et, quibus prorogatum imperium erat, easdem, quas
mum est fnctum ut classis romana sociis navalibus pri- priore anno, regiones obtinuerunt.
vala impensa paratis compleretur. XIII. Ad Annibalem, quum ad lacum Arerni esset,
XII. Hic major solito apparatus præcipue conterruit quinque nobiles juvenesab Tarento Tenerunt, partim ad
Campanos, ne ab obsidioue Capuæ bellum ejus anni Ro- Trasimenum lacum, partim ad Cannas capti dimissique
mani inciperent. Itaque legatos ad Annibalemoratum mi- domos cum eadem comitate, qua usus adversus omnes
seront, ut Capuam eiercitum admoveret « ad eam op- Romanorum socios Pœnus fuerat. Ii, « memores bene-
pugnandam novos exercitus scribi Romæ nec ullms ur- ficiorum ejus perpulisse magnam partem se juventulis
bis defectioni magis infensos eorum animos esse. » Id tarentinæ, referunt, ut Aunibalis amicitiam ac societa-
quia tam trepidi nuntiabant maturandumAnnibalratus, tem, quam populi romani, mallent; legatosque ab sus
ne prævenirent Romani, profectus Arpis, ad Tifata in missos rogare Aunibalem, ut exercitum propius Taren-
veteribus castris super Capuam consedit. Inde Numidis tum admoveat. Si signa ejus si castra conspecta a Ta-
Hispauisque ad præsidium simul castrorum, simul Ca- reuto smt, haud ullam intercesauram moram, quin urbs
puie relictis, cum cetero exercitu ad lacum Averni per dedatur. In patestate juniorum plebem, in manu plebis
apeciem sacrificandi, re ipsa, ut teutaret Puteolos, quod- rem tarentinam esse.. Aanibal collaudatoseos, oneratos-
que ibi pra'sidd erat, descendit. Maximus, postquam Au- que ingentibus promissis, domum ad coopta maturanda
nibalem Arpis profeclum et regredi in Campauiam, al- redire jubet se in tempore affuturum esse. Hac cnm spe
latum est, nec die nec nocte intermisso itinere, ad exer- dimissi Tarentini. Ipsum ingens cupido inceseerat Tarenti
grand désir de s'emparer de Tarente; il la voyait XIV. Vers le même temps le consul Q. Fabius
puissante, illustre, située sur la côte, et si heu- vint faire une tentative sur Casilinum, occupée
reusement pour lui placée en face de la Mace- par une garnison carthaginoise; d'un autre côté,
doine. Le roi Philippe, s'il passait en Italie, abor- Hannon partit du pays des Bruttiens avec une
derait à ce port, les Romains étant maîtres de troupe nombreuse de fantassins et de cavaliers,
Brundisium. Après avoir achevé le sacrifice pour et Tib. Gracchus de Lucéria tous deux, comme
lequel il était venu, et ravagé, pendant son sé- de concert, se dirigeaientsur Bénéventum. Grac-
jour, tout le territoire de Cumes jusqu'au pro- chus entra d'abord dans la ville. Ensuite ayant
montoire de Misène, il se porte tout à coup sur appris qu'Hannon avait campé à trois milles en-
putéoli pour en écraser par surprise la garni- viron, sur les bords du fleuve Calore, et que de
son romaine. Il y avait là six mille hommes, là il ravageait la campagne, il sort de la ville,
dans une position fortifiée par l'art aussi bien établit son camp à mille pas environ de l'ennemi,
que par la nature. Le Carthaginois y passa trois et convoque ses soldats en assemblée. Ses deux
jours, essayant sur tous les points de surprendre légions étaient en grande partie composées d'es-
la garnison. Ne pouvant y réussir, il s'avança pour claves enrôlés volontaires. Depuis deux ans ils
dévaster le territoire de Naples, par colère plutôt avaient mieux aimé mériter en silence la liberté,
que dans l'espoir de s'emparer de la ville. A l'ar- que de la réclamer hautement. Cependant en sor-
rivée d'Annibal dans le voisinage, le peuple de tant des quartiers d'hiver, T. Gracchus avait en-
Nola tenta de se soulever. Depuis longtemps, en tendu quelques soldats murmurer et demander
effet, il était opposé aux Romains et ennemi de s'ils ne combattraient jamais comme hommes li-
son sénat. Ils envoyèront donc une députation à bres. Il avait donc écrit au sénat, non pas tant
Annihal, avec la promesse positive de livrer la ce qu'ils demandaient que ce qu'ils avaient
ville. Le consul Marcellus, appelé par les nobles, mérité. « Jusqu'à ce jour, disait Gracchus, il les
prévint leur dessein. En un jour il était allé de avait trouvés pleins de courage et d'ardeur, et
Cnlès à Suessula, quoique le passage du Vulturne pour être de vrais soldats, il ne leur manquait
l'eût retardé de quelques heures. La nuit suivante que d'être libres. » Le sénat s'en remit à lui
il fit entrer à Nola six mille piétons et trois cents pour faire ce qu'il jugerait dans l'intérêt de la
cavaliers, qui devaient protéger le sénat. Le con- république. Alors, avant d'en venir aux mains
sul avait donc agi avec la plus grande activité pour avec l'ennemi, Gracchus ledr déclare « que l'in-
s'étallir le premier dans Nota. Annibal, au con- stant est venu pour eux de conquérir cetle liberté
traire, hésitait, deux tentatives infructueuses qu'ils avaient longtemps attendue; que le lende-
l'ayaut rendu moins prompt à s'en rapporter aux main le combat allait s'eugager dans une plaine
habitants de cette ville. sans accident de lerrain, découverte de tous côtés,

poliundl. Urbem esse videbat, quum opulentam nohilem- XIV. lisdem diebus et Q. Fabius consul ad Casilinum
que, tum maritimnm et in )lacedoniam opportune vcr- teutandum, quod præsidio punico teneliatur, venit et
sam regemque Phdippum hue portum, si transiret in ad Beneventum, velut ex composite, parte altera l:Ianoo
Italiam, quum B undisium Romani haberent, petiturum. et Bruttüs cum magna peditum equitumque manu, al-
Sacro inde perpetr to, ad quod venerat, et, dum ihi mo- tera Ti. Gracchus ab Luceria accessit qui primo oppi-
ratur, pervastato agro cumano usque ad Miseni promon- dum intravit. Dende, ut Hannonem tria millia ferme ab
torium, Putocolos repente agmen convertit ad oppi imeo- urbe ad Calorem fluvium castra posuisse, et inde agrum
dum præsidium romanum. Sex millia hominum erant, et populari audivit, et ipse, egressus mœuibus, mille ferme
lecus mnmiment quoque, nou natura modo, tutus. Tri- passus ab hoste castra locat, ibique concionem mliutum
tluum iln noratus Pœ jus, ab omni parte t. ntato præsi- babuit. Legiones magna ex parte volonum habebat, qui
dio, deinde, ut nahul procedebat, ad populandum agrum lam alteruiu annum libertatem tacite mereri, quam pos-
neapohtaum, mugis ira quam potiundæ urbis spe pro- tulare palam, maluerant. Senserat tamen bibernis egre-
cessit. Adventu ejus iu propmqum agrum nolana muta d:eus murmur in agmine esse quærreutium, « en uoquam
est plebs, Jam diu aversa ab Romanis et infesta senatui liberi militaturi essent? scripseralque senatui, non tam
suo. Itaque legati ad arcessendum Annibatem cum haud quid desiderarent, quam quid meruissent « hona forti-
dubio pronmsso tradendoe urhis, venerunt. prævenit in- que opera eorum se ad eam diem usum neque ad exem-
ceptum eorum Marcellus consul, a primoribus accitus. plum justi militis qucquam iis præter libertatem dees-
Die uno Suessulam a Calibus, quum Vulturnus amuis tra- se.. De co permissum ipsi erat, faceret, quod e repu-
j cientem moratus esset, cunteuderat. Inde proxima nocte blica duceret esse. Itaque prius, quam cum hoste n anum
sex millia peditum, equitesque trecentos, qui præsidio consereret pronuntiat tempus vemsse iis libertatis,
scualui essent, Nolam intromsit: et, uti a consuleomnia quam diu sperassent, potiundæ. Postero die signis col-
impigre facta sunt ad præoccupandam Nolam, ita Anui- latis dinicaturm puro ac patenti campo, ubi sine ullo
bal tempus terebat; bis jam ante nequicquain tentata re, insidiarum metu vera virtute geri res posset. Qui caput
segnior ad credendum Nolanis factus. hostis relulisset enm ce extemploliberum jussurumesse:
où sans craindre aucune embuscade, le vrai cou- au milieu de la mêlée et du tumulte; et puis les
rage déciderait la victoire que celui qui rappor- plus braves, tenant tous de la main droite une tête,
terait la tête d'un ennemi, il le déclarerait libre avaient cessé de combattre les timides seuls et
à l'instant même; que celui au contrairequi fui- les lâches combattaient encore. Les tribuns des
rait, il le ferait punir du supplice réservé aux es- soldats vinrent informer Gracchus «que des enne-
claves chacun d'eux avait sa fortune entre les mis qui étaient debout aucun ne recevait plus de
mams; et ce n'était pas lui seulement qui leur ga- blessures, que les soldats s'occupaient à égorger
rantissait leur liberté, mais le consul M. Rlarcel- ceux qui étaient abattus, et portaient à la main
lus et le sénat tout entier s'en étaient remis à ce non plus leurs épées, mais des têtes humanes. »
sujet à sa décision. » Et il leur lit la lettre du con- Gracchus leur fait aussitôt donner l'ordre de les
sul et le sénatus-consulte. Alors s'élèvent des jeter toutes et de se précipiter sur l'ennemi; leur
cris et d'unanimes acclamations; tous deman- courage était assez prouvé, assez éclatant, et les
dent le combat, et le pressent ardemment d'en braves étaient assurés de leur liberté. Alors le
donner le signal. Gracchus fixe le jour de la ba- combat recommença, et la cavalerie aussi fut lan-
taille au lendemain et renvoie l'assemblée. Les cée sur l'ennemi. Les Numides la reçoivent intrépi-
soldats joyeux, ceux-là surtout dont la liberté dement, et la mêlée devenant aussi furieuse entre
devait être le prix de leur courage pendant un les cavaliers qu'entre les fantassins, la victoire
seul jour, passent le temps qui leur reste à pré- est de nouveau douteuse. Les deux généraux s'é-
parer leurs armes. criaient le Romain, qu'ils n'avaient affaire qu'àà
XV. Le lendemain, au signal de la trompette, des Bruttiens et à des Lucaniens, tant de fois vain-
les premiers de tous ils se réunissent tout prêts, cus et soumis par leurs ancêtres le Carthaginois,
tout armés, devant la tente du général. Au lever qu'ils n'avaient devant eux que des esclaves de
du soleil, Gracchus range ses troupes en bataille, Rome, des hommessortis de prison pour être sol-
et les ennemis acceptent aussitôt le combat; ils dats. Enfin Gracchus déclare à ses troupes a qu'ils
avaient dix-sept mille fantassins, en grande partie n'ont plus à espérer d'être jamais libres, si ce
du Bruttium et de la Lucanie, et douze cents jour-là même les ennemis ne sont défaits et mis en
cavaliers, qui, à l'exception de quelques Italiens, fuite. »
étaient presque tous Numides et Maures. On com- XVI. Ces derniers motsleurinspirent une telle ar-
battit avec ardeur et longtemps. Pendant quatre deur, que jetant un nouveau cri, et devenus tout à
heures entières la victoire fut indécise; et le plus coup d'autres hommes, ils se précipitent avec rage
grand embarras des Romains, ce fut que leur li- sur l'ennemi, qui ne peut soutenir plus longtemps
berté eût été ft mise au prix d'une tête. En effet, dès leur choc. Les premiers rangs des Carthaginois
qu'un soldat avait tué bravement son ennemi, il furent d'abord ébranlés, puis les enseignes, puis
perdait son temps à s'efforcer de lui couper la tête enfin l'armée tout entière fut culbutée. Dès lors la

qui loco cessisset, in eum servili supplicio ammadver- abscidendo tempus terebat deinde occupata dextra te-
surum. Suam cuique fortunam in manu esse libertatis nendo caput, fortissimus quisque puguator esse desicrat
auctorem iis non se fore solum, sed consulem M. Mar- segnibus ac timidis tradita pugna crat. Quod ubi tribuni
cellum et universos Patres; quos, consultos ab se de li- militum Graccho nuntiaverunt, neminem stautem jam
bertate eorum sibi permisisse. » Literas inde consulis vulnerari hostem, carnificari jacentes, et in dextris mi-
ac senatusconsultum recitavit. Ad quæ clamor cum in- litum pro gladiis humana capitaesse »signum dari pro-
genti assensu est sublatus. Pugnam posccbant, signum- pere jussit « projicerent capita, invaderentque hostem.
que ut daret extemplo, ferociter instabant. Gracchus, Claram satis et insignem virtutem esse nec dubiam li-
pra'lio in posterum diem pronuntiato,concionem dimisit. bertatem futuram strenuis viris.. » Tum redintegrata
Milites laeti, præcipue quibus merces navatæ in unum pugna est, et eques etiam in hostem emissus. Qmbus
diem opera' libertas futura erat, armis eipediendis quod quum impigre Numidæ occurnssent, nec segnior equi-
reliquum consumuat. tuin, quam peditum, pugna esset, iterum in dubium ad-
XV. Postero die, ubi signa cœperunt canere, primi ducta res quum utnmque duces, Romanus Bruttium
omnium parati instructique ad praetorium conveniunt. Lucanumque, toties a maloribus suis victos subactosque,
Sole orto Gracchus in aciem copias educit nec hostes Pœuus mancipia romana et ex ergastulo militem verbis
moram dimicandi fecerunt. Decem et septem millia pe- obtereret. Postremo pronuntiat Gracchus, esse mhil,
ditum erant, maxima ex parte Bruttii ac Lucani equites quod de libertate sperarent, nisi eo die fusi fugatique
mille ducenti; inter quos pauci admodum Italici, ceteri hostes essent. »
Numidæ fere omnes Maurique. Pugnatum est et acriter, XVI. Ea demum vox ita auimos accendit, atque rena.
et diu. Quatuor boris neutro inclinata est pugna nec alia vato clamore, velut alii repeute facti, tanta vi se m hos-
magis Romanum impediebat res, quam capita hostium tem intulerunt, ut sustineri ultra non possent. Primo an-
pretia libertat facta. Nam ut quisque hostem impigre oc- tesignani Pœuorum, deinde signa perturbata, postremo
ciderat, primum capite ægre iuter turbam tumultumque tota impulsa acies; inde haud dubie terga data, runntque
déroute ne fut plus douteuse. Les Carthaginois se mieux les louer tous, qu'ils l'eussent ou non mé-
précipitent en fuyant vers leur camp, si troublés rité, que de punir quelqu'un dans un pareil
et si pleins d'épouvante, qu'aux portes mêmes et jour. Qu'il les déclarait donc tous libres, souhai-
derrière les retranchements ils n'opposent aucune tant que cette mesure fût bonne, utile et heu-
résistance. Les Romains, qui les poursuivent, reuse pour la république et pour eux-mêmes. » A
entrent avec eux comme s'ils ne faisaient qu'une ces paroles de grands cris de joie se firent enten-
seule armée. Renfermésdans l'intérieurdu camp ils dre ils s'embrassaient, se félicitaient, levaient
ont à livrer une nouvelle bataille. Le combat étant les mains au ciel, souhaitant au peuple romain et
restreint dans des limites plus étroites, le car- à Gracchus toutes sortes de prospérités. Alors
nage ne fut que plus affreux. Les captifs y aidèrent Gracchus reprit la parole « Avant de vous faire
encore. Au milieu du tumulte, ils saisissent des tous égaux par les droits de la liberté, je n'ai voulu
armes, se réunissent en troupe, et frappant par appliquer à aucun de vous le nom de brave ou de
derrière les Carthaginois,leur enlèvent tout moyen lâche. Maintenant que la république vient d'ac-
de fuir. D'une armée aussi considérable, il s'é- quitter sa dette, comme il ne faut pas laisser
chappa moins de deux mille hommes, cavaliers s'effacer toute distinction entre la bravoure et la
pour la plupart, avec leur général à leur tête. lâcheté, je me ferai donner les noms de ceux
Tout le reste fut tué ou pris. On prit aussi trente- qui, se sentant coupables d'avoir faibli dans le
huit enseignes. Les vainqueurs perdirent environ combat, viennent de se séparer de l'armée. Je les
deux mille hommes. Tout le butin, excepté les ferai venir l'un après l'autre devant moi, et je
captifs, fut abandonné au soldat. Les bestiaux aussi les forcerai de me jurer qu'à moins de maladie
furent réservés pour les propriétaires qui durent qui les en empêche, ils ne mangeront et ne boi-
les reconnaîtredans les trente jours. Lorsque l'ar- ront que debout pendant toute la durée de leur
mée chargée des dépouilles de l'ennemi fut rentrée service. Et cette punition, vous vous y soumet-
au camp, quatre mille volontaires envirou, qui trez sans murmures, si vous réfléchissez qu'il ne
avaient combattu avec mollesse et n'étaient pas peut y avoir de flétrissure plus légère pour voire
rentrés dans le camp avec les autres, s'étaient, lâcheté. » Alors il donne le signal de rassembler le
par crainte du châtiment, réfugiés sur une colline bagage, et les soldats, portant et conduisant devant
non loin du camp. Ramenés le lendemain par les eux leur butin, retournent à Bénéventum, en se
tribuns des soldats, ils arrivent à l'assemblée déjà livrant à tous les transports et à tout l'abandon
réunie par les ordres de Gracchus. Le proconsul de la joie, de telle sorte qu'ils semblaient revenir
distribua d'abord aux vieux soldats les récom- d'une fête, d'un festin, et non point d'un combat.
penses militaires, selon que chacun s'était distin- Les Bénévenlins sortent en foule à leur rencontre,
gué dans ce combat par son courage et ses ser- embrassent les soldats, les félicitent, leur offrent
vices. Quant aux volontaires, il dit « qu'il aimait l'hospitalité. Ils avaient tous fait dresser des tables

fugientes in castra, adeo pavidi trepidique, ut ne in portis que, quam quemquam eo die castigatum esse. Quod bo-
quidem aut vallo quisquam restiterit, ac prope contineuti num, faustum, felixque reipublice ipsisque esset, omnes
agmme Romani insecuti novum de integro præhum in- pos liberos esse jubere. Ad quam vocem quum clamor
clusi bostmm vallo ediderint. Ibi sicut pugna impeditior ingenti alacritate sublatus esset, ac nunc complexi inter
in angustis, ita cædes atroclor fuit et adjuvere captui, se gratutantesque,nunc manus ad cœlum toleutes bona
qui rapto inter tumultum ferro, couglobati et ab tergo omuia populo romano Gracchoqueipsi precarentur;tum
c4 ciderunt Pœnos, et fugam impedieruut. Itaque minus Gracchus « Prinsquam omnes jure libertatis æquassem,
duo nullia hominum ex tanto exercitu, et es major pars inquit, neminem nota strenui aut ignavi militis notasse
equitum, cum ipso duce effugerunt; alii omnes cæsi aut volui. Nunc, exsolula jam fide pubhca, ne discrimen om-
capti. Capta et signa duodequadraginta. Ex victoribus ne virtutis ignaviæque pereat nomina ecrum qui de-
duo millia ferme cecidere. Præda omnis (praeterquam trectatæ pugnae memores secessiouem piulo ante fece-
hommum captorum) militi concessa est et pecus eicep- 1 ruut, referri ad me jubebo; citatosque singulos jureju-
tum est, quod intra dies trigiuUt dommi cognovissent. rando adigam, nisi queis murbus causa erit, non aliter,
Quum præda onusti in castra redissent, quatuor millia quam stautes, cibum potionenque, quoad stipendia fa
ferme volonum militum, qui pugnaveraut seguius nec cicnt, capluros esse. Hanc mullam ita a'quo animo fere
in castra irruperant simul metu pœnæ collem baud pro- tis, si reputabitis, nulla ignaviæ nota leviore vos designari
cul castris ceperunt. Postero die per tribunos militum potuisse.. Sigoum deinde colligendi vasa dedit milites-
inde deducti, concione mililum advocata a Graccho, su- que pre'dam portantes agentesque, per lasciviam ac Jo-
perveniunt. Ubi quum proconsulveteres milites primum, cmn, ita ludibundi Beneventum rediere, utab epulia per
prout culusque virtus atque opera in ea pugna fuerat, celebrem festumque diem actis, non ex acie, reverti vi-
militaribus donis donasset tune, quod ad volones attine- dcrentur. Beneventani omnes turba effusa quum obviam
ret, Ommes, ait, malle laudatos a se, dignos inóignos- ad portas exissent, complecti milites, gratulari, vocare
dans les cours de leurs maisons, et ils y appelaient trouvèrent ainsi dérangés Marcellus n'osa pas
les soldats, priant Gracchus de permettre qu'ils poursuivre les ennemis qui pliaient, et donna le
vinssent s'y asseoir. Gracchus le permit, mais à signal de la retraite à son armée victorieuse. On
condition qu'on mangerait en public. Chaque ha- prétend cependant que les ennemis perdirent ce
bitant transportadonc devant sa porte ce qui com- jour-là plus de deux mille hommes; les Romains
posait le repas; les volontaires, la tête couverte n'en perdirent pas quatre cents. Vers le coucher
du pileus, du bonnet de laine blanche, prirent du soleil, Néron, apres avoir en vain fatigué les
part à ce banquet, les uns couchés, les autres chevaux et les hommes par une marche d'un jour
debout, servant et mangeant à la fois. De retour à et d'une nuit, revint sans avoir même aperçu
Rome, Gracchus pensa que le spectacle de cette l'ennemi. Le consul l'accabla de reproches, il lui
fête méritait d'être peint dans le temple de la Li- dit même qu'il avait seul empêché que l'on rendit
berté, construit et inauguré sur le mont Aventin aux Carthaginois la défaite essuyée à Cannes. Le
par les soins de son père, lequel y avait employé lendemain les Romains vinrent se ranger en ligne,
l'argent produit par les amendes. mais le Carthaginois avoua tacitement sa défaite
XVII. Tandis que les choses se passaient ainsi au- en se tenant renfermé dans son camp; et le troi-
près de Bénéventum, Annibal, après avoir ravagé sième jour, au milieu de la nuit, perdant tout
le territoire de Naples, vint camper devant Nola. espoir de s'emparer de Nola après tant de tenta-
Dès que le consul fut instruit de son arrivée, il tives infructueuses, Annibal part pour Tarente,
rappela auprès de lui le propréteur Pomponius avec qu'il avait l'espoir plus fondé qu'on lui livrerait.
les troupes qui occupaient le camp de Suessula, XVIII. Et Rome n'agissait pas avec moins d'é-
et se prépara à marcher au-devant de l'ennemi, nergie au dedans qu'au dehors. Les censeurs
bien résolu à combattre sans retard. Dans le si- n'ayant pas à affermer de travaux publics puis-
lence de la nuit, il fait sortir par la porte la plus que le trésor était vide, mirent tous leurs soins
éloignée de l'ennemi C. Claudius Néron avec l'é- à régler les mœurs et à châtier les vices nés de la
lite de la cavalerie. Il lui ordonne de tourner, sans guerre, comme ces plaies qui couvrent le corps
être aperçu, les derrières de l'ennemi, de le sui- après de longues maladies. Ils citèrent d'abord
vre de près à son insu, et de le prendre en queuo à leur tribunal ceux qui étaient accusés d'avoir
dès qu'il verrait le combat engagé. Soit qu'il eût voulu, après la batailla de Canses, abandon-
fait une fausse marche, soit que le temps lui eût ner la république et fuir loin de l'ILalie. Le pre-
manqué, Néron ne put exécuter ces ordres. Dans mier de tous était L. Cécilius Métellus, alors
le combat qui fut livré sans lui, les Romainsavaient questeur. 11 reçut ordre, ainsi que ceux qu'on
évidemment l'avantage. Mais comme la cavalerie accusait de la même faute, de présenter sa dé-
ne parut pas à temps, les plans du général se fense. Comme ils ne purent se justifier, les cen-

iu hospitium. Apparata convivia omnibus in propatulo in temporc, ratio compositæ roi turbata est. Non ausue
ædium fuerant ad ea invitabant, Gracchumque ora- insequi cedentes Marcellus vincenlibus suis signum re-
bant, ut epulari permitteret militibus. Et Gracchus ita ceptui dedit. Plus tamen duo millia hostium eo die cæsa
permisit, in publico epluarentur oinnes. Ante suas qui- traduntur Romani minus quadringentis.Solis fere oc-
busque fores prolala omnia. Pileati, aut lana alba velatis casu ISero, diem noctemque nequicquam fatigatis equis
capitibus volones epulati sunt alii accubantes alii stan- hominihusque,ne viso quidem hoste rediens, adeo gra-
tes, qui simul ministrabant vescebanturque. Digua res viter est ab consule increpitas, ut per eum stetisse dice-
visa ut simulacrum celebrati ejus diei Gracchus post- ret, quo minus accepta ad Cannas redderetur hosti cla-
quam Romam rediit, pingi juberet iu aide Libertatis, des. Postero die Romanus in aciem descendit Pœnus,
quam pater ejus in Aventino ex multaticia pecuuia facien- tacita etiam confessione victus, castris se tenuit. Tertio
dam curavit dedicavitque. die silentio noctis omissa spe Nolæ potiundæ, rei nun-
XVII. Duiu haec ad Beneventum geruntur, Annibal, quam prospere tentatæ, Tarentum ad certiorem spem
depopulatus agrnm neapolitanum ad Nolam castra mo- proditiouisproficiscitur.
veto Quem ubi adventare consul sensit, Pomponio pro- XVIII. 'Nec minore animo res romana domi, quam
prætore cum eo eiercilu, qui super Suessulam in castris militiæ, gerebatur. Censores, vacui ab operum locaudo-
erat, accito, ire obviam hosti parat, nec moram dimi- rum cura propter inopiam ærarii, ad mores homiuum
candi facere. C. ClaudiumNeronem cum rubure equ tum regendos ammumadverterunt, castigandaque vitie, quæ,
silentio noclis per aversam maxime ab hoste portam emit- velut diutinis morbis ægra corpora ex se gignunt, nata
tit circumvectumque occulle subsequi seiisim agmen bello erant. Primum eos citaverunt qui post canneusem
bostium jubet, et, quum coortum prælium videret, ab pugnam rempublicam deseruisse Italiaque excessisse
tergo se objicere. Id errore viarum, an eiiguitate tem- velle dicebantur. Princeps eorum L. Caecilius Metellus
poris, Nero exsequi non potuerit incertum est. Absente quæstor tum forte erat. Jusso deinde eo celerisque ejus-
eo qum præium commissum esset, superior quidem dem noxæ reis cansam dicere, quum pnrgari nequissen,
haud dubie Romanus erat; sed, quia équités non affuere pronuntiarunt, verba orationemque eos adversus rem-
seurs déclarèrent qu'ils avaient tenu contre la de ventes vinrent en foule auprès d'eux, et les
république des conversations et des discours dont engagèrent « à agir en tout comme s'il y avait des
le but avait été de former une conjuration pour fonds dans le trésor; qu'aucun d'eux ne deman-
abandonner l'Italie. Après eux furent cités ces derait d'argent avant la tin de la guerre. D Bientôt
interprètes si habiles à se délivrer de la foi du après se réunirent les maîtres de ceux que T. Sem-
serment, ces captifs qui, aprèsêtre partis du camp pronius avait affranchis auprès de Bénéventum.
d'Annibal, y rentrèrent furtivement, et secrurent Ils dirent qu'ils avaient été appelés par les trium-
alors quittes du serment qu'ils avaient fait d'y virs administrateurs des finances pour en rece-
revenir. Ceux-là et ceux dont nous avons parlé voir le prix, mais qu'ils n'accepteraient rien
plus haut furent privés des chevaux que leur four- avant que la guerre fût terminée. Par suite de
nissait l'état; chassés de leurs tribus, ils devin- cette disposition de tout le peuple à venir au se-
rent tous simples contribuables. Ce ne fut pas cours du trésor épuisé, les fonds des orphelins
seulement à la conduite du sénat et des chevalieis d'abord, puis ceux des veuves, y furent aussi ap-
que se bornèrent les investigations sevères dus portés, et ceux qui en avaient l'administration
censeurs. Sur les registres où étaient inscrits les necrurentpas pouvoir trouver de lieu de dépôt plus
jeunes gens, ils prirent le nom de ceux qui depuis suret plussacré que la foi publique. Aussi, si quel-
quatre ans n'avaient pas servi, quoiqu'ils n'eus- que chose était acheté ou acquis par des or phe-
sent aucun motif légitime d'exemption, aucune lins ou des veuves, le questeur en prenait noie
maladie à alléguer pour excuse. Ils s'en trouva dans ses comptes. Ce bon vouloir des particuliers
plus de deux mille. Ils furent portés aussi parmi passa même de la ville dans le camp. Les cheva-
les contribuables et tous cliassés de leurs tribus. liers, les centurions ne voulaient pas de solde, et
A cette flétrissure des censeurs, qui ne fixait ils donnaient le nom odieux de mercenaire à celui
aucun châtiment, vint se joindre un sénatus- qui en recevait.
consulte plein de ligueur. Il portait que tous ceux XIX. Le consul Q. Fabius é;ait campé auprès
que les censeurs avaient notés serviraient à pied de Casilinum, qu'occupait une garnison de deux
et iraient en Sicile rejoindre les débris de l'armée mille Campaniens et de sept cents soldats d'Anni-
de Cannes, dont le temps de service ne devait bal. Leur chef était Statius Métius envoyé par
cesser que le jour où l'ennemi serait chassé de Cn. Magius Alellanus Magius qui, cette année-là,
toute l'Italie. Les censeurs, à cause de l'épuise- était médiatutique, armait indistinctementles es-
ment du trésor, n'avaient pas encore passé de claves et le peuple dans l'intention d'attaquer le
marchés pour l'entretien des édifices sacrés, ni camp romain pendant que le consul porterait
pour la fourniture des chevaux destinés aux ma- toute son attention sur le siége de Casilinum. Fa-
gistrats curules, ni enfin pour rien de semblable. bius s'en aperçut bientôt, et il écrivit à Nola à son
Ceux qui d'ordinaire se chargeaient de ces sortes collègue « qu'il avait besoin, tandis qu'il assiégeait

pubticamhabuisse, quo conjuratio deserendæ Itailæ causa asrario esset. Neminem, nisi bello confecto, pecuniam ab
Heret. Secundum eos citati nimis callidi eaolvendi juris- ærario petilurum esse. » Convenere deiude domini co-
jurandi interpretes; qui captivorum ex itinere regressi rum quos Ti. Sempronius ad Beneventum manu emise-
clam in castra Annibatus, solutum, quod juraverant redi- rat arcessitosque se ab triumviris mensariis esse dixe-
turos, rebantur. Hu superiorbusque illis equi adenipti, runt, ut pretia servorum acciperent ceter um non ante,
qui publicum equum habebant tribuque moti, ærarii quam bello confecto, accepturos esse. Quum hæc incli-
omnes facti. Neque senatn modo aut equestri ordine re- natio animorum plebis ad sustinendam inopiam a*rani
gendo cura se censorum tenuit. domina omoium ei ju- fieret; pecuniæ quoque pupillares primo, deinde vidua-
niorum tabulis excer pseruat, qui quadrienoro non mili- rum, cœptæ conferri; nusquam eas tutius sanetusque
tassent, quibus ueque vacatio justa militiæ, neque mor- depouere credemibus, qui deferebiut, quam iu publica
bus causa fuisset. Et ea supra duo millia uominum iu fide. Inde. si quid eniptum paratumquepuplis ac viduis
ærarios relata, tribuque omnes moti. Additumque inerti foret, a quæstore perseribebatur. Manavit ea priva orum
censoriæ notæ triste seuatusconsultum ut ii omnes, quus benigutas ex urbe etiam in castra, ut non eilues non
censores notassent, pedibus mererent, milterenturquein centurio stipendium acciperent, mercenariunique incre-
Siciliam ad Cannensis eiercidis reliquias, cui mililtum pantes vocarent, qui accepisset.
generi non prius, quam pulsus Italia hostis esset, finitum XIX. Q. Fabius consul ad Casilinum castra habebat,
stipendiorum tempus erat. Quum censores, ob inopiam quod duum millium Campanorum,et septingentortim mi-
ærarii, se jam locationibus abstinerent ædium sacraum litum Anoibalis teoebatur præsidio. Preerat Statius 1Ile-
tuendarum, curuliumque equorum præbendourm, ac tius, missus ab Cn. Magio Alellano qui eo anno Medix-
simillum his rerum couvenere ad cos frequentes, qui tuticus erat, servitiaque et plebem promiscue armabat,
bastæ bujus generis assueverant hortatique censores ut castra romana invaderet, intento consule ad Casili-
« ut omnia perinde agerent, locarent, ac si pecunnia in num oppugnandum. Nihil corum Fabium fefellit. Itaque
Casilinum, d'opposer une secondearmée aux Cam- ment puis les Romains se précipitèrent dans la
paniens qu'il vint donc lui-même, en laissant à place, qui fut livrée au carnage. Cinquante Cam-
Nola une garnison suffisante, ou bien que, s'il paniens environ, qui étaient sortis les premiers et
était retenu à Nola, et qu'il y eût encore quelque qui s'étaient réfugiés auprès de Fabius, parvinrent
chose craindre d'Annibal, il allait faire venir au- à Capoue, grâce à sa protection. Ainsi Casilinum
près de lui, de Bénéventum, le proconsul T. Grac- fut prise par un coup du hasard, tandis que les
chus.» A cette nouvelle, Marcettus laisse une gar- assiégés négociaient et hésitaient, tout en deman-
nison dedeuxmillehommesàNola,elaveclereste dant à se rendre. Les captifs, Campaniens ou sol-
de l'armée il se rend à Casilinum. A son arrivée, dats d'Annibal, furent envuyés à Rome et mis en
les Campanienssuspendirent le mouvement qu'ils prison. Quant aux habitants de Casilinum, on les
avaient déjà commencé. Ainsi Casiliuum fut as- distribua dans les villes voisines et on les mit sous
siégé par les deux consuls réunis. Les soldats ro- leur surveillance.
mains, en s'approchant sans précaution des mu- XX. A l'instant même où les consuls quittaient
railles, recevaient de fréquentes blessures et le Casilinum, Gracchus, qui alors était en Lucanie,
siège n'avançait pas. Fabius pensait qu'il fallait détacha quelques cohortes levées dans cette con-
abandonner cette entreprise peu imporlante, et trée, pour aller piller le territoire ennemi. Le
toutefois aussi difficile que de plus grandes commaudement en fut confié au chef des troupes
en effet, des affaires bien autrement sérieuses les alliées. Elles erraient sans ordre dans les campa-
appelaient ailleurs. Marcellus, au contraire, sou- gnes, lorsque Hannon tomba sur elles et rendit à
tenait « qu'il y avait, àlavérité, beaucoup de ten- l'enuemi une défaite égale à peu près à celle qu'il
tatives que ne devaient pas hasarder de grands avait essuyée lui-même auprès de Bénéventum,
généraux, mais qui, une fois hasardées, voulaient et de là il se retira en toute hâte chez les Bruthens,
être achevées, l'influence de la renommée étaut, de peur que Gracchus ne l'atteignît. Quant aux
en bien comme en mal, immense; et il tint consuls, Marcellus se retira à Nula d'où il était
bon pour que l'armée ne se retirât pas après venu, et Fabius s'avança dans le Samnium pour
un échec. On approcha donc des murs les man- ravager les campagnes et soumettre de nouveau
telets et tous les autres instrumenls, toutes les les villes qui s'étaient révoltées. Les Samniles-
autres machines employées à la guerre. Les Cam- Caudiens eurent, plus que tous les autres, à souf-
paniens prièrent alors Fabius de permettre qu'ils frir. Leurs champs furent brûlés sur une grande
se retirassent, sans être inquiétés, à Capoue: étendue; les hommes, les troupeaux, furent la
quelques-uns à peine étaient sortis, que Marcel- proiedesennemis; Compulléria,Télés.a, Compsa,
lus s'empara de la porte par laquelle ils quit- Mêla, Fulfula et Orbitanium furent enlevées d'as-
taient la ville. D'abord, tous ceux qui se trouvaient saut Blauda chez les Lucaniens, Æce dans 1'Apu-
auprès de la porte furent massacrés indistmete- lie furent assiégées. Il y eut dans ces villes vingt-

Nolam ad collegam mittit, « altero exercitu, dum Casili- ruptione facta et in urbe fieri ccepta est. Quinqua-
am
num oppugnatur, opus esse, qui Campanis opponatur. ginta fore primo egressi Campanoruiii, quum ad Fahium
Vel ipse, reticto Nolæ præsidio modico, veniret vel, si cnnfugisscut, præsidio cjus Capuam pervenerunt. Casi-
eum Nola teneret, et necdum securae res ab Auuibale es- linum, iuler colloquia cunctati memque petentum fidem,
sent, se Ti. Gracchum proconsulem a Benevento accitu- per occasionem captum est. Captivi, qui(lue Camp,mo-
rum. »Hoc nuntio Marcellus, duobus militum millibus rum quique Annibalis miltum erant, Romam miss, at-
Nolae in praesidio relictis, cum cetero exercitu Casilinum que ibi in carcere inclusi sunt oppidauorum turba per
venit, adventuque ejus Campani, jam moveotes sese, finctions populos in custodiam divisa.
quieverunt. Ita a duobus consulibusCasilinum oppugnari XX. Quitus diebus a Casiliuo, re bene gesla, reces-
cœptum. Ubi quum multa, succedentes temere mœni- sum est, iis Gracchus in Lucanesaliyuot cohortes, in ea
bus, Romani milites acciperentvulnera, neque satis in- regioneconscriptas,cum præfecto sociorum iu agros hos-
ceptis succederet; Fabius, omittendam rem parvam ac tium praedatum misit. Eos effuse palatos Hanno adortus,
juita magnis difficilem, abscedendumque inde censebat, haud multo mmorem, quam ad Beneventum acceperat
quum res majores instarent. Marcellus, « multa magnis reddidit hosti cladem, atque in Brutlos raphm ne Grac-
ducibus sicut non aggredienda ita semel aggressis non chus assequeretur concesstt. Consules MarceHus rétro,
dimittenda esse, dicendo quia magna famae momenta in unde veuerat, Nolam redit; Fabius in Samnium ad po-
utramque partem flerent, » tenuit, ne irrito incepto abi- pulaudos agros recipiendasque armis, quæ defecerant,
retur. Vineæ indeomniaquealiaoperum machinationum- uWca processit. Caudinus Samois gravius devastatus;
que genera quum admoverentur, Campanique Fabium perusti late agri, prædæ pecudum hominumque actæ.
orareut, ut abire Capuam tuto liceret; paucis egressis, Oppida vi capta, Compulteria, Telesia, Compsa Melæ,
Marcellus portam, qua egrediebautur, occupamt, cædes- Fulfulæ et Orbitanium. El Lucanis Blanda·; Apulorum
que promiscue omnium circa portam primo, deinde, ir- Æcde oppugnatæ. Millia bostium in his urbibus viginti
cinq mille hommes de pris ou de tués. On y reprit bal, ne voyant aucun de rcur qui étaient venus
aussi trois cent soixante-dix transfuges le consul le trouver auprès du lac d'Aveine, et ne recevant
les envoya à Rome, où ils furent battus de verges d'eux ni message ni lettres sentit bien qu'il s'é-
sur la place des comices, et précipités de la roche tait confié légèrement à de vaines promesses, et
Tarpéieine. Voilà ce que fit Q. Fabius dans l'es- se retira. Mais alors mcme il respecta le territoire
pace de quelques jours. Dlarcellus était retenu à de Tarente; car, bien que sa feinte douceur lui
Nola par une maladie qui l'empêchait d'agir. En eût été inutile, il ne renonçait pas à l'espoir d'é-
même temps, à peu près, le préteur Q. Fabius, branler leur fidélité. Il se rendit ensuite à Sa-
qui commandait dans les environs de Lucéria, lapia, où il fit venir du blé du territoire de Mé-
prenait la ville d'Accua, et fortifiait son camp au- tapontum et d'Héracléa; l'été était à moitié passé,
près d'Ardouca. Pendant que les Romains étaient et ce lieu lui semblait favorable pour y prendre
occupés à ces diverses expéditions, Annibal était ses quartiers d'hiver. De là il envoya les Numi-
déjà parvenu à Tarente, dévastant tout sur son des et les Maures ravager le territoire salentin
passage; mais, une fois sur le territoire tarentin, et les bois voisins de l'Apulie. lis n'y firent pas
les Carthaginois ne s'avancèrentplusen ennemis; un butin considérable, si l'on en excepte de
ils ne commettaient point de violence, et ne s'é- grands troupeaux de chevaux qu'ils emmenèrent,
cartaient jamais de la route. Il était évident qu'il et dont quatre mille furent partagés eutre les ca-
n'y avait pas là modération de la part des soldats valiers pour être dressés.
et des chefs, mais bien désir de se concilier les XXI. Cependant il s'élevait en Sicile une guerre
Tarentins. Du reste, il était déjà presque sous les qui ne méritait pas peu d'attention. La mort
murs de la ville, sans qu'aucun mouvement se du tyran avait donné aux Spracusaius des chefs
fût déclaré,commeillecroyait, à l'approche de son remplis d'activité plutôt qu'elle n'avait clranoé
avant-garde. Il vint cependant s'établir à mille leurs planset leurs intentions. Les Romains con-
pas environ de la ville. Mais, trois jours avant fièrent donc le commandement de ceue province
qu'Annibal se fût rapproché de Tarente, le pro- à M. Marcellus, l'un desconsuls. Après le meur-
préteur, M. Valérius, qui commandait la flotte à tre d'Hiérouyme, il y avait eu d'abord à Léon-
Brundisium, y avait envoyé M. Livius, lequel tium une émeute parmi les soldats ils s'étaient
avait aussitôt enrôlé l'élite de la jeunesse et placé écriés avec rage qu'il fallait faire aux mânes
des postes à toutes les portes, et sur les murs, du roi le sacrifice de la vie des conjurés. Cepen-
là où ils étaient nécessaires. Par l'activité qu'il dant on leur répéta ces mots, si doux à entendre,
déployait la nuit comme le jour, il enleva aux de liberté rccouvrée; on leur fit espérer qu'ils au-
ennemis ou à ceux de ses alliés dont la fidélité raient leur part des trésors royaux et qu'ils ser-
était douteuse, tout moyen de hasarder une ten- viraient sous de meilleurs généraux; on leur ra-
talive. Après y avoir perdu quelques jours, Anni- conta les crimes horribles du tyran, ses débau-

quinque capta, eut occiàa et recepti perfudm trecenti rum nemo, qui ad lacum Averni adissent, aut ipsi veni-
septuaginta quos quum Romam misisset consul, virgis rent, aut nuntium literasve mitterent, vana promissa se
in comtro coesi omnes, ac de saxo dejecti. Hæc a Q. Fa- temere secutum cernens, castra inde movit. Tum quo-
bm intra paucos dies gesta. Marcellumab gerundis rebus que, imacto agro tarentino, quanqtiam simulata lenitas
valetudoadversaNo x tenuit. Et a prælore Q. Fabio, cui nihildum profuerat, ta nen spe labefactandæ ndei haud
circa Luceriam provincia erat, Accua oppidum per eos absistens, Salapiam ut venit, frumeotum ex agris meta-
dies vi captum; stativaque ad Ardoneascommunita.Dum pouliiio atque beracleensi (jam media æstas exacts erat,
lucc aliis locis ab Rumauis geruutur, jam Tarentum per- et hibernis placebat locus) comportat. Prædatum inde
venerat Anmbal, cum maxma omnimu quacunque lerat, Numidæ Maurique per sallentinum agrum proximosque
clade. Iu tarentino demum agro pacatum incedere ag- Apuliae saltus dimissi unde ceterx prædæ baud multum,
men cœpit. Nihul lbi violatum, neque usquam via eices- equorum greges maxime abacti e quibus ad quatuor
sum est apparebatqiie, non id modestia militum aut nullia domanda equitibus divisa.
ducis nisi ad conciliaudos Tarentinorum animos, fieri. XXI. Romani, quum bellum nequaquam contemneu-
Ceterium quum pi opemodo muris accessisset, nulload dum in Sicilia oriretur, morsque tyranni duces magis ini-
compectllrn primi agminis, ut rebatur, motu facto, cas- pigros dedisset Syracuàanis, quam causam aut animos
tra ab urbe ferme pasaus mille locat. Tarenti, triduo aote, mutasset, M. Marcello alteri consulum eam provinciam
quam Annibal ad mœnia accederet, a M. Valerio propra;- decernunt. Secundum Hieronymi cxdem primo tumul-
tore, qui classi ad Brundisium praeerat, missus M. Livius, tuatum in Leontinis apud milites fuerat, vociferatumque
primore juventute conscripia, dispositisque ad omnes ferociter, parentandumregi sanguine conjuratorum esse.
portas, circaquemuros, qua res postulabat, stationibus, Deinde libertatis restituta dulce auditu nomen crebro
die ac nocte plurimum iutentus, neque hostibus, neque usurpatum, spes facta ex pecunia regia largitionis, mi-
dubiis socis loci quicquam praibuit ad tentandum.Quare htiæque fungendaspotioribus ducibus, et relata tyranni
dicbus aliauut frustra ibi absumptis, Annibal, qumn eo- fœda scetera fædioresque Ibidines, adeo mutavere aui.
1.
chefs plus honibles encore, et il s'opéra uu tel Tourte cette multitude se réunit aux postes éta-
changement dans les esprits, que ce prince, na- blis dans les principaux quartiers de la ville.
guère tant regretté, ils le laissèrent étendu sanssé- Dans l'île, Andranodorus s'assure avant tout des
pulture. Les conjurés restèrcnt à l'armée pour y greniers publics. Ce sont des bâtiments entourés
établir leur pouvoir; seulementThéodotus et Sosis, d'un mur de pierres de taille, fortifies à la ma-
montés sur des chevaua du roi, se rendirent en nière d'une citadelle. La jeunesse, à qui la défense
toute hâte à Syracuse, pour écraser les partisans en avait été confiée, s'en empare, et envoie dans
du tyran avant qu'ils connussent rien de tout ce l'Achradine annoncer an sénat que les greniers et
qui se passait. Ils furent prévenus par la renom- le blé sont h sa disposition.
mée, si prompte à répandre de tels bruits, et par XII. Au point du jour, tout le peuple, armé
l'arrvce d'un des esclaves du roi qui en donna la ou sans armes, se rend dans l'Achradine auprès
nouvelle. Andranodorus avait rempli de troupes du sénat. Là, devant l'autel de la Concorde qui se
trouve dans ce quartier, l'un des principaux ci-
l'ile, la citadelle et tous le sautres postes avantageux
dont il avait pu s'emparer. Théodotus et Sosis, toyens, nommé Polyænus, adressa au peuple un
entrés par l'Hexapyle, après le coucher du soleil discours plein de sentiments libres et toutefois mo-
et quand la nuit se faisaitobscure, traversèrentà dérés. « longtemps soumis à une indigue servitude,
cheval le quartier de Tyché, exposant à tous les ils s'étaient révoltés quand ils avaient senti toule
regards l'habit sanglant du roi, ainsi que sa cou- l'étendue de lents maux. Quant aux malheurs
ronne. lis appellent le peuple à la liberté et aux qu'entraînent les discordes civiles. les Syraeusains
armes, et lui recommandent de se rassembler les connaissent d'après les rérils de leurs pères,
dans l'Anltra fine. De toute cette multitude, les plutôt que par leur propre expérience. Il louait
uns se précipitent dans les rnes, les autres s éta- ses concitoyens de ce qu'ils avaient couru sans
blissent sous les vestibules, ou regardent des toits hésiter aux armes; il les louetait plus encore s'ils
et des fenêtres en demandant ce qui se passe. Des ne s'en servaient qu'à la dernière extrémité. Pour
lumières éclairent toute la ville, qui se rempht de l'instant, son avis était qu'il fallait envoyer à An-
bruts confus; les hommes armés se réunissent dranodorus l'ordre de se soumettre au pouvoir du
sur les places; ceux qui sont sans ai mes vont au sénat et du peuple, d'ouvrir les portes de l'île et
temple de Jupiter Olympien s'emparer des dé- d'en livrer la garnison; que s'il voulait faire de
pomlles des Gaulois et des illyriens, que le peu- son litre de tuteur de roi une royaulé, lui, Polyx-
ple romain avait olfertes à Hiéron, et qu'il avait nus, était d'avis qu'il fallait mettre bien plus
suspendues dans ce temple; ils supplient Jupi- d'ardeur à reconquérir la liberté sur Andranodn-
ter de leur être favorable, et de leur prêter ces rus que sur Iliéronyme. » Après ce discours on lit
armes sacrées avec lesquelles ils vont combattre partir les députés et dès ce jour le sénat recom-
pour la patrie, les temples des dieux et la liberté. mença de siéger. Maintenues sous le règne d'Ilé-

mos ut insepultum jacere corpus paullo ante deesiderati tionbus per principes regionem urhis dispos'tis, adiun-
regis paterentur. Quum ceteri ex conjuratis ad exercitum gitnr. In Insuta inler cetera Audrauodurns prasitits
obtinendum remansissent, Theudolus et Sosis regiis equis, firmat horrea publica. Locus, saxo quddrato s1l'plus,
quanto maxtmo cursu poterant, ut ignaros omumum re- atque arcis in modum emuoitus, capitur ah juventute,
gios opprimerent, Syracusas contendunt. Ccterum prae- qna? præsidio ejus lnci attributa erat, mittuntque nuntios
venerat non fama solum (qua nibil in talilms rebus est jn Achradiuam, horrea frumentumque in senatus pote-
celerus), sa d ouu ius etiam ex regiis sernis. Itaque An- stale esse.
dranodorum et Insulam, et arcem et alia quæ poterat XXII. Luce pr'ma populus omnis armatul inermisque
quæque, ppor una eraot, præsidis firmarat. Hexapyo in Achradmam ad cuiam convenit. Ibi pro Concordiæ
'I'hcud tus ac Sosis post sulis occasum jam obteura luce ara quæ in eo sita loco erat. ex princip bus unus no-
invecti, quum cruentam rcgiain vestem alque insigne mine Polyænus conrionem et hberam et moderatam ha-
captis ostentarent, travecti pcr Tycham, simul ad lib T- buit « Servitudinis ind ggnitat sque homines expertos,
tatem, simul. d arma vocantes, in Aebradinani conventre adversus notum malum irritatos esse. Discordia civilis
jubent. Muititudo pars procurrit ia vias pars in vestibu- quas importet clades, andisse magis a patrlbus Syracusa-
liï stat, pars ex tectis fenesti isque prospectant, et, quid nos, quam ipsos vidisse. Arma quod impigre ceperint,
rei sit, rug tant. Omnia luminibus coliucent, strcpituque laudare magis laudaturum, si non utantur, nist ultinia
varto complentur. Armati locis patentibus congregantur necessitate coacti. In præsentia legatos ad Andranodo-
inermes LA Ol)mp i Jovis templo spolia Gailorum lllyrio- rum mitli pi cere, qui denunlient, ut in potesfate sena-
rumque, dono data Hieioni a populo romano, fixaque tus ac popult sit; portas Insulæ pateficiat, reddat præ-
abeo, detrahnat, precantes Jovem, ut volens propitus sidium. bi tutelam aheni regni suum regnum velit facere;
præheat sacra arma, pro patria, pro deum delubris, pro cundem se censere, multo acrius ab Andranodoro quam
herrate sise armniilitnis. Hæc quoque multiudo, sia- h Hieronymo, repeti libertatem. » Ab hac cone ane le-
ron comme conseil public, depuis la mort de ce noncé son discours, et commence la harangue
roi jus lu'à ce jour, les sénateurs n'avaient été ni suivante, demandant d'abord qu'on lui pardonnât
couvn jués ni consultés sur aucune affaire. A l'ar- ses délais. « Il avait tenu ses portes fermées, non
rivée de la députation, Andranodorus fut ébranlé qu'il eût séparé sa cause de la cause publique,
en voyant cet accol de tous les citoyens, et aussi mais parce que l'épée une fois lirée, il avait at-
de ce qu'ils avaient en leur pouvoir la plus grande tendu avec crainte quelle serait la fin des massa-
parlie de la ville, et cette portion de l'lie, la cres, si l'on se contenterait de la mort du tyran,
mieux fortifiée, que venait de lui enlever la trahi- qui suffisait à la liberté, ou si tous ceux que les
son. Mais sa femme. Damarata, la fille d'Hiéron, liens du sang, l'intimilé ou quelques fonctions at-
ayant conservé tout l'orgucil du sang royal dans tachaient au palais seraient mis à mort comme ac-
le cœur passionné d'une femme le prenant à cusés des crimesqui n'étaient pas les leurs. Voyant
part, lui rappelle ce mot répété tant de fois bien maintenant que ceux qui avaient délivré la
par Denys-le-Tyran, « qu'un roi ne doit jamais patrie voulaient aussi la conserver libre, et que
renoncera à la tyrannie que quand on le lire par de toutes parts on s'occupait des intérêts publies,
les pieds, et non pas tant qu'il est à clleval. Il est il n'avait pas hésité à remeUre au pays et sa
facile, a l'inslant ou l'envie en prend de renon- propre personne et tout ce qui avait été confié à
cer à une haute fortune, mais difficile et dange- sa foi et à sa garde, celui qui le lui avait commis
reux de se la faire et de s'y établir. Il faut donc ayant péri victime de·a folie. » Se tournant alors
qu'il demande à la députation quelque temps pour vers les menrtriers du tyran et appelant par leurs
se consulter, et qu'il emploie ce temps à faire ve- noms Théodotus et Sosis « vous avez fait, dit-
nir des troupes de Léoutium en leur promettant il, une action mémorable; mais, croyez-moi, vo-
une part dans le tré,or du roi il lui sera aisé de tre gloire ne fait que commencer et n'est pas à
s'emparer de la souveraine puissance. » Andrano- son comhle il est encore bien à craindre, si
dorus ne dédaigna pas tout à fait ces conseils de vous ne mettez tous vos soins à asurer la paix
sa femme; mais il ne les adopta pas sur-le-champ. et la concorde, que la république ne se laisse en-
Il crut que le meilleur moyen pour arriver au traîner à la licence. »
pouvoir, c'était de céder cette heure aux cir- XXIII. Après ce discours, il dépose à lenrs pie ls
constances. Il charge donc les députés de répon- les clefs des portes et du trésor royal. Ce jour-
dre de sa part qu'il allait se mettre à la (lisposl- là, tous les citoyens quittèrent l'assemblée pleins
tion du sénat et du peuple. Le lendemain, au point de joie, et se rendirent dans tous les temples,
Ilu jour, il fait ouvi ir les portes de l'lle et se rend avec leurs femmes et leurs enfants, pour offrir aux
au forum daus l'Aollradiue. Là il monte à l'autel dieux des actions de grâces. Le lendemain on ras-
de la Concorde, d'où la veille Polyænus avait pro- sembla les comices pour la nomination des pré-

gati missi sunt. Senatus inde haberi cceptus est quod si- pridie Polyænus concionatus erat, escendit; orationem-
cul, reguante Hierone, manserat pubheum consilium, que eam orsus est, qua primumcunctalnnis saæ veoiam
ita pubt mortem ejus ante eam diem nulla de re neque petivit. Se enim clausas babuisse portas, non separan-
convocau, neque consulu fuerant. Ut ventuin ad Andra- tem suas res a publicts, sed strictis semel gladiis timen-
iiodortiiii est ipsum quidem movehat et civium consen- tem, qui finis ceedihus esset futurus utrum, quod satis
sus et yuum al æ occupatar urbis partes, tun pars libertati foret, contenti nece tyranni essent, an, qm
Iusulæ munitissima velut prndita atque alienata. Sed cunqne aut propinqmlate, out affinihte, aut aliquibus
evocatum eum ub legatis Damarata uxor, filia Hieronis, ministerlis regiam contigiss nt, alienæ culpæ rei truci-
inll.ita adlwc regiis au mis ac muliebri spiritu admonet darentnr. Postquam animadvertit, cos, qui liberassent
sæpe usurpuae Diouysii tyr,mni vocis qua.pedibus patriam, servare etiam liberatam velle, atque undique
tractum, non instdentem equo, relinqliere tyranmdcm, consuli in medium; non dubitasse, quin et corpus sumn
duerit, debere. » «Facile esse momento, quo quis velit, et cetera omnia, quæ suae fidei tutelæque essent, quo
cedere possessione magnæ fortunæ faccre et parare eam niam enm, qui mandasset, suus furor absumpsisset, pa-
difficde atque arduum esse. Paullum sumeret spatii ad triæ restitueret. » Conversus deinde ad interfectores
const Itandum ab legatis; eo uterctur ad arcesseudos ex tyranni, ac Domine appellans Theodotum ac Sosim
Les atoios mihtes: qmbus si pecuuiam regiam pollicitus Facmus, inquit, memorabile fecistis. Sed, mthi credite,
esset, omma in potestate elus futura..Hæc muliebria inchoata vestra gloria, nondum perfecta, est; perieu
cousrlia Andr nodoras ne que t la asperuatus est, neque lumque ingens mauet, nisi paci et coucordiæ consuin is.
ectemplo ace epit, ti tiurcm ad opes alfectandasratus esse ne libera efferatur respublica.
viam, si in præsentia temport cessisset. Itaque legatos XXI Il. Post banc orationem claves pnrlarnm pecuniæ-
t'enun.iare jissrt, fulurum se iti senatus ac populi pote- que regiæ aute pedes eorum posnit. Atque I quidem
stite. Postero die lu e prmia, patefaclis Insulæ portis, in die dimisai ex concione læti. cirra omn a fana d um sup-
for um Achradinæ venit. Ibl in aram Concordiæ, ex qua plicaverunt cum conjnaibus ?c hher s. Postere die eo-
teurs. Andrauodorus fut nommé l'un des pre- s'éloigner des généraux dévoués au roi, habiles
miers les autres, en grande partie, étaient des dans l'art de la guerre, et à la fois pauvres et
meurtriers du tyran, et parmi eux, quoique audacieux. Mais ce que voulaient les Syracusains,
absents, Sopater et Dinomène. En apprenant ils ne l'exécutèrent pas avec toute la promptitude
ce qui se passait à Syracuse, ils y firent apporter nécessaire. En attendant, les jeunes gens, soldats
les trésors du roi, qui étaient à Léontium et les eux-mêmes et habitués aux soldats, semaient des
remirent à des questeurs créés à cet effet. Ou leur accusations conlrele sénat et les grands, soitdans
livra aussi ce qui se trouvait d'argent dans l'île et l'armée, soit auprès des transfuges, en grande
dans l'Achradine, et la partie du mur qui sépa- partie matelots romains, soit enfin auprès des
rait l'ile du reste de la ville, et en faisait ainsi dernièies classes du peuple. « Le sénat, disaient-
une position trop forte, fut renversée d'un avis ils, avait secrètement machiné un complot pour
unanime. Tout suivit cet entraînement des esprits soumettre Syracuse à la domination de Rome,
à la liberté. Au bruitde la mort du tyran, qu'Ilip- sous prétexte de lenouveler l'ancienne alliance,
pocrates avait essayé de cacher même par le mur- et pour qu'ensuite le parti peu nombreux de ceux
tre de celui qui en avait apporté la nouvelle, Épi- qui auraient conseillé cette mesure régnât en maî-
cydes et lui furent abandonnés par leurs soldats, trc sur la ville. »
et revinrent à Syracuse, pensant que c'etait le XXIV. Une mnltilude d'hommes, disposés à
parti le plus sûr dans les circonstances présen- écouter et à croire de tels bruits, affluait à Syra-
tes. Là ne voulant pas être soupçonnés de cher- cuse et y grossissait de jour en jour. Aussi non-
cher l'occasion d'un nouveau mouvement, ils se seulement Épicyde, mais Andranodorus lui-méme,
rendent d'abord auprès des préteurs; puis, con- commençaient à espérer une révolution. Andra-
duits par eux auprès du sénat, ils déclarent «qu'ils nodorus, fatigué, se rend enfin aux conseils de
outété envoyés par Annibal vers Hiéronymecomme sa femme c'était, disait-elle, le moment de s'em-
vers un prince son ami et son allié; qu'ils avaient parer du pouvoir, au milieu du trouble et du dé-
obéi aux ordures du roi en obéissant à leur géné- sordre occasionnés par cette liberté nouvelle,
ral, qu'ils demandaient à retourner vers Annibal maintenant qu'il avait avec lui des soldats nourris
que du reste, comme la route n'était pas sûre à de la solde du roi, et des généraux envoyés par
travers la Sicile, que parcouraient alors en tous Annibal, accoutumés aux soldats et capables de
sens les Romains, ils demandaient une escorte qui l'aider dans sou entreprise. » Il s'associe avec
les conduisit à Locres en Italie; qu'Annibal leur Thémistus, qui avait épousé la fille de Gélon, et
saurait fort bon gré de ce service de peu d'impor- peu de jours après il s'en ouvre imprudemmentà
lance. o Leur demande leur fut facilement ac- un acteur tragique, nommé Arislon confident de
cordée. Les Syracusains, en effet, désiraient voir tous ses autres secrets. Ariston avait de la naissance

mitta prætoribuscreandis habita. Creatus in primis An- ituros.. Facile res impetrata abire enim duces regios,
dranodoius ceteri magna ex parte iuterfectores tyrauni quum perilos militiæ, tum epentes eosdem atque eudaces
duos etiam absentes, Sopntrum ne Dioumenem fecerunt. cupiebaut set, volebant, non, quam maturato
quod
Qui, auditis, quæ Syracusis acta erant, pecuniam re- opus crat, navitcr expediebant. luterimjuveiiesniliures
giam, quæ in Leontmis erat, Syracusas devectam quae- et assueti militibus, nunc apud eos ipsos, mune apud
storibus ad id ipsum creahs tradiderunt; et ea qua- in trausfugas, quormn maxima pars ex navallbus sociis Ro-
Insula erat et Achradiua tradita est; murique ea pars manorum erat, nunc etiam apud infimæ plebis homines,
quag ab cetera urbe nimis firmo munimento intersæ- crimina serebant in senalum optimatesque: a id moliri
piebat lusulam, consensu omnium dejecta est. Secutæ et clam eos atque struere, ut Syracusæ per speciem recon-
ceteræ res banc inclinatiooctn animorum ad hbertatem. ciliatæ societalis iu ditione Romanorumsint; deiu factio
Hippocrates atque Epicydes audita morte tyranni, et pauci auctores fœderis renovati dominentur. »
quam Ilippocrates, etiam nuntin interfecto, celare vo- XXIV. Bis audiendis credeudisque opportuna multi-
lucrat, deserti a militibus, quia id tutissimum ex præ- tudo, major in dies, Syracusas conlluehat; nec Epicydi
sentibus videbalur, Sy racusas rediere. Ubi ne suspecti ob- solum spem novandarum rerum, sad Andr. nodoro etiam
versarentur, tanquain novaudi res aliquam occasionem præbebat. Qui, fcssus tandem uxoris vocibus monen-
quærentes, prxtorcs primmn, deiu per eos seuatum tis, « nunc illud esse tempus occupandi res, duiu tur
adeuut. « Ab Annibale se missos prædicant ad Hierony- bâta omma uova atque incondita hbertate essent, dum
mum, tauquam anucum ac socium. Parusse imperio repiis stipendiis pastus obversaretur miles, dum ab An-
ejus, cujus imperator sous voluerit. Vulle ad Annibalem n baie missi duces, assueti militibus, juvare posseut iuce-
redire. Ceterum, qoum iter tutum non sit, vagantibus pta.. Cum Themisto, cui Gelonis filia nupta, rem con-
passim per totam Siciliam romanis armis, petere, ut snciatam paucos post dies Aristoni cmdam tragico actori,
præsidii dent aliyuid, quo Locros in Italiam perducantur. cui et alia arcana committere assuerat ineaute aperit.
Gratiam magnam eos parva opéra apud Auntbalem in- Huic et genus et fvrtuna bonesta erant. nec ars, quia
et une position houorable, à laquelle ne nuisait le sénat et ses collùgues de prononcer une ha-
point l'exercice de son art cette profession rangue.
n'ayant rien d'avilissant chez les Grecs. Il pensa XXV. Alors, comme s'il accusait Andranodo-
qu'il devait avant tout fidélité à sa patrie, et dé- rus et Thémistus devant un tribunal Sopater
clara tout aux préleurs. Ceux-ci, d'après des in- examinant leur conduite avant la conjm ation, leur
dices certains, voyant que l'affaire est sérieuse, attribua tous les attentats qui avaient été commis
consultent les plus vieux des sénateurs. D'après depuis la mort d*Hiéron. « En effet, que faisait
leur conseil, ayant placé des gardes à la porte de lui-même Hiéronyme enfant, qu'avait-il pu
de la curie, ils font tuer Thémistus et Andra- faire, étant à peine en l'âge de puberté? Ses tu-
nodorus, à l'instant même où ils entraient. A teurs, ses maitres, avaient régué, protégés par
cette action si cruelle en apparence, et dont les la haine qui retombait sur un autre qu'eux. Ils
autres ignoraient le motif, un violent tumulte avaient donc dû périr avant ou tout au moins
s'éleva. Le silence rétahli, les préteurs introdui- avec Hiéronyme. Et pourtant ces hommes, pro-
sent le dénonciateur. Atiston révèle tout le com- mis d'avance à une mort qui leur était due, de-
plot il dit que la conjuration date du mariage puis que le tyran n'était plus, avaient médité de
d'Harmonia, fille de Gélon, avec Thémislus; que nouveaux crimes. D'abord ouvertement, Andra-
les auxiliaires africains et espagnols ont été char- nodorus fermant les portes de l'ile, avait pensé à
gés du meurtre des préteurs et des principaux ci- l'hérédité du trône, et retenu comme maître co
toyens, dont les assassins devaient se partager la dont il n'avait que l'administration. Abandonne
fortune que les mercenaires, accoutumés à obéir ensuite par ceux qui étaient dans l'ile, assiégé par
à Andrauodorus, s'étaient mis en mesure de s'em- tous les citoyens qui occupaient l'Achradine, il
parer une seconde fois de l'île; enfin, il met sous avait en secret et par ruse essayé de s'emparer
les yeux du sénat tout le détail des opérations de d'un pouvoir qu'il avait en vain voulu emporter
chacun et des forces, tant en hommes qu'en armes, ouvertement et à la vue de tous. Les bienfaits
dont les conjurés disposaient. Le sénat pensa que mêmes et les honneurs n'avaient pu le vaincre.
leur mort était aussi juste que celle d'Hiéronyme. En vain, associé aux libérateurs de la patrie, lui,
Devant la curie, dans le vestibule, la multitude, l'ennemi secret de la liberté, il avait été nommé
incertaine de ce qui se passait et div isée d'opinions, préteur. Qui leur avait inspiré à tous deux cette
faisait entendre des cris et des menaces horribles; ambition de régner, si ce n'est d'avoir épousé
mais, à la vue des cadavres des conjurés, elle fut deux filles de rois, l'une, celle d'Hiéron, l'autre,
saisie d'une telle crainte, qu'elle suivit en silence celle de Gélon? » A ces mots, de tous les côtés de
à l'assemblée ceux du peuple qui n'avaient pas l'assemblée on s'écrie qu'aucune d'elles ne doit
trempé dans le complot. Sopater fut chargé par plus vivre, qu'il ne doit plus rester personne de la

nihil tale apud Græcos pudori est, ea deforinabat. Itaque, Sopatro mandatum ab senatu et ab collegis, ut verba
fidem putiorem ratus, quam patriæ debebat, indicium faceret.
ad prætores defert. Qui ubi rem haud vanam esse cer- XXV. Is, tanquam reos ageret, ab ante acta vita or-
tis mdicns compereruat, consultis semoribus, et aucto- sus, qua'cunque post Hieromas mortem sceleste atqne
ritate eurum præsidio ad fores posito, ingresbos curiam impie facla essent, Andrauudorum ac Thenrstum arguit
Themistum atque Audranodurum interfecerunt; et, fecisse.. « Quid enim sua sponte fecisae Hieronymum
quum tumultus ab re in speciem atrociore, causam alus puerum, ac viidum pubebescentem facere potuisse? 'l'u-
ignorantious, ortus esset, silentio taadeui facto, indi- tores ac magistros ejus sub aliena invidia regoasse. Ita-
cem in curiam iutroduieruat. Qui quum ordine omnia que aut ante Hieronymunt, aut certe cum Hieronymo
edocuisset, et principurm conjurationis factum ab Har- perire eos debuisse. At illos debitoa jam moi li destina-
moniæ Gelonis flliaa Duptiis, quibus Themisto juncta es- tosque, alia nova scelera post mortein tyrauni mohtos
set; Alrorum Hispanorituique amiliares instructos ad palain primo, quum clausis Andranodorus Insulæ portis
ca'dem prætorum principumque alioruin; bonaque eo- beredltatem regnl creverit, quæque proeuralor tenuerat,
ruru prædæ futura interfectoribus pronuntiatum; jam pro domino possederit; proditus deinde ab iis, qui in
merceuariorum manum assuetam imperiis Audranudori Insula erant, circumsessus ab universa civilate, quæ
paratam fuisse ad Insulam rursus occupaudam; singula Achradiuam tenuerit, nequicquam palam atque aperte
demde, quae per quosque ageremur, totamque viris ar- petitum regnum clam et dolo affeclire conatus sit, et
misque mscructam conjurationem aute oculos posuissel; ne beneficio quidem atque honore potuerit vinci, quum
senatui quidem tam jure cœsi, quam Hieronymus, vide- inter liberatores patriæ insidiator ipse hbertatis creatus
batur. Aute curiam variæ atque iuceræ rerum multitudi- esset preetor. Sed animos iis regios regias coojuget fe-
ais clamor erat quam, feruciter minitantem in vestibulo cisse, alt ri Hieronis, alteri Gelouis filias nuptas. » Sub
curiae, corpora conjuratorum eo metu compresserunt, bane vocem ex omnibus partibus concionisclawor oritur.
ut silentes mtegram plebem In conctonem sequerentur. uullam earum vivere debere, nec quemquam superess
race des tyrans. 'l'elle est la uature de la multi- mais Heaclea alliait dû être esctave avec tout le
tude, ou bassement esclave, ou tyranuiquemeut pouple. Si quelqu'un allait ai noncer à Zeïpltus
maitresse. La liberté, placée entre ces deux excès, qu'Hiéronyme e,t mort, que Syracuse est lilne,
ils ne savent ni la mépriser ni en jouir avec me- pourrait-on douter qu'il ne s'embarquât aussitôt
ure et il ne manque jamais de complaisants
mi- pour revenir dans sa patrie? 0 combien les espé-
misires (te leur colcre qui poussent au sang et au rances des hommes sont tiompenses! Dans sa
meurtre ces esprits ardents et impétueux du peu patrie devenue libre, sa femme et ses enfants se
pie. On en eut alors un exemple les préteurs pro- débattent pour conserver la vie! Comment pou-
posèrent une loi, et cette loi fut acceptée, pour vaient-elles être un obstacle à la liberté ou aux
ainsi dire, avant d'être promulguée. Elle por- lois? Qui pouvait redouter quoique chose d'elle,
tait que toutela famille ryale serait mise à mort. seule comme elle est, presque veuve, et de deux
Les préteurs envoyèreut égorger Damarataet Har- jeunes filles privées de leur père? Mais peut-être
monia, filles l'une d'iliéron, et t'autre de Gélon, sans causer de craintes, leur sang royal excitait
et femmes d'Andranodorus et de Thémistus. la haine. Dh! qu'alors ou les relègue loin de Sy-
VVVI. Héracléa était fille d'lliéron, et femme racuse et de la Sicile, qu'on les tiansportea à
de Zoïppus. Zoïppus, envoyé en ambassade par Alexandrie, elle auprès de son mari, ses filles au-
Hérouyme auprès du roi l'tolémée, s'était con- près de leur père. » Niais leurs oreilles et leuis
damné à un exil volontaire. lIéracléa, ayant ap- âmes étaient fermées à ces prières, et déjà quel-
appris que les assassins se dirigeaient vers sa de- ques-uns titraient leurs épées pour épargner le
mesure, se réfugia aux pieds de l'autel domesti- temps. Alors, cessant de supplier pourelle-même,
que et des dieux péuates, ayant avec elle ses elle persiste à demander grâce du moins pour
deux lilles, les cheveux épars et dans un état bie n ses filles, dont l'âge fléchirait même des ennemis
prop e à evciter la pitié. Elle y joignit les prières, irrités. « En punissant des tyrans ils ne doivent
au nom de ,on père Hi sron, et de Gélon son frère, pas imiter leurs crimes.» Lesassassius l'arrachent
sipphant les meutriers «de ne point envelop- de l'autel et l'égorgent; puis ils se précipitent
per une femme innocente dans la haine qu'avait sur les jeunes filles couvertes du sang de leur
soulevée Hiéronyme. Qu'au ègne de ce prince elle mère. Egarées pir la douleur et la crainte, et
u'avant gagné que l'exil de son mari; que sa for- comme saisies de démence, elles s'élancent loin de
tuue, pendant la vie d'Hiéronyme, n'avait pas l'autel avec tant de rapidité, que si elles eus-
été la même que celle de sa sœur, et que Hiéro- sent trouvé yuelyue moyen de fuir vers la ville,
nyme une fois mort, sa cause n'était pas non ellis l'eussent remplie de tumulte. Alors m me,
plus la même. Si Andranodorus avait réussi dans dans l'espace si étroit de cette maison au milieu
ses projets, Damarata eût régné avec sou mari; de tant d'hommes armés, elles échappèrent qucl-

pyrannorum stirpis. Hæc Datura multitudinis est; aut v'ro fuerit regnatura; %ibi cum ceteris serviendum. Si
bernt hynbter, aut superbe dominatur libertatem, quis Zoippo nunti t 'uter eclum Hieronymum ac hbe-
quæ meda est, nec spernere modice nec habere sciunt; ratrs Syracuses, cui d rbum esse. quiu extemple con-
et non ferme dosunt irarum indulgentes mmistri, qui scensurus sit navim atque in palria ni rediturus? Quan-
avidos a que intemperantes plebeiorum animos ad san- tum SpIS hominum falli! iu hberata patria
guinem et cædes irritent. Sicut tuni exleuiplo proætores ac liberos de vita dimicare; quid obstanles hberiali, aut
ro rationem promnlgarunt; acceptaque pæne prius, quam legibus ? Qund ab se cui lua Il p arculum, a sola ac pi ope
promulgita, est, ut onmis regia stir s interficeretur: vidua, et puellis in oruitate d gentibus, esse? At emnn
missique a prætorbus Damaratam Hieronis, et Harmo- pericilli quidem nihd ab se timeri mvisam tam nregiam
niam Ge!unis filias, coujuges Acdranodori et Themisti, stirpom esse. Ablegarent ergo procul ab Syr,ieusis Sicr-
tnterfeccrunt. liaque. et aspoitari Alexandriam jubereut, ad virum
XXVI. Hernel a cran filia IIieronis, uxnr Zoippi; qui, uvorem, ad patrem Olias..Aversis auribus animisque,
legatus ab Hieronymu ad regem Ptolemæum missus, vo- casse ne tempus tererctur, ferrurn quosdam expedi vies
luntarium consciverat exsilium. Ea quum ad se qu 'que ceon b ut Tum, omissis pro se precibus, « puellis ut sal-
veniri præscisset, in s crarium ad penat -s onfugit, cum tem parcerent, orare instrtit a lua ætate etpurn hos es
duabus filiabus virgnibus, resolutis crimbus, miser bi- iratos abstinere ne tyrann es uleiseendo, quæ vdissent,
lique alio habim et ad ed addidit preces, nnnc per me- Scelera ipsl imirarentur. » Iuterhæc abstractam a pene-
moriam IImronis p itris, Gelonisque fratries « ne se in- trabilibus jugulant in virg nes deinde, respersas ma-
noxiam invidia Heronymi conflagrare sinerent. nibil se tris eruore, impetum faciunt. Quæ, alieata mente simili
ex regno illius, præter exsilium viri.habire neque for- luctu metuque, velut captæ furure, eo cursu se ex sa-
tunam suam eandem vivo Hieronymo fuisse, quam so- crario proripuerunt, ut, si efugium patuisset in publi-
roris; neque interfecio eo causam eandem esse. Quid ? cum, impleturæ urbem tummltu fuermt. Tum quoque
quod, ti Andrauodoro consiha processissent, illa cum haud magno ædmm spatio, inter merios tilt armatos
que temps sans blessures et s'ariaehèrent aux une trève de dix jours, et,après l'avoir obtenue,
bras vigoureux qui les relenaient et dont elles une seconde ambassade pour travailler au renou-
trompaient l'effort. Enlin, atteintes de plusieurs vellement de l'ancienne alliance. Les Romains
coups, romllissant tout de leur sang, elles tom- avaient alors une flotte de cent vaisseaux a Mur-
bèrent sans vie. Ce meurtre, si deplorable par gantia. Ils voulaient voir ce que deviendraient
lui-même, le devint plus encore par l'arrivée les troubles soulevés à Syracuse par le meurtre
d'un messager qui, peu de temps après, apporta des tyrans, et dans quelle voie le peuple so-
la défense qu'on les immolât, les esprits s'étant rait entraîné par cette liberté si nouvelle, si
bientôt tournés à la compassion. Mais cette com- étrange pour lui. A cette époque même, Appius
passion fit eusuile place à la colère, un supplice avait envoyé à Marcellus, qui arrivait en Sicile,
si promot n'ayaut laissé de temps ni au repentir les députés syracusains. Dlarcellus entendit leurs
ni à uu retour vers des sentiments plus doux. propositions, parce que la paix pouvait se con-
La nwltitmle frémit et demanda que les comi- clure, et envoya lui-même une députation à Sy-
ces fussent reunis pour la nomination des suc- racuse, avec ordre de discuter de vive voix avec
cesseurs d'Amlranndoms et de Tbémistus, qui les préteurs les bases sur lesquelles serait renou-
tous deux avaier t été préteurs. Ces comices ne de- velé l'ancien traité. La ville était déjà luin de
varient pas tourner selon les vues des préteurs en jouir de la même tranquillité. Quand le bruit se
cliarge. répandit que la flotte carthaginoise était en vue
XXVII. Le jour en avait élé lixé. Ce jour-là, de Pachynum, libres de toute crainte, Hippocrate
sans que personne s'y attendît, un liomme placé et Épicyde, tantôt auprès des soldats mercenai-
à l'extrémité de la foule, nomma Épicyde, puis res, tantôt auprès des transfuges, se mirent à se
un autre Ilippocrate. Ces noms se répètent de plaindre que Syracuse était livrée aux Romains.
tou, côtés; l'assentiment de la multitude devaient Or, dès qu'Appius vint slationner avec ses vais-
évident. L'assemblée était composée, non-seu- seaux à l'entrée du port, pour donner du courage
lement du peuple, mais des soldats, et il s'y aux gens du parti contraire, cette vue donna
était aussi mêlé un grand nombre de transfuges, en apparence beaucoup de crédit à des accusa-
qui ne demandaient qu'un bouleversement. Les tions jusque-là sans fondement; et d'ahord to ite la
préleurs dissimulent d'abord et veulent traîner mullitude s'était portée en tumulle pour repous-
l'affaire en longueur. Enfin, vaincus par l'unani- ser les Itomains s'ils essayaient de descendre à
mité des suffrages, et redoutant une sédition ils terre.
proclament le nom des nouveaux préteurs. Ceux- XXVIII. Au milieu de ce trouble, on pensa à
ci ne découvrent pas tout d'abord leurs intentions; convoquer l'assemblée. Les esprits étaient divisés;
toutefois ils étaient mécontents qu'on eût en- une sédition allait éclater peul-êlre lursqu'Apol-
voyé des députes à Ap. Claudius pour demander lonidès, l'un des citoyens les plus considérables

aliqunties integro corpore evaserunt; tenentibusque, ægre feretant, et de indutiis dierum decem Iegatos isse
quum tot ac tam validæ eluctandæ manus essent, sese ad Ap. Claudium, et, impetratis iis, alios, qui de fœd e
eriperunt tandem, vulneribus confectæ qumn omma antiquo renovando agerent, missos. Ad Murgantiam tum
replessent sauguine, exanmes corruerunt; ca'demqne classem navium ceatum Romanus habebat. quonam eva-
per se miserab lem miserabilorem casus lecit, quod paul;o derent motus ci cædibus tyrannorum orti Syracus s
post uunt us vent. umtalis repente ad misericordiam quove eos ageret nova atque insolita hbertas, opperieus.
animis, ne interficerentur. Ira deinde ex misericordia Per eosdern dies qunm ad Marcellum, venient m in Si
orta, quod adeo festmatum ad supplicium neque locus ciham, le g.iti syrarusani missi ab Appio essent, anditis
pœmtendi, aut regressus ab ira rehetus esset. Itaque conditionibus pacis, Marcellus, posse rem convenire ru-
frpmere multitudo, et m locum Andran duri ac Themsti tus, et ipse legatos Syracusas, qui coram cum Prætori-
(nam ambo præores luer.mt) comitia poscere quæ ne- t
bus de renovando fœdere agerent misit. 1 jam ibi ne-
quaquam ex sententia prastorum futura essent. quaquam eadem quies et trauquilltas erat. Postqu un
XXVII. Statutns est comitus die3: quo, necopinantibus punicam classem accessisse Pachvnum allatum est, d in-
omnibus, unus ex ultma turba Epicydem nominavit, pto timore Hippucrates et Epicydes, mille apud merce-
tum mde alius Hippoeratem. Crebriores deinde eæ vo- narios milrtes, nunc apud transfugas, prodi Homano Sy-
ces et com hdud dubio assensu multitudinis esse. Et racusas, criminabantur. Ut vero Appius nnves ad ostium
erat confusa conciu, non populari modo, sed mililari portus, quo aliæ partis hominibus animus arceder'el in
quo pie turba, magna ex parte etiam perfugis, qui omnia station- hab re eœpit, ingens in speciem crimmbus vanis
nvare cupietant, permixtis. Prætores dissimulare accesserat fides ac primo eliam tumultuose decurrerat

nec
primo, et trahenda re esse postremo victi cousensu et muliitudo ad prohibendos, si in terram egr derento r.
sedotionem metuentes, pronuntiant cos prætores. Nce XXVIII. la hac turbatione rerum in concionem vocari
illi primo statim creati nudare quid vcllcnt; quauquam placuit. Ubr quum alii alio procul sedi.
de la ville, prononça le discours suivant, utile au- contre les Romains, ou se décida pour la paix et
tant qu'il se pouvait en de pareilles circonstances il fut résolu qu'on leur enverrait des députés pour
c Jamais, di t-il, aucuneville n'avait vu de plus près conclure le traité.
ou son salut ou sa ruine. En effet, si le peuple en- XXIX. Peu de jours après, des ambassadeurs
tier, d'un consenlement unanime, se prononçait viurenl de Léontium demander des troupes pour
pour les Romains ou pour les Carthaginois,jamais protéger leurs frontières. Cette ambassade parut
aucun état ne se trouverait dans une position plus uu excellent prétexte pour débariasser la ville
heureuse ou plus prospère. Si au contraire il se d'une multitude sans ordre et sans disephne, et
divisait, la guerre ne serait pas plus atroce entre pour en éloigner les chefs. Le prêteur Ilippocrate
les Cai thaginois et les Romains qu'entre les deux reçut ordre d'y conduire les transfuges. Uue foule
partis à Syracuse. Dans les mêmes murs, chaque de mercenaires le suivirent, et formèrent ainsi un
faction allait avoir ses soldats ses armes, ses gé- corps de quatre mille hommes. Cette expédition
néraux. Il fallait donc obteuir à tout prix que fut également agréable à ceux qui parlaient et à
tous les Syracusains fussent d'accord. Décider ceux qui les envoyaient. En effet, les premiers
quelle était das deux alliances la plus utile, c'é- trouvaient l'occasion qu'ils cherchaient depuis
tait une question bien moins grave, bien moins longtemps d'exciter quelque révolution, les au-
importante; quoiqn'il fallût plutôt pour le choix tres se rejouissaient d'avoir, à ce qu'ils croyaient,
des alliés s'en rapporter à l'autorité d'Hiéron qu'à purgé la ville des ordures qui l'infectaient. Du
celle d'Hiéronyme, et que des amis si heureu- reste, ce fut là comme un remède pour un corps
sement éprouvés pensant cinquante ans dussent malade que l'on soulage pour l'instant, mais qui
être préférés à des amis aujourd'hui inconnus, bientôt retombe dans une crise plus dangereuse.
autrefois perfides. Une autre considération d'un Hippocrate, en effet, par des excursions secrètes,
grand ponds, c'est qu'on pouvait rejeter l'alliance ravagea d'abord les frontières de la province ro-
des Carthaginois sans entrer aussitôt en guerre maine ensuite, un jour qu'Appius avait envoyé
avec eux; avec les Romains, il fallait choisir aus- des troupes pour protéger le territoire des alliés,
sitôt ou de la paix ou de la guerre. Moins ce dis- il se précipita avec toutes ses troupes sur ce
couis parut empreint de passion et de partialité, corps qui était campé en face de lui, et en fit un
plus il fit impression. Aux préteurs et à l'élite du grand carnage. A cette nouvelle, Marcellus en-
sénat ou joignit encore uu conseil militaire. Les voya aussitôt à Syracuse des députés chargés
chefs des troupes et ceux des alliés reçurent ordre de déclarer qu'il regardait la paix comme rom-
de prendre part à la délibération. Les discussions pue, qu'il y aurait toujours quelque motif de
furent souvent violeutes; enfin, comme on vit guerre, à moins qu'Hippocrate et Épicyde no
bien qu'il était impossible de soutenir la guerre fussent chassés, non pas seulement de Syracuse,

tione res esset, Appollonidesprincipum unus orationem belli cnm Romanis gerendi ratio nulla apparebat, pacem
salutarem, ut in tali tempore, habuit « Nec spern salu- Geri placuit, rmttique cum iis legatos ad rem couurman-
tis, nec perniciem propiorem unquam civitati ulli fuisse. dam.
Si enim uno animo omnes vel ad Romanos. vel ad Car- XXIX. Dies haud ita mulli intercesserunt, quum et
thaginienses inchnent, nullius eivitatis statum fortunatio- Leontinis legati, praesidium fin bus suis orantes, vene-
rem beatioremve fore. Si alii al o Irahant res, non inter runt quæ legatio peropportuna visa ad multiudinemin-
Pœnos Romanosque bellum atrocius fore, quam inter ip- conditain ac tumultuosam exonerandam ducesque ejus
sos Syracusanos quinm intra eosdem muros pars ntraque ablegandos. Hippocrates prætor ducere eo transfugas pis
suos exercitus, sua arma, suos habitura sit duces. Itaque, sus; secuti multi ex merceuariis auxihis quatuor mllia
ut omnes idem sentiant, summa vi agendum esse; utra armatorum effecerunt. Et mittentibus et missis ea læta
societas bit uhlior, eam longe minorem ac levioris mo- expeditio fuit. Nam et illis, quod jam diu cupiehant, no-
menti consul ationem esse. Sed tamen Hieroois potius, Tandi res occasiodata est; et hi sentinam quandam ur-
quam Hieronymi, auctoritatem sequendam in socüs le- bis rati exhaustam, lætabantur. Ceterum levaverunt modo
gendis, vel quinquaginta annis feliciter expertam amici- in pra'sentia velnt corpus ægrum, quo moi in graviorem
tiam nunc iucognite, quondam infideli, præferendam. morbum recideret. Hippocrales enim finitima provinciæ
Esse e;iam momenti aliquid ad consilium, quod Cartha- romanæ primo furlivis excursiouibus vastare cœpit; de-
giuiensilbus iia pax nagari possit, ut non utique in prie- inde, quum ad tuendos sociorum agros missum ah Appio
sentia bellum cum iis geratur; cum Romanis exlemplo præsidium esset, ommbus copiis impetum in oppositam
aut pacem, aut bellum hahendum. » Quo minus cupi- stationem cum cæde mult orum fe cit. Qux quum essent
ditalis ne studü visa est oratio habere, eo plus aucto- nuntiata Marcello, legatos extemplo Syracusas misit, qui
rinatis b'buil. Adjectum est prætoribus ac delentis se- pacis fidem ruptam esse dicerent; nec belli detuturam
nalorum militare eliam consiliurn jussi et ducesordinnm unquam causam, nisi Hippoerates atque Epicydes non ab
præfectique auxiliorum simul coosulere. Quum sæpe Syracusis modo, sed tola procul Sicilia, ablegareotur.
acta res esset magnis eertaminibus, pobtremo, quia Epicydes, ne aut reus criminis absentis fratris præsensus
mais de la Sicile tout entière. Épicyde, pour ne aide, à condition que quand Léuulium aurait été
pas avoir à supporter, en restant à Syracuse, les soumise, elle retomberaitsous le pouvoir de Syra-
griefs qui pesaient sur son fière absent, ou bien cuse, d'après les conditions mêmes du traité.
oe voulant pas manquer pour sa part à exciter la XXX. Marcellus, avec toute son armée, partit
guerre, parlit lui-même pour Léontium. Voyant pour Léontium.. Il appela même auprès de lui
alors les Léontins fort animés contre Rome il es- Appius, pour qu'il attaquât la ville d'un autl
saya aussi d'amener une rupture entre eux et Sy- côté; et les soldats, il rites par le souvenir de
racuse. Il disait que« Syracuse avait conclu la paix leurs camarades égorgés pendant que l'on trai-
avec Home, à condition que tous les peuples qui taist pour la paix, marchèrent avec tant d'ardeur
avaient fait partie du royaume restassent sous sa qu'au premier assaut la ville fut enlevée. Hippo-
domination; que, non contente d'être libre elle- crate et Épicyde, voyant les murs pris et les por-
mêmes, elle voulait aussi régner et dominer sur les tes brisées, se retirèrent avec quelques hommes
autres. Il fallait donc lui annoncer que les Léon- dans la citadelle, et, la nuit venue, ils se réfugiè-
tms aussi prétendaient être libres, leur ville rent en secret à Herbessus. Les Syracusains, au
étant celle où le tyran était mort, où la liberté nombre de huit mille hommes, étaient partis de
avait été proclamée pour la première fois, et où leur ville, lorsque auprès du fleuve Myla ils ren-
l'on avait abandonné les chefs de l'armée royale contrèrent un homme qui leur annonça la prise
pour courir à Syracuse. Il fallait donc ou effa- de Léontium. Cet homme, mêlant des mensonges
cer cet article du traité, ou ne pas accepter le à la vérité, dit qu'on avait massacré indistincte-
traité. » La multitude se laissa facilement per- ment les soldats et les citoyens, et qu'il n'y devait
suader, et, lorsque les ambassadeurs des Syracu- pas rester, à son compte, un seul homme au-dessus
sains vinrent se plaindre du massacre des troupes de l'âge de puberté. La ville avait été pillée, les
romaines, et ordonner qu'Hippocrate et Épicy- biens des riches donnés aux soldats. A cet horri-
de fussent envoyés à Locres, ou partout où ils ble récit, l'armée s'arrêta; au milieu de l'irrita-
l'aimeraient mieux, pourvu qu'ils quittassent la tion générale, les généraux Sosis et Dinomène se
Sicile, on Ieur répondit avec orgueil « que Léon- consultaient sur le parti qu'ils avaient à prendre.
tium n'avait pas chargé Syracuse de conclure Ce qui donnait à ce mensongeune apparence d'ef-
pour elle la paix avec les Romains, et qu'elle n'é- frayante vérité, c'est que deux mille transfuges à
tait pas liée par une alliance à laquelle elle n'avait peu près avaient été battus do verges et frappés
point prispart. » Les Syracusains rapportèrent aux de la hache. Du reste, pas un seul Léontin, pas
romains cette réponse, ajoutant « que Léontium un soldat n'avait eu à souffrir de violences une
no dépendait pas d'eux que les Romains, sans fois la ville prise, et on leur rendait tous leurs
porter atteinte au traité, pouvaient donc lui faire biens, excepté ce qui avait été pris dans le tu-
la guerre et qu eux-mêmes leur viendraient en multe inséparable d'une prise d'assaut. Il fut im-

esset, out deesçet pro parte sua concitando bello, profec- tem redacti suæ rursus ditionis essent, sicnt pax conve-
lus et ipse in Leontruos, quia satis eos adversus populum nisset. »
romauum concutatos cernebat, avertere etiam ah Syracu- XXX. Marcellus cum omni exercitu profectus in Leon-
sis cœpit. Nam ita eos pacem pepigisse cum Romanis, linos, Appio quoque accito, ut altera parte aggredere-
ut, quiconque populi sub regibus fuissent, et suæ ditionis tur, tanto ardore mil tum est usus ab ira inter conditio-
essent; nec jam hbertale contentos esse, nisi eliam re- ues pacis mterfrcta: statiouis ut primo impetu urbem
gnent ac domineutur.Renumiandum igi.ur iis esse, Leon- expuguarent. Hippocrates atque Epicydes, postquam
vnos quoque æquum censere libcros esse; vel quod in capi muros refringique portas videre, in arcem sese cum
solo urbis suae tyranous ceciderit, vel quod ibi primum paucis recepere. Inde clam nocte Herbessum perfugiuot.
conclamatum ad libertatem, relictisque regiis ducibus Syracusanls, octo millium armatorum agmioe profectis
Syracusas sit concursum. Itaque aut eximendum id de domo, ad Mylam flumen nuotius occurrit, captam urbem
frpdere esse aut legem eam fœderis non accipiendam. esse; cetera falsa mmta veris ferens cadem promiscuam
Facile multimdmi persuasnm legatisque Syracusano- militum atque oppidanorum factam nec quemquarn pu-
rum, et de csde stationis romanæ querentibus, et Hip- berem arbitrari superesse direptam urbem; bona locu-
pocratem atque Epicydem abire seu Lncros, seu quo pletium douata. Ad nuntium tam atrocem constitit ag-
alio mallent, dummodo Sieilia cederent, juhentihus, fe- men concitatisque omnibus, duces (erautautem Sosis
rociter responsum est « Neque mandasse sese Syracu- ac Dinomenes), quid agerent, consultabant. Terroris
sams, ut pacem pro se cum Romanis facerent neque speciem haud vanam mendacio præbuerant verberati ao
tenerr altenis fœderibus.»Hæc ad Romanos Syracusani securi percussi transfugæ ad duo millia bominum. Cete-
detulerunt, abnuentes, « Leontinos in sua potestate esse. rum Leontinorum mihtumque aliorum nemo, post ca-
Itaque integro secum fœdere hellum Romanos cum üs ptam urbem violatus fuerat suaque omnia iis niai
gesturos. Neque scse defuturos ei bello; ita ut in potesta- quae primus tumultus captæ urbis absumpserat restitue-
possible de déterminer l'armée syracusaine à aller sains, qui bientôt les remettraient aux Romains,
jusqu'à Léonlium. Ils se plaignaient hautement pour être massacrés. »
de ce qu'on cût envoyé leurs compagnons d'armes XXXI. Tons leur client « d'avoir borne espé-
à une boucherie, et se refusèrent môme à faire rance, et qu'eux-mêmes ils s'associeront à leursort
batte pour attendre des nouvelles plus certai- quel qu il soit.» Pendant cetteentrevue, les ensei-
nes. Les préteurs voyant les esprits tournés à la gnes s s'étant arrêtées, la marche se trouvait ainsi
révolte, mais pensant que ce mouvement serait suspendue, et les chefs ne savaient pas encore les
de courte durée s'ils en faisaient disparaître les motifsdeceretard. Dès que le bruit se fut répandu
chefs, conduisent l'armée à Mégare. Eux-mê- qu'Hippocrateet Épicyde étaient là, la nouvelle de
mes, avec quelques cavaliers, ils partent pour leur arrivée fut reçue dans tous les rangs avec un
Herbessus dans l'espérance qu'au wilieu de la frémissement bien évident de plaisir. Aussitôt les
terreur générale ils pourraient s'emparer par préteurs poussent leurs chevaux à l'avant-garde.
trahison de la ville. Ils n'y réussirent pas, et se Ils demandent « quelle est cette conduite, celle
décidèrent alors à agir par la force. Le lendemain licence des Crétois de parlementer avec les eune-
ils quittèrent Mégare et vinrent, avec toutes leurs mis et de les admettre dans leurs rangs sans en
troupes, assiéger Herbessus. Hippocrate et Épi- avoir reçu l'ordre des préteurs. » Ils ordonnent
cyde étaient sans ressources; ils sentirent qu'ils qu'on se saisisse d'Hippocrate et qu'on le charge
n'avaient plus qu'uu parti à prendre, dangereux de, chaînes. A ces mots, les Crétois poussent
en apparence, mais le seul qui leur restât, celui les premiers et le reste de l'armée répète un si
de se livrer aux soldats accoutumés en grande grand cri, que les préteurs comprirent qu'il leir
partie à eux, et que le bruit du massacre de leuis faudrait craindre pour eux-mêmes s'ils insis-
compagnons avait enflammés de fureur; ils vont taie nt. Inquets, incertains, ils ordonnent le re-
donc au-devantde l'armée. l'ar hasard à l'avant- tour à Mégare, d'où ils venaient de partir, et ils
garde se trouvaient six cents Crétois qui avaient font porter à Syracuse la nouvelle de cet événe-
servi sous eux auprès d'Hiéronyne, et qui de plus ment. Hippoerate, par u mensonge, sou'ève en-
devaient de la recounaissauce à Annibal, puurles core les esprits ouverts à tous les soupçons. Il en-
avoir renvoyés libres apres les avoir faits prison- voie quelques Cretois se poster sur le chemin, et
niers auprès de Trasimène parmi les autres troupes feignant ensuite d'avoir, grâce à eux, intercepté
auxiliaires de Rome. Dès qu'à leurs enseignes et une lettre qu'il avait composée lui-même, il la lit
à leurs armes Hippocrate et Épicyde les ont re- publiquement. Après le salut d'usage, « des pré-
connus, ils se présentant à eux avec des rameaux teurs de Syiacuse au consul Marcellus, » ils écri-
d'olivier et l'evtérreur ordinaire des suppliants; vaient « Qu'il avait eu bien raison de n'épar-
ils les prient « de les recevoir, de les prendre sous guer aucun des Léontins, maisque tous les soldais
leur proteclion, de ne point les livrer aux Syracu- mercenaires étaient dans lamême position, et que

bantur. Nec ut Leontinos irent, proditosad cædem com- XXXI. « Enimvero, couclamaut, bonum ut animnm
mlitones querentes perpelli pntuere, nec ut eon em loco babereut omnem se cum illis fortunam subituros. » Inter
certiorem nuutium exspectarent. Quum ad deleclionem bue cullquiumsigua constilerant,tenebaturque agmen
inclinatos animos ceroerent prætores. sed eum motum necdum, quæ moræ causa foret, pervenerat ad duces.
haud diu,urnum tore, si duces amentiæ suldali essent, Postquam Hippocratem atque Ep cydem adesse pervasit
exercitum ducunt Megaram ipsi cnm paucis equitibus rumur, tremiusque toto aginiue erat haud dubie apparo-
Herbessum proliciscuntur, spe, territs omnibus, per bauUum adveutuiu eurum; extemplo prætores citatis
prodit ouem urbis potiundæ. Quod ubi frustra iis fuit in- equis ad prima signa perrexerunt. «Qui mos ille, quæ
ceptum, vi agendum rati, postero die Megaris castra liceutia Creteusium esset, rogitantes, colloquia screndi
mot eut, ut iierbessum ornnibus copiis oppugnarent. cum boste, iujussuque pra'torum misceudi eos agmini
Hippocrates et Epieydes, non tain tutum prima speci et suo? » Comprehendi injicique cdtenas jusserunt Rippo-
quam unum, spe undique abscisa consilmm esse ratt, crali. Ad yuam vocem tantus exlemplo primum a Creten-
ut se militibus permitterent, et assuetis magna ex parte sibus clamor est ortus, deinde excpeptus ab aliis, ut facile,
sibt. et tum lama ca'dis conmditonum accensis, obviam si ultra tenderent, appareret, iis timendum esse. S llicuti
agmiui pmcedunt. Prima forte signa sexcentorum Cre- incerlique rerum suarum Megaram, uudr profecti crant,
teusmm eraut, qu apud Hieronymum meruerant sub lis, relerri signa Jubeut, nuutiosuue destatu præsents hyracu-
et Annibalis bencficium habebant. capti ad Trasimeuum sas mittunt. Fraudein quoque Hippocrales sddit, incli-
iuter Romanos um auxilia, dimissique. Quos ubi er signis natis ad omnem suspicmnem auimis et, Cretensium
armorumque habiiu cognovere Hippocrates atque Epi- quibusdatu ad itinera insidenda miasis, velut interceptas
cydes, ramos oleæ ac velamenta alia suppheum porri- hieras, qius ipse composuerat, récitât u Praetores Sy-
geutes orare ut reeuoerebt sese, receptosque tulareu- racusani consuli Marcello. » Secundum salutem, ut as-
tur, neu pruderent Syracusjuis, a quibus mot ipsi truci- solet, scrtptum erat « Recte eum atque ordine fecisse,
dandi populo romano dederentur. » quod m Lcoutmuis nulli pepercisset. Sed omnium merce.
Sy ractw ne serait jamais tranquille tant qu'il y au- Romains s'étaient heureusement montrées à nu
rait à la ville ou dans l'armée quelques tro ipes à Léonlium; que leur conduite serait la même, et
étrangeres. Qu'ils le priaient doi c de s'emparer plus horrible encore, s'ils entraient Syracuse,
de ceux qui, avne leurs préteurs,étaient campés à car leur avarice N trouverait une plus riche proie. »
Mégare, el par leur supplice de délivrer enfin Sy- Il fut décidé à l'unanimité qu'on fermerait les
racuse.AA la lecture de cette lettre on courut aux portes, et qu'on pourvoirait a la défense de la
armes en poussant de telles clameurs, qu'au milieu ville. Tous les Sy racusaius étaient entrainés par la
du tumulte les préteurs, remplis d'effroi, rega- crainte et par la haine, mais non pas tous contre
gnèrent à cheval Syracuse. Leur fuite même ne les mêmes hommes. Tous les soldats et une grande
mit pas fin à la révulte. Déjà l'on se précipitait suer partie du peuple avaient en horreur le nom ro-
les soldals Syaeusais, et il n'en fût pas reste un main les préteurs et quelques-uns des grauds,
seul si Épieyde et Hippoerate ne se fussent oppo- quoique remplis de colere à celle fausse nou-
sés à la colère de la multitude, non pas par com- velle, pens,icnt plutôt à se mettre en garde con-
passion ou pnr un sentiment d'humanité, mais tre un péril plus proche, plus imminent. Déjà
parce qu'ils voulaient se ménager quelque espoir Hippoerate et Épieyde étaient devant l'Hevapyle;
de retour. Ils s'attachaient les soldats tout eu les ceux du peuple qui étaient dans l'armée enga-
gardant comme otages; par un si grand bienfait, geaient des entretiens avec leurs parents, les
et comme par les gageas qu'ils retenaient auprès priant de leur ouvrir les portes et de leur per-
d'eux, ils s'assuraient la reconnaissancede leurs mettre de défendre leur commune patrie contre
parents et de leurs amis. Mais ils avaient, eux les attaques des Romains, Une porte de l'Hexapyle
aussi, éplouvé combien est vaine et changeante au leur avait été ouveite, et dtjà on les recevait,
moindre souffle la faveur de la multitude. Ayant lorsque surviennent les préteurs; d'abord i s cher-
donc par Irasard trouvé un des soldais de la garni- chent à arrêter le peuple par des ordres et des
son qui alait defpndu Léontium, i's le subornent, menaces, puis, mais il itdement, lar l'ascendant
et le cliai gent de porler à Syracuse des nouvelles et e employan les conseils al s, oubliant la
qui s'accordent avec le faux récit fait auprès du majesté de leur rang, ils supplient la foule de
fleuve Myla, afin que se présentant cnmme té- ne pas livrer la patiie à des misérable naguère
moin, et déclaraut avoir vu ce qui était douteux, satellites du tyran, aujum d'hui coriupteats de
il excitât la colère dans tous les coeurs. l'armée. Mais la multitude irritée restait sourde
XXXII. Ce ne fut pas seulement le peuple qui y à toutes leurs paroles; tous, au dedans comme au
ajouta foi introduit auprès du sénat, cet homme dehors, mettaieot une égale ardeur à briser les poi-
émut tous les esprits. Des personnesgravesallaient tes. Les portes brisées, toute l'armée fut reçue
répétant hautement c que l'avidité et la cruauté des djns l'Hexapyle. Les préteurs se religient dans

uariorum militum eandem esse eau. am, nec unquam Sy- quidam humines palam ferre, perhene detectam in
racusas quit turas, douec quicquam exteruorum auxilo- Leontinis esse avart am et cru e itatem Re man rum.
rum, aut in urhe, aut in exercitu suo, esset. Itaque Eadem, si intrassrant Syracusas, aut lœdior ctiam, que
daret op 'ram, ut eos qui cum suis prætoribuscastra ad Il ajus ibi avaritiæ præminm esset, fic uros fuisse. » Ita-
Megaram haberent, in suam poteàtatem redigeret, ac que claudcudas ccuncto portas, et cuslnd eniam urbe m cen-
supphciu eorum liberaret tandem Syracusas. » Hæc sere. S d non ab risdem omnes timere, nec eosdemo isse
quum reciati essent, eum tanto clamore ad arma discur- ad mililare Renus omne p rlemque magnam plebis iwi
sum est, ut prxtores mter tnmulum pavidi ahequitave- sum esse nomen romanum. Prætires optmatumque
rtot Syracusas. Et ne lut;a quidem eorum sediuo com- pauci, quanq iain mflammati vano muntio erant, t men
pressa est, impetusque in Syracu'auos milites fiebant ad propius prasentius ue malum cautiores ·s esse. Et am
uec ah ullo temperatum foret, m Epicydes atque Hippo- ad Hexapylum erant Hppocrates atque Epteydes: etc-
crates iræ multitudmis obviam issent non a miserieor banturque colloquia per propinquos popularium, qui in
dia ant humano consilio, sed ne spem re ditus præcide- exercitu erant, ut portas aperiremt, sinerentque comann
ront silii, et quum ipsus simul milites fidos haberent, si- nem patriam def udi ah impet Romanormn. J im, unis
mul obsides; tu Il cogna os quo que eorum atque amicos foribus Hevapyli aptitis, cœ oti er Il rec pi, quum piæ
taulo merato primum, d in pignore sibiconciliarent; ex- tores intervenerunt. Et pri no mperio minis que, deinde
p'rtique, quam vana ml levi aura mobile vulgus esset, auetoritate, deter re ndo. postremo,ut omnia v; na erant,
mnlnem nleti ex eo n mero, qui in Leontinis cireumsessi ol liti ma estatis precibus agebant, ne prpderemt patriam
t
erant suborna it, ut Syr icasas per fenet nunt um con- tyranui ante satell bis, et tum corru toribus exercitus.
a
vemen em lis, quæ ad Mylam falso ounti ita erant; aucto- bed surdæ 1 htec omaia aures coneitatæ mulutudiois
rem que se evh bendo, ac velut visa, quæ dubia erant, erant, nec minore intil, vi quam foris, l'or æ efrringe-
Ir
narianto, conci aret homaum. bintur effractisque ommbus, to um Hexapylo agmen
XXXII. Huie no n apud vulgum mo lo fides fuit, s d receptum est. Prm ores in Achradinam cnm Juventute
scnatnm qu lue n cui iam intra luctus movit. Ilaud va si populaiium c mfugiunt. mercenaitimnhtes perfug que.
l'Achradine avec la jeunesse de Syracuse les sol- Home ne resterait pas sans vengeance; qu'ains
dats mercenaires, les transfugeset tout ce qui res- donc si ceux qui s'étaient réfugiés au camp ro-
tait à Syracuse de l'armée royale viennentgrossir main pouvaient rentrer en toute sûreté dans leur
la masse des ennemis. L'Achradiue fut empor- patrie, si les auteurs du massacre étaient livrés,
tée à la première attaque, et tous les preteurs si l'on rendait à Syracuse et sa liberté et ses luis,
furent mis à mort, excepté ceux qui s'étaient en- il n'y avait pas lieu de prendre les armes; mais
fuis au milieu du tumulte. La nuit mit fin au que si ces propositions étaient repoussées, Ics Ro-
massacre. Le jour suivant les esclaves sont affran- mams poursuivraient par les armes qui que ce fût
chis, les prisonniers délivrés. Cette multitude qui s'y opposirait. » A cela Épicyde répondit que
confuse nomme préteurs Hippocate et I:picyde, si les députés avaient eu quoique mission pour
et Syracuse, après avoir un instant vu briller Hippocrate et pour lui, ils auraient reçu une ré-
la liberté, retombe dans son antique servi- ponse, mais qu'à présent ils n'avaient qu'à reve-
tude. nir, quand ceux-là auxquels ils s'adressaient se-
XYYIII. A cette nouvelle, les Romains quittent raient maîtres de Syracuse. Que si les Romains
Léoutium et marchent sur Syracuse. Une am- attaquaient la ville, l'événement leur ferait com-
bassade envoyée par Appius arrivait alors par prendre qu'il était bien différent d'assiéger Syra-
mer sur une quincluérème; une quadrirème dé- cuse ou Léontium. » Puis il quitta les députés et
tachée en avant s'engagea dans le port et fut ferma les portes. Dès lors le siège de Syracuse fuit
prise. Les députés échappèrent avec peine. Ce commencé par terre et par mer, par terre du côté
n'étaient donc pas seulement les droits de la paix, de l'Hexapyle, par mer du côté de l'Acbradine,
mais même ceux de la guerre qu'on venait de dont les murs sont baignés par les flots. La ter-
méconnaître. Dès lors l'armée romaine vint cam- reur ayant, au premier assaut, livré Léoulium aux
perprèsd'Olympium (c'est un temple de Jupiter), Romains, ils espéraient bien pénétrer sur quel-
à quinze cents pas de la ville d'où il fut encore ré- que point dans une ville si vaste et coupée par
solu qu'on enverrait des députés. Pour qu'ils n'en- de grands intervalles. Ils amenèrent donc sous
trassent pas dans la ville, Ilippocrate et Épicyde les murs tout le matériel employé dans les sié-
vinrent hors des portes à leur rencontre. Le député ges.
qui prit la parole déclara qu'ils n'apportaient pas XXXIV. Le succès n'eûtpas manque à une attaque
la guerre aux Syracusains, mais bien aide et pro- menée avec tant de vigueur, sans la présence d'un
leclion à ceux qui, échappés du massacre, étaient seul homme, que possédait alors Syracuse; c'était
venus leur demander asile, et à ceux aussi qui, Archimède, homme sans rival dans l'art d'observer
comprimés par la crainte, supportaient un escla- les cieux et les astres, mais plus merveilleux en-
vage plus horrible que l'exil, plus horrible que la core par son habileté à inventer, à construire des
mort même; que le meurtre infâme des alliés de machines de guerre, à l'aide desquelles, par un lé-

et quidquid regiorum militum Syracusis erat, agmen morte, servitutem patiantur. Nec cædem nefandam so-
hostium augent. Ita Achradma quoque primo impetu ca- ciorum inultam Romanos passuros. Itaque si iis, qui ad
pitur, praetorumquc,nisi qui ioter tumultumeflugerunt, se perfugerint, tutus in patriam reditus pateret, ra'dis
omnes iaterficiuutur. Nox cædibus finem fecit. Postero auctores dedaotur, et liberlas legesque Syracusanis re-
die servi ad pileum vocati et carcere vincti emissi con- stituantur, nihil armis opus esse. Si ea non fiant, qui-
fusaque hæc omnis multitudo llippocratem atque Epicy- cunque in mora sit, bello persecuturos. s Ad ea Epicy-
dem creant prætores Syracuædue,quum brève tempus des. « Si qua ai se mandata haberent, respunsum iis,
libertac affulsisset, in autiquam servitutem reciderunt. ait, se daturos fuisse quum in eorum, ad quos venerint,
XXXIII. Hæc nuntiata quum essent Romanis, ex manu res syracusana esset, lum reverterentur. Si bello
Leontiuis mota sunt extemplo castra ad Syracusas. Et ab lacessant, ipsa re intellecturos, nequaquam idem esse
Appio legati per portum missi forte in quinqueremierant. Syracusas ac Leontinos oppugnare.. Ita legaiis relictis,
Præmissa quadriremis, quum imrasset fauces portus, portas clausit. Inde terra marique simul cœplæ oppu-
capitur legati ægre effugerunt. Et jam non modo pacis, gnari Syracusae terra ab Hexapilo, mari ab Achradiua,
sed ne belli quidem jura relicla erant quum romanus cujus murus fluctu alluitur. Et, quia s cut Leontinos ter
exercitus ad Olympium (Jovis id templum est), mille et rore ac primo impelu ceperant, non diftidebant vastam
quing nlis passibus ab urbe castra posuit. Inde .luo lue disjectamque spatio urhem parte aliqua se invasuros,
legatos præmitti plaruit; quibus, ne intrarent urbem, omnem apparatum oppuguandarum urbium muris ad-
extra portam Hippocrates atque Epicydes obviam cum moverunt.
suis procesveruot. Romanus orator Non bellum se Syra- XXXIV. Et habuisset tanto impetu cœpta res fortu-
rusanis, sed opem auxiliumque afferre, ait, et iis, qui, nam nisi unus homo Syracusis ea tempestate fuisset.
ex media cæde elapsi, perfugerentad se, et iis, qui, a Archimedes is erat, uuicus spectator cœli siderumque,
metu oppressi, fœdrorem, non eisilio solum, sed etiam mirabnior tamen mventor ac macbiuator bellicorum tor-
gcr effort, il se jouait des ouvrages que l'ennemi jusqu'en bas d'Ouvertures à peu près de la hauteur
avait tant de peine à faire agir. Les murs s'éten- d'une coudée, et à l'aide de ces ouvertures, tout
daient sur des collines inégales en hauteur; le ter- en restant à couvert eux-mêmes, ils attaquaient
rain était presque partout fort élevé et d'un abord l'ennemi à coups de flèches et de scorpions de mé-
difGcile; mais il se rencontrait aussi quelques diocre grandeur. Si quelques vaisseaux s'appro-
vallées plus basses et dont la surface plane offrait chaient pour être en deçà du jet des machines, un
un accès facile. Selon la nature des lieux, Archi- levier, établi au-dessus du mur, lançait sur la
mède foi tifia ce mur par toute espèce d'ouvra- proue de ces vaisseaux une main de fer attachée
ges. Marcellus, avec ses quinquérèmes, atta- à une forle chaine. Un énorme contrepoids en
quait le mur do l'Achradine, baigné, comme plomb ramenait en arrière la main de fer qui, en-
nous l'avons déjà dit, par la mer. Du haut des levant ainsi la proue, suspendait le vaisseau droit
autres vaisseaux, les archers, les frondeurs et sur la poupe; puis par une secousse subite le reje-
même les vélites, dont les traits ne peuvent être tait de telle sorte, qu'il pataissait tomber du mur.
renvoyés par ceux qui n'en connaissent pas l'u- Le vaisseau, à la grande épouvante des matelots,
sage, ne permetlaientàpersonne, pour ainsi dire, frappait l'onde avec tant de force que les flots y
de séjourner impunément sur le mur. Comme il entraient toujours même quand il retombait droit.
faut de l'espace pour lancer ces traits, ces vais- Ainsi fut déjouée l'attaque du côté de la mer, et
seaux étaient assez éloignés des murailles. Aux les Romains réunirent toutes leurs forces pour as-
quinquërèmes étaient attachés deux par deux siéger la ville par terre. Mais de ce côté encore
d'autres vaisseaux dont on avait enlevé les rangs elle était fortifiée par toute espèce de machines,
de rames de l'intérieur afin de les attacher bord grâce aux soins, aux dépenses d'Hiéron pendant de
à bord. Ces appareils étaient couduits comme des longues années, grâce surtout à l'art merveilleux
vaisseaux ordinaires par les rangs de rames de d'Archimède. Et ici la nature était venue à son
l'extérieur; ils portaient des tours à plusieurs aide, car le roc qui supporte les fondements du
étages et d'autres machines destinées à battre mur est, sur une grande étendue, tellement dis-
les murailles. A ces bâtiments ainsi préparés, posé en pente, que non-seulement les corps lancés
Archimède opposa sur les remparts des machines par les machines, mais même ceux qui ne rou-
de différentes grandeurs. Sur les vaisseaux qui laient que par leur propre poids, retombaient avec
élaient éloignés, il lançait des pierres d'un poids violence sur l'ennemi. Par la mëme raison, il
énorme; ceux qui étaient plus proches, il les atta- était bien difficile de gravir cette côte et d'y assu-
quait avec des projectiles plus légers, et par con- rer sa marche. Marcellus tint un conseil où il fut
séquent lancés en plus grand nombre. Enfin, pour décidé que, toutes ses tentatives d'attaque étant
que les siens pussent sans être blessés accabler les déjouées, le siège serait suspendu, et la ville seu-
ennemis de traits, il perça le mur depuis le haut lement bloquée de manière à ce qu'on ne pût

mentnrum operumque, quibus ea, quæ hostes ingenti per quoe caba pars sagittis pars scorpionibus modinis ex
mole aKerent, ipse perlevi momento ludificaretur.Mu- occulto petebaut hostem. Quæ propius qumdam subibant
rum per inæquales duclum colles ( pleraqne alta et diffi- nayes, quo inter iores iclibus tormentorum essent, in cas
cilia aditu, summissa quædam, et qux planis valhbus tollenone super murum eminente ferrea maous firmæ ca-
ut
ndfri possent), cuique aptum visum est loco, ita omni tenæ illigata quam injecta prorae esset, gravi librameuto
plumbi recellente ad solum, suspensa prora, navim in
génère tormentorum instruxit. Achradinæ murum, qui,
ut ante dietum est, mari allmtur, es quinquerembus puppim statuebat dein remissa suhito velut ex muro
Marcellusoppugnabat. Ex ceteris navibus sagittarii fnn- cadentem navim cum ingenii trepidatione nautarum ita
ditoresqu, et velites etiam, quorum telum iuhibile ad uudx affligebat, ut, etiamsi recta reciderat, aliquantum
remittendum unperitis est, vii que uquam sine vulaere aquæ accipcrct. Ita maritima oppugnatio est elusa, om-
coabistere in muro patiebautur. Hi quia spatio missih- nisque vis est eo versa ut totis viritms terra aggrede-
bus opns est, procul muro tenebant naves. Junclæ alim rentur. Sed ea quoque pars eodem omni appardlu tor-
binæ ad quinqueremes, demptis interioribus remis, ut mentorum instructa erat Hierouis impensis curaque per
latus lateri applic· retur, qnum exteriore ordine remorum multos annos, Archimedis un ca arte. Natura etiam juva-
velut una navis agerentur, turres contabulatas machi- bat loci, quod saxum, cui imposita muri fundamenta
namentaque alia quatiendis muiis portabant. Adversus sunt, magna ex parte ita proclive est, ut non solum
hune navalem apparatum Archimedes variæ maguitudi- missa tormento, sed eliam quæ pondere suo provoluta
nis tormeuta in mûris disposuit. In eas qua; procul essent, graviter in hostem inciderent. Eadem causa ad
erant, naves saxa ingenti pondere emittebat: propiores subeundum arduum aditum mstabilemque ingreseum
levioribus, eoque magis crebris, petebat telis postremo, præbebat. Ita consilio habito, quum omnis conatus lu-
ut sui vulnerc intacti tela in hostem ingererent, murum dibrio esset, absis ere oppugnatiune, aL;ue obsidendo
ab imo ad summum crebris cubilalibus fere cal is aperuit; tantum arcere terra marique connneatibushostem placuit.
y recevoir aucun convoi par terre ni par mer. titla nuit traversant les intervalles qui séparaienl
XXXV. Pendant ce temps-là Marcellus, avec le les postes romains, et avec dix mille fantassins et
tiers à peu près de son armée, partit pour aller cinq cents cavaliers, il alla camper près de la ville
reprendre les villes qui, au milieu des troubles, d'Acrilla. Il fut surpris dans ses travaux de re-
avaient passé aux Carthaginois. Hélorus et Her- tranchement par Marcellus, lequel revenait d'A-
bcssus se rendirent d'elles-mêmes. Il prit d'assaut grigente, où, malgré ses efforts et la rapidité de
Dlégare, la détruisit et l'abandonna, aGn d'effrayer sa marche, il avait trouvé l'ennemi déjà établi.
les autres et surtout les Syracusains. Au même Marcellus était bien loin de s'attendre à rencon-
instant à peu près Himilcon, qui avait tenu long- trer en face de lui, dans ce lieu et dans ces cir-
temps sa flotte en vue du promontoire de Pachy- constances, une armée de Syracusains. Toutefois,
num, débarqua à Héracléa, appelée aussi Minoa, par crainte d'Himilcon et des Carthaginois, dont
avec vingt-sept mille fantassins, trois mille cava- l'armée était bien plus considérable que la sienne,
liers et douze éléphants. Il s'en fallait bien qu'il il se tenait le plus possible sur Ses gardes, et s'a-
eût d'abord amant de troupes quand il tenait la vançait avec ses troupes préparées à tout événe-
mer en face du promontoire; mais lorsqu'Hlippo- ment.
crate se fut emparé de Syracuse, il était parti pour XXXVI. Le hasard fit que ces précautions pri-
Carthaôe, et là, aidé par les députés d'Hippocrate ses contre les Carthaginoisservissent contre les Si-
et par les lettres d'Aunibal, qui déclarait que l'in- ciliens. Marcellus les trouva tout en désordre,dis-
stant était venu de reconquérir glorieusement la persés, la plupartsansarmes, occupés à établir leur
Sicile, lui-même, donnant par sa présence du camp. 11 enveloppa l'infanterie. La cavalerie, après
poids à cet avis, il avait facilement obtenu que un léger enragement, s'enfuit à Acre avec Hippo-
l'on fit passer en Sicile autant que l'on put d'in- crate. Ce combat contint ceux des Siciliens qui
fanterie et de cavalerie. Arrivé à Héiacléa, il pensaient à se séparer de Rome. hlarcellus revint
reprit peu de jours après Agrigente. Les autres à Syracuse. Peu de jours après, Himilcon,auquel
villes qui étaient du parti des Carthaginois re- s'était joint Aippocrate, vint camper sur le fleuve
prirent tant d'espoir de chasser les Romains de Anapus à huit mille de là environ. Vers ce temps à
la Sicile, que le courage même des assiégés de Sy- peu près, cinquante-cinq vaisseauxlongs, comman-
racuse en fut ranimé. Persuadés qu'ils auraient dés par Bomilcar, chef de la flotle carthaginoise,
assez d'une partie de leurs troupes pour défendre entrèrent de la haute mer dans le grand portde Sy-
la ville, ils se partagèrent la conduite des opéra- racuse, et de son côté la flotte romaine, composée
tions. Épicyde devait rester et garder la ville, et de trente quinquérènèes, débarqua à Panormus la
Hippocrate se joindre à Himilcon et ouvrir avec première légion; on eût pu croire que la guerre
lui la campagne contre le consul. Hippocrate l'ar- avait été transportée de l'Italie en Sicile, tant les

XXXV. Intérim Marcellus, cum tertia fere parte exer- versus consulem romanum gereret. Cum decem millibus
citus ad recipiendas urbes profectus,quæ in motu rerum peditum, quingentis equitibus nocte per intermissacuslo-
ad Carthoginienses defecerant, Helorum atque Herbes- diis loca profectus castra circa Acrillas urbem ponebat.
sum, dedentibus ipsis, recipit. Megara vi capta diruit ac Munientibus supervenit Marcellus, ab Agrgento jam oc-
diripuit ad reliquorum, ac maxime Syracusanoruni, cupato, quum frustra eo prævemre hostem fesiinans le-
terrorem. Per idem fere tempus et Himilco, qui ad Pa- tendisset, rediens; uibil minus ratus, quam illo tempor ac
chyni promoutormmclassem diu lenuerat, ad fleracleam, loco syracusanum sibi exercitum obviam fore sed t unen
quam vorant Minoam, quinqne et viginti millia pedittnn, melu llimilcoois Pœnorumque, ut quibus nequaquam
tria equitum, duodecim elephantos exposuit: nequaquam iis copiis, quas babebat, par esset, quam poterat maxime
cum quantis copiis ante tenuerat ad Pachynum classem. intentus, atque agmine ad omnes casus compnsito ibat.
Sed postquam ah Hippocrate occupatæ Syracusæ erant, XXXVI. Forte ea cura, qnæ erat adversus Pœnos
proleclus Carthaginem adjutusque ibi et ab legatis Hip- præparata adversus Siculos usui fuit. Castris ponendis
pocratis, literisque Annibalis qui venisse tempus aiebat incompositos ac dispersos nactus eos et plerosque iuer-
Siciliae per summum decus repetendae, et ipse haud va- mes, quod pedilum fuit, circumvenit eques, levi cer-
nus praeseos monitor facile perpulerat, ut, quantæ tamine inito, cum Hippocrate Acras perfugit. Ea pugna
maximæ possent, peditum equitumque copiæ in Sicilinm déficientes ab Romanis quum cohibuisset Siculos, Mar-
trajicerentur. Adveniens Heracleam, intra paucos dies cellus Syracusas redi!t et post paucos d'es Himilco, ad-
inde Agrigentum recipit aliarumque civitatum, qu&- juncto Hippocrate ad flumeu Anapum octo ferme inde
partie Carthaginiensium erant, adeo accensæ sunt spes millia, castra posuit. Sub idrm fere tempos et naves
ad pellendns Sicilia Romaoos. ut postremo etiam qui longæ quinque et quinquaginta Carthaginiensium cum
odeidebantur Syracusis, animos sustulerint; et, parte Bomilcare classis praefecto in magnum portum Syracusas
copiarum satis defendi urbem trosse rati, ita inter se mn- ex alto decurrere; et romana ilem classis, triginta quin-
nera belli partiti sint, ut Epicydes praeesset custodiæ queremes, legionem primam Pannrmi exposuere ver-
urbis, Hippocrates Iümilconi conjunctus, bellum ad- sumque ab Italia bellum (adeo utenque pnpulus in Sici-
deux peuples y concentraient de forces. Himilcon, escarpé de toutes parts, était inexpugnable par
bien persuadé que la légion romaine qui avait dé- sa position même, outre que la citadelle ren-
barqué à Panormus et se dirigeaitsur Syracuse, al- fermait une forte garnison commandée par un
lait devenir sa proie, se trompe de chemin. Pen- homme dont les traîtres n'eussent pas aisément
dant qu'il s'engageait dans l'intérieur des terres, trompé la vigilance. C'était L. l'inarius, homme
la légion, escortée par la flotte, arriva en suivant plein d'activité, et qui, pour déjouer tous les
les côtes auprès d'App. Claudius, qui, avec une complots, comptait beaucoup plus sur cette ac-
partie de ses troupes, était venu à sa rencontrejus- tivilé même que sur la fidélité des Siciliens.
qu'a Pacbynum. Les Carthaginois ne restèrent pas Sa défiance était encore réveillée par la nou-
plus longtemps devant Syracuse. Bomilcar n'avait velle de trahisons de tant de villes qui se révol-
pas grande confiance dans sa flotte, celle des Ro- taient et massacraient les troupes. Aussi, jour
mains étant au moins du double plus nombreuse, et nuit il y avait sur pied des vedettes et des
outre qu'il voyait qu'un séjour plus long ne faisait sentinelles préparées à tout, et les soldats ne
qu'augmenter la disette de ses alliés. Il remit à la quittaient jamais leurs armes ou leurs postes. Les
voile et retourna en Afrique. Ilimilcon, de son principaux habitants d'Henna, qui déjà étaient
côté, avait en vain suivi Marcellus jusqu'à Syra- convenus avec Himilcon de lui livrer la garnison
cuse, cherchant quelque occasion de lecombattre romaine, sentirent bien qu'avec un tel chef il n'y
avant qu'il eût réuni des forces plus considéra- avait pas de trahison possible, et ils résolurent
bles. Cette occasion ne se présenta pas, et comme d'agir ouvertement. La ville et la citadelle doi-
il voyait l'ennemi en sûreté devant Syracuse etpar vent, disent-ils, être en leur pouvoir, s'ils se sont
la force de ses retranchements et par le nombre donnés aux Romains comme des alliés libres et
de ses troupes, pour ne pasperdreinutilementson non pascommedes esclaves qu'il faut retenir pri-
temps à contempler ses alliés assiégés, il leva son sonniers ils pensent donc qu'il est juste qu'ou
camp dans le dessein de porter ses troupes partout leur rende les clefs des portes; que le lien le plus
où l'appellerait l'espoir de quelque révolte contre fort qui unisse de bons alliés, c'est réciprocité
les Romains, et d'augmenter ainsi par sa présence de confiance que te peuple et le sénat romains
l'ardeur de ses partisans. Il reprit d'abord Mur- ne leur seront reconnaissantes qu'autant qu'ils se-
gantia, dont les habitants lui livrèrent la garnison ront restés fidèles parleur proprevolontéet non pas
romame. Les Romains y avaient amassé une grande par la force. » cela le Romain répondait e qu
quantité de blé et des provisions de tout genre. avait été mis en garnison à Henna par son géné-
XXXVII. A cette défection les autres villess'en- ral, qu'il avait reçu de lui les clefs des portes et la
hardirent. Les garnisons romaines étaient chas- garde de la citadelle; qu'il ne devait en disposer
sées des citadelles ou surprises par la trahison des ni d'après sa propre volonté ni d'après la volonté
habitants. Henna, située sur un lieu élevé et des habitants d'Henna, mais bien d'après celle

liam intentus) fuisse videri poterat.Legionem romanam, civitatum animi præsidiaque romana aut pellebantur
quæ exposila Panormi erat,veuientem Syracusas,prædæ arcibus aut prodita per fraudem opprimebantar.Henna,
hmd duhie sibi futuram Himilco ratus, via decipitur. «tcelso loro ac prærupto undique sita, quum loco inex-
Mediterraneo namque Pœnus itinere duxit legio mariti- pugn bilis erat, tum præsidium in arce validum præ-
mis locis, classe prosequente, ad Ap. Claudium Pachy- fectumque præsidii haud sane opportunuminsidiantibus
num cum parte copiarum obviam prugrenum, pervenit. babehat. L. Pinarius erat Tir acer, et qui plus in eo, un
Nec diulius Pœni ad Syracusas morali sunt. Et Bomilcar, posset decipi, quam in fide Siculururo, reponeret et
simul parum fldens navibus suis, duplici facile numéro tum intenderant enm ad cavendi omuia curam tot auditae
classem habentibus Romanis, simul inutili mora cernens prodiliones defectionesque urbium et clades præsidio-
nihi) alind ah suis quam inopiam aggravari sociorum, rum. Itaque nocte dieque juxta parata instructaque omnia
velis in altum datis, in Africam transmistt et Himilcon, custodiis ac vigiliis erant nec ab armis aut loco suo miles
secutus nequicquam Marcellum Syracusas, si qua prius- abscedebat. Quod ubi Hennensium principe. jam pacti
quam majoribuscoptis jungeretur, occasio puguandnesset, com Himilcone de proditionrpræsidii. auima fverterunt,
postquam ea nulla cent gerat, tutumque ad Syracusas et nulli occasioni fraudis Romanum patere, palam rentur
mummento et viribus hostem cernebat, ne frustra assi- a gendum. Urbcni arcemqne suæ
potestatis, aiunt, de-
dendo, spectandoque obsidionem sociorum tempus terc bere esse, si I1beri inaocietatem, nunservi mcustodiam,
ret, castra inde movit; ut, quocunquo vocasset defectio- traditi eas. nt Romanis. Itaque claves portarum reddi sibt
nis ab Romanis spes, admoveret exercitum ac præsens æqnum censent. Bonis sociit fidem suam maximum vin-
suas res foventibus adderet animos. Murgantiam pri- culum esse; et ita sibi populum romaoum senatutnque
mum, prodito ab ipsis præsidio romauo, recepit ubi pratias habitnrum si vulentes ac uon eo icti mausis-
frumentimagna vis commeatusqueomuis generis conv ecti tent in amicitia. Ad ea Romanus, « Se in præsidio im.
crant Romanis. positum esse dicere ab imperatore suo clavesyue por-
XXXVII. Ad hanc defectionem erecti sunt et aliarum tarum et custodiamarcis ab eo nccepisse, qux nec suo nec
du chef qui les lui avait confiées. Qu'abandonner rons massacrés ici plus cruellement encore que ne
son poste était un crime capital chez les Romains, l'a été la garnison de Murgantia. J'ai obtenu avec
et qu'on avait vu des pères sanctionner cette loi peine une nuit pour me consulter, car je voulais,
par la mort même de leurs enfants. Le consul avant tout, vous faire part du péril qui nous me-
Marcellus n'était pas loin il fallait que les habi- nace. Au point du jour ils vont tenir une assem.
tants lui envoyassent des députés, comme à celui blée pour m'accuser et pour soulever contre vous
qui avait le commandement suprême. Ils répon-
» le peuple. Demain donc Henna sera inondé de
dirent « qu'ils n'enverraient pas de députés à notre sang ou de celui de ses habitants; attaqués
Marcellus, et déclarèrentque si lesparoles étaient les premiers, il ne voas reste plus d'espoir; en les
inutiles, ils chercheraient quelqueautre moyen de attaquant, au contraire, il ne vous reste plus de
recouvrer leur liberté. Pinarius, à son tour, ré- danger à craindre. C'est à celui qui le premier
pliqua « que s'ils avaient quelque répugnance à tirera le glaive qu'appartiendra la victoire. Tous,
euvoyer une ambassadeàMarcellus, on lui accor- couverts de vos armes, et vous tenant sur vos
dât de convoquer l'assemblée du peuple, afin qu'il gardes, vous attendrez le signal je serai à l'as-
pût savoir si les sentiments qu'on lui avait mon- semblée, et je traînerai le temps à force de dis-
trés étaient les sentiments d'un petit nombre, ou cours et de discussions, jusqu'à ce que tout soit
ceux de toute la ville. » 11 fut convenu que l'as- prêt. Lorsque, par un mouvement de ma toge, je
sembléeserait convoquée pour le lendemain. vous aurai donné le siDnal, alors, de tous les côtés,
XXXVIII. Après cette entrevue, Pinarius se poussez un cri, tombez sur la foule, tuez ton),
relire dans la citadelle et rassemble ses soldats. et gardez bien qu'il reste un seul de ceux dont
« Soldats, leur dit-il, vous savez tous, je peuse, vous auriez à redouter quelque violence ou quel-
comment ces jours derniers, des garnisons romai- que surprise. Et vous, vénérable Cérès; vous,
nes ont été surprises et massacréespar les Siciliens. Proserpine; vous tous, dieux du ciel et de l'enfer,
La bonté des dieux d'abord puis votre courage, qui habitez cette ville, ces lacs, ces bois sacrés,
votre vigilance à rester nuit et jour sous les ar- écoutez ma prière. Soyez-nous bienveillants et
mes, vous ont garautis de la trahison et plût aux propices, s'il est vrai que ce soit pour éviter une
dieux que nous pussions coutinuer àvivreici sans trahison, et non pour en commettre une, que
avoir à souffrir ou à consommer quelque grand nous prenons cette résolution. Soldais, je vous
malheur! Contre des attaques secrètes nous avons en dirais plus si vous deviez avoir à combattre
les précautions employées jusqu'ici par nous; des gens armes; mais ils sont sans armes, ils ne
mais, comme la trahison ne leur réussit pas, ils s'attendent à rien; vous en tuerez jusqu'à satiété.
m'ont demandé hautement, ouvertement, de leur D'ailleurs le consul ayant son camp tout près de
remettre les clefs des portes. Or, les clefs une fois nous, il n'y a rien à craindre d'Himilcon et des
livrées, Henna sera aux Carthaginois, et nous se- Carthaginois. »

Hennensium arbitrio haberet, sed ejus qui commisisset. edt, fœdiusque hic trucidabimur, quam Murganliæ
Præsidio decedere apud Romanos capnale esse et nece prmsidium interfectum est. Noctem unam ægre ad cou-
liberorum etiam suorum eam legem parentes sanxisse. sultandum sumpsi, qua vos certiores perieuli instantis
CoosulemMarcellumbaud procul esse ad eum mitterent facerem. Orta luce concionem habituri sunt ad criminan-
legatos, cujus juris atque arbitrii esset. » Se vero negare dum me concitaudumque in vos populum. Itaque crastino
illi missuros testarique, si verbis nihil agerent, vindi- die aut vestru, aut Hennensium sanguine Henna inun-
ctam ahquam liberlatis suae quæsituros. Tum Pinarius dahitur. Nec præoccupati spem ullam, nec occupantes
At illi si ad consulem gravarentur mittere sibi saltem periculi quicquam habebitis. Qui prior strinxerit ferrum,
darent populi concilium ut sciretur, utrum paucorum ejus victoria erit. lutenti ergo onines arma tique siguum
ea denuntiata an uoiversae civitatis essent.. Consensu exspectabitis. Ego in concione ero et tempus, quoad
in posterum diem conciu edilitur. omuia instrueta sint, loquendo altercandoque trabam.
XXXVIII. Postqunm ab eo colloquioi n arcem sese re- Quum toga siguum dedero, tum mibi undique clamore
ceptt, convoca,is militibus « Credo ego vos audisse mi- sllblato turbam mvadite ac sternite omnia ferro et ca-
lites, inquit, quemadmodum puæsidia rom na ah Siculis vete, quisquam supersit a quibus aut vis, aut fraus tt-
circumventa et nppressa sint per hus dies. Eam vos frau- meri possit. Vos Ceres mater ac Proserpina precor,
dem, deum primo bemgnitate, dein vestra ipsi virtute, ceteri superi infernique dri, qui hanc urbem, hos sacra-
dies noctesque perstando ac pervigilando iu armis vita- tos lacus lucosque colitis, ut ita nobis voientes propitii
slis. Uliuam rel quum tempus nec patieodo infanda nec adsitis, si vilandie, non fcrendae, fraudis causa hoc con-
faciendo, traduci possitl1 Hæc occulta in fraude cautio silii capimus. I'uribus vos milites, hortarer, si cum ar-
est, qua usi bdhue sumus cui quoniam parum succedit, matis dimicatio fntuta esset. Inermes, incautos ad satie-
aperte ac propalam claves portarum reposcunt; quas tatem trucidabitis. Et consulis castra in propinquo sunt,
aimul tradiderimus, Carthaginiensium cxtemplo Henna ne quid ab Himilcnne et Carthaginiensibus timeri posait.
XXXIX. Après ce discours ils se séparent et cellus n'en témoignapoint de mécontentement; il
vont prendre de la nourriture et du repos. Le len- abandonna même aux soldats le butin fait dans la
demain ils se placent différents postes pour occu- ville, persuadé que la crainte retiendrait les Sici-
per les rues et fermer tout passage. La plus grande liens et les empêcherait de livrer les garnisons
partie se tient au dessus et dans les environs romaines. Ce désastre d'une ville placée au mi-
du théâtre où ils étaient accoutumés au spectacle lieu de la Sicile, célèbre par la force de sa posi-
des assemblées. L'officier romain est amené par tion naturelle, et par les sacrés vestiges qui s'y
les magistrats devant le peuple il répète que voient de l'enlèvement de Proserpine, se répan-
tout dépend du consul et nullement de lui-même, dit presque en un seul jour dans toute la Si-
et il insiste sur tout ce qu'il avait dit la veille. cile. On regarda ce carnage affreux comme un at-
D'abord, quelques-uns seulement, puis un plus tentant envers les dieux aussi bien qu'envers les
grand nombre, puis tous enfin lui ordonnent à la hommes, et tous les peuples qui jusqu'alors ne
fois de rendre les clefs. Comme il hésite et qu'il dif- s'étaient pas encore déclarés passèrent aux Car-
fère, ils s'emportent en menaces et semblent dis- thaginois. Hippocrate se retira à Murgantia, Hi-
posés à en venir à la force. Pinarius alors, comme milcon à Agrigente, après avoir inutilement con-
il en était convenu, donne le sigual avec sa loge. duit leur armée vers Henna, où les appclaientdes
Les soldats,attentifs depuis longtemps, et tout prêts traîtres. Dlarcellus rentra chez les Léontins; il
à agir, poussent un grand cri. Les rns s'élaucent du 6t venir dans son camp du blé et d'autres provi-
haut en bas sur l'assemblée, qu'ils prennentados, sions, y laissa quelques troupes, et revint au blo-
les autres se précipitent en foule à toutes les issues cus de Syracuse. Envoyant alors à Rome Ap. Clau-
du théâtre. Les citoyens, renfermés dans cette en- dius briguer le consulat, il nomma à sa place
ceinte profonde, sont massacrés; ils tombent en T. Quinctius Crispinus pour prendre le comman-
masse, frappés par les Romains ou étouffés dans dement de la flotte et de l'ancien camp. Lui-même
leur fuite. Précipités les uns sur la tête des autres, il se construisit des quartiersd'hiver, qu'il fortifia,
ils s'entassent, les blessés sur ceux qui ne le sont dans un lieu situé à cinq mille pas de l'Hexapyle,
pas, les vivants sur les morts. Les Romains se ré- et que l'on appelle Léonte. Ce fut là tout ce qui
pandent de tous côtés. La fuite et le carnage rem- se passa en Sicile jusqu'au commencement de
plissent Henna et la font ressembler à une ville l'hiver.
prise d'assaut. Quoique les soldats n'eussent à XL. Pendant cette campagnecommençala guer-
massacrer qu'une foule sans armes, ils s'y por- re avec le roi Philippe. Depuis longtemps cette
taient avec autant d'acharnementque s'ils eussent guerre était prévue. Le préteur M. Valérius, qui
été animés par les risques et l'ardeur d'un com- commandait la flotte et les côtes de Brundisium et
bat à forces égales. Ce coup de main coupable ou de la Calabre, reçut d'Oricum une députation qui
nécessaire conserva Henna aux Romains. Mar- lui annonça que Philippe avait remonté le fleuve

XXXIX. Ab hac adhortatione dimissi corpora curant. praedam Hennensium militibus concessit, ratus, timore
Postero die alii aliis locis, ad obsidenda itinera clauden- deterritos temperaturos proditiombus præsidiorum Si-
dosque oppositiexitus, pars maxima super theatrumcirca- culos. Atque ea clades ut urbis in média Sicilia sitæ
que. assueti et ante spectaculis conciouum consistunt. claroeque vel ob insignemmunimento naturali locum, vel
Productus ad populum a magistratibus præfectus roma- ob sacrata omnia vestigiis raptee quondam Proterpiae,
uus, quum consulis ea de re jus ac potestatem este, nou prope uno die omnem Siciliam pervasit. Et quia cæde
suam et pleraque eadem quae pridie, dixisset primo infanda rebantur, non hominum tantum sed etiam deo-
sensim, ac plures, reddere claves, dein jam uua voce id rum sedem violatam esse, tum vero, qui etiam ante dubii
omnes juberent cunclantique ac differenti ferociter mi- fuerant, defecere ad Poeoos. Hippocrates inde Murgan-
mtarentur, nec viderentur ultra vim ultimam dilaturi; tiam, Himilco Agrigentum sese recepit quum acciti a
tum præefectus toga signum ut convenerat, dédit mili- proditoribus nequicquam ad Hennam exercitum admo-
tesque intenti dudum ac parati alii superne in aversam vissent. Marcellus retro in Leontinosredit frumentoque
concionernclamore sublatodecurrunt. alii ad exitus thee- etcommeatibus aliis in castra convectis præsidio modioo
tri conferti obsiatunt. Cæduntur Hennenses cavet. inclusi, ibi relicto, ad Syracusasobsidendasvenit. Inde Ap. Clau-
coacervanturque,non csede solum, sed etiam fuga; quuin dio Romam ad consulatum petendum misso, T. Quio-
alii super aliorum capita ruereut, atque integri sociis, ctium Crispinum in ejus locum classi castrisque preficit
vivi mortuis incidentes, cumularentur. Inde passim dis- veteribus. Ipse bibernacula quinque millia passuum He-
curritur, et urbis caplæ modo fugaque et cædes omnia xapilo (Leonta vocant locum ) communiit, ædificavitque.
tenet nibilo remissiore militum ira quod turbam iner- Ha'c in Sicilia usque ad principium hiemis gesta.
mem cædcbanl, quam si periculum par et ardor certa- XL. Eadem e'stale et cum Philippo rege, quod jam ante
minis eos irritaret. Ita Henna, sut malo, aut necessario suspectum fuerat, motum bellum est. Legati ab Odco ad
faonore retenta. Marcellus nec factum improbavit, et M. Valerium preetorem vemerunt, rraesidenteni classi
t
avec cent vingt galères à deux rangs de rames; soldats du roi ne surveillaient nullement; puis,
qu'il avait fait d'abord une tentative sur Apol- pendant la nuit, sans que personne chez les enne-
lonia que, ne réussissant pas aussi vite qu'il mis s'en fût aperçu, il entre dans Apollonia. Le
l'avait espéré, il s'était approché de nuit, en jour suivant on se reposa; toutefois Naevius passa
secret, d'Oricum; que cette ville, située en plai- en revue la jeunesse de la ville, les armes et les
ne, sans remparts, sans garnison, sansarmes, forces qu'elle pouvait fournir. Ce qu'il en vit le
avait été emportée au premier assaut. Ils sup- remplit d'espoir; instruit d'ailleurs par ses éclai-
pliaient donc le consul de venir à leur secours, reurs de la négligence et de l'insouciance dos en-
et d'éloigner, soit avec une armée de terre, nemis, dans le silence de la nuitilsortit sans bruit
soit avec une flotte, cet ennemi déclaré de Ro- de la ville, et trouva le camp macédonien si mal
me, qui ne les attaquait que parce qu'ils étaient gardé et d'un si facile accès, qu'il est constant que
aux portes de l'Italie. M. Valérius laisse pour mille hommes entrèrent dans le retranchement
garder le pays P. Valérius, son lieutenant, avec avant que personne s'en fût aperçu. Si nos soldats
sa flotte toute prête et tout équipée; et, après ne se fussent pas mis à tuer, ils auraient pu par-
avoir placé sur des vaisseaux de transport ceux venir jusqu'à la tente du roi. Le massacre de ceux
des soldats qui ne pouvaient tenir sur les vais- qui étaient placés près des portes réveilla les au-
seaux longs, il parvient le lendemain à Oricum, tres alors la terreur, l'effroi qui s'emparèrent
où Philippe, en partant, n'avait laissé qu'une faible de toute l'armée furent si grands, que nou-seule-
garnison. Il s'en rendit maître sans grande diffi- ment personne ne prit les armes et n'essaya de
culté. Des députés d'Apollonia vinrent l'y trouver chasser l'ennemi du camp, mais que le roi lui-
lui annonçant « que leur ville était assiégée parce mêmes'enfuit demi-nu, commeil s'était réveillé, et
qu'ils n'avaient pas voulu renoncer à l'alliance dans un état peu convenable, je ne dirai pas à un
de Rome; qu'elle ne pouvait résister plus long- roi, mais à un soldat, pour gagner le fleuve et la
temps aux efforts des Macédoniens, si l'on n'y flotte. C'était là aussi que se portait toute la foule.
envoyait pas une garnison romaine.» Valérius pro- Il y eut un peu moins de trois mille soldats pris
mit ce qu'ils demandaient, et envoya à l'embou- ou tués dans le camp. Le nombre des prisonniers
chure du fleuve deux mille soldats d'élite, em- fut plus considérable que celui des morts. Le
barqués sur des vaisseaux longs, et qu'il mit sous camp fut pillé. Les habitants d'Apollonia rappor-
le commandement du chef des alliés Q. Nævius tèrent dans la ville les catapultes, les balistes
Crista, homme brave et habile officier. Crista dé- et toutes les autres machines préparées pour le
barque ses troupes, renvoie ses vaisseaux rejoin- siège, dans l'intention de les employer à la défense
dre le reste de la flotteOricum, d'où il venait, et, de leurs murailles, si pareil événement se repré-
s'éloignant du fleuve, il prend une route que les sentait. Tout le reste du butin pris dans le camp

Brundisio Calabria'que circa litoribus, nuntiantes, Phi- ad ceteram classem remissis, milites procul a flumiue per
lippum primum Apolloniam tentasse, lembis biremibus viam minime ab regiis obsessam duxit, et nocte, ita ut
ceutum viginti flumine adverso subvectum deinde, nemo hostium sentiret, urbem est ingressus. Die inseqtienti
ut ea res tardior spe fuerit, ad Oricum clam nocte eier- quievere, dum præfectus juventutemApulloniatium, ar-
titum admovisse eamque urbem, sitam in plano, ueque maque et urbis vires inspiceret. Ubi ea visa inspectaque
mœnibus. neque viris atque armis validam, primo im- satis animorumfecere, simulque ab exploratoribus com-
petu oppressam esse. Hæc nuntiantes orabant, ut opcm perit, quanta socordia ac uegligentia apud hostes esset;
ferret, hostemque baud dubmm Romanis terra aut ma- silentio noctis ab urbe sine ullo tumultu egressu3, castra
ritimis viribus arceret; qui ob nullam aliam causam, hostium adeo neglecta atque aperta intravit, ut satis cou-
nisi quod imminerent Italim, peterentur. M. Valerius, staret, prius mille hominum vallum intrasse, quam quis-
pr,esidio loci ejus relicto P. Valerio legato, cum classe quam seotiret ac, si cæde abstinuissent, pervenire ad
instructa parataque, et quod longs naves militum capere tabernaculum regium potuisse. Caedes proiimorumportæ
non poteraiit, in onerarias impositis; altero die Oricum eacitavit hostes. Inde tantasterror pavorque omnes occu-
pervemt; urbemque eam levi tenente præsidio, quod re- pavit, ut non modoaliusquisquam arma caperet, aut castris
cedens inde reliqueratPhilippus haud magno certamine pellere hostem conaretur; sed etiam ipse rex, sicut somno
recepit. Legati eo ab Apollonia venerunt nantiantes, in e:citus erat, prope seminudus fugiens, militi quoque ne-
obsidione sese, quod deficere ab Romanis nollent, esse dum régi, vü decoro habitu, ad flumen navesque perfu-
neque sustinere ultra vim Macedonum posse nisi praesi- gerit. Eodem et alia turba effusa est. Paulo minus tria millia
dium mittatur romanum. Facturnm se, quae vellent, pol- militum in castris aut capta, aut occisa plus lamen homi-
licitus, duo millia delectornm militum navibus longis num aliquanto captum,quam cæsum, eat. Castris direptis,
mittit ad ostium fluminis, cum praefecto socium, Q. Nævio Apolloniatæ catapultas, ballistas, tormeotaquealia, quæ
Crista viro impigro et perito militiæ. Is, expositis in ter- oppugnandæ urbi comparata erant, ad tuenda mœnia si
raw wilitibus, navibusque Oricum retro, unde veuerat, quando similis fortana venisset, Apollooiem devexeret
fut abandonné aux Romains. Sitôt que la nou- ques troupes légères, partit secrètement pour re-
velle en fut parvenue à Oricum, M. Valérius con- connaître les lieux d'aleutour il fut aperçu des
duisit sa flotte à l'embouchure du fleuve, afin ennemis qui l'eussent écrasé dans la plaine, s'il
d'empêcher le roi de s'échapper par mer. Alors ne se fût emparé d'une hauteur qui se trouvait
Philippe, désespérant de résister sur terre ou sur près de là. Il y fut entouré; mais l'arrivée de
mer, fait échouer ou brûle ses vaisseaux et re- son frère le délivra. Castulum, ville d'Espagne
gagne par terre la Macédoine avec des soldats en très-forte et très-célèbre, et tellement attachée
grande partie désarmés et dépouillés de tout. La aux Carthaginois qu'punibal y avait pris une
flotte romaine, commandée par M. Valérius, passa femme, passa cependant aux Romains. Les Car-
l'hiver à Oricum. thaginois entreprirent le siège d'llliturgi, où se
XLI. Cette même année, les succès furent ba- trouvait une garnison romaine, et il semblait
lancés en Espagne. En effet, avant que les Romains que la famine plutôt que la force dût les en
passassent l'Èbre, Magon et Asdrubal avaient dé- rendre possesseurs. Cn. Scipion, afin de porter
fait des corps nombreux d'Espagnols; l'Espagne secours à ses alliés et à la garnison, partit avec
ultérieure eût même renoncé à l'alliance de Rome, une légion sans bagages, traversa les deux camps
si Pub. Cornélius, traversant rapidement l'Èbre après avoir fait un grand massacre des ennemis,
avec son armée, ne fût venu à temps pour raffer- et entra dans la ville. Le lendemain il 6t une sor-
mir les alliés indécis. Les Romains campèrent d'a- tie également heureuse. Dans ces deux combats les
bord à Castrum-Album, lieu célèbre par la mort ennemis perdirent plus de douze mille hommes;
du grand Ilamilcar. C'était une citadelle fortifiée on en prit plus d'un mille et trente-six enseignes.
où l'on avait transporté des grains. Toutefois, Aussi se retirèrent-ils de devant llliturgi. Ils
comme les ennemis occupaient tout le pays, et commencèrent ensuite le siège de Bigerra, autre
que leur cavalerie avait impunément attaqué l'ar- alliée des Romains. A l'arrivée de Cn. Scipion, le
mée romaine et tué environ deux mille hom- siège fut levé sans combat.
mes, restés en arrière ou qui erraient dans les XLII. De là les Carthaginois se portèrent sur
campagnes, les Romains se retirèrent dans des Munda; les Romains les y suivirent. On s'y bat-
lieux plus tranquilles, et établirent un camp tit en ligne pendant près de quatre heures. Les
fortifié auprès du mont de la Victoire. Cn. Sci- Romains étaient évidemment victorieux lors-
pion y était avec toutes ses troupes. Asdrubal, qu'on sonna la retraite. Scipion venait d'avoir la
fils de Gisgon, l'un des trois généraux cartha- cuisse percée d'un coup de pique, et autour de
ginois, arriva aussi avec une armée régulière, lui les soldats avaient été saisis de la crainte
et tous s'établirent de l'autre côté du fleuve, en que la blessure ne fût mortelle. Sans ce mal-
faco du camp romain. Pub. Scipion, avec quel- heur, le camp des Carthaginois eût été pris ce

cetera omnis praeda castrorum Romanis concessa est. Haec omnes consedere. P. Scipio, eum eipeditis clam profec-
quum Oricum essent nuntiata, M. Valerius classem ex- tus ad loca circa visenda baud fefellit hostes oppressia-
templo ad ostium flummis duxit, ne navibus capessere sentque eum in paLeutibus campis ni tumulum in pro-
fugam rei posset. Itaque Plnlippus, neque lerrestri, ne- pinquo cepisset. Ibi quoque circumsessus adventu fratris
que navali certanune salis fore parem se fidens subduc- obsidiooe eximitur. Castulo urbs Hispaniæ valida ac no-
tis aut incensis navibus terra Macedoniampetiit, magna bilis, et adeo conjunctasocietate Pœms, ut uxorinde An-
ex parte inermi eiercitu spoliatoque.Romana classis cunr nibali easet, ed Romanos defecit. Carthaginienses Illitur-
M. Valerio Orici hiberna vit. gin oppugnareadorti, quia præsidium ibi romauum erat;
XLI. Eodem anno in Hispania Tarie res gestæ. Nam, videbanturque inopia eum locum maxime expugnaturi.
priusquam Romani amnem Iberum traosirent, ingentes Cn. Scipio, ut sociis præsidoque ferret opem cum le-
copias Hispanorum Mago et Asdrubal fuderunt defecis- gione eipedita profectus, inter bina castra cum magna
setque ab Romanis ulterior Hispania ni P. Coruehns, caede hostium urbem est ingressus, et postero die erup-
rapt'm traductoexercitu lberum, dubiis sociorum aoimis tiune aeque felici pugnavit. Supra duodecim millia homi-
in tempore adveuisset. Primo ad Castrum Album (locus nom cæsa duobus prœliis plus m lle capti, cum aex et
est instgnis caede magui Hamitcais) castra Romani ba- triginta militaribus signis. Ita ab llliturgi recessum est.
buere. Arx erat mumta etconveierant ante trumentum. Bigerra inde urbs (aocia et hæc Romanorum erat) a Car-
Tameu, quia omma circa hostium plena erant, agmen- thaginiensibusoppugnari cœpta est. Kam obsidionem sine
que romanum impune iucursatum ab equitibus hostium certaminetvdvenieus Cu. Scipio solvit.
tuerat, et ad duo millia, aut moratorumaut palantium XLII. Ad Mundam exinde castra punica mota et Ro-
per agros interfecta, cessere inde Romani propius pa- mani eo confestim secuti sunt. Ibi signis collatis pugna-
cata loca et ad moutem Victoriæ castra communivere. tum per quatuor ferme boras egregieque vincentibus
Eo Cn. Scipio cum ommbus copiis, et Asdrubal Gisgo- romanis signum receptui est datuui quod Cn. Scipionis
nis filuis, terlius Carlhaginipnsinm dus, cum exercitu lemur tragula confixum erat pavorque circa eum cepP-
justo advenit contraque Cabtra romana Lrans fluvium rat milites, ne wortiferum es5et vulnus. Getet um haud
lotir-là. Déjà les soldats, les éléphanls, avaient Ils en chassèrent la garnison carthaginoise, re-
été poussés jusqu'aux retranchements et sous les prirent la ville et la rendirent à ceux des auciens
retranchements mêmes trente neuf éléphants habitants qu'avaient épargnés les malheurs de la
avaient été percés de traits. Dans ce combat, il y guerre. Quant aux Turdétans, qui avaient été
eut encore, dit-on, douze mille hommesde tués cause de la guerre entre Sagonte et Carthage., ils
trois mille à peu près furent pris avec cinquante- les soumirent, les vendirent comme esclaves et
sept enseignes. Les Carthaginois se retirèrent vers rasèrent leur ville.
la ville d'Auringé, où les Romains les poursuivi- XLIII. Vuilà ce qui se passa en Espagne sous le
rent pour profiter de leur terreur. Scipion, porté consulat de Q. Fabius et de M. Claudius. A Rome,
sur une litière, leur livra encore un combat, où dès l'entrée en charge des nouveaux tribuns du
la victoire ne fut pas douteuse. Toutefois on tua peuple, L. Métellus, l'un d'eux, cita devant le
la moitié moins d'ennemis, parce qu'il restait peuple P. Furius et M. Atilius, les deux cen-
moins de combattants. Mais cette famille d'Anni- seurs. L'année précédente, quoiqu'il fût ques-
bal était née pour faire la guerre et pour en réparer teur, ils lui avaient ôté son cheval, t'avaient
les pertes. Asdrubal envoya son frère Magon pour chassé de sa tribu, et mis au rang des contribua-
lever de nouvelles troupes. Les cadres furent bien- bles, parce qu'il avait formé à Cannes le complet
tôt remplis, et ils inspirèrent à leur armée assez d'abandonner l'Italie. Grâce aux neuf autres tri-
de résolution pour hasarder encore une bataille. buns, les censeurs ne ferent pas obligés de se
Mais les soldats, bien différents de leurs généraux, défendre pendant qu'ils étaient encore en charge,
combattant pour un parti tant de fois vaincu eu et ou les renvoya absous. La mort de P. Furius
quelques jours, marchèrent à l'ennemi dans les empêcha qu'ils ne terminassent le dénombrement.
mêmes dispositions qu'auparavant et aussi avec M. Atilius se démit de ses fonctions. Les comices,
le même malheur. Il y eut plus de huit mille hom- pour les élections consulaires, furent présidés
mes de tués; on en prit à peu près mille avec cin- par le consul Q. Fabius Maximus. Les deux con-
quante-huit enseignes. Presque tout le butin se suls nommés, quoique absents, furent Q. Fabius
composa de dépouilles gauloises, de colliers d'or, Maximus, fils du consul, et Ti. Sempronius Grao-
de bracelets en grand nombre; il périt aussi à chus pour la seconde fois. On nomma préteurs
cette batailledeux chefs gauloisde distinction, Mœ- M. Atilius et P. SemproniusTuditanus,Cn. Fulvius
uicaptus et Civismarus. Huit éléphants furent pris, Centumalus, et M. Émilius Lépidus, tous troisalors
trois furent tués. En voyant leur succès en Es- édiles curules. La tradition rapporte que les jeux
pagine, les Romains rougirent enfin d'avoir laissé, scéniques, célébrés pendant quatre jours, furent
depuis huit ans déjà au pouvoir des ennemis la cette année, pour la première fois, présidés parles
ville de Sagonte, cause première de cette guerre. édiles curules. Cet édile Tuditanus était celui qui

dubinm fuit, quin nisi ea mora intervenisset castra eo octaium jam annum aub hoslium potestateesse. Itaque id
die punica capi potuerint.Jam non milites solum, sed ele- oppidum, ri pulso præsidio punico, receperunt, culto-
phanti etiam usque ad vallum acti erant, superque ipso ribusque antiquis, quos vis reliquerat belli restituerunt:
novem et triginta elephanti pilis conflit. Hoc quoque prae- et Tordetanos qui contraxerant iis cum Carthaginiensi-
lio ad duodecim millia bominum dicuntur cæsa, prope bus bellum, in poteslalem redactos sub corona vendide-
tria capta, cum signis militaribus septem et quinquaginta. runt, urbemque eorum delevere.
Ad Auringen inde urbem Pœni recessere; et, ut territis XLIII. Hæc in Hispania, Q. Fabio, M. Claudio cou-
instaret, aecutus romanus. Ibi iterum Scipio lecticula in sulibus, gesta. Romae quum tribuni plebis novi magistra-
aciem illatus connflixit nec dubia victoria fuit minus ta- tum inissent, extemplo censoribus,P. Furio et M. Atilio,
men dimidiohostium, quam antea, quia pauciores super- a L. Metello tribuno plebis dies dicta ad populum est.
fuerant, qui pugnarent, occisum. Sed gens nata instau- Quæstorem eum proximo anno, adempto equo, tribu
randis reparandisque bellis, Magone ad conquisitionem moverant, atque ærarium fecerant, propter conjuratio-
militum a fratre misso, brevi replevit exercitum, animos- nem deserendæ Italiæ ad Cannas factam. Sed novem tri-
que ad tentandum de integro certamen fecit. Alii plerique bunorum auxilio vetiti causam in magistratu dicere, di-
milites, sicut pro parte toties intra paucos dies victa, iis- missique fuerant. Ne lustrum perficerent mon prohi-
dem animis, quibus prius, eodemque eventu pugnavere. buit P. Furü. M. Atilius magistratu se abdicavit. Con-
plua octo millia bominum caesa haud mntto minus quam sularia comitia habita a Q. Fabio Maximo consule. Creali
mille captum et signa militaria quinquaginta octo; et consules ambo absentes, Q. Fabius Maximus consulia
spolia plurima gallica fuere, aurei torques, armillxque, filius, et Ti. Sempronius Gracchus iterum. Prætoresfiunt
inagnus numerus. Duo etiam insignes reguli Gallorum M. Atilius, et, qui tum aediles curules erant, P. Sempro-
(Mœnicapto et Civismaro nomina erant) eo pro'lio ceci- mins Tuditanus, et Cn. Fulvius Ceotumalus,et M. Æmi-
derunt octo elephanti capti, ires occisi. Quum jam res lius Lepidus. Ludos scenicos per quatriduum eo anno pri-
prosperæ in Hispania essent, verecundia Romanos tau- mum factos ab curulibus aedilibus memoriæ proditur.
deun cepit, Saguntum oppidum, que causa belli eæet, Ædilis Tudilanus bic erat, qui ad Cannes, pavore aliis
à Caunes, lorsque toule l'armée était glacée de ter-
outre deux légions urbaines et vingt mille alliés.
rour par un pareil désastre, s'échappa à travers les Tels furent les chefs et les troupes qui devaient
ennemis. Les comices terminés, sur la propo- soutenir l'empire romain contre tant de guerres
sition du consul Q. Fabius, les consuls désignés commencéesdéjà ou qu'il avait à craindre. Les con-
furent appelés à Rome pour entrer en fonctions. suls, après avoir enrôlé les deux légions urbaines
Ils consultèrent le sénat sur la guerre, sur leur et complété les autres, expièrent, avant de quitter
gouvernement, ainsi que sur celui des préteurs, la ville les prodiges qui avaient été annoncés.
sur les armées et sur le choix de ceux à qui on Les murailles et les portes avaient été frappées de
confinerait chacune d'elles. la foudre, et, dans la villed'Aricia, le templemême
XLIV. On fit donc le partage des provinces et de Jupiter avait été atteint du feu du ciel. Les
des armées. On confia aux consuls la guerre con- yeux, les oreilles du peuple avaient été frappés par
tre Annibal avec le commandement des deux ar- d'autres illusions, auxquelles toutefois on ajou-
mées de Scmpronius et du consul Fabius. Elles tait foi. A Terracine, sur le fleuve, on avait vu des
étaient chacune de deux légions. Le préteur apparences de vaisseaux longs qui ne s'y trouvaient
M. Émilius, chargé par le sort de la juridiction pas, et dans le temple de Jupiter Vieilinus, qui est
des étrangers, remit ses pouvoirs à M. Atilius, son sur le territoire de Compsa, le bruit des armes
collègue, préteur de la ville, et prit lui-même le avait retenti. A Amiternum, leseaux avaient roulé
commandement de Lucéria et des deux légions du sang. Quand tous ces prodiges eurent été ex-
qu'avait commandées Q. Fabius, en ce moment piés, d'après la décision des pontifes, les consuls
consul. P. Sempronius eut pour département partirent, Sempronius pour la Lucanie, Fabius
Ariminum, et Cu. Fulvius Suessula, avec deux pour l'Apulie. Fabius le père so rendit au camp
légions chacun. Fulvius devait se mettre à la tête de Suessula pour servir comme lieutenant de son
des légions urbaines, et Tudilanus recevoir les fils. Le fils vint à la rencontre du père, précédé
siennes de M. Pomponius. M. Claudius fut conti- des licteurs qui se taisaient par respect pour un
nué dans son commandement en Sicile ce com- si grand homme. Déjà le vieillard avait passé à
mandement avait pour limites celles de l'ancien cheval onze faisceaux, quand le consul ordonna
royaume d'Hiéron. Le propréteur Lentulus con- au licteur la plus proche de faire attention à sa
serva l'ancienne province; P. Otacilius, la flotte. charge. Celui-ci ayant alors crié à Maximus de
On n'y envoya point de nouvellearmée. M. Valé- descendre de cheval, le vieillard descendit, en di-
rius eut la Grèce et la Macédoine avec la légion et sant J'ai voulu voir, mon fils, si tu compre-
la tlolte qu'il avait déjà. Q. Mucius avec l'an- nais bien que tu es consul. s
cienne armée, qui étaitcomposée de deux légions, XLV. Dasius Altinius d'Arpi vint la nuit en so-
eut la Sardaigne; C. Térentius, une légion qu'il cret, avec trois esclaves, trouver le consul et lui
commandait déjà, et le Picenum. On enrôla en promit que si une récompense lui était assurée, il

la tante clade torpeutibus, per mrdios hostes evasit. Co- præerat, et Picenum. Scribi præterea dus lagiones ur-
mitits perfectis, auctore Q. Fabio cousule, designali con- banæ jussæ et tiginti millia sociorum. His duetbus, hia
sules Romam arceniti magistratum inierunt senatuni- copiis, adveraus multe simul, aut mota aut suspecta, bella
que de bello, ac provincia suts prætorumque,et de exer- munieruntromanum imperium. Consules,duabns urbanis
Ciubis, quibus qu'que præessent consuluerunt. logionibus scriptis, supplementoque in alias lecto, prius-
XLIV. Itaque provimctæ atque exercitus divisi. Bellum quam ab urbe moverent, prodigia procurarunt, quæ nun-
cum Annibale consultbus mandatum, etexercituumunus, tiata erant. Murus ac porte tactæ et Ariciæ etiam Joris
quem ipse Sempronins habuerat; aller, quem Fabius ædes de cœlo lacla fuerat. Et alia ludibria oculorum au-
consul. Eæ binai erant legiones. M. Æmilius prætor cu- riumque credita pro veris. Navium longarum species in
jus peregriua sors erat, jurisdictione M. Atilio collegæ flumine Tarracinæ, quae nullæ erant, visa; et in Joris
pcotori urbann, mandata, Luceriam provinciam habe- Vicilini templo, quod in Compsano agro est, arma con-
ret, legionesque dwa, quibus Q. Fabius, qui tum con- crepuisse et flumen Amiterni cruentum fluxisse. His
sut erat, ptætor præfuerat.P. Sempronio provincia Ari- procuratises decreto pontificum,profecti consul es, Sem-
minum, Cn. Fulvio Suessula cum binis item legionibus, pronius in Lucanos in ApuliamFabius. Pater filio lega-
evenerunt ut Fuhius urbanas legiones duceret, Tudi- tus ad Suessulam in castra venit. Quum obviam Oint
tanus a M. Pomponio acciperet. Prorogata imperia pro- progrederetur, lictoresque verecundia majestatisejus ta-
viuciæque, M. Claudio Sicilia finibus iii, quibus regnum citi anteirent; praeter undecim fasces equo prævectus se-
Hierouis fuisset Lentulo proprætori provincia vetus nex, ut consul animadvertereproximum lictorem jussit
T. Otacilio classis. Eaercitus nulli additi novi. M. Vale- et ia ut descenderet ex equo, inclamavit; tum demum
rio Græcia Macedouiaquecum legione et classe, quam deailiens « Experiri inquit, votui flli, satin, acirea, con-
baberet Q. Mucto cum vetere exercitu (duæ antem le- sulem te esse. »
giones erant) Sardinia C. Terentio leglo uua, cui jam XLV. la ea castra Dasius Altinius Arpinus clam nocts
lui livrerait Arpi.Fabiusen instruisit le conseil, et lait prendre un moyen terme. Il fallait, pour le
tous furent d'avis qu'il fallait frapper de verges moment, ne le regarder ni comme ennemi ni
et faire périr comme transfuge ce perfide ennemi comme allié, mais le mettre ensnrveillance,quoi-
des deux nations, qui, après la défaite de Cannes, que libre, dans quelque ville fidèle, peu éloignée
comme si la fidélité devait toujours être du côté du camp, et l'y garder pendant toute la guerre
de la fortune, s'était retiré auprès d'Annibal, et que, la guerre une fois terminée, on verrait s'il
avait déterminé la défection d'Arpi et qui, main= avait mérité par sa première trahison plus de
tenant que Rome, contre ses espérances et ses châtiments que d'indulgence par son retour. à
vaeux, ressuscitait, pour ainsi dire, offrait une L'avis de Fabius fut adopté; Altinius fut chargé de
nouvelle et plus honteuse trahison à ceux qu'il chaînes lui et ses compagnons; on garda pour la
avait déjà trahis. Toujours du parti contraire à lui rendre une quantité d'or assez considérable
celui qu'il a embrassé, infidèle allié, ennemi sans qu'il avait apportée. Il fut placé à Calès. Là, pen-
foi, après les deux misérables qui avaient voulu dant le jour, on le laissait libre, quoique suivi de
trahir Falères et le roi Pyrrhus, il fallait en faire ses gardiens, et la nuit, on le renfermait. A Arpi,
un troisième exemple pour les transfuges,o Fabius, sa patrie, on le regretta d'abord, et l'on fit quel-
au contraire, le père du consul, disait « que c'était ques recherches. Mais bientôt la nouvelle se répan-
oublier l'état où se trouvaient les affaires, que de dit par toute la ville, et comme il en était le chef,
vouloir, au milieu de la guerre, porter sur cha- sa perte y fit naître quelque tumulte. Dans la
cun, comme si l'on était en paix, un jugement li- crainte d'un changement, on envoya avertir An-
brede toute considération extérieure; qu'alors nibal. Le Carthaginois ne s'affligea pas de cet
qu'il fallait avant tout penser à tous les moyens événement. Depuis longtemps, en effet, il se dé-
possibles d'empêcher quelque allié d'abandonner fiait d'Altinius comme d'un traître outre qu'il
le peuple romain, ils voulaient, sans tenir aucun trouvait une occasion de s'emparer des biens
oompte de cette position, faire un exemple de d'un homme si riche et de les vendre. Du reste,
ceux qui se repentaient, et, reportaient avec re- pour faire croire qu'il se laissait aller, non pas à
gret leurs regards sur l'alliance à laquelle ils son avidité, mais à sa colère, il se montra sévère
avaient renoncé. Que s'il était permis de quitter jusqu'à la cruauté. Il fit venir au camp la femme
les Romains, et défendu de jamais revenir à et les enfants d'Altinius, les interrogea d'abord
eux, il ne fallait pas douter que Rome n'aurait sur sa fuite; puis sur ce qu'il avait laissé chez
bientôt plus un seul allié, et que tous les peu- lui d'or et d'argent, et lorsqu'il fut bien instruit
ples de l'Italie se joindraient aux Carthaginois. Il de tout, il les fit brùler vivants.
était loin cependant de penser qu'on dût accor- XLVI. Fabius partit de Suessula et vint d'abord
der la moindre confiance à Altinius, mais il vou- assiéger Arpi. Il s'établit à cinq cents pas envi-

cum tribus servis venit, promittens, si sibi præmio fo- silii viam. Neque eum pro hoste, nequepro socio in præ-
ret, se Arpos proditurum esse. Quum eam rem ad con- sentia habitum, libera custodia haud procul a castris pla-
silium retulisset Fabius, aliis pro transfuga verberan- cere in aliqua flda civitate servari per belli tempus per-
dus necandusque videri, ancipitis animi communis hos- petrato bello, tum consultandum, utrum defectio prior
tis qui post cannensem cladem tanquam cum fortuna plus merita sit pœnæ, an bic reditus veniae. Fahio es-
fidem stare oporteret, ad Annibalemdiscessisset, traais- sensum est; catenisque ligatus traditur et ipse et comites;
selque ad defectionem Arpos; quumque res romaua con- et auri satis magnum pondus, quod secum tum attuterat,
tra spem votaque ejus velut resurgeret, turpiusvideatur ei servari jussum. Calibus eum interdiu solutum custo-
novam referre proditionem proditis olim; qui aliunde stet des sequebantur nocte clausum asservabant. Arpis domi
semper, aliunde sentiat, iufidus socius, vanus hostis; ad prinmm desiderari quaeriqueest cœptus dein fama, per
Faleriorum Pyrrhive proditorem tertium transfugis do- totam urbem rulgata, tumultum, ut principe amisso,
cnmentum esset. » Contra ea consulis pater Fabius, fecit metuque rerum novarum eilemplo nuntii ad An-
Temporum oblitos homines in medio ardore belli, tan- nibalem missi. Quibus nequaquam offensus Pœuus quia
quam iu pace, libera de quoque arbitria agere, aicbat et ipsum, ut ambiguæ fidei virum, suspectum jam pri-
qui quum illud potius agendum atque iis cogitandum sit, dem habebat, et causam nactus erat tam ditis hominisbona
si quo modo fieri possit, ne qui socii a populo romauo possidendi vendendique; celerum ut ira* magis, quam
desciscant, id non cogitent; documentum autem dicant avaritiae, datum crederent homines, crudelitatem quo-
statui oportere, si quis resipiscat, et antiquam societateai que gravitati addidit, conjugemque ejus ac liberos in ca-
respiciat. Quod si abire ab Romanis liceat redire ad eos stra accitos, qua'stione prius habita primum de fuga Al-
non liceat, cui dubium esse, quin brevi deserta ab so- tinii, dein quantum auri argentique domi relictum esset,
ciis romana res fœderibus punicis omnia in Italia juncta satis cognitis omnibus vivos coinbussit.
visura sit? Se tamen non eum esse, qui Altmio fidei qmo- XLVI. Fabius, ab Suessula profectus, Arpos primum
quam censeat habendum,sed mediam consecuturnm con- institit oppugnare. Obi quum a quingentis fere passibut
ron de la ville, examina de près sa position et entre eux, le consul fait avancer ses troupes, et
celle de ses remparts, et voyant que la partie quelques instants après il entre dans la ville par
la mieux fortifiée était la plus négligemment la porte qui vient d'être brisée.
gardée, il résolut de concentrer sur ce point ses XLVII. Alors enfin les ennemis se réveillèrent;
attaques. Après s'être pourvu de tout ce qui est la pluie s'apaisait, et le jour était déjà proche. Il
nécessaire pour un siège, il réunit les centurions y avait dans la ville une garnison carthaginoise de
les plus braves de toute l'armée, leur donna pour cinq mille hommes environ, et trois mille habi-
chefs des tribuns, hommes de cœur, mit à leur tants étaient armés. Les Carthaginois les placè-
disposition six cents soldats, ce qui lui parut suf- rent au premier rang, en face de l'ennemi, car
fisant, et leur donna l'ordre de porter, au signal ils voulaient éviter d'être eux-mêmes surpris par
de la quatrième veille, des échelles au lieu dési- derrière. On combattit d'abord dans les ténè-
gné. Il y avait là une porte basse et étroite, qui bres, dans des rues étroites, les Romains s'étant
donnait sur une rue solitaire dans une partie dé- emparés des rues et même des maisons les plus
serte de la ville. Il leur enjoint de franchir cette proches de la porte, afin qu'on ne pût les atta-
porte avec leurs échelles, puis de se diriger vers le quer et les blesser du haut des toits. Comme ils
mur, et de briser en dedans les serrures, et une avaient quelques connaissances dans la ville, il s'é-
fois maîtres de cette partie de la ville, d'en aver- tablit des conversations entre eux et ceux d'Arpi.
tir l'armée en sonnant de la trompette, afin que le Les Romains leur demandaient ce qu'ils voulaient,
consul fit avancer le reste des troupes; que de son quels mauvais traitements de la part de Rome ou
côté il tiendrait tout convenablement disposé. Ces quels bienfaits des Carthaginois les avaient enga-
mesures furent exécutées avec activité, et ce qui gés, eux Italiens, à combattre contre les Romains,
paraissait devoir être un obstacle les aida plus leurs anciers alliés, en faveur d'étrangers et de
que tout le reste à tromper l'ennemi. Ce fut une barbares, et à travailler ainsi à rendre l'Italie tri-
pluie violente qui, tombant au milieu de la nuit butaire et esclave de l'Afrique. Ceux-ci, pour
força les gardes et les sentinelles à s'éloigner de se justifier, disaient que leurs chefs les avaient
leurs postes et à se réfugier dans des maisons. vendus, sans qu'ils fussent prévenus de rien, aux
D'abord le fracas de l'orage empêcha d'entendre Carthaginois; qu'ils avaient été surpris et oppri-
le bruit que faisaient les Romains en enfonçant la més par un petit nombre d'entre eux. Le colloque
porte, puis la chute plus lente et plus mesurée de ainsi commencé se propageant de part et d'autre,
la pluie, venant frapper les oreillesdes gardes, les le préteur d'Arpi est amené par les siens devant le
endormit pour la plupart. Une fois maîtres de la consul. Là, à la vue des enseignes, au milieu du
porte, les Romains placent dans la rue leurs trom- combat, ils jurent alliance, et aussitôt les habi-
pettes à égales distances et leur ordonnent de son- tants prennent parti pour les Romains contre les
ner pour avertir le consul. A ce signal convenu Carthaginois. Les Espagnols aussi, qui étaient à

castra posuisset, contemplatus ex propinquo situm urbis excirent. Id ubi factum ex composite est, signa efferre
mœniaque, quæ pan tutissima mœnibus erat, qua maxi- consul jubet, ac paulo ante Incem per effractam portam
me neglectam custodiam vidit, ea potissimum aggredi urbem ingreditur.
statuit. Comparatis omnibus, quae ad urbes oppugnandas XLVII. Tum demum hosbes excitati sunt, jam et im-
usui sunt, centurionum robora ex toto exercitu delegit, bre conquiescente et propinqua luce. Præsidium in urbe
tribunuaque viros fortes iis praefecit, et milites sexcentos, erat Aanibalis, quinque millia ferme armatorum et ipoi
quautum satis ilsum est, attribuit eosque, ubi quartae Arpini tria milliahominum armabant. Eos primos Pœni
vigiliæ signum cecinisset, ad eum locum scalas jussit fer- ne quid ab tergo fraudis esset, hosti opposuerunt. Pugna-
re. Porla ibi humilis et angusta erat, via infrequenti per tum primo in tenebris angustisque viis est. Quam Ro-
desertam partem urbis eam portam scalis prius trans- mani non vias tantum, sed tecta etiam proxima portæ,
gressos ad murum pergere, et ex interioreparte vi clau- occupassent, ne peti superneac vulneraripossent: cogmti
stra refriogere jubet, et tenentes partem urbis cornu sig- inter se quidam Arpinique et Romani atque iode collo-
num dare, ut ceteriecopiæ admoverentur parata omnia quia cœpta fieri, percunctantibus Romanis, quid sibi
atque instrucia sese babiturum. Ea impigre facta et, vellent Arpini ? quam ob noxam Romanorum quod aut
quod impedimentum agentibus fore videbatur, id maxi- meritum Pœnorum, pro alienigenis ac barbaris, Italici ad-
me ad fallendum adjuvit. Imber, ab nocte media coortus, versus veteres socios romanos bellum gererent, et vecti-
custodes vigilesque, dilapsos e stationibus, suffugere in galem ac stipendiariam Italiam Afrieæ facerent? Arpinis
tecta eoegit sonituque primo largioris procellæ strepi- purgantibus, ignaros omnium se venum a principibus
tum molientiumportam exaudiri prohibuit lentior deinde datos Pœno, captos oppressosque a paucis esse. Ioitio
aequaliorqueaccidens auribus magoam partem hominum orto plures cum plaribua eolloqni.Postremo prætor A r-
sopivit. Postquam portam tennerunt, cornieines in via pinus ab suis ad consulem deductus; fideque data inter
paribus iotervallis dispositos canere lubent, ut consulem oigna acieaque Arpini repente pro Romanis adversur
peu près mille, passent au consul sous la seule dans les enceintes consacrées à la Fortune, à la
condition que l'on renverra, sans la maltraiter, déesse Matuta et à l'Espérance.
la garnison carthaginoise. On lui ouvrit les portes, XLVIII. Cette même année, les deux Scipions,
et on la renvoya fidèlement à Annibal, qu'elle re- après des suocès brillants en Espagne, après
joignit, saine et sauve, à Salapia. Arpi revint avoir renoué beaucoup d'anciennes alliances et en
donc aux Romains sans qu'il y eût d'autre victime avoir formé de nouvelles, portèrent leurs espé-
qu'un seul homme, traître autrefois et mainte- rances jusque sur l'Afrique. Syphax, roi des Nu-
nant transfuge. Les Espagnols reçurent double mides, était devenu tout à coup l'ennemi de
ration la république eut souvent occasion d'é- Carthage. ils envoyèrent auprès de lui trois centu-
prouver leur bravoure et leur fidélité. Tandis que rions pour faire avec lui un traité d'amitié et d'al-
l'un des consuls était en Apulie et l'autre en Lu- liance, et lui promettre, s'il continuait à faire la
canie, cent douze nobles cavaliers campaniens, guerre aux Carthaginois, que le sénat et le peuple
sous prétexte d'aller piller le territoire ennemi, romain lui en sauraient bon gré, et feraient dans
obtinrent des magistrats la permission de sortir de l'occasion tous leurs efforts pour lui en témoigner
Capoue et se rendirent au camp romain de Sues- largement leur reconnaissance. Cette députation
sula. Ils déclarèrent aux portes qui ils étaient, et fut agréable au Barbare. Il eut avec les envoyés
qu'ils voulaient parler au préteur. C'était Cn. Ful- une conversation sur les moyens de faire la guerre,
vius qui commandait. Dès qu'il en fut averti, il et d'après ce que lui dirent ces vieux soldats, en
donna l'ordre que dix d'entre eux fussent amenés comparant cette merveilleuse organisation des
devant lui sans armes; après avoir entendu leur troupes romaines avec celle de ses propres trou-
demande (ils ne voulaient rien autre chose que de pes, il sentit combien de choses il ignorait; aussi,
rentrer dans leurs biens après la prise de Capoue), il leur demanda, avant tout, que pour agir en
il les reçut tous en grâce. L'autre préteur, Sem- bons et fidèles alliés, 1 deux des centurions seule-
pronius Tudilanus avait emporté d'assaut la ville ment allassent rendre compte de leur ambassade
d'Aternum. Il y prit plus de sept mille hommes, à lours généraux, et qu'un des trois restât auprès
et une certaine quantité de cuivre et d'argent de lui pour enseigner aux Numides l'art militaire;
monnayé. A Rome il y eut un horrible incendie que sa nation était tout-à-fait inhabile aux com-
qui dura deux nuits et uu jour. Tout fut consumé bats d'infanterie, et ne savait se servir que de
jusqu'au sol depuis les Salines et la porte Carmen- ses chevaux; que, dès l'origine, leurs ancêtres
tale, jusqu'à l'Æquimélium et la rue Jugarius. avaient combattu à cheval, et qu'eux-mêmes,
De l'autre côté de la porte, le feu s'étendit au loin, depuis leur enfance, n'avaient pas appris à com-
et dévora beaucoup d'édifices, saints ou profanes, battre autrement; qu'ayant ua ennemi dont

Carthaginiensem arma verterant. Hispani quoque, paulo tae et Spei extra portam late vagatus ignis sacra profa-
minus mille homines, nihil praeterea cum consule pactl naque multa absumpsit.
quam ut sine fraude Punicum emittereturpræsidium, ad XLVIII. Eodem anno P. et Cn. Cornelü, quum in His-
consulem transtulerunt signa. Carthaginiensibus porte pania rcs prosperæ essent, multosque et veteree recipe-
patefactæ, emissique cum Ode incolumes ad 4nnibatem rent socios, et novot adjicerent,in Africam quoque spem
Salapiam venerunt. Arpi sine clade ullius, præterquam extenderunt.Syphax erat rex Numidarum, subito Car-
unius veteris proditoris, novi perfugae, restituti ad Ro- tbaginiensibus hostis factus. Ad eum centuriones tres le-
manos. Hispanis duplicia cibaria dari jussa operaque gatos miserunt, qui cum eo amicitiam societatemque fa-
eorum forti ac fideli persæpe respublica usa est. Quum cerent et pollicerentur,si perseverareturgere bello Car-
consul aller in Apulia alter in Lucanis esset, equites cen- tliaginienses, gratam eam rem fore senatui populoque
tum duodecim nobiles Campani. per speciem praedandi romano, et annisurM, ut in tempore, et bene cumula-
ex hostium agro, permissu magistratuum ab Capua pro- tam gratiam référant. Grata ea legatio barbaro fuit col-
fecti, ad castra romana, quae super Suessulam erant, locutusque cum legatis de ratione belli gerundi ut vete-
venerunt. Stationi militum, qui essent, dixerunt; collo- rum militum verba audivit, quam multarum rerum ipse
qui sese cum prætore velle. Cn. Fulvius castris praeerat; ignarus esset, ex comparatione tam ordinataedisciplinæ,
cui ubi nuntiatum est decem ex eo numéro jussis iner- animum advertit. Tum, primum ut pro bonis ac Odeli-
mibus deduci ad se, ubi quæ postularent, audivit ( nihil bus sociis facerent, oravit, ut duo legationem refer-
autem aliud petebant, quam ut, Capua recepta, bona rent ad imperatoressuos, unus apud sese magister rei
sibi restituerentur), in fidem omnes accepti. Et ab aitero roilitaris remaneret. Rudem ad pedestria bella Numida-
praetore Sempronio Tuditano oppidum Aternum expug- rum gentem esse, equis tanlum habilem. Ita jam inde a
natum. Amplius septem millia hominum capta, et æris prinçipiis gentis majores suos bella gessise ita se a pue-
argentique signati aliquantum. Romæ fœdum incendium ris insuetos. Sed habere hostem pedestri fdontem Marte;
per duas noctes ac diem unum tenuit solo aequata om- cui si æquari robore virium velit, et sibi pedites compa-
nia inter Salinas ac portam Carmentalem cum Æquimæ- randos esse; et ad id multitudinehominum regnum nbun-
lie Jugerioquevico. In templis Fortunæ ac matris Matu- dare sed armandi, ornandique, lit instruendi eos artem
l'infanterie était excellente, pour ne pas lui être die, dont les habitants sont appelés Massyliens.
inférieur, il fallait qu'il organisât aussi une in- XLIX. Gala avait un fils nommé Masinissa,
fanterie; que son royaume produisait des bom- âgé de dix-sept ans, jeune homme dont le ca-
mes en abondance, mais qu'il ignorait la manière ractère annonçait déjà qu'il rendrait son royaume
de les armer, de les équiper, de les disposer en plus vaste et plus considérable qu'il ne l'aurait
troupes que son armée, comme toute multitude reçu de son père. Les députés annoncent à Gala
rassemblée au hasard, ne présentait que des mas- «que, puisque Syphax s'était uni aux Romains
ses en désordre. » Les envoyés répondirentqu'ils pour devenir, à l'aide de leur alliance, plus puis-
allaient faire à l'instant même ce qu'il deman- sant contre les rois et les peuples de l'Afrique, il
dait, après avoir reçu la parole du roi qu'il ren- était de l'intérêt de Gala de s'unir au plus tôt
verrait leur collègue si les généraux n'approu- aux Carthaginois, avant que Syphax passât en Es-
vaient pas leur conduite. Celui qui resta auprès pagne ou les Romains en Afrique. Que l'on pour-
du roi se nommait Q. Statorius. Le Numide, avec rait ainsi écraser Syphax, qui n'était encoreallié
les deux autres Romains, envoya en Espagne des de Rome que de nom. » Gala se laissa facilement
ambassadeurs qui devaient recevoir la parole des persuader d'envoyer une armée, car son fils dési-
deux généraux, et travailler en même temps à rait cette guerre. Le jeune homme, unissant ses
gagner au plus tôt les Numides auxiliaires qui fai- troupes à celles des Carthaginois, défit Syphax
saient partie des garnisons carthaginoises. Slato- dans une grande bataille. Trente mille hommes,
rius, dans cette nombreuse jeunesse, créa au roi dit-on, y furent tués. Syphax, avec quelques ca-
une infanterie. D'après la méthode romaine, il valiers, s'échappa du champ de bataille, et se ré-
leur apprit à se former en ligne, à courir en sui- fugia chez les Maurisiens Numides, qui habitent
vant leurs enseignes, à garder leurs rangs. Enfin tout à l'extrémité, sur le bord de l'Océan, en face
il les accoutuma lellement au travail et à tout ce de Gades. Au bruit de son nom, les barbares ar-
qu'exige la discipline militaire, que bientôt le roi rivèrent de tous côtés, et il en forma bientôt une
eut autant de confiance dans son infanterie que immense armée. Avant qu'il passât avec eux en
dans sa cavalerie. 11 se rencontra avec les Car ha- Espagne, dont il n'était séparé que par un dé-
ginois en plaine, et les délit dans une bataille regu- troit, Masiuissa arriva avec ses troupes victorieu-
lière. Les Romains de leur côté, gagnèrent beau- ses, et là, tout seul sans aucun secours de Car-
coup en Espagne à l'arrivée des envoyés du roi. Car thage, il soutint glorieusement la guerre contre
les Numides, dès qu'ils en furent informés, pas- Syphax. En Espagne, il ne se passa rien de mémo-
sèrent en grand nombre aux Ilomains. Ainsi fut rable, si ce n'est que les généraux romains attirè-
concluel'alliance avec Syphax. A cette nouvelle, les rent à eux la jeunesse des Celtibères, pour la même
Carthaginois envoyèrent une ambassade à Gain, solde que celle dont ils étaient convenus avec les
lequel régnait sur une autre partie de la Numi- Carthaginois, et ils envoyèrent en Italie plus do

ignorare. Omnia, velut forte congregata turba, vasta XLIX. Filium Gala Masinissam habebat, septem et
ac temeraria esse. » Facturos se iu pra'seutia, quod vel- decem annos nalum ceterum juveneni ea iodole, ut Jem
let, legati respondpruut fide accepta ut rcmitteret ex- tum appareret, latius regnum opulentiusque, quam quod
templo cum si imperatores sui non comprobassentfac- accepisset, facturum. Legati, c quoniam Syphax se Ro-
tum. Q. Statorio nomen fuit, qui ad regem remansit. mams junxisset, ut potentior societate eorum adversus
Cum duobus Romanis reliquis Numida legatos in IIispa- l'elles populosqueAfricæ esset, docent, melius fore Galæ
uiam misit ad accipiendam fidem ab imperatoribus ronia- quoque. Carthaginiensibus jungi quam primum, ante-
nis. l'isdem mandavit, ut protinus Numidas, qui intra quam Syphax in Hispaniam, aut Romani in Africam
prepsidia Carthagiuiensium auxiliares essent, ad transi- transeant; oppriroi Syphacem, oihildum præter nomen
lionem pellicerent. Et Statorius ex mulla juventute regi ex fœdere romano baheutem posse. » Facile persuasum
pedites conscripsit ordinatosque proxime morem roma- Galæ, filio deposceute id bellum ut exercitum mitteret:
num, instruendo et decurrendo signa sequi et servare qui Carthagmiensium legionibus conjunctis magno
ordines docmt et operi aldsquc justis niilitaribus ita as- prælio Syphacein devicit. Triginta millia eo pra'lio homi-
suefecit, ut brevi rez non equiti magisfideret, quam pe- num caesa dicuntur. Syphax cum paucis equitibusin Mau-
diti collatisque æquo campo signis, justo prælio Cartha- rusios ex acie Numidas (extremi prope Oceanum adver-
giniensem hostem superaret. Romanis quoque m Iüspa- sus Gades colunt) refugit affluentibusquead famam ejus
nia legatorum regis adventus magno emolumento fuit. uodique barbaris, intentes brevi copias armavit. Cum
Namque ad fanram eorum transitiones crebræ ah Numi- quibus antequam in Hispaniam angusto direiiiplant freto
dis cœptæ fieri. Ita cum Syphace Romanis juncta amici- trajieeret, Masinissa cum victore exercitu adven t isque
tia est. Quod uLi Carthagiuienses acceperunt, extemplo ibi cum Syphace ingenti gloria per se sine ullia Cartha-
ad Galam, in parte altcra Numidiæ (Massyli ea gens vo- gmiensium opibus, gessit bellum. In Hispania mhil me-
catur regnantem, legatos mittunt. morabile gestum præterquam quod Celliberum juventu-
trois cents Espagnols des plus nobles familles, année, en Espagne, qu'une seule chose de remar-
afin qu'ils essayassent de gagner ceux de leurs quable, c'est que les Celtibères furent les premiers
compatriotes qui servaient comme auxiliaires soldats mercenaires que les Romains eussent ja-
dans l'armée d'Annibal. Il n'y eut dans toute cette mais admis dans leurs armées.

tem eadem mercede, qua pacta cum Carthaginiensibut Id modo ejus anni in Hispania ad memoriam insigne est
erat, imperatoresRomani ad se perduxerunt et nobilis- quod merrenarium militem in castris neminem ante,
simos Hispanos supra trecentos in ltaliam ad sollicitandos yuam tum Celtiberos, Romani habuerunt.
popnlares, qui inter auiilia Annibalis erant, miserunt.
LIVRE VINGT-CINQUIÈME.

SOMMAIRE. — Pub. Cornelius Scipion depuis Scipion l'Africain est nommé édile avant l'âge. — De jeunes Taren-
tina aortis pendant la nuit sous pretex'e d'aller à la chasse, livrent leur ville à Annibal qui s'en empare, à l'excep-
tion toutefois de la citadelle, où s'était réfugiée la garnisonromaine. -Des jeux Apolhnaires sont iuatitues d'après
les livres de Marcius, lesquels avaient predit le desastre de Cannes. — Succès de Q. Fulvius et d'Ap. Claudius
consul, contre Hannon, chef des Carthaginois. — Tib. Sempronius Gracchus, proconsul, attiré dans une em
huche par les artifices d'un Lucanien, son bôle, est assassine par Magon. — ContentiusPenula centurion de-
mande une armée au sénat, promettant, s'il l'obtient, de vaincre Anoibal. On lui donne huit mille hommes dont
il est nornmé chef. -11 livre bataille à Anuibal ma s il est tué et son armée détruite. — Cn. Fluvius est également
défait pdr Anmbal; seize mille hommes périssent dans ce combat, et le préteur est obligé de fuir avec deux cents
cavaliers seule meut. -Capoue est assiegé par Q. Fulvius et App. Claudius, consuls. Syracuse est prise après
trois ans de siege par Claud. Marcellus qui y déploie tous les talents d'un grand genéral. Dans le premier
tumulte qui suit la prise de cette ville Archimède, occnpé à tracer sur le sable des figures géométriques, est tué
par un soldat. Revers éprouvés en Espagne par P. et Cn Scipion après huit ans de succès. Tous deux sont
tués, et leur armée e!.t presqu'entièrementdetruite. L'Espagnequi allait être perdue est conservee grâce an
courage et à l'habileté d'un chevalier romain, L. Marcius lequel rassemble les debris de l'armée et s'empare de
deux camps ennemis, après avoir exhorté ses soldats. Trente-sept mille ennemis sont tués, et trente mille huit
cents faits prisonniers.— Marcius est nommé général.

1. Tel était l'état des affaires en Afrique et en faits prisonniers, mais dans les bandes composées
Espagne. Annibal resta tout l'été dans le pays des de paysans et d'esclaves. Ce qu'on regretta le
Tarentins, espérant toujours que la trahison lui moins, ce fut la prise du chef, cause de cette ba-
ouvrirait les portes de Tarenle. Quelques villes taille téméraire, auparavant collecteur d'impôts,
sans nom de ce territoire et de celui des Sallen- et qui, par toute sorte d'intrigues, avait été nui-
titis passèrent dans son parti. Vers le même temps, sible autant qu'infidèle à la républiqueet à ses al-
deux des douze peuples du Bruttium, qui, l'année liés. Le consul Sempronius, en Lucanie, livra
précédente, s'étaient donnés aux Carthaginois, plusieurs petits combats, dont aucun ne mérite
ceux de Consentia et de Thurium revinrent au d'être cité, et prit dans ce pays quelques villes de
peuple romain. Un plus grand nombre eût suivi peu d'importance. Ainsi la guerre traînait en
leur exemple, si T. Pomponius Véientanus, préfet longueur, et les dispositions des esprits, non
desalliés, se croyant un général accompli, parce moins que la fortune, variaient avec les succès et
que le hasard l'avait favorisé dans quelques cour- les revers. II se manifesta alors à Rome un si
ses sur les terres des Bruttiens, n'eût eu l'impru- grand zèle pour le culte des dieux, ou plutôt des
dence de se heurter contre Hannon avec une dieux étrangers, qu'on eût dit que les dieux ou
multitude sans discipline, dont il s'était fait une les hommes avaient changé tout à coup. Ce
armée. Il y eut là beaucoup d'hommes tués ou n'était déjà plus en secret, dans l'intérieur des

LIBER VIGESIMUS QUINTUS. ciem nactus, tumultuarioexercitu coacto, cum Hannone


conflixisset. Magna ibi vis hominum, sed inconditæ turbas
1. Dum hæc in Africaatque in Hispaniageruntur, Aoni- agrestium servorumque. ce'sa aut capta est minimum-
bal in agro tarenlino mstatem consumpsit, spe per pro- que jacturæ fuit, quod præfectus inter ceteros est captus,
ditiouem urbis Tarentinorum potiuodæ. Ipsorum inte- et tum temerariæ pugnæ auctor, et ante publicanusom.
rim et Sallentinorum ignobiles urbes ad enm defecerunt. nibus malis artibus et rerpublicæ et societalibusinfidus
Eodem tempore in Bruttiis ex duodecim populis qui damnnsusque. Sempronius consul in Lucanis mulla prae-
anno priore ad Pcenos desciverant, Consentini et Thurini lia parva, baud ullum dignum memoratu, fecit et igno-
in fldem populi romani redirrunt. Et plures rediissent, bilia oppida Lucanorumaliquot expugnavit. Quo diutius
ni T. Pomponius Veientanus præfectus sodium, prospe- trahebatur bellum et variabant secundæadversæque res
rs aliquot populationibus m agro Brutto justi ducis spe- uon fortunam magis, quam ammos, hominum; tama
maisons, que l'on abolissait l'ancien culte romain; II. Cette année-là il mourut plusieurs minis-
en public même, dans le forum, au Capitole, il y Ires du culte public L. Cornélius Lentulus, sou-
avait une troupe de femmes qui ne sacrifiaient verain pontife; C. Papirius Mason, fils de Caius,
plus, qui ne priaient plus les dieux à la manière pontife; P. Furius Philus, augure, etC. Papirius
de leurs ancêtres. De misérables sacrificateurs, des Mason, fils de Lucius, décemvir des sacrifices. Ou
devins s'étaient emparés de toutes les imagina- nomma pontife à la place Je Lenlulus M. Corné-
tions. Leur nombre alla s'augmentant, et ce qui lius Céthégus; Cn. Servilius Cépiou, à la place de
y contribua, ce fut d'une part le peuple des cam- Papirius. L. Quinctius Flamininus fut créé augure,
pagnes que la misère et la crainte avaient forcé et L. Cornélius Lentulus décemvir des sacrifices.
d'abandonner ses champs incultes et longtemps Déjà approchait le temps des comices consulaires;
ravagés par la guerre, pour se réfugier à la ville mais pour que les consuls, tout entiers à la guerre,
d'autre part, le facile profit qu'il y avait à exhloi- n'eussent pas d'autre soin T. Semprouius, l'un
ter la superstition comme M c'eût été un métier d'eux, nomma uu dictateur pour tenir les comi-
autorisé. D'abord les gens de bien s'en indigné- ces. Ce fut C. Claudius Centhon. Centhon choisit
rent en secret puis les plaintes éclatèrent et fu- pour sou maître de la cavalerie Q. Fulvius Flac-
rent portées au sénat, qui fit de graves répriman- cus. Le dictateur, le premier jour des comices,
des aux édiles et aux triumvirs capitaux de leur créa consuls Q. Fulvius Flaccus, maitre de la ca-
négligence. Mais, lorsqu'ils voulurent chasser la valerie, et Ap. Claudius Pulcher, qui avait com-
multitude du forum et disperser l'appareil des mande en Sicile comme préteur. Ensuite forent
sacrifices, peu s'en fallut qu'ils ne fussent re- élus les préteurs, Cn. Fulvius Flaccus, C. Clau-
poussés avec violence. Il devint évident que le mal dius Néron M. Junius Silauus et P. Cornélius
s'était déjà trop étendu pour que des magistrats Sylla. Les comices terminés, le dictateur se démit
inférieurs pussent y remédier, et le sénat dut char- de ses fonctions. Cette année-là P. Coruélius Sci-
ger M. Atilius, préteur de la ville, de délivrer le pion, surnommé plus tard l'Africain, fut édite cu-
peuple de ces superstitions. Le peuple fut convo- rule avec M. Cornélius Célhégus. Les tribuns du
qué, le préteur lut le sénatus-consulte, et ordonna peuple s'opposaient à sa candidature, prétendant
par un édit que quiconque aurait des livres de qu'il n'en fallait pas tenir compte, puisqu'il n'avait
divination, des formules de prières ou un recueil pas l'âge voulu par la loi. Si tous les Romains,
des cérémonies de ces sacrifices, apportât chez lui s'écria-t-il, veulent me faire édile, je suis assez
tous ces livres, tous ces écrits avant les calendes âgé. » Le peuple se prononça tellement en sa
d'avril, et il défendit que personne, dans aucun faveur, en allant voter dans les tribus, que les
lieu public ou sacré, sacrifiât d'après les rites nou- tribuns cédèrent aussitôt. Les édiles, pour s'ac-
veaux ou étrangers. quitter de ce qu'exigeait leur charge, firent célé-

religio et ea magna ex parte externa, ciritatem incessit, II. Et aliquot publici sacerdotes mortui en anno sunt
ut aut homines, aut dii repente alii viderentur facti. Nec L. Cornelius Lentulus pontifex maximus, et C. Papirius
jam in secreto modo atque intra parietes abolebantur Ro- C. F. Maso pontifex, et P. Furius Philus augur, et C.
mani ritus; sed in pubhco etiam ac foro Capitolioqueruu- Papirius L. F. Maso decemvir sacrnrum. In Leulnli lo-
lierum lurba erat, nec sacrificantium, nec precantium cum M. Cornelius Cethegus, in Papirii Cu. Set-vilius
deos patrio more. Sacrificuli ac vates ceperant hominum Cæpio, pontificessuflecti sunt. Augur creatus L. Quinc-
mentes quorum numerum auxitrustica plebs, ex incul- tius Flamininus, decemvir sacrorum L. Cornelius Len-
tis dwtino bello infestisque agris egeslate et metu in ur- tulus. Comitiorum consularium jam appetebat tempus;
bem compulsa; et quæstus ex alieuo errore facilis, quem sed quia consules a bello intentos avocare non placebat,
velut ex concessæ artis usu exercebant. Primo secretæ Ti. Sempronius consul comitiorum causa dictatoremdixit
bonorum indignationes exaudiebanlur, deinde ad Patres C. Claudium Centhonem ab eo magister equitum est
e:iam et ad pulrlicam querimoniam excessit res. Incusati dictus Q. Fulvius Flaccus. Dictator primo comitiali die
graviter ab senatu ædiles tiiuiiivirique capitales, quod creavit consules Q. Fulvium Flaccum, magistrum equi-
non prohiherent, qnum emovere eam multitudmem e tum, etAp. Claudium Pulchrum, cui Sicilia provincia
foro, ac disjicere apparatus sacrorum conati essent, in prætura fuerat.Tum prætores creati Cu. Fulvius Flac-
haud prcxul abfuit, ouin violarentur. Ubi potentius jam cus, C. Claudius Nero, M. Junius Silanus, P. Cornelius
esse id malum apparuit quam ut minores per magistra- Sulla. Comitiis perfectis, dictator magistratu abiit. Ædi-
tus sedaretur, M. Atilin prætori urbis uecotium ab sena- lis curulis fuit eo anno cum M. Cornelio Cethego P. Cor
tu datum est, ut his rehgiouibus populum libararet. Is et nelius Scipio, cui post Africano fuit cognomen. Huic pe-
in c.mcioue senatusconsullum recitavit, et edixit Ut, tenti ædilitatem quum obsisterenttribuni plebis negan-
quicunque libros vaticinos precationesve, aut artein sa- tes rationem ejus habendam esse quod nondum ad
crificandi conscriptam baberet, eos libros omnes lieras- petendum legitima aetas esset Si me, inquit, omnes Qui-
que ad se ante kalendas Apriles deferret ueu quis, in rites ædilem facere volunt, satis annorum habeo.. Tanto
publico sacrove loco, noyo aut externo ritu sacrificaret. » mde favore ad suffragium ferendum in tribus discursum
brer les jeux romains avec beaucoup de magnifi- et le royaume d'Hiéron; T. Olacilius, la flotte
cence pour le temps, et distribuer une mesure M. Valérius, la Grèce; Q. Mucius Scévola, la Sar-
d'huile dans chaque quartier. L. Villius Tappulus daigne, et les deux Scipions, les Espagnes. Aux
an-
et M. Fundanius Fundulus, édiles plébéiens, accu- ciennes armées furent ajoutées deux légions ur-
sèrent devant le peuple quelques dames romaines baines levées par les consuls, ce qui porta pour
du crime d'adultère. Plusieurs furent condam- cette année le nombre des légions à vingt-trois.
nées et envoyées en exil. Les jeux plébéiens fu- M. Postumius de Pyrgi s'opposa à ces levées que
rent célébrés pendant deux jours, et à cette oc- faisaient les consuls, et excita un mouvement qui
casion un festin solennel fut offert à Jupiter. faillit être sérieux. Poslumius était un collecteur
III. Q. Fulvius Flaccuset Ap. Claudius prennent d'impôts qui, depuis nombre d'années, n'avait
possession du consulat;c'était le troisième des Fui- pas dans toute la république son égal pour la
vius. Les préteurs tirèrent au sort leurs départe- fraude et l'avidité, si ce n'estT. Pomponius Véien-
ments. P. CornéliusSyllaeutla juridiction de laville tanus qui, l'année précédente, avait été fait pri-
et celle des étrangers, qui auparavant étaient sé- sonnier par Hannon et les Carthaginois, pendant
parées. Cn. Fulvius Flaccus eut l'Apulie, C. Clau- sa folle expédition en Lucanie. Comme le trésor
dius Néron Suessula, et M. Junius Silanus l'Étru- public répondait des pertes en cas de tempête pour
rie. Les consuls furent chargés de la guerre contre le matériel transporté aux armées, ils avaient
Annibal, chacun avec le commandement de deux supposé des naufrages qui n'avaient réellement
légions. Ils devaient les recevoir, l'un de Q. Fa- pas eu lieu, et ceux mêmes qui étaient vérita-
bius, consul de l'année précédente, l'aulre de bles avaient eu la fraude et non le hasard pour
Fulvius Centumalus. Quant aux préteurs, Fulvius cause. Ils chargeaient de quelques marchandi-
Flaccus devait avoir les légions qui étaient à Lu- ses de nulle valeur de vieux bâtiments hors de
céria, sous le commandement du préteur Émi- service, les faisaient couler bas en pleine mer,
lius Claudius Néron, celles qui servaient sous ayant soin de tenir des barques toutes prêtes pour
C. Térentius dans le Picénum. Ils étaient chargés sauver l'équipage; puis ils venaient affirmer faus-
l'un et l'autre de faire de nouvelles levées pour sement que les marchandises perdues étaient con-
que leur armée fût au complet. M. Junius eut sidérables. Le préteur M. Atilius avait été instruit
contre les Étrusques les légions urbaines de l'an- de cette fraude l'année précédente, et l'avait dé-
née précédente. T. Sempronius Gracchus et noncée au sénat. Toutefois elle n'avait été l'objet
P. Sempronius Tuditanus conservèrent leurstrou- d'aucun sénatus-consulte, les sénateurs ne vou-
pes et leurs commandements, l'un en Lucanie, laient pas, dans de telles circonstances, se mettre
l'autre en Gaule. P. Lentulus conserva aussi l'an- mal avec l'ordre entier des publicains. Le peuple
(ienne province en Sicile; M. Marcellus, Syracuse punit plus sévèrement ce vol. Un certain jour

est, ut tribuni repente incepto destiterint. Ædilitia largitio cilio classis Gracia M. Vaierio Sardinia Q. Mncio
hæc fuit ludi romani pro temporis illius copiis magmfice Scævolæ; Hispaniæ P. et Cn. Corneliis. Ad veteresexer-
facti, et diem unum inslaurati, et congii olei in vicos sin- citus duæ urbanæ legiones a consulibus scriptæ, sum-
gulos dali. L. Villius Tappulus et M. Fundanius Fundu- maque trium et viginti legionum eo anno effecta est. De-
lus, ædiles plebeii aliquot matronas apnd populum pro- lectum consulum M. Postumii Pyrgensis cum magno
bri accusarunt quasdam ex lis damnatas in exsilium prope molu rerum fartum impediit. Publicanus erat Pos-
egerunt. Ludi plebeii per biduum instaurati et Jovis tumius, qui multis annis parem fraude avaritiaque ne-
epulum fuit ludorum causa. ininem in civitaie habuerat prxter T. Pomponium
III. Q. Fulvius Flaccus tertium, Ap. Claudius consu- Veientanum,quem, populantem temere agros in Luca-
latum incunt. Et prætores provincias sortiti sunl; P. Cor- nis, ductu Hannonis priore auno ceperantCarthaginien-
nelius Sulla urbanam et peregrinam, qum duorum ante ses. Hi, quia publicum periculum erat a vi tempestatis
sors fuerat; Cn. Fulvius Flaccus Apuliam C. Claudius in iis, quæ portarentur ad exercitus, et ementi erant
Nero Suessulam, 11I. Junius Silanus Tuscos. Consulibus fiilsa naufragia, (t ea ipsa, qum vera renuntiaverant,
bellum cum Annibale et binæ legiones decretae alter a fraude ipsorum facla erant, non casu. In veteres quas-
Q. Fabio superioris anni consule aller a Fulvio Centu- sasque naves paucis Pt parvi pretii rébus imoositis, quum
malo acciperet. Praetorum, Fulvii Flacci, qum Luceriæ mersissent eas in alto, exceptis in præparatas scaphat
sub Æmilio prætore; Neroois Claudii quae la Piceno nautis, multiplices fuisse merces enientiebantur.Ea fraus
sub C. Terentio fuissent, legiones essent supplemen- indicata M. Atilio prætori priore anno fuerat, ac per eum
tum in eas quisque seriberet sibi. M. Junio iu Tuscos le- ad senatum delata, nec lamen ullo senatusamsulto nota-
giones urbauæ prioris anni datæ. Ti. Sempronio Grac- ta quia Patres ordinem publicanorum in tali lempore
cho et P. Sempronin Tuditano imperium provinciaeque offensum nolebant. Populus severior vindex fraudit erat;
Lucani et Gallia cum suis exercitibus prorogatæ item excitatique tandem duo tribuui plebis Sp. et L. Carvih
P. Lentulo, qua vêtus provincia in Sicilia esset; M. Mar- quam rem invisam infamemque cernèrent, ducentum
cello Syracusæ, et qua Ilieronis regnum fuisset T. Ota- millium aeris mullam 111. Postumio duerunt. Cui cer-
les deux tribuns Sp. et L. Carvilius, excités les décemvirs, auxquels la république devait les
par ses plaintes, et voyant que ces mauoeuvres lois qui la gouvernent, et beaucoup des plus
soulevaient l'indignation et le mépris de tous, grands citoyens de Rome, avaient subi le juge-
condamnèrent M. Postumius à une amende de ment du peuple. Mais un Postumius de Pyrgi
deux cent mille pièces d'argent. Le jour où le avait voulu forcer les suffragesdu peuple; il avait
peuple devait voter sur cette amende, l'assemblée contraint une assembléepublique à se dissoudre,
fut si nombreuse que la place du Capitole pouvait les tribuns à se retirer; il avait présenté la ba-
à peine contenir la multitude. Les défenseurs en- taille au peuple romain pris position pour empê-
tendus, Postumius semblait n'avoir plus qu'une cher le peuple de communiquer avec ses tribuns,
ressource, c'était que C. Servilius Casca, tribun les tribus de donner leurs suffrages. S'il n'y avait
du peuple, son allié et son parent, intervînt pas eu de combat, si le sang n'avait pas coulé,
avant que les tribus fussent appelées à voter. c'était grâce à la modération des magistrats, qui
Quand les témoins eurent déposé, les tribuns firent avaient un instant cédé à la fureur et à l'audace de
retirer le peuple, et l'on apporta l'urne pour que quelques individus et qui s'étaient laissé vaincre,
le sort décidât dans quel ordre les Latins vole- eux et le peuple romain; qui enfin, pour ne pas
raient. Les publicains pressaient Casca de faire laisser de prétexte à ceux qui ne cherchaient
ajourner la décision. Le peuple réclamait, et qu'une lutte, avaient, comme le voulait Postu-
Casca, qui se trouvait assis le premier au banc mius, renvoyé l'assemblée du peuple, qu'un ac-
des tribuns, était partagé entre la honte et la cusé allait rendre impossible par la violence et par
crainte. Voyant qu'il ne fallait guère compter sur les armes. » Tout ce qu'il y avail. de citoyens hono-
lui, les publicains, pour échapper à la faveur du rables dans le sénat se prononça dans le même
trouble, se précipitent dans l'espace resté vide et sens, en face d'une action aussi inouie. Le sénat,
dont le peuple ne pouvait approcher ils s'en par un décret, déclara que cette tentative était
prennent à la fois au peuple et aux tribuns; et il d'un
dangereux exemple et que c'était un attentant
y aurait eu quelque combat, si le consul Fulvius contre la république. Aussitôt les deux Carvilius,
ne se fût écrié, en s'adressant à ces derniers. « Ne tribuns du peuple, laissant de côté la question de
voyez-vous pas que vous êtes forcés de reculer, l'amende, portèrent contre Postumius une accu-
et qu'une sédition est imminente, si vous ne vous sation capitale, avec ordre aux licteurs de le sai-
bâtez de lever l'assemblée? e sir, s'il ne donnait pas caution, et de le traîner
IV. Le peuple se retire et le sénat est conv oqué en prison. Postumius donna caution et ne compa-
les consuls y font leur rapport sur la violence et rut point. A la demande des tribuns, le peuple
l'audacedespublicains, qui ont troublé l'assemblée décida que, « si M. Postumius nese présentait pas
du peuple. Camille, disaient-ils, dont l'exil avant les calendes de mai, s'il ne répondait pas
avait été suivi de la ruine de Rome, s'était laissé ce jour-là quand son nom serait appelé, ou si les
condamner par ses concitoyens irrités; avant lui, excuses n'étaient pas admises, il serait exilé, ses

tandae quum dies advenisset, conciliumque tam frequens Decemviros ante eum, quorum legibus ad eam diem vi-
plebis adesset, ut multitudinem area Capitolii vix cape- verent, multos postea principes civitatis, judicium de se
ret; perorata causa, spes una videbatur esae, si C. Ser- populi passoo. Postumium Pyrgensemsuffragium populo
vilius Casca tribunus plebis, qui propinquus cognatusque romano extorsisse, coucilium plebis sustulisse, tribunos
Postumio erat, prius, quam ad suffragium tribus voca- in ordinem coegisse, contra populum romannm aciem
rentur, intercessisset. Testibus datis, tribuni populum instruiisse, locum occupasse, ut tribunos a plebe inter-
summoverunc; sitellaque allata est, ut sortirentur, ubi cluderet, tribus in suffragium vocari prohiberet. Nibil
Latini suffragium ferrent. Interim publicani Casca; in- alind a cæde ac dimicatione contiuuisse homines, uisi pa-
stare, ut concilio diem eumeret. Populus reclamare et tientiam magistratuum, quod cesserintin præsentia fu-
forte in cornu primus sedebat Casca, cui simul metus rori atque audaciæ paucorum, vincique se ac populum
pudorque aninium versabat. Quum in eo parum praesidü romanum passi sint; et comitia quæ reus vi atque ar-
esset, turbandæ rei causa publicani per vacuum in sum- mis prohibiturus erat, ne causa quærentibus dimicalio-
moto locum cuneo irruperuut jurgantes simul cum po- nem daretur, vollwtate ipsius sustnleriut.. » Hæc qnum
pulo tribuuisque. Nec proculdimicatione res erat quum ab optimo quoque pro atrocilate rei aela essent, vimque
Fulvius consul tribuuis Nonne videtis, inquit, vos in eam contra rempublicam et peruicioso exempte factam
ordinem coactos esse, et rem ad seditionetn spectare, ni senatus decresset; confestim Carviliitribuni plebis, omissa
prop?re dimittitis plebis concilium? » mullæ certatione rei capitalis diem Postumio dixerunt
IV. Plebe dimissa, senatus vocatur et consules refe- ac, ni vades daret, prehendi a viatore, atque in carco-
runt de concilio plebis turhato vi atque andacia publica- rem duci jusserunt. Postumius, vadibus datia, non adfuit.
norum.. M. Furium Camilum, cujus exsilium ruina 4r- Tribuni plebem rogaverunt, plebesque ita scivit Si
bis secuta fuerit, damuari se.1b iratis civibus passum esse. M. Postumius ante Kalendas Maias nonprodisset, citatus-
biens vendus, et qu'on lui interdirait l'eau et le aurait dans les villes, bourgs et marchés, de jeu-
feu. Ensuite, les tribuns accusèrent, l'un après nes gens de condition libre, et s'il s'en trouvait
l'autre, de crime capital, tous ceux qui avaient d'assez forts pour porter les armes, de les enrôler
excité ce tumulte, et les forcèrent à donner cau- quand même ils n'auraient pas l'âge de servir. Les
tion. D'abord ceux qui n'en donnaient pas, puis tribuns étaient invités, s'ils le jugeaient à propos,
ceux-là mêmes qui pouvaient en donner, furent à proposer une loi aupouple, afin que tous ceux qui
jetés en prison; de sorte que, pour éviter ce se seraient engagés avant dix-sept ans, comptas-
danger, la plupart s'exilèrent. sent leurs campagnes comme s'ilsavaient effective-
V. Ainsi fut punie cette fraude des publicains, ment dix-sept ans ou davantage à leur entrée au
et l'audace avec laquelle ils l'avaient soutenue. servie. » Les deux commissionsde triumvirscréés
Bientôt après furent tenus les comices pour la no- parcesénatus-consulte, recherchèrent dans toutes
mination du souverain pontife. Ce fut le nouveau les campagnes les jeunes gens de condition libre.
pontife, M. Cornélius Céthégus, qui les présida. Vers la même époque, on lut dans le sénat une
Trois candidats briguaient avec ardeur cette di- lettre que M. Marcellus écrivait de Sicile, et où il
gnité le consul Q. Fulvius Flaccus, qui avait exposait la demande de l'armée commandée par
été deux fois consul et une fois censeur; T. Man- P. Lentulus. C'étaient les débris de Cannes, relé-
lins Torquatus, illustré lui-mtme par deux con- gués en Sicile, comme nous l'avons dit, pour ne
sulats et une censure, et P. Licinius Crassus, rentrer en Italie qu'après la fin de la guerre pu-
qui allait aussi briguer l'édilité curule. Le der- nique.
nier, quoique jeune, l'emporta sur ses con- VI. Cette armée avec la permission de Lentu-
currents, malgré leur âge et leur illustration. Jus- lus, envoya à M. Marcellus, dans ses quartiers
qu'alors, dans un espace de cent vingt ans. per- d'hiver, une députation composée des cavaliers
sonne, excepté P. Cornélius Calussa, n'avait été et des centurions les plus distingués, et de l'élite
nommé souverain pontife avant de s'être assis sur de l'infanterie des légions. L'un d'eux obtint la
la chaise curule. Les consuls avaient peine à effec- parole, et parla ainsi « Nous serions allés en
tuer les levées, parce que la jeunesse, épuisée Italie pour nous présenter devant toi, M. Mar-
déjà, ne pouvait suffire à former de nouvelles lé- cellus, lorsque tu étais consul, a la première non-
gions urbaines et à remplir les cadres des ancien- velle du sénatus-consulte,je ne veux pas dire in-
nes. Le sénat leur défendit cependant de renoncer juste, mais si dur qui fut décrété contre nous.
à cette opération, mais nomma deux commissions Mais nous espérionsqu'envoyés dans une province
de triumvirs, qu'il chargea « d'examiner, l'une troublée par la mort de deux rois, nous aurions
dans un rayon de cinquante milles autour de à y soutenir une rude guerre et contre les Sici-
Rome, l'autre, au delà de cette limite, ce qu'il y liens et contre les Carthaginois, et que notre sang,

que eo die non respondisset neque excusatusesset, vide- qui ultra quinquagesimum lapidem in pagis, forisque,
ri eum in exsilio esse bonaque ejus venire, ipsi aqua et et couciliabulis omnem copiam iogenuorum inspicereut;
igni placere interdici. » Singulis deinde eorum, qui turhieet, si qui roboris satis ad fereuda arma babere videren-
ac tumultus ooncitatores fueraot rei capitalis diem dice- tur, etiamsi aoodum militari ætate essent, milites face-
re, ac vades poscere cœperunt. Primo non dantes deinde rent. Tribuni plebis si üs videretur, ad populum ferrent,
etiam eos, qui dare possent, in carcerem conjiciebant ut, qui minores septem et decem annis sacramenlo dixis-
cujus rei periculum vitantes plerique in exsilium abie sent, iis perinde stipendia procederent, ac si septem et
runt. decem annorum, aut majores, milites facti esseut.. Ex
V. Hune fraus publicanorum deinde fraudem auda- hoc senatusconsulto creati triumviri bini conquisitionem
cia protegens, exitum habuit. Comitia inde pontifici maxi- ingenuorum per agros habnerunt. Eodem temporeex Si
mocreando sunt habita. Ea comilia novus pontifexM. Cor- cilia literæ M. Marcelli de postutatis militum, qui cum
nelius Cethegus habuit. Tres ingenti certaminepetierunt: P. Lentulo militabant, in senatu recitatæ suut. Cauuen-
Q. FulviusFlaccusconsul, qui et ante bis consul et cen- sis reliquiæ cladis bic exercitus erat, relegatus in Siciliam
sor fuerat: et T. Manlius Torquatus, et ipse duobus con- sicut ante dictum est, ne ante punici belli finem in Ita-
sulatibus et censura insignis: et P. Licinius Crassus qui liam reportaretur.
et œduitatem curulem petiturus erat. Hic senes honora- VI. Ili permissu Lentuli priroores equitum centurio-
tosque juvenis in eo certamine vicit. Ante hunc, intra numque, et robora ex legiouibus peditum, legatos in hi-
centum aunos et viginti, nemo præterP. Cornelium Ca- berna ad M. Marcellum miserunt, e quibus unus, pates-
lussam, pontifex maximus creatus fuerat, qui sella curuli tatediceudi facta, « Consulem,inquit, te, M. Marcelle
non sedisset, Consules quum ægre delectum conficerent, in ttaliam adissemus, quum primum de nobis, etsi non
quod inopiajuniorum non facile in utrumque, ut et novæ iniquum, certe triste senatusconsultumlactum est; uisi
urbanæ legiones, et supplementum veteribus scriberetur, hoc sperassemus,in provinciam nos morte regum turba-
sufficiebat, senatus absiatere eos imeepto vetnit, et tam ad grave bellum adversus Siculos simul Pœuosque
tr iumvicosbiuos creari jussit alleros qui cira, alteros, ulitti et sauguine uostro vnln ribusque nos senatui salis-
nos blessures apaiseraient le sénat ainsi, du pour se faire tuer? A l'Allia, l'armée presque tout
temps de nos ancêtres, les soldats faits prisonniers entière prit la fuite; aux Fourches Caudines, et
par Pyrrhus à Héraclée avaient effacé leur honte je ne veux pas rappeler ici nos autres hontes,
en combattant contre Pyrrhus lui-même. Et ce- elle n'essaya pas même de combattre et livra
pendant, Pères conscrits, qu'avions-nousfait alors ses armes à l'ennemi. Cependant ces armées
pour que vous fussiez irrités contre nous, pour ne furent point déshonorées; bien loin de là
que vous le soyez encore ? Oui, ce sont les deux Home fut reconquise gràce à celle qui de l'Allia
consuls, c'est le sénat tout entier que je crois s'était réfugiée à Véies. Les légions de Caudium,
voir en toi, Marcellus! Et plût aux dieux que qui étaient revenues à Rome sans armes, retour-
nous t'eussions eu pour consul à la journée de nèrent armées contre les Samnites, et firent pas-
Cannes la fortune de la république et la nôtre ser sous le joug ces mêmes ennemis qui s'étaient
eussent été meilleures. Mais, avant de nous plain- réjouis de la honte qu'elles avaient subie. Mais
dre de la manière dont nous avons été traités, l'armée de Cannes, qui donc peut lui reprocher
permets-nous de nous justifier. Si ce n'est pas la d'avoir fui, d'avoir eu peur, quand cinquante
colère des dieux, si ce n'est pas la destinée, mille hommes de cette armée sont restés sur la
dont les lois fixent l'ordre immuable des choses place, quand le consul ne s'est sauvé qu'avec
humaines, si c'est une faute qui nous a perdcs à soixante-dix cavaliers, quand personne n'a sur-
Cannes 1 à qui donc enfin appartient cette faule ? vécu que ceux qu'a épargnés l'ennemi, fatigué
aux soldats ou aux généraux? Soldat, je me gar- de tuer? Lorsque l'on refusait de racheter les
derai d'accuser mon général, surtout lorsque je prisonniers, tout le monde nous louait de nous
sais que le sénat l'a remercié de n'avoir pas déses- être conservés pour la république, d'être revenus
péré de la république, et qu'après avoir fui à à Vénouse, auprès du consul d'avoir présenté à
Cannes, on lui a, d'année en année, continué le l'ennemi l'apparence d'une armée régulière. Et
commandement. D'autres, comme nous, restes maintenantnous sommes plus malheureux que ne
de la défaite, nos anciens tribuns militaires, bri- le furent chez nos ancêtres ceux qui s'étaient laissé
guent et exercent des charges, obtiennent des prendre. On leur changeait leurs armes, leur
commandements; nous l'apprenonstous les jours. rang à la bataille, la place de leur tente au camp;
Serez-vous donc, Pères conscrits, si indulgents et encore, au premier service rendu par eux à la
pour vous-mêmes et vos enfants, si rigoureux république, au premier combat où ils avaient été
pour nous autres misérables? Un consul, les pre- heureux, on les rétablissait dans leur première
miers citoyens de la république, ont pu fuir sans position. Aucun d'eux ne fut relégué en exil; au-,
honte, lorsqu'ils n'avaient plus d'autre espérance, cun d'eux ne fut privé de l'espoir d'obtenir sa re-
et les soldats, vous ne les envoyez au combat que traite enfin, on leur donna un ennemi qu'ils pus-

facturos esse sicut patrum memoria qui capti a Pyrrho Caudinas, ne expertus quidem certamen, arma tradidit
ad Heracleam erant, adversus Pyrrhum ipsum pugnantes hosti, ut alias pudendas cladesexercituum taceam tamen
satisfecerunt. Quanquam quod ob meritum nostrum suc- tantum abfuit ab eo,ut ulla ignominia iis exercitibus quæ-
ceosuistis, Patres conscripti. nobis, aut succensetis? Am- rerctur, ut et urbs Roma per eum exercitum, qui ab
bo mihi consules et universum senatum intueri videor, Allia Veioa transfugerat, recuperaretur; et Caudinæ le-
quum te, M. Marcelle intueor quem si ad Cannas con. giones, quae sine armis redierant Romam, armatæ re-
sulem habuissemus,melior et reipublicæ et nostra for- missæ in Samnium, eumdem illum hostem sub jugum
tuna esset. Sine, quæso, priusquam de conditione nos- miserint, qui bac sua ignominia laetatus fuerat. Cannen-
tra queror, noxam, cujus arguimur, nos purgare. Si sem vero quisquam eiercitum fugae aut pavoris insimu-
non deum ira nec falo, cujus lege immobilis rerum hu- lare potest, ubi plus quinquaginta millia hominum ceci-
manarum ordo seritur, sed culpa periimus ad Cannas, derunt ? unde consul cum equitibus septuaginta fugit?
cujus tandem ea culpa fuit? militum, an imperatorum ? unde nemo superest, nisi quem hostis cædendo fessus re-
Equidem miles nihil unquam dicam de imperatore meo liquit ? Quum captivis redemptio negabatur, nos vulgo
cui præsertim gratias sciam ab senatu actas, quod non homines laudabaut, quod reipublicæ nos reservassemus:
desperaveritde republica; cui post fugam ab Cannis per quod ad consulem Venusiam redisseruus, et speciem justi
omnes annos prorogatum imperium. Ceteros item ex re- exercitus fecissemus. Nunc détériore conditione sumus
liquiis cladis ejus, quos tribunos militum habuimus, ho- quam apud patres nostros fuerant captivi. Quippe illis
nores petere et gerere, et provincias obtinere audivimus. arma tantum atqueordo militandi,locusque, in quo ten-
Au vobis vestrisque liberis iguoscitis facile, Patres con- dereut in castris, est mutatus quae tamen, semel navata
scripti, in hæc vilia capita sævitis ? Et consuli primori- reipubliew opera et uno felici prœlio, recuperaruht.
busque aliis civitatis fugere, quum spes alia aulla esset, Nemo eorum relegatus in exsiliumest: nemini spes eme-
turpe non fuit; milites utique morituros in aciem misis- rendi stipendia adempta hostis denique est datus, cum
lis? Ad Alliam prope omnis exercitus fugit ad Furculas quo dimicantes, aut vitam semel, aut ignominiam fim-
sent combattre pour en finir une fois avec la vie aurions été heureux de trouver à Cannes; puisquc,
on avec leur bonte. Et nous, à qui l'on ne peut dès lors, toute notre vie a été vouée à la houte.
rien reprocher que d'avoir conserve à la républi- VII. Après ce discours, tous se précipitentaux
que quelques débris du désastre de Cannes, on genoux de Marcellus. Sa réponse fut qu'il n'avait
nous éloigne de notre patrie, de l'Italie, de l'en- ni le droit ni le pouvoir de rien décider; qu'il
nemi même. 11 nous faut vieillir dans l'exil, sans écrirait au sénat, et qu'il agirait en tout d'après
aucune espérance, sans aucune occasion d'effacer l'ordre des sénateurs. Les lettres de Marcellus fu-
notre ignominie, d'apaiser la colère de nos con- rent reçues par les nouveaux consuls, qui les lu
citoyens, de mourir enfin avec quelque gloire. rent au sénat; on délibéra, et le décret suivant fut
Mais nous ne demandons pas de terme à notre rendu « Que le sénat ne croyait point qu'il y eût
ignominie, de récompense pour notre courage; lieu de confier le salut de la république à des sol-
nous voulons seulement qu'il nous soit permis de dats qui, à Canues, avaient abandonné leurs ca-
prouver que nous ne sommes pas des lâches, marades au milieu du combat. Que si le proconsul
d'exercer notre bravoure; nous demandons des M. Claudius en jugeait autrement, il fit ce que lui
fatigues, des périls, pour que nous puissions agir inspireraient l'intérêt de la république et son zèle,
en hommes de cœur, en soldats. Depuis deux ans pourvu toutefois qu'aucun de ces soldats ne pût
on fait en Sicile une rude guerre; les Carthaginois être exempté du service, recevoir de récompense
prennent des villes, les Romains en prennent militaire pour sa bravoure, ni rentrer en Italie
d'autres; l'iufanterie, la cavalerie se rencontrent; tant qu'il y resterait un seul ennemi. o Ensuite,
à Syracuse on se bat sur terre et sur mer; et d'après un décret du sénat et un plébiciste, le pré-
nous, nous entendons les cris des combattants, le teur de la ville convoqua les comices on y créa
bruit des armes, oisifs et paisibles comme si nous des quinquévirs chargés des réparations des mu-
n'avions ni armes ni bras. Que de fois le consul railles et des tours, puis deux commissions de
T. Sempronius n'a-t-il pas déjà livré bataille avec triumvirs:l'une, pour faire l'inventaire des choses
des légions d'esclaves? Or, ces esclaves en ont été sacrées et tenir un registre des dons offerts aux
récompensés; ils sont libres et citoyens. Traitez- dieux; l'autre, pour rebâtir les temples de la Na-
nous donc au moins comme des esclaves que vous ture et de la déesse Matuta, en deçà de la porte
auriez achetés pour cette guerre. Qu'il nous soit Carmentale, et celui de l'Espérance, situé au
permis de nous mesurer avec les ennemis, d'ache- delà de cette porte, tous trois consumés l'année
ter notre liberté sur le champ de bataille. Veux-tu précédente, par un incendie. Il y eut des tem-
mettre notre courageà l'épreuvesur mer, sur terre, pêtes horribles. Sur le mont Albain, pendant
dans quelques sié-e? Tous les travaux, tous les périls deux jours, il tomba sans interruption une pluie
sont des faveurs que nous sollicilons nous ne vou- de pierres. Le feu du ciel frappa plusieurs lieux,
Ions pas attendre plus longtemps le sort que nous deux temples sur le Capitole, et eu beaucoup

rent. INos
ex Gannensi arie miles romanus superesset, nihil il
quibus, nisi quod commisimus, ut quisquam ut, quod ad Cannas faciundum fuit, quam primum fiât,
quoniam, quicquid postca viximus, id omne destmatum
potest non solum a patria procul Italiaque, sed ab hoste ignominiæ est. »
etiam rolegati sumus uhi senescamusin exsilio ne qua 1 II. Sub hæc dicta ad genua hlarcelli prncubuerunt.
spes, ne que occasio abolendæ ignominiæ, ne qua pla- Marcellus id nec juris, nec pntestdtia sua* esse dixit. Se-
candæ civium iræ, ne qua demque bene moriendi sit. uatui scripturum se, omniaque de sententia Patruiu fac-
Neque ignominim finem nec virtutis præmium petimus; turum esse. Hæ hter.e ad novos consules allatæ, ac per
modo experiri animum, et viitutcm exercere liceat. La- eoa in senatu recitatæ sunt: consultusque dehis literis ita
borem et periculum pelimus ut virorum ut ntditum decrevit senatus « Militibus, qui ad Cannas commilito-
officio fungamur. Bellum in Sicilia jam alterum annum ncs suos pugnautes deseruissent, senatum mbil videre,
ingenti dimicatione geritur urbes alias Pœnus, alias cur respublica committenda ait. Si M. Claudio proconsuli
romanus expugnat; peditum, equitum acies concurrunt; aliter videretur, faceret, quod e republica fideque sua
ad Syracusas terra marique res gcritnr clamorem pug- duceret duiu ne quis eorum munere vacaret, neu dono
nantium crepitumllue armorum exaudimns resides ipsi militari virtutis ergo donaretur, neu in Itatiam reporta-
ac segnes, tanqu un nec manus, nec arma habeamus. retur, donec hostis in terra ltaha esset.. Comitia dein-
Servorum legionibus Ti. Sempronms consul toties jam de a prxtore urbano de senatus sentpntia plebisque scitu
etim hoste signis collatis pugnavit. Operæ pretium ha- sunt habita, quibus creati sunt qumqueviri muris turri-
beut, hbertatem civitatemque. Pro servis saltem ad boc busque reficieudis, et triumviri bini uni sacris conqui-
bellum emptis voliis simus congredi cum hoste liceat, rendis donisque persignandis; alteri reficiendis adibus
et pugnando quærere libertatem. is tu mari vis terra Fortunæ et matris Matutæ intra portam Carmentalem,
vis acte, vis urbibus oppugnandis experiri virtutem ? As- sed et Spet extra portam, qua· priore anno incendio con-
perrima quwque ad laborem penculumquedeposcimus; sumptæ fuerant. Tenipestates fœdæ fuere. la Albano
1.
d'endroits le retranchement du camp de Sies- l'indignation fut générale dans les deux villes grec-
sula, où deux sentinelles furent tuées. A Cu- ques qui tenaient le premier rang en Italie; elle
mes, le mur et plusieurs tours furent non-seu- éclata, non-seulement dans les masses, mais au
lement frappés, mais démolis par le tonnerre. A sein des familles, que les liens du sang ou de l'a-
Réate on vit voler en l'air un rocher immense, mitié unissaient aux malheureux si cruellement
et le soleil, plus rouge qu'à l'ordinaire, se tein- immolés. Treize jeunes gens de la noblesse de
dre d'une couleur de sang. A l'occasion de ces Tarente formèrent une conspiration, dont Nicon
prodiges, on consacra une journée à des prières et Philéménus étaient les chefs. Avant de rien
publiques; pendant plusieurs jours, les consuls tenter ils voulurent avoir une entrevue avec An-
donnèrent leurs soins aux cérémonies de la reli- nibal. Ils sortent donc la nuit de la ville sous pre-
gion on célébra le novendial. Il y avait long- texte d'aller à la chasse, et se rendent auprès do
temps qu'Annibal espérait, et que liome craignait lui. Arrivés près du camp, ils se cachent dans
une défection des Tarentins; le hasard fit naitre uue forêt qui bordait la route; Nicon et Philémé-
hors de Tarente une circonstance qui la décida. mis seuls s'avancentjusqu'aux postes, qui les ar-
Le Tarentin Philéas était depuis longtemps déjà rêtèrent, et, comme ils le désiraient, les couduisi-
à Rome, sous prétexte d'une ambassade. C'était un rent devant Annibal. Là, instruit des motifs de leur
homme remuant, impatientd'un trop loug repos, dessein et de la manière dont ils doivent l'exécuter,
dans lequel il semblait languir; il parvint à se Annibale les comble de louanges et de présents;
ménager un accès auprès des otages tarentios. et pour laire croire à leurs compatriotes qu'ils
On les gardait dans l'atrium du temple de la Li- n'étaient sortis que dans l'espoir de faire quelque
berté, sans les surveiller de bien près, car ils n'a- butin, il les engage à chasser devant eux des trou-
vaient aucun intérêt, ni eux ni leur patrie, à trom- peauxque les Carthaginoisavaientconduitsaupâtu-
per les Romains. Philéas, dans de fréquents en- rage, ajoutantqu'ilsn'avaieutà craindre ni dangers
tretiens, travailla à les gagner; il corrompit deux ni obstacles. A Tarente où l'on vit le butin de ces
des gardiens, fit sortir tous les otages de prison jeunes gens, il ne sembla pas étonnantqu'ils ten-
à l'eutrée de la nuit, et les accompagna dans leur tassent une seconde expedition, et plusieurs au-
fuite mystérieuse. Au point du jour te br uitde cette tres ensuite. Ils se rencontrèrent de nouveau avec
évasion s'étant répandu dans la ville, on poursuivit Annibal, et il fut convenu entre eux, sous la foi
les fugitifs qui furent atteints à Terraciue et ra- du serment, que les Tarentins resteraient libres;
menés tous à Rome. Traînés au Comitium, ils y qu'ils conserveraient leurs lois et tous leurs biens,
furent, avec l'approbation du peuple, battus de qu'ils paicraientaucun tribut à Annibal, qu'ils
ne
verges et précipités de la roche Tarpéienne. ne recevraient point de garnison malgré eux; mais
VIII. A la nouvelle d'un châtiment aussi atroce, que la garnison romaine serait livrée aux Cartha-

monte biduum continenter lapidibusplnit.Tacta de cœlo in Italia græcarumcivitatllm animos irritavit quum pu-
multa duæ in Capitolio acdes vallum in castris multis blice, tum etiam singulos privatim, ut quisque tam fœde
locis supra Suessulam, et duo vigiles exanimati. Murus interemptos aut propinquitate, aut amicitia contingebat.
turresque quædam Cumis non ictae modo fulniinibus, sed Ex üs tredecim fere nobiles juvenes Tarentini coujurave-
etiam decussoe. Reate saxum iugens visum volitare sol runt, quorum principes Nico et Philemenus erant. Ili,
rubere solito magis, sanguineoque similis. Horum prodi- prius quam aliquid moverent, colloquendum cum Au-
gioruin causa diem unum supplicatio fuit, et per aliquot nibale rati, nocte per speciem venandi urbem egressi,
dies consules rébus divinis operam dederunt et per eos- ad eum proficiscuutur. Et, quum haud procul castris
dem dies sacrum noyendiale fuit. Quum Tarenlinorum abessent, ceteri silva prope viam sese occulueruut Nico
defectio jam diu et in spe Aunibali, et in suspicione Ro- et Philemenus, progressi ad stationes comprehensique,
manis esset, causa forte extrinsecus malurandae ejus in- ultro id pete mes ad Annibalem deducti sunt. Qui quum
tervenit. Phileas Tarentinus, diu jam per speciem lega- et causas consilii sui, etquid pararent, exposuissent, col-
tionis Romæ quum esset, vir inquieti auimi, et minime laudati, oneratique promissis, jubentur, ut fidem popu-
olium, quo tum diulino senescere videhatur, patientis, laribus facerent, prædandi causa se urbe egressos, pecora
aditum sibi ad obsides tareutiuos invenit. Custodiebantur Carthaginiensium,quae pastum propulsa essent, ad ur-
in atrio Libertatis minore cura quia nec ipsis, nec civi- bem agere. Tuto ac sine certamine id facturos promis-
tati eorum fallere Romanos expediebat. Ilos, crebris col- sum est. Conspecta ea præda juvenum est minusque,
loquiis sollicitatos, corruptis ædituis duobus, quum pri- iterum ac sa'pms id eos audere miraculo fuit. Congressi
mis tenebris custodia eduxissel, ipse cornes occulti itine- cum Annibale rursus, ride sanxerunt, liberos Tarentinos
ris factus profugit. Luce prima vulgata per nrbem fuga leges suaque omnia habituros, neque ullum vectigalPœno
est: ntissique, qui sequerentur ab Tarracina compre- pensuros præsidiumve invitos recepturos prodita præ-
hensos omues retraieruat. Deducti in comitio, virgisque, sidia Carthagiuiensium fore. Hæc ubi convenerunt,tune
approbantepopulo, cæsi de saxo dejiciuntur. vero Philemenus consuetudinem nocte egrediundi re-
VIII. Hujus airocitas pœnæ duarum nobilissimarum deuodique in urbein frequentiorem facere. Et erat ve-
ginois. Ces conditions arrêtées, Philéménus prend que pour une armée. Lui-même, s'avançant à
l'habitude de sortir et de rentrer plus fréquem- marches forcées, il va camper à environ quinze
ment pendant la nuit. Il était connu pour aimer milles de Tarente. Là, il rassemble ses soldats,
passionnément la chasse. Il emmenait avec lui des mais sans leur faire connaître encore le but de
chiens et tout un équipage; et revenant presque l'expédition il les avertit seulement de suivre
toujours avec quelque butin qu'il avait pris, ou tous la route, de ne pas s'écarter, de ne pas même
que l'ennemi même avait misd'avanceàsaportée, sortir des rangs, surtout de se tenir attentifs aux
il le donnait ou au commandant ou aux gardes des commandements qu'ils auraient à recevoir, et de
portes. On pensait que c'était par crainte des Car- ne rien faire sans ordre de leurs chefs, se réser-
thaginois qu'il sortait principalementde nuit. On vant de leur apprendre ses intentions, quand il en
en vint au point de s'habituer à lui ouvrir la porte serait temps. A peu près vers la même heure, le
à toute heure de la nuit, au signal qu'il donnait bruit était parvenu à Tarente que quelques cava-
en sifflant. Annibal alors pensa qu'il était temps liers numides ravageaient le pays, et jetaient au
d'agir. Son camp était à trois jours de marche, et loin la terreur parmi les habitants de la campa-
pour qu'il parût moins étonnant de le voir rester gne. Le gouverneur romain, sans beaucoup s'in-
si longtemps campé au même endroit, il feignait quiéter de cette nouvelle, se contenta de donner
d'être malade. Les Romains eux-mêmes,renfermés ordre que le lendemain, au point du jour, une
dans Tarente, ne songeaient plus à se défier d'une partie de la cavalerie sortît pour éloigner ces ma-
si longue inaction. raudeurs. Il crut si peu devoir se tenir sur ses
IX. Décidé à marcher sur Tarente, Annibal gardes, qu'il conclut au contraire de cette appa-
choisit dans sa cavalerie et son infanterie dix mille rition des Numides que l'armée d'Annibal n'avait
hommes que l'habitude d'une marche rapide et la pas bougé. Annibal se mit en marche au milieu de
légèreté de leurs armes rendaient les plus propres la nuit il avait pour guide Philéménus, qui fai-
à cette expédition, et, à la quatrième veille de la sait porter sa chasse comme à l'ordinaire. Le reste
nuit, il se mit en marche. Environ quatre-vingts des conjurés attendait l'exécution des mesures
cavaliers numides sont envoyés en avant; il leur concertées entre eux. Il avait éié convenu que
urdonne de se répandre sur les routes, de tout Philéménus, entrant avec son gibier par la petite
observer avec attention aussi loin que la vue pou- porte accoutumée, introduirait par là quelques
vait s'étendre, sans laisser échapper dans la cam- soldats, tandis que d'un autre côté Annibal s'ap-
pagne personne qui pût avertir de leur marche; procherait de la porte Téménide cette porte, du
de faire rebrousser chemin à ceux qu'ils trouve- côté de la terre, regardait l'orient. Les conjurés
raient en avant, et de tuer tout ce qui résiste- restent quelque temps dans l'intérieur des mu-
rait, afin que dans les habitations qui bordaient railles. Arrivé à peu de distance de la porte, An-
la route on les prît pour des maraudeurs plutôt nibal fait allumer, comme on en était convenu,

nandi studio insignis canesque et alius apparatus seque- ab Tarento posuit; et, ne ibi quidem nuntiato, quo per-
liatur; captumque ferme ahquid, aut ab hoste ex præ- gerent, tantum convocatos milites monuit, via omnes
parato ablatum reportando. donabat aut præfecto, aut irent; nrc deverti quemquam, aut excedere ordincm ag-
custodibus portarum. Nocte maxime commeare propter minis paterentur, et in primis inteuli ad imperia acci-
mctum hostium, credebaut. Ubi Jam eo consuetudinis pienda essent; neu quid nisi ducum jussu facerent se in
adducta res est, ut, quoeunque noctis temporesibilode- tempore editurum, quæ vellet agi. Eadem ferme bora
disset siguum porta aperiretur, tempus agendæ rei An- Tarentum fama pervenerat, Numidas équités paucos po-
nibali visum est. Tridui viam aberat ubi, quo minua pullri agros, terroremque late agresti bus injecisse. Ad
mirum esset, uno eodemque loco stativa eum tam diu quem nuntium mhil ultra motus pra;fectus romanus
habere, ægrum simulabat. Romanis quoque, qui in prae- quam ut partem equitum postero die luce prima juberet
sidio Tarenti erant, suspecta esse jam segais mora ejus exire ad arcendumpopulationibus hostem. In cetera adeo
desierat. nihil ob id iuteuta cura est, ut contra pro argumentofue-
IX. Ceterum posiquam Tarentum ire constituit, de- rit illa procursatio Numidarum, Aumbalemexercitunique
cem millibus peditum atque equUum,quos in expeditione castris non movisse.Annibal coucubia nocte movit. I)ui
velucitate corporum ac levitate armorum aptissimos esse Philemenus erat, cum solito captæ venatioms ouere; ce-
ratus est, electis,quarta vigilia noctis signa movit præ- teri proditoresea, quaa composita erant, exspectabant.
missisque octogiuta fere Numidis equitibus praecepit, ut Conveneratautem, utPhilemeuus, portula assueta vena-
discurrerent circa vias, periustrarentque omnia oculis, tionem inferens, armatos iuduceret parte alia portam
ne quis agrestium procul spectator agminis falleret; præ- Temenida adiretannibal. Ea mediterranea regione orien-
gressos retraherent, obvios occiderent, ut praedouum tem spectabat aliquautum intra mmnia includuutur.
magis, quam exercitus, accolis species esset. Ipse, rap- Quum portæ appropinquaret, editus ex compositoignis
uni! agmine acto, quindecim ferme millium spatio castra ab Annibale est, refulsitque. Idem redditum ab Nico
un feu qui répand un vif éclat. Nicon lui renvoie vait bien ce qu'il en était. Les Tarentins croicnl
son signal, et les deux feux sont éteints. Cepen- que les Romains se sont rassemblés pour piller la
dant Annibal s'avançait en silence vers la porte ville; les Romains s'imaginent que c'est une sédi-
avec ses troupes. Tout à coup Nicon surprend les tion des habitants qui trament quelque perfidie.
gardes endormis, les égorge dans leurs lits, et Le gouverneur, éveillé au premier bruit, court
ouvre la porte. Annibal entre avec l'infanterie; il vers le port, se jette dans une barque, et se fait
donne à la cavalerie l'ordre de s'arrêter, pour conduire à la citadelle en faisant le tour des murs.
qu'elle pût se porter librement là où il serait be- Le son d'un clairon, qui partait du théâtre, répan-
soin. D'un autre côté, Philéménus approchait de dait aussi la terreur c'était un clairon romain
la petite porte par où il avait accoutumé de passer. que les conjurés s'étaient procuré précisément
A sa voix, à son signal déjà si familier, la senti- dans ce but; mais celui qui s'en servait était un
nelle se réveille; et tandis que Philéménus lui dit Grec qui n'en savait pas jouer, de sorte que l'on
qu'il est cette fois énormément chargé, la porte ignorait pour qui et de qui venait le signal. Dès
s'ouvre deux jeunes gens portaient un sanglier; que le jour parut, les Romains reconnurent les
Philéménus, les suivant avec un chasseur qui n'a- armes des Carthaginois et des Gaulois, ce qui les
vait rien à porter, tue d'un coup d'épieu la senti- tira de doute; et les Grecs, à la vue des cada-
nelle tournée imprudemment vers les porteurs vres des Romains étendus de tous côtés sur la
pour admirer la taille de l'animal. Trente soldats terre, comprirent que la ville était au pouvoir
à peu près entrent alors, tuent les autres gardes, d'Annibal. Quand le jour fut tout à fait levé,
brisent la porte voisine, et l'armée s'avance tout les Romains qui avaient échappé au massacre s'é-
à coup en ordre de bataille. Conduits en silence taient déjà réfugiés dans la citadelle et le tumulte
au forum les soldats y retrouvent Annibal. Ce- s'était peu à peu apaisé. Annibal alors donna or-
lui-ci envoie les Tarentins avec deux mille Gaulois dre aux Tarentins de se réunir sans armes. Tous
qu'il divise en trois corps, s'emparer des rues les se rendirent à l'assemblée, excepté ceux qui, se
plus fréquentées; il leur ordonne, quand le mou- retirant dans la citadelle, avaient suivi les Ro-
vement sera commencé, d'égorger partout les Ro- mains pour courir avec eux toutes les chances de
mains et de respecter les habitants. Mais pour que la fortune. Annibal parla aux Tarentins avec beau-
cet ordre soit observé, il recommande aux jeunes coup de bienveillance, et, en leur rappelant ses
Tarentins d'avertir tous ceux de leurs compa- bienfaits envers ceux de leurs concitoyens qu'il
triotes qu'ils pourraient reconnaitre, de rester avait fait prisonniers a Trasimène et à Cannes, il
en repos, de se taire et de ne rien craindre. n'épargna point l'orgueilleux despotisme des Ro-
X. Déjà le tumulte, les cris retentissaient comme mains. Puis il ordonna que tout Tarenlin se reti-
dans une ville prise d'assaut. Mais personne ne sa- rât dans sa maison, et inscrivît son nom sur sa

signum eastinctae deinde utrimque flammæ sunt. Anni- urbe solet sed, quid rei esset, nemo satis pro certo scire.
bal silentio ducebat ad portam. Nico ex improviso ador- Tarentini Romanus ad diripiendam urbem credere coor-
tus sopitos vigiles in cubilibus suis obtruncat, portant- tos Romanis seditio aliqua cum fraude videri ab oppida-
que aperit. Annibal cum peditum agmine ingreditur, nis mota. Praefectus, primo excitatus tumultu, in portum
equites subsistere jubet ut, quo res postulet, occurrere effugit inde, acceptus scapha, in arcem circumvehi-
libero campo posseut. Et Pidlemenus portulæ parte alia, tur. Errorem et tuba audita ex tbeatro faciebat. Nam
uua commeare assuerat, appropinquabat.Nota vox ejus et romana erat, a proditoribusad hoc ipsum pra'parata;
et familiare jam signum quum excitassetvigilem, dicenti, et inscienter a Graeco inflata quis, aut quibus signum
vix sustinere grandis bestiæ onus portula aperitur. Infe- daret, incertum efficiebat. Ubi illuxit, et Romanis puni-
rentes aprum duos juvenessecutus ipse cum expedito ve- ca et gnllica arma cognita tum dubitationem exemerunt;
natore, vigilem incautius miraculo magnitudinis in eos, et Grasci, Romanos passim ca'de stratos cernentes, ab
qui ferebant, versum, venabulo trajicit. Ingressi deinde Annibale captam urbem senserunt. Postquam lui certior
trigiuta fere armati ceteros vigiles obtrnncant, refrin- erat, et Romanis, qui cædibus superfuerant, in arcem
guutque portam proximam et agmen sub signis confes- confugerant, conticescebatque paulatim tumultus tum
tim irrupit. Inde cum silentio in forum ducti Annibali Annibal Tarentinos sine armis convocare jubet. Conve-
sese conjunxerunt. Cum duobus millibus Gallorum Poenus, nere omnes, præterquamqui cedentes in arcem romanos
in tres divisis partes, per urbem dimittit Tarenlinos, et ad omnem adeundam simul fortunam prosecuti fuerant.
itinera quam maxime frequentia occupare jubet tumultu Ibi Annibal, bénigne allocutus Tarentinos, testatusqne,
orto, Romanos passim caedi, oppidanis parci. Sed, ut fleri quae pra'stitisset civibus eorum quos ad Trasimenum aut
id posset, prascipit juveuibns Tarentinis, ut, ubi quem ad Canuas cepisset simul in dominationem superbam
suorum procul vidissent, quiescere et silere, ac bono Romanoruminvectus, recipere se in domos suas quera-
auimo esse juberent. que jussit, et foribus nomen suum inscribere: se domos
X. Jam tumultus erat clamorque, qualis esse in capta eas quæ inscriptæ non essent, signo eitemplo dato, di-
porte, déclarant qu'à l'instant même il allait don- bent sur les travailleurs. Le détachement qui cou-
ner le signal, et livrer au pillage les maisons qui vrait les lignes se laisse repousser, afin d'attirer
ne porteraient pas d'inscription. Que si quelqu'un plus loin et en plus grand nomhre les ennemis
écrivait un nom sur l'habitationd'un citoyen ro- enhardis par leur succès. Alors les Carthaginois,
main (on leur avait cédé les maisons vacantes de qui n'attendaient que le signal, paraissent à la
la ville), il le traiterait en ennemi. Il congédie fois sur tous les points. Les Romains sont enfon-
l'assemblée, et lorsqu'aux inscriptions de chaque cés dans leur fuite éperdue, le défaut d'es-
porte on put distinguer les maisons amies des pace, les travaux déjà commencés, les prepara-
maisons ennemies, il donna le signal, et de tous tifs mêmes de ces travaux sont autant d'obstacles
côtés les Carthaginois se précipitèrent pour piller qui les arrêtent. La plupart se précipitent dans le
les habitations romaines, où ils trouvèrent quel- fossé, et la fuite est plus meurtrière que le com-
que butin. bat. Dès lors rien n'arrêta plus les travailleurs. On
Xi. Le lendemain, Annibal conduisit son armée creusa un énorme fossé, en deçà duquel on élèva
à l'attaque de la citadelle; mais il reconnut que, un retranchement. A quelque distance, Annibal
formant une espèce de presqu'ile, elleétaitdéfen- voulut encore que l'on construisit un mur, afin
due par des rochers d'une hauteur énorme du côté que, même sans autre secours, les Tarentins pus-
delamer, qui la baigne en grande partie, et du côté sent se défendre contre les Romains. Cependant
même de la ville, par un mur et un fossé profond, il leur laissa une assez faible garnison, qui de-
et que par conséquent il était impossible de s'en vait les aider à se fortifier. Lui-même, avec le
emparer ni par un assaut ni par un siège régulier. reste de ses troupes, alla camper sur le Galèse,
Ne voulant donc pas, pour défendre les Taren- à cinq milles de la ville. Revenu ensuite à Tarente
tins, retarder des entreprises bien plus importan- pour examiner les ouvrages, il les trouva un peu
tes, ni les laisser non plus, sans une protection plus avancés qu'il ne s'y attendait, et il en con-
suffisante, exposés aux attaques de la citadelle lors- çut l'espoir d'emporter la citadelle. En effet, du
qu'il plairait aux Romains de faire des sorties, il côté de la terre, au lieu d'être, comme sur les
résolut d'élever un retranchement entre la ville autres points, d'une grande élévation, elle est de
et la citadelle. Il espérait d'ailleurs pouvoir en ve- niveau avec la ville, dont un fossé seulement et un
nir aux mains avec les Romains, qui ne manque- mur la séparent. Déjà des machines de toute espèce
raient pas d'interrompre les travaux; et, s'ils se commençaient à la battre en ruine, lorsqu'un se-
laissaient entraîner trop loin, affaiblir par un cours envoie de Métapont aux Romains releva
échec la garnison, de telle sorte que les Tarcntins leur courage. La nuit venue, ils tombèrent à l'im-
suffissent ensuite par eux-mêmes à la défense proviste sur les travaux des ennemis. Ils en dé-
de la ville. En effet, dès que les travaux sont com- truisirent une partie et brûlèrent le reste. Anni-
mencés, une porte s'ouvre et les Romains tom- bal dut renoncer à toute attaque de ce côté. Il n'y

rild jussurum. Si quis in bospitio civis romani (vacuas coorti nndique pœni sunt, quos instructos ad hoc Anni-
autem lenehant domos) nomen inscripsisset. eum se pro bal tenuerat nec sustinere impetum Romani sed ab ef-
hoste habilurum. Cuncione dimissa, quum titulis notatæ fusa fuga loci angustiæ eos, impeditaque alia opere jam
fores discrimen pacatæ ab hostili domo fecissent, signo cœpto, alia apparatuoperis morabantur.Plurimi in fos-
dato, ad diripienda hospitia romana passimdiscursum est sam praecipitavere, occisique sunt plures in fuga, quam
et fuit prædæ aliquantum. in pugna. Inde et opus nullo prohibente fleri cœptum.
XI. Postero die ad oppugnandam arcem ducit quam Fossa ingens ducta et vallum intra eam erigitur modi-
quum et a mari, quo in paeninsulae modum pars major coque post intervallo murum etiam eadem regione adde-
circumluitur, pracaitit rupibus, et ab ipsa nrbe muro et re parât, ut vel sine præsidio tueri se adversus Roma-
fossa iugenti sæptam videret eoque nec vi, nec operibus nos possent. Reliquit tamen modicum praesidium, ut si-
expugnabitem esse; ne aut se ipsum cura tuendi Tarenti- mul in faciendo muro adjuvaret ipse profeclus cuni
nos a majoribus rebus moraretur, aut in relictos sine va- ceteris copiis, ad Galaesum flumen (quinque millia ab
lido præsidio Tarentinos impetum ex arce, quum vellent, nrbe abest) posuit castra. Ex iis stativis regressus ad in-
Romani facerent, vallo urbem ab arce intersaipire sta- spiciendum opus, quod aliquantum opinioneejus celerius
tuit non sine illa etiam spe, cum prohibentibusopna creverat, spem cepit, etiam arcem expugnari posse. Et
Romanis manum posse conseri; et, si ferocius procueur- est non altitudine, ut cetera, tuta, sed loco plano posita,
rissent, niagua ca'de ita attenuari præsidii vires ut facile et ab nrbe muro tantum ac foqsa divisa. Quum jam nta.
per se ipsi Tarentini urbem ab iis tueri possent. Ubi chinationum omni genere et operibus oppugnaretur,
cœptum opus est, patefacta repente porta, in munientes missum a Metaponto praesidium Romanis fecit animilm
impetum fecerunt Romani pellique se statio passa est ut nocte ex improviso opéra hostium invaderent. Alia
quœ pro opere erat, ut successu cresceret audacia, plu- disjecerunt, alia igni corruperunt isque flnia Annibali
resque et longius pulsos persequerentur.Tum signo dato fuit ea parte arcem oppuguandi. Rcliqua erat in obsidiono
avait plus d'espoir que dans un blocus, et encore sion avec leurs personnes. s Ce discours inspireà
ne pouvail-il être complet. En effet, les troupes tous l'espoir du succès et une grande admiration
maîtresses de la citadelle qui, placée dans une pour le général. En un moment des chariots sont
presqu'île, domine l'entrée du port, communi- rassemblés de toutes parts et attachés fortement
quaient librement avec la mer, taudis que la ville les uns aux autres; les machines tirent de l'eau
ne pouvait rien recevoir par cette voie; et les as- les vaisseaux; on prépare le terrain pour que les
siégeants, plus que les assiégés, avaient à crain- chariots roulent plus aisément et que le trajet soit
dre la famine. Annibal convoque les principaux moins pénible. Puis, rassemblant de tous côtés
citoyens de Tarente, leur expose toutes les diffi- chevaux et hommes, on se met courageusement à
cultés qui se présentent « Il n'y avait pas mo\en l'œuvre. Quelques jours après, une flotte tout
de prendre d'assaut une citadelle si bien fortifiée, équipée, toute prête tourne la citadelle, et jette
et le blocus n'offrait aucune chance de succès, tant l'ancre à l'entrée même du port. Voilà où en étaient
que l'ennemi serait maître de la mer. Que si l'on les choses à Tarente, lorsque Annibal retourna à
avait des vaisseaux pour arrêter les convois, il ses quartiers d'hiver. Du reste, est-ce cette année
serait bientôt forcé de se retirer ou de se rendre. » ou la précédente qu'eut lieu cette défectiondes Ta-
Les Tarcntins pensaient comme lui; mais il leur rentins? Les auteurs ne sont pas d'accord; mais,
semblait que celui qui ouvraitcet avis devait aussi suivant le plus grand nombre et les plus près du
proposer les moyens de l'exécuter. « On pour- souvenir de ces faits, ce fut l'année dont nous
rait y réussir en faisant venir de Sicile des vais- parlons.
seaux carthaginois. Quant à leurs propres vais- XII. Les consuls et les préteurs furent retenus
seaux, enfermés dans un bassin étroit, maintenant à Rome jusqu'au cinquième jour avant les calen-
que l'ennemi était maître de l'entrée du port, des de mai par les férieslatines. Ce jour-là, après
comment pourraient-ils sortir et gagner la haute un sacriGce offert sur le mont Albain, ils parti-
mer? — Ils sortiront, reprit Annibal; souvent rent, chacun pour se rendre à son commande-
l'industrie triomphe de la nature et de ses obsta- ment. Bientôt les prédictions de Marcius inspirè-
cles. Vousavez une ville située en plaine, vos rues rent de nouvelles superstitions. Ce Marcius avait
sont sur un terrain bien égal et assez larges dans été un devin célèbre; et l'année précédente, lors-
toutes les directions. Par celle qui va à travers la que, d'après un décret du sénat, on avait saisi
ville, du port jusqu'à la mer, il ne me sera pas partout les ouvrages de ce genre, les vers de Mar-
diflicile de transporter vos vaisseaux sur des cha- cius étaient tombés aux mains de M. Atilius,
riots, et alors, à nous la mer dont l'ennemi est chargé de cette affaire. Atilius aussitôt les avait
maître en ce moment. Nous assiégerons la cita- remis au nouveau préteur Sylla. De deux prédic-
delle et par terre et par mer, et bientôt elle sera tions de ce Marcius, l'une, confirmée par l'événe-
abandonnée par les ennemis ou en notre posses- ment après lequel on l'avait publiée, donnait quel-

apes, nec ea satis efficaz, quia arcem tenentes, quæ in capiemus. » i Haec oratio non spem modo effectus sed in-
pæninsula posita imminet faucibus portus, mare liberum gentem etiam ducis admirationem fecit. Contracta ex-
habebaut urbs contra exclusa maritimis commeatibus, templo undique plaustra junctaque mter se et machi-
propiusque inopiam erant obsidentee, quam obsessi. An- næ ad subducendas naves admotæ, muoitumqueiter,quo
nibal, convocatisprincipibus Tarentinorum, omnes præ- faciliora plaustra minorque moles in transitu esset. Ju-
sentes dilficultates exposuit neque arcis tam munitæ menta inde et homines contracti et opus impigre cœp-
expugnandæ viam ceruere neque in obsidione quicquam tum paucosque post dies classis instructa ac parata cir-
habere spei, donec mari potiantur hostes. Quod si naves cumvehiturarcem et ante os ipsum portus ancoras jacit.
sint quibus commeatus invebi prohibeant, extemplo aut Hune statum rerum Annibal Tarenti reliquit, regressus
abscessuros, aut dedituros se hostes. Assentiebantur ipse in hiberna. Ceterum defectio Tarentinorum utrum
Tarentini; ceterum ei qui consilium afferret, opem quo- priore anno, an hoc, facta sit,indiversum auctores tra-
que in eam rem afferendam esse, censebant. Punicas bunt plures propioresque alate memoriæ rerum hue
euim navea ex Sicilia accitas id posse facere suas, quae anno tradunt factam.
siuo exiguo intus inclusae essent, quum claustra portus XII. Romae consoles praetoresque usque ante diein
hostis baberet, ecquem ad modum inde in apertum mare quintum kalendas maias Latinæ tenuerunt. Eo die per-
evasuras ?— Evadent, inquit Annibal. Multa, quae impe- petrato sacro in monte, in suas quisque provincias prog-
dita natura aunt, consilio expediuntur.Urbem in campo ciscuntur. Religio deinde nova objecta est ex carminibus
sitam babetis planae et satis latæ viæ patent in omnes Marcianis. Vates hic Marcius illustris fuerat, et quum
partes. Via, quae in portum per mediam urbem ad mare conquisitio priore anuo ex senatusconsulto talium libro-
transmissa est, plaustris transveham naves haud magna rum fieret, in M. Atilii prætoris urbani, qui eam rem
mole. Et mare nostrum erit, quo nunc hostes potiuntur; agebat, manus vénérant. Is protinus novo prætori Sullæ
et illine mari, bine terra circumsidebimus arcem. Imo tradiderat. Ex bulus Marcii duobus carminibus, alte.'iua
brevi, aut relictam ab hostibus, aut cum ipbis bostibus post rem actain editi cum rato auctoritas eventu alteri
que poidsà l'autre dont le temps n'était pas encore Le lendemain, les décemvirs furent chargés, en
arrivé. Dans la première, la défaite de Cannes se vertu d'un sénatus-consulte, de consulter les li-
trouvait prédite à peu près ainsi « Fils d'Ilion, vres sibyllins au sujet des jeux et des sacrifices à
fuis, Humain, le fleuve Canna, de peur que des faire en l'honneur d'Apollon. Les livres consultés,
étrangers ne te forcent à combattre dans les plai- les décemvirs 6rent leur rapport, et le sénat dé-
nes de Diomède. Mais tu ne me croiras pas, jus- créta « que des jeux seraient institués et célebrés
qu'à ce que ton sang ait inondé ces plaines; jus- en l'honneur d'Apollon, et que, après lacélébration
qu'à ce que le fleuve ait, de la terre fertile, porté des jeux, on donnerait au préteur douzemillelivres
dans la mer immense des milliers de tes cadavres, d'airain pourles sacrifices et pour deux grandes vic-
et que ta chair soit devenue la proie des poissons, times. » D'après un second sénatus-consulte, les
des oiseaux et des bêtes qui habitent la terre. décemvirs devaient sacrifier selon les rites grecs
C'est là ce que j'ai appris de la bouche de Jupiter. » et offrir à Apollon un bœuf et deux chèvres blan-
Ceux qui avaient servi dans le pays y recon- ches à Latone, une génisse, toutes ces victimes
naissaient les cban psde Diomède, le fleuve Canna, avec les cornes dorées. » Le préteur, au moment
aussi bien que la défaite elle-même. La seconde de commencer ces jeux dans le grand cirque,
prédication dont on fit ensuite lecture était plus ob- fit publier que, pendant leur durée, le peuple eût
scure et moins positive non-seulement parce que à apporter à Apollon son offrande mais sans en
l'avenir est plus incertain que le passé, mais parce fixer la valeur. Telle est l'origine des jeux apolli-
qu'il y avait moins de précision dans les termes. naires, institués et célébrés, non pas, comme on
« Romains, si vous voulez chasser l'ennemi et le
le croit généralement, à l'occasion d'une épidémie,
fléau que vous envoient les contrées lointaines, je mais pour obtenir la victoire. Le peuple y assista
vous conseille de vouer à Apollon des jeux qui, couronné de fleurs. Les dames romaines firent des
cliaque année, seront célébrés en son honneur prières; on ouvrit les portes des maisons, on prit
avec magnificence. Que chaque citoyen, lorsque son repas en public, et ce jour fut marqué par la
le trésor public y aura contribué en partie, y con- célébration de cérémonies de toute sorte.
tribue pour soi et pour les siens. A la célébration XIII. Tandis qu'Annibal campait dans les envi-
de ces jeux présidera le préteur, qui rendra la jus- rons de Tarente et que les deux consuls étaient
tice suprême au peuple et aux plébéiens. Que les dans le Samnium, mais sur le point, à ce qu'il
décemvirs fassent des sacrilices selon tes rites grecs. semblait, d'investir Capoue, déjà, comme apiès
Si vous accomplissez exactement ces ordres, vous un long siège, les Campaniens souffraient de la
serez toujours heureux, et vos affaires deviendront famine. Les armées romaines les avaient empê-
meilleures, car ce dieu exterminera vos ennemis, chés d'ensemencer leurs champs. Ils envoyèrent
qui se nouri issent tranquillementde vos cbamps. » donc des députés à Annibal, le suppliant de faire
On mit tout un jour à expliquer cette prédiction. transporter du blé à Capoue de tous les lieux voi-

quoque, cujus nondum tempus venerat, afferebat fidem. pserunt. Postero die senatusconsultum factum est, ut
Priore carminé Cannensis prædicta clades in hæc ferme decemviri libros, de ludis Apollini reque divina faciunda
verba crat «Amnem, Trojugena, Cannmn, llomane, iuspicerent. Ea quum inspecta relataque ad senatum es-
fuge. ne te alienigeoæcogant m camp Diomedis consertre sent, censueruntPatres « Apollini ludos vovendosfaciun-
manus. S d neque credes tu mihi, douée compleris san- dosque et, quando ludi facti essent, duodecim millia
gume campum; multaque millia occisa tua deferat amuis aeris praptori ad rem divinam et duas bostias majores
iu pontum magnum ex terra fru;,ilera; piscibus atque dandas. »Alterum senatusconsultum factum est, «ut de-
avibus feris que, quæ incolunt tetras, iis fiat csca caro cemviri sacra graeco ritu facerent, hisque hostiis Apol-
lua nam mihi ila Jupiter foetus est. » H Diomedis Ar- lini bove aurato et capris duabus albis auratis, Latonæ
givi campos et Caunam flimen, qui militaverant in iis bove femina aurata.. Ludos prætor in circo maximo
locis, juxta atque Ipsam cladem agnoscebant. Tum alte- quum facturus esset, edixit, ut populus per eos ludos
rum carmeu recitatum, non eu tantum obscutius, quia stipem Apollini, quautam commodum esset, conferret.
mcertiora futura præteritis suut, sed perplexius etiam Hc est origo ludorum Apollinarium,victoriæ, non va-
scripturæ genere. « Hostem, Romani, si expellcre vullis, letudiuis, ergo, ut plerique reutur, votorum factorum-
vomicamque, quæ gentium venit longe. Apollini voven- que. Populus corouatus spectavit; matronæ supplicav ere
dos censeo ludos,qui quotmnis comiter Apollini fiant vulgo apertis januis in propatulo epulati sunt, celeberque
quum populus dederit ex publico partem, privati uti con- dies oiuni caerimoniarum génère fuit.
ferant pio se suisque. Ils ludis faciendis præerit prstor XIII. Quum Annibal circa Tarentum consules ambo
is, qui jus populo plebeique dabit summum. Deccnniri in Samnio essent, sed circumsessuri Capuam viderentur,
græco ritu hostris sacra faciant. Hæc si recte faxitis, quod malum diuturnæ obsidionis esse solet jam famcm
gandobitits semper, fietque res vestra melior. Nam is divus Campani sentiebaat; quia sementem facereprohibuerant
exstinguet perduelles vestros, qui vestres campos pascunt cos romani exercitue. Itaque legatos ad Annibalem mi-
placide.Ad id carmen cxplanandum diem uuum sunt- serunt, orantes, ut prius, quam COUSU'CS m agiossagi
sins, avant que les consuls n'entrassentavec leurs commandement de cette expédition, entre de nuit
troupes sur leur territoire et que les ennemis ne dans les murs de Bénévent. Ainsi à proximité de
se fussent rendus maîtres de toutes les routes. l'ennemi, il apprend qu'Ilannon avec une partie
Annibal donna à Hannon l'ordre de passer avec de son armée, est allé chercher du blé, que le
sou armée du Bruttium dans la Campanie, et de questeur carthaginois en a distribué aux Campa-
ne rien négliger pour l'approvisionnementde Ca- niens que deux mille chariots sont arrivés, et
poue. Hannon partit de chez les Bruttiens avec avec ces chariots une foule en désordre et sans
ses troupes, évitant soigneusement le camp des armes; que tout se fait au milieu du tumulte et
ennemis et les consuls, qui étaient dans le Sam- de la confusion, qu'il n'y a plus apparence de
nium. Arrivé à peu de distance de Bénévent, il camp ni de discipline militaire dans ce melauge
prit position sur une hauteur à trois milles de la de soldats et des paysans du lieu. Sur ces ren-
ville. De là il fit prendre chez les peuples alliés seignements, le consul avertit les soldats de pré-
d'alentour et transporter dans son camp tous les parer pour la nuit suivante leurs enseignes seu-
blés dont on avait fait des dépôts pendant l'été, lement et leurs armes, et qu'on ferait l'attaque
ayant soin que les convois fussent bien escortés. du camp carthaginois. Ils partent à la quatrième
Il donna avis aux habitants de Capouc du jour où veille, laissant tous leurs bagages à Bénévent;'
ils devraient venir recevoir le blé avec les cha- et un peu avant le jour s'étant présentés aux
riots et les bêtes de somme de toute espèce qu'ils ennemis, ils répandent parmi eux une si grande
auraient pu se procurer dans les campagnes. Les terreur, que si le camp avait été en plaine, nul
Campaniens agirent en cette circonstance avec doute qu'il n'eût été enlevé à la première attaque.
leur mullesse et leur négligence accoutumées. Ils Mais il fut protégé par sa position élevée et par
n'envoyèrent qu'un peu plus de quatre cents cha- ses G rtilications qu'on ne pouvait aborderd'aucun
riots avec quelques bêtes de somme. Hannon se côté que par un escarpement rapide et dillicile.
plaignit sans les ménager de ce que la faim même, Au point du jour, un combat sérieux s'engagea.
qui donne de l'énergie aux bêtes brutes, ne pou- Les Carthaginois défendirent leurs retranche-
vait stimuler leur zèle, et il leur fixa un autre jour ments, et même, comme la position leur était fa-
pour venir prendre ce blé avec un convoi plus con- vorable, ils culbutèrent les Romains qui mon-
sidérable. Les Béuéventms ayant appris toutce qui taient péniblement jusqu'à eux.
s'était passé, envoyèrent dix députés aux consuls, XIV. Cependant leur courage obstiné vint à
dans le camp romain qui était aux environs de Bo- bout de tous les obstacles, et sur plusieurs points
vianum. Instruits de tous ces détails, les consuls à la fois on parvint jusqu'au retranchement et
combinent leur plan. L'un d'eux dut conduire son aux fossés; mais il y eut beaucoup d'hommes
armée dans la Campanie. Fulvius, à qui échut le blessés et tués. Le consul convoque les tribuns

educerent legiones, viæque omnes hostium præsidiis iu- tur, inter se comparassent,ut alter in Campaniam exer-
siderentur, frumeutum ex propmquis locis convehi jube- citum duceret; Fulvius, cui ea provincia obvenei-at,
ret Capuam. Annibal, Ilannouemex Bruttiis cum exercitu profectus, uocte Beneveoti mœnia est ingressus. Ex pro-
in Campaniam transire, et dare operam, ut frumenti pinquo cognoscit, Hannonem cum exercitus parte pro-
copia fieret Campanis, jussit. Hanno, ex Bruttiis profe- fectum frumentatum per quaestorem Campanis datum
clus cum exercitu vitabundus castra hostium consules- frumentum duo millia plaustrurum, inconditam iner-
que, qui in Samnio erant, quum Beneveuto jam appro- memque aliam turbam advenisse per tumultuin ao
pioquaret, tria passuum millia ab ipaa urbe loco edito trepidationem omuia agi, castrorumqueformam et mili-
castra posuit. Inde ex sociis circa pupulis, quo &state tarem ordinem, immixtis agrestibus iis es terris, sub-
comportatum erat, devehi frumentum in castra jussit; latum. His satis compertis, cuusul militibus edicit, signa
præsidiis datis, quæ commeatus eos proseqiierentur. Ca- tantuin armaque in proximam noclem expedireut castra
puam inde nuntium misit, qua die in cistris ad accipien. punica oppuguanda esse. Quarta vigilia profecti, sarci-
dum frumentum præsto essent, omni undique genere uis omnibus impedimentisque Beneveuti relictis, paullo
vebieulorum jumentorumqueex agris contractu. Id pro ante lucem quum ad castra pervenissent, tantum pavoris
cetera socordia negligenliaque a Campauis actum. Paullo injecerunt,ut, si in plano castra posita essent. haud dubie
plus quadringentavéhicula missa, et pauca præterea ju- primo impetu capi potuerint. Altitudo loci et munimenta
menla. Oh id castigatis ab Hannone, quod ne famés qui- defenderunt,quaj nulla ex parle adin, nisi arduo ac diffw
dem, quae mutas accenderet bcstias, curam eorum sti- cili ascensu, poterant. Luce prima prmlium ingens accen-
mulare posset, alia prodicta dies ad frumentum majore sum est; nec vallum modo tutantur Pœni, sed ut quibus
apparatu petendum. Ea omnia, sicut acta erant, quum locus æquior esset, deturbant nitentes per ardua hostes.
enuntiata Beneventanis essent, legatos decem extemplo XIV. Vicit tamen omnia pertinui virtus, et aliquot
ad consules (circa Bovianum castra Romanorum erant) simul partibus ad vallum ac rossas perveutum est: sed
miserunt. Qui quum, auditis, uuae ad Cipuam agerea- cum multis vulneribus ac militum permcte. ltaque con-
dt s soldats, il leur déclare « qu'il faut renoncer à chir le retranchement, loin de rappeler les soldats,
une entreprisse téméraire, qu'il lui semble plus les pousse et les excite. Il lcur montre la position
sûr de ramener, ce jour-là, l'armée à Bénévent, critique et périlleuse où se trouve la plus brave
et d'aller, le lendemain, se poster près du camp des cohortes des alliés et la plus intrépide de
d'Ilannon, de sorte qu'il ne puisse y rentrer, ni leurs légions. Tous aussitôt, sans s'inquieter da-
les Campaniens en sortir; que pour y réussir plus vantage des difficultés du terrain, malbré les traits
aisément, il appellerait à lui l'autre consul avec qui les accablent de toutes parts, malgré les en-
son armée; et que tous les deux alors réuniraient nemis qui leur opposent et leurs armes et leurs
leurs opérations sur ce point, » Déjà il avait fait corps, ils montent, ils se précipitent; beaucoup
sonner la retraite, lorsque les cris des soldats, sont blessés; ceux-là mêmes qu'abandonnaient et
pleins de mépris pour un ordre si timide, décon- leurs forces et leur sang tâchaient au moins de
certèrent tous les projets du général. La cohorte tomber dans l'intérieur du retranchement. Aussi
la plus proche de la porte du camp ennemi était le camp fut-il enlevé en un instant, comme s'il eût
composée de Peligmens. Vibius Accuaeus, qui la été en plaine et sans fortifications qui le couvris-
commandait, saisit un drapeau et le jette dans sent. Quand ils s'y trouvèrent tous pêle-mêle, ce
les retranchement.Alors, prononçant des impré- ne fut plus un combat, mais un massacre. Il y eut
cations contre lui-même et contre sa cohorte s'ils plus de six mille ennemis de tués. On fit au delà
n'allaient le reprendre, le premier de tous il fran- de sept mille prisonniers, en y comprenant les
clrit fossé et palissades, et s'élance dans le camp Campaniens, qui étaient venus chercher le blé, et
des Carthaginois. Déjà les Péligniens y avaient tout l'attirail des chariots et des bêtes de somme.
pénétré avec lui et se battaient avec ardeur. Sur Il s'y trouva aussi un immense butin, qu'Uannon,
un autre point, Valérius Flaccus, tribun des sol- en ravageant de tous côtés les campagnes, avait
dats de la troisième légion, reproche aux Ilomains fait sur les alliésdu peuple romain. L'armée, après
d'abandonner lâchement à des alliés tout l'hon- avoir détruit le camp des ennemis, rentra à Bé-
neur de la victoire. Animé par ces reproches, névent. Là les deux consuls (car Appius Claudius
T. Pédanius, premier centurion, arrache l'ensei- y arriva quelques jours après) vendirent et par-
gne à celui qui la portait « Cette enseignes, s'é- tagèrent le butin des récompenses furent décer-
crie-t-il, et ce centurion seront tout à l'heure de nées aux braves àqui l'ondevait la prise du camp;
l'autre côté du retranchement. Que ceux-là me avant tous les autres au Pélignien Aecuacus et à
suivent qui voudront empêcher l'ennemi d'en res- T. Pédanius, premier centurion de la troisième
ter le maître. » Et aussitôt il s'élance. Les hom- légion. Ce fut à Cominium Cériturn qu'Hannon fut
mes de son peloton d'abord, puis la légion tout informe que son camp avait été pris; il en sortit
entière, se précipitent à sa suite. Déjà le con- avec quelques fourrageurs qu'il avait par hasard
sul, qui avait changé d'avis, en les voyant fran- avec lui, et il dirigea sa marche, ou plutôt sa

vocatis tribunis militum consul, o absistendum temerario ab revocando ad incitandos hortandosque versus milites,
incepto, ait tutius sibi videri, reduci eo die exercitum ostendere, in quanto discrimine ac periculo fortissima
Beneventum dein postero castris se hostium luiigi ne rohors sociorum et civium legio esset. Itaque pro se quis-
eiire inde Campani, neve Ilanno regredi posset. Id quo que omnes per æqua alque iniqua loca, quum undique
faciliuscibtineatur, collegam quoque et exercitum ejus se tela conjicerentur, armaque et corpora hostes objicerent,
acciturum, totomque eo versuros bellum.. H,ec consilia pervadunt, irrumpuntque. Multi vulnerati, etiam quos
ducis, quum Jam receptui caneret, clamer militum asper- vires sanguisque desereret, ut intra vallum hostium ca-
nantium tam segne imperium dis je l'il, Proxima portæ dereut, uitebantur. Capta itaque momento temporis,
hostium erat colmrs peligna cujus præfectus Vibius Ac- velut in piano sita, nec permunita castra. Caedes inde
cuaus arreptum vevillum trans vallum hostium trajecit. non jam pugna erat, omnibus intra vallum pernuxtis.
Exsecratus inde seque et cohortem, si ejus vexild hostes Supra sex millia hostium occisa, supra septcm millia ca-
pouti essent, priuceps ipse pvr fossam vallumque in ca- pitum, cum frumentatoribus campanis omniqne plau-
stra irrumpit. Jamque intravallum Peligui pugnabant, strorum et jumentorum apparatu, capta. Et alia iiigens
quum altera parte, Valerio Flacco tribuno militum ter- prada fuit, quam Hanno, populabundus passim quum
tm legionis exprobrante Romanis ignaviam, qui sociis isset, ex sociorum populi romani agris traierat. Inde
captorum castrorunt concedereut decus, T. Pedanius, dejectis hostium castris, Beneventum reditum est, præ-
princeps primus centurio, quum signilero signum ade- damque ibi ambo consules (nam et Ap. Claudius eo post
misset, « jam hoc signum, et lite ceuturio, inquit, intra paucos dies venit) vendiderunt, diviseruntque. Et donati,
vallum hostium erit. Sequantur,qui capi signum ab hoste quorum opera castra hostium capta erant: ante alios Ac-
prohibituri sunt. » Mampulares sui primum transceuden- cuæus Pelignus, et T. Pedanius princeps tertiæ legtouis.
tem fussam, deiu legio tota secuta est. Jam et consul, ad Haunoab Commio Cerito, quo nuntiata castrorum cladea
ceuspeetum transgreditntium villum mutato consilio, est, cum paucis frumentatorihus, quos forte secum habue-
fuite, vers le Bruttium où il fut bientôt de retour. tapontains, délivrés de la crainte qui les rete-
XV. Les Campaniens, à la nouvelle de la dé- nait, s'étaient donnés à Annibal. Ceux de Thu-
faite qu'ils viennent d'essuyer, eux et leurs alliés, rium, ville située sur la même côte, imitèrent
envoient des députés à Annibal pour l'informer cet exemple; entraînés non-seulement par la
« que les deux consulssont à Bénévent, à une jour- défection des habitants de Tarente et de Metapont,
née de marche de Capoue; qu'ainsi la guerre est originaires, comme eux, de l'Achaïe, et auxquels
presque à leurs portes et devant leurs murailles. ils étaient unis par des liens de famille, mais
Que s'il ne vient en toute hâte à leur secours, Ca- surtout par la haine que leur avait inspirée
poue tombera au pouvoir des Romains en moins contre les Romains le massacre récent des ota-
de temps qu'Arpi. Ni Tarente elle-même, ni à plus ges. Les amis, les parents de ces malheureux
forte raison la citadelle de Tarente, ne devait avaient envoyé à Hannon et à Magon, qui étaient
être d'un assez grand prix à ses yeux pour li- tout près de là, dans le Bruttium, des letlres et
vrer Capoue, qu'il aimait à appeler une seconde des députations pour leur dire « que s'ils ame-
Carthage, sans appui et sans défense, au peuple naient leur armée sous les murs de la illc, ils la
romain. » Annibale promit de veiller à la sûreté leur livreraient. o C'était M. Atinius qui comman-
des.Campaniens, et pour l'instant il envoya avec dait à Thurium avec une faible garnison. Les con-
leurs députés deux mille hommes de cavale- jurés pensaient qu'il se laisserait aisément eutrai-
rie, qui devaient les aider à empêcher le dé- ner à combattre sans trop de réllexion; car il était
gât de leur territoire. Les Romains, bien qu'oc- plein de confiance, non pas dans ses soldais, fort
cupés ailleurs, n'oubliaient pas la citadelle de peu nombreux mais dans la jeunesse de Thu-
Tarente et la garnison qui y était assiégée. Le rium. Ce n'était pas sans raison qu'il l'avait di-
lieutenant C. Servilius, envoyé par le préleur visée par centuries et armée, pour s'en servir
P. Coruélitts, d'après uu ordre du sénat, pour au besoin. Les deux généraux carthaginois se par-
acheter des blés en Étrurie, pénétra, malgré la tagèrent les troupes et entrèrent sur le territoire
vigilance des ennemis, dans le port de larente de Thurium. Hannon, avec l'infanterie, s'avance,
avec quelques vaisseaux chargés. Avant l'arrivée enseignes déployées, contre la ville. Magon avec
de Servilius les Romains assiégés n'avaient pres- la cavalerie, s'arrête, couvert par des collines
que plus d'espoir; les ennemis, dans de fréquentes fort propres à cacher une embuscade. Les éclai-
conférences, les engigaient à se rendre; mainte- reurs d'Atinius n'avaient vu que l'infanterie; aus-
nant c'étaient eux, à leur tour, qui pressaient les sitôt il fait sortir ses troupes dans la plaine, ignorant
Tarentins de rentrer dans leur parti. La garnison également et la trahison des habitants et l'embus-
était assez forte, depuis que, pour défendre la ci- cade des ennemis. Le combat s'engagea nmllement
tadelle de Tarente on y avait fait passer les trou- entre l'infanterie des deux partis. Il n'y avait que
pes qui étaient à Métapont. Mais aussi les Mé- quelques Romains au premier rang, et les Thuri-

rat, fugœ magis, quam itineris, modo in Bruttios rediit. militibus. Itaque Metapontini extemplo, metu, quo lene-
XV. Et Campani, audita sua pariter sociorumque bantur, li liera li, ad Aimibaleni delecere.floc idcm eadem
clade, legatos ad Annibalem miserunt, qui nuntiarent, ora maris et Thui ini fecerllnt. Movit eos non Tarentino-
« duos consules ad Beneventum esse, diei iter a Capua rum magis delectio Metapontinorumque, quibus, indi-
tautum'non ad portas et muros bellum esse ni propere dem ex Achaia oriuodi, etiam cognatinne luucti enint,
subveniat, celerius Capuam, quam Arpos, in potesta- quam ira in Romanos propter obsides nuper interfectos.
tem hostium venturam. Ne Tarentum quidem, non modo Eorum amici cognatique literas ac nuntios ad Haunonetn
arcem, tanti debere esse, ut Capuam, quam Carthagini Magouemque, qui in propinquo m Bruitis erant, mise-
xquare sit solitus, desertam indefensamque populo ro- runt, « si si eaercitum ad mrenia admovissent, se in pote-
mano tradat.. Anuibal, curæ sibi fore rem campanam statem eornm urbem tradituros esse. » M. Atinius Thuriis
pollicitus in præsentia duo millia equitum cum legatis cum modico pra?sidio preeerat quem facile elici ad cer-
mittit, quo præsidio agros populationibus possent prohi- tamen temere ineundum rebanlur posse, non niilituiu,
bere. Romanis intérim, sicut aliarum rerum, arcis ta- quos perpaucos babebat, fiducia, quam juventutis thu-
rentinæ, præsidiique, quod ibi obsideretur, cura esse. rinae. Eam ex industria centuriaverat armaveratque ad
C. Servilius legatus, ex auctoritate Patrum a P. Cornelio taies casus. Divisis copiis inter se, duces pœni quum
pratore in Etruriam ad frumentum coemendum missus, agrum thurinum ingressi essent, Hanuo cum peditum
cum aliquot nal ibus onustis iu portum tarentinuminter agmine infestis signis ire ad urbem pergit. Mago cum
hostium custodias perveuit. Cujus adventu, qui aute, in equitatu, tectus collibus, ad tegendas insidias oppositis,
exigua spe, vocati saepe ad transitionem ah hostibus per subsistit. Atinius, peditum tautum agmine per explorato-
colloquia erant, ultro ad transeundum hostes vocabant res comperto, in aciem copias educit, et fraudis inte-
sollicitabautque. Et erat satis validum praesidium, Ira- stinæ, et hostium insidiarum ignarus. Pedestre prxlium
ductis ad arcem 1'arenti tuendam, qui Metapouti eraut, fuit persegue, paucis in prima acie puguantibus Roma-
niens attendaient l'événement sans y prendre une détruire les blés déjà en berbe et d'assiéger Ca-
part bien active les Carthaginois reculaient à poue. Ils se flattaient d'illustrer leur consulat par
dessein pour attirer l'ennemi qui était sans dé- la destruction d'une ville si puissante, en même
fiance jusque derrière la colline occupée par leur temps qu'ils feraient cesser tout ce qu'il y avait
cavalerie. Une fois le combat amené sur ce ter- d'humiliation pour la république à laisser depuis
rain, les cavalierss'élancent en poussant de grands trois ans la défection triompher impunie, pour
cris, lombentsur la foule des Tlruriniens qui, gar- ainsi dire aux portes de Rome. Toutefois, Béué-
dant à peine leurs rangs et peu fidèles au parti vent ne devait pas rester sans garnison, et, eu cas
pour lequel ils combattent, sont aussitôt mis en d'attaque imprévue, ils voulaient avoir de la cava-
fuite. Les Romains, quoique entourés, quoique lerie à opposer à Annibal, si, comme ils eu étaient
pressés, d'un côté par l'infanterie, et de l'autre assurés, il venait au secours de ses alliés de Ca-
par la cavalerie, prolongent néanmoins le com- poue. Ils envoyèrent à Tib. Gracchus l'ordre de
bat. Mais ils finirent, eux aussi, par tourner le se rendrea Bénéventavecla cavalerie et l'infanterie
dos et s'enfuient vers la ville. Là les conjurés légère qu'il avait en Lucanie, et pour conserver
réunis ouvrent les portes, reçoivent la foule des ses positions, de mettre un de ses lieutenants à la
leurs, puis voyant les Romains en déroute se tête des légions qu'il laissait en quartiers d'hiver.
précipiter vers la ville, ils s'écrient « que le XVI. Gracchus, avant de quitter la Lucanie, fit
Carthaginois est derrière eux, et que les ennemis un sacrifice qui fut pour lui d'un triste présage
vont entrer pêle-made avecles Romains, si l'on ne à la fin de la cérémonie, deux serpents, sortis
se hâte de fermer les portes. o Les Romains, ainsi d'une demeure souterraine, rongèrent le foie des
abandonnés, sont livrés aux coups des ennemis. victimes, disparurent sitôt qu'on les eut aper-
Atimus cependant fut reçu dans les murs avec un çus, et devinrent tout à coup invisibles. D'a-
petit nombre des siens. Pendant quelques instants près le conseil des aruspices, le sacrifice fut re-
la division régna dans la ville; les uns voulaient commencé mais, malgré le soin avec lequel on
qu'on se défendit, les autres qu'on cédât à la mit à part les entrailles, les reptiles revinrent, dit-
fortune et qu'on livrât Thurium aux vainqueurs. on, à deux reprises, goûtèrent le foie et s'éloignè-
Du reste alors comme toujours, la fortune et le rent sains et saufs sans qu'on eût pu les atteindre.
crime l'emportèrent. On conduit Atinius au ri- Les aruspices déclarèrent que ce prodige regar-
vage, et, après l'avoir fait embarquer avec sa dait le général et cherchèrentà le prémunir con-
troupe, moins par égard pour les Romains, que tre les trames de quelques faux amis; mais au-
par reconnaissancede la douceur et de l'équité de cune précaution ne put détourner le coup fatal qui
son gouvernement,on ouvre la ville aux Cartha- lemeuaçait. Un certain Flavius, lorsqu'unepartie
ginois. Les consuls font passer leurs légions de de la Lucanie embrassa la cause d'Annibal, s'était
Benévent dans la Campanie, avec l'intention de mis à la tête de ceux des Lucanieus qui tenaient

nis; Thuriois exspectantibtismagis, quam adjnvantibus, frumenta modo, quæ jam in herbis erant corrumpenda
eveutum et Carthagmicusium acies de industria pedem sed ad Capuam oppugnandam; n obilem se consulatum
referebat, ut ad terga collis ab équité suo insessi hostem tam opulentae urbis excidio rati facturos simul et ingens
incatum perlraheret. Quo ubi ventum est, coorti cum flagitium imperio dempturos, quod urbi tam propinquæ
clamore équités prope inconditam Thurinorumturbam, tertium annum impunita defectio esset. Celerum ne Be-
nec satis fido animo, unde pugnabat, stantem, extemplo neventum sine prassidio esset, it ut ad subna belli, si
in fugam avet erunt. Romain, quanquam circumventos Annibal (quod lacturum haud dubitabant) ad opem fe-
hinc pedes, bme eques urgebat, tanien aliquamdiu pu- rendam sociis Capuam venisset, equites vim sustinere
gnam traxere. Postremo et ipsi terga vertunt, atque ad possent, Ti. Gracchum ex Lucanis cnm equitatu ac levi
urbem fugunt. Ibi proditores couglobati, quum popu- armatura Beneventum venire jubent legiombus stativis-
larium agmen patentibus portis accepissent ubi Ro- que ad obtinendas res iu Lucauis aliquem præficeret.
manos fusos ad urbem ferri viderunt, conclamant, « in- XVI. Graccho, priusquam ex Lucanis moveret, sacri-
slare Pœnum permixtosque et hostes urbem invasuros flcauti triste prodigium factum est. Ad exta, sacriflcio
ni propere portas claudant.. Ita exclusos Romanos præ- perpetrato, angues duo ex occulto allapsi edere jecur,
buere hosti ad cædem. Atinius tamen cum pacuis rece- conspectique repente ex occultis abierunt. Id quum haru-
ptus. Seditio inde paullispertenuit; quum alii urbem tuen- spicum monitu sacrificium instauraretur, aique intentius
dam, inde alii cedendum fortune, et tradendam urbem exta resecta servarentur, iterum ac tertium venisse tra-
victoribus censerent. Ceterum, ut plerumque, fortuna dunt, libatoque jecinore intactos angues abiisse. Quum
et consilia mala vicerunt; Atinio cum suis ad mare ac haruspices, ad imperatorem id pertinere prodigmm,
naves deducto, magis quia ipsi, ob imperium in se mite præmonuissent, et ab oculis cavendum bominibus con-
ac justum, consiiltum volebant,quam respectu Romano- sultisque; nulla lamen providentia fatum imminens mo-
mm, Carthagmienses in urbem accipiunt. Consules a veri potuit. Flavius Lucanus fuit, caput partis ejus Luca-
Deneventoin campanum agrum legiones ducunt, non ad norum, quum pars ad Aunit)alem defecisset, quæ cum
pour les Romains; et il exerçait, cette année, les prompte à faire grâce car que de fois n'avait-
fonctions de préteur, que son parti lui avait con- elle pas pardonné à la révolte de leurs ancêtres!
fiées. Cet homme, changeant tout à coup d'inten- Telles, disait-il, avaient été ses paroles. Mais les
tion, et voulant se mettre en faveurauprès du gé- préteurs désiraient les entendrede la bouchemême
néral carthaginois, crut que ce ne serait pas assez de Gracchus et presser sa main, afin de porter à
de passer lui-même à l'ennemi et d'entraîner les leurs concitoyens ce gage d'amitié. Il leur avait
Lucaniens dans sa défection, s'il ne scellait ses donc assigné un rendez-vous dans un lieu écarté,
engagements avec lui de la vie et du sang du gé- à la proximité du camp romain. Là on pourrait,
néral, de l'hôte qu'il devait trahir. Il alla secrè- en peu de mots, conclure une négociation qui
tement s'aboucher avec Magon qui commandait rendrait la Lucanie entière l'amitié, àl'alliauce
dans le Bruttium, et il reçut de lui l'assurance de Rome. Gracchus, sans soupçonner de la
que, s'il livrait le général romain, les Lucaniens, fraude dans ce langa;;e et dans ce projet, séduit
devenus les alliés de Carthage, conserveraient par la vraisemblance du récit part du camp avec
leur liberté et leurs lois. I1 le conduit à l'endroit ses licteurs et un escadron de cavalerie, et, guidé
où il se proposait d'amener Gracchus avec une par son hôte, il va donner dans le piège. Aussitôt
faible escorte, et l'engage à s'y tenir embusqué, les ennemis sortent de leur embuscade; et pour
à la tête d'un corps considérable d'infanterie et ne laisser aucun doute sur la trahison, Flavius se
de cavalerie. Le lieu est bien déterminé, on en joint à eux une grêle de traits tombent sur Grac-
reconnut avec soin toutes les avenues, et le chus et sur ses cavaliers. Le général met pied à
jour est pris pour l'exécution du projet. Fla- terre, ordonne aux siens d'en faire autant, et
vius se rend ensuite auprès du général romain les exhorte « à honorer par leur courage le sent
« il a, dit-il, formé une grande entreprise; parti que leur laisse la fortune. A une poignée de
mais, pour la mener à fin, il a besoin du con- soldats enveloppés par une foule d'ennemis dans
cours de Gracchus lui-même. Il est parvenu à un vallon que dominent des bois et des montagnes,
persuader aux préteurs de tous les peuples qui, que reste-t-il, sinon à mourir? Mais devaient-ils
dans cette révolution générale de l'Italie, s'étaient tendre la gorge comme de vils troupeaux et se
donnés à Carthage, de revenir à l'alliance de laisser massacrer sans vengeance; ou, de victi-
Rome; il leur a représenté l'empire romain, mes attendant la mort, devenus des assaillants
que le désastre de Cannes avait fait pencher vers transportés d'une juste colère, se jeter sur leurs
sa ruine, se relevant et se consolidant de jour en ennemis avec l'audacedu désespoir, et, tout cou-
jour, tandis que les forces d'Annibal s'épuisent verts de leur sang, expirer sur des monceaux
et sont presque anéanties. Leur faute, déjà an- d'armes et de cadavres? Qu'ils dirigent tous
cienne, ne trouverait pas les Romainsimplacables; leurs épees contre le traître, la transfuge luca-
jamais nation n'ayant été plus clémente et plus nien celui qui enverra avant lui cette victime

Romanis stabat et jam anno in magistratu erat, ab iis- Romanos nullam unquam gentem magis exorabilem,
dem illis creatus prætor. Is, mutata repente voluotate, promptioremque veniæ dandæ fuisse. Quoties rebellioni
locum gratiæ apud Pœnum qua rens, neque transire ipse, etiam majorumsuorumignotum ? Haec ab se ait dicta
neque trahere ad defectionem Lucauos satis habuit, n¡si c-terum ab ipsoGraccho eadem hæc audire malle eos, pra?-
imperatoriset ejusdem hospitisproditi capite ac sanguine sentisque conlingere dextram id pignus fidei secum ferre.
fœdus cum hostubus sanxisset. AdMagonem.quiin Brut- Locum se consiliis diaisse conspectu amotum, haud pro-
tiis praerat, clam in colloquium venit fidequeab eo ac- cul a castrisromanis. Ibi paucis verbis transigi rem posse,
cepta, si Romanum üs imperatorem tradidisset, liberos ut omne nomen lucaoum in fide ac societate romana sit. »
cum suis legibus venturos iu amicitiam Lucanos; deducit Gracchus, fraudem et sermoni et rei abesseratus, ac simi-
Pœnum in locum, quo erat cum paucis Gracchum addu- litudine veri captus, cum lictoribus a turma equitum e
cturus. Magottem ibi pedites equitesque armare, et ca- castris profectus, duce hospite in insidias præcipitatur.
pere eas laiebras, ubi ingentem numerum occuleret, Hostes subito exorti et, ne dubia proditio esset, Flavius
jubet. Loco satis inspecto atque undique explorato, dies his se adjungit. Tela undique in Gracchum alque equites
composita gerendæ rei est. Flavius ad romanum impe- conjiciuntur. Gracchus ex equo desilit idem ceteros fa-
ratorem venit « Rem se ait magnam inchoasse, ad cere jubet, hortaturque, « Ut quod unum reliquum for-
quam perficiendam ipsius liraccbi opéra opus esse Om- tuna fecerit, id cohonestent virtute. Reliquum autem
nium populorum prætoribns, qui ad Pœnum in illo com- quid esse paucis, a multitudine in valle silva ac montibus
muni Italiæ motu descissent, persuasisse ut redirent in soepta circumventis, praeter mortem? id referre, utrum
amicitiam Romanorum quando res quoque romana, præbentes corpora pecorum modo inulti trucidentur, an,
qua' prope elitium vlade Cannensi venisset, iu dies melior toto animo a patiendoexspectandoque eventu in impetum
atque auctior fieret; Annibalis vis senfsceret, ac prope ad atque iram verso, agentes audentesque,perfusi hostiurn
nihulum vensse. Veteri delicto haud implacabi es fore cruore, inter eispirantiuminimicorumcumulata arniaqu*
aux enfers se fera une grande gloire et trou- tant on est peu d'accord sur le genre de mort
vera à se consoler noblement de sa mort. n En- d'un homme si recommandable et si célèbre, et
disant ces paroles, il enveloppe son bras gauche de sur le lieu de cet événement. Même diversité
son manteau (car ils n'avaient pas même pris leurs d'opinions sur ses funérailles. Les uns disent qu'il
boucliers), et il charge l'ennemi. On livre un com- fut inhumé par ses soldats dans le camp même
bat plus opiniàtre que l'on n'eût pu l'attendre des Romains; les autres, et c'est le récit le plus
d'un si petit nombre. Les Romains, à découvert accrédité, racontent qu'Annibal lui fit élever un
et enfermés dans le creux d'un vallon, sont acca- bûcher à l'entrée de son camp; que l'armée défila
blés des traits qu'on leur lance d'un lieu plus élevé. sous les armes; que les Espagnolsexécutèrent leurs
Gracclms reste presque seul, et les Carthaginois danses nationales; que chaque peuple dont se
s'efforcent de le prendre vivant. Mais, ayant composait l'armée carthaginoise fit les évolutions
aperçu au milieu des ennemis son bôte lucanien, et les exercices propres à son pays et qu'Annibal
il s'élance avec tant de fureur pour le joindre, lui-même honora cette cérémonie de toute la
qu'on n'eût pu l'épargnerqu'au prix de la vie d'un pompe et de tous les éloges possibles. Tel est le
grand nombre de soldats. Dès qu'il eut perdu la récit des auteurs qui placent l'événement en Lu-
vie, Magon l'envoya à Annibal, et le fit exposer, canie. Si l'on en croit ceux qui font tuer Gracchus
avec les faisceaux qu'on avait pris, devant la tente sur les rives du Calore, sa tête seule tomba au
du général carthaginois. Telle est la tradition la pouvoir des ennemis. Aunibal, l'ayant reçue, l'au-
plus exacte. Gracchus périt en Lucanie, dans un rait fait porter par Carthalon dans le camp romain,
endroit nommé le Vieux-Champ. et remettre au questeur Cn. Cornélius celui-ci au-
XVII. Il est des historiens qui prétendent que rait célébré dans le camp les funérailles de son gé-
l'événementse passa sur le territoire de Bénévent. néral, en présence des habitants de Bénévent as-
Gracclws auraitquitté le camp pour se baigner dans sistant avec l'armée à cette cérémonie.
les eaux du Calore, accompagné seulement de ses XVIII. Les consuls, qui étaient entrés sur le
licteurs et de trois esclaves; là, surpris nu et sans territoire de Capoue, y portaient de tous côtés le
armes par les ennemis cachés derrière les saules du ravage, lorsqu'une sortie des habitanls et de Ma-
rivage, après s'être défendu avec les pierres que gon, à la tête de sa cavalerie, les frappa d'une
roule le fleuve, il serait tombé massacré. D'autres telle éprouvante qu'ils rappelèrent sous les dra-
rapportent que, sur l'avis des aruspices, s'étant peaux leurs soldats épars, et que, mis eu déroute
éloigné à cinquante pas deson camp, pour expier, avant d'avoir pu se former en bataille, ils perdi-
dans un lieu pur, les prodiges que j'ai précédem- rent plus de quinze cents hommes. Ce succès ne
ment rapportés, il fut enveloppé par deux esca- fit qu'ajouter à l'orgueil de cette nation naturelle-
drons de cavalerie numide, placés en embuscade ment présomptueuse; elle ne cessait de harce-

et corpora cadant. Lucannm proditorem ac transfugam turmis Numidarum circumventum seribant. Adeo nec
omnes peterent. Qui eam victimamproe se ad inferos mi- locis, nec ratio mortis in viro tam claro et inaigni con-
aisset, euin decus eximium egregiumqne solatium sm stat. Funeris quoqne Gracchi varia est fania. Ahi in ca-
morti inventurum.. Inter hæc dicta, paludamento circum stris romanis sepultum ab suis, alii ab Annibale (et ea
Imvum brachmm intorto(nam ne scuta quidem secum vulgatior fama est ) tradunt in vestilmlo puuicorum ca-
extuloraut), in hostes impetum fecit. Major, quam pro nu- strorum rogum exstructu n esse armaluin exerctum
mero hommum,editur pugna. Jaculs maxime aperta cor- decucurrisse cum tripudiis Ilispanorum motibusque ar-
pora Ronianoruin, et quum undique ex altioribus locis morum et corporum suæ cuique genti assuetis, ipso
in cavam vallem conjectus esset, trinsfigiintur. Grac- Annibale omni rerum verborumque honore exsequias
chum, Jam nudatum præsidio, vivum capere Pœni uitun- celebrante. Hæc tradunt, qui in Lucanis rei geslae auctores
tur. Celerumille, conspicatus Lucanum hospitem iuter sunt. Si illis, qui ad Galurem fluvium intertectum memo-
hostes,adeo infestus confertosinvasit, ut parci ei sine mul- raut, credere velis, capitis tantum Gracchi hostes potiti
torum pernicie non posset. Exanimem eum Mago extemplo sunt. Eo delato ad Auuibalem, missus ab eo confestim
ad Annibalem misit, ponique cum captis simul fascibus Carthalo, qui in castra romana ad Cn. Cornelium quia-
ante tribunal imperatoris jussit. Hæc vera fama est. Grac- storem deferret. Is funus imperatoria in castris, cele-
chus in Lucanis ad campos, qui veteres vocantur, periit. brantibus cum exercitu Beneventams, fecit.
XVII. Sunt, qui in agro beneventano, prope Calorem XVIII. Consoles, agrum campanum ingressi, quum
fluvium, ostend mt a castris cum lictoribus ac tribus ser- passim popularentur,eruptione oppidanorum et Magonis
vis lavalidi causa progressum, quum forte inter salicta cum equitatu territi et trepidi, ad signa milites palatos
innata ripis laterent hostes, nudum atque inermem, passim revocarunt et, vixdum instructa acie fusi, supra
saxisque, quae volvit arnnis, propugnantem, interfectum. mille et quingenta milites amiserunt. Inde ingens ferocia
Suut, qui haruspicum mouitu quiugeutos passusa castris superbae suopte ingenio genti crevit, multisque prælnis
progressum un loco pnro ea quæ ante dicta prodigia lacessebant Romanos sed intentiores ad cavendum con-
mnt procuraret, ab insidentibiu forte locum duabus soles una pugna fecerat, incaule atque inconsulte inita.
ler les Romains; mais le résultat d'une action entre les deux nations ne lui paraissait pas suffi.
trop légèrement hasardée avait rendu les consuls sante pour rompre les liaisons particulières, Ba-
plus circonspects. Un événement de peu d'im- dius de Capoue faisait savoir à T. Quinctius Cris-
portance releva le courage des uns, et abattit pinus de Rome, qu'il renonçait hautement à toute
l'audace des autres car à la guerre les plus petits relation d'hospitalité, en présence des deux ar-
incidents ont souvent les plus grandes consé- mées qui l'entendaient. Ennemi, il abjurait tout
quences. T. Quinclius Crispinus avait pour hôte commerce, toute alliance avec un ennemi qui ve-
et pour ami un Campanien nommé Badius. Ce nait assiéger sa patrie, les dieux de sa nation et les
qui avait rendu leur liaison plus étroite, c'est siens. S'il était homme de cœur, il devait s'avan-
qu'avant la défection de Capoue, Badius, malade cer au combat. n Crispinus hésita longtemps; mais
à Rome, avait reçu dans la maison de Quinctius cédant enfin aux instances de ses compagnons d'ar-
les soins les plus généreux et les plus obligeants. mes, qui le pressaient de ne pas laisser impunies
En ce moment, Badius parut aux postes avancés, les insultes du Campanien, il ne prit que le temps
et tit appeler Crispinus. Celui-ci, qui s'attendait de demander à ses chefs la permission de combat-
à une entrevue amicale et affectueuse, et avait tre hors des rangs l'ennemi qui l'avait provoqué,
conservé, malgré la rupluie publique des deux l'obtint, saisit ses armes, monta à cheval, défia
peuples, le souvenir d'une liaison particulière, nommément Badius, et l'appela au combat. Le
s'éloigna des siens. Lorsqu'ils furent en présence Campanien ne se fit point attendre tous deux pi-
« Crispinus,
lui dit le Campanien, je te défie au quèrent leurs chevaux et se chargèrent vigoureu-
combat, montons à cheval, et, écartant tout le sement. Crispinus perça de sa lance l'épaule gau-
monde, voyons qui de nous deux est le meil- chede Badius, au-dessus du bouclier; et, le voyant
leur guerrier. » Crispinus lui répondit « Qu'ils tomber après cette blessure, il se précipita de son
ne manquaient ni l'un ni l'autre d'ennemis contre cheval pour achever à pied son ennemi terrassé.
lesquels ils pourraient deployer leur courage; que Mais Badius, avant d'être atteint, laissa sa monture
pour lui, quand même il le rencontrerait dans la et son bouclier et se réfugia dans les rangs de ses
mclée, il se détournerait, afin de ne pas souiller compatriotes. Crispinus s'empara du cheval et des
sa main du meurtre d'un hôte. » Puis, reprenant armes; fier de ce trophée, il brandit sa lance en-
son chemin, il se retira. Mais le Campanien, de- sanglantée, et, au milieu des applaudissements et
venu plus insolent, prononça les mots de timide des félicitationsde ses compagnons d'armes, il fut
et de lâche, et accabla ce brave guerrier des ou- conduit devant les consuls, qui le comblèrent d'é-
trages qu'il méritait lui-mcme. « C'était, disait- loges pompeux et de présents.
il, un ennemi par trop hospitalier, qui feignait XIX. Annibal, quittant te territoire de Bénévent,
d'épargner un hôte, parce qu'il savait bien ne vint camper près de Capoue; et, des le troisième
pouvoir lui tenir tête. Si la rupture des traités jour de son arrivée, il rangea ses troupes en ba-

Restituit tamen bis animos, et illis minuit auduciam, Campanum T. Quinctio Crispino Romano palam, duobus
parva una res. Sed in bello nihi) tam leve est, qnod non exercilibus audientibus, renuntiare hospitium.Nihil sibi
magnæ interdum rei momentum faciat. T. Qumcuo cum eo consociatum, nihil fœderatum hosti cum boste,
Crispino Badius Campanus hospes erat, perfamiliari cujus patriam ac pénates puhlicos privatosqueoppugna-
hospitio junelus. Creverat consuetudo,quod aeger Romæ tum venisset. Si vir esset, congrederetur. Diu cunctan-
apud Crispinum Badius ante delectionem campanam li- tem Crispinum perpulere turmales ne impune insultare
beraliter comiterque curatus fuerat. Tum Badius, pro- Campanum pateretur. Itaque tantum moratus, dum im-
gressus ante stationes, quae pro porta stabant, vocari peratores consuleret, permitterentnesibi extra ordinem
Crispinum jussit. Quod ubi est Crispino nuntiatum, ratus in provocantem bostem puguare, permissu eorum arma
colloquium amicum ac familiare quæri, maucnte me- ceplt equumque conscedut, et Badium, nomine com-
moria, etiam in discidio publicorum foederum, privati pellans, ad pugnam evocavit. Nulla mora a Campano
juris, paullum a ceteris processit. Postquam in conspe- facta est infestis equis concurreruot. Crispinus supra
ctum veuere, «Provoco te inquit, ad pugnam, Crispine, scutum siuistrum bumerumBadiohasta translizit, super-
Badtus conscendamas equos, summotisque aliis, uter que delapsum cum vulnere ex equo desiluit ut pedes la-
bello mehor sit, decernamus.Ad ea Crispiuus,« nec centem conficeret. Badius, priusquam opprimeretur,
sibi, nec illi, ait, hostes deesse, in quibus virtutem os- parma atque equo relicto, ad suus aufugit. Crispinus,
teudant se, etiamsi iu acie occurrat, declioalurum, ne equum, armaque capta, et crueutam cuspidem insignis
hospitali cæde deatram violet; couversusque abibat. spoliis ostentans, cum magna taude et gratulatione mili-
Enimvero ferocius tum Campauus increpare molluiem tum, ad consules est deductus, laudatusque ibi magni
ignaviamque, et se digna probra in insontem jacere, fice, et donis dooatus.
a hospitalem hostem appellans, simulantemque parcere, XIX. Aunibal ex agro beneventano castra ad Capuam
cui sciat parem se non esse. Si parum pubhcis fœderibus quum movisset, tertio post die, quam venit, copias in
ruptis dirempta simul et privata jura esse putet, Badium aciem eduxit haudquaquam dubius, quod Campant,
taille; ne doutant pas que si les Campaniens, en et sabravoure. Aprèsson tempsdescrvicc, il s'était
son absence, avaient eu l'avantage peu de jours fait présenter au sénat par le préteur P. Cornélius
auparavant, à plus forte raison les Romains ne Sulla, et avait demandé le commandement d'un
soutiendraieut-ils pas le choc d'Annibal et de son corps de cinq mille hommes. «Connaissantet l'en-
armée tant de fois victorieuse. En effet, dès nemi et les lieux, il ne tarderait pas à se signaler;
qu'on en vint aux mains, l'infanterie romaine, et toutes les ruses auxquelles avaient été pris nos
pressée par les cavaliers ennemis qui l'accablaient généraux et nos armées, il les ferait tourner con-
de traits; commençait à plier. A un signal donné, tre leur auteur. La promesse était téméraire; la
les cavaliers se précipitèrent sur l'ennemi. Déjà crédulité ne le fut pas moins, comme si ce qui fait
ce n'était plus qu'un engagement de cavalerie, un soldat faisait aussi un général. Au lieu de cinq
lorsqu'on aperçut de loin l'armée de Sempronius, mille hommes on lui en avaitdonné huitmille,moi-
dont le questeur Cn. Cornélius avait pris le com- tié Romains, moitié alliés; il ramassa sur sa route
mandement, ce qui fit craindre aux deux partis grand nombre de volontaires, et son armée était
l'arrivée d'un ennemi nouveau. On sonna, comme presque doublée lorsqu'il arriva en Lucanie, où An-
de concert, la retraite des deux côtés, et les ar- nibal s'était arrêté, après avoir inutilement pour-
mées rentrèrent dans leur camp, après un avan- suivi Claudius. La partie n'était pas égale entre un
tage à peu pres égal; cependant la perte fut plus chef tel qu'Annibal et un centurion; entre de vieux
grande du côté des Romains, maltraités dans la soldats toujours victorieux et de nouvelles recrues
première charge de cavalerie. Les consuls, pour levées à la hâle et à peine armées. Dès que les
éloigner Annibal de Capoue, partirent, la nuit deux armées furent en présence, chacune, sans
suivante, chacun de son côté, Fulvius pour le refuser le combat, fit ses dispositions. L'action,
territoire de Cumes, Claudius pour celui dts Lu- malgré l'inégalité des forces, dura plus de deux
caniens. Le leudemain, Anmbal, iuformé que les heures, et l'ardeur des Romains se soutint tant
Romains avaient évacué leur camp, et que chaque qu'ils virent leur chef à leur tête mais celui-ci,
consul avait pris une route différente, ne sut d'a- pour soutenir son ancienne renommée et éviter le
bord lequel poursuivre; mais il se décida à mar- déshonneur qui l'attendait, s'il survivait à une
cher sur les traces d'Appius. Ce dernier, après défaite qu'avait entraînée sa témérité, succomba
l'avoir, à volonté, promené de détours en détours, sous les traits de l'ennemi qu'il avait bravés. Les
fit une contre-marche et revint sur Capoue. An- Romains furent aussitôt mis eu déroute; et comme
nibal trouva dans ces lieux une autre occasion do Annibal leur avait coupé la retraite, en faisant
remporter une victoire. M. Centénius, surnommé occuper tous les passages par sa cavalerie, à peine,
Pénula, était l'un des centurions les plus remar- d'une si grande multitude, écliappa-t-il un millier
quables de la première li-ne, par sa haute stature de soldats; le reste périt çà et là et diversement.

absente se paucos ante dies secunda fuisset pugna quin quinque millia militnm darentur..Se, peritum et hostis
multo minus se suumque toties victorem exercitum susti- et regionum, brevi operæ pretium facturum; et, qmbus
nere Romani possent. Ceterum postquam pugnari cœ- artibus ad id locorum nostri et duces et exercitus capti
ptum est, equitum maxime iucursu, quum jaculis ob- forent, iis adversus inventorem usurum. »Id non pro-
rueretur, laborabat romana acies donec signum equi- missum magis stolide, quam stolide creditum tanquam
tihus dalum est, ut in hostem admitterent equos. Ita eaedem tnililares et imperatoria;artes essent. Data, pro
équestre prælium erat; quum procul visus Sempronianus quinque, octo millia militum; pars dimidia cives, pars
exercitus, cui Cu. Cornelius quæstor prieerat, ntrique socii et ipse aliyuantum voluutariorum itinere in agris
parti parem metum praebuit ne hostes novi adveotarent. concivit, ac, prope duplicato exercitu, in Lucanos per-
Vclut ex composito utrimque signum receptui d,itum venit; ubi Aumbal, nequicquam secutus Claudium, sub-
reductique in castra prope æquo Marte discesserunt. Plu- stiterat. Haud dubia res est quippe inter Annibaltem du-
res tamen ab Romanis primo incursu equitum cecide- cem et centurionem, exercituslue, alterum vincendo
runt.Iude consules, ut averterent CapuaAnuibalem, veteranum alterum novum totum, magna ex parte etiam
nocte, quie secuta est, diversi, Fulvius in agrum cu- tumulluarium ac semiermem. Ut conspecta inter se ag-
manum, Claudius iu Lucanos abiit. Postero die, quum mina sunt, et neutra pars detrectavit puguam extemplo
vacua castra esse Romanorum nuntiatum Annibali esset, instructæ acies. Puguatum tamen, ut in nulla pari re,
et duo agminibus diversos abiisse incertus primo, duas amplius horas, concitata et, donec dui stetibset,
utrum sequeretur, Appium institit sequi. Ille, circum- romana acie. Postquam is, non pro vetere fama sulum,
ducto hoste, qua voluit, alio itinere ad Capuam rediit. sed etiam metu futuri dedecoris si sua temeritate con-
Auuibalialia in his locis bene gerendæ rei fortuna oblata tractæ cladi superesset, objerlans se hostium telis, cecidit,
est. M. Ceulenius fuit cognomine Penula, insignis inter fusa extemplo est romana acies. Sed adeo ne fugx qui-
primi pili centuriones et magmtudine corporis et animo. dero iter patuit, omnibus viis ab equite insessis, ut ex
Is, perfunclus nnlitia, per P. Cornelium Stillam præto- tanta multitudiue vii mille evaserint; ceteri passim, abi
rem in senatum introductus, petit a PaSrihus, uti sibi alia peste, absumpti 8iut.
XX. Les consuls recommencèrent le siège de Ca- XXI. Les légions romaines et le préteur Ful-
poue avec une vigueur extrême; partout on trans- vius étaient près d'Herdonée; à la nouvelle de
portait, on préparait ce qui était nécessaire pour l'approche des Carthaginois, peu s'en fallut que
cette entreprise. Des magasins de blé furent éta- ses soldats, sans attendre l'ordre du général, ar-
blis à Casilinum; on éleva un fort à l'embouchure rachant les enseignes, ne sortissent en bataille; le
du Vulturne, à l'endroit où est aujourd'hui la seul motif qui les retint fut la ferme persuasion
ville; on mit une garnison dans celui que Fabius qu'ils pourraient en venir aux mains quand ils le
Maximus avait déjà construit, afin d'être maitre voudraient. La nuit suivante, Annibal, informé
de la mer voisine et du fleuve. On transporta du tumulte qui avait eu lieu dans le camp et des
d'Ostie dans ces deux forts maritimes les blés cris séditieux p ir lesquels les Romains avaient de-
qu'on venait de tirer de la Sardaigne, et ceux mandé à leur général le signal du combat, s'em-
que le préteur M. Junius avait fait acheter dans presse de saisir l'occasion d'un succès qui n'était
l'Étrurie, afin d'assurer des vivres à l'armée pen- pas douteux; il place trois mille hommes armés à
dant l'hiver. Pour ajouter à l'échec reçu en Lu- la légère dans les métairies, les buissons et les
canie, les volontaires qui, du vivant de Grac- bois d'alentour, avec ordre de sortir de leur em-
chus, avaient servi si fidèlement, abandonnèrent buscade au premier signal, et il charge Magon
leurs drapeaux, comme si la mort de leur général d'occuper, avec environ deux mille chevaux, tous
les eût dégagés de leurs serments. Annibal ne vou- les chemins par où il prévoyait que pourraient
lait ni négliger Capouc, ni abandonner ses alliés fuir les ennemis. Ces dispositions faites pendant
dans un si grand péril mais encouragé par l'avan- la nuit, il sort au point du jour, et range ses trou-
tage qu'il avait dû à la témérité d'un commandant pes en bataille. Fulvius ne tarde pas à paraître,
romain, il épiait l'occasion d'accablcr un autre moins dans l'espoir de vaincre, qu'entraîné par
général et son armée, Les députés de l'Apulie lui l'aveugle impétuosité de ses soldats. La même
annonçaient que le préteur Cn. Fulvius, occupé précipitation qui les avait fait marcher au combat
a reprendre des villes qui avaient embrassé le se fit remarquer dans leur ordre de bataille; cha-
parti d'Annibal, avait montré d'abord beaucoup cun, à sa fantaisie, courait ou s'arrêtait au hasard
de circonspection; mais bientôt des succès écla- à des postes qu'il abandonnait bientôt par peur
tants et l'abondance du butin lui avaient inspiré, ou par caprice. La première légion et un corps
ainsi qu'à ses soldats, tant de licence et de sécu- égal d'allies se formèrent d'abord sur une li-ne
rité, qu'ils n'observaient plus aucune discipline. qui présentait un front très-élendu; en vain les
Dans plus d'une circonstance, et surtout par une tribuns s'écrièrent « qu'il n'y avait au centre ni
épreuve encore récente, Anuital avait appris ce force, ni appui, et que l'ennemi, partout où il
qu'était une armée sous un chef inhabile il se di- attaquerait l'armée, l'enfoncerait sans peine. »
rigea vers l'Apulie. Les avis les plus sages, loin de faire impression

XX. Capua a consulihus iternm summa xi obsideri inscin duce exercitus esset, in Apuliam castra movit.
cœpta est quieque m eam rem opus eraut, comporta- XXI. Circa Herdoneam ronia[lae legiones et prætor
bantur parabanturque. Castinum frumentum convectum; Fulvius crant. Quo ubi allatum est, hostes advenlare,
ad vulturm ostium, ubi une urhs est, caslrllum cnm- prv tle est factum ut injussu prætoris similis conduisit in
munitum (ante Fabius Macimus munier at) præsidium aciem exirent. Née res ulla magis tenuit, quam spes hund
impositum, ut mare proximum et flomen in polestate dubia sho id arbi rio, ubi velleut, acturos. Nocte inse-
essent. lu ea duo marituma castella frumentum, qnod ex quenni Anmbal, quum tumultu.dum in castris, et ple-
Sardmia nuper missum crat, quo l'lue M. Jumus prn'tcr ros ue ferociler, signum ut daret institisse duci ad arma
ex Etruna coemerat, ah Ostia convectum est, ut exer- vocantrs sciret, haud dubius prosperæ pugnæ occasio-
cuni per h emem copia t'ssct. Ceterum super eam c)a- nem dal i tria millia expeditorum militum in villis citca,
dem, quœin Lucamsaccepta erat, volonum quoque exer- vepubusyue et slh daponit, qui, signo dato, simul
citus, qui, vivo Graccho, summa fidestipendra lecerat, omnes e latebris existèrent et Magonem ac duo ferme
velut erauctoratus mur te ducis, ab signis discessit. Anuihal millia equitmn, qua fugam inclinaturam credehat, omnia
non Gapuam negleclam neyue, iu tanto diacmuiue, de- itinera insidere jubet. His nocte præpparatis, prima luce
sertos volebat socros sed prospero ex temeritate unius in aciem copias educit. Nec Fulvius est cunctatus, non
Romani docis successu, in alterius ducis exercitusqne tam sua ulla spe, quam militum impetu fortuito tractus.
opprmendi occasiouem imminebat. Cn. Fulvium præto- Itaque eadem temeritate, qua processum in aciem est,
rem Apuli legati nuntiabant, primo, dum urhcs quatdam instrmtur ipsa acies ad libidinem militum forte procur-
Aputorum, quæ ad Annibalem descivissent, oppugnaret, rentium consistenliumque, quo loco ipsorum tulisset
intentius rem egisse postea nimuo successu et ipsnm et animons, deiude per libidinem aut metum desercutium
mihtes, prsda impletos, in tantam licentiam socordiam- locum. Prima legio et sinistra ala in primo instructæ, et
que effusos, ut nulla disciphna militiæ esset. Quum in longitudinem porrecta acies. Clamantibus tribunis,
sæpe alias, tum paucis diehus ante expertus,et qualis sub nihil iutrorsus roboris ac virium esse, et qtiacunque
sur les esprits, n'étaient pas même écoulés. Dans Le consul Ap. Claudius envoya D. Junius à l'em-
l'armée d'Annibal tout était bien différent, le gé- houchure du Vultune, et M. Aurélius Cotla à
néral, les troupes et l'ordre dans lequel elles s'a- Pouzzoles, avecordre de faire passer aussitôt dans
vançaient. Les Romains ne purent donc soutenir le camp tout le blé que les vaisseaux apporteraient
ni les cris, ni le premier choc des Carthaginois. de l'Élrurie ou de la Sardaigne. Il retourna lui-
Leur chef, aussi inhabile et aussi téméraire que même vers Capoue, et trouva, à Casilinum, son
Centénius, mais loin d'avoir son courage, voyant collègue Q. Fulvius, occupé des transports et des
la victoire se déclarer pour l'ennemi, et les siens constructions nécessaires pour le siége. Alors tous
fuir en désordre, se jeta sur un cheval et prit la deux investirent la place, et rappelèrent le pré-
fuite avec deux cents cavaliers environ. Quant au teur Claudius Néron, qui occupait, à Suessula,
reste de l'armée, dont le front était enfoncé, et l'ancien camp de Nlarcellus. Néron laissaceueposi-
qui se trouvait enveloppé par derrière et sur les tion sous la garde d'un corps peu considérable et se
ailes, on en 6t un tel carnage que, de dix-huitmille dirigea vers Capoue avec tout le reste de ses trnu-
hommes, il s'en échappa à peine deux mille tes pes. Ainsi les tentes de trois généraux s'élevèrent
ennemis restèrent maitres du camp. sous les murs de Capoue, et trois armées l'atta-
X\II. La nouvelle de ces défaites, survenues quèrent, chacune de son côté. Ou commence par
coup sur coup, répandit dans Rome le deuil et l'entourer d'un fossé et d'un retranchement; on
l'épouvante. Cependant les succès des consuls, construit des forts à peu de distance les uns des
dont les opérations étaient bien plus importantes, autres et les différentes sorties, tentées sur plu-
rendaient moins vif le sentiment de ces malheurs. sieurs points à la fois par les habitants, dans le
On députe vers les consuls C. Létorius et M. Nlé- but d'empêcher les travaux, sont repoussées avec
tilius, pour les engager à recueillir les débris des tant de succès, qu'enfin ils se tiennent dans l'en-
deux armées, et à faire en sorte que la crainte et ceinte de leurs remparts. Avant que les ouvrages
le désespoir ne poussent point les fyards à se ren- fussent poussés loin, ils avaient envoyé une dé-
dre à l'ennemi, comme cela était arrivé après la putation à Annibal, pour se plaindre d'un aban-
défaite de Cannes les consuls devaient aussi re- don qui allait livrer Capoue aux Romains, et
chercher les déserteurs de l'armée des volontaires. pour le conjurer de venir au secours de ses alliés,
La même mission fut donnée à P. Cornélius, à la fois pressés par un siège et enfermés dans une
chargé en outre de faire de nouvelles levées. Il fit circonvallation. Les consuls reçurent du préteur
hublier, dans les places et dans les marchés, l'or- P. Cornélius une lettre qui les invitait, « avant
dre d'aller à la recherche des volontaires et de les l'investissement de la place, à permettre à ceux
ramener sous les drapeaux. Toutes ces mesures des Campaniens qui le voudraient de sortir de
furent prises avec la plus scrupuleuse exactitude. Capoue, avec ce qui pouvait leur appartenir; à

impetum fecisset hostis perrupturos nibil qnod sa- sitio volonum fleret, iique ad signa reducerentur. Hase
lutare esset, non modo ad animum sed ne ad aures qui- omnia iatenliasima cura acta. Ap. Claudiua consul
dem admittebant.Et Annibal baudquaquam similis dux, D. Junio ad ostium Vulturni M. Aurelio Colta Puteolis
neque simili exercitus, neque ita instructo aderat. Ergo prteposito, qui, ut quæque naves et Etruria ac Sardiuia
ne clamorem quidem atyue impetum primum eorum Ro- accessissent, extemplo in castra mitterent frumentum
mani suslinuere. Dux, sluliitia et temeritate Centenio par, ipse ad Capuam regressus Q. Fulvium collegam invenit
auimo nequaquam comparandus, uhi rem inclinatam ac Casilini ornnia iude portantem molientemque ad oppu-
trépidantessuos vidit, equo arrepto cum ducentis ferme guandam Capuam. Tum ambo circumsederuut urbem,
equitibus effugit cetera a froute pulsa, a tergo atque et Claudium Neronein pre'torem ab Suessula ex Claudia-
ala circumventa acies, eo usque est cæsa, ut ex duode- uis castris exciverunt. Is quoque, modico ibi præsidio ad
viginti millibus hominum duo millia baud amplius eva- tenendum locum relicto, ceteris omnibus copiis ad Ca-
serint. Castris hostes politi sunt. puam desceudit. Ita tria praetoria circa Capuam erects,
XXII. Hæ clades super aliam alia Romam quum tres et exercitus, diversis partibus opus aggressi, fossa
essent nuntiatæ, ingens quidem et luctus et pavor civi- valloyue circumdare urbem parant, et castella excitant
tatem cepit sed tamen, quia consoles, ubi summa re- modicis inlervallis multisque simul locis cum prohiben-
rum esset, ad id locorum prospere rem gererent, minus trbus opéra Cantpania eo eventu pugnant, ut postremo
his cladibus commovebantur. Legatos ad consoles mit- portis muroque se contineret Campanus. Prius tamen
tuot C. Latorium, M. Metilium qui nuotiarent, ut re- quam haec continuarentur opera, legati ad Annibalem
liquias duorum exercituum cum cura colligerent: da- missi, qui quererentur, desertam ab eo Capuam ac
rentque operam, ne per metum ac desperationem hosti prope redditam Romanis, obtestarenturque, ut tune
se dederent, id quod post Cannensem accidisset cladem, salteni opem non circumsessis modo, sed etiam circum-
et ut desertores de exercitu volonum conquirerent. Idem vcllalis, ferret. Consulibus literas a P. Cornelio prætore
negotii P. Cornclio datum, cui et delectus mandatus missæ, « Ut priusquam clauderent Capaam operibus,
et at: isque per fora conciliabulque idixit, ut conqui- potestatem Campanes facerent, ut, qui eorum vellent,
1
promettre la liberté et la jouissance de leurs biens il s'adressa, parmi les transfuges syracusains qui
à ceux qui auraient quitté la ville avant les ides étaient dans son camp, aux personnages du plus
de mars, et à déclarer que quiconque, après ce haut rang que leur éloignement pour les idées
terme, tenterait de sortir ou resteraitdanslaville, nouvellesavaitfaitbannir de leurpatrie au moment
serait traité en ennemi. o Cette proclamation,no- de la défection; il les engagea à sonder les dispo-
tifiée aux Campaniens, fut repoussée avec mépris; sitions de leurs partisans, et à leur promettre, s'ils
on se porta même à des insultes et à des menaces. lui livraient Syracuse, la conservation de leur li-
Annibal avait marché d'Herdonée sur Tarente berté et de leurs lois. 11 n'était pas facile d'avoir
daus l'espoir de s'emparer de la citadelle par force des conférences, parce que le grand nombre des
ou par ruse. N'ayant pas réussi, il tourna vers suspects tenait tous les yeux ouverts, toute l'at-
Brindes, où il se flattait d'entrer par trahison tention fixée sur eux, et que l'on était en garde
mais son temps n'y fut pas mieux employé. Ce fut contre toute tentative de cette nature. Un esclave
là que les députés campaniens vinrent le trouver des exilés parvint à s'introduire dans la ville
pour lui adresser leurs plaintes et leurs prières. comme transfuge, s'aboucha avec quelques parti-
Annibal leur répondit avec une superbe assurance sans des Romains, et entama ainsi la négociation.
que déjà il avait fait lever le siège de leur ville, Ensuite, plusieurs d'entre ces derniers, cachés
et que cette fois les cousuls n'oseraient pas atten- sous des filets, dans des barques de pêcheurs se
dre son arrivée. Congédiés avec cette espérance, rendirent au camp et curent des entretiens avec
les députés purent à peine rentrer dans Capoue, les transfuges; d'autres les imitèrent, puis d'autres
déjà fermée par un double fossé et une double pa- eucore; enfin ils se trouvèrent au nombre de qua-
lissade. Ire-vingts. Déjà toutes les mesures étaient prises
XXIII. Pendant que les Romains pressaient le pour la trahison, lorsque le projet fut révélé à
plus vivement le siège de Capoue, celui de Syra- Épicyde par un certain Attalus, de dépit de n'a-
racuse fut terminé par la constance et le courage voir pas été mis dans le secret. On les 6t tous ex-
du général et de l'armée, que seconda la trahison pirer dans d'horribles tortures. Une nouvelle es-
de quelques habitants. En effet, au commence- pérance succéda bientôt à celle qui venait de s'é-
ment du printemps, Marcellus avait hésité s'il vanouir. Un Lacédémonieu, nommé Damippus,
tournerait ses armes contre Agrigente où comman- député par Syracuse au roi Plrilippe, avait été
daient Himitcon et Ilippocrate,ou s'il continuerait pris par la flotte romaine. Épie) de mettait un
le siége de Syracuse. Il voyait bien que cette ville grand intérêt à le racheter; Marcellus ne s'y re-
était imprenable par la force, à cause de sa situa- fusa point; la politique des Romains étant dès lors
tion sur terre et sur mer; par la famine, parce de rechercher l'amitié des Étoliens, alliés de La-
qu'elle tirait, presque sans obstacle, ses convois cédémone. On choisit, pour traiter de ce rachat,
de Carthage. Cependant, pour ne rien négliger, un lieu qui, à moitié chemin do la ville et du

eurent ab Capua suasque res secum auferrent. Liberos relinqueret, transfugas Syracusanos (erant autem apud
fore suaque omnia habituros qui ante idus martias eus- Romanes aliqui nobilissimi viri inter defectionem ab
sent post eam diem quique émissent, quique ibi mausis- Romanis, quia ab novis consiliis abhorrebaiit pulsi) collo-
seut, hostium futures uumero.. Ea pronuntiata Campa- quis suae partis tentare hominum aninios jussit, et fidem
nis atque ita sprt ta ut ultro dicerent cootumelias, mi- dare, si traditæ forent Syracusæ, liberos eos ac suis
narenturque. Annibal ab Herdonea Tarentum duxerat legibus victuros esse. Pion erat colloquii copia, quia mul-
legiones;spe, aut vi, aut dolo, arcis Tarentinæ poliundæ. lorum animi suspecti omnium curam oculosque conver-
Quod nbi parum processit, ad Brundisium flexit iter, terant, ne quid falleret tale admissum. Servus unus ex-
prodi id oppidum ratus. Ibi quoque quum frnstra tereret sulam, pro transfuga intromissus in urbem, conventis
tempus legati Campani ad eum venerunt, querentes si- paucis, initum colloquendi de tali re fecit. Deinde in
mul, orantesque :quibus Annibal magnifice respondit, et piscatoria quidam navi, retibus operti, circumveclique
antea solvisse obsidionem et nunc adventum suum con- ita ad castra romaua, collocutique cum transfugis: et
sules uon laturos. Cum bac spe dimissi legati vix regredi idem sæpius eodem modo alii atque alii. Postremo ad
Capuam jam duplici fossa valloque cinctam potuerunt. octoginta facli. Et quum jam composita omnia ad pro-
XXIII. Quum inaiime Capua circumvallaretur,Syra- ditionem essent, indicio delato ad Epicydem per Atta-
cusarum oppugnatio ad Gnem venit, praeterquam ïi ac lum quemdam, indignantem sibi rem creditam non esse,
virtute ducis exercitusque, intestina etiam proditione necati omnes cum cruciatu sunt. Alia subinde spes, post-
adjula. Namque Marcellus initio veris incertus, ntrum quam hæc vana evaserat, excepit. Damippus quidam La-
Agrigentum ad Hiniilconemet Hippocratem verieret bel- cedæmonius,missus ab Syracusis ad Philippum regem
lum, an obsidiooe Syracusas premeret, quanquam nec captus ab romanis navibus erat. Hujus utique redimendi
Yi capi videbat posse inexpugnabilem terrestri ac mari- et Epicydae cura erat ingens; nec abnuit Marcellns, jain
timo situ urbem nec fame quam prope liberi ab Car- tum Ætolorum cujus gentis socil Lacedæmonii eraut,
thagine commeatus alerent, tamen, ne quid inexpertum amicitiam affectantibus Romanis. Ad coliquium de re-
camp, était, de part et d'autre, le plus favorable hommes à la file et en silence jusqu'à l'endroit
c'était le port de Trogile, auprès d'une tour ap- indiqué. Les premiers gagnent sans tumulte et
pelée Galéaura. Dans une de ces fréquentes en- sans bruit le sommet de la muraille, et sont imi-
trevues, un Romain, ayant observé le mur de tés par les autres car l'audace des premiers in-
près, compta les pierres, mesura de l'œil l'éléva- spire du courage aux moins résolus.
tion de chacune d'elles et an moyen d'un calcul XXIV. Déjà les mille soldats étaient maîtres
qui lui donna la hauteur totale, il reconnut qu'en d'une partie des remparts. Ou fit approcher le
cet endroit la muraille était moins élevée que les reste des troupes, et, à l'aide d'un plus grand
assiégeants et lui-même ne l'avaient pensé et nombre d'échelles, elles escaladèrent le mur. Le
qu'on pouvait en atteindre le sommet avec des signal leur était donné de l'hexapyle, où les
échelles de médiocre grandeur, Il fit part de ses premiers assaillants étaient parvenus au milieu
observations à Marcellus, qui ne crut pas devoir d'une profonde solitude, la plupart des gardes,
négliger cet avis; mais comme il n'était pas pos- après s'être livrés à la débauche sur les tours,
sible d'arriver à cet endroit des remparts, que sa étant assoupis par le vin, ou achevant de s'eni-
faiblesse même faisait garder avec plus de soin, vrer. Quelques-uns cependant furent surpris et
on attendait une occasion favorable. Elle fut of- égorges dans leurs lits. Près de l'Ilexapyle était
ferte par un transfuge qui vint annoncer que Sy- une petite porte que l'on se mit à rompre avec
racuse allait, pendant trois jours, célébrer la fête violence; et en même temps la trompette donna
de Diane, et qu'a défaut des autres provisionsqui du haut des murs le signal convenu. Déjà de tou-
manquent dans un siège, le %in ne serait pas tes parts ce n'était plus une surprise, mais une
épargné dans les festins, I?picpde en ayant lait attaque à force ouverte; car on était arrivé au
distribuer à toute la ville, et les grands à cha- quartier d'Épipole, où les postes étaient nombreux.
que tribu. A cette nouvelle, Marcellus tient con- Il restait alors à effrayer plutôt qu'à tromper l'en-
seil avec un petit nombre de tribuns, fait choix nemi, et on y réussit. En effet, au premier sou
avec eux des centurions et des soldats les plus ca- des trompettes, aux cris des Romains, qui occu-
pables d'exécuter une entreprise si hardie, se paient les murailles et une partie de la ville, les
munit secrètement d'échelles, et ordonne au reste sentinelles crurent que tout était au pouvoir de
de l'armée de prendre de bonne heure la nourri- l'ennemi. Les uns s'enfuirent le luug des murs,
ture et le repos nécessaires, atin d'être prêts à les autres sautèrent dans les fossés, ou y furent
marcher la nuit pour une expédition. Lorsqu'il précipités par la foule des fuyards. Toutefois une
juge que l'intempérance de la journée a plongé les grande partie des habitants ignoraient leur mal-
assiégés dans le premier sommeil, sur un signal heur, parce que tous étaient appesantis par le vin
il commande aux soldats d'un même manipule et par le sommeil, et que dans une ville aussi
de porter des échelles, et conduit environ mille vaste, le désastre d'un quartier ne pouvait être

demptione ejus misais, médius maxime atque utrisque las jnssit j et ad mille fere armati tenui agmineper si-
opportunns locus, ad portum Trogiliorum, propler tur- lentum eo deducti. Ubi sine strepitu ac tumultu primi
run, quam vocaut Galeagram, est visus. Quo quum sat- evaserunt in murum, secuti ordine alii quum priorum
pms commearent, nous ex Romani, ex propinquo mu- audacia dubiis etiam auimum faceret.
rum contemplatus,numerando lapides. æstimandoque XXIV. Jam mille armatorumceperant partrm qucum
ipse secum, quid 10 fronte patereut singuli, altitudinem ceter:e admotae, pluribusque scalis iu murum evade-
murl, quantum proiime conjectura poterat, permeusus, bant, signoab Hexapylo dato. quo per ingentem solitu-
hunulioremque aliquanto pristina opinioue sua et cetero- diuem erat perventum, quia magna pars, in turribus
rum omnium ratus esse, et vel mediocribus scalis supe- epulati, aut sopiti v no erant, aut semigraves potabant.
rabilem, ad Marcellumrem defert. flaud aperuenda visa. Paucostemen eorum oppressosiu cubilibus iuterfeccrunt.
Sed, quum adiri locus, qui ob id ipsum iuteutius custo- Prope Hexapylou est purtula magna vi retringi cœpta
diebatur, non posset, occasio quærebatur quam obtu- et e muro ex composiio tuba datum signum prat. Et jam
lit trautfuga, uuntiaus, diem festum Dianae per triduum undique, non furtim sed vi aperta gerebatur res
agi, et, qma alia in obsidione desint, vino largius epulas qumppe ad Epipolas, frequentem custodiislocum, perven-
celebrari et ab Epicyde præbito universæ plebei et per tum erat, terreudiquemagis hostes erant, quam fallendi;
tribut a principibus diviso. Id ubi accepit Marcellus cum sient terrai sunt. Nam simul ac tubarum est auditus
paucis tribunorum niilitum cnllocutus electisque per cos camus clamorque tenentum muros partemque urbis,
ad rem tantam agendain audendamque idoneis centurio- omnia teneri custodes rati, alii per murmn fugere, alii
mbus militibusque, et scalis in occulto comparatus, cete- salire de muro, præcipitarique turba paventum. Magua
ris sigum darl jubet, ut mature corpora curarent, quie- pars tamen iguara tanti mali erat et gravatis ommbus
tique dareut noute in expedutionem eundum esse. Iude vino sumuoque, et, in vastæ magnitudmis urbe, par-
ubild temportis visum, quo de die epulatis jam vini satias I tium sensu non salis pertinente in omnia. Sub luce
principiumque somui esset, signi umus mdites ferre sca- Hexapyloeffracto, Marcellus omnibus copiis urbem iu-
aussitôt connu des autres. Au point du jour, quand pensée que tout ce qu'il voyait allait dans une
l'Hexapyle fut forcé, l'entrée de Marcellus avec heure devenir la proie des flammes et être réduit
toutes ses troupes réveilla les assiégés, qui cou- en cendres, il voulut, avant d'attaquer l'Achra-
rurent aux armes pour secourir, s'il était pos- dine, se faire précéder des Syracusains qui,
sible, une ville à moitié prise. Épicpde sort de comme on l'a dit, s'étaient réfugiés dans le camp
l'île appelée Nasos et se porte rapidement à la romain, dans l'espoir qu'ils pourraientdéterminer,
rencontre des assaillants, qu'il suppose avoir fran- par la persuasion, les ennemis à rendre la ville.
chi les murs en petit nombre grâce à la négli- XXV. Les portes et les murailles de l'Achradine
gence des gardes et qu'il espère repousser sans étaient gardées principalement par les transfu-
peine. Il reproche aux fuyards qu'il trouve sur ges, qui, dans le cas d'une capitulation,n'avaient
son chemin d'augmenter les alarmes, de gros- aucun espoir de pardon. Ils ne permirent ni d'ap-
sir les objets et d'exagérer le péril mais quand procher des remparts, ni d'entamer de confé-
il voit l'Épipole rempli d'ennemis, il se hâte, rence. Aussi Marcellus, ayant échoué dans cette
après avoir fait lancer sur eux quelques traits, tentative, fit tourner les enseignes vers l'Euryale
de retourner vers l'Achradine, moins dans la c'était un fort placé sur une éminence, à l'extré-
crainte de ne pouvoir soutenir les efforts d'en- mité de la ville la plus éloignée de la mer, domi-
nemis nombreux, que dans le but de prévenir à nant la route qui mène dans la campagne et dans
l'intérieur une trahison qui pourrait naître de la l'intérieur de 1'lle, et très-favorablement situé
circonstance, et lui fermer, au milieu du tumulte, pour recevoir des convois. Élicyde en avait con-
lesportes de l'Achradine et del'Ile. Nlarcellus, entré fié la défense à Philodème d'Argos. Marcellus lui
dans Syracuse, et, d'une hauteur, contemplant à députa Sosis, un des meurtriers du tyran, qui,
ses pieds cette ville, la plus belle peut-être qui fût après un long pourparler sans résultat, revint dire
alors, versa, dit-on, des larmes, moitié de joie d'a- au général que ce commandant avait demandé du
voir mis fin à une si grande entreprise, moitié ému temps pour délïbérer. 1'1 différait de jour en jour,
par le souvenir de l'antique gloire de cette cité. attendant qu'Ilippocrate et Himilcon fissent appro-
Il se rappelait deux flottes athéniennes couiees à cher leur camp et leurs légions; il ne doutait pas
fond deux armées formidables détruites avec qu'une fois introduits dans la citadelle, il ne leur
deux généraux illustres, tant de guerres hasar- lût aisé d'exterminer l'armée romaine, enfermce
deuses soutenues contre Carthage, tant de tyrans entre des murailles. Marcellus voyant l'impossi-
et de rois si puissants, et avant tous, Hiéron, hitité de réduire l'Euryale par composition ou par
dont la mémoire était encore si récente, et qui force, alla camper entre Néapolis et Tycha (deux
s'était signalé par son courage, par des succès, quartiers de Syracuse aussi grands que des villes),
surtout par les services qu'il avait rendus au peu- craignant que s'il pénétrait dans des quartiers plus
ple romain. Tout plein de ces souvenirs et de la peuplés, il ne lui fût impossible de retenir le sol-

gressus, excitavit converlitque omues ad arma capienda, Ea quum universa occurrerent animo subiretque cogi-
opemque si quam poossent, jam captae prope urbi fe- tatio, jam illa momento horæ apsara omoia, et ad cine-
rendam. Epicydes, ab Insula, quam ipsi Nason vocaut, res reditura priusquam signa Achradinam admoveret,
citato profectus agmine, baud dubius quin paucos per proemittit Syracusanos, qui intra præsidia romana, ut
negligentiam custodum transgressos murum, expulsurus ante dictum est, fuerant, ut alloquio leni pellicerent ho-
foret, occurrentibus pavidis, tumultum augere eos, di- stes ad dedeudam urbem.
ctitans, et majora ac terribiliora vero afferre, postquam XXV. Tenebant Achradinae portas murosque maiime
conspexit omuia circa Epipolas armis completa, lacessito transfuga, quibus nulla erat per conditiones veniæ spe.
tantum boste paucis miesilibus, rétro Achradinam ag- ii nec adiré muros, nec alloqui quemquam passi. Itaque
in
men couvertit, non tam vim multitudinemquehostium Marcellus postquam ad inceptum irritum fuit, ad Eurya-
metueus, quam ne qua intestina fraus per occasionem lum signa referri jussit. Tumulus est in externa parte
oriretur, clausasqueinter tumultum Achradinæ alque In- urbis versus a mari, viæque imminens ferenti in agros me-
sutæ inveniret portas. Marcellns, ut, mmnia iogressus, diterraneaeqne insulæ, percommode situs ad commeatus
ex superioribus locis urbem, omnium ferme illa tem- excipiendos. Prserat buic arci Philodemus Argivus ab
pettate pulcherrimam, subjectam oculis vidit, illacri- Epycideimpositus. Ad quem missusa MarcelloSosis, unua
masse dicitur, partim gaudio tautae perpetratærei, partim ex interfectoribus tyrauni, quum, tongo sermone habito
vetusta gloria urbis. Atheniensium classes demersæ, et dilatus per frustrationem esset, retulit Marcello, tempus
duo ingentes exercitus cum duobus clarissimis ducibus eum ad deliberandum sumpsisse. Quum is diemde die dd-
deleti, occurrcbant, et tot bella cum Carthaginiensibus ferret, dum Hippocrates atque Himilcoadmoverent castra
tanto cui discrimine gesla tot tam opulenti tyranni legionesque, baud dubius, si in arcem accepisset eos, deleri
regesque; præter ceteros Jliero, quum recentissimæ me- romanumexercituminclusam muris posse; Marcellus ut
morias rex, tum ante omnia, quæ virtus ei fortuuaque Euryalumneque tradi, neque capi viditposse, inter Neapo
sua dederat, benerictis in populum romanum insignis. lim et Tycham ( nomina partium uubis, et instar urbium
dat avide de butin. Là se rendirent les députés do des sommes considérables tirées par celui-ci du
Néapolis et de Tycha, portant des bandelettes et trésor d'Hiéron.
des rameaux d'olivier, pour le supplier de les XXVI. Marcellus, maître du fort Euryale, y mit
préserver du carnage et de l'incendie. Marcellus garnison et n'eut plus à craindre qu'une troupe
ayant mis en délibération leur demande moins que nombreuse introduite dans la citadelle ne surprit
leur prière, fit publier, d'après l'avis unanime du ses soldats par derrière, et ne les attaquât dans
conseil, « la défense d'exercer aucune violence sur une enceinte de murs, qui ne leur permettait pas
les personnes libres; que tout le reste serait aban- de se développer. Ensuite il investit l'Achra-
donné à la discrétion du soldat. Il
adossa son dine au moyen de trois camps favorablement
campa des maisons qui lui servirent de remparts; placés, espérant de réduire les assiégés par une
il plaça des postes et des sentinelles aux portes qui disette absolue. Pendant quelques jours on se
ouvraient sur les places publiques, de peur que la tint en repos de part et d'autre; mais l'arrivée
dispersion des troupes ne fit entreprendre quel- d'Hippocrate et d'Himilcon fit que les Romains
que attaque. Ensuite, à un signal donné, les sol- furent brusquement assaillis de tous côtés. Hip-
dats se répandirent çà et là, brisèrent les porles pocrate était venu camper près du grand port; et
des maisons, semèrent partout la terreur et le de là, donnant le signal à la garnison qui occupait
tumulte épargnant toutefois la vie des habi- l'Achradine, il attaqua l'ancien camp des Romains,
tants le pillage ne cessa qu'après qu'on eut en- où commandait Crispinus, tandis qu'Épicyde fai-
levé toutes les richesses qu'une longue prospérité sait une sortie contre les postes avancés de Marcel-
avait accumulées dans Syracuse. Cependant Phi- lus la flotte carthaginoise s'approchait aussi du
lodème, qui n'avait plus aucune espérance de se- rivage, entre la ville et le camp romain, pour
cours, obtint de se rendre en toute sûreté vers mettre Marcellus dans l'impossibilité d'envoyer du
Épicyde, évacua le fort et le livra aux Romains. secours à Crispinus. Cependant l'alarme donnée
Tandis que l'attention générale se portait vers la par les ennemis fut plus vive que le combat
partie de la ville dont la prise causait tout ce tu- Crispinus ne repoussa pas seulement l'attaque
multe, Bomilcar, profitant, la nuit, d'une tem- d'Ilippocrate, il le mit en fuite et le poursuivit.
pête qui ne permettait pas à la flotte romaine de Quant à Marcellus, il refoula Épicpde dans la ville,
rester à l'ancre dans la rade, s'écliappa du port et il parut être désormais à l'abri d'une excur-
de Syracuse avec trente-cinq vaisseaux, en laissa sion soudaine. Aux maux de la guerre vint se
cinquante-cinq à Épicyde et aux Syracusains, cin- joindre une maladie contagieuse qui, frappant les
gla vers Carthage, qu'il informa du péril extrême deux partis les obligea de suspendre les hostili-
où était Syracuse, et revint, peu de jours après, tés. Les chaleurs excessives de l'automne et l'in-
avec cent navires, ayant reçu, dit-on, d'Épicyde salubrité du pays avaient, dans les deux camps,

eunt) posuit castra, timens, ne, si frequentiainlrasset loca, esset, cum centum navibus post paucos dies redit, multis
contineri ab discursu miles avidus praedae non posset. Legati ut fama est, donis ex Hieronis gaza ab Epicyde donatus.
eo ab Tycha et Neapoli cum infulis et velamentis vene- XXVI. Marcellus, Euryalo recepto præsidioque addito.
ruut, precantes nt a cædibus et ab incendiis parceretur. una cura erat liber, ne qua ab tergo vis hostium in
De quorum precibus, quam postulatis, magis consilio arcem accepta inclusos impeditosque mœnibus suos tur-
babito, Marcellus ex omnium sententia edilit militibus, baret. Achradinam inde, trinis castris per idonea dlspo-
ne quis liberum corpus violaret cetera prædæ futura. » sitis loca ape ad inopiam omnium rerum inclusos reda-
Castraque tectis parietnm pro muro saepta. Portis regionu cturum, circumsedit. Quum per aliquot dies quietæ
platearum patentibusstaliones præsidiaque disposuit, ue stationesutrimque fuissenl, repente adventus Hippocratis
quis in discursu militum impetus in castra fieri posset. et Himilconis, ut ultro undique oppugnarenturRomani,
Inde, signo dato, milites discurrerunl refractisque fe- fecit. Nam et Ilippocrates, castris ad magnum porlum
ribus, quum omnia terrore ac tumultu streperent, a eæ- cnmmunitis, sinoque iis dato, qui Achradiuam tene-
dibus tamen temperatum est. Rapinis nullus ante modus bant, castra vetera Romanorum adortus est, quibus Cri-
fuit, quam omnia diuturna felicitatecumulata bona eges- spiuus præerat; et Epicydeseruptionemin stationesMar-
sere. Inter hæc et Philodemus quum spes auxilii nnlla celli fecit et classis Punica lilori, quod inter urbem et
esset, fide accepta, ut invio!atusad Epicydem rediret, castra romaua erat, appulsa est; ne quid præsidii Cri-
deducto praeaidio, tradidit tumulum Romanis. Aversis spino summitti a Marcelloposset. Tumultum tamen ma-
omnibus ad tumultum ex parte captoe urbis, Bomilcar, jorem hostes præbuerunt, quam certameu. Nam et Cri-
noctem eam nactus, qua propter vim tempestatis stare spinus Hippocratem non repulittantum muuimentis, sed
ad ancoram in salo romana classis non posset, cum tri- insecutus etiam est trépide fugientem; et Epicydem Mar-
ginta quinque navibus ex portu Syracusano profectus, cellus in urbem compulit satisque jam etiam m poste-
libero mari vela in altum dedit, quinque et quinquaginta rum videbatur provisum, ne quid ab repentinis eorum
uavibus Epicydæet Syracusanis relictis edoctisque Car. excursionibus periculi foret. Accessit et pestilentia, com-
thagimensbus, iu quanlo rcs S)racusana discrimine mune malum quod facile utrorumque animos averterat
mais beaucoup plus encore au dehors qu'au de- ment à leurs corps débiles. Cependant ce mal en-
dans de la ville causé une épidémie presque gé- leva beaucoup de monde dans l'armée romaine.
nérale. D'abord l'intempérie de l'automne et le XXVII. L'armée de terre des Carthaginois ainsi
mauvais air amenèrent des maladies mortelles détruite, ceux des Siciliens qui avaient été soldats
bientôt les soins mêmes donnés aux malades et d'Hippocrate se retirèrent dans deux villes peu
leur contact propagèrent la contagion il fallait ou considérables, mais assez fortes par leur situation
les laisser périr sans secours et sans consolation, et par leurs retranchements,dont l'une est à trois,
ou respirer, en veillant près d'eux, des vapeurs l'autre à quinze milles de Syracuse. Là, ils flrent
pestilentielles. On n'avait chaque jour sous les passer les vivres et les secours qu'ils tiraient
yeux que la mort et des funérailles on n'enten- de leur pays. Cependant Bomilcar, parti de
dait le jour et la nuit que des gémissements. En- nouveau pour Cartilage avec sa flotte, y pré-
fin l'habitude du mal y avait rendu tellement in- senta la position des alliés de façon à faire es-
sensible, que non-seulement on ne payait plus aux pérer qu'on pourrait leur porter un secours ef-
morts un juste tribut de larmes et de douleur, ticace, et même prendre les Romains dans la ville
mais qu'on négligea même de les enlever et de qu'ils semblaient avoir prise. Il détermina les Car-
les ensevelir. La terre était jonchée de cadavres thaginois à renvoyer, sous sa conduite, en Sicile,
gisant sous les yeux de ceux qui attendaient le un grand nombre de bâtiments chargés de toutes
mêmes sort; la crainte, l'odeur fétide des morts sortes de provisions et à renforcer sa flotte.
et des mourants hâtaient la fin des malades et in- Étant parti de Carthage avec cent trente vais-
fectaient ceux qui ne l'étaient pas. Quelques-uns, seaux longs et sept cents navires de charge,
aimant mieux mourir par le fer, allaient seuls at- il eut le vent assez favorable pour passer en Si-
taquer les postes ennemis. Toutefois, la peste ût cile mais le môme vent l'empêcha de doubler le
plus de ravages dans le camp des Carthaginois que cap Pachynum. D'abord le bruit de l'arrivée de
dans celui des Romains, qu'un long siège avait ac- Bomilcar, puis celui de son retard survenu contre
climatés. Les Siciliens qui servaient dans l'armée toute attente, livrèrent les Romains et les Syracu-
ennemie, voyant que cette contagion provenait de sains aux alternatives de la frayeur et de la joie.
l'insalubritédeslieux,se hâtèrentderegagnerleurs Epicydem, craignant que, si les vents d'est qui ré-
villes, assez voisines de Syracuse; mais les Cartha- gnaient alors continuaientpendant plusieurs jours
ginois, qui n'avaient point d'autre asile, périrent encore à souffler dès le lever du soleil, la flotte car-
tous jusqu'au dernier, avec leurs chefs Hippocrate thaginoise ne reprît la route de l'Afrique, laissa la
et Himilcon. Le fléau redoublantde fureur, Mar- garde de l'Achradine aux chefs des troupes mer-
cellus fit passer ses soldats dans la ville, où le cenaires, et se rendit par mer auprès de Bomil-
couvert et l'ombre donnèrent quelque soulage- car. Il le trouva, la proue déjà tournée vers l'Afri-

a belli consiliis. Nam tempore autumui, et loeis natura omnes perierunt. hlnrcellus ut tanta vis ingruebat mali,
gravibus, multo tamen magis extra urbem, quam in traduxerat in urbem suos iufirroaque corpora tecta et
urbe, intoleranda vis æstus per utraque castra omnium umbræ recreaverant. Multi tamen ex romaoo ezercilu
ferme corpora movit. Et primo temporis ac loci vitio et eadem peste absumpti sunt.
ægri erant, et moriebantur postes curatio ipsa et con- XXVII. Deleto terrestri Puniro ezercitu, Siculi, qui
tactus aegrorum vulgabat morbos ut aut neglecti deser- II:ppocratis milites fuerant, in baud magna oppida ce-
tique, qui incidissent, morereutur,aut assidentes curan- terum et situ et munimeolis tuta (tria niillia alterum ab
tesque eadem vi morbi repletos secum traherent quoti- Syracusis alterum quindecim abest),eo et commeatus e
dianaque funera et mors ob oculos esset, et undique dies civitatibus suis comportabant, et auzilia arcessebant. In-
noctesque ploratus audirentur. Postremo ita assuetudine terea Bomilcar, iterum cum classe profectus Cartbagi-
mali efferaveraut animos. nt non modo lacrimis justoque nem, ita exposita fortuna sociorum ut spem faceret
comploratu prosequerentur mortuos, sed ue efferrent non ipsis modo salutarem opem ferri posse, sed Roma-
quidem, aut sepelirent, jacerentque strata exanima cor- nos quoque in capta quodammodo urbe capi, perpulit,
pora in conspectu similem mortem exspectantium,mor- ut oncrarias naves quam plurimas omui copia rerum
tuique ægres, aegri validos, quum metu, tum tabe ac onustas secum mitterent, classemque suam augerent.
pestifero odore corporum conficerent et, ut ferro po- Igitur, centum triginta navibus longis et septingentis
tius morerentur, quidam invadebant soli hostium statio- onerariis profectus a Cartbagine, satis prosperos ventos
nes. Multo tamen vis major pestis Pœnorumcastra, quam ad trajiciendum in Siciliam habuit. Sed iidem venli su-
romana (diu circumsedendo Syracusas, cœlo aquisque perare eum Pachynum prohibebant. Bomilcaris adventus
assuerautmagis ), affecerat. Ex hostium exercitu Siculi fama primo, dein praeter spem mora quum gaudium et
ut primum videre ex gravitate loci vulgari morbos, in metum in vicem Romanis Syracusanisque prœbuisset;
suas quisque propinquas urbes dilapsi sunt. At Carthagi- Epicydes metuens, ne si pergerent iidem, qui tum te-
nienses, quibus nusquam receptus erat, cum ipsis duci- uebant, ab ortu sotus flare per dies plures veuti, classis
bus Hippo rate atque Himilcone ad internecionem punica Africain repeteret, tradita Achradma mercenario-
que, et craignant un combat naval; non pas cuse, que les Carthaginois avaient abandonné la
qu'il fût inférieur en forces car sa flotte était Sicile, et l'avaient en quelque sorte livrée une
plus nombreuse, mais parce que les Romains seconde fois aux Romains, après avoir, au préala-
avaient sur lui l'avantage du vent. Épicyde sut ble, fait sonder les dispositions des assiégés, on
cependant le déterminer à risquer une bataille. envoya des députés à Marcellus pour régler les
De son côté, Afarcellus, voyant que toute la Si- conditions auxquelles la ville serait rendue. On
cile mettait sur pied une armée formidable, et élait assez d'accord pour abandonneraux Romains
que la flotte carthaginoise allait aborder avec des tout ce qui avait appartenu aux rois, et pour lais
convois considérables, craignit do se trouver en- ser aux Siciliens le reste de 1'lle, avec leur liberto
fermé par terre et par mer dans une ville enne- et leurs lois. Les députés font demander une en-
mie, et, malgré l'infériorité du nombre de ses trevue à ceux qu'Épicyde avait chargés de la
vaisseaux, il résolut d'empêcher Bomilcar d'en- conduite des affaires; ils annoncent «que l'ar-
trer à Syracuse. Deux flottes opposées bordaient mée les a chargés de traiter à la fois avec Mar-
le promontoire de l'achynum, prêtes à profiter cellus et avec eux, afin que la fortune fût égale
pour combattre du premier calme qui permettrait pour tous, pour les assiégés comme pour ceux qui
de gagner le large. Dèsque le vent d'est, qui depuis étaient au dehors, et qu'il n'y eût aucune stipu-
plusieursjours soufflait avec violence, fut un peu lation particulièreetexclusive. » Introduits ensuite
tombé, Bomilcar s'ébranla le premier, et son dans la ville pour conférer avec leurs hôtes et
avant-garde sembla prendre la haute mer pour leurs amis, ils leur font connaître les conditions
doubler plus aisément le cap mais lorsqu'il vit arrêtées avec Marcellus, leur promettent la vie,
la flotte romaine s'avancer contre lui, frappé de et les décident ainsi à se joindre à eux pour atla-
je ne sais quelle terreur subite, il fit voile vers la quer les lieutenants d'Épicyde, Polyclite, Philis-
pleine mer, envoya des messagersà Héraclée pour tion, et Épicyde surnommé Sindon. Ceux-ci
donner l'ordre aux vaisseauxde charge de retour- ayant été tués, ils couvoquèrent une assemblée
ner en Afrique, côtoya lui-même la Sicile, et ga- générale, et, après avoir déploré la famine qui
gna le port de Tarente. Épicyde frustré tout à causait dans la ville même tant de murmures se-
coup d'une si belle espérance, et renonçantà sou- crets, ils représentèrent que « malgré tous les
tenir le siège d'une ville à moitié prise, lit voile maux dont on était accablé, il ne fallait point ac-
vers Agrigente, plutôt pour y attendre l'événe- cuser la fortune, puisqu'il était au pouvoir des
meut, que pour tenter la moindre entreprise. Syracusains d'y mettre un terme. C'était par af-
XXVIII. Dès que l'on eut appris, dans le camp fection et non par haine que les Romains avaient
des Siciliens, qu'Épicyde s'était éloigné de Syra- entrepris le siège de Syracuse. Ils n'avaient, en

rllm militum ducibus, ad Bomilcarem navigat. Classem EpicydemSyracusis excessisse, a Cartbaginiensibus reli-
in statione versa in Africam habentem, atque timentem ctam ineulam, et prope iterum Romanis tradilam; legatos
navale prœlium, non tam quod impar viribus aut nu- de conditiombus dedendae urbis explorata prius per col-
mero navium esset (quippe etiam plures habebat ), quam loquia voluntate eorum, qui obsidebantur,ad Marcellum
quod venti aptiores romanæ. quam suæ classi flarent, mittunt. Quum haud ferme discreparet, quia, quæ ubi-
perpulit tandem ut fortunam navalis certaminis experiri que regum fuissent, Romanorum essent; Siculis cetera
vellet. Et Marcellus, quum et siculum exercitum ex tota cum libertate ac legibus suis servarentur; evocatis ad
insula conciri videret, et cum ingenti commeatu classem colloquium bis, quibus ab Epicyde creditæ res erant,
pumcam adventare, ne simul terra marique inclusus « missos se simul ad hfarcellum, simul ad eos ab exer-
urbe hosliutu urgeretur, quanquam impar numéro na- citu Siculorum, aiuot, ut una ommum, qui obsideren-
vmm erat, probibere aditu Syracusarum Bomilcarem tur, quique extra obsidiouem essent fortuna esset neve
constituit. Due classes infesta circa promontoriumPa- alteri proprie sibi paciscerentur quicquam. » Recepti
chynum stabant ubi prima tranquillitas maris in allum deinde ab iis, ut necessarios bospitesque alloquerentur,
evexisset, concursurœ.Itaque, cadente jain Euro, qui expositis, qua; pacta jam cum Marcello haberent, oblata
per dies aliquot sævireat, prior Bomilcar movit cujus spe salutis perpulere eos, ut secum præfectos Epicydis,
prima classis petere altum visa est quo facilius supera- Polyclitum et Pbilistiouem et Epicydem cui Sindon
ret promontorium. Ceterum postquam tendere ad se eognomeo erat, aggrederentur.Interfectis iis, et multi-
romanat naves vidit, iucertum qua subita terriltis re, tudine ad eoncionem vocata, et inopiam, qua ipsi inter
Bomilcer vela in altum dédit, missisque nuntiis Hera- se fremere occulte soliti erant, conquesti, e quanquam
cleam, qui onerarias retro in Africum repetereluberent, tôt mala urgerent, negarunt, fortuoam accusandameue,
ipae, Siciliam prætervectus, Tarentum petit. Epicydes, quod iu ipsorum esset potestate quam diu ea paterentur.
a tauta repentedestitutus spe ne in obsidionem magna ex Romanis causam oppugnandi Syracusas fuisse caritatem
parte captæ urbis rediret, Agrigentum navigat, exspe- Syracusanorum, Bon odium nam ut occupatas res ab
ctaiurus magis eventum quam inde quicquam moturus. satellitibus Annibalis, deinde Hieronymi, Hippocrate
XXVIII. Que ubi in castra Siculorum sunt unutiata atque Epicyde, audierint, tum bellum moviese, et obsi-
effet, pris les armes que quand ils avaient vu la nos oppresseurs nous laisse maîtres de nos volon-
Sicile au pouvoir d'Hippocrate et d'Épicyde, ces lés, nous venons sans retard vous remettre nos
satellites d'Annibal et ensuite d'Iliéronyme; ils armes, vous livrer nos personues, nos villes, nos
avaient investi la ville, plutôt pour en chas- remparts, nous soumettre enfin à toutes les con-
ser ses cruels tyrans que pour la réduire elle- ditions qu'il vous plaira de nous imposer. La
même. Maintenant qu'ilippocrate n'était plus, gloire d'avoir pris la plus illustre et la plus belle
qu'Épicyde était retenu loin de Syracuse et ses des villes grecques, les dieux vous l'ont réservée,
lieutenants mis à mort, que les Carthaginois, Marcellus; tout ce que nous avons jamais fait de
vaincus sur terre et sur mer, étaient contraints mémorable sur terre et sur mer va rehausser l'é-
de renoncer à l'entière possession de la Sicile, quel clatde votre triomphe. Aimeriez-vousmieuxqu'on
motif resterait aux Romains de ne pas désirer la ne sût que par la renommée quelle fut la gran-
conservation de Syracuse, comme au temps d'Hié- deur de cette ville devenue votre conquête, que
rou, le plus fidèle de leurs amis? La ville et ses d'en laisser le spectacle à nos descendants que
habitants n'avaient donc rien à craindre que de permettre que l'étranger, de quelque partie
d'eux-mêmes, s'ils laissaient échapper l'occasion de l'univers qu'il y vienne, puisse contempler
de se réconcilier avec les Romains. Il ne s'en pré- les trophées de nos victoires sur les Athéniens
senterait peut-êtrejamais d'aussi favorable que le et sur les Carthaginois, et lès vôtres sur nous-
moment même où la mort de leurs tyrans leur mêmes ? Souffrez que les Syracusains devien-
avait rendu leur liberte. o nent les clients de votre famille, et vivent
XXIX. Un assentiment général accueillit ce dis- sous la protection du nom des Marcellus. Que le
cours. Toutefoison crut devoir créer des préteurs souvenir d'Hiéronyme ne soit pas à vos yeux plus
avant de nommer les députés, qui furent choisis puissant que celui d'Hiéron. Celui-ci fut votre
parmi ces magistrats. La députation arrivée près ami plus longtemps que celui-là ne fut votre en-
de Marcellus, le chef s'exprima ainsi a Ce n'est nemi vous avez reçu des bienfaits de l'un; le
point aux Syracusains qu'il faut imputer la dé- délire de l'autre n'a servi qu'a le perdre. » Tou-
fection de Syracuse, mais à Hiéronyme, moins tes ces demandes devaient être très-favorablement
impie envers vous qu'envers nous-mêmes. De- écoutées par les Romains. C'est au milieu d'eux
puis, lorsque le meurtre du tyran a rétabli la paix mêmes que les Syracusains couraient le plus de
entre les deux peuples, elle n'a pas été troublée chances et de dangers. En effet les transfu-
par un Syracusain, mais par des satellites de la ges, persuadés qu'on voulait les livrer aux Ro-
tyrannise, Hippocrate et Épicyde, lesquels nous ont mains, inspirèrent la même crainte aux soldats
opprimés par la terreur et par la trahison. Jamais mercenaires, ils courent aux armes égorgent
nous n'avons été libres, sans être en même temps d'abord les préteurs, puis se répandent dans la
en paix avec vous. Aujourd'hui que la mort de ville pour massacrer les habitants. Furieux, ils

dere urbem cœpisse, ut crudeles tyrannos ejus, non ut nostri arhitrii esse cœpimus, extemplo venimus ad tia-
ipsam urbem, eipugnarent. Hippocrate vero interempto, deuda arma; dedendos nos urbem, mœnia nullam re-
Epicyde iutercluso ab Syracusis et praeFectis ejus occisis, cusandam fortunam, quoe imposita a vobis fuerlt. Glo-
Carthaginiensibus omni possessioneSiciliæ terra marique riam caplae nobilissimæpulcherrimæqueurbis græcarum
pubis, quam superesse causam Romanis, cur non pe- dei tibi dederunt, Dlarcelle. Quicquid unquam terra ma-
rmde ae si Hiero ipse viveret, unicus romanæ amicitiæ rique memorandum gessimus, id tui trmmphi titulo ac-
cultor,incolumessyracusas esse velint? Itaque nec urbi nec cedit. Famæne credi velis, quanta urbs a te capta sit,
homioibusaliud pericutum,quam ab semet ipsis, esse, si quam posteris quoque eam spectaculo esse? Quoquisyuo
occasionemreconciliandise Romanisprætermisissent (eam terra quisque mari venerit, nunc nostra de Atheniensi-
autem, qualis illo momentohoræ sit, nullam deindefore), bus Carthaginiensibusque tropaea, nunc tua de nobis os-
simul liberlasab impotentibus tyrannis apparuisset.» tendat incolumesque Syracusas familiro vestrae sub clien-
XXIX. Omnium ingenti assensu audita ea oratio est. tels uomims Marcellorum tutelaque habendas tradas. Ne
Prætores tamen prius creari, quam legatos nominari, plus apud vos Hieronymi, quam Hieronis, memoria
placuit. Ex ipsorum deinde praetorum numéro missi ora- mumeuti faciat. Diutius ille multo amicus fuit, quam hie
tores ad Marcellum. Quorum princeps, « Neque primo, hostis et illins etiam benefacta persensistis; hujus amen-
inquit, Syracusani a vobis defecimus, sed Hieronymus, tia ad pernicicm t.intum ipsius valuit.. Omnia et impe-
nequaquam tam in vos impius quam in nos nec postes trabilia et tuta erant apud Romanos inter ipsos plus belli
pacem, tyrauni caede compositam Syracusanus quisquam, ac periculi erat. Namque transfugæ, tradi se Romanis
sed satellites regii, Hippocrates atque Epicydes, oppres- rati mercenariorumquoque militum auxilia in eumdem
ais uobis hinc metu, bine fraude, turbaverunt. Nec quis- coinpulere metum arreptiequa armis prætoresprimum
quam dicere potest, aliquando nobis libertatis tempus obtruncant, inde ad cædem Syracusanorum discurrunt
fuisse, quod pacis vobiscum non fuerit. Nunc certe cwde quoeque fors obtulit, irati iuterfccere, atque omnia, quæ
eorum, que oppressas tenebant Syracusas, quum primum in promptu eraut, diripuerunt. Tuin ne sme dus ibus
immolent ceux que le hasard leur présente et pil- recevoir ni envoyer personne;et, pour que les pos-
lent tout ce qui tombe sous leurs mains. Ensuite, tes soient mieux gardes, il est nécessaire d'en par-
pour ne pas rester sans chefs, ils nomment six tager les plus importants entre les commandants
commandants trois pour l'Achradine et trois de cette manière chacun sera responsable de celui
pour 1'lle. Le tumulte est enfin apaisé, et les dont la défense lui aura été confiée. Tous ap-
mercenaires, eu s'informant de ce qu'on avait prouvèrent la proposition, et, dans le partage, le
fait avec les Romains, reconnaissent alors que sort fit échoir à Méricus la garde du quartier qui
leur cause est tout autre que celle des transfuges. s'étendait de la fontaine Aréthuse à l'entrée du
XXX. En ce moment, les députés envoyés à grand port: il eut soin d'en instruire les Romains
Marcellus revinrent à Syracuse, et leur assurèrent Sur cet avis Marcellus fit remorquer la nuit par
que leurs soupçons n'étaient point fondés, et que une quadrirème un bâtiment de transport chargé
les Romains n'avaient aucun motif d'exercer sur de soldats, jusqu'à la hauteur de l'Achradine; ils
eux des vengeances. Au nombre des trois officiers avaient ordre de débarquer en face de la porte
qui commandaient dans l'Achradine était un Es- voisine de la fontaine Aréthuse. Le débarquement
pagnol, appelé Méricus. Dans le cortége des dé- s'exécuta à la quatrième veille; Méricus introdui-
putés on comprit à dessein un des auxiliaires es- sit les Romains, comme il en était convenu. Au
pagnols. Cet homme, trouvant Méricus sans té- point du jour, Marcellus fait donner à l'Achradine
moins, commença par lui exposer la situation de un assaut général de manière non-seulement à
l'Espagne, d'où il était récemment arrivé. « Là attirer de son côté la garnison de cette place
tout était au pouvoir des armes romaines; Méricus mais à obliger celle de l'lie d'abandonner son
pouvait, en leur rendant un service signalé, ob- poste pour repousser le choc impétueux des Ro-
tenir le premier rang parmi ses concitoyens soit mains. Au milieu de ce tumulte, des bâtiments de
qu'il voulût servir sous les Romains ou retourner transport, qu'on tenait tout équipés d'avance,
dans sa patrie. Si, au contraire il s'obstinait à prêts à faire le tour de l'lle, y débarquent des
soutenir un siège, quel espoir lui restait-il, investi hommes armés; ceux-ci trouvant les postes dé-
par terre et par mer?» Méricus, touché par ces rai- garnis et les portes laissées ouvertes par ceux
sons, lit adjoindre son frère à l'ambassade que l'on qui venaient de se porter au secours de l'A-
était convenu d'envoyer Marcellus. A ce frère de chradine, s'emparent, presque sans obstacle,
Méricus le même Espagnol ménagea une audience de l'lle, que le désordre et la fuite de ses gardes
secrète du général, dont celui-çi reçut la parole, et ont laissée sans défenseurs. Personne n'opposa
lorsque le plan fut bien arrêté, il revint dans l'A- une résistance moins courageuse que les trans-
chradine. Alnrs Méricus, pour écarter tout soup- fuâes, parce qu'ils se défiaient de leurs compa-
çon de trahison, assure a que ces allées et venues gnons mêmes ils prirent la fuite au milieu de
d'ambassadeurs lui déplaisent; il ne faut plus ni l'action. lllarcellus, à la nouvelle que l'Ile était

essent, sex prxfectos creavere, ut terni Achradinaeac commeare ultro citroque, neque recipiendnm quemqnam,
Naso præessent. Sedato tandem tumultu, exsequentibus neque mittendum et, que intenlius custodiæ serventur,
sciscitando mercenariis, quæ acta cum Romanis essent, opportuna loca ditidenda præfectis esse, ut suæ quisque
dilucere id quod erat, cœpit aliam suamac perfugarum partis tutandæ reus sit. » Omnes assensi sunt partibus
causam esse. dividundis ipsi rcgio evenit ab Arethusa fonte usque ad
XXX. In tempore legati a Marcello redierunt, falsa ostium magui portus. Id ut scirent Romani, fecit. Itaque
eos suspicione incitatos memorantes, nec causam expe- Marcellus nocte navem onerariam cum armatis remulco
tendx pocna; eorum ullam Romanis esse. Erat ex tribus quadriremis trahi ad Achradinam jussit exponique mi-
Achradinæ prxfectis Hispanus, Mericus nomine. Ad eum lites regione portæ, quæ prope fontem Arethnsam est.
inter comtes lpgatorum de industria unus ex Hispanorum Hoc quum quarta vigilia factum esset, expositosque mi-
auxihar ibus est missns; qui, sine arbitiis Nlericum nac- lites porta, ut convenerat, recepissetMericus; luce prima
tus, primum, quo in statu reliquisset Hispaniam (et Marcellus omnibus copiis mœnia Achradinæ aggreditur
nuper mde venerat), exponit. « Omnia Romanis ibi obti- ita ut non eos solum, qui Achradinam tenebant, in se
neri armis. Posse eum si operœ pretium faciat, prmci- converteret, sed ab Naso etiam agmina armatorum con-
pem popularium esse seu mllitare cum Romanis, seu in currerent, relictis slationibus suis, ad vim et impetum
patriam reverti lihejt. Contra, si malle obsideri pergat, Romanorum arcendum. In hoc tumultu actuariæ naves,
quam spem esse terra marique clauso? Motus his Me- instructæ jam ante circumvectaque, ad Nasum armatos
ricus, qu un legatos ad Marcellum mitti placuisset, fra- exponunt, qui, improviso adorti semiplenasstationes et
trem inter eos mittit qui per eumdem illum llispanum adapertas fores portæ, qua paulo ante excurrerantar-
serretus ab alus ad Marcellum deductus, quum (idem ac- mati haud magno certamine llasum cepere, desertam
cepisset, composuissetque agendæ rei ordmem, Achra- lrepidalione et fuga custodum. Neque ullia minus prœsi-
diuam redit. Tum Mericus, ut ab suspicione proditionis dii aut pertinaciae ad manendum, quand trausfugis, fuit;
uverteret omnium aumios, negat sibi placere, Iegatos quia ne suis quidem satis credentes se, medio cerlamne
prise, qu'un quartier de l'Achradine était en son résistance lui avait fait supporterautour des rem-
pouvoir, et que Méricus, avec sa garnison, s'était parts de S) racuse, sur terre et sur mer, n'étaient
joint à ses troupes, fit sonner la retraite afin de que faiblement compensés par la prise de cette
prévenir le pillage du trésor royal, qu'on disait ville. » Ensuite il envoya son questeur dans 1'lle
plus riche qu'il ne l'était en effet. pour s'emparer du trésor des rois et le garantir
XXXI. L'impétuosité du soldat ainsi arrêtée de toute violence. La ville fut abandonnée au pil-
donna aux transfuges qui étaient dans l'Achra- lage mais on eut soin de placer des sauvegardes
dine le temps et les moyens de s'échapper et les aux portesde ceux des Syracusains qui avaient
Syracusains, délivrés enfin de toute crainte en passé du côté des Romains. Au milieu de tous les
ouvrirent les portes et envoyèrent à Marcellus excès que faisaieut commettre la fureur, l'avarice
des députés qui ne demandèrentque la vie pour et la cruauté, on raconte qu'Archimède, mal-
eux et pour leurs enfants. Alarcellus, après avoir gré le tumulte d'une ville prise d'assaut et le
tenu un conseil où furent admis ceux des Sy- bruit des soldats qui se dispersaient pour piller,
racusains que les troubles avaient forcés de fut trouvé les yeux fixés sur des figures qu'il
chercher un asile dans le camp romain répondit avait tracées sur le sable et tué par un soldat
« que pendant cinquante années Home avait qui ne le connaissait pas. Marcellus donna des
reçu moins de services d'Hiéron qu'elle n'avait, regrets à cette mort prit soin de ses funérmlles,
en trois ans, subi d'outrages de la part des tyrans et fit chercher ses parents, à qui son nom et son
de Syracuse qu'au reste, la plupart de ces maux souvenir valurent la sûreté et des honneurs. Tels
étaient retombés sur les coupables,et que ces in- furent les principaux événements de la prise de
fracteurs des traités s'étaient puniseux-memes plus Syracuse. Le butin qu'on y lit égala presque celui
cruellement que n'eut pu l'exiger le peuple ro- qu'on eût pu trouver à Carthage contre la-
main. S'il avait, pendant trois ans, tenu Syracuse quelle on combattait à forces égales. Peu de jours
assiégée, ce n'était pas pour que les Romains eus- avant la soumission de cette villc T. Otacilius
sent une cité esclave, mais pour la délivrer du à la tête de quatre-vingts quinquérèmes, fit voile
joug et de l'oppression des chefs des transfuges. de Litybée vers Utique, entra dans le port avant
Syracuse aurait pu apprendre son devoir dans le jour, y captura des bâtiments de transport
l'exemple de ceux de ses habitants qui s'étaient remplis de blé, lit une descente pour ravager le
réfugiés au milieu de l'armée romaine; dans celui territoire aux environs d'Utique, et se rembar-
du chef espagnol Méricus, qui avait livré le poste qua après avoir enlevé un immense butin. Il rc-
où il commandait; enfin dans la résolution tar- vint à Lilybée, trois jours après en être parti, avec
dive, mais forte des Syracusains eux-mêmes.Tous cent trente vaisseaux de transport chargés de blé
les travaux et tous les dangers qu'une si longue et de provisions. Il envoya aussitôt ces secours à

effugerunt. bfarcellus ut captam esse Nasum didicit, et Omnium sibi laborum periculorumque, circa mœnia sy-
Acbradinae regionem unam teneri, Mericumque cum prz- racusana terra marique tam dm exhaustorum, nequa-
sidio suis adjuoctum, receptui cecinit ne regiæ opes, quam tantum fructum esse quam capere Syracusas po-
quarum fama major, quam res, erat, diriperentur. tuisse. Inde quæstor cum praesidio ad Nasum ad acci-
XXXI. Suppresso impetn militum, et iis, qui in Achra- pieudam pecuuiamregiam custudiendanique missus. Urbs
dina erant, traasfugis spatium locusque fugœ datus est; diripienda milui data est custodibus divisis per domos
et Syracusani, tandem liberi meta, portis Achradmæ eorum, qui intra prxsidia romana fuerant. Quum multa
apertis, ordtores ad Marcellum mittunt, nihil petentes iræ, multa avaritiæ fœda exempla ederentur Archime-
pliud, quam incolumitatem sibi liberisque suis. Marcel- dem, memoriæ proditum est, in tanto tumultu, quan-
Jus, consilio advocato, et adhibitis etiam Syracusanis, tum capta urbs in discursu diripientium militum ciere
qui per seditiones pulsi ab domo intra praesidia romana poterat, intentum formis. quas in pulvere descripserat,
erant, respondit « Non plura per anuos quinquaginla ab ignaro milite, quis esset, interfectum.Ægre id Mar-
benefacta Hieronis, quam paucis his annis maleficia eo- cellum tulisse sepulturæquecuram habitam et propiu-
rum, qui Syracusas tenuerint, erga populum romanum quis etiam inquisitis honori præsidioque nomen ae me-
esse. Sed pleraque eorum quo debuerint, recidisse; fœ- moriam ejus fuisse. Hoc maxime modo Syraccusæ captæ.
derumque ruptorum ipsos ab se graviores multo quam in quibus prædæ tantum fuit, quantum vix capta Cartha-
populus romanus voluerit, pœnas exegisse. Se quidem gine tum fuisset, cum qua viribus æquis certabatur. Pau-
tertium auuum circumsedere Syracusas non ut populus cis aute diebus, quam Syracusas capereutur, T. Otaci-
romanus servam civitatem haberet, sed ne transfugarum lius cum qmuqueremibus octoginta Uticam ab Lilybæo
duces captam et oppressam tenerent. Quid potueriut Sy- transmisit; et quum ante lucem portum intrasset, oue-
racusani facere, exemplo vel eos Syracusanorum esse, rarias frumeuto onustas cepit; egressusque in terram
qui intra præsidia romana fuerint, vel hispanum ducem depopulatus est aliquantum agri circa Uticam prae-
Merieum qui praesidiumtradident, Tel ipsorum Syracu- damque omnis generis rétro ad naves egit. Lilybæum
§anorum postremo, serum quidem scd forte consilium. tertio die, quam inde profectus erat, cum cenlum tri-
Syracuse, où ils arrivèrent fort à propos, les vain- et des alliés Cn. Cornélius, avec le tiers des
queurs et les vaincus étant également menacés des vieilles troupes, jointes aux Celtibériens contre
horreurs de la famine. Asdrubal de la famille Barcine. Les deux géné-
XXXII. Depuis deux ans il ne s'était rien passé raux et les deux armées partirent en même
de mémorable en Espagne et la politique avait temps, les Celtibériens formant l'avant-garde, et
plus de part que les armes aux opérations mili- vinrent camper près de la ville d'Anitorgis en
taires. Mais dans ce même été, les généraux présence des ennemis, dont ils n'étaient séparés
romains, au sortir de leurs quartiersd'hiver, réu- que par le fleuve. Là Cn. Scipion s'arrêta avec
nirent leurs troupes et tinrent un conseil, où il la division dont il a été parlé plus haut, et P.
fut arrêté d'une voix unanime, qu'après s'être Scipion continua sa route pour sa destination
contentés jusque-là d'empêcher Asdrubal de passer particulière.
en Italie il était temps de terminer la guerre en XXXIII. Asdrubal ne tarda pas à s'apercevoir
Espagne. Ou pensait être assez fort pour cela qu'il y avait peu de Romains dans l'armée enne-
avec le concours des vingt mille Celtibériens sou- mie, et que son unique ressource était le secours
levés pendant l'hiver. Les Carthaginois avaient des Celtibériens. Il connaissait toute la perfidie
trois armées Asdrubal, fils de Gisgon, et Magon naturelle aux barbares, et principalement à toutes
ayant opéré leur jonction avaient leurs camps les nations parmi lesquelles il faisait la guerre de-
environ à cinq journées de marche des Romains. puis tant d'années. Les communications étaient
Plus près d'eux était Asdrubal fils d'Hamilcar, faciles les deux camps étant remplis d'Es-
vieux capitaine, qui faisait depuis longtemps la pagnols en conséquence il traite secrètement
guerre en Espagne, et dont l'armée était sous les avec les clefs des Celtibériens, et les engage, par
mursde la ville d'Anitorgis. Les généraux romains l'appât d'une forte récompeuse, a emmener
voulaient l'accabler d'abord, et ils se croyaient leurs troupes. La proposition ne leur parut point
pour cela assez et trop en force. Toute leur crainte odieuse, car il ne s'agissait pas de tourner leurs
était que sa défaite ne frappât l'autre Asdrubal armes contre les Romains. On leur offrait d'ail-
ainsi que Magon, et que, réfugiés dans des gorges leurs, pour ne pas faire la guerre, une somme
et des montagnes inaccessibles, ils ne traînas- aussi forte que pour la faire. Enfin l'idée du repos,
sent la guerre en longueur. On jugea donc que le le plaisir de revoir leurs foyers, leur famille et
meilleur parti était de diviser les troupes en deux tout ce qui leur était cher flattaient les soldats.
corps et d'embrasser à la fois la conquête de toute Aussi la multitude fut-elle aussifacilement gagnée
l'Espagne. On effectua le partage de cette ma- que les chefs; outre qu'ils ne craignaient pas que
nière P. Cornélius dut marcher contre Magon les Romains, en si petit nombre, les retinssent
et Asd rubal avec les deux tiers de l'armée romaine par la violence. Cet exemple devra inspirer à ja-

ginta onerariis navibus frumento prapdaque onustis re- duas partes exercitus Komanorum sociorumque adversus
diit idque frumentum extemplo Syracusas misit. Quod Magonemduceret atqne Asdrubalem Cn. Cornelius cum
ni tam in tempore subvenisset, victoribus victisque pari- tertia parte veteris exercitus, Celtiberis adjunclis. cum
ter perniciosa fames instabat. Asdrubale Barcino bellum gereret. Una profecti ambo
XXXII. Eadem æstate in Hispania quum biennio fer- duces exercitusque, Celtiberis prægredientibus, ad ur-
me mhil admodum memorabile tactum esset, consilüsque bem Anitorgin in conspectu hostium, dirimente amni,
magis, quam armis, bellum gereretur, Romani impera- ponunt castra. Ibi Cn. Scipio, cum quibus ante dictum
toree egressi hiberna copias conjuuxerunt. Ibi consilium est copiis substitit, et P. Scipio profectus ad destinatam
advocatum, omniumque inunum congruerunt sententiæ; belli partem.
quando ad id locorum id modo actum esset, ut Asdru- XXXIII. Asdrubal postquam animadvertit, exiguum
balem tendentem in Ilalinm retinerent; tempus esse id romanum exercitum in castris, et spem omnem in Cet-
jam agi, ut bellum in Hispania finiretur et satis ad id tiberorum auxiliis esse peritus omnis barbaricæ, et proe-
virmm credebant accessisse viginti millia Celtiberorum cipue omoium earum gentium, in quibus per tot anuos
ea hieme ad arma excitata. Très exercitus erant. Asdru- miiitabat, perfidiæ. facili linguæ commercio,quum utra-
bal GiSllollis filius et Mago, conjunctis castris, quinque que castra plcna Hispanorum essent per occulta collo-
ferme dierum iter ab Romanis aberant. Propior crat Ha- quia paciseitur magna mercede cum Celtiberorum prin-
milcaris filius Asdrubal, vetus in Hispania imperator. Ad cipibus, ut copias inde abducant. Nec atroi visum faci-
urbem nomiue Anitorgin exercitum habebat. Eum vole- nus. Non enim ut in Romanos verterent arma ageba-
bant prius opprimi duces romani et spes erat, satis su- tur etmerces, quanta vel pro bello satis esset, dabatur,
perque ad id virium esse. Jlla reslabat cura ne, fuso eo ne bellum gererent et quum quies ipsa, tum reditus
perculsi, alter Asdrubal et Mago, in avios saltus montes- domum fruclusque tidendi suos suque. grata vulgq
que recipientes sese, bellum extraherent. Optimum igi- crant. Itaque non ducibus facilius, quam multitudini,
tur rati, divisis bitariam copiis, loti us simul Hispamæ persuasum est; simul ne metus quidem ab Romanis erat,
amplecti bellum ita inter se diviserunt, ut P. Cornelius quippe tam paucis, si vi retinerent. Id quidem cavendum
mais la défiance aux généraux romains c'est une jusqu'aux portes du camp et au delà des retran-
leçon mémorable qui leur apprendra 1 ne comp- chements point de lieu ni de temps où les Ro-
ter sur les secours étrangers que lorsqu'ils auront mains fusseutexempts de crainte et de sollicitude.
daus leur camp plus de forces et plus de troupes Ainsi resserrés dans leurs lignes, privés de tout,
en propre. Tout à coup les Celtibériens enlèvent ils étaient réduits à soutenir une sorte de siége,
leurs étendards et se reliront, sans répondre autre qu'allait bientôt rendre plus rigoureux encore l'ar-
chose aux questions des Romains qui les sup- rivée d'Indibilis, s'il parvenait, avec sept mille
pliaient de rester, si ce n'est qu'ils sont rappelés cinq cents Suessétaniens, à se joindre aux Cartha-
par la nécessité de défendre leurs foyers. Sci- ginois. Scipion, ce chef si prudent et si prévoyant,
pion, qui n'avait pu retenir ses alliés ni par les cédant à la nécessité, prit alors la résolution té-
prières ni par la force, qui se voyait ainsi hors méraire de marcher la nuit au-devant d'Indi-
d'état de tenir tête aux Carthaginois et dans l'im- bilis et de le combattre en quelque lieu qu'il le
possibilité de rejoindre son frère, jugea que le rencontrât. Laissant son camp sous la garde
parti le plus sage était de rétrograder autant que d'un faible détachement, commandé par T. Fon-
possible, et d'éviter avec le plus grand soin tout téius, son lieutenant, il partit au milieu de la
engagement en plaine avec les ennemis, qui nuit rencontra les ennemis et en vint aux mains
avaient passé le tleuve et serraient déjà de près sa avec eux. On combattait par pelotons plutôt
retraite. qu'en ligne. Dans le désordre de cette action,
XXXIV. Dans le même temps, P. Scipion éprou- les Romains avaient cependant l'avantage. Tout
vait les mêmes frayeurs, et se voyait exposé à de à coup les cavaliers numides auxquels le géné-
plus grands dangers devant un nouvel ennemi. ral croyait avoir dérobé sa marche, paraissent
C'était le jeune Masinissa, alors allié des Cartha- sur les flancs et causent de vives alarmes. Comme
ginois, et qui dut à son alliance avec Rome tant on engageait un second combat avec les Numides,
de célérité et de puissance. A la tête de la cava- survient un troisième ennemi c'étaient les géné-
lerie numide, il se présenta d'abord à P. Scipion, raux carthaginois qui venaient d'atleindre les Ro-
au moment de son arrivée, et ne cessa ensuite mains, et lesattaquaient par derrière. Ainsi, pres-
de le harceler jour et nuit, non seulement sés de toutes parts, ils ne savaient à quel ennemi
surprenant ceux des soldats qui s'écartaient faire face, ni de quel côté s'ouvrir un passage. Le
du camp pour aller au bois ou au fourrage, général les anime de son exemple et de ses exhor
mais venant caracoler jusque devant les lignes, talions et se précipite partout où le danger est
s'élançant au milieu des pnstes et jetant par- le plus grand. Un coup de lance lui perce le côté
tout le trouble et l'épouvante. Souvent, pendant droit alors le bataillon ennemis, qui s'était
la nuit, une irruption soudaine porta la terreur jeté sur les Romains serrés autour de leur chef,

semper romanis ducibus erit, exemplaque haec rere pro temps ullum vacuum n metu ac sollicitudine erat Ro-
documentis habenda, ne ita exteruis credant auxiliis, ut manis compulsisque iutra vallum adempto rerum oni-
min plus sni roboris suarumqueproprie virium in castris nium usu quum prope justa obsidio esset futuramque
habcant. Signis repente sublatis, Celtiberi abeuut, nihil artiorem cam appareret, si se Iudibilis, quem cum sep-
aliud quærentibuscausam oblestantibusque,ut manerent, tem millibus et quingentisSuessetanorum adventare fa-
Romanis respondentes quam domesticose avocari belio. ma erat Pœnis conjunxisset; dux ciutus et provideus
Scipio, postquam socii nec precibus, nec vi retineri po- Scipio, victus necessitatibus, temerariumcapitconsilium.
lerant, nec se aut parem sine illis hosti esse, aut fratri ut nocte Indibili obviant iret et, quocunque occurrisset
rursusconjungi vidit posse, nec ullum aliud salutare con- loco, prœlium cousereret. Relicto igitur modieo præsi-
silium in promptu esse, retro, quantum posset, cedere do in castris, præpositoque T. Fonteio legato, media
statuit; in id omni cura intentus, necubi hosti æquo se nocte profectus, cum obviis hostibus manus couserurt.
committeret loco; qui, transgressus flumen, prope ves- Agmina magis, quam acies, pugnabant: superior tameu,
tigiis abeuntium insistebat. ut in tumultuaria pugna, Romanus erat. Geterum et equi-
XXXIV. Per eosdem dies P. Scipionem par terror, tes Numidæ repente, quos fefellisse se dux ratus erat,
periculum majns ab novo hoste. urgebat. Masinissa erat ab lateribus circumfusi, magnum terrorem intulere. Con-
juvenis, eo tempore socius Carthaginiensium, quem tracto adversus Kumidas certamine novo tertius insuper
deinde clarum potentemque romana fecit amicitia. Is tum advenit hostis, duces Pceni, assecuti ab tergo jam pu-
cum equitatu Numidarum et advenienti P. Scipioni oe- gnantes ancepsque prœhum Romanos circumsteterat,
currit, et deinde assidue dies noctesque infestus aderat, incertos in quem potissimum hostem, quamve in partcm
ut non vagos tantum, procul a castris lignatum pabula- conferti eruptionem facerent. Pugnanti hortantique im-
tumque progresses, exciperet, sed ipsis obequitaret cas- peratori et offerenti se ubi plurimus labor erat, latua
tris, invectusque in medias s--pe stationes, omnia ingenti dextrum laucea trajicitur cuneusque is hostium qui iu
tumultu turbaret. Noctibus quoque sæpe iucursu repen- coufertos circa ducem impetum fecerat, ut exanimemla-
tiuo lu l'ortis valloquetrepidatum est; nec aut locus, aut bentem ex equo Scipionem vidit alacres gaudio cum
voyant Scipion tomber expirant de son cheval sons de soupçonner nne défa le que de concevoir
court de rang en rang répandre, avec des cris de d'heureuses espérances. Le moyen, en effet,
«
joie, la nouvelle que le commandant romain n'est qu'Asdrubal et Magon, s'ils n'avaient terminé la
plus. Ces mots répétés dans toute l'armée, déci- guerre qui les regardait, eussent pu amener leurs
dèrent la victoire des Carthaginois et la défaite troupes sans livrer de combat? Comment son
des Romains. La mort du général entraîna aussi- frère ne s'était-il pas opposé à leur marcher, ou ne
tôt la déroute des soldats. Il ne leur fut pas diffi- les avait-il pas suivis? S'il n'avait pu empêcher
cile de se faire jour au travers des Numides et ces chefs d'opérer la jonction de leurs armées,
des auxiliaires armés à la légère; mais ils purent pourquoi n'était-il pas venu réunir ses troupes h
à peine échapper à tant de cavaliers, et de fantas- celles de son frère? Agité de ces inquiétudes, il
a
sins dont la vitesse égalait celle des chevaux. On crut que, pour le moment, le parti le plus sage
en tua peut-être un plus grand nombre dans la était de s'éloigner autant que possible; aussi la
fuite que dans le combat; et pas un n'aurait sur- nuit suivante, à l'insu des ennemis, qui dès
vécu à ce désastre, si, le jour étant à son déclin, lors ne purent l'inquiéter, il parcourut un es-
la nuit ne fût survenue. pace assez considérable. Au point du jour, dès que
XXXV. Les généraux carthaginois se hâtèrent son départ fut connu les généraux carthaginois
de profiter de leur victoire; après la bataille, ils envoyèrent les Numides en avant, et les suivirent
donnèrent à peine à leurs soldats le repos néces- en toute hâte avec le reste de l'armée avant la
saire, et les conduisirent en toute hâte vers As- nuit, les Numides atteignirent les Romains, et les
drubal fils d'Hamilcar, dans l'espérance certaine harcelèrent, tantôt en queue, tantôt sur les flancs.
de terminer la guerre par cette jonction. A leur Ceux-ci fircnt halte pour repousser ces attaques;
arrivée, soldats et généraux, joyeux d'une victoire cependant Scipion les exhortait à se battre et à
récente, se félicitèrent de la mort d'un si grand marcller tout à la fois, tandis qu'ils le pouvaient
capitaine et de la destruction de toute son armée, sûrement avant l'arrivée de l'infanterie ennemie.
et ils se flattèrent d'obtenir bientôt un triomphe X\XVI. Mais obligee de se défendre tout en
aussi éclatant que le premier. Les Romains n'a- avançant, l'armée ne put faire beaucoup de che-
vaient pas encore reçu la nouvellc d'un tel de- min. Déjà la nuit approchait Scipion rappelle
mais il régnait parmi eux un morne si-
lence, et le pressentiment qui accablait les esprits
les siens du combat et gagne avec eux une hau-
teur, position peu sure, il est vrai, surtout pour
en était comme le présage assuré. Le général lui- une armée frappée d'épouvante, mais plus élevée
morne, outre la désertion de ses alliés et l'auô au moins que tous les alentours. Là, les bagages
mentation des forces ennemies, trouvait dans ses et les chevaux furent placés au centre, et l'infan-
conjectures et dans les .circonstances plus de rai- terie qui les environnait repoussa d'abord sans

clamore per totam aciem nuntiantes discurrunt, impera- suspicionemacceptæ cl.idis quam ad ullam bonam spem
torem romanum cecidisse. Hæc pervagata passim vox, pronior erat. « Quonam modo enim Asdrubalem ac Ma-
ut et bostes baud dubie pro victoribus et Romani pro gouem, nisi defunctos euo liello, sine certamine adducere
victis essent, fecit. Fuga confestim ex acie, duce amisso, exercitum potuisse? Quomodo autem non obstitisse, aut
gleri cœpta est. Ceterum ut ad erumpenduminter Numi- ab tergo secutum fratrem ?ut, si prohibere, quo minus
dao levmmque armorum alia auxilia baud difficilis res in unum coirent et duces et eiercitus hostium, non pos-
erat; ita effugere tantum equitum, æquantiumque equos set, ipse certe cum fratre conjungeret copias. » His an-
velocitale peditum, vix polerant cæsique prope plures lius curis id modo esse salutare in prwsens credebat, ce-
in fuga, quam in pugna, sunt. Nec superfuisset quis- dere inde quantum posset et inde una nocte ignaris
quam, ni præcipiti jam ad vesperum die noi inlerve- hostibus, et ob id quietis, aliquantum emensus est iter.
msset. Luce, ut senserunt profectos hottes, præmissis Numi-
XXXV. Ilaud segniter inde duces Pœni fortuna usi, dis, quam poterant maxime citato agmine sequi cmpe-
confestim e prœlio, vii necessaria quiète data mililibus, runt ante noctem assecuti Numidœ, nuuc abterpo,
ad Asdrubalem Ilamilcaris citatum agmen rapiunt, non nunc in latera incursantes. Consistere cœperunt. ne tu-
dubia spe, quum juncti essent debellari posse. Quo ubi tari agmen, quantum possent; tamen tuto ut simul pu-
est ventum, inter exercitus ducesque, victoria receuti guarent procederentque, Scipio hortahatur, priusquam
lœtos, gratulatio ingens facta, imperatore tanto cum pedestres copia? assequerentur.
omm exercitu deleto, et alteram pro haud dubia parem XXXVI. Ceterum nunc agendo, nunc sustinendo ag-
victoriam exspectantes. Ad Romanos nondum quidem men, quum aliquamdiu haud mulmm procederetur, et
fama tantæ cladis pervcnerat, sed mœstum quoddam si- noi jam instaret, revocat e prœho suos Scipio et collec-
leotium erat, et tacita divinatio; qualis jam pra'sagienti- tos in tumulum quemdam non quidem satis tutum (præ-
bus animis imminentis mali esse solet. Imperator ipse, sertim agmini perculso) editiorem tanien, quam cetera
præterquam quod ah sociis se desertum, hostmm tantum circa erant, subducit. Ibi primo, impedimeulis et equi-
auctas copias scntiebat conjectura etmm et ratione ad latu in medmm receptis, circumdati pedues haud dilli-
peine le choc des Numides lorsque trois géné- d'hommes, dispersés et déjà glacés de terreur, fut
raux, trois armées régulières s'avancèrent avec aisé à des ennemis supérieurs en nombre et vic-
leurs forces réunies. Scipion, reconnaissant l'im- torieux. Cependant une grande partie des soldats
possibilité de la résistance, s'il n'avait des retran- qui s'étaient réfugiés dans les forêts voisines re-
chements à leur opposer, chercha aux environs de gagnèrent le camp de P. Scipion où commandait
quoi se faire un rempart. Mais la hauteur était si le lieutenant T. Fontéius. Pour Cn. Scipion, il pé-
nue et le sol si âpre, qu'il ne put trouver ni bois rit, suivant les uns, sur l'émioence même, au
à couper pour former une palissade, ni terre qui premier choc des ennemis; selon d'autres, il se
fournît du gazon, la possibilité d'un fossé ou les sauva avec un petit nombre des siens, dans une
matériaux du moindre ouvrage. Il n'y avait d'ail- tour voisine du camp. Les ennemis n'ayant pu en
leurs aucune partie assez rude ou assez escarpée briser les portes, y mirent le feu, y pénétrèrent
pour rendre l'accès difficile aux ennemis; de tous par ce moyen, et massacrèrent le général romain
côtés la pente était douce et insensible. Néanmoins avec tous ceux qui s'y étaient enfermés. Cn. Sci-
pour élever contre eux une sorte de rempart, on pion fut tué la huitième année de son arrivée en
prit les harnais des bêtes de somme, on les atta- Espagne, et vingt-neufjours après son frère. La
cha aux ballots qu'on fit monter à la hauteur or- douleur que causa leur mort ne fut pas plus vive
dinaire, et les vides furent remplis avec les baga- à Rome que dans l'Espagne entière. A Rome, on
ges. L'armée carthaginoise, à son arrivée, gagna déplorait en même lemps la perte de deux armées,
très-facilement la hauteur; mais l'aspect de cette la défection d'une province et les malheurs de la
nouvelle espèce de retranchementl'arrêta d'abord république; tandis qu'en Espagne on donnait des
comme l'eût fait un prodige. Partout leurs chefs larmes et des regrets aux généraux eux-mêmes, à
s'écriaient « Pourquoi rester immobiles? Pour- Cnéus surtout, parce qu'il avait commandé plns
quoi ce faible épouvantail à peine capable d'inti- longtemps dans ces contrées et qu'il y avait le pre-
mider des femmes et des enfants, n'était-il pas déjà mier conquis la faveur publique, en donnant les
renversé sous leurs coups? L'ennemi était pris; premières preuves de la justice et de la modéra-
ils le tenaient caché derrière ses bagages. » Ainsi tion des Romains.
s'exprimaient les chefs dans leur dédain; toute- XXXVII. L'armée semblait anéantie, et l'Es-
fois, franchir ce rempart, déplacer les fardeaux pagne perdue pour les Romains un seul homme
entassés, couper les bâts entrelacés et surchargés y rétablit leurs affaires désespérées. Il y avait
du poids énorme des bagages, n'était pas chose dans l'armée un chevalier romain, L. Marcius,
facile. Après de longs efforts, les Carthaginois se fils de Septimus, jeune homme plein d'activité,
firent jour par différentes brèches, le camp fut et dont le cœur et le génie étaient au-dessus de
forcé de tous côtés, et le massacre d'une poignée sa condition. Un si heureux naturel s'était per-

culter impetus incursantiumNumidarumarcebant dein, quum amolita objecta onera armatis dedissent viam,
postquam toto agmine très imperatorescum tribus justis pluribusque idem partibus fieret, capta jam undique cas-
eiercitibus aderant apparebatque parum armis ad tra erant pauci ab multis, perculsique a victoribus, pas-
tuendum locum sine munimento valituros esse; circum- sim cædebantur. Magna pars tamen militum, quum in
spectare atque agitare dux cœpit, si quo modo posset propinquasrefagisset silvas, in castra P. Scipionis, qui-
vallum circumjicere. Sed erat adeo nudus tumulus et as- bus T. Fonteius legatus pre'erat perfugerunt. Cn. Sci-
peri soli ut nec virgulta vallo caedendo, nec terra cespiti pionem alii in tumulo primo impetu bostium cæsum tra-
faciendo, aut ducendæ fossae, aliive ulli operi apta inve- dunt alii cum paueis in propinquam castris turrim per-
niri posset nec natura quicquam satis arduum aut ab- fugisse. Hane igni circumdatam, atque ita exustis fori-
scissum erat, quod hosti aditum ascensumve difficilem bus, quas nulla moliri potuerunt vi, captam; omoesque
prieberet; omnia fastigio leni subveaa. Ut tamen aliquam irtus cum ipso imperatore occisos. Anno octavo, post-
imaginem valli ob;icerent, clitellas illigatas oneribus quam in Hispaniam venerat, Cn. Scipio, undetrigesimo
velut strucotes ad altitudinem solitam, circumdabant; die post fratris mortem, est interfectus. Luctus ex morte
cumulo saronarum omnis generis objecto, ubi ad mu- eorum non Romae major, quam per totain Hiçpaniam
liendum clitellæ defuerant. Punici exercitus postquam ad- fuit. Quin apud cives partem doloris et exerctius amissi,
venere, in tumulum quidem perfacile agmen ereiere et alienata provincia et publita trahebat clades. Hispa-
muuitionis vero faciès nova primo eos velut miraculo quo- niæ ipsos lugebant dcsiderdhantque duces: Cnæum tamen
dam tenuit, quum ducesundique vociferarentur, Quid magis, quo diutius præfuerat iis, priorque et favorem
atarent? et non ludibrium illud vix femiois puerisve occupaverat, et speciemjustititiæ temperantiæque roma-
morandis satis validum distraherent diripereutque næ primus dederat.
Captuin hostem teneri, latentem post sarcinas.. Hæc XXXVII. Quum deletus exercitus amissæque Hispaniæ
contemptim duces increpabant. Ceterum neque transi- videreutur, Tir unus res perditas restituit. Erat in exer-
lire, neque moliri onera objecta nec cædere stipatas cli- citu L. Marcius Septimi filius eques romanus, impiger
tellas, ipsisque obrutas sarcinis, facile erat. Tardatis diu juvenis, auimiqne et ingenii aliquanto, quam pro fortuua
fectionné encore à l'école de Cn. Scipion, sous les exhortations des centurions, ni par les pa-
les ordres duquel il avait, depuis tant d'an- roles douces ou sévères de Marcius « Pourquoi
nées, appris tous les secrets de l'art de la guerre. s'épuisaient; ils, comme des femmes, en pleurs
Ce jeune homme, après avoir recueilli les débris inutiles, plutôt que d'aiguiser leur courage pour
de l'armée en déroute, et les avoir renforcés se défendre eux et la république, et de songer à
de tout ce qu'il put tirer des garnisons, en venger la mort de leurs généraux ? » Tout à coup
forma un corps assez considérable, à la tête du- le son des trompettes et le cri des ennemis qui
quel il se réunit à T. Fontéius, lieutenant de approchaient des remparts, se font entendre; la
P. Scipion. Un simple chevalier romain eut alors colère succède sur-le-champ au désespoir; on
parmi les soldats assez de crédit et de faveur court aux armes; les Romains, dans un accès de
pour que, lorsqu'on se fut retranché au delà de rage, se précipitent vers les portes et fondent sur
l'Ebre, et qu'il fallut nommer un général dans les Carthaginoisqui s'avançaient négligemment et
Ies comices militaires, les soldats, qui allaient sans ordre. Cette brusque sortie jette aussitôt la
voter en se relevant les uns les autres dans la terreur dans leurs rangs; ils sont surpris de voir
garde des retranchements et dans les postes, tant d'ennemis se lever si inopinément contre
d'un consentement unanime, lui déférassent le eux, après la perte d'une armée presque entière.
commandement en chef. Tout le temps (et il fut D'où venait tant d'audace et tant de confiance à des
court) qui précéda l'arrivée des ennemis fut vaincus, à des fuyards? Quel general avait remplacé
employé à fortifier le camp, à y transporter des les deux Scipions qu'on avait fués?qui commandait
provisions; les ordres fureut exécutés avec au- daus ce camp? qui avait donné le sicnal du com-
tant de zèle que d'intrépidité. Mais à la nou- bat ? Après ces réucxions sur tant de faits imprl-
velle qu'Asdrubal fils de Gisgon, venait, après vus, ils restent d'abord dans l'incertitude et dans
avoir passé l'kbre, pour écraser les rcsies de l'ar- la stupeur, et làchent pied ensuite, chargés avec
mée, et qu'il s'avançait à grands pas; à la vue du une grande vigueur, ils tournent le dos. Les Ro-
signal de la hataille donné par leur nouveau chef, mains en eussent fait un affreux massacre, ou se
les soldats, se rappelant quels généraux ils avaient seraient laissés emporter à une poursuite témé-
naguère, sous quels chefs et avec quels soklats raire et dangereuse, si Marcius ne se fût hâté de
ils étaient accoutumés à marcher au combat, faire sonner la retraite, et si, placé devant les en-
se mirent tous à verser des larmes et à se frap- seignes des premiers rangs et retenant lui-même
per la tête; les uns levant les mains au ciel, quelques-uns de ses soldats, il n'eût mis un terme
comme pour accuser les dieux les autres, éten- à la lutte et ramené dans le camp ses troupes en-
dus à terre, invoquait chacun son ancien géné- core avides de carnage et de sang. Les Carthagi-
ral. La désolation ne pouvait être calmée ni par nois, d'abord repoussés en désordre loin des re-

in qua erat natus, majoris. Adsummam indolom accesse- bus manipnlares et ipso mulcente et inerepante Marcio,
rat Ca. Scipionis disciplina sub qua per tot annos omnes c quid in muliebres et inutiles se projecissent fletus, po-
militiæ artes edoctus fuerat. Hic, et ex fuga colleclis mi- tius quam ad tutandos sernet ipsos et rempublicam secum
litibus, et quibusdam de præsidiis deductis, haud con- acuerent animos? et, ne inultos imperatores suos jacere
temnendum exercitum fecerat, junxeratque cum T. Fon- sinerent quum subito clamor tubarumque sonus (jam
teio P. Scipionis legato. Sed tantum præstitit eques ro- enim prope vallum bostes erant) exaudilur. Inde, verso
manus auctoritate inter milites atque honore, ut, castris repente in iram luctu, discnrrere ad arma ac, velut ac-
citra lberum communitis, quum ducer. exercituum co- censi rabie, discnrrunt ad portas, et in hostem ncgli-
mitiis militarbus creari placuisset, subeuntes alii aliis in genter atque incomposite venientem incurrunt. Extein-
custodiam valli stationesque, donec per omnes suffra- plo improvisa res pavorem incntit Pœnis; mirabundique,
gium iret, ad L. Marciu cuncti summam imperii detn- unde tot hostes tam subito exorti prope deleto exercitu
lerint. Omne inde tempus (exignum id fuit) muniendis forent, unde tanta audacia tanta fiducia sui victis ac fu-
castris convehendisque commeahbus consumptum et gatis, quis imperator dnol)u3 Scipionilms cæsis cistilis-
omnia imperia mihtes, quum impigre, tum haudqua- set, quis castris præcsset, quia signum dedisset puguæ,
quam abjecto animo exsequebautur. Ceterum postquam ad hæc lot tam uecopinataprimo omnium incerti stupen-
Asdrubalem Gi gouis, venientem ad reliqnias belli delen- tesque relerunt pedem dein valida impressione pu)si,
das, transisse Iberum et appropinquare alialum est, si- terga vertunt. Et aut fugieutium caedes foeda fuisset, aut
gnumque punas propositum ab novo duce milites vide- temerarius periculosusque sequentium impetus, ni Mar-
runt; recordati quoa pauloante imperatores habuissent, cius propere receptui dedisset signum obsistensquead
quibusque et ducibus et copiis freti prodire ad pugnam prima signa, quosdarn et ipse retinens, concitalam re-
soliti ebsent, flere omnes repente et offensare capita et pressisset aciem. Inde in castra avidos adhuc cædisque et
alii manus ad cœlum tendere, deos incusantes alii, sanguiuis reduxit. Ça) tbaginienses trépide primo ab
strati humi, suum quisque nominatim ducem implorare; hostium vallo acti postquam nemioem iosellui mdcrunt,
neque sedari lamentatio poterat, excitantibas centurioni- metu substitisse rati contemptim rllrsns et sedato gradu
tranchements, voyant que personne ne les pour- consolation, je me vois obligé de pourvoir seul à
suivait, attribuèrent à la crainte la retraite des votre conservation tâche bien difficile au milieu
Romains, et regagnèrent leur camp avec la len- du chagrin et lorsqu'il faut penser aux moyens
teur qu'inspire le mépris. Ils mirent une égale de conserver à la patrie les débris de deux ar-
négligenceà le garder car bien que l'ennemi fût mées, il ne m'est pas possible d'écarter de mon
près, ce n'étaient cependant que les débris de âme la tristesse continuelle qui l'accable. Sans
deux armées taillées en pièces peu de jours aupa- cesse un souvenir douloureux m'accompagne;
ravant. Informé que l'insouciance des Carthagi- jour et nuit les deux Scipions m'occupent et trou-
nois s'étendait à tout, Marcius, après y avoir bien blent mon repos; souvent même, pendant mon
réfléchi, forma un projet qui, au premier abord, sommeil, ils m'excitent à ne laisser sans ven-
paraissait plus téméraire que hardi; c'était d'al- geance ni eux ni leurs soldats, vos anciens com-
ler les attaquer dans leurs retranchements il pagnons d'armes qui furent pendant huit ans
crut qu'il lui serait plus facile d'emporter le victorieux dans ce pays, ni enfin la république. Ils
camp d'Asdrubal seul que de défendre le sien con- m'ordonnent de suivre leurs principes et leurs le-
tre les trois armées et les trois chefs réunis de çons et, puisque personne ne fut plus soumis
nouveau d'ailleurs le succès de celte entreprise que moi à leurs ordres, de regarder après leur
rétablirait les affaires; et fût-il repoussé, l'attaque mort, comme le parti le meilleur, celui que, dans
qu'il allait faire prouverait du moins qu'il n'était chaqueoccasion,j'imaginequ'ilsauraient priseux-
pas un ennemi méprisable. mêmes. Pour vous, soldats ce ne sont point des
XXXVIII. Cependant, pour empêcher que la gémissements et des larmes qu'il fauttejr donner
surprise et la terreur causées par les ténèbies ne comme s'ils n'étaient plus; leurs exploits les ont
fissent avorter un dessein que semblait condam- rendus à jamais immortels; mais toutes les fois
ner sa position, il crut nécessaire de haranguer que leur souvenir viendra s'offrir à votre esprit,
et d'exhorter ses soldals il les assembla donc, croyez qu'ils vous exhortent au combat, qu'ils vous
et leur parla ainsi a Soldats, l'affection que en donnent le signal, et marcliez à l'ennemi.
je portais à nos généraux pendant leur vie et que C'est sans doute leur image, présente hier à vos
je leur conserve après leur mort, ainsi que notre regards et à votre pensée, qui a inspiré cette ba-
situation présente, peuvent faire sentir à chacun taille mémorable, où vous avez appris aux enne-
de vous que si le commandement vous parait mis que le nom romain n'est pas éteint avec les
être pour moi une dignité glorieuse, ce n'est en Scipions, et qu'un peuple dont le courage et la
réalité qu'un fardeau pesant et une source d'in- fermeté n'ont pu être accablés par la défaite de
quiétudes. Dans un temps où, sans la crainte qui Cannes peut sortir triomphant de toutes les ri-
fait taire mon affliction, je serais à peine assez gueurs de la fortune. Si, ne prenant conseil quo
maître de moi pour trouver à ma douleur quelque de vous-mêmes, vous avez montré tant d'audace,

in castra abeunt. Par negligentia in castris custodiendis vicem, quod difficillimumin luctu est, unus coiwilere;
fuit. Nam, etsi propinquus hostis erat, tamen reliquias et ne tum quidem, ubi quonam modo bas reliyuias duo-
eum esse duorum exerctituum ante paucos dies deletorum rum exercitnum patriæ conservare possim, cogitandum
auccurrebat. Ob hoc quum omnia neglecta apud hoales est, avertere animum ab assiduo mærore libet. Praesto
essent. eiploratis iis, Marcius ad coosilium prima specie est enim acerba memoria, et Scipiones me ambo dies
temerarium magis, quam audax, animum adlecit,ut ut- noctesque curis insomniisque agitant, et excitant sœpe
tro castra bostium oppugnaret facilius esse ratus, unius somno; neu se, neu invicios per octo annos in his terris
Asdrubalis eipugnari castra quam, si se rursus tres milites suos, commilitones vestros, neu rempublicam pa-
exercitus ac très duces junxissent, sua defeodi simul tiar inultam, et suam disciplinam suaque instituta sequi
aut, si successisset cœptis, recepturum se afflictas res; jubent et, ut imperiis vivorum nemo obedientior me
aut, si pulsus esset, tamen ultro inferendo arma, con- uuo fuerit, ita post mortem suam quod quaqueinre
temptum sui dempturum. facturos illos fuisse maxime censeam, id optimum ducere.
XXXVIII. Ne tamueu subita res et nocturnus terror Vos quoquevelim,milites, non lamentis lacrimisque tan-
etiam non suæ fortunae consilium perturbaret, alloqueu- quam exstinctos prosequi (vivunt vipentqae fama reriim
dos adhortaudosque sibi milites ratus, concione advocata gestarun)), sed, quotiescuuque occurretmemoria illorum.
ita disseruit Vel mea erga iniperatores nostros vivos velut si adhortantes signumque dantes videatis eos, ita
mortuosque pietas, Tel præseos omnium nostrum, mili- tnwlia inire. Nec alia profecto species, hesteriio dipoci-
tes, fortuna (idem cuivis facere potest, mihi boc impe- lis animisque vestris oblata memorabile illud edidit prœ-
rium, ut amplum judicio vestro, ita re ipsa grave ac sol- lium; quo documentum dedistis hostibus, non cum Sci-
licitum esse. Quo enim tempore nisi metus mœrorem Iiionibus exstinctum esse nomen romanum et, cujus po-
obstupefaceret,VIX ita compos mei essem, utaliqua sola- puli vis atque virtus non bruts sit Cannensi clade, ex
lia invenire wgro animo possem; cogor vestram omnium omoi nrofecto sævilia fortuna' emersuram esse. Nuoc,
Je veux maintenant voir ce que vous oserez sous imprévue, et sans défense dans leurs lits, vous
si
la conduite de votre chef. Hier, en donnant le pourrez recommencer le carnage dont je vous ai
signal de la retraite, lorsque vous poursuiviez avec bien malgré vous rappelés hier. Je sais que ce des-
tant d'ardeur l'ennemi en déroute, mon dessein sein paraît audacieux, mais c'est dans les circon-
n'était point de réprimer votre audace, mais de stances critiques et qui laissent peu d'espoir que
la réserver pour une occasion plus glorieuse et les partis les plus hasardeux sont les plus sûrs.
plus favorable par exemple, lorsque, bien pré- Pour peu qu'on hésite à saisir l'occasion, elle s'é-
parés, vous pourrez surprendre un ennemi sans chappe, s'envole, et c'est en vain qu'on veut la
défiance, bien armés, l'attaquer avant qu'il ait ressaisir. Nous n'avons devant nousqu'unearmée;
pris ses armes et encore dans le sommeil. Cet il y en a deux autres à peu de distance; en atta-
espoir, soldats, n'est point conçu témérairement quaut maintenant, nous avons quelque espérauce;
et au hasard mais il est fondé sur des assuran- déjà vous avez fait l'épreuve de vos forces et des
ces. Si l'on vous demandait comment vous avez leurs. Si nous différons un seul jour, et que le suc-
pu, vaincus et en petit nombre, défendre votre cès de notre sortie d'hier venant à se répandre,
camp contre des ennemis nombreux et vain- on cesse de nous dédaigner, il est à craindre que
queurs, vous répondriez seulement que dans la lous les chefs et toutes les troupes des Carthaginois
crainte de cette attaque, vous avez mis tous vos ne se réunissent contre nous. Pourrons-nous alors
soinsà vous retrancher, et que vous vous êtes te- résister à trois généraux, à trois armées, lorsque
nus sous les armes et prêts à combattre: et c'estià Cn. Scipion n'a pu le faire avec toutes ses légions?
ce que vous deviez faire. Mais quand la fortune af- Si nos capitaines ont péri parce qu'ils ont divisé
franchit les hommes de toute crainte, il n'y a plus leurs forces, les ennemis séparés et divisés peu-
pour eux aucune sûreté, et la négligence les laisse vent aussi être accablés. Il n'est pas d'aulre moyen
sans appui exposés à toutes les chances. Ainsi les de leur faire la guerre. N'attendons donc rien
ennemis sont bien loin d'appréhender que nous- après l'occasion que nous offre la nuit prochaine.
mêmes, naguère investis et assiégés par eux, nous Allez, avec la protection des dieux, prendre de la
les attaquions dans leur camp. Osons ce que l'on nourriture et du repos, pour fondre sur le camp
ne peut nous croire capables d'oser; la difficulté ennemi avec autant de force, de vigueur et de
même de l'entreprise la rendra plus facile. A la troi- courage que vous en avez mis à défendre le vôtre.
sième veille de la nuit, je vous conduirai en silence. On accueillit avec joie ce nouveau projet d'un
Je me suis assuré qu'il n'y a ni vedettes ni garde nouveau général; plus il était hardi, plus il
réguliere. Le premier cri qu'ils vous entendront plaisait aux soldats. On passa le reste du jour à
pousser à leurs portes, le premier choc vous rendra apprêter ses armes et à prendre de la nourriture;
maîtres du camp. C'est alors que, les trouvant en- la plus grande partie de la nuit fut donnée au re-
gourdis de sommeil, saisis de frayeur à une attaque pos à la quatrième veille, un se mit en marche.

quia tantum ausi eslis sponte vestra, experiri libet, quau- opinatum tumultum, et inermes in cubilibus suis op-
tum audeatis duce vestro auctore. Non enim hesterno preseos, illa cwdes edalur, a qua vos hesterno die revo-
die, quum signum receptui dedi sequentibus effuse vobis catoa s'gre ferebatis. Scio, audax videri consilium sed
turbatum hostem, frangere audaciam vestram, sed dif- in rebus asperis et tenui ope fortissimo quaoque consilia
ferre in majorent gloriam atque opportuuitatem, volui tutissima sunt quia, si in occaaiooisntomento,cujus
ut postniodo præparati ineaulos, armati inermes, atque praetervolat opportunitas, cunctatua paullum fueris, ue-
etian sopitos, per occasionem aggredi possetis. Nec hu- quicquam mox omissam quæras. Unus exercitus in pro-
jus occasionis spem, milites, forte temere, sed ex reipsa pinquo est duo haud prucul absunt. Nunc aggredieuli-
conceptam habeo. A vobis quoque profecto si quis quae- bus spes atiqua est et jam tentastis veatras atque illoruin
rat quonam modo pauci a mulus victi a victoribus cas- vires. Si diem proferimus, et hesternae eruptionis fama
tra tutali sitis, nihil aliud respondeatis, quam id ipsum contemni desierimus, penculum est, ne omnes duces
timentes vos omma et operibus firmata habuisse ,et ipsos omnes copiæ conveniant. Très deinde duces, tres exerci-
para tus instructosque fuisse. Et ita se res habet. Ad id tus austinebimua hostium quot Cn. Scipio incolumi
quod ne timeatur, fortune facit, minime luti sunt ho- exercitu non sustinuit? Ut dividendo copias periere du-
mines quia, quod neglexeris, incautum atque apertum ces nostri, ita separati ac divisi opprimi possunt hstes.
habeas. Nihil omnium nunc minus metuunt hostea, quam Alia belli gerendi via nulla est. Proinde nihil, proeter noc-
ne obsessi modoipsi atque oppugnati castra sua ultro op- tis proximæ opportuaitalem exspectemus. lie, deis bene
puguemus. Audeamus, quod credi non potest ausuros juvantibus, eorpora curate, ut integri vigentesquewdem
nos. Eo ipso, quod diffcillmum videtur, facillimum erit. animo in castra bostium irrumpatis, quo vestra tulali es
Tertia vigilia noclis silenti agmine ducam vos. Explora- tie. Læti et audiere ab novo duce novum oonsilium, et,
tum habeo non vigiliarum ordiuem non stationes justas quo audacius erat magis placebat. Reliquum diei expe-
este. Clamor in portis auditus et primus impelua castra diendis armis et curatione corporum contumptum et
ceperit. Tum intcr torpidus 5oinno, pavenlcsquc ad nec- major pars noctis quieti data est. Quarta vigilia mevere.
1.
XXXIX. A six milles du camp le plus proche tie des soldais s'était dispersée pour aller an
était un autre corps de troupes carthaginoises. Une fourrage, au bois, en maraude, on trouva encore
vallée profonde et couverte d'arbres le séparait. plus de négligence et de désordre les armes
A peu près au milieu de cette forêt, par une ruse étaient au piquet, les soldats désarmés, assis ou
toute punique, s'embusque une cohorte romaine couchés par terre d'autres se promenaientdevant
avec quelques cavaliers. La communication ainsi les remparts et les portes. Ce fut dans cet état de
interceptée, le reste des troupes est conduit en si- sécurité et d'indolence qu'ils furent surpris et at-
lence vers le camp le plus voisin, et ne rencon- taqués par les Romains, encore échauffes du car-
trant ni postes devant les portes, ni sentinelles nage et fiers de leur vicloire; aussi leur fut-il
sur les retranchements, elles y pénètrent comme impossible de défendre l'entrée de leur camp. A
dans leurs propres lignes, sans aucun obstacle. l'intérieur, on accourt de toutes parts aux pre-
Tout à coup les trompettessonnent, et les Romains miers cris, au premier tumulte une lutte opi-
poussent un cri. Une partie égorge les ennemis à niâtre s'engage, qui eût duré longtemps si la
demi endormis; une autre met le feu aux bara- vue des boucliers romains couverts de sang, in-
ques couvertes da chaume; d'autres s'emparent dice d'une autre défaite des Carthaginois, n'eût
des portes pour couper la retraite. L'ennemi, jeté la terreur dans les rangs des ennemis. L'é-
qu'étourdissentà la fois le feu, les cris, le car- pouvante rendit la déroute générale; ils s'enfui-
nage, plongé dans une sorte d'égarement, n'en- rent de leur camp, au basard, après avoir perdu
tend plus, et ne peut prendre aucune mesure de beaucoup des leurs. Ainsi dans l'espace d'une
salut; il tombe sans armes au milieu de bataillons nuit et d'un jour, L. Marcius força deux camps
bien armés. Ceux-ci se précipitent vers les portes; carthaginois. Environ trente-sept mille hommes
ceux-là, ne trouvant point d'issue, s'élancent par- furent tués, au rapport de Claudius, qui a tra-
dessus les retranchements. Ceux qui sont parve- duit du grec en latin les annales d'Acilius mille
nus à s'échapper s'enfuient en toute hâte vers huit cent trente furent faits prisonniers; on con-
l'autre camp; mais, entourés par la cohorte et par quit un butin inunense, et, parmi les dépouilles,'
la cavalerie qui sortent de leur embuscade, ils un bouclier d'argent du poids de cent trente-huit
sont massacrés jusqu'au dernier. Quand même livres, où l'on voyait le portrait d'Asdrubal, de
un seul Carthaginois se fût dérobé au carnage, la famille Barcine. Valérius d'Antiumdit qu'il n'y
les Romains se portèrent si rapidement de la eut de pris que le camp de Magon et que l'on y
prise d'un camp à l'attaque de l'autre, que per- tua sept mille hommes; mais qu'Asdrubal sortit
sonne n'aurait pu annoncer avant eux la nouvelle du sieu; que dans ce second combat on lui lua
de ce désastre. Là, comme on était plus éloigné dix mille hommes, et qu'on lui en prit quatre
de l'ennemi, et que dès le point du jour une par- mille trois cent trente. Suivant Pison, Magon,

XXXIX. Erant ultra proxima castra se: millium inter- iwenere; arma tantum in stalionibus posita milites viner,
vallo distantes alix copiæ Pœnorum. Vallis cava inter- mes, aut humi sedentes accubantesque, aut obambulan-
erat, condensa arboribus. In hujus silvae medio ferme tes ante vallum porlasque. Cnm bis tam securis soletis-
spatio cohors romana arte punica abditur et equites. Ita que Romani, caientes adhuc ab recenti pugna, feroces-
medio ilinere iutercepto, ceteroe copioe silenti agmine ad que Victoria, prœlium ineunt. Itaqtie uequaquam resisti
proximos hostes ductæ. Et, quum statio nulla pro portie, in portis potuit. Intra portas conctirsu et totis cash is ad
neque in vallo cuslodm esseot, velut in sua castra, nulio piimum clamorem et tumultllm facto, atroi prœliulII ori-
usquam obsistente, penetravere. Inde signa canuut, et tur diuque tfnnisset, ni cruenta scuta Rontanorum visa,
tullilur clamor. Part semisomnos bostes cxduut para indicium alterius cladis Pœnls, atque inde pavorem in-
igues casait. stramento arido tectis injkiirit pars por- jecissent. Hic terror in fugam avertit omnes effus que,
tas occupant, ut fugam iutercludant. Hostes simul lgnis, qua iter est, nisi quos caedes oppressit, exuuntur castris.
clamor, caedes, velut alienatos sensibus, nec audire, Ita nocte ac die bina castra hostium expugnata ductu
nec providere quicquam sinunt. Incidunt inetwnfs inter L. Marcii. Ad triginta septem millia hostium caesa, auc-
Ciitervitt armaturum; alii ruunt ad portas, alii obsæplis tor est Claudius, qui annales Acilianos ex græco in lati-
iliuerihus super vallum saliunt; et, ut quisque evaserat, num sermonem vertit captos ad mille octiugentos tri-
prutiuus ad casira altera fugiunt ubi ab cohorte et equi- ginta praedain ingentem partam in ea fuisse clipuum
tibus ex occulto prucurrenl1bus circumveoti caesique ad argenteum pondo uentum triginta octo, cmu imagme
uuum omnea sont. Quanquam, etiam si quis ex ea coede Barcini Asdrubalis. Valerius Autias una castra Magouis
elfugisset, adeo raptim captifs propioribus castris in allera capta tradit, septon nullia caesa hostium allero prœllo.
trauscursum caslru ab Romanis est, ut pra'vcnire nuutius eruptione pugnatum cum Asdrubale decein millia occi-
cladis non posset. Ibi vero, quo longiusabhosteaheraut, ea quatuor nul lia trecentos triginta captos. Piso quinque
et quia sub lucem pabulatum, lignatum et pradatum millia hominum, quum Mago cedentes noslros effuse se-
yu.dem dildpâi futrant, neglecta nagis ownia au soulta quei etur, eaesa ex iusidns scribtt. Apud omues magnuum
s'étaut acharné à la poursuite des nôtres qui lâ- Marcettus, près de la porte Capène, à cause des
chaient pied, tomba dans une embuscade où il chefs-d'œuvre de ce genre dont il ne reste que
perdit cinq mille hommes. Tous ces écrivains s'ac- des vestiges. Marcellus reçut des députations
cordent à donner de grands éloges au chef Mar- de presque toutes les cités de la Sicile; la cause
cius. A sa gloire réelle ils ajoutent encore des de chacune étant différente, leur destinée le fui
prodiges pendant qu'il haranguait, il jaillit, aussi. Les peuples qui, avant la prise de Syra-
dit-on, de sa tète une flamme qui sans lui faire cuse, ou n'avaient point abandonné les Romains,
aucun mal, causa une grande frayer aux soldats ou étaient rentrés dans leur alliance, furent ac-
qui J'environnaient. Jusqu'à l'incendie du Capi- cueillis et traités comme des alliés fidèles; ceux
tole, on conserva dans ce temple, comme monu- que la crainte seule avait depuis forcés de se
ment de sa victoire sur les Carthaginois, un bou- rendre reçurent, comme des vaincus, la loi du
clier qu'on appelait le bouclier de Mareius: c'était vainqueur. 11 restait cependant aux Romains,
celui qui portait l'image d'Asdrubal. L'Espagne dans les environs d'Agrigente, des ennemis en
jouit quelque temps d'une assez grande tranquil- assez grand nombre; à leur tête étaient Épicyde
lité les deux partis, après les pertes considé- et Hannon, qui avaient commandé dans la cam-
rables éprouvées de part et d'autre, craignaient pagne précédente, et un troisième chef qu'Anui-
d'en venir à une action décisive. bal avait envoyé remplacer Hippocrate. C'était un
XL. Tandis que ces événements se passaient en Libyphénicien, natif d'Hippone, appelé Mutine par
Espagne, Marcellus, qui avait pris Syracuse, après ses compatriotes, homme actif, et qui avait eu
avoir réglé les affaires de la Sicile avec une bonne Annibal pour maître dans l'art de la guerre.
foi et une intégrité qui, en ajoutant à sa propre Épicyde et Ilannon lui donnèrent le commande-
gloire, rehaussaient la majesté du peuple romain, ment des Numides auxiliaires, avec lesquels il
fit transporter à Rome, pour en orner la ville, fit un tel ravage sur les terres des ennemis, re-
les statues et les tableaux dont abondait Syra- tint si bien les alliés dans le devoir et vint si à
cuse. C'étaient, à la vérité, des dépouilles enle- propos à leur secours, qu'il rempli en peu de
vées aux ennemis par le droit de la guerre mais temps toute la Sicile du bi uit de son nom et de-
ce fut aussi l'époque où l'on admira, pour la pre- vint la plus ferme espérance de ceux qui favori-
mière fois, les productions des arts de la Grèce, saient le parti des Carthaginois. Aussi les deux
et où la cupidité porta les Romains à dépouiller généraux, qui jusque-là s'étaient tenus renfermés
sans distinction les édifices sacrés et profanes, dans Agrigente, enhardis par les conseils de Mu-
cupidité qui s'étendit jusque sur les dieux de tine et surtout par ses succès, osèrent sortir de la
Homme, et en premier lieu sur le temple mtme ville, et vinrent camper auprès du fleuve Ilimera.
que Marcellus avait si magnifiquement décoré. llarcellus, informé de leur marche, se mit aus-
On venait visiter jadis les temples dédiés par sitôt en campagne, et alla prendre position à peu

nomen Marcii ducis est. Et verse gloriae ejus etiam mira- tum Sicilioe ad eum conveniebant. Dispar ut causa ea-
cula addunt Dammam ei concionanlifusam e capite, siue rum ita conditio erat. Qui aute captas Syracusas aut non
ipsius sensu,cum magno pavore circumstantium militum; deauiverant, aut redierant in amicitiam,ut socii rideles
roooumeutumque vtctorim ejus de Pœnis, usque ad in- accepti cultique; quos metus post captas Syracusas dcdi-
fensum Capitolium, fuisse in templo clipeum Marcius derat, ut victi a victore leges acceperunt. Erant tamen
appellatum, cum imagine Asdrubalis. Quieta deinde ali- haud parvae reliquis belh circa Agrigentum Romanis
quamdm in Hispania res faucre, utrisque, post tentas ac- Epicydes et Hanno duces reliqui prioris belli et tertius
ceptaa in vicem illatasque clades, cunctanlibus periculun uovus ab Anuibale in locum Ilippocratismissus, Liby
suminae rerum facere. pho'oicum generis Hipponiates (Mutinem populares vo
XL. Dum ha'c in Hispania gerunlur, Marcellus captif cabantt, vir impiger, et sub Aunibale magistro omms
Syracusia, quum cetera in Sicilia tama fide atque inte- belli arles edoctus. Iluic ab Epicyde et llannoue l'Iunndw
gritale conposumet, ut non modo suam gloriam sed ddli auii,iarea cum quibus ita pervagalus est hoàtiuiii
etiam majeslatempopuli romani, augeret; oruamenta ur- agros, ita socios ad retineudos in fide animos corum.
bis, signa tabulasque, quibus abunddbaut Syracusæ, ferendoque in tempore cmque auxilium, adiit, ut brevi
Romam devexit. Iluslium quidem illa spolia, et parta tempore totam Siciliam impleret nominis oui, uec spes
belli jure ceterum inde primum initium mirandi grae- alia major apud faventes rébus Carthagiuieusium cacet.
carum arlium opera, licentiwque buse sacra profanaque Itaqne inelusi ad tempus moenibua Agrigenti dm Pwuw
omuia vulgo spoliandi faction est; quoe poslreino in ro- Syracusanusque, non consilio Mutinis, quarto liducia,
manos deos, templum id ipsum prillllun, quod a Man- magis ausi egredi extra niuros, ad Iimeram amuem po-
cellu eximie arnalum est rerbt. Viaebantur enim ab ex- suerant castra. Quod ubi perlatum ad lllarcellum est, ei-
ternis ad portam Capenam dedicata a Marcello templa temple copias movit; et ab haste quatuor ferme militari
propter eicellentia ejus generis ornamenta, quorum per- intervallo cooaedit, quid agerent pararenive e eapectatu-
exigtia pars comparet. Legationes ommum ferme cuita- rus. Sed nullum neque locum neque tempus cuuctatitga
près à quatre milles de l'ennemi, afin d'observer bat par la jalousie de ses collègues, ne prendront
ses mouvements et ses projets. Mais Mutine, sans aucune part à l'action. Cette nation perlide tint
lui laisser le temps de la réflexion, passa le fleuve sa promesse. Les Romains sentirent augmenter
sans hésiter, attaqua les postes avancés et porta leur ardeur à la nouvelle qu'on fit aussitôt cir-
partout la terreur et le tumulte. Le lendemain, culer de rang en rang que l'ennemi était aban-
dans un combat presque régulier, il refoula l'en- donné de sa cavalerie, qui le rendait si redoutable;
nemi dans ses retranchements. Rappelé dans son les Carthaginois, de leur côté, prirent l'épouvante
camp par une sédition des Numides, dont trois en se voyant privés de la plus grande partie de
cents à peu près s'étaient retirés à Héraclée-Mi- leurs forces et leur terreur s'accrut encore de la
craiu te d' êtreattaqués eux-mêmespar ces cavaliers.
noa, il partit pour apaiser les rebelles et les faire
revenir sous leurs drapeaux, recommandant ex- Aussi le combat ne fut pas loug; le premiercri, le
pressément à ses collègues, assure-t-on, de ne pas premier choc décidèrentla victoire. Les Numides,
en venir aux mains avec l'ennemi pendant son pendant l'engagement, demeurèrent tranquilles
absence. Cette injonction les blessa tous deux, sur les ailes; et au commencement de la déroute
Hannon surtout, jaloux depuis longtemps de la de l'armée carthaginoise, ils l'accompagnèrent
gloire de ce chef. « Mutine, un Africain dégénéré, quelque temps dans sa fuite; mais quand ils la vi-
lui dicter des lois, à lui général carthaginois, rent prendre précipitammentla route d'Agrigente,
investi de la confiance du sénat du peuple. Il dé- craignant de s'exposer à un siège, ils se répandi-
termina Épicyde, qui balançait, à passer le fleuve rent çà et là dans les villes voisines. On tua et on
et à présenter la bataille. Attendre Mutine, c'était, prit plusieurs milliers d'hommes, ainsi que huit
en cas de succès, lui en laisser toute la gloire. éléphants. Tel fut le dernier combat de Marcellus
XLI. Marcellus, qui avait repoussé des murs de en Sicile; le vainqueur rentra ensuite à Syracuse.
Noie Aunibal, tout fier de sa victoire de Cannes, Ou touchait à la fin de l'année; le sénat de Rome,
crut indigne de céder à des ennemis qu'il venait par un décret, chargea le préteur P. Cornélius
de vaincre sur terre et sur mer; il ordonna à ses d'écrire aux consuls, alors devant Capoue, que,
soldats de reprendre aussitôt les armes et de s'a- vu l'éloignement d'Annibal et le peu de difficulté
vancer enseignes déployées. Tandis qu'il range son que présentaient les affaires du siège, l'un d'eux
armée en bataille, dix Numides accourent à toute pouvait se rendre à Rome pour l'élection des
bride, de l'armée ennemie, lui annoncer que magistrats. Au reçu de cette lettre, ils convinrent
leurs compatriotes d'abord animés de cet esprit entre eux que Claudius irait présider les comices,
de mutinerie qui en a fait retirer trois cents et que Fulvius resterait devant Capoue. Claudius
d'enire eux à Héraclée, et de plus, mécontents de nomma consuls Cn. Fulvius Centumalus et P.
voir leur chef éloigné au moment même du com- Sulpicius Galba, fils de Servius, qui n'avait pas

consiliove dedit Mutines transgrersus amnem ac sta- legatum videant, quieturos in pugna. Gens fallai pro-
tionibus hostium cum ingenti terrore ac tumultu invectus. missi fidem præstitlt. Itaque et Romanis crevit animns,
Posterodie prope justo praelio compulit hostem intra mu- nuntio celeri per ordines misso, destitutum ab équité
uimenta. Inde reyooetus seditione Numidarum in casti-is hostem esse, quem maxime timuerant: et territi hottes,
faota, quum trecenti ferme eorum lieracleam Miuoaiu praeterquam quod maxima parte virium saarttm non jn-
conoesaissent, ad mitigandos revocandosque eos profec- vabantur,timoré etiam incusso, ne ab suo et ipsi équité
lus, magnopere monuisse dures dicitur, ne absente se oppuguarentur.Itaque haud magni certamiuis fuit pri-
cum hoste manus consererent. Id ambo aegre passi duces, mus clamor atque impelm rem decrevit. Numidæ quum
magis Hauuo, jam anle amius gloria ejus Muhnem in concursu quieti stetissent in cornibas, ut terga dantes
sibi modum facere, degeuerem Afrum imperatori Car- sucs videruot, fugae tantum parumper comites facti,
thagiuieusi, misso ab senatu populoque.a Is perpulit cun- postquam omnes Agrigentum trepido agmine peteutes
ctantem Epicydem. ut, transgressi flurnen, in aciem videront, ipsi metu obsidionis passim in civitates proxi-
exirent. Nam si Mutiuem opperirentur et secunda pugnae mas dilapsi. Multa millia hominum casa captaque, et
fortuna evemsset, haud dubie Mutinis gloriam fore. octo elephanti. Ilaec ultima in Sicilia Marcelli pugna fuit
XLI. Enimvero indignum ratus Marcellus se, qui An- victor inde Syracusas rediit. Jam ferme in eiitu annule
nibalem buboisum vicwria Caunensi ab hola repulisset, erat. Itaque senatus Romoe decrevit, ut P. Cornelius
bis terra marique victis ab se bostibus cedere arma pro- prætor literas Capuam ad consules mitteret dum Annibal
pere capere milites et elferri signa jubet. Iustruenti procul abesset, nec ulla magni discriminis res ad Ca-
exercitum decem effusis equis advolant ex bostmm acie puam gereretur, alter eorum, si ita videretur, ad ma-
llumidx, nuntiantes, populares suos, primum ea sedi- gistratus subrogaudos Romam veniret. Literis acceplis,
tione motos, qua trecenti ex numero suo coocesseriot inter se consules compararunt ut Claudius comitia per-
Ileracleam dein quod praefectum suum ab obtrectanti- ficeret, Fulvius ad Capuam maneret. ConsulesClaudius
Lub duclbus gloi iæ ejus, sub ipsam certaminis diem ab- creavit Cn. Fulvmm Centumatum et P. Sulpicium Servii
encore exercé de magistrature curule. Les préteurs tice dans Rome; Sulpicius eut pour département
élus ensuite furent L. CornéliusLentulus, M. Cor- la Sicile; Céthégus l'Apulie, et Lentulus la Sar-
nélius Céttégus, C. Sulpicius et C. Calpurnius daigne. On prorogea pour une année le comman-
Pison. A Pison fut confié le soin de rendre la jus- dement des consuls.

Olium Galbam, qui nullum antea curulem magistratum 1 Piso. Pisouijurisdiclio urbana Sulpicio Sicilia. Celhego.
gessisset. Praetores deinde creati, L. Cornelius Lentulus, Apulia Lentulo Sardinia evenit. Consulibus prorogatum
M. Corneliua Cethegus, C. Sulpicius, C. Calpurnius in annum imperium est.
LIVRE VINGT-SIXIÈME.

SOMMAIRE.-Annibal campe à trois milles de Rome, au-dessus de l'Aoio il s'avance en personne, avec deux mille
chevaux,jusqu'à la porte Capène, pour examiner la situation de la ville. Trois jours de suite les deux armées
se rangent en bataille trois fois un orage sépare les combattants; le calme renalt lorsqu'ils sont rentrés dans leur
camp.-Prise de Capoue par les consuls Q. Fulvius et Ap. Claudius. Les premiers citoyens de cette ville s'em-
poisonnent. — Dans le moment où les sénateurs campaniens sont attachés au poteau, pour être frappés de la hache,
Q. Fulvius reçoit du sénat une lettre qui lui ordonne de faire gràce au heu de la lire, il la met dans un pli de sa
toge, et fait, au nom de la loi, achever l'exécution. — Dans les comices, le peuple cherchant un général qui veuille
prendre le commandement de l'Espagne, Scipion, fils de Publius, qui avait péri dans cette contrée, se présente
seul pour demanderce département; il est nommé d'un consentement unanime. En un jour il emporte d'assaut Car-
thagène, à l'âge de vingt-quatre ans. On lui attribuait une origine céleste, parce que, depuis qu'il avait pris la robe
virile, il se rendait chaque jour au Capitole, et qu'on avait souvent aperçu un serpent mystérieux dans la cham-
bre de sa mère. — Affaires de Sicile. — Alliance avec les Étoliens. — Guerre contre les Arcaniens et contre Phi-
lippe, roi de Macédoine.

1. Cn. Fulvius Centumalus et P. Sulpicius Gal- teurs de l'année précédente, M. Junius en Étrurie,
ba, nommésconsuls, ayant pris, aux ides de mars. 1 P. Sempronius dans la Gaule, conservèrent leur
possession de leur charge, convoquèrent le sénat commandement avec les deux légions qui leur
au Capitole, afin de le consulter sur les intérêts avaient été assignées. M. Marcellus reçut l'ordre de
de la république, la conduite de la guerre, la ré- rester en Sicile, en qualité de proconsul pour y
partition des provinces et des armées. On proro- terminerla guerre à la tète de l'armée qui lui était
gea le commandement de Q. Fulvius,d'Ap. Clau- confiée s'il avait besoin de renfort, il pouvait le
dius, consuls de l'almée précédente; on leur laissa tirer des légions que commandait P. Cornélius
les armées qu'ils avaient sous leurs ordres, et on propréteur en Sicile, pourvu qu'il ne choisit au-
leur enjoignit de ne point quitter le siège de Ca- cun des soldats que le sénat ne voulait ni licen-
poue, qu'ils ne l'eussent terminé. C'était alors cier, ni faire revenir en Italie avant la fin de la
l'entreprise qui préoccupait le plus les Romains, guerre. C. Sulpicius, à qui la Sicile était échue,
moins à cause -du plus légitime ressentiment reçut les légions qui avaient obéi à P. Cornélius,
qui fut jamais que parce que la réduction et les augmenta de l'armée de Cn. Fulvius, qui,
d'une ville si célèbre et si puissante, qui avait l'année précédente, avait été honteusement battue
entraîné quelques peuples dans sa défection, de- et mise en fuite dans l'Apulie. Le sénat avait dé-
vait faire pencher de nouveau les esprits vers le crété que le service de ces lâches soldats comme
respect pour une ancienne domination. Les pré- celui des fugitifs de Cannes, ne finirait qu'avec la

LIBER VICESIMUSSEXTUS. M. Juuio in Etruria, P. Semprouioin Gallia cum binis


LCn. Fulvius Centumalus, P. Sulpicius Galbacousules, legionibus, quas habuerant, prorogatum est imperium.
quum idibus martiis magistratum inissent senatu in Ca- Prorogatum et M. Marcello, ut pro cousule in Sicilia re-
pitolium vocato de republica de administratione belli liqua belli perficeret eo exercitu, quem haberet. Si sup-
de provinciis exercitibusque Patres consuluerunt. Q. Fut- plemento opus esset, suppleret de legionibus, quibus
vio, Ap. Claudio, prioris auni consulibus prorogatum P. Cornélius propraetor in Sicilia prœesset dum ne quem
imperiumest; atque exercitus, quos habebant, decreti militem legeret ex eo numero quibus senatus missionem
adjectumque ne a Gapua, quam obsidebant, abscede- reditumque in patriam negasset ante belli finem. C. Sul-
rent, priusquam expagnassent. Ea tum cura maxime in- picio, cui Sicilia evenerat, duæ legiones, quas P. Cor-
tentos habebat Romanos non ab ira tantum, quæ in nul- nélius habuisset, décrétæ et supplementum de exercitu
lam uuquam civitatem justior fuit, quam quod urbs tam Cn. Fuhii qui priore anno in Apulia fœde cæsus fuga-
aobilis ac potens sicut defectione sua traxerat aliquot tusque erat. Huic generi militum senatus cundem, quem
poputos, ita recepta inclinatura rursus animo» videbatur Cannensibus, finem statuerat mihtæ: additum etiam
ad veteris imperii respectum. Et preetoribus prioris anni, utrorumque ignominiæ est, ne in oppidis hibernareni,
guerre: on y ajouta l'ignominose défense, pour s'occuperait de ces deux choses mains on arrêta
les uns et les autres, d'hiverner daus les places for- de ne point employer la formule :« Au propréteur
te1!, ou de construire des quarliers à moins de dix L. Marcius,1 afin qu'il ne regardât pas comme ré-
milles de distance de quelque ville que ce fût. On solue une question dont on se réservait l'examen.
donna à L. Cornélius le gouvernemcntdela Sardai- Quand les cavaliers furent partis, ce fut la pre-
gne avec les deux légions qui avaient servi sons Q. mière proposition que firent les consuls et on
Mncius; quant aux renforts, les consuls pouvaient resta unanimementd'avis d'engager les tribuns
ordonner la levée de ceux qui seraient nécessai- à demander au peuple, dans le plus court délai,
res. Le commandement des côtes de la Sicile et quel général il voulait envoyer en Espagne com-
de la Grèce fut conservé à T. Otaci!ius et à M. mander l'armée qui avait servi sous les ordres de
Valérius avec les légions et les flottes qu'ils Cn. Scipion. Cette affaire, traitée avec les tribuns,
avaient déjà. La Grèce était gardée avec cinquante fut portée devant le peuple. Mais un autre débat
vaisseaux et une légion la Sicile avec cent vais- préoccupait les esprits. C. Sempronius Blésus, qui
seaux et deux légions. Cette année-là on mit sur avait mis Cn. Fulvius en accusation, à cause de
pied vingt-trois légions romaines pour faire la la perte de l'armée dans l'Apulie, tenait contre
guerre sur terre et sur mer. lui dans les assembléesdes discours où il répélait
II. Au commencement de l'année, lorsqu'il que « beaucoup de généraux avaient, par leur
fut question des dépêches de L. Marcius, ses ex- aveuglement et leur incapacité, précipité des ar-
ploits parurent très-brillants au sénat mais le mées vers leur ruine mais qu'aucun, à l'excep-
ti tre d'honneur qu'il avait pris en écrivant comme tion de Cn. Fulvius, n'avait corrompu ses légions
propréleur au sénat, titre qu'il ne tenait ni de la par toutes sortes de vices avant de les livrer.
voloulé du peuple, ni de l'autorité de cette as- Aussi pouvait-on dire avec vérité que, avant do
semblée, choyuait un grand nombre de citoyens, voir l'enuemi, elles n'étaient déjà plus, et que ce
C'était un exemple pernicieux que l'élection des n'était pas Annibal, mais leur propre général qui
généraux par les armées, que la solennité des co- les avait vaincues. On ne se montrait pas, en allant
mices légitimes passant dans les camps et dans aux suffrages, assez sévère dans le choix de ceux
les provinces loin des lois et des magistrats et auxquels on confiait le commandement et des
abandonnée au caprice des soldats. Quelques-uns armées. Quelle différence entre ce général et Ti.
pensaient qu'il fallait soumettre la question au Sempronius 1 Celui-ci, mis à la tète d'une armée
sénat; mais on jugea plus convenable d'ajourner d'esclaves, avait bientôt obtenu, par la sévérité
celte délibération jusqu'après le départ des cava- de la discipline et du commandement, qu'oubliant
liers qui avaient apporté les dépêches de Mareius. sous les armes leur état et leur origine ils de-
On convint de répondre à la demande qu'il fai- vinssent l'appui des alliés et la terreur des enne-
sait de blé et d'habits pour l'armée, « que le sénat mis. Cumes, Bénévent et d'autres villes avaient

neve hiberna propius ullam urbem decem millibus pas- prætori L. Marcio, » non placuit; ne id ipsum, quod
siium ædificarent. L. Cornelio in Sardinia duæ légiones cunsultntioni reliyueraut, pro prajudicato ferret. Dums-
datæ, quihus Q. lllucius proefuerat supplemenlum, tis equitibus, de nulla re prius consules retuleruat, om-
si opus esset, consules scribere jussi. T. Otacilio et niumque in uunm sententiæ congruebant agendum
M. Valerio Sic lite Groecioeque ora cum legionibus classi- cum tribunis plebis esse, primo quoqne tempore ad ple-
busqué, quibus prxcrant, décrétæ. Quinquaginta Græci bem ferrent, quem cum imperio mitti plareret in Ilispa-
cum lel;ione una centum Sieuli cum duabus legionibus niam ad eum exercilum, cui Cn. Scipio imperator præ-
hbebant naves. Tribus et viginti legiouibus romanis eo fuisset. Ea res cum tribunis acta promulgataque est. Sed
anno bcllum terra marique est gestuni. aliud cerlamenocenpaveratauimos.C. Sempronius Blæ-
Il. Principio ejus anui quum de literis L. Marcü re- sus die dicta Cu. Fulvium ob exercitum iu Apulia amis-
ferretur, rcs gestae magnificæ senatui visæ: tilulus hono- sum in concionibus veiabat multos imperatores te-
ris, quod imperlo, non populi jussu, non ex auctoritate meritate atque inscieniia exercitum in locum précipitent
Patrum dato, proprætor senatui, scripserat, magnam perduaisse dictitans neminem. prater Cu. Fulvium,
partent hominum offendebat. Rem mali exempli esse, ante corropisseomnibus vitiis legionessuas, quam pro-
imperalures Iegi abexercitibus: et sollenne auspicatorum deret. Itaque vere dici posse, prius eos periisse, quani
cormtiorum m castra et provinces, procul ab legibus viderent hostem, nec ab Anuibale, sed ab iinperatoro
magistratibusque, ad militarem temeriatem transferri. suo, victos esse, Neminem, quum suffragiumineat, satis
Et, quum quidam referendum ad sellalum censerent, cernere, cui imperiun, cui exercitum permittat. Quid
melius visum differri earu cousultationem, donec profici- interfuisse inter Ti. Sempronium? Quum ei servorum
scerentur equites, qui ab Marcio literas attulerant. Re- exercitus datus esse, brevi effecisse disciplina atque im-
scribi de frumento et vestinientis exercitus plaent tam perio, ut uemo eorum generis ac sangniuis sui memor in
utramque rem curae fore seuatui ascribi au.em, pro- acie esset, præsidio sociis, hostibus itrrori essent Cu-
été par eux comme arrachées des serres d'Annibal riche et celle du pauvre de l'homme en dignité
et rendues au peuple romain. Cn. Fulvius avait et du simple citoyen 1
eu sous ses ordres une armée de véritables Ro- III. L'accusé rejetait sa faute sur les soldats
mains, des hommes d'une naissance distinguée, « C'étaient leurs cris séditieux qui l'avaient forcé
d'une éducation libérale; il les avait imbus des de les mener au combat, non le jour même qu'ils
vices des esclaves; par sa faute ils étaient devenus l'avaient exigé, parce qu'il était trop avancé, mais
hautains et turbulents au milieu des alliés, lâches le lendemain, où, bien qu'il leur eût assuré les
et sans énergie devant les ennemis, et ils n'avaient avantages du temps et du terrain, ils n'avaient
pas pu soutenir le choc, le cri même des Cartha- pu résistersoit à la renommée, soit au choc de l'en-
ginois. Certes, il n'était pas étonnant que les sol- nemi. Dans ce désordre, dans celte fuite générale,
dats n'eussent pg tenir sur le champ de bataille, il avait été lui-même entraîné par la foule, comme
lorsque te général avait été le premier à fuir il Varron à la journée de Cannes, comme beaucoup
l'était bien davantage que plusieurs d'entre eux d'autres généraux. S'il eût seul résisté aux enne-
fussent morts les armes à la main, et que tous mis, de quel remède sa mort pouvait-elle être
n'eussent pas partagé la terreur et la fuite de Cn. dans les désastres de la patrie? il n'avait pas été
Fulvius. C. Flaminius, L. Paul-Éinile, L. Postu- surpris par la disetle des vivres il ne s'était pas
mius, Cn. et P. Scipion avaient mieux aimé périr témérairement engagé dans des positionsdésavan-
dans la mêlée que d'abandonner leurs troupes tageuses, il n'avait pas, faute d'avoir reconnu les
enveloppées de toutes parts. Cn. Fuivius était re- lieux, donné dans des embuscades; c'est à force
venu presque seul à Rome annoncer la perte de ouverte, les armes à la main, en bataille rangée,
l'armée. Par une injustice révoltante, les légions qu'il avait été vaincu; il n'avait été le maitre ni
de Cannes coupables d'avoir fui du champ de du courage des siens ni de celui des ennemis;
balaille, avaient été déportées en Sicile, sans l'audace ou la peur dépendant du naturel de cha-
qu'elles pussent en sortir avant que l'ennemi eût cun. » Accusé deux fois on conclut contre lui
quitté l'Italie un décret récent avait infligé la à une amende; la troisième fois on produisit des
même peine aux légions de Cn. Fulvius, et la fuite témoins, et comme un grand nombre d'entre eux,
de Cn. Fulvius dans un combat témérairement en le chargeant de tous les torts, attestaient sous
livré par lui, resterait impunie 1 et il passerait sa serment que c'était le préteur qui avait donné le
vieillesse dans les lieux de débauche et de pro- signal de la fuite et de l'épouvante, et que les sol-
stitution où s'était dissipée sa jeunesse; tandis que dats, ainsi abandonnés, avaienttournéle dos, dans
des soldats, dont le seul crime était d'avoir imité la persuasion que les craintes de leur chef n'é-
leur général, seraient relégués en une sorte d'exil, taient que trop fondées, l'assemblée saisie d'une
et condamnés à un service ignominieux Tant il y vive indignation s'écria qu'il fallait conclure à
avait à Rome de différence entre la liberté du une peine capitale. Alors s'élevèrent de nouveaux

mas, Benerentum, aliasque urbes eos velut e faucibus miniosam pati militiam. Adeo imparem libertatem Honnie
Annibalis ereptas populo romano restituisse. Cn. Ful- diti ac pauperi, honorato atyue iuhonoratoesse..
vium Quiritium Romanorum exercitum, houeste genitos, III. Reus ab se culpam in mihtes transferebat Eos
liberaliter educatos, servilibus vitiis imbuisse ergo ef- ferociter pugnain poscentes productos in aciem, non eo,
fecisse, ut feroces et inquieti inter socios igoavi et im- quo voluerint quia serum diei fuerit sed postero die
belles inter bostes eussent, nec impetum modo Pœnorum, et tempore et loco aequo instructos, seu famam seu vim
sed ne clamorem quidem sustinere posseut. Nec, hercule, hostium non sustinuisse. Quum effuse omnes fugerent,
mirum esse, milites in acie non stetisse quum primus se quoque turba ablatum; ut Varronem Caunensi pugna,
omnium imperator fugeret. Magis mirari se. atiquos ut multos alios imperatores. Qui autem solum se restan-
stantes cecidisse, et non omnea comites Cn. Fulvii fuisse tem prodesse reipubhcæ, nisi si mors sua remedio publi-
pavoris ac fugæ. C. Flaminium, L. Paullum, L. Postu- ciscladibua futurs esset, potuisse? Non se inopia com-
mium Co. ac P. Scipiones cadere in acie maluisse quam meatus, non in loca iniqua ineaute deductum non
deserere circumventos exercitus Cn. Fulvium prope "gmine inexplorato euntem insidiis circumventum. VI
unum nuutium deleti exercitus Romam redisse. Facinus aperta, arnus, acie victum nec snorum animos, nec
indignum esse, Cannensem exercitum, quod ex acie fu- hostium, in putestate habuisse. Suum cuique ingenium
gerit, in Siciliam deportatum ne prius inde dimittatur, audaciam aut pavorem facere.. Bis est accusatus pecu-
quam hostis ex Italia decesserit, et hoc idem in Cn. Ful- niaque auquisitum.Tertio, lestibus datis, quum proe-
vii legionibus nuper decretum Cn. Fulvio fugam ex prœ- terquam quod omnibus probris onerabatur, jurati per-
lio, ipsius temeritate commisso, impunitam esse et eum multi dicerent, fugae pavorisque initium a pratore ortum;
iu ganei luslrisque, ubi juventam egerit, senectutem actu- ab co desertos milites, quum baud vanum timorem ducis
rum milites qui nihil aliud peccaverint, quam quod im- crederent, terga dédisse; tanta ira accenaa est, ut capite
peratori.simles fuerint, relegatus prope in eisilium, igno- anquirendum concio succlantaret. De eo quoque novum
débats. Le tribun qui avait conclu deux fois à l'a- tandis qu'il leur restait cnrore quelques forces,
mende déclara cette fois-là conclure à la peine une sortie sur tous les poiiitq. Ils avaient un avan-
capitale. Les autres tribuns auxquels il en appela tage incontestable dans les combats de cavalerie;
répondirent « Qu'ils ne s'opposaient pas à ce que mais leurs fantassins étaient battus. Toutefois les
leur collègue, usant d'un droit consacré par les Romains éprouvaient moins de joie de leurs suc-
ancêtres, invoquâtcontre un simple particulier les cès que de dépit de ceux d'un ennemi assiégé et
lois ou les coutumes jusqu'à ce qu'il l'eût fait presque en leur pouvoir. Enfin l'art vint suppléer
condamnerà une peine capitale ou à une amende. à ce qui manquait à la force de la cavalerie; on
Alors Sempronius dit « qu'il requérait contre Cn. fit dans toutes les légions un choix des jeunes gens
Fulvius la peine du crime d'état, etdemanda
à C. Calpurnius, préteur de la ville, la convo-
les plus vigoureux et les plus lestes; on leurdonna
des boucliers plus courts que ceux des cavaliers,
cation des comices par centuries. L'accusé se et sept dards longs de quatre pieds, et terminés
tourna vers une autre espérance il pensait à de- par un fer, comme les javelots des vélites. Les ca-
mander pour défenseur son frère Q. Fulvius, qui valiers en prirent chacun un en croupe et l'ac-
jouissait alors d'un grand crédit à cause du bruit coutumèrentà se tenir derrière eux et à s'élancer
de ses exploits et de l'espoir qu'il donnait de à terre au premier signal donné. Lorsque, après un
prendre bientôt Capoue. Fulvius écrivit au sénat exercice de chaque jour, ils parurent assez aguer-
des lettres pathétiques, où il demandaitdéfendre ris, on s'avança dans la plaine qui s'étendait entre
son frère dans cette accusation capitale; mais sur le camp et les murailles, contre la cavalerie cam-
le refus des sénateurs, qui trouvaient contraire panienne rangée en bataille. Arrivés à la portée du
aux intérêts de la république qu'il s'éloignât de trait, au signal donné, les vélites mettent pied à
Capoue, Cn. Fulvius, sans attendre le jour des terre, et, devenus tout à coup fantassins de ca-
comices, s'exila à Tarquinies, et le peuple confir- valiers qu'ils étaient, ils fondent sur les escadrons
ma cet exil par un jugement. ennemis et lancent coup sur coup leurs traits
IV. Cependant tout l'effort de la guerre était avec vigueur. Ils blessèrent un grand nombre
tourné contre Capoue; mais c'était plutôt un blo- d'hommes et de chevaux; mais la nouveauté de
cus qu'un siège. Les esclaves et le bas peuple ne cette tactique et la surprise furent la principale
pouvaient plus supporter la famine, ni la place cause de la frayeur de l'ennemi. La cavalerie
envoyer des courriers vers Annibal, tant elle était romaine, se précipitant sur les Campaniens déjà
étroitement investie. Il se trouva un Numide au- frappés d'épouvante, en fit un grand carnage et
quel on remit une lettre, sur sa promesse de s'é- les poursuivit jusqu'aux portes de la ville. Dès
chapper, et qui, fidèle à cet engagement, parvint, lors la puissanceromaine eut aussi la supériorité
pendant la nuit à traverser le camp romain. dans la cavalerie, et les vélites furent désormais
Cette évasion engagea les Campaniens à tenter ajoutés aux légions. L'auteur de cette innovation

certamen ortum. Nam quum tribunus bis pecnnia an- in multis certamiuibus equestria prœlia ferme prospera
quisisset, tertio capitis se anquirere diceret; tribuni faciebant; pedites superabantur. Sed uequaquam tam
plebis appellati, « collegæ, negarunt se in mora esse, lætum Tincere, quam triste vinci ulla parte erat ab ob-
quo minus, quod ei more majorum permissum essct seu sesso et prope expugnato boste. Inita tandem ratio est,
legibus, seu moribus mallet, anquireret, quoad vel ca- ut, quod viribus deerat, arte æquaretur. Ea omnibus
pitis, vel pecuniæ judicasset privato. » Tum Sempronius, legionibus electi sunt juvenes, maxime vigore ac levitate
«perduellionis se judicare Cn. Fulvio,1 dixit, diemqlle co- corporumveloces iis parmæ breviores, quam equestres,
mitiis ab C.Calpurnio prætore urbis petit. Inde alia spes et septena jacula quaternos longa pedes data, præfixa
ab reo lentata est si adesse in judicio Q. Fulvius frater ferro quale hastis velitaribus inest. Eos singulos in equos
posset, florens tum et fama rerum gestarum et propin- suos accipientesequites assuefecerunt, et vehi post sese,
qua spe Capuæ potiundæ. Id quum per literas miserabi- et desilire perniciter, ubi signum datum esset. Postquam
liter pro fratris capite scriptas petisset Fulvius neges- assuetudine quotidiana satis intrepide visum est fieri, in
aeutque Patres e republica esse, abscedi a Capua; post- campum, qui médius inter castra murumque erat, ad-
quam dies comitiorum aderat, Cn. Fulvius exsulatum versus instructos Campanorum equites processerunt et,
Tarquiniosabiit. Id ei justum exsilium esse scivit plebo. ubi ad conjectum teli ventum est, signo dato velites de-
IV. Inter ha'c vis omnis belli versa in Capuam erat. siliuut. Pedestris inde acies ex equitaturepente in hostium
Obsidebaturtamen acrius, quam oppugnabatur nec aut équités incurrit jaculaque cum impetu alia super alia
famem tolerare servitia ac plebs poterant, aut mittere emittunt. Quibus plurimis in equos virosque passim con-
nuntios ad Annibalem per custodias tam artas. Inventus jectis permultos vulneraverunt pavoris tameu plus ex
est Numida, qui, acceptis literis, evasurum se professus, re nova atque inopinata injectum est, et in perculsum
ut promissum præstaret, per média romana castr nocte hostem équités invecti, fugam stragemque eorum usquo
egressus, spem accendit Campanis, dum aliquid virium ad portas fecerunt. Inde equitatu quoque superior ro-
superesset ab omni parte eruptionem tentandi. Cetcrum mana res fuit. Institutum, ut velites in legionibus essent.
fut, dit-on, un centurion appelé Q. Navius, et elle des Campaniens, Fulvius colui d'Annibal. Le pro
lui fit honneur auprès du général. préteur C. Néron avec la cavalerie de la sixième
V. Telle était la situation des affaires auprès légion, se porta sur la route de Suessula; le lieu-
de Capoue Annibal était partagé entre le désir tenant C. Fulvius Flaccus, à la tête de la cava-
de s'emparer de la citadelle de Tarente et celui lerie auxiliaire, en face du Vulmrne. La balaille
de conserver Capoue il se décida cependant en commença au milieu des cris et du tumulte ordi-
faveur de cette place, sur laquelle il voyait fixés naires mais outre le bruit des guerriers, des che-
tous les regards des alliés et des ennemis, et qui vaux et des armes, la multitude, inhabile à com-
devait servir d'exemple, quel que fût le résultat battre, qui bordait les remparts, fit retentir l'air
de cette défection. Il laisse donc dans le Bruttium de clameurs et du choc de vases d'airain, comme
une grande partie de ses bagages et tous les sol- on fait d'habitude dans les éclipses de lune au
dats pesamment armés, se met à la tête de ceux milieu du silence de la nuit, et le fracas fut lei
des fantassins et des cavaliers qu'il juge les plus qu'il attira l'attention même des combattants. Ap-
capables d'une marche forcée, et se dirige vers la pius repoussait aisément les Campaniens; Ful-
Campanile; malgré cette précipitation il se fait vius, avait affaire à de plus grandes forces, étant
suivre de trente-trois éléphants. Il s'arrête dans pressé par Annibal et par les Carthaginois. La
le creux d'une vallée, derrière le mont Tifate, qui sixième légion perdit là du terrain, et fut repous-
dominait Capoue. Ayant, à son arrivée, emporté de sée par une cohorte espagnole qui, avec trois élé-
force le château de Galatie, et chassé la garni- phants, pénétra jusqu'aux retranchements; déjà
elle avait enfoncé le centre, et courait ainsi une
son, il tourne ses forces contre les assiégeants. Il
avait par des messagers fait prévenir les assiégés chance favorable ou périlleuse, pouvant forcer le
du moment où il commencerait l'attaque afin camp romain ou se voir coupée. Fulvius, voyant
qu'ils se préparassent de leur côté à faire en mêmele désordre de la légion et le danger qui menace
temps une sortie générale. Cette manœuvre causa le camp, exhorte Q. Navius et les autres prin-
aux Romains une grande épouvante; car tandis cipaux centurions « à charger la cohorte en-
qu' Annibal les presse sur un point, tous les Cam- nemie qui combattait au pied des palissades. La
paniens, fantassins et cavaliers et avec eux la position est devenue très critique ou il faut
garnison carthaginoise, commandée par Hannon laisser le chemin libre aux Espagnols, lesquels
et Bostar, fondent sur eux d'un autre point. Dans pénétreront jusque dans le camp avec moins de
cette alarme subite, les Romains, pour ne pas peine encore qu'ils ne se sont frayé un passage
laisser sans défense une partie de leur camp, tan- à travers les rangs serrés des Romains, ou il
dis qu'ils protégeraient l'autre, flrent ainsi le faut les exterminer dans les retranchements. La
partage des troupes Ap. Claudius soutint l'effort chose n'était pas d'une si grande difficulté les

Auctorem peditum equiti immiscendorum centurionem sunt. Ap. Claudius Campanis, Fulvius Annibali est op-
Q. Navium ferunt, bonorique id ei apud imperatorem positus. C. Nero proprætor cum equitibus sextæ legionis
fuisse. via, qua' Suessulam fert; C. Fulvius F laccus legatus cum
V. Quum in hoc statu ad Capuam res essent, Anniba- sociali equitatu constitit e regionc Vulturni amnis. Prœ-
lem diversum Tarentinæ arcis potiundae Capuæque reti- lium non solito modo clamore ac tumultu est cœptum,
nendæ trahebant curæ. Vicit tamen respectus Capuae, in sed, ad alium virorum, equorum armorumquesonum,
quam omnium sociorum hostiumque couversos videbat disposita in mûris Campanorum imbellis multitudotan-
auimos; documento futurae, qualemcunque eventum de- tum cum a'ris crepitu, qualis in defectu lunæ silenti nocte
fectio ab Romanis habuisset. Igitur magna parte impe- cieri solet, edidit clamorem, ut averteret etiam pugnan-
dimentorum relicta in Bruttiis et omni gra' iore armatu, tium animos. Campanos facile a vallo Appius arcebat.
cum delectis peditum equitumque quam poterat aptissi- Major vis ab altera parte Fulvium, Annibal et pœni,
mis ad maturandum iter, in Campaniam contendit. Se- urgebant. Legio ibi seita loco cessit qua 1)ulsa cohors
cuti tameu tam raptim euntem tres et trigiuta elephanti. Hispanorum cum tribus elephantis usque ad vallum per-
In valle occulta post Tifata montem imminentem Capuae vasit ruperatque mediarn aciem Romanorum, et in an-
oonsedit. Adveniens quum castellum Galatiam, præsidio cipiti spe ac periculo erat utrum in castra perrumperet,
vi puiso, cepisset, iu circumsedentes Capuam se vertit. an intercluderetur a suis. Quem pavorem legionis peri-
Præmissis aute nuntiis Capuam, quo tempure castra ro- culumque castrorum Fulvius ubi vidit, Q. Navium pri-
mana aggressurusesset, ut eodem ei illi, ad eruptionem moresque alios centurionum hortatur, « ut cobortem
parati, portis omnibus sese effunderent, ingentem præ- hostium sub vallo pugnantem invadant. la summo discri-
boit terrorem. Nam alia parte ipse adortus est alia Cam- mine rem verti aut viam dandam iis esse; et minore
pani omnes, pedites equitesque, et cum iis Punicum conatu, quam condensant aciem rupissent, in castra ir-
præsidium, cui Bostar et Hanno præerant, erupit. Ro- rupluros aut conficiendossub vallo esse. Nec magni cer-
mani, ut in re trepida, ne ad unam concurreudopartem taminis rem fore paucos esse, et ab suis interclusos; et
aliqnid indefensi relinquerent, ita inter se copias partiti qua?, dum paveat Romanus, interrupta acies videatur,
Espagnols étaient en petit nombre et suparés des Vulturne les Romains eurent moins à résister à
leurs; et cette même légion qui, pour avoir pris des ennemis armés qu'aux balistes et aux scorpions
l'alarme, paraissait coupée, n'avait qu'à faire face placés sur la muraille, et qui portant fort loin
des deux côtés aux ennemis pour changer les écartaient les assaillants. D'ailleurs la blessure du
chances du combat et les envelopper. » A ces général Ap. Claudius ralentit leur fougue. Au mo-
mots du général, Navius enlève au porte-enseigne ment où, en avant des enseignes, il exhortait les
le drapeau de la seconde compagnie des lcastats
et menace de le jeter dans lesrangs des ennemis, si
siens, il fut atteint d'un javelot la
au-dessous de l'épaule gauche. Cependant un
poitrine,
les soldats ne le suivent aussitôt et ne prennent grand nombre d'ennemis furent taillés en pièces
part au combat. Navius avait une teille remar- devant la porte; les autres furent chassés en dé-
quable, que relevait encore l'éclat de ses armes, et sordrejusque dans la ville. Annibal après avoir
le drapeau qu'il tenait élevé avait attiré sur lui vu le massacre de la cohorte espagnole et la dé-
les regards des Itomains et desennemis. Aussi, dès fense acharnée du camp romain, renonça à le for-
qu'il fut parvenu jusqu'à la première ligne des cer, fit retirer les enseignes et ses fantassins, sa
Espagnols, on fit pleuvoir sur sa tête une grêle cavalerie suivant, comme arrière-garde, pourem-
de traits, et la cohorte presque entière se tourna pvcher l'ennemi de les harceler. Les légions brû-
coutre lui seul; mais ni la multitude des ennemis laient du désir de poursuivre les Carthaginois
ni cette grêle de flèches ne purent arrêter l'impé- mais Flaccus fit souner la relraite, se contentant
tuosité de ce guerrier. du double avantage qu'il avait obtenu, en prou-
VI. En ce momeut, le lieutenant M. Atilius vant aux Campaniens qu'Annibal ne leur serait
ublige l'enseigne de la première compagnie de la pas d'un grand secours, et en le faisant sentir à
même légion à porter l'étendard au milieu de la Anuibal lui-même. Les historiens qui ont parlé de
cohorte espagnole. De leur côté, les gardiens du cette bataille disent qu'on tua dans cette journée
camp, les lieutenants L. Porcius Licinius et T. Po- huit mille hommes de l'armée d'Annibal et trois
pillius combattent courageusemeut devant les re- mille de celle des Campaniens; qu'on enleva
tranchements,et tuent les éléphants aux portes mê- quinze étendards aux Carthaginois et dix-huit
mes qu'ils essa) aient de franchir. Les corps de ces aux Campaniens. D'autres écrivains ne donnent
animaux, en comblant le fossé, formèrent une pas tant d'importance à cette action et préten-
espèce de tertre et de pont, qui donna passage aux dent qu'il y eut plus de terreur que de carnage.
ennemis. Là, sur les cadavres de ces éléphants se Les Numides et les Espagnols, disent-ils, fondirent
livra une bataille sanglante. Dans l'autre partie tout à coup sur le camp romain avec leurs élé-
du camp, les Campaniens et la garnison carthagi- phants. Cesanimaux, se ruaut çà et là,renversèrent
noise étaient déjà repoussés et l'on combattait les tentes avec fracas et mirent en fuite les bêtes de
près de la porte même de Capoue qui conduit au somme qui rom paient leur licou. Ils a joutent qu'une

eam si se utrimque in hostem vertat, ancipili pugua me- manis resistebant quam quod porta ballistis se,orpioui-
dios circumveuluram.. Navius ubi hæc imperatorisdicta busque instructa missilibus procul hostes arcebat. Et
accepit, secundi hastati signum ademptum signifero in suppressit impelum Romanorum vulnus imperatoris
hostes infert; jacturum in medios eos minitans, ui se pro- Ap. Claudii cui, suos ante prima signa adhortanti, sub
pere sequanlur milites, et partem capessant pugnæ. In- lævo humero summum pectus gaeso ictum est. Magna ta-
geus corpus erat, et arma honestabant; et sublatum alte men vis bostium ante portam est caesa ceteri trepvdi in
signum converterat ad spectaculum cives bostesque. Ce- urbem compulsi. Et Anmbal, postquam cohortis Hispa-
terum, postquam jam ad signa perveneratHispanorum, norum stragem vidit, summaque vi castra hostium de-
tum uudique in eum tragulæ conjectæ, et prope tota in fendi, omissa oppugnatione, recipere signa, etconver-
unum acies versa sed neque bostium multitudo neque tere agmen peditum objecto a tergo equitatu ne hostis
telorum vis arcere impetum ejus viri potuerunt. instaret, cœpit. Legiouumardor ingens ad hostem inse-
VI. Et M. Atilius legatus, primi principis ex eadem quendum fuit sed Flaccus receptui cani jussit; satis ad
legione signum inferri in cohortem Hispanorum coegit. utrumque profectuui ratus, ut et Campani quam haud
Et, qui castris præerant, L. Porcius Licinus et T. Po- multum in Annibale præsidii esset, et ipse Annibal sen-
pillius legati pro vallo acriter propugnant, elephantos- tiret. Cassa eo die, qui hujus pugnæ auctores sunt, octo
que transgredientesin ipsovallo conficiunt.Quorum cor- millia bominum de Anmbalis eiercitu, tria ex Campanis
poribus quum oppleta esset fossa, velutaggereaut ponte traduot signaque Carthagioiensibus quindecim adempta,
injecto, transitum bostibus dedit. Ibi per stragem jacen- duodeviginti Campanis. Apud alios nequaquam tantam
lium elephantorum atroi édita cædes. Altera in parte molem pugnæ inveni, plusque pavoris,quam certammis,
castrorum jam impulsi erant Campani Punicumque prae- fuisse quum inopinato in castra romana Numidæ Hispa-
sidium, et sub ipsa porta Capuæ, quæ ad Vulturnum nique cum elephantis irrupissent; elephanti, per media
fort, pugnabatar neque tam armati irrumpentibusRo- castra vadentes, atragem tabernaculorumingenli sonitu
ruse d'Annibal accrut encore le désordre que ses poue craignanten outre que les nouveaux consuls
émissaires, qui parlaient la langue latine, allaient, ne lui coupassent les vivres, résolut d'abandonner
au nom des consuls, donner aux soldats l'ordre de une entreprise inutile et de décamper. Tandis
chercher en toute hâte une retraite dans les mon- qu'il examinait vers quel point il se dirigerait, une
tagnes voisines, puisque le camp ne pouvait plus réflexion soudaine le décida à marcher sur le
tenir; mais que cet artifice, bientôt découvert, fut foyer même de la guerre sur Rome. On lui re-
déjoué par un grand massacre des ennemis, et que prochait d'avoir laissé échapper, après la bataille
le feu écarta du camp les éléphants. Ce combat, de Cannes, une occasion toujours ardemment
quels qu'en aient été le commencement et l'is- désirée, et lui-même ne dissimulait pas sa faute
sue, fut le dernier qu'on livra avant la reddition « A la faveur d'une attaque
imprévue et de l'ef-
de Capoue. Le médixtutique, qui est le magistrat froi qu'elle causerait, il pouvait, disait-il, espérer
suprême des Campaniens, était, cette année, de se rendre maître de quelque partie de la ville;
un certain Seppius Lésius, d'une naissance ob- et si Rome était en danger, les deux généraux ro-
scure et d'une fortune médiocre. Dans son en- mains, ou du moins l'un des deux, abandonne-
fance, sa mère offrant un sacrifice pour détour- raient aussitôt Capoue; le partage de leurs troupes
ner un présage de famille, l'aruspice répondit les affaiblirait l'un et l'autre, et lui donnerait à
qu'il parviendrait un jour à la première dignité lui-même ou aux Campaniens l'occasion de les
de Capoue. Cette femme ne voyant aucun fonde- combattre avec succès. » Un seul soin l'inquié-
ment à cet espoir, répondit « Certes vous pré- tait sou départ pouvait devenir le signal de la
sagez pour les Campaniens un état désespéré, si reddition de Capoue. 11 engage à force de pré-
mon fils doit s'élever à un tel honneur 1 Cette sents, un Numide déterminé à tout oser, à se char-
raillerie d'une prédiction qui devait se vérifier ger d'une lettre, à entrer comme transfuge dans
fut elle-même justifiée par l'événement. En effet, le camp romain, et à pénétrer ensuite secrètement
lorsque Capoue était pressée par le fer et par la dans la place. La lettre était remplie de mots en-
faim qu'il ne restait plus aucun espoir et que courageants. « Sa retraite, commandée par leur
ceux que leur naissance appelait aux dignités en salut même, devait forcer les généraux romains et
refusaientl'honneur, Lésius, à force de reprocher leurs armées de marcher à la défense de Rome et
aux premiers citoyens de déserter, de trahir Ca- d'abandonner le siège de Capoue. Si l'on ne per-
poue, obtint la souveraine magistrature, et fut dait point courage, si l'on patientait encore quel-
de tous les Campaniens le dernier qui l'exerca. ques jours, la ville serait entièrement délivrée
VII. Annibal, reconnaissant l'impossibilité d'at- du blocus. » Ensuite il s'empare des bâtiments
tirer les Romains à un autre combat, et de s'ou- qui se trouvaient sur le Vulturne, et les fait re-
vrir à travers leur camp un passage jusqu'à Ca- monter jusqu'au fort qu'on avait construit par

ac fugam abrumpentiumvincula jumentorum facerent; puam posse, ne suos quoque commeatus intercluderent
fraudem quoque super tumultum adjectam immissis ab novi consules, abscedere irrito incepto, et movere a Ca-
Annibale, qui (babuit aliquot) gnari latinæ linguæ ju- pua statuit castra. Multa secum quonam inde ire per-
bcrent consulum verbis, quoniam amissa castra esseot, geret, volventi subiitanimumimpetus, caput ipsum belli
pro se quemque militum in proximos montes fugere sed Romam petendi cujus rei semper cupitae pre'termissam
eam celeriter cognitam fraudem, oppressamque magna occasionem post Cannensem pugnam et alii vulgo fre-
cæde hostium; elephantos igni e castris exactos. Hoc ul- mebant, et ipse non dissimulabat. « Necopinato payore ac
timum ( utcunque initum finitumque est ante deditionem tumulta, non esse desperandum, aliquam partem urbis
Capuæ prœlium fuit. Medixtuticus, qui summus magi- occupari posse et si Roma in discrimine esset, Capuam
stratus apud Campanos est, eo anno Seppius Lesius erat, extemplo omissuros aut ambo imperatores romanos, aut
loco obscuru tenuique fortuna ortus. Matrem ejus quon- alterum ex iis et, si divisissent copias, utrumque infir-
dam, pro pupillo eo procurantem familiare ostentum, miorem factum aut sibi, aut Campanis, bene gerendat
quum respondisset haruspez summum quod esset impe- rei fortunam daturos esse. » Una ea cura angebat, ne,
rium Capuee, perventurum ad eum puerum, nihil ad ubi abscessisset, extemplo dederentur Campani. Numi-
eam spem agnoscentem, dixisse ferunt, « Næ tu perditas dam promptum ad omnia addenda donis pellicit, ut, li-
res Campanorum narras, ubi summus honos ad filium teris acceptis, specie transfugæcastra romana ingressus,
meum perveniet! Ea ludificatio veri et ipsa in verum allera parte Capuam clam pervadat. Literae autem erant
vertit. Non quum fame ferroque urgerentur, nec spes adhortatione plenæ. « Profectionemsuam, quæ salutaris
ulla superesset, iis, qui nati in spem bonorum erant, illis foret, abstracturam ad defendendam Romam ab op-
honores detrectantibus; Læsius, querendo desertam ac pugnanda Capua duces atque exercitus romanos. Ne de-
proditam a primoribus Capuam, summum magistratum sponderentanimos tolerando pancos dies totam solutu-
ultimus omnium Campanorumcepit. ros obsidionem. » Inde naves in flumine Vulturno com-
VII. Ceterum Anuibal, ut nec hostes elici amplius ad prehensas subigi ad id, quod jam ante praisidii causa
pugnam vidit, nec per castra eorum perrumpi ad Ca- fecerat, castellumjussit. Quarumubi tantam copiam esse,
ses ordres pour défendre cette position. Voyant pouvait se détacher avec une partie des légions,
qu'il y en avait une assez grande quantité pour en laissant son collègue devant Capoue avec des
passer ses troupes en une nuit, il fait préparer des forces suffisantes pour la réduire, Claudius et Ful-
vivres pour dix jours et amène, pendant la nuit, vius devaient décider ensemble qui des deux con-
ses légions sur les bords du fleuve, qu'il traverse tinuerait le siège, et qui viendrait à Rome, pour
avantlejour. protéger la pairie. » A la réception de ce sénatus-
VIII. Avant que ce projet fût exécuté, Fulvius consulte, le proconsul Q. Fulvius, à qui la bles-
Flaccus en fut instruit par des transfuges; il sure de son collègue faisait une obligation de se
écrivit à Rome, au sénat cette nouvelle affecta rendre à Rome, choisit, dans les trois armées,
les esprits selon la différence des caractères. Une quinze mille fantassins,mille cavaliers, et leur fit
situation aussi critique fit aussitôt convoquer le passer le Vulturne. De là, assuré qu'Annibal s'a-
sénat. P. Cornélius, surnommé Asina, voulait vancerait par la voie Latine, il prit la voie Appia,
qu'on rappelât de l'Italie entière tous les chefs et et envoya des courriers dans les villes municipa-
toutes les armées; qu'on oubliât Capoue et toute les qui bordent cette route, telles que Sétia, Cora,
autre expédition, pour protéger Rome. Fabius Lanuvium, pour avoir des vivres tout prêts dans
Maximus répondit « que lever le siège de Capoue, ces villes, et en faire apporter des campagnes voi-
trembler au moindre geste d'Annibal, et se préoc- sines sur son chemin; chaque cité devait en outre
cuper ainsi de ses marches et contre-marches, lui rassembler des garnisons pour se défendre avec
semblait honteux. Le vainqueur de Cannes n'avait ses propres ressources.
point osé marcher sur Rotue; aujourd'hui, re- IX. Annibal, le jour même où il traversa le
poussé devant Capoue, aurait-il donc conçu l'es- Vulturne, campa à peu de distance de ce fleuve.
poir de s'en emparer? Non il ne venait point as- Le lendemain passant devant Calès, il se rendit
siéger Rome mais il voulait délivrer Capoue. sur le territoire de Sidicinum; il s'y arrêta tout
Rome devait trouver des défenseurs dans l'armée an jour pour ravager le pays, et poursuivit sa
qui élait dans son enceinte, dans Jupiter, témoin route par la voie Latine, sur les terres de Suessula,
des traités violés par Annibal, et dans les autres d'Allifanum et de Casinum. Il demeura deux jours
dieux. » Tenant le milieu entre ces deux avis con- sous les murs de cette ville et dévasta le terri-
traires, celui de P. Valérius Flaccus l'emporta il toire d'alentour. De là, longeant Intéramna et
conciliait tous les intérêts. Il proposa « d'écrire Aquinum, Il arriva dans les plaines de Frégelles
aux généraux qui étaient devant Capoue, et de sur les bords du fleuve Liris, où il trouva le pont
leur faire connaître ce que Rome avait de forces rompu par les Frégellans, dans le but de retar-
pour sa défense ils savaient avec combien de der sa marche. De son côté, Fulvius fut d'abord
troupes marchait Annibal, et combien il en fallait arrêté près du Vulturne, Annibal a)ant brûlé les
pour continuer le siége. Si l'un des deux chefs bateaux, et la disette de bois rendant très-dif-

ut una nocte trajici posset exercitus, allatum est, cibariis ipsos scice. Si et Romam e ducibutalter, et exercilus part
decem dierum præparatis, deductas nocte ad fluvium le- mitti posset, ut ah reliquo et duce et eiercitu Capua recte
giones ante lucem trajecit. obsideretur; inter se compararent Claudius Fulviusque,
VIII. Id priusquam fieret ita futurum compertum ex utri obsidenda Capua utri, ad prohibendam ohsidione
transfugis Ful vins Flaccus senatui Romam quum scrip- patriam, Romam veniundum esset.. Hoc senatuseonsulto
aisset, varie hommum animi pro cujusque iugemo affecti Capuam perlato, Q. Fulvius proconsul, cui, collega ex
sunt. Ut in re tam trepida, senatu extemplo vocato, vulnere mgro, eundum Romam erat, e tribus exercitibus
P. Cornelius, cui Asinæ cognomen erat, omnes duces milite electo, ad quindecim millia peditum, mille equites,
eiercitusque ex tota Italia, neque Capuæ, neque ullius Vulturnum traducit. Inde quum Annibalem Latina via
alterius rei memor, ad urbis praesidium revocabat. Fa- iturum satis comperisset, ipse per Apptæ municipia, quæ-
bius Maiimus, abscedi a Capua, terrerique et circumagi que propter eam viam sunt, Setiam Coram, Lanumum
ad nutus comminationesqueAunibalis, flagitiosum duce- præmisit, ut commeatus paratos et in urbibus baberent,
bat. « Qui ad Cannas victor ire tamen ad urbem ausus et ex agris deviis in viam proferrent, prxsidiaque in ur-
non esset, eum, a Capua repulsum, spem potiundæ urbis bes contraherent,utsua cuique respublica in manu esset.
Romæ cepisse? Non ad Romam obsidendam, sed ad IX. Annibal, quo die Vulturnum est transgressus,
Capuæ liberandam obsidionem, ire. Romam cum eo haud procul a flumine castra posuit. Postero die præter
exercitu qui ad urbem esset, Jovem, fœderum rupto- Cales in agrum Sidicinum pervenit. Ibi diem unum po-
rmn ab Annibale testem, deosquealios defensuros esse.» pulando moratus, per Suessanum Allifanumqueet Casi-
Has diversas sententias média sententia P. Valerii Flacci natem agrum via Latina ducit. Sub Casinum biduo sta-
vicit qui, ulriusque rei memor, imperatoribus, qui ad tiva habita et passim populationes facta'. Inde, prarter
Capuam esseut, scribendum censuit,.quid ad urbem Interamnam Aquinumque, in Fregellanum agrum ad
præsidil esset; quantas autem Annibal copias duceret, Lirim fluvium ventum ubi intercisum pontem a Fre-
aut quanto exercitu ad Capuam obsidendam opus esset, gellams morandi itmeris causa invemt. Et Fulvium Vul'
ficile la construction de radeaux. Lorsque l'ar- rupture du pont par la dévastation complète du
mée eut passé sur des pontons, Fulvius conti- territoire de Fréjelles traverse les plaines de
nua sa route sans obstacle, trouvant des vivres Frusina, de Férentia, d'Anagnia, et arrive dans
en abondance, tant dans les villes que sur son le Lavicum. De là, prenant par le mont Algide,
chemin. Les soldats, pleins d'ardeur, s'exhor- il paraît devant Tusculum on lui en ferme les
taient les uns les autres à doubler le pas, se rap- portes; il passe au-dessous de cetle ville, tourne
pelant qu'ils marchaientà la défense de la patrie. à droite et descend à Gabies. Puis il s'avance
Un courrier de Fréôelles, qui avait marché sans sur Pupinia et vient camper à huit milles de
relâche jour et nuit, jeta dans Rome une grande Rome. Plus l'ennemi approchait, plus le carnage
terreur. L'affluence des habitants de la campagne, qu'on faisait des fuyards était affreux, les Numi-
dont les récits ajoutaient le mensonge à la vérité, des formant l'avant-garde on faisait beaucoup de
avait répandu l'agitation dans toute la ville. C'était prisonniers de tout âge et de tout sexe.
peu que les femmes Ossent retentir de leurs gé- X. Au milieu de cette épouvante, Fulvius Flao-
missements les maisons particulières; les dames cus entre à Rome avec son armée par la porte Ca-
de distinction, bravant tous les regards, couraient pène, et traverse le quartier des Carènes et des
en foule vers les temples des dieux; les cheveux Esquilies; puis il vient camper entre les portes
épars, agenouillées au pied des autels, les mains Esquiline et Colline. Les édiles plébéiens y font
tendues vers le ciel et vers les dieux, elles les sup-
passer des vivres. Les consuls et le sénat se rendi-
plient d'arracher Home aux mains des ennemis, rent au camp, et l'on y délibéra sur les nécessités
et de sauver l'honneur et la vie aux mères ro- extrêmes de la république. On décida que les con-
suls camperaiententre les portes Colline et Ebqui-
maines et à leurs jeunes enfants. Le sénat se tient
dans le forum, prêt à aider les magistrats de sesline que C. Calpurnius, préteur de la ville, au-
décrets. Les uns reçoivent des ordres et courent rait le commandement du Capitole et de la cita-
où les appelle leur mission les autres viennent delle, et que le sénat se tiendrait en corps dans le
d'eux-mêmes offrir leurs services; des troupes forum, afin de pouvoir y tenir conseil sur les évé-
nements imprévus. Cependant Annibal était venu
sont placées dans la citadelle, dans le Capitole, sur
les remparts, autour de la ville, sur le mont Al-asseoir son camp sur les bords de l'Auio, à trois
bain et dans le fort d'Ésula. Dans ce tumulte, milles de Rome. De là, il s'avança en personne à
on apprend que le proconsul Q. Fulvius est la tête de deux mille cavaliers, du côté de la porte
parti de Capoue avec son armée. Pour qu'il ne Colline, jusqu'au temple d'Hercule; et, s'appro-
perde rien de son autorité, à son entrée dans chant à cheval le plus près possible, il examina les
Rome, le sénat décrète que son pouvoir sera égal remparts et la situation de la ville. Lui laisser
à celui des consuls. Annibal, se vengeant de la faire impunément cette bravade parut une honte

tnrnus tenuerat amnis, navibus ab Annibale incensis, rium, si in urbem venisset decernit senatus, ut Q. Ful-
rates ad trajiciendumexercitum, in magna inopia mate- vio par cum consulibus imperium esset. Annibal infestius
ris, ægre comparantem.Trajecto ratibus exercitu, re- perpopulato agro Fregellauo propter intercisos pontes,
liquum Fulvio expeditum iter, non per urbes modo, sed per FrusinateuiFerentinatemqueet Anagninumagrum in
circa viam, expositis benigne commeatibus, erat ala- Lavicanum veuit. Inde Algido Tusculum petirt nec rece-
cresque milites alius alium, ut adderet gradum, memor ptus mœnibus, infra Tusculum dextrorsus Gabiosdescen-
ad defendendam ire patriam hortabantur. Romam Fre- dit. Inde in Pupiniamexercitu demisso,octo millia passuum
gellanus nuntias, diem noctemque ilinere oonlinuato iu- ab Roma posuit castra. Quo propius hostis accedebat, eo
gentem attulit terrorem. Tumultuosius, quam allatum major cades fiebal fugientium præcedentibus Mumidis:
erat, cursus hominum, affingentium vana auditis, totam pluresque omnium generum atque aetatum capiebantur.
urbem conciverat. Ploratus mulierum non ex privatis so- X. In hoc tumultu F ulvius Flaccus, porta Capena cum
lum domibus exaudiebatur; sed undique matronæ, in exercitu Romam mgressus, média urbe per Gariuas Es-
publicum effusa;, cirea deum delubra discurrunt, crini- quilias contendit. Inde egressus, inter Esqudmam Colli-
hus passis aras verrentes, nisae genibus, supinas manus namque portam posuit castra. Ædiles pleins commeatum
ad cœlum ac deos tendeutes, orantesque, ut urbem ro- eo comportarunt. Consules senatusque in castra vene-
manam e manibus hostium eriperent, matresque roma- runt ibi de summa republica consultatum. Placuit, con-
nas et liberos parvos inviolatoa servarent. Senatus magisa sules circa portas Collinam Esquilinamqueponere castra
tratibus in foro præsto est, si quid consuiere velint. Alii C. Calpurnium prætorem urbanum Capitolio atque arci
accipiunt imperia, disceduntque ad suas quisque officio- præesse et senatum frequentem in foro contmeri, si
rum partes alii offerunt se si quo usus operæ sit. Prie- quid in tant subitis rébus cousulto opus esset. Inter hæc
sidia in arce, in Capitolio, in muris, circa urbem, in Annibal ad Anienem fluvium, tria millia passuum ab
monte etiam Albauo atque arce Æsulana ponuntur. Inter urbe, castra admovit. Ibi stativis positts, ipse cum duo-
hune tumultum, Q. Fulvium proconsnlem proftttum bus millibus equitnm a porta Collina usque ad Herculu
wm exercitu a Capua affertur; cui ne mtnucretur imge- templum est progressus; atque, unde proxime poterat,
h Flaccus il détacha quelques escadrons, avec lendemain, Annibal, qui avait passé
XI. Le
or·ire de chausser et de repousser jusque dans l'Anio, rangea toutes ses troupes en bataille: Flac-
ses lignes la cavalerie ennemie. Le combat était cus et les consuls ne refusèrent point le combat.
déjà engagé, lorsque les consuls ordonnèrent aux Les deux armées en présence allaient engager une
transfuges numides qui, au nombre de douze action dont Home eût été le prix, lorsqu'une pluie
cents, occupaient le mont Aveutin, de traverser ballante, mêlée de jeta
un tel désurdre dans
la ville et de gagner les Esqudies, jugeant qu'il les rangs des deux partis que, pouvant à peine
n'y avait pas de troupes plus propres à combattre retenir leurs armes, ils se retirèrent dans leur
au milicu des vallées, des jardins, des tombaux camp, sans avoir ni d'un côté ui de l'autre cédé
et des chemins creux dont ce quartier est rempli. le terrain par peur. Le lendemain, les armées
plusieurs Romains, les voyant de la citadelle et s'avancent en bataille au même endroit; un oura-
du Calilole descendre à cheva) par la rue Publi- gan semblable les sépare et dès qu'elles sont ren-
cius, s'écrièrent que l'Aventin était pris. Ces mots trées dans leurs lignes, ô prodige 1 le calme et la
occasionnèrent un tel désordre parmi ceux qui sérénité renaissent. Les Carthaginois attribuèrent
fuyaient, que toute cette multitude trcmblaute se cet événement à l'intervention divine, et l'on en-
serait précipitée hors des murailles, si les Cartha- tendit Annibal s'écrier « que les dieux lui refu-
ginois n'eussent pas été campés aux portes mê- saicnt lantôt la volonté, tantôt le pou\oir de pren-
mes de Rome. Chacun se réfugiait dans les mai- drela ville de Rome. o Deux autres circonstances,
sons, sur les toits, et accablait de pierres et de l'une futile et l'autre grave, diminuèrent encore
traits, comme autant d'ennemis, ses propres con- son espoir. La première, d'une grande impor-
citoyens errants çà et là dans les rues. Il était im- tance, ce fut la nouvelle que reçut Annibal, au
possible de faire cesser le tumulte et de reconnaî- moment même où il campait sous les murs de
trc l'erreur, les chemins étant encombrés de gensRome, que des soldats romains parlaient, ensei-
des campagnes et de bestiaux, qu'une frayeur sou- gnes déployees, pour aller renforcer l'armée d'Es-
daine avait jetés dans la ville. Les Romains furent pagne. La seconde avait moins de gravité il sut
vainqueurs dans le combatde cavalerie, etles Car- par un prisonnier que le champ où il était campé
thaginois repoussés. Comme on avait à réprimer venait d'être vendu, sans que cette circonstance
les mouvements qui naissaient sans motifs sur en eût diminué le prix. Il s'indigna de tant de
plusieurs points, on résolut de rendre le pouvoir fierté et de ce qu'un terrain dont la guerre l'avait
à tous ceux qui avaient été dictateurs consuls ou rendu possesseur et maître eût trouvé à Rome un
censeurs, pour l'exercer jusqu'à la retraite de l'en- acquéreur, et, faisant aussitôt venir un crieur, il
ncmi. Le reste du jour et la nuit suivante, il y eut ordonna qu'on mit à l'encan les boutiques d'or-
encore beaucoup d'alarmes, qui furent apaisées. févres, qui étaient alors autour du forum romain.

mœnia situmqre urbis obequitans contemplabatur. Id XI. Postero die transgressus Anienem Annibal in
cum tant hceuter atque otiose facere, Flacco indignum aciem omnes copias eduxit nec Flaccus consutesque cer-
visum est. Itaque immisrt équités, summoverique atque tamen detreclavere. lustructis utrimque exercitibus in
in castra redigi bostium equitatum jussit. Quuin commis- ejus pugnoe casum, in qna urbs Ronia victori præmium
sum prœhum esset, consules transfugas Numidarum, esset, imber ingens grandine mixtus ita utramque aciem
qui tum in Aventino ad mille et ducenti erant, média turbavit, ut rix armis retentis in castra sese receperiut,
urbe transire Esquilias Jusserunt nnllos aptiores, inter nullius rei minore, quam hostium metu. Et postero die
cuuvalles tectaque hortorum et sepulchra aut cavas undi- eodem loco acies instructas eadem tempestas diremit. Ubi
que vias, ad pugnandum futuros rati. Quos quum ex arce recepissent se in castra, mira serenitas cum tranquillitate
Cipitolioque chvo Publicio tu equis decurrentes quidam oriebatur. In religionem ea res apud Pœnos %ersa est
vidissent, captum Aventinum conclamaveruut. Ea res auditaque voi Anuibalis fertur, Potiundæ sibi urbis
tantum tumultum ac fugam prxbuit, ut, nisi castra pu- Romæ modo mentem non dari, modo fortunam. »Mi-
uica extra urbem fuissent,effusura se omnis pavida mul- nuere etiam spem ejus et aliæ, parva magnaque, res
titudo fuerit. Tune in domos atque in tecta refugiebant magna illa, quod, quum ipse ad mcenia urbis Romæ ar-
vagosque in viis suos pro hostibus lapidibus telisque in- matus sederet, milites sub vexillis in supplementum His-
cessebant. Nec comprimi tumultus aperirique error po- paoiae profectos audivit: parva autem quod per eos dies
terat, refertis itinetibus agrestium turba pecorumque, eum forte agrum, iu quo ipse castra baberet, venisse,
quæ repentinus pivor in urbem compulerat. Equestre nihil oh id deminuto pretio, cognitam ex quodam caphvn
prœlium secundumfuit, summotique hostes sunt et, quia est. Id vero adeo superbum atque indignum visum, ejus
multis locis comprimendi tumultus erant, qui temere orie- soli quod ipse bello captum possideret baberetque, in-
bantur, placuit onmes, qui dictatores, cousules, censo- ventum Romae emptorem ut, extemplo vocato præcone,
resve fuissent, cum imperio esse, donec recessisseta mu- tabernas arcentarias, que circa forum romauum tuno
ris bostis. Et diei quod reliyuum fuit, et nocte insequenti, essent, jusserit venire. His motus ad Tutiam fluvmut
multi temere excitati tumultus suut compressique. castraretulit, sex millia passuum ab urbe. Inde ad lucum
F.nfin émue de toutes ces choses, il recula son I dant ce temps-là, poussé avec la même vigueur,
camp sur les bords de la rivière Tutia, à six s'aperçut cependant du retour de Flaccus, et s'é-
milles de Rome, et se dirigea ensuite vers le tonna beaucoup de ne pas voir Annibal revenir
bois sacré de Féronie, où se trouvait un tem- aussitôt que lui. Les habitants apprirent ensuite,
ple alors célèbre par ses richesses. Des Capena- dans des pourparlers, qu'ils étaient abandonnés,
les, antiques habitants de ces lieux, en y por- livrés à eux-mêmes, et que les Carthaginois avaient
tant pour offrandes les prémices des fruits de la perdu toute espérance de conserver Capoue. A
terre et d'autres présents, y avaient accumulé cette nouvelle se joignit une proclamation du pro-
beaucoup d'or et d'argent. Annibal dépouilla le consul, publiée d'après un sénatus-consulte et ré-
temple de tous ses trésors; on trouva, après son pandue parmi les ennemis. Elle portait « que tout
départ, des monceaux de bronze, débris qu'une citoyen de Capoue qui, avant un jour marqué,
frayeur religieuse avait fait abandonner des sol- passerait dans le camp romain, y serait en secu-
dats. Tous les écrivains sont d'accord sur la spo- rité. o Personne ne s'y rendit, moins par devoir
liation de ce temple. Suivant Célius, Annibal, que par crainte; car ils savaient que leur défec-
marchant sur Rome, se détourna d'Eretium pour tion les avait jetés dans de trop grandes fautes
s'y rendre, prit sa route par Réate, Cntilie et Ami- pour qu'on pût les leur pardonner. Mais si l'inté-
terne, passa de la Campanie dans le Samnium, de rêt personnel ne poussait aucun particulier à se
là chez les Péligniens. Laissant de côté la place de rendre à l'ennemi il n'était pris non plus aucune
Sulmone dans le pays des Marruciniens, il tra- mesure de salut public. La noblesse abandonnait
versa le territoire d'Albe chez les Marses, et par- entièrementle soin des affaires et refusait de s'aa-
vint ensuite à Amiterne et au bourg de Forules. sembler en sénat. La suprême magistrature était
11 n'y a pas là d'erreur les traces d'une si grande dévolue à un homme qui, loin d'en tirer quelque
armée n'ayant pu se confondredans les souvenirs, honneur, lui avait, par sa bassesse, ôté toute force
après un laps de temps si court il est en effet et toute dignité. Dans le forum, dans les lieux
constant qu'Annibal suivit cette route. Il ne reste publics, on n'apercevait plus un seul citoyen mar-
plus qu'à savoir si c'est en venant à Rome ou en quant renfermés chez eux ils attendaient de
regagnant la Campanie. jour en jour la ruine de leur patrie, signal de
XII. Au reste, les Romains mirent plus d'opi- leur perte. Tout le soin des affaires reposait dans
niâtreté à presser le siège de Capoue, qu'Annibal Bostar et dans Hannon, commandants de la garni-
à défendre cette place; car il passa de la Lucanie son carthaginoise; mais, plus préoccupés de leur
dans le Bruttium et se porta vers le détroit et propre péril que de celui de leurs alliés, ils écri-
jusqu'à Rhégium avec une telle promptitude, que virent à Annibal en termes libres et même amers,
son arrivée imprévue faillit surprendre les habi- lui reprochant a de n'avoir pas seulement livré
tants. Capoue, bien que le siège en eût été, pen- Capoue aux Romains, mais de les avoir trahis,

Feroniæ pergit ire, templum ea tempestate inclutum di- Flacci sensit et admiratioorta est, non simul regressum
vitiis. Capenates antiqui accolæ ejus erant; primitias Annibalem. Inde per colloquia intellexerunt, relictos se,
frugum co donaque alia pro copia portantes multo auro desertosque et spem Capuae retinendædeploratam apud,
argentoque id exornatum habebant. Mis omnibus donis Pœnos esse. Accessitedictum proconsulis ei senatuscon-
tum spoliatum templum. Æris acervi, quum rudera n
sulto propositum, vulgatumque apud hostes Ut, qui
milites religione intacli jacerent, post profectionem An- civis Campanus ante certam diem transisset, sine fraude
nibalis magni inveuti. Hujus populatio templi haud dubia esset. » l'ec ulla facta est transitio, meta magis eos, quam
iuter scriptores est. Cælius, Romam euntem ab Ereto fide, continente; quia majora in defectione deliquerant,
devertisse eo Annibalem, tradit iterque ejus ab Reate, quam quibus ignosci posset. Ceterum quemadmodum.
Cutilüsque, et ab Amiterno orditur. Ex Campania io nemo privato consllio ad bostem transibat, ita nihil salu-
Samnium, inde in Pelignos pervenisse; præterque op- tare in medium consulebatur.llobilitas rempublicam de-
pidum Sulmonem in Marrucinos transisse; iude al- seruerat, neque in senatum cogi poterant. In magistratu
beusi agro in Marsos, bine Amiternum, Forulosque autem erat qui non sibi houorem adjecisset, sed iodigu'i-
vicum venisse. Neque ibi error est, quod tanti exercitu tate sua vim ac jus magistratui quem gerebat, dempsis-
vesligia intra tam brevis oevi memoriam potuerint con- set. Jam ne in foro quidam, aut publico loco principum
fuudi isse enim ea constat. Taatumidinterest, veneritne quisquam apparebat donubus iuclusi patriæ occasum
eo itinere ad urbem an ab urbe in Campaniam redierit. cum suo eiitio in dies exspectabant. Summa curæ omnis
XII. Ceterum non quantum pertinaciæ ad premendam in Bostarem Hannonemque præfectos præsidir Punici
obsidione Capuam Romanis fuit, tautum ad defendeu- versa erat, suo, non sociorum, periculo sollicitos. Ili,
dam Annibali. Namque ex Lucanis in Bruttium agrnm, conscriptis ad Annibalem literis, non libere modo, sed
ad fretum vero ac Rhegium eo cursu contendit, ut prope etiam aspere, quibus, non Capuam solam traditam in
repentino adventu incautos oppresserit. Capua etsi nib;lo manum bostibus, sed se quoqne et praesidium in omnex
segnius obsessa per eot dies fuerat, tamen adveutum cruciatus proditos, incusabant abiisse eum in Bruttius,
exposés h toutes les tortures, eux et la garnison apprête, il avoue le fait, livre les lettres, et ajoute
pour lui il s'était retiré dans le Bruttium, comme à sa déposition la révélation d'un point encore
pour éviter d'être le témoin de la prise de leur ignoré, que d'autres Numides crraient comme
ville, tandis que les Romains n'avaient pu, par transfuges dans le camp romain. Plus de soixante-
le siège même de Rome, être arrachés au siège de dix furent pris et lattus de verges avec les nou-
Capoue tant la haine romaine était plus con- veaux déserteurs; on leur coupa les mains. et on
slante que l'amitié carthaginoise. S'il revenait à les fit rentrer dans Capoue. La vue de cet affreux
Capoue, s'il dirigeait sur ce point tout l'effort de supplice abattit le courage des Campaniens.
la guerre, ils se tiendraient prêts, ninsi que les ILIII. Le peuple, se portant en foule au palais,
Campauiens, à faire une sortie. Ce n'était pas pour obligea Lésius d'assembler le sénat; on menaça
faire la guerre à Rhégium et à Tarente qu'ils publiquement les principaux sénateurs, s'ils ne
avaient passé les Alpes; où étaient les légions ro- se rendaient pas au conseil, où depuis longlemps
maines, là aubsi devaient se trouver les armées ils n'assistaient plus, d'aller les chercher jusque
carthaginoises. C'est ainsi qu'on avait vaincu à dans leurs maisons, et de les traîner de force dans
Cannes, ainsi à Trasimène, en cherchant l'en- les rues. Cette menace entoura Lésius d'un sénat
nemi, en plaçant son camp près du sien, en ne assez nombreux. Tous étaient d'avis d'envoyer
cessant de tenier la fortune, » Les lettres, écrites des ambassadeurs aux généraux romains, lorsque
dans ce sens sont données à des Numides, qui, Vibius Virrius, dont les conseils avaient décidé la
pour une récompense, ont promis leur service. révolte contre Rome, interpellé à son tour, soutient
Ils arrivent, comme transfuges, dans le camp de d'abord « que ceux qui parlent d'ambassade, de
Flaccus, afin de s'échapper en temps opportun. paix, de soumission, ontoublié ce qu'ils eussent fait
La famine, qui depuis longtemps désolait Capoue, eux-mêmes s'ils avaient cu les Romains eu leur
ne rendait pas imprubable le motif de cette dé- pouvoir, et ce qu'ils doivent en attendre. Eu
sertion mais une Campanienne, la maîtresse d'un quoi 1 ajoute-t-il croyez-vous qu'en nous rendant
des transfuges, arrive tout à coup dans le camp aujourd'hui nous serons traités comme dans le
et déclare au général romain que les Numides, à temps où, pour obtenir leur secours contre les
la faveur de cette feinte désertion sont porteurs Samnites, nous leur avons livré nos personnes et
de lettres pour Annibal l'un d'entre eux le lui a nos biens? Avez-vous déjà oublié à quelle époque
avoué, et elle est prête à le convaincre. Le trans- et dans quelles circonstances nous avons renoncé
fuge, confronté avec elle, met d'abord assez d'as- à l'alliance des Romains? comment, dans notre
surance à feindre de ne la pas connaitre; mais révolte, au lieu de renvoyer leur garnison, nous
cédant peu à peu à la force de la vérité et à la l'avons fait périr au milieu des tourments et des
crainte de la question dont on le menace et qu'on outrages? combien de fois et avec quel aclrarne-

velut avertentemsese, ne Capua in oculis ejus caperetur. rum Numidas vagari in castris romanis. IIi supra septus-
At, hercule, Romanos ne oppugnatione quidem urbis ginta comprehensi, et cum trantfugis novis mulctati vir-
romanæ abstrahi a Capua obsidenda potuisse. Tanto con- gis, mauibusque præcisis, Capuam rediguntur. Couspe-
stantiorem inimicum Romanum, quam amicum Pœnum ctum tam triste supplicium fregit animos Campanorum.
esse. Si redeatCapuam, bellumqueomueeovertat, et se XIII. Concursus ad curiam populi factus coegit Le-
et Campauos paratos eruptiooi fore. Non cum Rheginis, sium senatum vocare et primoribus, qui jam diu publi-
ncque Tarentmis bellum gesturos transisse Alpes. Ubi cis consiliis aberant, propalam minabanlur, nisi venirent
romanæ legiones sint, ibi et Carthaginiensium exercitlls in senatum, circa domos eorum ituros se, et in publl-
debere esse. Sic ad Cannas, sic ad Trasimenum rem bene cum omnes vi eltracturos esse. Is timor frequentem se-
gestam coeundo conferendo cum hoste castra fortu- natum magistratui præbuit. Ibi quum ceteri de legatis
nam tentando.. ID banc seutentiam literæ conscriptae mittendis ad imperatores romanos agerent, Vibius Vir-
Nurnidis, proposita mercede jam professis operam, dan- rius, qui defectionisab Romanis auctor fuerat, interro-
tur. Ili specie transfugarum quum ad Flaccum in castra gatus sententiam uegat, « eos, qui de legatis et de pace
venissent, ut inde tempore capto abirent; famesque, quas acdeditioneloquantur, meminissc, nec quid facturi fue-
tant diu Capuæ erat nulli non probabilem causam trans- rint, si Romanos in potestate habuissent; nec quid ipsis
itionis faceret, mulier repente Campana in castra venit, patiendum sit. Quid? vos, inquit, eam dediuonemfore cen-
scortum transfugarumunius; indicatque imperatoriro- setis, qua quondam, ut adversus Samnites auxilium im-
rnano, Numidas fraude composita transisse, literasque petraremus, nos nostraque omnia Romanis dedidimus?
ad Annibalem ferre. Id uuum ex iis, qui sibi rem ape- Jam e memoria excessit quo tempore, et in qua fortuna
ruisset, arguero sese paratam esse. Productus primo satis a populo romane defecerimus? jam, quemadmodum in
constinter ignorare se mulierem simulabat paullatim defectione praesidium, quod poterat emitti, per crucia-
deiu convictu3 veris quum tormenta posci et parari vi- tum et ad contumeliam necarimus?quoties in obsidentes,
deret, fassusid ita esse. Literæque prolatas; et additum quam inimice eruperimus, castra oppugnarimus?Auni-
etiam indicio. quod celabatur, et alios specie transfuga- bulem vocaverimus ad opprimendos eos? boc quod receu-
1.
mort nous nous sommes jetés sur eux pendant le laienl perdre Rome s'ils n'abandonnaient Capouel;
siège, nous avons attaqué leur camp, et appelé ils ne se sont pas retirés. Les bêles féroces, même
Annibal pour les écraser? comment, enfin, nous dans les plus violents accès de leur rage, si elles
l'avons tout récemment pressé de quitter ce pays voient marcher vers leurs tanières et leurs petits,
pour aller assiéger Rome? Rappelez-vous aussi quittent tout pour courir les défendre. Il n'en est
avec duclle auimosité ils outeuv-mêmes agicontre pas ainsi des Romains ni Rome menacée, ni
nous et, par là, jugez de ce que vous (lever en leurs femmes, ni leurs enfants, dont les cris plain-
attendre. Lorsqu'ils avaient en llalie un ennemi tifs retentissaient presque jusqu'ici, ni lcurs au-
étranger, et que cet ennemi était Annibal; lorsque tels, ni leurs lovers, ni les temples de leurs
la guerre avait mis tout en feu dans Ieur empire, dieux, ni les tombeaux de leurs ancêtres profanes
oubliant tous leurs ennemis, oubliant Annibal lui- et détruits, rien n'a pu les arracher de Capoue
même, c'est au siège de Capoue qu'ils ont envoyé tant ils sont avides de vengeance, tant ils ont
les deux consuls et les deux armées consulaires. soif de notre sang! Et peut-être n'est-ce pas à
Depuis près do deux ans ils nous tiennent investis tort nous eussions fait comme eux si la fortune
et enfermés dans nos murs, où ils nous épuisent nous eût été favorable. Mais puisque les dieux
par la faim, exposés, comme nous, aux plus in.mortels en ont ordouné autrement, et que je
grands périls et supportantdes fatigues extrêmes, ne dois même pas refuser la mort, je puis au
souvent massacrés autour de leurs retranchements moins, tandis que je suis encore libre et maître
et de leurs fossés, et dernièrement presque forces de moi, éviter, par une mort aussi douce qu'ho-
dans leurs lignes. Mais c'est peu encore; car norable, les tourments et les outrages que l'eunemi
rien de plus ordinaire que d'affronter les fatigues me destine. Je ne verrai point Ap. Claudius et Q.
et les dangers au siège d'une ville ennemie; voici Fulvius tout. fiers de leur insolente victoire je ne
une marque de ressentiment et de haine impla- me verl ai pas chargé de fers, traîné dans les rues
cable. Annibal, avec des troupes nombreuses de Rome, servir d'ornement à leur triomphe,
d'infanterie et de cavalerie, est venu attaquer leur pour être ensuite jeté dans un cachot, ou, attaché
camp et l'a pris en partie; un danger si pressant à un poteau, être déclliré à coups de verges et
ne leur a point, fait interrompre le siège. Il a passé tendre ma tête à la hache romaine; je ne verrai
le Vulturne et livré aux flammes tout le territoire point la ruine et l'embrasement de ma patrie, ni
de Calès; cet horrible désastre de leurs alliés ne le déshonneur et l'opprolrre de nos épouses, de
les a point fait marcher à leursecours. Il a tourne nos filles et de notre jeune noblesse. Albe, le
ses armes contre Rome elle-même; ils ont méprisé berceau de Rome, fut par les Romainsdétruite de
cet orage menaçant. Il a franchi l'Anio et campé fond en comble pour qu'il ne restât aucune trace,
à Li ois milles de la ville; il s'est approcl:é de ses aucun souvenir de leur origine puis-je croire,
murailles et de ses portes; il leur fait voir qu'ils al- après cet exemple, qu'ils épargnerontCapoue,qui

tissimum est. nd o hine eum mise- bilia et catulos carum ire pergas, ad opem suis feren-
rimus? Age contra, quæ illi
infestein nos fecerint, re- dam avert is. Romanos Roma crrenmsessa,conjuges, li-
petite ut ex eo, qui 1 sp relis, hahe tis. Quum hostis beri, quorum ploratus lnne prope evaudiebantur, aræ,
anenig na mIt lia esset, et Annibal hostis, et cuneta foci, deum delubra, sepulcra majorum temerata ac vio-
bello arderent, omissis omnibus, omisso ipso Annibale, lata a Capua non averterunt. 'l', nia avilitas sup licii ex-
ambo consuleset duo consulares exercitusad Capuam op- petendi tanta sanguinis nostri hauriendi est sitis. Nec
pugnandam miserunt. Alterum annum cirenmvallatos injuria forsitan. llos q, oque idem fecissemus, si data
inclusosque nos fame macérant, et ipsi nobiscum ultinta
pericuta ne gravissimos labores perpessi, circa vallum
fortuna esset. Itaque quando aliter dils immortalibus i- v
sum est, quurn morem ne i-ecusare quideiii dobeam
ac fossas swpe trucidati, et prope ad extremum castris crucialus contumeliasque, quas sperat hustis, dum liber,
exuti. Sed omitto hspc. Vêtus atque usitata res est, in op- dum mei poteus sum effugere morte, præterquam ho
pugnanda hostium urbe labores ac pericula pati. Illud
iræ atque odii exsecrabilisindicium est. Annibal ingenti-
nesta etiam leni possum. Non videbo Ap. Claudium e
Q. Fulvium, victor ia insolenti subnisos, nedue vinetus
t
hw coptis peditum eqni'umquecastra o, pugnavit, et ex per urbem romaoam triumphi spectaculum trahar, ut
parte cepit tanto periculo nihil moti suut ab obsidrone. deinde in carcere, aut ad p.llum deligatus, lacerato vir-
Profectus trans ulturnum perussit Calenum agrum gis tergo, cervicem securi romanæ subjciam nec ditui
nibil tanta sociorum clade avocati sunt. Ad ipsam urbou incendique patriam videbo nec rapi ad stuprum niatres
Romam infesta signa ferri jussit eam quo jue tempesta- Campanas, v rginesque, et ingenuos pueros. Album,
tem imminentemspreverunt. Transgressus Anienem tria uude ipsi oriundi erant, a fundamentis proruerunt, ne
millia passuum ab urbe castra posuit pustremo ad mœ- stirpis, ne memoria originum suarum exstaret nedunt
nia ipsa et ad portas accessit. Romam se adempturum eos Capuæ parsures eredam, cui infestiores,quam Car
iis, nisi omitterent Capuam, ostendit non omiserunt. thagini, sunt. Itaque quibus vestrum aille fa o cedere,
Feras bestias, careo impetu ac rabie concitatas, si ad eu- quam hæe tot tant acerba videant, in animo est; iis apud
leur est plus odieuse que Carthage? Ceux donc le même bûcher, les autres se retirerent dans leurs
d'entre vous qui veulent céder à la destinée avant demeures. L'excès de la nourriture et du vin re-
d être lémoins de tant d horribles maux troove- tarda le moment de leur mort et affaiblit l'effet
ront aujourd'hui chez moi un festin préparé pour du poison. Aussi la plupartd'entre eux languirent-
eux. Lorsque nous serons rassasiés de vin et de nuit et une partie du jour sui-
ils encore toute la
nourrilure, une coupe, qui m'aura été présentée vant; tous cependant expirèrent avant qu'on eût
d'abord, sera portée à la ronde. Ce breuvage ar- ouvert aux ennemis les portes de Capoue. Le len-
rachera nos corps aux supplices, notre âme à l'in- d, main, la porte de Jupiter, qui était vis-à-vis le
famie, nos yeux, nos oreilles à la nécessité de camp romain, fut ouverte sur l'ordre du procon-
voir et d'entendre toutes les horreurs, toutes les sul on fit entrer par là une légion et deux esca-
indignités qu'on restrve aux vaincus. 11 se trou- drons de troupes auxiliaires, sous la conduite du
vera des gens tout prûts pour jeler dans un vaste lieutenant C. Fulvius. Dès qu'il eut pourvu à ce
bûcher, allumé dans la cour de ma maison, nos qu'on lui apportât les armes de toutes sortes qui
corps inanimés. C'est la seule voie qui nous reste étaient dans Capoue et placé des corps-de-garde
de mourir avec honneur el en hommes libres. Nos à toutes les portes, pour empêcher qui que ce fût
ennemis eux-mêmesadmireront notre courage, et de sortirou de s'échapper, il fit main-basse sur la
Annibal sauraquels alliés il a abandonnés et trahis.o garnison carthaginoise et ordonna au sénat de se
XIV. Ce discours de Virrius fut approuvé de la rendre au camp, auprès des généraux romains.

à
plupart des sénateurs; mais ils n'eurent pas tous Aussitôt après leur arrivée, on les mit tous aux
le courage d'exécuter ce qui avait oblenu leur fers, et on leur enjoignit de déclarer aux questeurs
assentiment. Le plus grand nombre d'entre eux ne ce qu'ils possédaient d'or et d'argent. L'or monta
désespérèrent pas de la clemence du peupleromain, à soixante-dix livres pesant, et a trois
déjà éprouvée dans beaucoup de guerres; ils mille deux cents livres.Vingt-cinqsénateurs furent
firent passer l'avis dese rendre et envoyèrent aux envoyés, comme prisonniers, à Calès, et vingt-
consuls des députés pour leur livrer Capoue. Vi- huit à Téanum; c'étaient ceux que l'on savait être
bius Virtius fut suivi de vingt-sept sénateurs les principaux auteurs de la défection.
environ, qui se mirent à table avec lui dans XV. Fulvius et Clamlius n'étaient pas d'accord
sa maison. Apiès avoir perdu dans l'ivresse le sur le supplice à infliger aux sénateurs campa-
sentiment du mallreur qui les menaçait, ils pri- niens. Claudius était disposé à pardonner, Ful-
renl tous le poison préparé; puis se levant de ta- vius était pour les mesures de rigueur. Appius
blo, ils se donnèrent la main et le dcrnicr baiser, remettait toute cette affaire à la décision du sénat
en versant des larmes sur leur sort et sur celui de romain; il lui semblait juste de laisser aux sénat-
leur patrie. Les uns restèrent pour être brûlés sur teurs le temps de s'informer si les Campaniens

me hodie epulæ instructæ paratapquesuât. Satiatis vino feceruot. Itque noctem tolam picrique eorum et diei
ctboque poculmn idem, quod mihi datum fuerit, circum- insequentis partem quum animam eg ssent, omnes ta-
feretur ea potio corpus ab cruciau animum a contu- men, priusquam apcrireotur bo tibus portæ, ex pira-
meliis, oculos, aures a videndis audiendisque omnibus rum. Postero die porta JOVIS quæ aove sus castra roma-
acerbis indignisque quæ manent victos, vindicabit. Pa- na erat, Jussu proconsulis aperta est. Ea in romissa legion
rati erunt, qui magno rogo in propatuio aedium accenso una et duæ alæ, cum C. Fulviu legato. Is, quum om-
corpora ex mima injiciaot. Hæc una via et honesta et mum primum arma telaque, quae Capuæ er. ut. ad se
hbera ad Il oriem. Et ipsi virtutein mirabulltur hostes, conferenda curasset, custodilsa 1 omues purto, disposius,
et Annibal fortes socios sciet ab se desertos ac proditos ne quis ex re aut emtti posset, præ idium punicum com-
esse.» prehendit, senatum campanum ire iu castra ad iu pera-
XIV. Hanc orationem Virrii plures audierunt cum as- tores romanes jussit. Quo quum venissent extemplo hia
sensu, quam foianimo id, quod probabant, exsequi omnibus catenæ lujectæ, jussique ad quæstores déferre,
potuerunt. Major p ra senalus multis sæpe bellis exper- quod auri argenlique baberent. Aurt pondo septuaginta
tam populi romani clementiam haud diffidentes sibi quo- fuit; argenti tria millia pondo et ducenla. Senatores quin-
que p acabilem fore legatos ad dedendam Romans que et viginti Cales in custudiam, duodetriginta Teanum
Capuam decrerunt, miseruntque. Vibiuin Vlrrium sep- missi quorum de seuteulia maxime desc tum ab Roma-
lem et viginti lerme sena ores domum secuti sunt, epu- nis constabat.
latique cum eo; e t qua tum lacere potucrant, alienatis XV. De supplicio campani senalus baudquaquam inter
mentibus vino atr immnentis seusu mali veueuum om- Fulvium Claudiumque conveniebat. Facilis impetrands
nes sumpserunt; inde misso convivio, dextris inter se veniæ Claudius, Fulvio durior sententia erat. Itaque Ap-
datis, ultimoqtie compleiu, collacrimantes suiim patriæ- pius Romam ad senitum arbitrium ejus rei totum rejicie-
que casum. ahi ut codem rogo ci emarentur, manse- bat percunctandi etiam æquum esse potestatem Oeri
runt; ahi domos digressi suut. Impletæ cibis viuoque Patribus, num communicassent cousilia cum aliquibus
venæ minus efficacem in maturanda morte vim vrnpni sociorum latini nominis et municipiorum et num ope
avaient tu des intelligences avec quelques alliés de renvoyer au sénat toute l'affaire des Campa
du nom latin et avec les villes municipales, et niens. Fulvius, qui le pressentait aussi, prend la
s'ils avaient été, dans cette guerre, aidés de leurs lettre, la met, sans l'ouvrir, dans son sein, et en-
serours. — « il fallait bien se garder, disait au con- joint au héraut d'ordonner au licteur d'agir selon
traire Fulvius, d'inquiéter, par des soupçons sans la loi. Ainsi les détenus de Calès sont suppliciés
fondement, les esprits de fidèles alliés et de faire comme ceux de Téanum. Fulvius lit ensuite la
dépendre leur sort des dépositions de gens qui lettre et le sénatus-consulte, trop tard pour ar-
n'avaient jamais pesé ni leurs actions ni leurs rêter cette exécution qu'il avait précipitée pour
discours. il était donc décidé à supprimer, que rien ne pût l'empêcher. Fulvius se levait de
à étouffer de pareilles informations. » S'étant son tribunal lorsque le Campanien Tauréa Jubel-
séparé. après ces mots, Appius, malgré le ton lius, perçant la foule au milieu de la ville, l'ap-
menaçant de son collègue, ne doutait pas qu'il pelle par sou nom. Flaccus, étonné, se rassied,
n'attendit des lettres de Rome, dans une question pour savoir qui l'apostrophe ainsi. « Ordonne,
si grave mais Fulvius ne voulant pas qu'un tel s'écrie alors Jubellius qu'on me tue aussi, afin
obstacle empêchât l'accomplissement de ses des- que tu puisses te glori6er d'avoir fait périr uu
seins, sort du prétoire, et ordonne aux tribuns mi- homme beaucoup plus brave que toi. » Fulvius
itaires et aux commandants des alliés de veiller à répond « que cet homme n'a sans doute plus sa
,je que deux mille cavaliers d'élite soient prêts raison; que d'ailleurs un sénatus consulte lui
pour la troisième veille de la nuit. Étant parti à défend de le mettre à mort, lors même qu'il le
la tête de ce détachement, il entre, au point du voudrait.» « Eh bien! reprend Jubellius, puis-
jour, à Téanum et va droit à la place publique que, après avoir vu livrer ma patrie et périr mes
où l'arrivée de cette cavalerie avait fait accourir le parents et mes amis, après avoir tué de ma main ma
peuple. Là, il mande le magistrat suprême, et lui femme et mes enfants, pour les soustraire à d'in-
ordonne de représenterles Campauieus confiés à sa dignes traitements, il ne m'est pas permis d'ex-
garde. Ils s'avancent tous ilssont battus de verges pirer commeceux de mes concitoyens qu'on vient
et frappés de la hache. De là Fulviuscourtà Calèsde d'égorger, mon courage me délivrera de cette
toute la vitessede son cheval; déjà il était assis sur odieuse existence. » A ces mots il tire un poignard
son tribunal; déjà les Campaniens,qu'on lui avait caché sous sa toge, se perce le cœur et tombe
livrés, étaient attachés au poteau, lorsqu'un cour- expirant aux pieds du général.
rier arrive de Rome en toute hâte et lui remet XVI. Comme les mesures relatives au supplice
une dépêchedu préteur C.Calpurnius et un séna- des Campaniens et la plupart de celles qui suivi-
tus-consulte. Le bruit se répand au pied du tribu- rent le siège furent ordonnées par le seul Flaccus,
nal et dans toute l'assemblée que c'est un ordre des auteurs ont écrit qu'Ap. Claudius était mort

eorum in bello forent adjuti. Id vero minime commit- ratus, acceptas literas neque resolutas, quum in gre-
tendum esse, Fulvius dicere, ut sollicitareutur crimini- mio reposuisset, præconi imperavit, ut lictorem lege
bus dubiis sociorum fidelium ammi et subjicerentur agere juberet. Ita de iis quoque qui Calibus erant,
indicibus queis, neque quid facerent, neque quid dice- sumptum supplicium. Tum literæ lectæ senatusque cou-
reut quicquam unquam pensi fuinset. liaque se eam sultum, sérum ad impedieudam rem actam; quae summa
quæstionem oppressurum eistincturumque. Ab hoc ser- ope approperata erat, ne impediri posset. Consurgen-
utone quum digressi essent, et Appius, quamvis feroci- tem jam Fulvium Taurea Jubellius Campanus, per me-
ter loquentem, collegam, non dubitaret, tamen literas diam vadens urbem turbamque, nomine inclamavit et,
super tanta re ab Roma eispectaturum Fulvius, ne id quum, mirabundus quidnam sese vellet, resedisset Flac-
ipsum impedimentum incepto foret, dimitiens pra'torium cus, « Me quoque, inquit, jube occidi, ut gloriari possis,
tribunis militum ac prxfectis socium imperavit, uti duo- multo fortiorem quam ipse es virum abs te occisum
bus millibus equitum delectis denuntiarent, ut ad terli.un esse. » Quum Flaccus negaret, « profecto satis compo-
buccinam præsto estent. Cum hoc equitatu nocte Tea- tem mentis ease modo, probiberi etiam se, si id vellet,
oum profectus, prima luce portam intravit, atque in senatuscnnsulto, » diceret tum Jubellius, « quandoqui-
forum perrexit:concursuque ad primum equitum iogres- dem, inquit, capta patria, propiuquis amicisque amissis,
cum facto, magistratum sidiciauin citari jussit, impera- quurn ipse manu mea conjugem liberosque interfeceriæ,
vitque ut produceret Campanos, quos m custodia habe- ne quid indigni paterentur, mihi ne mortis quidem copia
ret. Producti omnes, virgisque cæsi, ac securi percussi. eadem est, quæ bis civibus meis petatur a virtute invisæ
Inde citato equo Cales percurrit. Ubi quum m tribunali hujus vitæ vindicta. Atque ita gladio, quem veste texe-
consedisset, productique Campani deligarentnr ad pa- rat, per adversum pectus transfixus, ante pedrs impe-
lain, eques citus ab Roma venit, literasque a C. Calpar- ratoris moribundus procubuit.
uin prætore Fulvio et senatusconsultumtradidit. Murmur XVI. Quia et quod ad supplicium attinet Campano-
ah tribunali totam ooncionem pervasit, differri rem in- rum, et pleraque alia, de Flacci unius sententia acta
tegram ad Patres de Campanis et Fulvius, id ita eusse erant, mortaum Ap. Clandum silh deditionem Capuæ,
avant la reddition de Capoue; ils assurent aussi cultivateurs. On retint à Capoue, comme popula-
que ce même Tauréa ne se rendit pas à Calés de tion principale, les affranchis, les marchands et
son plein gré, et ne se tua point lui-même; mais les ouvriers tout le territoire et les édifices pu-
que tandis qu'on t'attachait au poteau avec les blics devinrent la propriété du peuple romain.
autres, le bruit empêchant d'entendre ce qu'il Capoue ne fut désormais, comme ville, qu'un
criait, Flaccus fit faire silence qu'alors Tau- lieu d'habitation fixe ou momentanée; elle n'eut
réa lui dit ce qu'on a rapporté plus haut « Que plus ni corps municipal, ni sénat, ni assemblée
le plus courageux des hommes mourait par les du peuple, ni magistrat. Privée de conseil public
ordres d'un lâche; » et qu'à ces mots le procon- et d'une autorité légitime, cette multitude désor-
sul fit crier par le hérault « Licteur, commence ganisée n'était plus capable de tramer un com-
par frapper de verges cet homme courageux et plot. II fut décidé qu'on y enverrait de Rome tous
que le premier il tombe sous le glaive de la loi. a les ans un préfet pour rendre la jnstice. Ainsi fut
D'auties prétendent que Fulvius lut le sénatus- réglé ce qui regardait Capoue, avec une politique
consulte avant l'exécution; mais comme il y avait louable en tous points. La sévérité et la prompti-
à la fin de ce décret « que s'il le jugeait à propos, tude présidèrent au châtiment des plus coupa-
il renverrait toute l'affaire au sénat, il il pensa bles la multitude des citoyens se vit dispersée
qu'il lui était permis de décider ce qu'il croyait sans aucun espoir de retour; on ne sévit ni par
le plus utile à la république. De retour à Capoue, l'incendie ni par la destruction contre des mai-
après avoir quitté Calès, il reçut la soumission sons,contredes murs innocents du crime des ha-
d'Atella et de Calalia et il sévit pareillement bitants, et Rome n'eut à recueillir que du profit
contre les instigateurs de la défection. Ainsi on de la réputation de clémence qu'elle acquérait
punit de mort environ soixante-dix sénateurs dans l'esprit des alliés, en conservant la ville la
trois cents nobles Campauiens à peu près furent plus célèbre et la plus opulente de l'Italie, une
jetés dans les fers d'autres, envoyes en prison ville dont la ruine eût fait gémir toute la Campanie
dans les villes des alliés du nom latin, moururent et tous les peuples voisins. Elle obligea l'ennemi à
de divers accidents tout le reste des citoyens de reconnaître qu'elle était aussi forte pour châtier
Capoue fut vendu comme esclaves. Ensuite on des alliés infidèles, qu'Annibal était impuissant
délibéra sur le sort de la ville et de son territoire. pour protéger ceux qui se 6aient à sa foi.
Quelques-uns furent d'avis de raser une cité si XVII. Les sénateurs romains, délivrés des soins
puissante, voisine et ennemie de Rome. Toutefois qu'avaient exigés les affaires de Capoue, donnent
l'utilité présenle l'emporta comme on savait à C. Néron six mille hommes d'infanterie et trois
que le terrain était le plus fertile de l'Italie, la cents cavaliers à son choix, pris dans les deux
ville fut conservée pour servir de demeure aux légions qu'il avait eues sous ses ordres pendant

quidam tradunt. Hunc quoque ipsum Tauream neque fertilitate terra' satis constabat primum in Ilalia esse,
sua sponte venisse Cales, neque sua manu interfectum urbs servata est, ut esset aliqua aratorum sedes. Urbi
scd dum inter ceteros ad palum deligatur, quia parum frequentandæ multitudo iocolarum libertinorumque et
mter strepitus exaudtri pnsseut, quae vociferabatur, si- institorum opificumque retenta ager omois et tecta pu-
lenlium fieri Flaccum jussisse tum Tauream illa, quæ blica populi romani facta. Ceterum habitari tantum tan-
ante memorala sunt, dixisse, virum se fortissimum ab quam urbem Capuam, frequuentarique placuit corpus
uequaquam pari ad virtutem occidi.. Sub hæc dicta, nullum civitatis, nec senatus, nec plebis conctlium, nec
JUSSU procousulis præconem ita pronuntiasse « Lictor magistratusesse. Sine coosiliopublico, sme imperio mul-
viro forti adde virgas, et in eum primum lege age.. titudinem nullius rei inter se sociam ad consensus in-
Lectutn quoque senatuscousullum prmsquam securi fe- habilem fore: præfectum ad jura reddenda ab Roma quo-
riret, quidam auctores sunt sed, quia ascriptum in se- tannis missuros. Ita ad Capuam res compositæ,consillio
natusctinsulto fuerit si ei videretur, iutegram rem ad ah omni parle laudabili. Severe et celeriter in maiime
senatum rejiceret, » interpretatum esse, quid magis e noxios animadversum multitudo civium dissip ta in
republica duceret, asti ma tionem sibi permissam. Capuam nullam spem reditus non sævitum incendis ruinisque
a Calibus reditum est, Alellaqueet Calatia in deditionem in tecta innoxia murosque et cum emolumento qumi a
accepta*. Ibi qnoque in Pos, qui capita rerum erant, etiam apud socios lenitatis species, incolumitate urbis
animadversum. Ita ad septuagiata primipea senatus in- nobilissimæoputentissimæque, cujus ruinis omuis Cam-
terfecti, trecenli ferme notules Campani in carcerem pania, omnes, qui Campaniam circa accolunt, populi
condili alii per sociorum lalini nominis urbes in cus- ingemuissent confessio expressa bosti, quauta vis in
todlas dati, varis casibus interierunt multitudo alia Homanis ad expetendas pœnas ab infldelibus sociis, et
civium Campanorum venundata. De urbe agroque reli- quam nihil in Annibaleauxilii ad receptos in Odem tuen-
qua consuitatio fuit quibusdam delendam censentibus dos esset.
urbem prævalidam proptnquam inimicam. Ceterum XVII. Rumaui Patres, perfuncli, quod ad Capuam
præsens utihtas vicit. Naru propter agrum, quem omni attuebat, cura, C. Nerom az lis duabut legiontbus,
le siége; on joint uu même nombre de fdntas- jour suivant, à la conférence; mais Asdrubalréus-
y
sinsetbuit tei) is cavaliers tirés des Latins auxiliai- sit, en perdant ce jour en paroles et en écritu-
res il devait embarquer celte armée à Pouzz les, res étrangeres à l'objet de l'e trevue, à la faire
et la conduire eu Espagne. Arrivé à Tarragone reme tre au lendemam. Une nuit, ajoutee a la
il lait dibarquer ses troupes, met sa flotte en sû- préc dente, donna le temps à d'autres soldats de
rete, et, pour augmenter le nombre tie ses sul- s'échapper, et dans le jour qui suivit, rien ne lut
dats. il arme les gens mêmes de l'équipage. S'avan- encore terminé plusiems jours furent ainsi em-
çant jusqu'à l'Èbre, il reçoit de T. Fonuius et de ployés à discuter ouvertement les condi ions, et
L. Marcius armée qu'ils commandaient; il se plusieurs uuils à cacher la retraite des Carthagi-
dirige ensuite vers l'ennemi. Asdrubal fils d'Ha- nois. Lorsque la plus grande partie de son ar-
milcar, était campé à Pierres-Noires, dans l'Au- mée eut quitté le camp Aslrubal revient sur
sétanie, lieu situé entre les villes d Illilurgi et de ce dont on était précédemment convenu; et la
Mentissa. Néron s'empare de l'entré de ce déli- bonne foi diminuant avec la crainte du peril,
lé. Asdrubal, dans la crainte de se voir bloqué, on s'enten lart de moins en moins. Dejà presqu
envoie un parlementaire promettre que, si on toute l'infanterie ctait sortie du delilé, lors que,
le laisse te relirer, il quittera l'Espagne avec an point du jour, un bro illard épais le couvrit
toute son armée, prnpusilion que le général ro- tout en ier amsi que les plaines enviromnantes.
mam acceple avec joie. Asdruha) demande alors voulant profiter de cetie circonslance, Asdrubal
pour le lendemain une coufcrence où les Romains envoie prier Néion de remettre l'entrevue au len-
dicteront les conditions auxquelles on leur li- demain, la religion interdisant ce jour là aux
vrera les citadelles des villes, el fixeront le jour Carthaginois toute occupation sérieuse. CVte ruse
où les garnisons, sans fraude de part ou d'autre, ne lit naître aucun sou) çon, et le délai fut accor-
en sormont avec armes et bagages. Aussitôt qu'il dé; aussi ôt Asdrubal sort de son camp avec sa ca-
a obtenu ce point, il ordonne à ses soldais de valei ie et ses élephants et gagne sins bruit une
tirer, des la chute du jour et pendant tout le position avantageuse. Vers la quitrieme heure,
reste de la nuit, les plus lourds bagages de t'armée, le soleil dissipe le brouillard, le jour pataît, et
et de les faire sortir du délilé par lotis les moyens les Romains voient le camp d s ennemis évacué.
possibles. Ou eut grand soin de ne laisser sortir Claudius, reconnaissant enfin la ruse du Cartha-
cette nuit là que peu de monde, un petit nom- g nois. et se voyant dupe, s'élance sapoursuite,
bre pouvant à la fois et tromper plus facilemeut les dans l'intention de lui livrer bataille. Mais l'en-
euuemis à la faveur du silence, et s'échapper par nemi refusait le combat. Il y eut pourtant quel-
des sentieis étroits et difficiles. On se rendit le ques escarmouches entre arrière-gatdedes Car-

quas ad Capuam habuerat, sei millia peditum, et trecen- ad colloquinm est sed loquendo plura seribendoque de-
tos equr es, qu is ipse legisset et socium lotiui no inis dita opera. quæ ut rem non essent oie consumpto,iu
peditum numerum parem et octingen os edquites deccr- posterum dilatum est. Addita iast quens nnx spatium de-
aunt. Eum exeretum Puteolis in naves impos tum Nero dit et alios emittendi nec postero die res fisem invenit.
in Hispaniam transportavit. Qllum Tarraconem navibus Ita al quot dies disceptando palam de legibus, noctesque
venisset, exp sitisque ibi copris et navibus subdu tis, emittendis clam e castris Carthaginiensibus absumptæ
socios quoque nivales mul itudmis augendæ causa ar- et, postquam major pars emissa exeroitus erat, Jath ne
masset profec us ad Iberum flumen, exereitum ab its quidem yum ullro dicta erant, stab itur minu-que
T. Fortieio et L. Marci,arcepit. Inde pergit ad ho-tes ac minus. cutn trmore s mul fide decresc nte, conve-
ire. Asdrtibiil Hamdcaris ad Lapides atros castra habebat niebat. Jam ferme pedestres omnes copiæ evaser. ut e
in Ausetanis. ls locus est inter oppida Illiturgin et Men- saltu quum prima luce densa nebula saltum omn. m
tissam. Hujus sa'tus fauces Nero occupavit. Asdrubal, ne camposque circa intexit. Quud ubi sensit Asdruhal, mit-
m ario res esset, caduceatorem misit, qui promit'eret tit ait Neronem qui in osterum diem coloquiu i dif-
si inde missus foret, se omnem exereitum ex Ilispania ferret itlum diem redligiosum Carthagimensibus ad
drpoi t-nuruni. Qxam rem quum lætto animo Routanus agendum quiequrm rei serire esse. l'le tum qmd m sus-
acrepiss t, them posterum Astrubal co.1 quic petmit, pocta fr,ms. Quum data esset venia ejus diei extemplo
ut Romadi leges c nscriberent de tradeudis arcibus ur- Asdrubal, cum equilalu elephan isque castris egressis,
h um, die iue statuenda, ad quam præsid a deducet entur, sine ulio tumultu in tutum evast. !lora ferme quarta
maque om ia sine fraude Pieni déportaient. Quod ubi dispulsa sole nebula ap ruit diem, vacuaque hostium
impeiraoit, extemplo primis tenebris, atque inde tota castra conspexerunt Romani. Tum demum Clmdins,
nocte, q od graviaaimumexercitus erat, Asdraib.il qua- punicm fraudem agnoscens ut se dolo captum sensit,
cunque pos-et, evadere e salm jussit. Da a edulo opera proficiscenteminstitit sequi paratus confligere acre; sed
eàt, ne multi ea norte exirent, ut ipsa paueitas, qunm hostis detrectabatpugnam levia tamen prmlia inter ex-
ad hostem silentio fallendum aptior, tum ad evadendum tremum punie im agmen præcursoresque Romanorum
per artas semitas ac dificdcs esset. Ventum insequenti die fiebant.
thaginois et les éclaireurs de l'armée lomaine. et s'arrele sur uu lieu élevé, d'où l'on pouvait
XVIII. Cependant ceuv des peuples d'Espagne l'apercevoir. Tous les regards se fixent sur lui
qui, après la délaite des Seipions, avaient ahan- des cris et la faveur du peuple semblent des et
donné Rome, ne revenaient point sousses lois; il moment présager à son commandement des suc-
n'y avait non plus aucune nouvelle défection. Le cès et des victoires. Lorsqu'ei suite ou alla aux
sénat et le peuple lomains, depuis laréducliou de voix, lesuffrage unanime des centuries et ile cha-
Capoue, tenaient leur attention fixée sur l'Espa- que citoyen conféra à P. Scipion le commande-
gne autant que sur l'Italie on voulait renforcer ment de l'armée d'Espagne. Mais quand l'élection
l'armce, y envoyer un général; mais on ne savait fut terminée, que les transports et l'ardeur clc
à qui donner cette mission. Deux grands géné- l'enthousiasme furent refroidis, l' silence régna
raux ayaut succombé là dans l'espace de trente dans l'assemblée; cette triste réflexion s'empar
jours, on voulait pourvoir à leur remplacement des esprits qu'avait-on fait? la faveur ne l'avait-
avec un soiu tout particulier. Comme les avis elle pas emporlé sur la raison? L'âge de Scipion
étaient partagés entre plusieurs personnages, causait surtout ce repentir plusieurs redoutaient
le sénat finit par renvoyer aux comices du au,si la fortune, le nom de sa mai on en le
peuple l'élection du proconsul destiné pour l'Es- voyant partir, couvert du deuil de deux parents,
pagne, et les consuls fixèrent le jour de l'assem- pour une province où il aurait à comha tre au
blée D'abord on s'était attendu que ceux qui milieu des tombeaux d'un père et d'un oncle.
se croiraient dignes d'un commandement si im- XIX. Scipion, voyant l'inquiétude et le repen-
portant offriraient leurs noms cet espoir que tir succéder dans l'espritdes Romains à l'eothou-
l'on vit trompé renouvela la daulcur du dé,astre siasme qui l'avait d'abord accueilli fait aussitôt
qu'on avait éprouvé et les regrets qu'avait lait convoquer l'assemblée, et y parle de son âge, du
naître la perte des deux généraux. Plongé li.lus commandement qu'on lui a confié, de la guerre
cette affliction, sans résolution arrêtée, le peuple qu'il va diriger, avec tant de noblesse et de hau-
n'en descendit pas moins au Champ-de-Mars le teur de vues, qu'il ranime et renouvelle l'ardeur
jour de l'assemblée; tous les yeux sont tournés déjà éteinte de ses concitoyens et les rempht
vers les magistrats vers les principaux citoyens d'une confiance supérieure a celle qu'inspirent
qui se rega dent les uns les autres; on déploieque d'ordinaire les promesses des hommes et les
la situation des aflalres de la républiquc soit raisonnements fondés sur la confiance. En effet,
tellement perdue et désespérée que personne n'ose Scipion n'était pas moins admirable par des
accepter le commandement de l'Espagne. Tout talents véritables que par le grand art de les laire
à coup P. Curnélius, (ils de celui qui avait péri valoir, qu'il cultiva dès sa jeunesse. Ce qu'il pro-
dans cette contrée, jeune homme âgé d'euvlron posait à la multitude, ou lui avait apparu dans
vingt quatre ans, déclare qu il brigue cet honneur, une vision nocturne, ou lui était suggéré par une

XVIII. Inter hæc Hispaniæ populi nec qui post cla- spici posset, loco constitit. In quem postquam omnium
dem acceptam defecerant, redibant ad Romanos, uec ora conversi sunt, clamore ac favore ominati extemplo
ulli novi defic ebant. Et Romæ senatui populoque post sunt felix faustumque imperium. Jussi deinde mire con-
recep am Capuam. non Itabæ Jam major, quam Hisl a- fusum suffragium, ad uuum omnes non centuriæ modo,
mæ, cura erat; et exercittum angeii et imperaioremmitti sed etiam hommnes, P. Scipioni impertum esse in His a-
placebat nec tamen yuem miuerent, satis constabat, nia jussierunt. Ceterum post rem actnm ut jam re,ede-
quam illud, ubi duo sunimi imperatores intra dit-s tri- rat impetus anin)orum ardorque, silenlium subno orium
gmta cecidissent qui in locum duorum succederet, ex- et lacita cogitatio, quidnam egissent? oum favor plus va-
traordunaria cura dehgendum esse. Quum alii alium no- luisset quam ratio? Ælatis maxime pœnitebat; quidam
minarent, postremum eo decursum ,l, ut populus pro- forunam etiam domus borrebanl nomenque, ex funeste
consuli creando in Hisp niam comntia haberet; diemque duabus familis in eas proviucias, ubi inter sepulera pa-
comtis consules edixerunt. Primo exspectaverant,ut, tris patruique res perende' eussent, pribflciscentis.
qui se 1nto miperto dignos crederent, nomina profite- XIX. Quam ubi ab re tmto impetu acta sollicitudinem
rcntur. Quæ ut destitua a exspectatio est, redintegratus curamquehomoum animum advertit, advocata concione,
luetus at ceptæ cladis, desideriumque imperatorum umis- ita de ætate sua imperioque mandato, et bello, quod ge-
sorum. Mœ t i aque civitas, prope inops consilii. comi- rendum esset, maguo elatoque animo disseruit, ut ardo-
tiorum die tamen in campum descendit; aique in magrs- rem eum qui resederat, excitaret rursus novaretque;
trutus versi ciicum-peclaut ora priucipum, aliorumalios et impleret homines certioris spei quam quantam fldes
intueutum tremunique, adeo perditas res desperatum- promishi humani aut ratio ex fiducia rernm subycere so
qua de reputlica esse, ut nemoaudeat in Hispaoiam im- let. Fuit enim Scipio non veris tantum virlutibut mirs-
pertum accipere quum subito P. Cornelius. illius, qui bilis, sed arte quoque quadam ab juventa in ostentatio-
in Hrspania cecider. t, fllius, quatuor et viginti ferme nem carum compositus pleraque apud multiludinem,
annos natus ptofessus se petere, in supertorc,undr con- aut prr nocturnds visa specics, dut vehit divintius meols
inspiration divine, soit que la superstition eût un faires, M. Junius Silanus, eu qualité de propré-
certain empire sur son esprit, soit qu'il voulût teur. Le général partit ainsi de l'embouchure du
assurer la prompte eiécution de ses ordres et de Tibre avec une flotte de trente galères, toutes à
ses desseins en leur donnant le caractère d'un cinq rangs de rames; et, après avoir longé les
oracle. Ce fut pour disposer de loin les esprits à côtes de la mer de Toscane et les Alpes, doublé le
cette croyance superstitieuse, que, du jour où il golfe de Lvon et le promontoire des Pyrénées, il
prit la robe virile, il ne fit aucune action, publi- débarqua ses troupes à Empuries, ville grecque,
que ou particulière sans aller au Capitole, sans dont les habitants étaient originaires de la Phocée.
entrer dans le sanctuaire, et sans y rester quelque Là, il ordonna à ses vaisseaux de le suivre par
temps seul caché à tous les regards. Cette règle, mer, et se rendit lui-mêmepar terre à Tarragone,
qu'il observa toute sa vie, soit par politique, soit où il lint une assembléo des députations de tous
sans dessein particulier, fit croire à quelques -uns les peuples alliés qui, au premier bruit de son
qu'il était issu du sang des dieux, et remit en cré- arrivée, étaient accourues de toutes les parties de
dit, avec des circonstances non moins ridicules, l'Espagne. Il fit placer ses bâtiments en lieu de
la fable autrefois répandue au sujet d'Alexandre-le- sûreté, et renvoya quatre galères de Marseille,
Grand. On attribuait sa naissance à un serpent qui l'avaient escorté par honneur. Dans ses au-
monstrueux, qu'on voyait souvent dans la cham- diences, il répondit aux députés des alliés, que
bre de sa mère, et qui tout à coup s'échappait et tant d'événements divers tenaient en suspens,
disparaissait à l'arrivée de ceux qui entraient chez avec toute la grandeur d'âme que lui inspirait la
elle. Scipion lui-même ne porta jamais atteinte confiance en ses rares qualités, mais sans qu'il lui
à l'autorité de ces prodiges; il eut plutôt l'ha- échappât aucun mot d'orgueil; et il mit dans tous
bileté de l'augmenter encore en ne les niant ses discours autant de dignité que de persuasion.
comme en ne les affirmant jamais. Beaucoup XX. Quittant bientôt Tarragone, il alla visi-
de traits du même genre, les uns vrais, les ter les villes alliées et les quartiers d'hiver de
autres supposés, avaient fait passer en faveur l'armée, et donna les plus grands éloges aux sol-
de ce jeune homme les bornes de l'admiration, et dats, qui malgré les deux terribles échecs qu'ils
ce fut cette superstition qui détermina Rome à avaient reçus coup sur coup, avaient su conser-
confier à son âge encore tendre des intérêts si gra- ver la province à la république, empêcher les en-
ves, un commandement si important. Aux débris nemis de profiter de leurs succès en les repous-
de l'ancienne armée d'EspaDne et aux renforts sant au delà de l'Èbre, et défendre les alliés avec
partis de Pouzzoles avec C. Néron, on ajouta dix une fidélité inaltérable. Il avait toujours Mareius
mille hommes d'infanterie et mille chevaux, et avec lui, et la haute considération qu'il lui témoi-
l'on adjoignit à Scipion, pour la conduite des af- gnait prouvait assez que l'envie ne lui faisait re-

monita, ageus; sive et ipse capti quadam superstitione lia cum triginta navium classe ( omnes autem quinque-
animi, sive ut imperia consiliaque, velut sorte oraculi remes erant) ostiis tiberiuis profectus præter oram
missa sine cunctatione exsequerentur.Ad bocjatn inde Tusci maris, Alpes atque gallicum sinum, et deinde
ab initio praepnraus animos. ex quo togam virilem sump- Pyrenæi circumvectus promontorium, Emporiis urbe
oit, nulio die prius ullam publicam privatamque rem egit, graeca (oriundi et ipsi a Phocaea sunt) copias exposuit;
yuam in Capitolium iret, ingressusque ædem consideret, inde sequi navibus jussis, Tarracouem pedibus profec-
et plerumque solus in secreto ibi tempus tereret. Hic mos, tus, couveutnm omuium sociorum ( elenim legatioues ad
qui per omnem vitam servabatur, seu consulto seu te- famam adventus ejus ex omni se prnviucia effuderant)
mere vulgatæ opinioni fidem apud quosdam fecit, stir- bahuit. Naves ibi subduci jussit, remissis quatuor trire-
pis eum divinæ virum esse; retulitque famiam, in Alexau- mibus Messiliensium, quae officii causa ab domo prose-
dro Magno pris vulgatam et vanitate et fabula parem culæ fuerant. Responsa inde legationibus suspensis va-
anguis immanis conculitu conceptum, et in cubiculo ma- rietate tot casuum dare cœpit, ita elato ab ingenti virtutum
tris ejus persa'pe visam prodigii ejus speciem, interventu- suarum fiducia animo, ut nullum feroi verbum eicide-
que bommioum evolutam repente, atque ex oculis elapsant. ret; ingensque omnibus, quæ diceret, quum majestis
His miraculis nunquam ab ipso elusa fides est; quin po- inesset, tum fides.
trus auc a arte quadam, uec abnuendi tale quicquam, nec XX. Profectus ab Tarracone, et civitales sociorum et
palain affirmaodi. Multa alia ejusdem generis alia vera, hiberna exercilus adiit collaudavitquemilites, quod, dua-
utid assimulata, admirationis humanæ in eo juventeexcesse- bus tautis cladibus deinceps icti, proviaciamobtinuissent;
raut modum; quihus fréta tunc civrtas, ælati haudquaquam nec frurtum secundarum rerum sentire bosles passi
maturæ tantam molem rerum, tantumque impermm per- omni cis Iberum agro eos arcuissent, sociosque cnm fide
misit. Ad eas copias, quas ex vetere exerciu Hispania ha- tutati rssent. Marcium secum habebat cum tanto honore,
bebat, quæque a Puteolis cum C. Nerone trajectæ erant, ut faute appareret, nibil minus, quam vereri, ne quis
dec,m mitllia iuilituin et mille equites adduntur et M. Ju- ohstaret gloriæ suæ. Successit inde Nerons Silanus, et in,
utus Silduns proprxtor adjulor ad res gerenda dalus est. hiberna nori milites deducti S ipin, omnibus, qur ad-
douter aucun rival de gloire. Silauus remplaça vaisseaux carthaginois remirent eu mer, et Ta-
Néron, et les nouvelles levées furent mises eu rente vit leur départ avec plus de plaisir que leur
quartiers d'hiver. Scipion, après s'être porte par- arrivée. Leur retraite ne ramena pas l'abondance,
tout où il était besoin, et avoir pris toutes lesme- pal ce que, dès l'instant où la mer cessa d'être
sures nécessaires avec autant de diligence que de libre, les approvisionnements ne pouvaient plus
sagesse, revint à Tarragone. Sa renommée n'était parvenirjusqu'à la ville.
pas moindre chez les ennemis que parmi ses con- XXI. Vers la fin de la même campagne, M. Mar-
citoyens et les alliés. Il s'y joignait une sor te de cellus étant revenu de la Sicile à Rome, le sénat,
pressentiment de l'avenir, et les craintes qu'il fai- convoqué par Ie préteur C. Calpurnius, lui donna
sait naître étaient d'autant plus vives, qu'il était audience dans le temple de Bellone. Là, il rendit
plus difficile de s'en rendre compte. Les généraux compte de ses actes, se plaignit avec douceur,
carthaginois avaient leurs quartiers d'hiver sépa- moins en son nom pourtant qu'en celui des sol-
rés. Asdrubal, fils de Gisgon, était sur les cotes de dats, de ce qu'après avoir terminé sa mission il
l'Océan, vers Cadix; Magon, dans le milieu des n'avait pas eu la liberté de ramener l'armée, et
terres, surtout au-dessus des bois de Castulon; sollicita le triomphe; mais il n'obtint pas cette
Asdrubat, fils d'Hamilcar, avait pris ses cantonne- faveur. Il s'éleva à ce sujet de lougs débats d'un
ments près de l'Èbre, aux environs de Sagonte. côté l'on demandait s'il pouvait convenir de re-
Vers la fin de la campagne où Capoue fut prise fuser le triomphe à un général qui le demaudait
et où Scipion passa en Espagne, la flotte cartha- en personne, lorsque en-son absence on avait
ginoise qu'Annibal avait fait venir de Sicile à Ta- ordonné des prières publiques aux dieux im-
rente, pour couper les vivres à la garnison ro- mortels, pour les remercier des succès obtenus
maine, avait, à la vérité, fermé tous les passages sous son commandement; de l'autre, on objec-
du côté de la mer; mais sa croisière prolongée tait qu'ayant eu l'ordre de remettre l'armée à
dans les mêmes parages affamait ses amis en- son successeur, ce qui n'avait lieu que quand
core plus que ses ennemis. En effet, les habi- la guerre durait encore dans une province,
tants des villes riveraines et des ports que la il ne pouvait triompher comme s'il l'eût ache-
présence des Carthaginois avait laissés ouverts ne vée surtout en l'absence des soldats, témoins
pouvaieut recevoir autant de blé qu'en exigeait des triomphes justement ou injustement décer-
la consommation de la flotte elle-méme, com- nés. On prit un milieu entre ces deux partis,
posée d'un mélauge de gens de toute espèce au et l'ovation fut accordée. Les tribuns, autorisés
contraire, la garnison romaine pouvait, à raison par le sénat, proposèrent au peuple une loi qui
de sou petit nombre, vivre, s-ins de nouveaux con- conservait, pour le jour de l'ovation, le comman-
vois, des approvisionnements faits à l'avance, dementmilitaire à M. Marcellus. La veille de cette
tandis que les Tarentins et la flotte n'avaient pas cérémonie, il obtint sur le mont Albain les hon-
assez de ceux qui leur arrivaient. Enfin, les neurs du grand triomphe; le lendemain, il entra

enuda ageudique erant, maluro aditis peractisque, Tar- venerat classis dimissa est. Annona haud multum laxa-
raconem concessit. hihilo minor fama apud hostes Sci- verat quia, remoto maritinio præsidio, subvehi frumen-
pionis erat, qnam apud cives sociosque, et di%inatio turn non pterat.
quæ lam futmi, quo minus ratin timoris reddi poterat XXI. Ejusdem æstalis exitu, M. Marcellus ex Sicilia
oho'ti temere, majorem inferens metum. In hiberna di- provincia quum ad urhem venisset, a C. Calpurnio præ-
versi concesserant Asbruba) Gisgoms usque ad (Jcea- tore senatus ei ad ædem Bellouae datus est. Ibi quum de
num et Gades Mago in mediterranea maxime supra rebus a se gestis disseruisset, questus leniter non suam
Castulonensem saltum; Asdrubal Amdcaris filius parmi- magis, quam milium, vicem, quod provincia confecta
mue Ibero circa Saguntum hibernavit. Æstatis ejus ex- exercitum deportare non licuisset, postulavit ut trium-
tremo, qua capta est Capua et Scipio in Hispaniam ve- phanti urbem inire liceret. Id non impetravit.Quum mul-
nit punica el issis ex Sicilia Tarentum accita ad arcen- lis verbis actum esset, utrum minus conveniret, cujua
dos conunealus præsidu romani quod in arce tarentina nomine absentis, ob res prospere ductu ejus gestas, sup-
erat, clausetat quidem omnes ad arcern a mari aditus; plicatio décréta foret, et düs immortalibus habilus ho-
sed assidendo diulius artiorem annonam sociis, quam
nos, ei præsenti negare triumphum; an quem tradere
hosti, faciebat. Noi enim lantum subvehi oppidanis per exercitum successori Jussissent, quod, niài manente in
pacata litora apertosque portus pre'sidio navium punica- provincia bello, non dt cerneretur, eum quasi debellato
rum poterat, quantum frumenti classais ipsa turba na- trinnphare. quum exercitus, testis meriti atque imme-
vali mixta ex omni génère hominum absumebat;utarcis riti triumphi, abesset; médium visum, ut ovaus urbem
praesidium etiam sine invecto qnia pauci erant ex ante iniret. Tribuni plebis ex auctoritatesenatus ad populum
præparato susteutari posset Tarentinisclassique ne in- tulerunt, ut M. Marcello, quo die urbem ovaus iniret,
vectum quidem sufficeret. Tundcm majore gratia, qua imperium csset. Pndte quam urbrm miret, in monte AI-
dans la ville, faisant porter devant lui uu butin les Romains. Après que Marcellus eut quitté is
considérable. Outre le tableau qui repré.entait la Sicile, la flotte carthaginoise y débarqua huit
prise de Syracuse on vit paraître des catapultes, mille hommes d'infanterie et trois mille cavaliers
des balistes, toutes sortes de machines de guerre numides Murgance se souleva en leur faveur.
et les objets de luxe qu'une longue paix et la ma- Cette révolte fui suivie de cellc d'Hybla, de Ma-
gnificence royale avaient pu accumuler dans cette cella et de quelques autres places peu importan-
ville; quantité de vases d'argent et d'airain artis- tes. Alors les Numides, sous la conduite de Mu-
tement ciselés, de meubles somptueux d'étoffes tine, se répandant par toute la Sicile, portaient la
précieuses et de chefs-d'œuvre de sculpture qui dévastation sur les terres des alliés du peuple ro-
avaient décoré Syracuse, entre les premières main. D'un autre côté, l'armée romaine, irritée
villes de la Grèce. On y voyait huit éléphants, de ce qu'on ne lui avait permis ni de quitter la
preuve de la victoire remportée sur les Cartha- province avec son général ni d'hiverner dans les
ginois. Un spectacle non moins curieux s'y fai- villes, servait avec tiédeur il ne lui manquait
sait remarquer. C'étaient le syracusain Sosis et qu'un chef pour passer du mécontenlement à la
l'espagnol Méricus, précédant Alarcellus avec des révolte. Au milieu de ces difficultés le préteur
couronnes d'or sur la lêle. L'uo avait, pendant la M. Cornélius ramena les esprits, en usant tour
nuit, servi de guide aux Romains, pour entrer à tour de douceur et de sévérité; il fit rentrer
dans Syracuse; l'autre leur avait livré l'Ile et la dans le devoir toutes les villes révoltées, et,
garnison qui la défendait. Chacun d'eux eut pour parmi elles, assigna Murgance et son territoire
récompense le droit de cité et cinq cenls arpents aux Espagnols, conformément aux dispositions du
de terre. La part de Sosis lui fut assignée dans la sénatus-consulte.
partie du territoire de Syracuse qui avait appar- XXII. Les deux consuls avaient l'Apulie pour
tenu à ses rois ou aux ennemis de Rome, avec une département; mais, Annibal et les Carlhaginois
maison dans la ville, à son choix parmi les pro- inspirant dcjà moins de terreur, ils eurent ordre
priétés de ceux qui avaient été punis selon les lois de tirer au sort l'Apulie et la Macédoine. La Ma-
de la guerre. Méricus et les Espagnols qui étaient cédoine échut à Sulpicius, qui alla y remplacer
passés avec lui du coté des Romains, obtinrent un Lévinus. Fulvius fut appelé à Rome pour la tenue
domicile dans une des villes rebelles, et des terres des comices. Pendant qu'il présidait les comices
dans les campagnes conlisquées par le droit de consulaires les jeunes gens de la centurie Vétu-
conquête. M. Cornélius fut chargé de cette répar- ria, qui devait voter la première, donnèrent leurs
tition, qu'il devait faire de la manière qui lui pa. voix à T. Manlius Torquatus et à T. Otacilius.
rai Irait la plus convenable. Ou décerna, dans le Déjà la multitude se rassemblait autour de Man-
même territoire, quatre cents arpents à Belligène, lius, pour le féliciter, dans la persuasion que ce
qui avait su engager Méricus à se déclarer pour choix aurait l'approbation de tout le peuple, lors-

bano triumphavit; iode ovans multam præ se prædam pedilum, tria Numidarumequitum exposuit. Adeos Mur-
in urbem m ulit. Cum simulacro captarum Svracusarum, gantinæ deseciverunt trrrae; secutw defectionem earum
ca apul æ b listæque, et ahaomaiainstrumenta belli lata, Hybla et hlacella sont, et ignobiliores quæ iam aliæ. Et
et pacis diuturuæ reglæque opulentim oruamcnta, ar- Numidæ. præfeclo Mutine, vagi per totam Siciliam so-
genti æris que tabr efacti vis. alia supellrx, preliosaque ciorum populi romani agros urehant. Super hœc exerci-
vest's, et multa nobilia sigun, quibus mter primas Græ- tus romanus iratu., partim quod cum imperatore non
ciae urhes Syracusæ ornatæ fuerant. Punicæ quoque vic- devectus ex proviucia esset, partim quod iu oppidis hi-
toriæ signum, octo ducti elephani. Et non minimum fuit bernare vetiti erant, segni fungebantur militia; magisque
spec aculum cum coionis aureis præcedentes Sosis Syra- iis aucior ad seditionem quam animus, deerat. Inter has
cusrnus, et M ricub Htspanus quorum altero duce noc- dilficullalesM. Cornehus prætor et militum auimos, nunc
turno Syracusas introutum erat; aler Nasum quodque consolaudo, nunc castigando, sedavit, et civitates om-
ihi præsidi erst prodiderat. His ambohus civitas data, nes, quo defecnrant, in ditionem redegit; atque ex bis
et quiugena ju;;era agri. Sosidi in agro sy acusano, qui Murgantiam Hispanis, quibus urbs agerque debebatur
aut regus, aut hostum populi romani fuist t et ædes ex s4 naluscnusulto, attribuit.
Syracu is, cojus vellet eorum in quos belli jure animad- XXII. Consules, quum ambo Apuliam provinciam ha-
versum es-et; Mer co Hispanisque, qui cum eo trallsie- ber. nt, minusque jam terroi is a Pœnis et Annibale esset,
raut, xrbs agerque in Sn ilia ex iia, qui a p pulo romano sortiri jussi Apuliam Macedoniamqueprovincias. Sulpt-
defecisst nt jus,a dari. Id M. Cnrnelio mandatum ut, cio Macedoma evenit, isque Laevinosuccessit. Fulvius,
ubi ei vid retur, urberu agrumque iis assignaret. In eo- Romam comitiorum causa arcessitus, quum comitia con-
dein agro Bell geni per quem illectus ad transitionem sulibus rogandis haberet, prærogativa Veluria juuiorum
Mericus erat qua ringenta jugera agri décréta. Poàt pro- deciaravit T. Manlimu Torqnatum et T. Otacilium. Man-
fcctionem ex Sicilia Marcelli, punica clasais octo millia lius, ym præsens erat, gralulandi cauea quum lurb co
que, perçant la foule, il s'approche du tribu- de l'enceinte. Les vieillards indiquèrent trois
hal du consul, le prie d'écouler quelques mots et candidats, dont deux avaient été chargés d'hon-
de rappeler la centurie qui vient de lui donner neurs, Q. Fabius et M. Marcellus; le troi-
son sulliage. Tout le monde étant dans l'autente sième, dans le c.is où l'on voudrait choisir un
(le ce qu'il allait demander, il allégua pour se nouveau général contre les Carthaginois, était
récuser, la faiblesse de sa vue. « Ce serait, ajouta- M. Valérius Lévinus, qui, dans la guerie con-
t-il, de l'imprudence dans un pilote comme dans tre le roi Philippe, avait obtenu des succès sur
un général, si, contraints d'avoir recourus aux terre et sur mer. Après avoir indiqué ce triple
yeux d'autrui pour se guinder, ils demandaient choix, les vieillards se retirèrent, et les jeunes
qu'on leur confiât le sort et 1 existence de leurs gens allèrent aux voix. ils nommèrent consuls
concitoyens. Il désirait donc que le consul ren M. Claudins Marcellus, encore lout brillant de la
voyât au\ voix les jeunes gens de la centurie Vé- sIoire dont vena't de le couvrir la conquête de la
tmia, et qu'on se souvint, dans l'élection qu'on Sicile, et ,1. Valérius, tous deux abset ts. Ce choix
avait à faire, de la guerre qui désolait l'Italie, et de la première centurie délermina le suffrage de
des circonstances où se trouvait la république. Ses toutes les autres. Que l'on lourne maintenant en
oreilles étaient encore frappées du bruit et du tu- ridicule les admirateurs du passé. Crtes, s'il
multe que les ennemis avaient depuis quelques il y a une répub ique de sages, dxont le nu dele in-
mois fait retentir jusque sur les murs et aux connu n'existe que dans l'imagination des philo-
portes de Home. » A ces mots, la centurie s'é- sophes, je pense qu'on ne pourrait la composer
cria presque tout d une voix a qu'elle ne chan- ni de grands plus anstères et moins ambitieux,
geait point d'avis, et persistait dans son premier ni d'une multitude plus morble. Mais que les
choix.» Alors Torquatus « Je ne pourrais, (lit-il, jeunes gens de la centurie aient voulu consul-
supporter, etant consul, la licence de vos mœurs, ter les vieillards sur le choix des consuls c'est ce
ni vous la sévérité de mon commandement. Re- qui paraît peine vraisemblable dans ce siècle où
tourniez aux suffrages, et songez que les Carthagt- l'autorité paternelle elle-même a si peu din-
nois sont au sein de I Italie et que ces ennemis ont flaence et d'empire sur les ewants.
pour chef Annibal.» Lesjeunes gens, frappés du ton XXIII. On tint ensuite les comices pour l'élec-
imposant de Torquatus. et des applaudissements tion des préteurs. P. Manlins Vu'son. L. Manlius
que l'admiration excitait autour de lui deman- Acidmus, C Létorus et L, Cincius Alimentusfu-
dent au consul d'appeler les vieillards de la cen- rent nommés. Après la clînuro des comices, on
turie. o Ils voulaient consulter leur expérience reçut la nouselle que T. Otacihus, qui, malgié son
sur le choix qu'ils avaient à faire. n Cette convo- absence, eût été donné pour collègue a T. Manlius,
cation eut lieu, et l'on donna aux uns et aux au- si la marche de l'élection n'avait pas été inter-
tres le temps de conférer dans un endroit séparé rompue, venaitdemourir en Sicile. Les jeux apol-

iret, nec dubius esset consensus populi, magna circum- loquendi tempus. Seniores de tribus consulendum dixe-
fusus turba ad tribm al consulis venit; petitque, ut pauca runt esse duobus jam plenis honorum, Q. Fabio et
sua verba audiret, centuriamque, quæ tulisset suffra- M. llarcello; et, 8i mique novum aliquem adversus Pœ-
gium, revocdri juberet. Erectis omnibus exspectatione, nos consulem creari vellent, M. Valer ium Lævinum egre-
quidnam postula urus esset, oculnrum valetud nem excu- gie adverstis Phi ippum regem terra marique res gessis-
savit. I opudentem et gubernatorem et imperatorem se. Ita de lrilnts consultatione data, senirib is dimissis,
esse, qui, quum lienis oenlis ei omina agenda sint, pos- juniores suffragium ineunt. M. Clandium Marcellum

ci
tulet sil,i aliorum capita ac fortunas comitti. Promde. si fuleentent tum Siciba dnmita, et M. Valerium absentes
videretur, et redire in suffragium Veturiam juniorum ju- consuls dmeruot. Anctoritatem prærogativæ omnes cen-
in mioi-set in con-ulibus creandis belli quos turia' seculae sunt. Eludant nunc auttqua miranles. Non
in Italm sit, temporumque reipublicæ. V ixdum requiesse equidem, si qua sil saprentium civitas, quarn docti fin-
aures a snepnu e tumuitul hostin quo peucos ante men- gunt magis, quam norunt, aut principe s graviores tem-
ses ase and int prope mœnia romana. »Post ha'c quum perantioresque a cupidine imperii, aut mul itudmem me-
centurfrequens succlamaseset, « nit il se mot tre senten- hus moratam censeam fieri posse. Centuriam vero jumo-
tiæ, cos emone consuls dieluros esse; tum Torqua- rnm seniores consulere voluisse, qubus iniperium suf-
tus « qur ego visuos, inquit, mores consul forre po- fragio mandaret, vix ut vensimle sit, parenum quoque
tero m que vos impermm meum R. dite in suffragiu n, hoc sæculo vihs levis lue apnd beros auctoritas f cit.
et cogatate bel uni panucum in Italia, et hostium ducem XXIII. Prætoria inde comitia habita. P. Manlius Vu'.
An il al. m sse. » Tum centuria, et auctoritate mota vir i so, et L. Manius Acidinus, et C. ætorins, et L. Cin-
cius Alimentus creati sunt. Forte ita incidit, ut con itits
tiam st niorm citaret. «Ve lie secum majoribus natu col perfectis nuntiaretur, T. Otaciltum, quem T M nlio, mist
lo ni, et ex auctorit ite corum consules dicere. » Citatis interpellatus ordo comitiorum esset, colleg im absentem
Veturiæ senioribus, datum secreto in ovili cum lus col- daturus fuisse vldebatur popuus, mortuum in Sicilia
linaires avaient été célébrés l'année précédent. dessein quelque temps auparavant. Là, commen-
Le préteur Calpurnius proposa de les renouveler çant par faire valoir la prise de Ssracuse et de
cette année, et le sénat décréta que cette solen- Capoue, comme preuves des succès obtenus par
nité annuelle aurait lieu à perpétuité. Dans le les Romains en Sicile et en Italie, il ajouta que
même temps, on vit et l'on annonça plusieurs « Rnme avait pour principe héréditaire de traiter
prodiges. La foudre frappa la statue de la Victoire ses alliés avec les plus grands égards. Aux uns
élevée au sommet du temple de la Concorde, et elle avait donné le droit de cité ce qui les rendait
la renversa sur les Victoires placéesau-dessous de égaux aux Romains mêmes; aux autres elle avait
la frise où elle s'arrêta sans tomber jusqu'au fait des conditions assez avantageuses pour qu'ils
bas. On apprit encore qu'à Anagnia et à Frégelles préférassent le titre de ses alliés à celui même de
le feu du ciel avait atteint les murailles et les citoyens. Les Étoliens tiendraient le premier rang
portes; que dans la place publique de Suderte parmi les alliés d'outre-mer, s'ils étaient les pre-
des ruisseaux de sang avaient coulé tout un jour; miers à faire alliance avec la république. Philippe
qu'à Érétum il avait plu des pierres et qu'à et les Macédoniens étaient pour eux des voisins re-
Réate, une mule avait mis bas. En expiation de doutables mais déjà il avait abattu leur puissance
ces prodiges, on immola les grandes victimes; et leur orgueil, et il saurait bien les réduire à
on ordonna des prières publiques pendant un évacuer les villes enlevées aux Étoliens, et à
jour entier et un novendial solennel. Quelques craindre pour la Macédoine même. Quant aux
pontifes étaient morts cette année, on les rem- Acarnaniens, dont l'Étolie voyait avec peine la
plaça M. Émilius Numida, décemvir des sacri- défection, il s'engageait à les contraindre de ren-
fices, par M. Émilius Lépidus; M. Pomponius Ma- trer dans leur ligue et dans leur dépendance. s
thon, pontife, par C. Livius; et Sp. Carvilius, le 'l'elles furent les paroles et les promesses du géné-
premier des augures, par M. Servilius. Quant au ral romain; elles furent appuyées par Scopas,
pontife T. Otacilius Crassus, comme il était mort alors magistrat suprême des Étoliens, et par Do-
à la fin de son année, on ne lui donna point de rymaque, un de leurs principaux chefs, qui exal-
successeur. C. Claudius, flamine de Jupiter, fut tèrent la puissance et la majesté du peuple romain,
privé de son sacerdoce, pour avoir présenté en d'une manière d'autant plus persuasive, que
sens contraire les entrailles de la victime. l'éloge paraissait plus désintéressé; mais ce qui
XXIV. Vers le même temps, M. Valérius Lévi- détermina surtout les Étoliens, ce fut l'espérance
nus, après s'être ménagé des entretiens secrets de voir rentrer l'Acarnanie sous leur domina-
avec les principaui chefs étoliens, et avoir sondé tion. On convint donc des conditions auxquelles
leurs dispositions, partit avec les bâtiments les ils seraient reçus dans l'amitié et l'alliance du
plus légers de sa flotte, pour se trouver à l'assem- peuple romain. Une clause additionnelle portait
blée de cette nation, qui avait été indiquée à « que les
Éléens, les Lacédémoniens, Attale, roi

esse. Ludi apollinares et priore anno fuerant, et, eo pedita venit. Ubi quum Syracusas Capuamque captam,
auno ut fierent, referente Calpurnio præœtore senatus in fidem in Sicilia Italiaquererum secundarum, ostenlas-
decrevit, ut in perpetuum voverentur. Eodem anno pro- set, adjecissetque,jam inde a majoribus traditum mo-
digia aliquot visa nuntiataque sunt. In a'de Concordiæ rem Romanis colendi socios, ex quibus alios in civitatem
Victoria, quae in culmiue erat, fulmine icla decussaque atque a'quum secum jus accepissent, alios in ea for-
ad Victorias, quæ in anteflxia erant, hæsit, neque inde tuna haberent, ut socii esse, quam cives, mallent. Æto-
procidit. Et Anagnia et Fregellis nuntiatum est murum los eo in majore futuros honore, quod gentium transma-
portasque de cœlo tactas; et in foro subertano sangninis rinarum in amicitiam primi venissent. Pbilippum iis et
rivos per diem totum Ouxisse, et Ereti lapidibus pluisse, Macedonas graves accolas esse; quorum se vim ac spiri.
et Reate mulam peperisse. Ea prodigia hostiis majoribus tus et jam fregisse, et eo redacturum esse, ut non his
sunt procurala, et obsecratio in unum diem populo in- modo urbibua, quas per vim ademissent Ætolis, exce-
dicta, et novendiale sacrum. Sacerdolespublicialiquot eo dant, sed ipsam Macedoniaminfestam habeant. Et Acar-
anno demortui sunt, novique suffecti in locum M. Æmi- nanas, quos aegre ferrent Ætoli a corpore suo diremptos,
lii Nuruidæ decemviri sacrorum M. Æmilius Lepidus; in restituturum se in antiquam formulam jurisque ac ditio-
locum M. Pomponü Mathonis pontiacis C. Livius in le- nis corum. » Hæc, dicta promissaque abromano impera-
cum Sp. Carvilii Maximi auguris M. Servilius. T. Ota- tore, Scopas, qui tum praetor gentis erat, et Doryma-
cilius Crassus pontifex quia exacto auno mortuus erat, chus, princeps Ætolorum, afflrmayerunt auctoritate sua,
ideo nomioatio in locum ejus non est facia. C. Claudius minore cum verecundia et majore cum fide vim majesta-
flauien Dialis, quod exta perperam dlderat, Flammio temque populi romani extollentes. Maxime tamen spes
abiit. potiuudæ movebat Acaroaniæ. Igitur conscriptæ condi-
XXIV. Per idem tempus M. Valerius La'vinus, tenta- tiones, quibus in ainicitiam societatemqnepopuli romani
tis prius per secreta colloquia principumanimis, ad in- vemrent; additumque, e ut, si placcret vellenique, eo-
dictum aute ad id ipsum coucilium Ætolorum classe ci- dein jure amictiæ Elei Lacedemoniique, et Attalus et
d'Asie l'ieuratus et Scerdilédus princes de gements avec Annihal, il se relira lui-même à
thrace et d'lllyrie, seraient libres d'accéder au Corcyre.
traité, » Aux termes de cette convention, « les XXV. Philippe apprit la défection des Étoliens
Étoliens étaient tenus d'entrer sur-le-champ
en à Pella, où il passait t'hiver. Dans le dessein de
guerre avec Philippe par terre, et les Romains de porter la guerre en Grèce au commencement du
leur fournir un secours de vingt quinquérèmcs au printemps, et afin de protéger la Macédoine contre
moins. Tout le pays à conquérir entre Corcyre et les attaques de l'Illyrie et des places voisines, en
l'Étolie, villes, maisons, territoires, devaientap- les contenant par la crainte d'un péril
commun,
partenir aux Étoliens, et le reste du butin former il fit une irruption soudaine sur les frontières des
la part des Romains, qui prenaient l'engagement Oriciens et des Apolloniates; et ces derniers
d'assurer à leurs alliés la possession del'Acarnanie. ayant tenté une sortie, il les repoussa jusque dans
Dans le cas où les Étoliens feraient la paix avec leurs murs, où ils rentrèrent saisis de terreur
Philippe, ils auraient à stipuler qu'elle ne serait et d'épouvante. Après avoir ravagé les contrées
ralifiee qu'autant que ce roi cesserait toute hosti- voisines de l'Illyrie, il tourna avec la mêmes
lité contre les Romains, contre leurs alliés et tous promptitude contre la Pélagonie, d'où il alla
les pays de leur dépendance. De même si les prendre Sintia, ville des Dardaniens, et qui
Romains venaient à faire alliance avec Philippe, pouvait leur donner passage dans son royau-
une des clauses expresses du trailé serait qu'il ne me. Après ces rapides expéditions, songeant à
pourrait faire la guerre ni aux Étoliens ni à leurs la guerre qu'il allait avoir contre les Étoliens
alliés, n Ces conventions ne furent inscrites que unis aux Romains, il descendit en Thessahe, par
deux ans après dans le temple d'Olympie par les la Pélagonie, la Lynccstide et la Bottiée, qu'il
Étoliens, et par les Romains dans le Capitole, se flattait de décider à prendre avec lui les ar-
Éloliens. Il laisse donc l'ersée avec
pour être consacréespar des monuments religieux. mes contre les
La cause de ce retard fut le séjour prolongé quatre mille hommes, aux gorges de la Thessalie,
des ambassadeurs étoliens à Rome. Toutefois ce afin de leur en fermer l'entrée. Pour lui, avant
délai n'empêcha pas les opérations de commen- de s'engager dans des affaires plus importantes,
cer. Les Étoliens prirent les armes contre Phi- il conduit son armée en Macédoine, et de là dans
lippe, et Lévinus s'empara de la petite île de la Thrace et dans le pays des Médiques. Cette
7ante, voisine de l'Étolie, et de sa capitale, qui nation avait pour habitude de faire des incursions
porte le même nom sans toutefois pouvoir dans la Macédoine, dès que le roi. occupé d'une
réduire la citadelle il soumit aux Étoliens OE- guerre étrangère, laissait le royaume sans dé-
niade et Nasos, villes d'Acarnanie. Alors, jugeant fense. Il se mit donc à dévaster les terres de Phra-
que Philippe était trop occupé dans son pays ponr gandes, et vint assiéger lamphorina, capitale et
songer à l'Italie, aux Carthaginois et à ses enga- clef de la Nlédique. Scopas, à la nouvelle que le

Pleura tus et Scerdilædus essent. (Asiæ Attalus, hi Thra- parta cum Annibale posset respicere Corcyram ipse se
cum et Illyriorum reges. ) Bellum ut extemplo AEtoli recepit.
cum Philippo terra gererent; navibus ne minus viginti XXV. Philippo Ætolorum defectio Pellæ hibernanti
quinquereinibus adjuvaret Romanus. Urbium Corcyrae allata est. Itaque, quia primo vere moturus exercitum
tenus ab Ætolia incipienti solum teclaque, et muri cum in Graciam erat, Illyrios finitimasque iis urbes allerno
agris, Ætolorum; aha omnis præda populi romani esset; metu quietas ut Macedonia haberet, expeditionem suin-
darentque operam Romani ut Acaroauiam Ætoli habe- tam in Oricinorum atque Apolloniatiumfines fecit: egres-
rent. Si jEtoli pacem cum Philippo facerent, fœderi as- sosque Apolloniatas, cum magnu terrore atque pavore
criberent, ita ratam eorum pacem si Philippus arma ab compulit intra muros. Vastatis proximis Illyrici, in Pe-
Romanis sociisque, quique eorum ditionis essent, abati- lagoniam eadem celeritate vertit iter inde Dardanorum
nuisset. Item, si populus romanus fœdere jungereturregi, urbem Sintiam, in MacedoniamIransitum Dardanis f c-
ut caveret, ne jus fi belli inferendi Ætolis sociisque eo- turam, cepit. His raplim actis, memor Ætolici junctique
rum esset. » Hæc couvenerunt, conscriptaque biennio cum eo romani bclli, per Pelagoniam, et Lyncum, et
post Olympiæ ab Ætolis, in Capitolio ab Romanis, ut Bottiæam, in Thessaliam descendit. Ad bellum secum
testata sacratis monumentis essent, sont pnsita. Moræ adversus Ætolos capessendum incitari posse homines crc-
r,ausa fuerant retenti Romæ diulius legati Ætolorum. dehat et, relicto ad fauces Thessaliæ Perseo cum qua-
Nt c tamen impedlmento id rebus gerendis fuit. Et Ætoli tuor millibus armatorum ad arcendos aditu Ætolos, ipse,
extemplo moverunt adversus Philippum bellum et Lae- priusquam majoribus occuparetur rebus, in Macedoniam,
vinus Zacynthum (parva insula est propinqua Ætoliæ: atque inde in Thraciam exercitum ac Mædos duxit. In-
urbem unam eodem, quo ipsa est, nomine habet; eam currere ea gens in Macedoniamsolila erat, ubi regem oc-
præter aicem vi cepit) et (Eniades Nasumque Acar- cupatum externo bello, ac sine pracsidio esse regnum
nanum captas Ætolis contribuit. Philippum qunque satis sensisset. Ad Phragandasigitur vastare agros, et urbem
lamphorinam
implicatam bello fi ittaino ratus, ne Italian I)oeià soue et caput arcemque Mædicæ, oppuguare cm
roi, parti pour la Thrace, donnait tous ses soins lenti l'ardeu des Étoliens;l'arriv ée de Philippe les
à cette expédition, fait prendre les armes à toute obligea bientôt à rentrer sur leur territoire. Phi-
la jeunesse étolienne, et se dispose à porter la lippe, qui d'abord avait marché à grandes jour-
guerre dans l'Acarnanie. Cette nation, in érieure nées pour prévenir la ruine des Acarnaniens,
en forces, affaiblie déjà par la perte d'Œniade n'alla pa. hlus loin que Dium apprenant que les
et de N nos, et menacee en outre des armes roi- Étoliens avaient quitté l'Acarnanie, il retourna
maines, ne prend plus conseil que du désespoir lui-même à Pella.
pour se mettre en état de défense. Ils comme- XXVI. Au commencement du printemps, Lé-
cent p ir envoyer en Épire leurs femmes, leurs en- vinus partit de Corcyre avec sa flotte, et, après
fants et les vicillards au-dessus de soixante ans; avoir dnublé le promontoire de Leucate, il se
tout le reste, depuis quinze jusqu'à soixante ans rendit à Naupacte, d'où il manda à S opas et aux
jure de ne rentrer dans sa patrie que victorieux, et Étoliens de venlr le joindre devant Anticyre. Cette
s'oblige par le même serment à ne recevoir dans au- ville est située dans la Locride, à la gauche de
cune ville, dans aucune maison, ni à table, ni près ceux qui entrent dans le golfe de Cormlhe, et peu
de ses dieux lares, quiconque reviendrait vaincu éloignee de Naupacte, soit qu'on s'y rende par
du champ de bataille. Une imprécation terrible est terre, soit qu'on prenne la rume de mer. Après
prononcée contre ceux qui violeraient ce serment; trois jours envirnn, Anticyre fut investie de toutes
et les prières les plus saintes sont adressées, à ce parts, et le siége commeuça. Elle fut plus vive-
sujet, aux Épirotes leurs hôtes et leurs voisins; ment pressée du côté de la mer, parce que les
ils les supplient en même temps de réunir dans le Romains, chargés de cette attaque, avaient à
même tombeau tous ceux qui mourront les armes bord toutes les machines nécessaires. Aussi, peu
à la main avec cette inscription sur leur tombe de jours après, elle se rendit, et fut remise aux
Ci gisent lis Acarnaniens qui, coutre toute jus- Étoliens; le butin, aux termes du trailé, fut le
tice, attaqués par les Etoltens, sont morts en partage des Romaius. C'est là que Lévinus reçut
combattantpour la patrie. Auimés par ces dispo- la dépêche qui lui apprenait sa nomination au
sitions, ils marchent au-devant de l'ennemi et consulat en son absence, et l'an ivée prochaine de
vont camper sur leurs frontières. Les courriers Sulpicius, son successeur. Une longue maladie
qu'ils envoyèrent à Philippe pour l'informer des le força de revenir à Rome plus tard qu'on ne l'y
extrémités auxqueles ils sont réduits le foicèrent attendait. M. Marcellus ayant pris possession du
de renoncer aux succès que lui présageaient la consulat aux ides de Mars, convoqua, ce jour-
prise de lamphorina, reçue à composition, et plu- là, le sénat, mais seulement pour la forme et
sieurs autres avantageas qu'il venait d'obtenir. La déclara « qu'en l'absence de son collègue il ne
résolution désespérée des Acarnaniensavaitdéjà ra- traiterait aucune affaire qui regardât la républi-

pit. Scopas ubi profectum in Thracium regem occu- auditns Phrlippi adveulus, regredi etiam in intimos coe-
patumque ibi brllo ai divit, armata on ni juventute Æto- git liues. Nec Philippus, quanquam, ne o primerentur
lorum, hellum inferre Acarnamæ parat. Adversus quod Acarnanes, itmeribus m gnis ierat, ultra Drum est pro-
Acaruauum gens et viribus impar, et jam Œmadas Na- gressus. Inde, quum audi set reditum Ætolorum ex Acar
sumque amissa cerneus, romanayue insuper arma in- nama, etipse Pollam rediit.
gruere, ira magis tnstruit, quam cousilio, belluin. Cou- XXVI. Lævinus, veris principio a Corcyra profectus
jugibus liberisque et senioribus supra sexaginta annos navibus, superato Leucata promon orio, quum venisset
in propinquam Epirum missis, abquindecimad sexaginta Naupactum, Auticyram iude se petiturum edixit, ut
annos conjurant, nisi victores, se non redituros. Qui vic- pra sio ibi Scopas Ætolique essent. Sita Anticyra ese in
tus acie excessisset, eum ne quis urhe, tecto, mensa, lare Locride læva parte sinum Corinth acum intrantibus.
reciperet, diram exsecrationem in populares obtestatio- Breve terra iter eo. brevis navigatio ah Na picto est.
nem quam sanctissimam potuerunt adversus bospites Tertio ferme post die utrimque oppugnari cœpta est.
composuerunt: precatique simul Epirotas sunt, ut, qui Gravior a mari oppugnatio erat quia et tormenta ma-
suorum in acie cecidissent, eos uno tumulo contegerent, chinæque omms generis in navibus erant, et Romani
adhiberentque huma.is titulum: HIC SITJ SUNT ACARNANES, inde oppugnabant. Ilaque intra paucos dies recepta urbs
QUI, ADVERSUS VIM ATQU6 INJURIAM ÆTOLORUM PRO PATIIIA per ded tionem Ætolis tradilur, præda ex pacto Roma-
PUGYANTES, MORTEM OCCUDUERUNT. Per hæc incitatis ani- nis cessit. Literæ Lævino redditæ, consuleme un absen-
mis, castra in extremis finibus suis obvia hosti potuerunt. tem declaratum, et successorem venire P. Sulpicium.
Nuntis ad Phillppum missis, quanto res in discrimine Ceterum, ditittii iio ibi morbo implicitus, serin, spe om-
esset omittere Philippum id quod in mambus erat ninm liomam venit. M. Mircellus, quum idibus Martiis
cocgeruntbellnm Iamphorina per deditionem recepa, consulatum imsset, senatum eo die, moris modo causa
et prospcro alio successu rerum Ætolorum impetum tar- habmt piofessus, « nihil se abseote collega, neque de
daverat primo conjurations fama Acarnancæ: deinde re pub ica ne luc de provinciis, actrum. Scire se, fre
que ou les déparlemenls des généraux. Il savait incendie qui éclata sur plusieurs points autour du
qu'un grand nombre de Siciliens se tenaient ca- Forum, la nuit d'avant la féte de Minerve. Le feu
ches, aux environs de Rome, dans les maisons de consuma les sept boutiques sur l'emplacement
campagne de ses ennemis. Bien loin de les em- desquelles on a depuis construit les cinq neuves,
pêl her de débiter hautement dans la Nille leurs occupées par des orfèvres. Il attaqua ensuite les
imputations fausses et calomnieuses, il n'hésite- édifices particuliers qui ont aujourd'hui fait place
rail pas à leur donner sur-le-champ audience en à des portiques, puis les prisons publiques, le
plein sénat, s'ils n'eussent affecté de répandre marche au poisson, et le vestibule du palais des
qu'ils craignaient de parler contre le consul en anciens rois. Le lemple de Vesta fut à pciuc pré-
l'absence de son collègue. Aussitôt que Lévinus servé par le zèle de treize esclaves, qui furent
serait arrivé, son premicr soin serait d'intro- rachelés aux dépens de l'état et obtinrent la li-
duire les Siciliens dans le sénat. M. Cornélius berté. Le feu dura une nuit et un jour entiers. Ce
avait, pour ainsi dire, fait contre lui dans toute qui prouva que ce malheur était l'effet d'un com-
la Sicile une levée d'accusateurs, qu'il avait en- plnt, c'est que le feu avait pris en même temps
voyés en foule à Rome; s'il remplissait la ville de dans plusieurs endroits séparés les uns des autres.
leltres mensongères, s'il disait que la guerre du- Aussi le consul, d'après l'autorisation du sénat,
rait toujours en Sicile c'était pour rabaisser sa declara dans l'assemblée du peuple que ceux qui
gloire. Le consuls, après avoir, ce jour-là, fait feraient connaître les coupables auraient pour ré-
preuve de modération, leva la séance, et une sorte compense une somme d'argent, s'ils étaient libres;
de jusiitium paraissait devoir suspendre les af- la liberté, s'ils étaient esclaves. Celte promesse
faires jusqu'a l'arrivée de l'autre consul à Rome. décida un esclave, nommé Mannus, à dénoncer
L'oisiveté eut son effet accoutumé, celui de lais- comme auteurs de l'incendie les Calavius, ses
ser un libre cours aux rumeurs populaires. On se maîtres, et de plus cinq jeunes gens des familles
plaignait « de la durée de la guerre, de la dévas- les plus distinguées de Capoue, dont les pères
tation des campagnes voisines de Rome, qu'Anni- avaient été frappés de la haclie par ordre de
bal avait ti aversées dans sa marche incendiaire; Q. Fulvius. Ils avaient l'intention de mettre le feu
les levées avaient épuisé l'Italie; il n'y avait point ailleurs si on ne les saisis,ait. » On les arrêta eux
d'année qui ne fut marquée par le massacre des et leurs esclaves. D'abord, ils essayèrent de jeter
armnes romaines; et l'on venait de crier deux du discrédit sur le dénonciateuret sur sa deposi-
cousuls belliqueux, deux caractères bouillants et tion: «la veille, cet esclave, battu de verges, s'était
fiers qui étaient lunnmes à faire naiue la gmrrc échappé de chez ses maîtres pir ressentiment,
même au sein de la paix, bien luin de laisser res- par légèreté, il avait saisi l' ccasion que le hasard
pirer la république au mi ieu de la guerre. » lui offrait de forger cette accusation. » Mais lors-
XXVII. Ces plaintes fureut interrompues par un que l'esclave, confronté avec eux, soutint sa dé-

queutes Siculos prope urhcm in villis obtrectatorum suo- dum or.uin. Eodem tem ore septcm tal erna', quæ pnst-
rum esse. Quibus, lantum abesse. ut per se non liceat ca quinque, et argentariæ, quæ nune Nov appelan-
palam Romæ crimuna edita fictaque ab immicis vulgare, tur, ar·ere. Comprehensa postea privata æ tificia; ne-
ut, ni simulerent, aliquem sibi timorem, absente col que enim tum basiticæ erant; comprehensæ l, Il umiæ,
lega, dicendi de console esse. ipse iis extemplo daturus forumque piscatorium, et atrium regium. !Edeb Ve.im
senatum fuerit. Lbi quidem collega venisset, non passu' vix defrnsa est tredecim maxime servorum o era, qui in
rum quic uam prms agi, quam ut Siculi in senatum in publicum redempti ac manumissi sunt. Nocte ac die con-
troducantur. Delectum prope a M. Cornelio per totam tinuatum inceodium fuit. Nec ulli dubrum erat, humana
Siciliam ha itum ut quam plurim questum de se Ro id fraude factum esse, quod plurinus simul locis, et ils
mam venirent. Fumdem literis falsis urbem implesse, diversis, ignes coorti essent. Itaque consul ex auctoritate
bellum in Sicilia esse, ut simm laudem miouat.. M de- senatus pro concione edit. qui, quorum opnra id con-
rati ammi gloriam eo d e adeptus consul senatum dimi- flatum incendium, profit retur, præmium fore, Iero
sit ac prope justuium omnium rerum futurum videba- pecuuiam servo libertatem. Eo præmio iuductus Cam-
tur, donec alter consul ad urhem venisset. Olium, ut panorum Calaviorum servus Mannus es nomen er.it)
bolet, excitivit plebis umors: «belli dinturnitatem, indicavit,« dominos et quinque præter a juvenes nobl-
et vastatos agroe circa urbem, qua infesto agmine isset
Anmbal. et exhaustam delectibus Italiam, et prope quo-
tannis exercitus caesos querebanlur; et consules bcllico-
cussi erant id ncendium le;
les Campauos, quorum parentes a Q. Fulao securi per-
vulgo que fac os afin,
ui comprehendantur.» Comprehensiipsi familiæqueo-
sos amho, viros acres nimis (t fcroces, creatos, qui vel rom. Et pri uo rlevabalur indei indiciunique: pridie
in pace tranquilla bellum excitare possent, nedum in eum verberibus castigatum ab dominis discessisse, per
bello respirare civitatem forent passuri. » iram ac Levitatum ex re fortita crimen cominentum.
XXVII. Interrupit hos sermones nocte, qui pridie Ceterum ut coram coarguebantur, et qua-sjo ex minis-
qumquatrus fuit, pluribus simul lors circa forum incen- tris facino is foro medio haberi cœpta est, fassi onmes,
position, et qu'on eut commencé à appliquer à la Capoue cinq jours après awir reçu la réponse
torture, au milieu du forum, les ministres de du sénat. Ce fut au milieu de ce cortége, grossi
leurs projets criminels, ils avouèrent tout, et fu- par les Siciliens et les Étoliens venus à sa rcn-
rent exécutés, ainsi que les esclaves et leurs contre, qu'il fit son entrée à Rome, amenant,
complices. Mannus reçut pour récompense la li- pour accusateurs de deux généraux devenus fa-
berté et vingt mille livres d'airain. Le consul Lé- meux par la prise de deux villes célèbres, ceux
vinus, à son passage devant Capoue, se vit entouré mêmes qu'ils avaient vaincus dans les combats.
d'une foule de Campaniens qui, les larmes aux Mais avant tout, cependant, les consuls mirent
yeux, le suppliaient de leur permettre de se en délibération des objets d'intérêt public et la
rendre à Rome, pour conjurer le sénat, si toute- fixation des départements.
fois il n'était pas inexorable, de ne point consom- XXVIII. Lévinus exposa alors la situation de la
mer leur perte et de ne pas laisser Q. Flaccus Macédoine, de la Grèce, de l'Étolie, de l'Acarnanie,
effacer jusqu au nom de Capoue. Flaccus répondit de la Locride et tout ce qu'il avait fait sur terre et
« qu'il n'avait point d'inimitié personnelle contre sur mer dans ces contrées. «Au momentoù Philippe
les Campaniens, mais qu'il les baïssait comme les allait porter la guerre dans l'Etolie, il l'avait re-
adversaires et les ennemis de l'état, et qu'il les poussé dans la Macédoine et forcé de s'enfoncer
traiterait comme tels, tant qu'il leur verrait la dans le cœur de son royaume on pouvait donc
même animosilé contre le peuple romain. L'uni- ralpeler la Iégion destinée à le combattre; la
vers n'avait point de nation point de peuple plus flotte suffirait pour lui fermer l'entrée de l'Italie. »
acharné contre Rome. S'il les tenait renfermés Tel fut le compte qu'il rendit de sa conduite et des
dans leurs murailles, c'est que ceux qui parve- pays où il avait commandé. On mit ensuite en
naient à s'échapper se répandaient dans les cam- délibération le partage des provinces entre les
pagnes comme des bêtes féroces, déchirant, égor- deux consuls. Le sénat décréta que l'un des deux
geant tout ce qui s'offrait à eux. Les uns s'étaient resterait en Italie, pour y faire la guerre contre
réfugiés auprès d'Annibal, les autres n'étaient allés Annibal, et que l'autre, à la tête de la flotte qu'a-
à Rome que pour l'incendier. Le consul trouverait vait commandée T. Otacilius, passerait en Sicile
dans le Forum à demi brûlé des traces de leur avec le préteur L. Cincius. Ou leur donna les
scélératesse. Leur fureur avait eu pour objets et le deux armées qui se trouvaient dans l'Étrurie et
temple de Vesta et ses feux éternels, et, jusque dans la Gaule, et qui étaient composées de quatre
dans son sanctuaire, le Palladium, ce gage fatal légions; les deux légions urbaines de l'armée pré-
de la durée de l'eropire. Il croyait donc qu'il n'y cédente passèrent en Étrurie, et les deux qui
avait pas de sûreté à permettre aux Campaniens avaient été sous les ordres du consul Sulpicius, fu-
l'entrée de Rome. » Lévinus leur accorda pour- rent envoyées daus la Gaule, pour y servir sous un
tant la liberté de l'y accompagner, mais en les lieutenant dont le choix était abandonné au consul
obligeant de jurer à Flaccus qu'ils reviendraientà qui aurait le département de l'ILalie. On proro-

atque in dominos servosque conscios animadversumest. diluros sequi se Romam jussit. Hac circumfusus multi-
Indici liberlas data, et viginti millia æris. Cousuli Laevi- tudine, simul Siculis obviam egressis Ætolisque, Romam
no Capuam praitereunticircumfusa multitudo Campano- præivit, clarissmarum urbium excidio celeberrimis vi-
rum est, obsecranlium cum lacrimis, ut sibi Romam ad ris victos bello accusatores in urbem adducens. De repu-
senatum ire liceret, oratum, si qua misericordia tandem blica tamen primum ac de provinciis ambo consules ad
flecti posent, ne se ad ultimum perditumirent, nomen- seuatum retulere.
que Campanorum a Q. Flacco deleri sinerent. Flaccus, XXVIII. Ibi Laevinus, quo statu Macedonia et Græ-
« sibi privalam simultatem cum Campanis, negare, ul- cia, Ætoli, Acarnanes Locrique esseut, quasque ibi res
iam esse publicas inimicitias et hostiles esse, et futuras, ipse egisset terra marique, exposuit. « Philippum,infe-
quoad eo animo esse erga populum romanum sciret. Nul- rentem bellum Ætolis, in Macedoniam rétro ab se com-
lam euim in terris gentem esse, nulluro infestiorem po- pulsum, ad intima penitus regui abisse, legionemque in-
pulum nomini romano. Ideo se mœuibus inclusos tenere de deduci pnsse classem satis esse ad arcendum Italia
eus quia si qui evasissent aliqua velut feras bestias regem. » Hæc de se deque provincia, cui pra;fuerat. Con-
per agros vagari, et laniare, et trucidare, quodcunque sulum de provinciis communis relatio fuit. Decrevere
obviuin detur. Alios ad Annibalem transfugisse, alios ad Patres, « Ut alten consulum Italia bellumque cuiu Anni-
Rumam iiicendendam profectos. Inventurum in semiusto bale provincia esset alter classem, cui T. Otacilius præ-
foro consulemvestigia scelerisCampanorum. Vestæ ædem fuisset, Sicliamque provinciam cum L. Cincio prætore
petitam, et asternos igues, et cooditum in penetrali fa- obtineret. »Exercitus iis duo decreti, qui tu Etruria
tale pigaus imperii romani. Se minime censere tntum Galliaque essent. Eae quatuor erant legiones. Urbanæ
esse, Caiupanis potestatemintraudi romana mœnia fieri.» dus superiorisanni in Etruriam duæ, quibus Sulpicius,
Lævinus Campanos, jurejurandoa Flaccoadactos, quinto consul præfuisset, in Galliam mitterentur. Galliae et le-
die, quam ab senatn responsum accepissent, Capuam re- gionibus præsset quem consul, cujus ltalia provincia
gca pour un au le commandement de C. Calpur- XXIX. Ces sénatus-consultes rendus, Ics con-
nius, dont la préture venait d'expireret qu'on en- suls tirèrent au sort les provinces. A Marcellus
voyait en Étrurie, aussi bien que celui de Q. Ful- échurent la Sicile et le commandement de la flotte;
vius, qu'on laissa dans la Campanie. On arrêta de à Lévinus, l'Italie et la conduite de la guerre con-
réduire l'armée romaine, en sorte que de deux tre Annibal. Les Siciliens, qui attendaient dans le
légions on en fit une seule. composéede cinq mille vestibule, n'eurent pas plus tôt aperçu les con-
fantassins et de trois cents cavaliers; et on licencia suls et appris cet arrêt du sort, qu'ils en furent
ceux qui avaient un grand nombre decampagnes. frappés comme d'une seconde prise de Syracuse.
Parmi lesalliés,onne conserva que sept mille hom- Leurs gémissements et leurs voix lamentables atti-
mes d'infanlerieet trois cents chevaux; eten réfor- rèrent sur eux tous les regards, et donnèrent lieu
mant le reste, on eut de même égard à l'ancien- à plus d'un débat. Vêtus d'habits de deuil, ils en-
neté des services. Cu. Fulvius, consul de l'année touraient le sénat, en protestant a que chacun
précédente, fut continué dans le gouvernement de d'eux abandonneraitnon-seulementsa patrie, mais
l'Apulie, avec la même armée. Rien ne fut changé la Sicile entière,si Marcellus y revenait avec lecom-
pour lui; on ne fit que proroger pour un an ses mandement. Implacable avant d'avoir reçu d'eux
pouvoirs. P. Sulpicius, son collègue, eut ordre aucun sujet de mécontentement, que ne ferait-il
de réformer tout son corps d'arméc, à l'exception pas, irrité des accusations portées contre lui à
des alliés qui avaient servi sur la flotte. Le consul, Rome par les Siciliens? Il valait mieux pour la Si-
qui allait prendre possession de la Sicile, devait cile être engloutie par les feux de l'Etna, ou sub-
aussi, à son arrivée dans l'île, licencier l'armée mergée par les flots, que de se voir livrée à un
qu'avait commandée M. Cornélius. On donna au ennemi qui ne pouvait que la trouver coupable.
préteur L. Cincius, pour contenir la Sicile, les Ces plaintes des Siciliens, colportées d'abord dans
soldats de Cannes, qui formaient à peu près deux les maisons des grands, et répétées avec l'intérêt
légions. Le préteur P. Manlius Vulson reçut le que leur sort inspirait, ou avec la malignité de
commandement de la Sardaigne avec les deux lé- l'envie qu'on portait à Marcellus, parvinrent en-
gions que L. Cornélius y avait eues sous ses ordres fin jusque dans le sénat. On proposa aux consuls
l'année précédente. Les consuls durent lever dans de consulter les sénateurs sur l'échange des pro-
Rome des légions de citoyens, mais avec défense vinces. Marcellus répondit que « si les Siciliens
d'enrôler aucun des soldats qui avaient servi dans avaient déjà été entendus dans le sénat, il serait
les troupes de M. Claudius, de M. Valérius et de quant à lui, d'un avis fort différent; mais, qu'à
Q. Fulvius, de manière qu'il n'y eut pas ceüe an- cette heure, pour ôter tout prétexte de dire que
née-là plus de vingt-une légions romaines sur la crainte les empêchait de se plaindre d'un ma-
pied. gislrat qui allait devenir l'arbitre de leur sort,

esset, præfecisset. In Etruriam C. Calpuroius,postprae- XXIX. His senatusconsultis perfectis, sortiti provin-
turam prorogato in annum imperio, missus; et Q. Fut- cias consules. Sicilia et classis Marcello, ltalia cum bello
vio Capua provincia décréta prorogatumquein annum adversus Annibalem Lævino evemt. Quæ sors, velut ite-
imperium. Exercitus civium sociorumque minui jussus, rum captis Syracusis, ita exsnimavit Siculos, exspecta-
ut ex duabus legiombus una legio, quinque millia pedi- tione sertis in consulum conspectu stames, ut complora-
tum et trecenti équités esseut; dimissis qui plurima sti- tio eorum flebilesque vooes et extemplo oculos hominum
pendia haberent et sociorum septem millia peditum et converterent, et postmodo sermones prashuerint. Cir-
trecenti équités relinquerentur, eadem ralione stipendio- cumibant enim senatum cum veste sordida, affirmantes,
rum babita in veteribus militibus dimittendis. Cn. Ful- « se non modo suam quemque patriam sed totam Sici-
vio consult superioris auni nec de provincia Apulia, nec liam, relicturos, si eo Marcellus iterum rum imperio re-
de exercitu, quem habuerat, quicquam mutatum. Tan- disset. Piullo suo merito eum ante implacabilem in se
tum in annum prorogatum impermm e·t. P. Sulpicius fuisse quid iratum, quod Romam de se questum venisse
collega ejus, omnem etercitum, præter socios navales, Siculos sciât, facturum? Obrui Ætnæ ignibus, aut mer-
jussus dimlttere est. Item ex Sicilia exercitus, cui M. Cor- gi freto, satins illi insula esse, quam velut dedi noxae
nelius præesset, ubi consul in proviociam venisset, di- inimico. » Hæ Siculorum querelae, domoa primum no.
milü jussus. L. Cincio prætori ad obtinendam Siciliam bilium circumlatæ, celebratæque sermonibus, quos par-
Cannenses milites dati duarum instar legionum. Toti- tim misericordia Siculorum partim invidia Marcelli ex-
de legiones iu Sardiniam P. Manlio Vulsoni praetori citabat, in senalum etiam pervenerunt.Postulatum a con-
decretæ, qmbus L. Cornelius in eadem provincia priore sulibus est, ut de permutandis provincia aenatum consu-
anno præfuerat. Urbanas legiones ita scribere consules lerent. Marcellus si jam auddi ab senatu Siculi essent,
jussi, ue quem militem facerent, qui in eiercitu M. Clau- aliam forsitan futuram fuisse sententiam suam, dicere.
du, M. Valerü, Q. Fulvii, fuissent; neve eo anno plu- Nunc, ne quis timore frenari eos dicere posset, quo mi-
res, quam una et viginti, romanæ legiones essent nus de eo libere querantur, in cujus poteatate moi fu-
1.
il était prêt, si la chose était indifférente à son Marcellus qui avait provoqué les violences d'Épi-
collègue, à changer avec lui de département. Il cyde et d'Hippocrate, en saccageant sans pitié
priait seulement le sénat de ne rien préjuger car la ville de Léontium. Depuis, les principaux ci-
s'il eut été injuste de laisser le choix à son collè- toyens n'avaient pas cessé de passer dans le camp
gne, sans consulter le sort, ne serait-ce pas une de Marcellus, et de lui promettre qu'ils lui livre-
injustice plus criante, et même un véritable af- raient la ville dès qu'il le demanderait. Mais il
front, que de lui ravir la province qui lui était avait d'abord préféré la prendre de vive force;
échue pour la confier à Lévinus? Les sénateurs et enfin, après mille efforts inutiles sur terre et
ayant manifesté leur vœu, sans rien décréter; la sur mer, il avait mieux aimé devoir la prise de
séance fut levée. L'échange eut lieu entre les con- Syracuse au forgeron Sosis et à l'espagnol Méricus
suls, et l'arrêt du destin entraîna Marcellus vers qu'aux Syracusains les plus illustres, qui tant de
Annibal afin qu'ayant eu le premier la gloire de fois lui en avaient vainement fait l'offre. Il vou-
le vaincre à une époque désastreuse pour la répu- lait sans doute avoir un prétexte plus spécieux
blique, il fût le dernier des généraux romains pour massacrer et dépouiller les plus anciens al-
dont la mort illustrât le Carthaginois, dans un liés du peuple romain. Si ce n'eût pas été Hiéro-
temps où Rome était partout triomphante. nyme, mais le peuple et le sénat de Syracuse,
XXX. L'échange des provinces terminé, les Si- qui se fussent rendus au parti d'Annibal; si les
cilieus, introduits dans le sénat, parlèrent lon- portes de la ville eussent été fermées à Marcellus
guement de la fidélité inviolable du roi Hiéron par l'autorité publique, et non par Hippocrate et
envers le peuple romain, pour en faire un mérite par Épicyde, dont le joug ne laissait aucune li-
à tous les Syracusains. « Les tyrans Hiéronyme, berté si enfin ils eussent montré dans cette guerre
puis Hippocrate et Épicyde leur étaient devenus tout l'acliarnement des Carthaginois, quelles
odieux, aussi bien à cause de leur défection en fa- hostilités Marcellus aurait-il exercées de plus, à
veur d'Annibal que pour leurs autres crimes. moins de détruire la ville? En effet, des murail-
C'était cette perfidie qui avait fait massacrer Hié- les, des maisons dévastées, des temples mutilés et
ronyme par la jeune noblesse, comme en vertu dépouillés, dont on avait enlevé les dieux eux-
d'une décision publique, et qui avait fait conspi- mêmes avec leurs ornements voilà tout ce qui
rer contre les jours d'Épicyde et d'Hippocrate restait à Syracuse. Un grand nombre de citoyens
soixante-dix jeunes gens des plus nobles de la s'étaient vu ravir leurs terres, en sorte qu'il ne
ville, lesquels, trahis par les lenteurs de Marcel- leur restait pas même un sol nu sur lequel ils
lus, qui n'avait pas, au temps convenu, fait appro- pussent se nourrir, eux et leurs familles, des dé-
cher son armée de Syracuse, avaient été décou- bris échappés au pillage. Ils suppliaient donc les
verts, et misà mort partes tyrans. C'était d'ailleurs sénateurs, si l'on ne pouvait réparer toutes les

turi sint, si collegæ nihil intersit, mutare se provinciam Eam quoque Hippncratis atque Epicydis tyrannidem Mar-
paratum esse. Deprecari senatus præjudicium; nam, cellum excitasse, Leontinis crudeliterdireptis. Nunquam
yuum extra sortem collegæ optionem dari provinciæ ini- deinde principes Syracusanorum desisse ad Dlarcellum
quum fuerit, quanto majorem injuriam, imo contume- transire pollicerique,se urbem, quum vellet ci tradi-
liam esse, sortem suam ad eum transferri? » Ita senatus, turcs. Scd eum primo vi capere maluisse dein, quum
quum, quid placeret, magis ostendisset, quam decres- id neque terra, neque mari, omnia expertus, potuisset,
set, dimittitur. Inter ipsos consules permutatio provin- auctores traditarum Syracusarum fabrum ærarium So-
ciarum, rapiente fato Marcellum nd Annibalem, facta sim, et Mericum Hispanum, quam principes Syracusa-
est; ut, ex quo primus adversæ pugnæ gloriam ceperat, norum habere, toties id nequicquam ultro offerentes,
in ejus laudem postremus Romanorum imperatorum præoptasse; quo scilicet justiore de causa vetustissimos
prosperis tum maxime bellicis rebus, caderet. socios populi romani trucidaret, ac diriperet. Si non
XXX. Permutatisprovinciis Siculi, in senatum intro- Hieronymus ad Auoibalem defecisset, sed populus syra-
ducti, multa de Hieronis regis Ode perpetua erga popu- cusanus et senatus; si portas MarcelloSyracusani publice,
lum romauum verba fecerunt, in gratiam publicam aver- et non, oppressis Syracusanis, tyranni eorum Hippo-
tentes, « Hieronymum ac postea Hippocratem et Epicy- crates et Epicydes, clausissent; si Carthaginiensium ani-
dem tyrannos, quum ob alia, tum propter defectionem mis bellum cun populo romano gessissent: quid ultra
ab Romanis ad Annibalem, invisos fuisse sibi. Oh eam quam qnod fecerit, nisi ut deleret Syracusas, facere hos-
cansam et Hieronymum a principibus juventutis prope tiliter Marcellum potuisse? Cerle præter mœnia et tecta
publico consilio interfectum et in Epicydis Hippocratis- exhausta urbis, et réfracta ac spoliata deum delubra, dix
que cædem septuaginta nobilissimorum juvenum conja- ipsis ornamentisqueeorum ablatis nihil relictum Syra-
rationemfactam; quos, Marcelli mora destitutos, quia cusis esse. Bona quoque multis adempta, ita ut ne nudn
ad pra·diclum tempus exercitum ad Syracusas non ad- quidem solo, reliquüsdireptæ fortunæ, alere sese ac su(»
niovisset, indicio facto, omnes ab tyrannis interfectos. possent. Orare se Patres conscriptos, ut, si nequeant om-
pertes, de faire rendre au moius à leurs proprié- quel est celui d'entre vous qui m'ait promis de
taires tous les objets qui existaient encore et que m'ouvrir les portes et d'introduire mes soldais
l'on pourrait reconnaitre. » Lorsqu'ils eurent mis armés dans la ville? Vous n'avez que de la haine
fin à leurs plaintes, le consul Lévinus leur or- et de l'exécration pour ceux qui l'ont fait, et vous
donna de sortir de la salle, pour que l'on pût pren- ne pouvez, ici même, leur épargner vos outra-
dre l'avis des sénateurs. « Non, s'écria Marcellus, ges, tant il s'en faut que jamais vous eussiez éte
qu'ils demeurent; que je ruponde en leur pré- hommes à le faire. L'obscurité même de ceux
sence, puisqu'on ne peut plus faire la guerre pour qui m'ont livré Syracuse, et dont on me fait
vous, sénateurs, sans avoir pour accusateurs les maintenant un reproche, est la plus forte preuve,
peuples qu'on a vaincus. Il faut que deux villes sénateurs, que je n'ai repoussé aucun de ceux qui
prises cette année citent en justice, Capoue Ful- ont voulu servir noire république. D'ailleurs,
vius, et Syracuse Marcellus. » avant de former le siége de Syracuse, j'ai envoyé
XXXI. Les députés rentrèrent dans la salle, et des députés, je me suis rendu à des conférences,
Marcellus reprit Je n'ai pas oublié à ce point j'ai tenté tous les moyens de pacification; et ce
la majesté du peuple romain ni la dignité dont n'est qu'après avoir vu violer le caractère des am-
je suis revêtu, Pères conscrits, que, s'il pouvait bassadeurs, après m'être avancé vers les premiers
être question de m'accuser, j'acceptasse, moi de la ville jusqu'à leurs portes sans en recevoir
eonsul, ces Grecs pour accusateurs. Mais il s'a- de réponse, après mille fatigues, mille dangers
git moins d'examiner ici ma conduite que le châ- sur terre et sur mer, qu'enfin j'ai pris Syracuse
timent qu'ils ont mérité. S'ils n'ont pas été nos par la force et par les armes. Quant aux événe-
ennemis, peu importe que j'aie attaqué Syracuse ments qui ont suivi la prise de cette ville, c'est
cette année ou pendant la vie d'Iliéron mais s'ils devant Annibal et les Carthaginois, vaincus avec
se sont révoltés contre nous, si, le fer et les ar- eux, plutôt que dans le sénat de leurs vainqueurs,
mes à la main, ils ont poursuivi nos ambassa- qu'ils devraient s'en plaindre. Pour moi séna-
deurs s'ils nous ont fermé leur ville etleurs rem- teurs, si j'avais eu dessein de nier que j'eusse dé-
parts s'ils ont imploré contre nous le secours de pouillé Syracuse, je n'aurais pas orné Rome de ses
l'armée carthaginoise qui peut les plaindre dépouilles. A l'égard do ce que j'ai ôté ou donné,
d'avoir souffert des hostilités qu'ils ont eux-même comme vainqueur, le droit de la guerre et le
provoquées? J'ai repoussé dit-on, les principaux mérite de chacun expliquent suffisamment mes
Syracusains qui voulaient me livrer la ville; j'ai actes. L'approbation que vous donnerez à ma
mieux aimé me confier, pour un si grand service, conduite, sénateurs, touche plus aux intérêts de
à Sosis et à l'espagnol Méricus. Sans doute vous la république qu'aux miens. J'ai rempli mes de-
n'êtes pas les derniers de Syracuse, vous qui re- voirs avec fidélité. Il importe à l'état que vous
prochez aux autres leur basse extraction. Eh bien1 n'alliez pas, en cassant mes actes, rendre à l'ave-

nia, saltem, qaae compareant cognoscique possint, res- Quis est vestrum, qui ne mihi portas apertnrum, qoi
titui dominis jubeant. o Tatia conquestos quum excedere armatos milites meos in urbem accepturum promiserit?
ex templo, ut de postulatis eorum Patres consuli possent, Odistis eteisecramini eos, qui fecerunt, etnehicquidem
Lævinus jussisset, « Maneant imo, inquit Marceilus, ut contumeliis in eos dicendis parcitis tantum abest, ut et
coram bis respondeam, quando ea conditione pro vobis, ipsi tale quicquam facturi fueritis. lpsa humilrtas eorum
Patres conscripli bella gerimus ut victos armis accusa- Patres conscripli, quam isti objiciunt, maximo argumento
tores habeamus. Duæ captæ hoc anno urbes Capua Ful- est, me neminem, qui navatam operam reipublicæ no-
vium reum, Marcellum Syracusæ habeant. » stræ velit, aversatum esse. Et, antequam obsiderem Sy-
XXXI. Reducus in Curiam legatis, tum consul, Non racusas, nunc legatis mittendis, nunc ad colloquium
adeo majestatis, inquit, populi romani imperiique bulus eundo, tentavi pacem et, postquam neque legatos to-
oblitus sum Patres conscripti, ut, si de meo crimine landi verecundia erat, nec mihi ipsi congresso ad portas
ambigeretur, consul dielurus causam accusantibus Grae- cum principibus responsum dabatur, multis terra mari-
cis, fuerim. Sed non, quid ego fecerim, in disquisitio- que exhaustis laboribus, tandem vi atque armis Syracu-
nem venit, quam quid isti pati debuerint. Qui si non sas cepi. Quæ captis accidernt, apud Annibalem et Car-
fuerunt hostes,nihil interest, nunc, an vivo Hierooe Sy- thaginienses victosquejustius, quam apud victoris populi
racusas violaverim. Sin autem desciveruot legatos no- senatum quererentur. Ego Patres conscripti, Syracu-
stros ferro atque arnus peheruut, urbem ac mœnia clau- sas spoliatas si negaturus essem, nunquam spoliis earum
serunt, exercituque Carthaginiensium adversus nos urbem Romam exornarem. Quæ autem singulis victor
tutati sunt; quis passos esse hostilia, quum fecerint, in- aut ademi aut dedi quum belli jure, tum ez cujusque
diguaturt Tradentes urbem principes Syracusanorum merito satis scio me fecisse. Ea vos rata habeatis, Patres
aversatus aum Sosim et Mericum Hispanum, quihus conscripli, nie magis reipublicm interest, quam mea.
tautum crederem potiores habui. Non estis extremi Sy- Mea quippe fldes eisoluta est ad rempublicam pertinet,
racusanorum, quippe qui aliis humilitatem objiciatis. ue aota mea nescindendo, alios in pesterum seguiorea
nir les généraux trop timides. Maintenant, séna- le consul et par la pitié pour les Syracusains, le
teurs, que vous avez entendu les paroles des Sy- décret des sénateurs fut modéré et favorable à
racusains et les miennes, nous allons sortir en- Il
Marcellus. fallait rali6er tout ce qu'il avait
semble, pour qu'en mon absence l'assemblée fait dans le cours de la guerre et depuis la vic-
délibère avec plus de liberté. Alors les Siciliens toire du reste, le sénat ferait droit à la requête
se retirèrent et le consul se rendit au Capitole des Syracusains, et chargerait le consul Lévinus
pour s'y occuper du recrutement. de ménager leurs intérêts autant qu'il le pourrait
XXXII. L'autre consul mit en délibération les sans compromettreceux de la république. » Deux
demandes des Siciliens. Les débats furent longs sénateurs furent envoyés au Capitole, pour en ra-
et animés. Cependant la plupart des sénateurs mener le consul; on introduisit les Siciliens, et ou
pensèrent, conformément à l'avis ouvert par lut le sénatus-consulte; puis les députés furent
'l'. Manlius Torquatus, que c'était aux tyrans, congédiés en termes bienveillants; mais avant de
ennemis à la fois de Syracuse et de Rome, que se retirer, ils se jetèrent aux pieds de Marcellus,
l'on avait dû faire la guerre. Il avait fallu re- en le conjurant de leur pardonner ce qu'ils
prendre la ville et non la réduire par la force, avaient dit pour déplorer et adoucir leur infor-
pour la rétablir, après sa reddition sur la base tune, et de recevoir Syracuse sous sa protection
de ses lois et de son ancienne liberté, au lieu de et les habitants au nombre de ses clients. » Après
mettre le comble, par les malheurs de la guerre, cet acte de soumission, la consul leur parla et les
aux excès de l'oppression dont elle avait à souffrir. congédia avec bonté.
l'lacée entre ses tyrans et les armes des Romains, XXXIII. Le sénat donna ensuite audience aux
comme prix de la victoire, elle avait succombé députés de Capoue leur discours fut encore plus
cette cité si belle et si florissante, autrefois le touchant, mais leur cause était plus mauvaise. Ils
grenier et le trésor du peuple romain, dont la ne pouvaient, en effet, ni révoquer en doute la
munificence et les largesses avaient contribué si justice de leur châtiment, ni rejeter leur faute
souventàla défense et à la prospérité de la répu- sur des tyrans; mais le trépas de tant de séna-
blique, notamment dans la guerre punique. Si le leurs qui s'étaient empoisonnés, de tant d'autres
roi Hiéron, cet allié si fidèle de l'empire romain, qu'on avait frappés de la hache, leur paraissait
revenait du séjour des ombres, comment oserait- une satisfaction suffisante. « Il restait à Capoue
on lui montrer ou Syracuse ou Rome? Il verrait un bien petit nombre de nobles qui n'avaient pas
Syracuse ruinée et dépouillée, et entrant à Rome, trouvé dans leur conscience un motif de s'ôter la
dans le vestibule, presque aux portes de la ville, vie, et qu'un vainqueur irrité n'avait pas condam-
il apercevrait les dépouilles de sa patrie. a Malgré nés au dernier supplice. Ils imploraientpour eux
ces déclamations inspirées par la jalousie contre et pour les leurs la liberté et la restitution d'une

duces faciatis. Et quoniam coram et Siculorum et mea tamen decreverunt Patres causa Marcelli: « Quæ is ge-
verba audistis, Patres conscripti, simul templo excede- rens bellum victorque egisset, rata habenda esse. In reli-
mus, ut, me absente, liberius coubuli senatus possit. » quum curæ senatui fore rem Syracusanam,mandaturos-
Ita dimissis Sicutis, et ipse in Capitolium ad delectum que consuli Levino, quod sine jactura reipublicae fieri
discessit. posset, fortunis ejus civilatis consuleret.. » Missis duobus
XXXII. Consul alter de postulatis Siculorum ad Pa- senatoribus in Capitolium ad consulem, uti rediret in
Éres retulit. Ibi quum diu de sententiis certatum esset, Curiam et introductis Sieulil, senatusconsultum recita
et magna pars senatus, principeejus sententiæ T. Maulio tum est legatique, bénigne appellati ac dimissi, ad ge-
Torquato, cum tyranais bellum gerendumfuisse, cen- nua se Marcelliconsulis projecerunt, obsecrantes, «ut,
serent, hostibus et Syracusanorum et populi romani quæ deplorandæ ac levandæ calamitatis causa dixissent,
et urbem recipi non capi et receptam legibus autiquis veniam iis daret, et in fidem clieutelamque se urbemque
et libertaie stabiliri, non feasam miseranda serviiute Syracusas acciperet.. Post hac consul clementer appel-
bello aflligi. Inter tyrannorum et ducis romani certa- latos dimisit.
mina, præmium victoria in medio positam nrbem pul- XXXIII. Campanis deinde senatus datus est quorum
cherrimam ac nobilissimam periisse, horreum alque oralio miserabilior, causa durior erat. Neque enim me-
aerarium quondam populi romani cujus munificentia ac ritas pœnas negare poterant, nec tyranni erant, in quoi
donis multis tempestatibus, hoc denique ipso Punico culpam conferrent sed satis pensum pœnarum, tôt ve-
bello, adjuta ornataque respublica esset. Si ab iuferis ex- neno absumptis, tôt securi percussis senatoribus, crede-
sistat rex Hiero, fidissimus imperii Romani cultor, quo bant. e Paucos nobilium superstites eme, quos uec sua
ore aut Syracusas, aut Romam ei ostendi posse? quum conscientia ut quicquam de se graviua consulerent,im-
ubi semirutam ac spoliatam palriam respexisset, ingre- putent, nec victoria ira capitis damnaverit; eos liberta-
diens Romam in veslibulo urbis, prope in porta spolia tem sibi suisque, et bonorum aliquam partem orare,
patrie suie visurus ait? Hæc taliaque quum ad invidiam cives romanw affinitatibus pleroaque et propinquis jam
consulis miserationemque Siculorum dicerentur, mitius cognationibus ci connubio f etutto junctos. » Summ
partie de leurs biens. N'étaient-ils pas citoyens bles. Au reste, je ne vois pas que le sénat puisse,
romains, unis pour la plupart avec leurs vain- sans l'autorisation du peuple, prononcer sur la
queurs par des alliances et par les liens du sang, à sort de ceux des Campaniensqui sont citoyens ro-
la suite des mariages contractés depuis tant d'an- mains c'est la marche qu'ont suivie nos ancêtres
nées entre les deux peuples? » Lorsqu'ils furent à l'égard des Satricansqui s'étaient révoltés. En ef-
sortis du sénat, on liésita quelque temps si l'on fet, M. Antistius, alors tribun du peuple, proposa
ne ferait pas revenir de Capoue Q. Fulvius (car le au peuple et fit passer une loi qui conférait au sénat
consul Claudius était mort depuis la prise de cette le droit de statuer sur les Satricans. Je pense donc
ville), afin que la discussion eût lieu en présence qu'il faut proposer aux tribuns d'engager on ou
du général qui avait conduit le siége, comme l'af- plusieurs d'entre eux à porter devant le peuple un
faire des Siciliens avait été discutée devant Marcel- plébiscite qui nous autorise à juger les Campa-
lus. Mais comme il se trouvait dans le sénat M. Ati- niens. 1 Le tribun L. Atilius, avec l'agrément du
lius, C. Fulvius, frère de Flaccus, ses lieutenants, sénat, s'adressa au peuple en ces termes Toua
Q. Minucius et L. Véturius philon, lieutenants les habitants de Capoue, d'Atella, de Calatium et
d'Appius, qui tous avaient pris part à cette expé- de Sabatie, se sont livrés au proconsul Fulvius et
dition, on ne jugea pas nécessaire de rappeler Q. à la discrétion du peuple romain ils ont remis en
Fulvius de Capoue d'autre part, on ne voulait pas votre pouvoir, avec leurs personnes, leur terri-
retenir les Campaniens.On demanda donc l'avis de toire, leur ville, leurs propriétés sacrées et profa-
M. Atilius Régulus, le plus considéré de tous ceux nes, leur mobilier, et généralement tout ce qui
qui s'étaient trouvés à ce siège. Je crois merap- leur appartenait; que voulez-vous,je vous le de-
peler, dit-il, que j'étais présent au conseil, lors- mande, citoyens, que l'on fasse de ces choses? e
que, après la prise de Capoue il fut question de Le peuple répondit « Que la décision du sénat,
rechercher si quelque Campauieu avait bien mé- en ce moment assemblé, prise à la pluralité des
rité de notre république.; on ne trouva que deux voix et sous la foi du serment, ait force de loi;
fcmmes, Vestia Oppia, de la ville d'Atella, rési- nous le voulons et l'ordonnons. e
dant alors à Capoue et Faucula Cluvia, autrefois XXXIV. D'après ce plébiscite, il fut rendu un sé-
courtisane de profession. La première a, chaque nalus-consulle « qui restituait d'abord à Oppia et
jour, sacrifié pour le salut et la victoire du peuple à Cluvia leurs biens et la liberté, et les invitait,
romain la seconde a fourni en secret des vivres à si elles avaient à demander quelque autre récom-
nos prisonuiers dans le besoin. Tout le reste des pense, à se rendre à Rome. s Chaque famille de
Campaniens a été animé contre nous d'une haine Capoue fut l'objet d'un décret spécial; il est iu-
égale à celle quenous portentles Carthaginois. Ceux utile de les rapporter tous. Les uns furent con-
dont Q. Fulvius a fait tomber la tête sous la hache damnés à la confiscation de leurs biens, et vendus,
sont les plus qualifiés plutôt que les plas coupa- eux, leurs femmes et leurs enfants, excepté les
deinde e templo, paullisper dubitatum, an arcesseudus injussu populi non video posse idque et apud majores
a Capua Q. Fulvina esset (mortuus enim post captam nostros in Satricanis factum est, quum defecissent, ut
Claudius consul erat ), ut coram imperatore, qui res M. Antistius tribunus plebis priua rogationem fercet, sci-
gessisset, sicut inter MarcellumSiculosque disceptatum retque plebe, uti senatui de Satricanis sententiæ dicendæ
luerat, disceptaretur dein, quum M. Atilium, C. Ful- jus esset. Itaque censeo, cum tribunis plebis agendum
vium fratrem Flacci, legatos ejus, ac Q. Minucium et ease, ut corum unus pluresve rogationem ferant ad ple-
L. Veturium Philonem, item Claudii legatos, qui om. bem, qua nobis statuendi de Companis jus fiat. » L. Ati-
nibus gerendis rebus affuerant, in senatu viderent, nec lius tribunus plebis ex auctoritate senatus plebem in bæc
Fulviuro avocari a Capua, nec difrerri Campanos vel- verba rogavit: «Omnea Campani, Atellaoi, Calatini, Sa-
lent; interrogatus sententiam M. Atilius Regulus, cujus badni, qui se dediderunt in arbitrium ditionemque po-
es iii, qui ad Capuam fuerant, maiima auctoritas erat: puli romani Fulvio proconsuli, qua-que una secum de-
In consilio, inquit, arbitror me fuisse consulibus, Ca- diderunt, agrum urbemque, di'ina humanaque, uten-
pua capta quum quæreretur, ecquis Campanorum de siliaque, sive quid aliud dediderunt; de iis rebus quid
republica nostra bene meritusesaet duas mulierescom- fieri velilis, vos rogo, Quirites. » Plebes sic jussit «Quod
pertum est, Vestiam Oppiam Atellauam Capuae habitan- senatus juratus, maxima pars, censeat, qui assidetis, id
tem, et Fauculam Cluviam, qum quondam quæstum cor- volumus jubemusque. »
pore fecisset; illam quotidie sacrificasse pro salute et vi- XXXIV. Et hoc plebleiscito senatus consultas Oppiæ
ctoria populi romani; banc caplivis egentibue alimenta Cluviæque primum bona ac libertatem restituit si qua
clam suppeditasse. Ceterorum omnium Campanorum alia pramia petere ab senatu vellent, veaire eai Romam.»
eundem erga nos animum, quem Carthaginieneium, Campanis in familial singulas décréta facla, que non
fuisse: securique percussos a Q. Fulvio esse magis, quo- operæ pretium est omnia enumerare. « Aliorum boua pu-
rum dignitas inter alios, quam quorum culpa eminebat. blicanda: ipsos liberosque eornm et conjuges vendendas,
l'er senatum agi de Companis, qui cives Romani sunt, extra filias, quæ enupsissent prius, quam in populi ro-
filles quis'étaient mariées avant la réduction de Ht vendre à Capoue les biens de tous lessénateurs
Capoue. D'autres furent jetés dans les fers; on et de tous ceux qui avaient exercé quelque magis-
devait prononcer plus tard sur leur sort. Pour trature à Capoue, à Atella, à Calatia. On ordonna
le reste des Campaniens, on distingua entre leurs de faire passer à Rome, pour y être vendues, les
Liens ceux qui devaient être mis en vente et ceux personnes de condition libre condamnées à l'escla-
qui devaieut être rendus. On leur restitua le bé- vage. Les tableaux, les statues d'airain, pris sur
tail, excepté les chevaux; les esclaves, excepté l'ennemi, furent remis au collége des pontifes
les mâles en âge de puberté et tout ce qui n'est qui devaient distinguer ceux qui étaient sacrés ou
pas fonds et immeubles. La liberté fut rendue profanes. » Les Campaniens, en apprenant ces dé-
à tous les Campaniens, Atcllans, Calatins, Saba- crets, s'en retournèrent bien plus tristes qu'ils
tins, excepté à ceux qui étaient ou qui avaient n'étaient venus, et ils accusaient moins la rigueur
leurs père et mère chez les ennemis mais au- de Q. Fulvins que l'injustice des dieux et la cruauté
cun d'eux ne pouvait être ni citoyen romain de la fortune.
ni allié du nom latin. Nul de ceux qui étaient XXXV. Après qu'on eut congédié les Siciliens et
restés à Capoue depuis que les portes en avaient les Campaniens, on s'occupa des levées; puis,
été fermées aux Romains ne demeurerait dans quand l'armée fut au complet, on songea au re-
la ville ou d ins le territoire, après un jour mar- crutement des rameurs. La républiquen'en pou-
qué. Ou devait leur assigner un établissement vant fournir un nombre suffisant, et le trésor
au delà du Tibre, mais éloigné de ses bords. public manquant de fonds pour les enrôlements
Quant à ceux qui, pendant la guerre, n'avaient et pour la paie, les consuls ordonnèrent que les
été ni dans Capoue ni dans une ville de sa dépen- particuliers chacun selon son rang et son re-
dance révoltée contre le peuple romain, ils habi- venu, fourniraient, comme cela s'était déjà fait,
teraient au delà du fleuve Liris, du côté de Rome; un certain nombre de rameurs qu'ils devaient
et ceux qui étaient passés dans le parti des Ro- payer et nourrir pendant trente jours. Cet édit
mains avant l'arrivée d'Annibal à Capoue, seraient excita les plus violents murmures, et l'indigna-
transportés en deçà du Vulturne; mais aucun tion fut telle qu'il ne manquait plus qu'un chef à
d'eux n'aurait des terres ni une maison à moins une révolte imminente. e Après avoir ruiné les
de quinze milles de la mer. Il était défendu à ceux Siciliens et les Campaniens, les consuls prenaient
que l'on avait rejetés au delà du Tibre, ainsi qu'à à tâche de torturer, de déchirer le peuple de Rome.
leurs descendants, d'acquérir ou de posséder au- Épuisés par les impôts qu'ils payaient depuis tant
cune propriété, sinon dans le territoire de Véies, d'années, ils n'avaient plus que le sol nu de leurs
de Sutrium ou de Népésie; encore chaque propriété champs dévastés. Les ennemis avaient incendié
ne devait-elle pas dépasser cinquante arpents. On leurs maisons; la république leur avait enlevé les

mani polestatem venirent. Alios in vincula condendos, ac Calatiæ gessissent, bona venire Capua, jusserunt li-
de bis posterius consulendum. Aliorum Campanorum bera corpora quæ venundari placuerat, Romam mitti,
summam etiani ceusus distinxerunt, publicanda necue ac Rome venire. Signa, statuas æneas, qua capta de
bona essent pecua captiva præter eyuos et mancipia, hos2ibus dicerentur, quæ eorum sacra ac profana easeut,
primer puberes virilis sexus, et omnia, quæ solo non ad pontificum collegiumrejecerunt. » Ob bæc decretamœ-
continerentur, restitueoda, censuerunt, dominis. Cam- stiores aliquanto, quam Romam vénérant, Campanos di-
panos omnes, Ateilanos,Calatinos, Sabatinos,extra quam, miserunt. Necjam Q. Fulvii sævitiamiu sese, sed iniquita-
qui eorum, aut ipoi aut parentes eorum, apud bostes tem deum atque exsecrabilem fortunam suam incnsabant.
essent, liberos esse, jusserunt, ita ut nemo eorum civis XXXV. Dimissis Siculis Campanisque, delectus habi-
Rom mus, aut Latini nominis esset neve quis eorum tus. Scripto deinde exercitu, de remigum supplemento
qui Capuae fuissent, dum portæ clausæ essent, in urbe agi cœptum. In quam rem quum neque hominum satis,
agrove Campano intra certam diem maneret. Locus, ubi nec, ex qua pararentur, stipendiumque acciperent, pe-
habitarent, traos Tiberim, qui non contingeret Tiberim, cuniæ quicquam ea tempestate in publico esset, edixe-
daretur. Qui nec Capuæ, nec in urbe Campana, quæ a runt consules, ut privali ex censu ordinibusque, sicut
populo romano defecisset, per bellum fuissent, eos cis antea, remiges darent cuin stipeudio cibariisque dierum
Lirim amuem Romam versus; qui ad Romanos transis- triginta. Ad id edictum tantus fremitus hominum, tenta
sent prius, quant Annibal Capuam veniret cis Vultur- indignatio fuit, ut magis dux, quam materia seditioni
num emovendos, censuerunt: ne quis eorum propius deesset. « Secundum Siculos Campanosque plebem Ro-
mare quindecim inillibus passuum agrum ædificiumve manam perdendam lacerandamque sibi consules sum-
liaberet. Qui eorum trans Tiberim emoti essent, ne ipsi psisse. Per tôt annos tributo exhaustos nil reliqui prater
posterive eorum uspiam pararent baberentve, nisi in terram nudam ac vastam, habere. Tecta hostes inren-
Veiente, aut Sutrinn Nepesinove agro: dum ne cui ma- disse, servos agri cultores rempublicam abduxisse, nunc
jpr, quam quinquaginta jugerum, agri modus esset. Se- ad militiam parvo aere emendo, nunc remiges imperandn.
natorum omnium, quiqut magistratus Capum, Atellæ, Si quid cui argenti ærisve fuerit, stipendio remigum et
esclaves employés à la culture des terres, en les sacrifices. Voulez- vous imposer quelque charge
achetant à vil prix, pour les enrôler comme sol- à vos inférieurs? soyez les premiers à vous y sou-
dats ou comme matelots. La solde des rameurs et mettre, et vous les trouverez plus disposés à les
les contributions annuelles avaient épuisé le peu accepter. Les contributions pèsent moins quand
d'argent de leurs épargnes. 11 n'y avait point de on voit les premiers de l'état en supporter une
violence, point d'autorité qui pût les contraindre part plus forte que leurs moyens ne le permettent.
à donner ce qu'ils n'avaient pas. On n'avait qu'à Si donc nous désirons que le peuple équipe et en-
vendre leurs biens, sévir contre leurs personnes, tretienne des flottes, et que les particuliers n'hé-
la seule chose qui leu rrestât. On ne leur avait pas sitent pas à fournir des rameurs, commençons
même laissé de quoi se racheter de cet outrage. par nous imposer. Or, argent, monnaie de cuivre,
On ne se bornait plus aux murmures; ces propos portons tout, dès demain, sénateurs, dans le
se tenaient hautement dans le forum, en présence trésor public, ne nous réservantque nos anneaux
des consuls entourés d'une multitude exaspérée, pour nous, nos femmes, nos enfants, une bulle
qu'ils ne pouvaient calmer ni par la sévérité ni par d'or pour nos Gls, et une once d'or pour ceux
la douceur. EnBn ils déclarèrent au penple qu'ils d'entre nous qui ont une femme ou des filles; ceux
lui donnaient trois jours pour réfléchir, et ils mi- qui ont pris place sur la chaise curule garderont
rent eux-mêmes ce délai à profit pour chercher les harnais de leurs chevaux, et l'argent néces-
quelque expédient. Le quatrième jour, ils convo- saire pour se procurer la salière et la coupe con-
quèrent le sénat pour délibérer sur le renfort des sacrées aux usages religieux; les autres sénateurs
rameurs. Après de longs débats, les plaintes du ne conserveront qu'une livre d'argent, et chaque
peuple furent reconnues bien fondées on n'en père de famille cinq mille as de cuivre monnayé.
conclut pas moins « que cette charge, juste ou Déposons à l'instant même entre les mains des
non, devait être supportée par les particuliers. triumvirs de la banque tout le reste de notre or,
Car, puisqu'il n'y avait pas d'argent dans le tré- de notre argent, de notre monnaie de cuivre, et
sor, avec quels fonds remonter les équipages des cela sans aucun sénatus-consulte; afin que cette
vaisseaux? Or, sans flottes, comment conserver contributionvolontaire et cette rivalité de dévoue-
la Sicile, éloigner Philippe de l'Italie ou mettre ment à la république piquent d'honneur d'abord
les côtes en sûreté? les chevaliers, puis tous les autres citoyens. C'est
XXXVI. Dans cet embarras extrême, la pru- le seul expédient qu'après une longue conférence.
dence hésitait, et une sorte de torpeur avait para- nous ayons trouvé, mon collègue et moi. Hâtez-
lysé les esprits. Le consul Lévinus dit alors u que vous de le saisir, avec la protection des dieux. Le
si les magistrats sont au-dessus du sénat et les sé- salut de l'état assure à chaque particulier la con-
nateurs au-dessus du peuple, ils doivent être servation de ses biens; si la république est aban-
aussi les premiers à souffrir les privations et les donnée, en vain aurez-vous gardé ce qui est à

tributis annuis ablatum. Se, ut dent, quod non habeant, tuos si ipse juris statueris, facilius omnes obedientes ha-
nulla vi nullo imperio cogi posse. Bona sua venderent beas. Nec impensa gravis est, quum ex ea plus quam pro
in corpora, quæ reliqua essent, eaevirent. he unde redi- virili parte sibi quemque capere principum vident. Itaque
mantur quidem, quicquam superesie. » Hæc non in oc- classes habere atque ornare volumus populum romanum?
cullo, sed propalam in foro atque oculis ipsorum consu- privatos sine recusatione remiges darenobismet ipsis
lum ingens turba circumtusi fremebant nec eos sedare primum imperemus. Aurum, argentum, æs signatum
consules, nunc castigando, nunc consolaodo, poteraut. omne senatores crastino die in publicumconferamus ita
Spatium deinde bis tridui se dare ad cogitandum dite- ut annulos bibi quisque, et conjugi, et liberis, et filio
runt quo ipsi ad rem inspiciendamexpediendamque usi bullam, et, quibus uior filiæve sunt, singulas uncias
tout. Seuatum postero die habuerunt de remigum sup- pondo auri relinquant; argeuti, qui curuli sella lederunt,
plemeuto ubi quum multa disseruissent,cur æqua ple- equi ornamenta et libras pondo, ut salinum patellamque
bis recusatio esset, verterunt oratiouem eo, ut dicereut, deorum causa habere possint.Ceteri senatores libram ar-
« Privatis id seu æquum, seu iniquum, onus injungen- genti tantum, aeris signati quina millia in singulos patres
dum esse. Nam unde, quum pecunia iu aerario non esset, familiæ relinquamus. Ceterum omne aurum argentum,
paraturos navales socios? Quomodo autem sine classibus æs signatum, ad triumviros mensarios extemplo derera-
aut Siciliam obtincri, aut ltalia Philippum arceri posse, mus, nullo ante senatusconsultofacto ut voluntarta col-
aut tuta Italiæ litora esse?» latio et certamen adjuvandtereipublicæ excitet ad æmu-
XXXVI. Qunm in hac difficultate rerum consilium landum animos primum equestris ordinis, dein reliquæ
hæreret, oc prope torpor quidam occupasset homiuum plebis. flanc unam viam multa inter nos collocuti, cou-
inentes, tum Lævinus consul, «magistratus senatui, et suies invenimus. Ingredimini, diis bene juvantibus. Res-
senatum populo, sicut honore præstent, ita ad omnia, publics inculumis et privatas res facile salvas prastat:
que dura atque aspera essent, subeuuda duces debere publica prodeudo, tua nequicquam serves.. In haec tauto
esse. Si quid injungere iuferiori relis, id prius in te ac anima consensum est, ut gratiæ ultro consulibus ageren·
vous. Cet avis fut adopté à l'unanimité, et l'on de Tarente; et s'ils trouvaient glorieux d'être ar-
vota des actions de grâces aux consuls. Au sortir rivés sans obstacle jusqu'aux murs de Rome, il
du sénat, chacun court à l'envi porter au trésor n'était pas moins triste pour eux d'avoir échoué
public son or, son argent, sa monnaie de cuivre; dans cette entreprise, ni moins humiliant de s'être
c'est à qui fera inscrire le premier son nom sur vus mépriser au point que, pendant qu'ils cam-
les registres, et l'emulation est telle que les trium- paient devant une des portes, les Romains avaient
virs ne peuvent suffire à recevoir ce qu'on leur fait sortir par une autre les troupes qu'ils en-
présente, ni les greffiers à l'enregistrer. Les che- voyaient en Espagne. Dans cette province même,
valiers imitèrent l'empressement des sénateurs, plus les Africains avaient été près de terminer la
et le peuple celui des chevaliers. Ainsi, sans édit, guerre à leur avantage, et d'en chasser entière-
sans moyens coërcitifs, la république ne manqua ment les Romains après la mort de deux grands
ni de rameurs, ni d'argent pour les payer; et capitaines et la défaite de leurs troupes, plus ils
quand tout fut prêt pour la guerre, les consuls se étaient indignés de voir L. Marcius, un chef choisi
rendirent à leurs départements. à la hâte, leur enlever tout l'honneur, tout le
XXXVII. Jamais, depuis le commencement de la fruit de leur victoire. Ainsi la fortune tenait la ba-
guerre, les Carthaginois et les Romains, dont les lance égale entre les deux nations; tout était en-
chances diverses avaient été balancées, ne flottè- core en suspens; l'espérance et la crainte étaient
rent davantage entre l'espérance et la crainte. aussi entières que si la guerre n'eût fait que com-
Les Romains avaient été dédommagés des revers mencer.
d'Espagne par la joie que leur causaient les avan- XXXVIII. Ce qui inquiétait surtout Aunibal,
tages obtenus en Sicile; et, en Italie, si la perte c'étaitde voir queCapoue, assiégée par les Romains
de Tarente les avait douloureusement affectés, avec plus de vigueur qu'il n'en avait déployé à la
la citadelle de cette ville et la garnison conservées défendre avait refroidi plusieurs peuples de
contre tout espoir furent pour eux un sujet d'al- l'Italie. D'un côté, il ne pouvait les contenir tous
légresse. A la terreur subite,à la consternation cau- par des garnisons, à moins de diviser, de mor-
sées par le siège, par le blocus de Rome, la réduc- celer son armée, ce qui alors lui eût été tout à
tion de Capoue avait, en peu de jours, fait succéder fait préjudiciable; de l'autre, en retirer ses trou-
la joie. Les affaires d'outre-mer avaient éprouvé pes, c'était abandonnerses alliés à tous les effets
la même alternative. Au moment où Philippe s'é- de la crainte ou de l'espérance. Également avare
tait mal-à-propos déclaré leur ennemi, les Ro- et cruel, il prit le parti de piller les places qu'il
mains avaient fait alliance avec les Étoliens et avec ne pouvait défendre afin de ne laisser à l'ennemi
Atale, roi d'Asie; la fortune paraissant déjà leur que des ruines, mesure dont le résultat ne fut pas
promettre l'empire de l'Orient. pour les Carthagi- moins funeste que le principe en était odieux. En
nois, la perte de Capoue était compenséepar la prise effet, ces traitements indignes lui aliénèrent non

tur. Senatq inde misso, pro se quisque aurum, argentum et, nt ad mœnia urbis Romanae nullo probibente se per-
et ses in publicum conferunt, tanto certamme injecto, ut venisse in gloria ponebant, ita pigebat irriti incepti;
prima inter primos nomina sua vellent in publicis tabulispudebatqueadeo se spretos, ut, sedentibus ipsis ad Ro-
esae, ut nec triumviri accipiundo, nec scribae referundo mana mœnia, alia porta exercitus Romanus in Hispaniam
sufflcerent. Hunc consensumsenatus equesterordoest se- duceretur.Ipsaequoque Hispaniæ, quo propius spem ve-
cutus equestris ordinis, plebes. Ita sine edicto, sine nerant, tantis duobus ducibus exercitibusque cæsis, de-
coercitione magistratus, nec rémige in supplementum, bellatum ibi, ac pulsos inde Romanos esse; eo plus, ab
nec stipendio respublica eguit paratisque omnibus ad L. Martio tumultuarioduce ad vanum et irritum victoriam
bellum, cousules in provincias profecti sunt. redactam esse, indignationis praebebant. Ita æquante for-
XXXVII. Neque aliud tempu:. belli fuit, quo Cartha- tuna, suspensaomnia utrimque erant, integra spe, integro
ginienses Romanique pariter variis casibus immixti ma- metu velut illo tempore primum bellum inciperent.
gis in ancipiti spe ac metu fuerint. Nam Romanis et in XXXVIII. Annibalem ante omnia angebat. quod Ca-
provinciis, bine in Hispania adversæ res, bine prospera pua, pertinacius oppugnata ab Romanis, quam defensa
in Sicilia, luctum et laetitiam miscuerant et in Italia, ab se, multorum Italiæ populorum animos averterat
qllum Tarentum amissum damnoet dolori, tum arx cum quos neque omnes tenere præsidiis, nisi vellet iu mullas
pre'sidio reteuta pre'ter spein gaudio fuit et terrorem parvasque partes carpere exercitum, quod minime tum
subitum pavoremque urbis Romæ obsessæ et oppugnata expediebat,poterat: necdeductis præsidris, spei liberam
Capua post dies paucos capta in laetitiam sertit. Trans- vel obnoxiam timori sociorum relinquere fidem. Pra'ceps
marinæ quoque res quadam vice pensatæ. Philippus ho- in avaritiam et crudelitatem animus ad spolianda, quae
stis tempore haud satis opportuno factus; Ætoli novi tueri uequibat, ut vastata bosti relinquerentur,ioclioavit,
asciti socii, AttaluaqueAsiæ rei, jam velut despondente Id fœdum consilium, quum inceplo, tum etiam exitu
fortuna Romanisimperium orientis. Carthaginienses quo- fuit. Neque enimindigna patientium modo abalienabautur
que Capuam amissam et Tareutum captum æquabant animi, sej ceterorum etiam: quippe ad plures exemplum
seulement ceux qui en étaient les victimes, mais garnison africaine, composée de cinq cents Nu-
en plus grand nombre ceux que menaçait un tel mides. Il eu coûta beaucoup de sang c'étail
exemple. De son côté, le consul romain ne laissait l'élite de la cavalerie carthaginoise. Aussi, bien
échapper aucune occasion de faire rentrer dans que pris au dépourvu, et dans l'impossibilité do
le devoir les villes d'Italie. Les deux principaux faire usage de leurs chevaux dans la ville, ils pri-
citoyens de Salapie étaient Dasius et Blattius; Da- rent les armes au premier bruit, et essayèrent de
sius tenait pour Annibal; Blattius, qui favorisait, s'ouvrir un passage; mais ne pouvant réussir à
autant qu'il le pouvait sans se compromettre, s'échapper, ils se battirent en désespérés, et se
le parti des Romains, avait fait promettre à Mar- firent tuer presque tous; cinquante d'entre eux
cellus, par des affidés, qu'il lui livrerait la ville; au plus tombèrent vivants au pouvoir de leurs en-
mais, sans le concours de Dasius, le projet était nemis. La perte de ce corps fut plus sensible pour
inexécutable. Après avoir hésité longtemps, et Annibal que celle de Salapie; et depuis cette épo-
plutôt en désespoir de ciuse que dans l'espérance que, il n'eut plus dans la cavalerie la supériorité
du succès, il à'en ouvrit à Dasius. Celui-ci, dont qui lui avait jusque-là donné tant d'avantage.
les intérêts étaient tout opposés, jaloux d'ail- XXXIX. Cependant la citadelle de Tarente était
leurs de ce rival de puissance, avertit Annibal de de plus en plus pressée par la famine, et la gar-
ce qui se tramait. Ce général les manda l'un et nison romaine, qui la défendait sous les ordres de
l'autre, et tandis qu'assis sur son tribunal il M. Livius, n'avait de ressources que dans les vi-
expédiait quelque affaire avant d'interroger Blat- vres qu'on lui envoyait de Sicile. Pour les faire
tius, l'accusé profita de ce qu'on les avait sépa- passer sûrement le long des côtes de l'Italie, une
rés de la foule pour solliciter l'accusateur. Dasius, flotte d'environ vingt bâtiments était en station
croyant donner une preuve irrécusable, s'écrie devant Rbégium. Le commandant de cette flotte,
« que sous les yeux même d'Annibal, on lui parle chargé des convois, était D. Quinctius, homme
de trahison, u Plus le trait était audacieux, moins d'une naissance obscure, mais à qui plusieurs
Annibal et les assistants y trouvèrent de vraisem- brillants exploits avaient acquis un grand renom
blance. « La jalousie et la haine avaient sans doute militaire. 11 n'eut d'abord que cinq vaisseaux,
dicté une accusation d'autant plus facile à sup- dont les deux plus grands étaient des trirèmes que
poser, qu'une pareille proposition n'admet pas Marcellus lui avait conGées son zèle et son acti-
tle témoins. Ainsi ils furent renvoyés l'un et vité lui firent ensuite donner trois quinquérèmes
l'autre. Blattius n'en persista pas moins dans son de plus. Enfin il avait lui-même exigé des habi-
entreprise hardie; à force d'en parler à Dasius et tants de Rhégium, de Vélia et de Pestum, les
de lui faire voir combien l'exécution en serait bâtiments que les alliés devaient fournir aux ter-
avantageuse pour eux et pour leur pays, il le dé- mes du traité, et s'était formé, comme on l'a dit
termina enfin à livrer à Marcellus Salapie, avec la plus haut, une flotte de vingt bâtiments. Parti de

quam calamitas pertinebat. Nec consul Romanus ten- retur Marcello. Nec sine cède multa tradi potuit longe
taudis urbibus sicunde spes aliqua se ostendisset, deerat. fortissimi equitum toto Punico eiercitu erant. Itaque,
Salaplæ principes erant Dasius et Blattius Dasius Anni- quanquam improvisa res fuit, nec usus equorum in urbe
b.ili amieus; Blattius, quantum ex tuto poterat, rem Ro- erat, tamen armis, inter tumultum captis, et eruptionem
manam fovebat, et ppr occultos nuntios spem proditionis tentaverunt, et, quum evadere nequirent, pugnantes
fecerat Marcello; sed sine adjutnre Dasio res transigi non ad ultimum occubuerunt. Nec plus quinquaginta ci bis in
poterat. Mullum ac diu cunctatus et tum quoque magis potestatem hostium vivi venerunt; plusque aliquanto
inopia consilü potioris, quam spe effectus, Dasium appel- damni ha'c ala equitum amissa Anuibali, quam Salapia,
labat. At ille, quum ab re aversus, tum oemulo poten- fuit oec deinde unquam Pœnus, quo longe plurimum
tatus inimicus, rem Annibal aperit. Arcessito utroque, valuerat, equitatu superior fuit.
Anniba quum pro tribunali quædam ageret, moi de XXXIX. Per idem tempus, quum in arce tarentina
Blattio coguiturus, starentque summoto populo accu- vix inopta tolerabilisesset, spem omnem pra'sidium, quod
sator et reus, Blattius de proditione Dasium appellabat. ihi erat, romanum pra'fectusque præsidii atque arcis
Enimvero, » ille, velut in manifesta re, exclamat, M. Livius in commeatibus ab Sicilia missis habebant. Qui
« sub oculis Annibalis secum
de proditione agi. » Anni- ut tuto præterveherentur oram Italiæ, classis viginti
bali atque ils, qui aderant, quo audacior res erat, minus ferme navium Rhegii stabat. Præerat classi commeati-
similis veri visa est.. « Æmulationem profecto atque busque D. Quinctius, obscuro génère ortut, ceterum
odium esse et id crimen afferri, quod, quia tcstem multis fortibus factis gloria militari illustris. Primo quin-
habere non posset, tibcrius fingenti sit. Ita inde dimissi que navet, quarum maximæ duæ triremes a Marcelloei
aunt. Nec Blattius an te abstint tamen tam audaci incepto, traditæ erant, habuit; postes rem impigre saepe gerenti
quam idem obtundendo,docendoque, quam ea res ipsis tres additæ quinqueremes; postremo ipse a sociis, Rhe-
patriæque salutaris esset, pervicit, ut praesidium Puni- ginisque, et a Velis, et a Pæsto, debitas ex fœdere exi-
snm (quingenti autem Numidæ erant) Salapiaque trade- gendo, classem viginti navium, slcut ante dictum est, et
Rhégium avec ces forces, il rencontra Démocrate rames du navire ennemi. Les vaisseaux étaient
à la tête de la flotte desTarentins, composée d'un resserrés dans un espace si étroit, qu'un seul trait
même nombre de navires, environ à quinze milles à peine tombait dans la mer sans avoir porté
de Tarente et près du Port Sacré. Le Romain, qui coup chaque parti combattait de front comme
ne s'attendait pas à combattre, voguait à pleines sur terre et les soldats passaient de plain-pied
voiles; mais, s'étant muni de rameurs à la hau- d'un bâtiment sur l'autre. Mais la lutte la plus
teur de Crotone et de Sybaris, son armée navale remarquable fut celle de deux galères qui, se
et ses équipages se trouvaient proportionnés à la trouvant en tête de la liçne, s'étaient chargées
grandeur de ses bâtiments. Dans le moment même tout d'abord. La galère romaine était montée par
où il aperçut l'ennemi, le vent vint à tomber, Quinctius, la tarentine par Nicon, surnommé
ce qui lui laissa tout le temps nécessaire pour dis- Percon, acharné contre les Romains, auxquels
poser ses voiles et ses agrès, et préparer ses ra- il était doublement odieux comme ennemi pu-
meurs et ses soldats à l'action qui allait s'engager. blic et particulier, étant de la faction qui avait
Rarement deux flottes égales s'entrechoquèrent livré Tarente aux Carthaginois. Tandis que Quinc-
avec autant de fureur; car l'intérêt qui les animait tius animait les siens de ses discours et desou
aucomhat était bien trlus puissant que leur force exemple, Nicon le perce d'un coup de lance et
respective. Les Tarentins, liers d'avoir secoué le le reuverse tout armé sur la proue. Le vain-
joug des Romains après l'avoir subi cent ans, queur se précipite aussitôt sur la galère, où la
avaient l'espoir de délivrer aussi la citadelle, et mort du chef avait jeté l'épouvante; il écarte ses
de couper les vil res à leurs ennemis, si une défaite ennemis; déjà la proue est aux Tareutins, et les
faisait perdre à ceux-ci l'empire de la mer. Les Romains entassés ont peine à défendre la poupe,
Romains, en restant maîtres de la citadelle, te- lorsqu'une autre trirème apparait tout à coup.
naient à prouver que ce n'était pas à la force et à La galère de Quinctius, enveloppée de tous cô-
la valeur, mais à la trahison et à la ruse, qu'il tés, tombe au pouvoir des Tarentins. La ter-
fallait attribuer la perte de Tarente. Aussi, au si- reur se répand sur la flotte, à la vue de la prise
gnal donné, les deux flottes fondirent l'une sur du vaisseau prétorien. Les navires fuienteu désor-
l'autre, sans qu'aucun navire cherchât à éviter le dre les uns sont coulés à fond les autres gagnent
choc de son adversaire une main de fer harpon- la terre à force de rames, et deviennent la proie
nait chaque vaisseau; les combattants étaient as- des habitants de Thurium et de 6létapont. Quant
sez près les uns des autres pour faire usage et des aux bâtiments de transport, qui suivaient avec
javelots et des épées, et pour lutter corps a corps; des vivres, un fort petit nombre fut pris; le reste,
les proues restaient engagées les unes dans les après avoir longtemps louvoyé, put gagner le
autres, et les poupes cédaient à l'impulsion des large. Les ennemis ne furent pas aussi heureux

fecit. Huic ab Rhegio profectae classi Democrates, cum bant, puppes alieno remigio circumagebantur. Ita in
pari classe navium tarentinarum numéro, quindecim arto stipatæ erant naves, ut vil ullum telum in mari
millia ferme ab urbe ad Sacriportumobvius fuit. Velis vanum intercideret. Froulibus velut pedestris acies ur-
tum forte, improvidus futuri certaminis, Romanus ve- gebant, perviaeque caves pugnantibus erant. Insignis
niebat. Sed circa Crotonem Sybarimque suppleveratre- tamen iuter ceteras pugna fmt duarum quae primæ ag-
migio naves, instructamque et armatam egregie pro ma- miuis concurrerant inter se. In romana nave ipse Quinc-
gnitudine uavium classem habebat; ettumfortesubidem tius erat, in tarentina Nico, cui Perconi fuitcognomen,
fere ternpas et venti vis omnis cecidit, et hostes in con- nnn publico modo, sed privato etiam odio invisus alque
tpectu fuere, ut ad componenda armamenta, expedien- infestus Romanis quod ejus faclionis erat, qua' Taren-
dumque remigem ac militem ad imminens certamen sa- tum Anmbali prodiderat. Hic Quinctium, simul pugnan-
lis temporis esset. Raro alias tantis animis juste concur- tem hortantemquesuos, incautum hasta transfigit; at-
rerunt classes; quippe quum in majoris discrimen rei, que ille præceps cum armis procidit ante proram. Victor
quam ipsæ erant, pugnarent; Tarentini, ut. recuperata Tarentinus,in turbatamduce amisso navem impigretrans-
urbe ab Romauis post centesimum prope annum arcem gi-essus, quum summovissetbostes et prora jam Taren-
tiam liherarent; spe commeatus quoque hostibus, si na- tinorum esset, puppim mate conglobati tuerentur Romani;
vali pralio possessionemmaris ademissent, interclusu- repente et alia a puppi triremis hostium apparuit. Ita
ros Romani, ut, retenta possessione arcis ostenderent, in me dio circumvenla romana navis capitur. Hinc ceteris
non vi aut virtute, sed proditione ac furto, Tarentum terror injectus, ut prætoriam navem captam videre; fu-
amissum. Itaque ex utraque parte signo dato, quum ros- gientesque passim, aliæ in alto mersæ, aliæ in terram
tris concunisseat, neque navem inbiberent, nec dirimi remis abreptæ, moi prædæ fuere Thurinis Metapouti-
ab se hostem paterentur, quam quis indeptus navem erat, nisque. Ex onerariis, qua cum commeatu sequebantur,
lerrea injecta manu ita couserebant ei propinquo pu- perpaucw in potestatem hostium venere; aliae, ad incer-
guam ut non missilibus tantum, sed gladiis etiam prope tos ventoa bine atque illinc obliqua transferentes vela in
çullato pede gereretur res. Proræ inter se juncta- hære- altum evectæ sunt. Nequaquam pari fortuna per cos dies
à Tarente. Quatre mille hommes, sortis de la ville déjà la renommée du général en chef, excita enfin
pour s'approvisionner de blé, erraient en désor- la jalousie de ce dernier, lequel, s'affligeant des
dre dans la campagne. Livius, commandant de succès même, à cause de l'homme auquel Carthage
la citadelle et de la garnison romaine, attentif à les devait, finit par lui ôler le commandement,
saisir toutes les occasions favorables, envoya con- pour le donner à son fils, persuadé que le crédit
tre eux C. Persius, homme plein de bravoure, à de Mutine sur les Numides finirait avec son
la tête de deux mille hommes. Celui-ci surprend autorité. L'événement fut loin de répondre à
les Tarentins épars au milieu des champs, les son attente l'envie d'Hannon ne fit qu'ajouter
taille en pièces et force le peu qui lui échappe sur à l'ancienne faveur de Mutine lequel indi-
tant de monde à rentrer dans la ville, dont les gué d'un tel outrage, envoya aussitôt des agents
portes n'étaient demi ouvertes, dans la crain te secrets à Lévinus pour traiter de la redditiou
qu'elle ne fût emportée du même choc. Ainsi tout d'Agrigente. Dès qu'on eut fixé les conditions avec
resta dans une parfaite égalité, les Homains ve- eux, et qu'on se fut concerté sur les mesures à
naient d'avoir l'avantage sur terre, comme les Ta- prendre, les Numides s'emparèrent de la porte
rentins l'avaient eu sur mer. L'espoir de se pro- qui donnait sur la mer, et, après en avoir chassé
curer des vivres, dont chaque parti s'était flatté, ou tué les gardieus, ils introduisirent les Romains
ne tarda pas à s'évanouir. qu'on avait détachés dans ce dessein. Déjà cette
XL. Pendant ce temps le consul Lévinus, qui troupe, arrivée au centre de la ville, marchait
avait employé à diverses expéditions une grande vers le forum au iuilieu d'un grand tumulte,
partie de l'année, arriva en Sicile, où l'attendaient lorsque Hannon, qui ne voyait dans ce mouve-
les anciens et les nouveaux alliés. Son premier ment qu'une de ces révoltes ordinaires aux Nu-
som, celui qu'il jugea le plus important, fut d'ar- mides, s'avance pour le réprimer mais aperce-
rangm les affaires de Syracuse qu'une paix ré- vant de loin une multitude plus nombreuse que
cente n'avait pas encore permis de consolider. celle des Numides, et entendant le cri des Ro-
Ensuite il conduisit ses légions contre Agrigente, mains, qui ne lui était pas inconnu, il n'attend
le dernier foyer de la guerre, et où les Carthagi- pas qu'on en vienne à la portée du trait, et prend
nois avaient une forte garnison; la fortune favorisa la fuite. Se faisant suivre par Epicyde, il sort
cette entreprise. Les Carthaginoisavaient Hannon par la porte opposée, et gagne avec une faible
pour général mais toute leur confiance était en escorte le bord de la mer. Là trouvant bien à pro-
Mutine et en ses Numides. Parcourant la Sicile pos une petite barque, ils abandonnent aux Ro-
entière, celui-ci pillait les alliés des Romains, mains la Sicile, que les Carthaginois leur dispu-
sans que la force ou la ruse pût lui fermer l'entrée taient depuis tant d'années, et repassent en Afri-
ni la sortie d'Agrigente. Sa gloire qui éclipsait que. Ce qui restait de Carthaginois et de Siciliens,

Tarenti res gesta. Nam ad quatuor millia hominum fru- peratoris qnoque famé officiebat postremo in invidiam
menlatum egressa quum in agris passim vagarentur, Li- vertit; ut ne bene gestæ quidcm res jam Hannoni prop-
,tius qui arci praesidioque romano præerat, intentus in ter auctorem satis lætæ essent. Propter quæ postremo
omnes occasiones gerendæ rei, C. Persium, impigrum prxfecturam ejus filio suo dedit, ratus, cum imperio auc-
virum, cum duobus millibus armatorum ex arce emisit. toritatem quoque ei iuter Numidas erepturum. Quod
Qui, v8ge effusos per agros palatosque adortus, quum louge aliter evenit. Nam veterem favorem ejus sua insu-
dm passim cecidisset, paucos ex multis, trépida fuga in-per invidia auxit. Neque ille indignitatem injuriæ tullt,
cidentes semiaperlis portarum foribus, in urbem com- coufestimque ad Laevinuinoccultos nuntios misit de tra-
pulil, ne urbs eodem impetu caperetur. Ita æquatæ res dendo Agrigento. Per quos ut est facta fides, composi.
ad Tarentum; Romanisvictoribus terra, Tarentinismari. tusque rei gerendæ madus, portam ad mare ferentem
Frumenti apea, quw in ocuhs fuerat, utrosque frustrata Numidae quum occupassent, pulsis inde custodibus, aut
pariter. cæsis, Romanns ad id ipsum missos in urbem acceperunt.
XL. Per idem tempus Lævinus consul, jam magna Et quum agmine jam in média urbis ac forum magno
parte anni circumacta, in Siciliam, veteribus novisque tumultu iretur, ratus Hanno non aliud, quam tumultum
sociis exspectatus, quum venisset, primum ac potissi. ac secessionem, id quod et ante acciderat, Numidarum
mum ommum ratise Syracusis nova pace iuconditas com- esse, ad comprimendam seditionem processit. Atque ille,
t
ponere res; Agrigentum inde, quod belli reliquum erat. quum ei multitudo major, quam Numidarum, procut
tenebaturque a Carthaginiensium valido præsidio, duxit via, clamor romanus haudquaquam ignotus ad aurez
legiones. Et alfuit fortuoa incepto. Hanno erat impera- accidisset, priais, quam ad ictum teli veniret, capessit
tor Carthaginiensium,sed omnem in Mutine Numidisque fugam. Per aversam portam emissus, assumpto comite
spem rcpositam habebat. Per totam Siciliam vagus pra1- Epicyde, cum paucis ad mare perveoit; nactique oppor-
das agebat et sociis Romanorum; neque intercludi ab tune parvum navigium, relicta hostibus Sicilia, de qua
Agrigento vi aut arte ulla, nec, quio erumperet, ubi per lot annos certatum erat, in Africam trajecerunt.
vellot, proliiberi poterat. Hæc ejus gloria quia lam im Alia multitudo Pœnorum Siculorumque, ne tentaudo qui-
sans même tenter de se défendre, se précipite en gium, pour ravager les terres des Brulliens. Ainsi
aveugles vers les portes pour s'échapper mais ils la guerre de Sicile fut entièrement terminée cette
les trouvent fermées et sont taillés en pièces. Maî- année.
tre d'Agrigeute, Lévinus fit battre de verges et XLI. En Espagne, au commencement du prin-
frapper de la hache les principaux citoyens, vendit temps, P. Scipion met sa flotte en mer, ordonne
le reste des habitants avec le butin, et envoya à aux alliés auxiliaires de se rendre à Tarragone,
Rome tout le produit. Le bruit de la prise d'Agri- et de là fait avancer ses vaisseaux de guerre et de
genle, répandu dans toute la Sicile, fit aussitôt transport jusqu'à l'embouchure de l'Èbre. Les
pencher tous les esprits en faveur des Romains. léôions avaient ordre de s'y rendre, au sortir
En peu de temps vingt places furent livrées par de leurs quartiers d'hiver. Il part lui-même de
trahison, six prises de force, quarante environ se Tarragone avec cinq mille alliés, pour rejoindre
rendirent volontairement. Le consul, après avoir l'armée. A son arrivée, il crut qu'il convenait de
puni ou récompensé, selon qu'ils l'avaient mé- haranguer de vieux soldats qui avaient survécu à
rité, les personnages les plus considérables de ces tant de défaites, et les ayant rassemblés il leurparla
villes, obligea les Siciliens de mettre bas les ar- en ces termes « Jamais avant moi un nouveau gé-
mes, et de tourner tous leurs soins du côté de l'agri- néral n'a pu adresser de justes et légitimes remer-
culture. Il voulait que cette île pût non-seulement ciements à ses soldats, avant d'avoir mis leur
suffire à la nourriture de ses habitants, mais de- zèle à l'épreuve. Pour moi, sans avoir vu la pro-
venir la ressource de Rome et de l'Italie, dans les vince ni le camp la fortune m'avait déjà he à
temps de disette, comme elle l'avait été déjà, en vous, d'abord pour l'attachement que vous avez
beaucoup de circonstances. Puis il emmena avec témoigné à mon père et à mon oncle, de leur vi-
lui d'Agathyrne en Italie quatre mille hommes, vant et après leur mort, ensuite pour votre cou-
ramas confus de bannis, d'aventuriers perdus de rage, qui a su conserver tout entière au peuple
dettes et pour la plupart couverts de crimes, di- romain et à moi, qui succède aux Scipions, une
gnes de mort, lesquels avaient vécu de rapine et province qui nous avait été ravie dans un si grand
de brigandage soit dans leur patrie et sous des désastre. Mais puisque déjà par la faveur des dieux
luis régulières, soit, depuis, lorsqu'un destin nous nous disposons, non plus à nous maintenir
semblable les réunit par diverses causes à Aga- nous-mêmes eu Espagne, mais à en chasser les
thyrne. Léviuus crut qu'il yaurait de l'imprudence Carthaginois puisqu'il ne s'agit plus de garder
à laisser ces bandits enSicile, où ils empêcheraient les bords de l'Èbre et d'en fermer le passage aux
la paix de s'affermir, en fournissant matière aux ennemis, mais de passer nous-mêmes le fleuve ou
nouveautés, outre qu'une troupe accoutumée au de porter la guerre sur l'autre rive je crains que
pillage pouvait être utile aux habitants de Rhé- le souvenir de nos défaites récentes ou mon jeune

dem certamine, quum cæci in fugam ruèrent, clausique ciniis quærentibus manum. Et, quod ad Sieiliam affinet,
exitus essent, circa portas cæsa. Oppido recepto, Laevi- eo anno debellatum est.
nus, qui capita rerum Agrigenti erant, virgis cæsos se- XLI. In Hispania principio veris P. Scipio, navibus
curi percussit ceteros pra'damyue veudidit omnem pe- deductis evocatisque edicto Tarraconem sociorum auxi-
cuniam Romam misit. Fama Agrigentiuorum cladis Si- lüs, classem onerariasque oslium inde Iberi fluminis pe-
ciliam quum pervasisset, omnia repente ad Romauos tere jubet. Eodem legioues ex hihernis convenire quum
inclinaveruut. Prodita brevi sunt viginti oppida sez vi jussisset, ipse cum quinque millibus sociorum ab Tarra-
capta; voluntaria deditione in fidem veneruntad quadra- cone profectus ad exercitum est. Quo quum venisset, al-
ginta. Quarum civitatum principibusquum pro cujusque loquendos maxime veleres milites qui tantis superfue-
merito consul pretia pœnasque exsolvisset, coegissetque rant cladibus, ralus, concione advocata, ita disseruit
Siculos, positis tandem armis ad agrum colendum aui- Nemo ante me novua imperator mililibus suis prius,
mos couvertere, ut esset non incolarum modo alimentis quam opéra eorum usus esset, gralias agere jure ac me-
frugifera iusula, sed urbis Romæ atque Italiæ, id quod rito poluit. Me vobis prius, quam proviuciam aut castra
multis sa'pe tempestatibus fecerat, annonam levaret; ab viderem, obGgavit fortune primum, quod ea pietate
Agathyrna inconditam niultitudinein secum in Italiam erga patrem patruumque meum vivos inortuosque fuia-
transvexit. Quatuor millia hominum erant, mizti ex tis deinde, quod amissam taota clade provinciæ posses.
omui colluvioneezsules, obærati, capitalia ausi pleriquet sionem, integrajn, et populo romano et succesaori mihi,
et quum in civitatibus suis ac sub legibus vixerant, et virlute vestra obtinuiatis.Sed quum jam beniguitatedeum
postquam eos ex varils causis fortuna similis cooglobave- id paremus atque agamus, non ut ipsi maneamus in His-
rat Agathyrnam,per latrocinia ac rapinam t«lerantes vi- pania, sed ne Pœni maneant, nec ut pro ripa Iberi stan-
tant. Hos neque relinquere Læviuus in insula, tum pri- Les arceamus transitu boatea, sed ut ultro trauseamus,
mum noya pace coalescente, velut materiam novandis trausferamusque bellum; vereor, ne cul vestrum majus
rebus, salis tulum rams est; et Rheginis usai futuri id audaciusque consilium, quam aut pro memoria cla-
eraut ad populandum bruttiuin agrum, assuetam latro- dium nuper acceptarum, eut pro ætate mea, videatux.
âge ne fassent regarder ce dessein comme trop pé- d'anéantir à jamais le nom romain c'est vous
rilleux et trop hardi. Nos revers en Espagne ne qui, sous la conduite et les auspices de mon père,
peuvent affecter l'esprit de personne plus profon- l'avez arrêté et ces succès nous soutinrent dans
dément que le mien car mon père et mou oncle nos revers. Maintenant la bonté des dieux a rendu
y sont morts dans l'espace de trente jours, pour toutes nos affaires prospères et heureuses; chaque
que ma famille vît ainsi s'accumuler trépas sur jour en Italie et en Sicile elles prennent un aspect
trépas. Mais si mon cœur se brise, quand je me plus riant et plus favorable. En Sicile, Syracuse et
vois ainsi presque orphelin et solitaire, la for- Agrigente sont tombées en notre pouvoir; l'en-
tune publique, non moins que mon courage, me nemi a été chassé de l'Ile entière, et la province
défend de désespérer de l'état. Le destin a marqué est rentrée sous la domination du peuple romain.
ainsi notre fortune dans loutes les guerres impor- En Italie, nous avons reconquis Arpi et subjugué
tantes vaincus d'abord, nous avons fini par res- Capoue. Annibal, sans suspendre un seul instant
ter vainqueurs. Je ne parle pas des anciens exem- sa course ni ses terreurs, s'est enfui du pied de nos
ples, de Porsenna, des Gaulois, des Samnites; je remparts jusqu'à l'extrémité du Brutlium; il ne
commencerai aux guerres puniques. Que de flut- demande plus aux dieux que de pouvoir sortir et
tes, que de généraux, que d'armées n'avons-nous s'éloigner sain et sauf d'une terre ennemie. Eh
pas perdus dans la première! Quedirai-je de celle- quoi! soldats, vous qui, en dépit de cette suite
ci ? Eh bien 'toutes ces défaites, où j'ai assisté continuelle de désastres et lorsque les dieux eux-
en personne ou absent, nul ne les a plus vivement mêmes étaient pour ainsi dire du parti d'Annibal,
ressenties que moi. Trébie, Trasimène, Can- vous, qui sous la conduite de mes pères (qu'il
Des, ne sont-ce pas là des monuments de la destruc- me soit permis d'appeler les deux Scipions du
tion de nos armées, et du massacre des consuls même nom), avez soutenu la fortune chancelante
romains. Ajoutez à cescalamités la révolte de l'Ita- du peuple romain; vous dont la valeur est iné-
lie, de la Sicile et de presque toute la Sardaigne. hraulable, pourriez-vous, aujourd'hui que nos ar-
Ajoutez-y, pour comble d'épouvante et d'effroi, mes sont partout victorieuses, pourriez-vous man-
les Carthaginois campés entre l'Anio et les rem- quer de courage? Plût au ciel que les derniers
parts de Rome et presque à ses portes, Anuibal événements de l'Espagne ne m'eussent pas été
apparaissant vainqueur. Debout, au milieu de plus funestes qu'à vousl Aujourd'hui, les dieux
cette ruine générale la vertu romaine est restée immortels, protecteurs de l'empire romain, qui
invincible et inébranlable; seule elle a relevé de ont inspiré à toutes les centuries l'idée de me dé-
terre et reconstruit tous ces débris. C'est vous, férer le commandement, ces dieux, par des augu-
soldats, qui les premiers, après la défaite de Can- res, par des présages et par des songes heureux,
nes, lorsqu'Asdrubal, s'avançant vers les Alpes et ne m'annoncent que bonheur et succès. Que dis-
l'Italie, menaçait, par une jonction avec son frère, je ? un secret pressentiment, et jusqu'à ce jour

Adverse pugos in Hispania nuliius in animo, quam mco, mani ), ductu auspicioque patris mei ohstitistis. Et hæ se-
minus obliterart possunt; quippe cui pater et petruus iu- cundæ res illas adversas sustinuerunt.Nunc, bemgnitate
tra triginta dierum spatium ut aliud super aliud cumu- deurn omnia secunda prospera, in dies lætiora se me-
laretur familiae nostræ funus, interfecti sunt. Sed ut fa- liora in Italia Siciliaque geruntur. In Sicilia Syracusæ,
miliaris pæne orbitas ac solitudo frangit animum, ita Agrigentum captum, pulsi tota insula hostes, recepta.
publica quum fortune tum virtw desperare de summa que provincia in ditione populi romani est. In Italia Arpi
rerum probibet. Ea fato quodam data uobis sors est, ut receptui, Capua capta. lier omne ah urbe Roma trepida
magms omnibus bellis victi vicerimus. Vetera omitto, fuga emensus Annibal, in eatremum angulum agri brut-
Porsenam, Galloa, Samnites; a punicis bellis incipiam. tii compulsus, nihil jam majus precaturdeos, quam ut
Quot classes, quoi duces, quot eiercitus priore bello inclurai cedere atque abire ex hostium terra liceat. Quid
amissi sunt? Jam quid hoc bello memorem? Omnibus aut igitur minus conveniat,milites, quam, quum ahæ super
ipse abfui cladibus, aut, quibus adfui, maxime unus om- aiias clades cumularenlur, ac dii prope ipsi cum Anni-
nium eas sensi. Trebia, Trasimenus, Cannm, quid aliud bale starent, vos hic cum parentibus meis (æquentur
suut, quam monumenta occisorum exercituum consu- enim etiam honore nominis ) sustinuisse labantem fortu-
lumque romanorum? Adde defectionem Italiæ, Sicilia; nam populi romani; nunc eosdem, quia illie omnia se-
maioris partis, Sardiniæ. Adde ultimum terrorem ac pa- cunda lætaque sunt animis deficere? Nuper quoque
vorem, castra punica inter Anienrm et mœnia romana quæ acciderunt, utinam tlm sine meo luctu, quam ves-
posita et visum prope in portis victorem Aunibalem. In l
tro, trausissent Nunc dii immortales imperii romani
hac ruina rerum stetit una intégra atque immobilisvirtus præsides, qui centuriis omnibus, ut mihi imperium ju-
populi romani. Hiec omnia strata bumi ereiit ac sustulit. berent dari, fuere auctores, iidem auguriis auspiciisque,
Vos omnium primi, milites, post Cannensem cladem va- et per nocturnos etiam visus omnia laeta ac prospera por-
denti Asdrubali ad Alpes Italiamque (qui si se cum fra- tendunt. Animus quoque meus, maximum mihi ad hoc
tre conjunxisset, nullum jam nomen esset populi ro- temous vates præsagit, nostram Hispaniam esse brevi
ce fut pour moi l'oracle le plus certain, m'avertit mille fantassins et trois cents cavaliers, pour gar-
que déjà l'Espagne est à nous, et que bientôt les der cette contrée, et passe l'Èbre avec tout le
Carthaginois, bannis de ces contrées, vont remplir reste des troupes qui consistait en vingt-cinq
les terres et les mers de leur fuite honteuse. Ces mille hommes d'infanterie etdeux millecinq cents
présages involontaires sont confirmés par l'au- chevaux. Comme les ennemis étaient partagés en
torité infaillible de la raison. Les alliés de nos trois corps éloignés les uns des autres, on lui
ennemis, maltraités par eux, implorent notre ap- conseillait d'attaquer le plus voisin; mais crai-
pui par des ambassadeurs. Leurs trois généraux, gnant que le danger ne les réunît, et qu'il ne se
divisés d'opinion, et près de s'abandonner mu- vît lui-même hors d'état de résister seul à tant
tuellement, ont partagé leurs troupes en trois d'armées, il résolut d'attaquer d'abord Cartha-
corps et les ont conduites dans des contrées fort gène, cité riche et forte de ses propres ressources
éloignées les unes des autres. Elle pèse aussi sur outre qu'elle était devenue l'arsenal où les enne-
eux cette mauvaise fortune qui naguère nous ac- mis avaient renfermé toutes leurs provisions de
cabla ils sont abandonnés de leurs alliés comme guerre, leurs armes, leur argent et les otages
nous l'avons été des Cellibériens; et ils ont di- de l'Espagne entière. La situation en était très-
visé leurs forces par la même faute qui a perdu avantageuse pour passer en Afrique; et le port,
mon père et mon oncle. Leurs discordes intes- assez étendu pour contenir les flottes les plus
tines ne leur permettront pas de se réunir, et, nombreuses, est peut-être le seul que l'Espa-
séparés, ils ne pourront nous résister. Je vous gne ait sur toute l'étendue des côtes que baigne
demande seulement, soldats, d'accueillir favo- notre mer. C. Lélius seul était dans le secret
rablement le nom des Scipions, le fils de vos de l'entreprise. Scipion lui recommanda de faire
généraux, ce rejeton qui s'élève de leur tige abat- un long circuit avec sa flotte, et d'en régler
tue. Allons, vétérans, conduisez au delà de l'Èbre la marche de manière à n'entrer dans le port
cette armée nouvelle et votre nouveau chef; gui- qu'au moment où l'armée se montrerait du côté
dez-les dans ces contrées qui furent si souvent le de la terre. On mit sept jours à se rendre de l'Èbre
théâtre de vos glorieux exploits. Je ferai bientôt à Carthagène, par terre et par mer. On campa au
en sorte que si vous reconnaissez en moi la taille, nord de la place; les derrières du camp furent as-
les traits de mon père et de mon oncle, vous y surés par un fort retranchement; la tête se trou-
retrouviez aussi l'image fidèle de leur génie, de vait défendue par la nature du terrain. Voici, au
leur dévouement et de leur courage, et que cha- reste, quelle est la position de Carthagène. Vers le
cun de vous croie voir Scipion revivre en ma milieu de la côte d'Espagne est un golfe opposé
personne, pour vous commander de nouveau. » surtout au vent d'Afrique ce golfe s'avance dans
XLII. Après avoir par ce discours enflammé les terres sur une longueur d'environ cinq cents
l'ardeur des soldats, il laisse M. Silanus avec trois pas, et sur une largeur un peu plus considé-

extorre bine omne pumcum nomen, maria terrasque (erant autem viginti quinque millia peditum, duo mil-
fœda fuga inipleturum. Quod mens sua sponte divinat, lia et quingenti equites ) Iberum trajecit.Ibi quibusdam
idem subjicit ratio haud fallax. Vexati ab iis socii nostram suadentibus, ut, quoniam in tres tam diversas regiones
fidem per legalos implorant. Très duces discrepantes, discessissent puniei exercitus proximum aggrederetur,
prnpe utdefecerint alii ab aliis, trilariam exercitum in periculum esse ratus ne eo facto in unum omnes contra-
diversissimas regiones distraxere. Eadem iu illos ingruit beret, nec par esset uuus tot exercitibus, Carthaginem-
fortuna, quæ nuper nos affiiiit. Nam et deserunturab so- Novam interim oppuguare statuit; urbem quum ipsain
ciis, ut prius ab Celtiberis nos; et diduserunt exercitw, opulentam suis optbus, tum hostium omni bellico appa-
quae patri patruoque meo causa exitii fuit. Nec discordia ratu plenam (ibi arma, ibi pecunia, ibi totius Hispa-
intestina coire eos in unum sinet, neque sioguli nobis re- niæ obsides erant ), sitam præterea quum opportune ad
sistere poteruut. Vos modo, milites, favete nomiui Scipio- trajiciendum in Africam, tum super portum salis amplum
num, soboli imperatorum vestrorum, velut accisis re- quantævis classi, et nescio an unum in Hispaniæ ora,
crescenti stirpibus. Agite, milites veteres, novum exer- qua nostro adjacet mari. Nemo omnium quo iretur,
citum novuinque ducem traducite Iberum, traducite in sciebat praeter C. La'lium. ls classe circummissus ila
terras cum multis fortibus factis saepe a vobis peragratas. moderari cursum navium jussus erat, ut eodem tempore
Brevi faciam, ut, quemadmodum nunc noscitalis in me exercitus osienderetur, et classis portum intraret. Sep-
patris patruique similitudioem oris vultusque, et linea- timo die ab Ibero Carthaginem ventum est simul terra
iiienta corporis, ila ingenii, fidei virtutisque ad exem- marique. Castra ab regione urbia, qua in septentrionem
plum expressam effigiem vobis reddam ut revixisse, aut versa est, posita; his ab tprgo ( nam frous natura tuta
renatum sibi quisque Scipionem imperatorem dicat.» erat) vallum ohjectum. Ceterum sila Carthago sicest.
XLII. Hac ratione accensis militum animis, relicto ad Sinus est maris média fere Hispaniæ ora, maxime africo
praesidium regionis ejus M. Silano cum tribus millibus vento oppositus, et quingentos passus introrsus r tractus,
peditum et trecentis equitibus, celeras omnes copias paululo plus passuum in latitudinem patens. Hujus in os-
rable. A l'entrée, un petite île, qui le sépare de vous prendrez toute l'Espagne. Là se trouvent les
la haute mer, forme un port abnté contre tous les otages des rois et des peuples les plus puissantes
vents, excepté contre celui d'Afrique. Du fond dès qu'ils seront en votre pouvoir, ious aurez pris
sort une péninsule qui s'élève en forme d'émi- du même coup tout ce qui appartient maintenant
nence; c'est là qu'est bâtie la ville entourée de aux Carthaginois. Là est le trésor de nos ennemis;
la mer à l'orient et au midi. Au couchant, elle est sans cet argent ils ne peuvent faire la guerre,
fermée par un étang dont les eaux se répandent puisqu'ils entretiennent des troupes mercenaires;
un peu vers le septentrion, et ont une profon- avec cet argent nous avons un moyen infaillible
deur variable, selon que la mer est plus ou moins de nous concilier les esprits des Barbaries. Là se
haute. Un côteau d'environ deux cent cinquante tiouvent les machines de guerre, les armes, les
pas joint la ville au continent. Bien qu'un si petit agrès, tout l'appareil des combats cette prise,
espace eût coûté peu de peine à mettre en défense, en remplissant nos magasins, videra ceux de l'en-
le général romain ne Gt point élever de retranche- nemi. De plus, nous serons maîtres d'une ville
ment, soit pour imposer à l'ennemi par une aussi remarquable par sa beauté et son opulence
audacieuse confiance, soit pour se ménager dans que commode par son excellent port, qui nous
ses fréquentes attaques une retraite plus libre. procurera, selon les besoins de la guerre, toutes
XLIII. Lorsqu'il eut fortiGé toutes les parties les ressources terrestres et maritimes. Ces avan-
du camp qui en avaient besoin, il rangea ses tages, si importants pour nous, seront pour nos
vaisseaux dans le port, comme pour annoncer un ennemis autantde pertes plus importantes encore.
siège du côte de la mer; et faisant lui-même l'ins- C'est là leur citadelle, leur grenier, leur trésor,
prclion de sa flotte, il recommanda aux capitai- leur arsenal, le dépôt de toutes Imrs ressources.
nes d'être bien sur leurs gardes pendant la nuit De ce port on va droit en Afrique; c'est le seul
leur disant que c'est toujours au commencement lieu d'abordage entre les Pyrénées et Cadix c'est
d'un siège que les assiégés font les plus grands ef- de là que l'Afrique menace toute l'Espagne. Mais
forts. De retour dans son camp, voulant exposer je vous vois déjà prêts à marcher et à combattre;
à ses soldats les motifsqui le déterminaientà ou- marchons donc, pleins d'ardeur et d'espoir, au
vrir la campagne par un siège, et faire passer dans siège de Carthagène. o — « Marchons o, s'écrient
leur fime l'espoir du succès, il les rassemble et les soldats d'une commune voix. Scipion les mène
leur parle ainsi « Soldats, si quelqu'un s'imagi- contre la ville, et t'assiége aussitôt par terre et
nait que je vous ai amenés ici pour ne prendre par mer.
qu'une ville, il calculerait plus exactement vos XLIV. De son côté, Magon, général des Car-
peines que le profit. Vous n'assiégerezen effet que thaginois, voyant les Romains se préparer à cette
les murs d'une seule ville; mais dans cette ville double attaque, range ses troupes de la manière

tio sinus parva insula objecta ab alto portum ab omnibus obsidesomnium nobilium regum populorumque qui
ventis, præterquam africo, tutum facit. Ab intimo smu simul iu potestaie vestra erunt, extemplo omnia, qu e
pæninsula excurrit, tumulus is ipse in quo condita urbs nunc sub Cartliagiuiensibus sunt, in diliouem Irdaeut.
est, ab ortu solis et a meridie ciucta mari; ab occasu Hic pecunia omnis hostium, sine qua neque illi gerere
stagnum claudit, paulum et ad septrentrionemfusum bellum possuut, qui) pe qui mercenarios exercitus alanl,
incertæ altitudinis, uicunque emstnat aut deficit mare. et qum nobis maiimo usui ad conciliandosammos harba-
Continent) urbem jugum ducentus fere et quinquaginta rurum erit. Hic tormenta, arma, armamenta, et omnis
passus patens conjungit. Uude quum tam parvi operis apparatus belli est, qui simul et vos instruct, et hostes
munitio esset, non objecit vallum imperator romanus; uudabit. Potiemur præterea quum pulcherrima opulen-
seu fiduciam hosti superbe ostentans, sive ut subeuuti tissimaque urle, tum opportunissima portu egregio,
sæpe ad maoia urbis recursus pateret. unde terra marique, quae belli usus poscunt, suppedi-
XLIII. Cetera, quæ munienda erant, quum perfecis- lentur. Quae quum magna ipsi habebimus, tum dempse-
set, naves etiam in porlu, velut maritimam quoque os- rimus hoslibus multo majora. Hæc illis ara, boc horreum
tentans obsidionem instruxit: circumvectusque c'assem, ærarium, armamentarium, hoc omnium rerum reup-
quum monuissetpræfectos navium, ut vigilias nocturnaa taculum est. Hinc rectus in Africam cursus est ha'c una
intenli servarent omnia ubique primo obsessum hoàtom inter Pyrenæum et Gades statio; hinc omni Hispaniæ
conari regreasus in castra, ut consilü sui rationem, imminet Africa. Sed quoniam vos instructos et ordina-
quod ab urbe potissimum oppugnanda bellum orsus es- los cognosco ad Carthaginem Novam oppugnandam
net, mililibui ostenderet et spem potiundæ cohortando totis viribua et bono animo transeamus. » Quumque
faceret, concione advocata ila disseruit Ad urbem omnes una voce, « hoc faciendum, succlamarent,eos
unam oppugnaodam si quis vos adductoscrédit, is magis Carthaginem duiit. Tum terra marique eam oppugnari
operis vestri quam emolumenti rationem exactam mi- jubet.
lites, habet. Oppugnabitis Pnim vere mœnia unius urbi XLIV. Contra lliago, Pœnorumdux, quum terra ma-
sed in uns urbe universam ceperitis Hispaniam. Hic sunt rique instrui oppugnationem videret, et ipse copias ua
suivante il oppose deux mille habitants au camp pour être témoin du courage ou de la lâcheté de
ennemi, jette cinq cents hommes dans la cita- chacun d'eux. Aussi tous s'élancent au-devant
delle, en poste cinq cents autres sur une hauteur des blessures et des traits; et ni la hauteur des
tournée vers l'orient, et tient en réserve le reste murs, ni les assiégés qui les défendent encore, ne
de ses forces, avec ordre de se tenir prêtes à cou- peuvent les empêcher de les escalader à l'envi.
rir partout, au premier cri, à la première alarme. Dans le même temps les vaisseaux attaquent la
Ensuite il fait ouvrir la porte, et sortir les trou- partie de la ville baignée par les flots de la mer
pes qu'il avait disposées sur la route qui menait mais de ce côté il y avait plus de tumulte que de
au camp. Les Romains, sur un ordre du général succès. Tandis qu'on aborde, qu'on débarque les
reculent un peu, pour être plus à portée de re- échelles et les troupes, qu'on veut prendre terre
cevoir du secours dans l'action même. Et d'abord au plus vite, la précipitation, l'empressement font
ils soutiennent sans désavantage le choc de l'en- naître une foule d'obstacles.
nemi bientôt, à mesure qu'il leur arrive des XLV. Cependant les murailles s'étaient cou-
renforts du camp, non-seulement ils repoussent vertes de combattants, et une grêle de traits tom-
les assiégés qui fuient en désordre, mais ils les bait, sans interruption, sur les Romains. Mais ni
poursuivent de si près, que, si l'on n'eût fait combattants, ni traits, ni toute autre défense, ne
sonner la retraite, ils seraiententrés dans la place protégeaient les rempart sautant qu'ils se proté-
avec les fuyards. L'alarme ne fut pas moins geaient eux-mêmes; peu d'échelles pouvaient eu
grande dans la ville qu'ellel'avait été pendant le atteindre l'élévation et plus elles étaient hautes,
combat; la crainte et l'effroi firent abandonner plus elles étaient faibles. Aussi ceux qui se trou-
plusieurs postes; et les murs restèrent sans dé- vaient sur le dernier échelon, ne pouvant at-
fenseurs, chacun se précipitant par le chemin le teindre le sommet, tandis que d'autres conti-
plus court. Scipion, s'apercevant, du haut du nuaient de monter. Les échelles rompaient sous le
mont Mercure, que sur plusieurs points les rem- poids, même les plus solides, les soldats, étour-
parts sont déserts, fait sortir du camp toutes ses dis par la profondeur du précipice, se lais-
troupes pour marcher à l'assaut, et leur ordonne saient tomber; les assaillanis et les échelles rou-
d'apporter des échelles. Lui-même, à couvert laient de toutes parts; l'ennemi, à la vue de ce
sous les boucliers que trois jeunes et vigoureux succès, redoublait d'audace et de courage. Sci-
soldats portaient devant lui (car une grêle de pion alors fit sonner la retraite. Les assiégés
traits pleuvait déjà du haut des murailles), s'a- non-seulement se flattèrent de respirer après un
vance vers la ville, encourage les siens, donne les combat si acharné et de si rudes fatigues, mais se
ordres nécessaires, et, ce qui était fait surtout persuadèrent même que la place ne pouvait être
pour enflammer l'ardeur des soldats, il s'arrête emportée ni par escalade, ni par un assaut géné-

disponil. Oppidanorumduo millia ab ea parte, qua cas- tutis atque ignaviæ cujusque adest. Itaque in vntnera ac
tra romana erant, opponit quingentis militibus arcem tela ruunt; neque illos mûri, neque superstantes ar-
insedit quingentos tumulo urbis in orientem verso im- mati arcere queunt, quiu certatim ascendant. Et ab na-
ponit multitudinem aliam, quo clamor, quo subita vo- vibus eodem tempore ea, quæ mari alluilur, pars urbis
casset res, intentam ad omnia, occurrere jubet. Patefacta oppugnari cmpta est. Ceterum tumultus inde major
deinde porta, eos, quos in via ferente ad castra hostium quam vis, adbiberi poterat. Dum applicant, dum par-
instruierat, mittit. Romanis,duce ipso prascipiente, pa- tim exponunt scalas militesque;dum, qua cuique proxi-
rumper cessere ut propiores subsidiis in certamineipso mum est in terram evadere properant,ipsa festinatione
summittendis essent. Et primo haud impari stetere acie et certamine alii alios impediunt.
subsidia deinde, identidem snmmissa e castris, non aver- XLV. Inter hæc repleverat jam Po'ous armatis mu-
terunt solum ip fugam hostes, sed adeo effusis insttterunt, ros, et vis magna, ex ingenti copia congesta, telorum
ut, nisi receptui cecinisset, permixti fugientibus irrup- suppeditabat. Sed neque viri, nec tela, necquicquam
turi fuisse in urbem viderentur. Trepidatio vero non in aliud aeque, quam mœma ipsa sese, defendebant. Raræ
prœlio major, quam tota urbe fuit. Multe stationes pa- euim scalæ altitudini a'quari poterant et, quo quæque
vore atque fuga desertæ sunt, relictique muri; quum, altiores, eo infirmiores erant. Itaque quum summus
qua cuiqueerat proximum, desilaissent. Quod ubi egres- quisque evadere non posset, subirent tamen alii onere
sus Scipio in tumulum quem Mercurii vocant. animad- ipso fraugehanlur. Quidam, stantibus scalis, quum al-
vertit, multis partibus nudata defensoribus mœnia esse; titudo caliginem oculis offudisset, ad terram delati sunt.
omnes e castris excitos ire ad oppugnandam urbem et Et quum passim homines scala'que ruerent et ipso suc
ferre scalas jubet. Ipse, trium pra se juvenum valido- cessu audacia atque alacritas hostium cresceret, signum
rum scutis oppositis (ingens enim jam vis omnis generis receptui datum est; quod spem non pra'eeotis modo ab
telorum e muris volabat), ad urbem succedit, bortatur, tanto certamine ac labore quielis obsessis, sed etiam in
imperat, quae in rem sunt qnodque plurimumad accen- posterom dedit, scalis et corona capi urbem non posse
dendos militum animos intererat, testis apeclatorque vir- opéra et difficilia esse, et tempus datura, ad ferendam
rai, et que la difficulté d'un siège régulier donne- Mais par mer, les cinq cents hommes comman-
rait à leurs généraux le temps de venir à leur dés pour cette attaque traversèrent l'étang sans
secours. A peine le premier tumulte avait-it cessé, peine, et gagnèrent bientôt le sommet de la
que Scipion fait relever les soldats las et blessés muraille. Elle n'était point fortifiée en cet en-
par des troupes fraîches et non entamées, et re- droit, l'assiette du lieu et la barrière de l'étang
commencer l'attaque avec plus de vigueur. Ap- l'ayant fait juger imprenable on n'y avait place
prenant alors que la marée baissait, et iuslruit ni postes, ni sentinelles, parce qu'on n'était at-
par des pêcheurs de Tarragone, qui avaient par- tentif qu'à défendre le point que l'on voyait le
couru l'étang, tantôt sur des barques légères, plus menacé. Les Romains pénètrent donc sans
tantôt à pied, lorsqu'elles touchaient le fond, obstacle dans la ville, et courent en toute hâte
qu'an moment du reflux on pouvait aisément vers la porte où s'étaient concentrés les efforts des
arriver à gué jusqu'au pied des tuurailles, il y deux partis ils y trouvent les esprits les yeux,
conduit lui-même une partie de ses troupes. On les oreilles des combattantset des spectateurs, qui
était au milieu du jour; comme les eaux de les animaient de leurs cris, tellement occupés du
l'étang suivaient déjà le mouvement naturel de la combat, que nul ne s'aperçut de la prise de la
marée, un vent du nord, qui s'éleva, les refoula ville, avant de sentir les traits qui l'atteignaient
avec plus de violence, et les gués se trouvèrent par derrière, et de se voir entre deux corps
tellement à découvert que, dans quelques en- ennemis. Les assiégés, troublés par la crainte,
droits, les soldats n'avaient de l'eau que jusqu'à la abandonnent les murailles qu'ils défendaient,
ceinture, et ailleurs en avaient à peine jusqu'aux les Romains s'en emparent. En même temps la
genoux. Scipion, érigeant en prodige un événement porte cède aux coupssimultanés du dedans ec du
que sa prudence avait prévu et fait naître, le rap- dehors; on en a bientôt écarté les délnis qui au-
porleauxdieux qui forçaient la mer dc reculer pour raient pu embarrasser l'entrée, et les soldats se
donner passage aux Romains, faisaient disparaître précipitent dans la ville. Une grande partie fran-
les étangs, et leur ouvraient une route jusqu'alors chit les murs, et se répand çà et là poui égorgeur
impraticable aux mortels il ordonne à ses soldais les habitants, tandis que ceux qui sont entrés par
de suivre Neptune qui s'est fait leur guide, et de la porte, marchant en bataille avec leurs chefs,
marchcr au travers des eaux jusqu'au pied des et sans quitter leurs rangs, s'avancent jusqu'à la
remparts. place publique. Scipion, o)aut les ennemis se
XLVI. Par terre, l'attaque était extrêmement diviser dans leur fuite, et courir les uns vers
pénible, non-seulement à cause de la hauteur des l'émincuce qui regarde l'orient, et que défendart
murs, mais parce que les assaillants se trouvant un poste de cinq cents hommes les autres vers la
à découvert des deux côtés leurs flancs étaient citadelle, où Magon lui-même s'était réfugié
avec
encore plus exposés aux coups que le front même. presque tous les gens de guerre chassés des rem-

opem, imperatoribus suis. Vix prior tumullus conticue- nnm facilis transitus, et in murum ascensus inde fuit.
rat, quum Scipio ab defessis jam vulneralisque récentes Nam neque opere emunitus erat, ut ubi ipsius loci ac
integrosque alios accipere rcalas jubet, et vi majore ag- stagni priæsidio satis creditum foret; nec ulla armato-
gredi urbem. Ipse, ut ei nuntiatum est, æstum decedere, rum statio aut custodia opposila, intentis omnibus ad
quod per piscatores tarraconenses,nunc levibus cymbis, opem eo ferendam, unde peiiculum ostendebatur. Ubr
nunc, ubi eæ siderent, vadis pervagatos stagoum com- urbem sine certamineintravere, perguot iode, quanto
pertum habebat, facilem pedibus ad murum transitum maximo cursu poterant, ad eam portam, circa quam
dari eo secum armatos duxit. Medium ferme diei erat; omne conlractum certamen erat. In quod adeo iutenti
et ad id quod sua sponte cedente in mare e'stu traheba- omnium non animi solum fuere, sed etiam ocuh aures-
tur aqua, acer etiam septentrio ortus inclinatum stagnum que pugnantiutn speclauliumque et adhortantium pu-
eodem quo aestus, ferebat, et adeo nudaverat vada ut gnantes, ut nemo ante ab tergo senserit captam urbem,
alibi umbilico tenus aqua esset, alibi genua vix supera- quam tela in aversos inciderunt, et utrimque ancipitem
ret. Hoc, cura ac ratione compertum, iu prodigium ac bostem habebant. Tuuc, turbatis detensonhus metu, et
deos vertens Scipio, qui ad transitum Romanis mare mcenia capta, et porta intus forisque pariter refringi
vertereut, et stagno auferrent, viasque ante nuuquam ceepta et mox ca'dendo coufractis, ne iter impediretur,
nntas humano vesligio aperirent, ISeptunumjubebat du- foribus, armati impetum fecerunt. Magna multitudo et
cem itmeris sequi ac medlo stagno evadere ad mœuia. muros transcendebat; sed hi passim ad cidem oppida-
XLIV 1. Ab terra ingens labor succedentibus erat; uec norum versi. Illa quæ portam ingressa crat, justa acies,
ahntudiue tantum mauium impediebantur, sed quod cum ducibus cum ordimbus, mcdia urbe m forum pro-
euutes ad ancipites utrim lue ictus subjectos habebant cessit. lmle quum duobus itmeribus fugientes videret
roniauos ut latera infestiora snbeuntibus, quam adversa hostes alios ad tumulum in orientem versmu qui tene-
corpora, easeut. At parte in alia quingent s et per stag- batur qumgenterum militum piæsid o dios in arcem,
paris, envoie une partie de ses troupes attaquer la d'armes offensives et défensives, et soixantc-qua-
hauteur et mène l'autre contre la citadelle. La hau- torze drapeaux. On porta aussi au général une
teur fut emportée au premier choc quant à Ma- grande quantité d'or et d'argent, deux cent soi-
gon, il essaya d'abord de se défendre; mais se xante-seize coupes d'or, presque toutes du poids
voyant investi de toutes parts et sans espérance d'une livre, dix-huit mille trois cents livres
de pouvoir résister, il se rendit avec la citadelle et d'argent, tant en monnaie qu'en vaisselle, et un
la garnison. Jusqu'à cette soumission, le massa- grand nombre de vases du même mnal. Tous ces
cre s'était étendu sur toute la ville, et on n'avait objets furent remis au questeur C. Flaminius, qui
épargné aucun de ceux qu'on avait rencontrés en les prit au poids et en compte. On tiouva encore
âge de puberté un signal fit cesser le carnage; quarante mille boisseaux de froment et deux cent
et les vainqueurs commencèrent le pillage, qui soixante-dix mille boisseauxd'orge. Soixante-trois
produisit un immense butin. vaisseaux furent forcés et pris dans le port, quel-
XLVII. Environ dix mille hommes libres fu- ques-uns avec leur charge, composée de blé,
rent faits prisonuiers; mais Scipion renvoya ceux d'armes, de cuivre, de fer, de voiles de cor-
qui étaient de Carthagène, et leur rendit leur dages et autres agrès nécessaires à l'équipement
ville, et tout ce qui avait pu échapper au pillage. d'une flotte en sorte que, de tant d'objets pré-
Les artisans étaient au nombre de deux mille; il les cieux dont la victoire les rendait maîtres, Car-
déclara esclaves du peuple romain, avec espérance thagène était le moins considérable.
de recouvrer bientôt leur liberté, s'ils prêtaient XLVIII. Le jour même, Scipion, laissant la garde
avec zèle leur ministère pour tous les travaux de de la ville à C. Lélius et aux soldats de ma-
cette campagne. Le reste des habitants encore rine, ramena lui-même les légions dans le camp,
jeunes et des esclaves dans la force de l'âge lui pour y trouver le repos et la nourriture dont
servirent à recruter Ies équipages de saflotte,qu'il elles avaient besoin, ayant éprouvé dans une
avait renforcée de huit vaisseaux pris sur l'en- seule journée toutes les fatigues de la guerre.
nemi. Outre cette multitude, il trouva les otages En effet, elles avaient d'abord livré un combat
de l'Espagne; il en prit autant de soin que s'ils régulier, puis bravé, pnur prendre la ville,
eussent été les enfants de nos alliés. Cette con- tous les travaux et tous les perds; et même
quête mit de plus en son pouvoir un appareil après s'en être emparé elles avaient eu à com-
formidable de machines de guerre cent vingt battre dans un poste désavantageux contre ceux
catapultes de la première grandeur, deux cent des ennemis qui s'étaient réfuyés dans la cita-
quatre-vingt-uned'une grandeurmoindre, vingt- delle. Le lendemain, dans une assemblée de
trois grandesbalistes, ciuquante-deux petites, un troupes de terre et de mer, Scipion commença
nombre prodigieux de scorpions grands et petits, par rendre grâces aux dieux d'avoir, en un

in quam et ipse Mago cum omnibus fere armatis, qui ballistae majores viginti tres, minores quinquaginta dnx;
mûris pulsi fuerant, refugerat; partim copiarum ad tu- scorpionum majorum minorumque et armorum telorum
mulum expugnandum nutiit, partim ipse ad arcem du- que ingens numerus signa militaria septuaginta quatuor.
cit. Et tumulus primo impetu est captus, et Mago, arcem Et auri argentique relata ad imperatorem magna vis;
conatus defendere, quum omnia hostium plena videret, pateræ aureæ fuerunt ducentæ sepluaginta sex, libras
neque spem ullam esse, se arcemque et praesidium dedi- ferme omnes pondo argenti facti signatique decem et
dit. Quoad dedita arx est caedes tota urbe passim factoe; octo millia et treceuta pondo vasorum argenteorum
nec ulli puberum, qui obvius fuit, parcebatur. Tum magnus numerus. Hæc omnia C. Flamiuio quæstori ap-
signo dato, cædibus finis factus. Ad prædam victores pensa annumerataque sunt. Tritici quadraginta millia
versi, quoe ingens omnis generis fuit. modium, hordei durenta septuaginta. Naves onerariæ
XLVII. Liberorum capitum virile secus ad decem mil- sexaginta tres in portu expuguatæ capta?que quædam
lia capta. Inde, qui cives Novoe Carthaginis erant, di- cum suis oneribus, frumtnto, annis, ære praeterea,
misit urhemque et sua omuia, quae reliqua iis bellnm ferroque, et linteis, et sparto, et navali alia maleria ad
fecerat, restiluit. Opificesad duo millia hominum erant; classem aedificandam utminimum omnium inter tantas
eos publ ces fore populi romani edixit, cum spe propin- opes belli captas, Carthago ipsa fuerit.
qua libertatis, si ad ministeria belli enixe operam navas- XLV III. Eo die Scipio, C. Laelio cum sociis navalibus
sent. Ceteram multitudinem incolarum juvenum, oc urbem custodire jnsso, ipse in castra legiones reduxit
validorum servorum,in classem ad supplementum remi- fessos pe milites omnibus uno die belli operibus ( quippe
gum dédit et auxerat navibus octo capttvis classem. qui et acie dimicassent, et capienda urbe tautum laboris
Extra banc multitudinem Hispanorum ohsides erant pericultque adissent, et capta cum iis, qui in arcem con-
quorum perinde, ac si sociorum liheri esseot, cura ha- fugerant, iniquo etiam loco pugnassent) curare corpora
bita. Captus et apparatus ingens belli; catapultæ maximm jusbit. Pobtero die, militibus navalibubque sociis convo-
tormæ centrm viginti,minores ducentæ octoginta et una; catis, primum diisimmortalibuslauilesqueet grates egit,
seul jour, soumis à son pouvoir la ville la plus P. CornéliusCaudinus, qui était neutre, se ré-
florissante de l'Espagne, et surtout d'y avoir ras- unirent, et se mirent en devoir de prendre con-
semblé auparavant presque toutes les richesses de naissance de l'affaire; mais leur intervention
l'Fspagne et de l'Afrique; de telle sorte qu'en ré- ne lit qu'envenimer la querelle, parce qu'on les
duisant les ennemis au plus entier déuûment, regarda moins comme les avocats de ceux qm
ils le mettaient lui et les siens dans une extrême prétendaient à un si grand honneur que comme
abondance. Ensuite il comblad'éloges la bravoure des arbitres chargés de modérer l'ardeur des deux
de ses soldats, que n'avaient pu arrêter ni la partis. Alors C. Lélius, quittant le conseil, s'ap-
brusque sortie des assiégés, ni la hauteur des proche du tribunal de Scipio, et lui annonce
murailles, ni le passage d'un étang inconnu ni « que les soldais ne gardent plus ni mesure, ni
l'assiette imposante d'un château fort situé sur modération, et sont sur le point d'en venir aux
une éminence, ni l'aspect d'une citadelle défen- mains. Quand même, ajuutc-t-il, on s'abstien-
due par une forte garnison nul obstacle qu'ils drait de toute violence, rien ne pouvait être
n'eussent franchi ou renversé. Tous avaient sans d'un plus funeste exemple qu'un démêlé dont
doute le même droit à sa reconnaissance; mais l'objet était d'obtenir par la fraude et le patjure
l'honneur de la couronne murale était dû en par- un honneur qui n'était dû qu'au mérite. Les
ticulier au guerrier qui le premier était monté lésions d'un côté les soldais de marine do
sur la muraille. Celui qui croyait avoir mérité l'autre, étaient, pour ainsi dire, en présence,
cette récompense n'avait qu'à se nommer. » 11 prêts à faire, au nom de tous les dieux, un ser-
s'en présenta deux Q. Trébellius, centurion de ment plus conforme à leur passion qu'à la vérité,
la quatrième légion, et Sex. Digitius, soldat de la et à exposer aux suites de leur parjure, non-
flolte. Le débat fut moins %if entre les deux pré- seulement leurs têtes, mais les enseignes mili-
tendants qu'entre les deux armées, lesquelles laires, les aigles romaines et la religion du ser-
soutenaient chacune l'honneur du corps. C. Lé- ment. C'était un a\is que, de concert avec P.
lius, commandant de la flotte, favorisait les Cornélius et M. Sempronius, il s'empressait de
troupes de marine; M. Sempronius Tuditanus, dunuer à Scipion. » Celui-ci applaudit à la pru-
les légionnaires. Voyant que cette contestation dence de Lélius, convoqua l'assemblée, et déclara
allait presque dégénérer en sédition, Scipiun « qu'il était bien informé que Q. Trébellius et Sex.

nomma trois commissaires chargés d'examiner Oigitius étaient montés en même temps à l'assaut,
l'affaire, et de prononcer, avec connaissance de et que tous deux, en récompense de leur courage,
cause, et après la déposition des témoins, lequel allaient recevoir de lui la couronne murale. o
des deux compétiteurs était monté le premier. Ensuite il distribua au reste de l'armée des pré-
Ces commissaires, savoir C. Lélius et M. Sem- sents proportionnés aux services et à la valeur de
pronius, tous deux intéressés dans la querelle, et chacun et avant tout, voulant partager avec

qui se non urbis solum opulentissimaeomnium in IIispa- cosque tres recuperatores considere et causam cogno-
ma uno die compotem fecissent sed ante eo congessis- scere jussit. Quum res eo majore ageretur certamue
sent omnis prune Africæ atque Hispaniæ opes ut neque quod admoti tantæ dignitdtis non lam advocati, quam
hostibus quicquam relmqueretur, et sibi ac suis omnia moderatores studiorum fuerant; C. Lælius, relicto con-
superessent. Militum deinde virtutem collaudavit, quod silio, ad tribunal ad Scipionem accedit, emque docet,
eos non eruptio hostium, non altitudo mœnium, non rem sine modo ac modestia agi ac prope esse, ut ma-
inexplorata stagni vada non castellum in alto tumulo nus inter se couserant. Ceterum etiamsi ris absit ni-
situm, non munitissima an deterruisset, quo minus bilominus detestabili exemplo rem agi; quippe ubi fraude
transcendèrentomnia perrumperentque. Itaque, quan- ac perjurio decus petatur virtutis. Stare bine legionarios
quam omnibus omnia deberet, praecipuum muralis co- milites, hine classicos, per omnes deos paratos jurare
ronæ decus ejus esse qui primus murum ascendisset magis quæ velint, quam qum sciant, vers esse, et ob-
profiterctur, qui se dignum eo duceret dono. Duo pro- striogere perjurio non se solum suumque caput, sed
fessi sunt Q. Trebellius, centurio legionis quartæ, et signa militaria et ayuilas, sacramentique religionem.
Sex. Digitius,socius navails. Nec ipsi tam inter se acriter Hæc se ad eum de spntenlia P. Cornelii et M. Semproni
contendebant, quam studia excitaverant uterque sui cor- deferre.. Scipio, collaudato Lælio, ad concionem ad-
poris hominnm. Sociis C. Lælius præfectus classis; le- vocavit, pronuntiavilque,« Se satis compertum habere,
gionariis M. Sempronius Tuditanus aderat. Ea couteatio Q.Trebellium etSex. Digilium pariter in murum ascen-
quum prope seditmnem veniret, Scipio tres recupera- disse seque eos ambot, virtutis causa coronib mura-
to.'es quum se daturum pronuntiasset,qui, cognita causa libus donare. » Tum reliquos, prout cuique meritum vir-
testibusque auditis, judicarent, uter prior in oppidum tusque erat, donavit ante omnes C. Lælium praefectum
transcendisset;C. Laelio et M. Sempronio advocatispar- classis et omni geuere landis sibimetipse æquavit, et co-
is utriusque P. Cornelium Caudinum de medio adjecit nora aurea ac trigiota bubus donavit,
C.Lélius, commandant de la flotte, tout l'honneur de l'amitié, que leur imposer le joug d'un cruel
du succès, il lui fit présent d'une couronne esclavage. » Ensuite, il se fit donner le nom des
d'or et de trente bœufs. villes et le nombre des otages qui appartenaient à
XLIX. Alors il fit appeler les otages espagnols, chacune d'elles, et y envoya des courriers pour
dont je n'ose déterminer le nombre; car les uns inviter les parents à venir reprendre leurs enfants.
le portent à trois cents, et les autres jusqu'à Quant à celles dont les députés étaient présents il
sept cent vingt-cinq. Les historiens ne sont pas remit aussitôt les otages entre leurs mains et
plus d'accord sur les autres circonstances. La gar- confia les autres à la garde et à l'humanité du
nison carthaginoise était, selon celui-ci, de dix questeur C. Flaminius. Pendant que Scipion s'oc-
mille hommes; selon celui-là, de sept mille; de cupait de ces soins, une femme fort âgée, épouse
deux mille au plus, suivant un troisième. Dans un de Mandonius, frère d'Indibilis, chef des lier-
auteur, on trouve dix mille prisonniers; dans un gètes, perce la foule des otages, se jette en pleu-
autre, plus de vingt-cinq mille. On prit en- rant aux pieds du général, et le conjure « de
viron soixante scorpions grands et petits, si recommander spécialement aux gardes le respect
j'en crois Silénus, historien grec; Valérius d'An- et les égards envers les femmes. Sur la réponse
tium les porte jusqu'à six mille grands et treize de Scipion, « qu'on ne les laissera manquer de
mille petits, tant on se fait peu de scrupule de rien, — « Ce n'est pas, reprit-elle, un si frivole in-
mentir 1 Ils ne sont pas même d'accord sur le nom térêt qui nous occupe; tout ne convient-il pas à
des chefs la plupart donnent le commandement notre fortune ? J'ai bien d'autres alarmes quand je
de la flotte à C. Lélius, quelques-uns à M. Junius considère l'âge tendre de ces jeunes filles; car pour
Silanus. Dans Valérius d'Antium c'est Arinès qui moi je n'ai pas à redouter les outrages dont une
est à la tête de la garnison carthaginoise, et qui femme peut être l'objet. » Elle avait autour d'elle
se rend aux Romains; dans d'autres écrivains les filles d'Indibilis, dans la fleur de l'âge et de la
c'est Magou. Le même dissentiment a lieu sur beauté, ainsi que plusieurs autres du mémo
le nombre des vaisseaux pris, sur la quantité rang, qui toutes la révéraient comme leur
d'or et d'argent, sur les sommes qu'on tira de la mère. Scipion lui dit « Mon honneur et celui
vente. S'il faut adopter un parti, le juste milieu du peuple romain m'imposent la loi de conserver
parait le plus conforme à la vérité. Pour en revenir inviolable dans mon camp ce qui est partout
aux otages, Scipion qui les avait fait appeler, respectable; mais ce qui me rend ce devoir en-
commença par les rassurer tous en leur repré- core plus sacré c'est votre vertu c'est votre
sentant « qu'ils étaient an pouvoir du peuple ro- noble sollicitude, vous à qui l'infortune même
main, qui aimait mieux s'asservir les cœurs par n'a pas fait oublier les bienséancesde votre sexe. »
les bienfaits que par la crainte, et s'attacher les Ensuite il confia ces captives à la garde d'un offi-
nations étrangères par les liens de la bonne foi et cier de mœurs irréprochables et lui prescrivit de

XLIX. Tum obsides civitatum Hispaniæ vocari jnssit; babere, quam tristi sublectas servitio.. Deinde acceplis
quorum quantus numerus fuerit, piget scribere, quippe nominibus civitatum,receosuitcaptivos, quot cujusque
quum alibi trecentos ferme, alibi septingentos vigiati populi essent; et nanties domum misit ut ad suos quis-
quinque fuisse inveniam. Æque et alia inter auctcres que recipiendos veniret. Si quarum forte civitatum legati
discrepant. Praesidium punicum alius decem, alius sep- aderant, iis præsentibus suos restituit:ceterorum curam
tem, alius baud plus quam duum millium fuisse xribit. benigne tuendorum C. Flaminio quæstori attribuit. In-
Capta alibi decem millia capitum alibi supra quinque et ter ha'c e media turba obsidum mulier magno natu, Man-
viginti invenias. Scorpiones majores minoresque ad seia- donii uxor, qui frater Indibilis Ilergetum reguli erat,
ginta captos scripserim si auctorem græcum sequar Si- flens ad pedes imperatoris procubuit, obtestarique Cœ-
lenum si Valerium Antiatem, majorum scorpionum sex pit, ut curam cultumque feminarum impensius custodi-
millia, minorum tredecim adeo nullus mentiendi mo- bus commendaret. Quum Scipio, nihil profecto defu-
dus est. Ne de ducibus quidem convenait. Plerique Lae- turum, diceret; » tum rursus mulier, Haud magni ista
liurn promisse classi; sunt, qui M. Junium Silanum di- facimus, inquit; quid enim huie fortunæ non satis est?
cant. Arinem pra'fuisse punico praesidio, deditumque Alia me cura, ætatem harum iutuentem (nam ipsa jam
Romanis, Antias Valerius; Magonem alii scriptorestra- extra periculum injuriæmuliebris sum), stimulât.* Ætate
dunt. Non de numeronavium captarum,non de pondere et forma florentes circa erant Indibilis filiæ. aliaeque no-
auri atque argenti, et redactae pecunia', couvenit. Si ali- bilitate pari qum omnes eam pro parente cnlebant. Tum
quibus assentiri necesse est, media simillima veris sunt. Scipio, Meae populique romani dtsciplinæ causa face-
Ceterum Scipio, vocatis obsidibus,primum univeraos rem, inquit, ne quid, quod sanctum usquam esset, apud
bonum animum habere jussit. e Veuisse eos iu populi nos violaretur. Nunc, ut id curem impensius, vestra
romani poteslatem, qui beneficie, quam metu, obligare quoque virtus dignitasque facit, quae ne in malis quidem
humines malit; exterasque gentes fide ac sacietate junctas oblitæ decoris matronalis estis. » Spectatæ deinde tn
les traiter avec le respect et les égards que Eon Rome beaucoup de citoyens qui me ressemblent,
doit aux épouses et aux mères de ses hôtes. et qu'il n'est point aujourd'hui sur la terre de
L. Bientôt après, les soldats conduisent devant peuple dont vous deviez plus, pour vous et votre
lui une jeune princesse d'une beauté si accomplie patrie, redouter la haine et rechercherl'amitié. »
que partout, sur son passage, elle attirait tous les Le jeune homme, à la fois confus et pénétré de
regards. Scipion, s'informant de sa patrie et de sa joie, prend la main de Scipion, et conjure tous
famille, apprend, entre autres détails, qu'elle est les dieux de se charger de sa reconnaissance,
fiancée à un chef des Celtibériens il se nommait puisqu'il n'est pas eu son pouvoir de payer digne-
Allucius. Aussitôt il mande les parents et le futur ment un si grand bienfait. On introduit ensuite
époux, et, sachant qu'il aimait éperdument la le père, la mère et les parents de la jeune cap-
jeune captive, il lui adresse, à son arrivée, les pa- tive. Ils avaient apporté, pour la racheter, une
roles les plus affectueuses, avant même de donner somme d'argent considérable; mais voyant que
audience aux parents « Je suis jeune, vous l'êtes Scipion la leur rendait sans rançon, ils le prient
comme moi nulle contrainte ne doit gêner nos d'accepter cette somme à titre de présent, et lui
discours. Mes soldats, en m'amenant votre fian- assurent qu'ils ne seront pas moins sensibles à
cée, leur prisonnière, m'ont appris que vous l'ai- cette nouvelle grâce qu'à son premier bienfait.
miez avec tendresse, et sa beauté me l'a fait croire Scipion, vaincu par leurs instances, répond qu'il
aisément. Mon âge aussi me permettraitpeut-être accepte, fait déposer l'or à ses pieds, puis s'adres-
de me livrer aux douceurs d'un amour chaste et sant à Allucius « Outre la dot, lui dit-il, que
légitime, si les intérêts de la république n'occu- vous recevrez de votre beau-père agréez de
paient pas mon âme tout entière, et je croirais moi ce présent de noces. » Et il l'invite à faire cu-
digne de quelque iudulgence l'excès même de ma lever cet or, et à en disposer comme d'c son bien.
passion pour une jeune épouse; je dois donc, puis- Allucius, comblé d'honneurs et de bienfaits, se re-
que la fortune me le permet, favoriser aussi votre lire tout joyeux; et, de retour dans son pays, il
amour. Votre fiancée a été respectée dans mon necesse d'entretenir ses compatriotes des vertus de
camp comme elle l'eût été chez votre beau-père, Scipion, « jeune héros, semblable aux immortels,
chez ses propres parents. Je vous l'ai conservée venu en Espagne pour subjuguer tout par ses ar-
comme un dépôt inviolable, pour vous en faire un mets, et par sa clémence et sa générosité. » Aussi,
présent digne de vous et de moi. Le seul prix que il se hâte de faire des levées parmi ses clients, et
je mets à ce service, c'est que vous soyez l'ami du revient peu de jours après retrouver Scipion à la
peuple romain; si vous me croyez homme de bien, tête de quatorze cents cavaliers d'élite.
tel que mon père et mon oncle se sont montrés LI. Scipion retint quelque temps Lélius auprès
aux yeux de ces nations, sacbez qu'il y a dans de lui, pour régler, d'après ses conseils, le sort

tegritatis viro Iradidit eas, tnerique haud secus vere- trem patruemque meum jam ante hæ gentes norant.
cunde ac modeste, quam hospitum conjuges ac matres, scias multos nostri similes in civitate romana esse; nec
jnssit. ullum in terris populum bodie dici posse, quem minus
L. Captiva deinde a militibus adducitur ad eum adulla tibi bostem tuisque esse velis aut amicum malis.. Ado-
virgo, adeoeximia forma, utquacunque incedebat, con- lescens, simul pudore et gaudio perfusus, deitram Sci
verteret omnium oculos. Scipio, percunctatus patrium pionis tenens, deos omnes invocare ad gratiam illi pro se
parentesque,inter cetera accepit desponsam eam prin- referendam, quoniam sibi nequaquam satis facultatis,
cipi Celtiberorumadolescenti Allucio nomen erat. Ex- pro suo animo atque illius erga se merito, esset. Parentes
templo parentibus sponsoque nomen accitis, inde cognatique virginis appellati. Qui quomam gratis
Celtiberorum

qnum intérim audiret, deperire eum sponsae amore, sibi redderetur virgo, ad quam redimendamsatis ma-
uhi primum venit, accuratioreeum sermone, quam pa- gnum attulissent auri pondus, orare Scipionem ut id ah
rentes, alloquitur. « Juvenis, inquit, juvenem appello, se donum acciperet, cœperuot haud minorem ejus rei
quo minor sit inter nos hujus sermonis verecundia. Ego, apud se gratiam futuram esse, affirmantes, quam redditæ
quum spoosa tua capta a mihtibus nostris ad me ducta inviolatæ foret virginis. Scipio quando tanto opere pe-
esset, audiremque, eam tibi cordi esse, et forma faceret terent, accepturumse pollicitus, poni ante pedes jussit
fidem quia ipse, si frui liceret ludo ætatis, præsertim vocatoque ad se Allucio ,« Super dotem, inquit, quam
recto et legitimo amore, et non respublica ammum no- accepturut a socero es, hæc tibi a me dotaha doua acce-
ttrum occupasset, veuiam mihi dari sponsam impensius dent aurumque tollere, ac sibi haberejussit. His lætus
amanti vellem tuo, cujus possum, amori faveo. Fuit donis honoribusque dimissus domum, implevit populares
apoosa tua apud me eadem qua apud soceros tuos paren- laudibus meritis Scipioois « vemsee diis simillimum ju-
tesque suus verecundia servata tibi est, ut inviolatum venem, vincentem omuia, quum armis, tum benignitaie
et dignum me tequo dari tibi donum posset. Hanc mer- ac beneficiis. Itaque, delectu clientium habite, cum de-
cedem unam pro eo munere paciscor amicus populo ro- lectis milleetquadringeutisequitibusintra paucos dits ad
mano sis. Et si me virum bonum crédit esse, quales pa- Scipionem revertit.
des captifs et des otages, et la répartition du bu- ter les ouvrages qu'une multitude d'artisans fai-
tin. Toutes les dispositionsfaites, il lui donna une saient chaque jour, à l'envi, dans les ateliers, dans
quinquérème, y fit embarquer Magon et quinze les arsenaux et dans les chantiers. Après avoir
sénateurs faits prisonniers avec lui, et l'envoya donné aux travaux cette impulsion, réparé les
porter à Rome la nouvelle de sa victoire. Pour lui, brèches des murailles et laissé une garnison suffi-
il consacra le peu de jours qu'il s'était proposé de sante pour la défense de la ville, il partit pour
passer à Carthagène à exercer les troupes de terre Tarragone, et reçut, sur sa route, un grand nom-
et de mer. Le premier jour les légions en armes bre de députations; il répondit aux unes sans s'ar-
défilèrent devant lui l'espace de quatre milles; le rêter, et donna rendez-vous aux autres à Tarra-
second, elles eurent ordre de nettoyer et de polir gone, où il avait couvoqué l'assemblée de tous les
leurs armes devant Icurs tentes; le troisième, elles alliés, tant anciens quenouveaux. Là, se rendirent
donnèrent l'image d'une bataille rangée, en se aussi les députés de presque tous les peuples qui ha-
chargeant avec des fleurets et en se lançaut des bitaienten deçà de l'ÈLre, et plusieurs même des
javelots sans fer; le quatrième fut consacré au re- provinces situées au delà. Les chefs carthaginois
pos le cinquième, à de nouvelles évolutions mi- étouffèrent d'abord le bruit de la prise de Cartha-
litaires. Cette alternative de fatigues et de relâche gène ensuite, lorsque cet événement fut trop
fut observée tout le temps que les troupes séjour- connu pour qu'il fût possible de le cacher ou de le
nèrent à Carthagène. Les équipages et les soldats dissimuler, ils cherchèrentà rabaisser le mérite de
de marine gagnant la haute mer lorsqu'elle était ce succès. « Attaquée à l'improviste, et presque
calme, éprouvaient la vitesse de leurs vaisseaux furtivement, la ville avait été prise en un jour; ce
par des simulacres de combat naval. Tels étaient mince événement, la vanité d'un jeune homme,
hors de la ville, sur terre et sur mer, les exercices tout fier de son début, l'avait, dans l'excès de sa
qui disposaient les corps et les esprits aux épreu- joie, érigé en conquête importante. Mais lorsqu'il
ves réelles des combats. L'intérieur de Cartbagène apprendrait que trois généraux, que trois armées
ne présentait pas un appareil moins guerrier, et victorieuses marchent pour le combattre, il se
retentissait du bruit des ouvriers de toute espèce rappellerait bientôt ses malheurs domestiques. »
réunis dans les ateliers publics. Le général sur- Tel était le langage qu'ils affectaient de tenir
veillait tout également tantôt il était sur la flotte, en public; mais ils n'ignoraient pas combien la
occupé de l'armée navale; tantôt il faisait défiler perte de Carthagène les avait désormais affai-
les légions tantôtil employait son temps à inspec- blis.

LI. Scipio retentum secum Lælium, dum captivos ob- dabat, quaeque in officinis, quæque in armamentario ac
sidesque et prædam ex consilio ejus disponeret, satis navalibus fabrorum multitudo plurima in siogulos dies
omnibus compositis, data quinquereme, captivisque, certamine ingenti faciebat. Bis ita mchoatis, relectisque,
Magooe et quindecim fere senatoribus, qui simul cum eo qua quassati erant, muns, dispositisque præsidits ad cu-
capti erant, in navem impositis, nuntium vicloriæ Ro- stodiam urbis, Tarraconem est profectus, a multis lega-
mam mittit. Ipse paucos dies, quibus morari Carthagine tionibus protinus in via aditus: quas partim dato responso
statuerat, exercendis navalibus pedestribusque copds ab- ei itnere dimisit, partim distulit Tarraconem, quo om-
sumpsit. Primo die legiones in armis quatuor millium mbus novis veteribusque soeiis edixerat conventum. Et
spalio decurrerunt secundo die arma curare et tergere cuncti fere, qui cis Iberum incolunt popu!i multi
ante tentoria jussit tertio die rudihus iuter se in modum etiam ulterioris provinciæ convenerunt. Carthiginien-
justæ pugnæ concurrerunt,præpilatisque missilibus jacu- sium duces primo ex industria famam captæ Carthaginis
lati sunt; quarto die quies data quinto iterum in armia compresserunt deinde, ut clarior res erat, quam ut
decursum est. Hune ordinem laboris quietisque, quoad tegi ac dissimulari posset, elevabant verbis. «l'ecopi-
Carthagine morati sunt, servarunt. Remigium classici- nato adventu ac prope furto umus diei urbem unam Ili
que milites, tranquilloin altum evecti, agilitatem navium spauia' interceptam.Cujus rei tam parvæ præmio elatum
simnlacris navalis pugnæ experiebantur. Hayc extra urbem insolentemjuvenem. immodico gaudio speoem magnæ vi-
terra marique corpora simnl animosque ad bellum ac- ctoriæ imposuisse. At, ubi appropinquaretres duces, tres
uebant. Urhs ipsa strepebat apparatu belli, fabris om- victores hostium exercitus aud.sset, occursuram ei ex
nium generum in publica officia inclusis. Dux cuncta templo domesticorum funerum memoriam. s Hæc in vul-
pari cura obibat. Nunc in classe ac navali erat; nunecum gus jactabant, baudquaquam ipsi ignari, quantum sibi
legionibus decurrebat nunc operibus aspiciendis tempus ad omnia virium, Carthagmeamissa, decessisset.
NOTES

SUR TITE-LIVE.

TITRE. — Les meilleures éditions de Tite-Live portent rer que l'écriture était inconnue dans les premiers siè-
pour titre TITI LIVH PATAVINI HISTORIARUM AB URES cles de Rome ? Sur deux passages surtout, l'un de Tacite
CORIDITA. et l'autre de Tite-Live, que nous croyous devoir repro-
duire ici
« 11 ne faut pas prendre de la ville de ftonte dans les « In Ilalia
Etrusci ab Corinthio Demarato, Aborigènes
commencements l'idée que nous donnent les villes que ab Evandro litteras ) didicerunt, et forma litteris lati-
nous veyons aujourd'hui, à moins que ce ne soient cel- nis quæ veterrimisGraecorum.. Tac., Ann., XI, 14.
les de la Crimee, faites, pour renfermer le butin, les bes- Quæ ab condita urbe Roma ad captam eamdem ur-
liaux et les Iruits de la campagne. Les noms anciens des » bem Romani sub
regibus primum, consulibus deinde
principaux lieux de liome uut tous du rapport a cet ac dic atoribus, decenivil isque ac tribunis consulari-
usage. bus gessere, foris bella, domi seditiones, quinque libris
»
La ville n'avait pas même de rues, si l'on appelle de » exposui res quum vetustate nimia obscuras, velut qua)
ce nom la continuation des chemins qui y abominaient. magno ex intervallo loci vix cernuntar, tum quod par-
Les maisous etaient placecs sans ordre et très-petites; » væ et raræ per eadem tempora litteræ fuere, una cus-
car les hommes, touj mrs au travail ou dans la place todia fidelis memoriæ rerum gestarnm, et quod ctiam,
publique ne se tenaient guère dans les nuisons. Si quæ in commentariis pont licum, aliisque publicis pri-
Mais la grandeur de Home parut bientôt dans ses vatisque erant monumentis, incensa urbe pleraque in-
édifices publics. Les ouvrages qui ont donné et qui » teriere.. Tite-Lhe, VI. 1.
donnent encore aujourd'but la plus haute idée de sa puis- Suivant les critiques, il résulterait de ces deux passa-
sance ont ete faits sous les rois. Un commençait a bâtir ges que dans les temps les plus ancitns de Rome l'ecri-
la ville éternelle. MONTESQWUEIU, Grandeur et deradtnce ture etait inconnue, puisque les Etiusques (ui-nitmes,
des Romains, chap. I. qui étaient le peuple le plus cirilisé de l'Ital e, reçurent
On le voit, Montesquieu croit à l'histoire primitivede l'alphabet de Demarate de Corinthe, père de Tarquin-
Rome, au moinsdans son ensemble. Ce puissant geuie, qui 1 Ancien, c'est-à-dil c 638 ans environ avant J.-C. D'an
ne pouvait ignorer les attaques dirigées depuis deux sie- autre côte, le passage de 'l'ite-Live prouveraitque cet
cles contre l'authencite de ces antiques tradition, n'a pas historien se defiait beaucoup des monument, anciens, et
cru devoir s associer aux doutes d'un scepticisme qui de- que l'incendie de Rome par les Gaulois avait fait dispa-
lruit tout sansrien reconstruire. Mebuhr et d'autres après raitre presque toutes les sources historiques.
lui n ont pas craint dejfhr le vieux rowan par terre. Ils Mais les deux textes que nous venons de citer sont-ils
ont refait 1 histoire de Rome; mais a chaque edition nou- bien concluants? ne sont-ils pas contraires aux faits les
veau système. Auqucl laudra-t-il s'en tenir Sans doute plus positifs de l'antiquite? Et d'abord, à Tacite et a
l'hisloire traditionnelle de Home n est pas à l'abri de la Tite-Live on peut opposer Tacite et Tite-Live eux-me-
critique: toutes ses sources n ont pas la meme valeur mes. En effet le premier, tout en aisant que l'alphabet a
ou y remarque des contradictions, des faits inexacts, des eté apporté aux Étrusques par Demarate, alfirme que les
dites incertaines comme dans toutes les histoires primi- lettres avaient eté données aux Aborigènes, ou, en d'au-
tives, sans en excepter la nôtre, le merveilleux y joue tres termes, aux Latins, par Evaudre lui-meme, c'est-a-
son rôle oblige; mais sur ces données est-on en droit de dire quelques siècles avaut l'époque assignee à Romulus.
dire qu'elle n'est autre chose qu'un roman ? Nous ne pou- Or, on peut se demander comment il s'est fait que les
vons ici entrer dans les details contentons-nous de ré- Etrusquesaient etc regardes comme le peuple le plus an-
poudre à l'argument qui a obtenu le plus de faveur. Au ciennement civilisé de l'Italie, s'ils ignoraientl'usage de
temps des rois, 1 écriture n'existait pas encore à Rume l'ecriture, alors que depuis plusieurs siecles les Latius,
comment a-t-on pu conserver le souyeuir des évene- leurs voisins, jouissaient de ce bienfait?
ments? » Et qu'on se garde bien de croire que cette tradition
Sur qnclle autorité s'appuient les critiques pour decla- sur l'antiquité de l'ecriture dans le voisiuagede Rome ent
une fable qu'on doit entièrement rejeter. Un vase, dé- cque
mérite ce Clodius, cité avec si peu d'égard par l'his-
qu'il
couvert il y a deux ou trois ans dans des fouilles prati- torien, il est évident qu'il exagérait. Et, lors même
aurait dit la vérité en tout pnint, si la falsification n'avait
quees sur l'ancien emplacement de la ville pelasgique
d'Agylla, portegravé sur la base un alphabet grec, et sur cl'autre but que de montrer les liens qui existaient entre
la pause un syllabaire en lettres de la forme la plus ar- (des familles récentes et des familles plus anciennes, la
chaique, dont quelques-unes mème, comme le FAU et falsification ne pouvait évidemment porter que sur les
le hOPPA appartiennent au plus antiquealphabet des monuments qui intéressaientles familles et non pas sur
Grecs, à celui qu'ils avaient reçu imrnediatement de la d'autres; par conséquent elle ne pouvait s'étendre aux
l'hénicie. Ou y rencontremême des formes qui n'existent lois, aux traités, etc.
sur aucun monument connu, et qui ressemblent d'une Cicéron, dans sa Republique ( II, 10 ), semble avoir
manière frappante aux lettres primitives de l'alphabet prévu les objections auxquelles donnerait lieu l'histoire
phénicien. ( Voyez les Annales de l'institut archéologique des premiers temps de Rome, et il y repond d'une manière
de Rome, t. III, p. 186 et suiv. ) N'est-on pas autorisé à brillante, mais peut-êtreen exagérant un peu la civilisa-
croire qu'Agylia, qui n'interrompit jamais ses raplrorts tion du premier siècle de la ville éternelle. Romulus,dit-
avec la Grèce, en avait reçu directement son alphabet il vivait il y a moins de six cents ans, dans un temps
dès le temps où l'écriture y fut connue, et qu'on y avait où les sciences et les lumières etaient dejà fort anciennes
même adopté une méthode de lecture qui devait eu faci- ( jam inveteratis LITTERIS atque doctrinis). et où l'on
liter la propagation. Ainsi, à l'époque de Romutus, l'é- avait dépouille ces antiques erreurs d'une evitisation
criture alphabétique etait en usage aux portes de Rome naissante et grossiere. En effet si comme on l'établit
comment admettre que ce bienfait ne s'était pas repandu par les annales des Grecs, Home fut fondee dans la
jusque dans la ville nouvelle qui était intéresséea ne pas seconde année de la septième olympiade,l'existence de
rester en arrière des cités voisines, et qui d'ailleurs comp- Romulus se rapporteau temps que Ia Grèce était dejà rem-
tait peut-être parmi ses habitants plus d'un Pelasge et plie de poëtes et de musicieus, siècle où des fables con-
plus d'un Grec? temporames n'auraient obtenu que bien peu decroyance.
Quant à Tite-Live, n'est-il pas évident qne lorsqu'il En ef,et, ce fut cent huit ans après la promulgation des
dit: parræ etrarœ per cadem tempora litterœ, il veut faire lois de Lycurgue que l'on établit la première olympiade,
entendre qu'on écrivait peu et avec concision en uu bien que par une méprise de nom quelques auteurs en
mut, qu'on ne connaissait point encore la forme litté- aient rapporte l'institution à Lycurgue lui-même. D'autre
raire; mais il atteste par cela même que l'usage del'écri- part, leà calculs les plus moderes placent Homère trente
ture existait. Et certes, comme on vient de le voir, il ans au moins avant Lycurgue. On peut eu conclure aise-
était deja ancien à l'époque où il fait cette observation ment qu'Homèreprécéda de beaucoup d'annees le temps
et nous prouverons bientôt qu'on en trouve des preuves de Romulus. Ainsi, l'instruction des hommes et les lumiè-
incontestables sous les rois. D'ailleurs, lui-meme dans
cite les mémoires des Puutrfes d'autres res même du siècle devaient laisser alors peu de place au
ce passage et succès d'une fiction. L'antiquité, en effet, a pu recevoir
monuments tant publics que particuliers; et, quand il des fables quelqaefois même
assez grossières m,ris cette
dit que la plupart périrent, il fait entendre en même
éporlue, déjà cultivée, etait prête à repousser par la de-
temps qu'un certain nombre d'entre eux échappPreut à supposition iuvraisemblable. » (Traduction
l'incendie. Dans le meme chapitre, il raconte que le pre- rision toute
de M. VILLEMaIN. )
nier soin des tribuus militaires nommes l'an de Rome 367 Aux auteurs grecs cites par Cicéron on pourrait en
(386) av. J.-C. ) fut de rechercher les traités et les lois qui
ajouter beaucoup d'autres tels qu'Hésiode, les poetes cy-
subsistaient encore (les Douze Tables et quelques loisroya-
cliques, Tyrtee (vers 680), Terpandre (677 ), Archiloque,
les), et que de ces documents les uns furent rendus publics,
Alcmau (vers 670), Stesicure (ne en 652), etc. C'est au sep-
d'autres tenus secrets (seippressa, que l'on a traduit à tort tième siècle que fleurirent au midi de la péninsule itahque
par siepprimes et cela principalementpar les pontifes,qui les législateurs Zaleueus et Charoudas. Au sixieme siècle,
voulaient contenir la multitude à l'aide du frem religieux.
au temps des Taiquins, la critique d'Homère avait pris
Ce fut le même moyen qu'emplo)a plus tard Vespasien naissance, et par conséquent la grammaire et la philoso-
pour reconstituer les archives nat onales qu'un incendie phie de la langue. Quelques annres auparavant flurmsait
du Capitule avait detruites. Ipse restitulionem Capitolii Solon, qui composa des poèmes dont le temps nous a con-
aggressus, ærearum tabularum tria millia quæ simui serve des fragments, et qui avaitdonrte à sa palrie des lois
»
conllagraverantrestitueda suscepit, undique investi- écrites qu'avaient precedees cellesde Lycurgue. Dans cette
gatis exemplaribus;instrumentum imperil pulcherri- période des écoles philosophiquesav aient ete fondees par
» mum ac vetu tissimum quo coulinebanturpeneab e.ror- '1 halès, à Vilet, par Pythagore, a Crotone, el les poètes
» dro Obis senatuconsulta, plebiscitade socletate ac fœ- comme les philosophies élevaient les esprits et ennoblis-
» dere et privilegio cuicunque coucessis..» Suetone, saient les âmes. Comment croire que de la Grande-Grece,
Vesp., chap. VIII. où cet immense developpement littéraire et scientifique
Nous devo is ici ail -r au-devant d'une objection qu'on exerça une inllueuce si emarquable, cette civilisation fe-
c.
pourra nous laire. Suivant Plutaryue( Vie de Numa, I), coude ne se soit pas etendue jusque dans le Latmm,
uncerlainClndmsdont la critique n'a pu encore déterminer quand on sait que l'Ltrurie, si voisine de Rome, n'y resta
l'âge assurait, que, lors de la prise et du pillage de Rome, pas etrangere, elle qui, par ses relations commerciales,
les anciennes lablebs avaient éte perdues, elt qie celles qu'on embrassait toutes les côtesde l'Asie-Mineure,dela Giece,
possédait de son temps avaient été falsifiees pour flatter des iles de la mer Ionienne et de la mer Tyrrheuienne ?
quelques famillesqui voulaient absolument faire remon- Cent ans s'étaient à peine ecoulesdepuis l'epoque assi-
ter leur origine aux pre m eres r ices, etc. Mais ceppassage guee a la londatioo de Rome, quand Demarate, chnssr par
de Plutarque ne saurait être envisagé comme une diffi- la tyrannie de Cypselus, vint s'établir à Tarquminie, ou il
çulte. On peut repondre que, quelle que soit la conllance enseigna à 1'ltdlie 1 art de peindie les vases, et fonda une
colonie d'artisles il la tête desquels étaient Euchyre et 18° Acta militaria ou bellira.
Eugramme qui devaient sans doute ces surnoms à leur Je vais parler successivement de ces différentes classes
habileté. «Ce ne fut pas, dit Ciceron ( Rep. II, 19), un dedocuments historiques, et j'essaierai de prouver qu'ils
faible ruisseau detourné dans nos murs, mais un fleuve avaient plus d'importancequ'on n'a bien voulu le croire.
immense qui nous apportait par torrents les sciences et
les arts de la Grèce. Ayant eu deux enfants de son 1° Annales des pontifies.
union avec une femme de cette ville, il les instruisit dans M. Victor Leclerc dans un savant et ingénieux mé-
toutes les sciences sur le modèle de l'education grecque.. moire qu'il vient de publier sur ces monuments, et qui
(Trad. de M. VHLEMAIN.) Ce fut l'un de ces enfants, fait partie d'un volume intitulé Des journaux chez les
Tarquiu l'Ancien, qui devint roi de Rome. Romains. — Recherches précédées d'un memoire sur les
Mais sans insister sur l'influence que put exercer à Annales des pontifes (Paris, 1838), a prouvé d*une ma-
Rome la liltér; ture grecque bien avant la conquête de niere victorieuse,et avec ce talent d'acrivain qui carac-
la Grèce, n'avons-nous pas la preuve qu'ilexistait en Ita- térise tous ses travaux l'importance et l'authenticitede
lie une littérature toute nationale? G'est un fait qu'on ne
ces antiques et venérables chroniques de Borne. Les pa-
peut révoquer en doute pour l'htrurie et qu'atteste le roles de cet éloquent professeur ont trop d'autorité, ses
discours de Claude retrouvé et conservé à Lyon, et le investigations sont trop consciencieuses ses deductions
passage on J. L)dtis (de Ostent., cap. III) parle des trop sùres et trop persuasives, pour qu'il ne nous suffise
livres de Tarchon de manière b prouver qu'il les avait
pas de reproduire ici le résumé qu'il fait lui-même de son
sous les veux. Quant à Rome, on ne peut nier qu'elle livre, auquel nous aurons souvent recours dans la suite
n ait eu, dès les temp, les plus recules, des chants popu- de cette discussion.
laires dont quelquestragmeuts sontparvenusjusqunous. I. Les Annalesdesponti/'es étaient des espèces de tables
On sait que Fabius Pictor, cite par Denys d'Halicarnasse chronologiques tracées d'abord sur des planches de bois
(I,79), parlait, au sujet de Romulus et de Rémus, de peintes en blanc, et oille grand pontife, peut-êtredepuis
chants nationaux qui de son temps étaient encore dans la le premier siècle de Rome, mais au moins depuis
bouche de tous le, linmaius. Mais ces chants dont on a l'an 330 jusqu'à l'an ou peu de temps après, indi-
voulu, dans ces deruiers temps faire des épopées ou des quait année par année, d'un style bref et simple, les évé-
c5cles, ne furent pas la seule bource à laquelle purent pui- nements publics les plus mémorables.
ser les écrivains qui les premiersvoulurent faire perdre s U. Ces tables, soit qu'on les eùt laissées sur
bois,
à l'histoire nationale la forme sèche et aride qu'on lui soit qu'on les eut transportées sur pierre on sur bronze,
avait donnée jusqu'alors dans les Annales des ponlifes. ne périrent pas toutes dans l'invasion des Gaulois; et,
Les documents auxquels ils purent recourir étaient plus conservées avec le soin que Rome donna toujours aux
nombreux qu'on ne semble l'admettre; passons-les rapi- anciens monuments écrits, elles furent consultées, pour
dement en revue. des temps antérieurs, par Caton, Polybe, Varron, Ci-
L'un des adversaires les plus redoutables de l'Histoire céron, Valerius Flaccus, et par d'autres ecrivains, que
primitive de Rome admet que ces sources étaient au Den)s d'IIalicarnasseTite-Live, Quintilien, le premier
nombre de cinq « 1° les grandes annales; 2° les actes pu- Pline, Aulu-Gelle, \opiscus, ont eus entre les mains.Il
hlics; 51 les livres des magistrats; 4° les lintei libri, qu'il
est probable même d'après Aulu-Gelle et Servius
faut peut-êtreconfondre avec ec les precedents; 5° les memoi-qu'elles furent recueillies en corps d'ouvrage, quoiqu'il
res des familles censoriales, qui rentrent probablement ne faille pas les confondre avec beaucoup d'autres recueils
aussi d. ns quelques unes des catégories précédentes. qui portaient le nom des pontifes. Convenir qu'elles ont
Mais cette énurneration est loin d'être complète et exacte. divisées en
pu être diminuées par le temps, interpolées,
Les sources auxquelles puisèrent les plus anciens histo- livres, rajeunies pour le style, comme les vicua textes
riens de Rome peuvent se ranger sous quinze chefs dif- l'ont été souvent, ce n'est pas en détruire l'existence,
férents, savoir comme plusieurs critiques l'ont essayé.
10 Annales des pontifes. III. Quant à l'autorité de ces Annales, les fables re-
2° Livres sacres. Rituels. ligieuses ou poliliqucs qu'elles devaient contenir, si l'on
5" Chants religieux. en juge par les traces qui en restent, n'ont rien de plus
4° Libri Linlei. Libri magistratuum. — Censorum merveilleux que tant d'autres fables dans les anciennes
talmlœ. chroniques de tous lei peuple.
5° Lois royales. Plebicisles. — Sénatus-consulles. Ce genre de documents est désigné dans les historien
6° Traites. latins sous des noms très-divers qui ont plus d'une fois
7o l'ables triomphales. embarrasse les savants. M. Leclerc a prowé qu'il fallait
8° Inscriptions. admettre comme annales des pontifes les ouvrages cites
9° Monnaies. sous les titres Annales pontipcum ou pontificis, Anna-
10° Archives des familles. les publici, Annales maximi et Commetarii pontificum
11° Images des ancêtres. bien que cette dernière expression puisse s'appliquer
12° ArIa ririlia. quelquefois aux livres de discipline religieuse.
15, Chants nationaux.
14° Monuments. Edifices Statues. Retiques, etc. 21 Livres sacrés. Rituels.
15° Archives des peuples voisins de Rome.
A ces sources il convient d'ajouter encore les docu- C'est sans doute aux rituels des pontifes ( libri ponti-
formule du fecial et
ments postérieurs à l'abolition de la royauté et peut-être ficii) que Tite-Live a emprunte la
le traite entre Albe et
seulement à la prise de Rome, mais antérieurs à la re- du pater patratus, consacrant
daction de l'histoire, savoir; Rome ( Tite-Live, 1 24), celle du jugement d Horace,
16° Arta senatus. meurtrier de sa sœur ( lex horrende eriminis, 1, 26 )
17° Acta forensia. at celle du traite entre le premier Tarqum et les Sa-
bins pour la cession de Collatie, formule qu'il repro- avoir été des catalogues de magistrats. Tite-Live (IV
duit presque littéralement, quand trois siecles plus tard 7 et 22, avec la correction de Seaufort et quos linteos )
le peuple campanien et la ville de Capoue se donnent les cite comme deux recueils bien distincts.
au séant romain. C'était, on n'en saurait douter à une Les livres binteens,ainsi nommes de la matière sur la-
semblable sonrce que arron et Juba traduits par Plu- euclle ils étaient lraces, existai nt encore du temps de
tarque (Quœst. rom., IV), avaient puisé cette vieille his- Liciuius Placer et de Tuberon,qui, comme nous aurous
toire que rapporte aussi Valère-Mavime (VII, m, 1 ) occasion de le voir, les consulterent dans le temple de Mo-
d'un Romain qui, sous le roi Serons, assura par un stra- neta pour des laits rélatifs aux annees 5 10, 5t5, 318 et
tagème l'empire à sa ville natile. Ce qui prouve du re te 320, et par conséquent antérieursa la prise de Rome (Ti-
que ces recueils si precieu\ pour la religion ne périrent te-Live, IV, 7 13, 20, 23 ). Du reste, il parait que l'u-
pas dans l'incendie de Rom, c'est que Cicéron les cite sage d'eerire sur des etolfes de lin se maintint fort tard,
pour constater que l'ap cl au peuple existait sous les rois. puisqu'on retrotue encore des liv res de ce genre au temps
Quand, après le di part des (Gantois, un senatus-con- d'Aurelien (Vopiscus Aurel., cap. i et VIII); il est même
sulle, sur la propo,ition de Camille, ordonna que tous mention dans le Code Theodosien de lois ecriles sur des
les lieux saints occupes un instant par l'ennemi sera'ent mapp œ lintcœ, pour ctre exposées dans toute l'Italie.
solennellement pari les, il fut dicide que, pour cette ecré- Les livres des magistratsechapperent aussi aux desastres
monie exp iatoire, les livres seraient consultés par les de l'annee 363 (390 av. J.-C.) puisque le même Liciuius
duumvirs. (Tite-Live, V, 50.) Il s'a, it sans doute, comme (Tite-Live, IV, 7 et 20) s'en fait une autorite pour un
l'a pensé ,1. Leclereouvr. cité p. 66) des libri sibyl-
lini ou fatal s, livres mystérieux que les duumvirs des

furent ensuite ronfiés aux d cemvirs, puis aux quinde-


cemvirs des sacrifices, chargés des jeux séculaires, et
t
sacrilices allaient consulter, sur l'ordre du senat, qui ou commentarii µ µµ µµ
fait de l'année 309 (444 av. J.-C.).
Quant aux memoires des censeurs (censorum tabulœ
ou Denvss
d'Hal., I, 7 i, et IV, 22), q ie les fils recevaient de leurs
pères, et qu'i's tenaient à transmettre A leurs descendanls
d'après les commentaires desquels Censorin (de Die natali, comme un héritage sacré (Deys, I, 74), Denls d'llali-
17), remonte jusqu'aux jeux de l'an 98. carnas.se les cite en parlant d'uu recensement fait sous le
Ces documents devaient etre du nombre de ceux qui roi Servius Tullius; non, comme le remarque M. Leclerc,
avaient echappé aux ravages des Gaulois. Tite-Live lui- qu'il y eût déji des censeurs mais parce que les anciens
mème ( V, SU ) raconte qu'à la nouvellc de l'inv, s on des registres avaient pu etre déposes dans les archives de
Gaulois les prêtres et les vestales, uniquementoccupes cet:e magistrature. Le meme historien les cite encore
du soin de conserver tout ce qui intéressait la religion pour un denombrement fait deux ans avant la prise de
renfermèrent une partie des objets sacrés dans des ton- Home, et dont il s'aide pour déterminer l'annee de la fon-
neaux de terre cuite qui furent ensevelis près de la de- dationdeRome II, 25, 24). Pohbe fait également usage
meure du flamen quirinalis, et, que s'étant distribuele de cette source, et Varrun y cherchait des traces de l'au-
reste, ils remportèrent à Ceré où ils allèreut chercher un cieuue langi e latine ( de Ling. lat., Vl, 86, Egger).
asile, Certes, parmi les objets saarés devaient figurer au
premier rang les livres et les rituels qui laisaient la ferce 5° Loisroyales.-Plebiscites.-Sénatus-consulles.
de la caste patricienne. Le savant auquel j'ai emprunte les extraits qui pré-
cèdent range encore parmi les monuments échappes
50 Chants religieux.
aus ravages des Gaulois « les lois rodâtes inscrites aussi
«Entre les monuments qui survécurentà la catastrophe sur le buis, la pierre ou le bronze, et que l'on recueillit
de l'an 363, je trouve dans l'ordre des temps, dit M. Le- après l'incendie (Tite Live, VI, 1 ) comme celles de
clerc (ouv. cité, p. 51 et suiv.) le cliant des fratres or- Numa dont Ciceron atteste encore l'existence dans les
rales, que l'on peut faire remonter à Numa, peut-être plus archives publiques (qnas in monnmentis habemus, de
haut (Servius, ad En., VIII, 285 et dont une copie Hep., II, 14. Qnas sritis exstare, ibid, V, 2 ) celles de
reproduite sur le marbre au temps d'Heliogabale, d'après Tullus qu'il semble comprendre daus les commenlaires
d'autrescopiestransmises d'âge en âge, retrouvée en 1778 des rois (e.x regum commentariis, pro Rabir. perd., c. v),
dans les fouilles pour la construction de la sacris ie de et dont l'empereur Claude invoquait encore l'autorité
Saint-Pierre, a ete interprétée par Lanzi, et plus récem- (Tacit., Antt., XII, 8) comme le tableau des ceuturies
ment par MM. Hermann et Grotefend; l'hynme des ba- de Servius que Verrius Flaccus avait consulté (Festus V,
liens, qui avait dù se conserver de même, où larron, Pro censu et Procum), et d'autres dispositions de ce roi-
avant d'en citer quelque chose (de Ling. lat., VII, 26, legislatenr; plusieurs des lois qui suivirent, les lois sa-
Otf. MûUer), recouuait les premiers accents de la poésie crees de l'an 200 (Cic., de Leg., II 7 etc.), celles que
romaine (Ibid., V Il, 3, liomanorumprirna verba poetira); les consuls del'an 281 avaient fait graver sur une colonne
qu'il semble regarder aussi comme plus ancien que Numa de bronze, et qui avaient offert à varron le plus ancien
( Ibid.), et qui, pour les Saliens eux-mèmes, si l'on eu exemlle de l'usage d'intercaler (Macrobe, Saturn., l,
croit Horace (Ep., II, 1, 86 ) et Quintilien ( I, Yi, 40), )5; Il. Dodwell de Roman, cycl., p. 640) surtout
aurait eu besoin d'etre expliqué.. celles des douze Tables, que lite-Live connaissait, mais
Peut-être faut-il placer encore dans cette catégorie la dont il ne s'est point servi pour l'histoire.
prière osque rapportée par Gaton Ancien (de lie rust.,
1
« A ce genre de documents appartiennent ceux que les
c. CLX), ainsi que Ils oracles attribués à Marcius et à l'u- édiles furent charges, l'an 30 (av. J.-C. 449), de garder
blicius, bien que l'epoque n'en soit pas bien connue. dans le temple de Cerfs quand on se fut aperçu que les
consuls n'en étaient point fidèles dépositaires (Tite-Live.
Llbri lintei. I.ibri magistratuum,
4° censomm

tabula. II, 55; Pomponius, de Orig. juris, c. XXI; Zonaras, An-
nal., VII, 16), et qui confies à des tables de bronze,
Il ne faut pas confondre les libri lintei et les libri ma pouvaient echapperà la destruction.» M. LECLEHC.ouvr.
gistratuum, bien que les uns et les autres parais mt cit., p. 57.
60 Traités. ne laisse pas même entrevoir, que Rome, avantcet te révo-
lution qui l'affaiblit, était maitresse d'Ardée, d'Antium, de
Les monuments de ce genre dont le temps nous a c n- Circei, de Terracine, dont les peuples, d lus le texte, sont
servé des traces sont nombreux, et l'authenticité de la appeles ses sujets (oo); comme si l'on devaits'en tenir

(
plupart d'entre eux n'a pas été révoquée en doute par les à l'autorité de cet historien et de ses copistes, pour juger
critiques qui ont jete à terre le vieux roman. Le plus in- des docume nts qu'il n'a point connus, persuade qu'il n'a-
cieni est celui que Romulus, s'il faut en croire Denys vait à consul er Polybe que pour lis guerres puniques.
d'Halicarnasse, lit pour cent aus avec les eiens et qu'il Si le raisonnement de M. de Sainte-Croix etait fond",
grava sur des colonnes Denys, II, 5j). il faudrait aussi rejeter un traité dont on a f.iit grand
Au temoignage du même historien,Servius réunit en usage dans ces derniers temps pour prouver le peu de
une confederation commune tous les peuples litins. Il confiance que mérite Tite-Live je veux parler des con-
eleva à Rome un temple ou devaient se tenir les assem- ditions imposées par Porsenna à Rome. « In fœdere quod,
blees des confeteres, et ouvrit un asile. Ce temple, » expulsis regibus, populo romauo dedit Porsenna nom-
etait consacre u Diane et bâti sur l'Aventin, la plus haute tim comprehensum invenimus ne ferro, nisi in agricul-
des collines de Rome. Il y ecrivitles lois de cette alliance, tura, uterentur.» (Pline, Hist.Nat. XXXIV, 14; Cf. Ta-
régla les rites des fetes, les epoques et la policedes marches, cite, Hist., Il[, Mais de ce que Tite-Live, par
et lit graver sur une colonne de bronze les décrets de la une exageration de patriotisme a passé sous silence ce

(
confederation. Cette colonne existait encore du lemps de fait important, on ne peut, ni conclure que son livre
Denys, qui assure l'avoir vue et nous apprend que l'insc rip- est un roman, ni prétendre que Rome n'a pas ete prise
tion etait en anciennes lettr es grec lues (Den)IV, 26). par le roi étrusque.
Denys fait aus im ntion (IV, 48) d'un traite conclu avec Fn 260 (av. J.-C. 49i), Rome conclut avec les Latins un

eu existait un
);
les Latins par Tarquin le-Superbe, et

exemplaire
que les deux par-
ties contractantes inscrivirent sur des colonnes
ce qui semblerait prouver qu'il
chez chacun des deux peuples.
Ce fut peut-être ce dernier traité, si ce n'est celui de
traite que Denys d'Halicarnasse analyse (\ I, 95) et qu'il
avait pu lire derrière les Rostres, sur la colonne de
bronze o fut recopié du ten ps de Cicéron ( Pro Balbo,
XXIII). 'l'itc-Live (11, 33), en fait mention, mais en
très-peu de mots: « Nisi Irdus cum Latinis, colun na
Servius, qu'invoquerentles Ardeatcs en 442 avant J.-C., « ænca insculptum monumento esset etc..
lorsqu'ils vinrent reclamer les secours de Rome: « Legali Vient ens iite le traité conclu avec les Ardéatcs en 310
a ab Ardea vemunt pro veterrima societate renovatoque (445 av. J.-C.); les termes dans lesquelsTite-Liveen parle
fœdere recenti auxilium prope eversw urbis imploran- (IV, 7) méritent d'etre rapportées pour plus d'un motif
» tes. (Tite-Live, IV, 9.) « His consulibus cumArdeatibusfœdus renovatum est:
Tarquin, après avoir vaincu les Gabiens, fit inscrire les idque monumenti est, consules cos illo anno fuisse, qui
conditions de la nouvelle alliance qu'il conclut avec eux ueque in annalibus priscis neque in libris magistratuum
sur un bouclier de bois couvertd'une peau de bœuf, que inveniuntur. Credo, quod tribuni militum initio anni
l'on voyait encore à Rome du temps de Denys d'Halicar- » fuerunt, eo, perinde ac si totum annum in imperio fue-
nasse, dans le temple de Sancus ou Jupiter Fidius. (Voyez » rint, suffectis his consulibus, prwterniissa nomina
Denys d'Hal., IV. Verrius Fldccus, cité par Paul » consulum horum. Licinius Macer auctor est, et in
Diacre, d'après Festus, s. v. Clupeus.) fœdere Ardeatino, et in linteis libris ad Monetæ iu-
Ln autre traite conclu par le même princeavec les Sa- venta..
bins est cite par Den)s d'lialicarnasse ( IV, 65), et c'est II resulte de ce passage deux faits importnnts d'abord
sans doute à ces deux actes qu'llorace (Ep. II, 1, 25) que le traité existait encore du temps de Tite-Live aussi
fait allusion dans ces vers bien que les libri lintci, les anciennes annales et les livres
des migistrats; en second lieu, que ces pretendues con-
Fœdera regum fusions de noms dont on a fait tant de bruit peuvent s'ex-
Vel Gabiis vel cum rigidis æquata Sabinis.
pliquer par des raisons très-plausibles, analogues a celles
Polybe (III, 22) a traduit littéralement le premier que donne ici Tite-Liie.
traité conclu entre les Romains et les Carthaginois, l'an- Si nous terminons cette énumérationpar les deux trai-
née même qui suiv it l'expulsiondes rois. Il était gravé tés conclus avec Carthage en 408 et 476 (315 et 277 av.
sur une table d'airain et conserve, avec uue quantité d'au- J.-C. ), et traduits par l'olybe qui les avait vus dans le

í. o o
tres monuments du même genre, dans les archives des même dépôt que le premier, nous aurons indiqué ce qui
édiles au temple de Jupiter Capitolin (Id. Ibid., 26). nous reste de traces des monuments de ce genre qui

M.
(
L'historien nous appreud que les Romains les plus habiles, existaient encore au commencement du 61 siècle de Rome

Leclere (ouvr. cité p.


ó
même en les étudiant, avaient peine à en comprendre et que purent consulter les Romains qui, les premiers,
certaines expressions

59 penseavec beaucoup de vrai-


donnèrent une forme plus litteraire aux annales de leur
patrie.
70 Tables triomphales.
semblance qu'Aristote(Polit. III, 5, 10, éd. de Coray) faital-
fusion aux traités de Rome avec Carlhage, en les rappor- On doit joindre aux documents indiqués plus haut les
tant aux Tyrrhéniens. «La date de ces monuments, tables triomphales. Tite-Live n'en a mentionné que trois
ajoute-t-il,a été vainement contestée par Hooke (Roman (VI, 29 XL, 52; XLI, 28), bien qu'il en existat un plus
history. Book III, ch. vit; Dissertation on the credibility grand nombre (Festus, s. voc. Navali; Cf. Brisson, de
of thé historq of the first 500 years of Rome; p. 430, éd. de Fornt., p. 333; Marini, atti dei fratelli arvali, t. 1, p. 57).
Londres ), et par d'autres. M. de Sainte-Croix (Mem. de L'usage de ces tables,qui se perpétuajusque dans les der-
l'Acad. des Jnscript. t.XLVI, p. 1. ), refuté dernièrement niers temps de la république remontait assez haut, et il
par Lachmanu, a élevé des doutes sur leur seus, parce faut qu'on l'ait conservé avec un soin religieux, puisque
qu'on y trouve ce quc Tite-Live,maigre son patriotisme, Cincius parait avoir vu celle du dictateur T. Quinctiua
(Festus, s. voc. Trientem), et que le grammairienAttilius raissent pour la première fois des caractères alphabéti-
Fortunatianus (p. 2680, Putsch), put lire encore au Ca- ques, les asde forme carrée avec l'inscriptionROMANON,
pitole celles de L. Æmilius Regillus et d'Acilius Glabrion. sont regardées par les savants comme appartenant au
( Voy. Tite-Live, XL, 52.) On ne saurait décider si Tite- troisième siècle de Rome ou au quatrième au plus tard.
Live a vu de ses propres yeux les monuments qu'il cite, Et ce qui prouve que cette opinion n'a rien d'invraisem-
ou s'il n'en parle que d'après les annales. Ce qu'il y a de blable, c'est qu'on possède des médailles écrites des
certain, c'est qu'il ne les transcrit pas textuellement,et villes de lu Grande-Grèce, dont l'âge remonte sans au-
qu'il altère le mètre saturnin dans lequel ils étaient écrits.cun doute au commencement du sixième siècle avant
(C. Hermanu, Elem. metr., p. 616; Walch, emend. Liv., notre ère, notamment celles de Sybaris, qui ne peuvent
p. 254 et suiv. ) en aucun cas etre plus recentes que l'année 510 où cette
ville fut détruite, année qui, comme on le sait, suivit
8. Inscriptions. immédiatement celle où Tarquin fut banni de Rome.
Il est probable que les premiers historiens ne négli- En admettant que pour les premiers temps de Rome
gèrent pas cette classe de monuments,qui devaient avoir les monnaies n'aient pas été d'un grand secours pour les
été conservés d'autant plus religieusement, qu'ils flattaient recherches historiques, elles purent offrir cet avantage
tout à la fois et l'orgueil national, et l'orgueil des fa- bien avant la fin du cinqmème siècle de la fondationde
roilles. Tout porte à croire que les bases des statues éle- Rome, époque à laquelle, suivant Niebuhr et surtout
vées aux grands hommes, par exemple à Servius Tullius, tuivant son école, l'histoire romaine commence à offrir
à Horatius Coclès, à Lucrèce, à Porsenna, à Hermo- quelque certitude. Elles donnent d'ailleurs, ce qui est sur-
dore (Val. Max., III, iv 5; Pline, XXXIV 11; Aulu- tout important à constater, une preuve matérielle et irré-
Gelle, IV, 5), et aux quatre ambassadeurs romains tués cusable que l'écriture à Rome est moins récente qdoo
à Fidenes en 516 (437 ans av. J -C.), dont les noms s'é- ne veut le faire croire. Les pecuniœ elles-mèmes,plus an-
taient conserves jusqu'au temps de Tite-Live (IV, 17), et ciennes encore que ces monnaies, annoncent un art de
nremede Pline (Hist. nat. XXXIV, 1 f devaient être dé- transmission, mais un art déjà parvenu à un certain degre
corées d'une inscriptionconçue, sauf les modificationssu- de pureté, et qui ne peut appartenir qu'à une époque
bies parla langue, à peu près dans les mêmes termes que civilisée.

,
celles qui nous sont parvenues, c'est-à-dire en vers sa-
10e Archires des familles. Éloges funèbres.
turuins, comme celles des tombeaux de la famille des Sci-
pions, ou en prose comme celles que cite M. Leclerc Les familles conservaientaussi dans le tablinum (Pline,
(p. 20 et suiv.). Il devait en être de même des temples XXXV, 2 ) leurs propres mémoires, commentarii, qui se
des autels, des tableaux votifs. Du temps d'Auguste trausmettaient de générationen genération: c'est un fait
(Tite-Live, IV, 20), on lisait encore l'inscription qui avait dont on a des preuves pour la famille Sergia ( Varron,
été peinte sur la cuirasse de lin deposée par Cossus, en 3177 de Ling. lat., VI, 90) et pour la famille Porcia (Aulu-
(436 aus avant J.-C), dans le temple de Jupiter Féré- Gelle, Xlll, 19). A ces documents appartenaient sans
trien, avcc les secondes dépouilles opimes. Du reste, doute les tables généalogiques, qui suivant le
cette inscription n'est pas la plus ancienne dont il soit Clodius dont parle Plutarque, auraient été altérées par
rait mention dans les auteurs latins. Pline (XVI, 87) la flatterie a la suite de la destruction de Rome par les Gau-
parle d'un chêne plus âgé que Home, qu'on voyait en- lois, altération qui ne pouvait, comme nous l'avons déjà
core de son temps sur le mont atican, et dont l'inscrip- remarqué, porter que sur quelques noms propres, et non
tion en caractères étrusques et de bronze attestait que sur des faits essentielsque d'autres monuments attestaient.
dès les temps les plus recules cet arbre etait sacre. Remar- Ajoutons encore à ces documents les éloges funèbres,
quons en passant qu'une inscriptionétrusque ne pouvait laudes funebres (Tite-Live,VIII, 40), mortuorum lauda-

,
avoir été placée dans Rome qu'à une époque où les tiones (Cic. Brut., c. XVI; Quintil III, VII, 2; Polybe, N 1,
Etrusques y dominaient, c'est-à-dire sous l'un des trois 53; Denys d'Hal., V, 17 ) et les autres discours publics,
derniers rois, ce qui prouve encore que des cette époque orationes, comme par exemple celui d'Appius Ca'cus
l'usage de l'écriture était commun chez les Romains. au sujet de Pyrrhus, que l'on conservait comme auLmt
Citons encore les vers en vieilles lettres latines, joints, de souvenirs des ancêtres. Sans doute tous ces documents
suivant le témoignage de Pline ( XXXV 57), aux pein- ne furent pas a l'abri des falsificationsintéressées que leur
tures du temple d'Ardee; les boucliers que le mèmeecri- tirent subir les familles (Tite-Live, VIII, 40 ) mais ces
vaiu (XXXV, 5 ) vit suspendus dans le temple de Bellone falsifications durent être de même nature que celles des
en l'honneur de la famille Claudia, et chargés d'inscrip- et ne purent en aucune façon changer le carac-
tions mémoratives par Appius Claudius consul en 258 tère des faits historiques, puisque c'eùt été enlever toute
(495 av. J.-C); les vers grecs qui accompagnaientles vraisemblance aux actions dont les faussaires voulaient
ouvrages de plastique et de peinture de Damophile et de faire honneur à leur race.
Gorgasus, dans le temple de Cérès dédié par le consul
Sp. Cassius en 260 (193 av. J.-C.) l'inscriptionde Dui- 11° Images des ancêtres.
lius qui se place en 499 (264 av. J.-C.); celles du caveau Lorsqu'un Romain de distinction vient à mourir, dit
funèbre des Scipions, celle qu'Annibal fit graver en ca- Polybe, et qu'on célèbre ses funerailles, on le transporte
ractères puniques et caractères grecs au cap Lacinium en grande pompe dans le Forum et on le place près des
(Polyb. III, XXXIII, 18), etc. Rostres, ordinairement debout pour que toute la foule
puisse le voir, rarement couché. Tout le peuple alors l'en-
9° Monnaies.
toure, et s'il a laissé un fils déjà grand, qui se trouve à
On sait par le témoignage de Pline (XXXIII, 15 ), et Rome, ce fils, ou dans le cas contraire, quelqu'un des
par celui de Cassiodore (Var., VII, 52), que les plus an- autres membres de la famille, monte à la tribune aux ha-
ciennes monnaies, celles de bronze, commencèrent à rangues et celebre les vertus du mort et ses belles ac-
être marquées sous le règne de Scrvms. Celles où pa tions. U en resulte que le peuple, se rappelant celte vie
glorieuse et la passant pour ainsi dire en revue, le deuil
n'est plus seulement un deuil de famille, mais un deuil 12° Acta civilia.
public. L'institution des actes de l'état civil, conuue des Athé-
»
Quand le cadavre a été enseveli et que l'on a rempli niens, datait dans Rome de ServiusTullius, s'il faut eu
tous les devoirs religieux, l'image du mort est placéedans croire Pison, cité par Denys d'Halicarnasse(IV, 18). La
l'endroit le plus en évidence de la maison, et entouréed'un surveillance en fut confiée plus tard aux censeurs ( Tite-
édicule en bois. Cetteimage consiste en un masque de la Live, IV, 8; VI, 27, XLIII, 16), puis aux questeurs,
plus exacte ressemblance, et reproduisant non-seulement puis aux préfets du trésor (Tacite, Ann. XIII, 28; Ca-
la forme des traits mais même la couleur du visage. Ces pitolin, M. Aurel., c. IX). On inscrivaitjour par jour sur
images, dans les fêtes publiques, sont tirées de leur châsse ces registres, les naissances, les mariages, les repudia-
et parées avec soin. Lorsqu'il meurt un personnage tions, les divorces, les morts. ( Voyez Juste Lipse, sur
éminent de la famille; elles accompagnent le convoi, Tacite, Ann., V, 4, et M. Leclerc, ouvr. cit., p.198-200.)
portées par des hommes dont la taille et tout l'extérieur
rappellentle plus les defunts, et qui se revêtenten outre 13° Chants nationaux.
de la prétexte s'ils représentent un consul ou un preteur, M. Leclerc range dans cette classe ceux qui, au temps
de la robe de pourpre pour un censeur, et de la robe brochée de Denys d'Halicarnasse,ou du moins de Fabius Pictor,
d'or s'il s'agit d'un triomphateur. Ensuite ils s'avancent celt braient encore la belliqueuse adolescencedes fonda-
montés sur des chars, precedes des licteurs et des autres teurs de Rome (Denys, I, 79), surtout les chantsmilitaires,
insignes attribués aux magistratures que chacun d'eux a tels que ceux dont l'usage n'a pas toujours été négligé par
exercées durant sa vie. Arrivés près des Rostres tous Tite-Live même (IV, 20, 53; V, 49; VII, 10, 58; X, 30)
prennent place sur des chaises d'ivoires. Il n'est pas de chants héroïques des festins, des combats, des triomphes,
spectacle plus beau et plus doux pour un jeune homme ami des funérailles, qui tous, après avoir passé de bouche en
de la gloire et de la vertu. Qui ne se sentirait exalté en bouche (Cic Brut., c. XIX; Tuscul., 1, 2; IV, 2; de Leg.,
voyantréunies toutes ces images, pour ainsi dire vivantes Il, 24 Varron ap. Nonium, II, 70; Val. Max., II, 1, 10;
et animées, d'hommes qui se sont illustrés par leur mé- Quintil., 1, x, 20), avaient pu être fixés et perpétues par
rite ? Non, il n'est pas de plus beau spectacle l'écriture.»
Du reste, celui qui prononcel'oraison funèbre du ci- rattachent aussi les chants satiriques
A cette classe se
toyen qu'on doit ensevelir rappelle, quand il a fini de dont la loi des Douze Tables dut reprimer l'apreté et les
parler du mort, la gloire et les exploits de tous les morts excès.
dont les images l'entourent, en commeuçant par le plus 14° Monuments, édifices, statues reliques, etc.
ancien; et par cet éloge ainsi renouvelé, la gloire des ci-
toyens qui ont fait quelque chosede grand devient immor- La plupart des faits rapportés dans les documents his-
telle et le souvenir des bienfaiteurs de la patrie se trans- toriques dont nous venons de donner un aperçu, sans
met d âge en âge à la postérité. ( Polybc, VI, 53, 54.) doute bien incomplet, trouvaient leur confirmation dans
Ce passage, si je ne me trompe, répond victorieuse- des monuments que les Romains avaient chaque jour
ment aux assertions du Clodius dont nous avons parlé sous les yeux. Sans parler de la cabane de Romulus, qu'on
plus haut. II est difficile en le relisant d'admettre que les voyait en allant au grand cirque, non loin du Tibre, au
des familles romaines aient, apres la destruction détour du mont Palatin ( Deuys d'lial., l, 79; Vitruve,
de Home, subi des altérations aussi grandes que celles II, 1 Sénèque, Consol. ad Helv., c. IX), les mars
qu'il suppose pour être en droit de nier l'authenticitédes d'Ancus Martius (Tite-Live, I, 33), l'édilice sacré de
anciens monuments. Admettons que lors de l'incendie de Capitole (1, 55), les égouts de Tarquin ( Cloaca maxima,
la ville toutes les images de famille aient été détruites I, 56), étaient, ainsi que plusieurs statues citées par
sans aucune exception elles étaient tellement connues du Pline (XXXIV, 11), et par Servius ( ad Æn., VIII, 641),
peuple, qui les voyait passer sous ses yeux dans toutes autant de témoignages de l'existence des anciens rois. A
les cérémonies publiques, que les artistes romains purent d'autres vestiges comme les peintures sur mur à Ardee, a
sans peine, à celte époque où les rapports de Rome avec Lanuvium, à Céré, se rattachait le souvenir d'une
la Grèce sont attestes par des preuves irrécusables les civilisation antérieure à la fondation de Rome. Enlin, le
rétablir avec assez de fidélité pour que l'amour-propre figuier ruminal, quedu temps de Tite-Live I, 4; X, 23),
national n'eût rien à regretter de ses pertes et que le fil de on voyait encore dans le comitium, et qui, cinquante
la tradition ne fût pas interrompu. Certes, si quelque ans plus tard, reprit une jeunesse nouvelle le poteau de
inexactitude, quelque falsilication se fut fait remarquer, la Sœur, qu'on n'avait pas cessé de renouvelerjusqu'à
le peuple n'eût pas manqué d'invoquerses souvenirs et de l'époque d'Auguste ( Hodie qitoque semper re(ertum ma-
faire justice du faussaire. net, Tite-Live, 1, 26); la quenouille et le fuseau de l'a-
Cet argument s'applique aux éloges funèbres; les faits naquil, que Varron vit encore dans le temple de San-
qu'ils rappelaient étaient tellement du domaine public, cus (Pline, VIII, 74); les deux robes prétextes dont ber-
qu'on n'aurait pu les allerer impunément. Quelque vius avait revêtu la statue de la Fortuue et qui durèrent
mémoires accusatrice serait venue, à l'aide de ses souve- jusqu'à la mort de Sejan ( Ibid.) etaient des preuves,
nirs et des monuments publics, des traites, des an- équivoques sans doute pour la plupart, de faits que la
nales, etc., rétablir la vérité, surtout à une époque où tradition pouvait avoir altérés, mais qui n'en avaient pas
toute l'existence nationale était concentrée dans Rome, moins un fond historique.
ou les grandes familles étaient l'objet de l'attention gene-
rale et ou la jalousie des familles plébéiennes n'aurait 15° Archives des peuples voisins de Rome.
pas permis l'introduction de traditions mensongères qui Lors même que les Gaulois auraient détruit, dans leur
eussent augmenté encore l'importance des antagonistes iuvasion tous les documents historiques dont nous venons
du parti populaire. de donner une rapide énumération, et que la plus pre-
rieuse partie de ces antiques vestiges de l'histoire n au-
rait pas été transportée à Céré (Tite-Live, V, 40 ) par
18e Acta militaria ou bellira.
les pontiles, ou conservée au Capilole (Plut. Camille,
ch. xx ), et même sur le mont Palatin qui ne fut pas en- Une autre classe d'actes, celle dos actes ou journaux
tièrement incendié, s'il faut en croire Diodore de Sicile militaires, aria militaria ou bellica, forma dès les pre-
(XIV, 115), les annales des v illes italiques eussent ollert miers temps une classe à part, dont le% principaux docu-
aux Romains lemuycn de reparer les pertes qu'ils avaient meuts, amasséspendant une longue suite de guerres avec
pu faire. Toutes ces villes, qui pour la plupart n'eurent tant de peuples, furent peut-être rassembles plus tard
point à souffrir de l'invasion gauloise, avaient leurs ar- dans le tresor militaire foudé par Auguste ( Suétone
chives nationales, où devait se retrouver la mention de Aug., c. 49; Tacite Annal. I, 7S; Dion, LV, 25, etc.)
leurs guerres, de leurs traités, de leurs rapports avec .On peut croire que dans ces archiv es militaires, outre
Home. M. Leclerc prouve jusqu'à l'evidence (p. 71 et les états de situation, ceux des peines et des récompense,
suiv.) qu'Antemna, Tibur, Aricie, Laurente, Lanu- les différentes sortes de conges, les 1 riv ileges accordes
vium, Anagni, Préneste, Laviuium, Tarente, Cumes, aux vétérans, les itinéraires et les cartes (\ egèce, III, 6)
les Sabins, les Samnites, les Etrusques, les Euganéens se conservaient aussi les rapports adressés par les géne-
avaient des fastes, des libri lintei, des histoires, des fi- raux au sénat, et que, lorsque les armees envoyaient à
ires sacres. « Ce n'est peut-être pas une illusion de peu- Home de ces lettres couronnées de lauriers qui annou-
ser que chez tous ces peuples de l'Italie primitive, Rome çaient des victoires elles ue mnuquaient pas de les joiu-
put trouver encore, dans le butin de la victoir e les do- dre, dans le recueil de leurs actes, aux pages plus mo-
cuments de leur histoire nationale; car un de ses plus destes et plus simples qui constataient leur nombre et
anciens historiens, l'homme qui avait profite le mieux de leurs serv ices.. (M. Leclerc, ouvr. cité, p. 205 et suiv.)
ces fruits de la conquete, le vieux Caton, au second livre
de ses Origines (Ap. Serv., ad Æn. XI, 715), reprochant Il résulte de tout ce qui précède que Rome dès les
aux Liguriens de ne plus savoir d'où ils étaient venus, premiers siècles de son existence, connut l'ecriturealpha-
d'être sans tradilion, sans lettres, leur faisait honte de betiqne, quelespremiers Romains qui s'occupèrentderé-
cette exception. Ainsi donc si cette induction est permise, diger l'histoire nationale sous une forme littéraireavaientà
tous les autres peuples italiques lui avaient transmis leurs leur disposition des documents nombreux et variés qui se
annales 1 s contrôlant mutuellement, pouvaient permettre de suivre
avec exactitude, depuis les temps les plus recules, la sé-
Documents posterieurs à l'abolition de la royanté, et rie des événements qui avaient contribué au deve oppe-
peut-être seulement à la prise de Rome, mais anterieurs ment de la puissance romaine que ces documents ne
à la redaction de l'histoire. consistaient pas s ·ulement en d'antiques traditions plus
ou moins alterees par la vanité des familles, mais que,
16° Acta senatus. pour la plupart, c'étaient des actes officiels graves sur le
marbre, sur le bronze, sur le plomb ou sur des planches de
Les actes du sénat furent tenus secrets jusqu'à César, chêne, ou bien encore peintes sur des matières plus fragiles,
mais durent être conservésde bonne heure et accessible il est vrai, mais que l'on renouvelait avec soin; que ceux de
aux patriciens qui s'occupèrent de rédiger l'histoire de ces documents qui disparurent par suite de l'invasion gau-
Rome. Le secret dans lequel cette assembléeenveloppait loise purent être renouveles à l'aide des monuments qui
ses deliberations ayaut surtout pour objet la politique du avaient été conservés, des copies de traités et des au-
moment ne devait pas s'étendre sur les époques anciennes. nales qui devaient exister et qui existaient en effet chez
D'ailleurs, il est év ident qu'on ne cachaitaupeuple que cer- les peuples du voisinage. Sans doute comme il arrive
taines délibérations d'une haute importance, comme, par toujours dans l'histoire primitive des empires, beaucoup
exemple, celles auxquelles donnèrentlieu la guerre contre de fables se sont melées à la vérite; mais on ne peut de
Persee (Tite-Live, XLII, 4; Val. Max., U, 2, 1) et la bonne foi se croire par là autoriséà soutenirque l'histoire
troisième guerre punique (Val. Max., ibid.). Dans ce cas des cinq premiers siècles de Rome est une longue suite de
elles étaient redigées par des senateurs mêmes, tandis
mensongers, artistement arrangés par des Grecs qui
que dans tous les autres elles étaient recueillies par de voulaient flatter leurs maitres. «Proscrire l'histoired'un
simples secrétaires pris en dehors du senat (Deu)s d'Ual., siècle parce qu'il s'y mele des fables, c'est, dit l'elo-
X, 21, etc.); scribœ, librarii, uotarii. quent écrivain que j'ai dejà cité plus d'uue fois, proscrire
17° Acta forensia. l'histoire de tous les siècles. Les premiers siècles de
Rome nous sont suspects à cause de la lou,de Romu-
On peut comprendre sous ce titre les actes du pouvoir lus, des boucliers de lluma, du rasoir de l'augure,
populaire et ceux des tribunaux. «Les premiers compre- de l'apparition de Castor et Pollux; des recits ornes
naient les lois, les plebiscites, le resultat des élections ou defigures ainsi ne peuvent être selon vous que des
par comices, les edits ou proclamations des tribuus, des recits tout à fait mensongers. E facez donc alors de l'his-
édiles, des autres magistrats du peuple. On les deposait, toire romaine toute l'époque de César, à cause de l'as-
comme les senatus-consultes et les traites dans les ar- tre qui parut à sa mort dont Auguste avait fait placer
chives annexées à plusieurs temples, à celui de Jupiter au l'image au-dessus de la statue de son père adoplif dans le
Capitole, de Cérès, de la Liberté, des Nymphes, surtout temple de Vénus, et que plusieurs monuments de numis-
à celui de Saturne. Actes authentiques et obliga oires, ils matique et de gl)ptique nous montrent encore; celle
étaient necessairementpubliés. d'Auguste lui-même, puisqu'on le disait fils d'Apollon
Les actes judiciaires, les arrêts des divers juges, métamorphose eu serpent et jusqu'au siècle de Tacite
l'étaient aussi. En tête ils portaient les noms des cousuls, qui ne dedaigne pas de faire entrer dans la fortune de
comme on le voit dans Ammien et dans saiut Augustin, Vespasienles miracles d'Alexandrie. Les prodiges compi-
qui, d'après l'usage légal, lesappelle Gesta.» (M. Leclerc, lés par Julius Obsequens, peut-être au temps même de
ouvr. cité. ) Tacite, ne commencent maintenant qu'à l'au 563 do
Rome cn sont-ils pour cela moins nombreux ? Que l'ou
songe à tout cc qui pouvait alorsencore se dire et se croire,
qu'on se souvienne aussi que plus les temps sont recu-
les, plus le merveilleuxdans l'histoire est fréquent et fa-
cile ou cessera sans doute d'être plus rigoureuxpour les
vieilles annales des Romains que pour celles de tous les
peuples du monde (M. Leclere, ouvr. cité, p. 166).
Ainsi le merveilleux introduit dans l'histoire d'un
peuple n'autorise pas à révoquer eu doute l'authenticité
de cette histoire dans son ensemble, encore moins à la
refaire de fond en comble, sur des hypothèses purement Or, si Louis XVI n'eût pas vécu dans des temps de
gratuites. Une saine critique doit éliminer le nterveil- truubles, on peut admettre que son règne eût été au
leux, ou plutôt l'expliquer, et c'est précisément ce que moins de 40 ans, ce qui eût fait, pour cette séi ie de prin-
firent ou du moins ce que tentèrentquelques-uns des pre- ces, une dur ée de 255 ans, et par conséquent uue moy enne
miers historiens de Rome, et notammentPison qui « cher- de 56 ans 117 pour chaque roi.
chait déjà pour les fables des interprétations naturelles, Remarquez d'ailleurs qu'il n'en est pas de la royauté
et n'admettaitcomme vrais que les faits vraisemblables à Home comme de la royauté héreditaire où le fils, vivant
M. Leclerc, ouvr. cité, p. 150.) coucurremment avec son père, parvient quelquefois au
Tite-Live a t-il procédé avec la même sévérité, et pour trône dans un âge dejl assez avancé Romulus et ses
degagt r la verité de l'erreur, a-t-il cunlronté tous les do- successeurs étant appelés à régner par la voie de l'elec-
ciments que j'ai énumeres plus haut? Ou est autorisé à tion montent jeunes sur le trône et peuvent tous fournir
croire, malgre son silence à cet égard, qu'il a transcrit une longue carrière.
plus d'une fois les annales des pontifes, sinon sur l'origi- PRÉFACE.
ual, du moins sur des auteurs qui les avaient consultées
(voyez AI. Leclerc, ouvr. cilé, p. 27). « Tite-Live, quoi- PAGE 1. — In tanta srriptorum turba. Tite-Live en
qu'il n'indiquepas ses sources, puise évidemment dans
nomme un assez grand nombre dans le cours de son ou-
les antiques chroni ques, il la fois etrusques et pon- vrage, et entre autres Q. Fahius Pictor Valerius Antias,
tilicales, tout ce qui répand sur sa narration un air vené- L. Pison, Q. Ælius Tuberon, C. Licinius Macer, Cœ-
rable d'antiquitéreligieuse, de tradition sainte. Soit qu'il lius, PolShe, etc.
en eût profité lui-meme, soit qu'il écrive d'après des an- Il ne sera pas inutile d'entrer ici dans quelques détails
(
nalisles qui avaient pu les connaitre.» Voyez ce qui a
sur ceux de ces écrivaius dont Tite-Live a lait plus parti-
été dit plus haut 2 sur la formule du fécial et du pater culièrement usage dans sa premièredécade. Je
me conten-
patratur, etc., d'après M. Leclerc, ouvr. cité, p. et suiv., terai presque toujours, dans cette partie de mon travail,
et p. 93 et suiv. ) de traduire, en l'abregeant, l'excellente dissertation de
Tite-Live cite plusieurs inscriptions (II, 35; IV, 20; M. Frid. Lachmann, de Fontibus historiarum
VIII, 1 etc.), mais il n en discute qu'une seule, l'in- Gœttingue, 1822 et 1828, in-41.
cription votive de la cuirasse dcposée par Cossus en 517 Nous voyons, à en juger uniquement par le témoignage
dans le temple de Jupiter Férétrien avec les secondes de notre auteur, quelenombredes historiens qui l'avaient
dépouilles opimes. devancé était considérable. Il dut nécessairement faire
Il est d'ailleurs constant, comme nous venons de le un choix. Or, il n'était pas alors aussi facile que de nos
dire, que s'il a surtout composé son histoire avec le se- jours de rassembler tout ce qu'on pouvait avoir écrit sur
cours des livres les auteurs auxquels il a eu recours un sujet aussi vaste et aussi important. L'ouvrage de a-
avaient fait usage des plus anciens documents, et que leiius Antias il lui seul formait soixante-quinze volumes,
quelques uns d'entre eux avaient procéde avec as ez de et c lui de Cn. Gellius au moins quatre-vingt-dixsept.
critique pour qu'il nc crùt pas devoir recommencer des La plupart ue ces historiens avaient suvi ou copie leurs
recherches laborieuses qui n'entraient pas dans ses vues devanciers les comparer entre eux eût été un long tra-
et qui repugnaient à sou taltut. vail, dont le résultat n'aurait pas payé la peine. D'un
autre côté, un genie cumme celui de Tite-Live ne pou-
vait s'astreindre à entrer dans les plus petits details A
Les critiques qui ont prétendurefaire l'histoireprimi- fairc de ta critique sur tous les faits. La durée de sa vie
tive de Rome n'ont pas seulement appuye leurscept cisme n'aurait pu sullire à une telle tàch
sur le passage de 1 Uc Live que nous avons discute plus Aussi, bien que Tite Live aflirme au chapitre xx du
haut ( p. 759), mais ausi sur la longue duree du règne des livre IV qu'il a reproduit le recit de tous les auteurs
sept rois. lsaac Newton trouve qu'il est sans exempledans qui l'ont précedé, ce qui, soit dit en passaut, n'est pas
l'histoireque sept rois consecutifsaient regné 214 ans, et exact, puisque le personnage auquel se rappoi le cette as-
regarde la chose comme impossible. Heduisant donc de sertion pa rait avoir porte le titre de maitre de la cavale-
sou autorité privée la durée de chaque règne a une rie, et non celui de tribun des soldats, dans les écrivains
moyenne de 17 aus, et par conséquent toute la periode qu'a suivis Diodore de Sicile (XII, 80, cf. Niebuhr,
royale a 119 ans, il reporte l'epoque de la fondation de Rœm. Gesch., lI, 211), et le porte réellement dans Valère
Rome à l'an 630 av. J. C. Mais un tel calcul ne saurait être Maxime (III, 2, 4 dans Aurelius \ictor ( Vir illustr.,
admis. Si Newton eut vécu de nos jours, il se serait bieu c. XXV);bien qu'au chapitre xm du livre Vil il invoque le
garde de le produite. En effet, les derniers siceles de témoignage de toutes les annales, une telle assertion ne
notre histoire lui eussent fourni une reponse à sou ob- peut s'eutendreque de presque toutes les annales «Om-
jection, puisque, si l'on ajoute ensemble les règnes des nium prope annalium», comme il le dit expressément
sept rois Capetiens qui ont précède la revolution fran- dans un autre passage (XXII, 31).De mèmeaussi quand il
çaise on trouve une durée de 25X ans avance qu'un fait ne se trouve dans aucun auteur, cette
affirmation doit serestreindreà ceux dont il a fait usage;ce etc., l, 10, II, p.
470 et suiv.), Lévesque (Ilist. crit.,
qu'on est suffisamment autorisé à admettre d'après cette prêt., p. 14, et Mem. de l'Inst., t. Il, p. 561, 585, elc.),
phrase (XXXII, 6) «Cæteri græci et latini auctores et niebuhr (passim) ont pretendu, pour être en droit
quorum qmdem legi annales. Car on ne saurait ad- d'attaquer l'authenticité des premiers siècles de l'histoire
mettre avec Lévesque ( llist. rom. t. I p, 8 et 20 ), ni
18 romaine, que les annales de cet auteur étaient brèves et
avec Chr. Kruse ( Commentat. de fide Livii, Lips. 1811, succinctes. Cette assertion parait frondée, si l'on compare
p. 10), que Tite-Live ait compulsé tous les auteurs qui avec sa narration de la guerre punique des récits plus
avaient écrit l'histoireavant lui. étendus. Mais on peut dire que si Den)s d'Halicarnasse
Pour pouvoir déterminer sur quels écrivains porta le lui fait un crime de sa brièveté (1,6) et eteud ce re-
choix de Tite-Live. il sera bon d'examiner, autant du proche à d'autres écrivains, c'est surtout pour faire v.i-
moins que le permettentle petit nombrede fragments que luir sa manière large et abondante; telle est du moins la
lui ou d'autres nnus ont conscrvés, chacun des historiens consequence qu'on peut tirer de sou jugement sur Polybe
qu'il a suivis, de voir quelle estime il fait de chacun et sur d'autres historiens. Quant à l'opinion de Ciceron
d'eux. l'ar là, on pourra se rendre compte, d'après l'im- (de Orat., II, 12; de Legib., I, 2), elle porte avant tout
portance des sources auxquelles il puise, du degre de con- sur la forme et non sur le fond. Du reste, par plusieurs
fiance qu'il merite, de la manière dont il a fait usage de fragments et surtout par le très-long extrait que nous a
ces documents, et des motifs qui l'ont porté à préférer tel conservé la traduction arménienne de la chronologie
historien à tel autre. d'Eusèbe (t. I, p. 587 et suiv., éd. d'Aucher), on peut se
Tous avaient rédigé des annales suivies, et aucun n'avait convaincreque tout ce qui concerne Enee et les premiers
fait de l'histoire des premiers siècles un ouvrage spécial, temps de Rome était dans Fabius raconte plus longue-
comme ou le lit plus tard pour des époques postérieures. ment que dans Titc-Lil e. Les faits que ce dernier rapporte
Claudius av ait même omis ou du moins résumélrès-som- dans son livre VI se trouvaient contenus dans le livre IV
mairement tous les faits antérieurs la guerre contre les de Fahius ( A. Gell., V, 6; Tite-Live, \I, dernier cha-
Gaulois. D'un autre côté, il ne faut pas croire que les plus pitre), et les emprunts que lui fait Tite-Live (par ex., VIII,
anciens annalistes se soient bornés à une sèche et aride 50; X, prouvent que sa narration n'était pas aussi
annaly se des événements,car le jugement qu'en porte Ci- sèche qu'on l'a prétendu. D'un autre côté, des pas-
ceron s'applique surtout à la simplicile de leur sty le, à la sages de Deny s que nous venons de citer et d'autres en-
brièveté d'un récit denué de tout ornement. On ne peut core (I, 80, 85 IV, 50, et VII, 70), on peut conclure que
dire non plus qu'ils soient restésentièrement étrangers à la ses aunales grecques étaient suffisammentdéveloppées.
littérature grecque; mais pleins de sincérité, supérieurs Fabius, autant qu'il avait pu le faire, avait conserve à
à l'esprit de parti et incapables de songer à embellir sonlivre la forme propre aux annales. Même pour les évé-
l'histoire plus voisins d'ailleurs de l'antiquité qu'ils re- nements les plus recules, il avait chercheà preciser les da-
Iraçaient, et formés aux leçons de l'expérience tant dans tes. Ainsi nous vo)ons pur Plutarque (Rom., 14) qu'il avait
l'administraton civile que dans la guerre, ils l'emportè- placé au quatrième mois l'enlèvement des Sabines, parce
rent sur leurs successeurs, qui pour la plupart ne furent que Its Consualia se celebraient quatre mois après les
ni hommes d'etat ni guerriers; et, ce que ne firent pas l'alilia. D'un autre côté, le fragment conservé par Eusèbe
ces derniers, ils s'appuyèrent dans leurs récits surles prouve qu'il avait cherché à determiner la serie des rois
monuments publics et privés qui périrent dans la suite albains. Quelque opinion qu'on doive se faire de la simili-
par differents événements,et plus encore parce qu'ils fu- tude que l'lutarque remarque entre la narration de Fa-
rent negligés comme le furent eux-mêmes les historiens bius et cellede Dioclès, il est constantque F abius savait le
qui les avaient consultés, quand on leur prcféra des écri- grec, puisqu'il fut envoyé en ambassade à Delphes, et de
vains plus habiles, mais moins amis de la vérité. plus qu'il n'était pas étranger à la littérature grecque,
puisqu'il connaissait l'ere des Olympiades ( Solin. c. n et
Le plus ancien des historiens latins, de l'aveu de Tite- Denys), puisqu'il avait evalue une somme en talents (Tite-
Live, est Q. Fabius Pictor, qui dans ses annales latines Live, I, 55; cf. Niebuhr, 1. 297 ) et que dans ses anuales
(il en avait aussi compose de grecques) ecrivit l'histoire grecques, s'il faut s'en rapporter à Denys il
nationale depuis la fondation de Rome jusqu'à son temps. exprimait les distances en stades.
C'était un homme grave, un sénateur, et Polybe (I, 14), L'ère suivie par Fabius pour la fondation de Rome diffé-
en considérant sa vie et son caractère n'admet pas qu'on rait de cinq ans de celle que Caton adopta (Voyez Denys.
puisse croire qu'il ait volontairement altéré la vérite his- Solin.,Diodore), et ce qui porte à croire que cette suppu-
torique. Denys d'Halicarnase ( IV, 6 ) nous apprend tation était très-ancienne, c'est que la celebration des jeux
qu'il jouissait d'une grande autorité chez ceux qui vinrent seculaires, qui se renouvelait tous les cent ans, avait lieu
après lui; quand il le prend pour guide il ne croit pas dans des anuees vraiment centenaires, suivant l'ère de
devoir recourir à un autre témoignage (VU, 71 ), et Fabius, et postérieures au contraire de cinq ans à la
quand il s'en écarte il tombe ordinairementdans l'erreur fin du siècle, d'après le système de Caton. L'est ce que
( IV, 6 et 50). La fin de la seconde guerre punique, à la- prouvent les anciens historiens, qui nous apprenneut
quelle il avait assisté, l'amour de sa patrie victorieuse, le que ces jeux furent celebrés pour la deuxième fois en 305,
désir d'en célebrer les exploits l'engagèrent à écrire l'his- pour la troisième fois en 505 (Cens., de Dic. nat., C. XVII),
toire mais il faut se garder de croire avec Pol)be (I, 14, pour la quatrième en 6U5 ( le même et Zosime, II, 4 ).
et IlI 9), que le patriotisme l'ait rendu partial pour les Tite-Live faisait grand cas de Fabius et comme très-
Romains; de même que de son récit sur Fabius Rullia- ancien, et comme très-digne de foi. Aussi le cite-t-il sou-
nus (Tite-Live, V11I, 30) il ne faut pas conclure qu'il vent (l, 44, 53; 11, 0; V III,50; X,37). Mais plus sou-
ait cherché à exagérer la gloire de sa famille. vent encore il fait usage de son livre sans le nommer,
Fabius était très-versé dans la connaissance de l'anti- quelquefois aussi, tout en prcleraut le récit des autres
quité et des anciens rites sacrés. Il avait écrit seize livres écrivains, il ne croit pas devoirsedispenserdementionner
au moins sur le droit pontifical.Beaufort, (de l'Incertitude, celui de Fabius (II, 40; X, 37). Quand Tite-Live cite
des écrivains très-anciens,antiquissimi scriptores, cela torien, consnlaire et censorien (censorius) titre qu'ajou-
doit s'entendre de Fabius et de ceux qui l'ont suivi immé- tent souvent à son nom les auteurs qui le citent ( Dons,
diatement, notamment de Pison comme au ch. xxx du I, 40, Excerpta Maii XII, 10; Censorinus de Die nat.
livre VUf, ou, peu d'instanis après, il invoqueletemoi- c. xvn; Pline XIII, 13). Guerrier experimenté, juriscon-
gnage de Fabius. lien est de même des expressions, prisri sulte babile, orateur assez distingué, homme d'une pro-
annales, IV, 7; VII, 9) retustiores scrtptores (III, 23) bitéet d'une intégrité reconnues (Cic., Tusc., III, 8; pro
ou quibus dtynius credi est (VIII, 26). Font., c. XIII; Verr., III, 84, IV, 23; Plin., XXXIII, 2;
Valer. Max., IV, 5), d'une severité antique Val. Max.,
L. CINCIUS ALIMENTUS, contemporain de Tite-Live II, 7, 9; Frontin, Stratag., IV, 1; Oros., V, 6; Paul 1 ia-
(XXI, 38; cf. XXVI,23 et 28; XX, II, 7 et 29 était cre, IV, 23), il avait, alors qu'il etait tribun, porté la pro
issu d'une famille plebéienne,il est vrai, mais ancienne miere loi sur les concussions, et avait, dans l'adminis-
et distinguée ( Voy. Festus, voc. Cincia ); ce qui, soit dit tration des monnaies, mérité la conliance générale (Pigh.
en passant, prouve que les anciens écrivains n'étaient Annal., a.605 et 599).Enfin Pline dit de lui (11, 53), que
pas tous issus de la caste patricienne. Cincius apparte- c'est un auteur important (auctor gravis).
nait A l'ordre des sénateurs, il avait exercé la preture et Ses Annales ou son Histoire, car c est sous l'un de ces
acquis une grande expérience tant dans l'administration deux titres que l'on designe indifferemment son ouvrage,
que dans la guerre. Particulièrementversé dans la science s'élendaient depuis la fondation de Rome jusqu'à l'epoque
du droit, il s'était rrccupé avec fruit de rechercher les an- où il vivait. Il est évident, d'après un passage de Censorin
tiquités de Rome et des villes de l'Italie, et s'était rendu (eh. xvi i), qu'elles contenaient l'an de Rome ce qui ne
celèbre par plusieurs ouvrages sur les rites religieux la doit pas surprendre, puisque Pi'on fut consul l'an de Momo
jurisprudenceet la langue de sa patrie (cf. Niebuhr, 1, fi?0, l'annee où mournt Tibérius Gracchus, où Nu-

,
p. 191). Longoliusa pretendu que la part active prise par mance fut detruite. Quelques critiques pensent mème
Cincius aux affaires publiques n'avait pas dû lui laisser qu'il survécut à Marius, et qu'il continua il écrire l'his-

i
le loisir nécessaire pour écrire tous les livres qu'on lui toire jusque dans un àge très-avancé mais cette asser-
attribue et à l'exemple de Vossius Hist. lat c. iv et tion ne repose que sur un passage de Plutarque ( Mar.,
v ), n'exceptant que les courts mémoires relatifs à la lutte c. XLIII), où il est question d'un certain Caius Pison
contre Annibal et surtout à la part que Cincius eut oc- rtç qu'évidemment on ne peut confondre avec
casion d'y prendre, il attribue tous les autres ouvrages à le nôtre, dont le prénom etait Lucius. Du reste, son his-
différentsécrivains du même nom. Mais cette opinion ne toire ne devait pas être divisée en plus de sept livres,
repose sur aucune preuve. puisque dans le septième se trouvait le récit des événe-
Tite-Live, dans sa troisième décade (XXI, 58), l'ap- ments accomplisdans l'annee de Rome 596 Censorin.,
pellemaximus auctor; il ne le nomme qu'une fois dans la 1. c. ). Cicéron reproche à Pison son style gi èle et
sec
première ( II 3) et ce qui prouve qu'il avait sous les (Annales exiliter seripti, Brut., C. XXVII; cf. Orat., II, 12;
yeux cet auteur lui-méme, et non pas un écrivain qui le de Leg. I, 2). Aulu-Gelle au contraire(XI, 14) lui trouve
citait, c'est qu'il le caractérise par ces mots diligentissi- une agréable simplicité, tant pour la forme que pourlefoud
mus falium (id est anttqttorunt) monumentorum auctor. ( simplicissimasuavitas et rei et orationis On peut tou-
Den)s d'ilalicarnasse lui rend la même justice ( I, 6 et tefois juger, par son anecdote sur Romulus et les bu-
74 ). ersé dans la connaissance de la langue grecque, veurs Aulu-Gelle, loc. cit.), qu'il ne s'était pas fait une
Cinciusavait compose danscet idiomedesannales forteten- loi absolue de la concision. La même conséquencepeut
dues qui embrassaient tout l'espace écoulé depuis la fon- être tirée du fragment que nous a conservé Denys d'Ilali-
dation de Rome jusqu'à son temps. Un savant allemand, carnasse (tV, 15), et d'après lequel on voit qu'il s'était
M. Wachsmuth, a conjecturé que Cincius avait écrit en étendu assez longuement sur les anciennes institutions
latin et que Deys s'était servi d'une traduction grecque (cf. Varron de L. L.V, f49; Pline, XXXIII, 2, etc.).
de cet ouvrake mais c'est une erreur il n'est mention Ce qui prouverait encore que son histoire n'etait pas ré-
dans aucun ecrivain des annalos latines de Cincius, et Ci- duite à des proportionstrop mesquines c'est qu'on en lit
céron, toutes les fois qu'il passe en revue les anciens plus tard un abrégé, si toutefois on peut ajouter foi à
historiens, qui ont employe la langue nationale, ne fait l'auteur de Orig. gent. rom, (ch. XVIII); et qu'enfin, dans
pas mention de Cincius. l'Ilistuire des Consuls, on trouvait beaucoup de détails
Tite-Live (XXI, 58) a fait usage de Cincius dans la troi- que Tite Live a passes sous sileuce comme trop minu-
sièmedécade, ponr laquelleil a consultéd'autres historiens tieux pour figurer dans son cadre ( voyez Pline,
grecs que Polybe (XXXIX, 52; XXXII, 6; XXIX, ). 27 XXXIII, 2; Denys, Exc. Maii, XII, 10). On peut donc
Dans la première il le cite rarement, parce qu'il a, pour conjecturer que les sept livres des Annales de Pison avaient
celte partie de son ouvrage, préféré les auteurs latins aux une étendue assez considérable, et l'on cessera d'en dou-
auteurs grecs. Il est vraisemblable que Cinciusavait, dans ter si l'on songe que dans le premier il etait question de
ses annales ainsi que dans tous ses livres, fait preuve de l'Italie, des temps antérieurs à la fondation de Rome
plus d'exactitude qu'aucun autre, comme par exempleau (Varron, de R. R., 1, p. 258, Gesn.) et des premiers rois;
sujet de la confédération iatine (V. Festus, sub v. Prœtor). que le second traitait des derniers rois et des premiers
consuls; et que le troisième renfermait les événements
C. ACILIUS écrivit aussi en grec, vers la même époque, que Tite-Live raconte dans le dernier chapitre de son
des annales qui furent traduites par un certain Claudius. livre IX ( Aulu-Gelle, VI, 9).
Tite-Live,qui les cite (XXV, 39; XXXV, 14), parait n'en l'our asseoir le jugement qu'on doit porter sur cet his-
avoir eu sous les yeux que la traduction. torien, il ne faut pas oublier qu'il avait une con-
naissance très-profondedes antiquités et de la religion,
L'historienqui vient ensuite car Tite-Live n'a pas fait soit qu'il eût composeun ouvrage spécial sur ce sujet
usage de quelques autres écrivains plus anciens, est soit qu'il eùt traité fréquemment de telles questions dans
L. CALPURNILS, L. F. C. N. Prso FRUGI, personnage pré- ses Annales (cf. fragm. ap. Serv. ad Æen. X, 76. Ma
rrobe, Sat., I, 12; III, 2. Arnoh., Ill, p. 151 et suiv., d'Acilius remontaientjusqu'aux origines de Rome (auct.
Orell. cf. Festus. v. Tarpeia) qu'il avait apporté un soin Orig. gent. rom. c. x, et Denys, III, 77, p. 581 ). Or de
extrême à rechercherles noms des magistrats ( Tite-Live, ces Annalesqui racontaient au livre XIX le septième con-
II, 58 X, 9 ) qu'instruit dans les lettres grecques, il sulat de Marius, dont Claudius etait contemporain (Aulu-
avait inséré dans ses Annales des étymologies grecques Gelle, X, 1 ), et s'étendaient même plus loin puisque
(Varron, de R. R., II, 5, Servius, ad Æn., Il, 761 ), Aulu-Gelle (X, 15) en cite le livre XXIII, Tite-Live ne
genre de recherches auxquelles on attachait beaucoup put consulter que les deux premierslivres p our la seconde
d'importance à cette époque. Il fut aussi l'un des pre- partie de sa premièredécade, à partir de l'invasiongauloise,
miers qui s'efforcèrentde trouver des explications vrai- puisque le troisième contenait l'époque de Pyrrhus Aulu-
semblables pour les mythes et les traditions fabuleuses Gelle, III, 8 bis ). Mais il ne crut pas pouvoir se dispenser
(cf. Nirbuhr I, p. 242, 245) d'où il résulta que beaucoup de recourir à l'ouvragede cet excellentet véridique histo-
de faits étaient présentés dans son livre sous un tout autre rien (optimiet sincerissimiscriptoris, nom que lui donne
jour que dans ses devanciers. ( Denys, II, p. 320; IV, 7, AntoniusJulianus dans Aulu-Gelle, XV, 1 cf. Fronton,
p. 655 et 50. Les Annales, sur lesquelles Denys appuie XIII, 27, et Jan. Gebhard, Antiq. lect. II, 5), ouvrageecrit
ses calculs chronologiques dans ce dernier passage sont d'un style large, pur et brillant (pitrissime atque illustris-
celles de Pison.) sinae scriptum, Aulu-Gelle, IX, 15 ). A en juger par les
Glareanus, Gronovius et d'autres, d'après Tite-Live fragments qui nous restent de cet auteur, il faut peut-être
(I, 55), trouvant exagérée la somme que suivant Pison, rabattre un peu d'un tel cloge, et reconnaitre que le style
Tarquin avait mise en réserve pour la construction du de Claudius etait prolixe et avait quelque chose de l'em-
temple de Jupiter Capitolin, se sont crus, pour ce motif, phase oratoire, ce qui ne doit pas étonner, puisque Clau-
autorisés à suspecter la bonne foi de ce vieil historien; dius, au temoignage de Nonius (v. Horrea), s'était fait
mais Niebuhr (t. I, p. 297 ) a prouvé qu'il était d'accord connaitre comme orateur.
avec Fabius. Tite-Livea faitsouventusaqe de Claudius, et même pour
Du premier livre (1,55) au dixième (X, 9) Tite-Live des faits omis par d'autres ecrivains (VIII, 19); mais il ne
cite souvent Pison. Dans le premier passage, il préfère s'en sert qu'avec précaution et même ajoute plus-de con-
à son témoignage celui de Fabius; dans le second, il fiance à plusieurs auteurs (VI, 42). Parfois il le refute
l'invoque pour réfuter deux historiens plus récents, (IX, 5); d'autres fois, sans le suivre (VIII, 19 ), ajoute
Macer et Tubéron. à son propre récit quelque donnée fournie par lui; et
enfin ailleurs (X, 37 ) sans prendre Claudius et Fabius
Après Pison se présentent des historiens qui ne prêtent pour autorités, il les cite cependantl'un et l'autre.
pas encore à leurs écrits le charme du style, mais qui
racontant seulement, et d'une manière un peu prolixe, Q. VALERIUS ANTIAS, dont le surnom, propreà la famille
donnentaux fables une apparence historique, et ajoutent à Valéria (Tite-Live, XXIII, 54 ), ne saurait prouver
leurs récits beaucoup de détails empruntésaux traditions qu'il était ne à Antium, ou qu'il avait favorisé les habitants
populaires,aux mémoires des familles le tout sans beau- de cette ville ( Tite-Live, III, 5), vivait sans aucun
coup de critique et avec un excès de confiance: donnant doute du temps de Sylla (cf. Velleius Paterc., II, 9;
ainsi à l'histoire des proportionsbeaucoup plus étendues, Vossius, Hist. lat., p. 45; Perizon ad Ælian., H. Amm.,
une forme plus agréable, comme on peut le voir par VI, p. 216 ). Il avait conduit son histoire depuis la fon-
Denys d'Halicarnasse,qui les a particulièrementsuivis, dation de Rome jusqu'aux temps de Sylla. Elle devait
mais avec tous les défauts qu'on doit rencontrer dans être comprise dans un grand nombre de livres, puisque
un rhéteur. Priscien (IX p. 468, Krehl) cite le soixante-quator-
zième, et Aulu-Gelle (VII, 9) le soixante-quinzième. 11
Toutes les foisque dans les dix premierslivres Tite-Live parait aussi qu'elle s'étendaitlonguement sur l'époque
cite Claudius, il doit s'agir de Q. CLAUDIUS QUADRIGARIUS, mythique, car c'etait seulement dans le second livre qu'on
contemporain de Sisenna; car le Claudius Licinius, ou trouvait le règne de Numa. Jaloux d'augmenter la gloire
plutôt Licinus ( voyez Perizon., ad Ælian., Hist. anim., de sa famille et celle des Romains, Valérius se laissait
VIII., 549, et Drakenborch,ad Liv. XXVI, 6), qui, cité aller à l'amplification, et avide de présenter des faits nou-
seulement par le premier de ces deux noms dans la troi- veaux et merveilleux (Pline, II, 107), il mérita le re-
sième décade et dans les suivantes ne peut pas toujours proche de ne s'accorder pour certains details avec aucun
être facilementdistingué du premier, avait écrit ses livres historien (Aulu-Gelle, VI, 8; VII, 19); du reste, re-
sur l'histoire romaine (Reriim romanarum libri), non à cherchant avec soin les fables et même les éty mologies
partir de la fondation de Rome, mais seulement depuis
les guerres puniques, et avait même raconté la seconde
avec assez de développements.
par exemple dériver Ancus d'.
grecques, mais avec assez peu d'exactitude, et faisant
Tite-Live,dans lespartiesdifferentesde son ouvrage qui
Il est fort douteux que ce soit Claudius Quadrigarius nous sont restées, fait mention de Valerius Antias. 1 outes
qui ait traduit en latin les Annales Grecques d'Acilius. les fois qu'il parle des jeux Seculaires, il s'appuie sur les
Tite-Live (XXV, 39; XXXV, 14) distingue le traducteur calculs de cet auteur, qui diffèrent de ceux qu'on trouvait
d'Acilius de Claudius Quadrigarius, qu'il cite souvent dans les autres historiens. Nul doute que dans la première
sans ajouter ce second nom (XXXIII, 10; XXXVIII, 41 décade il ne l'ait souventsuivi, bien qu'il prononce rare-
et 23; XLIV, 15). Les Annales que Tite-Live consulte ment son nom; nul doute qu'il n'ait adopté ses prolixes
dans ces différents passagesne sont pas, suivant M. Lach- récits, en les abrégeant, il est vrai mais seulement
mann, la traductiond'Acilius, comme on le croit géné- quand ils étaient d'accord avec la narration plus succincte
ralement, mais l'ouvrage même de Claudius. Dans la d'historiens antérieurs. Car il se défiait de sa véraciié
première décade Tite-Live ne parle pas de version latine, et de son exactitude, et lui reproche plus d'une fois
et les Annales ou l'histoire de Quadrigarius commen- d'avoir exagéré les nombres (III, 5 cf. Oros., IV, 20
çaient à la guerre contre les Gaulois, tandis que celles V,3).
Il faut aussi ranger parmi les historiens d'une époque l'histoire, genre d'études qui devait répuguer à la sévé-
plus récente C. Licinius MACER, ami et contemporain de rité de ses principes. Certes, si l'historien du même
Sisenna (Cic., de Leg., I, 2), le même, suivant toute nom eût été petit-fils de Paul-Emile par sa mère, et con-
apparence, qui fut ennemi de Rabirius et que Cicéron temporain de Rutilius (Cic., ad Alt., IV, 16; XV, 4),
condamna pour concussion (Cic., ad Ati., I, 4 Plut., Tite-Live, en citant ses autorités, ne le placerait pas
Cic., c. IX). En effet, tout ce que Ciceron dit de l'histo- après Licinius liacer, beaucoup plus recent que le person-
rien dans le livre des Lois (toc. cit.) s'accorde avec ce nage en question (IV, 23; X 9 ) et Cicéron, qui (Brut.,
qu'il dit de l'orateur dans le Brutus (c, LXVII). Or l'o- 31), en parlant de ses écrits, affirme que quelques-uns
rateur n'est autre que le prêteur condamne par Cicéron de ses discours existaient encore de son temps, n'aurait
(cf. Valer. Maxim., IX, XII, 7). pas gardé le silence sur un om rage aussi important qu'une
Licinius Macer ne vecut pas dans l'obscurité; il fut histoire. D'après ces considérations M. Lachmann pense
questeur ( cf. Pigh., a. 675) et commanda une armee que l'histoire dont il s'agitestl'œuvrede Quintus, pelit-fils
en qualité de preteur (Voyez ea lettre au sénat, dans du stoïcien, de l'accusateur de Ligarius ( Cic. Orat., et
Nonius Marc. p. 259, Merc. v. Contendere). Esprit ar- Quintil., X, 1, 5 XI, 1, 80) qui plus tard abandonna
dent et énergique, orateur véhément, connu par les les études historiques pour la jurisprudence(Pompon, in
troubles qu'il excita comme tribun du peuple, il écrivit DD. de Or. jur., II, § 46; cf. Bach, Hist. jur., II, 5 50
des annales qui s'étendaient depuis la fondation de Rome et DD). Il parait que ce travail, commencé par son père
jusqu'à l'époque où il vivait. bon style était diffus, ce et interrompu par les troubles civils au milieu desquels
qui lui mérita de la part de Cicéron de graves repro- celui-ci s'était trouvé jeté, avait été transmis à Quintus
ches par exemple celui de bavardage pretentieux,d'a- comme un héritage, avec recommandation de l'achever
bondance ridicule et qui va jusqu'à l'impudence dans et en effet Ciceron se borne à dire de lui qu'il se mit
les discours qu'il prête à ses personnages ( de Legib., I à écrire l'histoire. Denys d'Halicarnasse, son ami, et
2). Mais peut-être Cicéron jugeait-il son ennemi avec qui lui avait dedié son jugement sur Tbuc)dide (voyez
une injuste partialité. Denys d'Halicarnasse, qui a fait de le début et la fin de cet opuscule et le commencementde
nombreux emprunts à Macer, parait au contrairel'avoir la lettre à Ammæus sur Thucydide, ou il donne à Tu-
K),
fort goûté, précisément à cause des développementsdont
Cicéron lui fait un crime, comme aussi pour avoir
inséré dans le cours de son récit des considerations et
des réflexions nombreuses. Et ce qui prouverait l'im-
partialitéde.cejugement, c'est qu'il ne s'aveugle pas sur
béron le surnom de

80, xott 7fapt íí µ)


vante son talent et le soin
qu'il apporte à ses recherches historiques. (Ant. rom., I.
Son histoire commençait à la fondation de Rome,
mais il y avait donné place aux traditions troyennes
ses défauts, et blâme en lui l'absence de critique et de (Serv., ad En. Il, 15; Or. gent. rom. c. XVII), et
graves erreurs de chronologie (VI, 1 t VII, t. Voyez traitait dans son introduction de la manière d'eciire
plus bas les notes sur Tite-Live, IX, 46, et un exemple l'histoire.(Nonius, Y. protinus, p. Mercer). No-
de confusiondans les dates II, 54 ). nius en cite le livre XIV ( v. Luxuriabat); et un passage
Macer avait traité longuement des temps les plus an- d'Aulu-Gelle (VI, 3 et 4) prouve qu'il avait raconte la
ciens et des villes de l'Italie; mais il avait adopte les fables guerre contreCarthage.Suétone a fait usage de Q.Tube-
grecques. Il fallait qu'il fût bien peu initie dans les anli- ron pour un fait relatif à JulesGesar(Jul. Cœs., C.LXXXIII),
quites romaines pour avoir regardé comme fabuleuse si toutefois ce fait n'a pas été extrait du livre que Tubé-
l'année de dix mois, et prétendu que sous Romulus l'an- ron avait adressé à C. Oppius (Aulu-Gelle, VIII, 9).
née était déjà de douze mois avec intercalation. Cepen- Tubéron était de son temps renomme comme histo-
dant il avait tenu compte des monuments, consulte les rien, et surtout pour le soin avec lequel il recueillait et
livres Linteens, noté les points sur lesquels ils différaient comparait les anciens auteurs et même les monu-
des anciennes annales,et enfin fait usage des traités pour ments. Il est hors de doute qu'il consulta les livres Lin-
asseoir ses affirmations historiques (Tite-Live, IV, 7, téens, mais avec réserve; et là ou les anciens écrivains
20 et 25). Tite-Live l'a souvent consulté, mais avec pré- n'étaient pas d'accord, il ne les suit qu'en hésitant. Tite-
caution et soupçonnant qu'il a pu sacritier la vérité à la Live le dit expressément ( IV 23); et ceux qui voient
gloire de sa famille, il lui préfère des historiens plus an- dans les mots et Tubero incertus veri est un reproche fait
ciens (VII, 9; cf., IX, 46, et X, 9 et 11 ). à l'historien comme peu digne de foi, ne saisissent pas
bien le sens de ce passage. Tubéron expliquait les mythes
Vient ensuite ÆLIUS TUBERON, que Tite-Live cite fré- sous le point de vue historique ( Serv. ad Æen., II, 15),
quemment. Vossius ( de Hist. lat., I, 12) et tous ceux et s'était occupé avec soin des institutions de Rome. (Aulu-
qui l'ont suivi, tels qu'Harles, et même Ryckius ( De pri- Gelle, X, 28.) Il était habile politique, bon orateur;
mis ltal. colon. p. 439 ) et fiardouin ( Ind. script., mais son goût pour l'antiquitélui faisait rechercher avec
plm.), ont cru que le Tubéron consulté par Tite-Live trop de soin les formes de l'ancien langage Pompon.,
était Lucius Tubéron, contemporain et parent de Cicé- in D. loc. cit.) C'est pour ces différents motifs que Tite-
ron, et lieutenant de son frère Quintus en Asie. Mais on Live, bien qu'en general il s'attache aux historiens d'une
a peine à concevoirqu'ils soient tombés dans cette erreur, époque antérieure, crut devoir consulterTubéron son
et qu'ils n'aient pas remarqué que l'historien en question contemporain. Il préfère, il est vrai, dans un ou deux
portait le surnom de Quintus, que Tite-Live lui-même passages (X, 9 et 11) l'autorité de Pison à celle de Tubé-
lui donne ( IV, 23), et qui lui a été conserve dans l'index ron et de LiciniusMacer; mais dans beaucoup d'autres,
des auteurs cités par Pline (I, II et XXXVI). Or ce pré- bien qu'il ne le cite pas, il parait l'avoir pris pour guide.
nom était celuidu père et du Ols de Lucius. On ne trouve Tels sont les historiens que consulta Tite-Live pour
nulle part que le père, stoicien rigide, disciple de Pané- rédiger sa premièredécade. Il les cite tous au vingt-troi-
tius ( Voy. Van Lynden, diss. de Panœtio, et sui- sième chapitre du livre IV, là où aux historiens plus au-
vant Cicéron ( Brut., 51 ) dur austère et negligé dans ciens, Fabius peut-être Cincius et Pison, il oppose
sou langage comme dans ses mœurs, ait jamais écrit Tubéron Valérius Antias lit Lieinius Macer. S'il ne
parle pas de Ctaudius c'est que l'ouvrage de ce dernier de prédilection, soit que cette supputation fût alors gé
oommençait plus tard. neralemcnt adoptee, comme plusieurs donnees recueil-
lies par M. Lachmaun doivent nous porter à le croire.
Avant d'examiner quel usage Tite-Live a dû faire des Tite-Livea également negligé, sans doute comme trop
ressources historiques qu'il avait à sa disposition, disons récent, SILPICIUS GALBA, auteur d'une histoire très-de-
quelques mots des auteurs qu'il a négligés, soit parce veloppee (Plut., Rom., 17; Oros. IV, 2.i; Corn. Nep
qu'ils lui paraissaient avoir trop peu d'importance, et qu'il Annibal, 13; Suetone, Galb., 5 multiplex nec inruriosa
voulait éviter des frais inutiles, soit enfin parce qu'il historia ). Il ne parait pas non plus avoir connu les an-
n'avait pu se les procurer c'est du moins ce qu'on peut nales de SCRIBONIUS LI BON dont Ciceron cite le livre XIV,
conclure de la comparaison des fragments qui nous res- ni CASSIUS HEMINA (Voy. Maflei, Verona illustrata, II,
tent de ces écrivains avec le texte même de Tite-Live, 25, sqq.), qui florissait vers l'an de Rome 6(18 (145 ans
puisqu'il est constant qu'un savant dont l'autorité est av. J.-C), et qui, commençant son ouvrage à la fonda-
certes très-grave n'a jamais été consulté par lui, bien tion de Rome, l'avait conduit jusqu'à son epoque, ou dn
qu'il ait eu plus d'une fois occasion de le citer, et que moins jusqu'à la seconde guerre puuique. Ce livre por-
l'opinion et le témoignage de cet arbitre imposant eussent tait, suivant les uns, le titre d'Annales, suivant d'autres,
pu lever les doutes où lejetait le désaccordde tous les autres. celui d'Histoire,et était assez étendu. Ainsi, par exemple,
Il s'agit, on le voit de M. CATON, de Caton aussi re- le livre 1 contenait les faits antérieurs à la fondation; le
marquable par sa connaissance de l'antiquité que par livre II, l'histoire de Romulus, de Numa, etc., et l'epoque
son expérience de tout ce qui s'était fait tant dans la paix consulaire traitée probablementd'une manière plus suc-
que dans la guerre; de Caton qui avait scruté avec soin cincte, puisque dans ce même livre se trouvait l'année 335
les annales de Rome, et même celles de l'Italie, écrivain où Rome avait eté detruite ( Macrob., I 16Pline l'ap-
tout à la fois savant et plein de charme, que Salluste ap- pelle un très-ancien historien. Ainsi que nous l'appren-
pelle le plus habile écrivain de la littérature romaine, nent ses fragments, il avait beaucoup empruutéaux livres
auquel Tite-Live lui-mème ( XXXIX 40 ) donne de di- sacrés et aux traditions, et s'il- e,é laissé de côté par
gnes éloges, et qu'il aurait dû prendre, sinon pour guide, '1 ite-Live c'est peut-être parce qu'il avait recueilli les
du moins pour conseil dans plus d'une circonstance. En fables avec trop de soin, et qu'il avait donné pour les
effet, dans le premier livre de ses Origines, qui conte- noms de villes les étymologies les plus absurdes.
nait toute cette partie de l'histoire romaine renfermée

événements qui avaient précédé et smvi la fondation de


Rome, des mythes, des institutions; il racontait l'his-
toiredesrois et des consulsavec assez de développementset
de soins, comme on peut en juger par le fragment relatif
,
savant des historiens romains
et dont les mémoires commençant à la fonda-
tion de Rome (Macrob. L, 16) avaient, au livre XIII
-
Tite-Live n'a pas non plus fait usage de C. SEMPRO-

µí
parTite-Live dans sa première décade, Caton traitait des mus TTDITANUS, que Den) s d'Halicarnasseappelle le plus

(cf. Pline, XIII, 13), atteint l'an 5711 (182 ans av. J.-C.),
à Mamilius ( Priscian VI, p. 244, Krehl) et se rar- et s'étendaient probablemeut au delà. Un fragment de
portant aux faits racontes par Tite-Live ( III, 18 et 19); Tuditanus, conservé par Asconius ( ad Cic. pr. cornel.,
par le fragment qui concerne Cédicius ( Aula Gele, III, p. 138, Cren.), s'accorde avec le récit de Tite-Live (II, 53)
7), et par d'autres encore. Tite-Live ne parle de cet ou- qui cependant ne l'avait pas mis à contribution, non plus
vr age que parvenu à 1 époque on Caton a vecu; il y fait al- que les Historiœ communes de Lutatius. (Cf. Vossius,
ion au chapitre xv du livre XXXIV, en fait mention Hist. lat., I, 12. )
dans le discours de L. Valérius contre Caton (XXXIV, 5), Ce fut peut-être un avantage pour lui, attendu l'insuf-
et le cite au chapitrexxv du livre XLV, et Epitome, 49. Si, fisance de la critique dont il fait preuve, que de n'avoir
dans la première partie de son ouvrage, il eût consulté pas consulté divers écrits plus récents et fort étendus, tels
Caton, il y eut trouvé des documents bien préférables que les annales d'A. POSTUMIUS ALBINUS, écrivain leger
à ceur qu'il a suivis c'est ce dont on peut se convaincre et bavard son livre sur l'arrivée d'Enee (Polyb. excerpt.,
par quelquesfragments. Ainsi, au chapitre XXII du livre l, I, 28), et le graud ouvrage de Cv. GELLIUS, dont Denys,
Cluilius, auquel Tite-Lhe donne le titre de roi des AI- son imitateur, nous a conservé plusieurs passages assez
bains, ne portait dans Caton que celui de préteur, ce ridicules. Mais il faut regretter qu'il n'ait pas eu recours
qui peut seul faire comprendre comment, après sa mort, aux savantes annales de VARRON qui commençaient à l'an
les Albains nommèrent un dictateur (cf. Licinius Macer 1 de Rome, et devaient être assez developpees puisque
dans Denys d'Hal. V 74), etc. dans un fragmentdu livre III conserve par Charisius,
Comment a-t-il pu se faire que Tite-Live ait négligé il est question de Servius Tullius. On devait aussi y trou-
un écrivain de cette importance? C'est une question dif- ver les preuves qu'il invoquait à l'appui de l'ere nouvelle
ficile à résoudre. Peut-être quand il commença à ecrire qu'il avait introduite. Il est également fâcheux que Tite-
ne connaissait-il pas la supérioritédu mérite de Caton Live n'ait connu ni le livre où Varron racontait les com-
surlaquelletous les Romains n'étaientpas d'accord, puis- mencements de Rome (Quintil., I,7), si toutefoiscet ou-
que Cicéron établit une discussion à ce sujet entre Atti- vrage ne doit pas etre confondu avec les annales, ni enfin
cus et Brutus. De plus, dans les Origines, beaucoup de ré- les antiquités du même auteur, mises à profit par Denys
cds étaient très-sommaires (Corn. Nep., Cat., 3); elles d'Halicarnasse. Varron et d'autres écrivains plus récents
renfermaient, comme le dit Salluste, beaucoup de choses avaient jete beaucoup de clarté sur plusieurs points de
en peu de mots(multapaucis absolvens),et s'occupaient l'histoire; beaucoup de faits voües par la religion, et que
beaucoup plus des faits que des noms (Corn. Nep., les historiens antérieurs n'avaient pas pu ou du moins
loc. cit.; cf. A. Gell., III, 7; X, 24, les fragm. de Caton n'avaient pas ose divulguer, avaient avec le temps été mit
et Plin. VIII, 5.) Enfin le titre de ce livre devait en lumière et allégues pour expliquer l'histoire.
peu fixer l'attention d'un écrivainqui recherchait surtout
les annales. Du reste, Tite-Live adopta l'ère qui porte le Tite-Live, parmi les histoires écrites en grec, n'a
nom de Caton, soit qu'en cela il ait suivi ses historiens guère, dans sa premièredécade, employé querelle du
vieux Cincius, et il ne faut pas l'en blàmer. Paumier sible que l'avaient été récemment, pour César, lei boit
(ad Polyb., VI, 55) pense que Tite-Livea beaucoup em- de la Germanie. Du reste, le livre XXVII ( ch, m ne )
prunté U Deoys d'Halicnrnasse; d'autres comme Hooke, peut avoir été éerit avant l'année 734, où Agrippavainquit
croient que ce dernier, au contraire, avait lu Tite-Live, les Cantabres (Velleius Paterc., 90, cf. 96; Flor., IV,12;
et le critique plus d'une fois sans le nommer. Tite-Live Dion. Cass., LIlI, 22 et suiv.; LIV, II ); car si Tite-Live
connut il ce grand ouvrage qui semblait tant promettre, eût fait allusion à l'expédition d'Auguste coutre ce peuple
et le dédaigna-t-il, comme le pense Niebuhr (I, p. 298 en 729 il en eût parle d'une autre manière.
c'est ce dont il est permis de douter, car la première dé-
cade de Tite-Live parait avoir éte terminée avant le travail On voit, par ce qui précède, que si Tite-Live a né-
de Denys. Bien qu'on ne puisse regarder comme très-con- gligé, non pas seulementdes écrivains d'une valeur secon-
eluantle calcul de Vossius et de Lipsesuiviparla plupart de daire, mais même des auteurs qui n'étaient pas à dé-
leurs successeurs,et d'après lequel Tite-Live aurait écrit daigner, il a eu recours à un assez grand nombre
une partie de son ouvrage, avant l'an de Rome 730, où d'historiens émiuents; que parmi ces derniers, quelques-
le temple de Janus fut ferme pour la seconde fois, on est uns sont très-anciens et d'un grand poids; d'autres, plus
porté à croire qu'il lui a fallu une assez longue suite récents et d'une moindre autorité. Il reste à examiner,
d'années pour composer ses cent quarante-deux livres, autant qu'il est permis de le faire, comment il a combina
quand on songe que Diodorc en a mis trente A écrire ces différentes sources et celles où il a puisé dans chacune
bes trente livres. Tite-Live mourut l'an 770, et Au- des parties de son ouvrage.
guste, qui mourut eu 766, mait lu la dernière partie D'abord il est constant qu'il ne suit pas continuellement
de son ouvrage (Tacite, Ann., IV, 54). Du reste il un seul et même livre se contentant de jeter un regard
ne faut pas croire, avec Dodwell (Annal. Vellei., § VIII) sur les autres, d'ajouterà son écrit les notions nouvelles
suivi par Gibbon (Miell. IY'orks, III, 361, 369), que qu'ils présentent, ou de signaler les variantes qu'on y
Tite-Live ait mis la dernière main à son livre vers l'an rencontre. Ses sources varient continuellement, souvent
715, uniquement parce que son récit sarréte à cette même il en consulte plusieurs à la fois, surtout dans la
annee. Il y avait pour cela d'autres motifs. Quant à première décade, qui, renfermant une moins grande
Denys, qui vint à Rome l'an 723 (1, 7), qui n'écrivit abondancede faits se pretait plus facilement A ce genre
ses antiquités que vingt-deux ans plus tard (I, 3; cf. de travail, et d'ailleurs parce qu'il lui manquait un guide
pbotius Bibl., cod., 36 ) et composa auparavant ses li- tel que Polybe. En effet, aucun écrivain en comparant
vres de rhétorique ( btrphan., Operœ in Dionys., c. ), les assertions de ceux qui l'avaieut precedé, n'avait intro-
on peut conclure que ses vingt-deux livres sont posté- duit le llamlieau de la critique dans ce chaos de traditions
rieurs a l'an 745. si diverses, et aucun historien latin ne paraissait à Tite-
Il semble resulter de plusieurs allusionsaux événements Live digne d'autant de confiance que Polybe. Aussi le
de son temps, que Tite-Live écrivit au commencement voit-on rapporter souvent quatre opinions différentes
du règne d'Auguste. S'il eût écrit vingt ou trente ans empruntées ù différentes annales; quelyuefois même Il
plus tard, il eût sans doute adouci les plaintes que lui in- affirme les avoir toutes examinées. On ne peut donc, que
spirent dans sa preface et l'aspect des maux de sa patrie, pour chaque passage isolé, connaitre quel écrivain il suit
et une époque ou le remède est devenu aussi insuppor- de préférence aux autres et nous établironsd'autant plus
table que le mal ( ce qui semble s'appliquer à l'assassiaut sûrement cette distinction, que Tite-Live du moment
de César, cf. IV, 6), et le souvenir récent des guerres qu'il il adnpte un récit, le suit scrupuleusement jusqu'au
civiles, fleau toujours plus funeste aux etats que la guerre bout. C'est ce dont on peut se convaincre par plusieurs
étrangère, que la famme, que les épidemies, que tous passages, où, après avoir raconté un fait, il revient sur les
les maul qu'on attribue au courroux des dieux ( IV, 9; détails, qu'il corriged'aprèsd'autres écrivains. Qnant nu
cf. IX, 19), et enfia l'affaiblissement des forces de la repu- jugement qu'on doit porter sur les passages dont les
bliyue (VII, 9 et 25). Le passage relatif à la restauration sources ne se font reconnaitrepar aucuns signes certains,
du temple de J upiter F'éretrien, par Auguste César, mcmse voici quelques observations que nous croyons dev oir sou-
lorsqu'on ne le regarderait pas comme ayant été inter- mettre à nos lecteurs.
cale plus tard, peut avoir ete écrit d'assez bonne heure. Toutes les fois yue Tite-Live ne nomme pas son auto-
En effet ce fut par le conseil de Pomponius Atticus, rité, c'est qu'il s'en rapporte à l'opinion unanime des
mort en 721 (Corn. Nep., Att. 20 ), qu'Auguste releva le historiens, ou A la tradition vulgaire. Sur plusieurs
temple en question, et tous ceux dont '1 ite-Live l'appelle points où les historiens différaient de sentiments, comme
le restaurateur furent presque tous reparés en 726 ( cf. par exemple les origines de Rome et même des événe-
Diou. Cass., LIII, init., ainsi que les interprètesd'Horace, ments posterieurs, une opinion vulgaire avait prévalu6
Id, od. 6 et ceux du monument d'Aucyre);les temples qui opinion gravée dans la memoire des hommes, transmise
furent éleves par lui ne le furent que plus tard (Sueton, par la parole, ou confirmée par les cérémonies du culte.
Aug., 19, 30). Cette opinion, il la présente comme la plus répandue,
Au chapitre XXXVI du livre IX, Tite-Live représentela rulgatiouem (amam (I, 7) frequentiorem famam (Il, 55,
forêt Cimima comme plus inabordable et plus horrible où il la préfère au récit de Pisoo ), et la met en avant
que ue l'ont éle récemment les bois de la Germanie. Ap- même au sujet de Scipion. C'est à elle qu'il faut s'en te-
phquer ce passage aux expéditions de Drusus ou de nir, suivant lui, pour les temps recutes; il t'avait retrou-
Germanicus ce serait trop rapprocher l'époque où vée, sinon dans plusieurs historiens, du moins dans
Tne-Live écrivit son histoire; il parait donc beaucoup quelques-uns et c'est elle qu'il suit, particulièrementdans
plus convenable de l'entendre de Jules Cesar, qui à la le premier livre comme dans tous les passages où il ren-
vérité ne pénétra pas dans ces sombres retrait(s, mais contre des variantes. C'est pour ce motif que souveut,
les fit un peu mieux connaitre. Peut-être même, et c'est malgré l'extrême différence de la forme, il est tout e
l'interpretalion la plus vraisemblable, veut-il dire scu- fait d'accord avec Denys d'Halicarnasse.
tement que la forêt Ciminia était autrefois aussi inacces- Tite-Liv e, au chapitre Il du livre XLV et au chapitre m
du Hvre XLII nous fait connaître les principes qui le Du reste on ce saurait trop adm rer le sentiment de
guident dans la comparaison des sources et dans la prefé- haute moralité qui l'a porté à écrire la vie du premier
rence qu'il accorde à tel ou tel écrivain. Cette assertion, peuple de la terre, prinripis terrarum populi, et l'on
dit-il dans le premier passage, est celle d'un plus partage malgré toi la tristesse dout il est saisi au souvenir
grand nombre d'historiensqui appartiennentà une épo- de tant de gloire et à la vue de tant de corruption.
que plus rapprochée du souvenir des événements; » et
dans l'autre i Les annales d'un plus grand nombre d'é- IBID. — Si ut poetis, nobis quoque mos esset. Les
crivains dignes de plus de confiance attestent qu'Eu- poètes n'étaient pas les seuls qui commençassent par in-
mène vint lui-même à Rome. » Lorsque les auteurs con-

,,,
voquer les dieux. Voyez l'exorde du discours de Demos-
temporains lui manquent comme il s'en plaint au thène pour Ctésiphon la préface de Valère-Maxime et
chapitre XL du livre VIII, et que les récits different les notes de M. Hase sur ce dernier auteur, pages 5 et 4.
entre eux, c'est toujours à l'antiquité (retustati) qu'il s'en
réfère. Voilà pourquoi au chapitre rx du livre VII, les IBID. Jovemindigetem appellant. Les héros qui, pour
plus anciens auteurs gardant le silence sur le fait qu'il les services rendus par eux à l'bumanité, avaient reçu
rapporte, il le déclare douteux, bien qu'il le rencontre après leur mort les honneurs de l'apothéose, étaient ap-
dans la plupart des autres (voyez encore VIII, 26; cf. pelés par les Grecs
I, 44, 55; Il, 18, 21; VIII, 30; X, 9, 46). Néanmoins et par les Romains dit indigetes ou patrii.
il tient grand compte de la multiplicité des témoignages
Dii patrii, indigeteset Romule Vestaque mater.
(I, 24 II, 32; III, 23; VI, 42), et même au chapitre VIRG., Geor.,l, 498.
ILVI du livre 1, il rejette une assertion de Pison, tout
ancien qu'il est, parce qu'elle est unique (voyez Denys On n'est pas d'accord sur l'origine du mot indigeles. Les
d'llalic., IV, 7), et bien qu'elle pût lever une difficulté, uns le font venir d'wdi geo, parce que les dieux n'ont besoin
faire disparaître une erreur historiqueet chronologique. de rien, ou parce que les hommes en ont besoin, ce qui
Au cuap.rx du livre X où Macer et Tubéron contredisent est une étymologieabsurde; d'autres de indu pour in et de
Pison, il laisse la question incertaine.
Ainsi donc, Tite-Live parait avoir constamment suivi
l'opinion qui avait pour elle les autorites les plus
nom-
breuses et surtout les plus anciennes. Mais quand les faits
étaient racontés trop brièvement,il a eu égalementrecours
à des écrivains plus récents, dont le récit était plus déve-
tus (comp. ).
ago avec le sens d'habiter; d'autres enfin comparent ce
mot avec le verbe indigetare ou indigitareinvoquer, prier,
de indu et de cilo, et mieux peut-être de in et de digi-
Suivant cette dernière étymolo-
gie, les dieux indigètes auraient été ainsi appelés parce
qu'ils n'étaient dieux que par une sorte de désignation
publique et non pas par droit de naissance. Mais l'opi-
loppé. Quelquefois même il a empruntéà ces derniers des
données que ne fournissaient pas les autres, surtout lors- nion la plus vraisemblable est celle qui fait dériver ce
qu'il pouvait se rendre compte des motifsde l'omission(il, mot de endo et de geniti, nés dans le pays oii on les ado.
8; VIII, 18). Il arrive aussi qu'il raconte les faitsautrement rait, comme en grec (Soph. Antig., v. 199,
que les anciens historiens (que Fabius, par exemple, voy. etc., et M. Leclerc, ouvr. cité, p. 156
X, 57), et qu'il préfère un récit plus long à une narration
trop courte; toutefois jamais au hasard, mais toujours LIVRE I.
guidé par la vraisemblance et par d'autres indices.
De cet aperçu rapide et surtout de l'indication que nous Tite Live, dans ce livre où il reproduit les traditions
allons donner des sources où Tite-Live a puisé pour cha- vulgaires, a, comme on devait s'y attendre, fait surtout
cune des parties de son ouvrage, il résulte avec évidence usage de Fabius Pictor, le plus ancien historien romain
que cet historien ne mérite pas le reprochedelégèreté poé- (scriptorum antiquissimus), qu'il se contente de onmmer
tique qu'on lui a trop souvent adressé; qu'à l'exception desoit seul ( ch. XLIV), soit avec Pison ( ch. LV), et lui ac-
quelques concessionsfaites à l'orgueil national, et moins corde, dans le récit des événements les plus reculés, plus
importantespeut-être qu'on n'a bien voulu le croire, il n'ade confiance qu'à Pison, qui, faisant disparaître la cou-
j1mais volontairement altéré les faits; qu'il s'est proposéleur mythique que Tite-Live a cru devoir conserver,
des regles de critique, imparfaites sans doute ou plutôt in-
s'était attaché à présenter les faits sous un point de vue
complètes, et qu'enfin il a été constamment guide par ce tout moderne, et avait modifie les mythes en les expli-
besoin impérieux de tous les historiens dignes de ce nom quant, ou même en avait présente d'autres. Cependant
la recherchede la vérité. les sources auxquelles il puise ne se bornent pas à ces
deux auteurs. Dès le début il declare que ses autoritéssont
PAGE 2.- Ea nec affirmare nec refellere in animo est. nombreuses. (Voy. chap. I, m, vu, XI, XXIV, XXXI, XXXVIII,
On voit que Tite-Live n'attache pas une grande impor- XLIV, XLVI, XLVIII.) S'attachant surtout aux documents
tance aux faldes dont l'orgueil national avait embelli les antiques il néglige les recits plus récents et plus deve-
premiers documents de l'histoire romaine.S'il les repro- loppes que Denys d'Halicarnasse a admis, et raconte
duit, c'est qu'elles impriment à la naissance de la ville beaucoup de faits tout autrement que lui. Dans l'his-
eternelle un caractère plus auguste. L'important à ses toire antérieure à la fondation de Rome, il parait
yeux c'est de connaître la vie et les mœurs des premiers avoir suivi Fabius c'est du moins ce qu'on peut conclure
Romains, de savoir par qui a été fondée et agrandie la d'un long fragment de cet auteur conservé par Eusèbe
puissance de Rome. Ce passage et quelques autres qu'on dans sa Chronologie (t. I, p.587 et suiv. del'ed. d'Aucher),
pourraitciter (p. e. XXI, 62; XLIII, 13) ne suffisent-ils où l'on retrouve sur les Troyens, sur Enee, sur la suite
pas pour prouver que Tite-Live s'est fait un devoir d'une des rois albains, des notions conformes au texte de Tite.
critique aussi rigoureusequ'elle pouvait l'ètre à l'epoque Live, quoiqueplus etendues, mais entièrement différentes
où il écrivait et qu'il n'a pas accepte et employé en du recit de Denys et des autres historiens. Ils se ren-
aveugle les traditions que lui avaient transmises ses de- contrent encore en ce point que Tite-Live voit comme lui
vauciers. dans le miracle des hente marcassms l'indica ion, non
de trente colonies, mais de trente années, interprétation cer. Le récit de Plutarque est entièrement d'accord avec
déjA adoptées du tempsde Ptolémée Philadelphe par Ly- celui de Tite-Live. Des historiens plus récents, comme
cophron (Cnssandr. 1255) et par plusieurs Romains. Licinius Macer, dans Denys d'Halicarnasse, racontent
Du reste, l'origine troyenne de Rome était admise bien les faits d'une manière différente.
longtemps avant Fabius. Le premier monument public CHAP.III.—Ab co coloniœ aliquot deductœ. L'auleurde
où elle soit mentionnée est, autant qu'on peut le savoir, l'origine du peuple romain (Origo gent. rom., cap. xvn.),
la celèbre colonne de Duilius. Antérieurementà Polybe,
nomme ces colonies Préneste, Tibur, Gabies, Tnscu-
Postumius Albinus avait composé un ouvrage spécial sur lum, Cora Pométia Coriole [ le texte de l'ed. d'Arntzen
l'arriveed'Enée en Italie. porte Lorri J Crustumium Caméria Bovillæ. Virgile
CUAP. I.-On comparera avec intérêt les premiers cha- (Æn., VI, 775 et suiv.) joint aux colonies des rois al-
pitres de ce livre avec les chants I VI, VII et VIII de bains Nomentum, Fidène, Collatia, Castrum Inui et
l'Éneide. Il existe un étonnant rapport entre les fables du Bola. CREVIER.—Voy. Denys d'Halic., III, 31 et Heyne,
poète et celles de l'historien. sur l'Énéide, loc. cit.
IBIO.Sur Pylémène, chef des Hénetes. Voy. Hom., IBID. Prisci Latini appellati. Festus de Verb. sign.
Iliad., II, 851 il fut tu0 par Menelas, V 576 et suiv. p. 382., Dac. Prisci Latini proprie appellali suttt ii,
IBID.Sur les Euganéens. Voy. Pline, Hist. nat., III, qui priusquam conderetur Roma fuerunt. Niebuhr, re-
25 et 2t; Silius ltalicus, VIII, 604; Martial, IV, 25. jetant cette explication regarde les deux mots comme
l'équivalentde Prisciet Latini et trouve l'indication de
IBID. — Pagoque inde trojano nomen est. Papus ré- deux peuples différents. (Voyez y
1.1, p. 112, et t. II, p. 97
pond à notre mot français canton; il était composéde de la trad. fr. M. de Golbéry). M. Leclerc (ouvr.
plusieurs villages nici. La réunion de plusieurs pagi for- cité, 165)
par
mait ce que 1 ite-Live appelle ici gens. CREVIER. p. repousse avec raison cette idée qui est pure-
ment arbitraire.
IBID. Duplex inde fama est. Des deux traditions Cu. IV. — In custodiam datur. Les accusés, de quel-
rapportées par Tite-Live, la dernière parait être fort que distinction n'étaient pas renfermés dans
ancienne. Voyez Caton. cité dans Orig. gent. rom.,c. XIII. publique. Ils étaient confies à la garde de quelque une maison
ma-
CHIP. II. — Cœre, ville pélasgique, d'abord sous le gistrat, qui les retenait dans sa maison sous sa respon-
nom d'Agylla, puis plus tard soumise à l'Étrurie. Aujour- sabilité c'est ce qu'on appelle in atstodiam dare. Cic.
d'hui Cerretri. Il n'en restait que des ruines du temps de in Cat., l, 8; Salluste Cat., 47; Tac., Ann., VI, 3.
Tite-Live. oy. Strabon, I. V, p. 220. LIEz. — D'après cette observation l'expression française,
est jetée en prison, ne serait pas une traduction exacte;
IBID. Æneas adversus tanti belli terrorem. Compa- mais le mot rincta est là pour la justifier.
rez Denys d'Halicarnasse, I, 59, 60.
IBID. Ficus ruminalis. Paul Diac., p. 478. Dac., Ru-
IBID. — Aumtcium flumen, aujourd'hui Rive di Nemi.
minalis dicta est ficus quod sub ea arbore lupa mammam
Suivant Deuys d Halicarnasse, 1, 64, le corps d'Énee dédit
Remo et Romulo. Manna autem rumisdicitar. Unde
ne fut pas retrouvé. Comp. Ovide, Met. XIV, 600 et et rustici appellant hcdos subrumos qui adhuc sub mam-
suiv.; Tibulle, 11, V, 45.

prit le nom de Quirinus; Melicerte, celui de Palemon, le fout venir de


etc. CREVIER.
CHAP. III.—Hiccine fuerit Ascanius an major quam
hic. Fabius parle
,
mis habentur.—Toute cette fablede l'allaitementdes deux
IBID. — Jusque fasque est. L'usage était de changer les jumeaux par une louve parait devoir son origine au desir

ancien nom du Tibre, qu'ils dérivent de ,,


noms des mortels mis au rang des dieux. Ainsi Romulus d'expliquer l'origine inconnue du nom de Rome. Les uns
courage et force; d'autres, de Rumo,

de Romulus, d'autres encore de ruma, rumis, rumen. Ta-


d'une double tradition.D'autres cit. Ann., XIII, 58, 1. Harduin. ad. l'lin, XV, 18, 20.
pas
d'autres

ne
historiens le disaient né d'une Troyenne; mais pour ne pas IBID. — Submissas prtebuisse mammas. Virg.En., VIII,
attribueraux roi d'Albe une origine étrangère, ils lui don- 650. — « On voit encore au Capitole un groupe de bronze
naient pour successeur son frère Silvius ne de Lavinie. représentantla louve qui allaite Remus et Romulus. Il y fut
(voy. Fabius, loc. cit.; Lutatius et Tubero in Orig. gent. placé il y a vingt et un siècles par les deux Oliginus, édiles
rorn.; Denys. d'Hal.; Festus, v.Silvii; Cato ap. Servium.) curules, l'an de Rome 457 (avant J.-C., 296). ils employè-
Tite-Lire, en le faisant fils de Lavinie et père de Silvius, rent l'argent des amendes à ce monument. Il fut frappé
augmente d'une génération la série des rois allrains. de la foudre sous le consulat de Torquatus et de Cotta,
Quelle autorite a-t-il suivie à cet égard? On l'ignore. fan de Rome 686 (av. J.-C., 67). On le voit au ourd'hui
Servius ( ad En., I, 274) tient cette assertion pour une dans le même état où la foudre le mit alors. J'y ai re-
erreur. marque avec curiosité et satisfaction le coup de ton-
La plupart des historiens prétendentqu'Ascagne conti- nerre qui glissa le long des côtes et a fondu une partie de
nua la guerre, et que ce fut lui qui donna la mort à Tur- la cuisse.» Le président DE BROSSES. — Ce groupe avait éte
nus. Peut être Pison racontait-il les faits comme Tite- doré. Voy. Cic. in Cat., III, 8.
Live. Ce qu'il y a de certain, c'est que daus son histoire, IBID.—Suntqui Larentiam,etc. Tel était le récit de Va-
si toutefois on peut en croire le temoignage du faux Au- lérius Antias (Orig. gent. rom., e. XXI) et même d'histo-
relius Vietor, Turnus ne mourait pas de la main d As- riens plus anciens (ct. Cato. ap., Macrob., Saturn., l, 10),
cagne, mais de sa propre main. ( Orig. gent. rom., Bien que cette explicationde la louve paraisse beaucoup
c. XIII.) plus récente que tout ce qui est rapporté de Larentia,
Tite-Live adopte sur la fondation de la ville la tradition nourrice de Romulus, et des frères Arvales. Ce qu'il y
vulgaire reprodmte par Fabius, mais avec plus de deve- a de certain c'est que Tite-Live, dans la narration rapide
loppements. ( Orig. gent. rom., c. xx; Scrv. ad Æn. vu), que renfermece livre, ne parait pas tenir compte des husto-
630; Qumtil. Inst. or., I, 6, 12, et Nonius, p. 518, Mer rieus les plus récents. Il diffère essentiellement des frag-
exempla docent; confer in rimis Ooi-
ments qui nous restent de Licinius Macer et de Valérius etiam plura alia
Autias. Cf. fr. ap. Orig. gent. rom., c. XIX et xxi Macrob. dii Ileroid., XVI, 271. 0 decus o prœsens GFMINORUM
Saturn., I. 41et 13. Arnob., Adr. gent. V, I; Plin., Hist. gloria FRATRUM; ejusdem Ileroid., X\ II, 249; Mctamor-
eodem libro, versu 775, cujus in
flat. VI, II!, 5 (cf. Tite-Live, 1, 5.i, avec lequel sont phos. IV 107; ita et
d'accord Tac., Hist., III, Denys d'Hal., IV, XIII, introitu GEMINAShabitasse SORORES. Ilaud aliterTerentius

Pan, surnommé Lyceus, de,


13; Plut., Ront. 14; de Fort. Rom., t.VII, p, 271. Reisk. in Heaut. V, 1, 80.
CH.V.— Luperrat hoc fuisse ludicrum ferunt. On sait que
les Luvercales étaient une Me célébrée en l'honneur de
ilon ita me dii ament, auderel facert
hœe VIDU.£ MUMEBI. » LFWMRE.
CHAP. YI. — Templa capiunt. «Debout, le visage tourné
loup, d où s'était vers l'immuable nord sejour des dieux étrusques l'au-
f .rmele uon. de Lupercus (quasi lupos a pécore arcens ). gure décrit avec le lituus, on bàton recourbe, une ligne
Mais ce surnom et cette ethnologie paraissent fautifs et (cardo) qui, passant sur sa tète du nord au midi, coupe le
provenir d'une confusion avec véritable nom dePan. ciel en deux réglions, la region favorable,de l'est et la ré-
tiré d'une ville et d'une montagne d'Arcadie (Auxmaet gion sinistre, de l'occident. Uneseconde ligne (decumanns,
µ A). Les prètres de ce dieu etaient appeles Lu- derive du chiffre X) coupe en croix la première et les
perei. Cette féte, d nt l'origine se perd dans la nuit des quatre régions formees par ces deux lignes se suhdivi-
temps, fut retablie par Auguste, et subsista prnbable- sent jusqu'au nombre de seize. Tout le ciel ainsi div ise
ment jusqu'au sixième siècle de notre ère. Au cinquième par le lituus de l'augure, et soumis à sa contemplation
siecle on la celelrrait encore à Rome et dans la Gaule; à ( contemplari devient un temple (templum).
Autun, par exemple (voy. M. Desmichels, Hist. du Moyen La volonté humaine peut transporter le temple ici-
agt, t. I, p, 3;2 et suiv.). Mon savant confrère et ho- bas, et appliquer à la terre la forme du ciel. Au moyen
norable ami, M. le compte Beagnot, dans son excellent de lignes parallèles au cardo et au decumanus l'augure
livre sur la Destruction du paganisme en Occident, t. II, forme un carré autour de lui. arron nous a transmis la
p. 275-279 a prouvé le
que pape Gelase, auquel on attri- formule par laquelle on decrivait un templum pour pren-
bue l'abolition de cette fète païenne en 495, se borna à dre les augures sur le mont Capiolin. Le temple existe
défendre aux chrétiens d'y assister, et laissa aux païens egalement, qu'il soit simplement désigné parlesparoles,
le droit de les celebrer Nullus baptizatus, dit le saint ou qu'il ait une enceinte. Les limites en sont également
pontife, nullus christianlls hoc celebret, sed soli pagani sacrees, infranchissables. Il a toujours son unique entrée
quorum ritus est exequantur. «Sans pouvoir citer, dit au midi son sauctuaire au nord. Toute demeure sacrée
M. Beugnot, l'epoque précise oir les Lupercalescesserent n'est pas un templum, un fanum. Le temple étrusque
d'être celebrées a Rome, on est d'accord, pour représenter est un carre plus long que large d'un sixième. Les tom-
la procession qui a lieu pendant la fête de la Purification beaut, souvent mcme les édifices civils, les places pu-
de la Sainte Vierge, et dans laquelle les assistants por- bliques, affectent la même force et prennent le meme ca-
tent des cierges allumbs, fete qui, pour ce motif, est ractère sacré. Telles étaient à Rome les curies du sénat,
nommée Chandeleur, comme ayant éte établie afin de te- les rostres et ce qui y touchait dans le Champ-de-Mars,
nir lieu des Lupercales pour lesquelles le peuple mon- tout l'emplacement de l'autel du dieu. Les villes sont
trait un si grand a tachement. An lieu d'une cérémonie aussi des temples Rome fut d'abord cnrrée ( Roma qua-
boudonne et indceente, on plaça une fête qui, en satis- draia) la même forme se presente aujourd hui encore
faisant la passion des Romains p our les solennités, rap- dans les enceintes primitives de plusieurs des plus an-
pelait à leur esprit des pensées nobles et pures.. cienucs villes de l'Etrurie. Les colonies appliquent la
loin. Sur Evandre et sur Carmenta sa mère, voyez forme de leur metropole à leurs nowelles demeures; et,
Denys d'H 1., I, 51 et suiv., le Ier excursus de lleyue, et comme on fait aux jeunes arbres transplantes, elles s'o-
les notes sur l'Eneide. VIII, 51 et suiv. rientent sur une nouvelle terre comme elles l'ont étesur
IBID. — Vocaruat Iumm. Suivant Servius ad Æn., V I, le sol patirnel. Il n'est pas jusqu'auxarmées, ces colo-
7,5, ab ineundo passim cum omnibus animali6us sic nies mobiles qui, dans leur camp de chaque soir, ne pre-
dictus. sentent pour la forme et la position l'image sacrée du
Remum ecpisse. Tite-Live s'est un peu écarté
templum d'où elles ont emporte les auspices. Le pretoire
IBID.
du romain avec son tribunal et bon auguraculum
du récit de Fabius, en ce qui concerne l'attaque, etaitcamp
un carre de deux cents pieds.
par suite de laquelle Romulus est fait prisonnier. Les terres étaient aussi partagées d'après les règles
Il suppuse que Rcmus assiste au combat, taudis que, et «l'art des aruspices. On traçait les limites des champs
suivant Fabius, il était aile à Cæuina offrir un sacrifice

,,
les lignes cardo et decumanus. » MICRELET, Ilis-
( Voy. Denys d'llal., I, 80.) Plutarque est, sur ce point d'aprestoire romain, introduction,champ. V, t. I, p. 51, Ireedi-
comme sur beaucoup d'autres, d'accord avec Fabius. tion. Cf. Aiebuhr Rœmische Geschichte, t. II, 700.
Suivaut Tuberon ( Denys d'Hal., ibid.) que Tite-Live p.
Les classiques sur le templum trouvent
parait avoir suivi, Remus fut pris avant que son frère passages se
pù accom ir à son secours.
dans larron de Ling. lat., lib. VII, cap. 6 et suiv.;
Festus mots Contemplari, Sinistrœ, Postlcum
IBID. — Faustulo spes fuerat. Spes et sperare, comme ostium, aux Decumanus; et Ilygin, de Limit., p. 152.
en grec, ne se pi ennent pas toujours
eu bonne part, et indiquent souvent l'attente le soupçon, CHAP. VII. — Noros transiluisse muros. Peut-être la
la prévision. Voyez Thuc., I,1, et Tite-Live, II, 5 Spe tradition voulait-elledesigner par cette expression, novos
omnium serius fuit. muros, le s lion (primigenius sulcus) qu'une charrue
IBID. Geminos esse fratres. « Quiutilianus, Inst. trainée par un taureau et par une vache traçalt.autour
( rat., IX, 14; quadam ordine permutato fiunt superva- de l'emplacement que devait occuper la ville nouvelle,
cun ut MRATRES GFMIM; nant si prœcesserint GEMINI, FRA- pour en déterminer les limites. Voyez Festus et ses con-
TRES addcre non est neresse. Hanc tameu ejus observutio- nu utdleiirs au mot Primigenius, et arron de Lingua
nem perpetuam non esse, non modo loeus hic Livii, sed latma, Fgg·
Cuap. VII. — Coudita urbs. Les Homains n'élaient pas L'historienne peut rtre ici taxé de crédulité. 11 se borne
d'aceurdsur la da'ede la ronda ion de Rome, Caton la pla- à rappeler un récit qui a cours (mcmorattt) et s'il ne
çait au Il des calendesde mai, c'est-à-dire au 21 avril de fait pas de critique, c'est qu'il respecte une vieille croyance
la premiere année de la septième olympiade (751 ans à laquelle ses concitoyens viennent de se rattacher avec
av. J.-C. ). Varron la recul rit de deux annees. M. Ideler, 1 tus de force que jamais.
dans son Ma u et de chrondogie, t. II, p 172, penseque CHAP. VII. — Genus omne Potitiorum interiit. Voyez
celte dernière suppura iou doit être, maigre son peu de
IX, 29 et 54; Cic. Nat. Dcor., II, 4; Macrobe, Sat. 6;III,
certitu le, prefereea l'autre. C est celle qu'a suivie Bossuet.
Il est probable, et plusieurs textes le prouvent, qu'a-
Orig. gr
et les
ut. rom., VIII; et surtout Valère Maxime,
notes des
I, 17,
interprètes. L'extinction de cette famille
vant Romulus il avait exi,te differents elablissementssur
l'emplacement des sept collines. Volney, dans ses Recher- est rapportée à l'an de Roroe 441 (512 av. J.-C.). La tra-
duction Ils perirent tous EN EXPIATION DE LEUR SACRILEGE,
ches nonrell s sur 1 histoire ancienne (t. II, p, 109 et
fait peut-êtredire à l'auteur plus qu'il n'a voulu dire.
suiv.), a parfaitement indiqué ce qu'il faut entendre par
fondations de villes « En gêneral, dit-il, ces grandes CIIAP.VIII. Apparitores et hoc genus. On voit par
reuuions de maisons que l'on app Ile villes, ont eu là qu'il ne faut pas confondue, comme on l'a fait plus
deux manières d'être londees 1° la première par un d'une fois, les appariteurs et les licteurs. Appari:ores
concours lent et progressif d'hibilants, que des motifs de était, suivant quelques auteurs, le nom génériquedonné
defense commune, de facilité de commerce, d'aisance de à la classe des serviteurs publics des magistrats, laquelle
la vie ont appeles et fixes autour d'un premier noyau se subdivisait en scmbœ, prœcones, lirtores, accensi, et
d'habitition a ce premier peure de ville l'on ne saurait riatorrs. On rangeait aussi dans cette classe le carnifex.
presque désiguer de fondateur, ni d'époque de fonda- Voyez Adam's Roman antiquities, p. 161, 81 éd., 1819
tion. (T. I, p. 274 de la trad. franç., 2e édit.); et Fr, Greniers,
La seconde manière se fait par un concours subit de Abriss dcr rœm. antiquitœten, § n5 et 174, p. 152 de la
colons que leur propre volonté ou celle d'un gouverne- 2. edit., Leipzig et Darmstadt, 1829. D'autres, et de ce
ment engagent ou contraignenta b:ilir une ville, comme nombre parait être M. Creuzer (ouvr. cite, p. 256),
un particuher bàlitune maison ici appartient et s'appli- en font une subdivision de la classe des serviteurs publics.
que le nom de fon lalion, parce que la date est aussi pré- IBID. Ab Etruscis finitimis. Ce passage prouve que
cise que le ait est remarquable. Tite-Live avait recherché les ouvrages qui traitaient des
» Mais si, comme il est si uvint arrivé, le lieu choisi pour antiquités étrusques. 1\ous en verrons encore d'autres
une telle fondation avait dejà une habitation anterieure, preuves.
soit village, soit bourgade si meme il y existait uneville IBID. — Denys d'Ifalicarnasse prétend que Rome, au
du premier genre, c'est-à-dire sans fondatour connu, moment de sa fondation, ne comptait pas plus de trois
actuellement ruinée par la guerre ou par d'autres acci- mille hommesd'infanterie et environ mille cavaliers.
dents, cette seconde fondation pourra devenir un sujet
de controverse, parce que l'habitation antérieure sup- IBID. — Ementiebantur. Nouvelle preuve du cas que
fait Tite-Live des fables qu'on rencontre à l'origine de
pose une fondation origunelle, api-es laquelle il ne doit
plus y avoir que restauration. Enfin, si des princes et tous les empires.
des rois avaient par vanité, fait ou simule de telles fon- CuAp. IX. Legatos rirca ricinas gentes inisit. Tite-
dations pour donner leur nom a des villes qui dejà avaient Liv e n'est pas ici d'accord avec Fabius Pictur, dans l'his-
toire duquel Romulus n'envoyait pas de depules, mais

,
un fondateur connu si les peuples ou leurs agents muni-
cilaux avaient, par adulation, provoque de telles fonda- recourait immédiatement à la force (voyez Plut. Rom.,
tions fictives, on sent que le mot et la chose seraient 14 ;Deuys d'llal., Il, 50).
tombes dans un desordre assez diflicile Il éclaircir. Voil IBID. — Consualia. Ces rètes, célébrées le 18 ou le
ce qui est arrive à uue foule de villes anciennes, spécia- 21 aoùt, tiraient leur nom du dieu Consus, auquel elles
lement dans l'lsie-Mmeure, la Mesopotamie,la Syvie, etc. étaient consacrees. Suivant les uns, qui ne peuvent ap-
on les geogr, phes trouvent quantité de villes fondees, puycr leur conjecture que sur ce passage de Tite-Live,
c'est à dire rebaties, restaurées par des rois grecs, par ce nom equivalait à cquestris; suivant d'autres, il serait
des empereurs romains, dont elles prirent le nom, quand l'equivalent du surnom donne par les Grecs
neanmoins il est certain qu'elles existaientlongtemps au- à Neptune, et devrait être rapproché de concussor sui-
paravant, qu'elles avaient par consequent une fondation vant d'autres encore le nom de cousus serait le participe
premiere, ver table, connue ou inconnue. » d'un vieux verbe conso le même que consulo, d'où il
HID. — Ib Ft andi a instituta. Fabius racontait aussi la résulterait que Consus etait le dieu du conseil (voy. plut.
tradition relative a Lvaudre et à Hercule, Voyez Victori- Itom., t4 Fcstus, s. v. Consualia; Arnob., Ado. gelt.,
mus de Orthogiaphis, p. 2168. Polybe et les poeles grees III, p. II5I. Les savantes qui ont adopte cette ctymologie
de l'cp lque alevaudrine ne sont donc pas les premiers s'autorist ut encore d'un passage où Tertullienraconte(de
qui eu dient fut menti n. C'est ce que reconnaît Niebuhr, Spect., 5 ) que de son temps ou avait trouvé, en fouillant
t. I, p. 'J7 de l'ed. allem., t. I, p. 125 de la trad. fr. Ca- dans le cirque, un autel sur lequel on lisait cette inscrip-
ton, d'apre, le témoignage de bervius et de Solin. Cas- tion CONSUS CONSILIO MARS DUELLO LARES
srus Hemma Or. gont. rom. CAP, VI) et Cincius (Servius COMITIO POTEN l'ES. Mais l'opiuion la plus vraisem-
ad luy. ue rg 1, 10 parlaient aussi du mythe d'Lvau- blahle est celle qui reconnait dans les consualiades fetes
drc. Les livres sibull ns ayant fait connaitre Hercule à funèbres et qui admet que consus, remplace plus tard,
Rome antérieurementa l'annee 356 (Voyez Tlie-Live, V, par conditus, vient de conAo, comme clauius, préfère a
15), le nom de ce dieu dut de bonne heure, et longtemps clttuditus, vient de claudo ( Ascou. in Cir. I'err., II, 10).
avant la censure d'Apptus ClauJius Cæcus, se meler aux Ainsi Consus, le dieu caché, ne serait autre que Plu-
fables itchennes. Comparez le récit de Tile-Live avec ton, Jupiter Stygius, que Tite-Live confond alee Nep-
Vug. En., VIII, 190. tunns cquestris, saus doute à cause du cheval qui accoui-
pagnait la statue du dieu. Mais je crois avoir prouvé Pour tout ce qui concerne les dépouilles opimes rem-
ailleurs (Monuments d antiqnité figurée, p. 85 et suiv.) portées par Romulus et le triomphede ce roi notre his
d'une manièreévidente que le cheval peut être aussi con- torien adopte le récit des auteurs les plus anciens. D'au-
sideré comme un attribut du dieu de la mort. Ce qui tres, suivis par Denys d'Halicarnasse (II, 34) le font
vient d'ailleurs à l'appui de l'explication qu'Asconius rentrer à Rome traîne dans un char attele de quatre chef-

.
vaux blancs (Propert., IV, 1, 12 cf. Plut., Rom., t6).
donne du nom de Consus, c'est que l'autel de ce dieu
restait toujours caché et n'était découvert que pendant CH, XI. — Per occasionem ac sohtudinem, c'est-à-
les courses ( Plut., Rom., 11)., Voyez, sur les consualia dire per occasionem solitudmis. C'est la figure de lan-
et sur le sens dn mot consus, Ed. Jacobi Handwœrterb, gage que les grammairiensappellent
der gr. und rœm. Mythologie, s. v. et surtout J. A.
IBID. — Romana legio. D'après sa division en dix co-
Hartung, die religion der Rœmer, t. II, p. 87 et suiv.
hortes dont chacune se composait de trois manipules se
CHAP. IX. — Antemnates. Plutarque ( Rom., 17) ajoute
partageant chacun en deux centuries, le nombre total
le nom des Fidénates. des soldats de la légion aurait dû être de 6,000 hommes.
IBID. Ad rapiendas oirgines discurrit. Suivant Denys
— Mais ce nombre varia à differentes époques. Suivant
d'Ilal. (II, le nombre des femmes enlevées fut de Plutarque, la légion était, sous Romulus, forte de
685 suivant uneautre tradition rapportée par Plutarque fantassins et de 500 cavaliers. Depuis Servius jusqu'à la
( Rom. 14 ce nombre se serait borné à 30, et l'enleve- bataille de Cannes, le nombre des soldats legionnaireb fut
ment n'aurait été qu'un prétevte pour attaquer les Sa- de 4,200 hommes. Du temps de Polybeilfut porte à 5,200
bius. Il est certain qu'en admettant comme véritable cet hommes (Polyb. VI, 19 et suiv.); et enfin Marius, du-
épisode de l'histoire romaine, on ne peut s'empecher de rant son premier consulat, les eleva toutes à 6,000 lé-
reconnaître que l'enlèvement des Sdbines prépare la gionnaires. Voyez Creuzer, Abriss der rœm. Antiq.,235,
grandeur de Rome en la faisant entrer dans cette voie de p.567.
guerres et de conquètes ù elle marcha jusqu'à ce
IBID. —In Crustuminum. Le nom de la ville de Crus-
qu'elle eût soumis le monde. Si les peuples voisinsavaient
tumère n'est pas écrit d'une manière uniforme dans tous
accueillila demande de Komulus, les Romains auraient
les auteurs. Virgile (Æn., VII, 631) l'appelle Cruslumeri
trouve partout autour d'eux des pères, des frères, des
parents auxquels ils n'auraient peut-être jamais déclaré pour Crustumerii;Pline (Hist. nat., III, 9 et alias). Cms-
tumerium, Silius Italicus Crushunium. Tite-Live la dé-
une guerre parricide. Le refus que firent ces peuples d'ad- signe indifféremment
mettre Rome dans leur alliance fut cause qu'elle resta pir les mots Crustumerium. Crus-
toujours comme un camp ennemi placé au milieu de ces
tumerra, Crustumium et Critstuminum,si toutefois dans
villes pour leur ruine commune. Romulus et ses suc- ce dernier cas il ne faut pas sous-entendre agrum et voir
dans Crustummum un adjectif.
cesseurs, dit Montesquieu ( Grand. et dec. des Rom.,
ch. i), furent presque toujours en guerre avec leurs IBID. — Additur fabulœ. Il faut bien se garder de con-
voisins pour avoir des citoyens, des femmes ou des clure du mot fabula que Tite-Live considère toute cette
terres. Ils revenaient dans la ville avec les dépouilles des
peuples vaincus; c'étaient des gerbes de blé et des trou-
peaux cela y causait-une grande joie. Voilà l'origine des
µ
anecdote commeune fable. Le mot fabulaen latin, comme
en grec, signifie tout récit vrai ou mensonger. Pour
tout ce qui concerne 'l'arpeia notre auteur suit Fa-

, i
triomphes qui furent dans la suite la principalecause des bius (Voyez Den)s d'Hal., Il, 40. Cf. Plut. Rom.,
grandeurs où cette ville parvint. et Servius ad An., I 430), et laisse de côté Pison, au-
IBID. — Nuptialem hanc vocem faciam. Voyez, surl'é- quel il fait allusion en disant: Sunt qui eam ex parto, etc.
tymologie du mot Talassius, Plut., Rom., 15; Qiieçt. (Vo)ez Denys, II, 39. Florus, I, 1, etc.) Une telle ex-
Rom., 30; et Varron, cilé par Festus, s. v. Talassio. plication était tout à fait dans l'esprit de Pison (Voyez
Ces écrivains s'accordent pour le faire dériver de plus haut, p. 767 col. 1), et plus honorable pour la jeune
lani/icium, ou corbeille où les femmesdeposaient Romaine. Deux faits que rapportait également Pison,
leur laine. venaient à l'appui de l'opinion emise par cet historien.
CHAP. X.- Rome Cœninum. Tout ce qui portait le Tarpeia avait été, en recompcnse de son devouement,
nom de Ceniniens, tout le peuple reuni. Tite-Live em-
ploie souvent cette locution pour désigner tout un
peuple Nomen Latinum, Hernicum, ttomattttm, Etrus-
cum, etc. G. Cauter, Nov. lect., 11, 10, prétend que
cette periphrasecst emprunté a la langue grecque, mais
aucun des exemples cites ne lavorise cette opinion repro-
)
insigne honneur sur la montagne sainte (
ensevelie sur le lieu même où elle avait reçu la mort.
Or, si elle eût trahi sa patrie, bien loin d'obtenir cet

ses restes eussent été deterrés et jetés


au vent. De plus, chaque année, les Romains lui faisaient
des libations funèbres (Denys, II. 40) et avaient même
institué des jeux en son honneur (Tertull. de Spectac., 6.)
duite par Vechner, Hellenolexia, II, p. 528.
IBID. — Ferculo. Quelques manuscrits ont feretro, CuAp. XII. — Statori Jovi. Sénèque de Benef., IV, 7,
qu'il faut peut-être preferer. donne une autre étymologie plus ingénieuse que vraie,
Imn. Bina. opima parla sunt spolia. L'an de du surnom de Stator donné à Jupiter « Jovern
Rome 518 (aVant J.-C. 45) A. Cornelius Cossus enleva « rite dices Statorem qui non, ut histori tradide-
les depouilles opimes sur Lars Tolumnius, roi des « runt, eo quod, post votum susceptum acies Romano-
Veîens, et l'an 552 ( 221 av. J.-C.) M. Claudius Mrcellus rum fugientium stetit, sed quod stant beneticio ejus
obtint le meme honneur en tuant Viridomartus, chef omnia Stalor stabilitorque est..On voit encore au-
des Gaulois, cf. IV, 20 et Plut. Rom., 16. Sur l'etymo- jourd'hui, dans le forum de Rome, trois colonnes du
logie du mot opima, voyez Plut. 1. c. Le général qui temple de Jupiter Stator, fondé l'an de Rome 458 (av.
avait remporté les depouillesopimes entrait dans Rome J.-C. 295 sur l'emplacement même que, suivant la tra-
monté sur un char à quatre chevaux portant son trophee dition, Rnmulus s'était contenté de consacrer Tite-
sur son epaule (Plut., ibid.) Live, X, 37).
CHAP. XII. l'orla Palolii. Elle se trouvait non loin lion jusqu'à l'établissement de la république. Voyes An-
do la tribune aux halangues. On l'appelat aussi Porta nales de l'Institut archeologique, annee 1832, p. 64).
Itomuli. C'est cet élément étrusque que représente le Lucumon
dont parlent Ciceron et Den)s d'ilalicarnasse.
CHAP.XIII.—Nesesanguine, etc. Corneille dansllorace,
CHAP. XIV. Lavinii quum ad solenne sacrifiriumeo
acte Il, scène 6, a imite et p' raphrasé ce discours, mais
venisset, interficitur.Tel parait avoir été le récit des his-
il est resté bien luinde l'energique concision de Tite-Live.
toriens les plus anciens (Plut. Rom., 23; Denys, II, 51).
IBID. — l\ec paeem modo. Virgile (AEn., VIII, 659) fait Licinius Marer racontait la mort de Tatius d'une ma-
de la conclusionde ce traite l'une des scènes représentées niere différente. Suivant lui, Romulus n'accompagnait
sur le bouclier d'Enee. pas Tatius qui s'était rendu à Lavinium pour arranger le
IBID. — Geminata urbe. «Rome accrut beaucoup ses différend et non pour un sacrifice solennel.
forces par son union avec les Sabins, peuples durs et IBID. — Fmdus inter Romam Laviniumque urbes reno-
belhqueux comme les Lacedemoniens dont ils étaient ratum est. « 11 n'est pas facile de comprendre comment
descendus. Romulus prit leur bouclier qui etait large, un traité entre Rome et Laviuium pouvait expier l'ou-
au lieu du petit bouclier argien dont il s'était servi i lus- trage fait aux deputés, ainsi que le meurtre de Tatius
qu'alors (Plut. liom., 21). Et on d. it remarquer que ce car ce mot d'expiation emporte toujours l'idee de céré-
qui a le plus contribue i1 rendre les Romains les maitres monies religieuses. 11 faut qu'elles soient comprises dans
du monde, c'est qu'ayant combattu successirement con- Fœdus, car Den) d'lialicarnasse (Il, 53) et Plutar-
tre tous les peuples, ils ont toujours ren nce a leurs us i- que, 1'ie de Romulus (c. 24), en font mention expresse.
pes sitôt qu'ils en ont trouve de meilleurs. MONTLSQUIEU, Ainsi les cérémonies qui accompagnèrent la conclusion
Grand. et decad. des Rom., eh. i. du traité furent destinées à apaiser les dieux, et les deux
Cicéron, dit Rollin (Hiat. rom., t. I), admire avec peuples, compensant l'insulte par le sang, et le sang par
raison la profoude sagesse de Romulus dans le traité l'iusulte, se tinrent pour satisfaits. Lnz.
qu'il conclut ici avec les Sabins, et il ne craint point de IBID. — Velut agmine uno irrumpit. 11 est difficile de
dire que ce traile fut la source le principe, le fondement dire à quelle source Tite-Live a puise pour la prise de
de toute la puissauce et de toute la grandeur romaine, Tidenes. Ce stratagème inconnu à Denys d'Ilalicarnasse
par la coutume salutaire qui s'établit depuis a l'exemple (II, 55) ct à Plutarque, qui Rom., 25) présente deux
de Romulus, et qui fut iuviolablementobservee dans tous traditions dillerentes, a un caractere beaucoup plus re-
les temps, d'admettre au nombre des citoyens les ennemis cent et se retrouve daus le recit d'une autre attaque di-
vaincuset de leur accorder dans Rome le droit de bour- rigée contre la même ville.
geoisie. »
CHAP. XV. Toute la narration de la guerre contre
IBID. Lucerumnominis et originis causa incerta est. Veies a une couleur peu antique. Plutarque (Rom., 24) et
M. Niebuhr (Hist. rom., t. I, p. 329 et suiv.; t. I, p. 417 Denys d'flalicarnasse (II, 54) placent avant cette expé-
et suiv. de la tr. fr.), pour expliquer ce mot resté obscur dition la prise de Camerium, où parmi les dépouilles on
pour les Romains eux-mèmes, fonde, de son autorité trouva un char attelé de quatre chevaux que Romulus
privee, une ville de Lurerum sur le mot Ca'lius, et en consacra dans le temple de Vulcaiu, où il fit aussi placer
fixe l'origine au règne de Tullus Ilostilius. (Vouez M. Le- sa propt e statue couronnée par la victoire. Suivant Dc-
clerc, ouvr. cite p. 146.) Mais avec un pareil système nys, elle était accompagnée d'une inscription grecque
d mtcrprctation, il n'est pas de difficulté historiquequ'on rappelant ses exploits. On a objecté à Denys que cette
ne puisse résoudre. Mieux vaut, ce me semble, s'en
tenir inscription eût ete bien longue et que les inscriptions
à l'explication donnée par Ciceron (d- Rep., II, 8). « no- étendues datent d'une époque beaucoup plus récente.
mulus, dit-il avait partage le peuple en trois tribus ap- Cette difficulté n'est pas sérieuse. Si cette inscription a
pelees du m m de Tatius, du sien et de celui de Lucumon, existe, elle devait être eu vers, et un distique ( l'Antholo-
mort à ses côtes dans le combat contre les Sabines. » Or gie grecque en offre des preuves nombreuses) dit en peu
l'indique, un
ce Lucumon était, comme le mot meme de mots beaucoup de choses. Ce qui devait être surtout
chef étrus,ue venu, s'il faut en croire Denys d'Halicar- révoqué en doute, c'est le groupe de Romulus couronné
nasse (I1, 37), de la ville deSolonium pour
secourir Ro-
par la victoire. L'art à cette époque était encore dans
mulus. l'eut etre ce chef est il le même que celui auquel l'enfance et se bornait à la reprrsentation des dieux.
Denys a a précédemment (CH. xxxvi) donne le nom de Cæ- Voyez M. Ch. Ottfr. Muller Handbuch der archœologie
lius, et qui, avec les familles dont il avait été suivi, foi-ma drr Kunst, 66-72.
de Rome à laquelle
uu etablissement sur celle descollines CHAP. XVIII. Falso Samium Pythagoram edunt.
il donna son nom, etablissement qui fut sans doute re-
Cette critique s'adresse sans doute à Pison et à Valerius
nouvcle llus tard par Cæles ibenna ou Vivenna. (Voy.
Antias qui admettaient cette tradition ( l'lin., Xlll
Tac. Ann. IV, 65, la note de mon savant confrère M. J. 13 Tite-Live, XL, 29).
L. Buruour, et le discours de Claude,découvert à Lyon en
1528). L'étude attentive des premiers temps de l'histoire IBID. Disciplina tetrira ac trixti rcterum Sabino-
romaine nous a conduits, mon ami M. Fr. Orioli et Sabins étaient pas-
rum. Les mœurs dures et sevères des
sees en proverbe. Virgile (Georg., If,
moi, à reconnaitre que Rome, dès l'origine, se présente 532) y fait allu-
avec un triple caractore, re, latm, sabin et étrusque, que
l'é- sion
lemeut étrusque resta vis-à-vis des deux autres dans un Hanc olim veteres vitam colaere Sabini,
etat reel d'inleriorite sous les deux premiers rois, mais ainsi qu'Horace (Il, ïP. I, vers. 25:
qu'avant déjà pris de l'importance dans les dernières ar- vel Gabiis vel cum rigidis aequata Sabinis.
nees de Numa, il reclama a son tour le
droit de donner à
l'etat un roi pris dans son seiu et qu'ayant ainsi obtenu Iato. De templo descendit. Toute cette cérémonie
du sacre de Numa patente un oaractere trop
ougmal
la prepondei ance, il la conser va presque sans interrnp-
pour qu'on la considère comme une pure inveution des lium, regem ex Ebris eodem, quo illum, sacrificio
historiens. Elle devait avoir été conservée dans les anna- » Jovem cœlo devocarc conatom, quoniam parum rite
les des pontifes ou dans les rituels. » quaedam fecisset, fulmineictum (XXVIII, 4). » Cf. plus

CHAP. XIX.— Argiletum. C'était une éminence à l'orient bas ch. xxii.
dn mont Palatin, du côté du forum. Elle tirait son nom Plusieurs savants, et entre autres Lenz, dans le Maya-
de l'argile dont elle était formée (Varron, L. L. Y, 137) »in fur Philologie herausgcgeben ton Ruptrti und
et non comme le pretendait une tradition reproduite par .Srhliclithorst, t. II p. 48 et suiv., ont soupçonne qu'il
Virgile (Æn., VIII, 5i5), du meurtre d'un certaiu Argus est question dans ces différents passages de conducteurs
tue chcz Evandre et à son insu clectriques et que l'on doit rapporter à la forcc et a la
nature de la matière électrique les flammes qui au rap-
Nec non et sacri monstrat nemns Argileti.
Testalurque locum et letum docet liospitis Argo. port des historiens anciens, ont apparu tout a coup sur
C'était, au temps des empereurs, le quartier des li- les mâts des navires, sur la pointe des lances ou der
étendards enfonces en terre, sur la tète des enfants ou
braires.
des hommes faits, etc. Toutefois il parait douteux que les
Argiletanas mavis hahitare tabernas hommes, à l'aspect de semblables prodiges, en aient
Cnm tibi, pane liber, scrima nostra vacent.
MARTIAL, I, 1.
entrevu la cause et aient été coudaits à la découverte,
le genie de Franckiin nous a révélée vers la fin du
IBID. — Simulat sibi cum dea Egeria congre.ssusnoc- que
dernier siècle ( cf. Heyne, Opuse. Acad., t. III, p. 125 ).
turnos esse. Le motsimulatprouve que Tite-Live ne croit
Ils durent plutôt recourir à des pratiques superstitieuses,
pas aveuglément aux traditions populaireç mais que, sui- à des prières, à des sacrifices
vant lui, elles ont toutes un fondement historique.- On pour écarter ces présages,
qu'ils regardaient comme funestes. Le savant M. Libri
montre encore aux environs de Rome la grotte de la nym-
phe Egérie.
qui, à d'autres titres qu'Enuio Quiriuo Visconti, mé-
rite d'être regardé comme l'une des plus glorieuses con-
CHAP. XX.—VirginesqueVestœlegit.On attribue géné-
quètes de la France sur la péuinsule italique, nie positi-
ralement à Numa l'institution des vestales; cependant vement dans
llistoire des sciences mathematiques en
quelques historiens la font remonter jusqu'à Romulus. Ralie ( t. I, son21),
(Voyez Plut. Rom., 22 Denys d'Halic., II, 65 .)
p. que les Étrusques aient possède le
paralonnère; mais il reconuait qu'ils avaient fait des
IBID. — Sacra onwia exscripla exsignalaque attribut. observations électriques, notamment sur l'origiue ter-
Pison, au rapport de Pline (Hist. nat., XIII, 27), racon- reste du tonnerre qui monte quel luefois de bas en haut.
tait, dans le premier livre de son memorial primo com- Voyez encore sur cette question lcs larusques de M. Ch.
mentariorum), c'est-à-dire dans la p1rtie de snn ouvrage Ottlried Mùller, t. JI, p. 174 M. Ed. Jacobi, Handw.
où il traitait du règne de Numa, la tradition relative à la der gr. und rœm. Mythol., t. 1, p. 298 et t. II, p. 528;

,
découverte des livres de ce roi, omise ici par Tite-Live, et M. Hartung Religion des Romains, t. Il, p. 12.
mais rapportée par lui à l'époque même où cette décou. CHAP. XXI.— Numa tres et qnadraginta. « Le règne
verte eut lieu. Dans ce dernier passage, notre auteur in- de Numa, long et pacifique, était tiès-prupre à laisser
voque le témoignage de Valérius Antias qui avait aussi Rome danssa médioerite; et, si elle eût eu dans ce temps-
fait mention de cet événement (Voyez Plut., Num., 22). là
un territoire moins borne et une puissance plus grande,
Cassius lIemina en avait aussi parlé ( Plin, loc. cit. Cf. il
y a apparence que sa fortune eût été fixée pour jamais.
1'lorid. Sabin. Subsecir. c. XIII). prospérité, c'est que ses rois
« Une des causes de sa

Elicius parait être le même que z


IBid. Jori Elirio aram in .4rentino dicavit.—Jupiter furent tous de grands personnages. On ne trouve point

descen- ailleurs dans les histoires une suite non interrompue de


sor, fulgurator, sur lequel on peut consulter la disserta- tels hommes d'état et de tels capitaines. » MONTESQUIEU,
tion de Burmann. Il est cependant plus vraisemblable Grand. et dec. des Rom., CH. i.
que ce nom vient de l'opinion répandue dès les temps Les malheurs des rois qui succédèrent à Numa don-
les plus reculés chez les Etrusques et chez les Romains, nèrent bien plus de lustre à sa gloire. De cinq qui regnè-
qu'au moyen de certaines cérémonies de certaines reut après lui, le dernier chassé du trône vieillit dans un
prières, la foudre pouvait être attirée ( eliei i du ciel sur honteux exil. Aucun des quatre autres ne mourut de sa
la terre. Cette ét) mologie, adoptée par Ovide (Fast. mort naturelle trois périrent dans les embûches qu'on
et suiv.), est beaucoup plus vraisemblable que leur dressa, et Tullus Hostilius, le successeur iammdiat
l'explication donnée par Tite-Live. Tout porte à croire de Numa. fut frappé de la foudre. » PLUTARQUE, vie de
que les Étrusques s'étaient livrés à quelques essais sur Numa, en. XXII, trad. de Ricard.
l'électricité; c'est du moins ce qu'on peut déduire d'un
Chap. XXII. — Imperitabat tum C. Cluilius Albœ. Le
long passage de Valerius Antias, rapporté par Aruobe
longtemps la (ossa Cluilia ne permet
(.tdr. gent. V, p. 154, éd. Lugd. Batav. 1651), et que nom que conserva
I'lutarque a traduit dans sa vie de Iruma, cb. xv, ainsi guère d'élever de doute sur tout ce récit. Denvs d'Hali-
que des deux passages suivants, empruntés par Pline aux
Annales de Pison
Extat annalium memoria, sacris quibusdam e preca- vre
K et celui de Kk.
carnasse (III, 2 ) donne au chef des Alhains le nom de

VIII il l'appelle
au fossé en question. llfais au li-
C'est ainsi qu'elle est dési-
tionibus vel cogi fnlmina vel impetrari. Vetus fama gnée par Plutarque (Coriol., 3U), et par Febtns (v. Clœlia
þ Etrurioe est,
impetratum, Volsinios urbem agris de- fossa). Il y avait à Albe une famille Clœlia qui fut trans-
la ruine d'Albe. Cluilius et Clœlius
populatis subennte monstro, quod vocavere Voltam. porlée à Rome après
Evi calum et a Porsenna suo rege. Et ante eum a Numa parassent
être uu même nom.
sæpius hoc factitatum, in primo annalium suorum IBID Utrimque legati fere sub idem temptt' ad res
tradit L. Piso, gravis auctur; quod imitatum parum repetendas missi. Ces événements sont racontes de
rite Tullum Hostilium ictum fulmine ( Il. 51 ).. la même manière pir Diodore de Sicile ( Excerpta le-
L. Piso primo Annalium auctor est Tullum Hosti- gationum, vol. II, part. Il, p. 162, éd. Lud. Diadorf).
Or Diodore su ilFabius. (Voyez Dodwel de Cycl., p. 581; » ter cerlas caussas aut quia socios lœserant. aut quia
Heyne, Fontes Diodor. in comment. societ. Gott, III, nec abrepta animalia, ucc obnoxios reddiderant. Et
p. 118, suiv.; Niebubr, Il, p. 79; Fragm. Euseb., cd. » hœc Clorigatio dicebatur, a claritate vocis. Post, quam
Aucher loc. cit.) Il se règle aussi sur l'ère de Fabius c'est ctarigationem, hasta in eorum fines tnissa indicabatur
ceque prouve par de nombreux exemples, Petau, Doctr. » j im pugnæ principium. Post tertium autem et tricesi-
temp. IX, 55. mum diem, quam res repetisspnt ab hostibus, feciales
Cuip. XXIII. — Ihi infit Albanus. Corneille (Horace, hastam mittebant. » SERVIUS, ad Virg. Æn, 53.
acte 1, scène IV) a imite ce discours. CHAP. XXIV. Verbena capnt capillosque tangeus. On

Que faisons-nous, Romains, employail la verveinedanslespurifications. (Voyez Festus


Dit-il, et quel démon vous fait venir aux mains? sub voce Sagmina, Pliu, Hist. nat., XXXII, 2 «Non
Souffrons que la ration éclaireenhn nos âme; aliunde sagmina in remedis publicis fucre et in sacris
Nous sommes vos voisins, nos filles sont vos femmes, legatiouibusque verbeoæ. Certe utroque nomiue idem
Et l'hymen nous a joints par tant et tant de nœuds, signilicatur, hoc est gramen ex arce cum sua terra
Qu'd est peu de nos fils 4lui ne soient vos neveux.
Nous ne sommes qu'un sang et qu'un peuple en deux illes,
» cvulsum.
Pourquoi nous déchirer par des guerres civiles, IBID. Ex illis tabulis cerare. Donc celle formule
Ou Id mort des vaincus affaiblit les vainqueurs, était écrite, les mots Legi6tts deinde recitatis ne peuvent
Et le plus beau triomphe est arrosé de pleurs? laisser d'incertitudeà cet egard.
Nos euncmis communs attendent avec joie
Qu'un des partis défait leur donne l'autre en prore, CnAp. XXV.Jacentem spoliat. La dernière parhe

Lassé, demi-rompu,vainqueur,Mdig pour tout fru t de ce combat a été imitée par Corneille ( Horace, at te
Dénué d'un secours par lui-même détruit. IV, scène il):
Ils ont ascez longtempsjoui de nos divorces;
Contre eux dorénavant joignons toutes nos forces, Resté seul contre Irois mais en cette aventure,
Et noyon* daus l'onbh ces petits différends Tous trois étant blessés et lui seul sans blessure,
Qui de si hous guerriers font de mauvais parents. Trop faible pour eux tous trop fort pour chacun d'eux,
Que si l'ambition de commauder aux autres Il sait taen se tirer d'un pas si hasdrdeus;
Fait marcher aujourd'hui vos troupes et les non s Il fuit pour mieux combattre, et cette prompte ruse
Pourvu qui moms de sang nous voulions l'apais s. Uivise adroitement trois freres qu'elle abise.
Flie nous unira, loin de nous diviser. ch icun le suit d un pas, ou plus ou moins pressé,
Nommons des combattants pour la cause communie. Staon qu'il se rencontre ou plus ou moins blessè;
Que ch ique peuple aux siens attache sa fortune, Leur ardeur est égale à poursuivre sa fuite.
Et suivant ce que d'eux ordonnera le sort Mais leurs coups illégaux sep trent leur ponrsite.
Que le faible parti prenne lot du plus fort. Horace les v yant l'un de l'antre éantes,
Mais sans indignité pour des guerriers si braves, Se retourne, et dejà les croit demipdomptès;
Qu'ils deviennent sujets sans devenir esclaves. Il attendle piember, et c'était votre genre;
Saus honte, sans tribut, et sans autre rigueur L'autrc, tout m figné qu'il art ose l'atten sre,
les
Que de suivre en tout tiou drapeaux du vainquem. L'u vam en l'attaquant fait paraitre uu grand coeur,
Ainsi nos deux états ne feront qu'un empire. Le sang qu'il a perdu ralleentit sd vigueur.
Albe à sun tour commence cramdre un sort contraire;
» J'ose dire que dans ce discours, imite de Tite-Live, El e crie au second qu'il seeoure son frère;
fauteur français est au-dessus du romain, plus nrveus, Il be hâle et s'épuise en eflortb supeiflus;
plus touchant; et quand on songe qu'il était pêne par la il trouve en les joignant que son fiète n'est plus.
rime et par un langage embarrasséd'articles et qui senf- .Tout hors d'haleme,il lire nd pourtant sa place
fre peu d'inversions, qu'il a surmonté toutes ces dilOcul- Et redoulde bientôt la victoire d Horace.
tés, qu'il n'a empl ye le secours d'aucune épithète, que Sun courage sans tnrce est un dèbote al,pui.
rieu narrèie l'éloquente rapidité de sou discours, c'est la Voulant venger son frère, il tombe aupres de lui.
qu'on reconnait le grand Corneille.. (VOLTIRE,obseru. L'air résonne des cris qu'au ciel chacun envoie
Allie en jette d'angoisse, et les Romains de joie.
sur Corneille.) Comme uotre héros se voit près d'achever,
CHAP. XXIV. — Nominum error manet. L'incerlitude C'est peu pour lui de vaincre, il veut encor braver.
où l'ou était du temps de Tite-Live, sur la question de a J'eu viens d'immoler deux aux mânes de mes frères:
à Home aura le deimer de mes trois adversatres;
savoir à quelle nation appartenaientles lloraces et à quelle C'est à ses intérêts (tue je vais l'immuler, »
autre les Curiaces, est un des arguments que les scepti- Dit-il, et tout d'un temps on le voit y voler.
ques ont invoqué contre l'authenticité de l'histoire pri- La victoire entre eux deux n'était pas incertaine;
mitivede Rome. Mais de bonne toi peut-elle autoriser à L'Aibam, percé de coups, ne se traluait qu'à peine
nier un fait accompagne de circonstance qui avaient du Et comme une victime aux marches de l'aulel,
laisser de profonds souvenirs? Vovez ce qui a été dit plus II semblait présenter sa gorge au coup mortel
Aussi le reçoit-il peu s'en faut sans défense,
haut (p. 761, col. 2) sur la formule du ti aité conclu entre
El sou trépas de Roms établit la puissance.
Albe et Rome.
Le récit du combat des Horaces et des Curiaces,
IBID. Nec ullius retustior fœderis memoria est. Ce imite de Tite-Live, est comparable à l'original. Ce n'est
qui suit prouve que toutes les formules employéesdans
pas un petit mérite d'avoir su alors expi imer avec élé-
cette circonstance avaient éte religieusement conservées
gance et précision des détails que la nature de notre lan-
par le college des Féciaux. gue et de notre versification rendait très-difficiles. Ceux
IBID. Potrem patratum. Le pater patralus était le qui connaissent les entraves de notre poésie, avoueront
chef du collége des Féciaux. « Cum. volebaut bellum que Corneille ne fut pas étranger à cet art d'exprimer et
indicere, Pater patratus, hoc est princeps Fecialium d'ennoblir les petits détails, que Racine porta depuis au
»
proficiscebatur ad hostium fines et praetatus quædam plus haut degré de perfection. » Lv HARPE, cours de at-
solennis, clara voce dicebat Se bellum indicert prop- ternture.
CHAP. XXV.—Sepulcra exstant. On a prétendu recon- pas moins à le tromper, à la première occasion, lorsque
naitre le tombeau des Cùrinces dans le mausolée à cinq les Romains voulurent marcher contre les Veiens. 11 s'e-
pyramides qu'on voit eu sortant d'Albano pour se rendre tait aperçu, mais trop tard, de l'imprudcnce de ces con-
à Laricia mais les détails que donne Titc-Live sur le lieu ventions.MACHIAVEL, reflexions sur la première derade
de la sépulture des cinq guerriers et la forme du monu- de Tite-Lire, livre l, cu. XXII, trad, de M. de Menc.
ment qui est étrusque, ne permettent pas d'admettre Paris, 1782, t. I, p. 219.
cette opinion, qui d'ailleurs a été depuis longtemps ré- « Horace avait bien mérite de la republique en triom-
futée. VoyezChrist. Muller, Roms Campagna, t.II, p.149 phant des Curiaces; mais le crime alfreux qu'il commit
et suiv.; Ch. Ottfr. Muller Handb. der archœol. der kunst, en tuant sa sœur, causa tant d'indignation aux Romai 'b,
S 170; et Annales de l'Institut archéol., 1833, p. 45. que, malgré l'éclat prodigieux et le mérite récent de sa
CHAP. XXVI. Movet feroci juveni animum complo- victoire, il ne parvint pas sans peine à sauver sa vie. Un
ratio sororis. Voyez Corneille, Horace, acte IV, scène v. esprit léger qui ne verrait que la superficie des choses ci-
terait ce trait comme unexemple de l'ingratitude du peu-
IBID. — Quœcumque Romana lugebithostem.Corneille ple. Uu observateurplus judicieux, et mieux instruit des
(loc. cit.) vrais princip s qui doivent gouverner une république,
Va dedans les enfers plaindre ton Curtaee. blâmera plutôt les Romains d'avoir absous Horace, que
Amsi reçoive un châtiment soudam d'avoir voulu le condamner. En voici la raison. Une re-
Qutconque ose pleurer un eunemi romain. publique bien ordonnee ne compense pas le mérite et le
IBID. Vel extra pomerium. Cette antique formule demerite; mais après avoir établi des recompenses pour
est du nombre de celles qui avaient évidemment survecu les bonnes actions, et des punitions pour les mauvaises,
à l'incendiede Rome. (\o)ez plushaut, p. 761). si un citoyen recompensé pour avoir bien fait, commet
action qui mérite châtiment, elle punira une mau-
IBID. Hunccine, aiebat, etc. (Horace, acte V, une
scène III), Corneille n'est pas resté au dessous de Tite- vaise action, sans aucun
égard pour les bonnes. Une re-
Live dans sa paraphrase de ce discours si sinii le et si publique fidèle à ce principejouira longtemps de sa li-
énergique. berte; elle se perdra promptement si elle s'en écirte.
Idem. cn. XXIV, t. I, p. 255.
ttomains souffrirez-vousqu'on vous immole un homme
Sans qui Rome aujonrd hui cesserait d'être Rome,
Et qu'un Romain s'efforce à tacher le renom CHAP.XXX. — Roma interim creseit Albœ ruinis.. Rome
D'un guerrier à qui tous doivent un si beau nom? s'accroit cependant des ruines d'Alhe. Vouiez-vous
Dis, Valère, dis-nous si tu veux qu'il périsse, qu'une ville étende au loin sa domination, employez tous
Ou tu penses choisir un lieu pour son supplice? les moyens imaginables pour la peupler extrêmement,
Sera-ce entre ces murs, que mille et mille voix, car jamais une ville ne deviendra puissante sans cette
Font résonner encor du bruit de ses exploits? extrème copulation. Ces moyens se réduisent à deux, la
Sera-ce hors des mura, au mheu de ces places
Qu'on voit fumer encor du sang des Curiace,; douceur et la force. Si vous prenez le parti de la douceur,
Entre leurs trois tombeaux, et dana ce champ d'honneur ouvrez toutes vos portes aux étrangers qui voudront s'e-
Témoin de sa vaillance et de votre bonheur? tablir chez vous, rendez-leur cet établissement aussi as-
Tu ne saurais cacher sa peine à sa victoire sure qu'agréable. Si vous prenez celui de la force, dé-
Dans les murs, hors des murs tout parle de sa gloire, truisez toutes les villes voisines et obligez tous les habi-
IBID. — Admiratione mogis vortutis, quam jure causœ. tants à porter chez vous leurs foyers. Rome fut si fidèle à
e Tullus, roi de Rome, et Metius, roi des Albains, étaient ces principes, que, dès le temps de son sixième roi, elle
convenus que celui des deux peuples dont les champions comptait quatre-vingt mil e habitantes en état de porter
seraient vaincus, demeurerait soumis à l'autre! Les les armes, Elle imitait un bon cultivateur qui, pour for-
trois Curices perdirent la vie. Le dernier des Horaces, mer un elève plus vigoureux, plus capable de porter des
demeuré seul, fit passer Métius et ses états sous la domi- fruits et de les conduire a matm ité, en retranche impi-
naüon des Romains. Le jeune vainqueur, retournant à toyablement les premiersrameaux, et, par cette utile ri-
Rome, rencontra une de ses sœurs qui, accordée en ma- gueur, retenant la sève dans le tronc de l'arbre, le met en
riage à un des trois Curiaces, pleurait la mort de son état de pousser des branches plus vigoureuses et plus fer-
époux. Il la tue; et cette action sanguinaire l'ayant fait tiles.
traduire en jugement, il fut absous après de grands dé- « L'exemple de Sparte et d'Athènes prouve la nécessité
bats, moins par considération pour son mérite, que par d'employer ces moyens pour fermier un puissant état. Ces
compassion pour les larmes de son père. deux republidues étaient extrêmement guerrières, elles
II y a trois choses à remarquer sur cet événement. avaient les meilleures lois jamais cependant elles ne s'a-
La première, c'est qu'on ne doit jamais hasarder grandirent autant que ltome, qui semblait moins bien
toute sa fortune avec une partie seulement de ses forces. policée, et gouvernée par de moins bonnes lois. Cette dif-
» La seconde, que, dans une ville bien réglee, les mé- ference ne peut que veuir des raisons ci-dessus expli-
rites et les demérites ne doivent pas se compenser. quces, Rome attentive à augmentersa population, pou-
» La troisième, qu'un accord est nécessairement vi- vait mettre deux cent quatre-vingt mille hommes sous
cieux toutes les fois qu'on doit ou qu'on peut douter de la les armes Sparte et Athènes n'ont jamais pu passer le
fidelité de l'exécution. En effet, c'est un événement si af- nombre de vingt mille chacune.
freux pour un état de tomber dans l'esclavage, qu'on ne Ce ne fut point, en effet, par l'excellencedu climat
devait jamais penser qu'aucun des deux rois ou des deux mais seulement par la différencedes principes que Itomu
peuples consentit à perdre sa liberté par la défaite eut cet avantage sur ces deux villes.
de trois de ses soldats. Aussi Metius tâcha-t-il de se sous- » Persuade que rien ne pouvait plus aisément corrom-
traire au traité et quoique ce prince se fût confessé pre les lois que le mélange des étrangers,Lycurgue, fon-
vaincu et qu'il eût promis d'obéir à Tullus dans le pre- dateur de Sparte, disposa toutes choses pour les éloigner
mier momeut de la victoire des Romains, il ne chercha de la ville. Peu content de leur défendre de s'y marier,
de leur refuser le droit de bourgeoise, et tous les genres ractère des trois premiers rois de Rome, Romulus, Numa
de liaisons qui unissent les hommes entre eur, il voulut et Tullus, sans admirer le rare bonheur de cette ville.
que dans sa république on ne lit usage que d'une mon- Romulus, prince feroce et belliqueux, eut pour succes-
uaie de cuir, afin d'ôter à tout le monde l'envie d'y venir seur un roi paisible et religieux, suivi d'un prince aussi
établir quelque commerce, ou exercer une industrie. Il feroce que Romulus, et plus ami de la guerre que de la
était donc impossible que Sparte fut jamais peuplée. paix. Il fallait en effet que Rome eût, dans les premières
1
Tous nos établissements imitent la nature, il n'est ni années de sa fondation un législateur expérimenté qui
possible ni naturel qu'un tionc faible et leger soutienne réglât ses mœurs et sa police mais il fallait aussi que ses
des branches considérables. Il est impossible de même autres rois reprissent le génie belliqueux de Romulus,
qu'une petite république soumette des villes ou des afin de l'empècher de s'amollir et de devenir la proie de
royaumes plus étendus et plus puissants qu'elle, sans ses voisins. Cette observation nous fournit une maxime:
éprouver le sort de cet arbre, qui, charf;é de branches c'est qu'après la mort d'un grand prince, son génie soutient
plus fortes que le tronc, se fatigue extremement a les sou- encore son état; et qu'avec des vertus bien moinséminen-
tenir, et se voit briser par le plus petit vent. Tel fut, en tes, son successeur peut jouir du fruit de ses travaux et se
effet, le sort de Sparte, après s'être emparée de toutes les maintenir paisiblement. Mais la ruine de l'état est inevi-
villes do la Grèce; la révolte de Thebes entraîna celle de table si le prince faible règne trop longtemps, ou que ses
toutes les autres, et le tronc demeura sans branches. successeurs ne reprennentpointle génie mâle et vigoureux
Rome ne craignait pas un pareil malheur elle avait un du premier. Le roi David fut recommandable par sa va-
tronc assez fort pour soutenir facilement les plus grosses leur, par ses connaissances, par son jugement après
branches. avoir vaincu par son courage et dompté tous ses voisins,
1 C'est donc à ce principe etàquelquesautres que Rome il laissa Salomon, son fils, paisible possesseur de son
fut redevable de sa puissance. C'est ce que Tite-Live a royaume. Ce prince fortuné jouit sans peine des travaux
voulu dire par ces mots « Rome s'accroit cependant des de son père, et n'eut besoin, pour conserver son empire,
ruines d'Albe. » MACHIAVEL, ouvrage, cite, livre II, ch. m, que d'y entretenir les arts de la paix et ceux de la guerre,
t. II, p. 27 et suiv. déjà crées par ce grand roi. Il n'en fut pas de même de
sedem T'ullus regiœ capit. Tullusd'origine
Roboam son tils et comme il n'avait ni la vigueur de
IBID. — Eam
étrusque comme l'a prouvé le savant Orioli Annales de son aïeul ni la fortune de son père, il ne put conserver
l'Inst. archeol. 18.12, p. 59 et suiv., etablit son palais dans qu'avec beaucoup de peine la sixième partie de ses étalt.
Bajazet, sultan des Turcs, aima plus la paix que la
le lieu même qu'occupaient les Luceres, c'est-à-dire les fa- »

milles étrusques venues à Rome sous le premier roi. guerre mais les grandes victoires de Mahomet, son père,
qui av ait, comme David, terrassé tous ses voisins, avaient
IBID. Quœ Hostilia usque ad palrum nostrorum affermi les fondements de son empire; et les arts de I
œlatem appellata est. César qui l'avait reparee lui avait paix suffirent à ce prince pour s'y conserver glorieuse-
donné le nom de Julia. ment. Mais c'en était fait de la puissance ottomane, si So-
IBID. — Ad Feroniœ fanum. Au pied du mont Soracte, liman, qui règne aujourd'hui, avait moins ressemble a
aujourd'hui Saint-Orestc, et a trois milles d'Anxur, au- son aïeul qu'a son père. On peut juger que ce prince
jourd'hui Teriacine. surpassera son aient même. Je conclus de ces exemples,
Quis Jupier Aoxurus arrvis
qu'après un excellent prince un état peut se soutenir
Pra;sidet, et viridi gaudens Feronia laro. sous un prince faible; mais qu'il n'en est pas de même,
(VIRG. Æn. VII, 799.) si celui-ci a pour successeur un prince faible comme lui.
Je n'excepte de cette règle que les états qui, semblables
Ora manusqne tua lavimus, Feronia, lympha;
à celui de France, se soutiennent par la seule force de
Millia tum pranst tria repimns, atyue subimus
Impositumsaxis lale caudeutibus Anxur. leurs anciennesconstitutions. Or, j'appelleprinces faibles
HORAT. I, sat. V, 25. ceux qui sont incapables de faire la guerre.
CHAP.XXXI.—In monte Albano lapidibus pluisse. Sur »Je répète donc que le génie belliqueuxde Romulus,af-
fermit assez la puissance de Rome, pour que Numa, sou
ce prodige et sur tous ceux dont parle Tite-Live, tels
que pluies de sang, comètes, eclipses, apparitions cé- successeur, put s'occuper longues années à y faire fleurir
les arts de la paix. Tullus, qui lui succéda, fit revivre par
lestes etc., voyez J. A. F. Steger, Von den Prodigien,
Brunsv., 1800 et Heyne Ohusc. Acad. t. IH, p. 198-215 son courage la réputation de Romulus. Ancus, qui vint
et 255-274.
après lui, avait reçu de la nature un génie également
propre à la paix et à la guerre. Il s'attacha même d'a-
IBID. — Fulmine ictum cum domo conflagrasse. bord à entretenir la paix mais, voyant que ses voisins,
Pline, XXVIII, 2 L. Piso primo Annalium auctor le méprisaient comme un prince lâcheet effém né, il sein-
est Tullum Hostilium regem ex Numæ liuris eodem tit que les armes seules pouvaient soutenir la grandeur
quo illum sacrificioJovem cœlo devocare conatum, quo- romaine, et que Rome voulait un prince plus ressem-
I niam p irum r te quædam fecisset, fulmine ic um.. blant Romulus qu'à Numa.
Tite Live reproduit évidemment le récit de Pisou, mais Que ce prince serve donc d'exemp'e à ceux qui gou-
en l'amplifiant à sa manière. Ainsi les livres de iruma vernent un état. S'ils ressemblent à Numa,leur trône tou-
deviennent sous sa plumede longs memoires Volventem jours chancelant s'affermira ou s'ébranleraau gré du ha-
commentarios Numœ). sard et des circonstances. S'ils allient comme Romulus la
Suivant d'autres récits Tullus malade aurait été tué sagesse avec le courage, le sceptre assuré dans leur main
par AncusMartiuset ses partisans, qui auraienten même ne pourra en être arraché que par une force excessive.
temps incendié son palais, pour mieux cacher leur On peut certainement présumer que Rome n'aurait ja-
crime. Cf. Denys d'Hal. III, 35. mais pu s'affermir, ni produire toutes les merveilles
IBID. Regnavit annos duos et triginta. dont sa valeur étonna le monde, si elle n'avait pas eu
On ne peut considerer attentivement le génie et le ca- pour le troisième de ses rois un prince dont le caractère
guerrier sût rajeunir l'éclat que ses premières v ictoires sauvage, de montagnards établis sur les deux rives de
avaient d'abord jeté. Et ce danger de périr sous un roi l'Anio, entre les Marses, les Péligniens et les Sabelles.
faible ou méchant, liocne y fut exposée tant qu'elle eut
des rois.. MACHIAVEL, ouvrage cité, liv. I, chap. XIX, 1.1,
CHAP. XXXII. — Filo, id est ritta, in fula ut apud Tibull.
p.24i. I, v, 15. Festus « Flamen dialis dictus, quod assidue
» filo veletur. Varro, L. L. V, 115 « Film, quod
CHAP. XXXII. — Longe antiquissimumratus. Id est s minimum est hilum; id enim minimum est in vesU-
.Primum et gravissimum, optimum factu, quod maxime mento.»
curæ cordique est, ut
III, 10; VI, 40; VII, 31 IX, IBID. Hastam in fines eornm emittebat. Toutes les
31 et apud Herod. V, G3 et Ælian. Far. cérémonies, toutes les lormules usitees dans les déclara-
Hist. V. 1 i. tions de guerre faites par les feciaux porteut évidemment
IBID. Relata in album.. L'album où se promul- le cachet d'une haute antiquité (Voyez, p. 761); quel-
guaient les actes de l'autorité publique estdefini par Ser- ques-unes d'entre elles paraissentd'une haute antiquite,
vius (ad Æn. I, 373), tabula dealbata: ce qui fait en- tant en Asie (Herod. IV, 131) qu'eu Germanie (Voyez

.
tendre que ces inscriptions étaient tracées sur du bois Grimm, deutsche Rech s Alterthumer, p. et se cou-
peint eu blanc. Souvent aussi principalement dans l'an- servèrent mome au moyen à,,e. Ainsi lorsqu'en 1284
tiquité grecque, elles l'étaient sur la muraille même, à les Pisans vinrentjusqu'à Gènes provoquer les Génois
en juger par plusieurs expressions de Platon ( Lois VI, au combat, ils lancèreut dans le port des flèches d'argent.
23 IX, 4 ), de Démosthène ( contre Timocrate, p. 707 Giovanni Villani, dans Muratori, XIII, 294, cite par

.
Reiske), et par la longue façade destinée à cet usage M. Miche et, Origiues du droit français, p. 288.)
qu'on voit encore à Pompéï, que bfazois a dessinée et
CHAP. XXXIII. — Tellenis, Ficanaque captis.Polito-
que M. Letronne ( Recherches sur l'Égypte, p. 427) com- rium, urbem Latinorum.
Medulliam. Sur la position de

µ,
pare à ces pilastres mentionnés dans quelques inscrip- ces différentes villes,

µ
tions grecques, Tel est l'usage que Suidas Geographie, vovez Sickler, Handbuch der alten
366 et
T p.


explique au mot muraille enduite de chaux

µµ
µ,
propre à la transcription des actes publics IBID. — Ad Murciœ datœ sedes. l'tInrcia était une
A déesse latine identifiée avec Venus et dont le temple etait
Rome c'était une tablette de bois simplement blanchie situé sur le mont Aventin ( Serv. ad Æn. VIII, 656).
comme disaient, en parlant des pro- On n'est pas d'accord sur l'ety mologiede ce nom. Sm-
scriptions, les historiens grecs Dion Cassius et Jean vant les uns, Murcia ou Murtiaé quivaut à Myrtea et vien-
d'Anlioche ( Excerpt. Peiresc. p. 658 798. Hesychius drait de ce que près du temple de Venus, sur l'Aventin,
Id ),
ou recouverte de stuc si l'on se trouvait un bois de myrtes (Plia., H. N. XV, 56, 29.
adopte l'interprétation que, d'après Winckelmann ( Se- Serv. ad Æn. I, 724. Varro et Festus, sub. voc. Plut.

de ses Frammenti di fasti consolari, Rome, 1820, donne mot syracusain µ,


conde lettre sur Herc2tlanum), M. Fea dans le prodrome Quest. Rom. u). Suivant d'autres il serait dérivé du
delicat ( Saumaise sur Solin,
au mot dealbare qu'il traduit par intonacarc di marmo. p. 637). Enfin d'autres pensent qu'elle avait éte ainsi
Ainsi se publiaient l'édit annuel et les autres actes du appelée comme rendant làche et paresseux, murcidus.
préteur ( Voyez Plaute, Persa, I 2, 22 et la note latine ( saint August., de Civ. D. IV, 16. Arnob. IV, 9).Voy.
de M. Naudet, t. H, de son édition, p. 547 ). On connaît J. A. ilartung, Religion des Romains, t. II, p.
aussi Yalbum desjuges, des décurions, des sénateurs,
IRID. Quiritium quoque fossa. Niehuhr ( t. II, p. 66,
des citharèdes, etc. ( Voyez Mazzocchi, in Tab. Heracl.
de la tr. Ir. ) croit que c'est la Alarrana qui fait suite à la
p. 509 ). » M.LECLERC,ouvr. cité p. 83 et suiv. fossa Clutlia.
C'était sur un album que le grand pontife exposait
aux yeux du peuple les événements mémorables de l'an- IBID. — Carcer. imminens foro œdificatur. Cette pri-
née. « Res omnes singulorum annorum mandabatlitteris son, le plus ancien monument de Rome, occupe le vide
pontifex maximus, efferebatque in album et propone- d'une carrière taillee dans le mont Capito'in. Elle fut
» bat tabulam domi, potestas ut esset populo cognos- plus tard augmentée et fortifiée par Servius Tullius.
» cendi. » CIC.de Oral. Il, 12.
CHAP. XXXIV.—Lucumo. Du mot Lucumo, en étrns-
IBID. — Jus ab antiqua gente Æquicolis quod nunc que Lauc ume, les Latins ont fait Lucmo,
Fetiales habent, descripsit. Les féciaux, dont il a déjà Prima galentus posuit prætoria Lurmo.
éte question chapitre XXVI, passaient pour avoir ete éta- Propert. IV, (V,) t.28.
blis par Numa ( Plut. Num. 12. Cic. de Leg, Il. 9), qui,
d
suivant Denys Halicarnasse (I, 21, II, 72), aurait em- C'etait proprement le titre que portait le magistrat su-
prunté cette institution aux Grecs. Mais il parait que preme de chacune desdouze villes composantles coufedera-
des les temps les plus anciens elle était en usage chez les tions étrusques (Serv. ad Æn. VIII, « Tuscia duode-
peuples de l'Italie et notamment chez les Albains et chez » cim Lucumones babuit, id est reges, quibus unus præe-
les Samnites. Voyez chapitre XXIV, et VIII, 59. rat »). Mais on le rencontre souvent chez les historiens
C'était du reste une opinion généralement admise que romains employe comme nom propre, par exemple dans
les Equicoles étaient les auteurs des formulesqui consti- le passage qui nous occupe et VI, 53, dans Denys d'Iiali-
tuaieut en quelque sorte le droit des feciaux, Valerius carnasse, II, 37. M. Ch. Ottfried Muller (Die Etrusher,
( Epitom. de prœnomin.) en attribue la redaction à Ser- t. I, p. 563) pense avec beaucoup de vraisemblance que
tor Resius Ab Æquicolis Sertorem Resium, qui pri- Lucumo n'était pas un nom d'tndividu, mais un titre uu
mus jus fetiale instituit. » surnom qu'on donnait aux fils aines des familles nobles
Les Équicoles et mieux Equicules (He) ne ad Virg., qui par leur naissance pouvaient aspirer aux plus hantes
Æn., VII, 747) appelés aussi Èques, Equens, Équicu- dignités, et que c'est de là que vient le surnom lalin de
lains (Æqui, Æquani, Æquiculani), étaient une race Lucius ( Lucii [appellati], ut quidam arbitrantur a Lu-
q cumcoibus etruscis. » Val. Max., de llomin. 18.) Voycz le prévoir le savant Romain (durant a Tarquinio Prisco
M. Poirson, llist. rom., t. I, cbap. 2. annis ncc nrolre inerpuanabiles). Voyez la Descrivtion
CHAP.XXXIV. — Damarati Corinthii filtus erat. nicb., de Rome, par MM. Platner, Bon en, Gerh rd et Rœstel,
t. 1, p. 395 t. II, p. 70 de la tr. fr., semble penser que la t. I, p. 152 et suiv.
tradition qui donnait une origiue grecque aTarquin n'a- CHAP XXXVIII.—Ad œdem in Capitolio Jovis. Il ne fut
vait cle intr oduile dansl'ancienne epopée romaine que peu construitque par Tarquin-le-Superbe.V oyez chapitreLV.
de temps avant Polybe. sans revenir ici sur ces pré-
Cuap. XLI. Cum tiabea. La trabée élait une robe
tendues épopéesqui paraissent n'avoir eyisté que dans l'i- blanche bordée de larges bandes de pourpre. C'etait le
magination du sceptique allemand (Voy. M. Leclerc, ouvr. costume des rois qu'adoptèrentles consuls. Celle que por-
cilé, p. II, 147 et passim ), il est constant que cette tra- taient les augures était rayée de pourpre ( nirgata ou
dition était dejà admise quand F.rbius ecrivit son histoire, palmata ).
puisque Denys en la rapportant ( IV, 6, 30 et 64), cite
l'autorité de ce vieil historien. On la trouvait aussi dans IBID. — Suas opes firmatit. Agrippine usa du
Cassius Ilemma (Macrob. III, 4) et enfin l'empereur même stratagème pour assurer l'empire à Neron. Tacite,
Claude dans son discours en faveur des Gaulois (tab. I, Ann., XII, 66. Racine, Britann., acte IV, sc. II. » LIEZ.
voyez le Tacite de M. Burnouf, t. II, p. en fait IBID. — Suessam Pometiam exsulatum ierant. Suesba
mention, d'apès les livres étrusques, Pometia était la ville la plus importante des Volsques.
IBID. — Nobilemque una imagine Numœ esse. Tite- (Deys d'Ilal., IV, 6; Strab., VI, p. 231; Tac., Hist.
Live vent faire entendre par là que la noblessed'Ancus III, 72; Virg., En., VI, 776). Elle fut prise par Tarquin-
ne datait que de Numa, que dans sa généalogie il ne le-Superbe qui y fit un butin considerable ( voy. cha-
pouvait compter qu'un degré, ne présenter qu'une seule pitre LIII ), et conquise une seconde fois par les consuls
image. On sait toute l'importance que les Romains alta- Opiter Virginius et Sp. C ssius, qui la detruisirent de
chaient au jus imaginum donné par les magistratures fond en comble (II, 17 ). Strabon prétend qu'elle exis-
curules (Chladenius de Gentilitat, vet. Rom., p. 31-40, tait encore de son temps, nmis Pline, beaucoup plus
p. 138 ). Cette institution existait-clicdéjà à l'époque de croyahle, dit ( V, 5 ) qu'elle faisait partie des vingt-trois
Tarquin l'Ancien ? Rien n'empêche de le croire car le villes qui avaient disparu depuis longtemps de cette
droit d'images parait emonter à l'origine du palriciat; contrée et particulièrementdes marais Pontins, paludes
mais on ne peut, a cet egard tirer aucune conséquence Pomptinar, auxquels elle avait donné son nom.
du passage qui nous occupe, car il est possible que Tite- CHAP. XLIII. — Qui centum millium œris. Il est diffi-
Live, en parlant de la noblesse d'Ancus, se soit servi cile de déterminer le ri pport de cette somme A n, tre
d'une expression en usage de son temps, et ait voulu monnaie actuelle, les metrologues n'étant pas d'accord
fair e entendreseulement qu'Ancus ne comptait qu'un an- sur la valeur de l'as au temps de Servius. S'il faut en
cêtre. croire Denys d'Halicarnasse, les cent mille as dont parle
CHAP. XXXV. — Minorumgmtiumsunt nppellati. Vay. Tite-Live valaient 100 mines atliques; or suivant les
an sujet de cette dénomination une savante note de calculs de M. Saigey, la mine attique valait 11 fr. 87 c.
M. Burnouf sur Tacite, Ann. XI, 25, t. 1II, p. 517 et donc la valeur de l'as etait de 0, 07 c., c'est-à-dire d un
suiv. huitième plus faible que celle qu'on lui a donnee dans les
IBID. Apiolas. Vo3 ez Pline III, 5, 9; Strab. V, tables qui accompagnent le Dictionnaire d'antiquités,
p. Deny s d'Ilal., III, p. 186. par M. Bouillet. On a donc pour la classification de Ser-
IBID. — Circus Maximus. Dans la vallee Murcia entre vius les résultats suivants
l'Aventin et le Palatin. Il avait trois stades et demi de long 1re classe. 71,870 fr. 00 c.
sur un de large et pouvait contenir 150,000 spectateurs 2e 53,902 50
et même suivant d'autres 485,000. 5e 55,935 10
Cup, XXXVI. Sabinum bellum cœptis interrenit. 4e 17,967 50
Tite-Live qui, daus ce passage, suit les anciens auteurs, 5e 7,907 70
ne parle pas des pretendues victoires remportees par C'est sur l'appréciation de Denys que s'appuie aussi
Tarquin l'Ancien sur les Ftrusques (Denvs d'Hal., II, 55 l'evaluation suivie généralement en Allemagne, et dont
Oros., II, 4), et n'exagère pas les succès que ce prince voici les chiffres
obtint contre les Sabins. 1" classe. 2,1.î2 thalers.
IBID. In comitio. C'était une partie du forum près 1,600
des rostres, qui conduisait dans la curie.Ce lieu était ainsi 5e 1,066
appele parce qu'on y tenait les comilia curiata ( a co- 4e 533
eundo. Varro, Ling. lat., IV, 52), et que d'abord les con- 5e 256
suls puis les préteurs y rendaient la justice. Voyez Adler, Mais quel que soit le thaler pris ici pour unité, celui
Descript. de Rome, p. 241. C'était aussi là qu'on recevait de Saxe à 3 fr. 90 c., ou celui de Prusse a 3 fr. 71 c., il
les ambassadeurs. Voyez Tite-Live, XLV 20. est évident qu'il y a dans ces calculs une grave erreur,
CHAP. XXXVIII. Tarqninius triumphans Romam puisque, quelle que soit la valeur du thaler qu'on a euen
redttt. C'est la première mention d'un triomphe qu'on vue, on n'aurait pour les cent mille as, dans la première
rencontredans Tite-Live et plusieurs écrivains attribuent supposition, que 8,314 fr. 80 c., et dans la seconde que
à Tarquin l'origine de cette cérémonie; mais Denjs 7,809 fr. 70 c. sommes environ dix fois au-dessous de la
d'Halicarnasse et Plutarque ( Vie de Rom. ), la font re- valeur réelle.
monter jusqu'à Romulus. Feu M. Liez est arrivé dans ses calculs à un resultat
IBID. — Cloucis e fastigio in Tiberim durtis. Ce mo- d'une nature toute differente, et a obtenu pour la
nument, le plus important de Rome au témoignage de première classe 240,000 fr., somme plus que triple de
Pline (XXXVI, 15), a résisté au temps comme semblait celle à laquelle on parvient en prenant 0, 07 c. pour va,
kur de l'as et un 1 m moins que triple en calculaut d'a- vrai, d'immenses difficultes, monter peu à peude classe
près la valeur 0, 08 c. en classe jusqu'à la première. Un autre avantage que les
CHAP. XLIII. — Clypeum.Scutum pro clilpeo. Le cly- plebeiens retirèrent de cette organisation nouvelle,c est
peum ou clypeusétait un bouclier rond qui couvrait suffi-
qu'etant enfermés dans une memo classe ils pureut se

,
samment des hommes armes de pied en cap. Le scutum au voir, se compter, prendre confianceles uns dans les au-
contraire ou bouclier long couvraittout le corps et était tres et s'enhardir dans leur lutte contre 1 aristocratie,

tre l'
nécessaire à des soldats qui n'avaient pas de cuirasse. Il
y a entre le clyreus et le scutum la même différence qu'en-
et le des Grecs (voyez Blasius Caryo-

µ.
philus, de reterum Clypei, p. 451; de meme aussi les
ocreœ n'étaient autre chose que leurs
qui les privait ainsi de tout droit politique; d'ailleurs
leur nombre tenait d'être singulierement augmente. Par
les lois de Servius, comme nous venons de le remarquer,
le client ne connaissait plus son palrou, il n'y avait plus
que des pauvres et des riches. Tous les pauvres, plé-
béiens etrangers, clients, affranchis, n'avaient plus
IBio. Additœ huic classi duœ fabrum centuriœ. qu'un même intérêt. Les lois de Servius peuvent donc
Elles furent plutôt ajoutées à la deuxième classe comme être regardées comme des lois populaires, bien qu'elles
l'affirme Dcnys d'Halic., IV, 17. constituentune forte ar istocratie elles affranchirent les
IBID. Accensi. Paul Diacre Accensi dicebantur, plébeiens du joug de la curie; ils n'étaient rieu dans
qui in locum mortuorum subito subrogabantur; dicti l'ésat, ils furent des-lors comptés pour quelque chose.
ita quia ad censum adjiciebantur. Varro, de L. L. Nous les verrons bientôt commencer une lude de plu-
VI, 3 Accensi, ininislralores. Ascriptivi dicti quod sieurs siècles, pour obtenir des riches l'égalité des droits
olim adscribobantur inermes qui succederent arma lis politiques.
« militibus.. Afin de prévcuir les plaintes que les plébéiens pour-
IBID. Inde una centuria facta est immunis mi- raient élever,Sertius compensa pour eux la nou-partici-
Rtia. Un passage de Valerius Flaccus (Festus, s. v. Pro- pation aux droits politiques par divtrs privileges qu'il
consu et Procum, p. 385 et et 387 Dacier) porte a croire leur accorda. Ainsi les prolétaires, c'est-a-dire les ple-
que l'on a\ ait encore du temps d'Auguste la loi de Serv ins beiens de la sixième classe, furent exemples de tout impôt
qui divisaitle people en classes et eu centuries; mais, bien et même du service militaire, qui, à cette époque ou le
qu'a la lin du chapitre Li Tite-Live fasse allusiou aux soldat était contraint de s'équiper et de se nourrir à ses
mémoires de Servins (ex commentariis Servis Turtum), frais, n'etait pas un impôt moins lourd que les autres.
rien ne prouve qu'il ait consulté ce document pour le Quant aux autres classes, elles payerent collectivement
chapitre XLII. Il ne dit pas yu'il suit Fabius bien qu'il la même somme, c'e,t-à-dire que le petit nombre des ri-
le cite au chapitre suivant à l'occasion du cens, et rap-
porte même quelques-unes de ses paroles. Niebuhr I, I
p. 478; t. Il, p. 173, de la tr. franç.), s'appuie sur la dif-
ches de la première classe paya une somme égale à celle
que devaient fournir les citoyens beaucoup plus nom-
breux, mais moins riches, de chacune des classes ino-
férence des chiffres donnés par Tite-Live et Denyspour rieures. Les ein 1 premièresclas,es furent obligees au ser-
révoquer en doute l'autheuticité de la constitution du roi vice militaire, mais ceux de la première classe devaient
Servius; mais il parait dans l'erreur. La différence tient se fournir d'un équipement plu, complet et plus cher que
à ce que Tite-Live suit Fabius, tandis que Denys donne, les auires. Cette equitab e répartition des charges pou-
d'après les tables des censeurs un nombre plus exact, vaitfaire prendre patience, pour quelque temps au muina,
que Paul Diacre represente aussi d'après d'autres sour- aux citoyens de la dernière classe.
ces. Du reste M. Boeckh vient de prouver dans ses Metro- CHAP. XLIV.—Pomœriumprofert. Voy. à l'occasiondu
logische Untersüchungen (p. 427-446), qu'il estfort dou-
pomœrium, et mieux, pomenum, les notes de M. Bur-
teux que les documents relarifs au cens de Servius Tullius uouf les chapitres XXIII et xxiv du livre XII des An-
soient arrivés intacts et sous leur formn première aux nales sur de Tacite, t. lI, p. 550 et suiv.
historiens romsins ou grecs qui nous les ont fait connaitre.
IBID. — Et ris omnis penes primores civilatis. Servius CHAP. XLV. Dianœ Ephesiœ fanum. Le temple de
Éphèse ne fut achevé qu'entre les olympiades XC
en décrétant que l'on ne voterait plus par curie, comme Dianed
autrefois, mais par centurie, livrait à la premirre classe la et C (Ch. Ottfr. Muller, Archœologie der Kunst, § 80, f,
décis on de toutes les allaires. Eu effet une centurie repré- p. 57, éd. II). Or, Pline IXXXVI, 22) nous apprend
sentant un suffrage si la première classe tout entière était qu'il fallut 220 ans pour le construire; ce qui placerait
d'accord pour adopterou pour rejeteruue proposition, elle l'epoque de sa fondation entre 64tt et 600 avant J.-C.;
devait nécessairement avoir la majorité, puisqu'elle avait il n'y aurait donc rien d'étonnant que sous le règne de
quatre-vingt-dix-huitsulfrages, taudis que les suffrages Servius (5î 7 a 532), cet edilice eût été assez avance pour
réunis des autres classes ne pouvaient jamais s'élever au que la renommée de sa spleudeur et de son importance
delà de quatre-vingt-quinze.Par ces changements, qui politique fût parvenue jusqu'à Rome.
faisaient passer tout le pouvoir entre les mains de ceux IBID. Ut Romœ (anum Dianœ populi Latini cumpo-
qui composaient la première classe c'est-à-dire des pins pulo Romano facerent.—Tite-Live
passe très rapidement
ricbes Servius remplaça l'arislocratiede naissance par
sur l'un des actes les plus importants du roi Servius, sur
une aristocratie de richesse. Toutefois c'était un avan- la coufedérationlatineformée à l'imitation desAmphictyo-
lage pour les plébéiens c'était un progrès pour eux; car nies de la Grèce et de l' Asie- Mineure,et dont les députés
elans l'ancien système, ils n'auraient jamais pu aspirer
se réunissaienttous les ans à Rome, centre de la cos)fede-
q u'à devenir les cl enta des patriciens,tandis que mainte- ration, pour celébrer dans le temple de Diane, élevé à
nant si la fortune leur venait ils pouvaient au moins, à frais les féries latines. Voyez Denys d'Hal., IV,
tkre de riches, prendre part aux affaires de l'état. La ri- 23 et communs,
45-50.
chesse est une chose mobile, qui passe de main en main,
qu'ou peut acquérir par son courage, son habileté, son IBin. Interca Romanus immolat Dianœ. Cette
industrie. Un plébéien pouvait donc, en surmontant, il est vieille Diatoirc toute sacerdotale se retrouve, comme
nous l'avons deja dit (p. 762, col. 1), dans Valère-Maxime, mallreur, une guerre de vingl ans qu'il fit ou qu'il RI
VU, 5, f, et dans Plutarque (Quœst. rom., 4), qui l'em- faire au peuple romain sans royaume et sans biens, ses
prunte à Juba et à Varron. continuelles ressources, font bien voir que ce n'était pai
CHAP. XLVI. — Felius neposur fuerit parum liquet, etc. un homme méprisable. Les places que la postérité donne
Il fait allusion à Pison nui seul de tous les historiens sont sujettes, comme les autres, aux caprices de la fortune.
(voy. Denys d'Hal., IV 7, p. 633 et détermine par des Malheur à la réputation de tout prince qui est opprimé
calculs chronologiques,prétendait que Lucius et Aruns par un parti qui devient le dominant, ou qui a tenté de
etaient petits-fils et non pas fils de Tarquin-l'Ancien. Cette détruire un préjugé qui lui survit! MONTESQUIEU,
dernière opinion était celle de Fabius Denys, ibid., 6 Grandeur et Décadence des Romains, chap. I.
et 50), que Tite-Live prend peut-être pour guide. Plus CHAP. L. Ad lucum Ferentinœ. o. e. aquœ (voy.
tard, l'opinion de Pison prévalut,commes'appnyantsurla ch. Li ), ou plutôt Deœ. Ce bois sacré était situé non loin
chronologie. (Voyez Deuys, Florus, Aurelius-Victor, de Ferentinum, ville du Latium dans le pays des Iler-
Plutarque (Public., 21); le discours de Claude dans lesin- niques, au pied du mont Albain. C'est là, comme on le
.cri, tions de Cruter, p. 502; Pompon., de Or. Jur., avec voit dans Denys d'Halicarnasse(cf. Tite-Live VII, 23
la correction de Bynkershœk; Constantin-Manasses;les et Festus), que se tenaient les assemblées fédéralives
fastes Capilolins.) La version des ecrivains plus anciens des peuples latins. Tarquiu les avait convoqués pour déli-
est également suivie par Cicéron (Brut. 14), Strabon bérer snr la guerre qu'il projetait contre les Jabins, viu
(V. p. 231), Aolu-Gelle (XVII, 21), etc. lateurs du traité conclu avec Servius.
CHAP. XLVIII. — Ad summum Cyprium vicum. Non

µ
CHAP. LI. Crate superne injecta. Ce genre de sup-
loin du poteau de la Sœur et des Esquilies. Voyez Varron,
plice, particulièrementusité chez les Carthaginois(cf.
L., IV, 52. Donat, de Urb. Rom., III, q.; Nardini,111, 15. IV, 50; Plaut. Pœn., V 2.
v. 63, et la note de Taub-
IBID. Deponere eum in anima habuisse. Les écrivains mann; Tac., Germ., 12; Ferrar., Elect. II, 7 Stewick.
plus récents qu'a suivis Denys prétendaientque ce projet ad Vegel. 111, 4), était exprimé en grec par le mot
avait ete la cause de la seditiouqui éclatacontre Servius. ( Wesseling. ad Diod. Sic., XVI, 55).

CHAr, XLIX. — Inde Tarquinius regnare orcœpit. CHAP. LIII. — Gnbios propinquam urbem. Gabieç, an.
« Tarquin prit la couronne sans étre élu par le senat ni cienne ville des Volsques, à d mze milles à l'est de Rome.
par le peuple. Le pouvoir devenait héreditaire il le ren- et à onze milles à l'ouest de Préneste. C'était une colonie
nit absolu. Ces deux révolutions furent bientôt suivies d'Alba Longa. Elle était déjà en ruines sous le règne
d'une troisième. d'Auguste. Une antique tradition prétendait que Ro-
« Son Ols Sextns, en violant Lucrèce, fit une chose qui mulus et Rémus y avaient été élevés.
n presque toujours fait chasser les tyrans d'une ville où CHAP. LV. Caput humanum. Tite-Liveabrège ici
ils ont commau lé; car le peuple, à qui une action pa- Fabius, auquel il donne plus
bas la préférence sur Pison,
reille lait si bien sentir sa servitude, prend d'abord une
comme plus ancien et outre plus digne de foi. Or,
résolution extrême. Un peuple peut aisement souffrir Fabius (Arnob.VI, en
7) entrait, sur la découverte de la
qu'ou exige de lui de nouveaux tributs il ne sait pas s'il tête
en question, qui était celle d'un certain Olus ou
ne retirera point quelque utilité de l'emploi qu'on fera Aulos (cf. Plia. XXVIII, 2; Serv. ad Æn. IX, 448;
do l'argent qu'on lui demande mais quand on lui fait VIII, 345), dans beaucoup de détails
que Pline (loc. cit.)
un affront, il ne sent que sou malheur, et il y ajoute dit être comtantissima annalium affirmatio.
l'idee de tous les mau\ qui sont possibles. Sur l'origine de cette légende et de ses différentes va-
«est pourtant vrai que la mort de Lucrèce ne fut riétés, vojez l'ingénieux article que mon savant ami
que l'occasion de la revolution qui arriva; car un peuple M. Urioti a publie dans les Annales de l'institut archeo-
lier, entreprenant, hardi, et renfermé dans des mu- logique, 1832, p. 31-60.
railles, doit nécessairement secouer le joug, ou adoucir
ses mœurs. IBID. Quadraginta millia pondo argenti. M. Lies
II devait arriver de deux choses l'une ou que Rome prétendqu'au coursd'alors, ces quaranie mille livres d'or
changerait son gouvernement, ou qu'elle resterait une valaient 96,000,000 fr., somme, ajoute-t-il,qu'on n'au-
petite et pauvre monarchie. rait pas trouvée alors dans toute l'Italie. Ni l'une ni l'au-
1 L'histoire moderne nous fournit un exemple de ce tre de ces deux assertions ne sauraient être admises.
qui arriva pour lors à Rome; et ceci est bien remar- Sous la républiyue, la livre d'argent monnayé valait
quable car comme les hommes ont eu dans tous les 69 fr. ( voy. Saigey, ouvr. cité, p. 74), donc les quarante
temps les mêmes passions les occasionsqui produisent mille livres en question ne représentent en (ranci
les grands changements sont différentes, mais les causes qu'une somme de 2.760,000 fr. Quant à la richesse de
sont toujours les mêmes. l'Italie sous le règne de Tarquin, c'est assurement la
1
Comme Heuri II, roi d'Angleterre augmenta le réduire beaucoup trop que de supposer que dans toute
pouvoir des communes pour avilir les grands, Servius l'Italie on n'aurait pu trouver une somme de 96,000,000.
Tullius, avant lui, avait étendu les privileges du peuple La grande Grèce la Sicile et l'Etrurie, sinon en numé-
pour abaisser le sénat mais le peuple, devenu d'abord raire, du moins en me taux confectionnes,devaient eer-
plus hardi ren ersa l'une et 1 autre monanchie. tainementdépasser ce chiffre.
Le portrait de Tarquin n'a point été flatte son nom
1 CHAP. LVI.—Cloacam Maximam. Cet égont existe en-
p'a échappé a aucun des orateurs qui ont eu a parler con-
tre la tyranuie; mais sa condui.e avant son malheur, core sous son nom antique, et semble encore aujourd'hui.
suivant la belle eipressiou de M. Micbelet, plus ferme et
que l'on voit qu'il prévoyait; sa douceur pour les peuples plus entier
vaincus, sa Hberatité envers les soldats cet art qu'il eut que la roche Tarpéienne,qui le domioe.
d'iutéressertant de gens à sa conservation,ses ouvrages IBID. — Signiam Circeiosque. Ces dent villes- étaient
publics, sou courage à la guerre, sa constance dans son situécs sur les frontières des Vols ques, la seconde, a
bord de la mer sur le promontoire de Circée, aujour-
d'hui Monte-Circello. Segni est le nom moderne de
Signia. LIVRE II.
CHAP.LVI. — Delphos ad maxime inclutum in terris ora-
culummittere statuit. Quoi qu'on ait pu dire sur Brutus Tite-Live a également pour ce second livre consullé
(voy. Nicbuhr, t. Il, p. 287 et 293 de la trad. franc.; et plusieurs auteurs. C'est ce que prouvent les nombreux
M. Michelet,qui renchérit sur les idées de son devancier, passages oit il rapporte des faits racontes par certains
t. I,p. i9 et suiv.), les rapports de Romeavec l'oracle de écrivains (ch. XLI, LIV, etc.), ou d'autres sur les-
Delphes, rapports que Niebuhr ne nie pas, et dont il se quels on n'est pas d'accord (voy. ch. XVIII, XVI, XLI et
fait même un argument en faveur de ses idees sur les XVII, où il dit que dans ses sources le nom d'un cons .1
livres sibyllins (t. II, p. 284 de la trad. franç cf. p. est omis). Or il affirme plus d'une fois qu'il a suivi les
281) prouvent en faveur de la civisation romaine à auteurs les plus anciens (ch. VIII, XVIII, et XXXIII), et
cette époque et même dans les siècles antérieurs. parait avoir eu souvent Fabius sous les yeux, bien qu'il
IBID. — Snrore regis natus. La tradition suivie par ne le nomme expressement que lorsqu'il diffère des au-
tres (ch. XL). Il n'a pas non plus néglige Pison, qu'il
Denys d'Halicarnasse,et d'après laquelle Tarquinia était
la tante du roi et non pas sa sœur, parait beaucoup plus nomme au ch. XXXII; toutefois dans ce passage il lui
préfère la tradition la plus généralement admise (cf

,
vraisemblable. C'est le seul moyen d'expliquer comment
Sallust. fr. hist. I, ap. Augustin. de Ch'. Dei. Il, 18;
les fils de Brutus étaient à peu près du même dge que
Jugurth.. 51. Cic., de Leg. III, 8, et le Psendo-Messala,
ceux de Tarquin, ainsi qu'on le voit dans l'histoire de la ch.
conspiration.Resterait la dilliculté qui résulte du mot sédition XX. 11 parait que Pison avait transporte à la première
qui s'etait passe dans la deuxième). Tite-Live
jurenis dont Niebuhr n'a pas manqué de tirer parti. Mais le cite ce
encore, ch. xxxm et ch. xxxvn où par les mots
ce mot n'aurait-il pas éte pris par Tite-Live dans le sunt qui il parait, à
méme sens que les Grecs donnaient quelquefois au mot en juger par le chap. LVIII, où Son
celui de fort, nom se
trouve, iouloir désigner cet historien, avec le
et à ses dérivés et récit duquel s'accorde Laurentius Lydus (de Magistr.,
énergique,çrand (voy. Plat., Alcib., I, 2; Plut.,Num. cil. i;
p. 65 et 75).
Ages., ch. XI; cf..les gloses des Héroïques de Philo- II ne cite mille part les historiens plus récents, et c'est
strate, p. 484, éd. de )1. Boissonade; Viger, Idiot., gr.
sans doute pour cela que sa narration a presque partout
p. 115, M. Boissonade sur Micétas, Eugenianus, 185). uue couleur antique. Et en admettait méme qu'il ait
Jurenilis a le sens que les Grecs donnaientau mot consulte Valerius Aulias, et d'autres encore moins an-
dans ces vers de Stace (Silc. I, 4, 50) ciens, il ne parait pas les avoir pris souvent pour guides.
Ipsa etiam ennctos gravi; inclementia fati On peut à cet égard comparer la description de la ba-
Terruit, et subiti prœces juvenite pericli. taille du lac Regrlle (ch. XIX et suiv.) avec celle de Denyss
Hor est ingens præcipitium, ingens periculum. — d'Halicarnasse (VI, u et suiv.), qui dans cet endroit suit
Certes il fallait a Brutus une grande énergie, une grande Gellius et Licinius Macer ( cf. Florus I, 1 I ), et le passage
force d'àme pour se résigner au rôle qu'il soutint jus- de Licinius rapporté par Denys d'Halicarnasse(V, 47)
qu'au moment décisif. Et ce qui semblerait prouver en- et par Pline (H. N., XV 29) avec le récit de Tite-Live
core que Brutus était plus âgé que les fils de Tarquin, (II, 16). De la différence qui existe entre notre historien
c'est qu'il est chargé de les accompagner. Cornes his ad- et Polybe (111, 22), relativement aux consuls de la pre-
ditus. Si le sens proposé pour juvenis était admis, il fau- mière année, difference parfaitement expliquée par
drait placer une virgule après ce mot. Perizonius (de Hep. liom., p. 697 et suiv.) on ne peut
Caàp. LVII. Lanœ dedilam. L'amonr des femmes conclure que Tite-Lite se soit dans ce passage servi
pour les travaux de 1 aiguille était regardé par les an- d'historiens recenls.
ciens comme une grande preuve de sagesse (Anth. Pal., CHAP. II.— Quum nihil aliud offenderit, nomen inrisum
VII, 424); de la les épithètesde (Anth. Pal., VI, ciftatt fuit. Tite-Live dans un autre passage (IV 13 )
247) et (Theoer., Idyll. XXVII, 14). L'épithère donne le même motif à l'abdication de Collatin :« Nomiui
de lani/ira est souvent un sujet d'éloges sur les monu- odio abdicari jussum.. A en juger par le témoignage
ments funéraires. Témoin cette inscription citée par d'Aulu-Gelle ( XV, 29 ), Pison,qui comme Tite-Livee com-
ipon dans ses Mise. Erud. antiq., p. 151. mençait son second livre par l'expulsion des rois, attri-
HIC. SITA. EST. AMVMONE. MARCI. OPTIMA. ET. buait aussi à une trop grande sollicitude pour la liberte
PVLCHERRIMA la haine dont le nom du collègue de Brutus était dev enu
LANIFICA. PIA. PVDICA.FRUGl.CASTA. DOMISEDA l'objet. Suivant d'autres, comme Denys d'Halicarnasse
Voy. Gruter, p. 796, 9. Orelli Inscr, lot. setect. (V, 9 et suiv.), Plutarque (Public., ch. VIII); et Zonaras
ampl. coltect., n° 4,860 p. 554 et 355. Cf. Warton ad (VIL 12), Collatin reste à Rome, et ayant pris la defense
Theocr., loc. cit. Faisteri, de lanificii honore antiquo, de ses parents devenus les ennemis de la republique, il
dans ses Amœnt, philol., t. Il. ch. xvi, p. 104. est mis en accusation,et banni.
CHAP. LIX. — De or6itate Tricrpitini. C'était le surnom loin. Jusjurandum populi recitat. Cette formule
qui désignait la branche de la famille Lucretia, à laquelle était vraisemblablemen beaucoup moins emphatique quo
appartenait Sp. Lucretius, père de Lucrèce. Les autres le serment mis par Voltaire dans la bouche de Brutus
étaient désignees par les surnoms de Cinna, Vespilio, Si dans le sein de Rome il se trouvait un traître
Ofella. Qui regrettàt les rois et qui voulût un maître,
CHAP. LX.- Ex commentariis Servii. Voyez les notes Que le perfide meure au milieu des tourments i
Que sa cendre coupable. abandonnée aux vents.
fur le chapitre XLI. Ne laisse ici qu'un nom plus odieux eucore
Que le nom des tyrans que Rome entiere abhorre.
VOLTAIRE, Brutus, act. 1, sc. II.
CHAP. 111. Libertatem aliorum in suam vertisse duite des armées, ou par leur prudence dans les couseils,
servitutem. Justin, V, 10: Quasi vero aliorum liber- ou par leur vigilance dans les fonctions de la magistra-
tas, sua servitus esset. » ture, ou par d'autres services rendus a la république.
Est-il donc entre nom rien de plus despotique recevaient après leur mort le tribut qui leur etait dû,
Que l'esprit d'un état qui passe en république? soit qu'ils fussent morts en combattant pour la patrie,
V as lois sont vos tyrans leur barbare rigueur soit qu'une fin naturelle et paisible eut termineIcur v ie..
Devient sourde au mérite au sang, à la faveur;
CHAP. VII. In summa T'elia. Vélia était une colline
Le sénat vous opprime, et le peuple vous brave;
Il faut eu faire cr,uudre, ou ramper leur esclave. dans le voisinage du mont Palatin, et qui dominait
le forum. Voy. Donat., Vet. Ront., Il, 16; Nardini, V, 4, 5
Je sais hen que la cour, Seigneur, a ses naufrages; et Adler's Reschreibungnoms, p. 245. Denys d'Hal, 1, 3,
Mais ses jours sont plus bcanx son ciel a moins d'orages. fait dériver ce mot du grec marais et dit qu'en vieux
Souvent la libertédont ou se vante ailleurs, langage on appelait helies ou vélies les endr oits mareca-
Etale auprès d'un roi ses dons les plus flatteurs.
Il récompense, il aime, il prévient les services
geux. Mais cette étymologie ne saurait convenir, puisqu'il
s'agit d'un lieu elevé. Varron, de Ling. lat., IV, 8, en
La gloii e auprès de lui ne fuit pomt les délrces.
Annn du souveram de ses rayons couvert, donne une autre qui ne parait guère plus vraisemblable.
Vous ne servez qu'un mettre et le reste vous sert. Suivant lui, le mot Vélie vieut de ce qu'avant l'usage de
tondre les troupeaux, les bergers conduisaient leurs
Nous ne redoutons rien d'un sénat trop jaloux, moutons sur cette émineuce pour leur arraeh' r (rellere)
Ia les sévères lois se tdisent devant nous. la laine (vellus). 1. Nous verrons plm bas, liv.VI, ch. xi,
VOLTAIRE, Brutus, acl. II, sc. II. que !llanlius fut surtout soupçonné d'aspirer à la ty rannie
CHAP. V. Insulam deinde pulatim. factam. C'est pour avoir bâti sa maison sur le mont Capitolin.
l'ile qu'on voit aulourd'huidans la partie du Tihre qui se Plutarque, Vie de Publicola, ch. x, dit qu'il fit en-
detourné vers l'Orient, entre le Champ de Mars et le lever les haches des faisceaux de ses licteurs, et que dans
Janicule. Elle fut consacree à Esculape, qui y avait un les as,emblees il faisait déposer ces mêmes faisceau% aux
temple célèbre, sur l'emplacement duquel s'éleve au- pieds du peuple. Cet usage était encore observé par les
Iourd'hui l'Cglise de Saint-Barthelemy. consuls a l'époque où Plutarque écriv ait.
IBID. — Eminenteanimo patrio. elc. Plutarque (Vie IBID. — Ubi nunc Vicœpotœ est. Scilicet œdes; el-
de Publicola, c. vd et Denys d'Ha)., V, 8, racontent lipse dont Horace nous offre aussi un exemple Ventum
que les traits de Brutus restèrent immobiles pendant erat ad Vestae (Sernt., 1, ix, 35). La victoire était appclee
l'cxecution de ses fils. La tradition suivie par Tite-Live Vicapota a vincendo et potiundo. Voy. Cic. de Leg. Il,
est év idemment plus honorable pour le fondateur de la 11, et Sénec., Apocol.
liberté romaine.

,
CHAP. VIII. — Postem jam tenenti. « Postem teneri in
IBID. Vindicta liberatus. La vindicte étaitune baguette
— dedicatione opportere videor audisse templi ibi enim
que le licteur, ou plutôt le pretenr plaçait trois ou quatre « postis est ubitempliaditus et valvæ. » Cic., pro Domo, 46.

.
fois sur la tete de l'esclave qui devait être affranchi, en
IBID. — Efferri juberet. Efferre et en grec
pronouçantces paroles Je dis quecet homme est libre designent souvent d'une
et citoyen romain. » Cet affranchissement, par la vindicte, maniere spéciale l'action d'enle-
les morts pour leur donner la sépulture. On dit dans
donnait non-seulement la li berté, mais aussi le droit de cite. ver
le même sens en grec et en latin exportart.
CnAp. VI. — Ne se ortum ejusdem sanguinis, etc. On Voyez les notes de M. Boissonade sur les Heroïques de
ne peut se le dissimuler, les raisons mises en avant Philostrate, p. 431, 432 M. Longueville sur le Pane-
par'l'arquin sont assez peu persuasives. Denys d'ltal., gyrique d'Isocrate, p. et le Nouveau Tresor de la
V, 4, lui prete un langage beaucoup plus habile. Voyez languc grecque, vol. III, p. C.
Ileyne, Opusc. Acad., t. IV, p. 291 et suiv.

, Aµ
Publicola, ch. ix, la bataille fut livree
rd

faut-il Itre "A.



, CHAP. IX. — Salis quoque vendendi arbitrum. Ce fait
Ciiip. VII. — Ea silva Arsia. Valère-Maxime,I, VIII, 5, et celui qui procède detaient avoir ete empruntes aux
a suivi cette tradition; mais suivant Plutarque, Vie de annalcs, dans lesquelles de pareils documents trouvaient

µO
Iv particulièrement leur place, ainsi que nous l'apprend
Ces Caton (Origin., IV apud A. Gell., II, 28
deux noms paraissent corrompus.Peut-étre au lieu d'oûpaov scribere, quod in tabula apud pontilicem maximum est,
Quant à la prairie Esuvienne, c'est qu oliens annona cara, quotiens lunœ aut solis lumini
« non lubet

sans doute la meme que la prairie Julienne, où Denys calif;o autquid obsliterit.. Le sel dont il s'agit protenait
d'Halic., V, 5, place le lieu du combat, près d'un bois des salinesqu'Ancus Martius avait etablies à Ostre (1, 33).
ronsacreau héros Iloratus. Voy. Cluver., ltal. Ant., III, CHAP. X. Incolumis ad suos tranavit. Polybe (VI,
2, p. 81.8.

.
55) en racontant ce fait, pour prouver jusqu'à quel point
IBID. Collegœ funus, quanto tum potuit appa- les Romains portaient le dévouement a la patrie, sem.
ratu fecit. Plutarque, Vie de Publicola, ch. x, dit ble luire mourir Horatius Coclés
que Valérius prononça, dans cette circonstance, l'orai- Niebuhr en conclut que tout ce récit n'a au-
to funèbre de son collègue, et que de là date l'usage de cun fondement historique et n'est autre chose qu'un epi-
louer publiquement les grands hommes après leur mort. sode de ces prétendus poèmes dont il fait l'unique sourco
Les Crecs, dit Rolliu, n'accordaient l'honneur de ce de l'histoireromaine. Mais de bonne foi peut-on tirer
panegyrique qu'aux guerriers morts pour la défense de une part illedeductionde cette divergence, qui vient peut-
la patrie. Quelque estime que les Romains fissent de la être de ce que Polybe, pour donner plus de force à
valeur, ce n'était pas le seul genre de mérite qu'ils ju- l'exemple qu'il citait, altérait avec intention l'acte de
geassent dignes de leurs eloges. Tous les grands hommes devouement du héros romain et ne croyait pas neces-
qui s'etaient distiugues ou par leur habileté dans la con- bare d'ajouter ce qu'il était devenu, puisque c'eût (té
diminuer l'emotion qu'il voulait produire? D'ailleurs, des était impossible que Rome ait pu être réduite à la famine

µ et
termes employéspar Polybe, il ne résulte pas rigoureu-
sement qu'Horatius trouva la mort dans le Tibre; car,
connue l'a fort bien remarque Schweighaeuser xara
peut se dire également et de ce-
lui t,ui periculo sponte suscel la
q um morti se le tinassel, in olumis tamen evadit.
de celui qui
par un ennemi qui n'était campé que sur le Janicule,
lors même qu'il eût été maitre du tleuve. Aussi les anna-
listes imaginèrent-ils des excursions sur la rive gauc e.
et pour obvicr à l'inconvénient qui résultai, de l' bsence
des faits, en même temps que pour honorer leurs ance-
tres, ils inventerent un stratagème de s consuls pour atti-
rer les Elrusques es leur faite epro ver une grande
Tite-Live semble avoirprévules douts que provoque-
perte. » Qu'on elise attentivement le chapitre XI et l'on
rait cet acte her "que juand il ajoute « Rem a sus plus
se convainc ra jus m'a quel p oint cette critique est peu
f mæ h. bituram ad posteros quam lidci. Tel est au si fondée. Ou Niel uhr voit-il que l'oraenna n'était campé
le sentument de Florus, qui éteii cette reflevion aux epi-
que sur le Jaircu e? 1'ite-Livedit pré cisement le con-
so.!e. de Macius Scévola et de Clélie « Tune illa Ro- traire « Prasidro in Jauiculo localo, il se in pla io ri-
mana prodigia atque miracula, Il ralius, Mucius, Cle- « pisque 7'ibrris roi'ra posuit. » Dominaut Rome du
lia 1 uæ nisi in annalibus forent, hodie fabulæ vide- Janicute, établi dans la plaine et sur l'une et l'autre rive,
rentur. » 1 l\'est-il pas evident que par ces mots, in an-
Porsenna était maître de la campagne et du filme; il
natibus, il s'agit des grandes anna!es? car la mention de pouvait donc fa ilement affamer la ville. Il aut vraiment
ces trois personnages dans les annales des histm iens
postérieurs ne serait pas aux yeux de Florus une preuve un besoin imperieux de destructionpour voir une créa-
tion poétique dans tout cela.
d'authenlicitesuffisante.
On s'etonne ilue d'une pareillevariante et de quelque CHAP. XII. — adolescens tto6ilis, etc.
Ouum C. Mucius
autres qui n'ont pas plus d'importance, eu ce qu elle s ne La famille Mucia était plebeienne, puisqu'au 4e siècle un
touchent p au fond du récit, ou tire cette conséquence, P. Mucius e t tribun du peuple; or, C. Mucius Sca;vnla
que toute l'histoire de la guerre de Porseuna offre le ca- est patricien dans le récit de Denys d'ilalicarnasse,noble
ractère d'une épopee, ou a d'ahord eu cette forme, et dans celui de Tite-Live donc toute cette histoire est
q- c par conséquent tous les acteurs du drame sont ima- une pure invention des poëtes romains. Tel est le raison-
ginaires. Mais alors comment expliquer la statue éle%ee nement de Niebuhr, et après lui de M. Michelet. Mais qui
à Horati s Coclès dans le Comice, puis transporteeplus proie que a lamille Dlucia ai toujours ete pleheienne?
tard daus le Vulcanal (A Gell., IV, 5. Plut. Publ. xm, et Niebuhr lui-meme reconnaît dans un antre passage de
Anr.Victorde Vir illustr., ch. XI), et qu'ou voyait encore son livre t. II, p. 56 de la trad. fr.) qu'il eut à Kome
à Rome du temys de Pline (XXXV, S ou 13,? Serait-ce des familles qui renoncèrent librement au patriciat et qui
aussi une fiction poétique? devinrent pleheiennes. Pourquoi les Mucii n'auraient-ils
IBID. Aqri qua tum uno die circumararit, datum. pas été dans ce cas?
Nie schr f it remarquer qu'on aurait rendu Ilnralius IBID. —Trerenti conjurarimus prinripes juventutis.
bien rich, puisqu'ou lui aurait dunné environ une lieue Niebuhr est encore arrête par ce nombre de trois rents
carrée, et qu' lors la rep iblique n'avait ni la pos ibilité, qui, dit-il, revient toujours partout où se retrouvent les
ni même la volonté de faire de pareilles donation. Qu 1- anciens poèmes. M. Michekt. sans doute pour juslitier
qnes interprètes. frappés de cette considération, out eu- cette observation de sou devancier, fait remarquer que
tendu circumaravit des détour que fait la charrue pour lfucius commence par confier son secret au sénat, c'est-
tracer les sillons. Mais cette interpretation est évidem- à-dire à trois ces ts per sonnes. Ce nombre est sans doute
ment forcée, et on répond avec raison que la recom- aux y ux des critiques un nombre purement symbolique.
pense nat onale se serait bornée aunarpeutdeterre « ju- Soit mais qu'on e-t tire cette conséquence que partout
gum vocabatur quod uno jugu houm in die e arari où ou le rencontre on doit reconnaître les traces d'un
pussent. » (l'line, Hist. Nat. XVIII, 3.) Mais faut-il poeme, c'est ce qu'on ne pent admettre. En raisonnant
donc prétendre ouver dans des traditions de ce gerercune ainsi il faudra elimiuer de l'histoire grecq e l'épisode de
exact tude bien rigoureuse ? Quelle qu'ait ete l'étendue Leonidas a cause des trois cents Sp artiates, eflacer des
de terrain accordée à Horatius ( oclcs, il est cunstautqq e annales de Thebes toule la période d'Epamiondas parce
son aciion, attestée par un monument public, méritait que le bataillon sacre se composail de trois cents
une récompense nationale, et que l'usage de déterminer hommes. Coujecture pour conjecture j'aimerais mieux
par le billon d'une charrue, par la course d'un cheval, croire que quelque temps avant l'expulsion des Tarquin,
d'un âne, etc., les limites des concessionsde ce genre se

µ µ );
il s'etait orgamse Home une hetairie, a l'exemple de
rencontre en Asie du temp. d'Herodote( IV, 7 l'hélairie pythagoricieune, alors dans toute sa force, et
th et rovro, if eu que cette societe secrete, dont les dangers de la pairie
France sous les rois Francs et sous Charlemagne dans entretenaient la ferveur, ava t cuuliea Scevola la mi-siou
les mythes scandinaves,dans les romances turques, etc. dont il s'acquitta avec tant de dévouement et de courage.
Voyez Jacot) Grimm, Deuische Rochts Alterthumer,
t
p. 86 suiv.; M. Michelet, Origines du droit français
p. 77 et suiv.; Niebulur, Hist. rorn., 1.1, p. 603. C'est le
Si cette conjecture est fondée, comme je suis porte a le
croire, on s'expliqueraitsans peine que le toi étrusque.
qui peut-être déjà a cette époque avait imposte à Kome
meme procédé qu'on employait pour tracer les limtes le traite onereux dont parlent Pline et Tacite, 1 t sur le quel
des villes (Verr-us, Fldecus sub voc. Primigeniussulcus, Tite-Live, faute d'av. ir connu ce monument, ou dans
p. 95, Egger, Varron, L. L., V, 145, Egger). C'est ainsi l'aveuglement de son patriotisme, g rde un silence
que Itomulus, dius la tradition, trace le pomœrium absolu ait cet é a la crainte d'un danger qui menaçait
(Plu arque, Rom., ch. n.)
sa vie à tous les instants, et préfere avoir, dans un
CHAP. XI. — Finisque illa tam effuse evagandi Etruscis peuple aussi jaloux de sou indep udance, plutôt des
fuit. Les poètes, dit Niebuhr (t. I. p. 604; t. II, p. amis que des sujets. Ce serait encore uue preuve eu fa-
352 de la tr. fr.), n'avaient pas fait attention a ce qu il veur de l'authenticité de cette époque de l'histoire ro-
maine. Ce qu'il y a de constaut, c'est que l'influence soit incontestable,et pour ma part je le regarde comme
de la société pythagoricienne se répandit et te maintint

,
tel, il n'est pas impossible de le concilier avec la traditiuu
longtemps eu Italie en Grèce et même en Asie-Mi- suivie par Tite-Live. ou plutôt de reconstituerl'histoire
neure. On peut a cet égard lire ma dissertation sur une de cette époque à l'aide de ces données en apparencesi
inscription de Délos. (Erped. de Moree, t. III, p. 24 et opposées l'une à l'antre. Essayonsde le faire.
suiv., 1 t. II, p. 110 et suiv. du tirage à part.) Rome expulse les Tnrquins. Porsenna pred en main
CHAP. XIII. Cognomen inditum. De leur défense et ment avec une armée nombreuse tenter
d'où
Scœvus avec l'inserlion du digamma. L'etymologie du de les retablir. Il occupe Idanicule, po ition imp rtante
mot Scœrola, donnee par Varron (LL, VII, 95, p. 113, d'un il domine tous les mouvements de ses ennemis, et.
Egger) ne se rapporte pas, comme parait le penser malgre le dévouement d'Horatius Coclès, malgré e succès
peut-être exageré des consuls Herminins et Vilérius, if

, T , ,µ
Niebuhr, au surnom des Mucius, mais est présentée par
le savant Romain à l'occasion du mot obscanus, qu'il parvient à penétrerdans Rome et A s'en rendre martre,

(
rapproche, on no sait trop pourquoi, de srœvus et scœ- sans toutefois pouvoirs'emparerde la citadelle, qu'il doit
rola, sorte d'amulette obscène qu'on suspendait au cou se conten er de tenir biloquée. Dans cet.e circonstance, il
des enfants pour détourner les maléfices. oblige tous les habitants de la vil e à lui livrer leurs
armes, comme on peut le conjecturerd'après un passage
IBID. — Ut taris contiditiones ultro ferret. Tite-Live de Denys d'Halicarnasse
pirait avoir ignoré completement que le traité en ques- rn
tion avait éte imposé à Rome par Porsenna, à la suite V, 65, p. 3z9, C.). 11 devieut même dangereux de con-
d'une vict are qui avait rendu les Etrusques maitres de server le stylet dont on faisait usage pour e, rire. En igne
limue, fait important sur lequel ne peuvent laisser aucun de soumi-sion le sénat lui envoie un tron· d' voire et les
doute les deux passages suivants que Beaufort a cités le unsignes de la dignité royale 1 Den. d'II il., V, 33, p. 3 3.
premier. D.). Tou efois, le roié rusque ne croit pas devoir s'etab ir
« In fœdere qnod, expulsis regibus, populo romano dans Rome, dont le sej.mr est dangereux pour lui tant
dédit Porseuna, nomimatim comprehensum inveuimus, que le Capitolen'est pas en son pouvoir Il resle dans son
« ne ferro uisi in agri cultura uterentur. Et stylo scr ibere camp de t'autre côté du 'l ibre, et pour s'assurer de la
« intutum, ut vetustissimi auctores prudiderunt. tranquillité des Romains, il àe fait donner des tages.
l'line. H. N., XXXIV, 39. Du reste, Porsenna oublie completement 1 motit qui
Sede Jovis optimi maximi quam non Porsenna, de- lui a fait commencer la guerre il ne retablit pas es
« dita urbe, neque Galli capta temerare potuisseut.. Tarqums et nesonge qu'à accroitre sa puissance au moyen
Tacite, Hist., III, 72. de territoires qu'd se f-it ceder. Son lits Aruns est meme
Est-il vrai, comme l'a prétendu Beaufort, et, comme chargé par lui d'aller soumettre Aricie qui, par sa position
l'ont repete apreslui, MM.M icali, Wachsnmth et d'autres, inevpugnable,était alors, comme le remarq ejudicieu-
que le traité dont parle l'line existait encore du temps de sement Niebuhr, la principale ville du Latium, et que
cet auteur? Le passage même que nous venons de citer ponr ce n otif il %eut ajouter a ses états.
permet d'elever des doutes à cet égard. En efftt, Pline Mais Aruns échoue dans cette tentative, l'armée
ne parait y faire allusion que sur la foi de très-anciens étrusque est battue. A cette nouvelle, dont Rome doit
auteurs, u' vetuslissimi auctores prodiderunt; d'oill'oo peut-être la connaissance à la courageuse fuite de Clélie,
peut conclure qu'd n'avait pas le monument lui-meme 1 un des otages livres à Porsenna, unsocieté secrète,
sous les Neux. (.c·li pose, on peut se demauder quels formée pendant les dermères annees de la tyrannte, et
étaient les auteurs qui lui avaient fourni un renseignement dont les dangers publics ont ressel ré les liens, se reunit
auss curieux Ce n'etait certes ni Fabius, ni Pison, maigre la surveillance des vainqueurs. C. Mueius, l'un
que Tite-Live a consultes en cet endroit, ni Hemina de ses membres, est desiguë pur sauver la patrie. Il
dont le recit s accordait avec celui de Tite-Live (voy. le echoue; mais sa fermeté he olque, ses révélations ef-
fragment sur Scævola dans llonius, au mot censere), et frayantes changent les sentiments de Porsenna, qui ne
que Pline (XIII, 13 XXIX, frequalifie d'auteurtres an- peut envisager sans terreur le due opiniatre dont il est
cien, bien qu'il fut postérieurà Fabius et à Pison. Peut- menacé. D'ailleurs, son armée est atfaiblie par la défaite
ètre était ce Cincus et Acilius, Cincius surtout, qui pous- d'Aruns; le Capitolerésiste toujours, s, et s'opiuiàtrer a as-
sait si loin exactitude et qui avait eu recours aux an- servir un peu, le si jaloux de sa liberté, un peuple où les
cens traités pour la red. ction de son histoire (voy. p. femmes elles-mêmes montrent tant de courage et de la-
7b9, cul. I). Quoi qu'il en soit, il est évident que si la triotisme, c'est peut-etre vouloir préparer sa ruine. Il se
vérité a été atteree en cet endroit, ce n'est pas à notre retire donc, se contenant des territoires dont il avait
auteur qu il taut s'en prendre, mais à ses devanciers. précedeinment obtenu l'abandou, et, par là. le traite
D'ailleurs le passage de Pline et celui de Tacite ne sont dont par le Pline se trouve aboli.
p' s completement d'accord. Suivant l'un Rome aurait Ces conjectures, comme on le voit, s'écartest peu du
essayé une defaite qui lui aurait fnit perdre l'autonomie; récit de Tite-Live et chanueut seulement l'ordre de
suivant l'autre, elle aurait bien été obligée de se quelques faits Elles expliquent comment l'orguei nationa
rcn ro mais le Capitole, c'est-a-dire la citadelle, serait, a pu passer sous silence, sans trop alterer la verite hisio-
comme à l'époque des Gaulois, restée au pouvoir des ri-lu-, une occupation qui ne fut pas complète, et un
Romains; car, malgre toutes les subtilités de lniebuhi- traitéqui ne dut recevoir qu'une exécution momentanée
pour mudilier le sens du pas age de Tacite, on ne peut elles font comprendreenfin comment Rome se vit altran-
en admettre aucm e autre interprétation. ebie de la domination éirangère sans recourir, ainsi que
Amsi le fiit lui-meme de la prise de Itome par les le suppose Niebuhr, à une insurrection sur laquelle les
Etrusques pourrait, d'après les principes de Niebuhr, historiens se seraient tus, on ne voit trop pour quel mo-
laisser des doutes, puisque les textes qui le constatent tif, puisqu'elle eut clé un titre de gloire.
presentent des contradictionb. Mais, en admettant qu'il Quelques cerviains, pour expliquer le silenoe de Trie-
Live sur le traite Imposé à Rome par Porsenna, ont CHAP. XV. P. Lucretius inde et P. l'alerius Publi-
supposé qu'il avait été trouvé postérieurement à Clu- rola consules lacti. Tite-Live parait s'être trompé-
sium. Mais cette supposition parait purement gratuite. D'après les fastes consulaires (Denys d'Hat., V, 21; Cas
siodore, etc.), les deux consuls de cette année furent
CHAP. XIII. — Quœ postea sunt Mucia rata appellata.
M. HoratiusPulvillus, pour la seconde fois, et P. Vale-
Suivant une autre tradition rapporté par Denys d'Hali-
rius Puhlicola.
carnasse (V, 33, p. 303, D.), on lui aurait accorde au dela
du libre, la mimr étendue de terrain qu'à Horatius IBID. — Agrum Veientem restiluit. Niebuhr ne croit
Coclès. Le récit de Tite-Live n'offre ici aucuu caractère pas à cette restitution, « parce que, dit-il, an temps des
d'exagération. decemvirs on etait si loin d'avoir récupère les cantons
IBID. — Fe mince quoque ad publica derora excitatœ. Il étrusques que le Tibre était la limite du territoire ro-
est difficile d'admettre que la fuite de Clelie ait eu un main.
pareil motif. La conjecture que j'ai proposée plus haut, Ciup. XVI. Consules M. Valerius, P. Postnmius.
bien qu'elle intervertissel'ordre des faits, est, je crois, Tite-Live omet ici les consuls de l'an de Rome 248 (av.
plus vraisemblable. Il parait d'ailleurs que les historiens J.-C. 505). Ce furent Sp. Lartius et T. Herminius.
romains n'étaient pasd'accordsur cet épisode. Tite Live
IBID. — Attus Clausus cui postea Ap. Claudio fuit
a suivi la tradition la plus généralement reçue, et qu'il Romœ nomen. L'empereur Claude prétendait descendre
avait retrouvée dans Pison, avec lequel il dilfère seule- de cet Attus Clausus.. Majores mei, quorum antiquissi-
ment en ce point que ce dernier faisait elevcr une statue
mus Clausns,origine sabina simul in civitatem ronia-
à CIelie par les otages eux-mêmes (Plin., H. N.. XXX1V,
13). Lu autre récit qu'avait suivi Anni s Fetialis (Plin., « nam et in familiaspatriciorum ascitus, hortantur..
ibid.), et que Plutarque reproduit (de mul. Virt., XX), Tac., Ann., XI 24.
Virgile (Æn.. VII, 706) fait remonter l'origine de
faisait surprendre les otages par Tarquin, au moment où
cette famille puissante jusqu'au temps de l'arrivce d'I?nee
on les amenait dans le camp étrusque, et tous étaient
tués, à l'exception de Valéria, fille du consul Publicola, en Italie
qui regagnait Rome. Pour concilier cette tradition aiec Ecce Sabinortimprisco de sanguine magnum
la première, il faut supposerque, parmi les otages qui ac- Agmen agens Clausus. magnique ipse agminis instar,
Claudia nunc a quo diffunduntet tribus et gens
compagnèrentClelie, se trouvait une Valeria, qui devint Per Latium, postquam in partem data Roma Sabinis.
dans les mémoires de sa famille l'neroïne de l'aventure;
mais cette substitution de noms, qui trouva peut-etre CHAP. XVII. — Sub rorona venierunt. Cette lontion
quelque créance chez certains historiens amis des l'ale- vient, suivant les uns, de ce que les prisonnier s de guerre,
rii, beaucoup plus puissants que les Cluilii, ne put pré- au moment de la vente, portaient une couronne sur la
valoir sur la \eritab)e tradition, et la gloired'un généreux tete; suivant d'autres, les soldats préposes i leur garde
dévouement resta à Clelie. J'insiste sur ce point, parce les entouraient comme d'une couronne. Aulu Gelle, qui
qu'on en peut déduise cette conséquence,que les falsifi- rapporte ces deux explications (VII, 4), regarde 1a pre-
cationshistoriques dont se rendaient coupables les familles mière comme la seule admissible.
avaient peut-être moins d'inconvenient qu'on ne l'a pré- IBID. — Oppidum dirutum. Denys d'Halicarnasse no
tendu en effet, il était bien difficile qu'elles n'eussent pas fait pas mention de cette guerre, qu'il remplace par une
lieu au préjudice de quelque autre race illustre, dont victoire de Cassius sur les Sabins et par d'autres evene-
l'energique protostation éclairait l'opinion et retablissait ments que Tite-Live passe sous silence; et comme
la vérité. d'aillcurs il est encore question au chapitre XXII, comme
CHAP. XIV. — Proximum vero est ex iis, quœ tradun- au chapitre XVI, de trois cents otages livres par Cora et
tur. Il est à regretter que Tite-Live ne nous ait pas rait Pomcria; au chapitre XXV, de la prise de cette dernière
connaitretoutes les traditions qui existaient de son temps ville qui certes n'avait pu relever ses murailles en aussi
sur l'usage symboliquede vendre les biens du roi Pursenna p·u de temps, et enfin, au chapitre XXVI, d'une guerre
toutes le. fois qu'on mi Hait des biens à l'encan car on contre les Aurunces, terminée par un seul combat;
ne saurait se contenter de l'explicationqu'il donne connue Drakcnborch dont Niebuhr exploite les idees sans le
la plus vraisemblable. Niebuhr, comme nous l'avons deja nom ner, conjecture avec bemcoup de p ohal ilité que
vu, tranche la difficulte en supposant une insurrection '1 ile-Live fait deux guerres de ce qui n'en était qu'une
oui affranchit Rome de la domination etrangère. Mais senle, placee, il est vrai, à des dates differentes dans dif-
cette supposition e.st lturemcnt arbitraire. Pour moi, je ferents historiens. \o)ez M. Lachman, de Fontibus Titi-
serais porte à croire que toutes les conditions imposées Lü ii. § 47. Du reste, en disposant dans un ordre diffe-
par Porsenna aux Romains n'avaient pas été remplies; relit, comme j'ai essaieé de le faireplus haut (p.79I, col. 2),
qu'une partie des contributions d'objets de toute espace, les laits rapportes par Tite Live, on trouvera qu'il est
frappées par lui sur les vaincus, n'avait pu etre fournie d'accord avec Denys. Cf. de la Curne de Sainte-Palaye,
et livree immédiatement, et que, se trouvant disponible Mem. de l'Acd. des inscr., t. VIII, p. 565 et suiv.
au moment ou le roi etrus que se décida brusquementa la Cmr. XVIII. Dictatoris primum creandi mentio
retraite, on prit le parti d'en faire la vente pour eviter un orta. Quelques auteurs ont blâme les Romains d'avoir
pillage. Quant la persistance de cet usage, elles'explique
créé la
«
dictature. Ils ont prétendu que cette m gislra-
par le désir bien uaturel d'effarer le souvenir d'une rle- ture avait jeté dans Rome les fondements de la hrannie,
laite, en ne rappelant que la dernière scène d'un drame puisque le premier qui la subjugua se servit du titre de
qui eu definitive s'était dénoue à la honte du vainqueur.
dictateur, et que, sans ce titre fatal, César n'aurait pu
IBID. — Tuscum vicum appellarunt. Varron ( L. L., trouver aucun nom honnête pour couvrir son usurpation.
V, 46) et Tacite (.tnn., IV, 63) font remonter l'origine Cette opinion, avancée sans examen, a été reçuesans rai-
de ce nom à l'etablissement de Ca lius Vicnna. oy ez la son. Ce ne fut ni le nom ni le pouvoir du dictateurqui mi-
uutc de )1. Eournouf sur Tacite (toc. cil.). rent Rome aux fers ce fut l'autorite usurpée par quelques
eitovens p )ur se perpetuer dans le commandement, et, rils pressants ne peuvent recourir à un dictateur, ou à
à def.mt du titre de dictateur, leur ambition en eut pris tel semblable magistrat, doivent périr infailliblement.
tout atit-p car c'est la force qui donne les titres et non »
Il est bon de remarquer avec quelle sagesse les Ro-
le, tilreç qui donnent la force. mains procédaient il la non ination d'un dictateur. Comme
» In effet, la dictature produisit toujours les plus celte nomination avait quelque chose de désagréable pour
grands biens, tant qu'obtenue par les voies ordinaires, les consuls, qui, de chefs de l'état, rentraient tout d'un
elle ne fut point la proie des particuliers qui osèrent coup dans l'obéissance comme les autres citoyens, on
l'envahir. Les magistratures dangereuses dans un etat, sentit que ce deplaisir pouvait indigner leur orgueil;
et l'autorite destruetive ne sout pas celles qui s'acquièrent Home voulut, pour les consoler, qu'ils nommassent eux-
par des moyens ordinaires, mais celles qui s'obtiennent mêmes le dictateur, persuadee que, dans le peril, quand
par des voies illegitimes. Cet ordre de choses fut constant on serait obi gé de recourir a cette puissance royale, ils
à Rome, oit, pendant un temps considérable,on ne Nit auraient moins de répugnance à s'y determiuer. Le mal
pas un dictateur qui ne rendit les plus grands services. qu'on se fait à soi-même volontairement et par choix est
Les raisons en sont évidentes. infiniment moms douloureux que celui qu'on reçoit des
Pour qu'un citoyen soit en état de nuire et de s'em- autres. Encore dan, les derniers temps, les Romains, au
parer d'un pouvoir eitraoi-dinaire, il a besoin d'un cou- lieu de no mer un dicta eur, en confièrent toute l'auto-
cours de qualités qui ne se rencontrent pas dans une ré- rité à l'un des consuls; ce que le sénat faisait en ces
publique non encore corrompue, Il doit être fort riche, termes Que le consul prenne garde que la republique
et disposer d'une puissante faction mais il n'y a point de ne souffie aucun dommage. » MACHIAVEL, ouvr. cit.,
faction lorsque les lois sont en vigueur. Quand il y en livre I, ch. xxxiv, t. I, p. 289 et suiv.
aurait uue, des hommes de cette nature paraissent si
angereux i1 tout le monde, qu'ils ne peuvent jamais CHAP. XVIII. — Nec quis primumdictator creatus sit
espérer de réunir des suffrages libres. D'ailleurs le dicta- satis constat. Suivant les auteurs les plus anciens, comme
teur n'etait qu'à temps, et sa commission finissait avec nous l'apprend Tite-Live, le premier dictateur ur avait etc
l'affaire pour laquelle on l'avait créé. S'il avait le pouvoir T. Lartius, nommel'an de Rome253; taudis que d'autres,
de prendre seul les mesures qui lui paraissaient le plus plaçant dans la même année la création de cette magis-
convenables pour écarter le danger present; s'il otdou- trature, pretendaient qu'elle avait été conflce à aleriuv
uait sans prendre conseil, et s'il punissait sans appel, (cf. l'estus s. v. optima lex; Hieronym. chron., p. 3t,
Scal. et l'aul. Diac., I, 16; ce deruier desigu0e aussi
tout ce qui pouvait nuire veritablementà l'etat, comme
de diminuer l'autorité du senat ou celle du peuple, de Sp. Cassius comme général de la cavalerie). Cependant,
changer l'anctenne constitution ou d'en établir une nou- quelques lignes plus bas, Tite-Livequalifie Lartiusrtius de
velle, tout cela pass sit son pouvoir. Le peu de dmée de
caosulaire, titre qu'il n devait porter qne dans les his-
toriens qui plaçaicnt sa dictature en 256 (voyez Denys
sa commission, les bornes circonscrites à son autorité, et
plus que tout cela, l'empire des mœurs, le mettaient d'tialicarnasse, V, 71 et suiv., et comparez le p ssage de
dans l'heureuse impuissance de s'ecarter de son devoir Varron, cite par Macrobe, Sal. I, 8, avec le ch. XXI de
Tite-Live). Pent-etre tre faut-il voir encore là une 1 reuve de
et de porter atteinte à la liberte. L'expérience fait voir
qu'au contraire elle en tira les plus grands secours. ces confisions d dates, auxquelles notre auteur s'est
laissé entrainer par des autorites contradictoires, dont
» Et certes, parmi les etablissements de la sagesse ro-
maine, la dit tature doit etre regardee comme un de ceuv il a accepte inditferemment les témoignages, sans cher
qui contribuèrent le plus a l'elevation de ce grand em- cher à les concilier.
pire. Sans uu établi sement de cette nature, un état ne IBID. — Consulares legere. Drakenborch a pris a tort
peut resister à des secousses imprevues. Car un seul consulares comme sujet, et non comme complement du
homme,un seul magistrat ne peut pas tout faire dans une verbe legere. MM. Dureau de la Malle et Lieront partage
republique; et, tandis qu'on s'empresse de reunir tant due cette erreur, que l'auteur de ces notes n a p s evitee dans
volontes differentes, taudis que chacun se sent arrete par si traduction de ce livre, mais qu'il reconnart n aintenar t.
le besoin qu'il a des autres, le temps se perd la lenteur C'étaient, commeon l'a prouve, les consuls en charge, et
des mouvements ordinairesempêche le secours d'arriver non tous les personnages consulaires, qui nommaient le
à temls, et ces remèdes tardifs sont tres-dangereur dictateur. Leur choix devait porter sur dt personnages
pour un mal qui en demandait de plus prompls. consulaires ainsi qu il résulte du rapprochomontde ci s
Il suit de la que tous les états doivent avoir un pareil deux passages de Tite-Live: Consulares eslegere et Lom igis
étal lissement. La republique deVonise, es.in ce sage entre add«cor (et non pas abducor) tel credam Larlmm, qui
les republiques modernes, a reservé a un petit nombre de consularis erat, potiusquam M. V alcrium. gni nondum
citovens un pouvoir qui, dans les besoins pressants, les consul fuerat moderatorem et magistrum consulibus ap-
autori c a s'accorder promptement ensemble; car, sans positum. Niebuhr (t, 1, p. t. II, p. 361 et
un pouvoir decelte nature, il taut perdre l'etat en suivant suiv. dc la tr. tr.) a prétendu que le dictateur etait nomme
les voies ordinaires, ou s'en écarter pour le samer. Mais, par le seuat et confirme par le populus, c'est-a-d're, sui-
dans une république bien constituée, il ne doit subvenu' vant lui, par les patriciens; mais M. Poirson, dans une
aucun accident auquel on ne puisse remedier que par savante dissertation (voyez Rerue Francarse, t. II,
des mo\ens extraordinaires. Les moyens extraordina res 2e livraison), a, par le rapprochement et l'examen ap-
peuvent operer le bien pour le moment; mais le mauvais pro !ondi de tous les textes relatifs à cette in portante
exemple laisse un mal reel, et 1 habitude que l'on pi cnd question, prouve que cette assertion était comple ement
de s'écarter des voies ordinaires pour le bien autorise erronce. Nous croyons devor reproduire ici 1 s resultats
daus la suite à s'en écarter pour le mal. Une republique de cette interessante diseussion parce qu'elle a jete un jour,
est donc imparfaite lorsque les lois n'ont pas tout prevn, nouveau sur un point de l'organisation romaine, qui
prepare tous lesremèdes, donne la manière de les appli- jusqu'à present n'avaiit pas ete completementeclairci.
quer. Et je conclus que les republiques que. d lits les pe o I° Il ne Il,
pendait pas des consuls qu'un d clateur fût
créé. S'il eu eût été ainai les consuls auraient pu impo- Tlte-Live, supposaient entre le oombat et l'année 239 un
ser à Rome un magistrat suprême, malgré elle. Toute intervalle de trois ans. Fnfln dans le même chapitre,
création de dictateurétait donc nécessairement précédee quand il parle de la défaite des Latins au lac Régille
d'un senatus-consulte portant ordre aux consuls de nom- comme recente recens ad Regillum accepta clades. il
mer un dietateur. est éviden ment guidé par ceux qui n'admettaientqu'un
2° Odinairementles consuls se concertaient entreeux an entre les dem guerres.
et avec le sénat sur le choii d'un dictateur, et, par suite, La bataille du lac Régille, telle que la depeint Tite-
le sénat in !uait sur ce choix mais la chose était de con- Live, n'est pas, dit niebuhr, un choc de deux armées,
venance et non de droit. Le droit attribuait le choix et la c'est un combat bét oïque, comme dan l'Iliade. Tous eb
nomination du dictateur exclusivement à l'un des con- chefs te rencontrent en combat singuli r, et tont pencher
suls, sous la condition toutefois de ne porter son suffrage la victoire tantôt d un côte, tantôt de l'autre, tandis que
que sur un citoyen réunissant les qualités d'eligible. les masses luttent sans résul at. Le dictateur Postumius
» 3e Deux de ces qualités étaient d'avoir rempli une blesse le roi Tarquin, qui s oppose a lui dès le commen-
charge curule et de demeurer en Italie. cement de la bataille. T. Æbutius, le general de la cava-
4° Si le consul électeur violait la loi à cet égard, lerie, blesse le dictateur latin; mais lui-même, blessé
comme le fit Claudius Pulcher en nommant Glycia, ou dangereusement, est obligé de quitter la melee. Dlami-
se prcparaitt'enfreindra comme Lævinus, le senat pou-
lius, simplement provoque par sa blessure, conduit a la
vait casser la nomination ou recourir au peuple pour la charge la colorle des émigrés romains, et rompt les
prévenir. premiers rangs des ennemie la ficnon romaine ue-pou-
vait concéder cet honneur qu'à des concitoyens, sous
» 5° Quant à la nomination d'un citoyen revêtu de la
pu ssance dictatoriale par l'un des deux ordres, on ne quelques drapeaux qu ils combattissent. M. Valerius,
trouve dans toute l'h stoire romaine qne celle de Fabius. surnommé Mavimus, tombe en arretant leurs succès;
Cette evception unique, formellement indiquée par la Publius et Marcus, les fils de Publicola. rouvent la mort
suhstimtion du titre de prodictateur à celui de dictateur, en voulant sauver le corps de leur ont te. Mais avec sa
prouve et confirme la règle generale. » cohorte le dictateur les venge tous il bat et poursuit les
émigrés. En vain Mamliuscherche a établir le combat
CHAP. XIX. Nihil diqnum memoria actum. C'est à T. Herminius est percé d'un javelot pendant qu'il de-
cette année que Denvs d Halicarnasse (VI, 1) rapporte pouille le genéral des Latins. Enfin, les che aliers ro-
le sénatus-consulte ordonnant que toutes les femmes la-
mains, combattantà pied devant leur, enseigues, deci-
tines mariées à des Romains, et toutes les Romaines
dent la victoire, puis ils montent à cheval et dispersent
mariées à des Latins étaient libres de rester auprès de l'ennemi. Pendant la batail e le dictateur avait voué un
leurs époux ou de retourner dans leur patrie. Den)s temple aux Dioscures on vit combattre aux premiers
ajoute que toutes les Romaines revinrent à Rome et que
toutes les femmes Intines à l'exception de deux préferè- rangs deux jeunes guerriers a la taille gigantesque et
moutés sur des chevaux blancs. Et comme, immediate-
rent leurs maris à leur patrie. On con oit difficilement ment apres la mention du vœu, on rapporte que le dic-
que Titc-Live ait passé sous silence comme peu digue tateur avait promis des récompenses aux deux premiers
d'être rapporté, ce fait curieux qui devait au plus haut qui escaladeraient les remparts du camp ennemi, je
degré flalter l'orgueil national des Romains. On serait
donc tente d'admettreque ce sénatus-consulte a eté in- soupçonne que le poème disait que personne n'avait re-
clame ce prix, parce que ce furent les Tyndarides qui
venté par Denis dans un but d'adulation s'il n'était plus ouvrirent le passage aux legiuns. La poursuiten'était paa
naturel de penser que les historiens suivis dan, cet endroit
encore achevee que dej les heros, couvertsde poussière
par I ire-Live n'avaient trouvé dans les annales que les et due sang, apparurent à Rome; ils se lavèrent eux et
noms seuls des consuls de cette année, et que Denya leurs armes a la fontaine de Juturna, près du temple de
avait puisé le document qu'il nous fournit a une source
différente de celle qu'avait consultée Tite-Live, peut-être
Vesta, et ils annoncerent au peuple assemblé daus le
dans les archives publiques (voyez p. 762),ol daus Comitium événement de la journee. Le temple promis
1

quelque historien du droit romain. Niebuhr (t. II, par le dictateur fut eleve de l'autre côté de la source, et
sur le champ de bataille, un pied de cheval imprime dans
p. 348 de la tr. fr.) tranche la difficulté en considérant le basalte attesta la preseuce de ces guerriers surnatu-
le fait rapporté par Denys comme un débris de l'ancienne
épopée romaine. rels.
Un manuscrit, au lieu d'actum, lit egere, et je préfere-
Ceci, sans doute, est riche de beautés épiques, et,
rais cette variante si elle avait pour elle des autorités néanmoins, nos historiens ne connaissaientprobablement
plus l'ancienne forme de ce récit dans toute sa pureté. Ce
plus nombreuses; car elle expliquerait jusqu'a nn certain
combat de géants, dans lequel les dieux apparaissent,
point l'omission aite par Tite-Live, qui s'occupe beau- termine le chant des Tarquins, et je suis convaincu que
coup plus des guerres que des événements intérieurs. je devine juste en avançant que le vieux poème faisait
IBID.—Adlarum Regillum. tite-Live place à l'an 255 la périr dans cette mort d s heros toute la génération qui
bataille du lac Regille, bien qu'il prenne pour guide dans était en guerre depuis le crime de Sextus, lequel, selon
tout ce qui suit les historiens qui, comme Denys, la re- le recit de Deuys, v pért aussi Si dans cette narration
portaient a l'année 258, ce que la lui sur les consnlaires le roi Tarquins quitte le champ de bataille après avoir été
reud beaucoup plus vraisemblable. D'ailleurs, au com- blessé, c'est que l'on a voulu la concilier avec la notion
mencemeut du chapitre XXII, ou ront contenus les evene- historique qui le fait mourir à Cumes. Mamilius est tue,
men s de l'annee 259, l'historien repréaeute les Romains Marcus Valérius Maxi, us est tue, sans prejudice des
comme irrites contre les Volsques qui avaient levé des traditions historiques qui le font encore dictateur plusieurs
troupes pour secourir les Launs. Or, cette assertion anuces après; et P. Valérius qui trouve aussi la mort,
s'accordait bien avec le récit de ceux qui plaçaient le n'est pas, à coup sûr, le fils de Publicola, mais Publicola
cambat eu 238, mais non pas avec les auteurs qui, comme lui-meme. Hermimus ne manque point; bien certaine
meut on n'avait pas oublié non plus Lartius, l'autre CHAP. XXI. — Ilis consulibus œdes saturao dedi-
compagnon de Coclès, et qui certainement n'était pas cata, etc. Cette énumérationsommaire des événements
différent du premier dictateur; seulement il est caché, parait avoir été directement
empruntes aux annales.
parce que le poéme a mi, un autre a la tête de armce.
Ainsi les mànes de Lucr ce sont apaisets, et les hommes IBID. Tanti errores imnlirant temporum, etc. Co
des lemns heroiques ont disparu du monde, avant que passage est l'un de cew sur lesquels les adversaires do
dans i état qu ils onl af ranchi, l'injustice rrgne et donne Tite-Live on le plus insiste. Il prouve sans doute que la
Daissancea l'msurrection. »Niebubr, t. Il, p. 549 de la chronologie ro ame, par suite des lacnnes que presen-
Ir. r. taient certai .s documents, et qui devaient avoir donne
Pre entée de cette manière la bataille du lac Régille lieu a la différeuce des éres, n etait pas, au temps de
a ef ectivement quelque chose de poeti que qui la rappro- Tite-Live, fixce u'une manière certaine et incontestable;
che des gr. ndes. popees. Mais Niebuhr est il de bouue mais on n en eut tirer aucuue conséquence contre ta
foi quand il prétend que '1 ite-Live la raconte avec toutes véracité de l'historien. La tr nchise avec l'qu Ile il
cea circonstances? [Se lui prete-t-il pas certains details convient de cette difficulté prouve au contraire qu'il ne
qui ne se retrouvent que dans son aut ur favori, le se fait pas illusion et qu il ne cherche pas à tr mper ses
rhéteur Uews d'Haticarnasse?N'est-ce pas chez cet écri- lecteurs. Ou ne saurait non plus admetre que, d'uue dif-
vaio seulement (VI, 12) que I ublius et Marcus, tilsde ference de trois années dans la d te d'un événement, il
Publicola trouvent la mort en voulant auver le corps de résulte de toute nécessite que le récit de cet evenement
leur oncle? N'est-ce pas lui seul qui fait intervenirCastor est purement poétique. On en peut uniquement tirer cette
et Pollux dans la bataille, qui les présente portant àRome conséquence que les documents chronologiques sont in-
la nouvelle de la victoire? N'est-ce pas lui seul enfin qui suf isants ou inexacts. Plusieurs dates des époq es où le
fait mourir dans le comhat Sextus Tar min, deja mort caract re positif de l'histoire n'est l'objet d'aucun doute
depuis longtemps à Gabies? Aucun de res ornenents, sont encore au ourd'bui soumises il la discussion; s'en
aucune de ces traditions fabuleuses ne dépare le récit de suit-il que les faits auxquelles elles se rapportent doivent
Tite-Live il eut été juste d'en convenir. Mais il fallait à être regardes comme faux? Et puur ne citer qu'un seul
tonte force retr uver les traces d'un poérne, et l'on a exemple, !a ch ouologie de Guillaume de l'yr est sou-
jugé plus commode de prêter à un historien judicieux vent fautive en conclurons-nous que l'histoire des
les mensonges d'un Grec qui sacrifie sans cesse la verite Croisades, ou d'ailleurs les combats singuliers et les
à l'utile plaiser de flatter s s maitres. Libre d'ailleurs à grands eoupsde lance abondent, n'est autre chose qu'une
Niebuhr de renchérir sur le rhéteur grec, et de supposer reuaion indigese de débris poetiques?
que Lartius, l'un des deux compagnons d'HoratiusCoclès, CHAP. XXIV. l.i6eros nepolesre ejus moraretur.
n'avait pas été oublie dans le poëme, parce que l'autre, Suivant les lois romaines, les avaie..t droit de vie
T. Herminius, est l'un des héros du combat. Quand on et de mort sur leurs enfants peres ils pouvaient donc les
s'avance aussi libremeot dans le champ des conjectures, vendre ou les engager. Les aïeux avaient le
même droit
on ne doit pas connatre de limites. sur leurs petits-enfants;ar consequent les crcanciers
En defendantTite-Live contre les attaques de la cri- pouvaient les retenir
comme gage de lenr créance.
tique allemaude,je ne prétends pas affirmer yue le récit
CHAP. XXVI.— Tumultus fut verus
de l'historien romain soit exact en tout point et n'ait pas quam b llum. Le
mot alerte. emp'oyé dans la traducion pour rendre lu-
I
reçu quelques embclli sements; mais s'arretent mes con- multus
n'est pas sufilsamment exact Cie., Phi., VIII, 1
cessi ns. Un combat aussi décisif, puisqu'il mit la conlé-
(cf. V, 12-19): « Polest bellum esse sine tum Itu, tu-
deration latine sous la de pendance de Rome, devait avoir
laisse un profond souvenir chez les deux peuples et dans » muhus esse sine hello non potest. Quid est en m aliud
les fannlles qui s'y étaient distinguées. Il avait rendu po » tumullus, nisi perturbatio tan a, ut major limor
pulaires les noms d'Ajbmius, de Poslumius et d'Hermi- orialur? (leg tumor, cf Gerh. Joan. Vossius ad h. l.)
» Uude etiam nomen ductum esttu nultus l aque majores
mus, et le temple des Diosenres, éleve prés de la fontaine » nostri
de Juturna, eu availéteruibe la memoire. Bien plus, l'utile tumultum ltalicum quod erat domesticus; tu-
srcours de la cavalerie dans cette journce celebre etait »
multum Gallicum, quod erat finitimus, praterea nul-
rappele chaque annee par une fete qui avait lieu aux Ides » lum nominab nt. (.rarius autem tumul um esse, yuam
deQuiutilis, date de la bataille, et dans la uel e les cheva- 1 bellum, hinc inte ligi licet, quud bello vaca iones va-
liers, après un sacrilice solennel, offert parles principaux l lent, tumulm non valent. » Les soldats le%es dans les
membres de ordre équestre, couronnes d olivier, velus cas de tumulte éraient appeles tumultuarit milites. l.f.
1

de la traben, divisés par tribus et par centuries, montes Fes us ad h. v. Ti e-Live, au chap. XVI du livre XXI,
sur leurs chevauxet rangea commes'ils revenaient du com- giques reproduit la même pg nsee, mais en des termes plus éner-
hal, partaient du temple de Mars, situé hors des murs, Cum Gallis tumuhuatum magis, quam belli-
parcouraient la ville, et, traversant le Forum tenaient geratum est.
defiler devant le temple de Castor et Pollux, portant tous IBID. Audito perfectoque bello Sn6ino. Liciuius
les insiguesqu'ils avaient reçus de leurs geueraux comme Macer (Denys d'Ilal., V, 47; Pline, XV, 29 ) don-
recompen e de leur valeur. Cette imposante procession, nait beaucoup plus d'importance a la guerre contre
on figuraient souvent jusqu à cinq mille chevaliers, avait les Sabins.où les Romains s'emparèren. de dix mille ar-
lieu encore du temps de Denys d Halicarna se ( VI, t5 peu s de terre Deny d'Ha V, 49 ).
qui juge ce spectacle (ligne de la grandeur de l'empire: CHAP. XXVII. — Uter dedicaret Al rcuril œd m. Titc-
Live a d-jà fait men ioa au chap XXI de la dédicace du
CHAP. XX Cohorti suœ. 11 s agit de la cohorte pré- temple de Mercure; il est probable qu'en rele ant ainsi
torienne, dout l'organisa iou nedate, a proprementpar- un meme fait il a suivi deux autorues differentes. En
ler, que de Scipion le Num ntin. Vovez Lipse, Milit. effet, au chapitre XXI, il se borne à l'enoncia ion du fait,
rom., 1. 1. tandis qu'ici il l'accomongne de crconstances detaillecs
,
Cuir. XXVII. — Primipili cenlurioui..Cet officier la foi du jour, ou enfin par Jupiler protecteur de la bonno
commandait la premièrecenturie du premier manipuledes foi. Au milieu de cette diversité d'opinions, il est bien
Triaires, appeles aussi pilani, parce que leur arme était difficile de se prononcer. Je crois neanmoins que Dius
le dard, pilum. C'était le plus considera! le de tous les fidnts n'a jan ais ele l'é juivalent de Joris filus, que fidius
centurionsd'une même légion; il avait place an conseil est un adjectif en rapport avec fides comme avec
de guerre avec le consul et les autres officiers-généraux. et que Oins est l'equivalent de Deus, qui le rem-
II avait en garde l'aigle romaine, la déposait dans le place quelquefois. Voyez Plaut., Asin, I 1, 8; Varr..
camp, et l'enlevait quand il fa lait marcher, pour la re- apud Non., III 93. Quant à l'identite de Dius fidius
mettre ensuite au vexillaireou porte-enseigne. » CEEVIER. et de Sancus, le passage suivant d'Ovide ne permet pas
de la revoquer en doute
CHAP. XXIX. P. Virginius rena non rulgabot.
Comme P. Virginius à cette epoque n'était pas encore Querebam Nonas Sanco, Fidiove referrem:
An tibi, Semo pater; cum mibi Sancus ait:
parvenu aux honneurs, et que le droit de donner son Cuicnmque ex illis dcdens, ego munus habeho.
av dans le sénat ri appartenait, eu juger par les temps Nomina trma fero bic voluere Cures.
postérieurs,qu'aux sénateurs les plus cminents en dignité, Fast., VI, 213.
Duker a propose de lire Titus nu lieu de Publius, T. Vir-
pinius étant alors consulaire (voyez ch. XXI), comme Maintenant bancus est-il le mime qu'Hercule, c'est ce
Lartius et Ap. Claudius. qu'on croyait certaiuetnentà Rome du temps de Festus.
Cr. Propert., IV, 9, 74; bilius liai., VIII, Lactant.,
CHAP. XXX. Sed fractione. etc. La même pensée se côte,
rclrouve dans Diodore de Sicile, livre X\ I, p. 527.
IBID. — Manium Valerium dirtatorcm, etc. Il était
1 13, S;
mepris en
d'un autre
traduisant Dius
les
par z,
Grecs
et
ne se sont-ils pas
peut-on admettre
qu'Hercule etait considère à certains egards comme la
frère de Publicola et de Marcus Valerius, tue à la bataille même divinité que Jupiter? J'avoue que les raisons
du lac Regille. Les plus anciennes editions portaient avancees par M. Hartung (Relig. des Rom., t.II, p. 44
Marcum Valerium, et l'on s'etait demandé comment il et suiv.) l'appui de cette opin on, offrent beaucoup de
était possible que Marcus, tué en 233 ou 259, fût devenu vraisemblance, et je crois devoir y r nvoyer le lecteur.
dictateur en 260. 1)euys d'ilalicarnasse, livre VI, 590, Ce serment, suivant Charisius (I, 183), etait articu-
1

p. 371, et les fastes capitolins out levé la difficulté en lier aux hommes. On ne pouvait le proterer qu'en plein
prouvant qu'il fallait lire M'. et non M. (llue j'invite a air. Plut. Quœst. rom., ch. XXVIII; Varr., L. L., V, bG.
corriger dans le texte), c'est-à-dire Manium et non Mar- CHAP. XXXII. In consulum verba jurassent. Quand
cum. Niebuhr, comme nous l'avons vu plus haut, n'a la levée des troupes était achevee, un tribun des soldats
tenu aucun compte de cette correction due à Pighi (Ann. prononçait la formule du serment imposee par le consul,
llom., ad ann. CCLIX),et se fait unearmedece passage et tout le roste de l'armee jurait après lui. Chacun eu
pour prouver que le récit de la bntaille du lac Regille est défilant devant le general, disait idem in me. paul. Diac.,
purement poetique et partant inadmissible. Et cependant, s. v. Prœjurationes. « Præjurationes facere dicuntur
il faut le reconnailre, le recit de Tite-Live, tout eu of- qui ante alios conceptis verbis jurait, post quos in ea-
frant ce caractère héroïque propre aux époques de lutte dem verba jurantes tantum modo dicuut: ldem in me. »
opiniâtre, ne peut donner lieu à aucuue objection se- Voy. ch. XLV, III, 20; XXII, 38; Polybe, VI, 22; XI,
rtcuse et ne choque en rien la vraisemblance historique. 50; ef. Lips. Milit. ront., 1 6; Nast's rœm. Kriegsalt.,
CUAP. XXXI. hledius Fidius. Ce serment s'écrit p. 58 et suiv.; et Læhr, Kriegswesen der Gr. und Rœm.,
aussi en un seul mot Medrus/idius; mais il vaus micux p. 8 et suiv.

,
le résoudreen trois mots 3le Dius fidius sous-entendu IBID.— In sacrum montem. « Ce nom ne fut donne
juvet ou amet. Car je ne partage pas l'opmion de ceux qui qu'après coup, soit parce que le lieu où le peuple
voient dans me l'equivalent de la particule grecque µ s'étaitretire fut consacre lors de son retour à Rome, soit
daus µ particule qui si le ne me trompe, n'a du parce qu'on y porta la loi sacree. » Voyez ch. XXXIII.
etre autre chose, dans l'origine, que le nom de la gr.mde CREVHR. Festus « Sacer mons appellatur trans Anie-
M;
deesse, de la mere des dieux, qui était appelée M en » neut, paulo ultra tertium mrlliarum quod cum plehes,
Lydie. Voy. Stephan. Byz. de Urb. s. v. le cuin secessisset a patribus, creatis tribunis plebis qui
Corpus inscr. gr. de M. Boeckh, n. 2309,et M. Ch. Le- » sibi cssent auxilio, discedcutes Jovi consecraverunt.»
normant, Nouvelles annales de l'Inst. arch., t. 1, p. In Aventinum secessionem factam esse. Sui-
IBID.
223 et suiv.
Les Romains n'étaient pas d'accord sur l'ety mulogiede vant Ciceron (Rep.,
If 53 ), les p ebe eus s'emparerent
la formule me Dius fidrus. larron, L. L. V. 66 « Ælius
d'abord du mont Sacre, puis du mont Aventin. Salluste
Dium /idium dicebat Joris filium, ut Græci (l'ragm. l, hist., p, 216) faitentendre que les deux mon-
» Castorem, et putabat hunc esse Sancum ab Sabina tagnes furent occupees
simultanément, et ce doit être
»

filium, id est Herculem, quoJ Jovem Græci

m tera
,
lingua et Herculem a Græca. » Paul Diac. s. v. ainsi qu'eut lieu l'evPnement.. It n'est pas sulposable,
Medius Fidius compositum videtur et significare Joris dit Mebulir (t. II,p. 414
et nos n'ait point lait occuper par

D utebantur. Quidam existimant jusjuraudumesse fallu que les femmes et ceux


de la tr. fr.), que la commune
des hommes armes ses quar-
Jovem; ac fidium pro filio quod sæpe antea pro L lit- tiers fortifiés daus la ville puis lue, autrement, il aurait
qui étaient sans défense pris-
la fuite ou servissent d'otages contre elle..
per divi fidem, quidam per dmrui temporis, id est sent
IBID. —- Ad picbem mitti Menennium Agrippam. «Ci-
»

traduisent Dius fidius par Z i.


diei fidem.. Les Grecs, de leur côté, toutes les fois
qu'ils rencontrent ce serment dans les historiens latins ceron, qui snivait en tout des annales entièrement diffe-
Amsi me Dius rentes de cel es de Tite-Live, parle (Brut., t4 al. 54) des
plius, signifiait ou par le fils de Jupiter, c'est-à-dire negociations du dicta eur M' Valerius avec les emigres
par Hercule ou Saucus ou p ir la foi de Jupiter, ou par comme d'un ait indubitable, et lur attribue la gloire de-
victoires. le sui nom de Mavimus lui t
voir rétabli la pair, à raison de quoi, et non pour (les
t echu en par-
l ge. » Nicbuhr, L. Il, p. 415 de la tr. fr. — Je ne pense
pas qu'il faille voir ici, comme le pense le critique alle-
toute l'histoire. Celte méchanceté peut rester crachée par
des causes inconnues; on ne la connaît pas, parce
qu'elle n'a pas eu occasion de se montrer: mais le temps,
qui est le père de la verité, la met ensmte dans le plus
mand, m e inconciliable contra lu tron. Ji, comme tout grand jour.
porte a le croire, l'armce occupa le m nt Sacré, tandis L'expulsion des Tarquins laissait en apparence le sé-
que le peul le se forlifiait sur le mont Aventin, Ir sénat n.it et le peuple dans la plus parfaite un on. La fierle des
dut se trouver dans l'obl gation d'entamer une do ble grands semblait avoir fait place à un esprit populaire, et
negociation. Dix ambassadeurs, suivant Denvs D'Halicar- que même les plus pe.ils pouvaient aisement supporter.
n et VI, 4v et suiv., 19 et suiv., 68-70, 81-87), firent
envoyes au peuple, et parmi eux il cite M' Valerius et
Cette fausse apparence trompa tout le monde. Tant que
les Tarquins virent la lumiere, leur nom servit toujours
Menenius Agippa. On peut supi mer quils se partagèrent à epouvanter la nation; et la er, inte qu elle conçut que le
une tàche aussi difficle; (tue M' Valerius se chargea de peuple maltraité ne se rangeât de leur parti l'obligea de
l'Aventin et Menenius du mont Sacré. Le titre de dicta- mettre dans ses manières toute la douceur imaginable.
leur, (tue lui donne Ciceron uc peut prouver, surtont Quand la mort des Tarquins eut delivre les nobles de
dans un auteur qui sans doute cuitait de memoire, qu'il cette crainte, cette fierté longtemps con enue rompit
tût encore revetu de ce.te dignite. promplementses dignes et se repandit en mille outrages.
Preuve certaine de la maxime que les hommes ne font le
IBID. — Quod inde oriundus erat, plebi carum. Gre-
bien que forcement, mais que d'abord queleurs passiou,
vier coujecture qu'il était du nombre de ceux que out la liberte de se déborder,elles portent partout le des-
Rrutus avait pris dans l'ordre des chevaliers pour com-
ordre et la confusion.
plétcr le senat. Cette opinionest partagée par Duker. » C'est ce qui a fait dire q'ie la pauvreté ouvrait aux
Du reste, Monenius était alors patricicu et avait deja été
hommes l'inteliigence, et que les bonnes lois les rendaient
consul en 231. oyez ch. XVI. La meme dignite fut ac-
h honnetes. Si d'heureuses circonstanca produisent le bien
cordée 0 son fils et à son petit-fils, Voyez ch. m et IV, 13.
sans eff rl, on peut se passer de la loi mais leur in-
CHAP. XXXIII. Ut plebi sui magistratus essent fluence vient-elle à cesser, le frein de la loi devient ne-
sarrosancti. « Si Rome n'eut point un legislateur tel que cessaire. Ainsi la fierté des grands n'ayant plus, après la
Lycurgue, qui lui assurât, des sa naissance, une longue mort des Tarquins, de barrière capable de la relenir, il
suite de siedes de vigueur et de liberte, la desunion du fallut trouver des moyens dont l'aclion lùt aussi Duissante
senat et du peuple produisit des evenements si extraordi- que l'avait été la peur des tyrans. apres bien des trou-
nau es, que le hasard lit en sa faveur ce que la loi n'avait bles, des tunnltes, des périls occasionnels par les exces
point fait. Les lois qu'elle eut d'abord, quoique dcfec- on le sénat et le peuple se portèrent, on etablit les tri-
tueuses, etaieut cependant dans les principes qui pou- bms pour la sûreté du peuple. On leur acerda rda tant de
vaient les conduire a sa perfection; Romulus et les autres prérogatives, on rendit leur personne si sacrée, qu'ils
rois lui en donnèrent uu assez bon nombre de très- conve- furent en état de teuir la balance entre tes deux ordres,
nables a un peuple lilire. Mais comme l'intention de ces et d'opposer les plus fortes barrières à l'insolence de la
priuccs était de fonder une monarchie et non pas uue noblesse.
republique, Rome, devenue libre, manquait encore des » Je me garderai bien de passer sous silence les tronbles
établissements les plus necessaires à la liberte; etatrlisse- excites a Rome depuis les Tarquins jusqu'a la création
ments que les rois s'étaient bien gardes de lormer. Lors- des tribuns du peuple. Je veui refuter ceux qui preteu-
que ceux ci furent chasses, de la manière que l'on sait, dent que la république roma ne fut toujours le théâtre de
le nom du la royaute fut aboli, mais la puissance royale la confusion et du desordre, et que sans le bonheur et la
resta toute entière sous le nom de consulat. Le gouverne- discipline militaire qui corrigeaientce defaut elle n'au-
ment, composé des consuls et du senat, devint un mé- rait mérité que le dernier rang parmi les autres ret u-
lange de monarchie et d'aristocratie; il ne lui manquait bliques.
pour être parfait que d'emprunter quelque chose de lé- L'empire romain, j'en conviens, fut l'ouvrage du
tat démocratique. L'insolence des nobles souleva bientôt bonheur et de la discipline mais on ne voit pas que la
le peuple. Pour ne pas perdre toute leur puissance, ils discipline suppose l'ordre, et qu'il n'est pas possible que
furent contraints de lui en céder une partie. Mais le sénat le bonheur ne marche ordinairementà sa suite. Entrons
et les consuls en conservèrenttoujours assez pour tenr cependant dans les details je soutiens à ceux qui bl.lmcnt
leur rang dans l'etat. les querelles du peuple et de la noblesse, qu ils condam-
C'est à cette epo jue, c'est-à-dire à la création des nent ce qui fut le principe de la liberte; et que, trop
trihuns du pcuple, que la constitution de la republique, frappés des cris et du bruit dont ces querelles tirent re
reunissant les trois formes du gouvernement, prit une tentir la place publique, ils ne voient pas les bons effeis
assiette plus assurée. Admirez le bonheur qui la conduisit qui en resultèrent.
dans ces différents changements;l'établissement du pou- Il y a toujours dem partis dans nne république, celui
voir des grands ne détruisit point la royauté, l'autorité des grands et celui du peuple; et du choc de ces deux
de la multitude ne detruisit point l'aristocratie. La con- parlis naissent les lois les plus favorables à la liberte. 1
stitution, en un mot, se perfectionna par la combinaison est aisé de s'en convaincre par rapport à Ho ne. Il est
des trois puissauces. prouve que dans l'cspace de trois cents ans, depuis les
Les querelles du peuple et du senatfurent le principe Tarquins jasqu'aux Grac jues, les troubles de Rome
de cette perfection. n'occasionnèrentque fort peu d'exils, et qu'ils couterent
Quiconque veut fonder une republique doit supposer encore moins de sang. Mais peut-on regarder comme
les hommes méchants et toujours prêts a deployer leur nuisibles les troubles d'une republique qm, durant le
méchanceté des que l'occasion s'en présentera. C'est une cours (lie tant d'aunées, voit a peine exiler huit ou uix de
verile demontree par tour, les politiques et attestee par ses citoyens, n'en fait m urir qu un très pelit nombre,
Mais celle qui avait decreté l'inviolabilité des tribons
et prononce mcme rarement des condamnations pecu-
niaires. Peut-on lui reprocher le défaut de lois lorsqu'on étant la p us celèbre et la plus chère an peuple, s'est
y voit éclater tant de vertus? L'éducation
fait éclore les la
anpelse loi sacrée par excellence. Denysd Halicaruasse
(VI, 89) nous en a conserve la formule.
vertus; les bonnes lois règlent l'éducation; elles eont
elles-mémesl'ouvrage des troubles que l'on condamne si CHAP.XXXIII.—Forte in statione Marcius fuit. Les an-
legerement; car on peut se convaincre, comme le l'ai ciens historiens n'entraient dans auc ni de ces délai s;ilsse
dit, que, loin d occa-ionner aucun exil, aucune violence bornaieut à dire que dans la guerre contre les Vo sques,
contraire au bien public, ils donnerent naissance à quan- la prise de Coi iules avait été due à Marcius. Cet impor-
lité d'établissements et de lois favorables à la liberté. tant service leur avait fait oublier le nom du consul Co-
Mais, dira-t-on, quels étranges moyens 1 quelle féro- minius, qui commandait le siege, et ce nom n'avait
cité 1 Entendre sans cesse un sénat déclam-nt contre le echappe à l'oubli que grâce à la colonne d'a rain sur la-
peuple, un peuple déclamant contre le sénatl voir des quelle avait été gravé le traite conclu avec les 1 atins,
citoyens courant en tumulte dans les rues, des boutiques monumen dont les devanc ers de Ti e Live avaient fait
Le récit
se fermer, un peuple tout entier sortir de Kome usage. Niebuhr suppose fort gratuitement que btarciua
seul de ces emportements est capable d'epouvauter.Je devait son surnom à une ville latine dont il état origi-
reponds que chnque ville doit avoir des moyens que l'am- naire, et non pas à l'action d éclat que toute l'anti luit6
bi ion du penple puisse employer, et qu'il en faut surtout s'accorde pour lui attribuer. De son autorité privée il
dans une repobliquequi veut un peuple en etat de secon- reranche encore de l'h stoire cet épisode dans lequel
der par son co irage les grands projets du gouverne- il voit la pensee d'un poème epique.
ment. Or, tels étaient les moyens employés à Rome; CHAP. XXXIV.—Et Velitris auxere numerum colono-
Lorsque le peuple voulait obtenir une loi, il se por-
tait a I uoe des extremités que l'on vient de voir, ou il re- rum liomani, etc. Le récit de Tite-Live est évidemment
tronqué dans cet endroit. Il ne dit pas qu'à la suite des
fusait de s'enrôler; de manière qu'enfin le séuat était
troubles qui eclatrrunt à l'occasion de ces mesures, le
obligé de le satisfaire.
craindre pour la liberté des désirs peuple conquit le droit des plebiscites, comme nous l'ap-
» Et que peut-on prend Denys d'Ha icarnasse (VII, 16). Ou ne peut
d'un peuple libre? Ils naissent ou de l'oppression ou de
la crainte d'être opprimé. Si les alarmes ne sont point
croire que l'origine de cette con luète lui ait paru dou-
fondees, on a le secours des assemblées, où la seule elo- tueuse, car, dans ce cas suivantson usage, il eut rapporté
et discuté le, opinions différente. D'ail'euis, au cha-
quence d'un homme de bien lui fait sentir qu'il se pitre Ly du livre 1II, il en parle comme d'uue institution
trompe. Le peuple, ditCicéron,est capable, malgre sou déjà existante.
ignorance, de concevoir la mérité; il se rend arsement à
un homme de bien qui la lui présente avec caudeur. IBID. Ex incultis per secessionem plebis agris. L'é-
» On
doit donc se montrer plus réservé a blàmer la loignement du peuple avait dure plus de trois mois.
constitution de la réoublique romaine, et considererque IBID. hlagna via frumenti ex Sicilia adverta. Tite-
tout le bien que 1 on est foi ce d'y admirer ne peut partir Live, en suivant les auteurs les plus anciens (voy. denys,
que d un bon principe. Que dis-jel louons hautement V I1, 1 l, a év te l'inconvénientdaus I, quel sont tombée
Us troubles de Rome, puisqu'ils ont été la cause de la Licinius et Cu. gelius, qui suppo aient que le ble en
creation des tribuns du peuple. Ajoutons que le tribunat question avait éte donné par Deuys, et transportaient
ne se borna point à regler les droits du peuple, mais aiusi à année 263 uu fait qui se rapportait a l'annee 544
1

qu'il d.vint le gardien le plus assure de la liberte.. Ma- (voy. IV, 52). Les anciens historiens se hornaient à dire
chiavel, ouvr, cité, livrel, eh. tu et IV, t. 1, p. 146 et que envoi de grains avait eté fait par les tyi ans de la
1

suiv. de la tr. fr. Sicile.


IBID. Sunt qui duos tantum in Sacro monte CHAP. XXX VI. Ludi forte ex instauratione magni
creatos tri6unos esse dicant. Ceux qui partageaientcette Romœ parabantur. Si l'on peut s'en rapporter à Ciceron
opinion prétendaient que e était seulement l'an de Rome (de Uu inat., I 26), Tire-Live n'est les ici d'accord
283, eu vertu de la loi Publilia, que tro s nouveaux tri- avec Fabius Gellius et Cœlus, suivant lesquels les s jeux
bans avaient été ajoutes aux deux premiers voyes avaient été celebres de nouveau, parce que la gu.rre
ch. LVIII, Cic., Or. C. rnel., 1er fragm., et Plut., Coriol., contr'- les Latins était venue interrompre les-precedcnts.
ch. VII ), et qu'une addition de cinq autres avait ete auto- Ces mêmes historiens plaçaient a la suite de cette seconde
risée 1 an de Rome 297, ce qui avait porté le nombre de solennité le prodige qui, dans le récit de Tue-Live,
ces magstrats à dix, deux de chaque classe, la sixieme donne lieu à une nouvel e celehration des jeux. Du reste,
étant comptée pour rien. Voyez III, 30, et Denys d'Hal., dans tous les autres points il est entièrement d'accord
X, 30. Sur le mode d election des tribuns du peuple, avec em. Fabius, que Denys VII, 71, cile dans la
leurs attributions, leur autorite, voyez les Antiqurtes ro- description de ces jeux, plaçait aussi ces événements à la
mailles d'Adam, t. 1, p. 211et suiv. de la tr. fr., 2e edit. suite des troubles soc' asionnés par Coriolan, auxquels il
Cf. Niebuhr, t. lI, p. 428 et suiv. de la tr. fr. les attachait et il les racoutait de la même maniere que
IBID. — Sacratam legem. Les lois sacrées engageaient
Tite-Live. Le seul point sur lequel il differait, c'était,
cou.me nnus l'apprend Tite-Livelui-même, le genre de
en vertu d'un serment, et prononçaient les plus ef- mort de l'exilé romaiu.
frayantes imprécations contre les transgresseurs. Sa-
cratæ leges sunt, dit Festus, quibus sancitum est, qui IBID. Sub furca cœsum. Chez les Romains, les mi-
quid adversus eas fecerit, sacer alicui deorum sit cum tres avaient un pouvoir illimité sur leurs esclaves. Ils
»
familia pecuniaque. » II est mention d'autres lois sa- pouvaient à leur gré les condamner au fouet ou à la
crées dans Tite-Live même, III, et VII, 41. On en nort. Voyez Juvénal, Sat. VI, 219.On usait de ce droit
trnuve des exempleschez d'autres nations, par esemple, avec tant de cruauté, surtout dans les temps de la corrup-
chez les Èques et chez les Volsques (Tite-Live, IV, 26). tion do la république, quel'on rendit plusieurs lois pour le
restreindre. Le fonet était la pnnition la plus ordinaire. peut dire que celui qu'a suivi Tite-Live est plus vraisem-
Pour certains crimes, eo marquait les esclaves au front blable que celui de Denys. Du reste, l'objection de Cre-
avec un fer chaud; quelquefois on les obliacait à porter vier parait plus fondée, et il serait possible que le texte
au cou un morceau de bois, furca. L'esclave soumis à fut altéré en cet endroit Autrement on peut conjecturer
ce genre do punition gardart ladenomination de furcifer, que Coriolan crut devoir avant tout occuper la route qui
que les maitres adressaient aussi dans 1 emportement à conduirait de Rome chez tes Volsques, tique, maitre de
tout esclave qui exc lait leur courroux. Ici le mot furca ce point, il s'assura d'abord de ha gauche, puis de sa
désigne un genre de supplice particulière nent reservé droite et vint enfin camper sous les murs de Rome.
aux esclaves et auquel Neron fut condamné par le sénat CHAP. XXXIX.—Sp. Nautius jam, et Sex. Furius ron-
Sué one Vie de Neron). On liait les mains du criminel sules erant. Tite-Live omet ici de ux cousul rts qu'indique
on insérait sa tète dans la fourchue en sorte qu'il ne pou- Den)s d'Halic. (VII, 68 et VIII, Il, celui de Q. Sulpicius
vait remuer, et on le fouetiait jusqu'à ce qu'il mourût Camerinus avec Sp. Lartius Flavus pour l'année 264, et
sous les coups. Il existait encore un autre genre de sup- celui de C. Julius avec P. Pinarius Kufus pour l'an 265.
plice, désigne par le nom de furca, et qui parait n'avoir
CHAP. XL. — Tum matronœ. Tite-Live n'adopte pas le
été autre chose que la potence. Voyez M. Hase sur Va-
tère Maxime, I. VII. 4. récit de Valérius Antias et des autres historiens qui attri-
buaient 1 honneur de cette resolution à la gens Va'eria
Iam. — Ti. Atinio. Le même fait est comme nous ve- (voy. Denys, s, VIII, 39 Plut., Coriol., ch. XXXIII; Appian.,
nons de le voir, rapporté dans Ciceron (de Divin., 1, 26 Ital., ch. m C'est sans do te à ces sources récentes
on le retrouve aussi dans Denys d'Halicarnasse (VII, qu'il fait allusion quand il dit parum iareni membre de
68), dans Plutarque ( Corrol., ch. XXIV), dans Valcre phrase qui ne me parait las suffisamment rendu par -je
Maxime l, VII, 4), dans Macrobe (Sat. I, II), et dans ne saurais le decider. Tite-Live me semb e plutôt vouloir
Laclance (II 8) mais le nom du personnage eu ques- dire je trouce trop peu d'autorites pour me decider à cet
tion larie dans les differents auteurs. Deuys et Plutarque eyard.
l'appellent T. Lat nus, leçon que présentent plusieurs IBID.—Ad Veturiam matrem Coriolani Volumniam-
manuscrits de Tite-Live; Macrobe, annius; Gruter a le
que uxorem. Plut. (loc. cit.) désigne la mère de Coriolan
premier avec raison préféré la leçon Ti Atinius donnée par le nom de Volumnia, et sa lemme par celui de Ver-
par Lactance. La famille Atinia était une ancienne fa- gilia.
mille plebeienne.
IBID. Multo misrrius seni exsilium essr. Kiebuhr

CUAP. XXXVIII. Ad eaput Ferentinum. Voyez I, rapproche de cette pensee les vers bi connus du Dante:
50 et 51.
Tu proverai si come sa di sale
loin. Querendo. Telle est la leçon de beaucoup de 11pane altrur e com'èduru cd le
tuanuscrita et des plus anciennes éditions. La leçou quœ- Lo sceuner e'l satir per i'ditrui scale.
rendo, que donne Aide, mais qu'il corrige dans sou er- Parad., XVII, 58.
rata, est passée de son texte dans plusieurs éditions. « Coriolan, dit Rollin, était contemporain dcThé-
M. Noël la préfère et en donne les raisons suivantes, qui mistucle,qui eut a peu pres le meme sort que lui.
Uter-
me paraissont plus ingénieuses que fondees. « Il me « que quum civisegregius luisset, populi ingrati pulsus
semble, dit-il qu'il y a plus de finesse daus le quœrondo injuria, se ad hostes tuht, couatum que iracundiæ suæ
du texte. Attius Tullus à quitté Rome avant ses compa- morte sedavit, » Cic., Brut., 42,) Niebuhr s'est emparé
triotes; il n'est pas supposé connaitre la cause d'un si de ce rapprochement oratoire pour prétendre qu'on
brusque depart; il s'etonne, il questi nne et sou indigna- avait transporte sur Coriolan le tecit de la mort volon-
tion n'est que le résultat des réponses qu'il reçoit.. Les taire de 1 hemistocle. Niais du pas age de Ciceron on ne
verbes queri et quarere sout souvent confondus. Voyez peut rien conclure autre chose si ce n'est que Coriolan
Nic Heinsius sur Ovi I., Met., II, 239. paya de sa vie sa tentative coup ble cuutre la patrie,
CHAP. XXXIX. Norella hœr romanis oppida ade- ce qui prouverait que Cicérou n'avait pas adopté la
version de rabius.
mit. Les Romainsen avaient fait la conquete trois ansaupa-
ravant. Cette explicationdu mot norella adopteeparSigo- IBID. Trmplum fortunœ muliebri œ tificatum ded ca-
nius et d'autres critiques n'a pas satisfait tous les savants tumgue e,t. La pareil mouument dut graver pour tou-
Commeplusieurs manuscrits donnent la leçon Norellam, jours dans la memoire du peuple le souvenir d'un evene-
on a pensé que ce mot était l'altération d'un nom de ville; ment aussi mémorable. « omment des lors admettre avec
et comme on ne connait pas de ville du nom de No- l\iebubr que tout ce recit doi demem er eu dehors de
vel a, on a propose de lire Borillas, Mugillam ou Mæ- l'histoire? Commuent préférer à une tradition. qui n'a
gillam. Crevier remarqueque les quatre villes dont il est d'autre tort que d'avoir été trop entbellie par les rhé-
ici question sont en deça de la voie latine et il a peine à teurs et par le plus audacieux de tous, Denys d'Halicar-
concevoir comment Coriolan put prendre cette route nasse, uue conjecture qui ne repose sur au une donnée
avant de s'être rendu maitre de ces villes. Niebuhr de historique. Suivant le critique allemand, « Rome était
son côté ( t. III p. 130, note 190 de la tr. fr. indepen- menacée d'un malheur tel que la repubhque ne pouvait
damment des raisons indiquées plus haut, rejette toute sans honte se mettre aux pieds d'un fils ennemi pour le
cette histoire, à cause des différences que présentent supplier de le lui épargner. Soit à dessein, soif pur ha-
Tite-Live et Denys au sujet du nom des villes prises par sard, l'histoire a garde le silence sur ce fait; après la
Coriolan, et de l'ordre dans lequel elles furent prises. prise de vive force, le plus grand des maux pour une
Mais des variantes dans les noms propres sont chose si tille libre, c'était le retour victorieux de bannis, qni
commune dans les manuscrits, qu on court souvent le pouvaient reprendre leurs bjeus vendus et reclamer la
risque d'adresser aux auteurs des reprochesqui n'appar- vengeance comme un droit. La plupart, après une
tiennent qu'aux copistes, et quant à l'ordre des noms, on longue mi%ère, étaient devenus de véritables bandits. Ce
mot moire a été crcé pour une classe semblabled'indivi- 1 icinius S'olon, le partage égal d s terres, c'est-à-dire
dus; on ne sivait plus la cause de leur expulsion, le Gi- des fortunes, puisqu'il n'y avait pont à Home d'autre ri-
behn et le llianco étaient sous les mcmes drapeaux; ni le chesse que la terre, c'était demander indirectement l'é-
debiteur ni le criminel fugitif n'etaientdedaignes, pour- galité des droits politiques; car, ainsi que nous l'avons
Mi qu'ils tussent robustes. L'aventure d'Ap. Herdo ius dit, par les lois de Servius, les droits politiques avaient
prouve qu'al, rs Rome comptait beaucoup de bannis; les éte répartis sdoa les fortunes. Voila pourquoi la loi
fils des compagnons des Tarquins, des patriciens et des agraire reparut à toutes les époques de la re mblique.
leheiens formaient un metange bizarre d'hommes pcr- p mrquoi aussi le sénat la combattit sans cesse de toutes
vers. Coriolan demandait leur rétablissement, cela est ses forces; voila pourquoi enfin elle disparut sous les
aussi arere que si cela etait soutenu par tou., les te- empercurs, parce que l'empire amena 1 egalite de tout
moignages possibles. C'était la une terrible pretention sous un maltre.
pour tous ceux de Rome qui ne voulaient oint que tout CHAP. LXII.—Duumrirad id ipsum ereatus, dedirarit.
fùt bouleversé sans distinction de parti. De chauds par- La dedicace des tempes était accompagnée de cérémonies
tisaus, qui lui eussent volnntiersconlere le pouvoir royal, religieuses auxquelles presidait soit le general qui avait
si le sénat et les curies eussent été maintenues dans toute fait vœu d'elever l'edilice sacré, soit l'un des deu\
leur consideration,et si l'on eiit anéanti la hberté plé- consuls que le sort désignait (voyez ch. vm et iv,29),
beienne, tremblaient néanmoins de le voir rentrer soit des duumvirs crees à cet effet, soit les duum-
comme chef d'une bande qni regardait avec le meme virs charges des sacrifices (duumciri sacris faciundis,
dedain la bourgeoisie et la commune; etqui, s'il l'ecit voyez VI, 5; VII, 28, XXII, XXIII, 21; XXXIV,
voulu se serait livre aux forfaits que plus tard Rome eut 53 XXXV, 41 Quelquefois cependant, le peuple,
a souffrir des hordes de Marius et Cinna. Ces hommes pour temoiguer sa haine aux consuls, ou pour etre
cependant étaient nevenus son peuple; comment pou- agreable à quelqu'un de ses favoris, confiait cette mission
vait-il s'en separer? » En prenant ainsi ses coudees à des citoyens qui n'étaient revêtus d'aucune des dign tes
fraoches, il est facile de rcfaire l'histoire. Ainsi coriolau énoncees plus haut. Ainsi, au eh. XXVII, nous avons vu la
ne nous ollre plus un de ces exemples si communs dans dédicace du temple de Mereure faite par le centurion du
l'anti fuite, d'un grand homme mecontent qui va mettre premier manipule des Triaires. Mais, dans ce cas, il
ses talents au service de l'étranger, c'est un nobic patri- fallait un or lre du scnvt ou une decision de la majorite
cien qui ne dedaigne pas de se faire chef de brigands. Où des tribuns du peuple. Cf. IX, 46. Sur les rites us tes eu
est le roman ? je le demande. pareille circonstance, voyez Ciceron, pro Domo, 15-34.
CHAP. XLI. Verberasse ac nerasse. Quand un fils
était nomme à quelque emploi public, sa promotion sus-
IBID.— Oppia virgo t-estalis, damnata inre,ti i œnas
dederit. Cette vestale est appelée Pompila dans la chro-
pendait l'exercice de l'autorité paternelle, mais elle ne nique d'Eusèbe, p. 167; Popilia dans Orose, II 8; et
l'eteignait pas car elle continuait non-seulement pendant Opimia dans Denys d'Ilalicarnasse, V11I, 89 et 90. Ce
la vie du fils mais encore sur sa postérité. dernier raconte qu'elle lutensevelie vivaute dans le champ
IBID. — Peculiumque filii Cereri consecracisse.Un en- du crime, près la porte Colline, et que ses deux com-
fant ne pouvait acquérir aucune propriete sans le con- plices subirent le supplice de la furca ( voyez plus haut la
sentement de son père, et son acquisition s'appelait nnte du ch. XXXVI). Telles étaient, en effet, les peines
peeuhum. infligées aux vestales et à leurs corrupteurs, cf. VIII,
IBID. — A qUœstoribus. Tite-Live fait ici mention des 15; XXII, 57; Deys, II, 63; Plutarquc, Vie de
questeurs sans avoir indique l'époque où fut établie cette numa, ch. x et Quœst. rom., ch. xxv Lips" de Vesta.
magistrature. Les questeurs étaient chargés de la garde ch. xnt.
du trésor et de la perception des revenus, ainsi que l'in- CuÀp. XLIII. Ortonam. Ville latine, située au delà de
dique leur nom (quœstor a quœrendo). Deux questeurs l'Algide, non loin de Corbion. Voyez sur cette ville Tite-
urbains avaient été institues par les rois. Leur nomina- Live, III, 30. 11 existait une autre ville du même nom

(
tion après l'expulsion des Tarquins avait été confiee aux dans te pays des Frentans avec un port de mer sur l'A-
consuls, puis au peuple, qui les elisait dans les comices driatique; Strabou (V, p. 167) appelle celle dcmit're
par curies. L'an de Rome 334 on crea deux tribuns mi-
litaires pour suivre les consuls à la guerre. Vers l'an 488 tribunus plebis. Dans Denysd'hali-
J nlD.-Sp,Licinius,
on en ajouta quatre autres chargésd'administrer les pro- carnasse ( IX p. 559) il est appelé
vinces yuestoriales. Sy lla en porta le nombre à vingt et
dans un manuscrit de Rome), et Sigonius propose avec
Cesar à quarante. Du reste, avant les lois annales, on
n'avait egard, dans la recherche des honneurs, ni à l'âge assoz de raison de lire Sp. Icilnts. En effet, à cette epo-
ni à l'importance des magistratures et voda pourquoi que la fami le Icilia donna au peuple un assez grand
l'an de Rome 296, Quinlius fut creéquesteur apres avoir nombre de tribuns, ennemis acharnés des patriciens.
Voyez ch. LVIII III 44 et suiv.; IV 52 et surtout 54.
etc trois fois consul. Plus tard, la questure devint le
premier degre des honneurs. A l'époque où nous sommes IBID. Instare instrnrtos. Muret a proposé de lire
parvenus, ils étaient chargés d'assigner à comparaitre xtare instructos, qui, en effet, parait prelerat le. Cepen-
devant le peuple ceux qui s'étaient rendus coupablesde dant, instare se preud quelquefois dans le seus de stare,
quelque grand crime. Voyez III, 24 et 25. comme dans suetone, Vie de Tibere, ch. LXXII « Nec
CHAP. LXII. Dulcedo agrariœ legis ipsa per
subibat animos. La proposition de la loi agraire fut
se. abstiuuit consueludine, quiu tunc quoque instans in
» medio trielinio, adstaute lictore, singulos valcre di-
l'arme qui entre les mains des tribuns devait offrir le » centes appellaret..
plus de dangers pour les patriciens. En cffet, le résultat CHAP. XLIV. Ut ne magna imperia mortalra essent.
d nne telle loi n'aurait pas ete de donner quelque chose Un traducteur de Tite-Live, Guerin, remarque que
a ceux qui n'avaient rien. Proposer, comme fit plus tard l'historien semlle oublier ici que la republique romaine
n'étalt point encore un grand empire, mais M. Dureau arrhes était pour les partants l'autre pour les arrivants,
de la Malle lui repond avec raison que les idées de puis- et chacun prenait la droite. Encore au siècle d'Anguste
sance et de tail, sse sont relatives, et que Rome pouvait aucun Romain, pour peu qu'il fut attaché aux croyances
des lors paraitre puissante aux peuplades qui l'environ- religieuses de ses pères ne surtait de la ville par cette
naicnt. porte, et, quelque voisin qu'il en fùt, il faisait un détour
prendre une autre. C'est ce que prouvent ces
CHAP. XLV. — Capita conferunt. — Id est Consultant pour en
d'Ovide ( Fast., II, 2U1)
occulte. ovez Cic.. In t'errem, Act. II, 3. Les Allem nds vers
disent de même die Kœpfe zusammen stechen. Carmentis porta; dextro via proxima Jano rst:
Ire per hauc noli, quisquises omeu habet.
IBID.— Fabium nomen, Fabia gens. Schæfer considère
CHAP. XLIX.—Ad Saxa ritbra. Petite ville, non loin du
avec raison les mots Fabia yens comme une glose passée fleuve Cremère, à neuf milles de Rome, sur la vore
dans le texte.
Flaminienne.
IBID. — At ego injuratus. Suivant Dcnys, IX p. 567,
les consuls avaient aussi jure de revenir vainqueurs.
CHAP. L. —Cœsi ad unum omnes. Niebuhr voit en-
core dans le recit de Tite-Liveles traces d'une epopee, et
CHAP. XLVII. — T'riarü. C'était le nom qu'on don-
pour mieux appuyer cette opinion il suppose bien gra-
nait aux soldats de la troisième ligue ou du corps de re- tuitement que notre historien les fait mourir accablrsa
serve. Voyez VIII, 8. sous des projectiles et des pierres. Mais s'il n'eût fait dire
IBID. — Ad prœterium. Le prétoire etait l'endroit du à Tite-Live tout autre chose que ce qu'il dit eu effet,
camp où le genéral avait sa tente, le quartier géneral. comment aurait-il pu terminer par cette comparaison
CHAP. XLVIII. Et pecunia taret. Denvs d'Ilalicar- Les héros furent enterres comme Cenée sous des rocs
entasses. »
nasse (IX, 15) explique mieux que ne le fait Tite-Lhe
l'oflre de la famille Fabia. Le sénat avait arrête de tenir Imn.
Relictum stirpem nenli Fabiœ. Perizonins a le
un corps d armée stationnaire sur les frontières du terri-premier, je crois, fait observer combien il était peu
toire romam. Meis deux obstacles s'opposaient à l'exccu- cu-
vraisemblahle que dans une famille assez nombreuse
Lion de cette mesure d'une part, le défaut d'argent,
pour fournir trois cent six combattauts, il n'y ait eu
parce que les guerres précédentes avaient epuise le tré- qu'un seul enfant hors d'état de porter les armes, et il con-
sor, et de l'autre, le danger et la fatigue d'un pareil ser-
jecture que la garnison de Cremère, composée en tout
de trois cent six soldats, n'en comprenait qu'un petit
vice qui elfr ayaient nt tellement les citoyens qu'il s'en presen-
tait peu pour s'enrôler. S'il faut en croire Niebuhr le nombre appartenant a la famille Fabia, et que le reste se
depart dis I abius n'ost pas mspre par le devouement, composait de leurs clients; que peut-être plusieurs enfants
c'estune de ces determinationsqui, chez les Grecs, donne- restèrent à Rome, nt,iis qu'un seul parvint à l'àge viril,
rent naissanceaux plus florissantes cites Ils voulurent, L. Fabius Vibulanus, qui fut trois fois consul et dicta-
avec leurs clients et leurs partisaus, quitter un lieu où teur. il est constant, par les fastes, que de ce Fabius
l'on ne pouvait plus vivre en paix, et fonder un etablis- descendaient tous les Fabius qui paraissentulterieure-
sement qui fùt cependant de quelque utilité pour le ment dans l'histoire. Ou s'est aussi fort étonné de vnir
peuple, auquel les attachait la naissance et le sang. » que dix ans plus tard ce mêmes personnage ait été consul
Suivant lui, les Fabius, qui n'avaient pris cette resolu- (voyez Ill, 1). Mais il seraitpossibleque les leges annales
tion désesperee qu'après avoir vainement tenté de rap- n'eussent pas ele encore portées à cette époque, ou que
procher les pirtis, allèrent construire un fort dans le Fabius eùt été, comme d autres le furent plus tard, jugo
pays des ciens et s'y établirent avec femmes et enfants. digue d'une dispense d'âge (voy. XXV, 2).
Ainsi cette émigration patricienne serait la contre-partie IBID. — Satis convenit. Tite-Live suit, touchant la
de la retraite du peuple sur le mont Sacre; mais j'ai biendéfaite des Fabius auprès de la Cremère, la tradition la
peur que ce ne soit en ore là un rêve de l'audacieux res- plus ancienne et en même temps la plus etonnante (voy.
taurateur des annales romaines. Denys, IX, XIX). Pour tout le reste, partout ou ilest d'ac-
CHAP. XLIX. Unius familiœ tiribus. Denys d'liali- cord avec Denys, il est probable que les historiens n'of-
carnasse (IX, 15) raconte le fait d'une manière beau- fraient pas de variantes.
coup plus vraisemblable. Suivant lui, un corps d'environ CHAP. LI. Major rmdes fuit. « Comme ils étaient en
quatre mille hommes, amis ou clients des Fabius, au- plus grand nombre que n'avaient été les Fabius, lors de
rait marché contre l'ennemi sous la conduite de cette leur desastre, leur perte fut plus considérable. » CREVIER.
famille cr. Ovid., Fast., II, 193-212). Cette assertion
CHAP. LII. — Cnm multa fiduria innocentiœ gratiœque.
semble coufirmee par ce passage d'Aulu-Gelle (XVII,
Crevier propose de lire causœque, « plein de confiance
21) « Sex et trecenti Fabii cum familüs suis. circum-
dans son innocence et dans la bonté de sa cause. Il
venti p rierunt. » Passage dont Niebuhr s'est autorisé
remarque judicieusement qu'il est peu vraisemblable
pour prouver que les Fabms avaient emmené avec eux qu'un homme qui, en paix, s'ctait montre constamment
lemmes et enfants. Ce qu'il y a de certain, c'est que, l'ennemi de la loi agraire et dont la témérité venait
comme le remarque ce critique, il eùt été impossible à d'exposer l'armée a une entière défaite, pût compter sur
nue poignée de trois cents hommes de se maintenir grande faveur, gratiœ.
d ms le pa)s des Etrusques et d'y devenir redoutablesà une
Veies. CHAP. LIV. VopiscumJulium pro Virginio in qni-
annalibus consulem invenio. C'est aussi ce nom
Iotn. Dextro Jano. Toutes les portes de Rome busdam
dans les Fastes capitolins, dans Denys
avaient deux arches designees par le nom de Janus. Cic., qu'on trouve
Nat. Deor., 11, 27 « Principem in sacrificando Janum d'Halicarnasse
( IX, p. 594 cf. Pigh. Ann., ad ann. 288).
» esse
voluerunt quod ab eundo nomen est ductum; ex IBID. — Claris insignibus velut infulis, relafos ad
des victimea
que transitiones perviae Jani.. L'une de ces deux mortem destinari. On sait que les cornes
i
destinées la mort étaient entourées de Toiles de laine CuAp. LX. Quam virium aut plebi additum est aut
attachés avec des bandelettes blanches. V ovez Vossius ad demptum patribus. Quoi qu'en dise Tite-Live, qui est ici
Virg., Georg., III, 487. — Dans les sacrificeshumains on en contradiction avec lui-même ( voyez cb. LVI ), l'éta-
ceignait aussi de bandelettes la tête de la victime. Lu- blissement des comices par tribus augmenta bien réelle-
crece ( de Nat. rer., I, 87 ), en pariant d'Iphigenie, au ment le pouvoir du peuple et diminua celui du senat.
moment où elle va être immolée, nous fournit un argu- Dans les comices par centuries, les suffrages apparte-
ment en faveur de cet usage naient de fait aux patriciens, tandis que dans les comices
Cul simul infuta virgineos circnmdata comptus, par tribus, tenues par les tribuns sans qu'on put les dis-
Ex utraque pari malarum parte profusa est. sou re en alleguant les auspices, c'était bien reellement
Dans Virgile (Æn., 11, 133), Sinon, au moment d'être le peuple qui décidait. C'etait enlever aux patriciens la
immolé, voit se préparer les bandelettes fatales possibilité de porter leurs créatures au tribunat, par les
Jamque dies infdnda aderat mihi sacra parari suffrages de leurs clients. Du reste la résistance d'Ap-
Et salsæ fruges et circum tempora vittœ. pius prouve à quel point cette loi blessait les prétentions
CHAP. LIV.- Domi mortuttm esse inventum. Denys du premier ordre de 1 état.
d'Ilulicarnasse(IX, xxxvm) ajoute qu'il ne parut sur son CHAP. LXI. Ut vestem mutaret. Les accusés et les
corps aucune trace de mort violenle. Ce detail a tout suppliants, pour exciter la commisération des citoyens,
l'air d'etre de son invention. étaient dans l'usage de se présenter en public couverts de
CHAP. LVI. Haud parra res. Il paraît difficile de vêtements d'une couleur sombre et eu désordre. Leurs
concilier ce que dit ici 1 ite-Live avec sa remarque du parents et leurs amis, soutent même une grande partie
chap. LX, que l'absence des patriciens ôta plus de dignité du senat et du peuple imitaient leur exemple, Voyez
aux comices qn'elle ne donna de puissance réelle au ch. LIV III, 1V, VI, 1G, 20; XLIII, 15.
peuple, ou qu'elle n'enleva d'autorité aux senateurs. CHAP. LXII. -1icorum quibus frequenter habitai atur.
IBID. — Ocettpant tribttni templum. Nous avons vu On voit par ce passage et par d'autres encore (XIX,
plus haut, dans la note sur le chap. VI du livre I, qu'on 13; Polybe, II, 17 que les premiers peuples de l'Italie
donnait le nom de templum à tout emplacement cotisai ré et des autres contrées habitaient des bourgs isoles, vica-
par les augures. Il signifiait aussi la tribune aux haran- tim, Plutarque (I'ie de Rom., ch.
gues. C'est ce dernier sens qu'il a ici et dans plusieurs XVI) dit expressément que les Sabins tenaient de leurs
au res passages, par exemple, III, 17; VIII, 14 et 55. ancètres, les Lacedemoniens, l'usage de vivre disperses
dans des bourgades et non rcunis dans des Nilles. C'est
IBID. — Nihil cedentes viatori. Les viateurs étaient
chargés dans le principe de convoquer les sénateurs qui sans doute, comme on l'a dejà remarqué, à cette disper-
sion qu'il faut attribuer leur rusticité (Virg., Georg., II,
demeuraientà la campagne. Plus tard, ils furent spécia-
552; et Horace, Ep., II, I, 25), et peut-être aussi leur
lemont attachés comme al pariteurs à la personne des
conquête par les Romains.
tribuns du peuple et des édiles. On en trouve cependant
aussi auprès des autres magistrats. Voyez Crcuzer, CHAP. LXI1I.—Cenonem. Cénon, aujourd'hui Nettuno,
Abriss. der Rœm. antiq., § 174, de la 2e éd. était une petite ville voisine d'Antium dont elle était le
IBID. — Et contemptim de jure disserendo. La tra- port et à laquellc elle scrvait de marché. Voyez Deuys
duction de ce passage ne rend peut-êtrepas suffisamment d'Halicarnasse, livre IX, p. 612.
le sens de contemptim. Lætorius, vieux soldat et plé- CHAP. LXIV. — Tertia fere vigilia. Le temps de la
bleieu, n entendait rien au droit dont les patriciens s'é- nuit, depuis six heures du soir jusqu'à six heures du ma-
taient fait un privilége. Appius même, en traitant la tin, était divisé en quatre veilles de trois heures cha-
question supertlciellement et comme s'il dedaignait de cune. La troisième allait donc de minuit à trois heures. A
t'approfondir, devait sans peine jeter le trouble dans chaque veille on sonnait la trompette pour relever les
t'esprit du tribun, en même temps que son ton dedaigneux sentinelles.
devait blesser et exaspérer ce violent adversaire. IBID. In stationem educit. Le mot statio désigne
IBID. — Sine magistratu. Pourquoi, dit Plutarque proprement un poste avancé, un avant-poste. \oyez ViI,
(Qvœst. Rom (h. LXXXI ), les tribuns sont-ils les seuls 26, 57 XXII, 12; XXXV, 39, etc.
mi g strats qui ne portent point la preterte ? Est-ce parce IBID. — Fremitus hinnitusque equorum. « Ita Ovidius,
que le tribun du peuple u'est pas reellement magistrat? Metam., III, 704:
n ( rfet. ils ne siègent point sur un tribunal pour rendre
Ut fremit arer eqnus, quum bellicus aere canoro
la usti e ils ne prennent point possession de leur charge
Signa dedit tnbicen.
au commencement de l'année, avec les formalités obser-
vées par les autres magistrats; la création d'un dictateur Horat., IV, Od. XIV, 23
u'entraine point l'abdication de leur pouvoir, qu'ils conti- Frementem
nuent d'exercer pendant la durée de la dictature. Le tri- Mittere equnm medios per ignés.
bunat est plutôt une entrave perpétuelle aux magistra- Alibi tamen fremitus hominum et hinnitus equorum
to res qu'une magistrature réelle. » Il ne faut pas oublier distinguuntur, ut apud Curtium, IV, 12 « Nihil alind
d'ailleurs que les tribuns étaient nommés sans qu'on quam fremitum hominum, hinnitumque equornm
prit les auspices et sans qu'on observât aucune des for- exaudisse nuntiat; etcap. 13 « Fremtus hominum;
malités en usage pour l'élection des autres magistrats. » equorum hinuitus.. LEMAIRE.
CHAP. LIX. — Duplicariosque. On appelait ainsi ceux CHAP. LXV. Post principia. Ces mots n'ont pas été
des soldats qui, en recompense de leur valeur, recevaient traduits. Lisez Où leurs lignes encore intactes (la
une double ration. Voyez VII, 57; Varron, de L. L IV, première seule avait été rompue ) trouvèrent derrière la
16; Végèce, II, 7; cf. Lipsius, Mil. Rom., V, 16; et reserve un refuge assuré. Principia ne signifie pas tou-
Schel., tur Polybe, ch. vu. jours la première ligne d'une armée, mais quelqucfoia
aussl, comme dans ce passage, les corps d'élite placés dont Sciplon
fut l'objet ne peut laisser de doute à cet
eu reserve. Voyez Saumaise, de Mil. Rom., ch. IV; Té- egard, ainsi que nous l'avoos dejà dit
rence, Eunuque, IV, VII, 11: ( voyez la noie du
ch, L, livre II).
THRASO: Tu hosce instrue hic ego ero post principia
CHAP. I..—Fabius Quintus. Remarquez le prénom placé
inde omnibus signum dabo.
GNATO: Illue est sapere1 ut hosce instruxit, ipsus
devant le nom comme au ch. XXIX, et IV, f7, 18; VII,
22. Par une exception contraire, ou rencontre quelque-
sibi cavit loco. »
fois le surnom placé devant le nom, ainsi, IV, 25 et VII,
Donat sur ce passage s'exprime en ces termes Mi- 9
on lit 3lacer Lirinius au lieu de Licinius Macer; et,
» litare dictum est. Et ambigunt multi, an in extremo XXIII, li, Marcellus Claudius pour Claudius Marcellus.
» agmine sit hic locus, an in medio.. Le passade suivant Voyez Schweighaeuser sur Appien, Hann. 37.
de Varron ( li. R. III, 4 ne peut laisser d'incertitude
IBID. Triumviri agro dando. Ailleurs ces magistrats
1 Unde velis me inupere, Axi, die. Ille, Ego vero, in-
sont appeles ti iumviri coloniœ deducendce ou de coloma
» quit, ut ainnt, post principia in castris, id est ab bis
deducenda, ou agrarii ou simplement encore triumviri.
» potms temporibus, quam posterioribus..»
Voyez IV, 11; NI, 21; VIII, i6; IX, 28, 46; XXI, 25;
CNAP. LXV. — Nulla oppugnantiumnora ri. Crévier XXVII, 21; XXXI, 49; XXXII, 29; XXXIV, 45, 55;
propose un sens qui s'ecarte de celui qui a été suivi par XXXIX, 53; XLI, 13.
la plupart des interprètes et que nous avons adopté. Ces
CHAP. II. Romanus. Pour Romani, comme on l'a
mots d'après lui, signifieraient « sans augmenter les
forces que les Romains avaient sur pied l'année précédente, deja vu, 11, 2d-, et comme on le verra encore, VIII, 5
et qui ne leur avaient pas paru suffisantes pour former XXIV, 27, etc. De même on rencontre Samnis pour
le sege d'Antium. » La phrase qui suit et le génie même Samnites, VII, 35; Tarquimensis pour Tarquinienses.
de la langue s'opposent évidemment a cette interprétation,
IX, 41; et Carthagmiensis pour Carthagimenses, XXIV,
d'ailleurs fort ingénieuse.
47; XXVIII, 44.
CHAP. III. Agrestes. Le traducteur, en rendant ce
mot par paysans, n'a sans doute pas voulu prouver qu'il
LIVRE III. partageait les singulières idées qu'un érudit en gants
Notre historien dans ce livre, ne cite nominativement jaunes a émises récemment sur la prétendue feodalite des
temps anciens; idées dont la critiquejudicieuàe et spiri-
que Valerius Antias (ch. v). Il lui reproche des inexac- tuelle d'un
titudes dans 1 énonciation des nombres; mais il le suit savant universitaire, M. Rossignol, a fait si
completement justice (voyez Revue des deux mondes,
dans le récit assez prolixe de la guerre contre les Èques
15 février 1859). Il fallait, pour ne pas laisser d'incerti-
(ch. iv et v), et peut-être aussi dans les chapitres vm et tude,
traduire agrestes par gens de la campagne, comme
xxxi. Aux chapitres VIII, XXIII et XXVI il nous apprend l'ont fait MM. Dureau de la Malle et Liez.
qu'il a suivi plusieurs auteurs, bien qu'il ne fdsse pas
connaitre les variantes de leurs récites (voyez Deuys d'Ha- IBID. — Justilio. Dans les malheurs extraordinaires,
licarnasse, X, 20). On voit même qu'au moins pour le dans les grands dangers de la république, tout travail,
ch. LXX, il avait consulté toutes les sources dont il pou- toute affaire cessait, soit par un mouvement spontaué,
vait disposer. Dans ce livre, il se guide aussi de prpfé- soit d'après un ordre de l'autorité. Le cours de la justice
rence sur les écrivains de la date la plus reculée. Ainsi était aussi interrompu, ce qui faisait donner à cet état de
relativement aux événements rapportes ch.ipitre XXIII, la choses le nom de jushtium. Voyez ch. XXVII; IV, 26, 31;
plupart des historiens racontaient que la ville d Antium VI, 2, 7; VII, 6, 28; IX, 7; XXIII, 23; XXVI, 26, etc.
s'etait revoltée et avait été assiegee et prise par Cornelius Cf. Adam, Ant. rom., t. II, p. 104 et 352 de 1 tr. fr.,
( voyez les Tables triomphales et Denys d'lial., X, 22), 2e édit.
tandis que les plus anciens gardaient le silence 0 cet IBID. — Prœfectourbis relicto. Quand les rois, et après
égard; or, c'est à ces derniers que Tite-Live donne la eux les consuls, jusqu'au règne d'Auguste, s'absentaient
préférence. Du reste, M. Lachmaun se trompe quand il de Rome, ils nommaient un préfet de la ville (Tac., Ann.,
suppose que dans'1 ite-Live le consul Cornelius ne prend VI, 11). Ce magistrat, qui les remplaçait temporaire-
aucune part à la guerre. Il est bien vrai que d'abord il ment, pouvait assembler le sénat, quoiqu'il ne fût pas
reste « Home pour la dercudre (ut Romm prœsidio esset, sénateur ( Aulu-Gelle, N. A., livre XI V, ch. dern.); il
ch. XXII); mais l'auteur ajoute au chapitre suivant que pouvait aussi tenir les comices, comme nous l'avons vu
Cornelius, après la déroute des ennemis, jugeant les plus haut, livre l, ch. LIX et LX. Mais depuis l'institulion
remparts de Rome à l'abri de tout danger, s'eloigna du preteur il fut uniquement chargé de la celebration des
lui-meme de la ville. 'l'ite-Live peut donc sans encourir feriœ latinà. Sous Auguste, cette magistrature reprit
le reproche de contradiction le faire triompher avec son une très-grandeimportance, et fut confiee aux hommes
collegue au chapitre xxiv. le, plus distingues de l'etat. On peut cousuller, sur 1 ex-
CHAP. I. — Unus exstinctœ ad Cremeram genti super- teusion qu'e le reçut alors, Adam, ouvr. cité, t. l, p. 255.
fuerat. Fabius, a cette epoque, ne pouvait avoir que vingt- IBID. Census deinde artus. Le cens, commc nous
quatre ou vingt-cinq aus, car à l'epoque de la destruction l'avons vu ( 1, 42 fut institue par le roi Servius
de sa famille près du lac Cremère, il etait encore enfant, Tullius et eut lieu quatre fois sous son règne, s'il faut en
et onze ans seulement s'étaient écoules entre cet ete- croire Valère Maxime (III, 4). Interrompu suus Tarqum-
nement et le consulat de Quiutus. Or, comme l'usage le-Superbe, il fut retabli la seconde année après l'expul-
n'était pas d'accorderle consulat à cet àge, plusieurs cri- sion des rois ( voyez Denys d'Hal., V, 20). Il eut lieu de-
tiques en ont conclu,comme on l'a vu plus haut, que l'his- puis trois fois avant celui dont il est question ici la
toire du dévouementde la famille Fabia avait été falsifiee. première, par ordre du dictateur T. Lartius, l'ao 256;
Mais ce n'est pas le seul exemple de dispense d'âge accor- la seconde, sous le consulat de Sp. Cassius et de Postu-
dée à an jeune patricien de grande espérance. L'exception mus Cominius, l'an 351; le troisième, sous L. Furius et
A. ou C. Manlius,en 280. C'est ce que nous apprend Denys t. II, p. 3d3 de la tr. fr.), bien qu'il en tire
des consé-
d'ilalicarnasse, V, 73; VI, 63; VI, 96; et IX, 56. Celui quences en faveur de son idée favorite.
dont parle Tite-Live dans ce passage était donc le neu- CHAP. III.—Prœtor orbos orbasquc. M. Liez, dans
vieme depuis la fondation de Rome. une
Voltaire, dont le scepticismes'attaquait à tout, ajoute savante note, a prouvé que par ces mots il fallait entendre
les célibataires. Heineccius, dit-il au chapitre mv du
peu de foi au cens de Servius. livre I de son livre intitulé Atttiqnitatum romanarum ju-
1 Le premier dénombrement que nous ayons d'une
nation profane est celui que fit Servius Tullius, sixième risprudentiam illustrantium syntagma, énumère les
roi de Home. Il se trouva dit Tite-Live, quatre-vingt causes de l'eloignement des Romains pour le mariage, et
mille combattants, tous citoyens romains. Cela suppose termine par ces mots « Et proecipue illa orbitatis præ-
trois cent quarante mille citoyens au moins tant
vieillards que femmes et enfants, à quoi il faut ajouter
au moins vingt mille domestiques, tant esclaves que
» µµµµ
» mia, qua' toties célébrant veteres. Colebanturejusmodi

prété par
ab omnibus. Ici le sens de orbitas, inter-
ne saurait être contesté. Nous pour-
libres. rions citer encore de nombreux passages des anciens où
il doit se traduire par celibat. Nous nous bornerons à
» Or on peut raisonnablement douter que le petit état
deux ou trois. « Cœpisse orbitatem in auctoritate soumis
romain contint cette multitude. Romulus n'avait regné
(supposé qu'on puisse l'appelerroi) que sur environ trois ac potentia esse, captationem in questu maximo. »
mille bandits, rassembles dans un petit bourg entre des
(Pline, H. N., XV, proœm.) « Filium filiamque ingere-
bat orbis senibus. » (Petron. Satyr., ad fin.) « Hune
montagnes. Ce bourg était le plus mauvais terrain de
l'Italie. Tout son pays n'avait pas trois mille pas de cir- igitur sordidum orbos sencs circumveniendi modum. »
cuit. Servius était le sixième chef ou roi de cette peu- ( Id., ibid.l Plus haut il emploie la périphrase «Qui vero
plade naissante. La règle de Newton, qui est indubitable uec uxores uuquam duxerunt, » pour exprimer absolu-
ment la même chose.
pour les royaumes electifs, donne à chaque roi vingt et Servius, ajoute M. Liez, avait fait passer les droits
un ans de règne, et contredit par là tous les auciens his- de»citoyens
toriens, qui n'ont jamais observé l'ordre des temps, et des hommes aux choses, des individus aux
qui n'ont donné aucune date précise. Les cinq rois de propriétés. Ainsi chez nous l'importance des contribu-
Rome doivent avoir régné environcent ans. tions fait les électeurs et les éligibles; mais il fallait pre-
venir la concentration de ces propriétes et l'épuisement
» Il n'est certainement pas dans l'ordre de la nature
qu'un terrain ingrat qui n'avait pas cinq lieues en long de cette classe privilégiée de citoyens, diminuée sans
et trois en large, et qui de\ait avoir perdu beaucoup cesse par la guerre. De la ces faveurs, ces disiinctions
d'habitantsdans ses petites guerres presque continuelles, accordeesaux chefs de nombreuses familles, et ces peines
pût être peuplé de trois cent quarante mille :lmes. Il n'y portées contre les célibataires, rayes du rôle des citoy eus.
(Voyez Montesquieu, Gr. et Dec., ch. XIII.) »
en a pas la moitié dans le même territoire où Rome au-
jourd'hui est la métropole du monde chrétien, où l'af- CHAP. IV.—Furios, Fusios scripsere q uidam. La per-
fluence des citoyens et des ambassadeurs de tant de na- mutation des lettres s et r, non seulement à la fin des
tions doit servir à peupler la ville, où l'or coule de la mots, comme dans arbos et arbor, mais mème dans l'in-
Pologne, de la Hongrie, de la moitié de l'Allemagne, de terieur des mots entre deux voyelles, comme dans les
l'Espagne. de la France, par mille canaux, dans la vieilles formes citées par Varron et Festus, fœdesum,
bourse de la daterie si d'autres causes ne l'interceptent. plusima, meliosem, majosibus, devenus plus tard fœde-
» L'histoire de Rome ne fut écrite que plus de cinq rum, plurima, meliorem, majoribus, est un fait gram-
cents ans après sa fondation. Il ne serait pas du tout sur- matical que la langue latiue ne présente pas seule, mats
prenant que les historiens eussent donne libéralement qu'on retrouve dans toute cette grande famille d'idiomes
quatre-vingt mille guerriers à Servius Tullius, au lieu connue sous le nom de langues iudo-europeennes. Con-
de huit mille par un faux zèle pour la patrie. Le zèle eut sultez sur ce point M. Bopp, Vergleichende Grammatik
été plus grand et plus vrai s'ils avaient avoue les faibles des Sanskrit. Zettd, Griechischen, Lateinischen. Lit-
commeucements de leur république. Il est plus beau de thauischen, lGottischen und Dcutschen, Berlin, 1833 et
s'être elevé d'une si petite origme à tant de grandeur, suiv. S 22, 86 et 127. Voyez aussi pour le sanscrit, Bopp,
que d'avoir eu le double des soldats d'Alexandre pour Gramnt. erit. ling. sanscr., § 75, d; pour le grec,
conquérir environ quinze lieues de pays en quatre cents Maittaire, Gr.ling. dialecli, p. 146, B Matthiæ, Gr.
année. s Voltaire, Dict. philos., art. DENOMBREMENT. gr., 15, p. 61; pour le latm, Joh. Adatn Hartung,
Tout cela, comme on le voit, est plus piquant que Ueber die casus, p. 106 et suiv., et pour les idiomcs
juste. On peut sans doute, comme nous avons eu plus germaniques, Jacob Grimm, Deutsche gramm., t.I,
d'une fois occasionde le dire, révoquer en doute la plu- p. 802. Aux exemples cites par M. Hartung pour la
part des faits relatifs aux deux premiers rois de Rome. langue latine on peut encore ajouter ce passage de Tite-
Mais l'époque de Servius a un caractère historique incon- Live, livre III, ch. VIII « T. Veturium Geminum, sive
testable, et si dans l'annee où nous sommes parvenus le » ille Vetusius fuit.» Et cet autre de Cicéron (Ep. latn.,
cens présentaitun effectifde cent vingt-quatremille deux IX, 21) « Quorum princeps L. Papirius Mugillanus.
cent quatorze citoyens, chiffre qui n'a pas ete conteste, sed tum Papish dicebamini. — La traductiou Comme
que je sache, on conçoit que sous Servius il ait deja pu on l'ecrit quelquefois, n'indique pas assez l'ancienneté de
s'elever a quatre-vingtmille citoyens, comme le dit Tite- cette orthographie.
Live (I, 44), mais non de quatre-vingt mille citoyens IBID. Videret ne quid respublica detrimenti caperet.
en
état de porter les armes, comme le disait Fabius Pictor, C'est le premier exemple de ce sénatus-cousulte qui, dans
dont Tite-Live recuse le témoignage dans cet endroit. des cas graves, où le salut de la republiqueétait
compro-
Niebuhr lui-mème, si peu credule pour toute l'histoire mis, confiait un pouvoir dictatorial à l'un des deux
qui précède les guerres puniques, regarde les chiffres suls, et même quelquefoisà tous deux. Depuis eut con-
on sou-
des cens comme entièrementexacts ( voyez t. I, p. 613; vent
recours à cette mesure de salut publie exclusivement
dirigée contre les attaques extérieures.Opimius le premier vant la tradition, avait eu lien l'expulsion des Tarquins,
en fit usage contre les citoyens à l'époque où les tentatives puis le 1er août. A l'époque des decemvirs, le com-
démocratiquesdes Gracques mirent l'aristocratieromaine mencement de l'année consulaire fut placé au le' mai;
dans un si grand danger. Plutarque, en rapportant cette cinquante ans plus tard au t5 déeemhre puis au 1er juil-
dernière circonstance dans la vie des Gracques ( Caius let jusqu'à l'an de Rome 550, année où il fut transferé
Gracch. ch. XVIII), n'a pas voulu, comme quelques-uns au t5 mars. Enfin en 598 ou 599, il fut définitivement
l'ont cru, faire entendre que cette institution datait de fixé au te' janvier, et depuis, l'année consulaire et
l'annee on les genereux défenseurs de la cause populaire l'année civile commencèrent le mème jour. Sur le motif
succombèrent sous les coups de leurs ennemis. Alanuce, de ce changement voyez Denys d'Halicarnasse, X,
dans son traité de Settatu romano p. 928, et Draken- p. 6i8 et Ovide, Fast., I, 81t; III, 147.
borch, sur ce passage, en ont déjà fait la remarque. CHAP. VI.— Et auxere oim morbi. Je m'étonne que les
CHAP. IV.—Pro consule T. Quinctium.mitti. C'est la critiques, qui ont reprocheà l'histoire romaine tant de pré-
première mention du proconsulat qu'on rencontre dans tendus emprunts faits à l'histoiresrecque, n'aient pas vu
Tite-Live et dans les autres historiens. Toutefois, comme ici une imitation de la peste d'Athènes en 429. Il y avait
T. Quinctius ne fut nommé que pour le moment, on est cependant des rapprochementscurieux à faire, et il était
autorise àreculercette institution jusqu'à Publilius Philo, facile de retrouver une grande analogie entre le recit de
le premier dont on ait prorogé le pouvoir consulaire, Tite-Live et celui de Thucydide, dont je crois devoir
l'an de Rome 127. Voyez Tite-Live, VIII, 23 et 26. Le transcrire ici quelques passages pour qu'on puisse en ju-
titre de proconsul, dans l'acception la plus ordinaire ger.
désignait celui qui, apiès avoir rempli le consulat ou la qui par surcroitde malheuraccabla surtout les Athé-
Ce
prélure (XXIII, 30), etait préposé à l'administration uiens, ce fut l'aflluence de ceux qui vinrent de la cam-
d'une province avec l'empire et la juridiction; ou bien » pagne dans la ville; les nouveaux venus en souffrirent
encore celui dont on avait prorogé le pouvoir pour con- particulièrement.Par le manque de maisons, comme ils
tinuer une guerre commencee. Quelquefois aussi de logeaientdurant l'été dans des cabanes étouffantes, la
simples particuliers étaient investis de cette autorite, mortalités'ensuivait et avec le plus grand désordre. Ils
comme P. Corn. Scipion, qui l'obtint à l'ige de vingt- » expiraient eutassés les uns sur les autres; plusieurs à
quatrc ans, durant la deuxième guerre punique (XXVI, demi morts se roulaient dans les rues, autour de toutes
19). les fontaines, pour s'y désaltérer; et les temples dans
Chip. V. Decnmana porta. Les camps romains » lesquels ils s'étaientabrités se remplissaient de morts
étaient de forme carrée et avaient quatre portes, une à qui y avaient cxpiré.. (Thucyd., II, 52, trad. de
chaque face celle qui regardait l'ennemi s'appelait b1. Ambr. Didot.)
porta prœtoria vel extraordinaria; les deux portes laté- » Ce que ce mal avait surtout de plus affreux, c'était le
rales porta principalis dextra et porta principalis sini- découragement de ceux qui se sentaient attaqués, et qui,
stra, et celle de derrière porla decumana. Coutentons- » bientôt saisis de desespoir,
périssaient par leurs soms
nous de citer sur cette

Vous aimerez peut-être aussi