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Lycée Louis-Le-Grand, Paris Samedi 22/10/2022

MP2I – Mathématiques
A. Troesch

Devoir Surveillé no 2 (4h)

La présentation, la lisibilité, l’orthographe, la qualité de la rédaction, la clarté, la précision et la concision des raison-
nements entreront pour une part importante dans l’appréciation des copies.
Les candidats sont invités à encadrer dans la mesure du possible les résultats de leurs calculs.
L’usage de tout document et de tout matériel électronique est interdit. Notamment, les téléphones portables doivent
être éteints et rangés.

Problème 1 – (Complétude de R et théorème de Baire)


Soit pun qnPN une suite de réels. On rappelle que pun qnPN converge vers un réel ℓ si :

@ε ą 0, DN P N, @n ě N, |un ´ ℓ| ď ε.

On dit qu’une suite pun qnPN est une suite de Cauchy si elle vérifie :

@ε ą 0, DN P N, @n ě N, @p ě N, |un ´ up | ď ε.

Pour x P R et r ą 0, on note Bpx, rq “sx ´ r, x ` rr la boule ouverte de centre x et de rayon r, et Bpx, rq “ rx ´ r, x ` rs


la boule fermée de centre x et de rayon r.

Partie I – Complétude de R
Le but de cette partie est de montrer que R est complet, c’est-à-dire qu’une suite est de Cauchy si et seulement si elle
est convergente. On se donne pun qnPN une suite.
1. (a) Soit ℓ P R, ε ą 0, et N tel que pour tout n ě N , |un ´ ℓ| ď 2ε . Montrer que :

@n ě N, @p ě N, |un ´ up | ď ε.

(b) En déduire que si pun qnPN est une suite convergente alors elle est une suite de Cauchy.
2. Réciproquement, on suppose que pun qnPN est une suite de Cauchy. Le but de cette question est de montrer que
pun qnPN est convergente. On pose, pour tout n P N, vn “ sup uk “ suptuk , k ě nu.
kěn
(a) Montrer que pvn qnPN est décroissante.
(b) En déduire que pvn qnPN converge vers un certain réel, qu’on notera ℓ.
(c) Soit ε ą 0. Montrer qu’il existe un rang N1 tel que pour tout n ě N1 , |un ´ vn | ď ε.
(d) En déduire que pun qnPN converge vers ℓ.

Partie II – Cas particulier du théorème de Baire


On montre dans cette question un cas particulier du théorème de Baire. Plus précisément,
č si pUn qnPN est une suite de
sous-ensembles ouverts de R, tels que pour tout n P N, Un soit dense dans R, alors Un est encore dense dans R.
nPN
1. Montrer à l’aide d’un exemple que ce résultat est faux sans l’hypothèse d’ouverture des Un .
2. Soit pUn qnPN une suite de sous-ensembles ouverts denses de R, et U “sa, br un intervalle ouvert non vide de R.
On note U´1 “ U . Montrer qu’on peut construire deux suites pxn qně´1 et pεn qně´1 telles que :
(i) ε´1 ą 0 ;
εn´1
(ii) @n P N, 0 ă εn ă 2 ;
εn´1
(iii) @n P N, |xn ´ xn´1 | ă 2 ;
(iv) @n P N Y t´1u, Bpxn , εn q Ă Un ;

1
3. Montrer qu’alors :
(a) pour tout n P N, B n pxn , εn q Ă Bpxn´1 , εn´1 q ;
εn
(b) pour tout n P N, et tout p ě n, εp ď 2p´n ;
(c) pour tout n P N et tout p ě n, |xp ´ xn | ď εn .
4. En déduire que pxn qnPN est une suite de Cauchy.
č
5. En déduire enfin que Un est dense dans R.
nPN

Problème 2 – (Ramsey, Erdös, Schur et Fermat)

Le but de ce problème est d’introduire quelques techniques combinatoires permettant d’obtenir des propriétés d’existence
de certaines configurations d’objets. Par exemple, le principe des tiroirs est un tel résultat, puisque sous certaines
conditions, il donne l’existence de deux objets (ou plus) vérifiant une certaine propriété. Le théorème de Ramsey,
étudié dans ce problème, en est une généralisation, donnant l’existence de certaines configurations dans des graphes
sufisamment gros dont les arêtes sont coloriées. Nous donnons en fin de problème une conséquence inattendue de ces
techniques dans un contexte arithmétique, en démontrant un résultat dû à Schur concernant l’existence de solutions
non triviales de l’équation de Fermat modulaire.

Définitions ou rappels
‚ Un graphe (non orienté) est constitué :
˚ d’un ensemble V dont les éléments sont appelés sommets (« vertices ») du graphe
˚ d’une partie E Ă P2 pV q, dont les éléments, appelés arêtes (« edges »), sont des paires de sommets. Si
A “ ta, bu P E, on dira que A est l’arête reliant les sommets a et b.
‚ On désignera par G “ pV, Eq un graphe de sommets V et d’arêtes E.
‚ Un graphe de sommets V est dit complet si E “ P2 pV q, dont si toute paire de sommets est reliée par une
arête. On notera KpV q l’unique graphe complet dont les sommets sont les éléments de V , et pour n P N˚ ,
Kn “ Kpv1, nwq.
‚ Un coloriage en k couleurs des arêtes du graphe pV, Eq est une application γ : E Ñ v1, kw. L’arête A P E
est alors coloriée de la couleur γpaq. On parlera simplement de coloriage du graphe, mais il faudra bien être
conscient que ce sont les arêtes qui sont coloriées et non les sommets.
‚ Soit KpV q est un graphe complet muni d’un coloriage, et W Ă V . On dit que le sous-graphe complet KpW q est
monochrome si toutes les arêtes reliant deux sommets de W sont coloriées de la même couleur.
‚ Un triangle monochrome est par exemple un sous-graphe complet monochrome ayant 3 sommets.

Toutes les réponses devront être justifiées.

Questions préliminaires
Soit pn, kq P pN˚ q2 .
1. De combien d’arêtes dispose un graphe complet à n sommets ?
2. Combien de coloriages en k couleurs existe-t-il pour un graphe complet à n sommets ? (remarquez que par
définition même, les k couleurs sont fixées, et numérotées de 1 à k).

Partie I – Autour du principe des tiroirs


Soit n et k deux entiers naturels non nuls, et f : v1, nw Ñ v1, kw une application.
k
ÿ
1. Déterminer |f ´1 ptℓuq|, où f ´1 désigne l’application image réciproque associée à f .
ℓ“1
2. En déduire qu’il existe ℓ P v1, kw tel que |f ´1 ptℓuq| ě nk , la notation rxs désignant la partie entière par excès
P T

de x, c’est-à-dire le plus petit entier supérieur ou égal à x.

2
En terme de tiroirs, on vient de prouver qu’en répartissant n objets dans k tiroirs, au moins un tiroir contient au
moins nk objets.
P T

Le théorème de Ramsey dont nous démontrons un cas particulier dans ce devoir, peut se voir, dans son énoncé général,
comme une généralisation du principe des tiroirs. Il stipule que dans des graphes complets coloriés suffisamment grands,
on pourra trouver des sous-graphes complets monochromes de taille fixée arbitrairement. Il s’énonce plus précisément
ainsi :
Théorème de Ramsey :
Soit k P N˚ , et pm1 , . . . , mk q P pNzt0, 1uqk . Il existe un entier N P N˚ tel que pour tout ensemble fini V de
cardinal supérieur ou égal à N , et pour tout coloriage de KpV q en k couleurs, KpV q possède un sous-graphe
complet monochrome KpW q, tel que si i P v1, kw est la couleur des arêtes de KpW q, |W | ě mi .
On remarquera que la taille imposée à W dépend de la couleur de ses arêtes. Ainsi, si k “ 2 et pm1 , m2 q “ p3, 10q,
trouver un sous-graphe complet de cardinal 3 de la couleur 1 pourra suffire à répondre au problème, mais s’il n’en
existe pas, il faudra trouver un sous-graphe complet de cardinal 10 de la couleur 2.
Pour tout pm1 , . . . , mk q P pNzt0, 1uqk , on notera Rpm1 , . . . , mk q la valeur minimale de N telle que tout graphe complet
de cardinal au moins N admet un sous-graphe KpW q monochrome d’une certaine couleur i, tel que |W | ě mi , si une
telle valeur existe. Dans le cas contraire, on posera Rpm1 , . . . , mk q “ `8. Ces nombres Rpm1 , . . . , mk q sont appelés
nombres de Ramsey. Le théorème de Ramsey affirme donc que les nombres de Ramsey sont finis.
La partie II expose le cas particulier de la recherche de triangles monochromes. La partie III donne une démonstration
du théorème de Ramsey exposé ci-dessus. Ainsi, dans ces deux parties, le théorème ne pourra pas être supposé connu.

Partie II – Présence d’un triangle monochrome dans un graphe colorié


On s’intéresse dans cette partie à la présence d’un triangle monochrome (de couleur quelconque) dans un graphe. Il
s’agit donc du problème de Ramsey associé aux paramètres pm1 , . . . , mk q “ p3, . . . , 3q. On note Tk “ Rp3, . . . , 3q le
nombre de Ramsey associé, dans le cas d’un coloriage en k couleurs, éventuellement infini.
1. Dans cette question, on suppose que k “ 2, et on considère le graphe complet K6 muni d’un coloriage avec 2
couleurs.
(a) Montrer qu’on peut trouver trois arêtes issues du sommet 1 qui sont de la même couleur.
(b) En déduire que K6 possède un triangle monochrome.
(c) Montrer que T2 “ Rp3, 3q “ 6.
2. Soit k ě 3. On suppose que la propriété de Ramsey est vraie pour les triangles monochromes dans un coloriage
en k ´ 1 couleurs. Ainsi, on dispose d’une valeur minimale Tk´1 telle que tout graphe complet ayant au moins
Tk´1 sommets, colorié en k ´ 1 couleurs, admet au moins un triangle monochrome.
(a) En adaptant la preuve précédente, montrer que

Tk ď kTk´1 ´ k ` 2.

(b) Montrer que pour tout k P N˚ , Tk est fini, et Tk ď 3 ¨ k!

Partie III – Démonstration du théorème de Ramsey pour les graphes

1. Montrer que pour tout m ě 2, Rpmq ă `8, et expliciter la valeur de Rpmq.


2. Soit k ě 2. On suppose que pour tout k ´ 1-uplet pm1 , . . . , mk´1 q d’entiers au moins égaux à 2, on a :
Rpm1 , . . . , mk´1 q ă `8.
(a) Montrer que pour tout i P v1, kw,

Rpm1 , . . . , mi´1 , 2, mi , . . . , mk´1 q “ Rpm1 , . . . , mk´1 q ă `8.

On remarquera que si i “ 1, il n’y a rien avant le 2, et si i “ k, il n’y a rien après le 2.

3
(b) Soit pm1 , . . . , mk q un k-uplet d’entiers au moins égaux à 3. On suppose que pour tout i P v1, kw,

Rpm1 , . . . , mi´1 , mi ´ 1, mi`1 , . . . , mk q ă `8.

On se donne un entier n vérifiant


˜ ¸
ÿk
ně Rpm1 , . . . , mi´1 , mi ´ 1, mi`1 , . . . , mk q ´ pk ´ 2q,
i“1

V un ensemble de cardinal n, et γ un coloriage du graphe complet KpV q en k couleurs. On se fixe v P V un


sommet quelconque de KpV q et on note, pour tout i P v1, kw, Γi pvq l’ensemble des sommets w P V tels que
l’arête tv, wu soit coloriée de la couleur i.
Montrer qu’il existe i P v1, kw tel que

|Γi pvq| ě Rpm1 , . . . , mi´1 , mi ´ 1, mi`1 , . . . , mk q.

(c) Sous les hypothèses de la question précédente, en déduire que


˜ ¸
k
ÿ
Rpm1 , . . . , mk q ď Rpm1 , . . . , mi´1 , mi ´ 1, mi`1 , . . . , mk q ´ pk ´ 2q ă `8.
i“1

3. Démontrer le théorème de Ramsey énoncé plus haut.


4. À l’aide de l’inégalité obtenue en 2(c), montrer que pour tout couple pm1 , m2 q d’entiers supérieurs ou égaux
à 2, ˆ ˙
m1 ` m2 ´ 2
Rpm1 , m2 q ď .
m1 ´ 1
Qu’obtient-on pour m1 “ m2 “ 3 ?

Partie IV – Minoration d’Erdös


m
Le but de cette partie est de démontrer que pour tout m ě 2, Rpm, mq ě 2 2 , résultat démontré par Erdös.
1. Montrer que la minoration d’Erdös est vraie pour m “ 2 et m “ 3.
2. Montrer que pour toute famille finie pAi qiPI d’ensembles finis,
ˇ ˇ
ˇď ˇ ÿ
ˇ Ai ˇ ď |Ai |.
ˇ ˇ
ˇiPI ˇ iPI

m
3. On suppose m ě 4. On raisonne par l’absurde, et on suppose que Rpm, mq ă 2 2 . On pose N “ Rpm, mq et
on se donne V un ensemble de cardinal N . Pour tout A P Pm pV q, on note CpAq l’ensemble des coloriages en
2 couleurs (qu’on appelera « bleu » et « rouge ») de KpV q tels que les arêtes du graphe complet KpAq soient
toutes coloriées en bleu. ˆ ˙
ÿ N pN2 q´pm2 q
(a) Montrer que |CpAq| “ 2 .
m
APPm pV q

(b) En déduire que le nombre de coloriages pour lesquels il existe un sous-graphe complet monochrome de la
couleur 1 est strictement inférieur à la moitié du nombre total de coloriages.
(c) En déduire la minoration d’Erdös.

Partie V – Théorème de Schur


Nous donnons dans cette partie une conséquence surprenante du théorème de Ramsey.
1. Soit k ě 2. Montrer qu’il existe N tel que pour tout n ě N et tout coloriage des éléments de v1, nw en k
couleurs, il existe x, y et z dans v1, nw, coloriés de la même couleur, et tels que x ` y “ z (théorème de Schur)
Indication : À un coloriage de v1, nw, on pourra associer un coloriage des arêtes de Kn , tel que l’arête ti, ju soit
de la même couleur que le sommet |i ´ j|.

4
2. Soit n un entier naturel non nul, p un nombre premier. On rappelle que Z{pZ est l’ensemble des classes de
congruence modulo p, et peut être muni d’une somme et d’un produit compatibles avec ceux de Z. On note

S “ txn , x P pZ{pZq˚ u

l’ensemble des puissances d’ordre n d’éléments non nuls de Z{pZ.


(a) À l’aide d’une relation de Bezout, montrer que tout élément non nul de pZ{pZq˚ est inversible.
(b) Pour a P pZ{pZq˚ , on définit aS “ tay, y P Su. Montrer que taS, a P pZ{pZq˚ u est une partition de pZ{pZq˚ .
On note k son nombre de parts.
(c) En déduire qu’il existe N tel que pour tout p premier supérieur à N , il existe des entiers x, y et z non nuls
vérifiant l’équation de Fermat modulaire :

xn ` y n ” z n rps

(théorème lui aussi dû à Schur).

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