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Lycée Louis-Le-Grand, Paris Samedi 12/02/2021

MP2I – Mathématiques
A. Troesch

Devoir Surveillé no 6 (4h)

La présentation, la lisibilité, l’orthographe, la qualité de la rédaction, la clarté, la précision et la concision des raison-
nements entreront pour une part importante dans l’appréciation des copies.
Les candidats sont invités à encadrer dans la mesure du possible les résultats de leurs calculs.
L’usage de tout document et de tout matériel électronique est interdit. Notamment, les téléphones portables doivent
être éteints et rangés.

Problème – (Théorème de Sarkovskii)


Les points fixes de f et de ses itérées ont une place centrale dans l’étude des suites récurrentes associées à f . Ce
problème a pour but d’étudier l’existence de points fixes d’itérées de f . Il commence par l’étude explicite de suites
récurrentes.
On pourra utiliser sans les redémontrer les résultats suivants :
n´1
1 ÿ
‚ Théorème de Cesaro : Si un ÝÑ ℓ P R alors uk ÝÑ ℓ.
n k“0
‚ Soit f une application telle que I soit un intervalle stable pour f , et soit pun q définie par u0 P I et un`1 “ f pun q
pour n P N.
˚ Si f est croissante sur I, alors pun q est monotone
˚ Si f est décroissante sur I, alors pu2n q et pu2n`1 q sont monotones. pun q ainsi

Partie I – Un exemple de suites récurrentes : les suites logistiques


Soit c Ps0, 4s. On définit la fonction f sur r0, 1s par :

f pxq “ cxp1 ´ xq.

On définit une suite pun q par la récurrence :

u0 P r0, 1s, @n P N, un`1 “ f pun q.

Ces suites sont appelées suites logistiques.


1. Montrer que l’intervalle r0, 1s est stable par f . Qu’en déduisez-vous quant à la définition de pun q ?
2. Montrer que f est concave sur r0, 1s.
3. Étude du cas c Ps0, 1s.
(a) Déterminer dans ce cas le signe de f pxq ´ x sur r0, 1s, sans autre calcul que celui de la tangente de la courbe
de f en 0.
(b) En déduire la convergence de pun q et donner sa limite.
(c) On suppose ici que c Ps0, 1r. Montrer que : @n P N, 0 ď un ď cn .
(d) On suppose ici que c “ 1. Déterminer un réel α tel que uα
n`1 ´ un admette une limite finie non nulle, et en
α

1
déduire que un „ .
`8 n

4. Étude du cas c Ps1, 2s.


(a) Déterminer les deux points fixes de f , notés ℓ0 et ℓ1 , avec ℓ0 ă ℓ1 . On vérifiera que ℓ1 ď 21 .
(b) Justifier que rℓ0 , ℓ1 s et rℓ1 , 12 s sont stables par f .
(c) À l’aide de propriétés de convexité, déterminer le signe de f pxq ´ x sur rℓ0 , ℓ1 s et sur rℓ1 , 21 s.
(d) Étudier la convergence de pun q suivant la valeur de u0 (on donnera la valeur de la limite dans chacun des
cas).

1
5. Explicitation dans le cas c “ 2.
ˆ ˙2
1 1
(a) Montrer que dans ce cas, pour tout n P N, un`1 ´ “ ´2 un ´ .
2 2
ˆ ˙ ˆ ˇ ˇ˙2n
˚ 1 ˇ 1 ˇˇ
(b) En déduire que pour tout n P N , 2 un ´ “ ´ 2 ˇu0 ´ ˇ
ˇ .
2 2
6. Étude du cas c Ps2, 3r.
(a) Montrer que f ˝ f n’a pas d’autre point fixe que ℓ0 et ℓ1 déjà déterminés dans l’étude du cas précédent (on
pourra admettre cette question pour pouvoir continuer)
(b) Montrer que r 21 , 4c s est stable par f .
(c) Étudier, suivant la valeur de u0 , la convergence de la suite pun q.
Ainsi, on se rend compte que plus c augmente, plus la situation devient complexe. On peut montrer que lorsqu’on
augmente c, on aura l’apparition de 2-cycles (i.e. de points fixes de f ˝ f , qui ne sont pas points fixes de f ), tels que
suivant la valeur de u0 , pu2n q et pu2n`1 q covergeront respectivement vers l’un et l’autre de ces 2 points, puis lorsqu’on
augmente encore c, il apparaîtra des 4-cycles, puis des cycles de diverses longueurs.
Le but de ce problème est de montrer que dans le cas c “ 4, il existera des cycles de toutes les longueurs. Pour cela
on montre l’existence d’un 3-cycle, i.e. l’existence d’un point x tel que f pxq ‰ x, f ˝ f pxq ‰ x et f ˝ f ˝ f pxq “ x. On
montrera dans la partie III que l’existence de ce 3-cycle implique l’existence de cycles de toutes longueurs. On pourrait
dans ce cas particulier montrer facilement l’existence de ces cycles en adaptant légèrement les questions ci-dessous,
mais ce serait moins drôle et je n’aurais plus de problème à vous proposer !
7. Existence d’un 3-cycle dans le cas c “ 4.
(a) On suppose c “ 4. Montrer que f induit une bijection de s0, 12 s sur s0, 1s. On note g sa réciproque.
(b) On pose x1 “ g ˝ g ˝ gp1q et x2 “ g ˝ gp1q. Montrer qu’il existe x dans rx1 , x2 s tel que f ˝ f ˝ f pxq ´ x “ 0.
(c) Justifier que x définit un 3-cycle.

Partie II – Théorèmes de points fixes


Dans tout le reste du problème, f désigne une application continue de r0, 1s dans lui-même. Pour x P r0, 1s, la notation
f n pxq désignera systématiquement la composée itérée et non la puissance au sens du produit :

f n pxq “ f ˝ ¨ ¨ ¨ ˝ f pxq,

le nombre de facteurs f dans la composition étant égal à n.


On dit qu’un point x P r0, 1s est n-périodique (ou périodique de période n) s’il vérifie f n pxq “ x et pour tout i P
v1, n ´ 1w, f i pxq ‰ x. L’ensemble des images successives de x par f définit alors un n-cycle.
On donne dans cette partie quelques outils pour montrer l’existence de points de période m, afin de pouvoir montrer
dans la partie III que l’existence d’un point de période 3 implique l’existence de points de toutes périodes.
1. Soit I “ ra, bs Ă r0, 1s. On suppose que I Ă f pIq. Montrer que f admet un point fixe sur I.
2. Soit J0 “ ra0 , b0 s et J1 “ ra1 , b1 s deux intervalles fermés inclus dans r0, 1s, avec a0 ă b0 et a1 ă b1 . On
suppose que f pJ0 q Ą J1 . On dit que f pJ0 q recouvre J1 . C’est dans ce sens qu’il faut voir les choses, comme un
recouvrement, c’est pour cela qu’on écrit l’inclusion dans ce sens.
(a) Justifier l’existence de x0 , y0 P J0 tels que f px0 q “ a1 et f py0 q “ b1 . On supposera par la suite que x0 ď y0 ,
le cas opposé se démontrant de même.
(b) Justifier l’existence de α “ suptx P rx0 , y0 s | f pxq “ a1 u puis de β “ inftx P rα, y0 s | f pxq “ b1 u
(c) Montrer que f pαq “ a1 et f pβq “ b1 .
(d) Montrer que rα, βs Ă J0 et f prα, βsq “ J1
3. Soit n P N, et soit pJk qkPv0,nw une suite d’intervalles fermés inclus dans r0, 1s, tels que J0 “ Jn , et pour tout
k P v0, n ´ 1w, f pJk q Ą Jk`1 .
(a) Montrer qu’il existe une famille d’intervalles fermés pLk qkPv1,nw , décroissante pour l’inclusion, telle que
L1 Ă J0 et pour tout k P v1, nw, f k pLk q “ Jk .
(b) Montrer que f n pLn q Ą Ln
(c) En déduire qu’il existe x P J0 tel que f n pxq “ x, et tel que pour tout k P v1, nw, f k pxq P Jk .

2
Étant donné une famille finie pJa qaPA d’intervalles de A, on peut représenter la situation précédente sous forme d’un
graphe orienté associée à cette famille. Les sommets de ce graphe sont les Ja , et deux sommets Ja et Jb sont reliés
par une flèche Ja Ñ Jb si et seulement si f pJa q Ą Jb . Le résultat qu’on vient d’établir dit alors que si on dispose
d’un chemin fermé de longueur n dans ce graphe (i.e. un cycle), on dispose d’un point fixe x de f n dont les images
successives seront dans les intervalles successifs Ia formant ce cycle.
Ce graphe est appelé graphe de Markov de f associé à la famille pJa q. Un exemple de graphe de Markov simple est
donné au courant de la partie III.

Partie III – Période 3 implique chaos


On suppose que x est un point 3-périodique de f . Quitte à remplacer x par le minimum de tx, f pxq, f 2 pxqu (qui est
aussi d’ordre 3), on peut supposer x ă f pxq et x ă f 2 pxq. On a alors deux cas possibles f pxq ă f 2 pxq ou f 2 pxq ă f pxq.
Nous supposons dans la suite que f pxq ă f 2 pxq, l’autre cas se traitant de façon similaire. On définit

p1 “ x, p2 “ f pxq, p3 “ f 2 pxq.

Ainsi, p1 ă p2 ă p3 . On définit de plus

I1 “ rp2 , p3 s et I2 “ rp1 , p2 s.

1. Justifier que f pI1 q Ą I1 , f pI1 q Ą I2 et f pI2 q Ą I1 . Ainsi, le graphe de Markov associé à la famille pIj qjPt1,2u est :

I1 I2

2. Soit n un entier strictement supérieur à 3.


(a) Montrer, à l’aide des résultats de la partie II, l’existence d’un élément y P I1 tel que f n pyq “ y, f n´1 pyq P I2
et pour tout k P v1, n ´ 2w, f k pyq P I1 .
(b) Justifier que si y est un point de période strictement inférieur à n, alors f n´1 pyq P I1 X I2 “ tf pxqu.
(c) Trouver une contradiction en considérant f n`1 pyq. Ainsi, y est n-périodique.
3. Adapter l’argument pour montrer que f admet un point de période 2.
4. À l’aide d’une des inclusions de la question 1, montrer que f admet un point fixe (donc un point 1-périodique).
Ainsi, on a bien montré que si f admet un point 3-périodique, il admet des points de toutes périodes, ce qui rend
l’étude des suites récurrentes associées très compliquées, les comportements pouvant être très variés en fonction du
point initial.

Partie IV – Quelques propriétés du graphe de Markov (partie difficile)


Le résultat précédent est en fait un cas particulier d’un résultat plus général, le théorème de Sarkovskii, affirmant que
si on dispose d’un point n périodique, on sait qu’on va aussi disposer de points m-périodiques, pour certaines périodes
m qu’on sait déterminer complètement en fonction de n. Plus précisément, Sarkovskii a défini un ordre total sur N˚
tel que si f admet un point n-périodique, il admettra aussi des points m périodiques pour tout m inférieur à n pour
cet ordre (théorème de Sarkovskii). Dans cet ordre, 3 est l’élément maximum, ce qui justifie que le résultat qu’on vient
de démontrer est un cas particulier du théorème de Sarkovskii.
La démontration de ce théorème est basée sur l’étude du graphe de Markov de certaines familles d’intervalles définis
en fonction des points périodiques, un peu de la même manière que dans la partie précédente. Dans ce qui suit, on se
donne un point n-périodique, pour n ą 1, et on note

tx, f pxq, f 2 pxq, . . . , f n´1 pxqu “ tp1 , . . . , pn u

en numérotant les pi tels que p1 ă ¨ ¨ ¨ ă pn (ce qui ne correspond pas forcément à leur ordre dans le cycle). On définit
alors
@k P v1, n ´ 1w , Ik “ rpk , pk`1 s
1. (a) Justifier l’existence d’un indice i1 tel que f ppi1 q ą pi1 , et pour tout i ą i1 , f ppi q ă pi . L’entier i1 est
dorénavant choisi ainsi.
(b) Montrer que f pIi1 q Ą Ii1 . Ainsi, il existe un sommet du graphe de Markov muni d’une boucle.
2. On dit qu’un intervalle Ia est atteignable depuis Ii1 s’il existe une séquence i2 , . . . , ik telle que ik “ a et

f pIi1 q Ą Ii2 , f pIi2 q Ą Ii3 , . . . f pIik´1 q Ą Iik “ Ia

3
Autrement dit, il existe un chemin Ii1 Ñ Ii2 Ñ ¨ ¨ ¨ Ñ Iik “ Ia dans le graphe de Markov, allant de Ii1 à Ia .
Le but de cette question est de montrer que tous les intervalles Ia sont atteignables depuis Ii1 . On définit, pour
tout k P N˚ , ak et bk les indices tels que
ď ď
pak “ min tf ℓ ppi1 q, f ℓ ppi1 `1 qu et pbk “ max tf ℓ ppi1 q, f ℓ ppi1 `1 qu.
ℓPv1,kw ℓPv1,kw

(a) Soit i P vak`1 , ak ´ 1w. Montrer qu’il existe j P vak , bk w, tel que f ppj q ď pi .
(b) En déduire qu’il existe ℓ P vak , bk ´ 1w tel que f pIℓ q Ą Ii . On admettra un résultat similaire pour i P
vbk , bk`1 ´ 1w.
(c) En déduire que tout intervalle Ia , a P v1, n ´ 1w est atteignable depuis Ii1 .
3. On suppose dans cette question qu’inversement, Ii1 n’est atteignable depuis aucun autre intervalle Ij .
(a) Montrer que pour tout i ď i1 , f ppi q ě pi1 `1 , et pour tout j ě i1 ` 1, f ppj q ď pi1 . On pourra se souvenir de
la définition de i1 .
(b) En déduire que n est pair, et que f admet un point de période 2.
Indication : considérer J1 “ rp1 , pi1 s et J2 “ rpi1 `1 , pn´1 s et utiliser la question II-3.
4. On suppose dans cette question que x est un point périodique de période n impair minimal (ainsi, il n’existe
pas de point de plus petite période impaire). La question précédente montre qu’il existe a P v1, n ´ 1w tel que
f pIa q Ą Ii1 . Comme Ia lui-même est atteignable depuis Ii1 d’après la question 2, on peut trouver un cycle
Ii1 Ñ Ii2 Ñ ¨ ¨ ¨ Ñ Iik Ñ Ii1 dans le graphe de Markov (avec ik “ a). On rappelle que la flèche I Ñ J signifie
que f pIq Ą J. On choisit ce cycle de sorte que k ą 1 soit minimal. On pose ik`1 “ i1 .
(a) À l’aide de la question II-3, montrer que k “ n ´ 1 (on pourra se souvenir, pour régler des questions de
parité, que Ii1 Ñ Ii1 ).
(b) Montrer qu’il ne peut pas exister dans le graphe de Markov de flèche Iij Ñ Iiℓ lorsque j ` 2 ď ℓ ď n
˚
(c) Montrer qu’il existe des flèches Iin Ñ Iim dans le graphe de Markov pour tout m impair tel que m ă n.
Indication : décrire les images successives de xi0 et xi0 ` 1 par f , en se souvenant de la définition de i0 et
en utilisant la question 4b, qui contraint beaucoup l’image des intervalles successifs.
5. En formant des cycles de bonne longueur dans le graphe de Markov à partir de la question 4, montrer que si
f admet un point de période impaire n, il admet des points de toute période m ě n et de toute période paire
m ă n.
Indication : vous avez tout intérêt à tracer sous forme d’un graphe le résultat de la question 4 pour trouver vos
cycles.
6. Montrer que si f a un point de période paire, il a un point de période 2. On pourra raisonner par l’absurde et
adapter le raisonnement de la question 4, en considérant un point de période minimale, nécessairement paire
(pourquoi), puis en trouvant un 2-cycle dans le graphe obtenu.

Partie V – Le théorème de Sarkovskii (1964)

1. Lemmes arithmétiques sur les périodes


(a) Soit x un point n-périodique pour f et h P N˚ . Montrer que x est un point de période n^h n
pour f h , où
n ^ h est le pgcd de n et h.
(b) Réciproquement, montrer que si c est un point de période m pour f h , il est de période mh d pour f , où d est
un diviseur de h premier avec m.
2. On démontre maintenant le théorème de Sarkovskii. On suppose que f admet un point x de période n. Dans
les questions suivantes, seules la question V-1 et les questions IV-4 et IV-6 seront nécessaires
(a) On suppose qu’il existe k P N˚ tel que n “ 2k . Soit m “ 2ℓ , avec ℓ ă k. En considérant f m{2 , montrer que
f admet un point de période m.
(b) On suppose que n “ p2k , où p ą 1 est impair.
k
i. Soit m “ q2k , avec q pair, q ą 0. Montrer que f 2 admet un point 2-périodique, puis que f admet un
point m-périodique.
ii. De même, montrer que si m “ q2k , avec q impair tel que q ą p, alors f admet un point m périodique.
iii. Montrer enfin que si m “ 2ℓ , avec ℓ ď k, alors f admet un point m-périodique.
3. Décrire un ordre total sur N˚ tel que si f admet un point n périodique, il admet des points m-périodiques pour
tout m inférieur à n pour cet ordre (ordre de Sarkovskii). On pourra représenter les entiers sous la forme 2k p,
avec p impair, pour décrire cet ordre. On vérifiera que 3 est le maximum de N˚ pour cet ordre.

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