Vous êtes sur la page 1sur 2

Mon trésor (la déclaration d’impôts) (Emilie et Martin 

?)

E. Sur le ton d’une amoureuse transie. Voilà, … Cela fait longtemps que je tourne en rond,
que je dois te faire cette déclaration et pourtant chaque jour je recule. Chaque jour je
m’installe devant la feuille, chaque jour je prends mon stylo… Et chaque jour… les mots ne
veulent pas plus sortir que la veille ! Aujourd’hui pourtant, je sens que je ne peux plus reculer

M. (froid) En effet, la date limite, c’est ce soir, minuit ; après il sera trop tard.

E. (tremblant d’émotion.) Je sais ! Ne me le rappelle pas chaque fois…Chaque seconde tombe


en moi comme un couperet. Et pourtant, je dois te faire cette déclaration… Il le faut !…

M. Allez, dites-moi tout, je veux tout savoir. Vos révélations me sont précieuses…

E. Pas autant qu’à moi… (timide) mon chéri….

M. Trésor, je préfère.

E. Oh oui, mon Trésor, c’est bien aussi…

M. …public.

E. Comment ?

M. Trésor public. C’est comme ça qu’on m’appelle en général.

E. Dis tout de suite que je ne suis pas la seule à te faire ce genre de déclarations !

M. Pensez-vous ! … Sans me vanter, vous êtes des millions…

E. Arrête de me torturer, tu sais très bien, mon Trésor, que je suis extrêmement possessive !

M. (rassurant) Mais toutes ne m’intéressent pas au même point. Sachez, ma chère que plus
votre déclaration sera… élevée, plus j’examinerai votre cas avec… attention.

E. (émue) C’est vrai ? Tu ne peux pas savoir à quel point ce que tu me dis me touche là ! (elle
se touche à l’emplacement du cœur mais sent une épaisseur à cet endroit et en sort un
portefeuille, qu’elle remet en place aussi sec.)

M. Allez, allez… cette déclaration !

E. J’y viens. Tu vas voir à quel point son contenu est… élevé. (elle sort un formulaire de
déclaration d’impôts, fait des mimiques d’hésitation, j’y vais, j’y vais pas, puis s’élance) :
Mon trésor…

M. …public
E. … Sache, pour répondre à ta première question, que non, ma situation n’a pas changé
depuis l’année dernière : je suis toujours célibataire.
M. Vous ne vous êtes ni mariée ni pacsée entretemps ?

E. Non ! Je vis toujours seule… (se rapproche de lui) et libre. Totalement libre.

M. (froid et calculateur, pour lui-même). Ça fait donc une part entière. C’est bon ça, les
célibataires, c’est ce qui rapporte le plus. (à elle) Toujours pas d’enfants à charge ?

E. Pas encore, mais… (se rapproche encore de lui) qui sait… si je trouve un jour l’âme
sœur…

M. En ce qui concerne votre salaire, toujours rien de changé par rapport à l’an dernier ?

E. (vexée, se regarde dans un miroir de poche, se recoiffe) Mon sale air ? Tu trouves ?
Pourtant on me dit souvent que je présente bien, que je suis plutôt mignonne. Et même que,
depuis que j’ai fait certaines… opérations (elle se dessine la silhouette), ma situation s’est
plutôt améliorée…

M. Tiens, tiens…Des opérations qui vous ont rapporté combien ?

E. Et ben, c’est un peu personnel comme question… Disons plusieurs centimètres, ici et là,
mais tous placés où il faut,… Disons, dans des petits endroits secrets (indique timidement ses
hanches et sa poitrine)

M. Ces augmentations de capital, vous les avez notées dans votre déclaration ?

E. « Augmentations de capital », t’as de ces expressions ! Disons que je ne les déclare pas à
proprement parler mais que, grâce à certains… « signes extérieurs », elles sautent facilement
aux yeux… Surtout pour un expert comme toi...

M. En effet, vous pouvez faire confiance en notre « expertise » pour approfondir ces « signes
extérieurs » au plus vite …

E. (pudique) Comme tu y vas ! J’aurais aimé un peu plus de délicatesse à l’évocation de mes
trésors cachés…

M. Avez-vous encore d’autres choses à me cacher ?


E. Non mais (hésite)… j’ai une faveur à te demander…
M. Un arrangement à l’amiable, peut-être ?
E. En quelque sorte. J’aimerais qu’on sorte ensemble un soir pour te payer un pot.
M. Vous voilà enfin raisonnable !
E. Tu… Tu es d’accord ?
M. Ah ben moi, dès qu’il s’agit de payer les impôts, je suis toujours d’accord ! Passez quand
vous voulez à mon bureau
E. Bon, ben alors disons… vendredi vers 21 heures
M. En tout cas avant minuit, parce que, après minuit il sera trop tard. A bientôt chère Madame
E. A bientôt… mon Trésor.
M. Public
Ils sortent de scène chacun de son côté ; lui se frotte les mains, elle jubile.

Vous aimerez peut-être aussi