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Illustration de couverture :
Reconstitution 3D du camp d'hivernage viking de Repton,
image issue de MACHALE, Lisa, CRUSE, Dudley, The Vikings Uncovered,
film documentaire présenté par Dan SNOW et Sarah PARCAK,
diffusé à partir de mai 2016 sur la BBC, durée : 1h30
(image créée par Compost Creative, https://vimeo.com/156442567 à 00:10)
Au sein de l'étude même de l'histoire, je suis plus particulièrement touché par les époques
encore mal connues, auréolées d'un imaginaire commun témoignant de leur
réappropriation par le grand public. Pour cette raison, je me suis tourné vers l'étude du
premier Moyen Âge, moment clef à mon sens en tant que fondation d'un Occident chrétien
tel que nous le connaissons aujourd'hui, mais encore intimement lié à une antiquité
romaine qui disparaît seulement. C'est également une époque qui se construit plus que
jamais par la rencontre avec l'altérité, sociétés orientales, arabes ou scandinaves, afin de
créer le monde médiéval et moderne. Par ailleurs, mon histoire personnelle m'a amené à
me découvrir une autre passion : le monde maritime, dont l'appréhension est pour moi
tout aussi intense que l'histoire, tout aussi « saisissante ». Ainsi s'est donc construit la
volonté de réaliser un mémoire recherche en histoire, qui ferait dialoguer premier Moyen
Âge et monde maritime.
Mon projet de recherche s'est construit avec l'Université de Caen Basse-Normandie. Avec
ce but d'étudier le premier Moyen Âge, sous l'angle d'une histoire culturelle parlant de
monde maritime et d'interactions de sociétés, j'ai eu le plaisir de pouvoir échanger avec M.
Pierre Bauduin. Suite à quelques échanges et lectures, un premier sujet de recherche s'est
esquissé, abordant les monastères insulaires du haut Moyen Âge, notamment autour de
celui de l'île d'Yeu, de tradition irlandaise mais très lié à la vie culturelle et économique du
littoral local. Le sujet s'annonçait passionnant, mais malgré une enquête approfondie, il a
été difficile de trouver des sources documentaires adéquates et des pistes de
problématiques pouvant renouveler le sujet : le sujet a donc été abandonné. Dans un
second temps, considérant peut-être mes différentes sensibilités, M. Bauduin me proposait
d'aborder un thème de l'histoire viking qui nous reste encore très méconnu : l'hivernage
viking en Occident. J'y retrouvais mon goût pour le premier Moyen Âge, pour le monde
maritime, et plus que jamais l'étude de sociétés en interactions : j'ai immédiatement été
saisi par ce sujet de recherche, qui pourrait être suivi sur un vaste aire chronologique et
dans une dimension internationale.
Reprenons cette définition dans le cadre de notre sujet. L'hivernage viking correspond
donc d'abord aux périodes où les vikings passaient l'hiver dans un endroit donné, ou plus
précisément aux périodes où vikings et leurs bateaux passaient l'hiver en relâche dans un
lieu abrité, ne pouvant plus prendre la mer. Enfin, par extension, l'étude de l'hivernage
viking peut être considéré comme l'étude des périodes où les vikings cessaient leurs
activités habituelles, à savoir une activité itinérante de pillage, pour s'abriter dans un lieu
donné durant la mauvaise saison. Tout ceci se comprend bien évidemment si l'on a
conscience des difficultés de la navigation en haute-mer au Moyen Âge, qui deviennent
extrêmes pendant la mauvaise saison : ce ne sont pas seulement les bateaux vikings, mais
l'ensemble de la navigation hauturière qui est généralement suspendue. En témoignent par
exemple la Vita Martini de Fortunat :
Jan Bill, de l'université d'Oslo, le confirme dans son article Navires et navigation en
Occident à l'époque viking :
Detlev Ellmers évoque également le sujet au sein de son article Hafenbau4 (traduction : La
construction des ports), en parlant de l'évolution de la construction de sites portuaires au
Moyen Âge. Pour lui, il est alors indispensable d'hiverner, mais également de disposer d'un
lieu pour assurer l'entretien et l'hivernage des navires :
« Häfen sind die [...] unerläßlichen [...], ist für den Bau, die Wartung und die Überwinterung von Schiffen zu
sorgen und deren Schutz vor Sturm und Wellen [...]zu ermöglichen »
(page 105. Traduction : « Les ports sont indispensables […] pour assurer l'entretien et l'hivernage des navires et
les protéger contre la tempête et les vagues [...]»)
Aussi excellents marins les vikings étaient-ils, ils subissent également cette loi de la
navigation saisonnière, comme en témoignent les boathouses qu'ils élevaient en
Scandinavie afin de protéger leurs navires de l'hiver, et qui ont été étudiés par Frans-Arne
Stylegar et Oliver Grimm5 :
« At Ve, the place-name Skibereid (or Skibereis) may allude to a gathering-place within the skipreide or perhaps
to a leidang boathouse. Indeed, according to local tradition, Skibereis was the place where people in the old
days used to pull vessels ashore and into sheds for the winter. » , p. 264
Traduction : « À Ve, le nom de lieu Skibereid (ou Skibereis) peut faire allusion à un lieu de rassemblement dans le
skipreide ou peut-être à un hangar à bateaux lié au système Leidang. En effet, selon la tradition locale,
Skibereis était l'endroit que les personnes utilisaient dans les temps anciens pour tirer les bateaux à terre et à
l’abri pour l'hiver. »
Ainsi, les premières incursions vikings dans les mondes franc et britannique sont toutes
saisonnières. Avec le printemps, les navires vikings quittaient les terres scandinaves pour
apparaître à l'horizon de la Francie et de l'Angleterre. Ils pillent alors les terres abordées,
en longeant les côtes ou en remontant les rivières grâce au faible tirant d'eau de leurs
bateaux, puis repartent au début de l'hiver, et sont rentrés dans leurs ports d'attache, où ils
passeront la mauvaise saison à l'abri. Les incursions se multiplient, mais les bateaux
vikings arrivent toujours dans les mondes franc et britannique au printemps, pour repartir
avant l'hiver. A l'embouchure de la Loire, Ermentaire, moine du monastère Noirmoutier
débute le récit de la longue fuite de sa communauté et de leurs reliques en racontant
comment, dans un premier temps, ses frères ne passaient que l'été à l'abri sur le continent.
Ils ne retournaient sur l'île de Noirmoutier, où s'élevait leur monastère, que lorsque
l'agitation des mers d'automne signifiait la fin de la menace d'une attaque viking.
« Et hoc qualitates temporis exigente, aestivo quippe tempore, quo navigandi arridet temperies, Deas
monasterium, quod ob hoc fuerat constructum, petentes, hiemis tantummodo tempore, Herum insulam
repetebant. »6
Traduction7 : « Profitant des facilités de navigation qu'offre l'été, ils se rendaient au monastère de Déas construit
pour refuge et revenaient seulement l'hiver à Noirmoutier »)
3 BILL, Jan, « Navires et navigation en Occident à l'époque viking », in FLAMBARD, Anne-Marie, HERICHER,
(dir.) La progression des Vikings, des raids à la colonisation, p. 30
4 ELLMERS Detlev, « Hafenbau », in LINDGREN, Uta (dir.), Europäische technik im mittelalter, 800 bis 1400,
Tradition und Innovation, Berlin, Gebr. Mann Verlag, 1996, p. 105-110
5 STYLEGAR, Frans-Arne, GRIMM, Oliver, « Boathouses in Northern Europe and the North Atlantic », in
RICHARDSON, Miranda, International Journal of Nautical Archaeology (2005), vol. 34-2, Exford, Blackwell,
2005, p. 253-268
6 POUPARDIN, René, Monuments de l'histoire des abbayes Saint-Philibert (Noirmoutier, Grandlieu, Tournus)
d'après les notes d'Arthur Giry, éd. Picard et fils, Paris, 1905
7 DELHOMMEAU Louis, BOUHIER Claude, Vie et miracles de Saint-Philbert par Ermentaire, éd. Les amis de
l'île de Noirmoutier, Noirmoutier, 1999, p. 93
*
* *
Étudier et comprendre une notion demande un nécessaire recul pour aborder les
constantes et les évolutions, les généralités et les particularités du sujet. Définir les
délimitations chronologiques de cette étude peut paraître alors simple : nous y
reprendrons les limites habituelles de l'histoire viking, adoptées par tous aujourd'hui. Nous
étudierons l'hivernage viking de leur première apparition guerrière relevée par les sources
documentaires, à Portland en 789, jusqu'à la fin de l'emprise danoise en Angleterre en
1066 avec la défaite de Harald III de Norvège à la bataille de Stamford Bridge et la
conquête du pays par Guillaume le Conquérant, événements qui témoignent de la fin des
raids vikings en Occident pour des voyages et des guerres de conquêtes territoriales aux
moyens et finalités différentes. L'appréhension de ce sujet de recherche, l'hivernage viking
dans les mondes franc et britannique entre 789 et 1066, définit le cadre de notre étude.
Cette réflexion sur l'hivernage viking devrait enrichir de manière très intéressante notre
connaissance de leur histoire.
Dans un premier temps nous pourrons ainsi tenter de mettre toute la lumière sur
cette notion d'hivernage viking, relativement peu connue. D'abord, pourquoi apparaît-il ?
Au-delà des difficultés de navigation, pourquoi hiverner dans les mondes franc et
britannique ? Ensuite, comment se développe ce phénomène, des premières incursions aux
grands raids du IXème siècle ? Enfin, où se développe l'hivernage viking, entre royaumes
carolingiens et royaumes anglo-saxons ?
Dans un second temps, nous pourrons appréhender l'hivernage viking par la multiplicité
des sites d'hivernage viking, expressions même du phénomène de notre étude. Nous
pouvons reprendre une analyse géographique pour rythmer cette analyse. Quelle situation
géopolitique ou commerciale pour les sites d'hivernage viking ? Quel site choisi ensuite,
insulaire ou terrestre ? Quelles structures enfin pour l'établissement du camp d'hivernage,
naturelles ou anthropiques ?
Dans un troisième temps, nous tenterons de mettre à profit l'étude de l'hivernage pour
entrer au plus près la réalité même des vikings, « en relâche ». Qu'est-ce qu'un site
d'hivernage viking, sinon d'abord un refuge, où s'abriter des intempéries comme des
éventuelles attaques ennemies. Il s'agit ensuite d'un entrepôt, où rassembler le fruit des
pillages, mais aussi l'approvisionnement de la troupe pour l'hiver. Enfin un lieu de vie,
peut-être ouvert aux échanges, au commerce par exemple ?
Ces différentes approches nous permettront d'avoir un regard juste et global sur
l'hivernage viking dans les mondes franc et britannique, au travers des sites d'hivernage.
Mais c'est en allant au-delà de cette image que nous pourrons réellement saisir le
phénomène de l'hivernage viking, il faut remettre cette image en lien à son époque, afin de
comprendre la place qu'a eu l'hivernage viking dans l'histoire du premier Moyen Âge. Une
seconde partie de cette étude se concentrera sur ces réflexions.
Dans un premier temps, nous pourrons considérer le phénomène de l'hivernage dans les
relations entre vikings et pouvoir francs et britanniques. Dans quelles conditions se sont
faites l'installation du camp d'hivernage d'abord ? Puis quelle place réelle de l'hivernage,
entre tensions et conflits militaires d'une part, mais également entre échanges et
installations durables d'autre part ?
Dans un second temps, est-ce que l'hivernage viking a eu des répercussions durables dans
l'histoire du premier Moyen Âge ? L'hivernage viking n'a-t'il pas à la fois permis aux
vikings de multiplier les pillages, mais tout en devenant vulnérable ? Ou quelle a été la
place de l'hivernage dans l'histoire des fortifications médiévales par exemple ?
Enfin, dans un dernier temps, il peut être intéressant de proposer de nouveaux axes
d'études, permettant de préciser et densifier nos connaissances sur l'hivernage viking, mais
proposant également de se poser de nouvelles questions.
Lorsque l'on aborde l'étude de l'histoire dite « viking », une grande diversité semble
se dégager des ouvrages écrits et publiés depuis que l'histoire est devenue une science
véritable. Néanmoins, une certaine évolution historiographique peut se dégager,
témoignant de la diversité des écoles historiques et qui a permis dans son intégralité de
faire progresser notre connaissance de l'histoire. L'évolution des regards et des études sur
l'hivernage viking est intimement liée à cette tradition historiographique : son étude est
alors nécessaire pour tout travail se voulant critique et scientifique.
8 KLÆSØE, Iben Skibsted, « Research history, some comments », in KLÆSØE, Iben Skibsted (dir.), Viking trade
and settlement in continental western Europe, Museum Tusculanum Press, University of Copenhaguen, 2010,
p. 7-18
9 STEENSTRUP, Johannes C. H. R., Normannerne, Kjøbenhavn, Klein, 1882, 4 vol.
10 KEARY, Charles F., The vikings in western christendom, A. D. 789 to A.D. 888, Unwin, London, 1891, 571 p.
11 VOGEL, Walther, Die Normannen und das fränkische Reich bis zur Gründung der Normandie (799-911) ,
Scientia Verlag, 1906
Les décennies qui succédèrent à cet important travail de Walther Vogel entraînèrent
un certain engouement pour le monde viking dans les diverses régions où il fallut lutter
contre eux. Plusieurs auteurs entreprirent alors de reprendre les informations fournies par
Walther Vogel afin de les préciser, et d'en fournir une nouvelle analyse. En France,
Ferdinand Lot préparait une importante étude sur les vikings quand Walther Vogel a
soutenu sa thèse. Ses travaux postérieurs nous offrent néanmoins de nombreuses études
sur les invasions viking, très précises et complètes : les exemples sont très nombreux, mais
nous pourrons citer l'une de ses premières et plus fameuses contributions, La grande
invasion normande de 856-86212, publiée en 1908 par la Bibliothèque de l’École des
Chartes. S'il construit une histoire viking sur le territoire de la France plus juste, et plus
précise, s'il corrige même quelques erreurs de Walther Vogel, ce sont les données publiées
par ce dernier qu'il réutilise toujours comme fondement, sans remise en cause générale, et
sans exploiter à son tour de nouvelles sources. Ainsi, concernant notre sujet, Ferdinand Lot
a évoqué, précisé, corrigé, les principaux hivernages vikings qu'avait avancé Walther Vogel,
et s'est intéressé à une critique des sources pour en dégager certaines vérités, mais tout en
restant toujours dans une problématique d'histoire événementielle. Son œuvre d'historien
reste profondément liée à la tradition historiographique de son temps. La première
chronologie des hivernages que nous possédions se trouve confirmée et précisée,
notamment pour les régions du royaume franc de l'ouest.
Nous évoquerons ici de Jan de Wries13, qui fut l'un des premiers à proposer en 1923 une
critique catégorique des sources monastiques, et donc une révision de la figure du viking,
mais en restant très lié à une certaine subjectivité d'orientation pangermaniste qui jette
une ombre sur son travail. L'année suivante, Einar Joranson amenait à son tour un regard
nouveau sur l'histoire viking, en publiant en 1924 The Danegeld in France, un étude
s'intéressant aux « victimes » des vikings en France, par l'étude des rançons et des tributs
attribués par les populations locales aux vikings. Ces deux dernières études ne touchent
pas immédiatement à l'étude de l'hivernage viking, mais y restent très étroitement liées,
amenant l'intérêt d'étudier les interactions entre vikings et populations locales, et qui ont
parfois eu lieu dans le contexte d'un hivernage viking. Fernand Vercauteren approfondira
la question de ces interactions à nouveau en 1935, Comment s'est-on défendu au Ixe siècle,
dans l'Empire franc, contre les Invasions Normandes ?, et approche donc les vikings en
étudiant le regard même de leurs « victimes », au sein des populations locales. La
Scandinavie ne reste pas en marge de la recherche historique sur le monde viking : les
suèdois Holger Arbman et Nils-Ove Nilsson, en collaboration avec Märten Stenberger,
publient le monument Vikingar i Västerled14 en 1935. Ils rédigeront encore bien plus tard
en 1968 une synthèse sur les armes scandinaves trouvées en France 15. Ils tissèrent ainsi
des liens fondamentaux entre la recherche viking en Scandinavie et « à l'ouest ».
12 LOT, Ferdinand, « La grande invasion normande de 856-862 », (rééd. de 1908), in Recueil des travaux historiques,
t.II, Genève-Paris, Droz, 1970, p. 711-770
13 DE VRIES, Jan, De Vikingen in de Lage Landen bij de zee, Groningen, Tjeenk Willink, 1923 430 p.
14 ARBMAN, Holger, STENBERGER, Märten, Vikingar i Västerled, Bonniers, Stockholm, 1935, 299 p.
15 ARBMAN, Holger, NILSSON, Nils-Ove, « Armes scandinaves de l'époque Viking en France », in ARBMAN,
Holger, CINTHIO, Erik (dir.), Meddelanden från Lunds universitets historika museum (1966-1968), Lund cwk
Gleerup, Lund, 1969, p. 163-202
16 BLOCH, Marc, La Société féodale, Paris, Albin Michel, 1994 (rééd. de 1939), 710 p.
Il faut attendre les années 1960 pour que la recherche s'intéresse à nouveau
véritablement à l'histoire viking, et c'est de l'Angleterre que débutera un nouvelle vague.
En 1962 paraît The Age of the vikings, et en 1982 Kings and vikings, de Peter Hayes
Sawyer, ouvrages où l'auteur renouvelle l'ensemble du fond de connaissance comme des
approches mêmes de l'histoire viking en Angleterre, en étudiant notamment aux aspects
politiques et commerciaux de l'histoire viking. Au-delà de sa vision à la fois internationale
et pluridisciplinaire de l'histoire viking, il remet par ailleurs en cause la violence et la
barbarie attribuée aux vikings, et s’intéresse à leur implantation dans les territoires pillés,
aux raisons de réussite ou d'échec de leurs colonisations durables. Aux États-Unis, en
1988, Carroll Gillmor17 a étudié les incursions vikings sur la Seine et la Loire entre 841 et
886 afin de proposer un nouveau regard sur le nombre d'hommes que devaient compter
les raids, mais également sur les conditions de navigation, de déplacements ou encore de
nutrition des vikings, des éléments à prendre en considération dans l'étude de l'hivernage
viking.
En France, Lucien Musset reprend également les idées laissées par Marc Bloch et
exploitées par Peter-Hayes Sawyer pour redécouvrir l'histoire viking à l'échelle de l'Europe
Occidentale avec Les peuples scandinaves au Moyen Âge en 1951, Les Invasions, le second
assaut contre l'Europe chrétienne (VIIe-XIe siècle) en 1965, ou sur des points particuliers
par des articles par exemple compilés au sein de Nordica et normannica : recueil d’études
sur la Scandinavie ancienne et médiévale, les expéditions des vikings et la fondation de la
Normandie18 en 1992. Comme Marc Bloch, il a su prendre un regard moins
ethnocentrique, pour étudier les mouvements vikings en terme de « génération », suivant
leurs pillages et leurs mouvements de manière chronologique et au-delà des limites
régionales, et comprenant ainsi au mieux le déroulement des événements. Il ne se contente
pas de nous parler d'hivernage viking, mais enrichit son propos des sources annexes qui
pourraient éclairer ces occupations vikings, réétudie les sources monastiques les évoquant,
et réfléchit sur l'origine et la destination de ces vikings hivernant en Occident. Son travail
nous permet également de confirmer et de préciser à nouveau l'ensemble de notre
chronologie sur l'hivernage viking dans le monde franc.
En Belgique, Albert d'Haenens reprend également ces méthodes et ces objectifs, afin
d'approfondir une histoire viking locale, au sein de son ouvrage Les Invasions normandes
en Belgique au IXème siècle : le phénomène et sa répercussion dans l'historiographie 19 en
1967. S'il nous propose une nouvelle étude des sources comme Peter Hayes Sawyer et
Lucien Musset, il construit également de nouveaux objectifs de recherche, présentés de
manière passionnante dans Les Invasions Normandes dans l'Empire franc au IX ème
siècle . Pour une rénovation de la problématique 20. en 1969. Son apport sur l'hivernage
viking est pour nous majeur : même si les données se précisaient grâce au travail de Peter
Hayes Sawyer et de Lucien Musset, c'est lui qui va le premier établir une véritable étude de
l'hivernage viking. Il fait le point sur les sites d'hivernage en Belgique, s'interroge sur les
17 GILLMOR, Carroll, « War on the rivers : viking numbers and mobility on the Seine and Loire, 841-886 », in
VIATOR (1988), vol. 19, Brepols Publishers, Turnhout, 1988, p. 79-110
18 MUSSET, Lucien, Les invasions, t. 2, Le second assaut contre l'Europe chrétienne (VII-XIe siècle), Paris,
Presses Universitaires de France, 1965
19 D’HAENENS Albert, Les invasions normandes en Belgique au IX ème siècle. Le phénomène et sa répercussion
dans l'historiographie médiévale, Louvain, Bibliothèque de l'Université, 1967, 391 p.
20 D'HAENENS, Albert, « Les invasions normandes dans l'empire Franc au IX ème siècle : pour une rénovation de la
problématique », in Settimane di studio del Centro italiano di studi sull'Alto Medio, 1969, p. 223-298
Quelques années plus tard, sur fonds de débats sur la dimension des troupes d'incursion
vikings, Nicholas Brooks21 reprend en Angleterre les pistes initiées par Albert d'Haenens.
De manière brève, mais qualitative, il aborde l'hivernage et les camps d'hivernage vikings
d'Angleterre dans son article « England in the Ninth Century : the crucible of the defeat ».
Pour lui, la grande armée de raid qui entre en Angleterre en 865 bouscule le phénomène de
l'hivernage : les vikings délaisseraient alors les camps situés sur les îles et les côtes pour
s'installer dans des villes et des fortifications locales. Comme Albert d'Haenens, il précise
également que ces sites d'hivernage étaient des places où protéger leur butin, leurs vivres,
mais également leurs éventuels blessés par exemple.
Il faut attendre l'article The Vikings versus the towns the northern Gaul : challenge and
response22 de Michel Rouche, publié en 1989, pour que le phénomène de l'hivernage viking
soit abordé également sur le territoire français. Il s'inscrit dans la continuité d'Albert
d'Haenens, mais part en quête de nouveaux camps d'hivernage, bien qu'en apportant par
exemple peut-être trop de confiance à la photographie aérienne. Michel Rouche appelle
également a une étude archéologique systématique des potentiels camps d'hivernage
viking, et à la production d'un inventaire des fortifications vikings entre la Seine et l'Aa. Il
réfléchit très pertinemment aux conséquences qu'ont eu l'apparition et le développement
des camps vikings dans le nord de la Gaule : ils seraient non seulement à l'origine d'un
mouvement général de fortification du territoire par les groupes locaux et régionaux qui
cherchent à leur faire face, mais également modèles pour la construction de ces
fortifications, de bois et de terre. Michel Rouche présente les vikings comme les
innovateurs et les inventeurs du réseau fortifié que formeront les mottes castrales du X ème
siècle.
21 BROOKS, Nicholas, « England in the Ninth Century : the crucible of the defeat », in Transactions of the Royal
Historical Society, vol 29, Cambruidge University Press, 1979, p.7
22 ROUCHE, Michel, « The Vikings versus the towns of Northern Gaul : challenge and response », in REDMANN,
Charles L., Medieval archaeology, papers of the seventeenth annual conference of the center of medieval early
and renaissance studies, Binghamton, State university of New York, 1989, p. 41-56
Régis Boyer est un éminent spécialiste depuis les années 1980 de la littérature, de l'histoire
de l'art et de la civilisation scandinave. Il a apporté alors une pierre importante à l'histoire
viking par l'étude des sagas scandinaves, ou en ré-étudiant les idées reçues de l'imaginaire
viking, par exemple au sein de son ouvrage Les vikings, Histoire et Civilisation 24, paru en
2002. Il a également proposé aux historiens de nouvelles problématiques sur la civilisation
viking, par une approche qui s'est voulu pluridisciplinaire, mais il est possible de relever
parfois dans ses travaux certaines erreurs de méthode historique. Considérant notre sujet,
Régis Boyer a pu reprendre les conclusions évoquées concernant l'hivernage viking, et
avancer d'intéressantes interrogations sur l'activité commerciale qu'ont pu avoir les vikings
lors de leur hivernage, questionnements repris par d'autres depuis.
Les travaux de Neil S. Price qui amenèrent la publication de The vikings in Brittany31 en
1989 apportèrent une importante contribution à l'histoire viking en Bretagne, en
rassemblant l'ensemble des connaissances à la fois historiques et archéologiques. The
vikings in Britain32, écrit par Henry Loyn en 1995, y ajoute de très intéressantes réflexions
en replaçant notamment les bases vikings au cœur des enjeux géopolitiques d'alors. Plus
récemment, Stefan Brink publia Law and legal customs in viking Age Scandinavia en
2002, avant qu'ils ne travaillèrent ensemble à la publication d'une synthèse monumentale
sur l'histoire viking, The viking World, publiée en 2008. Pluridisciplinaire, international,
rassemblant les plus grands chercheurs du domaine, cet ouvrage complet et novateur nous
offre des informations précieuses sur l'hivernage viking grâce au travail de Gareth
Williams33 portant sur diverses considérations militaires, tandis que Clare Downham 34 et
Julian D. Richards35 y a travaillé sur la présence viking, et donc également sur l'hivernage
viking, en Angleterre. Des informations sur l'hivernage viking au Pays de Galles sont
également à relever au sein de l'article de Marc Redknap 36, sur l'hivernage viking dans le
monde insulaire par le travail David N. Dumville 37, en Écosse par James H. Barett 38, en
Nous pouvons également à nouveau parler de Gareth Williams, qui est l'un des chercheurs
dont le travail est fondamental pour cette étude. Sa synthèse Vikings camps in England
and Ireland53 parut en 2014 dans le catalogue de la très belle exposition du British
Museum Vikings, life and legend nous offre un très bel aperçu sur les camps d'outre-
atlantique. Mais au-delà de cet aperçu, Gareth Williams nous livre une vision presque
sociologique de l'histoire viking, dont il nous faut nous inspirer : nous pensons à « Towns
and identitites in viking england », paru au sein de Everyday life in viking towns : social
approaches to viking age towns in ireland and england, c. 850-1100. Gareth Williams
nous propose d'observer les camps d'hivernages vikings comme des lieux défensifs mais
aussi et surtout des lieux d'artisanat et d'échanges commerciaux, dans une relation
constante avec l'arrière-pays local afin de pouvoir s’approvisionner en nourriture et
matières premières. Il analyse également les camps d'hivernages vikings comme des
centres primitifs , pouvant parfois devenir de réelles villes scandinaves au sein du monde
anglo-saxon. Il précise que si Repton a longtemps été un modèle pour les camps
d'hivernage vikings, il apparaît aujourd'hui qu'ils doivent être considérés avec une
47 RICHARDS, Julian D., Viking Age England, The History Press, Gloucestershire, 1991 , p. 29
48 RICHARDS, Julian D., « Identifying anglo-scandinavian settlements », in HADLEY, Dawn M., RICHARDS,
Julian D., Cultures in contact : scandinavian settlement in England in the ninth and tenth century, Brepols
publishers, Turnhout, 2000, p. 295-310
49 BILL, Jan, « Navires et navigation en Occident à l'époque viking », in FLAMBARD HERICHER, Anne-Marie,
(dir.), La progression des vikings, des raids à la colonisation, Rouen, Publications de l'Université de Rouen et
du Havre, 2003, p. 27-56
50 GRAHAM-CAMPBELL, James, « Les traces archéologiques des peuplements scandinaves en Occident », in
BAUDUIN, Pierre (dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Actes
du colloque de Cerisy-la-Salle, 25-29 sept. 2002, Caen, CRAHM, 2005, p. 13-24
51 RIDEL, Elisabeth (dir.), Les Vikings dans l'empire franc : impact, héritage, imaginaire (catalogue de
l'exposition du musée des Beaux-Arts de Valenciennes, 2014), éditions Orep, Bayeux, 2014, 143 p.
52 DOWNHAM, Clare, « viking Camps in Ninth-century Ireland: Sources, Locations and Interactions », in DUFFY,
Sean (éd.), Medieval Dublin X, Four Courts Press, 2010
53 WILLIAMS, Gareth, « Vikings camps in England and Ireland », in WILLIAMS, Gareth, PENTZ, Peter,
WEMHOFF, Matthia, (éd.), in Vikings, life and legend, Londres, The British Museum Press, 2014, p.120-121
54 McLEOD, Shane, The beginning of Scandinavian settlement in England, The viking 'Great Army' and early
settlers,c. 865-900, Brepols publishers, Turnhout, 2014, 130 p.
55 NISSEN-JAUBERT, Anne, « Some aspects of viking research in France », in STEFEN STUMANN, Hansen,
RANDSBORG, Klavs (dir.), Vikings in the West, Acta Archaeologica vol. 71, Copenhague, Munksgaard, 2001, p.
159-169
56 LEBECQ Stéphane, également auteur de l'article « Les vikings en Frise : chronique d'un échec relatif », in
BAUDUIN, Pierre (dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Actes
du colloque de Cerisy-la-Salle, 25-29 sept. 2002, Caen, CRAHM, 2005, p. 97-112
57 PERIN, Patrick, « Les objets vikings découverts en Haute-Normandie », in Les vikings en France. Les dossiers
de l'archéologie n°277, Dijon, Faton, octobre 2002, p. 18-25
58 LE MAJO, Jacques, « Les fouilles de la cathédrale de Rouen de 1985 à 1993. Esquisse d’un premier bilan », in
Archéologie Médiévale, t. XXIV, 1994, p. 1 à 49.
59 MARIN, Jean-Yves, « Les vikings à la conquête de la Normandie », in L'Histoire, n°207, février 1997, p. 50
60 LE MAHO, Jacques, « Les premières installations normandes dans la basse vallée de la Seine (fin du IX ème
siècle) », in FLAMBARD HERICHER, Anne-Marie, (dir.), La progression des vikings, des raids à la
colonisation, Rouen, Publications de l'Université de Rouen et du Havre, 2003, p. 153-170
Quelques nouvelles données sur l'hivernage viking en Bretagne nous sont apportés par le
travail de Joëlle Quaghebeur, notamment au sein de son article Norvège et Bretagne au
IXème et Xème siècles : un destin partagé62. Anne Nissen-Jaubert63 nous propose
également un regard très intéressant sur l'hivernage viking, par l'archéologie du
peuplement et de l'habitat viking et scandinave. Pierre Bauduin, par sa thèse portant sur
La Première Normandie (Xe-XIe siècles). Sur les frontières de la haute Normandie :
identité et construction d'une principauté 64 publiée en 2004, ou par son ouvrage sur Le
monde franc et les vikings, VIIIe-Xe siècle parut en 2009, réfléchit sur une nouvelle
approche des fondations vikings en Occident, en s'intéressant à l'étude de l'intégration et
des liens sociaux vikings. Même s'il n'est pas spécifiquement étudié ici, l'hivernage viking
se découvre alors une nouvelle dimension : celle de l'étude de ses relations avec avec la
population locale et avec le pouvoir en place, celle de son éventuel rôle dans l'intégration
des vikings à l'Occident chrétien.
A-4. Monographies
En parallèle de ces études portant sur l'histoire viking, une importante bibliographie
a également été produite sous la forme d'études monographiques, centrées sur l'approche
de susceptibles sites d'hivernage viking, qui enrichissent véritablement notre sujet et sans
lesquelles il serait vain de prétendre à quelque rigueur scientifique. La qualité de ces
travaux d'histoire est néanmoins très variée, liée à l'état des connaissances et des méthodes
de recherches à un moment donné comme à la personnalité du chercheur concerné.
Ainsi, le site d'Ascloha a été étudié par H. Welters65 en 1873, qui a simplement relaté les
évènements de manière très brève au cœur d'une présentation très littéraire de l'histoire et
de la civilisation scandinave. Jan-Hendrik Holwerda 66 s'est intéressé à son tour au sujet en
1939 : il s'oppose à l'idée admise jusque là depuis le XVI ème siècle de la localisation du camp
d'Ascloha à Escloo, où la réalité de la topographie entre en contradiction avec les sources.
En étudiant les informations fournies par les textes, une fouille archéologique sous une
église et le contexte archéologique du site (proximité d'un espace de mouillage sur la
Meuse tel les sources l'évoquent, de cimetières carolingiens et d'une voie romaine), il
Le site de Louvain a été étudié par Herman Vander Linden 70 en 1917. Il relève le fait que
Louvain devait être une situation intéressante la ville et sa campagne fertile était située
entre une région ingrate au nord et forestière au sud, mais c'est également à partir de
Louvain que la Dyle devenait navigable, bien qu'il doute que des embarcations normandes
aient pu parvenir jusqu’à Louvain. Il place la bataille à la première moitié de septembre
891, et pense également, bien que les sources ne parlent que de la Dyle et d'un marécage,
que c'est sur la rive gauche ou sur l'île de la Dyle, où sera construit le château des comtes,
que les vikings ont établi leur base. Joseph Cuvelier 71 va chercher en 1935 à compléter cette
première analyse. Si l'on considère que les vikings se seraient installés dans une
fortification existante, il faut s'intéresser à l'ancien château de la ville. Il est connu en
partie par un plan de la ville du XVIème siècle, s’élèverait sur la rive gauche de la Dyle,
protégé par la rivière d'un côté et par une douve alimentée par cette rivière de l'autre, un
marais s'étendant enfin à l'ouest. Les traces de ce Vetus castellum, la toponymie et le
développement urbain prouverait l'existence d'un éventuel château comtal à cet
emplacement au IXème siècle, emplacement qui correspond tout à fait aux descriptions du
site du camp viking données dans nos sources.
Dans la vallée du Rhin, le site de Duisburg aurait pu avoir également un certain potentiel,
considérant les fouilles archéologiques qui ont eu lieu dans la ville. Günther et Elisabeth
Binding72 ont essayé de croiser en 1969 la chroniques de Réginon de Prüm et les vestiges
archéologiques de Duisburg pour en découvrir le visage à l'époque carolingienne. Leurs
hypothèses ont été reprises par Gunther Krause 73 en 1992 dans sa monumentale synthèse
sur l'histoire et l'archéologie de la ville.
67 VANNESUS, Jules, « Asselt et non Elsloo, camp retranché des normands à la Meuse », in Bulletin de la Classe
des Lettres de l'Académie royale de Belgique, 5è série, t.18, 1932, p. 223-235
68 CUVELIER, Joseph, La formation de la ville de Louvain des origines à la fin du XIV ème siècle, Bruxelles, Palais des
Académies, 1935, p.20
69 REMANS, A., « Noormannen te Elsloo ? », in De Bronk, Limburgs Maandblad, t.7, nov.-déc.1959, p.233-237
70 VANDER LINDEN, Herman, « Les Normands à Louvain, 884-892 », in Revue historique, t.124, Paris, 1917, p. 64-81
71 CUVELIER, Joseph, La formation de la ville de Louvain des origines à la fin du XIV ème siècle, Bruxelles, Palais des
Académies, 1935, 200 p.
72 BINDING, Günther, BINDING, Elisabeth, Archäologisch-historische Untersuchungen zur Frühgeschichte
Duisburg, Walter Braun Verlag, Duisburg, 1969, p. 13
73 KRAUSE, Gunther, Städtarchäologie in Duisburg 1980-1990, Duisburger forschungen band 38, Walter Braun
verlag, Duisburg, 1992, p. 3
Enfin, il est important d'évoquer aussi ici quelques sites problématiques, que nous
n'exploiteront pas au sein de notre étude. Ainsi, nous avons connaissance de l'article de
Ferdinand Lot, Un prétendu repaire de pirates normands au IXème siècle 91, publié en
1945, et qui met en lumière une erreur de copie et d'interprétation de manuscrits, dont la
correction nie l'existence du camp viking d' Inguerobs. L'article de Pierre-Roland Giot,
L'île aux Rats de l'Odet92 parut en 1991, a la rigueur scientifique d'attirer l'attention des
historiens sur un site intéressant sans avancer d'éventuelle conclusion non fondée.
85 LE MAHO, Jacques, « Les Normands dans la vallée de la Seine (IX ème-Xème siècles) », in Les vikings en France.
Les dossiers de l'archéologie n°277, Dijon, Faton, octobre 2002, p. 29
86 MAZET-HARTOFF, Laurent, « Sur la trace des vikings en Haute-Normandie : problématique », in FLAMBARD
HERICHER, Anne-Marie, (dir.), La progression des vikings, des raids à la colonisation, Rouen, Publications de
l'Université de Rouen et du Havre, 2003, p. 128
87 HAYWOOD, John, Atlas des vikings, Paris, Autrement, 1995, p. 60
88 BOYER, Régis, Les vikings, Paris, Perrin, 2002, p.160
89 BAUDUIN, Pierre, Les vikings, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2004, p. 55
90 DREUZY, René de, MENANTEAU, Loïc, Le camp viking de Saint-Florent, Saint-Florent-le-Vieil, 1976
91 LOT, Ferdinand, « Un prétendu repaire de pirates normands au IXe siècle », in Bulletin de l'Académie des Inscriptions et
Belles Lettres, 1945, p.423 et sv.
92 GIOT, Pierre-Roland, « L'île au Rats de l'Odet », in Bulletin de l'AMARAI n°4, Rennes, Université de Rennes,
1991, p. 65-68
Les différents travaux qui ont déjà été réalisés sur l'histoire viking nous permettent
d'acquérir d'importantes informations se rattachant à l'hivernage viking, mais aussi
d'approcher les sources documentaires primaires permettant d'éclairer l'histoire viking.
Nous proposerons ici une brève synthèse de ces sources documentaires. Suite à ce premier
repérage, l'ensemble de ces sources doivent encore être dépouillées, éventuellement
traduites, enfin étudiées.
Pour Gabriel Monod, « d'abord composées de notes extrêmement brèves et sèches, qui n'ont d'autre
mérite que de fixer la date précise de quelques faits, elles deviennent peu à peu de véritables histoires,
mais des histoires écrites sinon au jour le jour, du moins année par année, et qui ont le mérite de nous
fournir des témoignages immédiats et contemporains sur les événements. »
– Les Annales de Fulda (ou Annales Fuldenses) sont elles écrites par trois moines
successifs du monastère de Fulda jusqu'en 882, et abordent notamment les
événements marquants pour l'histoire de la France orientale. Très liées au pouvoir
royal, notamment de Louis le Germanique, elles sont encore continuées jusqu'en
887 avec quelque manque de partialité, puis jusqu'en 901 en Bavière.
Ces cinq annales sont donc les fondements de notre connaissance de l'époque
carolingienne, et de le présence viking dans les mondes franc et britannique. Ce seront les
sources documentaires principales de cette étude.
– Le chantier archéologique le plus ancien qui peut être lié à l'étude de l'hivernage
viking est celui de la sépulture à bateau viking de l'île de Groix, en Bretagne.
Fouillées en 1906 par Paul Du Chatelier et Louis Le Pontois 93, elle présente l'étude
d'une sépulture viking de grand apparat de la fin du IX ème siècle ou du début du X ème
siècle, exceptionnelle dans les mondes franc et britannique. En effet, cette sépulture
présente les vestiges d'un bateau viking (dont témoignent plusieurs centaines de
rivets21 umbos de bouclier), au sein duquel ont été trouvé les restes d'un homme
d'âge mur avec à ses côtés un jeune homme ou d'une jeune femme. Autour d'eux, la
fouille a également révélée à la fois des ossements de chien et d'oiseaux, une bague
en or et des éléments de jeux, mais aussi un chaudron, des armes typiquement
vikings et de nombreux outils, certains de forge ou de menuiserie. Les archéologues
ont eu la chance de pouvoir collaborer sur le sujet avec de grands spécialistes
scandinaves qui contribuent à donner toute sa crédibilité à la fouille dans un
premier temps, avant que ces analyses ne soient à nouveau confirmées par le danois
G. Gustafson94 en 1908, puis ré-étudiés et précisées par Michael Müller-Wille en
197895 et par Liliane Tarrou en 2002 96. L'historien norvégien Roald Morcken97 en
1977, puis le météorologue islandais Páll Bergthórsson 98 en 2002 se sont eux
93 DU CHATELIER, Paul, LE PONTOIS, Louis, « La sépulture scandinave à barque de l'île de Groix », in Bulletin
de la société archéologique du Finistère, t.35, Quimper, 1908, p. 3-98
94 GUSTAFSON G., « Sur les traces des vikings. Découverte en France d'une sépulture de l'âge des vikings, à n'en
pas douter la sépulture d'un viking norvégien », in Bulletin de la société archéologique du Finistère, t.35,
Quimper, 1908, p.270-287
95 MULLER-WILLE, Michael von, « Das Schiffsgrab von des ïle de Groix (Bretagne) », in WACHHOLTZ, K., Das
Archäologische Fundmaterial III der Ausgrabung Haithabu, Neumunster, 1978, p. 48-84
96 TARROU, Liliane, « La sépulture à bateau viking de l'Ile de Groix (Morbihan) », in Les dossiers de l'Archéologie
n°277, 2002, p. 72-79.
97 MORCKEN, Roald, « Veien mot nord : Vikingtidens distansetabell langs den norske kyst fra svenskegrensen til
Hvitehavet », in Sjøfartshistorisk årbok (1977), Bergen, Hilsen, 1978, p.7-82
(trad. : « La route vers le nord : la table des distances Viking le long de la côte norvégienne de la frontière
suédoise à la mer Blanche », in Annuaire historique maritime de 1977)
98 BERGTHÓRSSON, Páll, "Un objet de l'île de Groix", in Les vikings en France. Les dossiers de l'archéologie
n°277, Dijon, Faton, octobre 2002, p. 71
– Une vingtaine d'années après la découverte de l'île de Groix, c'est non loin de là, à
Nantes, qu'une nouvelle étude archéologique est initiée sur un site lié à l'hivernage
viking. En 1928, à Nantes, Georges Durville étudie un ensemble d'épées
« normandes » retrouvées lors de dragages dans le lit de la Loire, qu'il attribue à
« l'île de Bièce »99, camp d'hivernage viking attesté dans les textes comme étant
situé à proximité immédiate de Nantes. Son travail a été réalisé de manière à
nouveau intéressante : les textes évoquent l'île de « Betia » ou « Becia » et il existe
encore aujourd'hui un lieu à Nantes appelé « île de Bièce ». C'est par ailleurs sur les
bords de cette île que les dragues successives de la Loire au XIX ème siècle ont révélé
de nombreuses armes vikings. S'il précise avec rigueur scientifique que certains
auteurs localisent le camp viking sur la Loire bien en amont de Nantes, sans
argument probant, il sous-estime par contre le témoignage d'Adreval de Fleury,
contemporain et probable témoin oculaire des événements, qui évoque un camp
viking à Saint-Florent-le-Vieil. Si la présence d'un camp viking sur l'île de Bièce
semble très probable, il ne nous faut pas exclure la présence d'un autre camp viking
situé à Saint-Florent-le-Vieil. Une étude récente de ce mobilier par Mylène
Navetat100, en 2004, présente essentiellement le contexte historique des invasions
vikings puis l'histoire des collections du musée Dobrée de Nantes (où sont
conservées les armes vikings de l'île de Bièce) avant de proposer un essai de
typologie morpho-chronologique de ces armes vikings.
– Quelques années plus tard, le camp de Torksey est approché sous l'angle de la
numismatie par Mark Blackburn en 1999 (publication en 2002 puis réédition avec
une mise à jour inédite en 2011) 102, avant d'être l'objet d'une fouille méthodique et
pluridisciplinaire entre 2011 et 2016 par Dawn Hadley et Julian D. Richards 103.
Dans un premier temps, Mark Blackburn a ainsi rassemblé patiemment les
découvertes de plus d'un milliers de pièces de monnaies réalisées par plusieurs
particuliers prospectant à l'aide de détecteurs de métaux, en ayant peu de
connaissances sur la localisation et le contexte des découvertes. Il en ressort une
dominante importante de pennies d'argent de type lunettes de la période 862-875,
de stycas de Northumbrie peu utilisés en Mercie, mais aussi de dirhams islamiques
quelque peu plus anciens, mais ce qui est cohérent avec cette même période si l'on
considère le temps qu'ils ont pu mettre pour arriver du proche-Orient. L'une des
ensembles de monnaies les plus originales retrouvée à Torksey est constitué
d'imitations de solidi francques. Il est à souligner que la découverte des dirhams,
pour la plupart brisés afin d'en faire une monnaie d'échange plus accessible,
représente la plus importante concentration de monnaie islamique découverte à ce
jour en Angleterre, et peut être comparée avec la découverte de dirhams dans les
centres commerciaux scandinaves de Birka en Suède et de Kaupang en Norvège.
Des lingots d'or et d'argent, ainsi que des poids de balance de type scandinave et des
pièces de jeu, ont également été découverts à Torksey. L'ensemble de ces
découvertes, réalisées sur un ensemble de six champs adjacents à la rivière Trent,
laissent à penser qu'elles sont les traces du camp d'hivernage viking qui fût établi à
102 BLACKBURN, Mark, « The viking winter camp at torksey, 872-873 », in BLACKBURN, Mark, Viking coinage
and currency in the british isles, London, Spink et Son, 2011, p. 221-246
103 HADLEY, David, RICHARDS, Julian D., « Viking Torksey, Inside the Great Army's winter camp », in Current
archaelogy, Issue 281, Londres, août 2013, p. 12-19
– Nous avons également connaissance des travaux de Loïc Langouet sur les éventuels
camps du bastion Solidor à Saint-Malo et de Gardaine à Saint-Suliac : Les fouilles
archéologiques du bastion de Solidor à Saint-Malo 104, 1983, et Un retranchement
normand « insulaire » : Gardaine à Saint-Suliac105, 1991. Néanmoins, comme nous
l'évoquions un peu plus tôt lors de cette étude, nous n'en partageons pas les
conclusions, considérant les idées intéressantes, mais les méthodes trop peu
rigoureuses et les interprétations trop peu fondées. Nous ne reviendrons par sur
notre démonstration du manque de preuves concluantes permettant d'attribuer une
identité viking au camp de Saint-Suliac. De même, la fouille du bastion de Solidor à
Saint-Malo relève des analyses intéressantes, mais ne met en lumière rien de plus
qu'une remise en état des fortifications et l'installation d'un habitat sur le site au
Xème siècle, sans aucune trace scandinave. Voir dans le bastion Solidor la tour viking
d'Aquin ou d'Oreigle du Roman d'Aquin est peut-être juste, mais à nouveau, nous ne
connaissons pas la valeur historique du Roman d'Aquin. Une légende ayant propos
sur l'identité viking du site et sur les origines du père de Bertrand Duguesclin,
rapportée par Froissard au XIVème siècle, n'apporte que peu de poids à
l'argumentation. Par rigueur scientifique, nous ne nous autoriserons pas le doute, et
n’intégreront pas ces différents sites à notre étude sur l'hivernage viking dans les
mondes franc et britannique.
104 LANGOUET Loic, « Les fouilles archéologiques du bastion de Solidor à Saint-Malo », in Dossiers du Centre
Régional Archéologique d'Alet, Saint-Malo, CeRAA, 1983, 189 p.
105 LANGOUET, Loïc, « Un retranchement normand « insulaire » : Gardaine à Saint-Suliac », in Bulletin de
l'AMARAI n°4, Rennes, Université de Rennes, 1991, p. 55-64
106 HAMEL-SIMON Jeanne-Yvonne, LANGOUET, Loic, NOURRY-DENAYER, Françoise, MOUTON, Daniel,
« Fouille d'un retranchement d'Alain Barbetorte datable de 939. Le camp des Haies à Trans (Ille et Vilaine) », in
Dossiers du Centre d'Etude et de Recherche Archéologique d'Alet n°7, Saint-Malo, CeRAA, 1979, p.47-74
« Des sondages furent pratiqués dans les enclos voisins des Haies et du Vieux M'na (Hamel-Simon et al.,
1979). Les conclusions archéologiques, reprenant les opinions historiques anciennes (La Borderie, 1898, p.
396-398), n'emportent cependant pas l'adhésion »107
« Plusieurs fortifications en terre partiellement fouillées à Trans ont été mises en rapport avec cette
bataille [la prise par les Bretons d'un château des Normands en 939], mais cette hypothèse n'emporte pas
la conviction, en particulier faute d'une datation précise et de tout mobilier scandinave. »108
Quoi qu'il en soit, s'il est difficile d'être certain de l'occupation viking de l'un de ces
deux camps, il paraît encore plus difficile d'y voir un site d'hivernage occupé
pendant plusieurs mois.
– Nous pouvons également évoquer ici les fouilles archéologiques ayant eu lieu au
sein de l'abbaye de Landévennec à partir de 1978, sous la direction d'Annie Bardel 110
et de Ronan Perennec. Concentrée sur l'étude des différents états de construction de
l'abbaye, elles évoquent néanmoins son pillage par une troupe viking en 913, attesté
par les sources documentaires comme par leurs découvertes archéologiques.
Néanmoins, si l'hypothèse d'une base viking établie dans ce site stratégique a
parfois été évoquée, elle ne semble guère pertinente aux archéologues : nous ne
considérerons donc pas l'abbaye de Landévennec comme un éventuel site
d'hivernage viking.
« On a pu constater cependant que les bâtiments abandonnés n'ont pas été occupés par les Normands,
107 NICOLARDOT, Jean-Pierre, GUIGON, Philippe, « Une forteresse du Xe siècle : le camps de Plédran », in Revue
Archéologique de l'Ouest, tome 8, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1991, p. 152
108 GUIGON, Philippe, « La reconquête de la Bretagne par les Bretons au X ème siècle », in Les vikings en France.
Les dossiers de l'archéologie n°277, Dijon, Faton, octobre 2002, p. 70
109 NICOLARDOT, Jean-Pierre, De la bêche à l'épée au camp de Péran, forteresse carolingienne, Plédran (Côtes-
d'Armor), Plédran, Centre archéologique de Péran, 1991
NICOLARDOT, Jean-Pierre, GUIGON, Philippe, « Une forteresse du Xe siècle : le camps de Plédran », in Revue
Archéologique de l'Ouest, tome 8, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1991, p. 123-157
110 BARDEL, Annie, PERENNEC, Ronan, « Les vikings à Landévennec », in Les vikings en France. Les dossiers de
l'archéologie n°277, Dijon, Faton, octobre 2002, p. 50-59
– Quelques travaux de synthèse ont également été publiées, construits sur les
découvertes archéologiques pouvant être liées à l'hivernage viking. Avant son travail
sur les découvertes de l'île de Groix, Liliane Tarrou avait construit en 2000 une très
intéressante étude de l'ensemble du mobilier de type scandinave découvert en
France114, puis est revenu sur le sujet dans un article de synthèse en 2007 115.
111 BARDEL, Annie, PERENNEC, Ronan, « Les vikings à Landévennec », in Les vikings en France. Les dossiers de
l'archéologie n°277, Dijon, Faton, octobre 2002, p. 59
112 DUMONT Annie, MARIOTTI Jean-François (dir.), Archéologie et histoire du fleuve Charente. Taillebourg-Port
d’Envaux : une zone portuaire du haut Moyen Âge sur le fleuve Charente, Dijon, Editions Universitaires de
Dijon, 2013
113 DEBORD, André, La société laïque dans les pays de la Charente, Xème – XIIème siècle, Paris, Picard, 1984
114 TARROU, Liliane, Corpus du mobilier de type scandinave (Ixe-XIe siècles) découvert en France : Bretagne,
Normandie et Pays de la Loire, Mémoire pour une maîtrise d'archéologie, Université de Poitiers, 2000, 2 vol.
115 TARROU, Liliane, « Les objets vikings en France », in L'héritage des vikings en France, Histoire et images
médiévales n°3, Astrolabe, février-mars-avril 2007, Apt, p. 32-37
116 TRYNOSKI Daniellea, ZIEBARTH, Matthew, « Viking Winter Camps : Creating a Model using Geospatial
Statistical Analysis », in 49th International Congress on Medieval Studies, Western Michigan University, 8 mai
2014
117 GARCÍA LOSQUIÑO, Irène, « Digging up the 'spanish vikings' », Site internet de l'université de Aberdeen,
University of Aberdeen - News : communicating the work and achievements of the University and its people to
the World , <http://www.abdn.ac.uk/news/7184/>, 18 décembre 2014
Nous l'avons vu, l'hivernage viking est avant tout le fait pour les vikings de
cesser leurs activités habituelles pour s'abriter avec leurs navires pendant la mauvaise
saison en un lieu donné, ne pouvant alors pas naviguer aisément. Mais l'hivernage n'est
nullement une habitude : les raids vikings étaient traditionnellement saisonniers, les
bateaux retournant à leur port d'attache dès le début de l'hiver, en Scandinavie ou vers l'un
de leurs comptoirs établis par exemple en Irlande ou encore en mer du nord. Pourtant, le
phénomène apparaît, puis se développe progressivement. Pour quelles raisons alors les
vikings ont-ils pris de plus en plus souvent la décision d'hiverner dans les mondes franc et
britannique ?
La principale raison pour laquelle les troupes vikings ont commencé à prendre la
décision d'hiverner loin de leurs ports d'attache est la volonté de pouvoir avoir plus de
temps pour les opérations militaires qu'ils envisageaient. Si l'on considère une saison de
navigation courte, et un trajet aller et retour en haute-mer vers la Scandinavie ou l'Irlande
relativement long, il ne reste plus qu'un temps limité pour organiser un raid. Passer la
mauvaise saison sur les terres ennemies permet de pouvoir continuer les raids pendant
longtemps en hiver, la navigation côtière ou fluviale restant possible, et de les reprendre tôt
au printemps. Les possibilités de raids et de pillages se multiplient, et passer un hiver dans
les mondes franc et britannique permettra de rassembler bien plus de butin que
d'organiser deux voyages successifs, deux étés de suite, depuis le port d'attache. Ce sera
d'abord un hiver que l'on passera au loin de chez soi, puis deux, jusqu'à arriver à des
troupes vikings passant plusieurs années dans les mondes franc et britannique, afin
d'optimiser le résultat de leurs raids.
Ainsi, un premier hivernage viking apparaît au cœur de l'empire franc en 843, sur une île
non identifiée sur la côte atlantique, probablement entre la Loire et l'Aquitaine 118. Ils
arrivent probablement au cours de l'été 843 à l'embouchure de la Loire, pillent Nantes et
dévastent l'Aquitaine, avant de s'installer sur cette île à l'arrivée de l'hiver. Ils ont la
possibilité de reprendre immédiatement leurs raids, et ne retournent sûrement vers la
Scandinavie qu'à la fin de l'été 844. Un seul hiver, et bien plus de temps disponible pour les
raids. Progressivement, l'hivernage devient plus fréquent, jusqu'à devenir habituel. Ainsi,
bien des années plus tard, lors des grands raids dirigés vers la Francie, une troupe viking
entre en Flandre en juillet 879, entre Boulogne et Calais. Après des raids en Angleterre, ils
s'installent à Gand pour passer l'hiver 879-880. Les raids reprennent, puis l'hivernage a
« A partir de 850 environ, les envahisseurs, ayant adopté la cavalerie, allongent leurs itinéraires. Ils ne se
contentent plus de raids brefs aux abords du littoral ou des voies d'eau navigables, mais rayonnent par les
routes terrestres, restent plusieurs mois dans la région envahie, vivent autant sur les populations rurales que
sur les agglomérations urbaines »120.
Grâce à l'hivernage, les troupes vikings ont donc pu organiser des navigations allant bien
au-delà des leurs sphères habituelles. Après être partis d'Irlande en 859, une troupe viking
reprend la navigation vers le sud, longe les côtes bretonnes et aquitaines. Ils arrivent au
large des côtes espagnoles et effectuèrent leurs raids vers le royaume de Galice et des
Asturies comme vers l’Émirat de Cordoue. Après avoir passé le détroit de Gibraltar, ils
longent la Roussillon et hivernent dans une île de la Camargue pendant l'hiver 859-860. Ils
continueront ensuite leur route vers l'Italie puis hiverneront à nouveau en Méditerranée
pendant l'hiver 860-861. Ils ne seront de retour à l'embouchure de la Loire qu'en 862.
Hiverner sans retourner vers la Scandinavie a permis à cette troupe d'aller jusqu'en
Méditerranée. Nous ne reprendrons pas l'exemple précédemment cité, du raid viking en
119 Annales Bertiniani, années 879, 880, 882 ; Annales Fuldenses, années 879, 882, 885, 887 ; Annales Vedastini,
années 880, 884 ; Chronique anglo-saxonne, années 879, 882, 883, 884 ; Chronique de Réginon de Prüm,
années 881, 882, 884, 886 ; Vie d'Alfred, vers 61, 62, 63, 65 ; Annales Mettenses, années 884, cf annexes de cet
ouvrage.
120 D’HAENENS Albert, Les invasions normandes en Belgique au IXe siècle le phénomène et sa répercussion dans
l'historiographie, p.74
L'annaliste de Fulda précise que les vikings ont alors « renouvelé leur armée et augmenté le nombre de
cavaliers »121 ; Asser évoque les mêmes événements dans la Vie d'Alfred en précisant quelque peu l'origine de
ces chevaux : « En l’an 881 de l’Incarnation du Seigneur, [le trentième] après la naissance du roi Alfred, l’armée déjà
mentionnée pénétra plus profondément en Francie. Les Francs les combattirent et, après la bataille,les païens trouvèrent
des chevaux et devinrent cavaliers.»122
Néanmoins, Albert d'Haenens n'avait pas connaissance de la Vie de Saint Benoît rédigée
par le moine Ardrevald de Fleury 123, qui, lorsqu'il raconte le pillage de son monastère de
Florent-le-Vieil en 843 dont il a probablement été témoin, précise déjà que la cavalerie est
utilisée.
« De là, entreprenant des courses à l'improviste, emportés tantôt par leurs navires, tantôt sur leurs chevaux, ils
anéantirent toute la province »124 (« Ex qua inopinatos discursus agitantes, modo navibus, modo equis delati,
totam circumcirca delevera provinciam »125).
Outre-manche, c'est également bien plus tôt que l'utilisation de la cavalerie est attestée par
les troupes vikings, comme dans l'East-Anglie en 866.
Chronique anglo-saxonne, année 866 : « Et la même année une grande armée de raids vint sur la terre des Anglais, pris ses
quartiers d'hiver dans l'East Anglia, furent là-bas équipés de chevaux, et ils firent la paix avec eux. » 126
Vie d'Alfred, par Asser : « « Et la même année une grande flotte de païens arriva en Bretagne depuis la région du Danube et
hiverna dans le royaume des East-Saxons, qu'en langue saxonne on appelle East-Engle : et là, la plus grande partie de
l'armée devint une cavalerie. »127
L'utilisation de la cavalerie deviendra habituelle avec les grands raids vikings qui
parcourront les mondes franc et britannique après 885 comme en témoignent les textes
Albert d'Haenens : « De toute façon, à partir de 885, celle-ci fait partie intégrante et habituelle de l'armée
normande. on la trouve en Hesbaye en 885, au siège d'Arras en 890, aux batailles de la Gueule et de Louvain
et au siège de St-Bertin en 891. »128
Les découvertes archéologiques le prouvent également. En effet, des boucles de selle ont
été découvertes par Louis le Pontois et Paul du Chatellier au sein de l'inhumation viking de
l'île de Groix129, ce qui prouve que ce viking avaient avec lui au moins le nécessaire pour
monter à cheval, tandis que Jean-Pierre Nicolardot a exhumé un fragment d'éperon et
plusieurs étriers au camp de Péran, d'attribution non-scandinave, mais qui était associés à
l'équipement d'un combattant qui a pu être scandinave 130. Ces deux sites ont été datés du
Illustration 1: Comparaison d'étriers découvert sur le site du camp de Péran, à Blois, à Ballinaby, sur l'île de Man et à
Dijon
131 CREPIN-LEBLOND, Thierry, FOREST, Marie-Cécile, Blois, un château en l'an mil, Paris, Somogy, 2000, 167 p.
132 TARROU, Liliane, Corpus du mobilier de type scandinave (Ixe-XIe siècles) découvert en France, vol. 1, p. 98,
fig. 54 et 55
133 PETERSEN, Jan, Vikingetidens Redskaper, Dybwad, Oslo, 1951, p. 32-36, fig. 71 et 72
« Leurs randonnées dans les régions de l'Escaut et de la Somme en 880-881 ne se conçoivent pas sans l'appui
d'une cavalerie »134. Il précise néanmoins que le recours au cheval ne se fait pas partout au même moment : « Il
faudrait étudier, région par région, l'utilisation de ces montures ; on constaterait que le recours au cheval
comme moyen de transport est conditionné par nombre de facteurs qui font qu'ils l'adoptèrent plus tôt que
là. »135
Il serait également de s'interroger sur la provenance de ces montures : de même que l'on
peut s'interroger sur l'origine des pièces de harnachements, est-ce que les chevaux étaient
amenés en bateau depuis la Scandinavie, ou davantage saisis et achetés sur place ?
Si nous avons évoqué jusque là quelques différentes raisons qui ont pu inciter les
différentes troupes vikings à hiverner de plus en plus souvent dans les mondes francs et
britanniques, nous ne pouvons pas non plus laisser ce développement de l'hivernage
reposer sur leur seule volonté. En effet, au-delà de leur choix propre, les vikings ont pu être
parfois obligés par les circonstances à hiverner dans le monde franc et britannique.
Plusieurs exemples peuvent en attester, quelle que soit la période historique de l'hivernage
viking considéré.
En 861, le viking Weland assiège l'île d'Oissel pour le compte de Charles le Chauve, où une
autre viking menée par Bjorn hivernait depuis 856. Suite à un accord entre les deux
troupes, celle de Bjorn souhaite quitter la Seine et reprendre la mer. Néanmoins, il semble
que même si c'était son souhait, il ne peux pas en raison de l'imminence de l'hiver et il
devient nécessaire pour lui d'hiverner.
Annales Bertiniani, année 861 « Mais l'imminence de l'hiver les a empêché de prendre la mer. Alors ils se sont
séparés en fonction de leurs fratries en groupes affectés à divers ports, de la côte jusqu'à Paris. Weland et sa
troupe est venu sur la Seine au fort de Melun. Les anciens occupants du fort assiégé, avec le fils de Weland,
occupent maintenant le monastère de Saint-Maur-des-Fossés.»136
Il nous est possible de souligner dans cet extrait la valeur forte des mots utilisés, qui
témoignent de cette nécessité d'hiverner, malgré l'accord passé et le souhait de la troupe
viking : c'est bien « l'imminence de l'hiver » (« imminens hiems »137) qui les a empêché »,
qui leur a « interdit », («prohibuit ») de prendre la mer.
134 D’HAENENS Albert, Les invasions normandes en Belgique au IXe siècle le phénomène et sa répercussion
dans l'historiographie, p.67
135 D’HAENENS, Albert, Les invasions normandes, une catastrophe, p.24
136 Annales Bertiniani, année 861
137 Annales de Saint-Bertin, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. Clémencet, Paris, Société de l'histoire de France, 1964,
année 861
On comprend bien ici qu'il ne suffisait pas de simplement réparer les navires : l'équinoxe
de printemps, qui ouvre la belle saison, est la date à partir de laquelle ils peuvent alors
seulement reprendre la mer. A l'inverse, si l'on se fie à la seconde phrase de cet extrait, on
peut remarquer que l'auteur appuie sur l'importance de la remise en état de la flotte : c'est
seulement « quand les navires ont été réparés » (« Refectis navibus »), que la troupe
viking peut partir en haute-mer. S'il attendent la belle saison, disposer de bateaux en état
de naviguer est également nécessaire, et le temps de leur réparation oblige également à
hiverner.
Nous pourrions encore nous interroger sur la nécessité d'hiverner qui a pu être ressenti par
les vikings lorsque leur camp était assiégé par les troupes carolingiennes et anglo-
saxonnes. Néanmoins, même si nombre de siège de camps vikings pourraient être attestés,
cette réflexion apparaît peu probable. En effet, si l'on considère les tributs qu'étaient par
exemple prêts à verser les autorités locales pour le départ des vikings, il semble évident
qu'ils les auraient également souvent laissé repartir sans gêne si les vikings souhaitent
absolument regagner la mer. L'hivernage, pendant le siège, devait être quasiment
exclusivement un choix volontaire et non une nécessité liée au siège.
Nous le voyons, l'hivernage n'est donc pas un seul choix viking. S'il leur permet d'avoir plus
temps, d'aller plus loin, il est aussi parfois une nécessité. Nous pouvons donc faire évoluer
ici notre regard sur le phénomène de l'hivernage viking. Son développement peut être lié
aux choix et aux volontés des vikings, mais il reste également parfois fondé sur une
nécessité à laquelle ils ne peuvent déroger. L'hivernage viking n'est pas à considéré comme
le seul fruit de ce qu'ont choisi de faire les vikings.
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Ceci précisé, comment reconnaît on l'évocation d'un hivernage viking dans les sources
documentaires anglo-saxonnes ? Très souvent, il est précisé en tant que tel : l'annaliste
raconte que telle année, les vikings hivernèrent en tel lieu. Le vocabulaire utilisé est
variable, mais le sens des mots reste lui toujours le même ; c'est l'évocation d'un fait, sans
autre prétention. Asser utilisent ainsi le terme exact hiverner, le verbe hiemavere, qui
évoque véritablement l'action entreprise.
Asser, Vie d'Alfred :
– v. 3 « Et ipso eodem anno primum hiemaverunt pagani in insula, quae vocatur Sceapieg »,
– v. 10 : « magnus paganorum exercitus tota hiemein praefata Scepige insula hiemaverunt » ;
– v. 20 : « Anno Dominicae Incanationis DCCCLXIV pagani hiemaverunt in insula Thanet ;
– v. 21 : « Et eodem anno magna paganorum classis de Danubia Brittaniam advenit, et in regno
Orientalium Saxonum, quod Saxonice 'East-Angle' dicitur, hiemavit » ;
– v. 30 : « et in eodem loco eodem anno hiemaverunt » ;
– v. 32 : « et ibi in loco, qui dicitur Theodford, hiemavit. » ;
– v. 47 : « et ibi hiemavit iuxta flumen, quod dicitur Tuie » ;
– v. 47 : « Altéra quoque pars cum Gothrum et Osscytil et Anvind, tribus paganorum regibus ad locum,
qui dicitur Grantebiycge, pervenit, et ibi hiemavit. » ;
– v 61 : « Eodem anno exercitus paganorum, qui in Fullonham hiemaverat, » ;
– v. 84 : « In quo loco hiemaverunt integro anno. »
– etc.
Sur le continent, les annalistes utilisent des termes beaucoup plus divers, notamment des
formes davantage liées à la période de l'hiver qu'au terme d'hiverner. Ils utilisent par
exemple les expressions passer l'hiver : hiemare exegere ; passer au travers de l'hiver :
hiemem transigere ; ou encore les formes pour l'hiver : ad hiemandum et comme l'hiver :
hiemare velut.
– Annales Bertiniani, année 843 : « ad postremum insulam quadam ingressi, convectis a continenti
domibus, hiemare velut perpetuis sedibus statuerunt. » ;
– Annales Fuldenses, année 852 : « Sed Nortmanni, aqua freti, deputatam sibi hiemem exegerunt in
loco qui dicitur Gbivoldi Fossa » ;
– Annales Bertiniani, année 856 : « ubi hiemem quieti transigunt. »
– Annales Vedastini, année 880 : « Nortmanni vero seu Dani sedem sibi mutaverunt et mense
Novembri Curtriaco sibi castrum ad hiemandum construunt. » ;
– Annales Fuldenses année 880 : « et inde revertentes Noviomagum vallo firmissimo et muris
circumdantes hiemandi sibi locum in palatio regis paraverunt. »
– Annales Vedastini, année 884 : « ibique sibi castra statuunt ad hiemandum. »
Enfin, quelques citations peuvent être à souligner, ancrant davantage l'hiver dans le temps,
que ce soit pour son arrivée (l'imminence de l'hiver, iminens hiems) ou pour sa durée (tout
l'hiver, tota hieme).
– Asser, Vie d'Alfred, v. 10 : « magnus paganorum exercitus tota hieme in praefata Scepige insula
hiemaverunt. »
– Annales Bertiniani, année 861 : « Quos imminens hiems ingredi mare prohibuit, unde se per
singulos portus ab ipso loco Parisius usque secundum suas sodalitates dividunt.»
– Réginon de Prüm, année 884 : « Eodem anno Nortmanni, qui in Chinheim ex Denimarca venerant,
Si l'hivernage est très souvent évoqué en tant que tel, il est surtout indiqué sous des formes
imagé. Certaines fois les dates sont utilisés comme marqueurs, pour une période qui induit
forcément un hivernage, avant le mois de juin ou l'équinoxe de printemps par exemple.
– Annales Fuldenses, année 851 : « Fuerunt autem in Sequana a III idus octobris usque nonis iunii, dies CC
LXXX VII sicque onustis navibus ad Burdegalim reversi sunt. »
Traduction : « Ils demeurèrent dans la Seine depuis le 13 octobre jusqu'au 5 juin, pendant deux cent
quatre-vingt-sept jours, et ayant rempli leurs navires de butin, revinrent à Bordeaux. »
– Annales Bertiani, année 862 : « Indeque ad naves regressus, cum omni Danorum navigio usque ad
Gemeticum, ubi illorum naves statuerunt reficere et vernale acquinoctium exspectare, descendit. »
Traduction : « Puis il est retourné aux navires et toute la flotte danoise a navigué sur la Seine vers Jumièges,
où ils ont décidé de réparer leurs navires et d'attendre l'équinoxe de printemps. »
– Annales Bertiani, année 866 : « Nortmanni mense julio ab insecula secus monasterium sancti Dionysii
movent »
– Annales Bertiani, année 873 : « (…) Petierunt autem, ut eis in quadam insula Ligeris fluvii usque in mense
februario residere et mercatum habere liceret »
– Abbon, Le siège de Paris par les Normands, vers 338 : « Annuiturque feris licitum Senones adeundi, /
Septies argenti libris causa redeundi / Martis mense datis centum sua ad impia regna. / Tunc
glaciabantur torpentis secla novembris. »
Traduction : « Ce monarque veut bien consentir ensuite que les barbares se retirent dans le pays de Sens
et reçoivent sept cents livres d'argent à la condition de retourner dans leur sauvage empire, au mois
de mars ; car à cette époque novembre tenait la terre engloutie sous les glaces. »
Néanmoins, peut-être alors que l'hivernage viking se régularise et ne devient plus un fait
exceptionnel, la notion même d'hivernage disparaît. Les annalistes évoquent très
simplement une troupe viking qui était dans une région, sur un cours d'eau. Si l'hivernage
n'est plus évoqué en tant que tel, il reste réel : si l'on évoque la troupe qui était dans une
région, c'est le temps du passé que l'on emploie et si cela signifie qu'elle n'y est plus, c'est
quasi exclusivement pour évoquer ses actions dans une autre région des monde franc et
britannique. Ce n'est pas un groupe viking qui serait partis vers son port d'attache puis qui
serait revenu, mais un même groupe qui est resté sur le territoire, et nécessairement, qui a
hiverné sur ce territoire, très probablement dans la région où elle était, afin de pouvoir se
diriger l'année suivante dans la région où elle est lorsque l'annaliste écrit. Les verbes
utilisés seront le verbe sum : être (notamment sous sa forme à l'imparfait, erant : ils
étaient) mais également consistere qui signifie s'arrêter, demeurer, ou s'établir. Cela peut
aussi être le verbe manere (forme conjuguée mansit) qui sera utilisé, pouvant signifier
rester, demeurer ou s'arrêter, ou encore le verbe remorare, qui peut avoir pour sens
tarder, rester ou s'arrêter.
– Annales Bertiniani, année 854 : « Dani in ligere consistentes »
– Annales Bertiniani, année 879 : « quod Nortmanni qui erant in Ligeri »
– Asser, v. 31 : « et ibi anno integro mansit.»
– Réginon de Prüm, année 873 : « sed in eodem loco manentes »
– Annales Bertiniani, année 879 : « quod Nortmanni qui erant in Ligeri »
– Asser, v. 57 : « ibique per unum annum mansit.»
– Asser, v. 65 : « et ibi anno uno mansit..»
– Asser, v. 84 : « Sequenti anno [888] in ostium fluminis, quod dicitur Iona, intraverunt, non sine magno
regionis damno, et illic remorati sunt anno uno. »
Si l'hivernage n'est pas évoqué, ce peut être le site de l'hivernage dont l'annaliste parle. En
obtenant des informations sur le site où ils s'installèrent, nous apprenons qu'ils hivernent.
Ils y édifient un camp, une fortification... Nous reviendrons sur le sens précis des mots
utilisés dans une autre partie : castra, sedes, firmitas, munitio...
Quelque peu dans le même sens, si nous n'avons pas d'indication précise sur le site
exploité, nous apprenons qu'ils résident en ce site, ce qui sous-entend une résidence à
moyen terme et dans la quasi-exclusivité des cas un hivernage. Les annalistes utilisent
alors le verbe residere, qui peut signifier résider mais aussi s'installer ou camper, ou
encore le verbe considere, qui peut signifier prendre place, camper, ou se poster.
– Annales Bertiniani, année 862 : « nuncium accepit, quia Danorum electi de his qui in Fossatis residerant »
– Annales Bertiniani, année 865 : « Aquitani confligentes cum Nortmannis qui in Carento, Sigefrido duce,
resident »
– Annales Bertiniani, année 880 : « ordinatis qui regnum suum contra Nortmannos in Ganto residentes
custodirent »
– Annales Fuldenses, années 880 : « Inde ad expugnandos Nordmannos, qui in Scalta fluvio longo tempore
residebant »
– Réginon de Prüm, année 884 : « Nortmanni, qui ab Haslon recesserant, Somnam fluvium intrant ibique
consederunt. »
Parfois, l'hivernage est sous-entendu, notamment lorsque le récit de l'annaliste porte sur
des événements prenant bien plus d'ampleur. Il est alors évident, et nul n'est besoin de
l'exprimer. Nous pensons par exemple à l'occupation viking d'Angers en 873, où « ils
s'installent avec leurs femmes et leurs enfants pour y demeurer... ». S'ils y demeurent avec
femmes et enfants, échouent leurs navires et réparent les fortifications et habitations, c'est
pour au moins y passer l'hiver.
– Réginon de Prüm, année 873 : « Per idem tempus Carolus Andegavensem obsidebat urbem. (…) Quam cum
munitissimam et pro situ loci inexpugnabilem esse vidissent, in laetitiam effusi hanc suis suorumque copiis
tutissimum receptaculum adversus lacessitas bello gentes fore decemunt. Protinus navibus per Medanam
fluvium deductis muroque applicatis, cum mulieribus et parvulis veluti in ea habitaturi intrant,
diruta reparant, fossas vallosque renovant »
D'autre fois, le sous-entendu reste plus léger, et ce n'est qu'à la lumière du contexte, et par
une intimité avec le style d'écriture de chaque annaliste, que nous pouvons comprendre
qu'un hivernage est certain. Si sorties de leur contexte les citations ci-dessous pourront
paraître sur-estimées, l'hivernage ne fait aucun doute pour qui a travaillé sur l'ensemble de
l’œuvre concernée.
– Réginon de Prüm, année 853 : « Tunc primum Nortmannorum classis, ut aiunt, Ligeris attigit litora. »
Enfin il arrive parfois que l'annaliste n'évoque sous aucune manière une présence viking en
hivernage, même de manière imagée ou sous-entendue. C'est peut-être parce que d'autres
informations sont à traiter en priorité, parce que cela va de soi pour l'esprit de l'époque, ou
simplement – et ce n'est pas à sous-estimer, parce qu'il n'en avait pas connaissance.
Néanmoins, en croisant les différentes informations issues des sources documentaires,
nous pouvons deviner certains hivernages vikings. Et nous n'employons par ici deviner au
sens de l'intuition, mais deviner car nous sommes en mesure de révéler ce qui est caché.
Les exemples sont aussi nombreux que différents, chaque cas étant particulier. Mais nous
pourrons donner en image la présence des vikings sur la Loire au milieu du IX ème siècle : les
sources développent leur activité dans l'ensemble du bassin de la Loire : les vikings sont à
Nantes en novembre 853, puis y sont encore signalés en 854, et à nouveau en 855... Tous
nous amènent à croire qu'ils passèrent les hiver des années 853 et 854 à hiverner sur la
Loire. Une supposition qui est par ailleurs partiellement confirmé par Réginon de Prüm en
853 (« Enfin, comme on l'a dit, une flotte normande s'installa pour la première fois sur
les bords de la Loire. »). Nous comprenons donc bien qu'au-delà des informations données
par les annalistes, nous pouvons découvrir nombre d'hivernage en recréant notamment la
chronologie des événements.
- Annales Bertiniani, année 853 : « En Juillet les Danois ont quitté la Seine et sont allé sur la Loire où ils
saccagèrent la ville de Nantes, le monastère de Saint-Florent et ses environs. (...) Le 8 novembre, les pirates
danois de Nantes se dirigèrent plus à l'intérieur des terres et attaquèrent effrontément la ville de Tours et la
brulèrent, avec l'église Saint-Martin et d'autres lieux voisins. »
- Annales Bertiniani, année 854 : «Les Danois sont restés sur la Loire. Ils ont navigué jusqu'au château
de Blois qui ils ont brûlé. Leur but était de parvenir à Orléans et y faire les mêmes ravages. (…) les Danois ont
renoncé à leur plan et se sont dirigés vers les eaux inférieures de la Loire. »
- Annales Bertiniani, année 855 : « Les Normands naviguèrent sur la Loire. Ils ont quitté leurs navires
et ont tenté de rejoindre Poitiers à pied. »
Ainsi, comme nous avons pu le voir, il existe un nombre important d'indications dans les
sources documentaires nous permettant d'identifier les hivernages vikings dans les
mondes francs et britanniques. Parfois laconiques et d'autre fois détaillés, parfois soulignés
et d'autre fois sous-entendus : c'est l'appréhension générale de notre corpus documentaire,
joint en annexe de ce travail, qui nous permet de saisir une certaine chronologie de
l'hivernage viking. Néanmoins, les sources documentaires ne sont pas les seules à pouvoir
nous permettre d'identifier certains sites ou moments d'hivernage viking. Peut-être moins
aisées à comprendre mais aussi plus complètes, les sources archéologiques peuvent
apporter une teinte toute particulière à notre recherche.
Il nous faut souligner que la prudence doit être de mise pour toute interprétation
archéologique. Nous avons évoqué les limites de nos informations issues des sources
documentaires : nous découvrons ce que les moines occidentaux ont vu de l'hivernage
viking, bien plus que ce que fut l'hivernage viking. De même, les vestiges archéologiques
sont difficiles à appréhender : si ce sont cette fois-ci non pas des informations indirectes
mais des traces directes de leur présence, elles restent des traces éparses à partir
desquelles il est difficile d'établir des constantes. Si elles nous apportent peut-être plus
d'informations que les sources documentaires sur un site donné, nous n'abordons qu'un
site isolé quand les sources documentaires appréhendent un ensemble plus vaste de sites.
Enfin, il ne faut pas oublier qu'il peut exister autant d'interprétation que d'archéologues, et
que même la plus rigoureuse des investigations ne peut nous promettre une « vérité »
historique. La découverte d'une monnaie scandinave en France peut par exemple à la fois
témoigner d'une présence allogène scandinave, que d'une présence autochtone
carolingienne ayant utilisé (ou abandonné) une monnaie scandinave, voir encore indiquer
son utilisation par une présence exogène, comme des marchands frisons commerçants en
Francie. Les sites archéologiques nous offrent une trace, qui possède des interprétations
plus ou moins probables, et qui nous donnent non une réalité historique mais le reflet de
ce qu'a pu être cette réalité historique.
Néanmoins, plusieurs sites archéologiques ont été mis au jour, de manière fortuite ou suite
à une recherche programmée, et nous permettent d'appréhender l'hivernage viking.
Plusieurs indices peuvent nous permettre de distinguer ceux témoignant simplement d'une
éventuelle présence scandinave, de ceux témoignant d'un probable hivernage viking. Les
sites archéologiques scandinaves qui peuvent être le plus simplement liés à un hivernage
viking sont ceux se développant sur des sites où les sources documentaires attestent d'un
hivernage viking. C'est par exemple le cas pour deux sites archéologiques anglais, et
Torksey.
Repton est le site où les fouilles ont été les plus abouties : les archéologues ont mis au jour des sépultures
scandinaves autour d'une église anglo-saxonne primitive, des terrassements semblant protéger l'espace situé
entre cette église et la rivière, et un tumulus abritant les restes d'au moins 264 individus, dont une partie serait
de type scandinave. Par ailleurs, les sources documentaires attestent qu'une troupe viking hiverna à Repton en
873. Il paraît donc des plus probables que le site archéologique scandinave de Repton est celui de l'hivernage
viking de 873 à Repton.
De même, nous pouvons parler du site archéologique de Torksey. De nombreuses découvertes numismatiques ont
été réalisées pendant plusieurs dizaines d'années par des particuliers, avant qu'une étude de fond ne soit
menée : la synthèse de ces découvertes éparses révèle la concentration de plus d'un milliers de pièces de
monnaie d'origines très diverses, locales comme carolingiennes et même islamiques, des lingots, des pièces de
jeux et des poids de balance. Une telle découverte ne peut être comparé qu'avec le mobilier issus des comptoirs
commerciaux scandinaves de Birka et Kaupang : il semblerait que ce site soit scandinave. Par ailleurs, les
sources documentaires attestent d'un hivernage viking à Torksey en 872 : il convient donc de penser que ce site
archéologique est celui du camp d'hivernage viking de l'année 872. On le comprend donc très bien ici : si ces
sites archéologiques scandinaves ne peuvent indiquer à eux seuls un hivernage viking, le croisement des sources
nous permet de mettre en relation ces sites avec des attestations d'hivernage viking en ces lieux, et d'identifier
ces sites comme camps d'hivernages viking.
L'archéologue peut par exemple mettre au jour des structures d'aménagement du territoire
ou de construction domestique et militaire sur un site scandinave : de telles constructions,
exigeant un certain effort matériel et humain, ne peuvent être entrepris pour une présence
à court terme. Une troupe viking ne creusera ainsi pas d'importants fossés, n'élèvera pas
une forteresse ou n'aménagera pas un port pour quelques semaines. Par ailleurs, l'étude de
ces structures peut très souvent permettre d'avoir une idée relative de la durée de leur
occupation : autour d'une ou plusieurs années, ou sur une ou plusieurs dizaines d'années.
Ainsi, si l'on considère des structures archéologiques d'usage ni à très court terme, ni à
long terme, il est possible de proposer une occupation viking de ce site sur une ou plusieurs
années, ce qui induit un ou plusieurs hivernages. Deux sites peuvent notamment se prêter
à l'exemple : le camp de Péran à Plédran et le site de Taillebourg.
Le camp de Péran est un site archéologique présentant une fortification faite de terrassements et de maçonnerie
ayant été détruite par le feu, abritant plusieurs bâtiments domestiques, où l'on a retrouvé à la fois du matériel de
type continental, insulaire et scandinave. La présence exceptionnelle d'un denier d'York, monnaie frappée par
les vikings occupant la ville d'York, a permis avec bien d'autres arguments d'identifier ce site comme
primitivement carolingien, puis scandinave, avant d'être détruit lors d'un épisode violent. Si l'on se confie aux
archéologues qui y voient une présence viking pendant plusieurs années, les structures du camp n'ayant été
détruites qu'à la fin de son occupation, il apparaît comme évident que ces vikings passaient l'hiver sur ce site, qui
était donc site d'hivernage.
Plus récemment, c'est à Taillebourg-Port d'Envaux que d'importants vestiges scandinaves ont pu être mis au
jour. Les archéologues y ont découvert les traces d'un site portuaire de l'époque carolingienne, avec
aménagements de quais et témoins d'une activité de pêcherie, mais qui avait la particularité de contenir à la fois
du mobilier de type carolingien mais également insulaire et scandinave, semblable à celui du camp de Péran. Il a
donc été proposé d'y voir une présence viking, sur un site primitivement carolingien. En excluant ces structures,
il reste la présence d'un mobilier scandinave spécifique, lié à la pêche et à la navigation. Par exemple, les plombs
de filet naviforme retrouvés sont d'une esthétique et d'un type exclusivement scandinave, mais aurait été fondu
avec du plomb issu d'une mine de la région. Si l'usage de matériel de pêche, bien qu'exceptionnel sur nos
territoires, ne peut à lui seul prouver une occupation à moyen terme, le fait que ce matériel ait été élaboré
localement, sur des modèles scandinaves, peut par contre évoquer une présence sur plus de quelques semaines.
Ainsi, au-delà des structures, c'est le mobilier qui peut également être trace d'une occupation à moyen terme, et
laisser à penser que ce site serait celui d'un hivernage viking.
Enfin, si certains sites archéologiques peuvent être identifiés comme sites d'hivernage
grâce aux sources documentaires, et si d'autres sites le peuvent également en témoignant
d'une occupation scandinave à moyen terme, il en reste nombre de découvertes
archéologiques, quelles que soient leurs richesses, qui restent difficiles à appréhender. En
effet, une occupation à moyen terme n'est pas toujours évidente, surtout lorsque les
découvertes sont très spécifiques ou manquent de contexte archéologique.
Ainsi, nous pouvons parler de la très intéressante découverte viking de l'île de Groix, en Bretagne. Au début du
siècle, deux archéologues ont découverts une sépulture scandinave, où un homme reposait dans son bateau, avec
pièces d'apparat, armes, outils, mais également un autre individu et quelques animaux. Cette sépulture évoque
Dans d'autres occasions, les découvertes peuvent également être éparses, manquer de contexte archéologique, et
ainsi rendre très complexe toute interprétation. C'est le cas pour les découvertes vikings dites « de l'île de
Bièce », réalisées à proximité de Nantes. Une vingtaine d'années après la découverte de l'île de Groix, un
archéologue a étudié un ensemble d'armes découvertes dans le lit de la Loire lors d'opération de dragage. Ce
mobilier a été découvert en forte concentration à hauteur de la ville de Nantes, autour de l' île de Bièce, mais ne
possède alors aucun contexte archéologique. Les sources documentaires évoquent bien dans un premier temps
plusieurs hivernages dans le bassin de la Loire, probablement en amont ou à hauteur de Nantes, mais aucun site
d'hivernage précis ne peut être retenu. Puis dans un second temps, les sources évoquent la domination
scandinave sur la ville quelques décennies plus tard, et une base sur l'île de Betia. Si l'on considère que l'île de
Betia et l'île de Bièce sont un même lieu, et que le mobilier découvert dans le lit de la Loire est bien issu de l'ile
de Bièce, nous pouvons avancer l'idée qu'elles sont les derniers témoins d'un camp d'hivernage viking.
Néanmoins, le manque de contexte archéologique ne nous permet pas d'en être certain, et ne peut aucun cas lié
ce site d'hivernage de l'île de Betia aux premiers hivernages vikings dans le bassin de la Loire. Nous ne pouvons
exclure ce mobilier archéologique de notre étude, mais nous ne pouvons non plus l'utiliser comme fondement de
notre travail, n'ayant aucune conviction sur l'emplacement de ce site d'hivernage. Néanmoins, nous pouvons
peut-être affirmer une chose : ces armes sont très certainement celles de vikings ayant pillé ou tenté de piller la
ville de Nantes, quelle qu'en soit l'époque. Par ailleurs, les incursions vikings ayant remonté la Loire jusqu'à
Nantes ont toujours connues des périodes d'hivernage, sans exception. Si nous ne pouvons honnêtement relier
ces armes à un site d'hivernage viking, nous pouvons avancer le fait que ces armes aient au moins été celles
d'une troupe viking ayant hiverner, ou s'apprêtant à la faire quelques mois plus tard. Elles ne nous apporterons
pas d'information sur les sites d'hivernage, mais nous donnent une référence pour ce qu'a dû être une troupe
viking se dirigeant vers un hivernage, ici ou ailleurs.
Ainsi, nous avons pu voir comment il nous est possible d'identifier les moments
d'hivernage viking dans les sources documentaires et archéologiques. Nous avons alors
exploité cette méthode pour analyser l'ensemble de notre corpus, constitué de sources
documentaires et archéologiques. Le résultat de cette étude est joint en annexe de ce
travail. Après avoir étudié les sources, nous avons créé une fiche de synthèse pour chaque
hivernage identifié. Il est évidemment précisé sur chacune de ces fiches de synthèse les
sources documentaires et archéologiques qui nous ont amené à considérer l'hivernage,
mais nous avons également fait le choix de reprendre entièrement les textes évoquant ces
hivernages, dans leur langue d'édition (très souvent en anglais et en allemand) mais
toujours avec une traduction française personnelle. Afin de dépasser les limites évidentes
de ces traductions éditées ou personnelles, nous avons également tenu à reprendre le texte
d'origine en langue latine à chaque fois que c'était possible.
Ces fiches de synthèse, constituées grâce à l'analyse dont nous parlions précédemment,
présentent donc chaque hivernage considéré par notre étude et les sources qui nous ont
indiqués cet hivernage, avec détail des sources documentaires. Cette étude, qui se reflète
dans nos fiches de synthèse, nous a permis d'identifier un peu moins d'une cinquantaine
d'hivernages vikings à travers les mondes franc et britannique.
Considérer les fiches de synthèse portant sur notre travail nous permet d'avoir une
appréhension de l'ensemble des moments d'hivernages vikings qui ont eu lieu dans les
monde francs et britanniques des premières incursions au développement d'une nouvelle
société scandinave. Nous évoquions en introduction de ce travail nos deux bornes
chronologiques principales : nos recherches débutaient en 789 avec l'apparition d'un
premier et violent raid viking à Portland, jusqu'à la date de 1066 avec la conquête de
l'Angleterre par Guillaume le Conquérant, qui témoigne de la fin des raids vikings en
Occident pour des voyages et des guerres de conquêtes territoriales aux moyens et finalités
différentes.
Grâce à notre étude des hivernages vikings, nous pouvons dorénavant préciser notre
chronologie. Alors que les raids vikings apparaissaient maintenant sur l'ensemble des côtes
carolingiennes et anglo-saxonnes, les Annales Bertiniani relèvent un fait inattendu dont
l'annaliste cherche à saisir toute la signification : après avoir pillé Nantes et l'Aquitaine, les
vikings débarquent sur une île, apportent leurs foyers du continent, et décident de passer
l'hiver dans quelque chose comme une installation permanente. Il semblerait que les
vikings s'installent sur une île et hivernent pour la première fois dans le monde
carolingien.
Annales Bertiniani, année 843 : « Piratae Nordmannorum urbem Namnetum adgressi, interfectis episcopo et
multis clericorum atque laicorum sexusque promiscui, depraedata civitate, inferioris Aquitaniae partes
depopulari adoriuntur ; ad postremum insulam quadam ingressi, convectis a continenti domibus, hiemare
velut perpetuis sedibus statuerunt. »
Traduction : « Les pirates Normands ont attaqué Nantes, tuèrent les évêques et de nombreux prêtres et laïcs des
deux sexes, et saccagèrent la cité. Puis ils ont viré vers les régions de l'ouest de l'Aquitaine pour les dévaster
également. Enfin, ils ont débarqué sur une île, apporté leurs foyers du continent et ont décidé de
passer l'hiver dans quelque chose comme une installation permanente. »
Dans l'aire britannique, c'est sept ans plus tard que le premier hivernage viking est attesté
par les sources documentaires. La chronique anglo-saxonne relate plusieurs affrontements
entre troupes locales et scandinaves, et très laconiquement, précise que les vikings
restèrent pour l'hiver. Il convient ici de préciser que deux manuscrits de la chronique
anglo-saxonne nous précisent la chose de deux manières différentes : tandis que l'un
insiste sur le fait ce que cela arrive pour la première fois, l'autre précise que c'est sur l'île de
Thanet que les vikings hivernèrent. Asser évoque également cet événement dans sa Vie
d'Alfred, mais présente lui l'île de Sheppey. Pour les éditeurs successifs du texte S. Keynes
et M. Lapidge puis Alban Gautier, il faut voir ici sans doute une erreur d'Asser, qui travailla
à partir de la chronique anglo-saxonne et dont les notions géographiques paraissent
régulièrement confuses. Néanmoins, il souligne également le fait que ce sera la première
fois que les vikings hivernèrent sur le sol anglo-saxon.
Asser, Vie d'Alfred, vers 3 : « Et ipso eodem anno primum hiemaverunt pagani in insula, quae vocatur
Sceapieg, quod interpretatur « insula ovium » ; quae sita est in Tamesi flumine inter East-Seaxum et
Cantuarios, sed ad Cantiam proprior est quam ad East-Seaxum ; in qua monasterium optimum constructum
est. »
Traduction : « Et la même année [851], les païens hivernèrent pour la première fois dans l'île appelée
Sheppey, ce qui se traduit par « île des moutons » : cette île se trouve sur la Tamise, entre les Est-Saxons et
les Cantuariens, mais elle est plus près du Kent que des Est-Saxons ; et un excellent monastère y est édifié.»
Il semblerait donc que ce soit en 843 que les vikings hivernèrent pour la première fois sur
le territoire carolingien, et en 850 sur le territoire anglo-saxon. Nous pouvons commencer
à préciser ici l'aire chronologique de notre travail : si nous étudions la présence viking
entre 789 et 1066, il apparaît que notre analyse débutera en 843, à partir du premier
hivernage attesté dans les mondes franc et britannique.
Il est plus difficile de déterminer un marqueur de fin que de début à cette réflexion.
En effet, si les annalistes nous montrent assez bien les premiers hivernages vikings dans le
monde carolingien comme anglo-saxon, ils ne peuvent avoir conscience de la fin des
hivernages, ne peuvent déterminer que ce fut la dernière fois que les vikings hivernèrent
dans le monde occidental. Nous ne pouvons alors que chercher à cibler les dernières
évocations d'hivernage dans nos sources. Cela semble relativement aisé sur le territoire
carolingien : en effet , le raid viking sur Paris en 885 semble être la dernière incursion de
ce type dans nos régions. Après plusieurs années passées dans le bassin parisien et une
dernière tentative de siège devant Paris en 889, cette troupe viking redescendit la Seine
puis se dirigea vers les frontières de la Bretagne. Réginon de Prüm nous raconte alors le
siège de Saint-Lô en 890, tandis que la chronique anglo-saxonne précise outre-atlantique
qu'ils furent ensuite attaqués et défaits par les bretons. Si les vikings apparaîtront encore
dans le bassin de la Seine, c'est la dernière fois qu'on peut attester d'un hivernage. En effet,
nous savons qu'ils hivernèrent sur les bords du Loing en 888, puis qu'il repartirent à
l'assaut de Paris probablement au printemps 889. Échouant à entrer dans la ville, ils
redescendent la Seine, puis assiègent le château de Saint-Lô en attendant le temps que ses
occupants soient consumés par la soif et ne se rendent. Lorsque la bataille avec les bretons
éclate, nous sommes en 890, ce qui signifie que cette troupe était en hivernage sur place.
Attaquer un château et paraître dangereux au point de provoquer une offensive bretonne
n'illustre par ailleurs guère une troupe sur le départ. L'hiver 890 semble donc être le
dernier hivernage viking dans le bassin de la Seine.
Réginon de Prüm, année 890 : « Per idem tempus Nortmanni a Matrona fluvio exeuntes Parisius
revertuntur et, quia omnimodis descensus fluminis per pontem prohibebatur, tercio castra locant et iterato
certamine predictam urbem impugnant. Sed civibus, qui con/tinuis operum ac vigiliarum laboribus
induruerant et assiduis bellorum conflictibus exercitati erant, audaciter reluctantibus, Nortmanni desperatis
rebus naves per terram cum magno sudore trahunt et sic alveum repetentes Brittanniae finibus classem
traiciunt. Quoddam castellum in Constantiensi territorio, quod ad sanctum Loth dicebatur, obsident et
accessum ad fontem aquae ex toto prohibentes, oppidanis siti arescentibus, fit deditio eo pacto, ut vita tan tum
concessa cetera tollerent. Illis a munitione progressis gens perfida fidem et promissa data profanat omnesque
Chronique anglo-saxonne, année 890 : « «La même année [889] l'armée de pilage est allée de la Seine à
Saint-Lô, qui est situé entre le pays ds Bretons et des Francs. Les Bretons ont alors [en 890] combattu contre
eux et ont eu la victoire, les chassèrent vers une rivière, et en noyèrent beaucoup. »
Cette période est aussi celle du siège de Louvain par les troupes carolingiennes, important
camp d'hivernage viking probablement occupé de 884 à 891. Réginon de Prüm évoque des
combats en 891, le retour de la troupe viking vers sa flotte après le 26 juin. Ils y restèrent
jusqu'en février 892, puis remontèrent la Meuse pour reprendre leurs pillages. Enfin, les
Annales Mettenses nous apprennent que ceci fait, ils retournèrent vers leur flotte avec un
butin considérable, et leurs vaisseaux chargés, regagnèrent avec toutes leurs troupes les
régions d'outre-mer. Ils hivernèrent donc pendant l'hiver 891 en aval de la Meuse, puis
partirent après une saison de pillage. Cet hivernage de 891 semble être le dernier hivernage
viking dans le nord du pays, et à nouveau, si les vikings réapparaissent dans les sources, il
ne semble plus qu'ils hivernèrent sur le territoire carolingien.
Annales Mettenses, année 892 : « Dans le mois de février, les Normands, qui étaient restés sur
leurs vaisseaux, traversèrent la Meuse, pénétrèrent dans un bourg des Ripuaires, et, ravageant tout
avec la cruauté qui leur est naturelle, ils parvinrent jusqu'à Bonn. De là, s'en retournant, ils s'emparèrent
d'une certaine métairie appelée Landolisdorf, ou l'armée des Chrétiens vint à leur rencontre mais n'y
accomplit rien dont on puisse faire honneur à son courage. La nuit étant survenue, les Normands s'éloignèrent
de ladite métairie et, redoutant l'attaque des ennemis, n'osèrent pas se confier aux plaines et aux champs;
mais retirés dans les forêts et laissant l'armée derrière eux à leur gauche, se dirigèrent avec la plus grande
diligence possible vers le monastère de Prüm; et, comme ils s'y furent précipités avec violence, l'abbé et la
congrégation des frères s'échappèrent à grand'peine par la fuite. Les Normands, étant entrés dans le
monastère, pillèrent tout ce qui s'y trouvait, égorgèrent quelques-uns des moines et plusieurs des gens d e la
maison, et emmenèrent les autres captifs. Quittant ce monastère ils entrèrent dans les Ardennes, où ils
attaquèrent un certain château bâti nouvellement sur une montagne élevée dans lequel s'était réfugiée une
innombrable multitude de peuple, s'en emparèrent aussitôt, tuèrent tous ceux qui s'y trouvaient, s'en
retournèrent vers leur flotte avec un butin considérable, et, leurs vaisseaux chargés, ils
regagnèrent avec toutes leurs troupes les régions d'outre-mer. »
Ainsi, le dernier hivernages vikings sur le sol carolingien semblent avoir lieu en 892, et être
situé sur la Meuse. En Angleterre, le deux derniers hivernages attestés apparaissent à la
même période. La chronique anglo-saxonne nous apprend qu'en 892, une première troupe
viking qui était sur place se trouvait à Appledore, tandis qu'une nouvelle troupe entre dans
la Tamise et s'installe à Milton, où elle construit une forteresse. En 893, cela fait douze
mois qu'ils ont construit cette fortification : ils ont donc hiverné sur place pendant l'hiver
892. Alfred le Grand semble faire le siège de ce camp, en se plaçant entre la flotte et la
forteresse, et met en fuite la troupe viking après une dernière bataille. Nous suivons leurs
mouvements, de raids en batailles contre les troupes d'Alfred. Après plusieurs défaites, les
survivants de plusieurs armées de pillages se réunirent avant l'hiver en une nouvelle
armée, mirent leurs femmes, leurs navires et leur argent à l'abri en East-Anglie, puis
s'installèrent dans la fortification de Chester. L'annaliste nous précise à nouveau, en 894,
Chronique anglo-saxonne, année 896 : « Les danois avait mis à l'abri leurs femmes en East Anglia avant de
quitter de cette fortification. Ils se sont installés à Bridgnorth pour l'hiver. Cela faisait trois années
qu'ils étaivent venus ici à travers la mer vers l'embouchure de la Lympne. »
Chronique anglo-saxonne, année 897 : « « Puis l'été suivant cette année, l'armée de raids se
dispersa, certains allèrent en East Anglia, d'autres en Northumbria, et ceux qui étaient sans argent allèrent à
leurs navires là-bas, et s'en allèrent au sud à travers la mer jusqu'à la Seine. L'armée des Vikings n'avait
pas – par la grâce de Dieu ! - affligé trop gravement le peuple d'Angleterre. »
C'est ce que l'on peut considérer comme la dernière incursion viking en tant que telle sur le
territoire anglo-saxon. D'importantes batailles auront à nouveau lieu contre les vikings,
contre ce qu'on appelle encore même « l'armée de raids », mais toujours contre les
résidents des territoires sous domination scandinave du Danelaw, qui cherchent à
défendre leurs installations. L'hiver n'est alors pas passé en territoire ennemi en attendant
la belle saison, il est passé à l'endroit qu'ils considèrent comme leur demeure, où les
vikings installés cherchent à vivre année après année normalement. Alfred le Grand peut
alors année après année entreprendre la reconquête de ces territoires, voir de l'ensemble
de l'Anglerre. Nous ne parlons plus d'incursions vikings, mais de campagnes militaires
destinées à défendre des royaumes constitués. Nous pouvons donc considérer que le
dernier hivernage d'une troupe viking, en tant qu'incursion de pillage, a lieu à Bridgnorth
lors de l'hiver 896-897.
En définitive, après treize années de pillages, la « grande armée viking » reprend la mer.
Comme sur le territoire carolingien, les vikings seront à nouveau évoqués dans les sources,
mais la notion d'hivernage elle, disparaît. Ainsi, selon les sources documentaires, il
semblerait que les derniers hivernages viking dans le monde franc et britannique soient en
892 à Louvain, sur le territoire franc, et en 896 à Bridgnorth, sur le territoire anglo-saxon.
Néanmoins, ce serait sans compter sur nos sources archéologiques.
Les choses sont différentes dans le monde franc. La sépulture de l'île de Groix, découverte
en Bretagne, a été daté d'après le style artistique des objets et par la typologie des armes
découvertes de la fin du IX ème ou du début du Xème siècle. Si les découvertes dites de l'île de
Bièce peuvent difficilement être précisément datées, le mobilier issu des fouilles du camp
de Péran à Plédran se révèlent elles relativement précises : le site aurait été incendié au
cours du Xème siècle, et une pièce de monnaie d'York frappé entre 905 et 925 nous donne
un terminus ante quem pour l'éventuelle présence viking sur ce site. Le site archéologique
de Taillebourg enfin, présente une présence viking en corrélation avec des structures
construites en bois, dont la coupe a été daté par dendrochronologie d'une période allant de
850 à 924.
Si l'on considère que ces différents sites ont été le lieu d'hivernages viking, nous ne
pouvons donc pas affiner ici la chronologie de l'hivernage viking par des dates précises et
certaines. Néanmoins, nous relevions le dernier hivernage viking dans le monde franc en
892, quand ces sources archéologiques semblent témoigner d'un éventuel hivernage viking
sur ces sites s'étendant parfois jusqu'au X ème siècle, comme l'illustre notamment le denier
d'York frappé entre 905 et 925. L'hivernage viking s'est peut-être prolongé dans le monde
franc après 892, s'en que cela soit relaté dans les sources documentaires, et ne s'est
probablement terminé que dans la première moitié du X ème siècle, entre 925 et 950.
En définitive Il semblerait que si notre étude de l'hivernage viking peut trouver comme
marqueur de début la date de 843, premier hivernage viking attesté dans le monde franc et
britannique, il ne nous est pas possible de déterminer une date précise pour refermer la
chronologie de notre analyse. Il nous faudra étudier l'hivernage viking de 843 jusqu'aux
années 925-950.
Après avoir pris conscience de cette période d'étude, allant de 843 à 950, nous
pouvons prendre en considération l'ensemble de nos sources documentaires et
archéologiques pour y retrouver l'évocation de moments d'hivernage viking. Cette analyse,
longue et complexe, nous a permis de relever plus de soixante moments d'hivernages
différents dont nous pouvons être certains de l'existence, si nos sources documentaire
disent vrai, auxquels il faut peut-être ajouter une dizaine d'hivernages très probables. Ces
soixante ou soixante-dix sites nous sont connus par l'étude d'un corpus de treize sources
documentaires et de six sources archéologiques. Ces moments d'hivernage peuvent ne
connaître qu'une seule récurrence dans ce corpus, n'être évoqués qu'une seule fois dans les
Afin de pouvoir analyser au mieux ces traces, nous avons fait le choix de créer une fiche par
moment d'hivernage, où nous reprenons les sources qui nous ont permis de retrouver cet
hivernage. Par souci de rigueur scientifique, la source est reprise dans l'édition qui nous l'a
fait connaître, mais y ajoutant également la traduction française personnelle que nous
avons pu en faire lorsque l'édition du texte était en langue anglaise ou allemande. Cette
traduction n'a pas ici de valeur en soi, elle ne prétend être que l'image que nous avons eu
du texte initial, pour expliquer les conclusions que nous en avons tiré. Si nous espérons
que ces traductions puissent aider à la compréhension de notre étude, elles pourront
également mettre en lumière une erreur d'interprétation du texte original, par une erreur
de compréhension et du traduction de la langue d'édition. Nous avons également pris ici en
considération la source latine originale, afin de la mettre en rapport avec sa traduction
dans l'édition qui nous l'a fait connaître, et pouvoir être au plus proche de ce qu'a souhaité
transmettre l'annaliste médiéval.
Lorsque la source n'est pas documentaire mais archéologique, nous avons cherché à
appliquer une même démarche. Si ici la difficulté n'est plus l'interprétation et la traduction
d'un texte latin, elle peut être la prise en considération des différentes méthodologies de
recherche employées. En effet, nous ne pouvons pas donner la même valeur scientifique,
estimée selon les exigences actuelles de la recherche, à un chantier archéologique réalisé
par quelques amateurs éclairés aidés d'ouvriers au début du XX ème siècle et par une équipe
scientifique pluridisciplinaire travaillant pendant plusieurs années au début du XXI ème
siècle. Nous évoquerons alors ici l'historique des recherches archéologiques et publications
scientifiques réalisées sur le moment d'hivernage pris en compte.
La frise que nous proposons ci-dessous ne doit pas être considéré comme une production
figée : c'est un outil scientifique, destiné à être exploité, corrigé et affiné afin de mieux
saisir le développement de l'hivernage dans le temps. Nous avons créé une frise reprenant
la période que nous avons soulignée, allant de 843 à 950, et articulée en neufs structures
superposées évoquant les neufs bassins fluviaux des monde francs et britannique où se
sont développées les incursions vikings. Nous y avons ensuite fait apparaître par des barres
marquant les lieux et dates d'hivernage connus. Enfin, elles ont été mises en couleur pour
différencier les « groupes » d'incursions vikings connus par les sources, qui partagent par
exemple une même origine ou sont réunis et guidés par un même guerrier.
Cette frise chronologique nous donne donc un aperçu du développement dans le temps de
l'hivernage viking dans les mondes franc et britannique. Par l'absence totale d'hivernages
vikings sur l'Aulne, le Blavet et la Vilaine, elle nous révèle le manque de connaissance de
nos sources pour la Bretagne, mais elle nous permet également de considérer des
hivernages à des lieux distants d'un même groupe : par exemple sur la Seine en 858 et sur
le Rhône en 859.
Appréhender la discontinuité dans le temps de ces hivernages nous permet également d'y
apercevoir un certain développement, selon la dynamique d'apparition de ces hivernages.
Quatre périodes peuvent peut-être se distinguer. Dans un premier temps, plusieurs
hivernages isolés apparaissent, sans être jamais reconduits l'année suivante : en Frise en
850, au large de la Loire ou de l'Aquitaine en 843, à Thanet et à Sheppey en 850 et 855.
Cette première période, d'expérimentation de l'hivernage, se déroule donc entre 843 et
855.
Une seconde période peut débuter avec la reconduction des hivernages une seconde
année : un groupe est sur la Seine en 856 jusqu'à au moins 858, un autre groupe est sur la
Loire entre 853 et 855... Néanmoins ces hivernages restent isolés et très mobiles entre
bassins fluviaux éloignés : cette seconde période, qui ne semble pas ce développer dans le
nord de l'empire franc et en Angleterre, semble être celle d'une exploration des territoires
et des résistances grâce à l'hivernage viking. Elle peut s'estimer entre 853 et 866.
Enfin, une quatrième période peut se distinguer, celle de la disparition rapide des
moments d'hivernages. Le départ des « grandes armées » de pillage s'accompagne de la fin
des hivernages sur la majorité des territoires, seule l'Angleterre et peut-être la Bretagne - si
l'on pense à nos sources archéologiques pour celle-ci - verront encore des tentatives
d'incursion viking longue avec hivernage. Néanmoins, l'hivernage semble être bien plus
tourné vers une installation permanente sur les territoires que vers le développement des
pillages. Par ailleurs, c'est également un hivernage sans cesse mis en difficulté par la
résistance locale. Cette période peut débuter entre 892 et se terminer en 950.
Illustration 3: Proposition de périodisation de l'hivernage viking en quatre temps
138 BROOKS, Nicholas, « England in the Ninth Century : the crucible of the defeat », in Transactions of the Royal
Historical Society, vol 29, Cambruidge University Press, 1979, p.10
Voyons le détail de la dispersion de l'hivernage dans l'espace. Comme nous l'avons vu, une
soixantaine de moments d'hivernage viking ont été révélés par les sources documentaires
et archéologiques. Ces hivernages vikings se concentrent dans un espace géographique
large mais cohérent. Il n'apparaît pas du tout dans le nord-est de l'empire franc, ne
présente que l'exceptionnel hivernage en Carmague dans le sud-est de l'empire, et ne
présente que quelques moments d'hivernage dans le sud-ouest, toujours dans l'aire
d'influence du bassin de la Loire. Par contre, c'est plus d'une vingtaine d'hivernages qui
sont relevés dans le nord-ouest de l'empire Franc. Ainsi, nous pouvons dire que l'hivernage
viking se concentre dans l'empire Franc entre la Charente et le Rhin.
Dans les royaumes anglo-saxons, la diffusion de l'hivernage viking semble plus diffus.
Néanmoins, aucun hivernage n'est connu en Cornouailles, au Pays de Galles, ou encore
dans l'ère d'influence du royaume de Strathclyde ou de celui des Scots. C'est en
Northumbrie, en Mercie, en East-Anglie et dans le Wessex que l'on retrouve la présence
viking en hiver : c'est donc essentiellement dans un grand sud-ouest de l'Angleterre que
semble se développer l'hivernage viking. Par contre, même si nous ne l'étudieront pas
précisément ici, l'importance de l'hivernage viking est attesté en Irlande, à l'ouest de
l'Angleterre. L'histoire viking y est particulière, mais la présence et l'hivernage viking à
souligner.
Nord-ouest de l'empire Franc, grand sud-ouest de l'Angleterre, Irlande, : c'est donc dans
un espace unifié que se concentre l'hivernage viking, formant une aire de diffusion
importante mais cohérente, avec la Manche et la Mer d'Irlande comme centres de gravité.
Autour d'elles, sur un rayon d'environ 500 kilomètres (ou de 300 miles), s'étendent les
sites d'hivernage viking.
Nous comprenons donc dans quelle aire géographique, gravitant autour de la Manche, et
sur quels points forts, les bassins fluviaux, se développe l'hivernage viking. Afin de pouvoir
saisir au mieux cette dispersion géographique, il a paru évident de travailler à la réalisation
d'une carte de localisation de l'hivernage viking. Néanmoins, une carte en soi ne serait
qu'illustration, quand nous voulons travailler à des outils d'étude de l'hivernage viking.
Nous avons donc souhaité mettre à profit cette carte en la croisant avec la frise
chronologique que nous avons produite précédemment. Ainsi, nous pouvons confronter
nos propositions de périodisation de l'hivernage viking à la réalité géographique.
Nous avons fais le choix de représenter sur cette carte l'ensemble des territoires
francs et anglo-saxons où auraient pu apparaître l'hivernage, par souci d'exhaustivité.
Nous avons également eu le souci d'y représenter d'une part les fleuves et rivières par
lesquels les vikings ont pénétré dans les territoires, et d'autre part les frontière politiques
importantes des IXème et Xème siècle, qui ont très probablement eu un poids important dans
le développement de l'hivernage viking, comme nous tenterons de le voir plus tard. Enfin,
si chaque moment d'hivernage est précisé par une icône associé au lieu et à la date de
l'hivernage, nous avons également fait le choix de développer ces icônes sur plusieurs
teintes de la couleur rouge, correspondant à notre proposition de périodisation de
l'hivernage viking. Cette mise en couleur n'est pas une affirmation, mais un exercice, une
expérimentation : nous souhaitons mettre notre proposition de périodisation
chronologique face au développement géographique de l'hivernage, afin de voir s'il
pourrait le compléter, le confirmer ou l'infirmer.
La deuxième période que nous proposions s'articule entre 853 et 866 : c'est celle du
développement des hivernages vikings. Bien qu'encore épars, ils se renouvellent cette fois-
ci plusieurs années de suite, mais ne semblent apparaître que dans les bassins de la Seine
et de la Loire. La cartographie nous précise ici que ces hivernages ont maintenant lieu plus
à l'intérieur des terres, en remontant les rivières. Par ailleurs, il semblerait que ce soient de
mêmes groupes qui hiverneraient d'abord sur la Seine, puis sur la Loire, puis en
Camargue... L'hivernage apparaît donc également très mobile, sans se concentrer sur une
région donnée. A nouveau, notre périodisation peut se confirmer ici : ce moment serait
celui d'une exploration des territoires, en remontant les rivières et en allant de bassin
fluvial en bassin fluvial, mais aussi d'une phase d'expérimentation des résistances locales.
Nous représentions dans une troisième période ce que furent les « grandes invasions
vikings », entre 866 et 892. De grandes armées parcourent l'Angleterre, puis la Loire, la
Seine et le nord de l'empire franc, qu'elles soumettent à leurs pillages. L'hivernage se
multiplie, ce n'est plus deux ou trois mais plus d'une dizaine d'hivers que l'on passe en
territoire ennemi. Les pillages se régularisent, certains échanges commerciaux
apparaissent, mais les batailles et les sièges prennent également de l'ampleur. La
localisation de ces hivernages est très intéressantes à aborder : si de nombreux hivernages
ont lieu dans les bassins fluviaux déjà évoqués, de nombreux autres hivernages
apparaissent également loin à l'intérieur des terres, sur les affluents de ces fleuves. Nous
comprenons bien ici que la périodisation chronologique proposée se confirme par la
géographique, qui témoigne de l'ampleur qu'a pris l'hivernage viking au cœur même des
territoires franc et britannique.
Enfin, une quatrième et dernière période était celle de la disparition de l'hivernage avec le
départ des grandes armées, qui s'illustrait par quelques dernières tentatives d'hivernage en
Angleterre. On y ressent le souci de s'établir de manière permanente, qui cherche à
transformer l'hivernage exceptionnel en résidence permanente sur le territoire, mais aussi
l'accentuation de la résistance locale qui s'oppose de plus en plus systématiquement à
l'hivernage. Quelques sites d'hivernage épars apparaissent en Angleterre, dispersés pour
toujours trouver refuge ailleurs. Il est également possible d'en relever en Bretagne, bien
En définitive, nous pouvons donc dire que nous avons souhaité ici construire deux outils
d'étude de l'hivernage viking, une frise chronologique et une carte de localisation de
l'hivernage viking, afin de pouvoir proposer une périodisation en quatre temps de
l'hivernage viking dans les mondes franc et britannique. Néanmoins, comme nous
réfléchissions initialement sur les possibilités d'identification de moments d'hivernages
vikings afin d'ouvrir notre travail mais également de disposer d'une analyse qui nous serait
utile tout au long de nos recherches, de même, nous avons pu produire ici ces deux outils
pour soutenir notre argumentaire mais également de disposer d'outils de référence
chronologique et géographique à partir desquels construire nos prochaines réflexions.
Dans un second chapitre, nous souhaiterions alors approcher la multiplicité des sites
d'hivernages vikings, qui sont les expressions tangibles du phénomène de l'hivernage
viking. Dans quelles situations se sont-ils développés ? Quels sites ont été choisis, et
quelles structures ont pu être employées ou édifiées pour le camp d'hivernage ?
Approfondir ces pistes peut nous amener à comprendre comment l'hivernage viking trouva
sa place. Enfin, dans un troisième chapitre, nous aurions souhaité mettre à profit l'étude de
l'hivernage afin de furent les réalités quotidiennes de l'hivernage viking, qui cherche à se
protéger, à subsister, mais qui était également peut-être un lieu d'échange et de rencontre.
Nous sommes persuadés que travailler à la rédaction de ces deux nouveaux chapitres
pourrait ainsi nous permettre de comprendre au mieux le phénomène de l'hivernage
viking.
L'implantation des sites d'hivernage viking pourrait-elle être liée aux réalités
géopolitiques et commerciales des territoires victimes de leurs incursions ? C'est un
argument qu'ont pu défendre la majorité des historiens s'intéressant à la localisation de
sites archéologiques. Citons Jules Lair, à la recherche du site d'hivernage de l'île d'Oscelle
en 1897139 :
« Deux raisons encore, d'un ordre non militaire mais politique et économique, recommandaient la station de
Jeufosse au choix des Normands. Ce pays se trouvait sur la frontière de trois provinces, celles de Rouen, de
Paris, de Chartres. Dans un temps, où toute guerre prenait un caractère local, la position était bonne. La
province de Rouen, ex-seconde Lyonnaise, paraît avoir été abandonnée de bonne heure à son sort. Les deux
autres se tenaient tout au plus sur la défensive.
Jeufosse était situé sur la voie antique conduisant de Beauvais à Chartres, par Chaussy (Calcium), la Roche-Guyon,
Bonnières. Ce dernier endroit, écart de la paroisse de Mesnil-Regnard, est resté jusqu'à l'établissement des
chemins de fer un point de passage de grande importance. On pouvait aller de là à Paris en touchant les
contours de la Seine, sans avoir à la traverser. »
Ainsi, les frontières entre provinces ecclésiastiques pour certains, les voies romaines pour
d'autres, sont très souvent exploitées comme preuves supplémentaires de localisation d'un
site d'hivernage viking. Mais qu'elle est la réalité derrière ces arguments ? Il convient de
s'interroger sur l'ensemble des sites d'hivernage que nous connaissons, afin de se
demander s'il y a un réel lien entre ces réalités géopolitiques et commerciales et
l'emplacement des sites d'hivernage. Si c'est le cas, ce seront alors des arguments
recevables et intéressant pour l'identification des sites hypothétiques. Sinon, ce seront des
erreurs de l'historien, qui calque de manière anachronique ses schémas à une réalité qui
fût peut-être différente.
Pour constituer le fonds de cette étude, nous avons choisi d'exploiter les sites d'hivernage
supposés sur le territoire actuel de la France. Bien que notre regard se veuille
habituellement international, dépassant nos frontières actuelles anachroniques, nous
faisons aujourd'hui ce choix par souci scientifique. En effet, l'évolution des frontières et
limites géopolitiques a été étudiée au regard de nos frontières actuelles, et la France est
celui de ces territoires dont les limites géopolitiques nous sont les plus accessibles. Il ne
faut donc pas voir ici une généralité, mais une étude de cas, construite sur un territoire
donné.
139 LAIR, J., Les Normands dans l'île d'Oscelle, Pontoise, Typographie Amédée Paris, 1897, p. 8
Héritières dans l'ensemble des pagi carolingiens, les frontières ecclésiastiques, les
limites entre diocèses, représentent des unités territoriales relativement sinon fixes, au
moins évidentes à l'esprit de la population. Par souci fiscal notamment, elles apparaissent
comme cadrées au IXème siècle, ce qui provoque par ailleurs nombre de conflits remettant
en cause leur tracé, conflits qui prouvent par eux-même la conscience que peuvent avoir les
élites comme la population de ces frontières. L'historiographie récente 140 s'est beaucoup
intéressée à l'espace du diocèse et à ses frontières, afin de les réévaluer et de considérer par
exemple les diocèses comme des dynamiques en formation au cours du premier moyen-
âge, plus que des entités aux frontières claires et délimitées. Néanmoins, s'il n'y a des
frontières, il y a des pôles religieux d'où le pouvoir local rayonne, et des espaces situés aux
marges de ces pôles, mouvants, propices aux rencontres, aux interactions, et peut-être à
l'hivernage viking. Il convient donc de s'interroger sur l'incidence qui pourrait exister entre
emplacement de sites d'hivernage et frontières de provinces ecclésiastiques.
Afin de pouvoir mettre en valeur les éventuels liens qu'il peut y avoir entre sites
d'hivernage et frontières ecclésiastiques, nous avons choisi d'analyser une carte d'étude des
frontières ecclésiastiques sur le territoire français au IXème siècle, et d'y situer
l'emplacement des camps d'hivernages vikings attestés. Nous utiliserons la carte des
diocèses de France du IXème au XIIème siècle produite par Jacques Dubois pour son article
« La carte des diocèses de France avant la révolution »141 parue dans les Annales en 1965.
Sur la carte ci-dessous, nous retrouvons dix camps d'hivernage localisés sur une frontière
ecclésiastique, et marqués par la couleur verte : les camps situés sur la Loire, à Angers, sur
la Seine, à Chessy, à Noyon et à Condé. Nous y retrouvons également six camps qui ne sont
pas situés sur une frontière ecclésiastique, marqués de couleur jaune : les sites de Péran,
Groix, Taillebourg/Saintes, Sens, Amiens et Courtrai.
Six emplacements semblent donc situés à proximité immédiate d'une frontière de province
ecclésiastique, tandis qu'une dizaine d'autres sites en sont éloignés. Ainsi, même si les
choses peuvent être débattues pour chaque site, il ne semble pas être possible de relever
une tendance générale : les sites d'hivernage ne semblent pas majoritairement situés sur
des frontières ecclésiastiques, ou éloignés d'elles.
L'argument évoqué initialement par Jules Lair ne semble donc pas pertinent : sans
tendance générale, nous ne pouvons avancer sérieusement l'idée que les troupes vikings
préféraient installer leurs camps d'hivernage sur une frontières ecclésiastique. Nous ne
sommes donc pas certains que « la position était bonne », et qu'elle puisse être un
argument dans l'identification d'un lieu d'hivernage.
140 MAZEL, Florian, L’évêque et le territoire. L’invention médiévale de l’espace (Ve-XIIIe siècle), Paris, Seuil, 2016,
544 p.
141 DUBOIS Jacques, « La carte des diocèses de France avant la Révolution », in Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations (20ème année, n°4), 1965, p. 680-691
Illustration 7: Relation entre l'lhivernage viking et les frontières ecclesiastiques ; cartographie comparée à une analyse
extraite de DUBOIS Jacques, « La carte des diocèses de France avant la Révolution », in Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations (20ème année, n°4), 1965, p. 680-691
Illustration 6: Analyse de l'emplacement de l'hivernage en viking selon les frontières ecclesiastique, selon fonds de
carte issu de DUBOIS Jacques, « La carte des diocèses de France avant la Révolution », in Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations (20ème année, n°4), 1965, p. 680-691
Illustration 8: Analyse de l'emplacement de l'hivernage en viking selon les frontières ecclesiastique, selon fonds de
carte issu de DUBOIS Jacques, « La carte des diocèses de France avant la Révolution », in Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations (20ème année, n°4), 1965, p. 680-691
Les frontières entre royaumes
Les frontières ecclésiastiques portent du sens, mais ce sont les frontières entre
royaumes qui sont, bien que mouvantes, peut-être le plus souvent au cœur des enjeux
géopolitiques territoriaux. Aussi, il pourrait apparaître que les troupes d'incursions
vikings, ayant parfois une bonne connaissance des événements politiques locaux,
pourraient chercher à installer leurs hivernages en fonction de ces frontières entre
royaume. Afin de peser cette possibilité, nous étudierons l'emplacement des sites
d'hivernage en fonction des frontières séparant les royaumes à l'époque où chaque camp
s'établit. Nous utiliserons pour cela différentes cartes produites par Auguste Longnon pour
la planche VI de son Atlas Historique de la France depuis César jusqu'à nos jours 142, paru
en 1885, « La France et ses pays voisins au IXème et au Xème siècle ».
Si l'on considère les frontières de l'empire carolingien en 855, séparant les royaumes
de Charles le Chauve, de Lothaire II, de Louis Germanique, de Charles l'Enfant, de Charles
de Provence et de l'empereur Louis II, trois sites d'hivernage peuvent être considérés
comme situés à proximité immédiate de frontières, tandis que quatre autres sites restent
isolés. Si l'on considère les frontières de 870, séparant Charles le Chauve de Louis le Bègue,
Louis le Germanique et l'empereur Louis II, ce sont deux sites d'hivernage qui sont sur une
frontière, et trois sites qui sont isolés. Enfin, il est possible d'appréhender les frontières de
880 séparant Louis, Louis de Saxe, Carloman, Boson et Charles le Gros : sur les dix sites
d'hivernage relevés, quatre sont situés sur une frontière. Si l'on considère l'utilisation
maintenant systématique de la cavalerie, dans les dernières décennies du IXème siècle, et
qui permettrait – et expliquerait – un plus large rayonnement de l'implantation des sites
d'hivernage, il est peut-être possible de considérer que neuf de ces dix sites restent à
proximité d'une frontière.
142 LONGNON, Auguste, Atlas historique de la France depuis César jusqu'à nos jours, Hachette, 1885, 258 p.
Les frontières entre royaumes restent des entités mouvantes, parfois abstraites, qui
évoluent selon les événements politiques, successions et conquêtes. Avoir la connaissance
de ces frontières n'est ni répandue, ni immédiate, entre les mains des élites seules. Il
apparaît donc difficile à des troupes vikings venues d'ailleurs de connaître et comprendre
ces frontières, et surtout de suivre leur évolution. Mais les royaumes sont constitués d'un
partage entre plusieurs entités culturelles et politiques fortes, qui ne sont probablement
pas des nations au sens contemporain du terme, mais qui peuvent être considérés comme
des ensembles régionaux cohérents. Les habitants de ces « régions » peuvent en
appréhender les limites qui sont durables, même si la « région » appartient parfois à un
royaume, parfois à un autre... Une troupe viking ayant une connaissance primaire du
territoire peut apprendre à connaître ces limites, en conserver ou en transmettre la
connaissance, et revenir pour mettre à profit – ou non – la connaissance de ces frontières.
Après avoir chercher à mettre en rapport l'emplacement des sites d'hivernage avec les
frontières entre royaumes, réfléchissons donc plutôt à mettre en rapport l'emplacement de
ces sites avec les frontières entre entités régionales, dont les vikings avaient peut-être plus
facilement l'appréhension. Par souci d'objectivité, reprenons donc les marqueurs
chronologiques utilisés dans l'étude précédente concernant les frontières entre royaumes,
tout comme la même source. Nous utiliserons donc les cartes créées par Auguste Longnon
pour cette fois-ci la planche VII de son Atlas Historique de la France depuis César jusqu'à
nos jours143, paru en 1885, « La Gaule à l'époque carolingienne et plus spécialement au Xème
siècle ».
143 LONGNON, Auguste, Atlas historique de la France depuis César jusqu'à nos jours, Hachette, 1885, 258 p.
Il apparaît donc que les sites sont quasi exclusivement situés à proximité immédiate de
frontières régionales, et ne s'en éloignent qu'à la fin du IXème siècle. Si nous considérons
notre conclusion précédente, qui mettait en évidence le rôle des frontières entre royaumes
seulement à la fin du IXème siècle, nous pouvons établir une hypothèse de développement :
l'hivernage viking s'implanterait à proximité de frontières régionales jusque dans le dernier
quart du IXème siècle, à partir duquel, ils s'implanteraient à proximité de frontières entre
royaumes. Peut-être est-ce grâce à l'usage progressif de la cavalerie, peut-être grâce à une
meilleure connaissance des événements politiques locaux ?
Afin de pouvoir apporter une réponse plus clair et pertinente à cette réfléxion, il
conviendrait de préciser notre étude. En effet, les données cartographiques que nous
utilisons à titre de comparaison et d'analyse sont datées, et nous avons conscience de leur
faiblesse : nous avons sacrifié à la qualité de cette analyse afin de pouvoir disposer de
plusieurs cartes comparables, à des chronologies différentes, et à l'échelle de l'ensemble du
monde franc. Il serait intéressant de relativiser ces données en les confrontant à une
analyse plus précise du territoire, en étudiant par exemple les sites d'hivernage de la
Neustrie, et en les comparant aux cartes issues de l'ouvrage La Neustrie. Les pays du nord
de la Loire de Dagobert à Charles-le-Chauve 144 édité par Patrick Périn et Laure-Charlotte
Feffer. Bien que moins synthétique, la précision de cette analyse pourrait abonder ou
contredire les propositions géographiques et cartographiques que nous avons faites jusque
ici.
144 PERIN, Patrick, FEFFER, Laure-Charlotte, La Neustrie. Les pays du nord de la Loire de Dagobert à Charles-le-
Chauve (VIIème-IXème siècle), Musées et monuments départementaux de Seine Maritime, Créteil, 1985, 471 p.
145 TALBERT, Richard J. A., Rome's World : The Peutinger Map Reconsidered, Cambridge University Press, 376
p., 2010
146 http://omnesviae.org/fr/, « une ancienne carte romaine reconstruite avec la technologie Internet »
Si l'on considère que les troupes scandinaves n'utilisèrent la cavalerie que relativement
tardivement, ce choix n'as pas pu être fait qu'à de seules fins militaires, afin d'utiliser les
voies romaines pour aller piller l'intérieur des terres. Il convient de penser qu'un souhait
de rencontre, ouvert aux personnes empruntant la voie romaine, peut-être à usage
commercial, est attesté par ces faits.
L'archétype de l'hivernage viking est celui d'un campement temporaire installé sur
une île à l'embouchure de la Loire ou de la Seine. Nous pensons par exemple aux écrits
d'Albert D'Haenens ou de Régis Boyer.
Albert D'Haenens : « Le retranchement se situait toujours sur un cours d'eau, qui donnait accès à une région riche
et vaste et servait de port de mouillage. »147
Régis Boyer : « Le fait est que le retranchement des vikings n'a jamais, que l'on sache, été une baie, mais une ilôt
ou une île comme Jeufosse dans la Seine, Noirmoutier pour la Loire, Groix pour la Bretagne, la Camargue
pour le Rhône, Walcheren pour la Scheldt, Thanet et Sheppey pour la Tamise, etc. Île se disant ey en vieux
norois, il aurait fallu parler alors d'eyingar et non de vikingar ! »148
Néanmoins, à nouveau, il nous faut demander quelle réalité il y a derrière cette image. La
fouille archéologique des derniers sites d'hivernages vikings attestés, à Repton en
Angleterre ou à Waterford en Irlande, présentent des sites qui n'ont jamais été des îles.
Dans quelle mesure l'hivernage viking a-t'il alors pu être situé sur une île ?
147 D’HAENENS Albert, Les invasions normandes en Belgique au IXème siècle. Le phénomène et sa
répercussion dans l'historiographie médiévale, Louvain, Bibliothèque de l'Université, 1967, 391 p.
148 BOYER, Régis, Les vikings, Paris, Perrin, 2002, p. 175
149 Annales Bertiniani, anno 859 : « Piratae Danorum longo maris circuitu, inter Hispanias videlicet et Africam
navigantes, Rhodanum ingrediunteriis in insula quae Camaria dicitur sedes ponunt. »
Il faut également considérer la possibilité que cette apparente rareté des îles ne soit qu'une
vue de l'esprit. Les annalistes pourraient dans un premier temps préciser que l'hivernage
viking a lieu sur une île, avant de ne plus le mentionner, le fait devenant une banalité ou
une évidence. De même, il ne faut pas oublier que les aménagements contemporains ont
bouleversé les cours d'eau, et que le paléo-chenal s'est souvent déplacé. Ainsi, à Torksey,
les fouilles archéologiques ont révélé que le site de l'hivernage viking était au départ une
île, ou du moins une presqu'île formée par la rivière et des marécages, aujourd'hui
disparus.
Ainsi, si seulement onze sites d'hivernage viking sur soixante sont attestés sur une
île, soit 20%, plus d'une trentaine au moins sont situés sur une rive, soit 50% des
localisations. Régis Boyer proposait de ne plus parler de vikingar mais d'eyingar, des
hommes des îles plus que des hommes des baies et des estuaires, mais il nous apparaît
donc que considérant l'hivernage viking, on peut parler surtout d'homme des rivages, qu'ils
soit littoraux ou fluviaux.
Néanmoins, il en reste que, île ou rive, l'hivernage viking reste intimement lié à la présence
de l'eau, ce qui semble évident puisque la navigation était le moyen de transport privilégié
des vikings. Même si une quinzaine de sites restent de localisation inconnue ou mal
connue, soit 25%, nous n'avons recensé aucun site d'hivernage attesté qui n'était pas situé
sur, ou à proximité immédiate d'un cours d'eau. Et lorsque l'on peut avancer que sur
soixante sites d'hivernages considérés, aucun n'atteste un camp établi loin d'un cours
d'eau, cela fragilise l'identification viking de certains sites archéologiques, comme le camp
de Péran en Bretagne, établi à plus de cinq kilomètres du premier cours d'eau navigable.
Le bassin fluvial
Si l'hivernage viking se situe au départ sur des îles, ensuite essentiellement sur des
rives, nous avons pu voir qu'il reste toujours étroitement lié au fleuve. Nous pouvons alors
nous interroger sur l'endroit choisi par les vikings, au fil du fleuve, pour établir le site
d'hivernage. Cette question est importante, car il est assez peu probable que les troupes
scandinaves n'aient pas mûrement choisi le site de leur accostage. Ces marins chevronnés
habitués à une navigation complexe dans les fjords et cheminant en territoire ennemi et
inconnu, devaient se prémunir des bancs de sable, des courants de la marée, et de toute les
difficultés d'une navigation fluviale, parfois d'influence maritime, à une époque ou les
fleuves n'avaient que quelques ponts et jetés pour toute infrastructure d'aide à la
navigation.
Jean Soulat, en s'interrogeant sur les contacts du port de Taillebourg (possible lieu
d'hivernage viking) avec le nord-ouest de l'Europe, souligne la forte probabilité d'une
présence ou d'une installation viking sur la Charente. Il s'interroge également sur la
possibilité pour le port de Taillebourg d'avoir été un wics carolingien, notamment en
comparant la localisation du site dans sa zone estuarienne à d'autre wics connus. Nous
devons souligner ici la fragilité de cette argument. D'une une part, la nature et les
découvertes du site de Taillebourg diffèrent de celles de Rouen ou de Ludenwics. D'autre
part, si Taillebourg est bien situé à environ 40 km de l'embouchure de la Charente, Rouen
se situe plutôt à 60 km de l'embouchure de la Seine à vol d'oiseau et Ludenwick à 50 km.
Par ailleurs, ces distances à vol d'oiseau n'ont guère de sens au vu de la progression fluviale
des vikings, la distance séparant Rouen de la mer prenant alors bien plus d'importance au
vu des méandres de la Seine.
Nous avons montré que l'hivernage viking se développe dans l'espace, pour d'abord trouver
sa place à l'embouchure des fleuves, pour ensuite s'installer dans l'estuaire, et enfin
remonter plus profondément les rivières. Néanmoins, la seconde génération de sites
d'hivernage, qui s'installe dans les estuaires, ne pourrait-elle pas correspondre également à
une distance établie des côtes ? La comparaison entre les wics et les sites d'hivernage
pourrait être approfondie, même si elle n'est pas pour le moment concluante.
Nous ne pouvons par contre pas associer cette distance à la limite de la marée dynamique,
zone où l'effet de la marée cesse de se faire ressentir. Dans l'estuaire de la Loire, cette
limite est à 90 km de la côte, sur la Tamise elle est à 110 km des côtes, sur l'Escaut à 112
km, sur la Clyde à 115 km, sur l'Humber à 120 km à Ouse et 150 km des côtes à Trent, sur la
Severn à 130 km et enfin sur la Seine à 160 km des côtes 151. C'est une limite que Laurent
Mazet-Hartoff souligne lorsqu'il considère le potentiel archéologique de la vallée de la
Seine : il faut s'accorder à la marée pour passer les bancs de sable, puis ramer lorsque
l'effet de la marée perd de son influence.
« Par conséquent il était nécessaire pour les Vikings de gagner une certaine expérience du fleuve et de l'estuaire
avec ses caps, derrière lesquels il fallait attendre la marée montante (le flot) pour remonter, en passant au-
dessus des nombreux bancs? Au-dessus du premier tronçon stratégique, entre Saint-Wandrille et Jumièges
accessibles a la voile, il était nécessaire de ramer. Et il est évident que ce point de rupture dans la progression
nautique demeura un point de repère significatif sur la "carte mentale" des navigateurs vikings, un jalon qui
fut probablement matérialisé par un établissement portuaire sur le rivage. »152
150 MAZET-HARTOFF, Laurent, « Sur la trace des vikings en Haute-Normandie : problématique », in FLAMBARD
HERICHER, Anne-Marie, (dir.), La progression des vikings, des raids à la colonisation, Rouen, Publications de
l'Université de Rouen et du Havre, 2003, p.126
151 LECOQUIERRE, Bruno, L'estuaire de la Seine, espace et territoire. Publications de l'université de Rouen et du
Havre, Rouen, 2000, 188 p.
152 MAZET-HARTOFF, Laurent, « Sur la trace des vikings en Haute-Normandie : problématique », in FLAMBARD
HERICHER, Anne-Marie, (dir.), La progression des vikings, des raids à la colonisation, Rouen, Publications de
l'Université de Rouen et du Havre, 2003, p. 137
Illustration 16: Comparaison de l'implantation topographique des wics par rapport à la zone
estuarienne, par J. Soulat et P. Moyat, issu de DUMONT Annie, MARIOTTI Jean-François (dir.),
Archéologie et histoire du fleuve Charente. Taillebourg-Port d’Envaux : une zone portuaire du haut
Moyen Âge sur le fleuve Charente, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 2013, p. 261
Illustration 17: Situation géographique du site d'hivernage viking de Torksey au IX ème siècle (Dawn M. Hadley et
Julian D. Richards) [1 et 4 : ports naturels ouverts vers la Trent, 2 : zone marécageuse]
C'est probablement de telles caractéristiques qui entraînèrent les vikings a choisir un site
ou un autre pour l'établissement de leur base d'hivernage dans le fleuve : un lieu où l'eau
les protégeaient, tout en leur permettant d'abriter leurs navires dans un port naturel. Il
faut néanmoins garder à l'esprit que ces considérations géographiques étaient confrontées
aux réalités historiques : des îles semblables à celle de Torksey étaient accessibles à
proximité153, alors pourquoi choisir ce site en particulier ? Très probablement en raison de
l'attrait d'une source de richesse locale, peut-être un marché, à un centre de production de
poteries ou à la proximité de deux églises importantes.
153 STEIN, Samantha, Understanding Torksey and the Viking winter camp of 872–3: a geoarchaeological and
landscape approach to Viking overwintering camps, unpublished PhD thesis, University of Sheffield, 2015
Chaque site sera donc approché à quatre échelles cartographiques différentes : une
première échelle nous permet de situer l'emplacement de l'hivernage viking par rapport à
une carte administrative contemporaine afin de pouvoir localiser l'emplacement du site à
potentiel archéologique aujourd'hui et une carte géologique régionale afin de mettre en
avant les réalités topographiques du terrain exploité, ses reliefs et son dessin
hydrographique par exemple. Une seconde échelle nous permet de situer l'emplacement
présumé du camp sur notre territoire contemporain, mais également sur une carte du 18 ème
siècle, la carte de Cassini. Cette comparaison est importante, notamment pour faire
apparaître d'anciens bois, d'anciennes voies, ou encore pour nous dessiner la forme d'île
bien plus proches de la forme qu'elles pouvaient avoir au IX ème siècle, que de celle qu'elles
peuvent avoir aujourd'hui, alors que les principaux ouvrages de canalisations et de
régularisation du tracé fluvial a eu lieu ces deux derniers siècles.
Une troisième échelle nous permet d'approcher chaque lieu selon la Carte de l’État-major
(1820-1866), qui permettrait de comprendre le site sans l'urbanisation contemporaine,
avec l'emplacement de constructions, de limites, de chemins aujourd'hui disparus, mais
qui pourraient révéler la destruction du site, ou sa trace dans la topographie. Une dernière
échelle nous permet d'approcher au plus près cette topographie, et de la comparer à une
vue aérienne, afin de retrouver d'éventuelles traces contemporaines du site d'hivernage.
Comme le précise l'intitulé de cette partie, cette analyse cartographique est à considérer
comme un essai, une piste à explorer pour approfondir l'étude de l'hivernage viking. Il faut
y voir une illustration des sites d'hivernages régulièrement évoqués, mais également une
tentative d'analyse différente. Selon nous, cette analyse n'est pas suffisante dans son état
actuel, mais elle dispose d'un certain potentiel et peut être vu comme un appel à une étude
de géographie historique rigoureuse et complète appliquée à l'hivernage viking. Un
spécialiste de l'étude des espaces saurait peut-être nous proposer une véritable analyse
chorématique de l'hivernage viking, que nous avons esquissé lors de l'analyse de ces cartes.
Nous entendons par là la représentation schématique de modèles graphiques représentant
le phénomène spatial de l'installation des camps d'hivernage, le but étant de pouvoir
comparer de manière plus aisée la diversité des caractéristiques des sites d'hivernage
viking, et éventuellement de pouvoir proposer cette grille de lecture à la recherche
archéologique des sites encore méconnus.
Les raids vikings doivent leur succès à leur rapidité, à leur capacité à apparaître là
où on ne les attendait pas et à disparaître tout aussi vite, à leur capacité à s'adapter aux
événements, et à continuer les pillages ou reprendre la mer selon ce que la situation exige.
L'hivernage et l'établissement de camps reste intimement lié à cette nécessaire mobilité et
à la soudaineté des décisions en territoire ennemi. Aussi, on saisit sans difficulté la mesure
du camp viking, bien plus éphémère que mettant en œuvre de lourds chantiers de
construction. Les troupes vikings détenaient le savoir, mais ni le temps, ni les moyens
humains pour s'abriter derrière de lourdes et durables forteresses. Considérant cette
possibilité limitée de la construction de fortifications, tout comme leur bonne connaissance
des infrastructures territoriales des territoires attaqués, il a forcément dû apparaître à
l'esprit des troupes viking l'idée de réemployer des sites existants comme abri d'hivernage.
Pourquoi construire un camp ex nihilo si les raids amènent à occuper un site construit,
stratégique, et vide ? Après s'être interrogé sur les sites géographiques exploités, nous
pouvons donc nous demander dans quelle mesure l'hivernage viking a-t-il pu s'installer sur
des structures pré-existantes, en les réemployant comme camps d'hivernage temporaires.
Le réemploi de sites pour établir un camp d'hivernage a semblé concerner plusieurs types
de structures, sans qu'un type ne semble prédominer sur l'autre. Ce sont les monastères et
abbayes, les résidences royales, et les villes moyennes fortifiées.
Le premier est celui de Saint-Maur des Fossés en 862 : l'occupation semble se faire
avec l'accord très relatif des autorités carolingiennes, et les troupes s'installent dans ce
monastère afin d'y attendre la fin de l'hiver.
Annales Bertiniani, année 861 : « Mais l'imminence de l'hiver les a empêché de prendre la mer. Alors ils se sont
séparés en fonction de leurs fratries en groupes affectés à divers ports, de la côte jusqu'à Paris. (...) Les anciens
occupants du fort assiégé, avec le fils de Weland, occupent maintenant le monastère de Saint-Maur-des-
Fossés. »154
Il semblerait donc que les vikings se soient installés dans un monastère situé à un
emplacement stratégique, ancien castrum et presqu'île sur la Marne, mais également un
monastère assez proche du pouvoir royal et qui semble en essor. Enfin, si le monastère est
en mesure d'accueillir (et de protéger) les reliques de Saint-Maur quelques années après le
passage des vikings, c'est que les constructions comme l'image du monastère n'ont pas
souffert de ses hôtes scandinaves. Faut-il aller plus loin et se poser la question d'un lien
entre ces hôtes peut-être plus ou moins imposés, et la contre-partie de l'arrivée de
prestigieuses reliques quelques années plus tard ?
Chronique Anglo-Saxonne, année 873 : « Ici, l'armée de raids est parti du Lindsey vers Repton, a pris ses
quartiers d'hiver là-bas, et [874] ils firent traverser la mer au roi Burhred, il avait un royaume depuis 22 ans,
et ils conquirent tout le pays. »155
Néanmoins, des fouilles archéologiques dont nous avons déjà longuement parlé ont pu
mettre au jour l'état du site de Repton lors de son occupation viking. Il apparaît que la
troupe d'incursion s'est installé dans un site religieux où vivait une importante
154 Annales Bertiniani 861 : « Quos imminens hiems ingredi mare prohibuit, unde se per singulos portus ab ipso
loco Parisius usque secundum suas sodalitates dividunt. Welandus autem per Sequanam usque ad castrum
Milidunum cum sociis suis ascendit. Castellani vero cum Welandi filio Fossatis monasterium occupant. »
155 Chronique Anglo-Saxonne, année 873 : « Here the raiding-army went from Lindsey to Repton and took
winter-quarters there, and [874] drove the king Burhred across the sea 22 years after he had a kingdom ; and
conquered all that land. »
L'abbaye de Repton est un ancien monastère bénédiction fondé au VII ème siècle sur les rives
de la Trent. Proche du pouvoir royal de Mercie, sa crypte a accueilli l'inhumation des rois
Aethelbald et Wiglaf de Mercie, mais également de Wigstan, petit-fils de ce dernier, mort
en 849 et considéré comme saint. Suite à l'occupation de la région par les vikings de la
Grande Armée, l'abbaye sera abandonnée et son église abbatiale deviendra église
paroissiale du bourg de Repton.
Les vikings se sont donc installés à Repton dans un monastère situé sur une rive, un
monastère à nouveau probablement proche du pouvoir royal, et en essor si l'on considère
d'éventuels pèlerinages qui aurait lieu auprès de la sépulture de Wiglaf, inhumé là 24 ans
plus tôt. Néanmoins, le monastère n'a cette fois ci par survécu à l'hivernage viking.
Chronique Anglo-Saxonne, année 882 : « L'armée de raids remonta l'Escaut vers Condé, et il s'y installèrent
pendant un an. »156
Asser, Histoire du roi Alfred : « En l’an 883 de l’Incarnation du Seigneur, [le trente- deuxième] après la naissance
du roi Alfred, l’armée déjà mentionnée, remontant à contre courant le fleuve nommé Escaut, amena ses
navires jusqu’à un monastère de moniales nommé Condé, et elle demeura là pendant un an. »157
De ces trois exemples, nous pouvons essayer de tirer plusieurs conclusions. Il semblerait
que les vikings en hivernage aient plutôt choisi des monastères en essor : est-ce avec une
ambition de pillage ? Ce ne fut apparemment pas le cas à Saint-Maur-des-Fossés. C'est
peut-être seulement parce qu'il y a plus de chances qu'ils aient appris la localisation d'un
monastère à l'image brillante que d'un monastère en décadence, ou également parce que
cela leur promettait des ressources et des structures de qualité pour hiverner.
L'emplacement stratégique de ces monastères est une constante : il prouve en partie que
les vikings recherchaient avant tout un site qui leur offrirait une protection, en vue de
l'hivernage : ils n'arrivaient probablement pas devant ces monastères par hasard, mais
avec un souhait de site assumé. Par ailleurs, si les vikings sont arrivés à Saint-Maur-des-
Fossés suite à un accord avec l'autorité royale, ce ne fut pas le cas à Repton et à Condé, et il
semblerait qu'à ces deux occasions le monastère eu à en souffrir, disparu probablement.
Enfin, il est intéressant de souligner l'apport par le pouvoir royal de reliques à Saint-Maur-
des-Fossés suite à l'hivernage viking, la symbolique toute particulière du mausolée royal de
Repton, ou encore le choix du monastère Notre-Dame de Condé quelques années après la
mort de son protecteur.
La première résidence royale qui semble évoquée par les sources, comme réemployée par
les vikings comme site d'hivernage, se concentrent par contre sur une seule décennie, entre
870 et 880. La première concernée par un hivernage viking est celle de Reading en 870.
Chronique anglo-saxonne, 870 : « Ici l'armée de raids vint à Reading dans le Wessex, et trois jours après 2 jarls
parcoururent l'arrière-pays. L'ealdorman Aethelwulf les rencontra à Englefield, combattu contre eux et
remporta la victoire. Puis quatre jours plus tard [871] le roi Aethelred et Alfred, son frère, amenèrent une
Vie d'Alfred, par Asser : « En l’an 871 de l’Incamation du Seigneur, [le vingt- deuxieme] après la naissance du roi
Alfred, l’armée des païens d’odieuse mémoire quitta le royaume des Est-Angliens pour celui des Ouest-Saxons
et parvint à la résidence royale nommée Reading, située sur la rive sud du fleuve Tamise, dans le district
nomme Berkshire ; le troisième jour après leur arrivée en ce lieu, deux de leurs comtes se lancèrent à cheval
avec une grande partie de l’armée afin de faire du butin, pendant que les autres construisaient une levée de
terre entre deux cours d’eau, la Tamise et le Kennet, sur le côté droit de cette même résidence royale.
Aethelwulf, comte du Berkshire, les affronta avec ses compagnons au lieu appelé en anglais Englafeld et en
latin Anglorum campus, « l e champ des Angles » : on y livra bataille avec courage de part et d’autre. Là,
chacun des deux camps résista longtemps ; enfin, l’un des deux comtes païens tué, la plus grande partie de
l’armée anéantie et, le reste ayant pris la fuite, les chrétiens obtinrent la victoire et restèrent maîtres du champ
de bataille. (…) Quatre jours apres que ces choses se furent déroulées là, le roi Aethelred et Alfred son frère
ayant réuni leurs forces et rassemblé une armée, gagnèrent Reading. Comme ils étaient arrivés à la porte de
la forteresse, massacrant et terrassant tous les païens qu’ils avaient trouvés hors de la forteresse, les païens ne
combattaient pas moins résolument ; comme des loups, surgissant de toutes les portes, de toutes leurs forces
ils recherchent le combat. Là, on combattit longtemps et farouchement de part et d’autre mais hélas, les
chrétiens finirent par tourner le dos à la bataille, les païens obtinrent la victoire et restèrent maîtres du champ
de bataille, où périt entre autres Æthelwulf, le comte déjà mentionné.»160
Nos sources documentaires, ce qui est relativement rare, ne sont pas avares d'informations
concernant cet hivernage viking. Nous y suivons le départ des vikings d'East-Anglie pour
rallier la résidence royale de Reading dans le Wessex, où une partie des troupes se fortifie
pendant qu'une autre part piller la région. Suite à une première bataille que perdirent les
vikings, le camp d'hivernage est attaqué par le roi Aethelred et Alfred, mais cette fois-ci les
vikings parvinrent à « rester maîtres du champs de bataille ».
Nous apprenons que la résidence royale est située sur la rive sud de la Tamise, et
probablement au point de confluence de la Tamise et du Kennet, puisque les vikings
construisirent une levée de terre reliant les deux cours d'eau, probablement pour isoler et
défendre le site. Le texte originel latin, celui d'Asser, utilise l'expression « venit ad villam
regiam » : Reading ne serait donc pas considéré comme un palatium, terme à la
symbolique forte, mais comme textuellement une villa royale. Ayant pour but d'apporter
au roi des revenus agricoles, les villae rurales pouvaient néanmoins accueillir
périodiquement la cour royale, être évoqué dans la signature de sources diplomatiques,
mais sans que ne soit édifié par exemple un bâtiment représentatif du pouvoir royal. Cette
citation de Reading dans les sources documentaires est la plus ancienne référence écrite
connue évoquant la ville, et les historiens présument qu'elle doit avoir commencé à se
159 Chronique Anglo-Saxonne, 870 : « Here the raiding-army came to Reading in Wessex, and 3 days
afterwards 2 jarls rode up-country ; then Ealdorman Aethelwulf met them on Englefield and fought
against them and took the victory. Then 4 days later [871] King Aethelred and Alfred, his brother, led a
great army there to Reading, and fought against the raiding-army ; and a great slaughter was made
there on either side an Ealdorman Aethelwulf was killed, on the Danish had possession of the place of
slaughter.
160 Vie d'Alfred, par Asser, vers 35 et 36 : « Anno Dominicae Incamationis DCCCLXXI, nativita tis autem
Aelfredi regis vigesimo tertio, exosae memoriae paganorum exercitus Orientales Anglos deserens et
regnum Occidentalium Saxonum adiens, venit ad villam regiam, quae dicitur Raedigam, in meridiana
Tamesis fluminis ripa sitam in illa paga, quae dicitur Bearrocscire; tertioque adventus sui ibidem die
<duo> comites eorum cum magna illius parte in praedam equitaverunt, aliis vallum inter duo flumina
Tamesen et Cynetan a dextrali parte eiusdem regiae villae facientibus. Quibus Aethelwulf, Bearroccensis
pagae comes, cum suis sodalibus in loco, qui dicitur Englafeld <Anglice, Latine Anglorum Campus>,
obviavit, et animose ex utraque parte ibidem pugnatum est. Cumque ibi diu utrique resisterent, altero
paganorum comite occiso, et maxima exercitus parte deleta, ceterisque fiiga elapsis, Christiani victoriam
accipientes, loco funeris dominati sunt. (…) « His ibi ita gestis, post quatuor dies Aethered, rex et Aelfred,
frater eius, adunatis viribus congregatoque exercitu, Rædigum adierunt. Cumque usque ad portam arcis
pervenissent, caedendo et prostemendo quoscunque de paganis extra arcem invenissent, pagani non
segnius certabant, lupino more, totis portis erumpentes, totis viribus bellum perquirunt. Ibique diu et
atrociter ex utraque parte dimicatum est, sed, proh dolor ! Christianis demum terga vertentibus, pagani,
victoriam accipientes, loco funeris dominati sunt, ibique Æthelwulfus praefatus cornes inter ceteros
occubuit.»
Il semblerait donc que les vikings aient choisi cette résidence royale pour hiverner. C'est un
lieu stratégique situé à un confluent, qu'ils ferment par une fortification. C'est également
une résidence royale probablement jeune mais prospère. Se fortifier dans cette résidence
royale a probablement permis aux vikings de remporter leur victoire finale contre l'armée
d'Aethelred et d'Alfred, et si l'on ne sait pas si la villa survit à leur occupation, Reading
s'est développé pour devenir un borough prospère deux siècles plus tard.
Sept années plus tard, les mêmes sources documentaires évoquent un nouvel hivernage
dans une résidence royale : celle de Chippenham, en 877.
Chronique Anglo-Saxonne, année 878 : « L'armée de raids s'est esquivée à Chippenham en plein hiver après la
Douzième Nuit [l'épiphanie?]. Ils s'en sont allés dans le pays du Wessex et l'ont occupé, ont conduit beaucoup
de personnes à travers la mer, tandis que la plus grande partie des autres s'en est allé - à l'exception du roi
Alfred qui a traversé difficilement avec une petite troupe des bois et des marais. »162
Vie d'Alfred par Asser : « En l’an 878 de l’Incarnation du Seigneur, [le vingt- septième] après la naissance du roi
Alfred, l’armée souvent mentionnée ci-dessus sortit d’Exeter et gagna Chippenham, une résidence royale située
du côté gauche du Wiltshire, sur la rive orientale du fleuve appelé en breton Abon ; là, elle hiverna. Et elle
obligea brutalement beaucoup de gens de ce peuple, à cause de la disette et de la peur, à faire voile outre-mer,
et ils soumirent la presque totalité des habitants de la région à leur domination. »163
A nouveau, nous voyons que les sources n'ont pas toute la même richesse d'information, et
c'est lorsque nous avons la chance de pouvoir en croiser certaines que nous découvrons
ainsi le réemploi d'un site pour l'hivernage viking. Le silence de certaines sources est loin
de signifier la rareté de ces réoccupation. Nous apprenons ici que les vikings, bien que
l'hiver soit déjà avancé, ont choisi de gagner la résidence royale de Chippenham pour
hiverner, sur la rive orientale du Wiltshire (appelée Abon par les bretons, et appelée
aujourd'hui Avon), dans le Wessex. Cet hivernage leur permis d'occuper et dominer la
région, ce qui poussa la population à prendre la mer pour s'exiler « à cause de la disette et
de la peur », peut-être en traversant l'estuaire du Severn qui sépare l'Angleterre du sud-
ouest du Pays de Galles. Le texte latin d'Asser parle de Cippanham, à nouveau villam
regiam et non palatio. Chippenham serait une fondation ancienne, du VII ème siècle,
réaménagée sous l'occupation romaine. C'est le lieu de mariage entre Burgred de Mercie et
la sœur d'Alfred le Grand en 853, 24 ans avant l'hivernage viking, mais également entre
Aethelred II de Mercie et Aethelflaed, la fille d'Alfred le Grand vers 887-88, soit dix ans
161 PHILLIPS, Daphne, The Story of Reading, Countryside Books, 1980, p. 14–15 ; DITCHFIELD, P.H.; PAGE,
William, eds. (1923). "The borough of Reading: he borough", in A History of the County of Berkshire 3,
1923, p. 342–364
162 Chronique Anglo-Saxonne, 878 : « Here the raiding-army stole away in midwinter after Twelfth Night to
Chippenham, and over-rode and occupied the land of Wessex, and drove many of the people across the
sea, and the greatest part of the others they over-rode – except Alfred the king with a small troop went
with difficulty through woods and into swamp-fastnesses. »
163 Vie d'Alfred par Asser, vers 52 :« Anno Dominicae Incamationis DCCCLXXVHI, nativitatis autem Ælfredi
regis trigesimoc, supra memoratus saepe exercitus Eaxeancestre deserens, Cippanham, villam regiam,
qua est sita in sinistrali parte Wiltunscire, in orientali ripa fluminis, quod Britannice dicitur Abon, adiit,
et ibi hiemavit. Et multos eiusdem gentis ultra mare compulit hostiliter et penuria atque pavore navigare,
et maxima ex parte omnes illius regionis habitatores suo subdiderunt dominio. »
Les vikings semblent donc avoir eu moins de liberté dans le choix de leur site d'hivernage
en 878, l'hiver ayant alors débuté depuis longtemps. Ils prennent néanmoins la direction
de Chippenham, résidence royale ancienne et probablement prestigieuse, villa agricole ou
peut-être relais de chasse. Le site choisi est à nouveau stratégique, les vikings ne
s'établissant pas sur la rive occidentale de la rivière où se développe surtout la ville
aujourd'hui, mais sur la rive orientale, dans un méandre. Cette occupation leur permet de
soumettre toute la région alentours, obligeant la population à fuir, mais la résidence royale
ne dût pas être détruite, et encore moins son image, ne dût pas en souffrir puisque elle
accueillit dix années plus tard le mariage de la propre fille d'Alfred le Grand.
Un troisième hivernage réemployant une résidence royale est relativement bien connu par
les sources, ayant vivement intéressé les annalistes : celui de 880, à Nimègue.
Annales Fuldenses, année 880 : « Les Scandinaves ont pillé et brûlé la Gaule et parmi les nombreux endroits et
monastères qui ont été perdus il y avait Birten, où un grand nombre des Frisons ont vécu, qu'ils ont brûlé. Se
détournant de là ils mirent un rempart fort et un mur autour de Nimègue et se sont faits des quartiers d'hiver
dans le palais du roi. Louis est venu contre eux avec une armée forte et s'en est retourné sans avoir beaucoup
accompli, à cause de la rudesse de l'hiver et le robustesse des fortifications. »165
Réginon de Prüm, année 881 : « A la même époque, une flotte de normands arrivait sur le Wahal et alla jusqu'au
palais royal de Nimègue , où ils installèrent leur camp. Quant on rapporta ceci à Louis, il alla sans tarder
assiéger leur camp avec une armée terrestre. Après en avoir parlé avec d'autres pendant quelques jours, il
reconnu qu'il ne pourrait pas être capable de les vaincre complètement, parce que le palais s'étendait sur un
grand terrain et ses enemis avaient trouvé dans cette construction très solide un refuge extrèmement sûr.
Eberhard le saxon, fils du comte Meginhard, avait été fait prisonnier lors d'une de ces batailles, sa mère le
récupèrera indemne plus tard en payant une grande somme. Finalement, le roi se retira avec ses troupes
après avoir reçu la promesse que s'il levait le siège, les normands quitteraient immédiatement son empire.
Après son départ, les païens incendièrent le palais et leur camp, montèrent sur leurs bateaux et revinrent aux
embouchures du Rhin. »166
Nos deux sources évoquent cette fois-ci le site comme étant une résidence royale, mais
cette fois-ci c'est le terme palatio regis qui est employé dans les Annales Fuldenses, repris
à trois reprises par Réginon de Prüm. Si nous nous attachons au sens des mots, la
résidence royale de Nimègue serait donc d'une symbolique forte, en représentation du
pouvoir royal. Nimègue serait l'une des plus anciennes villes des Pays-Bas, fondé à
l'époque gauloise sous le nom de Noviomagus. Elle devient ville de garnison de la légion X
164 WOOD Michael, In Search of the Dark Ages, BBC, 1981, p. 111
165 Annales Fuldenses, année 880 : « Nordmanni in Gallia preaedas et incendia exercent et inter plurima loca
monasteria quae depopulati aunt, etiam Biorzuna, ubi pars maxima Frisionum habita(ba)t, incendio
concremarunt ; et inde revertentes Noviomagum vallo firmissimo et muris circumdantes hiemandi sibi
locum in palatio regis paraverunt. Quibus rex Hludowicus cum manu valida occurrit et proppter hiemis
asperitatem et loci firmitatem rebus parum prospere gestis reversus est. »
166 Réginon de Prüm, année 881 : « Per idem tempus Nortmannorum classis Wal fluvium ingressa Niumaga
palatio regio applicuit ibique castra posuit. Quod factum cum ad notitiam Ludowici perlatum esset,
absque dilatione cum exercitu venit et munitio- nem obsidione clausit. Conserto nonnuliis diebus
certamine non adeo preio valuit, quia palatium ingentis magnitudinis mirique operis bostibus tutissimnm
prebebat receptaculum. In qua congressione captus est ab adversariis Everhardus Saxo, filius Meginardi
comitis, et captivus ductus ; quem postea mater Evesa magno pretio dato incolumem recepit. Postremo
rex accepta pollicitatione, quod, si ab obsidione cessaret, Nortmanni continuo regno eins decederent, cum
omnibus copiis recessit. Illo recedente pagani palatium una cum munitione flammis exurentes navibus
ascensis hostia Rheni repetunt.»
Ces trois ré-emploi de résidences royales par les vikings, pour leur hivernage, nous
apportent des informations intéressantes pour cette étude. A nouveau, il semblerait que le
choix de ces sites ne soit pas dû au hasard des circonstances, mais à un « projet
d'hivernage ». La chose est d'autant plus importante que ces sites leur ont permis de
résister au siège du pouvoir carolingien et anglo-saxon à Reading et à Nimègue, et de
soumettre toute la région à Chippenham. Les sites choisis sont stratégiques, tout
particulièrement à Reading et à Chippenham, et très probablement riches et prospères. Les
deux sites anglo-saxons semblent avoir été des villas royales, rurales, quand c'est un palais
royal « urbain » qui est occupé à Nimègue, le seul qui semble avoir véritablement souffert
de l'hivernage viking. Enfin, il est à souligner que deux indications semblent nous donner
l'image d'un hivernage se développant non seulement à l'intérieur de la résidence royal,
mais aussi à l'extérieur : à Chippenham, Aethelred et Alfred parvient à « massacrer et
terrasser tous les païens qu’ils avaient trouvés hors de la forteresse »168 avant d'échouer à
emporter la victoire une fois arrivés aux portes de la forteresse, tandis qu'à Nimègue c'est
le palais et leur camp, que les vikings incendient en quittant les lieux. Cette image pourrait
se rapprocher des structures que les fouilles archéologiques ont révélé à Repton :
- le remploi d'une construction forte, une église à Repton et une résidence royale ici ;
- un campement probablement en structures légères et qui n'aurait pas laissé de traces,
situé entre cette construction forte et la rivière où serait amarrés les navires ;
- la construction d'une fortification pour protéger l'ensemble du site, probablement une
levée de terre associée à une palissade.
167 LOT, Ferdinand Naissance de la France, Librairie Arthème Fayard, 1948, 864 p
168 « caedendo et prostemendo quoscunque de paganis extra arcem invenissent »
Une dernière typologie de structure locale réemployée par les vikings pour leur hivernage
peut être évoquée : les fortifications urbaines. En effet, à plusieurs reprises, les sources
documentaires nous apprennent que les vikings se seraient installés à l'intérieur de cités,
se protégeant derrière leurs fortifications. Nous ne parlons peut-être alors plus du
réemploi d'une construction en tant que telle, abbaye ou résidence royale, mais du
réemploi d'une structure urbaine dans son ensemble, même s'il faut garder à l'esprit que
les cités fortifiées carolingiennes et anglo-saxonnes ne devaient avoir qu'une modeste
partie de leur forme urbaine située à l'intérieur d'une enceinte, l'essentiel se développant
probablement dans des faubourgs naissants. Mais si la chronologie était relativement
large dans le réemploi de monastères, elle est plus concentrée pour le réemploi de
fortifications urbaines, comme ça l'était pour celui des résidences royales.
Le premier hivernage évoquant la réutilisation par les vikings de fortifications urbaines est
celui de York en 867.
Chronique anglo-saxonne, année 867 : «Ici l'armée de raids est allée de l'East Anglia à la ville de York en
Northumbrie par l'embouchure de la rivière Humber. Il y avait alors de grands désaccords dans le pays. Ils
avaient rejeté leur roi Osberht et accepté Aella, un roi non naturel. Il était tard dans l'année quand ils se sont
consacrés à faire la guerre contre l'armée de raids, néanmoins ils réunirent une grande force pour faire la
guerre contre l'armée de raids à York et ont fait irruption dans la ville. Certains d'entre eux sont entrés,
d'autres étaient dehors et chaque roi fut tué. Les survivants firent la paix avec l'armée de raids. » 169
Vie d'Alfred, par Asser, vers 26 : « En l'an 867 de l'Incarnation du Seigneur, le dix-neuvième après la naissance du
roi Alfred, l'armée de païens déjà mentionnée quitta le pays des east-angliens pour la cité d'York, qui se trouve
sur la rive septentrionale du fleuve Humber. (…) Mais avec l'arrivée des païens, grâce à l'inspiration divine et
au soutien des grands, la discorde s'apaisa quelque peu en vue du bien commun et Osberht et Aella, ayant
réuni leurs forces et rassemblé une armée, se rendent à la forteresse d'York. A leur arrivée, les païens prennent
aussitôt la fuite et entreprennent de se défendre à l'intérieur des murs de la ville. Quand les chrétiens voient
leur fuite et leur panique, ils décident de les poursuivre même à l'intérieur des murs de la ville et d'abattre la
muraille ; et c'est ce qu'ils firent. De fait, la cité n'avait pas encore en ce temps là de murailles solides et
étayées. Or quand les chrétiens eurent, comme ils le projettaient, abbatu la muraille, et que beaucoup d'entre
eux furent entrés avec les païens dans la cité, les païens, contraints par la détresse et la nécessité, se jettent sur
eux avec férocité, les massacrent, les mettent en fuite, les terrassent à l'intérieur comme à l'extérieur. La plus
grande partie de ce rassemblement de tous les Northumbriens y périt, anéantie, et les deux rois furent tués.
Quand aux survivants qui s'échappèrent, ils conclurent une paix avec les païens. »170
169 [Chronique anglo-saxonne, année 867 : « Here the raiding-army went from East Anglia over the mouth of
the Humber to York city in Northumbria ; and there was great discord of the nation among themselves ;
and they had thrown down their king Osberht and accepted Aella, an unnatural king ; and it was late in
the year when they turned to making war against the raiding-army, nevertheless they gathered a great to
making war against the raiding-army at York city and broke into the city, and some of them got inside,
some outside, and both the kings were killed, and the survivors made peace with the raiding-army. And
the same year Bishop Ealhstan died, and he had the bishopric at Sherborne 50 years ; and his body lies
there in the town. »
170 Asser, vie d'Alfred, vers 26 : « Anno Dominicae Incarnationis DCCCLXVII, navitatis Aelfredi praevati
regis decimo nono, praedictus paganorum exercitus de Orientalibus Anglis ad Eboracum civitatem
migravit, quae in aquilonali Ripa Humbrensis fluminis sita est. (…) Sed, advientibus paganis, consilio
divino et optimum adminiculo, pro communi utilitate, discordia illa aliquantulum sedata, Osbyrht et
Aella, adunatis viribus concregatoque exercitu, Eboracum oppidum adeunt. Quibus advenientibus, pagani
confestim fugam arripiunt, et intra urbis moenia se defendere procurant. Quorum fugam et pavorem
Christiani cernentes, etiam intra urbis moenia eos persequi et murum frangere instituunt ; quod et
fecerunt. Non enim tunc adhuc illa civitas firmos et stabilitos muros illis temporibus habebat. Cumque
Christiani murum, ut proposuerant, fregissent, et eorum magna pars in civitatem simul cum paganis
intrasset, pagani, dolore et necessitate compulsi, super eos atrociter irrumpunt, caedunt, fugant,
prosternunt intus et extra. Illa maxima ex parte omnes Northanhymbrensium coetus, occisis duobus
regibus , deleti occubuerunt. Reliqui vero, qui evaserunt, paceum cum paganis pepigerunt. »
L'année suivante, c'est à nouveau à l'abri de fortifications urbaines que la grande armée
viking hiverne, à Nottingham en 867.
Chronique anglo-saxonne, année 867 : « Ici la même armée de raids vint en Mercie à Nottingham, et a pris là ses
quartiers d'hiver. Burhred, roi de Mercie, et ses conseillers ont demandé à Aethelred, roi de Wessex, et son
frère Alfred à les aider à lutter contre l'armée de raids. Et alors [868] ils voyagèrent avec l'armée des saxons
de l'ouest en Mercie jusqu'à Nottingham. Ils rencontrèrent l'armée de raids dans ses fortifications et il n'y pas
eu de dur combat ici. Les habitants de Mercie firent la paix avec l'armée de raids. »171
Vie d'Alfred, par Asser, vers 30 : « La même année [868], l'armée de païens déjà mentionnée quitta le pays des
Northumbriens et vint en Mercie : elle arriva à Nottingham (ce qui se traduit en breton par Tig Guocobauc, et
en latin par Speluncarum Domus, « la maison des grottes ») et cette année-là ils hivernèrent en ce lieu. A peine
sont-ils arrivés que Burgred, roi des Merciens, et tous les grands de son peuple envoient des messagers à
Aethelred, roi des Ouest-Saxons, et à Alfred son frère, pour les supplier humblement de leur venir en aide afin
qu'ils puissent combattre la dite armée, ce qu'ils obtinrent aisément. En effet les deux frères ne tardent pas [à
honorer] leur promesse et, après avoir reuni une immense armée depuis toutes les régions de leur royaume, ils
s’en vont en Mercie et parviennent jusqu’à Nottingham en recherchant résolument la bataille. Or comme les
païens, retranchés derrière la protection de la forteresse, refusaient de livrer bataille et que les chrétiens
n’étaient pas en mesure d’abattre la muraille, la paix fut faite entre les Merciens et les païens, et les deux frères
Aethelred et Alfred s’en retoumèrent chez eux avec leurs troupes. »172
171 Chronique Anglo-Saxonne, année 867 : « Here the same raiding-army went into Mercia to Nottingham,
and took winte-quarters there. And Burhred, king of Mercia, and his councillors asked Aethelred, king of
Wessex, and his brother Alfred to help them fight against the raiding-army ; and then [868] they travelled
with the West Saxon army into Mercia as far as Nottingham, and met the raiding-army there in the
fortification, and no heavy fight occured there, and the Mercians made peace with raiding-army. »
172 Vie d'Alfred, par Asser, vers 30 : « Eodem anno praedictus paganorum exercitus Northanhymbros
relinquens, in Merciam venit, et Snotengaham adiit (quod Britannice « Tigguocobauc »interpretatur,
Latine autem « speluncarum domus »), et in eodem loco eodem anno hiemaverunt. Quibus illic
advenientibus, confestim Burhred, Merciomm rex, et omnes eiusdem gentis optimates nuncios ad
Aethelred, Occidentalium Saxonum regem, et Aelfred, fratrem, dirigunt, suppliciter obsecrantes, ut illi illis
auxiliarentur quo possent contra praefatum pugnare exercitum. Quod et facile impetraverunt. Nam illi
fratres, non segnius promissione congregato ex omni parte <regni> sui immenso exercitu Merciam
adeunt, et usque ad Snotengaham, bellum unanimiter quaerentes, perveniunt. Cumque pagani, tuitione
Quelques années plus tard, c'est en France, que l'on relève le réemploi de fortifications
urbaines lors d'un hivernage viking. Cet hivernage ayant lieu à Angers en 873 est par
ailleurs tout particulièrement intéressant, de par la qualité et la quantité des informations
que nous offrent les sources documentaires.
Réginon de Prüm, année 873 : « Au même moment, Charles assiègea la ville d'Angers. Après que les normands
Kodbert, Ramnulf et quelques autres hommes furent tués par des nobles, qui avaient renforcés de leurs armes
les frontières de leur pays, ils l'envahirent, parce que Dieu était en colère contre les habitants de la terre et
parce que personne ne pensait qu'il était possible de résister à leur impétuosité. Ils ont été attirés par le
pillages de certains villes et de certains territoires, et en comptant le butin pris dans chaque ville, on imagine
de quelle taille devait être leur richesse qui était gardée à Angers. Ils avaient trouvé la ville vide parce que les
habitants l'avaient fuie. Quand ils ont vu comme la ville était bien fortifiée et imprenable grâce à sa position,
ils se sont remplis de joie et décidèrent qu'elle devrait devenir le refuge le plus sûr en cas d'attaque de leur
peuple, pour leurs troupes et leurs compatriotes. Immédiatement ils tirèrent leurs navires en haut de la
Mayenne et les mirent au pieds des murs. Ils gardèrent avec eux leurs femmes et leurs enfants pour y
demeurer éternellement, réparer ce qui avait été détruit, creuser des fossés et monter des remparts. Enfin, par
de soudains raids, ils dévastèrent le pays environnant. Comme il l'a été rapporté à Charles, qu'une peste
prenait racine au coeur de son empire, il leva immédiatement une armée dans tous les territoires de son
royaume, pour réprimer l'incendie général. Après ceci, il lança le siège de la ville depuis son camp. Et comme
la Mayenne baignait les remparts de la ville comme la côte bretonne, il proposa au roi breton Salomon de
retirer ses troupes et d'unir leurs forces pour combattre leur ennemi en commun et vite l'emporter. Celà
conduit plusieurs milliers de bretons à prendre pied et à installer leurs tente sur les rives du Maine. La ville fut
ainsi assiégée pendant plusieurs jours avec la plus grande bravoure et l'usage de nouvelles machines de
guerre, mais le roi ne parvint pas au succès de son entreprise. En effet, la nature de l'endroit en rendait son
accès difficile et la foule des païens résistèrent durement, puisque leur vie était en jeu. L'immense armée fut
anéantie par les travaux de ce long siège, la faime et une dangereuse maladie. Les bretons, voyant à quel point
la ville était imprenable, ont tenté de prévoir le mouvement de sa rivière, afin que lorsque son lit fut déséché,
ils pourraient attaquer les navires des normands. Ils commencèrent alors à creuser une tranchée d'une rare
profondeur et étendue, et les normands eurent si peur qu'ils en vinrent à promettre immédiatement une
somme immense. Charles leva alors le siège et leur accordèrent un passage sûr pour quitter son royaume. Par
arcis muniti, bellum dare negarent et Christianis frangere murum non suppeteret, pace inter Mercios et
paganos facta, duo illi fratres Aethered et Aelfred cum suis cohortibus domum reversi sunt.»
Annales Bertiniani, année 873 :« Charles fit annoncer que des ennemis s'avançaient du côté de la Bretagne, afin
que les Normands qui s'étaient emparés de la ville d'Angers ne se doutassent pas qu'il avait dessein de
marcher contre eux et ne se réfugiassent pas en d'autres lieux où il ne pourrait pas de même les enfermer. (…)
Charles n'en fut pas extrêmement troublé et, continuant son entreprise, il assiégea avec l'armée qu'il avait
rassemblée la ville d'Angers que les Normands habitaient déjà depuis longtemps, après avoir dépeuplé les
villes, renversé les châteaux, incendié les monastères et les églises, et rendu les campagnes désertes. Comme
Salomon, duc des Bretons, l'appuyait de son secours avec une armée de Bretons de l'autre côté de la rivière
Mayenne, il entoura la ville d'un très-fort rempart. Pendant que le roi Charles était occupé à cette affaire
Salomon envoya vers lui, avec les premiers des Bretons, son fils Wigon, lequel se recommanda à Charles et lui
prêta serment en présence de ses fidèles. Pendant ce temps, le Normand Rodolphe, qui avait commis de grands
ravages dans le royaume de Charles, fut tué dans le royaume de Louis avec plus de cinq cents de ses
compagnons. Charles en reçut la nouvelle au moment qu'il résidait près la ville d'Angers. L'Allemagne, la
Gaule, et surtout l'Espagne furent dans ce temps inondées d'une si grande multitude de sauterelles qu'on
auroit pu les comparer à la plaie d'Egypte. (…) Charles, assiégeant vaillamment et étroitement les Normands
dans l'enceinte de la cité d'Angers, les soumit en telle sorte que les premiers d'entre eux vinrent vers lui, se
recommandèrent à lui, lui prêtèrent les sermens qu'il exigea, et lui livrèrent des otages tant et tels qu'il les
demanda, jurant de sortir de la cité d'Angers à un jour convenu, et de ne commettre rien tant qu'ils vivraient,
ni souffrir qu'on commît aucun ravage dans son royaume. »174
Angers est une cité ancienne, de fondation celtique, qui prit de l'ampleur en tant que cité
romaine riche d'un amphithéâtre et d'une muraille qui la défendra face aux invasions
barbares. Devenue évêché, elle fait face aux attaques bretonnes puis vikings : la cité est
173 Réginon de Prüm, année 873 : « Per idem tempus Carolus Andegavensem obsidebat urbem. Denique
Nortmanni, postquam Ruotbertum et Ramnulfum et alios nonnullos generosae stirpis viros, qui patriae
terminos armis tuebantur, Deo habitatoribus terrae / adversante occiderunt, cum nemo inveniretur, qui
eorum violentiae resisteret, sollicitati paucarum civitatum vel regionum direptione, ex preda singularum,
quantae opes universarum essent, animo prospicientes, Andegavis civitatem civibus fuga dilapsis vacuam
reperientes ingrediuntur. Quam cum munitissimam et pro situ loci inexpugnabilem esse vidissent, in
laetitiam effusi hanc suis suorumque copiis tutissimum receptaculum adversus lacessitas bello gentes fore
decemunt. Protinus navibus per Medanam fluvium deductis muroque applicatis, cum mulieribus et
parvulis veluti in ea habitaturi intrant, diruta reparant, fossas vallosque renovant et ex ea prosilientes
repentinis incursionibus circumiacentes giones devastant. Quod cum Carolo tarn pemitiosa pestis in
visceribus regni interclusa nuntiata esset, ilico ex omnibus regnis, quae suae ditioni parebant, veluti ad
commune incendium extinguendum exercitum colligit atque castris in circuitu positis civitatem obsidione
cinxit. Et quia Medana fluvius a partibus Brittanniae urbis murum alluebat, Salomoni regi Brittonum
mandat, ut contractis auxiliis citius adventaret, ut communem hostem communibus viribus expugnarent.
Qui assumptis secum multis Brittonum milibus super ripam fluminis Medanae tentoria figit. Igitur ex
omnibus partibus urbe obsidione circumdata, multis diebus undique summa virtute dimicatur, nova et
exquisita machinamentorum genera applicantur ; sed conatus regis prosperitatis effectum non optinuit,
quia et loci facies non facilem prebebat accessum et paganorum valida manus, quia pro vita res erat,
eummo resistebat conamine. Exercitus inmensae multitudinis cum longe obsidionis tedio, fame et gravi
pestilentiae morbo adtereretur, cementes Brittones urbem inexpugnabilem conati sunt fluvium a suo
alveo dirivare, ut exsiccato naturali meatu naves Nortmannorum invadere possent. Ceperunt itaque
fossam mirae profunditatis ac latitudini aperire; quae res tantum formidinis metum Nortmannis ingessit,
ut absque dilatione ingentem pecuniam Carolo pollicerentur, si soluta obsidione eis ex suo regno liberum
preberet egressum. Rex turpi cupiditate superatus pecuniam recepit et ab obsidione recedens hostibus vias
patefecit.»
174 Annales Bertiniani, année 873 : « Karolus hostem denunciat versus Britanniam, ut Nortmanni qui
Andegavis civitatem occupaverant, non, autumarent se adversus eos illuc iturum, ne ad alia loca in
quibus ita constringi non possent, aufugerent. (...) Unde non magno- pere esi Karolus conturbatus, sed
iter coeptum peragens, cum hoste collecta civitatem Andegavis, in qua Nortmanni depopulatis
quibusdarn urbibus, eversis castellis, monasteriis et ecclesiis incensis, et agris in solitudinem redactis, jam
diuturno tempore residebant, obsedit, et sepe fortissima circumdedit, Salomone, duce Britonum, ultra
Meduanam fluvium cum hoste Britonum in ejus auxilio residente. Et dum Karolus rex in hoc negotio
occupatus esset, Salomon filium suum, nomine Wigon, ad eum cum primoribus Britonum misit, qui filius
ejus se Karolo commendavit, et fidelitatem coram fidelibus suisilli juravit. Interea Rodulfus Nortmannus,
qui multa mala in regno Karoli exercuerat, in regno Hludowici cum quingentis et eo amplius complicibus
suis occisus est: Karolo vero residente secus Andegavis civitatem, non incerta relatione hoc nunciatur.
Multitudo siquidem locustarum per Germaniam in Gallias, maxime autem in Hispaniam, adeo se effudit,
ut Aegyptiacae plagae potuerit comparari. (…) Karolus viriliter ac strenue obsidionem Nortmannorum in
gyro Andegavis civitatis exequens, adeo Nortmannos perdomuit, ut primores eorum ad ilium venerint,
seseque illi coramendaverint, et sacramenta qualia jussit egerint, et obsides quot et quantos quaesivit illi
dederint, ut de civitate Andegavis constituta die exirent, et in regno suo quamdiu viverent nec praedam
facerent nec fieri consentirent. »
Enfin, c'est à Exeter en 876 que le dernier hivernage viking réemployant une cité et ses
fortifications peut être relevé.
Chronique anglo-saxonne, année 876 : « Ici, l'armée de raids est partie de Wareham vers Exeter, et l'armée navale
de pillage a navigué vers l'ouest, puis ils ont rencontré une grande tempête en mer, et 120 navires ont été
perdus à Swanage. Le roi Alfred vint avec l'armée contre l'armée de raids à cheval jusqu'à Exeter, et ne put
pas les rattraper avant qu'ils ne soient dans la forteresse, où ils ne pouvaient pas être atteints. Là, ils lui ont
accordé des premiers otages, autant qu'il voulait avoir, jurèrent de grands serments et ensuite maintenirent
une bonne paix. Puis, en été [877] les raids-armée se rendirent dans le pays de Mercie, et certaines d'entre elles
se divisèrent, d'autres se donnèrent à Ceolwulf. »175
Asser, Vie d'Alfred, vers 50 : « En l’an 877, comme l’automne approchait, les païens s'installèrent pour partie à
Exeter et l’autre partie revint piller la Mercie. En outre, le nombre de ces méchants augmentait chaque jour,
au point que, si trente mille d entre eux étaient tués un jour, d’autres leur succédaient en nombre deux fois plus
grand. Alors le roi Alfred ordonna de construire à travers le royaume des barques et des galères, c’est-à-dire
des longs navires, afin de pouvoir affronter les ennemis en combat naval dès leur arrivée : il y plaça des
pirates et leur confia la garde des voies maritimes. Quant à lui, il marcha en toute hâte sur Exeter où les
païens hivernaient, les y enferma, et assiégea la cité. Il ordonna aussi à ses marins d’empêcher les ennemis de
se ravitailler par voie maritime : ses marins affrontèrent alors cent vingt navires chargés de combattants
armés, qui étaient venus au secours de leurs compatriotes. Quand les officiers du roi apprirent qu’ils étaient
remplis de combattants païens, ils se jettent sur leurs armes et attaquent courageusement ces peuples
barbares. Quant aux païens, qui depuis presque un mois avaient enduré des naufrages au milieu des flots
marins, il livrèrent combat en vain. Leurs armées furent en un instant mises en pièces au lieu appelé Swanage,
et tous, engloutis par les flots, périrent également. La même année, l’armée des païens quitta Wareham, pour
partie à cheval, pour partie en bateau. Lorsqu’ils arrivèrent au lieu appelé Swanage, cent vingt de leurs
navires furent détruits. Quant à l’armée partie à cheval, le roi Alfred la poursuivit jusqu’à arriver à Exeter. Là
il reçut d’eux des otages et le serment qu’ils s’en iraient rapidement.»176
175 Chronique anglo-saxonne, anno 877 : « Here the raiding-army came from Wareham into Exeter, and the
raiding ship-army sailed around west, and then they met a great storm at sea, and 120 ships were lost
there at Swanage. And Alfred the king rode after the mounted raiding-army with the army as far as
Exeter, and could not overtake them before they were in the fortress where they could not be got at. And
there they granted him prime hostages, as many as he wanted to have, and swore great oaths and then
held to a good peace. And then in harvest-time [877] the raiding-army went into the land of Mercia, and
some of it they divided up and some they granted to Ceolwulf. »
176 ASSER, Vie d'Alfred, v. 50 : « Anno DCCCLXXVII, pagani, instante tempore autumnali, partim in
Exeanceastre residebant et pars Merciam praedatura recessit. Crescebat insuper diebus singulis
perversorum numerus, adeo quidem, ut si triginta ex eis millia una die necarentur, alii I succedebant
numero duplicato. Tune rex Ælfredus iussit cymbas et galeas, id est longas naves, fabricari per regnum,
ut navali proelio hostibus adventantibus obviaret, impositisque piratis in illis vias maris custodiendas
commisit. Ipse vero Eaxancestre, ubi pagani hiemabant, properans, illis inclusis, civitatem obsedit. Nautis
quoque suis mandavit, ut in parte freti vitale hostibus subsidium denegarent. Occurrerunt autem nautis
suis centum et viginti naves armatis militibus oneratae, qui in auxilium suorum concivium advenerunt ;
quas, cum paganis militibus ministri regis cognovissent repletas, ad arma prosiliunt et viriliter barbaras
nationes | invadunt. Pagani vero, qui iam fere per mensem inter fluctus pelagi naufragium pertulissent,
inutiliter proelium reddiderunt ; unde in momento agminibus eorum laceratis, in loco, qui dicitur
Suanewic, undis submersi omnes pariter perierunt. Eodem anno exercitus paganorum Werham deserens
partim equitando, partim navigando, cum pervenerunt ad locum Suanavine dicitur, perierunt centum et
viginti e navibus : equestrem vero exercitum rex Ælfred insequebatur tunc, quousque venit ad
Exanceastriam. Ibi accepit obsides et iuramentum ab eo, ut cito discederent.»
En définitive, nous pouvons donc relever le fait que les vikings aient à plusieurs
reprises exploités des structures pré-existantes pour l'établissement de leur camp
d'hivernage. Ces structures sont de trois types : monastères, résidences royales ou
fortifications urbaines. Plusieurs constantes peuvent être soulignées : il semblerait que ces
sites aient toujours été choisi intentionnellement, et qu'ils aient à la fois une situation
particulièrement stratégique, et une certaine richesse économique, probablement afin de
pouvoir profiter du pillage du site et de pouvoir assurer la subsistance de la troupe en
hivernage. Enfin, il apparaît que le remploi de ces structures ait eu un rôle décisif dans la
résistance des troupes vikings face au pouvoir local, et que la majorité des structures ne
sembla pas être ruiné après leur passage.
Il est à noter que l'historien britannique Nicholas Brooks 177 proposa une théorie autour du
réemploi des fortifications par les vikings pour leur hivernage. Il nous invite à considérer la
dimension des troupes vikings en incursion : alors que des groupes vikings de petite ou
moyenne taille hiverneraient sur les îles ou les côtes dans un premier temps, c'est parce
que – ou grâce – à la grande taille des groupes vikings en incursion en Angleterre après
865 que les vikings auraient pu choisir d'hiverner dans des résidences royales ou des
fortifications urbaines. L'idée est intéressante, mais pour notre part, et au vu de l'hivernage
viking dans le monde franc, nous serions davantage amenés à croire que c'est l'évolution de
l'usage et du rayonnement des raids qui a primé dans le choix du réemploi de structures
défensives par les vikings, plus que l'éventuelle nécessité de pouvoir abriter plus de monde.
Peut-être y a-t-il eu davantage de guerriers vikings dans ces fortifications réemployées,
mais ce n'est pas à notre sens à l'origine de leur remploi.
177 BROOKS, Nicholas, « England in the Ninth Century : the crucible of the defeat », in Transactions of the Royal
Historical Society, vol 29, Cambruidge University Press, 1979, p.10
Annales Fuldenses, anno 852 : « ANNO D CCC LII, classis Sydroc et Godefridi ducum Danorum YII idus octobris
Sequanam ingreditur, et usque Augustudunas accessit. Contra quos Clotharius et Carolus reges gloriosi
obsidiones ponunt. Sed Nortmanni, aqua freti, deputatam sibi hiemem exegerunt in loco qui dicitur Gbivoldi
Fossa, et in mense iunio recedunt, mare petentes. »
Traduction : « L’an 852, la flotte de Sydroc et de Godefroy, chefs des Danois, entra en Seine le 9 octobre, et poussa
jusqu’à Augustidunum. Les glorieux rois, Lothaire et Charles allèrent les y assiéger. Mais les Normands,
maîtres du fleuve, hivernèrent, comme on le leur avait accordé, en un lieu appelé Jeufosse, et le quittèrent au
mois de juin, regagnant la mer. »
Un autre exemple apparaît, sur la Loire en 873. Suite au siège d'Angers, la troupe viking
défaite s'apprête à quitter le continent, après des années passées dans la région.
Néanmoins, peut-être devant la difficulté de reprendre la mer, ces derniers demandent à
tenir un marché sur une île et d'y hiverner. Le pouvoir local l'accorde, promettant même à
ceux qui auraient choisi la foi chrétienne de pouvoir rester sur place.
Ce passage est difficile à interpréter : il est unique dans sa dimension commerciale, et nous
y reviendront, mais il met également en scène un accord passé entre le pouvoir et la troupe
viking. Si cet accord est véridique, il est symboliquement fort, et a peut-être été rendu
possible grâce à l'intégration progressive de cette troupe viking présente dans la région
depuis plusieurs années. Peut-être faut-il aussi y voir le recrutement de vikings comme
mercenaires lorsqu'on lit que suite à l'hivernage et à leur baptême, ces derniers « se
rendraient auprès de lui » ? L'accord ne serait alors plus seulement un droit d'hiverner, un
droit de commercer, mais aussi le reflet d'une véritable alliance militaire.
Enfin, il nous faut évoquer un dernier texte : Abbon de Saint-Germain-des-Prés nous dit
que, en 888, le pouvoir aurait « accordé » ou aurait « bien consenti » à ce que la troupe
viking assiégeant Paris se retire afin d'hiverner dans le pays de Sens, contre la promesse de
quitter la Seine au printemps suivant, ainsi que contre... sept-cent livre d'argent. A
nouveau, quel est l'équilibre des forces au vu de ces éléments ?
ABBON, vers 338 : « Annuiturque feris licitum Senones adeundi, / Septies argenti libris causa redeundi / Martis
mense datis centum sua ad impia regna. / Tunc glaciabantur“ torpentis secla novembris. »
Traduction 1 : « Ensuite Charles accorda aux barbares la permission d’aller dans le pays de Sens et leur donna
sept cents livres d'argent sous condition de regagner au mois de mars leurs royaumes maudits. A ce moment
le monde se trouvait engourdi dans les glaces de novembre. »
Traduction 2 : « Ce monarque veut bien consentir ensuite que les barbares se retirent dans le pays de Sens et
reçoivent sept cents livres d'argent à la condition de retourner dans leur sauvage empire, au mois de mars;
car à cette époque novembre tenait la terre engloutie sous les glaces. »
III-1. Un refuge
Dans un premier temps, il apparaît comme une évidence que l'hivernage, et notamment les
camps d'hivernage, sont le refuge des troupes vikings en incursion. Nous pourrons
reprendre le bel exemple de l'hivernage tardif en East-Anglie en 894 : les vestiges de
plusieurs groupes vikings, affaiblis par des défaites, se réunissent avant l'hiver et « mettent
à l'abri leurs femmes, leurs navires et leur argent en East Anglie ». Il convient donc de
penser que l'hivernage en East-Anglie est un moyen privilégié pour protéger ses biens et
ses proches, et que le camp ou l'espace d'hivernage est à considérer comme un refuge. C'est
d'autant plus juste que les guerriers, qui ont pris eux position dans une fortification à
Chester, furent pourchassés et assiégés.
Chronique Anglo-saxonne, anno 894 : « When they came to their fortification and to their shin Essex, the remnant
again gathered together a great raiding-army from East Anglia and from Northumbria before winter; and
secured their women and their ships and their money in East Anglia, and went at one stretch by day and
night, until they arrived at a certain deserted city in Wirral, which is called Chester. The army could not
overtake them from behind before they got inside the fortification; however they besieged that fortification
some two days, and took all the cattle that was outside there, and killed all the men they could ride down
outside the fort; and burned up all the corn, and with their horses ate up all the neighbourhood. And that was
twelve months after they earlier came across the sea here. »178
Traduction : « Quand ils sont revenus à leur fortification en Essex, les derniers d'entre eux se réunirent pour
former une grande armée de raids en East Anglia et en Northumbria avant l'hiver; et mettre à l'abri leurs
femmes, leurs navires et leur argent en East Anglia. Ils prirent la route pendant un jour et une nuit jusqu'à ce
qu'ils arrivent à une certaine ville déserte à Wirral, qui est appelé Chester. L'armée derrière eux n'a pas pu les
rattraper avant qu'ils n'arrivent à l'intérieur de la fortification. Cependant ils assiégèrent cette fortification
pendant deux jours et prirent tout le bétail qui était à l'extérieur, tuèrent tous les hommes qui chevauchaient à
l'extérieur du fort, brûlèrent tout le blé, et occupèrent tout le voisinage à cheval. Cela faisait douze mois qu'ils
étaient arrivés ici par la mer. »
Néanmoins, comme nous l'avons vu au début de ce travail, les vikings hivernent d'abord
par choix, comme une étape sur leur trajet ou en accord relatif avec le pouvoir local, afin de
pouvoir continuer leur route et leurs pillages. Le conflit n'est pas systématique, et l'on peut
même avancer le fait qu'il n'est pas immédiat au début du phénomène viking : l'hivernage
ne serait-il donc pas dès le départ un refuge ? Pour le comprendre, il convient de relever les
camps d'hivernage qui ont bien été un moyen de se protéger des troupes locales et qui
peuvent témoigner de conflits militaires.
178 The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Swanton, 2e éd., Londres, Phoenix Press, 2000
179 Annales Fuldenses, annà 882 : « Redeuntibus illis ilico rex arrepto itinere cum omni exercitu fines et
munitionem Nordmannorum, ipsis cum eorum regibus, id est Sigifrido et Gotafrido, princibus Vurm, Hala
intus inclusis occupavit ; castra exercitus in circuitu prope civitatem fieri praecepit sicque per dies XII
obsessam constrinxit. »
Traduction : « A leur retour, le roi se mit d'emblée en route avec toute son armée, occupa le territoire des
normands et assiégea leurs fortifications avec leurs rois à l'intérieur, qui étaient Sigifrid et Godafrid et les
princes Wurm et Hals. Il installa le camps de l'armée afin d'encercler la ville et la tint ainsi assiégée pendant
douze jours ».
Ce tableau de synthèse, reprenant tous les termes utilisés par les annalistes pour évoquer
les fortifications des camps d'hivernage viking, peut illustrer plusieurs choses. D'une part,
comme le pressentait Albert d'Haenens, il semblerait que les termes castra, munitio et
sedes, mais aussi firmitas, n'aient pas une définition propre et différenciée. Un même site
n'est presque jamais évoqué par le même mot chez les annalistes. Plus encore, un même
camp, évoqué par le même annaliste et au même moment ne reprend pas non plus le
même mot : ces termes semblent véritablement interchangeables.
Il ne semble y avoir aucune logique chronologique non plus, qui aurait pu ordonner
l'utilisation de termes différents. L'étude minutieuse des sources auraient pu nous révéler
un sens particulier pour chaque mot : peut-être le camp en tant qu'entité lors de
l'utilisation de castra, et ses fortifications lorsque les annalistes utilisent munitio, mais
rien de solide ne peut pour le moment soutenir cette hypothèse.
La seule constante qui peut être étudiée dans l'utilisation de ces différents termes, est dans
leur fréquence d'apparition. Le terme castra compte 15 occurrences. munitio 8
occurrences, et sedes 5 occurrences tout comme firmitas. A ces termes, nous pouvons
également ajouter l'utilisation de castellum avec 2 occurrences. Enfin, nous pouvons noter
que castra reste le terme privilégié par Réginon de Prüm et Asser, sources plus tardives
que les annalistes de Saint-Bertin, Fulda et de Saint-Vaast, ce qui peut peut-être témoigner
d'une évolution du vocabulaire utilisé au fil des années, bien qu'aucune autre préférence ne
semble pouvoir être soulignée.
C'est ensuite le terme vallum qui apapraît chez Asser pour évoquer Reading en 870 puis à
nouveau pour Nimègue-Courtrai en 880 dans les Annales Fuldenses, enfin à Louvain en
887 chez le même auteur. A nouveau, les sources documentaires mettent bien en avant le
fait que ce sont les vikings qui sont à l'origine de la construction du vallum. Ainsi à
Reading181 : « aliis vallum inter duo flumina Tamesen et Cynetan a dextrali parte eiusdem
regiae villae facientibus » (« pendant que les autres construisaient une levée de terre
entre deux cours d’eau, la Tamise et le Kennet, sur le côté droit de cette même résidence
royale »).
Le terme vallum est particulièrement intéressant, puisqu'il peut représenter une structure
défensive dans son ensemble. Il est possible d'appréhender cette notion, le vallum comme
structure dans son ensemble plutôt que comme seule palissade, en reprenant le siège de
Louvain en 887, évoqué par l'annaliste de Fulda 182 : la tempête extraorinaire qui s'est
déroulée a provoqué l'affaiblissement des défenses de la cité (civitas), mais un vallum
empêche encore les troupes carolingiennes de pénétrer dans la ville. Un autre mot est
d'ailleurs utilisés lors du siège de Louvain, et peut être souligné : si le vallum entoure
(circumerat) la cité, l'annaliste de Fulda utilise également circumsepta pour désigner le
vallum. Issu de circumsaepio, littéralement entourer, le mot peut être traduit par enclos,
et désigne l'ensemble du vallum qui entoure, qui enclot la cité.
Le mot vallum est issu du latin classique et désigne une palissade, une rangée de pieux.
Néanmoins, pour pouvoir édifier une palissade, il est nécessaire de mettre en œuvre un
terrassement, même léger : un fossé, fossa, est creusé, et les pieux pinna, sont plantés dans
une levée de terre formée par la terre ainsi dégagée, agger. Le vallum, ou plutôt aggerrem
ac valum est donc constitué d'une palissade sur une levée de terre et accompagnée d'un
fossé. Cette structure défensive peut être considérée comme l'élément défensif de base, de
référence, pour la mise en défense des camps d'hivernage vikings. Rapidement mise en
œuvre, avec peu de moyens humains et exploitant une ressource facile d'accès (le bois et la
180 [AF 880] « et inde revertentes Noviomagum vallo firmissimo et muris circumdantes hiemandi sibi locum
in palatio regis paraverunt. Quibus rex Hludowicus cum manu valida occurrit et proppter hiemis
asperitatem et loci firmitatem rebus parum prospere gestis reversus est. » - « Se détournant de là ils
mirent un rempart fort et un mur autour de Nimègue et se sont faits des quartiers d'hiver dans le palais
du roi. Louis est venu contre eux avec une armée forte et s'en est retourné sans avoir beaucoup accompli, à
cause de la rudesse de l'hiver et le robustesse des fortifications. »
181 [ASSER v35] « tertioque adventus sui ibidem die <duo> comites eorum cum magna illius parte in
praedam equitaverunt, aliis vallum inter duo flumina Tamesen et Cynetan a dextrali parte eiusdem
regiae villae facientibus. » - « le troisième jour après leur arrivée en ce lieu, deux de leurs comtes se
lancèrent à cheval avec une grande partie de l’armée afin de faire du butin, pendant que les autres
construisaient une levée de terre entre deux cours d’eau, la Tamise et le Kennet, sur le côté droit de cette
même résidence royale. »
182 [AF 887] « Civitatis quoque, quam obsederant, propter impetum seris magna pars corruit, ita ut una
cohors coacervatim posset equitando ingredi, nisi vallo, quod circumierat, suspensa constaret. » - « de
sorte qu'une colonne en formation aurait pu y monter si le mur qui l'entourait ne les avait pas retenu. »
L'absence de l'évocation des fossés dans les sources souligne cet argument : premier
élément défensif établi en tout temps, du néolithique aux guerres contemporaines, il a
largement été utilisé durant le premier Moyen Âge, et a dû faire partie de toute les
fortifications vikings. Il n'est évoqué qu'une fois, par Réginon de Prüm pour l'hivernage
dans le Bassin de la Seine en 887183, mais en utilisant le mot fovea (« fosse » ou
« excavation »), et non fossa (« fossé » à proprement dit). Il nous donne jusqu'à ses
mesures, mais on y comprend que, plus qu'une « enceinte » de leur camp, c'est un piège
dans lequel le duc Henri tombera : une fosse recouverte de paille et de broussaille,
interrompu par quelques chemins discrets d'accès au camp. Il est d'ailleurs à noter que le
sens second de fovea est celui de la fosse, de la trappe pour piéger les animaux, et que son
sens figuré est celui de « traquenard » ou de « piège ».
Enfin, une dernière structure défensive est évoquée dans les sources, la porte. Ainsi, Asser
utilise le mot porta à Reading en 870184 et dans le Wessex en 878185, mais il apparaît
également chez l'annaliste de Fulda en 881 pour le camp d'Ascloha 186. A ces trois reprises,
la porte du camp d'hivernage, partie majeure du système défensif viking, est évoquée car il
se passe un événement du récit au pied de ces portes. On comprend donc qu'elles ne soient
pas évoquées plus souvent : elles n'apparaissent à ces moments-là que pour donner du
sens, restant induites en temps normal. A Reading les troupes anglo-saxonnes mènent
bataille devant les portes du camp, d'où surgissent les vikings. Dans le Wessex, le camp
anglo-saxon est établi devant les portes du camp, après l'avoir pillé. À Ascloha, suite à un
original signe de paix, les vikings ouvrent les portes de leur camp (avant de les refermer
sur une troupe carolingienne un peu plus tard). Si ces indications ne nous renseignement
nullement sur la forme que pouvaient prendre ces portes en questions, elle témoigne de
l'importance qu'elles devaient avoir en terme stratégique et défensif.
Les sources documentaires nous offrent donc une bonne image de ce que furent
probablement les fortifications des camps d'hivernage viking : occasionnellement un mur
de pierre protégeant le camp, en remploi de structures anciennes ou non, mais surtout un
183 Réginon de Prüm, 887 : « Porro Nortmanni audientes adpropinquare exercitum foderant foveas
latitudinis unius pedis et profunditatis trium in circuitu castrorum easque quisquiliis et stipula
operuerant, semitas tantum discursui necessarias intactas reservantes » - « Mais les Normands,
apprenant l'approche de l'armée, creusent à l'entour de leur camp des fossés de la largeur d'un pied et de
trois en profondeur, et les couvrent de paille et de broussailles, réservant seulement, sans y toucher, les
sentiers nécessaires pour aller et venir. »
184 [Asser v36] « Cumque usque ad portam arcis pervenissent, caedendo et prostemendo quoscunque de
paganis extra arcem invenissent, pagani non segnius certabant, lupino more, totis portis erumpentes,
totis viribus bellum perquirunt. » - « Comme ils étaient arrivés à la porte de la forteresse, massacrant et
terrassant tous les païens qu’ils avaient trouvés hors de la forteresse, les païens ne combattaient pas
moins résolument ; comme des loups, surgissant de toutes les portes, de toutes leurs forces ils recherchent
le combat.»
185 [Asser v56] « et omnia, quae extra arcem invenit, hommes scilicet et equos et pecora, confestim caedens
homines, surripuit, et ante portas paganicae arcis cum omni exercitu suo viriliter castra metatus est. » -
« il emporta tout ce qu’il trouva hors de la forteresse, hommes, chevaux et bétail, massacrant
immédiatement les hommes, et établit virilement son camp avec toute son armée devant les portes de la
forteresse païenne. »
186 [AF 882] « Quod Nordmanni acceperunt pro omine ; et ut pax ex illorum parte rata non dubitaretur,
clipeum iuxta morem suum in sublime suspenderunt et portas munitionis aperuerunt. » - « Les normands
ont pris cela comme un bon signe, et afin qu'il ne puisse être mis en doute qu'ils observaient la paix, ils ont
hissé un bouclier en hauteur d'après leur coutume et ouvrirent les portes de leur forteresse. »
Les sources archéologiques peuvent être mis en rapport avec cette image. Des
fortifications ont été étudiées sur deux sites : le camp de Péran en Bretagne, possible camp
d'hivernage, et le camp de Repton en Angleterre, où l'hivernage viking est cette-fois
certain.
Le camp de Repton est peut-être plus intéressant dans le cadre de notre étude. En effet, les
fouilles archéologiques ont révélé un site où l'hivernage viking est certain, est avec une
quasi-certitude sur l'origine scandinave des fortifications. Les archéologues ont ici mis au
jour un important site monastique, probablement d'influence royale, présentant
notamment une église et un mausolée d'origine anglo-saxonne.
Une fortification est apparue lors des fouilles, formant un « D » de 1,46 Ha dont un côté est
ouvert sur la rivière, et l'autre interrompu par l'église. Cette fortification est constituée d'un
profond fossé en forme de « V », de 4 mètres de profondeur et 4 mètres de largeur.
Néanmoins, l'état du fossé présentant une forme en « V » trouve des occurrences dans
plusieurs fortifications scandinaves, comme à Hedeby entre autres. Les fouilles n'ont pas
pu révéler une levée de terre, ou des vestiges de bois, qui témoigneraient d'une palissade
surplombant ce fossé. Néanmoins, s'il y a eu extraction de terre, il n'y a sûrement pas eu
déplacement de la terre dégagée : une levée de terre a donc très certainement surplombée
le fossé. Et si l'on considère l'importance de l'ensemble fortifié, le soin de s'appuyer à la
rivière et d'utiliser l'église comme porte d'entrée, nous le verrons plus tard, il apparaît
Si l'étude du camp des fortifications du camp de Péran nous apporte peu de chose, celle des
fortifications du camp de Repton est donc majeure. En effet, nous retrouvons les traces
réelles de la mise en défense d'un camp d'hivernage viking, et ces traces correspondent à ce
que l'image que nous en donnaient nos sources documentaires : un camp essentiellement
protégé par un vallum, constitué d'un fossé, d'une levée de terre et d'une palissade, et
d'une porte d'entrée conséquente.
Nous avons dans un point précédent chercher à montrer qu'un camp d'hivernage
viking est avant tout un refuge, protégé par des fortifications dont nous trouvons la traces
dans les sources documentaires et archéologiques. C'est là le sens premier qui lui est
habituellement donné, l'image archétype que l'on en a. Néanmoins, si l'on parle de refuge
pour les personnes, il ne faut pas oublier l'importance d'un camp d'hivernage comme
refuge pour les biens. En effet, ne serait-ce que par la nature de leurs incursions, par leurs
pillages, les troupes vikings accumulaient de nombreuses richesses dans un but
d'enrichissement personnel, notamment en envoyant ces richesses en Scandinavie. La
Chronique Anglo-saxonne évoque a plusieurs reprises, comme en 887, ce transport de
biens.
Chronique Anglo-saxonne, anno 887 : « And that summer [875] King Alfred went out to sea with a raiding ship-
army and fought against 7 ship-loads, and captured one of them and put the others to flight. »
trad. : « et cet été, le roi Alfred est venu se battre sur la mer avec une armée navale et a affronté sept bateaux de
chargement, en a capturé un et a mis les autres en fuite ».
Avant tout, il faut pouvoir stocker le produit des pillages, c'est à dire les nombreux
trésors monétaires et artistiques récoltés par les troupes vikings en incursion. On sais que
les sites pillés furent nombreux, que des tributs furent donnés contre la promesse de la
paix : l'essentiel de ces monnaies et pièces d'orfèvrerie ont dû être stockés dans les sites
d'hivernage, en attendant leur départ pour la Scandinavie. Les annalistes évoquent assez
rarement ces trésors après leur saisie par les vikings, et leur destin nous échappe dans une
large mesure, néanmoins nous pouvons à deux moments entre-apercevoir leur présence.
Réginon de Prüm propose d'imaginer dans sa Chronicon l'ampleur des trésors alors
« gardés » à Angers.
Réginon de Prüm, Chronicon, 873 : « sollicitati paucarum civitatum vel regionum direptione, ex preda
singularum, quantae opes universarum essent, animo prospicientes, Andegavis civitatem civibus fuga dilapsis
vacuam reperientes ingrediuntur. »
Traduction : « Ils ont été attirés par le pillages de certains villes et de certains territoires, et en comptant le butin
pris dans chaque ville, on imagine de quelle taille devait être leur richesse qui était gardée à Angers. »
Quelques années plus tard, l'armée anglo-saxonne parvient à intercepter sur la Tamise le
voyage du « grand butin de guerre » viking qui partait du camp d'hivernage de Milton pour
les navires qui prendraient probablement la direction de la Scandinavie. Il est intéressant
de relever que l'annaliste souligne le fait que les vikings étaient restés abrités derrière les
Chronique anglo-saxonne, année 892 : « The raiding-army did not come out in full from those positions more than
twice ; on the one occasion when they first came to land, before the army were assembled, the other occasion
when they wanted to leave those positions. They had then captured a great war-booty and then wanted to
carry that northwards over the Thames into Essex to meet the ships. Then the army rode in front of them and
fought against them at Farnham, and put the raiding-army to flight and recovered war-booty. »
Traduction : « L'armée de raids n'est pas entièrement sortie de ces positions plus de deux fois ; la seule fois étant
lorsqu'ils sont arrivés à terre, avant que l'armée ne soit réunie, l'autre occasion étant lorsqu'ils ont voulu
quitter ces positions. Ils avaient alors capturé un grand butin de guerre et ont voulu ensuite le transporter sur
la Tamise vers le nord, à Essex pour retrouver leurs navires. Puis l'armée qui était au devant d'eux les a
combattu à Farnham : elle mit l'armée de raids en fuite et récupéra le butin de guerre »
Refuge pour les vikings, un camp d'hivernage était donc également un abri, un coffre-fort,
où stocker le butin de guerre issu des pillages avant de l'envoyer en Scandinavie. Il n'est
peut-être pas trop audacieux d'imaginer ici une construction d'une structure de qualité, ou
le remploi d'un édifice sûr, afin de protéger ce butin, une élévation tout du moins en bois
ou en torchis plutôt qu'un simple abri temporaire en matériaux légers.
Plusieurs trésors ont été découverts lors de fouilles archéologiques, parfois largement
médiatisées lorsqu'elles étaient fortuites. Il n'est guère étonnant qu'aucun d'entre eux ne
soit associé à un site d'hivernage puisque la troupe viking pouvait dans des conditions
normales quitter son hivernage avec son trésor. Dans les situation plus difficiles, suite à un
siège et une défaite, il n'y a pas à douter que le pouvoir local se soit approprié un éventuel
trésor conservé au sein du site d'hivernage. Aussi, si la découverte d'un trésor viking peut
difficilement être associé précisément à un site d'hivernage, puisqu'il représente un geste
de dépôt mais aussi la promesse d'une récupération du trésor, il peut néanmoins
témoigner d'une présence temporaire viking à proximité plus forte que celle d'un simple
raid, ayant pu donner lieu, ailleurs ou plus tard, à un hivernage.
Nous avons évoqué une telle situation autour de la découverte de mobilier scandinave à
Walcheren présentés par Jan Besteman 187, qui les met en rapport avec une présence viking
dans ce secteur des Pays-Bas. Nous ne considérerons pas ce trésor comme preuve d'un
hivernage, mais comme témoin d'une présence viking temporaire à proximité, et comme
image de ce qu'ont pu être les trésors vikings entreposés au sein des site d'hivernage. Ce
sont en réalité deux trésors qui ont été découverts à Wersterklief sur l'île de Wieringen. Le
premier contenait de sept bracelets et d'une boucle de ceinture de type carolingiens et un
collier de type scandinave, mais également trois pièces de monnaie d'origine orientale, dix-
sept lingots et soixante-dix huit pièces carolingiennes, le tout dans une céramique d'origine
germanique. Les monnaies de ce trésor sont utilisées en Frise dans les années 850, tandis
que le pollen découvert précise que le trésor a été enterre au mois de mai.
187 BESTEMAN, Jan, « Two viking hoards from the former island of Wieringen (the Netherlands) : viking
relations with Frisia in an archaeological perspective », in HINES, John, LAN, Alan, REDKNAP, Mark,
Land, Sea and Home : proceedings of a conference on viking-period settlement (Cardiff, July 2001), Maney,
2004, p. 93-108
Le second trésor, découvert dans le même champ, présentait pour sa part des fragments de
lingots d'argent, 95 pièces de monnaie arabes, 39 monnaies carolingiennes et une imitation
d'un solidi de Louis le Pieux monté en broche, les monnaies datant elle des années 880.
Bien que différents, ces deux trésors racontent l'histoire d'un ou de plusieurs vikings
cachant leur découverte en territoire carolingien, après un voyage en orient et des pillages
ou du commerce local. Il est tout particulièrement intéressant de noter la différence de
chronologie entre ces deux trésors, avec plus de trente années d'écart entre deux
découvertes ayant pourtant eu lieu au même endroit. Cette coïncidence soutient l'idée d'un
trésor associé à un site marquant pour les vikings, éventuellement à proximité d'un lieu
d'hivernage répété. Ces trésors peuvent également être mis en rapport avec la domination
scandinave de Rorik et Harald le Jeune à 150 kilomètres plus au sud à Walcheren, entre
850 et 880, avec soutien du pouvoir carolingien.
A l'image de ces deux trésors, les vikings en hivernage devaient donc conserver dans leurs
camp des butins constitués de monnaies locales mais également étrangères, par exemple
arabes, et des pièces d'orfèvrerie de toute origine et des métaux précieux en fragments ou
en lingots.
Quand l'on parle de butin de guerre, nous pensons essentiellement aux objets
matériels de valeur dans un premier temps, mais il existe un autre type de butin saisi par
les vikings en incursions et de grande valeur : les prisonniers. Prisonniers faits sur le
champs de bataille, ce sont également des hommes, femmes et enfants de toute condition
destinés à être rendus contre rançon, revendus comme esclaves ou consacrés aux tâches
domestiques. Il est difficile d'avoir une idée du nombre d'esclaves scandinaves issus des
raids vikings, néanmoins on apprend qu'en 881, à Ascloha, ce serait deux-cent prisonniers
qui auraient été envoyés en Scandinavie.
Annales Fuldenses, anno 882 : « Nordmanni vero de thesauris et numero captivorum CC naves onustas miserunt
in patriam ; ipsi in loco tuto se continent, iterum tempus oportunum praedandi opperientes. »
Traduction : « Les normands ont alors envoyé des navires vers leur pays, chargés de trésors et de deux-cent
captifs. Ils sont restés dans un endroit sûr, en attendant une nouvelle bonne opportunité pour piller.»
Le camp d'hivernage peut donc également être vu comme étant, parfois, un camp de
prisonniers, ce qui impose la mise en œuvre de structures particulières pour empêcher leur
fuite. Nous évoquions dans un précédent point les fortifications des sites d'hivernage, elles
peuvent donc être autant destinée à empêcher des assaillants d'entrer que des prisonniers
de sortir. Néanmoins, le caractère insulaire ou semi-insulaire des sites d'hivernage a peut-
être été le meilleur moyen d'empêcher la fuite des prisonniers, bien que ce ne soit pas
infaillible. En effet, Lucien Musset en 1965 188 puis Jean-Christophe Cassard en 1996 189
évoquent la fuite de captifs rassemblés sur l'île de Noirmoutier en 843 et destinés à être
revendus comme esclave par le passage du Gois, passage à gué submersible et praticable à
marée basse reliant l'île au continent.
MUSSET, Lucien, Le second assaut contre l'Europe chrétienne (VII-XIe siècle), p. 238
"Les Normands commençaient toujours par rafler des hommes ; ils en revendaient un certain nombre sur place,
contre rançon : ainsi en 841, 68 prisonniers faits sur la Seine furent revendus à des moines de Saint-Denis. Les
meilleurs éléments étaient parqués dans des camps provisoires -ainsi les Nantais de l'île de Noirmoutier en
843, puis emmenés soit sur un marché de redistribution, soit directement en Scandinavie."
Il se dessine donc l'image d'un site fortifié, dans lequel une construction abrite le butin de
188 MUSSET, Lucien, Les invasions, t. 2, Le second assaut contre l'Europe chrétienne (VII-XIe siècle), Paris,
Presses Universitaires de France, 1965, p. 238
189 CASSARD, Jean-Christophe, Le siècle des vikings en Bretagne, Paris, éd. Jean-Paul Gisserot, 1996, p. 17
Une troupe viking en hivernage devait vivre plusieurs mois en pays étranger, parfois
hostile, sans moyen de subsistance et avec des circulations et transports parfois difficiles.
La question des vivres et de leur stockage est donc primordiale. De plus, au-delà de simples
contingences ordinaires, elle nous apporte de riches éléments sur les conditions de
cohabitation entre la troupe viking en hivernage et la population locale. En effet, pour une
armée de raid comme pour une modeste troupe, c'est des quantités très importantes de
vivres qui sont à considérer, probablement bien supérieurs à ce que la chasse ou la pêche
occasionnelle pourrait apporter. Lors de l'hivernage à Jeufosse en 856, c'est surtout par la
faim que la troupe viking dû s'incliner et payer pour la levée du siège du camp d'hivernage.
Annales Bertiniani, anno 861 : « Obsessi autem famis inedia et miseriae omnis squalore compulsi, sex millia libras
inter aurum et argentum obsidentibus donant eisque sociantur, et sic per Sequanam usque ad mare
descendunt. »190
Traduction : « Les assiégés, ont été forcés par la famine, la saleté et la misère générale à payer les assiégeants
avec 6 000 livres d'or et d'argent et de faire une alliance avec eux. Ensuite ils ont navigué loin en bas la Seine
jusqu'à la mer. »
Il n'y a alors que trois possibilités : le pillage et le maraudage des territoires, le commerce
avec la population, ou l'exploitation personnelle des ressources locales. La première est
résolument violente, la seconde induit des échanges économiques et des accords, la
dernière implique un peuplement primaire du territoire. Ces trois sources de vivres
apparaissent dans les sources. A Chippenham en 877, l'annaliste relève le fait qu'une partie
notable de la population a dû fuir la région à cause de la peur mais aussi de la disette liée à
l'hivernage viking. Que les cultures soient perturbés, certaines détruites, ne peut expliquer
une disette générale à toute une région : il semble évident que c'est essentiellement à cause
du pillage des ressources locales par les vikings que les habitants n'ont plus de provisions
pour l'hiver.
Asser, Histoire du roi Alfred, v. 52 : « ibi hiemavit. Et multos eiusdem gentis ultra mare compulit hostiliter et
penuria atque pavore navigare »
Traduction : « là, elle hiverna. Et elle obligea brutalement beaucoup de gens de ce peuple, à cause de la disette et
de la peur, à faire voile outre-mer »
En 869, sur la Loire, c'est par accord suite à un traité de paix que la troupe viking reçoit
une partie de son approvisionnement pour l'hivernage. Ce n'est donc pas purement un
échange économique, dont il serait difficile de garder une trace, mais un accord, pour un
échange qui s'est fait sans violence. L'annaliste nous précise d'ailleurs, ce qui est des plus
intéressant, le détail de ces vivres : des céréales, du vin et du bétail en quantité.
Annales de Saint-Bertin, 869 : « Nortmanni autem hoc audientes,multam summam argenti, frumenti quoque et
190 Annales de Saint-Bertin, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. Clémencet, Paris, Société de l'histoire de France, 1964
[A noter que la traduction anglaise des annales de Saint-Bertin par J. Nelson parle de maïs (« corn »), mais la
source latine originale utilise le mot « frumentum », parfois traduit par « blé » ou « froment », mais qui peut
être utilisé pour tous les céréales au pluriel, ce qui est le cas ici (multam summam argenti, frumenti quoque et
vini)]
Obtenir ces approvisionnements était probablement souvent une difficulté, mais pour en
revenir à notre sujet, il fallait néanmoins également les mettre à l'abri au sein du site
d'hivernage, sans quoi la survie de la troupe viking en hiver pouvait être menacée. C'est le
cas dans le Wessex en 878 : le bétail ne pouvant par exemple que difficilement être mise à
l'abri d'un camp d'hivernage, il devait être gardé à ses abords immédiats. Ainsi, lorsque
Alfred le Grand remporte la victoire d'Edington et poursuit les fuyards jusqu'à leur
forteresse, il parvient à capturer les hommes et chevaux mais également le bétail qui était à
l'extérieur du camp viking, et qui devait les nourrir pour l'hiver. Si l'annaliste relève
comme notable la capture de ce bétail, c'est qu'il devait être d'importance. Ce qui est
certain, c'est qu'il était tout du moins d'importance pour les vikings, puisque c'est terrifié
par le froid et la peur mais aussi et en premier ordre par la faim, qu'ils doivent négocier
très rapidement la levée du siège.
Asser, Vie d'Alfred, v. 56 : « et fugientes usque ad arcem percutiens persecutus est, et omnia, quae extra arcem
invenit, hommes scilicet et equos et pecora, confestim caedens homines, surripuit, et ante portas paganicae
arcis cum omni exercitu suo viriliter castra metatus est. Cumque ibi per quatuordecim dies remoraretur,
pagani fame, frigore, timone et ad extremum desperatione perterriti, pacem ea condicione petierunt. »
Traduction : « frappant les fuyards, il les poursuivit jusqu’à la forteresse : il emporta tout ce qu’il trouva hors de
la forteresse, hommes, chevaux et bétail, massacrant immédiatement les hommes, et établit virilement son
camp avec toute son armée devant les portes de la forteresse païenne. Quand il eut demeuré là quatorze jours,
les païens, terrifiés par la faim, le froid, la peur et finalement par le désespoir, demandèrent la paix selon ces
termes. »
On comprend donc ici aisément toute l'importance du rôle des sites d'hivernages comme
lieu de stockage des vivres pour l'approvisionnement de la troupe viking pendant plusieurs
mois. En conséquence, les sites d'hivernage devaient comprendre un espace d'entrepôt
comme un « magasin aux vivres », dont l'importance est majeure, qu'il faut protéger. Ce
peut être ici un ensemble de constructions légères, l'essentiel étant de protéger les vivres
tels les céréales de la pluie et de l'humidité. La protection du bétail ne demande par contre
que très peu d'installations, et devait probablement avoir plutôt lieu aux alentours du site
d'hivernage pour profiter des pâtures, comme en témoigne le siège précédemment évoqué.
Un point est à débattre ici, ou tout du moins à souligner. Nous avons présenter au début de
cette étude le camp dit de Péran (Plédran) fouillé par Jean-Pierre Nicolardot et vu par
certains comme éventuel site d'hivernage viking grâce à a présence de mobilier de type
scandinave parmi le mobilier archéologique local et considérant la destruction violente du
lieu et le contexte historique. Selon notre sentiment, il est difficile d'y voir une présence
viking attestée (l'élite bretonne locale revient alors d'une Angleterre où les vikings sont
nombreux et a pu apporter ce mobilier avec elle), et encore moins un hivernage viking
certain. Néanmoins, une influence viking ne peut être niée, et comme les trésors vikings de
Westerklief peuvent être une image des butins de guerre protégés en camp d'hivernage,
certains éléments archéologiques du camp de Péran peuvent être considérés comme des
images de ce qu'a été un camp d'hivernage viking.
Un chaudron a été trouvé abandonné au fond du silo du camp de Péran, ce qui témoigne de
son utilisation lors de la destruction du site. Ce chaudron ne semble pas être de fabrication
locale, est peut être comparé à un chaudron découvert au sein de la sépulture viking de l'île
de Groix et à des chaudrons découverts en Scandinavie, mais il est n'est pas d'un type
scandinave attesté, assimilé plutôt à une production insulaire. Néanmoins, une étude
carpologique sur des graines découvertes dans ce silo a eu lieu tardivement après la
publication des rapports de fouille du camp de Péran, et a été reprise par Joëlle
Quaghebeur dans son étude des liens entre Norvège et Bretagne aux IXème et Xème siècle191.
Réalisée par Marie-Pierre Ruas192, archéobotaniste au CNRS, elle propose de voir dans les
grains découverts dans ce silo de l'avena strigossa, avoine des terres pauvres attestée en
Europe septentrionale entre le VIIème et le Xème siècle pour les seules régions du nord, de la
Scandinavie à la Frise orientale. Elle reprend Michael Müller-Wille qui évoque en 1988 son
développement en Angleterre et en Allemagne du nord parallèlement aux incursions
vikings et précise que cette avena strigossa n'avait à ce jours été reconnue en aucun autre
191 QUAGHEBEUR, Joëlle, "Norvège et Bretagne aux IXe et Xe siècle : un destin partagé", in BAUDUIN, Pierre
(dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Actes du colloque de
Cerisy-la-Salle, page 124
192 « Cultures et pratiques agropastorales : céréales, lin et prairies » in CATTEDDU, Isabelle (dir.), Les habitats
carolingiens de Montours et La Chapelle-Saint-Aubert (Ille-et-Vilaine), Paris, 2001, p. 219-221
Illustration 25: Comparaison entre le chaudron découvert sur l'île de Groix, le chaudron découvert sur le Camp de
Péran et deux chaudrons scandinaves
Un foyer
Nous avons vu qu'un camp d'hivernage viking était un refuge, un entrepôt, mais il
faut garder à l'esprit que c'est avant tout un lieu de vie pour un temps donné. Que ce soit
pour quelques mois ou pour plusieurs années, c'est à cet endroit que la troupe viking en
hivernage passera son quotidien, qu'il soit calme ou dans un contexte de tension militaire.
Peut-être moins attaché à sa terre que ce fut le cas pour ses contemporains en occident, le
viking était prêt aux voyages sans retour et à l'installation loin de Scandinavie comme l'a
montré l'histoire. Cela nous amène à croire que la notion du « foyer » scandinave devait
alors être peut-être différente de celle présente dans l'inconscient collectif du Moyen Âge
carolingien et anglo-saxon. Intimement lié au « pays » dont ils visualisent les limites
religieuses plus qu'administratives, l'habitant ordinaire du monde franc et britannique ne
considère pas comme autre foyer que celui où brûle le feu de sa famille depuis plusieurs
générations. Nous pouvons nous intéresser aux navigateurs chrétiens : même si le fait de
prendre la mer est moins courant dans la culture occidentale, il ne représente qu'un
moyen, qu'une voie de passage, et « l'attachement des navigateurs à un terroir, à leur
terroir, est si réel que l'on peut dire qu'ils partent rarement sans penser à leur retour »193.
Cet attachement à une patrie est probablement différent pour un scandinave au premier
Moyen Âge, pour nombre de raisons. Nous pensons évidemment à sa relation toute
particulière à la mer, aux réalités géographiques et politiques du nord de l'Europe, à la
forme particulière de la « famille » scandinave plus englobante que dans la tradition
chrétienne, ou encore à la constitution de communautés ou de clans plus évolutive qu'en
occident. Il apparaît que si le viking reste attaché à son « foyer », ce foyer est peut-être lui
moins attaché à une terre donnée. Fait assez rare au premier Moyen Âge : dans
l'inconscient collectif scandinave, le foyer semble se déplacer, et semblerait pouvoir être
transféré à un autre endroit, en Scandinavie ou ailleurs. « Combien de populations
émigrées ont purement et simplement transféré outre-mer leur attachement viscéral à la
terre : les Scandinaves se sont sédentarisés en Neustrie, Les Normands en Sicile, et plus
tard au Canada, ainsi que les Bretons et le Saintongeais. »194
Annales Bertiniani, 843 : « ad postremum insulam quadam ingressi, convectis a continenti domibus, hiemare
velut perpetuis sedibus statuerunt. »195
Traduction : « Enfin, ils ont débarqué sur une île, apporté leurs foyer du continent et ont décidé de passer l'hiver
dans quelque chose comme une installation permanente. »
Chronicon de Réginon de Prüm, anno 873 : « cum mulieribus et parvulis veluti in ea habitaturi intran »196
Traduction : « Ils gardèrent avec eux leurs femmes et leurs enfants pour y demeurer éternellement »
Comme le propose Nicolas Brooks197, mais sans que nous puissions en trouver trace dans
les sources, les camps d'hivernage étaient très probablement également le lieu où restaient
les guerriers blessés lors des affrontements. Avec l'assistance probable de proches, ils
trouvaient alors dans ce foyer temporaire les soins et le repos pour prendre la mer, les
outils ou reprendre les pillages.
196 Chronicon de Réginon de Prüm, éd. RAU, R., AQDGM, VII, Berlin, Rütten und Loening, 1960, p. 179-319
197 BROOKS, Nicholas, « England in the Ninth Century : the crucible of the defeat », in Transactions of the Royal
Historical Society, vol 29, Cambruidge University Press, 1979, p.9
Ainsi, un camp d'hivernage n'est donc pas à voir comme un simple camp militaire, mais
bien à nouveau comme un lieu de vie au sens général, où le quotidien diffère peut-être peu
de celui connu en Scandinavie. On y trouve des femmes, des enfants, des esclaves même
pour la vie domestique. Ainsi, des hommes et des femmes de la population locale sont
capturés en East-Anglie en 885 pour être au « service » des vikings en hivernage (« suum
servitium », que l'on peut traduire également par « pour leur servitude » ou par « pour
leur esclavage »). Rappelons brièvement que l'esclavage était de mise dans la société
scandinave, et notamment présente dans la cellule familiale pour les travaux domestiques.
Traduction : « Les mêmes Normands envahirent la Hesbaye et occupèrent les régions autour et collectant
ensemble des récoltes de toute sorte, firent des plans pour passer l'hiver là-bas et y vivre, comme s'il n'y avait
personne pour leur résister. Ils ont capturé pour leur service des hommes et des femmes qu'ils pouvaient
trouver. »
L'hivernage viking serait donc un moment, un endroit où les vikings en incursion installent
leur foyer, rassemblant autour d'eux femme et enfants mais aussi esclaves pour les tâches
domestiques. Que ce soit temporairement ou non, la troupe viking décide alors d'y
« habiter » (« inhabitare »), d'en faire son lieu de vie.
Histoire du roi Alfred par Asser, v. 60 : « Anno Dominicae Incamationis DCCCLXXX, nativitatis autem Ælffedi
regis trigesimo secundo, saepe memoratus paganorum exercitus Cirrenceastre deserens, ad Orientales Anglos
perrexit, ipsamque regionem dividens coepit inhabitare. »
Traduction : « L’armée des païens souvent mentionnée quitta Cirencester et se rendit chez les Est-Angliens : elle se
partagea cette région et commença à l’habiter. »199
Les figurines de Lewis, pièces d'échec nordiques en ivoire de morse, sont un symbole de
l'art du jeu dans la culture scandinave pour le grand public mais datent du XII ème siècle.
Sur le site d'hivernage de Torksey, c'est 289 éléments découverts qui ont été identifiés
comme pièces de jeux200. Au contraire des figurines de Lewis postérieures en ivoire de
morse très travaillées qui ont peut-être été des pièces de prestige, celles de Repton, plus
brutes, peuvent être vues comme les éléments de jeux populaire, d'usage régulier.
Comment faut-il comprendre une telle quantité de pièces de jeux ? Si l'on considère que
tous ces objets sont bien des éléments de jeu et non des poids, elles peuvent symboliser le
quotidien d'un hivernage viking, lieu de vie temporaire d'une maisonnée scandinave, et
être mis en rapport avec les outils en métal découvert sur le même site, témoins d'un
certain quotidien viking. On relève parmi eux des poinçons, mais également de cuillères et
des aiguilles en métal, qui témoignent d'une réalité quotidienne, celle des repas et de
l'activité textile.
198 Annales Fuldenses, éd. G. H. Pertz et F. Kurze, MGH Scriptores Rerum Germanicarun in usu scholarum, 7,
Hanovre, Hahn, 1891
199 ASSER, Histoire du roi Alfred, éd. Alban Gautier, Les Belles Lettres, Paris, 2013
200 HADLEY, David (dir.), RICHARDS, Julian D. (dir.), « The winter camp of the viking great army, ad 872–3,
Torksey, Lincolnshire », in The Antiquaries Journal, 96, The Society of Antiquaries of London, 2016, pp 23–67
Ces différents témoins ne sont que des bribes évoquant le jeu, les repas, la couture, mais
reflètent la réalité de l'hivernage viking qui est bien plus qu'un épisode entre deux raids
guerriers, qui est l'expression du foyer scandinave pour une saison donnée. La découverte
de ces objets sur un site d'hivernage viking où seulement deux fers de lance, une poignée
d'épée et une pointe de flèche ont été découverts 201 atteste aussi de l'importance de changer
notre regard, et d'étudier l'impact des raids vikings dans tous les aspects de la société
carolingienne et anglo-saxonne.
Enfin, si le site d'hivernage est un foyer, un lieu de vie, il peut également devenir un lieu de
mort, et si nous considérons toute l'importance symbolique accordée par les scandinaves à
leurs sépultures, nous pouvons comprendre la profondeur de la notion de foyer qui pouvait
être liée aux camps d'hivernage. Comme nous pourrons l'aborder plus loin dans cette
étude, les fouilles archéologiques du site de Waterford en Irlande ont par exemple mis au
jour une sépulture à mobilier funéraire de type scandinave à l'extérieur immédiat de la
fortification du camp viking présumé. Deux autres sites sont révélateurs pour notre étude :
nous pensons d'abord à la découverte de la sépulture à bateau de l'île de Groix en Bretagne.
Probablement du Xème siècle, soit relativement tardive, cette sépulture sous tumulus est
néanmoins la seule de ce type et de cette richesse connue sur le continent. Quel qu'en soit
le sens, c'est une sépulture qui peut illustrer une main-mise scandinave sur l'île, une
appropriation de ce territoire : on n'imagine pas qu'une telle sépulture ait pu être installée
en terre ennemie ou trop étrangère. La sépulture à bateau de l'île de Bièce, qu'elle soit la
trace d'un site d'hivernage ou non, nous montre à quel point un site occidental peut être
considéré comme un foyer par une communauté scandinave.
Tout aussi intéressant, les archéologuies ont également étudié une sépulture sous tumulus
à Repton en Angleterre, site identifié comme lieu d'hivernage viking. Sous ce tumulus, c'est
les reste de peut-être 200 hommes et 50 femmes qui ont été découverts, les hommes ayant
201 HADLEY, David (dir.), RICHARDS, Julian D. (dir.), « The winter camp of the viking great army, ad 872–3,
Torksey, Lincolnshire », in The Antiquaries Journal, 96, The Society of Antiquaries of London, 2016, p. 54
Si l'historiographie s'est longtemps concentrée sur les pillages vikings, il est de plus
en plus reconnu aujourd'hui que les échanges économiques eurent une place majeure au
sein du phénomène viking. Par ailleurs, si nombre d'historiens ont étudié par exemple les
installations de colonies vikings en Angleterre et leur exploitations des ressources locales,
le sujet n'a jamais été véritablement abordé pour la période des incursions vikings qui
précède ce temps de l'installation durable. Or, nous sommes tentés de croire que les
vikings n'ont pas attendu que l'historien décrète une période d'installation durable pour
travailler la terre et garder des troupeaux. De la même manière que les périodes
d'hivernages se sont multipliés pour devenir progressivement des installation durables,
sans rupture, l'exploitation des ressources locales a dû avoir lieu dès les premiers
hivernages, par soucis d'autonomie et pour assurer la subsistance de la troupe en
hivernage.
Selon leurs conditions d'installations, leurs relation avec le pouvoir local, la recherche de
vivres a pu être plus violente ou davantage construite sur l'échange et les accords, mais
l'approvisionnement des vikings lors des hivernages ne peut pas être catégoriquement
pillage, commerce ou culture. A l'instar de leur identité profonde, à la fois paysan-pêcheur,
marchands et guerrier, c'est probablement à la fois par le maraudage, les marchés et la
pêche que le viking s'est nourri pendant ces hivernages.
C'est la Chronique Anglo-Saxonne qui est la source d'information la plus riche considérant
l'exploitation de la terre par les vikings en incursions. Cela signifierait-il que les vikings ne
travaillaient pas la terre sur le territoire franc ? Le contexte géopolitique n'est pas le même,
mais il est cohérent de penser que l'exploitation des ressource a pu être sensiblement la
même des deux côtés de la Manche, avec une plus ou moins grande intensité selon les
moments et les lieux.
Ces sources anglo-saxonne évoquent ainsi directement l'exploitation du sol à une seule
occasion, en 875, avec une formulation qui laisse à penser que le fait est peut-être
relativement nouveau : Halfdan a divisé la terre, et ses troupes l'ont labouré et ont subvenu
à leurs besoins. On peut y déceler une certaine intention, une forme d'organisation et de
peuplement primitif, non sans rappeler la mise en place d'occupations permanentes plus
tardives.
Traduction : « Cette année Halfdan divisa la terre de Northumbrie, et ils ont labouré et subvenu à leurs besoins.»
Par la suite, ce sera de manière plus indirecte que nous pourrons approcher l'exploitation
des ressources par les vikings en incursion. L'annaliste parlera moins de travail de la terre
que des actions du pouvoir anglo-saxon destinées à empêcher les troupes vikings de
s'approvisionner.
Chronique Anglo-Saxonne, année 895 : « And immediately after that in this year, the raidingarmy went from
Wirral into Wales since they could not stay there; that was because they were deprived of both the cattle and
the corn which they had ravaged. »203
Traduction : « Et immédiatement après cette année, l'armée de raids est passée de Wirral au Pays de Galles
puisqu''ils ne pouvaient pas y rester, parce qu'ils ont été privés à la fois de leur bétail et du blé qui avait été
ravagé. »
Il est intéressant de noter que plusieurs stratégies apparaissent à travers ces sources.
L'équivalent d'une « tactique de la terre brûlée » est appliquée localement sur la péninsule
de Wirral en 1995, par la destruction du blé et du bétail qui oblige les vikings à évoluer vers
le Pays de Galles, tandis que c'est l'occupation et le contrôle des champs pendant la récolte
des céréales qui peut être mis en place au voisinage de la forteresse située sur la Lea. Est-ce
simplement parce que les champs ne pouvaient être gardés jusqu'à la période de la
moisson à Wirral, parce que les vikings y maîtrisaient davantage le terrain, ou pour
augmenter la pression destinée à les repousser vers le Pays de Galles ?
Chronique Anglo-Saxonne, année 895 : « Then later in harvest-time the king camped in the vicinity of the
stronghold [on the Lea] while they reaped the corn, so that the Danish could not keep them from the
reaping.. »204
Traduction : « Puis, plus tard, à l'époque de la moisson, le roi a campé dans le voisinage de la forteresse [située
sur la Lea] pendant la récolte des céréales, de sorte que les danois ne pouvaient pas la garder pour eux. »
L'un des points importants pour notre étude qui est mis en valeur ici est l'importance de
l'aire géographique à considérer. Nous avons pu voir précédemment que si les récoltes
pouvaient être entreposés à l'intérieur du camp, le bétail devait se trouver à ses abords
immédiats. Nous percevons ici que la zone agricole et d'élevage, dans son ensemble, devait
elle s'étendre assez loin du camp pour que l'on puisse parler de « la diviser », mais
également pour que les troupes anglo-saxonnes puissent la ravager ou l'occuper. Nous
pouvons ainsi considérer qu'un camp d'hivernage viking était non seulement constitué
d'un refuge, d'un lieu fortifié, mais également d'une importante zone agricole et artisanale
aux alentours de ce lieu, zone pour sa part difficile à protéger. Lorsque l'on considère les
camps d'hivernage, il ne faut pas donc pas les circonscrire à leurs seuls fortifications, mais
appréhender un espace global de fortification mais également hors-fortifications.
L'activité agricole, ou plus encore d'élevage, ne laissent que très peu de traces matérielles,
et les sources archéologiques ne peuvent alors pas nous apporter beaucoup d'éléments
pour mieux comprendre cet aire d'occupation viking hors-fortifications. Nous avons
précédemment évoqué le stockage de ces ressources et l'importance de leur protection qui
en est le seul témoin. Néanmoins, l'artisanat produisant d'importants déchets, cette aire
d'activité peut être étudiée par la découvertes d'éléments liés par exemple au travail du
métal.
202 The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Swanton, 2e éd., Londres, Phoenix Press, 2000
203 The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Swanton, 2e éd., Londres, Phoenix Press, 2000
204 The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Swanton, 2e éd., Londres, Phoenix Press, 2000
Illustration 29: Feuille en plomb ayant servi pour l'essai d'un poinçon Illustration 30: Fragment coupé
triangulaire de type scandinave d'un anneau de bras en or tressé
Ces découvertes, exclusivement métalliques puisque les objets n'ont été relevés que par
détecteur de métaux, ne représentent probablement qu'une infime partie des objets alors
abandonnés sur le site, et témoignent humblement de ce qui a dû être une importante
activité artisanale à Torksey, située sur une importante aire géographique autour du camps
d'hivernage. Cette activité ne doit pas être exclusivement considérée comme scandinave,
mais comme une rencontre entre artisans de toute origine, de cultures croisés, autour d'un
site d'hivernage viking.
Il est aujourd'hui admis que les vikings étaient tout autant marchands que guerriers,
à l'est comme à l'ouest de l'Europe. On peut alors considérer que le fait commercial soit au
cœur de l'activité du viking en hivernage, c'est à dire lorsqu'il est stationné à un endroit et à
un moment où les affrontements étaient plus difficile. Nous l'avons vu, le camp d'hivernage
est le lieu où sont mis à l'abri le produit des pillages, des produits que les vikings peuvent
alors écouler par la vente. Nous avons vu également que c'était le lieu de stockage des
vivres nécessaire à la troupe d'incursion en hivernage : même si les ressources locales sont
exploités, les vikings ne pouvaient vivre en autarcie et devaient faire l'achat ce qu'il ne
pouvaient produire ou piller. Enfin, il est très probable que les vikings, guerriers-
marchands, cherchent à rentabiliser le moment passé en hivernage, et à tirer profit de la
vente de produits de luxe de leur artisanat ou issu des ressources locales.
Le sujet est sensible pour les sources : en effet, l’Église Catholique et les annalistes qui en
font partie devaient juger assez rudement le fait que des chrétiens commercent avec des
païens, d'autant plus quand certaines marchandises devaient avoir des centres religieux
comme origine. Le pouvoir carolingien s'y est parfois opposé, avec assez peu de succès si
l'on considère la redondance des capitulaires sur le sujet. Néanmoins, les autorités locales
ont dû très certainement faire le choix pragmatique de fermer les yeux ou d'autoriser le
commerce lié aux l'hivernage viking... Commerce qui de toute manière a dû avoir lieu avec
ou sans cet assentiment régional.
Les sources évoquent la tenue d'un marché à deux reprises : sur la Loire en 874 et à
Ascloha en 881. Il est intéressant de noter que les annalistes évoquent les faits très
simplement, sans donner le sentiment que le fait commercial soit novateur ou
particulièrement choquant.
Annales Bertiniani, anno 873 : « (…) Petierunt autem, ut eis in quadam insula Ligeris fluvii usque in mense
februario residere et mercatum habere liceret, atque in mense februario quicumque jam baptizati essent ex
eis, et christianitatem de caetero veraciter tenere vellent, ad eum venirent; et qui adhuc ex paganis christiani
fieri velient, ipsius dispositione baptizarentur; caeteri vero ab illius regno discederent, ulterius, sicut dictum
eat, ad illud in malum non reversuri. »205
Traduction : [AB 873] « (...) Ils demandèrent la permission de demeurer jusqu'au mois de février dans une
certaine île de la Loire et d'y avoir un marché, promettant qu'au mois de février tous ceux d'entre eux qui
auraient déjà reçu le baptême et voudraient à l'avenir demeurer sincèrement attachés à la religion chrétienne
se rendraient auprès de lui, que ceux, encore païens, qui voudraient devenir chrétiens seraient baptisés par ses
ordres, et que les autres sortiraient de son royaume pour n'y revenir jamais à mauvais dessein, comme on
l'avait dit. »
Ce passage est extrêmement intéressant, pour plusieurs raisons. D'abord, on constate que
les vikings en incursions demandent l'autorisation d'hiverner, mais également de tenir un
marché, ce qui signifie que l'autorité locale possède un place importante dans les échanges
commerciaux, ce qui laisse à penser que le pouvoir local ait pu autoriser à d'autre reprise la
tenue d'un marché sur des sites d'hivernage viking. La formulation utilisée semble
également très simple, très brève, d'une manière où l'on sent que cela ne marque pas
l'auteur de l'annale, et qu'il n'a pas souhaité marquer ou choquer son futur lecteur : le fait
commercial autorisé par une élite régional peut sembler habituel. C'est peut-être dû au fait
205 Annales de Saint-Bertin, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. Clémencet, Paris, Société de l'histoire de France, 1964
Nous pouvons retrouver ces mêmes caractéristiques mais de manière plus discrète lors du
siège d'Ascloha par les troupes franques en 881.
Annales Fuldenses, anno 881 : « Quod Nordmanni acceperunt pro omine ; et ut pax ex illorum parte rata non
dubitaretur, clipeum iuxta morem suum in sublime suspenderunt et portas munitionis aperuerunt. Nostrates
autem calliditatis illorum expertes eandem munitionem ingressi sunt, alii quidem causa negotiandi, alii vero
pro loci firmitate consideranda. »206
Traduction : « Les normands ont pris cela comme un bon signe, et qu'il ne puisse être mis en doute qu'ils
observaient la paix, ont hissé un bouclier en hauteur d'après leur coutume et ouvrirent les portes de leur
forteresse. Nos hommes, ne sachant rien de leur traîtrise, sont entrés dans la forteresse, certains pour
commercer, d'autres pour observer leurs fortifications. »
L'annaliste évoque indirectement la tenue d'un marché en précisant que lors d'un moment
de trêve, certains francs sont entrés dans le camps vikings pour commercer. Le fait
commercial surgit en plein siège, et ne peut donc avoir lieu au grand jour sans l'aval des
autorités carolingiennes, peut-être faut-il même y voir l'une des conditions demandées par
les vikings pour cette trêve ? Cet échange est évoqué d'une manière extrêmement simplet
et brève, et laisse à penser qu'il ne faut rien y voir d'exceptionnel. On peut également
considérer que si les troupes vikings souhaitent tenir un marché dans leur camp
d'hivernage, malgré le siège, c'est que l'activité économique doit avoir une importance
primordiale pour eux. Cet échange économique se terminera dans de mauvaises conditions
puisque les francs présents sont alors enfermés dans le camp et tués ou faits prisonniers.
Il est à noter que la question de ces « boucliers de paix » a été abordée par Simon
Lebouteiller en octobre 2016 à l'université de Caen, dans le cadre de sa soutenance de
thèse portant sur les rituels de paix dans le monde scandinave 207. Il y émet des doutes sur
206 Annales Fuldenses, éd. G. H. Pertz et F. Kurze, MGH Scriptores Rerum Germanicarun in usu scholarum, 7,
Hanovre, Hahn, 1891
207 LEBOUTEILLER, Simon, « Les boucliers de paix et les boucliers de guerre dans la littérature norroise :
invention littéraire ou réalité matérielle ? », in Tabularia : Sources Écrites de la Normandie Médiévale,
Université de Caen, 2016, vol. 16, p. 279-304 ;
LEBOUTEILLER, Simon, Faire la paix dans la Scandinavie médiévale. Recherche sur les formes de
pacification et les rituels de paix dans le monde scandinave au Moyen Âge (VIII-XIII ème siècle), soutenance
de thèse le 21 octobre 2016, Université de Caen-Basse-Normandie, dir. BAUDUIN, Pierre ; MAILLEFER,
Jean-Marie
Les sources documentaires ne nous apportent pas beaucoup d'autre informations sur les
marchés qui devaient pourtant probablement se tenir près des sites d'hivernage viking. Il
serait peut-être intéressant de mener une enquête sur ce thème en particulier, en croisant
les mouvements vikings avec les axes et centres économiques carolingiens et anglo-saxons
reconnus, pour peut-être y voir une convergence. Régis Boyer s'est par exemple posé la
question d'un fait commercial au sujet du premier hivernage viking reconnu sur le
territoire Franc en 843, sur une île proche du bassin de la Loire. Régis Boyer y voit un
hivernage sur l'île de Noirmoutier, qui allie avantage défensif et économique, et où les
vikings auraient pu profiter du marché du sel. Cette hypothèse repose sur peu de choses,
mais présente la possibilité que des sites d'hivernages vikings soient implantés sur des
marchés et lieux de commerce préexistants.
« Puis ils se seraient repliés, de nuit, avec leur butin et leurs prisonniers, pour aller se retrancher à Noirmoutier.
La chose est fort plausible : cette île était non seulement une retraite sûre pour les pillards, mais aussi,
immémorable ment, un centre du marché du sel, matière extrêmement précieuse à l'époque, pour toute
l'Europe occidentale. Soit : une base militaire sûre, sise à proximité de fructueux lieux de pillage, et un grand
centre commercial. Une sorte de lieu de séjour idéal pour les vikings. »208
De la même manière que pour les zones agricoles et artisanales liées aux sites d'hivernage
viking, il est difficile d'appréhender l'activité commerciale liée à ces sites par l'archéologie.
Néanmoins, les découvertes du site de Torskey suffisent par leur qualité et leur quantité à
nous donner une image forte et précise de l'activité économique qui pouvait être liée à
l'hivernage viking.
En effet, ce sont d'abord plus d'un millier de monnaies qui ont été découvertes à Repton,
où la Grande Armée viking hiverna en 872. La datation de ces monnaies confirment leur
contemporanéité avec l’événement et surprennent par leur quantité quand par
l'importance de l'aire géographique de découverte, qui esquisse l'image d'une zone
d'échange économique conséquente. On y relève des pennies d'argent de type lunettes de la
période 862-875, de stycas de Northumbrie peu utilisés en Mercie par la population locale,
une imitation d'un solidi franc entre autres, mais aussi de dirhams islamiques qui n'ont pu
arriver sur le territoire anglo-saxon que par par le biais des vikings. Ces dirhams sont tous
brisés en deux ou trois morceaux ce qui indiquent qu'ils ont été utilisés pour leur poids en
argent, et non leur valeur nominale, probablement très difficile à utiliser dans les marchés
occidentaux. La découverte d'une telle concentration de dirhams n'a pas d'équivalent sur le
sol anglo-saxon ou franc, mais peut se rapprocher des découvertes à Birka en Suède et à
Kaupang en Norvège, deux grands comptoirs et marchés scandinaves.
Plus qu'un simple trésor éparpillé, le site a également révélé de très nombreux lingots d'or
et d'argent (dont un faux lingot en cuivre plaqué d'or) et plus de cent poids de balance de
type scandinave. Indispensables aux transactions, ces lingots, lingots partiels (plus connus
sous la dénomination anglaise de hack-silver) et poids de balance témoignent d'une
activité économique temporaire mais digne de celle d'un comptoir scandinave florissant.
Ces découvertes à Torksey sont exceptionnelles, mais elles nous donne l'image d'une
activité commerçante liée à un site d'hivernage viking, image probablement fidèle à
nombre d'autres sites d'hivernage, bien que certainement dans une moindre mesure.
209 SHEEHAN, John, « The longphort in viking-age ireland », in Acta Archeologica, vol. 79, issue 1, Wiley-
Blackwell, Oxford, 2008, p. 289
210 SHEEHAN, John, « The longphort in viking-age ireland », in Acta Archeologica, vol. 79, issue 1, Wiley-
Blackwell, Oxford, 2008, p. 291
En cherchant à appréhender les sites d'hivernages viking dans leur globalité, nous
avons pu voir qu'au-delà de simples camps fortifiés, c'était également des espaces de vie,
des zones agricoles et artisanales, et des lieux d'échanges commerciaux. Un dernier point
manque à ce tableau, pourtant central : l'aspect portuaire des camps d'hivernage. En effet,
il est évident pour tous que le lien au fleuve ou à la mer est au cœur de l'appréhension du
territoire pour les scandinaves. Par ailleurs, c'était par bateau que les vikings arrivaient
initialement sur les territoires francs et britanniques, et par bateau qu'ils en repartaient.
Aussi, il est indispensable pour nous de nous interroger sur les éventuels aspects
portuaires ou fluviaux que pouvaient avoir les camps d'hivernage.
En étudiant la localisation géographique des sites d'hivernage dans une première partie,
nous avons pu estimer que si c'était seulement 20% des sites qui étaient situés sur des îles,
50% des sites étaient par contre situés sur les rives d'un fleuve ou sur le rivage d'une mer,
tous les autres restant au moins à proximité immédiate d'un cours d'eau. En élargissant
notre regard, nous pouvons considérer ainsi que même si les éventuels bateaux n'étaient
pas au contact direct du camp fortifié de l'hivernage, une zone portuaire ou fluvial
pouvaient exister hors-les-murs, de la même manière que les zones agricoles, artisanales et
commerciales qui pouvaient s'étendre autour du camp d'hivernage sur une aire
relativement grande.
Malheureusement, l'enquête historique et archéologique est ici très difficile. Nous avons la
chance d'avoir des sources documentaires évoquant l'activité agricole autour des camps
d'hivernage, des traces archéologiques témoignant des échanges commerciaux, mais nous
n'avons que très peu d'informations concernant ces espaces portuaires. Est-ce parce
qu'elles étaient peu fréquentes ? Rien ne le justifie. En effet, le fait même d'hiverner est au
départ lié à l'idée de devoir attendre la belle saison pour reprendre la mer, ce qui signifie
que les bateaux attendent quelque part. Lorsque le fait d'hiverner permet de continuer les
pillages dans les terres, il est fréquent que les incursions continuent en bateau sur les
fleuves, ou suivi des bateaux, ce qui atteste également de leur proximité lors de l'hivernage.
Un point est également très important : il ne faut pas voir dans ces espaces portuaires les
seuls bateaux de guerre ou de transport scandinaves. Nous avons vu l'importance des
vivres et de l'exploitation de la terre et du bétail lors de l'hivernage viking, et il ne faut pas
oublier que le régime scandinave était issu pour une très grande partie de la pêche. Il
semble évident que s'ils travaillaient le sol à proximité des sites d'hivernage, les vikings
devaient également avoir une importante activité de pêche, et qu'une zone, peut-être des
structures, pouvaient être associée à cette activité.
L'enquête est difficile, mais plusieurs matériaux d'étude sont néanmoins disponibles. Nous
avons ainsi la chance d'avoir l'évocation d'une infrastructure portuaire liée à un hivernage
viking à deux reprises dans les sources documentaires, pour peut-être un même site, à
Jumièges en 862 puis en 866.
Annales Bertiniani, anno 862 : « Indeque ad naves regressus, cum omni Danorum navigio usque ad Gemeticum,
ubi illorum naves statuerunt reficere et vernale acquinoctium exspectare, descendit. Refectis navibus, Dani
mare petentes per plures classes se dividunt, et prout cuique visum est, in diversa velificant, major autem pars
Britannos, qui Salomone duce habitant in Niustria, petit ; quibus et illi junguntur, qui in Hispania fuerant. » 211
211 Annales de Saint-Bertin, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. Clémencet, Paris, Société de l'histoire de France, 1964
Ce passage est très riche, puisqu'il nous apporte à la fois l'information de l'hivernage et sa
localisation (les vikings attendent l'équinoxe de printemps vers Jumièges), la finalité de
l'hivernage et l'identité du groupe (les bateaux reprennent la mer vers la Bretagne et la
Neustrie), mais aussi et surtout la décision prise conjointement à celle d'hiverner de
« réparer leurs navires » (« refectis navibus ») à Jumièges. Quatre ans plus tard, les
sources évoquent à nouveau le site de Jumièges, et l'existence d'un chantier naval.
Annales Bertiniani, anno 866 : « Nortmanni mense julio ab insecula secus monasterium sancti Dionysii movent, et
descendentes per Sequanam usque ad locum sibi aptum ad reficiendas suas et novas faciendas naves
perveniunt, ibique quod eis ersolvendum era exspectant. Karolus hostiliter ad locum qui dicitur Pistis cum
operariis et carris ad perficienda opera, ne iterum Nortmanni sursum ascendere valeant, pergit. » 212
Traduction : «En juin, les Normands se sont déplacés de l'île située près du monastère de Saint-Denis et ont
navigué sur la Seine jusqu'à ce qu'ils atteignent un endroit approprié pour effectuer des réparations à leurs
navires et pour en construire de nouveaux, et ils y ont attendu le paiement de la somme qui leur est dûe.
Charles marcha vers l'endroit appelé Pîtres avec des ouvriers et des charrettes pour compléter les
fortifications, de sorte que les normands ne pourraient plus jamais être en mesure de naviguer sur la Seine-
delà de ce point. »
Nous n'avons pas cette fois-ci l'indication d'un éventuel hivernage, les vikings s'installant à
Jumièges : ils arrivent de leur hivernage passé en amont de la Seine en juin, et attendent
un paiement. Néanmoins, nous avons ici la seule autre évocation d'une infrastructure
portuaire dans les sources documentaires, quatre années après la première, avec pour
seule indication qu'il est situé en amont de Pîtres puisque les troupes carolingiennes
cherchent à fortifier le site afin d'empêcher de nouvelles remontées de la Seine par les
vikings. Jumièges est situé dans les boucles de la Seine, en amont de Rouen et de Pîtres, et
il peut donc sembler cohérent que le chantier naval identifié soit le même que celui utilisé
quatre ans plus tôt par une troupe viking à Jumièges, même si ce n'est pas une certitude.
Quoi qu'il en soit, les informations concernant l'infrastructure portuaire sont plus
détaillées ici : il apparaît que les vikings cherchaient « un endroit approprié » (« locum
sibi aptum »), pour réparer leurs navires. Cette précision montre qu'un chantier naval ne
pouvait pas avoir lieu n'importe où, et qu'un site aux conditions particulières étaient
nécessaire. En effet, la réparation de navires signifiait probablement au moins leur
échouage, afin de pouvoir travailler sur la coque à clins, par exemple pour remplacer des
rivets ou la calfeutrer. Il était relativement aisé de pouvoir échouer un bateau viking, grâce
à leur faible tirant d'eau (0,90 à 0,95 mètres), ce qui devait être la manière la plus
habituelle de les mettre à l'abri pour les vikings, comme l'illustre Réginon de Prüm à
Angers en 873.
Chronicon de Réginon de Prüm, anno 873 : « Protinus navibus per Medanam fluvium deductis muroque
applicatis »213
Traduction : « Immédiatement ils tirèrent leurs navires en haut de la Mayenne et les mirent au pieds des murs. »
Néanmoins cela devait nécessiter tout de même une berge en pente très douce, un rivage
oblique très peu prononcé par rapport à l'horizontale, et libre de rochers ou d'arbres qui
212 Annales de Saint-Bertin, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. Clémencet, Paris, Société de l'histoire de France, 1964
213 Chronicon de Réginon de Prüm, éd. RAU, R., AQDGM, VII, Berlin, Rütten und Loening, 1960, p. 179-319
Un autre point est intéressant dans cette seconde citation d'un chantier naval viking sur la
Seine : « ad reficiendas suas et novas faciendas », les vikings cherchent à y réparer leurs
navires comme en 862 (« illorum naves reficere »), mais aussi à en construire de nouveau.
Si l'on considère que la réparation des bateaux ne devait pas demander d'aménagement
particulier, si ce n'est un lieu où pouvoir tirer le bateau à terre, nous pouvons également
penser que la construction de bateaux n'impose pas un aménagement bien plus important,
la seule nécessité restant celle d'avoir un accès aisé aux ressources en bois locales, avec des
forêts de qualité à proximité sans coteau abrupt à traverser pour rejoindre le chantier
naval. On ne relève d'ailleurs pas d'installations portuaires en Scandinavie avant le X ème
siècle assimilables à un chantier naval dédié, hormis quelques légères jetées édifiées à
Hedeby.
Cet exemple, ou ces exemples de chantier naval sur la Seine en 862 et 866 esquissent donc
l'image d'une zone portuaire à proximité de camps d'hivernage vikings qui permettrait au
moins l'échouage des navires et leur mise à l'abri, avec peut-être comme c'est le cas ici la
possibilité de réparer les navires ou d'en construire de nouveaux. L'utilisation d'une zone
portuaire pour l'exploitation de la pêche n'apparaît elle jamais dans les sources
documentaires, bien que cette activité soit évidente dans l'appréhension d'un groupe
scandinave, en incursion ou non. Un passionnant site archéologique peut néanmoins nous
éclairer : celui de Taillebourg-Port d'Envaux.
En effet, ce site français étudié entre 2003 et 2010 par Jean-François Mariotti et Annie
Dumont sous tous ses aspects, au vu d'une échelle chronologique large, a révélé une zone
portuaire carolingienne, riche d'une vingtaine d'objets de type anglo-saxon et scandinave.
Les archéologues ont ainsi découvert de nombreux armes carolingiennes, outils et objets
du quotidien difficiles à identifier... Mais également de nombreuses armes scandinaves,
proches de celles du camp de Péran et de l'île de Groix, un chaudron semblable à ceux
retrouvés dans ces mêmes camps, et un anneau en or de type scandinave semble à celui de
l'île de Groix à nouveau.
On ne peut affirmer que ce site ait été le lieu d'un hivernage viking sur la Charente, mais il
est certain qu'il y eu à cet endroit une occupation temporaire d'influence scandinave, ou du
moins mêlant culture insulaire et scandinave. Ce site, à défaut d'être identifié comme camp
d'hivernage viking, peut du moins nous donner l'image de ce qu'auraient pu être des
infrastructures portuaires mises en place lors d'un hivernage viking.
Les fouilles ont révélé plusieurs quais, et les témoins d'une activité de pêcherie, mais peut-
Illustration 35: Ancre TAI 2002 013 restaurée Illustration 36: Ancre découverte dans la
découverte à Taillebourg/Port d'Envaux Tamise à Blackfriars, dessin extrait de
MARSDEN 1994, fig. 142, p. 161
Si ces ancres se révélaient être d'origine scandinave, elles pourraient confirmer la présence
de navires viking de guerre ou de transports sur ce site. Néanmoins, les fouilles
subaquatiques ont également révélé le témoignage d'une activité de pêcherie au même
endroit, par la découverte de 87 plombs de pêche. Parmi eux, nous pouvons relever un lot
de plombs de pêche du premier Moyen Âge probablement destinés à lester les filets et les
lignes de fonds pour la pêche, comme en atteste leurs trous de suspension et leur
concentration dans un environnement de vestiges liés aux pratiques halieutiques.
Illustration 37: Plombs naviformes découverts sur le site de Taillebourg-Port d'Envaux (cliché C. Rome)
Jusqu'ici, la seule comparaison trouvée en Europe par les archéologues pour des plombs de
pêche et une série de plombs de pêche découverte lors de la fouille du quartier viking de
Dublin, et proches d'un lot de type « lingot massif » découvert à Taillebourg. Néanmoins,
en étudiant le corpus archéologique issu des fouilles de Torksey, nous avons relevé deux
poids en plomb considérés comme de possibles plombs de pêche et de datation inconnue.
Leur forme allongée, les deux trous circulaires aux extrémités et leur courbure est similaire
aux plombs de pêches découverts à Taillebourg et à Dublin. Il est même possible de
reconnaître une ligne d'usure oblique (la marque d'une corde de filet ?) sur la face du
plomb de pêche située au même endroit sur le plomb DFW1 de Dublin et sur le plomb
n°163 de Torksey, ce qui témoigne d'une utilisation similaire de ces deux objets. Cette
similitude typologique comme de contexte de découverte laisse à penser que ces plombs
découverts à Torksey seraient donc des plombs de pêche de type Scandinave, explication
logique à leur présence à la fois à Dublin, à Taillebourg et à Torksey, et que l'on peut dater
de l'épisode d'hivernage viking à Torksey en 872-873.
La reconstitution d'un camp d'hivernage viking la plus connue est celle dessinée par
Walker Carlton, à partir des fouilles réalisées par Birthe and Martin Biddle. Au vu de nos
recherches sur les caractéristiques des camps d'hivernage viking, peut-on le considérer
comme un portrait relativement juste non seulement du camps de Repton, mais également
de l'ensemble des camps d'hivernage vikings ?
Illustration 41: Reconstitution du camp viking de Repton dessiné par Walker Carlton et repris en modèle 3D, exploité
en réalité augmentée (dernière image issue du site internet de la BBC)
En 2016, cette reconstitution a été réétudiée et numérisée sous la forme d'un modèle 3D,
lui-même associé à un système de réalité augmenté qui permet de découvrir le camp
d'hivernage à Repton sur une tablette ou un smartphone, superposant la reconstitution au
paysage actuel.
Illustration 43: Reconstitution 3D du camp de Repton, image créée par Compost Creative, à 00:10
214MACHALE, Lisa, CRUSE, Dudley, The Vikings Uncovered, film documentaire présenté par Dan SNOW et Sarah
PARCAK, diffusé à partir de mai 2016 sur la BBC, durée : 1h30
215 Images créées par Compost Creative, disponibles sur https://vimeo.com/156442567
Enfin, nous avons pu étudier toutes les caractéristiques du site d'hivernage comme lieu de
vie, c'est à dire foyer d'habitation temporaire, zone agricole et artisanale, marché et port. Il
est difficile de représenter sur le papier les éventuelles habitations utilisées, néanmoins la
reconstitution 3D tente de les proposer, en développant une zone d'activité à l'intérieur du
camp, mais également à l'extérieur, le long d'axes de circulation. Sur les berges du fleuve,
plusieurs bateaux sont représentés mais également des structures en bois tel des pontons,
des installations portuaires légères et dont l'existence est probable. Cette reconstitution 3D
est donc très intéressante, et nous apparaît comme pertinente.
Avec la même dynamique, une seconde reconstitution 3D d'un camp viking a été
proposée en 2017 en parallèle d'une exposition 216 organisée par le musée autour du
mobilier archéologiques découvert sur le site de Torksey, et à nouveau réalisée par Creative
Compost pour le documentaire The Vikings Uncovered précédemment cité.
Illustration 44: Reconstitution 3D du camp de Torksey, image créée par CompostCreative, à 00:23
216Viking. Rediscover the legend, exposition du 19 mai au 5 novembre 2017 co-organisée par le Yorkshire Museum
de York et le British Museum de Londres
Nous terminerons cette analyse de ses différentes reconstitutions par une dernière image,
peut-être à même de finaliser le portrait d'un hivernage viking que nous avons souhaité
dresser. Il s'agit cette fois-ci non d'une reconstitution scientifique mais d'une illustration
sans prétention, une vue issue de la série télévisée Vikings créée par Michael Hirst et
diffusé sur la chaîne History depuis 2013. Nous le soulignons, ce visuel n'est à considérer
qu'à titre d'illustration, et n'a pas le but scientifique d'une reconstitution historique.
Néanmoins, elle représente d'une part une certaine image de l'imaginaire commun
contemporain et d'autre part une scène de vie à laquelle il est difficile de donner une réelle
historicité. Cette illustration évoque l'un des hivernages viking qui a eu lieu lors du siège de
Paris en 885-887. Si nous ne disposons que de peu d'informations sur ces sites
d'hivernage, cette évocation permet néanmoins de dresser les grandes caractéristiques de
l'hivernage viking. Ainsi, on y relève une installation en berge du fleuve, sur lequel sont
amarrés les navires, voiles baissées. Des structures légères faites de toile et de bois sont en
cours d'installation, et le camp commence à être monté. On discerne également des
hommes, des guerriers, mais aussi des femmes, dont la présence est attestée en hivernage.
On transporte des ballots, des sacs, des caisses et l'on relève des animaux de basse-cour.
Enfin, le camp semble peu fortifié et aménagé selon les contraintes du paysage. Nous avons
donc une évocation de l'installation d'un hivernage viking qui est davantage qu'un simple
refuge, et qui présente des caractéristiques fidèles à celles que nous avons étudié dans ce
chapitre en abordant le site d'hivernage comme un entrepôt et un lieu de vie.
Illustration 45: Evocation d'un camps d'hivernage viking lors du siège de Paris, issu de la série télévisée Vikings
Tout au long de cette étude, nous avons parlé « d'hivernage » viking, utilisant ce
terme comme une évidence, mais il n'est pourtant nullement courant dans les ouvrages de
vulgarisation tout comme ceux de recherche historique, où l'on parle bien plus des camps
vikings, témoins de l'hivernage, que du phénomène lui-même.
Il semblerait que le mot « hivernage » ait été directement traduit des sources latines : le
traducteur français de Johannes Steenstrup l'utilise en 1882, l'on trouve « wintering » en
langue anglaise pour Charles Keary en 1891 (p.281) et « überwintern » en langue
allemande chez Walther Vogel (sous la forme « blieben den Winter über », c'est à dire
littéralement « rester là pour l'hiver »). Aussi, même si le terme n'est que très peu utilisé
aujourd'hui, il semble légitime. Issu du latin « hibernare », il signifie « passer l'hiver », et
forme un doublon pour le mot savant « hiberner », lui utilisé pour traiter des espèces
animales. Il est donc clair et précis, idéal pour évoquer le phénomène qui nous concerne.
Malheureusement, si ce phénomène est nommé de longue date, il a très vite été dissimulé
par l'étude des sites d'hivernages, dans leurs différences et leur multiplicité. Les historiens
n'ont parlé d'hivernage que comme contexte, pour se concentrer sur les « châteaux »,
« camps », « campements », « forts », « forteresses », « lager » en langue allemande, en
langue anglaise « camp » et « fort » , mais aussi « longphort », « dun » et « dunad » dans
le monde insulaire, et nous en omettons bien d'autres. Nous abordons ici les mêmes
difficultés que l'on rencontre lorsque l'on cherche à étudier l'histoire viking, et que la
bibliographie choisie évoque pour certains les « vikings », mais pour d'autres les
« normands » et d'autres les « scandinaves », ou encore « the Norsemen » et « the
Danish » outre-manche. Néanmoins, les chercheurs comme le grand public trouvent pour
unanimité aujourd'hui l'utilisation du terme « viking » : de même, il est nécessaire
d'établir un terme unique pour parler de l'hivernage viking, et se comprendre, par-delà les
frontières et les cultures historiographiques.
Nous avons vu que le terme d'hivernage était cohérent et légitime : il conviendrait donc de
continuer à l'utiliser, mais surtout de l'utiliser de manière régulière, et de ne plus l’omettre
derrière l'évidence d'un lieu d'hivernage. Quel terme devrait alors être utilisé pour traiter
de ces lieux, de ces camps d'hivernage ? Face à la diversité des termes employés, nous
Mais si l'on souhaite que ce terme se généralise, il nous faut aussi nous adapter aux
différents publics, et parfois concéder à la neutralité : l'expression « site d'hivernage »
n'apparaît quasiment jamais, ni en langue française, ni en langue anglaise. Un autre terme
est utilisé, proche de « site », celui de « camp ». Issu du latin « campus » qui signifie
« plaine, place, large espace », ce mot est utilisé pour évoquer un lieu où sont réunis un
ensemble de personne de manière exceptionnelle, et par dérivation, a pris le sens de lieu de
stationnement d'un groupe militaire, et des infrastructures qui sont liées à ce
stationnement. Bien que ce terme porte avec lui l'idée de structures, aussi sommaires
soient-elles, il peut donc tout à fait convenir à l'évocation des sites d'hivernage viking. Il
dispose d'une faiblesse principale : en parlant de camp viking, nous concentrons notre
regard sur la forme et l'espace intérieur d'un camp, en oubliant son contexte et les espaces
situés hors du camp qui sont pourtant essentiels à la compréhension de l'hivernage viking.
A défaut de « site d'hivernage », nous pouvons donc proposer de parler de « camp
d'hivernage », « wintering camp », « überwintern läger », mais en soulignant à nouveau
l'importance de considérer ces sites dans leur ensemble et leur complexité.
Cela n'interdit pas dans un second temps d'utiliser des termes plus précis, adaptés à
chaque site. Ainsi, bien que traduit d'un latin parfois très littéraire, il est possible de
considérer que certains « camps d'hivernage » prenait la forme d'un « fort », s'il
présentaient des fortifications conséquentes. Le mot « longphort » (pl. « longphuirt ») est
par exemple tout particulièrement intéressant. Issu des sources irlandaises, ce terme aurait
été formé par l'emprunt à la langue latine de «(navis) longa » et « portus », qui signifient
respectivement « navire (de guerre) » et « port » ou « débarcadaire », et l'on pourrait
donc le traduire par « port fortifié ». Charles Doherty, repris par John Sheehan, suggère
que ce terme aurait été inventé par les annalistes afin de décrire un phénomène nouveau et
spécifique. Ces longphuirt aurait alors pris la forme d'une levée de terre protégeant la rive
d'une embouchure ou d'une rivière où des navires avaient été tirés sur la sable (« an
earthern bank thrown up the landward side to protect ships that had been drawn up on a
beach or river-bank »).
Longphort désignerait dans le monde insulaire une forme particulière de site viking, une
infrastructure portuaire, mais aurait été utilisé par les annalistes pour parler du
phénomène nouveau de la présence de scandinaves en Irlande, au départ pour des
hivernages isolés, ensuite pour des installations plus durables. Longphort est donc au
départ intimement lié au phénomène de l'hivernage mais aussi à celui des installations
permanentes plus tardives, comme à Dublin, et donne l'image d'une continuité entre ces
deux phénomènes. Si le fait est intéressant, cela sous-entend également qu'il ne faut pas
utiliser longphort comme synonyme de camp d'hivernage. Claire Downham abonde en ce
sens, en précisant dans l'une de ses études que si le terme a été adopté par les archéologues
et les historiens, il est utilisé dans les sources de manière peu cohérentes, et ce n'est guère
plus d'un tiers des sites identifiés comme camps vikings qui ont été appelés « longphuirt »
dans les sources documentaires. Elle propose d'utiliser plus généralement la formule
Les historiens ont longtemps cherché à définir dans quelle mesure il fallait prendre
en compte les raids vikings, et plus précisément de combien de guerriers étaient constitués
les troupes en incursion. Disposer d'une dimension établie et sûre devait permettre d'être
plus objectif sur les impacts positifs comme négatif du phénomène viking sur nos
territoires. Malheureusement pour eux, en plus de la difficulté d'appréhension d'un
phénomène multiple et évolutif, les historiens devaient également se méfier de sources
documentaires chrétiennes héritières de références latines typées et imagées. Ainsi, au-
delà de l'exagération de certaines sources, Peter Sawyer prenait position en Angleterre sur
le fait que le terme utilisé pour parler de la « Grande Armée » possédait un sens ancien, et
qu'il ne fallait pas y comprendre davantage que plusieurs dizaines de guerriers. 220
Néanmoins, l'archéologie elle ne pouvait pas mentir, et les débats ont commencé afin
d'estimer le nombre de guerrier viking d'un raid en étudiant les traces de leurs
campements. Peter Sawyer considéra alors que 270 vikings environ devaient se trouver à
Tempsford en 917 (site de 37 sur 26 mètres, soit 962 m²), et que les camps qui semblaient
plus grands devaient être réalisés pour accueillir également les navires et chevaux. A ceci,
Nicholas Brooks répondit en croisant les sources britanniques aux sources irlandaises,
carolingiennes et arabes, qui évoquent toute de manière régulière plusieurs centaines de
navires, donc plusieurs milliers de guerriers, ce qui serait à son sens bien plus cohérent à
mettre en rapport avec la taille des sites d'hivernage vikings.
Le site de Repton en Angleterre a été au cœur des analyses ces dernières décennies.
Protégé par une levée de terre et par le cours de la rivière, il occupe une superficie de 0,4
hectares (soit 4 000 m²). A proximité immédiate du site, une sépulture collective a révélé
les restes de plus de 260 individus, hommes et femmes, pour moitié de type scandinave.
Au vu de la dimension du site et de cette découverte, les historiens ont donc proposé
d'estimer la population de ce site d'hivernage, et donc la taille de la « grande armée » à
plusieurs centaines de personnes. Le site de Repton ayant pendant longtemps été
considéré comme un archétype du camp d'hivernage viking, cette notion a donc été
généralisée.
217 DOWNHAM, Clare, « Vikings Settlements in Ireland before 1014 », in SIGURDSSON J. V., BOLTON T., Celtic-
Norse Relations in the Irish Sea in the Middle Ages 800-1200, Leiden, 2013, p.3
218 Annales d’Ulster, anno 845 : « un dùnad d’étrangers […] sur le Lough Ree »
219 Chronicum Scotorum, anno 848 : « destruction du dùn de Cork par des païens »
220 BROOKS, Nicholas, « England in the Ninth Century : the crucible of the defeat », in Transactions of the Royal
Historical Society, vol 29, Cambruidge University Press, 1979, p.7
Il est difficile de se prendre position dans ce débat, et ce n'est pas le but de cette étude,
mais au vu des découvertes du site de Torksey et de notre appréhension d'un hivernage
viking dans sa globalité, nous souhaiterions proposer relier ces deux estimations les plus
admises. En effet, de nombreux arguments peuvent témoigner de la présence de plusieurs
centaines de vikings en raids, or les découvertes récentes nous amènent à considérer
plusieurs milliers d'individus. Or, comme le rappelle Richard Hadley et Julian D. Richards,
et comme ce que nous avons tenté de montrer tout au long de cet étude, un hivernage
viking réunit des guerriers mais également des femmes et des enfants, des esclaves et des
personnes chargées de la vie domestique, des marchands et des artisans, peut-être même
parfois des alliés locaux lors d'alliances ou d'échanges. Au vu des découvertes et de nos
connaissances, ce microcosme d'individus de toute origine et de toute activité peut être
imaginé à plus d'un millier de personnes, peut-être plusieurs selon les circonstances.
Il pourrait être également cohérent de penser que lorsque les sources nous évoquent la
présence de plusieurs centaines de personnes, comme la sépulture collective de Repton et
la dimension des sites fortifiés, elle ne prennent en compte que le nombre de guerriers
scandinaves. En cas de tensions avec les pouvoirs locaux, il convient de penser que ces
mêmes guerriers tentaient de mettre leur foyer et leurs suivants à l'abri, comme l'évoquent
les chroniques anglo-saxonnes en 896 : les vikings alors en difficulté choisissent de mettre
leurs femmes à l'abri en East-Anglie.
Chronique anglo-saxonne, année 876222 : « And the Danish had secured their women in East Anglia
before they went out from that fortification. They settled at Bridgnorth for the winter. That was three
years after they had come here across the sea into the mouth of the Lympne. »
Traduction : « Les danois avait mis à l'abri leurs femmes en East Anglia avant de quitter de cette
fortification. Ils se sont installés à Bridgnorth pour l'hiver. Cela faisait trois années qu'ils étaivent
venus ici à travers la mer vers l'embouchure de la Lympne. »
Dans des contextes difficiles, les marchands devaient probablement également partir pour
d'autres sites d'échanges, tandis que les échanges avec les habitants locaux
221 HADLEY, David (dir.), RICHARDS, Julian D. (dir.), « The winter camp of the viking great army, ad 872–3,
Torksey, Lincolnshire », in The Antiquaries Journal, 96, The Society of Antiquaries of London, 2016, p 58
222 The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Swanton, 2e éd., Londres, Phoenix Press, 2000
Enfin, il faut garder à l'esprit que ces estimations ne sont réellement pertinentes que si l'on
considère la « Grande Armée » viking opérant en Angleterre dans la seconde moitié du
IXème siècle, au vu des sources documentaires et archéologiques connues. Elles ne sont
qu'un reflet de ce qu'a pu être la situation dans le monde franc ou insulaire aux mêmes
périodes, et ne peuvent pas être prises en compte pour traiter d'hivernages antérieurs ou
postérieurs, aux réalités probablement bien différentes. Nous pouvons aller jusqu'à dire
que ces estimations ne peuvent même guère être prises en considération pour appréhender
plusieurs années successives d'hivernage viking. Au cours des campagnes et des
événements, des voyages entre la Scandinavie et le monde franc et britannique pouvaient
continuer à avoir lieu, modifiant le nombre de scandinaves présents en hivernage d'une
année sur l'autre. Comme on a pu le voir a plusieurs reprises en Angleterre, des groupes
pouvaient également se scinder ou se réunir, modifiant considérablement la population
d'un hivernage. Enfin, il faut y ajouter les décès lors de conflits armés ou en cas de famine
et de maladie, encore à même de modifier l'équilibre d'un groupe, comme l'illustre peut-
être la sépulture des 260 individus découverts à Repton.
L'intérêt de ce chapitre n'est pas de fixer une estimation précise du nombre de viking en
hivernage, mais de faire un état des lieux des réflexions, de proposer des ordres de
grandeur, et surtout d'inviter à prendre en compte la présence en hivernage non seulement
de guerriers vikings mais également des très nombreux individus les accompagnant,
membres de leur foyers, esclaves, ou marchands et habitants en interaction avec eux.
Tentatives typologiques
223 KELLY, E.P., MASS, J., « The Vikings and the kingdom of Laois », in LANE, P.G., NOLAN W., in Laois History
and Society: interdisciplinary essays on the history of an Irish county, Dublin, 1999, ^.132-143
Clare Downham est revenue sur la question225 en étudiant à nouveau l'hivernage viking en
Irlande, en s'interrogeant sur la possibilité que certaines bases aient pu être créées comme
extensions de bases-mères plus anciennes et plus importantes. Il y aurait donc une
typologie ne séparant pas forcément les sites d'hivernage par leur forme ou leur
chronologie, mais par l'idée de réseaux de sites d'hivernage, essaimant de manière
aléatoire à proximité ou non. Si cette théorie était avérée, elle pourrait expliquer les
similitudes entre plusieurs sites d'hivernage qui seraient éventuellement d'un même
réseau, tout en prenant en compte les différences d'autres sites, issus d'autres réseaux ou
isolés. Il ne s'agirait pas d'un type de site d'hivernage viking partagé et adopté par
l'ensemble des guerriers scandinaves, mais l'émergence de plusieurs types de sites
d'hivernage se développant simultanément, selon les ramifications des troupes
d'incursions vikings.
Quelles que soient les typologies en question, on a tenté à plusieurs reprises d'en exploiter
les caractéristiques afin de définir d'un modèle de site d'hivernage viking, modèle qui
devait notamment permettre de partir à la recherche des sites d'hivernage non connus à ce
jour. Ainsi, en exploitant les données connues concernant la localisation des sites vikings
du bassin de la Seine, Laurent Mazet-Hartoff226 a souhaité retrouver les sites vikings, dont
les sites d'hivernages, dont l'emplacement est encore inconnu. Depuis les États-Unis,
Daniella Trynosky et Matthew Ziebarth 227 ont cherché en 2014 à aller encore plus loin.
Selon leur intervention lors du Congrès International des Études Médiévales organisé par
l'université du Michigan de l'Ouest, ces deux chercheurs avaient pour projet de rassembler
les caractéristiques de tous les sites d'hivernage viking du monde franc, britannique et
insulaire dans une base de donnée et de les soumettre à une analyse géospatiale et
224 SHEEHAN, John, « The longphort in viking-age ireland », in Acta Archeologica, vol. 79, issue 1, Wiley-
Blackwell, Oxford, 2008, p. 285
225 DOWNHAM, Clare, « Viking Camps in Ninth-century Ireland: Sources, Locations and Interactions », in DUFFY,
Sean (éd.), Medieval Dublin X, Four Courts Press, 2010 , p.18
226 MAZET-HARTOFF, Laurent, « Sur la trace des vikings en Haute-Normandie : problématique », in FLAMBARD
HERICHER, Anne-Marie, (dir.), La progression des vikings, des raids à la colonisation, Rouen, Publications de
l'Université de Rouen et du Havre, 2003, p. 119-152
227 TRYNOSKI Daniellea, ZIEBARTH, Matthew, « Viking Winter Camps : Creating a Model using Geospatial
Statistical Analysis », in 49th International Congress on Medieval Studies, Western Michigan University, 8 mai
2014
S'il peut sembler donc intéressant de réfléchir à des typologies des sites d'hivernage viking,
il apparaît comme moins cohérent et moins réaliste de réfléchir à créer un modèle type du
site d'hivernage, surtout en appréhendant l'ensemble du phénomène viking. N'oublions
pas que les typologies comme les modèles sont avant tout des vues de l'esprit, des moyens
d'analyse contemporaine qui ne peuvent que refléter certaines réalités. Et pour que ces
typologies ou ces modèles soient pertinents, il est impératif de prendre en compte les
données fluctuantes des différents contextes chronologiques, géographiques et
géopolitiques de chaque hivernage autant que les données plus ou moins certaines des
localisations, morphologies ou dimensions des sites d'hivernage.
Comme nous avons pu l'étudier au début de cette étude, l'hivernage a permis aux
vikings d'avoir plus de temps et d'aller plus loin dans leurs raids. C'est un phénomène
étroitement lié au développement des incursions vikings et qui est à considérer comme une
force à leur avantage. Prenons l'exemple des monastères situés dans les régions littorales.
Nombre d'entre eux ont commencé à souffrir des raids vikings, qui avaient lieu
épisodiquement à la belle saison. Les communautés monastiques ont donc parfois fait le
choix de quitter temporairement leur structure principale, pour se retirer avec reliques et
trésors dans l'arrière-pays, à l'abri des pillages. En hivernant, les vikings parvinrent non
seulement à pouvoir aller plus loin, mais également à avoir plus de temps : ils pouvaient
alors s'éloigner des côtes et pousser leurs raids jusqu'à ces sites monastiques secondaires.
C'est également avec le développement de l'hivernage, et donc avec une présence viking
pouvant s'avérer plus lourde, que se développèrent le prélèvement de tributs sur les
populations. C'est parce qu'il y a dorénavant la possibilité de pouvoir rester sur le
territoire, que l'on négocie dorénavant le départ des vikings contre des vivres, des objets de
valeur et des sommes monétaires. Si les vikings devaient quoi qu'il arrive reprendre la mer
avant l'automne, acheter leur départ devait être moins déterminant, ou pour des sommes
moindres. L'hivernage a donc été une force particulière pour les vikings, et un élément
probablement accélérateur du développement du phénomène viking.
L'hivernage viking est régulièrement présenté comme une force pour leurs pillages :
les raids se multiplient, vont plus loin, bousculent davantage les pouvoirs locaux...
Néanmoins, nous aimerions pouvoir relativiser cette considération. En effet, comme nous
venons de le souligner, l'hivernage a été un accélérateur pour le phénomène viking, mais
comme toute mutation profonde, l'hivernage a transformé et donné des faiblesses aux
Puis les vikings commencèrent à hiverner. Nous l'avons vu, cela a été une force
conséquente, mais ils sont ainsi également devenus saisissables. Fixé à un point donné, il
devenait possible de les trouver. Parfois éloignés de leurs navires, il était possible
d'empêcher leur fuite et de les affronter. Subissant la nécessité de transporter avec eux leur
butin et de partir en quête de vivres, ils perdaient toute leur discrétion et leur rapidité
d'action. Les sources l'évoquent à plusieurs reprises, comme nous en avons déjà parlé : les
troupes anglo-saxonnes parviennent à saisir leurs vivres à Chester en 894, et leur butin à
Milton en 892, et l'on pourrait souligner le siège du camp viking de Jeufosse ou de
Louvain : c'est grâce à l'hivernage que les pouvoirs locaux peuvent enfin affronter leurs
envahisseurs, dans le monde franc et britannique comme en Irlande.
"Pourtant, l'installation des Vikings les rend vulnérables : opérant depuis leurs camps fortifiés, ils perdent leur
mobilité, l'élément incontestable de leur succès militaire, et la contre-attaque irlandaise est souvent
victorieuse. Entre 847 et 849, les Vikings essuient quatre défaites, ce qui incitera un grand nombre d'entre eux
à partir pour la France."228
En hivernant, les vikings sont devenus saisissables. Bien évidemment, l'hivernage était
pour cette raison souvent l'occasion de monter un camp fortifié, pour faire face à ces
difficultés, mais cela n'empêchait pas les affrontements avec les pouvoirs locaux. Les
vikings sont devenus des cibles, et il est devenu possible d'anéantir ou de stopper la
menace scandinave.
L'hivernage viking pourrait ainsi être considéré comme une force initiale pour le
développement du phénomène viking, mais aussi comme une faiblesse irrémédiable, qui
amènera une résistance militaire de plus en plus forte par l'occident chrétien, et la fin
progressive des raids vikings dans le monde franc et britannique. L'hivernage a été l'une
des plus grandes forces mais également l'une des plus grandes faiblesses pour le
développement du phénomène viking.
228 HAYWOOD, John, Atlas des Vikings 789-1100, Autrement, 1996, p.72
Poser cette question n'est pas innocent, elle nous permet également de mettre toute la
lumière sur un article écrit par l'historien français Michel Rouche en 1989. Spécialiste de
l'histoire de l'implantation des royaumes barbares à la fin de l'Antiquité et au Haut Moyen-
Âge, son regard est tout particulièrement intéressant, riche d'un regard et de
connaissances portant à la fois sur le monde antique et le monde médiéval. Cet article en
question s'intitule The Vikings versus the towns of Northern Gaul : challenge and
response229 (traduction : Les Vikings contre les villes du nord de la Gaule : un défi et sa
réponse) et est paru au sein de l'ouvrage dirigé par Charles L. Redmann Medieval
archaeology, papers of the seventeenth annual conference of the center of medieval early
and renaissance studies. Peut-être passé inaperçu en France eu regard de cette édition en
langue anglaise, ou en Angleterre parce que l'article se concentre sur l'hivernage viking
dans les actuels territoires du nord de la France et de la Belgique, il nous a fallu attendre
nous-même nombre de lectures avant d'enfin avoir entre les mains cet article, rarement
cité dans les notes et bibliographies.
Comme nous, Michel Rouche y met en avant toute l'importance de l'hivernage dans
l'histoire viking en rendant hommage au travail d'Albert d'Haenens, et comme nous, il
souligne immédiatement le fait qu'il faut aller plus loin. Albert d'Haenens a réalisé une
étude portant sur le territoire de l'actuelle Belgique, et Michel Rouche ouvre le débat vers
les sites d'hivernages situés dans le nord de la France. En réunissant la dynamique de
nombreux autres chercheurs, à partir d'ouvrages de synthèse ou de différentes
monographies, nous avons pour notre part cherché à généraliser cette étude à l'ensemble
du monde franc et britannique. Par ailleurs, Michel Rouche avait déjà foi à associer
recherche documentaire et recherche archéologique, afin de pouvoir dresser un portrait
fidèle de l'hivernage viking, et c'est l'une des méthodes de travail que nous avons souhaité
choisir pour cette étude.
« These examples are only those found in the best known texts. A systematic study, incorporating archaelogy,
aerial photography, etc. would surely reveal others. »230
Traduction : « Ces exemples ne sont que ceux trouvés dans les textes les plus connus. Une étude systématique,
intégrant l'archéologie, la photographie aérienne, etc. révélerait sûrement les autres. »
Enfin, et c'est ce qui nous ramène au sujet de ce développement, Michel Rouche s'est
interrogé sur l'influence qu'a pu avoir l'hivernage viking sur l'histoire du premier moyen-
229 ROUCHE, Michel, « The Vikings versus the towns of Northern Gaul : challenge and response », in REDMANN,
Charles L., Medieval archaeology, papers of the seventeenth annual conference of the center of medieval early
and renaissance studies, Binghamton, State university of New York, 1989, p. 41-56
230 ROUCHE, Michel, « The Vikings versus the towns of Northern Gaul : challenge and response », in REDMANN,
Charles L., Medieval archaeology, papers of the seventeenth annual conference of the center of medieval early
and renaissance studies, Binghamton, State university of New York, 1989, p.4 ?
« We are not able to assess more clearly the importance which the Viking challenge posed to Northern Gaul. With
their fortified camps and circular refuges topped with palisades the Vikings scattered a multitude of new
military strongholds throughout a peaceful kingdom which had forgotten the Roman military order, and thus
caused the break up of political power. The kingdom fell apart and smaller units of authority replaced it. The
backlash, with became very strong after 879, only strengthened what they, the Vikings, had begun. Viking and
Frankish fortifications thus strangely resembled one another, because they were due to the initiative of local
and regional groups. »231
Traduction : « Nous ne sommes pas en mesure d'évaluer plus clairement l'importance que le défi viking posait au
nrod de la Gaule. Avec leurs camps fortifiés et leurs refuges circulaires surmontés de palissades, les vikings
disséminaient une multitude de nouvelles forteresses militaires dans un royaume pacifique qui avait oublié
l'ordre militaire romain et causé ainsi la rupture du pouvoir politique. Le royaume s'est effondré et de petites
unités d'autorité l'ont remplacé. La réaction, devenu très forte après 879, a seulement renforcé ce que les
vikings avaient commencé. Les fortifications vikings et francques se ressemblaient étrangement, car elles
étaient dues à l'initiative de groupes locaux et régionaux. »
« Systematic archaeological excavations and the search for traces of these wood and earthen fortifications,
organized around four chronological periods, 840-879 (Vikings), 879-circa 900 (Franks), 900 - circa 950
(seignorial citadels) and post - 950 (feudal mottes), will allow us to shed new light on the Vikings - innovators
and inventors. »232
Traduction «Les fouilles archéologiques systématiques et la recherche des traces de ces fortifications en bois et en
terre, organisées autour de quatre périodes chronologiques, 840-879 (vikings), 879-env. 900 (francques), 900
- vers 950 (citadelles seigneuriales) et post-950 (mottes féodales), nous permettront de mettre en lumière les
vikings - des innovateurs et inventeurs. »
Considérant les nombreuses études transdisciplinaires et internationales qui ont porté sur
l'histoire des fortifications médiévales depuis l'article de Michel Rouche paru en 1989,
nous sommes amenés à minimiser cette éventuelle influence de la tradition scandinave sur
le développement de la mise en défense de l'occident chrétien, qui s'est fait à la fois sur
l'héritage des connaissances antiques et sur l'invention de fortifications propres et
originales. Nous ne sommes pas convaincus par l'idée que les fortifications scandinaves,
par exemple les forteresses circulaires, aient particulièrement inspiré la construction des
camps d'hivernage viking. Ces derniers ont prouvé à plusieurs reprises leur capacité à
s'adapter aux cultures et traditions locales. Nous ne sommes pas non plus convaincus que
les fortifications scandinaves aient porté la construction des fortifications franques. Bien
231 ROUCHE, Michel, « The Vikings versus the towns of Northern Gaul : challenge and response », in REDMANN,
Charles L., Medieval archaeology, papers of the seventeenth annual conference of the center of medieval early
and renaissance studies, Binghamton, State university of New York, 1989, p.5 ?
232 ROUCHE, Michel, « The Vikings versus the towns of Northern Gaul : challenge and response », in REDMANN,
Charles L., Medieval archaeology, papers of the seventeenth annual conference of the center of medieval early
and renaissance studies, Binghamton, State university of New York, 1989, p.5 ?
Le site d'Aggersborg est situé au nord du Danemark, sur les rives du Limjford qui sépare
l'île de Vendsyssel-Thy de la péninsule du Jutland. La forteresse est formée d'une enceinte
circulaire de 240 mètres de diamètre, elle-même protégée par un fossé d'une profondeur
d'1,3 mètre, et quadrillée de 4 rues principales et plusieurs ruelles. La construction de la
forteresse d'Aggersbord serait datée de la fin du X ème siècle, et l'on a pu penser que les
forteresses circulaires scandinaves se seraient inspirées des camps d'hivernage viking dans
le monde franc et britannique. Il apparaît aujourd'hui que ces camps d'hivernage étaient
régulièrement des réemplois occasionnels, par exemple des bourgs anglo-saxons fortifiés.
Les forteresses circulaires scandinaves ne trouveraient donc pas leur origine dans les
camps d'hivernage, mais se seraient plutôt inspirées du système de bourgs fortifiés mis en
place par Alfred le Grand dans le monde britannique en réaction aux incursions vikings.
« The observations presented here offer a case for a reassessment of Aggersborg ring-fortress, and potentially
other members of the Trelleborg group of fortresses, as being more closely aligned to the political and tactical
use of fortified places elsewhere in Early Medieval Europe than their conventional description as 'Viking
fortresses' would suggest. As a system of a newly constructed fortified place, which was to replace previously
existing county manors as centres for royal authority, the Trelleborg fortresses echo the
Wessex burghal system of early 10th-century Anglo-Saxon England, as outlined in the burghal hidage. This
document, which was probably drawn up in AD 914, lists the services and fees that the free population in the
kingdom of King Alfred's successors was required to provide for the maintenance, supply and defence of
regional fortresses. The burghal system was established at the end of the 9th century in response to the Great
Heathen Army of Scandinavian Vikings, active in England in the period AD 865-74. »234
Traduction : « Les observations présentées ici offrent l'occasion d'une réévaluation de la forteresse d'Aggersborg
et éventuellement d'autres forteresses du type de celle de Trelleborg, comme étant plus étroitements cadrées
sur le rôle politique et tactique d'autres lieux fortifiés de l'Europe médiévale, plutôt que ce suggère d'habitude
233 ROESDAHL, Else, SINDBAEK, Soren M., PEDERSEN, Anne, Aggersborg : the Viking-Age settlement and
fortress, Jutland Archaeological Society, Hojbjerg, 2014, 478 p.
234 BROWN, Hannah, GOODCHILD, Helen, SINDBÆK, Søren, Making Place for a Viking Fortress. An
archaeological and geophysical reassessment of Aggersborg, Denmark, Internet Archaeology, 36, 2014,
(https://doi.org/10.11141/ia.36.2)
Par contre, si l'on ne peut donc pas voir d'héritage du camp d'hivernage viking dans
l'histoire des fortifications scandinaves, un parrallèle intéressant peut être fait entre ces
camps et le site primitif d'Aggersbord. En effet, les archéologues ont mis au jour une
installation préalable à la forteresse qui aurait réuni une communauté autour d'activités
davantage tournées vers des assemblées périodiques, les échanges régionaux et peut-être le
commerce , comme l'illustre la quantité des objets non locaux, que vers une activité
agricole ou une implantation exclusivement militaire. Peut-être à cet état primitif
d'Aggersborg que l'on peut retrouver des parrallèles avec les camps d'hivernage viking,
sites probablement fortifiés mais également et peut-être surtout lieux de commerce et de
rencontre.
Comme nous l'avons vu au cours de cette étude, les hivernages vikings ont été des lieux de
vie, d'agriculture et d'artisanat, de commerce et de rencontre. Aussi, ils ont été pour les
vikings l'expérience de la vie sur le territoire et au contact de la population locale. Les
scénarios sont probablement aussi multiples que les tentatives d'installation vikings :
c'était peut-être un souhait premier d'installation qui a amené à hiverner, c'est peut-être à
l'inverse le confort de l'hivernage qui a posé la question de l'installation. Ce sont peut-être
des décisions d'hiverner renouvelées années après années, que l'on voit aujourd'hui
comme une période longue d'installation, ou une installation immédiate, avant même le
premier hiver. Il est également possible que ce soit les difficultés rencontrées pendant
l'hivernage qui aient imposé l'installation durable, ou à l'inverse la qualité de vie lors de
l'hivernage qui a posé la question de l'installation. Et au-delà de tous ces schémas, il ne
faut pas oublier que c'est probablement très souvent une partie seulement de la troupe
Nos connaissances ne nous permettent pas d'esquisser des tendances générales, et chaque
situation a probablement été très différente. Il semblerait par exemple que les installations
durables scandinaves dans le monde britannique se soient inscrites dans la continuité de
sites d'hivernage, comme à York. Néanmoins, la situation est bien différente dans le monde
franc : l'installation scandinave en Normandie est devenue une icône de l'histoire viking.
Néanmoins, nous n'avons pas de connaissances sur d'éventuels sites d'hivernage dans le
cadre desquels les populations se seraient rencontrées, première étape d'une cohabitation
pacifique. Si nous considérons la question en partant de l'hivernage, nous pouvons penser
à l'hivernage viking sur la Loire suite au siège d'Angers en 874 : le pouvoir autorise la
troupe viking à tenir marché. Nous pouvons alors très honnêtement considérer la
collaboration et les échanges qu'il y a probablement eu entre vikings et population locale,
avec soutien du pouvoir en place. Plus intéressant encore, suite à cet accord pour un hiver,
il est convenu que ceux d'entre eux qui seraient baptisés pourraient rester sur place, tandis
que les vikings restant fidèles à leurs croyances devraient quitter la Loire.
Annales Bertiniani, anno 973 : « (…) Petierunt autem, ut eis in quadam insula Ligeris fluvii usque in mense
februario residere et mercatum habere liceret, atque in mense februario quicumque jam baptizati essent ex
eis, et christianitatem de caetero veraciter tenere vellent, ad eum venirent; et qui adhuc ex paganis christiani
fieri velient, ipsius dispositione baptizarentur; caeteri vero ab illius regno discederent, ulterius, sicut dictum
eat, ad illud in malum non reversuri. »235
Traduction : « (...) Ils demandèrent la permission de demeurer jusqu'au mois de février dans une certaine île de la
Loire et d'y avoir un marché, promettant qu'au mois de février tous ceux d'entre eux qui auraient déjà reçu le
baptême et voudraient à l'avenir demeurer sincèrement attachés à la religion chrétienne se rendraient auprès
de lui, que ceux, encore païens, qui voudraient devenir chrétiens seraient baptisés par ses ordres, et que les
autres sortiraient de son royaume pour n'y revenir jamais à mauvais dessein, comme on l'avait dit. »
235 Annales de Saint-Bertin, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. Clémencet, Paris, Société de l'histoire de France, 1964
Ce travail a l'ambition d'embrasser largement l'hivernage viking, sur une aire géographique
et chronologique large. Cette considération nous interdit de poser l'hivernage viking
comme condition au succès des installations durables. Nous avons pu mettre en avant qu'il
y a pu avoir par exemple un hivernage d'un côté de la Manche, pacifique ou non, et une
installation durable de l'autre côté de la mer. Il y a même pu avoir une installation durable
pacifique d'un côté de cette mer, suivi d'hivernages plus tardifs, pacifiques ou non, sur un
autre territoire et dans un autre contexte géopolitique. C'est peut-être le succès de
l'hivernage viking dans le monde anglo-saxon qui a ouvert la voie à une installation
durable en Normandie, et on peut imaginer qu'un hivernage conflictuel dans le monde
insulaire ait pu provoquer une tentative d'installation durable en Bretagne...
Nous ne souhaitons pas proposer ici de théorie sur le lien entre l'hivernage et les
installations durables vikings dans le monde franc et britannique, mais nous souhaitons
souligner toute leur importance dans ce mouvement d'installation scandinave, et mettre en
avant le fait que l'hivernage viking a eu une place réelle, même s'il reste méconnu et peut-
être très difficile à connaître, dans l'histoire des installations scandinaves dans l'Europe de
l'ouest.
Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes attachés à étudier l'hivernage
viking dans le monde franc et britannique, afin de pouvoir exploiter un ensemble de
sources documentaires cohérent et de nature proche. Néanmoins, nous avons conscience
que le phénomène de l'hivernage viking ne s'est lui pas arrêté aux limites culturelles de ce
monde occidental parmi d'autres, et une appréhension du phénomène de l'hivernage ne
pourrait prétendre à quelque sérieux qu'en s'intéressant également à l'hivernage viking
dans le monde insulaire. L'histoire viking y est particulière : même si certains des acteurs
de l'histoire viking irlandaise ou écossaise ont également eu réalisé des raids de pillage
dans le monde franc et britannique, les événements diffèrent, par exemple en raison des
réalités géopolitiques insulaires.
L'histoire viking en Écosse est encore mal connue. Initialement terre des Pictes, ce n'est
que suite à la présence viking que l’Écosse passe sous domination des Scots. Les sources
documentaires sont extrêmement faibles, mais l'archéologie laisse entrevoir une présence
viking majeure et très probablement déterminante pour l'histoire de l’Écosse. Le
monastère de l'île d'Iona, sur la côte ouest de l’Écosse, aurait été pillé en 795, en 802, 806
et 826, ce qui laisse à penser que les troupes vikings ont dû au moins à partir de cet instant
appréhender l'ensemble du territoire écossais d'est en ouest. En effet, il semble assez peu
probable que des navires vikings n'aient découvert l’Écosse à ce moment-là qu'après avoir
contourné l'Angleterre par le sud et remonté entièrement la mer d'Irlande, tandis que les
îles situées au nord-est de l’Écosse reste à une distance relativement faible de la
Scandinavie.
Les sources archéologiques restent néanmoins difficiles à exploiter, et les historiens ont
pendant très longtemps donné une identification scandinave à tout site différant
légèrement des découvertes d'influence Picte ou Scot. Par ailleurs, même si l'on peut
reconnaître un caractère scandinave à une structure, le chemin est long avant de faire un
port viking d'un site local influencé par la culture voisine scandinave. Il apparaît
aujourd'hui clairement que les échanges reliant nos cultures au monde scandinave
devaient être réguliers bien avant le phénomène viking, et ce devait être d'autant plus vrai
sur tout le pourtour de la Mer du Nord. Par ailleurs, les échanges avec le monde
scandinave ont perduré en Écosse bien après la fin du phénomène dit « viking », en raison
de la proximité géographique avec les Orcades ou l'Islande. Ainsi, on peut donner comme
exemple les célèbres Figurines de Lewis, un ensemble de pièces de jeux d'échec en ivoire de
morse découvertes dans les Hébrides. Sans conteste de type scandinave, elles représentent
l'art viking dans la culture populaire, et laissent imaginer un royaume viking florissant
dans les îles écossaises. Néanmoins, aussi passionnantes soient-elles, ces figurines ne
datent que du XIIème siècle et ont probablement été réalisées en Norvège. Ainsi, de
nombreux sites écossais présentés aujourd'hui comme « vikings » sont à considérer
Christopher D. Morris237 évoque pour sa part la possibilité que les sites d'hivernage viking
se soient trouvés entre autres dans les îles de l'archipel des Shetlands et des Orcades plutôt
sur le sol écossais, un fait dont l'Orkneyinga saga aurait pu conserver le souvenir lors de
sa rédaction trois siècles plus tard.
« One summer Harald Fine-Hair sailed west over the North Sea in order to teach a lesson to certain vikings
whose plunderings he could no longer tolerate. The vikings used to raid in Norway over summer and had
Shetland and Orkney as their winter base. »238
Traduction : « Un été, Harald à la Belle Chevelure a navigué vers l'ouest sur la mer du Nord afin d'enseigner une
leçon à certains vikings dont il ne tolérerait plus les pillages. Les vikings avaient l'habitude de faire des raids
en Norvège au cours de l'été et avaient les îles de Shetland et d'Orkney comme base hivernale. »
Nous reprendrons Jean Renaud239 : « Les sagas sont des sources d'une valeur inestimable
pour la connaissance du monde norrois, vu de l'intérieur, mais ce ne sont pas des
manuels d'histoire : il convient toujours d'avoir une attitude critique à leur égard. C'est
donc ailleurs qu'il faut chercher les éléments relatifs aux débuts de l'établissement
scandinave dans les îles ». Aussi, nous ne prendrons par cette évocation d'un hivernage
viking dans les Orcades et les Shetlands comme nue certitude, mais tout porte à croire que
ces îles situées sur les axes de circulation entre la Scandinavie et l'Irlande devaient être de
première importance et tout particulièrement pertinentes pour hiverner.
Nous n'avons donc que très peu de certitudes concernant l'hivernage viking en Écosse,
dans les Shetlands et dans les Orcades. Si la question peut réellement se poser ailleurs, il
ne fait ici que très peu de doutes quant à l'existence de ces sites d'hivernage. Sans sources
documentaires, au vu de sites archéologiques difficiles à différencier des cultures locales, il
n'y a aucune certitude à ce que les connaissances ne se développent pour ce territoire, en
236 GRAHAM-CAMPBELL James, BOYER Régis, « L'expérience Viking dans l'Europe du nord-ouest », in BOYER
Régis, Les Vikings, premiers Européens, éd. Autrement, 2005 p. 94-105
237 MORRIS, Christopher D., « Raiders, Traders and Settlers : the Early Viking Age in Scotland » in CLARKE,
Howard B., NI MHAONAIGH, Mare, O'FLOINN, Raghnall, Ireland and Scandinavia in the Early Viking Age,
Four Courts Press, 1998, p. 73-103
238 PALLSON H., EDWARDS, P., Orkneyinga Saga, : the history of the Earls of Orkney, London, 1978, p. 30
239 RENAUD, Jean, « Les Vikings dans les archipels écossais » in Les mondes normands (VIIIe-XIIe s.) Actes du
deuxième congrès international d'archéologie médiévale (Caen, 2-4 octobre 1987), Caen, Société d'Archéologie
Médiévale, 1989. pp. 61-67
Nous sommes maintenant amenés à évoquer l'hivernage viking en Irlande. Le sujet est très
vaste, étudié de longue date, en perpétuelle analyse, et il serait bien trop téméraire pour
cette étude de chercher à faire le tour de la question et de prétendre apporter un avis de
poids sur l'hivernage viking en Irlande. Nous nous ferons alors essentiellement l'écho des
passionnantes recherches de Clare Downham sur le sujet des camps vikings du IX ème siècle
en Irlande.240 Nous aimerions reproduire ici l'intégralité de son étude, mais nous nous
limiterons à repréciser sa méthode et ses résultats.
Clare Downham s'est attachée à systématiquement croiser les plus importantes sources
documentaires contemporaines ou immédiatement postérieures à l’événement, à savoir les
Annales de Boyle, de Clonmacnoise, d'Inisfallen, du Livre de Leinster, de Roscrea, des
Quatres Maîtres, de l'Ulster et le Chronicum Scotorum. A partir de ces sources, elle
identifie scrupuleusement une succession de présences vikings associées à des camps, et
donc très certainement des hivernages vikings en Irlande :
– 836 : Arklow (Comté de Wicklow)
– 837 : Dublin (Comté de Dublin)
– 839 : Lough Neagh (Comté d'Antrim ? Armagh ? Derry ? Tyrone?)
– 840 : Lough Neagh (Comté d'Antrim ? Armagh ? Derry ? Tyrone?)
Lough Neagh (Comté d'Antrim ? Armagh ? Derry ? Tyrone?)
– 841 : Dublin (Comté de Dublin)
Linn Duachaill (Comté de Lough)
– 842 : Dublin (Comté de Dublin)
Linn Duachaill (Comté de Lough)
Cael Uisce (Comté de Down?)
Lough Swilly (Comté de Donegal)
Rosnaree (Comté de Meath)
– 845 : Limerick (Comté de Limerick)
Cluain Andobair (Comté d'Offaly)
Lough Ree (Comté de Longford ? Roscommon ? Westmeath?)
– 848 : Cork (Comté de Cork)
– 850 : Carlingford Lough (Comté de Down/lough)
– 852 : Linn Duachaill (Comté de Lough)
240 DOWNHAM, Clare, « Viking Camps in Ninth-century Ireland: Sources, Locations and Interactions », in DUFFY,
Sean (éd.), Medieval Dublin X, Four Courts Press, 2010
Comme nous y avons été attachés pour notre étude, Clare Downham précise en
ouverture de son article que son but n'a pas été de fournir une description en profondeur
de chaque base viking, mais d'étudier leur situation et les interactions que ces sites
d'hivernage ont favorisé avec la population.
La plupart des camps d'hivernage seraient localisés sur les côtes, à des endroits d'où il est
aisé de prendre la mer. Elle souligne également qu'au vu des vents dominants et de la
morphologie côtière, il était plus aisé de naviguer sur les côtes orientales de l'Irlande que le
long de la côte galloise et anglaise, ce qui peut expliquer en partie le développement
d'hivernages viking en Irlande plutôt qu'en Angleterre. Elle met en avant également
l'importance de l'accès aux sources de nourriture, notamment par la pêche ou la chasse
d'oiseaux de mer et de mammifères marins. Les annales de l'Ulster évoqueraient ainsi la
chasse des marsouins par des vikings au large des côtes du comté de Louth. De même que
ce que nous avons cherché à mettre en avant dans notre étude, elle souligne également
l'importance de l'accès à l'eau potable et à des terres propices à l'agriculture ou à l'élevage.
Nous avons également parlé de la proximité des sites d'hivernages du monde franc et
britannique avec les routes commerciales, et il semblerait que les camps d'hivernages
irlandais aient suivi le même schéma, en se positionnant notamment près des
franchissements de rivières. Clare Downham approfondit dans ses réflexions la dimension
commerciale de la présence viking en occident, jusqu'à les comparer à des chaînes de
supermarché modernes, attirant à eux les profits au détriment des entreprises locales.
« At a slightly later stage of viking interaction in Irish affairs, it is tempting (though in a fairly crude way) to
compare them with modern supermarket chains drawing profits away from local businesses (though
Clare Downham s'interroge également sur la relation qu'ont pu avoir les camps d'hivernage
entre eux, ce que nous n'avons pas fait pour le monde franc et britannique. Elle relève ainsi
une réelle proximité entre chaque site : faut-il y voir un chapelet de bases sous même
domination ? L'implantation d'un réseau de camp autour d'un site d'hivernage dominant
afin de contrôler de petits arrières-pays ? L'auteur relève par ailleurs des collaborations
militaires entre camps d'hivernage qui n'étaient, eux, pas à proximité immédiate, mais qui
illustreraient peut-être tout autant un lien entre une « base-mère plus ancienne et plus
importantes » et ses extensions.
« These alliances were fostered by the position of these viking camps in relation to Irish political geography, but
such links could also be fostered by a sense of common history and perhaps because some camps had been set
up as secondary bases from an older ‘mother’ camp. »
Traduction : «Ces alliances ont été favorisées par la position de ces camps de viking par rapport à la géopolitique
irlandaise, mais ces liens pourraient aussi être avoir été favorisés par un sens commun de l'histoire et peut-
être parce que certains camps avaient été installés comme bases secondaires d'une ''base-mère'' plus
ancienne.»
Un dernier point important de son étude est la mise en lumière d'une culture mixte
gaélico-scandinave dans les espaces d'hivernage viking, née du commerce qui a réuni
scandinaves et irlandais, et favorisée par la conversion occasionnelle de vikings au
christianisme. Selon elle, il faut voir dans la localisation des camps vikings cette rencontre
entre les cultures scandinaves et irlandaises, dans le conflit mais aussi dans l'échange, et
sans qu'il n'y ai toujours un rapport dominant/dominé. C'est par cette culture mixte qu'il
faut comprendre l'essor urbain et commercial du IX ème siècle en Irlande, plus que dans le
seul apport scandinave. En abordant la localisation de camps d'hivernage vikings aux
frontières de certains territoires, Clare Downham pose la question de l'éventuel
consentement des pouvoirs locaux à ces premières implantations, et des liens stratégiques
et politiques qui pouvaient unir certains meneurs irlandais et vikings.
L'hivernage viking en Irlande perd sa dynamique à la fin du IX ème siècle, comme dans le
monde franc et britannique, avec l'abandon symbolique de Dublin par les vikings. Les
scandinaves ne seront de retour qu'en 914, mais pour une nouvelle phase d'installation en
Irlande, plus pérenne, et différente des hivernages vikings antérieurs.
Nous connaissons donc relativement bien l'hivernage viking en Irlande grâce aux sources
documentaires, comme l'illustre l'étude de Clare Downham, mais nous avons également la
chance de disposer d'importantes fouilles archéologiques à même d'enrichir notre
connaissance de l'hivernage viking en Irlande, et de faire écho à l'hivernage dans le monde
franc et britannique. Depuis plusieurs décennies, les fouilles de Dublin nous apportent des
informations sur ce que furent les premières étapes de l'installation permanente
scandinave dans l'actuelle capitale de l'Irlande, mais la période de l'hivernage restait
méconnue. Néanmoins, une découverte fortuite à Waterford a permis l'identification du
site d'hivernage viking éponyme, occupé au IX ème siècle, et plusieurs années d'un chantier
de fouille minutieux et exigeant.
241 DOWNHAM, Clare, « Viking Camps in Ninth-century Ireland: Sources, Locations and Interactions », in DUFFY,
Sean (éd.), Medieval Dublin X, Four Courts Press, 2010 , p.15
Ces traces d'une activité artisanale sont d'ailleurs des plus intéressantes. En effet, si l'on
considère le travail du métal, on peut relever l'utilisation d'une technique alors utilisée en
Scandinavie, mais non en usage en Irlande. Les archéologues ont également mis au jour
des rivets de bateau caractéristiques de la construction des bateaux vikings, probablement
liés à un chantier de réparation de ces navires. Enfin, à l'extérieur des fossés, une sépulture
à mobilier de type scandinave a été découverte, et précise l'identification du site. Au vu des
de ces découvertes et des connaissances documentaires, les archéologues mettent donc en
lien le camp de Waterford et les raids vikings qui ont lieu dans cette région de l'Irlande
dans la seconde moitié du IXème siècle. Ils mettent également en avant, chose très
intéressante au vu de notre étude, toute l'activité artisanale et commerciale du site, et nous
invitent à élargir notre point de vue pour voir le site de Waterford comme le centre d'une
installation rurale scandinave, plutôt que comme un camp fortifié à l'abri duquel vivrait
l'ensemble de la communauté scandinave ou gaélico-scandinave.
L'histoire des incursions vikings est primordiale pour la Russie, mais son
importance dans la définition d'une certaine identité nationale a marqué les études sur la
présence viking à l'est pendant des décennies. C'est seulement depuis peu que l'on peut
aborder la question « plus sereinement »243. Les sources sont bien évidemment différentes
de celles utilisées pour l'étude de la présence viking en Europe occidentale, la chronologie,
le phénomène viking lui-même est différent. Néanmoins, la question de l'hivernage viking
est la même.
242 RUSSEL, Ian, HURLEY, Maurice F., EOGAN, James, Woodstown. A Viking-Age settlement in Co. Waterford,
Four Courts Press, 2014, 413 p.
243 MAILLEFER Jean-Marie, « Les Vikings en Russie », in BOYER, Régis, Les Vikings, premiers Européens,
Autrement, 2005, p. 106
Par exemple, nous pouvons relever que la seule pierre runique découverte en Europe de
l'Est l'a été sur l'île de Berezanj, située dans la Mer Noire à l'entrée de l'estuaire formé par
le Dniepr. Ce geste rituel, un hommage suite à un décès, peut être mis en écho de la
découverte d'une sépulture à bateau scandinave sur l'île de Groix en Bretagne, à l'autre
bout de l'Europe. Tous deux tardifs mais également tous deux étroitement liée aux
croyances scandinaves, elles reflètent une présence viking affirmée. Il est difficilement
imaginable que à Groix ou à Berezanj, l'on choisisse d'assumer un rituel important si l'on
était en territoire vu comme éventuellement hostile. Bien au contraire, nous pouvons peut-
être voir par ce geste lourd de sens l'affirmation d'une certaine appropriation du territoire,
consciente ou non. Par ailleurs, ces deux découvertes archéologiques ont eu lieu sur des
îles : sans évoquer directement un hivernage, nous pouvons peut-être y voir la certitude
d'une présence viking affirmée, et peut-être alors la trace de ne serait-ce qu'un poste
d'étape sur les routes commerciales ou militaires. Et un hivernage n'est jamais qu'un poste
d'étape où l'on stationne pour l'hiver.
Cette idée peut être appuyée par la lecture du De administrando imperio réalisé par
l'empereur Constantin Porphyrogénète entre 948 et 952. On y apprend ainsi que les
« Rus » remettent leurs bateaux à l'eau sur la Dniepr en juin : est-ce suite à un hivernage
ayant duré jusqu'à l'été, ou simplement suite à un trajet par voie terrestre permettant au
vikings de rallier la Dniepr depuis la Mer Baltique au nord ? Ils feraient ensuite étape sur
l'île Saint-Grégoire, aujourd'hui Khortytsia en Ukraine, puis sur l'île de Saint-Eleuthère et
entreraient en Mer Noire. Comme l'île de Berezanj, ce ne sont peut-être que des postes
d'étapes, mais qui peuvent donner l'image de ce que pourrait être, ou de où pourraient être
des sites d'hivernage viking à l'est. On y lit par ailleurs l'interdiction de rester en Mer
Noire, l'obligation de s'en retourner en Russie à l'automne. S'il est interdit aux vikings de
rester en automne en Mer Noire, il paraît évident que c'est pour les empêcher d'y rester
pour hiverner. Enfin, comme très souvent, si l'on relève une interdiction, c'est que le
phénomène était alors courant et est devenu problématique. Selon Jean-Marie Maillefer 244,
à la lecture de la Chronique de Nestor, il semblerait d'ailleurs que le viking Sviatoslav ait
été tué par les Petchénègues après avoir hiverner sur l'île de Berezanj, sans respecter donc
l'interdiction de l'empereur. Il conviendrait, peut-être dans une étude plus approfondie,
d'étudier ces deux sources afin d'y confirmer cette évocation d'un hivernage, et
d'éventuellement y trouver la trace d'autres hivernages vikings à l'est.
244 MAILLEFER Jean-Marie, « Les Vikings en Russie », in BOYER, Régis, Les Vikings, premiers Européens,
Autrement, 2005, p. 116
Bien qu'à l'écart des routes habituelles, la présence viking en Islande est
relativement ancienne puisqu'ils découvrent l'île dès les années 860, après avoir atteint les
îles Féroé vers 825. Probablement implantés depuis plusieurs décennies en Écosse, c'est
peut-être par hasard en étant dérouté des îles Féroé ou plus certainement en échangeant
avec la population locale qu'ils eurent connaissance de cette île, où s'exilaient alors des
ermites appelés « papars ». Hormis ces repères chronologiques, nos connaissances
concernant l'installation des vikings en Islande sont très légères, et nous ne disposons
quasiment d'aucune source qui évoquerait l'hivernage viking. L'une des rares traces
documentaires qui pourrait évoquer un hivernage apparaît dans le Landnamabok245, un
récit de la colonisation de l'Islande écrit cinq générations après les faits. Nous le soulignons
à nouveau : ce récit, tel les sagas traditionnelles scandinaves, n'est pas contemporain des
événements et reste un objet littéraire. Il est possible que certains événement racontés
soient les échos des événements réellement passés, mais il est également certain que les
rédacteurs de ces sagas s'inspireraient de faits qui leur étaient contemporains pour
raconter leur histoire. Aussi, nous n'avons ici qu'une image, sans certitude, mais toute
image mérite d'être étudiée.
Au-delà de l'Islande, on sait que les vikings reprirent la mer vers le Groenland à la
fin du Xème siècle. Deux colonies rassemblant des vikings résidant déjà en Islande sont
installées dans le but de s'installer durablement sur cette nouvelle terre, mais malgré un
premier essor, toute trace d'occupation semble disparaître au XV ème siècle. Nous n'avons
245 BOYER, Régis, Le livre de la colonisation de l’Islande : selon la version de Sturla Thordarson (Sturlubók),
édition Brepols, collection Miroir du Moyen Âge, Turnhout, 2000
Au-delà du Groenland, il est aujourd'hui admis que plusieurs expéditions vikings aient
atteint le sol américain à la fin du X ème siècle. Qu'elle que soit la symbolique de cette
« découverte », il ne convient d'appréhender ce territoire que comme un autre site possible
d'hivernage viking, à l'extrême ouest de l'espace connu par les vikings. Selon la Saga des
Groenlandais246, connu d'après un manuscrit du XIV ème siècle et probablement rédigée
initialement des décennies après les faits, les terres américaines auraient d'abord été
aperçues par hasard à la fin du Xème siècle pars Bjarni Herjolfsson. Une seconde expédition
menée par son fils Leifr Eiriksson cherche à reconnaître le littoral autour de l'an Mil, et
hivernerait sur une terre au climat doux, où poussent de la vigne sauvage et où l'on peut
pêcher le saumon dans les rivières : il baptise donc l'endroit Vinland, qui signifie pays de la
vigne. Si l'on en croit ce récit, postérieur et littéraire, le Vinland pourrait être la rive droite
du Saint-Laurent, point le plus au nord où aurait pu pousser la vigne sauvage, et point le
plus au sud où peut se pêcher le saumon de l'Atlantique. A nouveau, quel que soit la
localisation précise du Vinland ou sa date de découverte, nous pouvons être porté à croire
que ce récit est un reflet d'une certaine réalité et que les vikings auraient hiverné sur le
littoral nord-américain. Cette expédition aurait été suivie d'une tentative de colonisation
des terres, et il semblerait donc que les hivernages ne se soient pas répétés, pour laisser
place à une installation permanente.
Dans les années 1960, l'explorateur Helge Ingstad 247 est parti en quête du Vinland, sur les
traces des vikings. Il a mis au jour le site archéologique de L'Anse aux Meadows, qu'il a
exhumé et étudié de 1961 à 1968, en concluant avoir découvert l'installation viking du
Vinland. Cette étude n'a pas pour prétention d'étudier les installations vikings durables,
mais le phénomène de l'hivernage viking, aussi nous ne prendrons pas position sur la
question. Il est néanmoins intéressant de connaître ce site car de nouvelles études
précisent que la comparaison des structures de L'Anse aux Meadows avec les formes
traditionnelles de l'habitat scandinave restent limitées. Janet E. Kay 248 rappelle que les
vikings explorant le Vinland utilisaient des camps temporaires avant d'établir une
installation durable, des camps temporaires que l'on peut considérer comme image des
camps d'hivernage, si jamais ils y en eu au Vinland.
Il ne nous semble pas que l'Anse aux Meadows ait pu être un simple séjour d'étape tel un
hivernage. Les structures édifiées reflètent une occupation légère, peut-être temporaire,
mais au moins envisagée pour plusieurs années. Par contre, il est intéressant d'approcher
les différentes natures de cette occupation. En effet, des structures de type habitation ou
espace communautaire ont pu être reconnues, mais les fouilles archéologiques ont
également mis en avant une activité artisanale par le travail de la laine. Un fuseau a été
découvert, et Helge Instad y a d'ailleurs vu la preuve d'une présence féminine, ce qui n'est
absolument pas déterminant, mais il en reste qu'il y a probablement eu une activité
artisanale sur le site. Il y a eu également une activité de pêche, comme semblent le prouver
246 BOYER, Régis, « Saga des Groenlandais », in Sagas islandaises, Paris, La Pléiade, 1987, p.356-375
247 INGSTAD, Helge, The Norse Discovery of America : Excavations of a Norse Settlement at l'Anse aux
Meadows, Newfoundland 1961-1968, Oxford University Press, New York, 1985, 2 vol.
248 KAY, Janet E., Norse in Newfoundland, A critical examination of archaeological research at the Norse site at
l'Anse aux Meadowws, Newfoundland, BAR International Series 2339, Archaeopress, Oxford, 2012, 70 p.
Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés aux origines de ce phénomène. Pour
quelles raisons les vikings firent-ils le choix d'hiverner sur des terres étrangères ? Nous
proposons de voir trois raisons principales au développement de l'hivernage viking : la
possibilité d'avoir plus temps pour effectuer leurs raids, la possibilité d'aller plus loin dans
leurs raids, mais également parce que c'était parfois une nécessité dictée par les
événements. Après avoir réfléchi à la manière d'identifier un hivernage viking dans les
sources, nous avons également mis en avant le développement de ce phénomène dans le
temps, des premiers aux derniers hivernages attestés dans le monde franc et britannique.
Nous avons souligné la difficulté de l'appréhension des sources archéologiques, et proposé
une périodisation du phénomène de l'hivernage viking. Enfin, nous avons souhaité
réfléchir sur le développement du phénomène dans l'espace, ce qui nous a permis de
croiser notre proposition de périodisation de l'hivernage et son implantation de plus en
plus éloignée du littoral au fil des décennies.
Dans un second temps, après avoir étudié le phénomène général de l'hivernage, nous avons
souhaité abordé les différents sites dans lesquels s'est incarné l'hivernage viking. Nous
avons d'abord cherché à préciser leur situation géopolitique et commerciale et leur
localisation sur des frontières et des axes de communication. Nous avons également
analysé le site géographique choisi pour ces hivernages, en étudiant son caractère insulaire
ou plutôt littoral, et en esquissant une étude cartographique de ces emplacements. Enfin,
nous nous sommes interrogés sur les différentes structures qui ont pu être choisi pour
l'établissement du camp d'hivernage. Il apparaît ainsi que les vikings ont alors
régulièrement réemployé des monastères mais aussi des résidences royales et des
fortifications urbaines afin de disposer et protéger leur base d'hivernage.
Un troisième temps de cette étude à été l'occasion de dresser le portrait d'un hivernage
viking. Dans quelle mesure étais-ce réellement un refuge pour la troupe viking en
incursion ? Mais cela nous a aussi et surtout permis de mettre en avant la fonction
d'entrepôt du camp viking, afin de mettre à l'abri le butin, les esclaves et les vivres de la
troupe viking. Plus qu'un simple refuge et un entrepôt, la base d'hivernage viking fut
Enfin, dans un quatrième temps, nous avons souhaité ouvrir le débat. En effet, nous
sommes convaincus que l'hivernage viking a eu un rôle important à la fois dans l'histoire
des raids vikings que dans l'histoire générale du premier moyen-âge occidental. Afin que
cette synthèse ne soit pas un simple bilan, mais une ouverture, nous avons souhaité
esquisser plusieurs interrogations liées à la place de l'hivernage dans l'histoire du premier
moyen-âge. Ces pistes laisseront peut-être le lecteur insatisfait, mais elles n'ont pour seule
ambition que de laisser la parole aux historiens et aux archéologues sur la question. Elles
souhaitent poser les moyens de la réflexion, en analysant l'hivernage, comme sa
dénomination, ou en s'interrogeant sur les répercussions du phénomène de l'hivernage
viking dans l'histoire médiévale. Il est important également de faire écho à l'hivernage
viking qui a existé hors du monde franc et britannique, à l'est ou dans le monde insulaire
par exemple, afin d'élargir notre regard et nos points de comparaison. Enfin, nous invitons
tous les lecteurs de cette étude à donner de la profondeur à l'analyse de l'hivernage viking,
en faisant le point sur quelques hypothèses historiques liées aux répercussions de
l'hivernage viking.
Ce mémoire a donc pour ambition d'être un synthèse, un bilan sur l'hivernage viking dans
le monde franc et britannique, mais également de présenter un portrait plus fidèle de
l'hivernage viking, au-delà de simples dates et localisations. Nous avons l'espoir que le
lecteur comprendra toute la dimension de ce phénomène privilégié pour la rencontre des
cultures scandinaves et occidentales. Enfin, nous souhaitons que les informations que nous
avons rassemblées et analysées pourront être supports aux différentes études
documentaires et archéologiques encore à venir sur le sujet, et que les pistes que nous
avons esquissés pourront à leur mesure permettre à l'hivernage viking de trouver sa juste
place dans l'écriture de l'histoire du premier moyen-âge.
Les premières lignes de ce mémoire ont été écrites en 2012, et l'hivernage viking m'a accompagné
quotidiennement pendant ces cinq dernières années en parallèle de ma carrière professionnelle. J'en écris les
dernières lignes aujourd'hui, après avoir pris la direction d'un Musée de France en tant qu'attaché territorial
de conservation du patrimoine.
Je tiens à remercier l'Université de Caen-Basse Normandie pour m'avoir offert de donner corps à ma passion
par le biais des études par correspondance, je remercie le lecteur de ce mémoire pour son intérêt et sa
bienveillance, et je tiens enfin à remercier très sincèrement et très chaleureusement mon directeur de
recherche, Pierre Bauduin, pour m'avoir accompagné et encadré dans cette formidable aventure humaine.
Ma seule attente et mon seul espoir est d'avoir pu quelque peu pu mettre en lumière l'hivernage viking, et
d'avoir apporté ma pierre, aussi modeste soit-elle, à la connaissance de l'histoire médiévale.
Chronique Anglo-saxonne
• Édition en vieil-anglais : The Anglo-Saxon Chronicle, éd. D ; Whitelock, D. Douglas et
S. Tucker, Londres, Eyre and Spottiswoode, 1961 ;
• Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
Études récentes
• BAUDUIN, Pierre, Le monde franc et les vikings, VIIIème-Xème siècle, Paris, Albin Michel, 2009, 451 p.
• BAUDUIN, Pierre, Les vikings, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2004, 126 p.
• COUPLAND, Simon, « The Vikings in Francia and Anglo-Saxon England to 911 », in McKITTERICK, Rosamond
(dir.), The New Cambridge Medieval History Volume 2 : c.700–c.900, Cambridge university press, 1995, p.
190-201
• BOYER, Régis, Les vikings, Paris, Perrin, 2002, 442 p.
• CHRISTIANSEN, Eric, The Norsemen in the viking age, Oxford, Malden Mass, 2002, 378 p.
• GRAHAM-CAMPBELL, James, « Les traces archéologiques des peuplements scandinaves en Occident », in
BAUDUIN, Pierre (dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Actes
du colloque de Cerisy-la-Salle, 25-29 sept. 2002, Caen, CRAHM, 2005, p. 13-24
• HAYWOOD, John, Atlas des vikings, Paris, Autrement, 1995, 144 p.
• RIDEL, Elisabeth (dir.), Les Vikings dans l'empire franc : impact, héritage, imaginaire (catalogue de
l'exposition du musée des Beaux-Arts de Valenciennes, 2014), éditions Orep, Bayeux, 2014, 143 p.
• WILLIAMS, Gareth, PENTZ, Peter, WEMHOFF, Matthia, (éd.), in Vikings, life and legend, Londres, The British
Museum Press, 2014, p.120-121
Études historiographiques
• KLÆSØE, Iben Skibsted, « Research history, some comments », in KLÆSØE, Iben Skibsted (dir.), Viking trade
and settlement in continental western Europe, Museum Tusculanum Press, University of Copenhaguen, 2010,
p. 7-18
• NISSEN-JAUBERT, Anne, « Some aspects of viking research in France », in STEFEN STUMANN, Hansen,
RANDSBORG, Klavs (dir.), Vikings in the West, Acta Archaeologica vol. 71, Copenhague, Munksgaard, 2001, p.
159-169
Synthèses régionales
Bassin du Rhin, de la Meuse et de la Somme
• BESTEMAN, Jan, « Two viking hoards from the former island of Wieringen (the Netherlands) : viking relations
with Frisia in an archaeological perspective », in HINES, John, LAN, Alan, REDKNAP, Mark, Land, Sea and
Home : proceedings of a conference on viking-period settlement (Cardiff, July 2001), Maney, 2004, p. 93-108
• DE VRIES, Jan, De Vikingen in de Lage Landen bij de zee, Groningen, Tjeenk Willink, 1923 430 p.
• D’HAENENS Albert, Les invasions normandes en Belgique au IX ème siècle. Le phénomène et sa répercussion
dans l'historiographie médiévale, Louvain, Bibliothèque de l'Université, 1967, 391 p.
• HIMSTEDT, Thomas, « How the viking got to the Rhine. A historical-geographical survey over the Rhinelands
in the early middle ages », in SIMEK, Rudolf, ENGEL, Ulrike (dir.), Viking on the Rhine. Recent research on
early medieval relations between the rhinelands and scandinavia, Fassbaender, Wien, 2004, p. 23-38
Bassin de la Seine
• BAUDUIN, Pierre, La première Normandie (Xème-XIème siècles). Sur les frontières de la haute Normandie
identité et construction d’une principauté, Caen, Presses Universitaires de Caen, 2004, 469 p.
• LE MAHO, Jacques, « Les Normands de la Seine à la fin du IXème siècle », in BAUDUIN, Pierre (dir.), in
BAUDUIN, Pierre (dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de Normandie, Actes
du colloque de Cerisy-la-Salle, 25-29 sept. 2002, Caen, CRAHM, 2005, p. 161-180
• LE MAHO, Jacques, « Les premières installations normandes dans la basse vallée de la Seine (fin du IX ème
siècle) », in FLAMBARD HERICHER, Anne-Marie, (dir.), La progression des vikings, des raids à la
colonisation, Rouen, Publications de l'Université de Rouen et du Havre, 2003, p. 153-170
• LE MAHO, Jacques, « Les Normands dans la vallée de la Seine (IX ème-Xème siècles) », in Les vikings en France.
Les dossiers de l'archéologie n°277, Dijon, Faton, octobre 2002, p. 26-33
• MAZET-HARTOFF, Laurent, « Sur la trace des vikings en Haute-Normandie : problématique », in FLAMBARD
HERICHER, Anne-Marie, (dir.), La progression des vikings, des raids à la colonisation, Rouen, Publications de
l'Université de Rouen et du Havre, 2003, p. 119-152
• NELSON, Janet L., Charles the Bald, éd. Longman, London, 1992, 349 p.
• NISSEN-JAUBERT, Anne, « Implantations scandinaves et traces matérielles en Normandie. Que pouvons-nous
attendre ? », in BAUDUIN, Pierre (dir.), Les fondations scandinaves en Occident et les débuts du duché de
Normandie, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 25-29 sept. 2002, Caen, CRAHM, 2005, p. 209-224
Angleterre
• BARRETT, James H., « The Norse in Scotland », in BRINK, Stefan (éd.), PRICE, Neil (coll.), The viking world,
Routledge, 2008, p.411-427
• DOWNHAM, Clare, « Vikings in England », in BRINK, Stefan (éd.), PRICE, Neil (coll.), The viking world,
Routledge, 2008, p. 341-359
• GRAHAM-CAMPBELL, James, « L’expérience viking dans l’Europe du Nord-Ouest », in BOYER, Régis, Les
vikings, premiers européens, VIII èm-XIèm siècle : les nouvelles découvertes de l’archéologie, BOYER, Régis,
(dir.), Paris, Autrement, 2005, p. 94-105
• LOYN, Henry, The vikings in Britain, Wiley-Blackwell, Oxford, 1995, 140 p.
• McLEOD, Shane, The beginning of Scandinavian settlement in England, The viking 'Great Army' and early
settlers,c. 865-900, Brepols publishers, Turnhout, 2014, 130 p.
• REDKNAP, Marc, « The viking in Wales », in BRINK, Stefan (éd.), PRICE, Neil (coll.), The viking world,
Routledge, 2008, p. 401-410
• RICHARDS, Julian D., Viking Age England, The History Press, Gloucestershire, 1991 , 272 p.
• RICHARDS, Julian D., « Viking settlement in England », in BRINK, Stefan (éd.), PRICE, Neil (coll.), The viking
world, Routledge, 2008, p. 368-374
• WILLIAMS, Gareth, « Vikings camps in England and Ireland », in WILLIAMS, Gareth, PENTZ, Peter,
WEMHOFF, Matthia, (éd.), in Vikings, life and legend, Londres, The British Museum Press, 2014, p.120-121
Etudes thématiques
Etudes chronologiques
• LOT, Ferdinand, « Roric. Ses incursions en Frise, en Flandre, en Angleterre, à Rouen (850-851) », rééd. in
Recueil des travaux historiques, t.II, Genève-Paris, Droz, 1970, p. 678-685
• LOT, Ferdinand, « Godfried et Sidroc sur la Loire (852-853) », rééd. in Recueil des travaux historiques, t.II, Genève-
Paris, Droz, 1970, p. 686-690
• LOT, Ferdinand, « Sidroc sur la Loire. Les Normands en Bretagne, en Aquitaine, en Gascogne (853-857) », rééd.
in Recueil des travaux historiques, t.II, Genève-Paris, Droz, 1970 ; p. 691-704
• LOT, Ferdinand, « La soi-disant prise de Nantes par les Normands en 853. Critique des sources », rééd. in
Recueil des travaux historiques, t.II, Genève-Paris, Droz, 1970, p. 705-710
• LOT, Ferdinand, « La grande invasion normande de 856-862 », (rééd. de 1908), in Recueil des travaux historiques,
t.II, Genève-Paris, Droz, 1970, p. 711-770
• LOT, Ferdinand, « La Loire, l'Aquitaine et la Seine de 863 à 866. Robert le Fort », rééd. in Recueil des travaux
historiques, t.II, Genève-Paris, Droz, 1970, p. 781-819
Etudes maritimes
• BILL, Jan, « Navires et navigation en Occident à l'époque viking », in FLAMBARD HERICHER, Anne-Marie,
(dir.), La progression des vikings, des raids à la colonisation, Rouen, Publications de l'Université de Rouen et
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• CASSARD, Jean-Christophe, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,
1998, 194 p.
• DURAND, Frédéric, Les vikings et la mer, Paris, Errance, 1996, 135 p.
• ELLMERS Detlev, « Hafenbau », in LINDGREN, Uta (dir.), Europäische technik im mittelalter, 800 bis 1400,
Etudes militaires
• BROOKS, Nicholas, « England in the Ninth Century : the crucible of the defeat », in Transactions of the Royal
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• FALK, Hjalmar, Altnordische Waffenkunde, J. Dybwad, Kristiania, 1914, 211 p.
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• JÄSCHKE, Kurt-Ulrich, Burgenbau und Landesverteidigung um 900 : Überlegungen zu Beispielen aus
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Julian D., Cultures in contact : scandinavian settlement in England in the ninth and tenth century, Brepols
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• ROESDAHL, Else, SINBAECK, Soren M., PEDERSEN, Anne, WILSON, David M., Aggersborg, The viking-age
settlement and fortress, National Museum of Denmark, Jutland Archeological Society, Hojbjerg, 2014, 473 p.
• ROESDAHL, Else, MOHEN, Jean-Pierre, DILLMAN, François-Xavier, Les Vikings : les scandinaves et l'Europe
800-1200 : 22e exposition d'art du Conseil de l'Europe (Grand Palais, Paris 2 avril-12 juillet 1992, Altes
Museum, Berlin 1er septembre-15 novembre 1992, Nationalmuseet, Copenhague, 26 décembre 1992-14 mars
1993), Paris, Conseil de l'Europe, 1992, 428 p.
• ROESDAHL, Else, SINDBAEK, Soren M., PEDERSEN, Anne, Aggersborg : the Viking-Age settlement and
En Espagne
• CHRISTYS, Ann, Vikings in the south – voyage to Iberia and the Mediterranean, Studies in early medieval
history, Bloomsberry, London & New York, 2015, 134 p.
• GARCÍA LOSQUIÑO, Irène, « Digging up the 'spanish vikings' », Site internet de l'université de Aberdeen,
University of Aberdeen - News : communicating the work and achievements of the University and its people to
the World , <http://www.abdn.ac.uk/news/7184/>, 18 décembre 2014
• GARCÍA LOSQUIÑO, Irène, « new research on the Viking-Age in northern Spain », in Viking Studies Research
Group, University of York, 3 february 2017 , <https://www.youtube.com/watch?v=exj6guVrsQU>
Sites problématiques
• GIOT, Pierre-Roland, « L'île au Rats de l'Odet », in Bulletin de l'AMARAI n°4, Rennes, Université de Rennes,
1991, p. 65-68
• LANGOUET, Loïc, « Un retranchement normand « insulaire » : Gardaine à Saint-Suliac », in Bulletin de
l'AMARAI n°4, Rennes, Université de Rennes, 1991, p. 55-64
• LANGOUET Loic, « Les fouilles archéologiques du bastion de Solidor à Saint-Malo », in Dossiers du Centre
Régional Archéologique d'Alet, Saint-Malo, CeRAA, 1983, 189 p.
• LOT, Ferdinand, « Un prétendu repaire de pirates normands au IXe siècle », in Bulletin de l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres, 1945, p.423 et sv
Fiches d'analyse des différents moments d'hivernage viking dans les monde
franc et britannique
Nos annexes sont composés d'un corpus de fiches de synthèse évoquant les
différentes moments d'hivernage viking dans les mondes franc et britannique. Nous avons
déjà souligné la raison qui nous a amené à les créer, et à y reprendre d'une part les sources
documentaires, d'autre part les sources archéologiques. Ces différentes fiches ont
également l'ambition d'être des grilles d'analyse pour l'hivernage, nous permettant de
mettre en lumière certaines clefs de compréhension de ce phénomène. Ces grilles nous
fournit des éléments partiels de réponses, nous permettant de construire de manière
rigoureuse notre étude.
Ainsi, cette analyse est cadrée par deux importantes questions : dans quelles conditions
s'est installé l'hivernage concerné, et qu'est-il devenu ? Ces deux lignes nous permettent de
replacer cet hivernage dans le déroulement des évènements historiques. Dans la même
lignée, nous cherchons également à savoir pour quel objectif s'est installé cet hivernage :
afin d'attendre la belle saison pour repartir, de reprendre les pillages, de s'installer de
manière durable peut-être ?
Une autre thématique d'information peut nous renseigner sur ce que fut l'hivernage
concerné : où s'est-il installé sur le territoire ennemi ? Quel site ou quelles structures ont
été employées ou on été édifiées ? Approcher le camp d'hivernage nous permet également
de tenter de découvrir dans les sources des informations sur la vie quotidienne de la troupe
viking en hivernage, ou sur les relations qu'elle entretenait avec la population locale. Enfin,
une dernière ligne d'analyse reste ouverte à toute autre information n'entrant pas dans ces
clefs d'analyse, mais pouvant apporter des informations supplémentaires à notre sujet.
Ces fiches de synthèse ne sont pas à voir comme une fin en soi, une production figée, mais
comme un outil de travail destiné à accompagner l'ensemble de notre étude, d'évoluer, et
de toujours s'enrichir et se préciser.
Sources archéologiques : /
Situation géographique : Noirmoutier : embouchure de la Loire, point marquant entre Bretagne et Aquitaine
En Aquitaine : au large de l'Aquitaine, entre embouchure de la Loire et Espagne. Peut-
être une île à l'embouchure de la Charente, ou de la Garonne ?
Vie quotidienne : Ils ont « apporté leurs foyer du continent et ont décidé de passer l'hiver dans quelque
chose comme une installation permanente. »
Interactions avec la
population :
Autres informations : - Des prisonniers ont été enfermés dans un camp sur l'île de Noirmoutier, pour être
revendus comme esclaves (Musset, 1965). Certains captifs ont réussis à s'enfuir par le
passage du Gois (passage à gué submersible reliant Noirmoutier au continent,
praticable seulement à marée basse) (Cassard, 1996).
- Centre commercial de vente du sel
[CAS 851] (850) « Here Ealdorman Ceorl with Devonshire fought against [CAS 851] (850) «Ici le ealdorman Ceorl et le Devonshire se sont battus
the heathmen men at Wicga’s stronghold, and made a great slaughter contre les païens à la forteresse de Wicga, firent un grand carnage, et ont
there and took the victory. And the heathen men stayed in Thanet over the remporté la victoire. Et l'armée païenne resta à Thanet pendant l'hiver. Et
winter. And the same year [851] three-and-a-half hundred ships came into la même année [851] 350 navires sont entrés dans l'embouchure de la
the mouth of the Thames, and stormed Canterbury, and put to flight Tamise, ont pris d'assaut Canterbury, et ont mis en fuite Beorhtwulf, roi de
Beorhtwulf, king of Mercia, with his army, and then went south over the Mercie, et son armée. Puis sont allés au sud de la Tamise vers Surrey. Le
Thames into Surrey ; and King Aethelwulf and his son Aethelbald, with the roi Aethelwulf, son fils Aethelbald et l'armée axons de l'ouest se sont battus
army of Wessex, fought against them at Oak Field, and there made the contre eux à Oak Field firent le plus grand massacre de l'armée païenne
greatest slaughter of a heathen raiding-army that we have ever heard tell que nous avons entendu parler jusqu'à aujourd'hui, et ont remporté la
of, and there took victory. And the same year King Athelstan, and Dux victoire. Et la même année le roi Athelstan et le comte Ealhhere ont
Ealhhere fought in ships, and struck a great raiding-army at Sandwich, attaqué un grand armée de raid à Sandwich dans le Kent, ont capturé neuf
and captured 9 ships and put the others to flight. » navires, et ont mis les autres en fuite. »
[CAS 853] « Then that same year Ealhhere with the inhabitants of Kent [CAS 853] «Alors même année Ealhhere avec les habitants du Kent et
and Huda with the men of Surrey fought in Thanet against a heathen Huda avec les hommes de Surrey a combattu à Thanet contre une armée
raiding-army, and at first took the victory, and many were killed and païenne de raids, et pour la première fois ils remportèrent la victoire.
drowned there on either side. » Beaucoup furent tués et noyés de chaque côté.
[CAS 852] (853) « And the same year Ealhhere with the inhabitants of [CAS 852] (853) « Alors même année Ealhhere avec les habitants du Kent
Kent, and Huda with the Surrey men, fought in Thanet against a heathen et Huda avec les hommes de Surrey a combattu à Thanet contre une armée
raiding-army ; and many were killed and drowned there on either side, païenne de raids, et pour la première fois ils remportèrent la victoire.
and the ealdormen both dead. » Beaucoup furent tués et noyés de chaque côté, chaque ealdormen morts. »
Sources /
archéologiques :
Conditions S'installent pour hiverner pour la première fois dans un contexte de défaites.
d'installation :
Objectif de l'hivernage :
Vie quotidienne :
Interactions avec la
population :
Autres informations : Asser, dans sa Vie d'Alfred, évoque ce premier hivernage dans le monde anglo-saxon sur
l'île de Sheppey et non l'île de Thanet. Il reprend les chroniques anglo-saxonnes dont une
version ne précise aucun site, tandis que d'autres versions évoquent spécifiquement l'île
de Thanet, située à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Sheppey. Selon S. Keynes et
M. Lapidge puis Alban Gautier, il s'agit sans doute ici d'une erreur d'Asser.
Devenir de l'hivernage : Site attaqué par une armée anglo-saxonne, défaite viking et fin de l'hivernage.
Édition latine : Annales Fontanellenses priores (ou Traduction française : Annales Fontanellenses priores (ou
Chronicon Fontanellense), éd. J. Laporte, Rouen-Paris, Chronicon Fontanellense), éd. J. Laporte, Rouen-Paris,
Société de l'histoire de Normandie, Mélanges, 15e série, Société de l'histoire de Normandie, Mélanges, 15e série,
1951, p. 63-91 1951, p. 63-91
[AF 851] « Eodem tempore, classis Nortmannorum fluvium Sequanam [AF 851] « Vers le même temps, la flotte normande pénétra dans la Seine le
ingressa est, ipso die III idus Octobris, duce Hoseri, qui ante aliquot annos 13 octobre, sous la conduite d'Oskar, qui quelques années plus tôt avait
Rothomagum urbem depopularat, ac incendio cremarat, il est anno dévasté et brûlé la ville de Rouen, c'est-a-dire en l'an 841, et pendant onze
dominicae Incarnationis D CCC XL, et per annos XI multas regiones ans avait vécu de pillages en diverses régions, notamment à Bordeaux,
latrocinando occuparat, inter quas et urbem Burdegalim, munitissimam, ville très forte, et capitale de la Novempopulanie, d'où il venait alors. Ils
caput regionis Novempopulanae, de qua tunc progressus fuerat. Primitus s'attaquèrent au monastère de Fontenelle, et pour commencer, dévastèrent
Fontinellam monasterium aggressi, cuncta eius depopularunt. Ad toutes ses possessions ; puis, enfin, quatre-vingt-neuf jours après leur
extremum etiam, post dies ingressus sui Sequanam L XXX VIIII, ipso die V entrée en Seine, le 9 janvier, ils l'incendièrent de fond en comble deux cent
Idus ianuarii, ad solum usque eremarunt, cum stetisset a primo dix-huit ans, un mois, et treize jours après sa fondation. Ils brûlèrent vers
aedificationis suae die CC XVIII annis, mense uno, et dies XIII. Belloaeus le même temps Beauvais et la monastère Saint-Germer de Flay. Comme ils
interea urbem cremarunt, et Flaviacum monasterium. De qua eum en revenaient, les Francs les rejoignirent en un lieu appelé Vardes ; un
reverterentur, in loco nuncupato Vuardera a Francis exepti plurimi grand nombre de pirates fut tué, les survivants se cachèrent dans les
interfecti sunt, reliqui siluis se occuluerunt, sicque noctu aliqui ad naves forêts, et de la sorte quelques-uns, marchant de nuit, purent rejoindre
reversi sunt. Fuerunt autem in Sequana a III idus octobris usque nonis leurs vaisseaux. Ils demeurèrent dans la Seine depuis le 13 octobre
iunii, dies CC LXXX VII sicque onustis navibus ad Burdegalim reversi jusqu'au 5 juin, pendant deux cent quatre-vingt-sept jours, et ayant rempli
sunt. Testantur regiones sequanae adiacentes quia ex quo gentes esse leurs navires de butin, revinrent à Bordeaux. Les régions voisines de la
ceperunt nunquam tale exterminium in his territorriis auditum est. Tanta Seine témoignèrent que depuis l'origine des nations, jamais n'entendit-on
enim egerunt quanta nemo prudentium chronographorum enarrare parler d'une pareille extermination en ces territoires. Ils en firent tant
sufficeret, ideirco multa reliqui, quia sub brevitate narrare disposui. » qu'aucun chroniqueur prudent ne pourrait venir à bout d'énumérer leurs
atrocités ; aussi j'ai dû passer beaucoup de choses sous silence, n'ayant
voulu composer qu'une brève narration. »
Sources archéologiques : /
Situation géographique : Mauvaise saison probablement passée sur la Seine d'influence maritime
(présence en octobre à l'embouchure, en janvier à hauteur de Fontenelle en aval de
Rouen, soit en aval de la Seine fluviale, les marées se faisant ressentir jusqu'au Pont-de-
l'Arche, à40 km en amont de Rouen)
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Flotte commandée par Hoseri (A'sgeirr). Premier hivernage sur la Seine.
Devenir de l'hivernage : Défaite à Vardes dans la vallée de l'Epte en juin 852, les vikings quittent la Seine vers
Bordeaux.
Édition latine : Annales Fontanellenses priores (ou Traduction française : Annales Fontanellenses priores (ou
Chronicon Fontanellense), éd. J. Laporte, Rouen-Paris, Chronicon Fontanellense), éd. J. Laporte, Rouen-Paris,
Société de l'histoire de Normandie, Mélanges, 15e série, Société de l'histoire de Normandie, Mélanges, 15e série,
1951, p. 63-91 1951, p. 63-91
[AF 852] « ANNO D CCC LII, classis Sydroc et Godefridi ducum Danorum [AF 852] « L’an 852, la flotte de Sydroc et de Godefroy, chefs des Danois,
YII idus octobris Sequanam ingreditur, et usque Augustudunas accessit. entra en Seine le 9 octobre, et poussa jusqu’à Augustidunum. Les glorieux
Contra quos Clotharius et Carolus reges gloriosi obsidiones ponunt. Sed rois, Lothaire et Charles allèrent les y assiéger. Mais les Normands,
Nortmanni, aqua freti, deputatam sibi hiemem exegerunt in loco qui maîtres du fleuve, hivernèrent, comme on le leur avait accordé, en un lieu
dicitur Gbivoldi Fossa, et in mense iunio recedunt, mare petentes. » appelé Jeufosse, et le quittèrent au mois de juin, regagnant la mer. »
Sources archéologiques : /
Conditions Flotte remonte le fleuve jusqu'à Augustidunum en octobre 852, puis s'installent sur
d'installation : Jeufosse suite à une siège et un accord.
Situation géographique : Mauvaise saison probablement passée sur la Seine d'influence fluviale
(Port-Villez, où l'on propose de situer Augustidunum, comme Jeufosse, sont en amont
du Pont-de-l'Arche, où l'on ressent encore les marée)
Site exploité par Peut-être un site fortifié antérieur, l'oppidum du Camp de César de Port-Villez, rive
l'hivernage : gauche face à une embouchure de l'Epte
Peut-être une île, Lothaire et Charles-le-Chauve ayant mené le siège sur chacune des
deux berges de la Seine, les vikings étant protégés par l'eau (« aqua freti...in loco »).
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
[AB 854] « Dani in ligere consistentes, usque ad [AB 854] « The Danes stayed on the Loire. They [AB 854] «Les Danois sont restés sur la Loire. Ils
Blisum castrum veniunt, ipsuimque incendunt, sailed up as far as the stronghold of Blois which ont navigué jusqu'au château de Blois qui ils ont
volentes inde Aurelianis pervenire, eadem they burned. Their aim was to reach Orléans and brûlé. Leur but était de parvenir à Orléans et y
patraturi. Praeparantibus vero adversus eos wreak the same havoc there. But Bishop Agius of faire les mêmes ravages. Mais l'évêque Agius
navigia et bellatores episcopo Aurelianensium Orléans and Bishop Burchard of Chartres got d'Orléans et l'évêque Burchard de Chartres se
Agio et Carnutum Burchardo, ab intentione ready ships and warriors to resist them ; so the tinrent prêts à leur résister avec leurs navires et
desistunt et inferiora Ligeris repetunt. » Danes gave up their plan and headed back to the guerriers, de sorte que les Danois ont renoncé à
lower waters of the Loire. » leur plan et se sont dirigés vers les eaux
inférieures de la Loire. »
[AB 855] « Nortmanni Legerim ingressi, relictis [AB 855] « The Northmen sailed up the Loire. [AB 855] «La Normands navigèrent sur la Loire.
navibus, pedestri itinere urbem Pictavorum They left their ships and tried to reach Poitiers Ils ont quitté leurs navires et ont tenté de
adire moliuntur ; sed occurrentibus Aquitanis on foot. But the Aquitanians came up to meet rejoindre Poitiers à pied. Mais les Aquitains venu
adeo profligati sunt, ut ultra trecentos pauci them and beat them so soundly that hardly more à leur rencontre et les battirent si durement que
evaserint. Horich et Godefribus, nequaquam than 300 of them escaped. Roric and Godefrid, guère plus de 300 d'entre eux se sont échappés.
arridentibus sibi successibus, Dorestado se on whom success had not smiled, remained Roric et Godefrid, à qui le succès n'avait pas
continent, et parte maxima Fresiae potiuntur. » based at Dorestad and held sway over most of souri, demeurèrent basés à Dorestad et
Frisia. » dominèrent la plupart de la Frise. »
Édition latine : Chronicon de Réginon Traduction allemande : Chronicon de Traduction française personnelle
de Prüm, éd. RAU, R., AQDGM, VII, Réginon de Prüm, éd. RAU, R.,
Berlin, Rütten und Loening, 1960, p. AQDGM, VII, Berlin, Rütten und
179-319 Loening, 1960, p. 179-319
[RdP 853] « Anno dominicae incamationis [RdP 853] « Im Jahr der göttlichen [RdP 853] « Dans l'année 853 de l'incarnation
DCCCLIII. Nortmanni Brittannicum mare Menschwerdung 853 besetzten Normannen auf divine, les Normands ont navigués de la mer de
navigio girantes ostia Ligeris fluminis Kreuzfahrten durch das bretonische Meer die Bretagne à l'embouchure de la Loire et pénètrent
occupaverant et repentina irruptione civitatem Loiremündung und dringen bei einem dans la ville de Nantes lors d'une attaque
Namnetis invadunt omniaque caedibus, plötzlichen Überfall in die Stadt Nantes ein, wo soudaine, où ils tuèrent et dévastèrent par le
incendiis ac rapinis depopulantes pontificem sie alles durch Mord, Brand und Raub meurtre, l'incendie et les pillage, l'évêque de la
civitatis ipso die sabbato sancto paschae, cum verheerend, den Bischof der Stadt in der Basilika ville étant alors dans sa basilique pour le samedi
baptismum ex more celebraret, in basilica am heiligen Ostersamstag, als er gerade in saint de Pâques, et fêtait le baptême de la
interficiunt clerumque trucidant; omnemque gewohnter Weise die Taufe feierte, erschlagen manière habituelle, ils massacrèrent les
circumquaque regionem devastantes primum und die Geistlichen niedermetzeln. Die ganze ecclésiastiques. Ils s'emparèrent de toute la
Andegavensem, deinde Turonicam occupant Gegend ringsumher verwüstend, erobern sie région autour en dévastant d'abord Angers, puis
urbem ac, velut inmanis tempestas cuncta zuerst Angers, dann Tours und vertilgen alles, ensuite Tours et détruirent tout, comme le vent
prostemit, ita cuncta consumunt. Templum wie ein ungeheurer Sturmwind alles niederwirft. d'une immense tempête réprime tout. Ils ont
etiam precellentissimi pontificis Martini incendio Auch das Heiligtum des vortrefflichsten Bischofs également mis le feu au sanctuaire du plus
cremant. Tunc primum Nortmannorum classis, Martin lassen sie in Flammen aufgehen. Damals exceptionnel des évêques Martin. Enfin, comme
ut aiunt, Ligeris attigit litora. » landete zum erstenmale, wie man sagt, eine on l'a dit, une flotte normande s'installa pour la
normannische Flotte an den Ufern der Loire. » première fois sur les bords de la Loire. »
Sources archéologiques : /
Conditions Restent plusieurs années sur la Loire suite à une série de victoires.
d'installation :
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Reculent avant d'arriver à Orléans, défendue par des navires et guerriers.
Trois années successives d'hivernage.
Sources archéologiques : /
Conditions /
d'installation :
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Situation géographique : Région maritime formée par le delta du Rhône, probablement de caractère fluvial.
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
[AB 858] « Karlus rex onsulam Sequanae [AB 858] « In july, King Charles came to the [AB 858] «En juillet, le roi Charles est venu à l'île
vocabulo Oscellum, Danos in ea commorantes island of Oisssel in the Seine to besiege the Danes d'Oissel sur la Seine pour assiéger les Danois ,
obsessurus, mense julio adgreditur, ubi ad eum ensconced there. There the Young Charles, his bien installés. Là, le jeune Charles, son fils, est
Karolus puer, mense julio adgreditur, ubi ad son, arrived from Aquitaine and along with him arrivé d'Aquitaine et avec lui est venu Pippin,
eum Karolus puer, filius ejus, ab Aquitania came Pippin, now a layman. King Charles maintenant un laïc. Le roi Charles a reçu Pippin
pervenit. Cum quo Pippinum jam laicum received Pippin and handed over to him some et lui a remis certains comtés et monastères en
venientem suscipit, et ei comitatus ac monasteria counties and monasteries in Aquitaine. In August Aquitaine. Egalement en août, le roi Lothaire se
in Aquitania tribuit. Hlotarius etiam rex ad too, King Lothar hastened to that same island of hâta vers cette même île d'Oissel, pour porter
eamdem insulam mense augusto properat Oissel, to bring help to his uncle. They stayed secours à son oncle. Ils y sont restés jusqu'au 23
avunculo adjutorium conlaturus ; ubi usque there till 23 september, without making any septembre, sans faire de progrès dans le siège. »
nono kalendis octobris absque profectu progress in the siege. »
obsidionis demorantes, tandem ad propria
remeant.
[AB 861] « Dani qui pridem Morinum civitatem [AB 861] « The Danes had lately come back from [AB 861] «Les Danois étaient récemment
incenderant, de Anglis revertentes, duce the English and burned Thérouanne. Under revenus d'Angleterre et avaient brûlé
Welando cum ducentis et eo amplius navibus per Weland 's command, they now sailed up the Thérouanne. Sous le commandement de Weland,
Sequanam ascendut, et castellum in insula quae Seine with over 200 ships, and besieged the fort ils ont navigué maintenant sur la Seine avec plus
Oscellus dicitur, a Nortmannis constructum, et built by the Northmen on the island of Oissel de 200 navires, et assiégèrent le fort construit
eosdem Nortmannos obsidient. Ad quorum with those Northmen inside it too. To support the par les Normands sur l'île d'Oissel avec ces
obsidentium videlicet locarium quinque millia besiegers, Charles ordered a levy to be raised Normands encore à l'intérieur. Pour soutenir les
libras argenti, cum animalium atque annonae from his realm to bring in 5 000 lb of silver and assiégeants, Charles a ordonné un prélèvement
summa non modica, de regno suo, ne a large amount of livestock and corn, so that the sur son royaume afin d'apporter 5 000 livres
depraedaretur, exigi Karolus pracepit, et realm should not be looted. Crossing the Seine, d'argent et une grande quantité de bétail et de
Sequanam transiens, Meidunum super Ligerim he came to Meung on the Loire where he received maïs, de sorte que le domaine ne soit pas pillé.
adit ; Rodbertum cum placitis honoribus Robert with honores agreeable to him. Just at Traversant de la Seine, il est venu à Meung-sur-
recipit. (…) Interea Danorum pars altera cum this time, Guntfrid and Gauzfridd, on whose Loire où il a reçu Robert avec les honneurs qui lui
sexaginta navibus per Sequanam in fluvium advice Charles had received Robert, defected étaient agréables. Juste à ce moment, Guntfrid et
Tellas ascendut, indeque ad obsidentes castellum from Charles to Salomon duke of the Bretons Gauzfridd, qui avaient été reçus par Charles sur
perveniunt, et eorum societate junguntur. along with their associates, in an unheard-of les conseils de Robert, firent défection de Charles
Obsessi autem famis inedia et miseriae omnis way, and with a treacherousness like that of à Salomon duc des Bretons avec leurs
squalore compulsi, sex millia libras inter aurum barbarians. » compagnons, d'une manière incroyable, et d'une
et argentum obsidentibus donant eisque traîtrise digne des barbares. »
sociantur, et sic per Sequanam usque ad mare
descendunt. »
[AF 856] « Sequenti anno, Sydroc egreditur de fluuio. Bemo in quadam [AF 856] « L’année suivante, Sydroc sortit du fleuve. Bjorn éleva une
insula castrum aedificat, ubi a Carolo rege nauali obsidione obsessus est, forteresse dans une île, où le roi Charles l’investit par eau en l’an 859, mais
anno D CCC LVIIII, sed factione Ludouici fratris et quorundam les intrigues de son frère Louis et de quelques séditieux l’obligèrent à
seditiosorum, ab eo loco y repellitur. » abandonner la place. »
Conditions Retour sur un site où Charles-le-Chauve et Lothaire leur avait autorisé de s'installer
d'installation : temporairement en octobre 852.
Installation après une défaite en 855 puis de nombreux pillages en 856, pour passer
l'hiver.
Situation géographique : Mauvaise saison probablement passée sur la Seine d'influence fluviale (Jeufosse, est en
amont du Pont-de-l'Arche, où l'on ressent encore les marée).
Confluent de l'Epte.
Frontière des provinces de Rouen, Paris et Chartres.
Sur la voie antique de de Beauvais à Chartres via Chaussy (Calcium).
Objectif de l'hivernage : Continuer les pillages en remontant la Seine, vers Paris, Chartes, Evreux
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Flotte menée par Sydroc, qui a Jeufosse en 853, et Jjorn (Biern, Bernon, Bjoern), puis
départ de Sydroc et seul Jjorn reste à Jeufosse.
Peut-être une utilisation de la cavalerie.
Devenir de l'hivernage : Siège par Charles-le-Chauve et Lothaire de juillet à septembre 858, sans succès.
Pillages à Bayeux, Beaux, Noyon.
Siège par le Viking Weland, avec le soutien de Charles-le-Chauve, et départ des assiégés
vers la mer suite à un accord.
[AB 862] « nuncium accepit, quia Danorum [AB 862] « But Charles now received news that a [AB 862] «Mais Charles reçoit maintenant la
electi de his qui in Fossatis resederant, cum select force of Danes, picked from amongst those nouvelle qu'une force choisie de Danois, pris
parvis navibus Meldensium civitatem adirent. encamped at Fossés, was making for Meaux with parmi ceux campé à Fossés, se dirigeait vers
Ipse autem cum eis quos secum habuit illo a few ships. Charles made all speed in that Meaux avec quelques navires. Charles a pris très
pergere maturavit : et quoniam, pontibus a direction with those men whom he had with him. rapidement cette direction avec les hommes qu'il
Nortmannis destructis et navibus occupatis, eos But he could not catch up with them, because the lavait avec lui. Mais il ne pouvait pas les
adire non poterat, necessario usus consilio, bridges had been destroyed and the ships taken rattraper, parce que les ponts avaient été
pontem ad insulam secus Trejectum reficit, et over by the Northmen. He therefore followed détruits et les navires pris par les Normands. Il
Nortmannis descendendi aditum intercludit ; some indispensable advice and rebuilt the bridge suivit donc quelques conseils indispensables et
scaras nihilominus ex ultraque ripa Matronae across to the island by Trilbardou, thereby reconstruit le pont à travers l'île par Trilbardou,
ad custodiam deputat. Qua de re Nortmanni cutting the Northmen's access to the way down réduisant ainsi l'accès des Normands à la
valde constricti, obsides electos et Karolo missos the river. He also assigned squadrons to guard descente de la rivière. Il a également assigné des
ea conditione donant, ut omnes captivos quos both banks of the Marne. The Northmen, now escadrons à la garde des deux rives de la Marne.
ceperant postquam Matronam intraverant, sine tightly hemmed in by these moves, gave hostages Les normands, désormais bien cernés par ces
mora aliqua redderent, et aut cum aliis chosen by Charles, and on his orders : the mouvements, ont donné des otages choisis par
Nortmannis constituto die placiti a Sequana conditions were that they should return without Charles. Suivant ses ordres, ses conditions
recedentes mare peterant, aut si alii cum eis any delay all the captives they had taken since étaient qu'ils devaient rendre sans délai en
redire non vellent exercitu Karoli retractantes sailing up the Marne, and either, on some quelques lieux tous les prisonniers qu'ils avaient
ire bello appeterent ; sicque, datis decem prearranged assembly-date, should withdraw pris depuis qu'ils remontaient la Marne, qu'ils
obsidibus, sunt ad suos redire permissi. » from the Seine with the other Northmen, and devrait se retirer de la Seine avec les autres
seek the open sea, or, if the others would not Normands, et aller en haute mer, ou, si les autres
withdraw with them, should unite with Charles ne se retireraient pas avec eux, devraient s'unir
army to attack those who refuse to go. Thus, avec l'armée de Charles pour attaquer ceux qui
when ten hostages had been given, they were refusent de partir. Ainsi, lorsque dix otages ont
allowed to return to their own people. » été donnés, ils ont été autorisés à retourner
auprès de leur propre peuple. »
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
Dudon de Saint-Quentin
Guillaume de Jumièges
Sources archéologiques : /
Situation géographique : Mauvaise saison probablement passée sur la Seine d'influence fluviale (Jeufosse, est en
amont du Pont-de-l'Arche, où l'on ressent encore les marée).
Confluent de l'Epte.
Frontière des provinces de Rouen, Paris et Chartres.
Sur la voie antique de de Beauvais à Chartres via Chaussy (Calcium).
Objectif de l'hivernage : Réparer leurs bateaux et attendre l'équinoxe de printemps pour prendre la mer.
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Dudon de Saint-Quentin
Guillaume de Jumièges
Sources archéologiques : /
Conditions Ont redescendus la Seine et attendus le paiment d'une somme qui leur était dûe.
d'installation :
Situation géographique : Mauvaise saison probablement passée sur la Seine d'influence fluviale (Jeufosse, est en
amont du Pont-de-l'Arche, où l'on ressent encore les marée).
Confluent de l'Epte.
Frontière des provinces de Rouen, Paris et Chartres.
Sur la voie antique de de Beauvais à Chartres via Chaussy (Calcium).
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Charles-le-Chauve re-fortifie Pîtres pour empêcher les vikings de remonter à nouveau la
Seine.
Sources archéologiques : /
Conditions /
d'installation :
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 867] « Anno dominicae incamationis [RdP 867] « Im Jahr der göttlichen [RdP 867] « Dans l'année 867 de l'incarnation
DCCCLXVII. Nortmanni ora Ligeris fluminis Menschwerdung besetzten die Normannen die divine, les Normands occupaient l'embouchure
occupantes Namnetensem, Andegavensem, Pieta Loiremündung und fingen von neuem an, die de la Loire et commençaient de nouveau à
vensem atque Turonicam provintiam iterato Gebiete von Nantes, Angers, Poitiers und Tours dévaster cruellement les régions de Nantes,
cmdeliter depopulari coeperunt. Contra quos grausam zu verheeren; gegen diese führen Angers, Poitiers et Tours ; le margrave Ruotbert
Ruotbertus, qui marcam tenebat, et Ramnulfus Markgraf Ruotbert und Herzog Ramnulf von et le duc Ramnulf d'Aquitaine rassemblèrent une
dux Aquitaniae collecta multitudine aciem Aquitanien die von ihnen gesammelten armée contre ceux-ci et allèrent à leur rencontre.
dirigunt. Illi sentientes se ab exercitu insequi Mannschaften ins Treffen. Als sich jene von Quand ils se virent poursuivis par une armée sur
cum summa acceleratione ad classem repedare einem Heere verfolgt sahen, eilen sie in größter terre, ils se retirèrent alors avec la plus grande
contendunt; sed cum appropinquare Hast zu ihrer Flotte zurück ; doch als sie die hâte vers leur flotte; mais quand ils virent la
insequentium multitudinemcernerent, Schar der Verfolger in ihrer Nähe sahen, foule de leurs persécuteurs à proximité, ils
cognoscentes se effugere non posse quandam erkannten sie, daß ein Entkommen durch die reconnurent qu'il ne leur était pas possible de
villam ingrediuntur, ubi se, quantum hora Flucht nicht möglich sei, und dringen in einen s'échapper en s'enfuyant, et pénetrèrent dans un
permisit, communiunt. Erat autem in eadem Flecken81 ein, wo sie sich befestigen, so gut die endroit où il se fixèrent, ainsi que le temps le leur
villa basilica pergrandis ex lapide constructa, in Zeit es erlaubt. An diesem Orte befand sich aber permettait. Cependant il y avait à cet endroit,
qua maxima pars Nortmannorum introivit cum eine sehr große aus Stein erbaute Kirche, in die une très grande église construite en pierre, où la
duce eorum nomine Hastingo. Ruotbertus et sich der größte Teil der Normannen nebst ihrem plus grande partie des normands se trouvait
Ramnulfus cum sociis super eos irruunt, Führer Hasting hineinbegab. Ruotbert und avec leur chef Hasting. Ruotbert, Ramnulf et
quoscumque extra basilicam repererunt, absque Ramnulf mit ihren Genossen fallen über sie her leurs camarades les attaquèrent et tuèrent
mora trucidant. Ad ecclesiam pervenientes, cum und hauen unverweilt alle die nieder, welche sie immédiatement tous ceux qui se trouvaient au
vidissent locum munitum et animadvertissent außerhalb der Kirche fanden. Als sie zur Kirche dehors de l'église. Quand ils sont arrivés à
non modicam turbam paganorum intrinsecus kommend, den Ort befestigt sahen und keine l'église, qui cachait en elle une petite foule de
latitantem, parumper deliberantes castra in geringe Schar von Heiden darin verborgen païens, ils eurent une brève discussion dans leur
circuitu statuunt, tentoria figunt, ut in crastinum fanden, schlagen sie nach kurzer Beratung rings camp et mirent en place des tentes pour le
exstructis aggeribus applicatisque machinis umher ihr Lager auf und errichten Zelte, um am lendemain matin, tout en édifiant des remparts
hostes totis viribus expugnarent ; declinabat Morgen durch Aufwerfung von Wällen und et en utilisant de toutes leurs forces des machines
quippe iam sol ad occasum. Ruotbertus nimio Anwendung von Maschinen die Feinde mit aller pour assiéger les enemis, parce que le soleil était
calore exestuans, galeam et loricam deposuit, ut Kraft zu belagern, denn schon neigte sich die déjà couché. Buotbert qui s'était trouvé en sueur
aura collecta paulisper refrigeraretur ; cumque Sonne zum Untergänge. Buotbert, der durch die à cause de la forte chaleur avait enlevé son
unusquisque in positione castrorum intenderet, starke Hitze in Schweiß geraten war, legte Helm casque et son armure pour se rafraichir un peu ;
repente Nortmanni a munitione exiliunt et cum und Harnisch ab, um sich ein wenig in der et alors que tous étaient occupés à la
ingenti clamore super Ruotbertum ac socios frischen Luft abzukühlen; und io während alle construction du camp, les Normands se
impetum faciunt. Sed quamvis repentini et mit dem Bau des Lagers beschäftigt sind, stürzen précipitèrent au-dehors et se jettèrent
subitanei casus etiam fortissimos viros in bello plötzlich die Normannen aus ihrer Befestigung soudainement en avant avec des cris violents sur
conturbare soleant, tarnen arma quam citius hervor und werfen sich unter gewaltigem Buotbert et ses camarades. Mais les accidents
corripiunt, hostes viriliter excipiunt et cedentes Geschrei auf Buotbert und seine Genossen. Doch soudains et imprévus ayant tendance à arriver
in basilicam redire compellunt. Huotbertus wiewohl plötzliche und unvorhergesehene aux hommes les plus braves dans la confusion
absque galea et iorica accurrens, cum incautius Zufälle auch die tapfersten Männer im Kriege in des bataille , ils prirent leurs armes aussi vite
dimicaret et inimicos ultro insequeretur, Verwirrung zu bringen pflegen, so ergreifen sie que possible, reçurent vaillament leurs enemis et
interfectus est in introitu ipsius / ecclesiae; eius dennoch so schnell wie möglieh ihre Waffen, les les forçèrent à revenir dans l'église. Buotbert
corpus iam exanime Nortmanni intrinsecus nehmen die Feinde mannhaft in Empfang und qui accourait sans casque et ni armure luttait
trahunt. Porro Ramnulfus, cum eminus stans zwingen die Weichenden, in die Kirche trop imprudent et poursuivit même les ennemis
eventum rei specularetur, a quodam Nortmanno zurückzukehren. Buotbert, der ohne Helm und jusqu'au portail de l'église, où ils le tuèrent et
per fenestram basilicae sagittae ictu graviter Panzer herbeieilte, wurde, da er allzu traînèrent son corps déjà inanimé. Ramnulf qui
vulneratus est et a suis ex certamine eductus vix unvorsichtig kämpfte und noch dazu den observait les choses à distance, fut grièvement
triduo supervixit. Tali infelici infortunio pugna Feinden nachsetzte, in der Pforte der Kirche blessé par le tir de flèche d'un normand depuis
commissa est et finita ; exercitus amisso capite selbst erschlugen; seinen schon leblosen Körper une fenêtre de l'église et fut amené par ses
errore pariter ac merore repletus solvit eadem ziehen sie hinein. Auch Ramnulf wurde, als er proches hors de là, il survécu à peine trois jours
hora obsidionem et ad propria revertitur; aus einiger Entfernung dem Ausgange der Sache de plus. Avec une telle malchance, la bataille qui
Nortmanni ovantes ad classem dirigunt zusah, von einem Normannen durch das avait été livrée était finie ; l'armée terrestre,
gressum.» Kirchenfenster mit einem Pfeilschuß schwer pleine d'affliction et de confusion après la perte
verwundet und, von den Seinigen aus dem de ses chefs, leva immédiatement le siège et
Treffen geführt, blieb er kaum drei Tage noch revient dans son pays natal; les Normands
am Leben. Mit so schlimmem Mißgeschick wurde dirigent alors leurs pas en triomphant vers leur
die Schlacht geliefert und beendigt; das Heer, flotte. "
das nach Verlust seines Hauptes zu- so gleich
von Verwirrung und Trauer erfüllt war, hebt die
Belagerung in derselben Stunde auf und kehrt in
die Heimat zurück; die Normannen lenken ihre
Schritte triumphierend zu ihrer Flotte.»
Sources archéologiques : /
Conditions
Situation géographique :
Objectif de l'hivernage :
Vie quotidienne :
Interactions avec la
population :
Autres informations :
Devenir de l'hivernage :
Sources archéologiques : /
Site exploité par Une île (Thanet, aujourd'hui rattachée au continent mais anciennement une île)
l'hivernage :
Vie quotidienne : /
Interactions avec la Traité de paix contre tribut avec la population, non respecté par les vikings.
population :
Autres informations : Les chroniques anglo-saxonnes, qui n'ont pas d'annale pour les années 861 à 864,
situent ces évènements en 865 (Alban Gautier).
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Conditions /
d'installation :
Vie quotidienne : /
Autres informations : Asser indique que la troupe de païens arrive du Danube : il s'agirait sans aucun doute
d'une confusion entre « Danube » et « Danois ». De même, les païens débarquent bien
en East-Anglie, pays des East-Angliens et non des East-Saxons.
[ASSER v27] « Sed, advientibus paganis, consilio divino et optimum [ASSER v27] « Mais avec l'arrivée des païens, grâce à l'inspiration divine
adminiculo, pro communi utilitate, discordia illa aliquantulum sedata, et au soutien des grands, la discorde s'apaisa quelque peu en vue du bien
Osbyrht et Aella, adunatis viribus concregatoque exercitu, Eboracum commun et Osberht et Aella, ayant réuni leurs forces et rassemblé une
oppidum adeunt. Quibus advenientibus, pagani confestim fugam armée, se rendent à la forteresse d'York. A leur arrivée, les païens
arripiunt, et intra urbis moenia se defendere procurant. Quorum fugam et prennent aussitôt la fuite et entreprennent de se défendre à l'intérieur des
pavorem Christiani cernentes, etiam intra urbis moenia eos persequi et murs de la ville. Quand les chrétiens voient leur fuite et leur panique, ils
murum frangere instituunt ; quod et fecerunt. Non enim tunc adhuc illa décident de les poursuivre même à l'intérieur des murs de la ville et
civitas firmos et stabilitos muros illis temporibus habebat. Cumque d'abattre la muraille ; et c'est ce qu'ils firent. De fait, la cité n'avait pas
Christiani murum, ut proposuerant, fregissent, et eorum magna pars in encore en ce temps là de murailles solides et étayées. Or quand les
civitatem simul cum paganis intrasset, pagani, dolore et necessitate chrétiens eurent, comme ils le projettaient, abbatu la muraille, et que
compulsi, super eos atrociter irrumpunt, caedunt, fugant, prosternunt beaucoup d'entre eux furent entrés avec les païens dans la cité, les païens,
intus et extra. Illa maxima ex parte omnes Northanhymbrensium coetus, contraints par la détresse et la nécessité, se jettent sur eux avec férocité, les
occisis duobus regibus , deleti occubuerunt. Reliqui vero, qui evaserunt, massacrent, les mettent en fuite, les terrassent à l'intérieur comme à
paceum cum paganis pepigerunt. » l'extérieur. La plus grande partie de ce rassemblement de tous les
Northumbriens y périt, anéantie, et les deux rois furent tués. Quand aux
survivants qui s'échappèrent, ils conclurent une paix avec les païens. »
Sources archéologiques : /
Conditions Arrivent d'East-Anglie, très probablement en bateau, et entre à York en naviguant sur la
d'installation : rivière Humber. Luttes politiques internes en Northumbrie.
Situation géographique : Ville de York située sur la rive nord de la rivière Humber, reliée à l'Humber par la
rivière Ouse.
Site exploité par Ville d'York (Les Northumbriens « ont fait irruption dans la ville », les vikings « se
l'hivernage : défendent à l'intérieur des murs de la ville »).
Ville fortifiée mais « sans muraille solide et étayée en ce temps-là »
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
Autres informations : Il y a confusion chez Asser : York est située sur la rivière Ouse et non la Humber, dont
elle est un affluent.
Devenir de l'hivernage : Attaque de la ville par les Northumbriens, victoire viking, puis traité de paix.
Sources archéologiques : /
Situation géographique : Ville de Nottingham, au sud de l'Humber, accessible en bateau par la rivière Trent.
Site exploité par Ville de Nottingham, fortifiée : les vikings sont « retranchés derrière la protection de
l'hivernage : leur forteresse », « tuitione arcis muniti »)
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Pas de combat avec l'armée anglo-saxonne, mais traité de paix.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Situation géographique : Ville de York située sur la rive nord de la rivière Humber, reliée à l'Humber par la
rivière Ouse.
Site exploité par Ville d'York (Les Northumbriens « ont fait irruption dans la ville », les vikings « se
l'hivernage : défendent à l'intérieur des murs de la ville »).
Ville fortifiée mais « sans muraille solide et étayée en ce temps-là »
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Victoire viking suite à une attaque anglo-saxonne et conquête de la Mercie.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Site exploité par Reading, résidence royale. Construction d'une levée de terre entre deux cours d'eau, la
l'hivernage : Tamise et le Kennet.
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : De nombreuses batailles, victoires anglo-saxonnes puis victoire viking lors du siège du
camps.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Conditions Arrivent de Reading vers Londres, à proximité, plus à l'est en remontant la Tamise.
d'installation :
Situation géographique : Londres, sur la Tamise, probablement au point de plus haute marée.
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 867] « Anno dominicae incamationis [RdP 867] « Im Jahr der göttlichen [RdP 867] « Dans l'année 867 de l'incarnation
DCCCLXVII. Nortmanni ora Ligeris fluminis Menschwerdung besetzten die Normannen die divine, les Normands occupaient l'embouchure
occupantes Namnetensem, Andegavensem, Pieta Loiremündung und fingen von neuem an, die de la Loire et commençaient de nouveau à
vensem atque Turonicam provintiam iterato Gebiete von Nantes, Angers, Poitiers und Tours dévaster cruellement les régions de Nantes,
cmdeliter depopulari coeperunt. Contra quos grausam zu verheeren; gegen diese führen Angers, Poitiers et Tours ; le margrave Ruotbert
Ruotbertus, qui marcam tenebat, et Ramnulfus Markgraf Ruotbert und Herzog Ramnulf von et le duc Ramnulf d'Aquitaine rassemblèrent une
dux Aquitaniae collecta multitudine aciem Aquitanien die von ihnen gesammelten armée contre ceux-ci et allèrent à leur rencontre.
dirigunt. Illi sentientes se ab exercitu insequi Mannschaften ins Treffen. Als sich jene von Quand ils se virent poursuivis par une armée
cum summa acceleratione ad classem repedare einem Heere verfolgt sahen, eilen sie in größter terrestre, ils se retirèrent alors avec la plus
contendunt; sed cum appropinquare Hast zu ihrer Flotte zurück ; doch als sie die grande hâte vers leur flotte; mais quand ils
insequentium multitudinemcernerent, Schar der Verfolger in ihrer Nähe sahen, virent la foule de leurs persécuteurs à proximité,
cognoscentes se effugere non posse quandam erkannten sie, daß ein Entkommen durch die ils reconnurent qu'il ne leur était pas possible de
villam ingrediuntur, ubi se, quantum hora Flucht nicht möglich sei, und dringen in einen s'échapper en s'enfuyant, et pénétrèrent dans un
permisit, communiunt. Erat autem in eadem Flecken81 ein, wo sie sich befestigen, so gut die coin où il se fixèrent, ainsi que le temps le leur
villa basilica pergrandis ex lapide constructa, in Zeit es erlaubt. An diesem Orte befand sich aber permettait. Cependant il y avait à cet endroit,
qua maxima pars Nortmannorum introivit cum eine sehr große aus Stein erbaute Kirche, in die une très grande église construite en pierre, où la
duce eorum nomine Hastingo. Ruotbertus et sich der größte Teil der Normannen nebst ihrem plus grande partie des normands se trouvait
Ramnulfus cum sociis super eos irruunt, Führer Hasting hineinbegab. Ruotbert und avec leur chef Hasting. Ruotbert, Ramnulf et
quoscumque extra basilicam repererunt, absque Ramnulf mit ihren Genossen fallen über sie her leurs camarades les attaquèrent et tuèrent
mora trucidant. Ad ecclesiam pervenientes, cum und hauen unverweilt alle die nieder, welche sie immédiatement tous ceux qui se trouvaient au
vidissent locum munitum et animadvertissent außerhalb der Kirche fanden. Als sie zur Kirche dehors de l'église. Quand ils sont arrivés à
non modicam turbam paganorum intrinsecus kommend, den Ort befestigt sahen und keine l'église, qui cachait en elle une petite foule de
latitantem, parumper deliberantes castra in geringe Schar von Heiden darin verborgen païens, ils eurent une brève discussion dans leur
circuitu statuunt, tentoria figunt, ut in crastinum fanden, schlagen sie nach kurzer Beratung rings camp et mirent en place des tentes pour le
exstructis aggeribus applicatisque machinis umher ihr Lager auf und errichten Zelte, um am lendemain matin, tout en édifiant des remparts
hostes totis viribus expugnarent ; declinabat Morgen durch Aufwerfung von Wällen und et en utilisant de toutes leurs forces des machines
quippe iam sol ad occasum. Ruotbertus nimio Anwendung von Maschinen die Feinde mit aller pour assiéger les enemis, parce que le soleil était
calore exestuans, galeam et loricam deposuit, ut Kraft zu belagern, denn schon neigte sich die déjà couché. Buotbert qui s'était trouvé en sueur
aura collecta paulisper refrigeraretur ; cumque Sonne zum Untergänge. Buotbert, der durch die à cause de la forte chaleur avait enlevé son
unusquisque in positione castrorum intenderet, starke Hitze in Schweiß geraten war, legte Helm casque et son armure pour se rafraichir un peu ;
repente Nortmanni a munitione exiliunt et cum und Harnisch ab, um sich ein wenig in der et alors que tous étaient occupés à la
ingenti clamore super Ruotbertum ac socios frischen Luft abzukühlen; und io während alle construction du camp, les Normands se
impetum faciunt. Sed quamvis repentini et mit dem Bau des Lagers beschäftigt sind, stürzen précipitèrent au-dehors et se jettèrent
subitanei casus etiam fortissimos viros in bello plötzlich die Normannen aus ihrer Befestigung soudainement en avant avec des cris violents sur
conturbare soleant, tarnen arma quam citius hervor und werfen sich unter gewaltigem Buotbert et ses camarades. Mais les accidents
corripiunt, hostes viriliter excipiunt et cedentes Geschrei auf Buotbert und seine Genossen. Doch soudains et imprévus ayant tendance à arriver
in basilicam redire compellunt. Huotbertus wiewohl plötzliche und unvorhergesehene aux hommes les plus braves dans la confusion
absque galea et iorica accurrens, cum incautius Zufälle auch die tapfersten Männer im Kriege in des bataille , ils prirent leurs armes aussi vite
dimicaret et inimicos ultro insequeretur, Verwirrung zu bringen pflegen, so ergreifen sie que possible, reçurent vaillament leurs enemis et
interfectus est in introitu ipsius / ecclesiae; eius dennoch so schnell wie möglieh ihre Waffen, les les forçèrent à revenir dans l'église. Buotbert
corpus iam exanime Nortmanni intrinsecus nehmen die Feinde mannhaft in Empfang und qui accourait sans casque et ni armure luttait
trahunt. Porro Ramnulfus, cum eminus stans zwingen die Weichenden, in die Kirche trop imprudent et poursuivit même les ennemis
eventum rei specularetur, a quodam Nortmanno zurückzukehren. Buotbert, der ohne Helm und jusqu'au portail de l'église, où ils le tuèrent et
per fenestram basilicae sagittae ictu graviter Panzer herbeieilte, wurde, da er allzu traînèrent son corps déjà inanimé. Ramnulf qui
vulneratus est et a suis ex certamine eductus vix unvorsichtig kämpfte und noch dazu den observait les choses à distance, fut grièvement
triduo supervixit. Tali infelici infortunio pugna Feinden nachsetzte, in der Pforte der Kirche blessé par le tir de flèche d'un normand depuis
commissa est et finita ; exercitus amisso capite selbst erschlugen; seinen schon leblosen Körper une fenêtre de l'église et fut amené par ses
errore pariter ac merore repletus solvit eadem ziehen sie hinein. Auch Ramnulf wurde, als er proches hors de là, il survécu à peine trois jours
hora obsidionem et ad propria revertitur; aus einiger Entfernung dem Ausgange der Sache de plus. Avec une telle malchance, la bataille qui
Nortmanni ovantes ad classem dirigunt zusah, von einem Normannen durch das avait été livrée était finie ; l'armée terrestre,
gressum.» Kirchenfenster mit einem Pfeilschuß schwer pleine d'affliction et de confusion après la perte
verwundet und, von den Seinigen aus dem de ses chefs, leva immédiatement le siège et
Treffen geführt, blieb er kaum drei Tage noch am revient dans son pays natal; les Normands
Leben. Mit so schlimmem Mißgeschick wurde die dirigent alors leurs pas en triomphant vers leur
Schlacht geliefert und beendigt; das Heer, das flotte. "
nach Verlust seines Hauptes zu- so gleich von
Verwirrung und Trauer erfüllt war, hebt die
Belagerung in derselben Stunde auf und kehrt in
die Heimat zurück; die Normannen lenken ihre
Schritte triumphierend zu ihrer Flotte.»
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Poursuivis par une armée terrestre, une troupe viking sort victorieux du siège d'une
église où elle s'abritait, et rejoint cette flotte.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Conditions /
d'installation :
Situation géographique : Sur la Loire, entre son embouchure et Tours, qui se fortifie contre eux et n'est donc pas
sous leur emprise.
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la En apprenant la fortification de Tours et d'Angers contre eux, les vikings demandent à
population : la population de ces pays « une grande somme d'argent et beaucoup de froment, de
vins et de bestiaux pour faire la paix avec eux ».
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage :
Sources archéologiques : /
Conditions /
d'installation :
Situation géographique : Entre l'embouchure de la Loire et Tours, qui n'est pas sous leur emprise puisque
Hugues, abbé de Saint-Martin de Tours vient les affronter.
Site exploité par Une île (« insulam ») où les vikings avaient leur fortification (« firmitatem »)
l'hivernage :
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 873] « Per idem tempus Carolus [RdP 873] « Um dieselbe Zeit belagerte Karl die [RdP 873] « Au même moment, Charles assiègea
Andegavensem obsidebat urbem. Denique Stadt Angers. Nachdem nämlich die Normannen la ville d'Angers. Après que les normands
Nortmanni, postquam Ruotbertum et Kodbert und Ramnulf und einige andere Männer Kodbert, Ramnulf et quelques autres hommes
Ramnulfum et alios nonnullos generosae stirpis von edlem Stamme, die die Grenzen des furent tués par des nobles, qui avaient renforcés
viros, qui patriae terminos armis tuebantur, Deo Vaterlandes mit den Waffen schirmten, getötet de leurs armes les frontières de leur pays, ils
habitatoribus terrae / adversante occiderunt, hatten, weil Gott den Bewohnern des Landes l'envahirent, parce que Dieu était en colère
cum nemo inveniretur, qui eorum violentiae zürnte, dringen sie, da sich niemand mehr fand, contre les habitants de la terre et parce que
resisteret, sollicitati paucarum civitatum vel der ihrem Ungestüm hätte widerstehen können, personne ne pensait qu'il était possible de
regionum direptione, ex preda singularum, gelockt durch die Plünderung einiger Städte und résister à leur impétuosité. Ils ont été attirés par
quantae opes universarum essent, animo Landschaften und aus der Beute der einzelnen le pillages de certains villes et de certains
prospicientes, Andegavis civitatem civibus fuga Städte berechnend, wie groß der Reichtum aller territoires, et en comptant le butin pris dans
dilapsis vacuam reperientes ingrediuntur. Quam zusammen sein müßte, in die Stadt Angers ein, chaque ville, on imagine de quelle taille devait
cum munitissimam et pro situ loci die sie leer fanden, weil ihre Bürger die Flucht être leur richesse qui était gardée à Angers. Ils
inexpugnabilem esse vidissent, in laetitiam effusi ergriffen hatten. Als sie sahen, daß diese Stadt avaient trouvé la ville vide parce que les
hanc suis suorumque copiis tutissimum wohlbefestigt und durch ihre natürliche Lage habitants l'avaient fuie. Quand ils ont vu comme
receptaculum adversus lacessitas bello gentes uneinnehmbar sei, waren sie darob voller Freude la ville était bien fortfifiée et imprenable grâce à
fore decemunt. Protinus navibus per Medanam und beschließen, daß sie für ihre und ihrer sa position, ils se sont remplis de joie et
fluvium deductis muroque applicatis, cum Landsleute Truppen als sicherster Zufluchtsort décidèrent qu'elle devrait devenir le refuge le
mulieribus et parvulis veluti in ea habitaturi vor den durch ihren Angriff gereizten Völkern plus sûr en cas d'attaque de leur peuple, pour
intrant, diruta reparant, fossas vallosque dienen solle. Sofort ziehen sie ihre Schiffe die leurs troupes et leurs compatriotes.
renovant et ex ea prosilientes repentinis Maine hinaut und legen sie an die Mauern an, Immédiatement ils tirèrent leurs navires en haut
incursionibus circumiacentes giones devastant. dann halten sie mit Weib und Kind ihren Einzug, de la Mayenne et les mirent au pieds des murs.
Quod cum Carolo tarn pemitiosa pestis in um darin zu wohnen, bessern sie aus, wo sie Ils gardèrent avec eux leurs femmes et leurs
visceribus regni interclusa nuntiata esset, ilico ex zerstört war, stellen die Gräben und Wälle her enfants pour y demeurer éternellement, réparer
omnibus regnis, quae suae ditioni parebant, und von dort in plötzlichen Überfällen ce qui avait été détruit, creuser des fossés et
veluti ad commune incendium extinguendum hervorbrechend verwüsten sie die Umgegend. monter des remparts. Enfin, par de soudains
exercitum colligit atque castris in circuitu positis Als man Karl meldete, daß sich eine so raids, ils dévastèrent le pays environnant.
civitatem obsidione cinxit. Et quia Medana verderbliche Pest im Herzen seines Reiches Comme il l'a été rapporté à Charles, qu'une peste
fluvius a partibus Brittanniae urbis murum eingenistet habe, sammelt er sofort aus allen prenait racine au coeur de son empire, il leva
alluebat, Salomoni regi Brittonum mandat, ut Ländern, die seiner Hoheit untertänig waren, ein immédiatement une armée dans tous les
contractis auxiliis citius adventaret, ut Heer, um den allgemeinen Brand zu ersticken, territoires de son royaume , pour réprimer
communem hostem communibus viribus und nachdem er ringsum sein Lager l'incendie général. Après ceci, il lança le siège de
expugnarent. Qui assumptis secum multis aufgeschlagen, eröffnete er die Belagerung der la ville depuis son camp. Et comme la Mayenne
Brittonum milibus super ripam fluminis Stadt. Und weil die Maine die Stadtmauer von baignait les remparts de la ville comme la côte
Medanae tentoria figit. Igitur ex omnibus der bretonischen Seite her bespülte, läßt er dem bretonne, il proposa au roi breton Salomon de
partibus urbe obsidione circumdata, multis Bretonenkönig Salomon sagen, er solle seine retirer ses troupes et d'unir leurs forces pour
diebus undique summa virtute dimicatur, nova Truppen zusammenziehen und schnell combattre leur ennemi en commun et vite
et exquisita machinamentorum genera herbeirücken, um ihren gemeinsamen Feind mit l'emporter. Celà conduit plusieurs milliers de
applicantur ; sed conatus regis prosperitatis vereinten Kräften niederzukämpfen. Jener führt bretons à prendre pied et à installer leurs tente
effectum non optinuit, quia et loci facies non auch viele tausend Bretonen heran und schlägt sur les rives du Maine. La ville fut ainsi assiégée
facilem prebebat accessum et paganorum valida am Ufer der Maine seine Zelte auf. Nachdem also pendant plusieurs jours avec la plus grande
manus, quia pro vita res erat, eummo resistebat von allen Seiten die Stadt eingeschlossen war, bravoure et l'usage de nouvelles machines de
conamine. Exercitus inmensae multitudinis cum wird allerorts viele Tage lang mit der größten guerre, mais le roi ne parvint pas au succès de
longe obsidionis tedio, fame et gravi pestilentiae Tapferkeit gefochten und neue und erlesene son entreprise. En effet, la nature de l'endroit en
morbo adtereretur, cementes Brittones urbem Arten von Kriegsmaschinen verwendet ; rendait son accès difficile et la foule des païens
inexpugnabilem conati sunt fluvium a suo alveo dennoch gelangte der König in seinem résistèrent durement, puisque leur vie était en
dirivare, ut exsiccato naturali meatu naves Unternehmen zu keinem Erfolge, weil die jeu. L'immense armée fut anéantie par les
Nortmannorum invadere possent. Ceperunt Beschaffenheit des Ortes den io Zugang nicht travaux de ce long siège, la faime et une
itaque fossam mirae profunditatis ac latitudini leicht machte und die starke Schar der Heiden dangereuse maladie. Les bretons, voyant à quel
aperire; quae res tantum formidinis metum mit aller Kraft Widerstand leistete, da ihr Leben point la ville était imprenable, ont tenté de
Nortmannis ingessit, ut absque dilatione auf dem Spiele stand. Des Heeres unermeßliche prévoir le mouvement de sa rivière, afin que
ingentem pecuniam Carolo pollicerentur, si Menge aber wurde durch die Mühen der langen lorsque son lit fut déséché, ils pourraient
soluta obsidione eis ex suo regno liberum Belagerung, durch Hunger und eine gefährliche attaquer les navires des normands. Ils
preberet egressum. Rex turpi cupiditate Seuche aufgerieben. Als die Bretonen sahen, daß commencèrent alors à creuser une tranchée
superatus pecuniam recepit et ab obsidione die Stadt uneinnehmbar sei, versuchten sie den d'une rare profondeur et étendue, et les
recedens hostibus vias patefecit.» Fluß aus seinem Bette abzuleiten, damit sie, normands eurent si peur qu'ils en vinrent à
wenn sein natürlicher Lauf ausgetrocknet sei, die promettre immédiatement une somme immense.
Schiffe der Normannen angreifen könnten. Sie Charles leva alors le siège et leur accordèrent un
begannen daher einen Graben von ungemeiner passage sûr pour quitter son royaume. Par
Tiefe und Breite auszuheben ; das jagte den cupidté, le roi prit l'argent, leva le siège et libéra
Normannen so gewaltige Furcht ein, daß sie la route à l'ennemi. »
ohne Verzug Karl eine unermeßliche Summe
versprachen, wenn er die Belagerung aufhebe
und ihnen aus seinem Reiche freien Abzug
gewähre. Von schnöder Habgier ubermannt,
nahm der König das Geld an, hob die Belagerung
auf und gab den Feinden die Straße frei.»
Sources archéologiques : /
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 873] « (…) Illi conscensis navibus in [RdP 873] « (...) Jene besteigen ihre Schiffe und [RdP 873] « (…) Ils pouvaient revenir vers la
Ligerim revertuntur et nequa/quam, ut kehren in die Loire zurück, entfernten sich aber Loire à bord de leurs navires, et rester à distance
spoponderant, ex regno eius recesserunt; sed in keineswegs aus seinem Reiche, wie sie gelobt de son royaume comme convenu. Mais en
eodem loco manentes multo peiora et inmaniora, hatten, sondern in derselben Gegend restant dans la même région, ils commirent des
quam antea fecerant, perpetrarunt.» verbleibend, verübten sie noch viel schlimmere choses bien pires et inhumaines comme ils
und unmenschlichere Dinge als sie zuvor getan l'avaient fait auparavant. »
hatten.»
Annales Bertiniani
Édition latine : Annales de Saint- Traduction anglaise : The Annals of Traduction française personnelle
Bertin, éd. F. Grat, J. Vielliard, S. St-Bertin, trad. Et ann. Par J. Nelson,
Clémencet, Paris, Société de l'histoire Manchester, Manchester University
de France, 1964 Press, « Manchester Medieval Sources
series, Ninth-Century Histories », vol.
I, 1991
[AB 873] « (…) Petierunt autem, ut eis in quadam [AB 873] « (…) They requested to be allowed to [AB 873] « (...) Ils demandèrent la permission de
insula Ligeris fluvii usque in mense februario stay until February on an island in the Loire, demeurer jusqu'au mois de février dans une
residere et mercatum habere liceret, atque in and to hold a market there; and, in February, certaine île de la Loire et d'y avoir un marché,
mense februario quicumque jam baptizati essent they agreed, those of them who had by then been promettant qu'au mois de février tous ceux
ex eis, et christianitatem de caetero veraciter baptised and wished thenceforth to hold truly to d'entre eux qui auraient déjà reçu le baptême et
tenere vellent, ad eum venirent; et qui adhuc ex the Christian religion would come and submit to voudraient à l'avenir demeurer sincèrement
paganis christiani fieri velient, ipsius Charles, those still pagan but willing to become attachés à la religion chrétienne se rendraient
dispositione baptizarentur; caeteri vero ab illius Christian would be baptised under conditions to auprès de lui, que ceux, encore païens, qui
regno discederent, ulterius, sicut dictum eat, ad be arranged by Charles, but the rest would voudraient devenir chrétiens seraient baptisés
illud in malum non reversuri. » depart from his realm, never more, as stated par ses ordres, et que les autres sortiraient de
above, to return to it with evil intent. » son royaume pour n'y revenir jamais à mauvais
dessein, comme on l'a dit. »
Sources archéologiques : /
Conditions Suite à leur défaite à Angers, obtiennent l'accord de Charles pour hiverner dans une île
d'installation : de la Loire.
Objectif de l'hivernage : Pour Réginon de Prüm, continuer les pillages, pour les Annales Bertiniani, passer l'hiver
pour qu'ensuite certains repartent, d'autres reçoivent le baptême et s'installent.
Vie quotidienne : /
Sources archéologiques : /
Conditions /
d'installation :
Situation géographique : Sur la Loire, probablement entre l'embouchure et Tours (troupe viking sur la Vienne,
affluent de la Loire en aval de Tours).
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Conditions
d'installation :
Situation géographique :
Objectif de l'hivernage :
Vie quotidienne :
Interactions avec la
population :
Autres informations :
Devenir de l'hivernage :
Sources documentaires : /
Conditions /
d'installation :
Situation géographique : Ancienne île sur la Loire, à proximité immédiate de Nantes. Probable point de plus
haute marée.
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
Situation géographique : Torksey, au nord de Londres et au sud de la Humber, dans les terres, sur la Trent.
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : Une quantité très importante de monnaies locales et étrangères retrouvée, ainsi que des
instruments de commerce, des pièces de jeux, etc.
Superficie du site archéologique très grande, au-delà d'un site fortifié.
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Les informations de la chronique anglo-saxonne et d'Asser concordent : Torksey est
situé dans le Lindsey, au nord-ouest de Lincoln.
Devenir de l'hivernage : /
Situation géographique : Entre la Tamise et l'Humber, dans les terres, au sud de Torksey, sur la Trent.
Objectif de l'hivernage : /
Interactions avec la Une partie importante des restes féminins découverts sur le site seraient autochtones.
population :
Autres informations : Une importante sépulture a été découverte sur le site, regroupant plus de 250 individus
autour d'un personnages de haut lignage.
Les vikings ont conquis la région et on installé un roi autochtone leur obéissant.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : « Halfdan divisa la terre de Northumbrie, et ils ont labouré et subvenu à leurs besoins. »
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Ont conquis cette région de la Northumbrie et y restent deux années successives.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Conditions Partent de Repton et se scindent en deux groupes, dont l'un arrive à Cambridge.
d'installation :
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Sources archéologiques : /
Site exploité par Un fort (« castellum »), un monastère de moniales situé entre deux cours d'eau, la
l'hivernage : Frome et le Tarrant. « L’endroit le plus sûr des terres, excepté seulement du côté ouest
où il touche à la terre » (les deux cours d'eau se jant dans l'estuaire à l'est).
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Serment « sur un anneau » au roi Alfred, qu'ils quitteraient au plus tôt ce territoire,
avant de rejoindre un groupe de pillage à cheval à Exeter.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Autres informations : Il semblerait qu'une partie de l'armée rejoigne Exeter par voie terrestre, à cheval, et une
autre partie par voie de mer. Une tempête détruit une partie des navires lors du voyage,
et Alfred assiège Exeter. Il bloque la ville sur terre et empêche le ravitaillement et
l'arrivée de renforts par mer. Le siège est néanmoins interrompu suite à un traité de
paix.
Alfred crée également une armée navale pour protéger les côtes de l'arrivée de nouvelles
troupes.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Sources archéologiques : /
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Lors du siège du camps par Alfred, des hommes, des chevaux, mais également du bétail
a été tué.
Devenir de l'hivernage : Siège du camps par Alfred, et défaite viking. Ils font la promesse de quitter le royaume,
Guthrum d'accepter le baptême, et l'honorent.
Sources archéologiques : /
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Ce groupe fit sa jonction avec un autre groupe viking déjà présent.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Objectif de l'hivernage : S'installent dans le pays, et le divise entre eux.Elle « commence à l'habiter ».
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
Annales Fuldenses
Édition latine : Annales Fuldenses, éd. Traduction anglaise : The Annals of Traduction française personnelle
G. H. Pertz et F. Kurze, MGH Fulda, trad. T. Reuter, Manchester,
Scriptores Rerum Manchester University
Germanicarun in usu scholarum, 7, Press, « Manchester Medieval Sources
Hanovre, Hahn, 1891 series, Ninth-Century Histories », vol.
II, 1992
[AF 880] « Inde ad expugnandos Nordmannos, [AF 880] « From there he turned his army to [AF 880 ] « De là, il réorienta son armée pour
qui in Scalta fluvio longo tempore residebant, driving out the Northmen who had long been chasser les Normands qui s'étaient installés sur
convertit exercitum initoque certamine plus settled on the River Scheldt. There was a battle in l'Escaut depuis longtemps. Il y eu une bataille
quam quinque milia ex eis prostravit ; in quo which more than five thousand of them were dans laquelle plus de cinq mille d'entre eux ont
proelio Hugo filius regis occubuit. » killed ; the king's son Hugh also fell in that été tués ; Hugh le fils du roi a également péri
battle. » dans cette bataille . »
Chronique Anglo-Saxonne
Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Traduction française personnelle
Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
[CAS 880 (879)] « Here the raiding-army went from Cirencester into East [CAS 880 (879)] « L'armée de raids est allé de Cirencester en East Anglia,
anglia, and settled that land, and divided up. And the same year the s'installa dans ce pays, et le divisa. La même année, l'armée de raids qui
raiding-army which had settled at Fulham went accross the sea to Ghent s'était installé à Fulham alla de l'autre côté de la mer à Gand dans le pays
in the land of the Franks, and settled there for a year. » des Francs, et il s'y installèrent pendant un an. »
Sources archéologiques : /
Conditions Arrivent de Fulham en Angleterre, sur la Tamise, vers Gand, sur le territoire Franc
d'installation : outre-manche.
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Troupe envoyée par Charles le Gros et Louis de Germanie, puis siège et victoire viking.
Devenir de l'hivernage : /
Annales Vedastini
Édition latine : Annales Xantenses et Traduction allemande : RAU, R., Traduction française personnelle
Annales Vedastini, éd. B. von Simson, AQDGM, VI, Berlin, Rütten und
MGH, Scriptores rerum Loening, 1960, p. 289-337
Germanicarum in usum scolarum, 12,
Hanovre, Hahn et Leipzig, Hahn, 1909
[AV 880] « Nortmanni vero seu Dani sedem sibi [AV 880] « Die Normannen oder Dänen aber [AV 880] « Les Normands ou Danois, avaient
mutaverunt et mense Novembri Curtriaco sibi wechselten ihren Sitz und erbauten sich im changé leur position et construit en novembre un
castrum ad hiemandum construunt. Indeque November zu Courtrai eine Burg, um daselbst zu château à Courtrai, pour y passer l'hiver. De là
Menapios atque Suevos usque ad internitionem überwintern; und von da aus verheerten sie das ils ravagèrent le pays des Suèves et des
delevere, quia valde illis infesti erant. Land der Menapier und Sueven bis zur Ménapiens jusqu'à à la disparition des habitants
Omnemque terram vorax / flamma consumpsit. Ausrottung der Bewohner, weil sie diesen sehr parce que leur esprit étaut ainsi très hostile, et le
Hludowicus vero rex rediit in Franciam diemque feindlich gesinnt waren; und fressendes Feuer feu a dévoré et consommé l'ensemble du pays.
nativitatis Domini egit celebrem in Compendio verzehrte das ganze Land. König Ludwig aber Louis, est retourné en Francie et a célébré la fête
palatio.» kehrt nach Francien zurück und beging das Fest de la Nativité du Seigneur dans le palais de
der Geburt des Herrn in der Pfalz Compiegne.» Compiègne.»
[RdP 881] « Per idem tempus Nortmannorum [RdP 881] « Um dieselbe Zeit lief eine Flotte der [RdP 881] « A la même époque, une flotte de
classis Wal fluvium ingressa Niumaga palatio Normannen in die Waal ein und legte bei der normands arrivait sur le Wahal et alla jusqu'au
regio applicuit ibique castra posuit. Quod factum königlichen Pfalz Nymwegen an, wo sie ihr palais royal de Nimègue , où ils installèrent leur
cum ad notitiam Ludowici perlatum esset, Lager aufschlugen. Als man diesen Vorfall zur camp. Quant on rapporta ceci à Louis, il alla
absque dilatione cum exercitu venit et munitio- Kenntnis Ludwigs brachte, zog er ohne Säumen sans tarder assiéger leur camp avec une armée
nem obsidione clausit. Conserto nonnuliis diebus mit einem Heere herbei und belagerte sie in ihrer terrestre. Après en avoir parlé avec d'autres
certamine non adeo preio valuit, quia palatium Befestigung. Nachdem sie einige Tage hindurch pendant quelques jours, il reconnu qu'il ne
ingentis magnitudinis mirique operis bostibus mit einander gestritten hatten, vermochte er pourrait pas être capable de les vaincre
tutissimnm prebebat receptaculum. In qua doch nicht völlig obzusiegen, weil die Pfalz in complètement, parce que le palais s'étendait sur
congressione captus est ab adversariis ihrem Ungeheuern Umfange und ihrer un grand terrain et ses enemis avaient trouvé
Everhardus Saxo, filius Meginardi comitis, et wunderbar festen Bauart den Feinden eine dans cette construction très solide un refuge
captivus ductus ; quem postea mater Evesa überaus sichere Zuflucht darbot. Bei diesen extrèmement sûr. Eberhard le saxon, fils du
magno pretio dato incolumem recepit. Postremo Kämpfen wurde von den Gegnern Eberhard der comte Meginhard, avait été fait prisonnier lors
rex accepta pollicitatione, quod, si ab obsidione Sachse, der Sohn des Grafen Meginhard, d'une de ces batailles, sa mère le récupèrera
cessaret, Nortmanni continuo regno eins ergriffen und als Gefangener fortgeführt ; ihn indemne plus tard en payant une grande somme.
decederent, cum omnibus copiis recessit. Illo bekam später seine Mutter Evesa unter Zahlung Finalement, le roi se retira avec ses troupes
recedente pagani palatium una cum / munitione eines hohen Preises unversehrt zurück. Zuletzt après avoir reçu la promesse que s'il levait le
flammis exurentes navibus ascensis hostia Rheni zog der König mit allen seinen Truppen ab, siège, les normands quitteraient immédiatement
repetunt.» nachdem er das Versprechen erhalten, daß wenn son empire. Après son départ, les païens
er die Belagerung aufhebe, die Normannen incendièrent le palais et leur camp, montèrent
sofort sein Reich verlassen würden. Nach seinem sur leurs bateaux et revinrent aux embouchures
Abzug stecken die Heiden die Pfalz mit ihren du Rhin. »
Befestigungen in Brand, besteigen ihre Schiffe
Sources archéologiques : /
Conditions Ils quittent Gand vers Nimègue, puis en novembre 880 vers Courtrai, où ils établissent
d'installation : un nouveau camp.
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Annales Fuldenses
Édition latine : Annales Fuldenses, éd. Traduction anglaise : The Annals of Traduction française personnelle
G. H. Pertz et F. Kurze, MGH Fulda, trad. T. Reuter, Manchester,
Scriptores Rerum Manchester University
Germanicarun in usu scholarum, 7, Press, « Manchester Medieval Sources
Hanovre, Hahn, 1891 series, Ninth-Century Histories », vol.
II, 1992
[AF 882] « Nordmanni de sua munitione egressi, [AF 882] « The Northmen left their fortification [AF 882] «Les normands laissèrent leur
Trevirensem urbem invaserunt et habitatoribus and attacked the city of Trier, driving out or fortification et attaquèrent la ville de Trèves,
civitatis partim expulsis partim occisis totam in killing its inhabitants and burning it down chassant ou en tuant ses habitants et la brûlant
Nonis April. Incenderunt. Quibus Walah completely on April 5. Wala, bishop of Metz, complètement le 5 avril. Wala, évêque de Metz,
Mettensis episcopus incaute cum paucis occurens came against them rashly with a small army vint inconsidérément contre eux avec une petite
occisus est. Karolus imperator audito fratris sui and was killed. The Emperor Charles, hearing of armée et fut tué. L'empereur Charles, apprenant
obitu de Italia perrexit in Baioariam et his brother's death, came from Italy to Bavaria la mort de son frère, vint d'Italie en Bavière et y
optimates, qui fuerant fratris aui, ad se venientes and received his brother's leading men, who reçut les plus grands hommes de son frère, qui
in suum suscepit dominium. Deinde Wormatiam came to him, into his lordship. From there he venaient à lui, le considérant comme leur
veniens cum suis undique venientibus consiliatus came to Worms and took counsel with his men seigneur. De là, il est venu à Worms et tint
est, quomodo Nordmannos de suo regno who came from all sides as to how he might conseil avec ses hommes qui venaient de partout
expelleret. Statuto itaque et condicto inter eos drive out the Northmen from his kingdom. A de la façon dont il pourrait chasser les normands
tempore convenerunt de diversis provintiis viri time was agreed among them and made known, de son royaume. Une date fût convenu entre eux,
innumerabiles et omnibus hostibus formidandi, and there came from various provinces ils la firent connaître, et il est venu
si ducem habuissent idoneum sibique innumerable men, an army to be feared by any d'innombrables hommes de différentes
consentientem, hoc est Franci, Norici, Alamanni, enemy, if it had had a suitable leader and one it provinces, une armée que craindrait n'importe
Thuringii atque Saxones ; parique intentione agreed on. There was Franks, Bavarians, quel ennemi, si elle avait eu un chef à suivre
profecti sunt contra Nordmannos pugnare Alemans, Thuringians and Saxons, and they set approprié, et quelqu'un fût d'accord pour l'être.
cupientes.) Quo cum pervenissent, munitionem out with one accord against the Northmen, Il était Francs, Alamans, Bavarois, Saxons,
illorum, quae vocatur Ascloha, obsederunt. wanting to fight them. When they got there, they Thuringiens, et ils partirent d'un commun accord
Cumque iam expugnanda esset munitio et hi, qui laid siege to the Northmen's fortification, which contre les normands, voulant les combattre.
intus erant, timore perculsi mortem se evadere is called Asselt [Ascloha]. Quand ils furent arrivés, ils assiégèrent la
posse desperassent, quidam ex consiliariis When the fortress was about to fall, and those fortification des normands, qui est appelé Asselt
augusti nomine Liutwartus pseudoepiscopus within were struck with fear and despaired of [Ascloha]. Lorsque la forteresse fut sur le point
caeteris consiliariis, qui patri imperatoris escaping death, one of the emperor's counsellors, de tomber, alors que ses occupants furent
assistere solebant, ignorantibus iuncto sibi a false bishop called Liutward, without the frappés par la peur et désespérés pour échapper
Wigberto comite fraudulentissimo imperatorem knowledge of the other counsellors who had been à la mort, l'un des conseillers de l'empereur, un
adiit et ab expugnatione hostium pecunia accustomed to assist the emperor's father, got faux évêque appelé Liutwards'est réuni avec le
corruptus deduxit, atque expugnatione hostium together with the most treacherous Count perfide comte Wigbert et est allé voir l'empereur,
pecunia corruptus deduxit, atque Gotafridum Wigbert and went to the emperor and persuaded à l'insu des autres conseillers qui étaient habitués
ducem illorum imperatori praesentavit ; quem him not to attack the enemy, having been bribed à aider le père de l'empereur. Ils le persuadèrent
imperator more Achabico quasi amicum suscepit to do so, and presented the enemy dux Godafrid de ne pas attaquer l'ennemi, après avoir été
et cum eo pacem fecit, datis ex utraque parte to the emperor. Like Ahab the emperor received soudoyé pour le faire, et présentèrent le duc
obsidibus. Quod Nordmanni acceperunt pro him as if he were a friend and made peace with enemi Godafrid à l'empereur. Comme Achab
omine ; et ut pax ex illorum parte rata non him ; and hostages were exchanged. The l'empereur le reçut comme s'il était un ami et fit
dubitaretur, clipeum iuxta morem suum in Northmen took this as a good sign, and so that it la paix avec lui, et des otages ont été échangés.
sublime suspenderunt et portas munitionis might not be doubted that they would observe La normands ont pris cela comme un bon signe,
aperuerunt. Nostrates autem calliditatis illorum the peace, they hoisted a shield on high after et qu'il ne puisse être mis en doute qu'ils
[RdP 881] « Item eodem anno mense Novembrio [RdP 881] « Ebenso setzten sich in demselben [RdP 881] « Deux rois normands, Godefrid et
duo reges Nortmannorum, Godefrid und Jahre im November zwei Normannenkönige Sigifrid, allèrent en novembre de cette même
Sigifridus, cum inestimabili multitudine peditum Godefrid und Sigifrid mit einer année à pied et à cheval à Elsloo sur la Meuse,
et equitum consederunt in loco, qui dicitur unübersichtlichen Menge zu Fuß und zu Pferd in avec un nombre inestimable d'hommes. Dans un
Haslon, iuxta Mosam. Et primo quidem impetu Elsloo an der Maas fest. Auf ihrem ersten Einfall premier temps, ils dévastèrent les endroits
finitima loca depopulantes Leodium civitatem, verwüsten sie die umliegenden Orte und environnants et brûlèrent Liège, Maastricht et
Traiectum castrum, Tungrensem urbem incendio verbrennen Lüttich, Maastricht und Tongern, bei Tongern, et dans un second temps se déversèrent
cremant ; secunda incursione Ribuariorum ihrem zweiten Einbruch ergießen sie sich über sur la région des Ribuaires et dévastèrent tout
finibus effusi cedibus, rapinis ac incendiis cuncta das Gebiet der Ribuarier und verheeren alles mit par le meurtre, le pillage et l'incendie. Ils
devastant, Coloniam Agrippinam, Bunnam Mord, Raub und Brand, die Städte Köln und incendièrent des villes comme Cologne et Bonn
civitates cum adiacentibus castellis, scilicet Bonn mit den nahe liegenden Burgen Zülpich, ainsi que des châteaux se trouvant près de
Tulpiacum, Iuliacum et Niusa, igne comburunt ; Jülich und Neuß lassen sie in Flammen Zülpich, Jülich et Neuss. Après cela, ils mirent en
post ha ec Aquis palatium, Indam, aufgehen ; hiernach legen sie die Pfalz Aachen cendre le palais d'Aix-la-Chapelle et les couvents
Malmundarias et Stabulaus monasteria in und die Klöster Comelimünster, Malmedy und de Cornelimünster, de Malmedy et de Stablo. »
favillam redigunt. » Stablo in Asche.»
[RdP 882] «Anno dominicae incamationis [RdP 882] « Im Jahr der göttlichen [RdP 882] « Au cours de l'année 882 de
DCCCLXXXII. Arduennam percurrentes Menschwerdung 882 dringen sie auf einem l'Incarnation divine, ils menèrent une excursion
Prumiam monasterium ingrediuntur ipso die Streifzug durch die Ardennen gerade am Tage dans les ardennes et pénétrèrent dans le
epiphaniae Domini, ubi triduo commorantes der Erscheinung des Herrn in das Kloster Prüm monastère de Prüm pendant la journée de
omnem in circuitu regionem depopulati sunt. In ein, wo sie sich drei Tage aufhalten und die l'Epiphanie, où ils restèrent pendant trois jours
quo loco innumera multitudo peditum ex agris et ganze uinliegende Gegend ausplündem. In pour piller toute la région. Ils y avait là une
villis in unum agmen conglobata eos quasi diesem Landstrich sammelt sich eine unzählige quantité inombrable de personnes à pied dans
pugnatura adgreditur. Sed Nortmanni cementes Menge Fußvolk von den Äckern und Landgütern les champs, attachés ensemble à la terre et qui
ignobile vulgus non tantum inerme, quantum in einem Haufen und rückt wie zum Kampfe semblaient aller se battre contre elle. Mais les
disciplina militari nudatum, super eos cum gegen jene vor. Aber als die Normannen dieses normands ne voyant pas que ce peuple de
clamore irruunt tantaque caede prosternunt, ut Bauernvolk nicht sowohl waffenlos als vielmehr paysan n'avaient pas d'armes et dénués de toute
bruta animalia, non homines mactari von aller Kriegszucht entblößt sahen, fallen sie connaissance de la guerre, ils les attaquèrent
viderentur. His itaque patratis, honerati preda mit Geschrei über sie her und strecken sie unter avec des cris et les tuèrent dans un tel carnage
ad castra redeunt. Illis discedentibus ignis, qui in einem solchen Gemetzel nieder, daß qu'il semblait que ce ne soit pas des personnes
diversis habitaculis accensus remanserat, cum unvernünftiges Vieh, nicht Menschen mais du bétail qui était tué. Ceci accomplis, ils
nullus esset, qui eum extingueret, monasterium geschlachtet zu werden schienen.Nachdem dies revinrent chargés de butin à leur camp.
consumpsit. also vollbracht war, kehren sie beutebeladen in Lorsqu'ils sont repartis, l'ensemble des bâtiments
(…) ihr Lager zurück. Als sie abzogen, verzehrte das du monastères brûlaient parce que personne
Chronique Anglo-saxonne
Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Traduction française personnelle
Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
[CAS 882 (881)] «Here the raiding-army went up along the Meuse further [CAS 882 (881)] « L'armée de raids remonta le long de la Meuse pour aller
into the land of the Franks, and settled there for a year. And the same year plus loin dans le pays des Francs, et ils s'y installèrent pendant un an. La
[882] King Alfred went out to sea with ships and fought against 4 ships- même année [882] le roi Alfred prit la mer avec des navires et lutta contre
loads of Danish men and took two of the ships, and killed the men ; and quatre navires de transport de guerriers Danois, il prit deux des navires,
two surrendered to him, and the men were badly knocked about and et tua les hommes. Deux autre se sont rendus à lui, et leurs guerriers
wounded before surrendered. » furent malmenés et blessés avant de se rendre. »
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la Lorsque des membres de l'armée carolingienne entrent dans le camp viking pendant la
population : trève, c'est certains pour espionner, d'autres pour commercer (« negotiandi »).
Autres informations : Suite à de nombreux pillages, réalisés à pied et à cheval, le camp viking est assiégé. Un
traité de paix donne les territoires de Roric à Godfrid, qui est baptisé.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Objectif de l'hivernage : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 884] « Anno dominicae incarnationis [RdP 884] « Im Jahr der göttlichen [RdP 884] « Les Normands entrent dans la
DCCCLXXXIIII. Nortmanni, qui ab Haslon Menschwerdung 884 laufen die Normannen, die rivière de Somme, et s'y établissent. Carloman,
recesserant, Somnam fluvium intrant ibique von Elsloo abgezogen waren, in die Somme ein ne pouvant souffrir leurs incursions très-
consederunt. Quorum creberrimas incursiones und ließen sich dort nieder. Da Karlmann ihren multipliées, leur promet de l'argent pour qu'ils
cum Carlomannus sustinere non posset, häufigen Einfällen nicht widerstehen konnte, sortent du royaume. Aussitôt l'âme de ces
pecuniam pollicetur, si a regno eius recederent. verheißt er ihnen Geld, wenn sie sein Reich peuples avares s'enflamme du désir de la pécune
Mox avidae gentis animi ad optinendam verließen. Bald brennen die Herzen dieses et exigeant douze mille livres d'argent pur, ils
pecuniam exardescunt et XII milia pondera gierigen Volkes nach dem Empfange des Geldes, promettent la paix durant douze années. Après
argenti puri atque probati exigunt totidemque sie erheben 12000 Pfund reinen und geläuterten avoir reçu cette somme si énorme ils détachent
annis pacem promittunt. Accepta tarn ingenti Silbers und versprechen auf ebensoviele Jahre du rivage les cordes de leurs navires, y montent
pecunia funes a litore solvunt, naves den Frieden. Nachdem sie eine so ungeheure et retournent vers les bords de la mer. Sur ces
conscendunt et marina litora repetunt. Interea Summe erhalten hatten, lösen sie die Taue von entrefaites, Carloman part pour les chasses où,
Carlomannus venatum perrexit, ubi ab apro dem Ufer, besteigen ihre Schiffe und eilen nach grièvement blessé par un sanglier, il perd en peu
graviter vulneratus post modicum vitam cum den Seegestaden zurück. Inzwischen ging de temps et vie et royaume ; il était enterré à
regno amisit ; sepultusque est apud sanctum Karlmann auf die Jagd, auf welcher er von Saint Denis. Cependant quelques ont dit qu'il
Dionisium. Aiunt autem qui/dam, quod a einem Eber schwer verletzt wurde und nach avait été blessé par un de ses suivants qui portait
quodam suo satellite inprovide arma ferenti kurzer Frist Leben und Herrschaft zugleich son arme sans attention, et que, comme il avait
vulneratus fuerit et, quia non sponte, sed invitus verlor ; er wurde in St. Denis bestattet. Einige commis le fait non volontairement, mais contre
boc facinus commiBerat, idcirco a rege celatum erzählen aber, daß er von einem seiner son gré, le roi l'avait caché pour ne pas conduire
sit, ne innoxius morti traderetur. Nortmanni Dienstmannen, der die Waffen unvorsichtig trug, un innocent à la mort. Les Normands, lorsqu'ils
cognita morte regis protinus in regnum verwundet wurde und daß diese Tat, weil er sie ont connaissance de la mort du roi, reviennent
revertuntur. Itaque Hugo abba et ceteri proceres nicht mit Absicht, sondern wider Willen beging, incontinent en son royaume. L'abbé Hugues et
legatos ad eos dirigunt, promissionem et fidem vom Könige verheimlicht worden sei, damit nicht les autres grands leur adressent des envoyés
datam violatam esse proclamant. Ad haec illi ein Unschuldiger Todesstrafe leiden müsse. pour se plaindre hautement de la violation des
respondent, se cum Carlomanno rege, non cum Die Normannen kehren, als sie den Tod des promesses et de la foi données. A cela ils
alio aliquo foedus pepigisse; quisquis ille esset, Königs erfahren, sofort in das Reich zurück. Der répondent qu'ils ont fait pacte avec le roi
qui ei in regnum succederet, eiusdem numeri et Abt Hugo und die übrigen Großen schicken Carloman, et non avec quelqu'autre, et que celui,
quantitatis pecuniam daret, si quiete ac pacifice daher Gesandte zu ihnen und halten ihnen vor, quel qu'il soit, qui succédera à son royaume, s'il
imperium tenere vellet. Territi huiuscemodi sie hätten ihr Versprechen und die von ihnen veut posséder l'empire en paix et repos, leur
mandatis optimates regni ad Carolum eingegangene Verpflichtung verletzt. Hierauf donne la même somme et quantité d'argent.
imperatorem missos dirigunt eumque ultro in erwidern jene, sie hätten mit dem König Épouvantés de telles injonctions, les grands du
regnum invitant ; eique advenienti ad Gundolfi Karlmann, nicht mit irgend jemand anderem, so royaume envoient des messagers à l'empereur
villam obviam procedunt et manibus einen Vertrag geschlossen; wer der auch sein Charles et d'eux-mêmes l'invitent à prendre le
sacramentisque iuxta morem datis eius ditioni se möchte, der ihm in der Regierung nachfolge, er royaume; et allant à lui le vont trouver à
subiciunt. » müsse eine Geldsumme von gleichem Betrage Gondreville où, les mains données et serments
und Gewicht hergeben, wenn er sein Reich in prêtés selon l'usage, ils se soumettent à sa
Annales Mettenses
Traduction française : Annales de Metz, éd. M. Guizot, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Brière,
Paris, 1824, p. 316-350
[AM 884] « Les Normands entrent dans la rivière de Somme, et s'y établissent. Carloman, ne pouvant souffrir leurs incursions très-multipliées, leur
promet de l'argent pour qu'ils sortent du royaume. Aussitôt l'âme de ces peuples avares s'enflamme du désir de la pécune et exigeant douze mille livres
d'argent pur, ils promettent la paix durant douze années. Après avoir reçu cette somme si énorme ils détachent du rivage les cordes de leurs navires, y
montent et retournent vers les bords de la mer. Sur ces entrefaites, Carloman part pour les chasses où, grièvement blessé par un sanglier, il perd en peu
de temps et vie et royaume [le 6 décembre 884] quelques ont dit qu'il avait été blessé par un de ses suivants qui portait son arme sans attention, et que,
comme il avait commis le fait non volontairement, mais contre son gré, le roi l'avait caché pour ne pas conduire un innocent à la mort. Les Normands,
lorsqu'ils ont connaissance de la mort du roi, reviennent incontinent en son royaume. L'abbé Hugues et les autres grands leur adressent des envoyés
pour se plaindre hautement de la violation des promesses et de la foi données. A cela ils répondent qu'ils ont fait pacte avec le roi Carloman, et non avec
quelqu'autre, et que celui, quel qu'il soit, qui succédera à son royaume, s'il veut posséder l'empire en paix et repos, leur donne la même somme et
quantité d'argent. Épouvantés de telles injonctions, les grands du royaume envoient des messagers à l'empereur Charles et d'eux-mêmes l'invitent à
prendre le royaume; et allant à lui le vont trouver à Gondreville où, les mains données et serments prêtés selon l'usage, ils se soumettent à sa
domination. »
Chronique Anglo-saxonne
Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Traduction française personnelle
Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
[CAS 884 (883)] « Here the raiding-army went up the Somme to Amiens, [CAS 884 (883)] « L'armée de raids remonta la Somme vers Amiens, et il
and settled there for a year. » s'y installèrent pendant un an. »
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : S'engagent pour une paix de douze ans puis demandent un nouveau tribut après la mort
du roi.
Devenir de l'hivernage : Quittent Amiens vers Boulogne, puis un groupe preit la mer tandis que l'autre alla à
Louvain.
[RdP 884] « Eodem anno Nortmanni, qui in [RdP 884] « In demselben Jahre fahren die [RdP 884] « Cette même année les Normands qui
Chinheim ex Denimarca venerant, adsentiente Normannen, die von Dänemark nach Kinem étaient venus de Danemark à Chinheim avec
Godefrido Rhenum navigio ascendunt et gekommen waren, mit Beistimmung Godefrids l'assentiment de Godefroi, remontent le Rhin en
Diusburh oppido occupato munitionem in eodem zu Schiffe den Rhein aufwärts, erobern Duisburg des navires, et ayant occupé la ville de
loco more solito construunt et in eo tota hieme und errichten an diesem Orte in gewohnter Duisbourg, construisent en ce lieu des
resident. Contra quos Heinricus dux castra Weise eine Befestigung, in der sie sich den fortifications à la manière accoutumée et y
posuit et nullatemis predas agere permisit. ganzen Winter über aufhalten. Ihnen gegenüber résident tout l'hiver. Le duc Henri plaça près
Redeunte vernali temperie castris exustis schlug Herzog Heinrich ein Lager auf und d'eux son camp, et les empêcha de faire aucun
maritimis locis se recipiunt.» duldete es durchaus nicht, daß sie Beute butin. Prenant la fuite a l'approche de l'hiver, ils
machten. Bei der Wiederkehr des Frühlings brûlèrent leurs retranchements et retournent
verbrennen sie ihr Lager und begeben sich in die aux pays maritimes. »
Gegenden an der See zurück.»
Annales Mettenses
Traduction française : Annales de Metz, éd. M. Guizot, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Brière,
Paris, 1824, p. 316-350
[AM 884] « Cette même année les Normands qui étaient venus de Danemark à Chinheim avec l'assentiment de Godefroi, remontent le Rhin en des
navires, et ayant occupé la ville de Duisbourg, construisent en ce lieu des fortifications à la manière accoutumée et y résident tout l'hiver. Le duc Henri
plaça près d'eux son camp, et les empêcha de faire aucun butin. Prenant la fuite a l'approche de l'hiver, ils brûlèrent leurs retranchements et retournent
aux pays maritimes. »
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 884] « His etiam diebus Nortmanni a [RdP 884] « In diesen Tagen verlassen auch die [RdP 884] « En ces jours -là aussi les Normands
Somna exeunt et rursus in regno Lotharii Normannen das Land an der Somme und wieder quittent la Somme et retournent au royaume de
revertentes in loco, qui dicitur Lovon, in Lothars Reich zurückkehrend, schlagen sie ihr Lothaire, posent leur camp sur ses confins en un
castrametati sunt in confinio eiusdem regni et Lager bei Löwen an der Grenze dieses Reiches lieu nommé Louvain, et de là désolent, par de
continuis incursionum infestationibus utraque auf und suchen durch unaufhörliche feindliche continuelles incursions l'un et l'autre royaume.
regna fatigant. Ad quorum malitiam Einfälle beide Reiche heim. Um ihrem bösen L'empereur pour réprimer leur méchanceté,
compescendam imperator semel et iterum Treiben ein Ende zu setzen, sandte der Kaiser envoya une fois ou deux ses armées, mais il ne se
exercitum misit, sed nihil dignum memoriae wiederholt ein Heer aus, doch wurde gegenüber fit, contre la si grande rapacité de ces furieux,
adversus tantam violentorum rapacitatemactum einer solchen Raublust von Gewalttätern nichts aucune action qui soit digne de mémoire. »»
est.» Denkwürdiges vollbracht.»
[RdP 886] « Anno dominicae incamationis [RdP 886] « Im Jahr der göttlichen [RdP 886] « En ces jours -là aussi les Normands
DCCCLXX XVI. Nortmanni a Somna fluvio Menschwerdung 886 verlassen die Normannen quittent la Somme et retournent au royaume de
exeunt et rursus in regno Lotharii revertentes in die Somme und schlagen, wieder in das Reich Lothaire, posent leur camp sur ses confins en un
loco, qui dicitur Lovon, castra sedesque statuunt, Lothars zurückkehrend, bei Löwen, das ist auf lieu nommé Louvain, et de là désolent, par de
scilicet in confinio utriusque regni, et continuis den Grenzen beider Reiche, ihr Lager und ihre continuelles incursions l'un et l'autre royaume.
incursionum infestacionibus utraque regna Wohnsitze auf, und durch unaufhörliche Einfälle L'empereur pour réprimer leur méchanceté,
fatigant. Ad quorum ingenitam maliciam und Räubereien beunruhigen sie beide Reiche; envoya une fois ou deux ses armées, mais il ne se
conpescendam imperator semel et iterum um ihre ihnen angeborene Bosheit zu zähmen, fit, contre la si grande rapacité de ces furieux,
exercitum misit, sed nihil dignum ad versus schickt der Kaiser einmal und abermals ein Heer aucune action qui soit digne de mémoire. »
tantam violentorum rapacitatem actum est.» wider sie aus, doch wurde nichts Bedeutendes
gegen diese Raubgier der Gewalttäter
ausgerichtet. .»
[RdP 891] « Anno dominicae incamationis [RdP 891] « Im Jahr der göttlichen [RdP 891] « Au cours de l'année 891 de
DCCCXCI. Nortmanni duobus continuis preliis in Menschwerdung 891 ziehen die Normannen, l'Incarnation divine, les Normands,
Brittannia graviter adtriti in regno Lotharii durch die beiden unmittelbar auf einander considérablement affaiblis par deux combats
classem transferunt et castris metatis predas folgenden Schlachten in der Bretagne sehr consécutifs dans la Bretagne, dirigèrent leur
exercent. Contra quos Arnulfus rex exercitum geschwächt, mit ihrer Flotte in Lothars Reich, flotte vers le royaume de Lothaire, et y ayant
dirigit iubetque super Mosam tentoria figere schlagen dort ein Lager auf und machen Beute. établi leur camp, se livrèrent au pillage. Le rôi
transitumque fluminis hostibus prohibere. Sed Gegen sie schickt König Amolf ein Heer und Arnoul envoya contre eux une armée, et ordonna
antequam exercitus in unum colligeretur ad befiehlt diesem, an der Maas die Zelte zu de camper sur les bords de la Meuse, et
condictum locum iuxta castrum Treiectensem, errichten und den Feinden den Übergang über d'empêcher' les ennemis de traverser ce fleuve.
Nortmanni superiora tenentes circa Leodium den Fluß zu verwehren. Doch che sich das Heer Mais, avant que l'armée se fût réunie à l'endroit
Mosam transierunt et hostilem expeditionem a an dem verabredeten Orte bei der Feste indiqué, auprès de Maëstricht, les Normands,
tergo relinquentes in silvis et paludibus Aquis Maastricht sammeln konnte, setzten die tenant le haut du fleuve, le traversèrent aux
palatio contiguis dispergnntur; obvios quosque Normannen flußaufwärts bei Lüttich über die environs de Liège; et, laissant derrière eux
perimunt, plurima plaustra et vehicula, in Maas, lassen die feindlichen Scharen in ihrem l'armée qui venait les attaquer, se répandirent
quibus alimenta exercitui deferebantur, capiunt. Rücken und zerstreuen sich in den Wäldern und dans les forêts et dans les marais aux environs
Quae fama cum ad exercitum pervenisset, qui Sümpfen in der Nähe der Pfalz Aachen; sie töten de la ville d'Aix ils égorgèrent tous ceux qu'ils
iam ipso die nativitatis sancti Iohannis baptistae alle, die ihnen in die Hände fallen, und nehmen rencontrèrent, et s'emparèrent des chariots et
pene in unum convenerat, io non tarn tremor sehr viele Wagen und Karren weg, auf denen des voitures dans lesquels on amenait des vivres
quam stupor mentes omnium occupavit. dem Heer Lebensmittel zugeführt wurden. Als à l'armée. Cette nouvelle étant parvenue à
Principes contione convocata non tarn de das Gerücht hievon zum Heere drang, welches l'armée qui déjà le jour de la nativité de saint
periculo quam de re dubia consulunt, incerti, gerade an dem Tage der Geburt des hl. Johannes Jean-Baptiste se trouvait presque toute
utrum Ribuariorum fines intrantes Coloniam des Täufers fast vollständig beisammen war, rassemblée, frappa les esprits moins de crainte
tenderent aut per Prumiam transeuntes Treveris ergriff nicht sowohl Zagen als vielmehr que de stupeur. Les chefs, ayant convoqué une
dirigerent gressum vel certe congregatam lähmendes Entsetzen die Gemüter aller. Die assemblée, ne délibérèrent pas tant sur le danger
adversum Be multitudinem pertimescentes Anführer aber berufen einen Kriegsrat und que sur l'incertitude de la situation, ne sachant
transvadata Mosa ad classem festinarent. Inter beratschlagen nicht über die Gefahr, sondern s'ils devaient, entrant dans le territoire des
haec nox superveniens conventum solvit. Postera über die Ungewißheit, in der sie waren, ob jene Ripuaires, se rendre à Cologne, et de la passant
die, cum / aurora radios suae lucis durch das Gebiet der Ribuarier nach Köln par Pruim se diriger vers Trêves ou bien, par
representaret, omnes armantur et levatis vexillis marschieren oder über Prüm den Weg nuch crainte de la multitude de troupes assemblées
per descensum fluminis expediti ad pugnam Trier einsehlagen oder gar aus Furcht vor der contre eux, passer la Meuse, et se hâter de
gradiuntur. Cumque torrentem, qui Gulia gegen sie versammelten Menge über die Maas marcher contre la flotte. La nuit étant alors
dicitur, transissent, acies pariter substiterunt; setzen und zu ihrer Flotte eilen würden. survenue les força de dissoudre leur assemblée.
debinc deliberant, ne omnis exercitus incassum Inzwischen machte der Einbruch der Nacht der Le lendemain, aussitôt que parurent les rayons
Annales Mettenses
Traduction française : Annales de Metz, éd. M. Guizot, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Brière,
Paris, 1824, p. 316-350
[AM 884] « En ces jours -là aussi les Normands quittent la Somme et retournent au royaume de Lothaire, posent leur camp sur ses confins en un lieu
nommé Louvain, et de là désolent, par de continuelles incursions l'un et l'autre royaume. L'empereur pour réprimer leur méchanceté, envoya une fois
ou deux ses armées, mais il ne se fit, contre la si grande rapacité de ces furieux, aucune action qui soit digne de mémoire. »
[AM 891] « Les Normands, considérablement affaiblis par deux combats consécutifs en la Bretagne, dirigèrent leur flotte vers le royaume de Lothaire,
et y ayant établi leur camp, se livrèrent au pillage. Le roi Arnoul envoya contre eux une armée, et ordonna de camper sur les bords de la Meuse, et
d'empêcher les ennemis de traverser ce fleuve. Mais, avant que l'armée se fût réunie à l'endroit indiqué, auprès de Maëstricht, les Normands, tenant le
haut du fleuve, le traversèrent aux environs de Liège; et, laissant derrière eux l'armée qui venait les attaquer, se répandirent dans les forêts et dans les
marais aux environs de la ville d'Aix ils égorgèrent tous ceux qu'ils rencontrèrent, et s'emparèrent des chariots et des voitures dans lesquels on amenait
des vivres à l'armée. Cette nouvelle étant parvenue à l'armée qui déjà le jour de la nativité de saint Jean-Baptiste se trouvait presque toute rassemblée,
frappa les esprits moins de crainte que de stupeur. Les chefs, ayant convoqué une assemblée, ne délibérèrent pas tant sur le danger que sur l'incertitude
de la situation, ne sachant s'ils devaient, entrant dans le territoire des Ripuaires, se rendre à Cologne, et de la passant par Prüm se diriger vers Trêves
ou bien, par crainte de la multitude de troupes assemblées contre eux, passer la Meuse, et se hâter de marcher contre la flotte. La nuit étant alors
survenue les força de dissoudre leur assemblée. Le lendemain, aussitôt que parurent les rayons de la lumière de l'aurore ils s'armèrent tous, et
déployant leurs étendards, descendirent le fleuve et s'avancèrent au combat et lorsqu'ils eurent traversé un torrent appelé Goule, les bataillons
s'arrêtèrent ensemble. Ensuite on résolut que, pour ne pas fatiguer inutilement toute l'armée chacun des grands enverrait douze des siens, qui,
rassemblés en un seul corps, iraient à la découverte des ennemis. Tout à coup parurent les éclaireurs des Normands toute la multitude les ayant suivis
en confusion, sans l'ordre des chefs, attaqua dans un petit village la troupe des fantassins qui, réunis en un seul corps, repoussèrent aisément les
Normands qui arrivaient dispersés, et les forcèrent de reculer en arrière; ensuite, faisant, selon la coutume, résonner leurs carquois, ils poussent un cri
au ciel et en viennent aux mains. La cavalerie des Normands accourt avec la plus grande vitesse, et le combat étant devenu plus sanglant, par l'effet de
ses péchés l'armée des chrétiens douleur prend la fuite. En ce combat périrent Sunzon évêque de Mayence et le comte Arnoul, et aussi une innombrable
multitude de nobles hommes. Les Normands, après la victoire, s'emparèrent du camp rempli de richesses, et, ayant mis à mort ceux qu'ils avaient pris
dans le combat, regagnèrent leur flotte, chargés de butin. Cette déconfiture eut lieu le 26 juin. »
[AM 891] « Ensuite, méditant en son coeur valeureux l'indignité de l'affront il fut enflammé de colère contre les ennemis, et, ayant rassemblé une armée
tirée des royaumes orientaux, passa bientôt le Rhin, et établit son camp vers les bords de la Meuse. Quelques jours s'étant écoulés, les Normands,
enorgueillis du dernier combat, partirent avec toutes leurs forces pour aller ravager le pays. Le roi s'avança contre eux avec des troupes légères. Les
Normands, à Rapproche de cette armée, se fortifièrent sur les bords d'une rivière appelée la Dyle, formant, selon leur coutume, des amas de terre et de
bois, et insultèrent les troupes d'Arnoul par des éclats de rire et des reproches, leur disant avec insolence et dérision qu'ils se ressouvinssent de Goule, de
leur honteuse fuite, de la défaite qu'ils avaient éprouvée, et que bientôt ils en éprouveraient autant. Le roi, enflammé de colère, ordonne à ses troupes de
quitter leurs chevaux et de combattre à pied. Les soldats, plus prompts que la parole sautent de cheval, et, poussant le cri d'encouragement ils se
précipitent sur les remparts des ennemis, et, Dieu leu r envoyant d'en haut des forces miraculeuses, ils en font un grand carnage, et jonchent la terre de
leurs cadavres; de telle sorte que d'une inombrable multitude qu'ils étaient auparavant, à peine en resta-t-il un pour aller annoncer à la flotte la
nouvelle de leur défaite. Après cet heureux succès, Arnoul retourna en Bavière. »
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : S'y installèrent à plusieurs reprises, furent victorieux d'un siège mais défaits lors d'un
nouveau siège.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 887] « Anno dominicae incamationis [RdP 887] « Im Jahr der göttlichen [RdP 887] « Au cours de l'année 887 de
DCCCLXXXVTI. Nortmanni a Lovon recedentes Menschwerdung 887 verlassen die Normannen l'Incarnation divine, les Normands, quittant
Sequanam ingrediuntur et Parisius applicantes Löss wen, laufen in die Seine ein, legen bei Paris Louvain, entrent dans la Seine, dressent leur
castra ponunt et civitatem obsidione claudunt; an, wo sie ihr Lager aufschlagen, und schließen camp près de Paris, et enferment la cité d'un
contra quos imperator Heinricum ducem cum die Stadt ein ; gegen sie sendet der Kaiser zur siége. En la saison du printemps, l'empereur
exercitu vemali tempore dirigit, sed minime Frühlingszeit den Herzog Heinrich mit einem envoya contre eux le duc Henri mais il n'eut pas
prevaluit. Erant enim, ut ferunt, XXX et eo Heere, aber dieser richtete nichts aus. Denn es de succès; car les ennemis étaient, dit-on, trente
amplius adversariorum milia, omnes pene waren, wie man sagt, mehr als 30000 mille et plus, presque tous robustes guerriers. En
robusti bellatores. Denuo aestivo tempore, Widersacher, fast alles rüstige Krieger. la saison avant que les moissons fussent rentrées
antequam segetes in manipulis redigerentur, Abermals zur Sommerzeit, ehe die Saaten in dans les granges, le même Henri vint jusqu'à
idem Heinricus cum exercitibus utriusque regni Bündel gebracht wurden, langte derselbe Paris avec une armée des deux royaumes et,
Parisius venit et circumstantibus legionibus ipse Heinrich mit dem Heerbann beider Reiche zu s'approchant, avec un petit nombre de gens, des
cum per/paucis propius accedens munitionem Paris an, und während seine Scharen légions qui environnaient la ville, fit le tour des
circuit, situm loci contemplatur aditumque ringsumher aufgestellt waren, kommt er selbst fortifications, examina la situation des lieux, et
perquirit, quo exercitui cum hostibus minus in geringer Begleitung näher heran, geht um die s'enquit du lieu par où on pourrait, avec le moins
periculosus pateret congressus. Porro Befestigung herum, betrachtet die Lage des Ortes de danger, livrer combat à l'ennemi. Mais les
Nortmanni audientes adpropinquare exercitum und sucht nach einer Angriffsmöglichkeit, an der Normands, apprenant l'approche de l'armée,
foderant foveas latitudinis unius pedis et sein Heer mit geringerer Gefahr mit dem Feinde creusent à l'entour de leur camp des fossés de la
profunditatis trium in circuitu castrorum easque handgemein werden könnte. Die Normannen largeur d'un pied et de trois en profondeur, et les
quisquiliis et stipula operuerant, semitas tantum andrerseits hatten, wie sie von dem Anzuge des couvrent de paille et de broussailles, réservant
discursui necessarias intactas reservantes; pauci Heeres hörten, rings um ihr Lager Gruben seulement, sans y toucher, les sentiers
igitur latrunculi, qui latitabant in concavis ausgehoben, einen Fuß breit und drei Fuß tief, nécessaires pour aller et venir. Ensuite leurs
viarum itineribus, videntes Heinricnm und diese mit Gerümpel und Stroh bedeckt, éclaireurs', qui s'étaient cachés dans les chemins
adpropinquare cito surgunt a locis, in quibus indem sie nur die zum Hinund Hergehen creux de la route, voyant Henri s'approcher,
delituerant, provocantque virum telis et voce notwendigen Pfade ausgespart ließen, einige von sortent des endroits où ils se tenaient embusqués
lacessunt. Ille animi magnitudine indignitatem diesen Strauchdieben nun, die sich in Hohlwegen l'attaquent à coups de traits et l'insultent de la
rei non ferens super eos irruit, et mox in caecis verborgen hatten, springen, wie sie Heinrich voix. La grandeur de son âme ne pouvant
foveis equus, cui insidebat. inpegit et cum ipso in herankommon sehen, schnell aus ihren supporter un tel outrage, il court sur eux, et
terram corruit ; hostes summa cum festinatione Schlupfwinkeln hervor, fordern den Mann durch aussitôt le cheval qu'il montait trébuche dans la
advolantes. antequam a loco elevaretur, eum Geschosse zum Kampfe heraus und reizen ihn fosse cachée et tombe à terre avec lui. Alors les
terrae confodiunt et aspiciente universo exercitu mit Worten. Jener, der in seinem hohen Mute ennemis volant vers lui avec la plus grande
absque mora trucidant, arma auferunt et spolia diese unwürdige Behandlung nicht ertragen rapidité avant qu'il soit relevé de terre, le percent
ex parte diripiunt. Agminibus autem impetum wollte, fiel Über sie her und alsbald geriet das de coups sur la place, et, à la vue de toute
facientibus vix cadaver exanime eruitur et a suis Roß, auf welchem er saß, in die verdeckten l'armée, le tuent sans retard, empor tent ses
usque Suessionis deportatum in basilica sancti Gruben und stürzte mit ihm nieder; die Feinde armes et enlèvent une partie de ses dépouilles.
Medardi sepelitur. Exercitus amisso duce ad fliegen in größter Eile herbei, durchstoßen ihn an Cependant sa troupe, se précipitant avec
propria revertitur. » der Erde, ehe er sich von der Stelle erheben impétuosité, leur arrache à grand'peine son
konnte, bringen ihn vor den Augen des ganzen cadavre inanimé, et transporté par les siens à
Heeres ohne Verzug ums Leben, nehmen seine Soissons il y est enseveli dans la basilique de
Waffen fort und bemächtigen sich eines Teils Saint-Médard. L'armée, ayant perdu son chef,
seiner Rüstung. Als die 10 Kriegsscharen aber retourne chez elle. »
einen Angriff machten, wird kaum der entseelte
Körper gerettet und von den Seinigen nach
Soissons geschafft, wo er in der Kirche des
heiligen Medardus begraben wird. Das Heer
kehrt nach Verlust seines Führers in die Heimat
zurück. »
Annales Mettenses
Chronique Anglo-saxonne
Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Traduction française personnelle
Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
[CAS 885 (885)] « Here the raiding-army, which earlier to this had [CAS 885 (885)] « L'armée de raids, qui était arrivée plus tôt dans l'est,
arrived in the east, went west again, and then up the Seine and took s'en est allé à l'ouest à nouveau jusque sur la Seine et elle y prit ses
winter-quarters there. » quartiers d'hiver. »
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 887] « (…) Post haec imperator Galliarum [RdP 887] « (…) Hiernach besuchte der Kaiser [RdP 887] « (...) Après cela l'empereur, passant
populos perlustrans Parisius cum inmenso die Völker Galliens, dabei kam er mit einem chez tous les peuples de la Gaule, vint a Paris
exercitu venit ibique adversus hostes castra unermeßlichen Heere nach Paris und schlug dort avec une immense armée, et établit son camp
posuit, sed nil dignum imperatoriae maiestati in gegen die Feinde ein Lager auf, doch er près des ennemis; mais il ne fit en ce lieu rien qui
eodem loco gessit. Ad extremum concessis terris vollführte an diesem Orte nichts, was fût digne de la majesté impériale. Enfin après
et regionibus, quae ultra Sequanam erant, kaiserlicher Majestät würdig gewesen wäre. avoir laissé les Normands piller les terres et pays
Nortmannis ad depredandum, eo quod incolae Zuletzt gestand er den Normannen die Gebiete au delà de la Seine, parce que les habitants de ces
illarum sibi obtemperare nollent, recessit et recto und Landschaften jenseits der Seine zur lieux ne se voulaient pas soumettre a lui, il se
itinere in Alamanniam perrexit. » Plünderung zu, weil die Einwohner derselben retira et prit sa route par l'Allemagne. »
ihm nicht gehorchen wollten, zog dann ab und
begab sich geraden Weges nach Alamannien. »
Annales Mettenses
Traduction française : Annales de Metz, éd. M. Guizot, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Brière,
Paris, 1824, p. 316-350
[AM 886] « Après cela l'empereur, passant chez tous les peuples de la Gaule, vint a Paris avec une immense armée, et établit son camp près des
ennemis; mais il ne fit en ce lieu rien qui fût digne de la majesté impériale. Enfin après avoir laissé les Normands piller les terres et pays au delà de la
Seine, parce que les habitants de ces lieux ne se voulaient pas soumettre a lui, il se retira et prit sa route par l'Allemagne. »
Chronique anglo-saxonne
Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Traduction française personnelle
Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
[CAS 887 (886-887)] « Here the raiding-army went up through the bridge [CAS 887 (886-887)] « L'armée de raids est allé à Paris par le pont, puis le
at Paris, and then up along the Seine as far as the Marne, as far as Chézy long de la Seine jusqu'à la Marne, jusqu'à Chézy. Puis ils s'installèrent là et
and then settled there and on the Yonne, two winters in those two places. dans l'Yonne, deux hivers dans ces deux endroits. Et la même année [888]
And the same year [888] Charles, king of the Franks, passed away ; » Charles, le roi des Francs, est mort ; »
Sources archéologiques : /
Conditions Quittent le siège de Paris pour la région de Chessy.
d'installation :
Situation géographique : Chessy, à l'est de Paris, sur la Marne, affluent de la Seine.
Site exploité par Une résidence royale.
l'hivernage :
Objectif de l'hivernage : Continuer les pillages.
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : /
Devenir de l'hivernage : /
Annales Mettenses
Traduction française : Annales de Metz, éd. M. Guizot, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Brière,
Paris, 1824, p. 316-350
[AM 888] « Cette même année, les Normands qui assiégeaient laville de Paris firent une chose miraculeuse et inouie, non pas seulement en notre âge,
mais dans les âges précédents car pressentant que la cité serait imprenable, ils commencèrent aussitôt à travailler de toutes leurs forces et industrie,
afin de pouvoir, laissant la ville derrière eux, faire remonter la Seine a leur flotte avec toutes leurs troupes, et, entrant ainsi dans la rivière de l'Yonne,
arriver sans obstacle aux frontières de la Bourgogne. Cependant les citoyens s'opposant par tous les moyens possibles à ce qu'ils remontassent le fleuve
ils tirèrent leurs bâtiments à sec pendant un espace de plus de deux milles, et, tout péril passé de cette manière les remirent à flot sur la Seine. Et peu
après quittant la Seine ainsi qu'ils l'avaient résolu, ils naviguèrent sur l'Yonne. Ils approchèrent de Sens et là établissant leur camp, assiégèrent de tous
côtés la ville durant six mois consécutifs, dévastant presque entièrement la Bourgogne par le pillage le meurtre et l'incendie. Mais les citoyens se
défendant vigoureusement, et Dieu les protégeant, ils ne purent jamais prendre ladite cité, quoiqu'ils l'attaquassent a beaucoup de reprises avec les plus
grands efforts et toute l'industrie de leurs ruses et de leurs machines. »
[AM 889] « La même année, les Normands quittant la ville de Sens, fondirent de nouveau sur Paris avec toutes leurs troupes; les citoyens leur ayant
tout à fait interdit la descente du fleuve ils levèrent de nouveau leur camp, et assiégèrent la ville avec toutes leurs forces; mais, par le secours de Dieu,
leurs efforts furent inutiles. Peu de jours s'étant écoules, ils s'emharquèrent de nouveau sur la Seine et, entrant dans la Marne ils incendièrent la ville de
Troyes et ravagerent tous les pays d'alentour, jusqu'à Verdun et Toul. »
Chronique Anglo-saxonne
Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Traduction française personnelle
Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
[CAS 887 (886-887)] « Here the raiding-army went up through the bridge [CAS 887 (886-887)] « L'armée de raids est allé à Paris par le pont, puis le
at Paris, and then up along the Seine as far as the Marne, as far as Chézy long de la Seine jusqu'à la Marne, jusqu'à Chézy. Puis ils s'installèrent là et
and then settled there and on the Yonne, two winters in those two places. dans l'Yonne, deux hivers dans ces deux endroits. Et la même année [888]
And the same year [888] Charles, king of the Franks, passed away ; » Charles, le roi des Francs, est mort ; »
Sources archéologiques : /
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Autres informations : Ont tiré leurs bateaux à sec, pour éviter un passage défendu de l'Yonne.
Devenir de l'hivernage : /
Sources archéologiques : /
Site exploité par Un fort robuste à proximité de la rive (« littora sedem sibi firmant »)
l'hivernage :
Vie quotidienne : /
Interactions avec la /
population :
Devenir de l'hivernage : /
[RdP 890] « Per idem tempus Nortmanni a [RdP 890] « Um dieselbe Zeit verlassen die [RdP 890] « Dans le même temps, les Normands
Matrona fluvio exeuntes Parisius revertuntur et, Normannen die Marne, kehren nach Paris quittant la Marne retournèrent vers Paris; et,
quia omnimodis descensus fluminis per pontem zurück und schlagen, weil ihnen in jeder Weise comme le pont les empêchait absolument de
prohibebatur, tercio castra locant et iterato das Hinabfahren auf dem Flusse durch die descendre la rivière, ils campèrent pour la
certamine predictam urbem impugnant. Sed Brücke verwehrt wurde, zum drittenmal ihr troisième fois, et essayèrent de nouveau l'attaque
civibus, qui con/tinuis operum ac vigiliarum Lager so auf und eröffnen von neuem den de ladite ville. Mais les habitants endurcis par
laboribus induruerant et assiduis bellorum Angriff’auf die besagte Stadt. Aber da die des fatigues et des veilles continuelles, et
conflictibus exercitati erant, audaciter Bürger, die in der beständigen Anstrengung der aguerris par des combats perpétuels, leur ayant
reluctantibus, Nortmanni desperatis rebus naves Verteidigungsarbeiten und der Nachtwachen opposé une vigoureuse résistance les Normands
per terram cum magno sudore trahunt et sic sich abgehärtet hatten und in den unablässigen désespérant de leur expédition traînèrent leurs
alveum repetentes Brittanniae finibus classem Kämpfen der Kriege geübt waren, mutigen vaisseaux sur le rivage avec de grands travaux,
traiciunt. Quoddam caatellum in Constantiensi Widerstand leisteten, geben die Normannen die et, regagnant ainsi le lit du fleuve, ils poussèrent
territorio, quod ad sanctum Loth dicebatur, Sache auf, ziehen ihre Schiffe mit vieler Muhe zu leur flotte vers les frontières de la Bretagne. Ils
obsident et accessum ad fontem aquae ex toto Land fort und, indem sie so das Flußbett wieder assiégèrent, dans le territoire de Coutance, un
prohibentes, oppidanis siti arescentibus, fit erreichen, fahren sie mit ihrer Flotte nach der certain château dit de Saint-Lô et, lorsqu'ils
deditio eo pacto, ut vita tan tum concessa cetera Bretagne hinüber. Sie belagern im Gebiete von eurent intercepté tout accès vers la source des
tollerent. Illis a munitione progressis gens Coutancee die Burg St. Lö, und da sie den eaux les habitants consumés par la soif, se
perfida fidem et promissa data profanat Städtern den Zugang zu ihrer Wasserquelle rendirent, et pour condition on leur promit
omnesque absque respectn iugulat; inter quos gänzlich abschnitten, kam es, als diese deshalb seulement la vie le reste leur devait être enlevé et,
episcopum Constantiensis ecclesiae interimunt.» vor Durst verschmachten mußten, zur Übergabe quand ils furent sortis de leurs remparts, cette
unter der Bedingung, daß sie ihnen das Leben zo nation perfide profanant sa foi et ses promesses,
ließen, alles übrige aber mitnahmen. Als jene aus les égorgea tous sans que rien les retînt l'évêque
ihrem Bollwerke hervorkamen, bricht das de l'église de Coutance fut tué avec tout le reste. »
treulose Volk sein Wort, und das Versprechen
und metzelt alle ohne Ansehen der Person
nieder ; unter ihnen erschlagen sie auch den
Bischof der Kirche von Coutances.»
Annales Mettenses
Traduction française : Annales de Metz, éd. M. Guizot, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Brière,
Paris, 1824, p. 316-350
[AM 890] « Dans le même temps, les Normands quittant la Marne retournèrent vers Paris ; et, comme le pont les empêchait absolument de descendre
la rivière, ils campèrent pour la troisième fois, et essayèrent de nouveau l'attaque de ladite ville. Mais les habitants endurcis par des fatigues et des
veilles continuelles, et aguerris par des combats perpétuels, leur ayant opposé une vigoureuse résistance les Normands désespérant de leur expédition
traînèrent leurs vaisseaux sur le rivage avec de grands travaux, et, regagnant ainsi le lit du fleuve, ils poussèrent leur flotte vers les frontières de la
Bretagne. Ils assiégèrent, dans le territoire de Coutance, un certain château dit de Saint-Lô et, lorsqu'ils eurent intercepté tout accès vers la source des
eaux les habitans consumés par la soif, se rendirent, et pour pour otage, il .parvint enfin à l'obtenir. Dans le même temps, les Normands quittant la
Marne retournèrent vers Paris ; et, comme le pont les empêchait absolument de descendre la rivière, ils campèrent pour la troisième fois, et essayèrent
de nouveau l'attaque de ladite ville. Mais les habitants endurcis par des fatigues et des veilles continuelles, et aguerris par des combats perpétuels, leur
ayant opposé une vigoureuse résistance les Normands désespérant de leur expédition traînèrent leurs vaisseaux sur le rivage avec de grands travaux,
et, regagnant ainsi le lit du fleuve, ils poussèrent leur flotte vers les frontières de la Bretagne. Ils assiégèrent, dans le territoire de Coutance, un certain
château dit de Saint-Lô et, lorsqu'ils eurent intercepté tout accès vers la source des eaux les habitants consumés par la soif, se rendirent, et pour
condition on leur promit seulement la vie le reste leur devait être enlevé et, quand ils furent sortis de leurs remparts, cette nation perfide profanant sa
foi et ses promesses, les égorgea tous sans que rien les retînt l'évêque de l'église de Coutance fut tué avec tout le reste. »
Chronique Anglo-saxonne
Traduction anglaise : The Anglo-Saxon Chronicles, éd. M. Traduction française personnelle
Swanton, 2e éd., Londres,
Phoenix Press, 2000
[CAS 890] « And the same year [889] the raiding-army went from the [CAS 890] «La même année [889] l'armée de pilage est allée de la Seine à
Seine to St Lô, which is between the Bretons and the Franks ; and [890]the Saint-Lô, qui est situé entre le pays ds Bretons et des Francs. Les Bretons
Bretons fought against them and had the victory, and drove them out into ont alors [en 890] combattu contre eux et ont eu la victoire, les chassèrent
a river, and drowned many. » vers une rivière, et en noyèrent beaucoup. »
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Autres informations : Siège par Alfred le Grand et fuite des vikings avec leur butin.
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[CAS 896](895) « In the same year the aforesaid raiding-army made a [CAS 896 ](895). « La même année, l'armée de raids précédemment citée
fortification he Lea, 20 miles above London stronghold. Then later in the fit une fortification sur la Lea, à 20 miles au-dessus de la forteresse de
summer, a great part of the garrison, and likewise other peoples, went so Londres. Puis, plus tard dans l'été, une grande partie de la garnison, et
that they arrived at the Danish fortification, and were put to flight there, même d'autres peuples sont partis jusqu'à arriver à la fortification
and some four king's thegns killed. Then later in harvest-time the king danoise, et y ont été mis en fuite, et quatre theigns du roi ont été tués. Puis,
camped in the vicinity of the stronghold while they reaped the corn, so that plus tard, à l'époque de la moisson, le roi a campé dans le voisinage de la
the Danish could not keep them from the reaping. Then one day the king forteresse pendant la récolte du maïs, de sorte que les danois ne pouvaient
rode up along the river and looked to see where the river might be pas la garder pour eux. Puis, un jour, le roi remonta le long de la rivière et
obstructed so that they could not bring out their ships. And then they did a cherché à savoir où le fleuve pourrait être obstruée afin qu'ils ne puissent
so: made two fortifications on the two sides of the river. Then when they plus faire partir leurs navires. Puis ils l'ont fait: deux fortifications ont été
had just begun that work and had camped by there, the raiding-army construites sur les deux côtés de la rivière. Puis, alors qu'ils avaient juste
realized that they could not bring out the ships. » commencé ce travail et avaient campé par là, l'armée de raids a réalisé
qu'ils ne pourraient pas faire repartir les navires. »
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