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ET L’ART DE LA RESTITUTION
Jean-François Bernard est Architecte
DPLG et docteur en histoire ancienne. Membre
de l’Institut de Recherche sur l’Architecture
Antique (CNRS/Université de Pau et de pays
de l’Adour), il a occupé les postes d’architecte
de l’Institut d’Études Anatoliennes d’Istanbul
et de responsable du service archéologique de
l’École française de Rome.
Alain Bouet est professeur d’histoire
et d’archéologie romaines à l’université
Bordeaux Montaigne, rattaché à l’institut
Ausonius.
Illustration de couverture :
Photo J.-F. Bernard
Mots-clés
Architecture, archéologie, restitution, ville romaine, Méditerranée, Égypte, Tunisie, Gaule
AUSONIUS
Maison de l’Archéologie
Université Bordeaux Montaigne
F – 33607 Pessac Cedex
http://ausoniuseditions.u-bordeaux-montaigne.fr
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de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
© AUSONIUS 2023
ISSN : 1283-2995
EAN : 9782356135629
Diffusion AFPU-D
C/O Université de Lille - 3 rue du Barreau
BP 60149 - 59653 Villeneuve d'Ascq cédex
27 juin 2023 Tél. +33 (0)3 30 41 66 95
ausonius éditions
— Mémoires 63 —
JEAN-CLAUDE GOLVIN
ET L’ART DE LA RESTITUTION
sous la direction de
Jean-François Bernard et Alain Bouet
— Bordeaux 2023 —
Sommaire
TUNISIE
Louis Maurin, Les princes de Dougga.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................... 57
Hichem Ksouri, Architecture des théâtres antiques d’Afrique : aspects moins questionnés qu’il n’y paraît… .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .................. 69
Samir Aounallah et Véronique Brouquier-Reddé, À la recherche de l’amphithéâtre,
un nouveau sanctuaire chez les Thuggenses. . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................. 99
Fathi Bejaoui et François Baratte, Une installation remarquable : le martyrium de l’église d’Henchir el-Gousset (Tunisie). ....... 113
GAULE
Alain Bouet, Vite construit, vite inauguré ? Sur la construction des thermes symétriques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................... 156
Jean-Pierre Bost et Catherine Petit-Aupert, La fin de la villa gallo-romaine de Plassac, Gironde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................... 163
Fabricia Fauquet, Le cirque et ses images : essai de restitution du monument arlésien .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .................. 173
RESTITUTION
Jean-François Bernard, Le dessin photographique, à l’origine des nouvelles images de l’archéologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................. 185
Philippe Fleury, Image et transmission : des aquarelles aux pixels.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .................. 195
IIe PARTIE
RECUEIL D’ARTICLES
Introduction
Alain Charron et Soizic Toussaint, La donation Jean-Claude et Sophie Golvin au Musée départemental Arles antique. . . . . . . ......... 211
L’amphithéâtre et ses images, quelques règles fondamentales du langage visuel (1999). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... 215
À propos des ports égyptiens, la visualisation et ses signes déterminants (2001).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........... 225
Le rôle de la restitution architecturale dans l’étude des temples de Dougga (2003).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... 235
Modèle et maquette : quelques problèmes relatifs à l’image de restitution (2003). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ......... 253
Les grands travaux de Caligula liés à la construction du cirque du Vatican (2005). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... 263
L’exploitation des images antiques : problèmes de méthodologie (2006).............................................................................................................................................................................. 273
La restitution architecturale de l’hippodrome de Constantinople :
méthodologie, résultats, état d’avancement de la réflexion (2006). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... 291
Réflexion relative aux questions soulevées par l’étude du pulvinar et de la spina du Circus Maximus (2006). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... 303
À propos de la restitution de l’image de Puteoli : correspondances, ancrage, convergences (2008).. ........................................................................... 311
La mosaïque de Silin représente-t-elle le cirque de Leptis Magna ? (2008). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... 323
Érection de l’obélisque unique de Karnak au Circus Maximus. Essai de restitution (2017).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... 333
La restitution des villes antiques : dessin manuel ou modélisation 3D ? (2018). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........... 345
Réflexion méthodologique à propos de la restitution du sanctuaire du Grand temple d’Amarna (2018).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........... 355
L’architecte et l’archéologue face au problème de la restitution (2020). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ......... 367
Une installation remarquable :
remarquable :
le martyrium de l’église d’Henchir el-Gousset (Tunisie)
Les nombreux dossiers sur lesquels nous avons travaillé ensemble de longue date, Jean-Claude Golvin et nous-mêmes, en
particulier sur le site de Haïdra, ont concerné des monuments très divers : rappelons seulement, parmi bien d’autres, la citadelle
byzantine, un dossier que nous venons de rouvrir en vue de sa publication 1, ou bien encore les “monuments à auges” 2. Il en est
un pourtant qui, dès le début de sa collaboration sur le site avec N. Duval, puis avec nous-mêmes, a retenu plus particulièrement
son attention : celui de la basilique dite de Candidus, à l’histoire complexe, et que distingue notamment une belle installation
martyrologique, remarquable par l’état de conservation qui était le sien au moment de sa découverte peu avant la seconde
Guerre mondiale par le fouilleur d’alors, le Dr Dolcemascolo. Publiée une première fois par 0 3
L.2Poinssot, puis analysée en détail
2
par N. Duval avant sa récente publication 3, elle se distingue par son aménagement, uneinmosaïque protégée par une balustrade
en pierre formant un enclos, et par une double inscription, qui évoque en termes
ju identiques sur la mosaïque et sur le
spresque
n
chancel le souvenir d’un groupe de martyrs de la persécution de Dioclétiendetitileodonateur du monument, l’illustris Marcellus 4.
É
C’est l’intérêt porté par J.-C. Golvin à cette installation qui nous
n iusa conduits, en témoignage d’amitié, à lui offrir quelques
remarques sur un autre martyrium d’un grand intérêt, celui deul’une so des églises d’El Gousset. Ce beau site, connu de longue date,
A
- © on y note la présence d’une grande huilerie à six pressoirs et celle
situé le long de la voie d’Ammaedara à Thelepte, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de cette dernière ville, n’est pas
identifié 5. Il pourrait s’agir d’un grand domaine. Assez u r étendu,
6te
de deux églises, la première, récemment repérée
’ a u , la seconde, déjà mentionnée, beaucoup mieux conservée (fig. 1) : les arcades de
t d au point de donner son nom au site. Le plan et différents relevés dressés en 1898,
ses nefs en effet sont toujours restées en iplace,
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Fig. 3. Le martyrium et ses annexes, vus du nord (cl. F. Bejaoui). La dalle de couverture des deux
s j était posé dessus.
premiers reliquaires a été remise en place ; le troisième, massif,
ition
bases de colonnes et d’autre part sur celles de deux pilastres s Éd
iu
situés aux angles de la salle. on
A us
Les côtés nord-est/sud-ouest de ce premier espace ©
sont délimités au sol par une série de dalles u r-
étroites
soigneusement alignées (trois de chaque côté), te un
uformant
’ a
stylobate. Deux bases de colonnes (une seule
r o it d est conservée,
au nord) étaient posées aux extrémités d sud-est, presque
collées aux murs extérieurs de o uspièce faisant fonction de Fig. 4. L’arc d’entrée de la salle aux reliques, avec l’inscription datée par le
la
s
martyrium. Celle qui estnents place porte une rainure, ce qui règne de Thrasamund : anno bicesimo VI dom/ni regis Trasamundi
m e
devait être le cas aussi pour celle du côté opposé, d’autant
(cl. F. Bejaoui).
Élérainures se retrouvent en face, à l’autre extrémité des dalles au nord-ouest, donc à l’entrée de la salle vers
plus que d’autres
l’église, sur le socle des deux pilastres, ce qui donne à penser que des chancels isolaient aussi cet espace des deux pièces latérales.
Enfin, le sol était en terre battue (comme c’est d’ailleurs le cas pour l’église, où seul l’espace réservé au chœur était entièrement
dallé, et pour presque toutes ses dépendances), sauf à l’angle sud-ouest à droite de l’entrée du martyrium où se trouve une dalle
quasiment collée à l’une de celles qui délimite la première pièce du côté sud-est. On y remarque deux trous creusés qui pourraient
correspondre à l’emplacement de deux poteaux marquant un passage vers la pièce latérale.
Le martyrium
La pièce est de plan presque carré (3 x 2,96 m). Les murs latéraux, d’une hauteur d’environ 1 m, sont en grand appareil,
en blocs soigneusement alignés, très soignés et liés au mortier. Ils comportent deux assises régulières, celle du dessus beaucoup
moins haute que l’assise inférieure. Il en va de même pour le mur du fond sur lequel étaient posées trois bases complètes et une
demi-base (à l’extrémité nord) de colonnettes doubles (fig. 5). Aucune des colonnettes n’a été retrouvée dans la fouille.
On retrouve à l’entrée en façade les mêmes dalles qui délimitaient la première pièce. Deux bases de colonnes étaient
posées aux extrémités de ce stylobate, appuyée chacune contre une extrémité des murs latéraux. Elles supportaient l’arc portant
l’inscription qui marquait l’entrée. Les bases ne portent pas de rainures sur les côtés, ce qui signifie qu’il n’existait pas de chancels
ou un autre moyen de clôture comme des grilles, sauf s’ils se fixaient directement sur le fût des colonnes, non retrouvées. On a bien
deux rainures, peu profondes, sur les mêmes bases, mais vers l’intérieur de la première salle, qui n’ont pas de correspondances
116 – Fathi Bejaoui et François Baratte
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Éd
Fig. 5. Le martyrium, vu depuis l’est. Au premier plan, olen
us
i massif ; au second plan, le mur sud
mur
s colonnes doubles en place (cl. F. Bejaoui).
de la salle, avec les basesude
A
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r-
sur les bases qui leur font face, ce qui ne pourraitase
eu
utjustifier que par des réaménagements effectués dans ces deux espaces, qui
’
nous échappent. Le sol de la salle semble avoir
r o it d été dallé, comme le laissent penser quelques traces près du mur sud-est et de
celui du fond. d
us
C’est au fond du martyrium
s soqu’ont été retrouvés trois reliquaires (fig. 6). Le premier est un bloc de calcaire (0,62 x 0,57 m)
creusé d’une cavité (0,25 x e
t
n m, et 0,10 m de profondeur) trouvée vide, dans laquelle devait s’emboîter le couvercle, non retrouvé.
0,29
m
Resté pratiquement àléson emplacement initial, le caisson était posé sur une grande dalle à peine dégrossie. Elle protégeait les
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deux autres reliquaires, également en pierre calcaire, enfouis dans la terre. L’un, carré (0,19 m de côté et 0 ,22 m de profondeur),
cassé sur un côté, rempli de terre, était sans couvercle et ne comporte d’ailleurs pas de feuillure pour son encastrement. Peut-être
a-t-on jugé que la grande dalle pouvait jouer ce rôle ? Le second (0,26 x 0,18 m et 0,16 m de profondeur), aménagé à proximité
immédiate a conservé le sien sous forme d’une petite plaque de pierre (fig. 7). Il contenait de la terre mêlée à des pierrailles.
Ces deux pièces sont flanquées, on l’a dit, de deux salles latérales, au nord, une sans aménagements particuliers, au sud,
une autre dans laquelle a été installée, à un moment donné, une tombe (découverte vide et dépourvue d’épitaphe) sous la forme
d’une cuve en calcaire nettement orientée nord-est/sud-ouest. L’une et l’autre ouvrent à la fois sur l’église, à l’ouest, et sur un vaste
espace à l’est, découvert semble-t-il, donc une sorte de cour, autour de laquelle étaient disposées des annexes en partie au moins
à caractère économique, ce que laisse supposer l’existence de deux pièces comportant des lignes d’auges ainsi qu’une grande
concentration de fragments d’amphores 11. L’arrière du martyrium donnait sur cet espace ; on observe néanmoins l’existence
d’un tronçon de mur, soigneusement construit, mais qui n’est relié à aucune autre structure, immédiatement derrière le mur de
fond du martyrium, à quelques dizaines de centimètres, qui interdisait, après sa construction, de s’approcher de celui-ci (fig. 8).
11. Nous comptons revenir ailleurs sur ces aménagements, qui rapprochent l’église d’El-Gousset de la “chapelle d’Alexandre” à Bulla Regia.
Sur le dossier des monuments à auges, cher à J.-C. Golvin, outre l’article cité n. 2, on se reportera désormais à Rocca et al. 2022.
Une installation remarquable : le martyrium de l’église d’Henchir el-Gousset (Tunisie) – 117
Fig. 6. Le martyrium. Au premier plan, les deux premiers reliquaires (cl. F. Bejaoui).
0 23
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Fig.o7.nL’un des reliquaires ouvert. À gauche, son couvercle ;
d iti à droite, la dalle qui les recouvrait (cl. F. Bejaoui).
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Fig. 8. Le martyrium vu du sud-ouest, après restauration. Les bases de colonnes doubles ont
été déposées (cl. F. Bejaoui).
Restitution et interprétation
Si la conservation de cet ensemble est plutôt bonne, il manque néanmoins beaucoup d’éléments de l’élévation, en
particulier tous les supports, colonnes, colonnettes et pilastres, arcs éventuels ou entablements. Leur disparition s’explique
probablement par le faible enfouissement des ruines, à peine 1 m de terre, qui les laissait largement apparents et permettait
un remploi facile. Un seul arc est conservé, celui qui, à l’entrée du martyrium, portait l’inscription donnant la date de l’édifice
(ou de l’installation martyrologique). Il est donc difficile de restituer l’élévation des deux salles et leur couverture, même si on
dispose d’un point de repère certain, les arcades de l’église.
118 – Fathi Bejaoui et François Baratte
s o
Aude deux paires de colonnettes et sommée d’un entablement
On note que la fouille a recueilli, immédiatement auprès d’eux, une fenestella en calcaire, d’une largeur de 0,50 m, cassée à sa
partie inférieure (fig. 9) ; une ouverture en arcade est encadrée
- ©
plat ; les écoinçons et les chapiteaux sont décorés d’un
t e urrinceau sommairement gravé. Elle ne porte aucune inscription, à la
différence d’autres fenestellae, à Aïoun Berich 13’aou u à Aïn Fakroun 14, en Algérie, par exemple ; rien n’indique où elle prenait
d
ellet est trop étroite pour venir sur les bases de colonnettes. Elle était de toute façon
r i qui enfermait les reliquaires, et devait être accessible à la vénération des fidèles.
place ; sur le mur de fond peut-être, mais o
insérée dans un aménagement plus important s d
s ou
Les deux fenestellae citées, malheureusement, n’ont pas davantage été trouvées en place et on ne sait donc pas comment
elles se présentaient. C’est n t s
m e du côté des textes que l’on se tournera donc pour avoir quelques précisions,e insuffisantes encore
lé de ces dispositifs : le Liber de miraculis sancti Stephani, rédigé au début du v siècle à la demande
pour reconstituer l’allure
d’Evodius, évêque É d’Uzalis, un ami de saint Augustin 15, évoque à plusieurs reprises la memoria élevée pour abriter les reliques
du protomartyr, sans la décrire toutefois ; mais nous apprenons tout au moins qu’on peut glisser un linge à travers la fenestella
jusqu’à toucher le reliquaire, et qu’il existe dans la memoria deux “petites portes”, ostiola, que l’on peut ouvrir, suffisamment
grandes pour qu’on puisse y passer la tête, et suffisamment proches du réceptacle des reliques pour qu’on puisse la poser sur
celui-ci. À El Gousset, l’ouverture de la fenestella est très large et ne semble pas avoir été obturée, ce qui la rapproche d’un autre
monument, disparu, d’allure un peu différente il est vrai, un bloc de marbre échancré en arc-de-cercle, provenant d’Henchir
Magroun en Numidie, signalant une memoria de Pierre et de Paul : cette large ouverture (un peu moins de 1 m supérieure donc
à celle du fragment d’El Gousset) a conduit les commentateurs à s’interroger, sans trancher, sur sa fonction (arc de ciborium,
couronnement d’une porte de chancel ?) 16.
12. Le troisième, un cube massif et en élévation au-dessus du sol, pourrait avoir été un support d’autel.
13. Baradez & Leglay 1957, 82-88, fig. 5-6 ; Gui et al. 1992, vol. 2, pl. CLXXX, 1 ; Sintès & Rebahi 2003, 263, n° 136 (K. Descoings) ; au musée
d’Alger.
14. Lassus 1958, 9 ; Gui et al. 1992, vol. 2, pl. CLXXXV, 4 ; au musée du Louvre. Autres exemples de fenestellae sans inscription à Columnata,
Tigzirt et Ain Ghorab (Gui et al. 1992, vol. 2, pl. CLXXXV, 3, 5 et 6 ; Columnata : Hamdoune 2018, 457, n° 19, fig. 43).
15. Meyers 2006. Voir plus particulièrement Duval 2006.
16. Duval 1982, 143-144, n° 66, fig. 97 (trouvée hors contexte).
Une installation remarquable : le martyrium de l’église d’Henchir el-Gousset (Tunisie) – 119
crypte, dont une fenestella permettait de voir l’intérieur. Rappelons aussi la memoria de saint Étienne, déjà évoquée, telle que
le Liber de miraculis permet de s’en faire une idée 24.
Parmi tous ces monuments, l’ensemble martyrologique d’El-Gousset tient une place originale. Sans constituer tout à
fait un monument à part, indépendant de l’église, il occupe néanmoins deux salles, clairement isolées et placées en marge
de celle-ci, même si elles ouvrent très largement sur elle. On aimerait pouvoir restituer leur élévation pour réaliser le volume
qu’elles occupaient exactement, et de quelle manière elles s’inscrivaient dans le paysage. La disparition de tous les supports
nous prive, nous l’avons dit, de cette possibilité. La monumentalité était accentuée cependant par l’existence de l’arc d’entrée
de la salle aux reliquaires, sinon d’un autre à l’entrée de la première salle 25. Celle-ci, qui paraît avoir eu un rôle de vestibule,
n’était pas accessible de manière régulière aux fidèles, peut-on penser ; elle était néanmoins très largement ouverte aux regards,
quels qu’aient été ses aménagements intérieurs. Cette ouverture aux regards est une caractéristique de l’ensemble des deux
salles : un accès limité, mais une vision aisée. Les restes d’une ou deux fenestellae dans la salle martyriale indiquent toutefois
qu’il y avait autour des reliques des aménagements supplémentaires, qui n’ont pas laissé d’autres traces, mais qui devaient,
tout en les protégeant leur donner un relief supplémentaire 26. Enfin, il y avait autour de ces deux salles une déambulation
possible 27. On rappellera que dans la basilique de Candidus à Ammaedara, dans l’état antérieur à la memoria de Marcellus,
l’abside primitive avait elle aussi été réaménagée en martyrium, avec un circuit qui permettait de passer autour de la cuve qui
faisait sans doute office de reliquaire 28. 23
20
Deux points demeurent en suspens, qui ne seront probablement jamais résolus, usauf in nouvelle découverte : le premier
j cette
concerne l’identité des martyrs vénérés dans l’église d’El-Gousset, et qui ont suscité n s installation. Le second est une
i t i o
interrogation sur l’inscription qui avait été gravée, assez sommairement , sur l’arcd d’entrée du martyrium et qui en occupe une
29
u so
sinon l’église elle-même. Mais il nous semble que cette date, largement sur l’arc, appelle un complément,
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précisant la nature de ce qui a été fait (ou du dépôt des reliques, peut-être), ou le nom de celui qui a réalisé les travaux : c’est
©
effectivement une dédicace qu’on attend à cet emplacement. r - Mais aucune autre inscription n’a été retrouvée.
Il nous paraît difficile d’aller au-delà deau
ces
eu
t observations. Mais, quelles que soient les incertitudes, le martyrium
d ’
d’El‑Gousset est à coup sûr une installationit remarquable, comme l’ensemble de cette église et de ses annexes, qui sort de
l’ordinaire. d r o
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É lém
Bibliographie
Baradez, J. et Leglay, M. (1957) : “La croix-trophée et le reliquaire Baratte, F., Bejaoui, F. et Ben Abdallah, Z. (2009) : Recherches
d’Aïoun-Berich (région d’Aïn-Beïda), département de archéologiques franco-tunisiennes à Ammaedara. Haïdra III.
Constantine)”, CArch, IX, 73-88. La basilique VII. Le petit monument à auges. Le marché, CEFR
Baratte, F. et Bejaoui, F. (2010) : “Les fortifications byzantines 18/3, Rome.
d’Ammaedara”, CRAI, 513-538.
24. Duval 1973, 236, fig. 134, et 248-249 ; Duval 2006, 97-100.
25. Il n’y en a toutefois aucune trace (aucun claveau), et la présence d’un arc à cet endroit compliquerait le raccord des couvertures.
26. À moins qu’il n’y ait eu, simplement, une table d’autel au-dessus des reliquaires ; on s’étonne alors que ses montants n’aient pas laissé
de traces, sauf si deux encoches sommaires dans deux angles de la dalle qui couvrait les reliquaires correspondaient à des montants. Rappelons
également qu’une grande partie des dalles couvrant le sol de cette pièce ont disparu, du moins autour des reliques, et auraient pu éventuellement
supporter une table d’autel.
27. Les traces de différents remaniements semblent perceptibles, donc d’états successifs de l’installation, qu’on ne peut toutefois préciser.
28. Baratte et al. 2011, fig. 75 bis.
29. Rappelons que l’inscription qui figure sur le linteau de la porte de l’église – Spes in Deo – est elle aussi gravée de manière assez
grossière : Gauckler 1913, pl. XXVI.
Une installation remarquable : le martyrium de l’église d’Henchir el-Gousset (Tunisie) – 121
Baratte, F., Bejaoui, F., Duval, N., et Golvin, J.-C. (2011) : Recherches Duval, Y. (2006) : “Les monuments du culte d’Étienne à Uzalis”, in :
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