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ARTS
Dossier : Document : Arts
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HENRI BLONDET
ARTS
La culture de la provocation
1952-1966
TALLANDIER
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SOMMAIRE
AVANT-PROPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
CHAPITRE PREMIER. LES PATRONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Jacques Laurent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Roger Nimier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
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SOMMAIRE 9
BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383
REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385
TABLE DES MATIÈRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
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AVANT-PROPOS
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il finira par le diriger, jusqu’à son arrêt, un peu avant 1968. Deux
rédacteurs en chef ou directeurs vont donner au journal sa répu-
tation et faire son succès dans les années 1950 : Louis Pauwels
puis Jacques Laurent, dès 1954.
Louis Pauwels modernise la revue, développe la rubrique lit-
téraire avec Jacques Peuchmaurd (« Je lis un livre par jour »),
Marcel Arland. Mais la nouveauté et l’éclat arriveront avec
Jacques Laurent. L’auteur des Corps tranquilles est aussi, sous le
pseudonyme de Cecil Saint-Laurent, le créateur de Caroline ché-
rie, qui rencontre un succès considérable d’édition, complété
par des films qui consacrent Martine Carol. Avec l’argent gagné,
il crée une revue (La Parisienne), achète Arts et en prend la
direction. La presse « culturelle » du début des années 1950 est
multiple : Opéra (dont Roger Nimier est le rédacteur en chef),
Les Lettres françaises, Les Nouvelles littéraires… L’objectif de
Laurent est clair : faire de cet hebdomadaire « une feuille
d’humeur et de parti pris ». Pas de ligne officielle : deux collabo-
rateurs peuvent avoir une opinion divergente et l’exprimer. Il
hait le ronronnement, la fausse objectivité et a horreur des
publications austères et étriquées. Pas de complaisance : à la une
du journal que dirige Laurent, paraîtra une critique assassine
d’un de ses romans, « Le cas Valentine, c’est insupportable ! »,
signée par Nimier. Avec son ami Jean Aurel, Jacques Laurent
donne la parole à de futurs metteurs en scène (Truffaut,
Rohmer, Godard) qui avant de s’imposer comme les cinéastes
de la Nouvelle Vague vont casser le moule de la critique tradi-
tionnelle. Le directeur a la culture de la polémique et lors de la
rupture Sartre-Camus, il prend parti, contre les deux… Il a
aussi la volonté d’« exclusivités » et ne méprise pas les faits
divers. C’est ainsi qu’il fait appel pour la couverture du procès
Dominici, le plus célèbre de l’après-guerre, à Jean Giono, qui
entre Paris Match et Arts, choisit l’hebdomadaire à grand for-
mat. Et pendant quatre semaines confie ses impressions de chro-
niqueur judiciaire. C’est un succès.
Jacques Laurent et Roger Nimier se sont rencontrés à Paris,
chez François Mauriac, avenue Théophile-Gautier, un dimanche
de 1949, bien avant l’article de Bernard Frank dans Les Temps
modernes et son invention des « Hussards » (Blondin, Déon,
Laurent, Nimier) dont la cohérence n’existera vraiment que dans
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Les articles choisis dans cet ouvrage l’ont été en toute subjec-
tivité, ils veulent simplement essayer de rendre compte de la
variété et de l’originalité des collaborateurs de Arts. D’Audiberti
à Vian, ces journalistes pas comme les autres ont rendu compte
avec bonheur, humour et dérision d’une vie culturelle et poli-
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CHAPITRE PREMIER
LES PATRONS
Jacques Laurent
Journaliste, Jacques Laurent le fut dès les années 1930 avec quelques
articles pour L’Étudiant français. Vendue par des bénévoles au Quartier
latin, la revue comprenait des articles littéraires ou politiques dus à des
étudiants et parfois même des lycéens. Envoyant un article par la poste, il
eut ensuite le plaisir d’être publié par Combat, animé par René Vincent. Il
assista aux conférences de rédaction, qui se tenaient chez Lipp avec Thierry
Maulnier, Claude Roy et Kléber Haedens. « C’était une revue anticommu-
niste… et il y avait entre Combat et L’Action française une parenté
d’attitudes face à l’action », raconte-t-il dans Histoire égoïste. À Vichy,
pendant la guerre, il travaille pour Idées et L’Écho des étudiants. En
1945, à Paris, sous le parrainage de François Mauriac, il collabore à la revue
La Table ronde et y publie notamment son pamphlet sur Paul Bourget et
Jean-Paul Sartre, « Paul et Jean-Paul ». Avec l’argent gagné grâce à
Caroline chérie, il crée une revue, La Parisienne, et achète Arts en 1954
à Georges Wildenstein. Il fait table rase et invente le journal qui lui
convient. Il écrit des éditos (« C’est mon opinion et je la partage ») mais
aussi dans différentes rubriques, avec des pseudos. Il met en avant son goût
pour les pastiches, son intérêt pour les faits divers. On ne s’ennuie pas. Il
écrit dans le dernier numéro de 1954 : « Un groupe d’écrivains et de
journalistes sont en train de multiplier le nombre de lecteurs sans y voir la
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marque d’une déchéance certaine. » Dans ses vœux aux lecteurs de l’heb-
domadaire pour 1958, titré « Meilleurs vœux aux Atrides », il précise : « La
famille des lecteurs de Arts, il s’agit des Atrides. Nous ne prenons jamais
une initiative sans que déferlent sur nous des avis enthousiastes ou
exaspérés. » L’ironie est mordante, les collaborateurs prestigieux, mais la
politique étant bannie de cette entreprise, quand Laurent milite pour
l’Algérie française en 1958, il quitte Arts pour L’Esprit public. Puis,
grand reporter, il écrira pour des quotidiens sur la guerre du Vietnam et
retrouvera, quand Arts aura disparu, des revues, plus modestes, comme Au
contraire qui n’aura qu’un seul numéro.
8 mai 1952
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comme une extravagance, puisque c’en était une pour les salons
que ce revers de fortune qui, au lieu d’atteindre un particulier,
en ruinait des milliers. Romanesquement étranger à la fureur
d’une guerre qu’il n’avait point faite, il n’a voulu connaître que
le héros en permission, l’abandonnant froidement sur le quai de
la gare de l’Est.
Au moment où Barrès servait, Radiguet se servait. Munis
d’une plume sergent-major, les écrivains engagés de l’époque
travaillaient dans la grandeur à coups d’anecdotes faussement
pudiques, de litotes crânes, et de poilus qui serrent les dents en
rigolant. La littérature militairement engagée se reconnaît à ce
qu’elle n’est lue que par les civils. C’est déjà beaucoup et l’écri-
vain peut espérer que s’étant attaché au char éternel de la gloire
et de l’héroïsme national, il bénéficiera de leur longévité et
durera autant qu’eux. Et s’il lit Radiguet, il sourit de son impru-
dence.
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22 décembre 1954
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LES PATRONS 21
raison contre Gide et que le sujet d’un roman n’était pas néces-
sairement d’être important. Ils montrent et ne démontrent pas.
Que les as du bombardement, les capitaines de navires-
hôpitaux, les chasseurs de crocodiles se tiennent bien. On leur
avait laissé le champ de bataille libre. Mais ou je me trompe bien
ou voici les romanciers qui reviennent.
18 avril 1956
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23 janvier 1957
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6 février 1957
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DÉFENSE DE STATIONNER
27 mars 1957
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9 juillet 1958
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Roger Nimier
Écrivain, l’auteur du Hussard bleu ou des Enfants tristes, est aussi pour
Louis Malle le scénariste à succès d’Ascenseur pour l’échafaud. Journa-
liste, Roger Nimier l’est dès le lycée avec Le Brise-Tout du seizième. À la
Libération, il participe activement à la vie de petits journaux (La Condi-
tion humaine, Force populaire). À 25 ans, en 1951, il est nommé
rédacteur en chef d’Opéra, hebdomadaire de spectacle privilégiant le
théâtre. L’article de Nimier au titre agressif « Surprise à Marigny, Jean-
Louis Barrault encore plus mauvais que d’habitude » fera beaucoup parler
de lui. Le journal s’arrêtera peu après. Certains voudront lui faire perdre sa
carte de presse. Mais l’écrivain continuera sa vie de journaliste à Carrefour
puis Elle comme chroniqueur littéraire. Proche de Pierre Lazareff, il
devient directeur littéraire du Nouveau Femina. En 1954, quand Jacques
Laurent reprend Arts, il confie pour quelques mois un « Journal de la
semaine » à Nimier, pour faire face au « Bloc-notes » de Mauriac, dans
L’Express. Après l’arrêt du Nouveau Femina, l’auteur des Épées devient
conseiller chez Gallimard, mais malgré sa complicité avec Gaston
Gallimard, il ne le convaincra pas de créer un nouveau journal littéraire.
Comme Jacques Laurent prend une certaine distance avec Arts, pour
militer en faveur de l’Algérie française, à la rentrée 1958, Nimier entre au
comité directeur du journal. Il anime la réforme de l’hebdomadaire
indépendant désormais, mais soutenu par Georges Wildenstein, de retour
aux finances du journal. Condition de ce dernier : que la politique soit
– toujours – exclue de l’hebdomadaire. L’aventure durera jusqu’en 1961,
Roger Nimier s’en éloignera pour des raisons matérielles, son nom
disparaît du comité de rédaction et il devient critique théâtral au Nouveau
Candide…
Dans Arts, le romancier écrira sur son ami Morand, comme sur Cioran,
mettra en avant son goût du pastiche. Il publiera aussi des articles sur le
cinéma, et sur la mort de Camus dans un accident de voiture, trois ans
avant de disparaître lui-même au volant de son Aston Martin.
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UN DÉJEUNER DE BERNANOS
23 juin 1954
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3 août 1955
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9 janvier 1957
L’atome démocratique
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Un état-major savant
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7 mai 1958
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Sans doute a-t-il trouvé son vrai visage dans cette métamor-
phose, le visage qu’aimait Proust, celui de Tendres Stocks et de
ses dernières nouvelles : un auteur pour happy few. L’extrême
intelligence de « notre minotaure Morand », sa culture profonde
et soudaine, son génie de l’image rapide qui explique quand elle
paraît surprendre, sa modestie réelle qui a survécu et au succès
et à l’insuccès, son indépendance justifient la place qu’il occupe
aux yeux de la jeunesse littéraire. Une place pour cet homme
qui ne tenait pas en place ! C’est inattendu. Car cette jeunesse,
qui vieillit à vue d’œil – donc ne nous en plaignons pas – peut
apprécier Sartre pour ses idées (il n’en manque pas), Mauriac
pour ses passions. En Paul Morand, elle voit le représentant de
la littérature.
Il ne s’agit pas de disciples, rarement d’amis. Quoi de plus
incompatible que Blondin et Nourissier ? Quoi de plus différent
que Jean Dutourd et Déon ? Quoi de plus étranger que Paul
Guimard et Jacques Laurent ? Michel Mohrt et Bernard Frank ?
Louis Pauwels et Jacques Perret ? Pierre de Boisdeffre et Félicien
Marceau ? Et Kléber Haedens et Vidalie et beaucoup d’autres ?
Encore une fois, la politique est-elle en cause ? Les nouveaux
dictateurs de l’Académie en seraient enchantés, mais il n’en est
rien. Composons une chambre littéraire imaginaire. Nous y trou-
verons Bernard Frank (progressiste), Vidalie chantant « La
Carmagnole », Paul Guimard (SFIO), Nourissier (mendésiste),
Pauwels (disciple de Bidault), Dutourd (gaulliste), Kléber
Haedens (indépendant) et Jacques Perret (monarchiste). Il ne
manque guère que des communistes et des poujadistes. Il est vrai
que les pétitionnaires de l’Académie ont adopté leurs méthodes
et qu’ils pourront remplir les vides.
S’il n’y a pas d’irrespect dans cette démarche, peut-on rappe-
ler, comme l’ont déjà fait des journaux étrangers, que la littéra-
ture n’est pas entièrement méprisable ? Qu’une Académie
littéraire ne se déshonore pas en accueillant un grand écrivain ?
Les calomnies vagues, les intrigues, les craintes, les prétentions
s’effacent devant le lecteur, Dieu tout-puissant de la littérature.
C’est en quoi la bizarre pétition de quelques académiciens
tombe vraiment très mal. Laissons de côté les jeunes admirateurs
de Morand. Ils n’ont pas tant d’influence et certains d’entre eux
sont bien loin – par âge ou par goût – des académies et des
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FESTIVAL DE QUARTIER
9 septembre 1959
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qu’on est pris au piège. Le filet, cette fois-ci, est fabriqué avec
des mailles d’eau stagnante. Et ils ont demandé à Bérard d’ins-
taller un décor en trompe-l’œil, d’un grand effet.
Venise a toujours été un théâtre, dont la scène entoure les
spectateurs de tous côtés. Théâtre sublime et même ssssssublime,
qui relègue le cinéma un peu plus loin : ce chapeau de sable
qu’on appelle la lagune et que les Vénitiens portent au mois de
septembre pour se protéger du Festival.
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Jeudi : Casanova
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Deux maîtres
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Samedi
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Dimanche
4 novembre 1959
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6 janvier 1959
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Le niveau de la justice
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Le destin excessif
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13 avril 1960
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21 juin 1960
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7 septembre 1960
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26 octobre 1960
Monsieur,
Depuis plusieurs années, l’attention des philosophes et de
tous ceux qui s’occupent sérieusement du problème social s’est
tournée sur les conditions de la femme, sur les changements de
destinée auxquels elle était appelée, sur la fonction importante
qu’elle aurait à remplir dans un ordre où l’on suppose que
devront prévaloir l’égalité et la raison. Fénelon qui fut un si
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prison, se fait engager dans une bande qui profite des circons-
tances pour assassiner en paix. Il faudra écrire le roman de cette
époque où, la Gestapo les protégeant, certains éléments du
milieu vécurent à Paris comme des rois, réquisitionnant, de pré-
férence, les appartements de magistrats, libérant de prison leurs
anciens complices, accomplissant des orgies dans les lieux
mêmes où la justice se rendait au devoir conjugal. « L’Indiffé-
rent » donne un aperçu de cette vie débraillée et aussi comme
une image du caractère de l’auteur. Non point qu’on vous ait
jamais vu, cher monsieur, les armes ou les mauvais instincts à la
main. Mais une remarquable faculté d’indignation jointe à une
absence totale d’enthousiasme fait de vous le modèle de vos per-
sonnages indifférents.
Le dernier Martin, celui des Tiroirs de l’inconnu, sort, lui
aussi, de la prison où il était entré par hasard. À peine dans la
rue, la foule le terrorise, il craint à chaque instant qu’elle se jette
sur lui. Et, précisément, bien qu’il ressemble à un marchand de
marrons, qu’il se dise terne et pataud, les femmes, avec lui,
cherchent le contact. Toutes le trouvent solide, rassurant, toutes
veulent le garder à la maison, mais il sait se défendre, parce que,
dans la cage de la Santé, il a appris à redouter les fauves en
liberté. Il se refuse à être quoi que ce soit. Et, s’il fond, occasion-
nellement, dans leurs bras, c’est aussi pour ne rien laisser de lui.
Il est beaucoup plus occupé des découvertes que la condition
carcérale lui a permis d’apprécier. Il découvre ainsi que son
frère, légendaire auprès de toute la jeunesse sous le pseudonyme
de Porteur, écrit un réquisitoire contre l’amour. Il apprend
qu’un vieil original, nommé Jules Bouvillon, a démontré l’exis-
tence de Dieu dans un livre qu’il a brûlé ensuite. Il constate
qu’un chef magasinier, nommé Faramon, a inventé la littérature
appliquée, qu’il définit ainsi : « Je dois vous dire que je me suis
toujours intéressé à la littérature et qu’en dépit du plaisir que j’y
ai trouvé, elle m’a beaucoup déçu. Alors que Marx et Freud
nous fabriquent des kilomètres d’histoire, la simple littérature
n’engrène pas sur la vie. On se récite un poème de Baudelaire
comme on prend un cachet d’aspirine… » Aussi Faramon lance-
t-il en circulation des histoires plausibles qui transforment la vie
de ses voisins ou de ses contemporains. Il abandonne une ser-
viette bourrée de faux documents chez Lipp. Il rédige une fausse
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confession sur les tiroirs d’un bureau. Chaque fois les consé-
quences suivent. Martin respire enfin en apprenant ce procédé :
grâce à l’imagination, les murs tombent, il est vraiment sorti de
prison.
Cher ami et Aymé, le thème principal de votre œuvre n’est pas
là. Vous l’avez désigné vous-même en l’appelant le constat de
Carrel. Alexis Carrel fut cet auteur que nos grandes sœurs
lisaient, en 1939. Ayant déterminé que l’homme était un
inconnu, ce biologiste illustre chercha la femme et la trouva.
Commentant sa découverte, vous écrivez : « Bornez-vous à dire
que les femmes sont ainsi faites que seul peut les inspirer un
sentiment amoureux, des hommes appartenant à une certaine
catégorie sociale ou la représentant à leurs yeux. En regard,
essayez de voir les hommes tels qu’ils sont, assez semblables à ces
gros bourdons poilus qui font irruption dans une pièce, rebon-
dissent de vitre en vitre et sur tous les meubles jusqu’à ce que la
maîtresse de maison les abatte d’un coup de torchon. »
Le coup de torchon, nous l’avons compris, c’est le mariage.
Et vous donnez au tableau noir quinze exemples comiques de
ces aventures de cœur.
Votre héros, notre Martin, est lui-même un témoin impas-
sible. Quoiqu’il ne se laisse ni massacrer, ni épouser, nous pou-
vons le croire. Autour de lui, les femmes tissent leur société,
tandis qu’il se laisse aller. Tatiana Bouvillon, la plus désirable de
vos héroïnes, n’est pas très différente de la Dévorante de La
Vouivre. Yeats a su définir dans Les Voyages d’Usheen l’effroi
que ces belles personnes goulues inspirent à vos personnages
masculins : « Chacune de ces énormes formes blanches était plus
grande que quatre-vingts hommes. Le sommet de leurs oreilles
était emplumé ; elles avaient pour mains des griffes d’oiseaux. »
Aussi Martin leur échappe-t-il. Ni l’amour ineffable, auquel il
ne peut croire, ni l’amour social ne lui conviennent. En somme,
l’amour n’existe pas, il n’est qu’instinct variable qui se consume
dans l’imposture et s’achève dans les chaînes. Pour cette raison,
peut-être, Martin est triste. Cette théorie, cher Marcel Aymé,
vous n’en êtes pas l’inventeur.
Un romancier, Jacques Chardonne, un essayiste, Denis de
Rougemont, nous avaient expliqué l’amour courtois, invention
des poètes et prouvé que les vrais hommes, prosateurs par défi-
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séductrices : ils sont faciles, non pas tant dans leur volonté que
dans leur imagination.
Sans doute, mon petit Marcel, sournois comme tu l’es, envies-
tu ces conquérants illustres. Ils ne détruisent d’ailleurs pas ta
thèse. Casanova trouve les femmes ravissantes. Frank Harris est
un sportif, un éleveur de pouliches. Quant à Mme de Staël, c’est
la femme fait homme, croyant un jour que Narbonne est un
génie politique, Ribbing un héros mystérieux ou que Benjamin
Constant a du cœur. Selon Mme de Pange, l’homme de ses rêves
aurait dû ressembler au personnage d’Oswald dans Corinne,
« Vainqueur et soumis, fier et doux ». C’est sinistre.
Il faudrait savoir à présent pourquoi l’amour a déserté les
cœurs, les romans et les films, si bien que le cherchant partout,
tu ne l’as trouvé nulle part. Nous avons vu que l’érotisme avec
son fracas et ses trompettes, occupait beaucoup les esprits. Il est
certain, également, qu’une société sans classe et sans âge, sans
avenir et sans passé, n’est pas faite pour favoriser les sentiments
élevés. Dans un temps où les vieux messieurs font les jeunes
gens, où les petits garçons récitent Hobbes en blouson noir, où
l’intellectuel se croit du peuple et où l’ouvrier se veut bourgeois,
où l’espoir ni l’attente ne signifient rien, l’amour manque de
points d’appui, de rivières à traverser, d’épreuves à subir.
Au pire, l’amour serait une imagination qui ferait de notre
ange gardien une sirène, une cousine, peut-être une amie, sûre-
ment un ange, sûrement pas une gardienne. Platon définit
l’amour au passage comme la recherche d’une moitié perdue
– mais cette quête exige des différences, des aspérités et en
somme des surprises. Le monde homogène et plat, éclairé jour et
nuit qui est le nôtre, l’étouffe à sa naissance. Il n’y a jamais eu
plus de crédulité que dans le cynisme ou le réalisme contempo-
rains. Un philosophe, Sartre, expliquait assez bien que notre
corps n’est pas l’assemblage d’organes que l’autopsie étalera un
jour sur une table de dissection. Tout se passe comme si les
sentiments des modernes étaient offerts à l’analyse avant même
d’exister. Une mécanique universelle occupe les esprits. La peur
d’être dupe, de ne pas connaître les secrets de la nature, paralyse
tout. Aujourd’hui plus encore que de son vivant, Stendhal serait
contre Stendhal. Supprimer l’amour est le but logique d’une
Révolution qui voudrait changer l’homme. La révolution chré-
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CHAPITRE II
Jean-Luc Godard
Avec Éric Rohmer, il avait créé La Gazette du cinéma, qui n’aura que cinq
numéros en 1950. Il y écrivait sous son nom ou sous le pseudonyme d’Hans
Lucas. En 1952, il entre aux Cahiers du cinéma et peu après à Arts. Ne
trouver que des qualités à un film d’Henri Decoin, c’est l’une de ses
étonnantes critiques. Il donnera également la parole à des cinéastes très
différents. Ce Jean-Luc Godard intervieweur, est celui dont les cinéphiles
connaissent la voix, puisqu’on l’entend en voix off dans certains de ses films.
Dans un de ces premiers courts-métrages, Charlotte et son Jules, il avait
même doublé Jean-Paul Belmondo qui interprétait le rôle principal. Avec
Mocky, Rossellini et Renoir interviewés pour Arts, on est loin de la provoca-
tion qui sera longtemps la carte de visite du metteur en scène du Mépris.
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pour cette seule raison, son nouveau film, La Chatte, est en fin
de compte d’assez loin supérieur à celui de son confrère Edward
Dmytrik sur un sujet semblable, Le Bal des maudits. Autant le
film américain était équivoque dans ses intentions, autant nous
sommes surpris de trouver dans le film de Decoin une certaine
sobriété non dépourvue de noblesse.
En sacrifiant volontairement le pittoresque au conflit inté-
rieur et surtout en se rendant compte que c’était la seule chose
à faire pour ne pas s’embarquer dans l’éternelle galère des films
sur la Résistance, Henri Decoin a réussi à donner à son film sur
l’aventure l’aspect d’une méditation sur l’aventure. Au fil de la
projection, Françoise Arnoul devient de plus en plus émou-
vante dans son personnage de jeune femme aussi impénétrable
qu’une héroïne de Bresson.
C’est que l’influence du condamné à mort se fait en effet forte-
ment sentir. Mais c’est tout à l’honneur de Decoin de savoir cette
fois où résident ses faiblesses et de montrer comment il entend y
porter remède. Autant ses récents films policiers étaient déplai-
sants parce que mal décalqués d’Hitchcock, autant dans La
Chatte, l’imitation de Bresson porte ses fruits.
Chaque scène progresse par elle-même et l’on passe d’une
séquence à l’autre sans ces éternels plans de raccord qui ont failli
mener le cinéma français à sa ruine. Le découpage est vif et
plaisant. L’allure générale est celle du documentaire romancé,
d’un constat où le pathétique naît d’autant plus facilement qu’il
n’est pas recherché avec outrance. Les effets sont réussis parce
qu’ils sont rares et traités avec une sécheresse qui ne manque
pas de pudeur. De plus grands cinéastes que Decoin ne renie-
raient pas la scène où pendant dix minutes l’officier allemand
force Françoise Arnoul à écrire « Je vais parler, je vais parler… »
Et même des comédiens aussi désinvoltes qu’André Versini
finissent par nous faire croire qu’un grand drame se passe au
fond de leur cœur.
Toutes ces raisons font de La Chatte le film le plus sympa-
thique depuis longtemps d’Henri Decoin. Puisse-t-il continuer
sur cette voix.
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ROBERTO ROSSELLINI :
UN CINÉASTE, C’EST AUSSI UN MISSIONNAIRE
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JEAN RENOIR :
« LA TÉLÉVISION M’A RÉVÉLÉ UN NOUVEAU CINÉMA »
15 avril 1959
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Louis Malle
Contrairement à ses amis Truffaut, Rohmer et Godard, Louis Malle
n’a jamais été critique mais pour Arts, le metteur en scène d’Ascenseur
pour l’échafaud (dont le scénario a été écrit par son ami Nimier) le sera
l’espace d’un numéro.
30 décembre 1959
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Le manichéisme retrouvé
5. Tout le film est ainsi construit. Voyez le début : il accomplit son premier
vol, il exulte, « il n’a plus les pieds sur terre ». Trois secondes après, il est
arrêté. Il est aussitôt libéré, récupère l’argent volé, triomphe à nouveau.
Séquence suivante : il va voir sa mère, n’ose pas entrer : à nouveau la honte,
le désespoir. Vient ensuite le défi lafcadien, naïf à souhait, et ainsi de suite.
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Le suspense de l’âme
Éric Rohmer
Sous son véritable nom, Maurice Schérer, il écrivit quelques articles
pour Les Temps modernes. Il devint romancier (un livre unique Élisa-
beth paru chez Gallimard sous le pseudonyme de Gilbert Cordier, en
1946) fut aussi le créateur avec Godard de La Gazette du cinéma qui
n’eut que cinq numéros en 1950. Il rejoignit ensuite Les Cahiers du
cinéma et Arts comme son complice qu’il utilisa comme acteur dans un de
ses premiers courts-métrages, Charlotte et son steak. Éric Rohmer fut
l’auteur de centaines de critiques avant de se retrouver derrière la caméra.
Des Contes moraux à Comédies et Proverbes, il est l’un des cinéastes les
plus prolifiques de la Nouvelle Vague.
12 décembre 1956
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6 février 1957
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22 janvier 1958
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François Truffaut
La publication de « Une certaine tendance du cinéma français » par un
jeune critique de 22 ans dans Les Cahiers du cinéma en janvier 1954 n’a
pas échappé à Jean Aurel. Alors que celui-ci vient d’être nommé par
Jacques Laurent pour diriger les pages cinéma de Arts, il fait appel à
Truffaut qui débute très vite sa collaboration à l’hebdomadaire. Il y
publiera 528 articles jusqu’en 1958. Ses amis Godard et Rohmer le
rejoindront, mais il reste le critique polémiste privilégié de l’hebdoma-
daire. Soutenu par Jacques Laurent 1 (le directeur de la rédaction), retenu
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30 mars 1955
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Classement
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1. Les vedettes
2. Les producteurs
3. Les exploitants
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Pas de conclusion
12 décembre 1956
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à abattre qui n’ont rien à voir ici tandis que Louis Chauvet décèle
la quintuple influence d’Anouilh, Grémillon, Hunebelle, Raoul
André et John Berry !
Jean de Baroncelli voit dans le film de Vadim un « mélo
vaguement licencieux » et il s’agirait d’une « entreprise pure-
ment commerciale », pour André Lang dont Le Voyage à Turin
est sûrement une œuvre métaphysique !
Quant à Mlle Claude Garson, le rewriter de service à L’Aurore
aurait dû essayer ses talents sur le résumé qu’elle fait du scénario
commençant par : Le sujet se passe à Saint-Tropez.
Dans la plupart des films français, l’action se déroule en inté-
rieurs et les plans d’extérieurs, très rares, ne servent qu’à rac-
corder entre elles des scènes tournées en décors, tout cela parce
que les opérateurs français et les cinéastes ont peur de la nature
et se sentent plus à l’aise en studio à l’abri du soleil, de la pluie
et du vent ; le film de Vadim est donc l’un des très rares en
France – avec Le Plaisir, de Max Ophüls – à accorder une
place si importante à la nature, à la mer, au soleil et au vent :
Thirard mérite pour sa photo audacieuse les plus vives
louanges ; de même l’emploi du cinémascope est ici d’une sur-
prenante habileté si l’on songe que Vadim n’avait jamais tourné,
fût-ce un court-métrage.
On pouvait encore noter l’intelligence du dialogue dirigé dans
le même sens que celui de Becker dans Casque d’or, un laco-
nisme antithéâtral qui donne au film une grande vérité.
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6 février 1957
L’esthétique du commercial
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Les réalisateurs
Les producteurs
Plutôt que des films bien ou mal réalisés, cet article traite des
films bien ou mal produits. La Traversée de Paris, Le Condamné
à mort, Et Dieu créa la femme, Gervaise sont des films bien pro-
duits car leur standing commercial est à la mesure de leur ambi-
tion artistique : ils paraissent même avoir coûté plus cher que
leur prix réel.
L’Homme et l’Enfant, Une fée pas comme les autres et Till
Eulenspiegel sont des films mal produits car le succès du pre-
mier ne repose que sur Constantine, celui du second qu’au bal-
lon rouge qui l’accompagne, le troisième étant carrément une
mauvaise affaire. Ces trois films, et bien d’autres : Honoré de
Marseille, La mariée est trop belle, Club de femmes, par la confu-
sion qui présida à leur conception, leur production, leur réalisa-
tion, semblent avoir coûté trois ou quatre fois moins que leur
prix réel, par l’incapacité de leur metteur en scène à mettre en
valeur les décors, les acteurs, les costumes, etc.
Le Sang à la tête serait un bon exemple de mauvais film bien
produit. Malgré son extraordinaire succès – un peu plus de deux
cents millions en sept semaines d’exclusivité sur Paris – Notre-
Dame de Paris eût coûté moins et rapporté davantage, tourné
plus rapidement, plus nerveusement avec beaucoup plus de
fougue, d’émotion, de santé, de jeunesse et de chaleur par Abel
Gance.
Lorsqu’un film « marche », le producteur hausse le col, lors-
qu’il se « ramasse », le producteur accable le metteur en scène
et crie au voleur. Et cependant, le producteur a lu le décou-
page, visionné les rushes : peut-être tout simplement existe-t-il
des producteurs qui ne connaissent pas leur métier ?
Quand on a suivi attentivement la carrière d’un metteur en
scène et que l’on connaît les recettes de ses films, ceux qui n’ont
pas « marché » et les autres, il n’est pas si difficile de se faire une
idée assez juste de ce cinéaste et de prédire ce qu’il adviendra de
son film en préparation ou en tournage, simplement en regar-
dant le scénario, la distribution et quelques photogrammes.
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Le savetier et le financier
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22 mai 1957
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19 juin 1957
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Le « Père Courage »
3 juillet 1957
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6 novembre 1957
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15 janvier 1958
Il est bien connu que la France est le pays où l’on fait le plus
difficilement confiance aux jeunes ; nous connaissons tous des
employés de bureaux, des fonctionnaires, des avocats, des chefs
d’entreprise et jusqu’à des artistes qui attendent impatiemment
leurs premiers cheveux blancs pour être enfin « pris au sérieux »,
respectés, la belle affaire ! Un littérateur comme Jean Dutourd
semble avoir fourni un bel effort pour faire oublier qu’il était un
« jeune romancier » : ne contestons pas sa réussite.
Mais actuellement, et dans tous les domaines artistiques, la
jeunesse bénéficie de la cote d’amour : nous assistons au coup de
foudre collectif d’un pays pour ses enfants, tel qu’il s’en produit
un par siècle en France, un par an en Amérique !
Les producteurs de films, par exemple, ne jurent plus que par
les jeunes et nous avons vu pourquoi la semaine dernière. On ne
parle plus des dangers de l’inexpérience, mais des beautés de la
maladresse. Le métier ? Pouah ! La fraîche spontanéité ? Bravo !
Tout va bien et je serai le dernier à me plaindre d’un tel état de
choses ou plus exactement, je serais le dernier si… la critique
cinématographique dans son ensemble n’était point si prompte à
entonner une chanson dont elle ignore la musique si elle en
connut jamais les paroles ; autrement dit, s’il n’y avait que
Delannoy à déloger du cocotier, j’irais volontiers, moi aussi, de
ma secousse en buvant du petit-lait, mais je me suis aperçu qu’en
alignant les uns au-dessous des autres les noms des dix plus
grands cinéastes mondiaux actuellement en exercice, j’obtenais
une liste panachant les sexa et les quinquagénaires.
Jugez-en plutôt : Charlie Chaplin (1889), Jean Renoir (1894),
Carl Dreyer (1889), Roberto Rossellini (1906), Alfred Hitchcock
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Beaucoup des noms cités plus haut sont passés de mode assu-
rément, mais qu’est-ce que la mode sinon l’enthousiasme des
imbéciles ? La critique, en général, a été très sévère, injuste, pour
les derniers films de Chaplin, Dreyer, Hitchcock, Renoir, Rossel-
lini, Sternberg, Buñuel, Gance et Fritz Lang qui sont cependant
leurs meilleurs et j’ajouterai presque : par la force des choses.
Un artiste ne cesse d’évoluer : lorsqu’il débute, il est trop
jeune, trop impétueux, trop absolu pour rencontrer l’audience
que déjà il mérite peut-être. Cette audience viendra plus tard,
pour ses 40 ans, c’est-à-dire lorsqu’il aura atteint l’âge moyen de
son public. Si le cinéma américain est à la fois plus vivant et plus
jeune que le nôtre, c’est qu’il ressemble à son public, les moins
de 20 ans ; en Amérique, les jeunes vont au cinéma en bande
pendant que les parents regardent la TV. En France, on va au
cinéma « en famille », d’où cette masse de films bourgeois amor-
tis sur les expéditions provinciales du dimanche après-midi. Si à
40 ans, l’artiste stoppe volontairement ou non son évolution, il
conservera la fidélité de cet immense public qui, à cet âge préci-
sément, délaisse la culture littéraire (plus le temps de lire, de se
concentrer) au profit des journaux (il faut se distraire et aussi se
tenir au courant). C’est le secret, je crois, du succès ininterrompu
de René Clair : offrir le même film chaque année au même public
en changeant seulement le nom des vedettes.
Jean Renoir, que je ne suis pas seul à tenir pour le plus grand
– et le plus jeune – cinéaste au monde, n’a rencontré pratique-
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ment que des insuccès depuis Nana jusqu’à Elena sauf pour deux
ou trois de ses films réalisés aux environs de sa quarantième
année, vers 1936 ; avec La Bête humaine et La Grande Illusion,
ses préoccupations ont coïncidé avec les goûts du public de cette
époque ; très vite, il a repris son avance avec La Régie du jeu,
avance stupéfiante puisque depuis Le Fleuve (1951), Renoir n’a
rencontré qu’un succès : French Cancan, encadré par deux films
qui lui sont bien supérieurs : Le Carrosse d’or et Elena.
Ce qui vaut pour Renoir vaut presque également pour Abel
Gance, Sternberg, Rossellini, Fritz Lang, Buñuel dont on a
généralement apprécié que les œuvres les plus superficielles ou
les plus spectaculaires, jamais les plus personnelles, les plus
subtiles ou les plus réfléchies. Un cinéaste doué et intelligent, à
40 ans, ne peut pas être devenu un idiot dix ou vingt ans plus
tard, de même qu’un idiot à 30 ans ne sera jamais intelligent. La
politique des auteurs n’est pas autre chose, en vertu de laquelle
il n’y a ni bons ni mauvais films mais seulement bons et mauvais
cinéastes.
Selon une définition de René Clair lui-même, un film ne serait
qu’une histoire racontée en images ; le grand public et la critique
partagent le point de vue de René Clair et ce que l’on ne par-
donne pas à Elena, Un roi à New York, Europe 51, Ordet ou Le
Faux Coupable, c’est de raconter le monde au lieu de raconter
une « bonne histoire ». Cependant, s’il n’effectue pas, à un
moment ou l’autre de sa carrière, ce passage des idées particu-
lières aux idées générales un artiste piétine et devient rapide-
ment inutile puisqu’il ne peut apporter de contribution effective
à l’art qu’il a choisi de servir.
Lorsqu’on débute dans le cinéma, on est extraordinairement
servi par ses limites ; l’ignorance est une force et dans la mesure
même où l’écran est, non pas une fenêtre mais un cache, plus
notre univers est restreint, plus nous serons à l’aise pour résumer
la vie à l’intérieur de cet écran. Le difficile, c’est le choix, et il est
encore plus malaisé de rejeter ce que l’on connaît et que l’on ne
veut pas utiliser, que d’assimiler ce que l’on apprend. D’où la
force des œuvres de jeunesse. Mais comme tous les jours, malgré
tout, on s’enrichit, les intérêts se déplacent en même temps que
les curiosités s’éveillent ; il faut donc toute l’immense ingénuité
d’un Julien Duvivier pour tourner cinquante films en trente ans,
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30 avril 1958
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La peur du risque
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21 mai 1958
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rit peut-être à un gag sur dix. Mais le climat du film, folie per-
manente, utilisation systématique et intensive de tout ce qui
peut se casser sur la tête, tomber à terre, glisser, dégouliner, est
quand même sympathique. Serge Davri est moins bon qu’à la
scène mais quelles possibilités tout de même chez ce nouveau
comique !
Le meilleur film projeté hors festival est de l’avis unanime Le
Beau Serge, de Claude Chabrol, film qui participera à la compé-
tition bruxelloise puisqu’il a été ici écarté au dernier moment
par les « protecteurs » officiels de L’Eau vive. Du Beau Serge,
Chabrol est tout à la fois le producteur, le scénariste-dialoguiste
et le réalisateur. Son film démarre psychologique et s’achève
métaphysique. C’est une partie de dames jouée par deux jeunes
hommes, Gérard Blain, le pion noir, et Jean-Claude Brialy, le
pion blanc. Au moment précis où les deux se rencontrent, ils
changent de couleur et gagnent ex æquo. Mon interprétation
risque de faire croire à une œuvre purement intentionnelle ; il
n’en est rien et Le Beau Serge impressionne par la vérité de
l’ambiance paysanne – l’action se déroule à Sardent, Creuse – et
des personnages. Dans le rôle de Serge, Gérard Blain se surpasse
et nous donne sa meilleure composition – on l’a surtout
comparé à Monty Clift – et Jean-Claude Brialy, dans le rôle très
difficile de François, révèle ses dons dramatiques.
Techniquement, le film est maîtrisé de bout en bout comme si
Chabrol s’adonnait à la mise en scène depuis dix ans, ce qui
n’est pas le cas puisqu’il s’agit de son tout premier contact avec
une caméra. Voilà donc un film insolite et courageux qui relè-
vera le niveau de la production nationale en 1958 !
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artiste. Barrage contre le Pacifique, qui a été montré ici, est loin
d’atteindre à la qualité des Cigognes, mais c’est le même genre de
cinéma, dans les deux cas, une entreprise qui confine à la perfor-
mance physique, mais où la grâce n’intervient jamais.
Mon oncle est extrêmement instructif ; une seconde vision ne
bouleverse pas grand-chose du jugement premier. Ce qui est
bon devient meilleur, mais ce qui ne l’est pas devient pire.
L’ascèse du travail de Tati est d’autant plus difficilement accep-
table qu’elle s’exerce dans le genre comique, c’est-à-dire le seul
qui justifie le slogan : Le public a toujours raison. C’est-à-dire
que seule l’efficacité étant recherchée, tous les moyens pour faire
rire sont bons : l’humoriste est censé faire flèche de tout bois.
Tati refuse la structure de tous les autres films, mais ces films
existent et nous ont façonnés. Mon oncle pourra satisfaire pleine-
ment les gens qui ne se dérangent que pour voir les films de Tati :
il en existe. Mon grand-père, par exemple, n’allait voir que les
films de Charlie Chaplin. Mon oncle est en réalité un hymne à la
lenteur de vivre et partant à la lenteur d’esprit. Si le film n’était
tout du long que la chronique de Saint-Maur, le succès serait
total… N’oublions pas que Jour de fête n’était pas autre chose
que la chronique d’un village et Les Vacances celle d’une plage.
Le comique de Tati est un pur comique d’observation. Or, dans
Mon oncle qui ne concerne pas notre époque, s’opposent deux
sortes d’observations : celle de la vie passée (Saint-Maur) et celle
de la vie future (l’usine, la maison des Arpel). S’il est facile de
nous faire rire de nos manies, passées ou présentes, il est malaisé
de nous faire rire de nos manies futures, c’est-à-dire de celles
dont nous serons victimes lorsque tous les Français seront bien
logés. C’est par là que Mon oncle est un film réactionnaire.
De toute manière, Mon oncle constitue une œuvre passion-
nante que j’irai certainement revoir une troisième fois puis une
quatrième, tant il est bon et rare de voir surgir un film qui res-
semble aussi peu aux autres. Je voudrais avoir donné envie
d’aller voir Mon oncle, persuadé qu’on ne peut aimer le cinéma
et ignorer ce film.
Dossier : Document : Arts
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CHAPITRE III
LES DÉBUTANTS
Seul lien entre les trois auteurs : Arts publia leurs premiers
textes. Ils étaient alors lycéen, étudiant ou jeune journaliste.
Régis Debray
Ce texte a été écrit pour Arts en 1961, alors que l’auteur vient d’entrer à
l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, quelques mois avant que l’on
ne découvre son visage dans le film de cinéma-vérité de Jean Rouch et
Edgar Morin, Chronique d’un été. Dans ce film il est, bien sûr, Régis,
« l’étudiant ». Six ans plus tard, paraîtront ses premières nouvelles La
Frontière et Un jeune homme à la page ainsi que le célèbre Révolution
dans la Révolution, alors qu’il est en prison en Bolivie. Régis Debray a créé
et dirige depuis 2005 la revue Médium, « Pour lutter contre les ruptures du
temps et des générations ».
8 mars 1961
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Philippe Labro
C’est dans Arts que l’auteur de Je connais gens de toutes sortes
écrivit son premier article en interviewant Cendrars. Il a repris sous une
forme romanesque cette rencontre dans Un début à Paris, racontée dans
le prologue, elle est encore présente dans l’épilogue. Il n’a pas oublié
cette première commande d'André Parinaud qu’il qualifie aujourd’hui
« d’encyclopédiste à moustaches, frénétique et d’une grande générosité
professionnelle ». Il écrira également pour l’hebdomadaire une grande
enquête, « Sommes-nous américanisés ? », à l’époque où les bases améri-
caines de l’OTAN occupaient la France d’Évreux à Châteauroux, avant
de rejoindre France-Soir, de mettre en scène des films (L’Héritier, Rive
droite, rive gauche), de diriger une radio et d’écrire des romans.
Dossier : Document : Arts
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6 février 1957
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j’ai fait partie d’une génération triste. Une sale génération, celle
d’avant 14… Trop de travail et pas assez de rire. Trop de
« maîtres » aussi, qui s’ennuyaient à mourir. Maintenant qu’ils
sont partis…
– Vous parlez souvent de ces « maîtres ». Qui sont-ils ?
– Vous le savez aussi bien que moi ! Les grands noms, les
faiseurs de littérature, les écrivains devant leurs miroirs… Les
jeunes gens d’alors respectaient tout cela. On allait les voir, on
les admirait, on les imitait… C’est bien fini maintenant, et c’est
heureux.
– Comment avez-vous « débarqué » à Paris ?
– Je revenais de New York. Il existe un portrait de moi, fait
par Richard Hall. J’avais de longs cheveux, et un grand chapeau
noir. Mais je n’avais pas débarqué pour écrire. Je venais d’ache-
ver Les Pâques à New York. D’ailleurs, je suis vite reparti. »
186 ARTS
Pascal Ory
Si Arts a permis à de jeunes journalistes de faire leurs débuts (Dabadie,
Labro, Huguenin), il a également donné l’occasion à de très jeunes étudiants
de s’exprimer, à l’occasion notamment d’un grand concours, une enquête
sur la carte vivante du passé. Il s’agissait pour les candidats de défendre des
vestiges français méconnus ou menacés. Pascal Ory fut l’un des gagnants.
L’historien auteur de livres sur les collaborateurs, sur Nizan ou Goscinny le
raconte lui-même.
« Le Arts et Loisirs d’André Parinaud n’était plus, au milieu des
années 1960, le Arts de Jacques Laurent, mais il gardait de beaux restes.
J’avais 17 ans et ça me suffisait : cet hebdomadaire m’a beaucoup appris ; il
pratiquait une approche ouverte, positive et ludique de la culture, qui m’a
sans doute marqué. Dans l’immédiat, je lui dois un superbe voyage au
Maroc aux frais de la princesse (disons : du roi), grâce à ce concours animé
par Yvan Christ. J’ai la satisfaction aujourd’hui de constater que les deux
monuments rennais pour lesquels je m’étais battu à l’époque et qui
m’avaient valu ce prix sont désormais sauvés, restaurés et mis en valeur.
« Pour le reste, je jouais bien mon rôle de bon élève. Comme tout
enfant trop sage, je canalisais ma libido dans la passion de l’histoire et
l’activisme « chef-d’œuvre en péril », tout en profitant de mes privilèges à
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28 septembre 1966
CHAPITRE IV
Jean-René Huguenin
À 19 ans, il publie ses premiers articles à La Table ronde puis à Arts.
La Côte sauvage, son premier et son seul roman, paraît en 1960, il est
salué par Aragon, Mauriac et Gracq (qui fut son professeur au lycée-
Claude Bernard).
Il fonde Tel Quel avec Philippe Sollers et Jean-Edern Hallier. Il
multiplie ses articles protestataires et polémiques, dans Arts sur Bernard
Frank, Hemingway, Gagarine. Il meurt dans un accident de voiture, à
26 ans, pendant une permission lors de son service militaire. Son
Journal, préfacé par Mauriac, a été publié en 1964.
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L’œil d’Elsa
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Philippe Sollers
Il avait 24 ans, son premier roman Une curieuse solitude était paru
deux ans plus tôt, il venait de créer Tel Quel avec Jean-René Huguenin,
collaborateur régulier de Arts. Sollers a également publié une nouvelle,
« La mort au printemps », dans l’hebdomadaire et un article sur Julien
Gracq, « Secret, rare, inflexible ».
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198 ARTS
4 janvier 1961
Je crois avoir lu à peu près tous les livres de Gide. Mais plus
volontiers : Paludes, Amyntas, Prétextes, Interviews imaginaires,
Le Prométhée mal enchaîné. Et Le Journal, bien sûr qui est un
chef-d’œuvre.
Gide n’a pas eu sur moi d’influence que je puisse reconnaître.
À 18 ans, les Nourritures, si prisées par mes professeurs jésuites
(sans doute comme un exutoire contrôlable), me rebutaient.
C’est que je demandais aux écrivains, comme il est juste et
injuste à cet âge, plus que je ne pouvais éprouver ou com-
prendre. Plus tard, je suis revenu à Gide pour mieux l’apprécier
(sa justesse, son ironie), et il s’est affirmé pour moi comme l’écri-
vain du texte, du fragment, de la réflexion. Deux qualités, chez
lui, me semblent éminentes : sa culture (il faut insister là-dessus
à une époque où tout le monde écrit sans avoir rien lu) et sa
liberté (très singulière : un composé de souplesse et d’ambiguïté,
d’intelligence et d’équilibre qui me font préférer ses « sincérités
successives » à toutes les franchises). Il reste que je n’ai jamais
eu, sauf pour rire, de problèmes moraux. Valéry m’occupait
beaucoup plus, et aussi Proust, Larbaud, dont je préfère encore
et la sensualité et la phrase. Mais Gide ne s’use pas : il y a tou-
jours, de lui, quelque chose à lire, chaque fois plaisant et subtil.
Gide est le plus grand des écrivains sans génie. Cette remarque
n’est pas forcément péjorative. Je le vois incomparable dans
cette zone un peu seconde de l’esprit où une opinion vaut mieux
qu’une découverte. Il a toujours su merveilleusement se situer,
juger, éclairer. Ses critiques (Baudelaire, Stendhal) furent sou-
vent excellentes. Exceptée sa monumentale erreur sur Marcel
Proust (« la plus grave de la N.R.F. »), son action littéraire aura
été plutôt juste. Il a écrit avant de mourir : « Ma propre position
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CHAPITRE V
LES ACADÉMICIENS,
LES FUTURS ACADÉMICIENS 1
Jean Cocteau
Sollicité pour des hommages posthumes à Supervielle, Dior, Matisse
ou Mistinguett, l’auteur de Thomas l’imposteur et des Enfants terribles
que Jacques Laurent admirait défendra dans le journal des causes qui lui
tenaient à cœur.
1. Nous avons choisi de classer Michel Déon non dans les académiciens
mais dans les « Hussards »… et Jacques Laurent dans « les patrons ».
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202 ARTS
Je n’ai pas à juger les politiques. Mais je crois que rien n’est
plus néfaste qu’une audace qui avorte. On ne peut faire un
demi-scandale, sinon au lieu d’un scandale il y a fanfaronnade.
Je crois que tant que les idées d’un homme ou d’un ministre
se substitueront à celles d’un peuple il n’y aura rien de bon en
ce monde.
Rien n’est plus fort et plus beau que la bonté dure. Rien n’est
plus faible et plus naïf que la méchanceté molle. Et c’est, actuel-
lement, cette méchanceté négative qui règne. J’ai toujours aimé
la bonté si elle possède la puissance de la méchanceté, l’amour
s’il a la violence de la haine.
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204 ARTS
Jean-Loup Dabadie
Le romancier des Yeux secs (publié à 20 ans) n’avait pas encore écrit
de scénarios de films à succès (pour Claude Sautet, Yves Robert), ni de
chansons (pour Serge Reggiani, Julien Clerc). Proche de Jean-René
Huguenin, il faisait à Arts ses débuts de journaliste. Avec notamment
une grande enquête pendant trois semaines : « Attention, XVIe, dan-
ger » sur la jeunesse du XVIe arrondissement parisien.
9 mars 1960
Propos recueillis par Jean-Loup Dabadie
206 ARTS
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Le jeu des « si »
BON DÉBARRAS !
9 mars 1960
210 ARTS
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Eugène Ionesco
Sa première rencontre avec Jacques Laurent eut lieu en 1943, à Vichy,
où il était l’un des représentants du gouvernement roumain. Plus tard,
l’auteur de La Cantatrice chauve écrira pour Arts et notamment sur les
critiques de théâtre et leurs excès « hargneux et stupides » mais aussi, c’est
plus surprenant, sur Gilbert Bécaud, un article qui lui vaudra beaucoup de
courrier indigné.
23 septembre 1957
214 ARTS
Mais, Bécaud n’a pas d’« idéologie », n’a pas d’ambition poli-
tique. S’il en avait, il deviendrait dictateur en quinze jours. Heu-
reusement, la magie, le pouvoir d’hystérisation des foules de
Bécaud s’exerce sans autres buts que ceux d’une lamentable
gloire, d’un lamentable exhibitionnisme, d’un désir personnel de
faire fortune. Ou d’il ne sait quoi lui-même.
On ne peut donc pas en vouloir à Bécaud. On peut simple-
ment regretter qu’il ne soit pas né vingt-cinq ans plus tôt, en
Allemagne, par exemple. Il aurait pu, en canalisant vers lui l’hys-
térie des foules, empêcher le nazisme, catharsiser les fureurs
guerrières ou autres des peuples ; et les exaltations n’auraient
mené qu’à la destruction des chaises ou fauteuils des salles de
spectacle.
Tant que la plupart des hommes se refusent à la sublimation
des instincts par l’art ; tant qu’ils sont imperméables à la pensée ;
tant qu’ils ne peuvent se libérer de leur hystérie par d’autres
moyens, les Bécaud exerceront une action de défoulement utile,
aussi bien sur les non-pensants que sur les pensants constipés :
au prix de quel exemple de bassesse, hélas ! et de quelle imbé-
cillité ! Mais l’imbécillité aussi fait partie de l’humain, elle a
besoin de s’exprimer, de se manifester. Ce genre de manifesta-
tion détestable peut, toutefois, nous faire éviter le pire. Il vaut
mieux avoir des fanatiques de Bécaud que des fanatiques d’une
haine quelconque, dirigée vers des objectifs précis. Laissons les
« fans » à leurs Bécaud, nous serons tranquilles. Les Bécaud
nous préservent des dictateurs. Il vaut mieux que la violence
brise les fauteuils des salles de spectacle et qu’elle épargne les
têtes.
Michel Mohrt
Professeur, avocat, romancier (La Prison maritime), Michel Mohrt est
aussi un spécialiste de la littérature anglo-saxonne. Il écrira pour Arts :
« Les écrivains américains s’embourgeoisent », « L’humour américain est
un humour vitaminé ». Chargé par Gaston Gallimard de négocier avec
William Styron, ce sera l’occasion de cet article rencontre.
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7 septembre 1960
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Henry de Montherlant
Les titres provocants sont la coquetterie du journal. Henry de
Montherlant en sera un peu la victime pour son article sur Michel de
Saint-Pierre, auteur du best-seller Les Aristocrates. Ce qui n’empêchera
pas l’auteur de Service inutile et de Port-Royal de continuer à écrire pour
l’hebdomadaire de Jacques Laurent.
27 octobre 1954
218 ARTS
m’avez dit qu’elle est une des phrases clés du livre. Je pense au
contraire que les vôtres vous approuveront, auront peur de ne
pas vous approuver, suivant une vieille pente suicidaire dont ils
ne sont plus les seuls à avoir le privilège en France. Soyez donc
heureux, vous allez avoir tout le siècle avec vous.
Adieu, mon cher ami, et vive l’avenir ! Votre admirateur et
cousin issu issu de germain.
22 décembre 1954
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Jean d’Ormesson
Il n’a rencontré Roger Nimier qu’une fois, dans son bureau des éditions
Gallimard, et ce dernier l’a mis en joue avec un pistolet allemand. Pour
rire, pas pour le contraindre d’écrire pour Arts, ce que fera pourtant
l’auteur de La Gloire de l’Empire. Il publiera dans l’hebdomadaire une
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6 octobre 1965
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se torde peut-être les mains s’il lui arrive de lire ces lignes – ce
qui nous intéresse en elle et en lui, ce n’est pas le bien, c’est le
mal, ce n’est pas le dieu masqué, c’est la créature manifeste.
Cette passion et ce mal, intimement liés, qui mettent ainsi en
mouvement à la fois le roman et un monde pétrifié dans sa
sécurité, luttent contre la routine, contre l’immobilité et surtout
contre l’ennui. Il y a tout un côté assez sympathique de Mauriac,
qu’il partage avec plusieurs des monstres sacrés d’aujourd’hui et
qui contraste assez violemment avec les valeurs à la mode : c’est
qu’il s’amuse. J’imagine, sans le savoir avec certitude, qu’à ceux
qui le connaissent vraiment, notre académicien révèle volontiers
sous les scrupules et les tourments du chrétien, sous les angoisses
de la lutte contre les concupiscences, des ressources de fantaisie
et peut-être de comique inconnue du vulgaire. Les « mots » de
Mauriac sont célèbres à Paris. Inventés ou non (mais on ne prête
qu’aux riches) le Tout-Paris des premières et des soirées de gala
s’est répété celui qui s’adressait à Mme Daniel-Rops. Caressant
d’une main distraite le somptueux manteau de vision de la
femme de l’auteur de Jésus en son temps, Mauriac aurait simple-
ment murmuré : « Ah ! doux Jésus ! doux Jésus ! » Moins
connue peut-être, mais non moins belle, sa réponse à Bernstein,
après le succès mitigé du Feu sur la Terre. Bernstein et Mauriac
ne s’aimaient guère. À peine le rideau tombé sur des applaudis-
sements assez maigres, Bernstein, la figure enfarinée et un sou-
rire au coin des lèvres, se précipite sur Mauriac : « Alors, vous
êtes content ? » Et Mauriac, très bref : « Moins que vous. »
On n’en finirait pas de rapporter tous les mots, toujours à la
fois amers et comiques, qui jalonnent la vie et la carrière de
l’auteur des Petits Essais de psychologie religieuse. À un déjeuner
donné au Ritz par Pierre Brisson (ah ! mais moi aussi j’étais invité
au Ritz par Pierre Brisson) et où la conversation roulait encore
sur Daniel-Rops et sur l’ordre de saint Grégoire-le-Grand qui
venait de lui être décerné, j’entendis très distinctement à côté de
moi François Mauriac murmurer, impénétrable : « Tiens ! tiens !
mais moi aussi il me semble, je me suis occupé de Jésus ! » Et
c’est lui encore qui prétendait que, comme dubo, dubon, dubon-
net, dans les couloirs du métro, le maître mot inscrit sur les
murailles, vénérables de l’Institut de France, c’était : prostate,
prostate, prostate. Tout cela ne nous éloigne qu’assez peu de
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notre propos initial, car dans une grande œuvre et dans une
grande vie, tout se tient, jusqu’aux calembours. Je me représente
très bien Mauriac, pris du repentir chrétien après avoir cloué sur
place l’adversaire ou l’ennemi et cherchant désespérément à
l’embrasser après l’avoir étouffé. J’entends alors la voix de
l’auteur parler de lui-même. Sous celle de son héroïne : « Tu
meurs, mais tu ne t’ennuies plus » ou derrière le portrait encore
de cette autre : « Peut-être, mourrait-elle de honte, d’angoisse,
de remords, de fatigue – mais elle ne mourrait pas d’ennuis. »
Non, François Mauriac ne sera pas mort d’ennui. Et nous qui,
sur cette terre vouée peut-être désormais aux autoroutes, à la
planification des loisirs et au nouveau roman, l’aurons accompa-
gné quelques pas, nous non plus, avec lui, nous ne serons pas
morts d’ennuis.
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mal ; et puis, je n’en ai même pas envie. Allez, mon vieux maître,
allez en paix – et peut-être vers cette gloire que vous avait pro-
mise Barrès. Nous ne nous sommes pas ennuyés avec vous,
jamais ; votre voix en ce siècle, c’est celle de Racine et de
Chateaubriand : l’éloge n’est pas mince ; et votre passage sur ce
coin de terre de Malagar, dans le sud-ouest de la France, marque
la fin du destin dans la littérature. Allons, ce n’est pas si mal. Et
sur cette litote d’admiration j’espère, si Martin du Gard a dit
vrai, que, descendant votre escalier en courant et retrouvant vos
18 ans malgré ces 80 ans, dans tout l’univers vous ne voyiez plus
que des amis.
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CHAPITRE VI
Jacques Audiberti
Critique de cinéma au début des années 1940 à Comœdia, auteur de
théâtre à succès (Le mal court), poète (Des tonnes de semence), roman-
cier (Marie Dubois), Audiberti, appelé par François Truffaut aux Cahiers
du cinéma, signera un billet mensuel dans la revue de 1954 à 1956. Dans
Arts, il sera critique de théâtre en 1953, il proposera également quelques
chroniques de « parti pris » selon les vœux de Jacques Laurent (« Fernand
Léger est un phénomène historique », « Les Folies-Bergère, haute école
buissonnière »). Il y rendra compte comme envoyé spécial au Festival de
Cannes du triomphe de Truffaut avec Les Quatre Cents Coups.
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Pour victimes, pour esclaves, elles n’ont pas que les piétons.
L’homme au volant, en effet, ou la femme, n’est, au bout du
compte, qu’un des organes intrinsèques de sa bagnole. Comme
tous les agents d’exécution humains de l’industrie automobile, il
est pris dans une évolutive fatalité qui le dépasse largement.
Noué aux boutons, aux leviers, il n’est pas, pour autant un ange
moderne. Il reste livré aux profondes tendances de sa préhis-
toire toujours inachevée, la course, la prédominance. Il traque,
menace, écœure, assourdit, sans remords, ceux de ses congé-
nères qui se risquent encore au grand air sans un blindage de
coléoptère supérieur.
De Constantinople, il fallut, un jour, exiler les chiens dont
regorgeait cette cité.
Selon toute nécessité, les administrateurs de Paris devront, à
bref délai, prendre une mesure analogue, à l’encontre des
conducteurs automobiles, par la faute de ces derniers. Que ceux-
ci s’obstinent, en effet, à se fourrer dans une ravissante machine
de six mètres de long, dont la superficie développe deux cents
fois le polygone humain de sustentation, et que ces mêmes esprits
positifs prétendent, chacun pour son compte, se rendre en cet
équipage à leurs affaires dans le réseau de nos venelles tracées
pour la Sévigné, quel beau cas de dérèglement mental ! Mainte-
nant, si les automobilistes, tous des gaillards, refusent de se lais-
ser faire, on noiera les piétons. Ils consentent déjà.
Elles sont partout, dévalant, débouchant, surgissant. Leurs
klaxons, dépassant l’ultra-violet de la tolérance auditive, se ren-
voient, par coups de poing et coups d’épée, les cœurs vibratiles,
les systèmes nerveux fléchissant. Elles ne montent pas, pas
encore, dans les appartements, mais elles y délèguent leur triom-
phal glapissement suraigu, superflu. Nous le savons, pourtant,
messieurs, nous le savons, que le moteur à explosion est inventé.
Sans, précisément, vous écraser, elles vous contraignent, vous,
dans vos petits souliers, à tout un lot de décalages de rythme, de
changements de vitesse, pauvres jambes, de sauts de carpe hale-
tants dont la somme constitue bel et bien une tentative éparse et
anonyme d’assassinat.
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Demain : le Luxembourg !
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25 février 1955
Mendès le commandeur
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Tout d’un coup, derrière les vétérans, ils sont tous là.
Quinze dames, dont on ne voit que les frisettes. Deux prêtres,
robes saugrenues. Les laineuses groseilles brunes de la Côte
d’Ivoire et du Congo.
Dans les rangées, quelque part, Pierre Mendès France. Petit,
jeune, en complet marron, sans aura, pour le moment. Chaque
orateur va parler de lui comme d’un Martien prodigieux, d’un
surnaturel visiteur disparu. Cependant, il lit Paris Presse. Il n’est
pas follement entouré.
Christian Pineau, seul à son banc, est blafard, en mauve
pâle. Il lit sa déclaration, rythmée sur une impraticable concilia-
tion des contraires, d’une voix aimable, nette, soutenue par le
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Des interruptions partent des bancs. Sans micro, les voix sont
maigrelettes.
Dix-huit heures. Je sors.
Il neige. Surprise !
Aussi bien la Seine pourrait recouvrir les chaussées. Ou s’en
être retournée dans sa montagne natale.
Autrement dit cette salle des séances semble avoir la vertu
d’isoler. Au sommet de leur expansion orgueilleuse les hommes,
dans un léger délire, ont l’air, là, d’être des jouets.
Ils sont des jouets. À chacun d’eux sa propre destinée, peu ou
prou, paraît immense en même temps qu’insuffisante. Il croyait
qu’il était allé très haut. Maintenant il constate que, somme
toute, il peut beaucoup moins que ce qu’auparavant il se figu-
rait. L’ivresse du triomphe départemental s’évapore dans la
proximité coude à coude de plusieurs centaines de triomphes,
du même tonneau.
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Marcel Aymé
L’auteur non conformiste et inclassable du Passe-muraille a été journa-
liste pour Marianne (avant guerre), Je suis partout, Opéra. Pour Arts, son
obsession de la peine de mort le fera écrire sur un célèbre condamné
américain « Chessman et la tête du gouverneur » et l’hebdomadaire
publiera un reportage écrit vingt-sept ans plus tôt sur une exécution
capitale. Un texte que lui avait demandé, lors de ses débuts, un « brave
homme de rédacteur en chef », précisait l’hebdomadaire.
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Jacques Chardonne
L’auteur de L’Épithalame et des Destinées sentimentales s’est toujours
senti plus proche de Nimier que de Laurent. Sa correspondance avec
l’auteur des Épées évoque régulièrement l’actualité de l’hebdomadaire. Il
confiera à Arts des textes en avant-première (« Doit-on guillotiner les
écrivains de talent ? ») et écrira quelques reportages à sa façon.
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254 ARTS
6 février 1957
256 ARTS
Jean Giono
« Une exclusivité sensationnelle » : la rédaction de Arts n’hésite pas
pour souligner l’importance de la publication du procès Dominici vu par
Jean Giono. Illustré de dessins de Bernard Buffet, le texte sera publié
pendant quatre semaines et alors que le jugement est déjà connu. Mais
l’affaire a marqué la France entière et les commentaires de l’habitant de
Manosque, ses doutes sur la culpabilité de l’accusé vont être particulière-
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ment remarqués. C’était une région qui était la sienne, qui l’avait
beaucoup inspiré. Cette série, c’est la référence pour Arts, cinquante ans
après, c’est l’article qui est resté dans les mémoires. Bernard Frank écrivait
dans Le Nouvel Observateur en octobre 2003 : « Il y avait, sur cette
affaire, un article de Giono dans Arts… j’aimerais relire ce papier, on a
parfois des surprises. »
258 ARTS
souci n’est donc pas tout à fait superflu. D’ailleurs ces erreurs
de mots accusent parfois (on le verra) et très lourdement. Elles
ne sont pas toutes en faveur de l’innocence.
Ces malentendus idiots irritent les deux parties qui ne
s’entendent pas. Le président dépense des trésors de patience.
On nous présente l’accusé comme brutal, cruel même (on
évoque des faits qui ne prouvent pas la cruauté), sujet à de ter-
ribles accès de colère, solitaire. On ne fait pas assez attention à
cet état de solitude. Or, le commissaire Sébeille a fait, dit-on, une
enquête « psychologique ». Pourquoi faut-il que cette enquête
psychologique éveille ma méfiance ?
En tout cas l’accusation fait état et se sert beaucoup de ce
caractère ainsi dévoilé. Or, l’accusé avait 76 ans le jour du crime,
et, pendant soixante-seize ans, il n’a jamais exercé ni sa brutalité,
ni sa cruauté, et ses terribles accès de colère n’ont jamais marqué.
À un point qu’on est obligé de relever contre lui qu’un jour il a
jeté des pierres à son chien (sic).
Enfin, on tient un fait pour prouver sa brutalité. Il a même
accouché sa femme lui-même, sans aide, neuf fois. « Non,
répond-il en souriant, trois fois seulement. » On lui reproche.
« Nous étions loin de tout, répond-il. Fallait-il que je la laisse
mourir ? » Et il ne sourit plus.
Quelques répliques. Le président : « Vous êtes excitable. »
L’accusé (qui ne comprend pas tout à fait le mot) : « Je ne me
suis jamais moqué de personne. Je n’aime pas qu’on se moque de
moi. » Le président : « Vous êtes rude et primitif… » L’accusé :
« Comme je suis toujours. » Le président : « Coléreux… »
L’accusé : « En colère quand il le fallait. » Le président : « Sus-
ceptible… » L’accusé : « Je ne vois rien là-dedans. » Le pré-
sident : « Égoïste… » L’accusé : « Égoïste. Ce n’est pas vrai. La
porte de la ferme était toujours ouverte à tout le monde. » Le
président : « Assez vantard. » L’accusé : « “Vantard !” Quand on
me demandait : comment fais-tu ça, je disais, je fais comme ça.
Ah ! oui, c’est parce que je disais moi. Oui je disais moi je fais
comme ça. » (Ce qui prouve en effet qu’il est parfois très subtil.
Mais est-ce quand il veut l’être ou simplement quand il peut
l’être ? Ce qui dans ce cas prouverait une certaine franchise ?) Le
président : « Vous étiez très dur… » L’accusé : « Je le suis
encore. » Le président : « Indifférent à tout ce qui vous entou-
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Marcel Jouhandeau
« Tuons les médiocres » avait écrit l’auteur de Chaminadour dans
Arts, mais aussi « J’aime Henry de Montherlant ». Il publia également
ses carnets d’écrivain dans l’hebdomadaire pendant sept semaines en 1957
et le récit de faits divers, « Les amants tragiques de Blois », « Un crime à
décourager les cauchemars de Sade et de Poe, le procès Evenou
Deschamps ». C’est avec plus d’émotion qu’il évoque la mort de Kennedy.
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Jean de laVarende
De l’auteur de Nez-de-cuir et de Cœur pensif, Roger Nimier a écrit :
« Il a enchanté tout un peuple de jeunes gens. Hélas, il écrit en charabia.
Pourquoi ne pas le traduire en français, ce D’Annunzio de Basse-
Normandie ? » C’est sans traduction que Arts publiera son récit d’une
étape du Tour de France en Normandie avant les récits de Roger Frison-
Roche (les étapes des Alpes) et de Pierre Benoit (celles des Pyrénées). La
Varende avait également publié dans Arts : « Si j’avais une fille à marier,
je demanderais au prétendant, chassez-vous ? »
3 juillet 1957
Mais la petite reine des grands mâles n’est plus qu’un jouet
pour marmots.
Il serait temps de s’occuper de la bicyclette puisqu’elle va
disparaître, comme je me suis intéressé à la hobereau taille, au
cheval et à la voile, sur leur déclin. La bicyclette agonise, vous
savez… Arrivé une heure d’avance à la gare de Bernay, car
j’aimais tendrement qui j’y venais chercher, j’ai compté trente-
deux vélomoteurs ou scooters pour seulement sept bécanes.
C’est donc le glas de la petite reine ; n’y aurait-il plus que des
retraités qui la chevaucheront pour aller chercher leur tabac, ou
des gosses sur les trottoirs ? L’amiral Camille me disait en 1900
devant un vélo : « Avec la machine à coudre, voici ce qui modi-
fiera le plus les mœurs rurales, l’une pour la mobilité, l’autre
pour la coquetterie. » Point si sot !
D’ailleurs, moi-même, n’ai-je pas pratiqué la bécane ? Je ne
connais rien d’aussi pénible comme mode de locomotion quand
on emprunte les routes, mais, si l’on se contente des petits che-
mins ou des sentiers de forêt, cela peut devenir charmant. Seule-
ment, dans ma jeunesse je me suis esquinté sur des « clous » et,
dans mon âge mûr, avec la guerre, sur ce qu’un de mes amis
appelait justement « une charrue »… Cinq années de vélo pour
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En bâclant ceci dès mon retour, car il faut faire vite et je perce
dans la nuit, je pense que les gars sont arrivés à Rouen. J’imagine
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cette route que je connais si bien qui leur offre des retraites
glauques et fraîches, des auberges délectables et gentilles qu’ils
brûleront, Anquetil doit avoir son maillot jaune et suspendre
tout Rouen à ses moyeux. Mais demain, ils repartiront. Étape
faible ce soir, 134 kilomètres. Et Rouen-Roubaix en compte cent
de plus, et en terre moins aimable. Le pays de Caux est bigre-
ment insolé, avec son sous-sol de craie ; la Picardie n’est point
drôle. Mais ils ne voient rien, le nez sur le cataphote du pré-
cédent. Pauvres bougres ! Ils se sentent peut-être portés par la
joie qu’ils suscitent. En fait, ils sont en scène, sur un théâtre de
quatre mille kilomètres. Ils marchent propulsés par l’haleine de
la foule, par son enthousiasme anhélant, Jean Marais me disait
que tout disparaît une fois passés les portants et en face du souf-
fleur, même une rage de dents. Peut-être que nous leur sommes
nécessaires.
En réalité, ce serait une des seules épreuves essentiellement
populaires, où le peuple ferait tout, serait acteur et spectateur
sans qu’il s’y mêle des messieurs quelconques, des profs ou des
gigolos fins du fin. Ici, le peuple est en famille, en parenté
directe. Ces hommes qui passent ne sont-ils pas les meilleurs de
son meilleur ?
Combien de temps cela durera-t-il encore ? Dix ans, pas plus
sans doute, si le Tour veut garder ce qu’on appelle son authenti-
cité ; s’il reste la sublimation des instincts populaires et de leur
fidèle machine. La bicyclette a passé la main, peut-on dire, et ils
auront le teuf-teuf : chacun sa mécanique brûlante : on se bala-
dera niaisement, à pleines fesses. Rien n’est gauche comme cette
inertie des jambes avec l’arrondissement du dos. Il faut les
énormes pétarades des motards enfoncés dans leurs machines de
guerre, pour rendre du ton au déplacement. Hier, on ne pouvait
s’empêcher, quel que fût l’éloignement, d’avoir un coup d’œil
amical pour le jeunot, qui, grimpant la côte, exécutait une sorte
de danse de Saint-Guy au-dessus de la selle et du cadre.
En tout cas, le Tour n’est pas encore tombé dans l’indiffé-
rence. Les oreilles m’en font mal et les paupières m’en brûlent,
de ce tintamarre, de cette effervescence, de ces éclats d’acier et
de mica, de ces yeux désorbités et de ces dents sorties…
Il est naturel que le culte augmente avec les dernières virées.
La petite reine des grands mâles sera devenue comme le cheval
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Jacques Perret
Journaliste, chroniqueur, pamphlétaire, ses débuts dans la presse quoti-
dienne remontent à 1925 dans Le Rappel et à 1932 dans Le Matin. Il
collabora à Arts de 1951 à 1960, mais aussi aux Nouvelles littéraires et à
Aspects de la France. C’est surtout l’auteur du Vent dans les voiles et du
célèbre Caporal épinglé.
C’est un grand honneur qui m’est fait et un joli tour qui m’est
joué. On me prie en effet de trousser ce qu’on appelle un cha-
peau pour coiffer toutes ces opinions qu’on va lire sur Victor
Hugo. Des chapeaux, j’en ai fait pas mal naguère, sur des catas-
trophes financières, des scandales financiers, des obsèques natio-
nales ; sur Victor Hugo, jamais. Il faut dire que je ne suis pas ce
qu’on appelle un fin lettré, à peine un demi-lettré. Bien sûr,
j’adore Victor Hugo, mais si je confesse que je n’en peux citer
plus de trois vers d’affilée, il faut bien autoriser les confrères
soussignés à me taper gentiment sur l’épaule en me conseillant
d’aller me rhabiller. Depuis l’âge scolaire, c’est la première fois
que je me hasarde à écrire quelque chose à propos de Victor
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nières, au fin bout du ramassis non actif, ce n’est pas du tout que
je veuille glorifier un idéal de non-activité ou saluer bas le der-
nier carré des oisifs. J’ai horreur du paradoxe et je me fais un
devoir de consentir aux doctrines officielles qui honorent l’actif
et tolèrent encore l’inactif en queue de colonne comme une
fatale adhérence des siècles obscurs, comme le pesant héritage
des sociétés irrationnelles. Et si la liste en question me taquine
un peu c’est justement qu’elle ne correspond pas à sa rubrique.
Elle trahit une notion vicieuse de l’actif et de l’inactif.
Prenons le capitaliste par exemple auquel, par commodité,
j’assimilerai le propriétaire foncier. Non, je ne vais pas mettre les
pieds dans le fatras spéculatif où se sont évertués tant d’illustres
penseurs, mais enfin ce capitaliste fait travailler, comme on dit,
son argent. Il est donc patron de son argent : or, tous les patrons
sont rangés dans le code parmi les catégories actives. Mon rai-
sonnement est captieux, soit. Admettons encore que les statisti-
ciens pusillanimes aient pu se raidir contre la notion dépréciée
du capitaliste actif : si vous voulez. Mais les prostituées ? Retran-
cher les prostituées de la population active c’est tout de même
un peu dur à avaler. C’est jeter lâchement le dernier discrédit
sur une catégorie socioprofessionnelle qui – Dieu merci – pour-
rait appeler en témoignage de ses activités les rubricards les plus
huppés de l’index alphabétique.
Toutefois, dans l’hypothèse peu administrative, mais humaine
où ce classement inique aurait été dicté par l’expérience person-
nelle, il reste possible, en effet, que le contact d’un statisticien
déclaré ou reconnu détermine chez la prostituée un réflexe
conditionnel de non-activité totale. En tout cas il faut prévoir
que, dans leurs rapports avec cette catégorie socio-
professionnelle, les statisticiens ne goûteront désormais que des
plaisirs statiques, scrupuleusement figés dans la non-activité
réglementaire qu’ils auront voulue.
Enfin, les imbéciles. Par commodité, le cas des idiots ne sera
pas disjoint du leur. Ici. L’incongruité, l’injure du classement
saute aux yeux. Il est pour le moins surprenant que des socio-
logues appointés, des statisticiens assermentés puissent
méconnaître aussi grossièrement un des phénomènes sociaux les
plus importants du siècle, à savoir la débordante activité des
imbéciles. Pour classer les imbéciles dans la dernière catégorie
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3 juillet 1957
286 ARTS
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CHAPITRE VII
Antoine Blondin
Journaliste sportif pour L’Équipe et politique pour Rivarol, l’auteur de
L’Humeur vagabonde a confié – irrégulièrement – quelques chroniques
au journal que dirigeait son ami Jacques Laurent et pour lequel son
« meilleur » ami – Roger Nimier – écrivit beaucoup. En 1959, il apparaît
d’ailleurs au comité de rédaction de l’hebdomadaire au côté de l'auteur du
Hussard bleu, mais il n’y reste que quelques mois.
13 avril 1955
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28 mai 1958
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29 juillet 1959
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Michel Déon
Secrétaire de rédaction d'Aspects de la France auprès de Charles
Maurras, le romancier des Poneys sauvages a été journaliste pour Paris
Match comme pour Opéra. C’est le Hussard qui écrira le moins dans
Arts. Il publiera toutefois une nouvelle, « Le Métier d’Égérie », et
quelques devoirs de vacances.
18 juillet 1956
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plus grande réussite que celle obtenue par les décisions creuses
et les coups d’épée dans l’eau de tous les congrès internatio-
naux.
Voilà, monsieur le douanier, ce que je vous prierai de sous-
entendre au « Rien » que je répondrai à votre question ambiguë.
Bernard Frank
« Nous nous regardions de loin, lui enfermé dans sa droite imaginaire
et moi dans une gauche tout aussi irréelle », a-t-il écrit de Roger Nimier.
L’heureux inventeur des Hussards rejoignit ceux-ci le temps de quelques
articles. Et même si aucune rubrique ne fut entièrement consacrée à un
nouveau rasoir (comme plus tard dans Le Nouvel Observateur),
l’humour et le sens de la dérision se cachent déjà derrière chaque mot.
Ses premiers articles paraîtront dans Arts l’année de la publication de ses
premiers livres, Géographie universelle et Les Rats, alors qu’il écrivait
également dans France Observateur et qu’il venait quelques mois aupa-
ravant de signer son célèbre article sur Laurent, Nimier, Blondin et Déon
qu’il qualifiait de fascistes ! Dans ce journal où l’humeur était reine, l’un
des articles de l’auteur de Solde sera titré « Un bouquet (d’épines) à la
main, Bernard Frank est allé du côté de chez Jean (d’Ormesson) » et un
texte de Jean-René Huguenin sur « La panoplie littéraire (de Frank) : Un
petit péteux… »
17 juillet 1953
302 ARTS
3 décembre 1958
1° Mon idée
3° Les dangers
C’est quand ils couronnent de faux bons livres que les prix
deviennent dangereux. Faire lire à deux cent mille personnes
du Maurice Druon ou du R. Ikor n’est pas bien grave. La mau-
vaise littérature est pour le lecteur une sorte de service militaire,
la rude marche sac au dos sous la pluie et dans la boue, l’école
du soldat. Elle le dresse. Elle le forme. Après ça, il est mûr pour
les chefs-d’œuvre. Il s’aperçoit avec stupeur qu’ils ne sont pas si
ennuyeux qu’on le disait, qu’il le croyait. Mais ce qui est gênant,
ce sont leurs crises de vertu, ce terrible moment où nos braves
jurys veulent s’amender, reconnaissent leurs erreurs et partent à
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304 ARTS
4° Petite réforme
Sans les prix, les éditeurs n’oseraient pas éditer ces deux ou
trois livres savoureux qui ne se vendent pas et qui risquent après
tout d’avoir un prix. Sans les prix, les éditeurs n’oseraient pas
éditer ces cent merdes qui ne se vendent pas mais qui risquent
– pourquoi pas ? – d’avoir un prix.
18 mars 1959
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20 mai 1959
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Matthieu Galey
Le jeune auteur du recueil de nouvelles Les Vitamines du vinaigre
soutenu par Chardonne collabore régulièrement à Arts avant de devenir
un critique théâtral réputé et de publier un livre d’entretien avec
Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts). Dans son Journal, il évoque
son arrivée à l’hebdomadaire en 1958 : « Par Chazot, toujours aussi
serviable, appel de Jean Le Marchand qui me demande une chronique
sur le Goncourt. J’ai un peu le trac mais cela m’amuse. » Dans les
années 1960, il assurera chaque semaine le feuilleton littéraire de Arts.
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3 décembre 1958
316 ARTS
L’invasion belge
Ce fut une belle panique chez mes confrères d’un jour ! Tous
les dithyrambes préfabriqués n’étaient plus bons qu’à jeter au
panier ; toutes les biographies soigneusement établies la veille,
qu’en faire ? Ah ! on n’avait pas la Belgique joyeuse ce matin chez
Drouant ! Françoise Mallet-Joris l’autre jour, Alexis Curvers,
l’an dernier ; une invasion ! Les journalistes n’aiment pas les plai-
santeries qu’ils ne font pas eux-mêmes. Glissant sur La Lézarde
dont le Renaudot passa presque inaperçu dans le tumulte de
l’affolement, ils disparurent en un instant dans les librairies voi-
sines. J’aimerais bien le connaître le gagnant du marathon, celui
qui réussit le premier à pénétrer chez Flammarion et qui sût
demander, d’un air hypocritement dégagé, cachant sous un sou-
rire timide son essoufflement : « Avez-vous… euh ! comment
donc cela s’appelle-t-il ?… Un livre de chez Gallimard… euh !…
ah ! oui. » Saint-Germain ou la négociation… « d’un certain
Walder » et qui emporta sous l’œil furieux de ses poursuivants le
seul exemplaire du Goncourt qui existât avenue de l’Opéra, en
ce 1er décembre 1958. Cet homme-là est le véritable vainqueur
de la journée.
Le premier tableau de la comédie s’est achevé sur cette pour-
suite. Creusé par l’émotion, je suis allé déjeuner. Pas chez
Drouant. J’en ai eu modestement pour mille francs. Un nouveau
taxi, moins triomphal que le premier pour rentrer chez moi, puis
un autre afin d’arriver à temps pour le second tableau : cinq
cents francs.
C’est une pièce à épisodes. La scène se passe rue Jacob, aux
éditions du Seuil. Un escalier étroit conduit aux salons, qui se
composent de trois pièces exiguës où l’on s’entasse. Par l’entre-
bâillement d’une porte on aperçoit des cartons de petits-fours
en équilibre instable sur des manuscrits épars. C’est le style
improvisé, bien que le succès d’Édouard Glissant fût prévu, lui.
Assis derrière un bureau, il reçoit les papillons de la littérature
qui butinent à qui mieux mieux ce Belafonte à moustaches qui
parle comme Salvador.
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29 avril 1959
CHAPITRE VIII
LES GONCOURT 1
Béatrix Beck
Son Léon Morin, prêtre reçut le prix Goncourt en 1952. Elle a
rencontré Roger Nimier alors qu’il dirigeait les pages littéraires du
Nouveau Femina. Il a écrit à son propos : « C’est la fraîcheur et la
méchanceté. Et pour ses qualités littéraires y ajouter la sincérité. »
Béatrix (« que l’on doit prononcer comme perdrix », précise-t-elle dans
Confidences de gargouille) a été pigiste pour L’Express et pour Le
Figaro littéraire. Son rédacteur en chef, Maurice Noël l’appelait le
« magnétophone de mauvaise foi » : « Magnétophone, parce que je
reproduisais les propos, de mauvaise foi parce que j’étais à gauche… »
Béatrix Beck s’est prêtée pour Arts à une chronique surprenante.
1. Jacques Laurent, prix Goncourt pour Les Bêtises, a été classé dans
« Les patrons ».
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23 décembre 1959
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Jean-Louis Bory
Prix Goncourt en 1945 pour Mon village à l’heure allemande, pro-
fesseur de français, il débute sa carrière de journaliste à Samedi soir, il
sera critique de cinéma pour Arts un peu après le départ de François
Truffaut, en 1961, et jusqu’à l’arrêt de l’hebdomadaire. Il tiendra ensuite
la rubrique cinéma régulièrement pour L’Express et pour Le Nouvel
Observateur.
29 avril 1959
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22 mai 1963
Oui, oui, bien sûr. F comme Fric. F comme Fesse. Le Fric par
la Fesse. La Fesse pour le Fric. Le Fric pour la Fesse. C’est
entendu. F comme Foire. Trois mille chambres sur cinq cents
mètres de bord de mer. Intense grenouillage à la terrasse du
Carlton où, à l’heure du berger – midi, sept heures –, on entend
claquer les mâchoires des requins du septième art. Producteurs,
distributeurs, exploitants, starlettes et gigolos font et refont inlas-
sablement les quelques mètres de trottoir qui séparent le Carlton
du Palais. Cela ne me gêne ni ne me choque. Le cinéma, c’est
aussi ça. Rien ne m’autorise d’ailleurs à jouer les pères la Vertu,
d’autant que, de la Vertu, aujourd’hui denrée officielle et cotée
en Bourse, on sait ce que vaut l’aune.
Mais F aussi comme Film. Et l’on peut très bien ne s’intéres-
ser qu’à ce F-là. Le cirque est localisé dans l’espace (les quelques
mètres de trottoir déjà nommés) et dans le temps (les exhibitions
vespérales en uniforme obligatoire). Le reste de la journée et le
reste de Cannes demeurent à la disposition de ceux pour qui le
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Roger Vailland
Avant guerre, il était journaliste dans la grande presse (Paris Midi, Paris
Soir), après la guerre, la résistance et ses premiers romans, il travailla plutôt
pour la presse communiste ou proche du parti (Action, Libération, Les
Lettres françaises) mais ses contributions à Arts ne furent pas rares. Les
thèmes abordés ne s’éloignaient pas vraiment de ses livres (« Les garçons
sont penauds devant l’audace des filles »), ou y faisaient directement
allusion (« Une femme entrevue dans un bowling m’a redonné le goût du
roman »). Nimier qualifiait ainsi l’auteur de Drôle de jeu : « Le meilleur
écrivain français d’extrême gauche est aussi celui qui plaît le mieux aux
âmes réactionnaires sensibles. » Prix Goncourt 1957 avec La Loi.
338 ARTS
qui avait occupé dix ans de ma vie. Je lis à la fin du roman que j’ai
commencé de l’écrire à Viroflay ; c’est vrai ; après cette rupture,
je suis resté sans habitation ; un ami m’a donné l’hospitalité dans
sa villa ; nous avons beaucoup bu, cet été-là, lui et moi ; nous
commencions avec le Pernod à sept heures du matin ; nous finis-
sions le soir au rhum ; il ramenait chaque soir une bouteille de
rhum ; nous parlions beaucoup politique ; j’ai perdu souvenir des
événements politiques de cette saison, c’est que je ne les ai pas
utilisés dans mon roman ; le Pernod et le rhum me demeurent
très présents, c’est qu’il est beaucoup question d’alcool dans Les
Mauvais Coups.
340 ARTS
CHAPITRE IX
HOMME DE RADIO,
FEMME DE TÉLÉVISION
Michel Polac
Michel Polac, avait animé le journal de son lycée et à cette occasion,
rencontré Jacques Peuchmaurd qui tenait la rubrique littéraire de Arts.
C’est grâce à ce dernier qu’il fit ses premiers articles dans le journal en 1952,
alors qu’il travaillait pour le Club d’essai de la radio, mais n’avait aucune
expérience de presse écrite. On lui confia les pages théâtre : « Une semaine
dans un fauteuil : les avant-premières, les interviews, la critique. J’avais
24 ans. » Volontiers polémique, un de ses articles est titré « M. Fresnay,
pourquoi ne servez-vous pas mieux le théâtre ? » Polac se souvient d’un
numéro spécial pour une pièce de Pichette jouée au TNP, Nucléa, le journal
étant distribué à la sortie du théâtre. De la première de En attendant
Godot de Beckett commentée par Jean Anouilh sous le titre « Les Pensées
de Pascal par les Fratellini ! ». Comme plus tard à la télévision, Polac
démissionna plusieurs fois de Arts, parce qu’on lui avait « corrigé » un
article, parce qu’il quitta la France (pour les États-Unis, pour l’Iran) ou
lorsqu’il fit ses débuts sur le petit écran (Dim, Dam, Dom avec Daisy de
Galard). Il regrette de ne pas avoir été là au moment où Truffaut, Godard,
Rohmer intégrèrent la rédaction. « Cela aurait peut-être fait bifurquer ma
carrière… » Il revint collaborer à l’hebdomadaire en 1962, présentant « Le
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28 mai 1958
344 ARTS
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La statistique est reine, mais elle rend une justice aussi parfaite
qu’impitoyable. Il est une machine en service depuis quelques
semaines à New York (Chicago et Los Angeles s’équipant déjà) :
l’« Arbitron », qui permet de connaître instantanément le succès
d’une émission de TV. Cette machine électronique est reliée à
trois cents récepteurs dans trois cents familles sélectionnées
selon les méthodes usuelles pour obtenir une représentation
type. Toutes les quatre-vingt-dix secondes la machine enregistre
le nombre de postes en fonctionnement et précise sur quelle
chaîne ils sont branchés. L’appareil définit donc instantanément
et exactement l’audience des sept chaînes de TV de New York.
Bientôt, ce système fonctionnera dans toutes les villes. (En réa-
lité, les New Yorkais captent onze chaînes – treize à Los Angeles
– et signalons que trois foyers sur quatre captent dans tous les
USA au moins quatre programmes différents.)
On parle d’installer en plus un œil électronique qui permet-
trait de savoir si les téléspectateurs restent devant leur poste
pendant le passage des annonces publicitaires ou s’ils vont… se
laver les mains comme il est prouvé qu’ils le font généralement.
(C’est la statistique de consommation d’eau qui le prouve, car
elle augmente toutes les heures au moment de la fin des grandes
émissions et le passage des publicités les plus longues !)
348 ARTS
Petite philosophie de la TV
350 ARTS
La libre entreprise
Nicole Védrès
« Quiconque l’écoutait était heureux de l’entendre », dit d’elle son ami
Pierre Dumayet. « Il y a du Montaigne dans cet écrivain, chez cette
femme », ajoutait Max-Pol Fouchet. Collaboratrice avec Dumayet,
Desgraupes et Fouchet de la première émission littéraire à la télévision
française, Lectures pour tous, elle était aussi à partir de 1956 la critique du
Mercure de France. Chroniqueuse d’une grâce étincelante dans des
volumes comme L’Horloge parlante et Les abonnés absents, elle n’est
pas totalement oubliée : Le Dilettante a réédité certains de ses textes sous le
titre Microclimats.
8 janvier 1964
352 ARTS
354 ARTS
autres. Et n’allez pas me dire que le fait d’avoir des idées plus ou
moins avancées y change quoi que ce soit. Moi, je m’en tiens,
pour y voir clair, à la sordide et bouillante marmite, au réaliste
porte-monnaie, au naturaliste carnet de comptes, aux populistes
fins de mois. Et qui ne sait, cara mia, que chez vous comme chez
nous et ailleurs, une partie des femmes profite de l’inégalité des
salaires pour se faire servir chez elles (« aider », disent-elles),
parfois comme des duchesses, et aller gagner ailleurs (combien,
au fait ? Parfois, vraiment, on se demande…). Entre les unes et
les autres, la différence est bien plus grande qu’une différence
de sexe. C’est vous dire que, disant ce que je dis, je n’ai l’impres-
sion de rien trahir de ma « condition »… Et que penser de cer-
taines dames placées à des postes clefs ? Il y en a de sérieuses,
soit, de compétentes… Mais souvent, c’est la fortune et c’est le
privilège qui ont causé ce que vous appelez « évolution » (vous
dites même Révolution… on n’a pas idée !). Récemment, je lisais
une interview d’une de ces meneuses d’hommes. Je l’ai donnée à
lire à un homme. Il a lu et dit : « Bah ! bah !… Sans intérêt… »
« Comment “bah ! bah !”, ai-je dit, mais enfin imaginez que ce
soit l’interview d’un homme, il y aurait de quoi se tordre. Reli-
sez ! » Ainsi fit-il, imagina, et se tordit. Il y avait, notamment, un
épisode de fleurettes dans une cour d’usine et de cerfeuil ou
d’estragon que pouvait cueillir à volonté le petit personnel de
ces très hauts-fourneaux qui valait son pesant de minerai…
J’aurais même ajouté, au point où j’en étais, que lorsqu’on me
rebat les oreilles du nombre « spectaculaire » de femmes qui,
aujourd’hui, font des études, je suis parfois à me demander si, là
encore, la classe possédante, détentrice et maintenante n’a pas,
en fin de compte, trouvé tout bénéfice. Au prix d’une « émanci-
pation » dont elle n’avait quasiment rien à craindre, ou presque,
elle a casé ses filles, en masse, là où sans cela le populaire aurait
eu plus rapidement et plus largement accès. Je ne changerai
d’avis que lorsqu’on m’aura démontré que le nombre des enfants
(garçons ou filles) de paysans et d’ouvriers fréquentant les
grandes écoles a augmenté dans des proportions aussi « specta-
culaires » que celui des demoiselles Jourdain.
J’ai murmuré tout ça (ma note verbale, mon écrit volatil)
l’autre jour aux oreilles d’un fin lettré, un homme « très à
gauche » comme on dit, et que je connais peu d’ailleurs. Je
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356 ARTS
17 février 1965
358 ARTS
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CHAPITRE X
PREMIER ROMAN
Lorsque son nom apparaît dans Arts, il n’a publié qu’un livre
et n’a pas adhéré à l’Oulipo…
Georges Perec
L’auteur de La Vie mode d’emploi venait de publier son premier
roman Les Choses, Prix Renaudot 1965, quand il écrivit cette chronique
peu avant l’arrêt de Arts.
19 octobre 1966
366 ARTS
CHAPITRE XI
PRINCES DE L’HUMOUR
Alexandre Vialatte
Les chroniques de l’auteur de Battling le ténébreux ne sont pas rares,
les spécialistes en ont retrouvé huit cent quatre-vingt-dix-huit. Elles ont
été après sa mort recueillies dans de nombreux volumes. La plupart ont
été écrites pour le quotidien La Montagne mais le célèbre traducteur de
Kafka a aussi écrit pour Elle et pour Arts. Sur son auteur de prédilection,
« Kafka est-il le Georges Ohnet des cérébraux ? », comme sur l’éditeur de
ses romans, « Du côté de chez Gallimard ou le prix des mots ».
368 ARTS
Voir et manger
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Dubo, Dubon
372 ARTS
cent fois et qui n’en ont jamais rien eu parce qu’ils n’ont pas su se
le faire croire. Comme le roi de la cage à mouches, ils sont morts
dans la nostalgie. Balzac, lui, sans jamais arriver au triomphe, se
l’est raconté en 42 volumes. Avec quelle force ! Avec quelle foi !
C’est là qu’est la grande réussite : l’euphorie de la foi dans le
succès et dans la valeur du succès. Car il faut croire à beaucoup
de choses pour désirer âprement arriver.
Balzac y a cru parce qu’il en avait besoin. Sa Comédie humaine
est un conte de fées, le conte de fées de la réalité. C’était une
étonnante histoire de la société qu’il se racontait à lui-même
pour arriver à se faire croire qu’un jour il réglerait ses dettes, il
aurait l’or, la gloire et les duchesses. Que ça se pouvait, que ça
allait se faire.
Les duchesses lui résumaient tout. Il était malade des
duchesses. Il en faisait quelque chose d’incroyable et de quasi
mythologique. C’était de l’ange, du démon, de la vertu jusqu’aux
yeux, de la perversité jusqu’aux ongles, de la noblesse jusqu’à
Charlemagne, du crime, de la joie, du diamant, du coffre-fort, du
séraphin, du clair de lune et de la chair fraîche ! Et ça n’a jamais
existé ! Ça n’empêche pas qu’elles sont plus vraies que toutes
celles qu’a fournies l’Histoire. Parce que l’Histoire n’a jamais eu
un besoin de duchesses aussi pressant que celui de Balzac. L’his-
toire n’a jamais eu besoin de régler des dettes aussi criardes, de
se reposer de tant de nuits de pensum.
Cent passages montrent le bout de l’oreille. L’un des plus
beaux est celui dans lequel il compare les femmes des diverses
nations, rien n’existe auprès de la Française. La Française, dit-il,
est une femme idéale : vingt-quatre heures après son mariage,
elle connaît le code comme un vieil usurier : quarante-huit heures
après, cet ange, cette providence, ce besoin du cœur et de
l’esprit, apporte à son époux le coffre-fort d’un banquier. Voilà
des femmes ! Voilà des anges !
Ainsi Balzac conquérait-il le monde chaque nuit. En se le
racontant à l’oreille. Il arrivait à se le faire croire. C’est ça le
succès : une euphorie. Il suffit d’avoir du génie.
« Malheureusement », comme disait Mounet-Sully en sortant
de scène, avec cette modestie qui distingue les grands hommes,
« il y a des soirs où l’on n’a que du talent »…
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374 ARTS
Boris Vian
« C’était le plus doué, le plus inventif, le plus différent par là même de
Saint-Germain-des-Prés. » C’est ce qu’écrira Roger Nimier dans Arts à la
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376 ARTS
12 septembre 1952
378 ARTS
380 ARTS
après un bon Paris-Lyon (en dix heures tout juste) que dans une
4 CV Renault, l’abomination la plus abjecte, au bout de cin-
quante bornes.
L’éclairage ? Zéro. Un bon phare à acétylène vous balayait la
route sur 500 mètres ; hélas, c’est interdit désormais, mais je
suis furieux. Un coup d’acétylène en pleine tronche d’un poids
lourd, et il cesserait de faire le malin.
La souplesse ? En aucune façon. Avec la quatrième, en prise,
comme on dit, je puis rouler de quinze à soixante-dix à l’heure
sans changer de vitesse, et sans faire cogner le moulin, quel que
soit le profil de la route. J’admets que je passe en troisième sur
la rampe d’accès à l’autoroute, mais passer en troisième est un
jeu d’enfant avec une boîte à double baladeur et un embrayage
à cône.
Sous-équipé
382 ARTS
BIBLIOGRAPHIE
REMERCIEMENTS
SOMMAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
AVANT-PROPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
ROGER NIMIER :
Un déjeuner de Bernanos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Louison Bobet sous la Coupole ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
À quelle sauce serons-nous atomisés ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
L’affaire Paul Morand met en question l’équilibre moral
de l’Académie française. Les Immortels resteront-ils
une compagnie ou accepteront-ils une direction
collégiale ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Festival de quartier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
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388 ARTS
LOUIS MALLE :
Avec Pickpocket Bresson a trouvé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
ÉRIC ROHMER :
Crime et châtiment, ni la lettre ni l’esprit . . . . . . . . . . . . . . 105
Que viva mexico ! : le plus beau des films. . . . . . . . . . . . . . 108
Le pont de la rivière kwaï, spectaculaire et prétentieux. . . . 110
Les dix commandements, cinq milliards pour rien . . . . . . . 112
FRANÇOIS TRUFFAUT :
Crise d’ambition du cinéma français . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Les critiques de cinéma sont misogynes. B.B. est victime
d’une cabale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Un faux problème paralyse la production.
Le cinéma est-il un art ou une industrie ?
Ni l’un ni l’autre, mais un art industriel . . . . . . . . . . . . . 128
Cannes : un échec dominé par les compromis,
les combines et les faux pas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
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PHILIPPE LABRO :
Blaise Cendrars donne sept conseils aux jeunes romanciers 182
PASCAL ORY :
La recherche historique m’a passionné très tôt. . . . . . . . . . 187
PHILIPPE SOLLERS :
Dix ans après, que reste-t-il de Gide ? Le plus grand
des écrivains sans génie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
390 ARTS
JEAN COCTEAU :
Un message du président d’honneur de France-Hongrie :
en ces jours de deuil et de sang, il faut s’acharner
sur un petit point noble et pur pour retrouver
un air moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
JEAN-LOUP DABADIE :
Interview de Roland Barthes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
Bon débarras ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
EUGÈNE IONESCO :
Comment se débarrasser de Bécaud. . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
MICHEL MOHRT :
J’ai vécu avec William Styron la dolce vita . . . . . . . . . . . . . 215
HENRY DE MONTHERLANT :
Monsieur de Saint-Pierre, j’en ai plein le dos . . . . . . . . . . . 217
Merci à mes interprètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
JEAN D’ORMESSON :
1885-1965… Allons, François Mauriac,
nous ne nous serons pas ennuyés avec vous . . . . . . . . . . 221
MARCEL AYMÉ :
Une tête qui tombe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
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JACQUES CHARDONNE :
Cinq jours aux Champs-Élysées. Le Lido – Tolstoï
et Dostoïevski – Brigitte Bardot – Mitsou –
le Fouquet’s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
JEAN GIONO :
Le monstrueux roman des Dominici . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
MARCEL JOUHANDEAU :
Après la mort de Kennedy, la descente aux enfers . . . . . . . 263
JEAN DE LAVARENDE :
Empoigné, rajeuni, bafouillant, j’ai vu passer le Tour. . . . . 268
JACQUES PERRET :
Messieurs, l’œuvre de Victor Hugo vous a-t-elle
influencés ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277
Les imbéciles dans la statistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
J’ai choisi la plaisance au pifomètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
MICHEL DÉON :
Devoirs de vacances : rien à déclarer ? . . . . . . . . . . . . . . . . 298
BERNARD FRANK :
Dix règles de conduite plus une pour réussir . . . . . . . . . . . 300
Surtout pas de prix pour les chefs-d’œuvre ! . . . . . . . . . . . 302
Le 13 mai, une date de l’histoire de France . . . . . . . . . . . . 305
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392 ARTS
MATTHIEU GALEY :
Saint-Germain des prix : un Goncourt introuvable,
un Renaudot attendu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
Après la bataille Morand, la crise de l’immortalité . . . . . . . 318
JEAN-LOUIS BORY :
Les Martiens ont débarqué . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Cannes : F comme festival, fric, fesse et… film. . . . . . . . . . 327
ROGER VAILLAND :
Qu’est-ce qui vaut la peine de vivre ? . . . . . . . . . . . . . . . . 337
NICOLE VÉDRÈS :
La trahison des femmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 351
Pour en finir avec les femmes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 356
BORIS VIAN :
Strindberg, les femmes et votre serviteur . . . . . . . . . . . . . . 376
Ce que le salon ne révélera pas. Les sept péchés capitaux
de la voiture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 379
BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383
REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385
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