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Les choses avaient pris un nouveau tournant.

Le filet d’eau froide crée par une mèche de cheveu sur ma


nuque me fit délicieusement frémir.
Etait-ce dû au confinement, à la panique au dehors ou étaient-
ce ces sentiments nouveaux qui grandissaient en moi ? Les choses
avaient visiblement changées. Le confinement avait exacerbé mon
sentiment d’impuissance mais avait paradoxalement contribué à
mon éveil. J’étais déterminée à réussir. Déterminée plus que jamais à
ne jamais m’arrêter.
Moi qui m’était sentie si minuscule devant cette montagne
d’objectifs et de missions dont je me savais investie, me voilà à
présent prête à l’apprivoiser.
Le cap était franchi, je le savais.
Je refusais de me laisser envahir par des pensées qui me
rappelaient le temps que j’avais perdu, mon âge qui avançait, ou
de prêter de l’importance à ces « et si ? » qui m’avaient brouillé la
vue pendant tant d’années.
La montagne était encore très haute, mais au moins ma vision
était devenue claire. Ce n’était plus le gros tas sombre verdâtre et
triangulaire que je redoutais tant. Désormais, ses bordures étaient
bien distinctes. Les feuillages des arbres bercés par le vent et par
les visites des oiseaux prenaient vie devant mes yeux. J’arrivais
même à entrevoir des chemins certes sinueux, bordés de mauvaises
herbes pour la plus part, de fleurs pour d’autres, mais qui allaient
me mener jusqu’au sommet.
Quelque chose avait certainement changé, puisque je ne
m’attendais plus aux miracles et avais cessé de scruter le ciel à la
recherche d’étoiles filantes auxquels confier mes souhaits.
Sortie de mes pensées, je descendis enfin de ma baignoire. Je
me séchais, enveloppais mon corps dans ma crème favorite au
beurre de karité, allais ajuster la couronne que formait mon afro et
enfilais ma tenue la plus confortable.
Le miroir ne reflétait plus un sourire terni par les regrets ou les
doutes.
J’arborais désormais mon plus joli sourire, qui manifestait beaucoup
de confiance, de détermination et surtout d’assurance.
Le soleil fit son apparition par l’une des fenêtres de la
chambre. Il vint se poser directement sur moi et aidé par le beurre
de karité, fit briller mon teint noir ébène qu’il m’avait fallut
apprendre à chérir.
-All dressed up with nowhere to go, je me mis à rire devant le
miroir faisant référence à l’une de mes chansons préférées de
Michael Franks.
Je jetais un coup d’oeil à mon dernier message reçu. Il avait su
discerner mes besoins matériels, ce qui le rendait beaucoup trop
confiant, trop à l’aise dans cette relation naissante. Ce qu’il n’avait
pas compris c’est que je n’avais plus besoin d’un prince, que je
refuserais l’aide de Charmant et le pousserais même hors du beau
cheval blanc pour le monter seule. Je balançais mon téléphone sur
le lit et descendais bouillir l’eau du thé.
Mon bureau était tout neuf. J’entrepris de checker ma liste de
choses à faire. Je barrais la méditation et la prière. Je devais à
présent consulter mes mails, m’accorder une heure de recherche
d’emploi, 1 heure d’exercice du code de la route, 2-3 heures à
consacrer à l’association, 2 heure de lecture et ensuite j’allais avoir
le reste de la journée pour poursuivre l’écriture de ce roman que
j’avais commencé il y avait maintenant 1 an.
Je pris une profonde inspiration, expirais lentement,
entièrement satisfaite de ma cadence lors de ces deux mois de
confinements. Je ne m’étais pas goinfré, ne m’étais pas adonnée à la
procrastination, mais avait au contraire été très productive. Certes
je n’avais aucune rémunération. Le travail que je faisais pour
l’association, la traduction du livre pour enfant de mon amie ou
l’écriture de mon propre roman… Mais personne ne pouvait mettre
un prix sur la victoire que je ressentais lorsque j’accomplissais ou
terminais une tâche dans les temps. Et quel bonheur de lire la
satisfaction des personnes avec qui je collaborais !
Malgré la diversité de mes tâches, mes journées se
ressemblaient toutes, et j’en appréciais chaque seconde. Chaque
challenge, chaque pierre sur ma route qui me faisait trébucher,
chaque obstacle me motivais à fouiller dans mes ressources et
développer ou acquérir de nouvelles compétences. Je m’étonnais
des forces mentales et physiques qui sommeillaient en moi depuis
tant d’années.

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