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Revue française des

sciences de l’information
et de la communication
12 | 2018 :
Enseignement(s) numérique(s) : entre utopie technologique, réalités
pédagogiques et enjeux communicationnels
Spicilège

L’image à l’épreuve de l’ironie


Les degrés d’énonciation et de réception du récit audiovisuel

LAURENT JULLIER

Résumés
Français English
Comment savoir qu’un cinéaste produit une image ironique, c’est-à-dire, selon la formule de
Sperber & Wilson, un acte de langage qui « attire davantage l’attention sur l’énoncé lui-même
que sur ce dont l’énoncé traite » ? C’est la question de l’énonciation au deuxième degré (et au-
delà du deuxième), que Roland Barthes proposait d’appeler « bathmologie ». Plusieurs défis
attendent le chercheur ici : le doute à propos de la sincérité de l’énonciateur ; la possibilité
offerte au public d’avoir à son tour une attitude ironique, que l’image le soit déjà ou non ;
enfin, des deux côtés de l’écran, toutes sortes de feintises qui permettent de grimper dans
l’échelle des degrés d’énonciation. L’article s’arrête au cinquième barreau de l’échelle, quand il
n’y a plus de communication puisqu’aucun lien particulier n’est plus à inférer entre le signe et
le sens.

How to decide when a filmmaker effectively diplays an ironic image, i.e, according to Sperber
& Wilson, an act of language which « attracts more attention on the utterance itself than on
what the utterance is about » ? This is the question of the second-degree of enunciation (and
beyond the second one), Roland Barthes suggested to call « bathmology ». Number of
challenges wait for scholars : doubts about the sincerity of the filmmaker ; the opportunity
spectators have to read ironically, in turn, any proposition, even a « first-degree » one ; finally,
on both sides of the screen, a number of trickeries allowing to climb up the stairs of the degrees
of enunciation. This essays stops at the fifth step, when communication disappears since no
more particular link has to be inferred anymore between sign and meaning.
Entrées d’index
Mots-clés : ironie, langage filmique, énonciation, réflexivité, méta-discours, théorie de la
pertinence, pragmatique, interprétation
Keywords : irony, film langage, enunciation, reflexivity, meta-discourse, relevance theory,
pragmatics, interpretation

Texte intégral
« It’s very meta. »1

1 Quand un orateur s’exprime sans vouloir être pris au pied de la lettre, on dit de lui
qu’il parle « au second degré ». Du moins lorsqu’on a saisi son intention… Parfois, il
s’adresse à des happy few dont on n’est pas ; d’autres fois c’est l’inverse, on détecte une
intention ironique là où pour sa part il avait mis toute sa sincérité et toute sa confiance
dans le pouvoir dénotatif des mots. Le présent article se propose d’aborder cette
question du degré d’énonciation, non dans le cas du langage verbal mais dans celui des
récits audiovisuels, un cas d’autant plus épineux que les images et les sons qui les
composent sont volontiers reçues « au premier degré » comme de fidèles empreintes
du monde que ces récits décrivent, même quand il s’agit de fictions. L’approche sera
forcément interdisciplinaire : la question des degrés croise par essence, en effet, la
philosophie du langage, la pragmatique, la sémiologie et les sciences de l’information-
communication, mais aussi – il suffit de se souvenir combien il est désagréable, en
société, de ne pas savoir comment prendre une assertion – la sociologie de la
distinction.
2 Partons d’un exemple simple :

— « Quelle foule ! », laissa tomber Marie une fois poussée la porte du café, et
Pierre eut un sourire.

3 Il y a bien des façons d’analyser cette phrase. S’intéresser à la grammaire, au style


ainsi qu’au sens des mots tel qu’un dictionnaire le répertorie, produira une analyse
d’obédience textualiste, qui autonomise le langage verbal. Mais on peut vouloir, a
contrario, remettre les mots dans le monde, et se pencher davantage sur Marie et sur
Pierre. Comment ces deux-là communiquent-ils ? Qu’est-ce qui se joue entre eux ? Pour
répondre, il manque le contexte. Il nous faudrait surtout savoir si le café est bel et bien
plein à craquer ou alors désespérément vide. Car la remarque de Marie s’applique
indifféremment à l’un et à l’autre cas. La grammaire n’y trouvera rien à redire (sa
phrase est correcte), mais la pragmatique, si, car l’information en dépend. Si le café
affiche effectivement complet, la remarque de Marie semble tautologique dans sa façon
de traduire une scène visuelle en deux mots ; seul le ton sur lequel elle la prononce
pourrait nous renseigner sur son sentiment à la vue de ce pic de fréquentation. Mais si
nulle âme qui vive, hors le barman, n’est venue ce soir, Marie passe de la tautologie à
l’ironie, « figure de rhétorique par laquelle on dit le contraire de ce qu’on veut faire
comprendre »2. La différence est de taille. C’est celle du degré d’énonciation. Marie
parle au premier ou au deuxième degré selon le nombre de clients effectivement
présents.
Maintenant, faisons de Marie une cinéaste, et transformons le langage verbal en
« langage »3 audiovisuel. Tout de suite, les choses se compliquent : c’est pourquoi la
question du degré d’énonciation, que Roland Barthes proposait d’appeler
bathmologie4, n’est pas un problème banal ni rebattu en Sciences de l’Image Animée5.
Comment un cinéaste s’y prendrait-il pour filmer le café au deuxième degré ? Encore la
description de la situation initiale manque-t-elle de précision. Le sourire de Pierre ne
dit pas s’il est sur la même longueur d’onde que Marie. Si le café regorge de clients, c’est
peut-être un sourire d’acquiescement chaleureux ; s’il n’y a pas un chat, c’est peut-être
un sourire de commisération, car Pierre n’a pas saisi l’ironie et met en doute la
compétence linguistique de son interlocutrice ou la bonne santé de ses nerfs optiques.
De surcroît, il n’y a guère de raisons de s’arrêter à deux degrés…
4 Cette complexité constitue peut-être l’un des facteurs d’explication de la domination,
sur le marché académique, des analyses de film textualistes, celles qu’il indiffère de de
savoir combien de clients le café accueille. Mais elle n’est pas si grande qu’elle
échapperait à toute tentative de compréhension. Il suffit d’avancer, même si l’agrément
de lecture du résultat s’en ressent, « crescendo », degré par degré, depuis l’absence
totale de hiatus entre les mots et les choses (premier degré) jusqu’à l’indépendance
complète, quand cesse toute communication digne de ce nom entre les parties en
présence (cinquième degré).

Premier degré
5 Le premier degré a son royaume composé du petit ensemble des sociétés humaines
qui ignorent la littératie6, pour la bonne raison que leurs langues ne sont pas écrites. La
parole y est indissociable de son contexte, et la question « que signifie ce mot ? » est
incompréhensible, faute de considérer ce mot comme une entité autonome alors qu’il
constitue en quelque sorte, aux yeux de celui qui l’utilise, le prolongement naturel et la
conséquence perceptible d’un élan intérieur, aussi évident qu’un soupir ou qu’un rire.
Pour trouver l’équivalent de cet éden de sincérité dans le monde des images, il faut
affronter le dragon habituel, l’intentio auctoris7. Comment puis-je acquérir la certitude
que les auteurs d’un film considèrent le cinéma sans distance, comme le prolongement
naturel de leur désir de s’exprimer ?
6 Une voie possible consiste à retourner au temps des pionniers et de l’« enfance de
l’art », quand on ne soupçonnait pas que le cinéma puisse avoir un « langage » à lui ni
même qu’un film puisse être signé par son auteur. Ou, sans aller aussi loin, retourner
au cinéma classique hollywoodien, souvent cité lui aussi comme une source de premier
degré, avec à l’appui les déclarations de ses scénaristes, dialoguistes et autres
réalisateurs acquis aux causes, chères à Stanley Cavell, du méliorisme ou du
perfectionnisme moral8. Ainsi Billy Wilder entendait-il fournir à son public une matière
à penser incompatible avec la métadiscursivité – ou, pour le dire plus précisément, avec
la « clause autorelativisante du discours »9 – inhérentes à l’ironie : « Même [mes] films
de guerre, disait-il, même Sunset Boulevard, sont des bancs d’essai, des préambules
aux grandes choses qui vont arriver dans nos vies ; ils sont destinés à être utilisés »10.
7 Bien entendu, les déclarations des cinéastes ne suffisent pas. Le manifeste du
Dogma11, par exemple, entendait promouvoir une simplicité digne du premier degré,
mais à regarder les films tournés sous son égide, à commencer par Dancer in the dark,
nombre de spectateurs se prennent volontiers à en douter12. Pour contourner l’intentio
auctoris, on se rabattra avec profit vers la validation intersubjective. Plus il y a de
spectateurs qui croient à la sincérité de l’auteur quant à son rapport au médium, plus
les chances existent d’avoir affaire à une énonciation dépourvue d’ironie. Et au cas où
cet auteur serait un petit malin satisfait d’avoir manigancé, en copiant ses collègues les
plus sincères, une œuvre sciemment destinée à provoquer l’inférence d’un premier
degré sans calcul, qu’est-ce que cela changerait, la manipulation se trouvant si bien
dissimulée que personne ne la détecterait, un peu comme dans l’expérience de la
Chambre chinoise de Searle13 ? On peut faire confiance à l’esprit humain, en la matière,
puisque notre intelligence, au cours des millénaires, a évolué en grande partie pour
nous aider à évaluer chez nos congénères la possibilité qu’ils mentent avec le dessein de
profiter de nous dans le cadre d’un échange inégalitaire14.
8 Soit, en guise de classique de l’Age d’or, Les Aventures de Robin des Bois (Michael
Curtiz & William Keighley, 1938), exemple-type du film conçu et reçu avec sincérité,
comme le montrent les dernières lignes de la critique parue à l’époque dans le New
York Times :

« Comme ils [les ennemis de Robin] sont entiers dans leur vilenie, et comme les
enfants, lors des matinées, vont les siffler ! Nous, nous ne pouvons pas. Nous
nous délectons bien trop de les voir »15.

9 Ce bonheur simple, sans arrière-pensée, se retrouve dans les critiques des


internautes postant leur avis depuis les quatre coins du monde sur l’IMDb, la plus
grosse base de données cinéma du web :

« Il y a un certain nombre de choses, dans la vie, qui vous réconfortent


immédiatement. Ça peut être un bon vieux pull, une tasse de soupe à la tomate
bien chaude quand il gèle dehors, ou encore le sourire de votre gamin. À toutes
ces choses, pour ma part, j’ajoute Les Aventures de Robin des Bois »16.

10 Sans oublier la mention du perfectionnisme moral mentionné plus haut :

« Le film donne aux spectateurs une vue pénétrante de ce qui différencie le bien
et le mal, le bon apparaissant sous les traits d’un hors-la-loi »17.

11 Cependant, si l’on revient à notre exemple de départ, ce n’est pas parce que Marie
parle « au premier degré » que Pierre va aller dans le même sens qu’elle. Si le café est
effectivement plein à craquer, Pierre va peut-être trouver sa remarque un peu niaise, ou
à tout le moins inutile. Une expression un temps à la mode au sein de la jeunesse
française convenait bien à cette situation, qui voyait l’interlocuteur à réagir une banalité
en laissant tomber sarcastiquement :

— « Merci, Captain Obvious ! ».

12 S’il ne connaît pas cette expression, Pierre pourrait aussi avoir recours au quoting
spirit, cet élément de la stratégie camp qui consiste à mettre les mots entre guillemets,
en appuyant leur prononciation d’une certaine façon ou en faisant un petit geste des
mains pour dessiner les guillemets dans l’air18 :

— « Oui, “quelle foule”… » (sous-entendu : ma pauvre Marie, si c’est tout ce que


tu trouves à dire…).

13 Cet écart existe aussi dans le cas des Aventures de Robin des Bois, dont la réception
« naïve » dépourvue d’arrière-pensées métadiscursives n’est pas majoritaire au sein des
user reviews de l’IMDb. Nombre de leurs messages connotent en effet un certain recul,
qu’il s’agisse de réinscrire le film dans l’histoire d’Hollywood ou de le voir comme un
instrument idéologique :

« La magie de l’escapism dans sa forme la plus pure »19.

14 Rappelons ce qu’est l’escapism, terme sans véritable équivalent en français : « forme


de divertissement qui permet aux gens d’oublier les problèmes de la vie réelle »20.
Notre internaute ne fait pas d’ironie, sans doute, mais il affiche tout de même une
attitude métadiscursive, le projet communicationnel du film étant détaché pour se voir
considéré seul. Cette façon de se dire « ah ! je vois ce que le film cherche à me faire ! »
est incompatible avec le premier degré, et l’on conviendra, dans le cadre de cet article,
d’y voir plutôt une réception au deuxième degré. Cette acception large de l’expression
« deuxième degré » n’inclut donc pas seulement l’ironie mais, comme il le sera
développé à la section suivante, la métadiscursivité en général. Après tout, « deuxième
degré » n’est pas un terme scientifique possédant une définition d’essence
institutionnellement stabilisée… La métadiscursivité naît en effet de situations où « le
langage est remis en question, [où il n’est] plus aussi transparent que nous l’imaginions
parfois. [Il trahit alors son] ambiguïté foncière : les mots, ces médiateurs par
excellence, nous font ressentir leur opacité, et nous révèlent qu’il n’y a pas une relation
immédiate entre eux et les choses »21 – la description concerne le langage verbal mais
la transposition aux images est aisée. Ainsi, entre l’expérience des exploits de Robin et
leur représentation à l’écran se glisse, pour l’internaute ci-dessus, le soupçon (vieux
d’un siècle22) de la manipulation des masses par les classes dirigeantes, appelé aussi
« hypothèse de la seringue hypodermique »23. Notre critique amateur peut très bien
apprécier le film, mais il se voit l’apprécier, parce qu’il ressent l’« opacité des images »
et qu’il a découvert sous elle un pouvoir opprimant. Autre exemple du même acabit :

— « Quand j’ai découvert que ce film avait reçu l’Oscar du Meilleur montage j’ai
éclaté de rire, tellement on y voit de fautes de continuité »24.

15 Cet internaute pose sur Les Aventures de Robin des Bois, qui date des années 1930,
un regard typique des internautes des années 2010 adeptes de la chasse aux erreurs de
continuité et autres bévues (goofs). Le progrès technique, à commencer par la
possibilité offerte de faire de l’image-par-image en regardant le film sur un ordinateur,
permet en effet de les détecter bien plus facilement qu’avant. En fait il n’y a pas de quoi
rire, car Les Aventures de Robin des Bois a été monté pour être vu dans des salles de
cinéma ; or le partage des rôles, chez le spectateur, entre vision fovéale et vision
périphérique n’est pas le même selon que le film passe sur un tout petit ou sur un très
grand écran. Pour détecter les fautes de continuité, il faut en général diriger son
attention (vision fovéale) sur les coins de l’image, ce qui d’une part est plus facile
devant un écran domestique, et d’autre part oblige à regarder d’abord l’image, comme
le fait notre internaute, comme une représentation déconnectée de l’histoire dont elle
participe à faire le récit. Son commentaire est teinté d’ironie ; or, soixante-quinze ans
plus tôt, le monteur a travaillé avec beaucoup de sérieux, sans se montrer le moins du
monde ironique envers les règles de montage en vigueur à son époque. Notre
internaute exemplifie donc « la possibilité́ d’être un ironiste malgré soi, lorsque les
propos sont interprétés comme ironiques par les destinataires. Ce schéma défectif qui
apparaît en raison d’une surinterprétation erronée doit pourtant contenir des indices
ironiques. Ainsi, sans s’en rendre compte, c’est-à-dire, sans intention ironique,
l’ironiste malgré soi [ici, donc, le monteur de Robin des Bois] sème des indices qui
dirigent le destinataire vers une interprétation ironique »25.
16 Si l’on passe maintenant outre, à la façon de Richard Rorty, tout recours à l’intentio
auctoris, il suffit de chercher sur le web les films dont les internautes se mettent
d’accord pour dire qu’ils sont consommables sans arrière-pensée ni mobilisation d’un
savoir cinéphile. Ce ne sont pas les listes qui manquent, en la matière, sur les sites de
prédilection de la « cinéphilie 2.0 »26 ; par exemple sur Vodkaster :

— « 100 % plaisir, sans prise de tête », liste de 100 films par <sevenart> ;

— « Des films simples et sympas, sans prise de tête, juste pour profiter de son
canapé dans un caleçon molletonné », liste de 137 films par <crapi29>27.

Ou sur SensCritique :

— « On passe un bon moment devant », liste de 84 films par <MelleCharlyne> ;

— « Ces films pour passer un bon moment », liste de 28 films par <nesquik>,
qui précise « On ne parle pas ici uniquement de chefs-d’œuvre, mais plutôt de
films qui répondent simplement à ce qu’on attend d’eux »28.

17 Plus encore que l’absence de « prise de tête », un bon indicateur d’inférences au


premier degré est la reconnaissance de la capacité du film à faire pleurer, sachant que
les larmes ne sont guère compatibles avec la distance réflexive, et encore moins avec
l’ironie :
— « 40 films qui nous font pleurer à tous les coups », liste du magazine
Glamour ;

— « Top 15 des films qui font pleurer (…), à redécouvrir au chaud sous la
couette », liste du magazine Elle ;

— « 10 films qui font pleurer les hommes », liste de GQ Magazine29.

18 Hors les larmes, il est également possible de reconduire cette démarche avec d’autres
genres cinématographiques dont la qualité passe par la propension à faire de l’effet en
matière émotionnelle, comme l’horreur, le film à suspense ou le film érotique – mais
plus difficilement avec le cinéma comique. Appelant parfois la moquerie et l’ironie, le
genre comique conduirait l’analyste à essayer de voir dans quelle mesure celles-ci
s’appliquent, chez le spectateur qu’il observe, aux personnages et aux situations
narratives (premier degré) et non au film lui-même (deuxième), tâche aussi délicate
que vaine.

Deuxième degré
19 Dans le champ des sciences humaines, le deuxième degré tel qu’on l’entend au sens
large vu plus haut suppose de considérer dans le langage, avant tout, les imperfections
de l’interprétant30 conventionnel qui relie les mots aux choses. Des outils conceptuels
comme la Chambre chinoise de Searle déjà mentionnée, ou encore la différance de
Derrida, dans cette logique, soulignent combien il est prudent de voir dans les mots une
représentation du monde en termes de vérité-croyance davantage qu’en termes de
vérité-correspondance, avec pour ancêtre en la matière le courant du nominalisme.
Cette prudence n’est pas réservée aux universitaires ; une remarque du quotidien
comme :

— « Dis-donc, c’que tu causes bien ! »

attire déjà, à elle seule, notre attention sur le fonctionnement du langage verbal, et
toutes les connotations qu’il charrie hors le but communicationnel que se fixent ses
usagers quand ils s’apprêtent à s’exprimer. X a voulu dire quelque chose à Y, mais
manque de chance, comme dans l’expression vue plus haut de « Captain Obvious », Y
ne s’est intéressé qu’à la forme et pas au fond : X « cause bien » ; maintenant il va peut-
être lui falloir reformuler son assertion, surtout s’il cherchait à produire un effet
performatif sur Y par le biais du contenu de son discours.
20 Catégorie reine du second degré, l’ironie verbale a fait l’objet d’un nombre colossal de
travaux31. L’une des stratégies des chercheurs, pour l’étudier, consiste à combiner
rhétorique et pragmatique : Catherine Kerbrat-Orecchioni considère ainsi l’ironie
comme une forme d’insincérité dans laquelle le locuteur « dit A, pense non-A et veut
faire entendre non-A »32. L’ironie est alors vue comme un trope33 qui « a quelque chose
de “retors” : il détourne du droit chemin l’énoncé qu’il investit, imposant à l’émetteur
comme au récepteur un surplus de travail cognitif »34. L’énonciation ironique
« présente [donc] la particularité de se disqualifier elle-même, de se subvertir dans le
mouvement même où elle se profère »35. L’autre stratégie bien connue sur le marché
des théories consiste à adjoindre, cette fois, les sciences cognitives à la pragmatique,
sachant que « l’ironie repose sur une opposition qui existe entre l’explicite et les
connaissances du contexte de communication »36 – ce contexte étant dans notre
exemple de départ le nombre de clients dans le café. Pour le dire avec les mots de la
Théorie de la pertinence de Sperber & Wilson, l’intention première de Marie, quand
l’absence de clients fait de son assertion une antiphrase, n’est pas de fournir à Pierre
une information à propos du contenu de la pensée que Pierre lui attribuera, mais de
« transmettre sa propre attitude face à cette pensée »37. Elle adopte une « attitude
dissociative » consistant en un « écho moqueur »38. L’étrangeté de sa remarque, le
renoncement apparent de Marie à toute vérité-correspondance, nous font comprendre
qu’elle veut « attirer l’attention sur l’énoncé lui-même et non sur ce dont l’énoncé
traite »39.
21 Au cinéma, l’ironie de l’auteur peut s’exercer sur différentes dimensions du récit. On
en choisira deux, pour ne pas être trop long : le style et les personnages. S’agissant du
style, d’abord, penchons-nous sur Une femme est une femme (1961), dans lequel Jean-
Luc Godard, dès l’ouverture, bouscule plusieurs conventions du récit
cinématographique classique relatives à la transparence. Il s’attaque notamment à la
correspondance entre son et image (les bruits apparaissent ou disparaissent sans souci
du moindre naturalisme en la matière) et à l’inviolabilité du quatrième mur (Anna
Karina nous fait un clin d’œil ostensible à peine le film commencé). Au travers de ces
procédures, quoiqu’on puisse discuter longtemps pour savoir s’il se moque du
« langage » classique, s’il se contente de critiquer sa conventionalité par trop arbitraire
ou s’il met simplement en place un style particulier sans le moindre égard pour ce qui
se pratique ailleurs ou s’est pratiqué jadis40, Godard, indéniablement, du moins aux
yeux d’un public habitué aux modes de représentation audiovisuels courants, « attire
davantage l’attention sur l’énoncé lui-même que sur ce dont l’énoncé traite », pour
reprendre les termes de Sperber & Wilson.
22 Nombre d’internautes se trouvent sur la même longueur d’onde que lui :

— « Malgré tant d’innovations dans le langage cinématographiques depuis


toutes ces années, le style de Godard a gardé une insurpassable vitalité dans sa
manière de considérer le film comme jeu »41.

— « Il joue avec les codes et les conventions, simplifiant l’intrigue et les


personnages à un point quasi ironique »42.

23 D’autres, bien entendu, ne suivent pas l’auteur sur ce terrain. « Dans le public de
l’ironie, en effet, il est possible d’observer un cas particulier de destinataire que nous
pouvons appeler l’anti-ironiste. Après avoir déchiffré le caractère ironique du message,
le destinataire peut choisir de refuser de se transformer en complice de l’ironie et de
suivre les exigences de la communication ironique »43. Il s’agit en général de
spectateurs qui, se trompant de paradigme cinéphile44, regardent ce film moderniste
comme un film narratif courant. Ils le trouvent alors « inhabitable » au sens où il leur
refuse l’empathie, qu’ils ont coutume de ressentir, avec l’héroïne principale :

— « J’ai vraiment eu du mal à me sentir concernée par la fille ou même à


comprendre ses choix »45 ;

ou simplement ennuyeux pour cause d’absence de l’habituel lien causal fort entre les
scènes :

— « Un pensum est un pensum »46 ;

ou encore « mal fait » parce que la contestation des normes est prise pour une
incapacité de parvenir à les respecter :

— « Quand je pense qu’il y a des critiques pour interpréter cet amateurisme de


réalisateur inexpérimenté comme une marque de génie… »47.

24 Mais il faut aussi compter avec les internautes qui ne voient pas le second degré, ou
qui l’écartent comme trait non pertinent, trouvant leur compte dans ce qui au départ ne
semblait pas adapté au genre de paradigme cinéphile qu’ils utilisent couramment :

— « Je recommande fortement ce film aux fans de bonnes comédies


romantiques »48.

25 La même chose peut être observée avec un film qui, cette fois, exerce son ironie sur
ses personnages, filmés par ailleurs dans un style reprenant nombre de conventions
classiques sans chercher à déconstruire la transparence du récit. Ce sera Fargo, des
frères Coen (1996), qui montre des malfrats idiots tuer par idiotie leur victime non
moins idiote. Les spectateurs complices en ironie apprécient :

— « Peu importe combien de temps on les voit à l’écran, les personnages sont
incroyablement tordants à regarder »49 ;

certains incluant dans la démarche de moquerie non seulement les personnages mais
l’entreprise même de les filmer :

— « Depuis la stupidité crasse, sinon l’ineptie complète, des personnages


jusqu’à la façon bizarre dont tout le monde s’exprime avec de drôles d’accents,
les Coen ne prennent jamais Fargo trop sérieusement »50 ;

26 Une fois de plus, tout le monde n’apprécie pas le second degré. Là encore
apparaissent des spectateurs attachés au premier degré, mécontents de ne pas
retrouver les préoccupations éthiques des récits classiques :

— « Les Coen se moquent bizarrement de la mort des personnages dont ils font
le portrait, et dissuadent leur public de prendre le film trop sérieusement,
préférant le mettre en état d’hypothermie grâce à leur dichotomie pour de
bon/pour de rire »51 ;

— « Depuis quand un kidnapping et un tas de morts sont-ils matière à


rire ? »52.

27 Enfin, on revoit ici aussi la figure de l’anti-ironiste, celui qui trouve tout de même son
plaisir en choisissant uniquement dans le film ce qui est le plus compatible avec une
énonciation non-réflexive. Certes, en l’occurrence, il se sent un peu seul, et son message
a bien dû faire rire les fans les plus radicalement « second degré » des Coen, qui vouent
un culte à des séries comme les Simpson ; mais il persiste et signe :

— « Personne ne semble voir que Fargo est avant tout une belle et très simple
histoire d’amour entre deux habitants ordinaires d’une petite ville
américaine »53.

28 C’est pour éviter ce genre d’écarts entre le degré d’énonciation et le degré de


réception qu’Alcanter de Brahm (1868-1942) avait proposé d’ajouter au point
d’exclamation et au point d’interrogation le point d’ironie (⸮), signe qu’il chargeait de
signaler au lecteur l’intention ironique de l’auteur. Il n’a guère eu de succès en la
matière, car son signe prive l’ironiste de la réaction inappropriée des béotiens qui,
n’ayant pas saisi l’astuce, s’indignent ou protestent, amusant d’autant plus
agréablement le petit malin responsable de la situation qu’ils le convainquent en
général de sa supériorité intellectuelle. Des émoticônes comme ;-) suscitent, de nos
jours, davantage d’engouement, car ils disent autant « je plaisante » que « je me
moque », évacuant ce que la seule ironie peut avoir de méchant ou de cynique.

Troisième degré
29 Au deuxième degré, l’énonciateur se montrait sincèrement critique ; pas question
pour lui de collaborer avec l’ennemi, celui qui confond la nature avec la culture, la
simplicité de la volonté avec la gratuité conventionnelle de la représentation par les
signes. Le prix à payer pour cette attention immodérée à la forme, c’était la difficulté de
faire passer un contenu dissociable d’elle – une morale, une leçon, un Grand Récit ou
même, plus modestement, une information sur une expérience vécue. C’est sans doute
pourquoi Hegel définissait l’esprit d’ironie comme « l’autodestruction du magnifique,
du grand et de l’excellent »54, lesquels s’accommodent magnifiquement du premier
degré. Le troisième degré, lui, n’entend au contraire détruire aucun de ses deux
prédécesseurs, même s’il les surplombe. La stratégie en vigueur à cette hauteur consiste
bien plutôt à subtiliser à l’ennemi ses meilleures armes. Le troisième degré unit en effet
le côté direct, franc du collier et universellement saisissable du premier degré à
l’absence de niaiserie et à la distance dessillée du deuxième.

— « Overcrowded », laissa placidement tomber Marie en découvrant le café


bondé.

30 Voilà une possibilité parmi d’autres de troisième degré. Marie retrouve le confort
chaleureux de la correspondance flagrante entre les mots et les choses, ou plutôt de la
correspondance « parfaite », les guillemets (dans un rôle comparable à celui qu’elles
tiennent, on l’a vu, dans l’esprit camp) faisant comprendre qu’elle n’est pas dupe de
l’évidence naturelle de cette équivalence, puisqu’elle parle en anglais pour insister sur
la culturalité de l’interprétant – sachant bien sûr qu’elle parle d’habitude français et
qu’overcrowded (« surpeuplé ») n’est pas un anglicisme décrivant un état des choses
que la langue française serait incapable d’exprimer sans recours à une périphrase. Le
terme anglais, ici, attire donc l’attention sur le langage lui-même, mais sans pousser
jusqu’au contrepied son écart avec le spectacle du monde.
31 Les Aventuriers de l’Arche perdue, un classique de la postmodernité signé Steven
Spielberg (1981), nous servira cette fois d’exemple. Ce film entend en effet retrouver
l’esprit de simplicité conquérante du serial des années 1930, avec ses héros sans peur et
sans reproches, tout en l’enrobant de l’excellence technique du blockbuster des années
1980 et d’un soupçon de distance ironique. Comme d’habitude, nombre d’internautes
de l’IMDb reçoivent ce message cinq sur cinq :

— « Spielberg disait qu’il voulait une série B comme celles qu’il voyait dans sa
jeunesse, mais son film surpasse n’importe quelle série B »55 ;

— « Le film déborde de cascades à couper le souffle, assorties de quelques


touches d’humour noir toujours bienvenues »56 ;

— Les Aventuriers de l’Arche perdue, c’est le successeur dieselpunk des 39


Marches, de Saboteur et de La Mort aux trousses »57.

32 Mais, même si elle caractérise de nombreux courriels, cette harmonieuse symétrie


n’est pas systématique. Quel que soit le degré d’énonciation, en effet, on trouve toujours
des lectures dissonantes. C’est le cas chez les internautes qui n’ont pas compris que le
troisième degré (au moins dans Les Aventuriers de l’Arche perdue) n’était pas la
répétition ni le double exact du premier, mais une copie contrefaite ou légèrement
exagérée – assez en tout cas pour laisser croire que l’énonciateur, s’il avait voulu, aurait
pu faire un film moderniste à la narration déconstruite au lieu de réutiliser les
conventions en place (il avait les compétences requises58, mais il a préféré s’amuser à
faire comme au temps du règne de la vérité-correspondance entre les mots et les
choses). Ainsi ce spectateur qui reproche plaisamment au scénariste, sur le mode
ironique tout de même, d’avoir tu une explication importante :

— « Bon, l’histoire n’est pas exempte de reproches. Redites-moi voir comment


le héros survit à sa petite ballade en sous-marin, déjà ? »59.

33 Le clin d’œil aux solutions de facilité employées par les scénaristes sous-payés des
anciens serials n’ayant pas été saisi, il n’est resté à notre internaute qu’un choix narratif
que les standards classiques obligent à considérer comme une bévue. Dans le même
ordre d’idées :

— « Le héros se tire des pires situations avec une incroyable aisance, la musique
ridicule n’étant qu’une autre façon d’applaudir à ses actions »60.
34 Ce spectateur mécontent trouve d’ailleurs le film « totalement prévisible et non-
intentionnellement comique » ; il n’a pas saisi l’intention distanciatrice… D’autres
internautes, enfin, comprennent bien le mécanisme du troisième degré, mais sa trop
grande proximité avec celui du deuxième leur fait préférer le premier :

— « Les séries B des années trente dont se réclame Spielberg n’avaient pas la
déplaisante ingénuité qu’on trouve ici. Elles étaient faites avec trois bouts de
ficelle et entendaient seulement divertir ; surtout, jamais elles n’attiraient
l’attention sur elles-mêmes »61.

35 On voit ici que le spectateur retrouve la formule de Sperber & Wilson à propos de
l’ironie qui « attire davantage l’attention sur l’énoncé lui-même que sur ce dont
l’énoncé traite ».
36 Cela dit, comme les deux premiers degrés, le troisième degré peut être plaqué sur des
films qui n’ont pas été conçus dans cet esprit. Ainsi les nanarophiles sélectionnent-ils
les objets de leur affection sur la double base de la maladresse technique du cinéaste
combinée à son désir sincère de bien faire par amour pour son art (comme on peut le
voir dans le film de Tim Burton Ed Wood, 1994). Les nanars, selon les spécialistes de
Nanarland, sont des « films particulièrement mauvais qu’on se pique de regarder ou
d’aller voir pour les railler et/ou en tirer au second degré un plaisir plus ou moins
coupable »62. Si l’on revisite cette définition avec la nomenclature proposée ici, railler le
film consiste effectivement à en faire une lecture au deuxième degré, mais en tirer un
plaisir plus ou moins coupable s’apparente plutôt au troisième degré. Une formule de
François Cau, l’une des têtes pensantes de Nanarland, va d’ailleurs dans ce sens ; à
propos de la projection triomphale, en septembre 2016 au Grand Rex de Paris, du
nanar espagnol de kung fu Karaté contre Mafia (1981), il déclare :

— « On n’a pas ri du film ; on a ri avec le film »63.

37 Rire du film aurait été une moquerie au second degré, tandis que rire avec lui
consiste à retrouver par-delà la nullité technique l’amour sincère du cinéma mis en
œuvre par ses concepteurs, donc accéder au troisième degré.

Quatrième degré
38 À cette hauteur on désire, comme au précédent, combiner les avantages des étages
inférieurs. À nouveau, on emprunte donc à l’ennemi ses meilleures armes. L’ironiste,
ici, n’est plus un militant radical de la déconstruction ; il a des accès de nostalgie du
premier degré, certes pas au point de le copier (ce serait du troisième degré), mais à
celui de laisser entendre que s’il avait voulu, pour reprendre les termes de la section
précédente, il aurait pu faire un film de type classique à la narration transparente au
lieu de bousculer plus ou moins ironiquement les conventions en place (il avait les
compétences requises, mais il a préféré critiquer la vérité-correspondance de l’image
animée).

— « J’adore les cafés déserts », lâcha Marie en poussant la porte du café bondé.

39 Il est difficile, ici, de savoir si Marie confie à Pierre son goût pour les cafés déserts, ou
si elle fait de l’ironie à propos du spectacle qu’ils ont tous deux sous les yeux. Elle a eu
beau suggérer son emploi du quoting spirit mentionné plus haut en insistant un peu
sur la prononciation de « j’adore » (éventuellement assortie d’un petit signe mimo-
gestuel), Pierre ne sait pas trop sur quel pied danser. Pas d’inquiétude : plus on grimpe
l’échelle des degrés, plus le risque est grand de ne pas se trouver sur la même longueur
d’onde que l’interlocuteur. Le simple fait que Marie laisse planer le doute sur l’objet de
sa remarque – ses goûts à elle ou le spectacle au présent ? – est une invitation à opter
pour le quatrième degré.
40 C’est ce qui fait la différence entre Une femme et une femme, dont nous avons déjà
parlé, et, par exemple, Hurlements en faveur de Sade, le film que Guy Debord réalisa
neuf ans plus tôt (1952). Le film de Debord, qui consiste uniquement en plans noirs et
en plans blancs assortis de voix off, marque un refus radical de collaborer avec
l’ennemi, ce cinéma « trop gras et trop bien nourri », comme dit Isidore Isou (dont on
entend la voix ici) dans son Traité de bave et d’éternité (1951). Il ressemble plutôt à un
essai, au sens où il ne raconte pas d’histoire ni ne représente visuellement de formes
reconnaissables :

— « Quelque part on n’est pas très loin d’un type qui ferait exprès de faire le
truc le plus insupportable possible pour montrer tous les défauts du cinéma »64.

41 Face à ce monument de contestation, nous devons affiner notre jugement à propos


d’Une femme est une femme. Le film de Godard, en effet, quoiqu’il critique lui aussi
vertement, notamment dans son ouverture on l’a dit, les conventions
cinématographiques du style transparent relatives à l’accord sons-images, raconte tout
de même une histoire de trio amoureux ouvertement placée sous le signe d’Ernst
Lubitsch (c’est le générique d’entrée qui le proclame). Il ne pousse pas la
déconstruction jusqu’au bout ; au contraire, il ménage même quelques moments
touchants en présentant les infortunes de son héroïne principale, assez touchants en
tout cas pour qu’un usager de l’IMDb, on s’en souvient, le considère au premier chef
comme « une bonne comédie romantique ». Pour être exact, il faudrait donc qualifier
Une femme est une femme d’œuvre au quatrième degré, puisque la déconstruction n’y
barre pas tout à fait le chemin à la lecture au premier degré, un peu comme l’ironie de
Marie ci-dessus offre tout de même la possibilité de se renseigner de manière indicielle
sur ses goûts en matières de sorties.

Cinquième degré
42 Passé le quatrième degré, a priori, on retombe forcément dans l’une des deux
configurations précédentes, soit le troisième degré (faire comme au premier en
montrant qu’on est tout de même en mesure de descendre au second), soit le quatrième
(faire comme au deuxième en montrant qu’on est tout de même en mesure de
descendre au premier). Mais le cinquième degré peut aussi signifier le dépassement de
cette problématique de l’ajustement des niveaux de réflexivité entre l’intentio auctoris
et les inférences produites à son sujet par l’interlocuteur. Ce dépassement peut être
involontaire, surtout quand la répétition d’un message s’en mêle au point de le vider de
sa substance. Par exemple, la critique au second degré fait mauvais ménage avec la
performativité sitôt qu’elle devient une routine : « l’ironie jubilatoire peut mener à
l’engagement, à la confrontation, au contact en somme. Mais qu’elle se répète sans
pouvoir changer les travers qu’elle ridiculise, et elle change de nature : entre le
moqueur et le monde elle dresse, blague après blague, une cloison de plus en plus
étanche »65 – le cinquième degré étant atteint quand cette cloison devient effectivement
étanche.
43 Le cinquième degré, toutefois, n’est pas forcément un état communicationnel atteint
de façon involontaire à force d’un excès de répétitions. Pour reprendre une dernière fois
l’exemple de départ, on arrive ici à un stade où Marie produit des signes comme pour
elle-même, offrant au mieux à Pierre l’occasion de les interpréter par le biais d’une libre
association, hors de toute forme d’inférences de traits pertinents quant à l’intention
communicante. Ils parlent, ils écoutent, mais ils ne se parlent ni ne s’écoutent vraiment.
Deviner ce que Marie « voulait dire » en s’exprimant tient de la roulette ou du lancer de
dés ; le savait-elle vraiment, d’ailleurs, ou, symétriquement, jouait-elle, elle aussi (avec
les mots) ?
44 On trouvera dans ce genre de messages autotéliques tout ce que l’on vient y chercher.
Résultat : comprendre ci ou comprendre ça, en rire ou en pleurer, bâiller ou s’emporter,
y voir de la propagande pour telle ou telle cause, une grosse farce ou une réflexion
métaphysique, une métaphore de ceci ou de cela, tout va, tout convient. Un bon
candidat cinématographique à l’exemplification de cette forme extrême de (non-
)communication sera Rubber (Quentin Dupieux, 2010), qui raconte une tranche de la
vie d’un pneu aux pouvoirs télékinésiques destructeurs. Le film n’en fait pas mystère,
puiqu’il s’ouvre sur la phrase suivante, lancée face caméra par un des personnages :

— « Le film que vous allez voir est un hommage au « sans raison » (no reason),
ce composant le plus puissant du style ».

45 À la suite de quoi ce personnage verse par terre le verre d’eau qu’il venait de se
servir… Lointain descendant du projet de « livre sur rien » de Gustave Flaubert et du
MacGuffin cher à Alfred Hitchcock66, ce no reason est en effet l’antithèse complète du
principe de lien de cause à effet entre les péripéties et les réactions des personnages,
principe qui est au cœur des récits audiovisuels les plus aimés de tous les temps, et
notamment ceux qui fonctionnent peu ou prou comme fables « faisant passer » un
« message »67. Toutes les réactions sont possibles devant un tel film, y compris –
quoiqu’elle demeure minoritaire sur l’IMDb – l’authentique réception « plate » au
cinquième degré :

— « Absolument rien, ici, n’a de sens, et rien n’a à être expliqué »68.

46 Bien entendu, nombre de spectateurs adeptes du premier degré sont déçus de ne pas
trouver dans le film un récit narratif tel que ceux dont ils ont l’habitude :

— « Ce n’est même pas stupide ou moche, c’est rien, je vous assure, R – I – E –


N. Et si c’était quelque chose, ce serait une perte de temps »69.

47 D’autres, coutumiers du second degré, tentent de renvoyer à l’énonciateur l’ironie


dont ils le pensent coupable :

— « 82 minutes de diarrhée artistique en mode “qu’est-ce que je suis malin,


hein ?”… Merci, merci infiniment, Quentin. Vous êtes un chou »70.

48 Le film a néanmoins son lot de fans, notamment ceux qui pensent que sa façon de
laisser absolument libre l’interprétation nous amène à réfléchir à la fois sur les récits
audiovisuels et sur la façon que nous avons de les investir. Ainsi ce spectateur,
responsable de la citation en exergue du présent article :

— « Un film totalement original, techniquement impressionnant et drôle.


Quantité de critiques se focalisent trop sur le fait que c’est un film sur un pneu
qui fait exploser des trucs à distance. C’est beaucoup plus que ça… C’est très
méta »71.

49 Cependant, si les dandys et les sémiologues professionnels s’en accommodent, peu de


spectateurs se sentent véritablement à l’aise avec l’exploration de la coupure entre les
signes et le sens, telle qu’elle est mise en scène par les productions suprêmement smart
(ou totalement ineptes, pour leurs contempteurs) du cinquième degré. Une patience ne
remplace pas un jeu de société ; c’est une autre forme de plaisir dans le jeu – un plaisir
solitaire. Un message autotélique, en effet, n’a besoin de personne d’autre que son
émetteur pour exister. Or la grande majorité des spectateurs d’images animées, à en
juger par les chiffres de fréquentation des salles et les audiences des séries télé,
préfèrent avoir en face quelqu’un avec qui jouer ; en l’occurrence un énonciateur qui
leur racontera une histoire au sens traditionnel du terme, assortie d’une dimension de
fable dont ils pourront faire usage dans la vraie vie, ne serait-ce que sous forme d’une
expérience de pensée. Avatar ou Intouchables, Game of Thrones ou Plus belle la vie, ne
sont pas du tout des expérimentations « méta », mais des récits informés par la
causalité, proposant des modèles et des anti-modèles de comportement. L’ironie n’y a
guère de place, en tout cas pas celle qui conduit l’énonciation, pour reprendre les
termes de Dominique Maingueneau cités plus haut, à « se disqualifier elle-même ».

Conclusion : gare au sémiocentrisme


50 L’échelle des degrés d’énonciation existe parce qu’il y a du jeu entre les signes et les
choses, les règles d’association entre les uns et les autres n’étant pas toujours très bien
défendues ni même très fixées par les usages et par les institutions. Le premier degré,
c’est un peu la négation de ce jeu : une forme si transparente qu’on a l’impression de
produire ou de recevoir du contenu pur, des icônes au sens peircien. Le deuxième
degré, à l’inverse, met tant les signes en valeur qu’on en oublie ce à quoi ils réfèrent. Le
troisième, lui, voudrait mettre cartes sur table, sans mentir autant que le premier sur
l’emploi des conventions ni faire mordre au langage sa propre queue comme le
deuxième. Le quatrième rêve à ne pas sacrifier comme le deuxième la possibilité d’agir
sur le monde en se servant des signes. Quant au cinquième, tout en haut de l’échelle,
c’est la suspension de la communication, du moins celle que permettaient jusqu’ici des
systèmes de signes reposant sur des conventions collectives.
51 Au cinéphile ou au sériephile qui se lancerait dans une application de cette échelle à
l’analyse d’un film ou à celle d’une série télévisée, on recommandera simplement, à la
lumière de ce qui précède, de ne pas oublier deux choses :

La détermination d’un degré est affaire d’interprétation, donc de construction.


On ne « trouve » pas qu’un récit est au premier ou au x-ième degré, on le décide
sur la base d’indices que l’on conçoit comme tels72.
Par conséquent, l’opération la plus intéressante dans le cadre des Sciences de
l’Image Animée, si tant est que le programme de Christian Metz « comprendre
comment le film est compris »73 tient toujours le haut du pavé, est probablement
la comparaison d’écarts interprétatifs.

52 Attention aussi, au passage, à ce que l’on pourrait appeler, sur le modèle de


l’ethnocentrisme, le sémiocentrisme. Il est très amusant, flatteur ou gratifiant, c’est
selon, de dévaler en tous sens l’échelle des degrés en se sentant l’âme rortyenne, certain
de savoir qu’on ne produit jamais rien de vrai sur ni avec les signes dont se composent
les langages de toutes sortes mais simplement « des descriptions plus ou moins
utiles »74. Cependant, il ne faudrait pas perdre de vue que, sur Terre, de nombreuses
communautés ne valident pas ce rapport éminemment cool aux systèmes de
représentation et de communication ; elles considèrent même qu’un signe peut
constituer une offense ou un blasphème, le validant ainsi comme vérité-
correspondance à l’objet qu’il entend représenter75. On se dit vite, alors, en essayant de
se départir de toute « illusion scolastique »76, que ce qui compte, lorsque Pierre et
Marie entrent dans le café, c’est moins le nombre de clients ou le style de la phrase
prononcée par Marie ; ce qui compte vraiment au quotidien, dans la perspective du
vivre ensemble, c’est que Pierre et Marie conçoivent tous deux leur échange au même
degré – peu importe lequel.

Notes
1 Courriel d’usager du site IMDb à propos du film Rubber, 16-07-2011 ; URL :
http://www.imdb.com/title/tt1612774/reviews/.
2 Article « Ironie » du TLF. URL : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe?
p=combi.htm;java=no;.
3 Pour une explication de la présence des guillemets ici, voir dans cette même revue : L. Jullier,
« Le cinéma comme forme de communication floue », Revue Française des Sciences de
l'Information et de la Communication n° 9, septembre 2016. URL :
https://rfsic.revues.org/2208#ftn12.
4 « Tout discours est pris dans le jeu des degrés. On peut appeler ce jeu : bathmologie. (…) Une
science nouvelle : celle des échelonnements de langage », Roland Barthes par Roland Barthes,
Paris, Ed. du Seuil, 1975, p. 68.
5 Proposition de traduction française de « Moving Image Studies », préférable au pesant et
contestable « Etudes cinématographiques et audiovisuelles » (le cinéma fait partie de
l’audiovisuel).
6 « Au plan individuel, le concept de littératie réfère à l’état des individus qui ont assimilé
l’écrit dans leurs structures cognitives au point qu’il infiltre leurs processus de pensée et de
communication et que l’ayant ainsi assimilé, ils ne puissent plus se définir sans lui » : Régine
Pierre, « Entre alphabétisation et littératie : les enjeux didactiques », Revue française de
linguistique appliquée, vol. 8, n° 1, 2003. URL: https://www.cairn.info/revue-francaise-de-
linguistique-appliquee-2003-1-page-121.htm.
7 Pour se faire une idée de la taille du dragon en question, voir le dialogue entre Umberto Eco
et Richard Rorty dans leur livre commun : Interprétation et surinterprétation, Paris, P.U.F.,
2002. Pour des précisions sur la position d’Eco, voir ses Limites de l’interprétation, Paris,
Grasset & Fasquelle, 1992 ; et sur celle de Rorty, Objectivisme, relativisme et vérité (1991),
trad. fr., Paris, PUF, 1994. Pour une position conciliante, voir Antoine Compagnon, Le Démon
de la théorie. Littérature et sens commun, Paris, Ed. du Seuil, 1998. Encore ces trois auteurs
s’opposent-ils au déconstructionnisme, dont la prise en compte compliquerait encore
davantage les choses.
8 Voir par exemple Stanley Cavell, Philosophie des salles obscures. Lettres pédagogiques sur
un registre de la vie morale (2004), trad. fr., Paris, Flammarion, 2011.
9 Frédéric Cossutta, Le Scepticisme, Paris, PUF, 1994, p. 104.
10 Cameron Crowe, Conversations with Billy Wilder, Londres, Faber & Faber, 1999, p. 275.
11 Publié en 1995. URL : http://www.dogme95.dk/the-vow-of-chastity/.
12 Voir par exemple (le titre est parlant) : Claire Chatelet, « Dogme 95 : un mouvement
ambigu, entre idéalisme et pragmatisme, ironie et sérieux, engagement et opportunisme »,
1895 n° 48, 2006. URL : http://1895.revues.org/341; DOI : 10.4000/1895.341
13 Dans cette expérience de pensée, le protagoniste suit des règles d’énonciation, faisant croire
à son interlocuteur qu’ils possèdent tous deux un code linguistique en commun ; mais en fait il
ne comprend pas le « fond » du discours qu’il produit. En guise d’introduction, voir l’article
Wikipédia. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_chinoise.
14 « Chez de nombreuses espèces il y a une "course à l'armement" qui fait augmenter à la fois
la capacité à tromper et la capacité à détecter la tromperie. D'où sans doute l'extraordinaire
complexité du cerveau humain » : Randolph M. Nesse & Alan T. Lloyd, « The Evolution of
Psychodynamic Mechanisms », in J. Barkow, L. Cosmides & J. Tooby (dir.), The Adapted
Mind, Oxford U. Press, 1992, p. 606.
15 Frank S. Nugent, « Movie Review: The Adventures Of Robin Hood », New York Times du
13-05-1938. URL :
http://www.nytimes.com/movie/reviewres=EE05E7DF173FB72CA0494CC5B67994886896.
16 <Marcus Eden-Ellis> (Grande-Bretagne), 03-02-2005. URL:
http://www.imdb.com/title/tt0029843/reviews?ref_=tt_urv.
17 <Ryan Brown> (USA), 30-03-2009. URL : voir note 16.
18 « L’attitude camp suppose de tout voir entre guillemets. Ce n’est pas une lampe mais une
“lampe” ; pas une femme mais une “femme” » : Susan Sontag, « Notes on "Camp" », The
Partisan Review, automne 1964, p. 515- 530. URL:
http://faculty.georgetown.edu/irvinem/theory/Sontag-NotesOnCamp-1964.html.
19 <Igenlode Wordsmith> (Grande-Bretagne), 08-05-2004. URL : voir note 16.
20 Définition du Merriam-Webster. URL: https://www.merriam-
webster.com/dictionary/escapism.
21 Antoine Cucioli, « La Communication verbale, l'aventure humaine » (1967), cité par Anne
Trévise, « Métalexique, métadiscours et interactions métalinguistiques », Linx, vol. 36 n° 1,
1997, p 45-46. URL : http://www.persee.fr/docAsPDF/linx_0246-
8743_1997_num_36_1_1452.pdf.
22 Armand Mattelart & Erik Neveu, Introduction aux Cultural Studies, Paris, La Découverte,
2003, p. 17-18.
23 Victoria D. Alexander, Sociology of the Arts. Exploring Fine & Popular Forms, Malden,
Blackwell Publishing, 2003, p. 51.
24 < Allegra Sloman> (Vancouver, Canada), 01-08-2009. URL : voir note 16.
25 Dagmar Pichová, La Communication ironique dans "Le Roman comique" de Scarron, thèse
de litt. comparée, U. de Paris-Val-de-Marne, 2006, p. 25.URL : http://doxa.u-
pec.fr/theses/th0245475.pdf.
26 Voir description de cette pratique culturelle dans Laurent Jullier & Jean-Marc Leveratto,
Cinéphiles et cinéphilies. Une histoire de la qualité cinématographique, Paris, Armand Colin,
2010.
27 URL : http://www.vodkaster.com/listes-de-films/100-plaisir-sans-prise-de-tete/1233447;
http://www.vodkaster.com/listes-de-films/pour-se-detendre/1299131.
28 https://www.senscritique.com/liste/On_passe_un_bon_moment_devant/62679 ;
https://www.senscritique.com/liste/Ces_films_pour_passer_un_bon_moment/819236.
29 URL: http://www.glamourparis.com/video/cinema/playlist/40-films-qui-nous-font-
pleurer-a-tous-les-coups/1009#avant-toi-de-thea-sharrock;
http://www.elle.fr/Loisirs/Cinema/Dossiers/Notre-top-15-des-films-qui-font-pleurer;
http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/cinema/articles/les-films-qui-nous-ont-fait-
pleurer/49851.
30 Au sens de Peirce. Voir par exemple, pour des précisions : David Savan, « La Séméiotique
de Charles S. Peirce », Langages vol. 14, n° 58, 1980, p. 9-23. URL :
http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1980_num_14_58_1844.
31 Pour un résumé des différentes approches disciplinaires de l’ironie, voir Elena Siminiciuc
« Echo, paradoxe, feintise : les traits définitoires de l’ironie », intervention au 33e Colloque
d’Albi « Langage et signification », 2012. URL:
https://www.academia.edu/6304602/Echo_paradoxe_feintise_les_traits_définitoires_de_lironie.
32 Catherine Kerbrat-Orecchioni, La Connotation, Lyon, PUL, 1977, p. 134.
33 « Un trope se caractérise par la substitution, dans une séquence signifiante quelconque,
d'un sens dérivé au sens littéral : sous la pression de certains facteurs co(n)textuels, un
contenu secondaire se trouve promu au statut de sens véritablement dénoté, cependant que le
sens littéral se trouve corrélativement dégradé en contenu connoté » : Catherine Kerbrat-
Orecchioni, « Rhétorique et pragmatique : les figures revisitées », Langue française n° 101,
1994 : « Les figures de rhétorique et leur actualité en linguistique », p. 57. URL:
http://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1994_num_101_1_5843.
34 Ibid., p. 64.
35 Dominique Maingueneau, « De la subversion à l'ironie, Polyphonie et ironie », Analyser les
textes de communication, Paris, Armand Colin, 1998, p. 152
36 Alain Berrendonner, Éléments de pragmatique linguistique, Paris, Minuit, 1981, cité par
Dagmar Pichová, op. cit., p. 23.
37 Deirdre Wilson & Dan Sperber, Meaning and Relevance, Cambridge, Cambridge U. Press,
2012, p. 134. URL: http://www.dan.sperber.fr/wp-
content/uploads/WilsonSperber_ExplainingIrony.pdf.
38 Deirdre Wilson & Dan Sperber, « Relevance Theory », in Horn, L.R. & Ward, G. (dir..) The
Handbook of Pragmatics, Oxford, Blackwell, 2004, p. 607-632. URL:
https://www.dan.sperber.fr/?p=93.
39 Deirdre Wilson & Dan Sperber, « Les ironies comme mentions », Poétique n° 36, 1978,
p. 403.
40 Ce dernier cas le ferait retomber dans le premier degré.
41 <kambiz kaheh>, 19-10-2004. URL: http://www.imdb.com/title/tt0055572/reviews?
start=30.
42 <Graham Greene> (Grande-Bretagne), 16-04-2008. URL : voir note 41.
43 Dagmar Pichová, op. cit., p. 26.
44 Façon, partagée au sein d’une communauté cinéphile, de concevoir les attentes et les
habitudes de lecture lorsqu’on s’asseoit devant un film ; voir détails dans Laurent Jullier,
Qu’est-ce qu’un bon film ?, 2e éd. revue, Paris, La Dispute, 2012.
45 < Michael_Elliott> (Louisville, Kentucky), 10-08-2008. URL : voir note 41.
46 L’original est plus subtil : « Une bore est une bore », bore signifiant « chose ennuyeuse ».
<Neal> (New York, USA), 04-05-2000. URL: voir note 41.
47 <WShakespeare> (Vallejo, Californie), 20-05-2015. URL: voir note 41.
48 <rcraig62@comcast.net> (Brick, New Jersey), 15-08-2004. URL : voir note 41.
49 <Cpartak> (USA), 05-04-2005. URL: http://www.imdb.com/title/tt0116282/reviews?
ref_=tt_urv.
50 <moviesleuth2>, 26-04-2009. URL: voir note 49.
51 < jrfranklin01> (Palm Beach, Floride), 22-08-2004. URL : voir note 49.
52 < CineCritic2517> (Pays-Bas), 22-10-2006. URL : voir note 49.
53 < billpoet> (USA), 14-08-2005. URL : voir note 49.
54 G. W. F. Hegel, Esthétique Tome I, Paris, LGF « Le Livre de poche », 2001, p. 206.
55 <Aaron1375>, 19-04-2001. URL: http://www.imdb.com/title/tt0082971/reviews?start=0.
56 <Dalbert Pringle> (Nouvelle-Zélande), 30-10-2016. URL : voir note 55.
57 <jzappa> (Cincinnati, Ohio), 28-10-2011. URL : voir note 55. Référence à trois films
d’Alfred Hitchcock, et jeu de mots avec « steampunk », courant de fictions postmoderne de
mélange entre machines du XIXe siècle et sociétés futuristes.
58 Ce qui est encore plus flagrant dans le cas de George Lucas (producteur exécutif de ce film),
dont la carrière a commencé par des courts-métrages modernistes, que dans celui de son
compère Steven Spielberg. Voir Laurent Jullier, Star Wars, anatomie d’une saga, 3e éd., Paris,
Armand Colin, 2015.
59 <belzebuebchen> (Berlin), 06-12-2004. URL : voir note 55. À la poursuite des nazis,
Indiana Jones arrive assez tôt pour monter sur le sous-marin qui enlève Marion et transporte
l’Arche, mais pas pour monter à bord avant le départ. Il demeure cependant agrippé à la
tourelle, position dans laquelle on le retrouve une fois le trajet accompli vers l’île secrète.
60 <grybop> (Grèce), 24-10-2008. URL : voir note 55.
61 <s_daad> (Grande-Bretagne), 25-10-2010. URL : voir note 55.
62 Glossaire du site Nanarland. URL: http://www.nanarland.com/glossaire-lettre-N.html.
63 Table ronde « Cinéphilies/sériephilies : un sport de combat ? », Maison de la Recherche de
la Sorbonne Nouvelle, Paris, 09-06-2017.
64 <Moizi>, 18-10-2014. URL :
https://www.senscritique.com/film/Hurlements_en_faveur_de_Sade/critique/40105576. En
réalité, ce film ne déconstruit pas totalement le langage classique, puisqu’il comprend un
enregistrement « fidèle », au vu des moyens de l’époque, de la voix de Guy Debord et du ton si
particulier qu’il employait pour parler off.
65 Alice Béja & Ève Charrin, « Ironie partout, critique nulle part », Esprit n° 394, mai 2013,
p. 14-16. URL : http://www.cairn.info/revue-esprit-2013-5-page-14.htm.
66 Flaubert, lettre à Louise Colet, 16/1/1852 ; le nom “MacGuffin” (traduisible par “machin-
chose”) vient d'une histoire drôle que le scénariste Angus McPhail a racontée à Alfred
Hitchcock ; celui-ci l'a emprunté pour désigner un prétexte scénaristique à faire avancer
l'intrigue, ne possédant aucune valeur par lui-même (voir exemples sur TVTrope, URL :
http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/MacGuffin).
67 Voir Edward Branigan, Narrative Comprehension and Film, Londres & New York,
Routledge, 1992. Les guillemets parce que bien sûr le message est co-construit par le public, et
parce que la plupart du temps il clarifie une opinion déjà ancrée : voir à ce sujet Noël Carroll, A
Philosophy of Mass Art, Oxford, Clarendon Press, 1998.
68 <white_fire4> (Canada), 20-03-2011. URL:
http://www.imdb.com/title/tt1612774/reviews/.
69 <allenelswick1979> (USA), 16-03-2011. URL : voir note 68.
70 <Aeryk Pierson> (USA), 14-06-2011. URL : voir note 68.
71 <SomethingPart2> (USA), 16-07-2011. URL : voir note 68.
72 Sur cette opération, voir François Rastier, Sémantique interprétative 3e éd., Paris, PUF,
2009.
73 Christian Metz, Langage et cinéma, Paris, Albatros, 1977 [1971], p. 56.
74 Richard Rorty, Objectivisme, relativisme et vérité (1991), trad. fr. Paris, PUF, 1994, p. 94.
75 Voir à ce propos : Dominique Chateau, Après Charlie : Le Déni de la représentation,
Lormont, Le Bord de l’eau, 2016. URL: http://www.editionsbdl.com/fr/books/aprs-charlie-le-
dni-de-la-reprsentation/559/.
76 « S’il y a une chose que nos philosophes, “modernes” ou “post-modernes“, ont en commun,
par-delà les conflits qui les opposent, c’est cet excès de confiance dans les pouvoirs du
discours. Illusion typique de lector, qui peut tenir le commentaire académique pour un acte
politique ou la critique des textes pour un fait de résistance, et vivre les révolutions dans
l’ordre des mots comme des révolutions radicales dans l’ordre des choses » : Pierre Bourdieu,
Méditations pascaliennes, Paris, Le Seuil, 1997, p. 10.

Pour citer cet article


Référence électronique
Laurent Jullier, « L’image à l’épreuve de l’ironie », Revue française des sciences de
l’information et de la communication [En ligne], 12 | 2018, mis en ligne le 01 janvier 2017,
consulté le 05 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/rfsic/3404 ; DOI :
10.4000/rfsic.3404

Auteur
Laurent Jullier
Laurent Jullier est professeur d’études cinématographiques à l’IECA (Institut Européen de
Cinéma et d’Audiovisuel) de l’Université de Lorraine, directeur de recherches à l’IRCAV
(Institut de Recherches sur le Cinéma et l’Audiovisuel) de la Sorbonne Nouvelle, et membre
d’ARTHEMIS (Advanced Research Team on the History and Epistemology of Film and Moving
Image Study, Concordia University, Montréal). Site personnel : www.ljullier.net. Articles en
ligne : URL : https://univ-lorraine.academia.edu/laurentjullier/ARTICLES-EN-FRANCAIS

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Le cinéma comme forme de communication floue [Texte intégral]
Paru dans Revue française des sciences de l’information et de la communication, 9 | 2016

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