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1 Davis
2 Davis
3 Campain p. 143
4 Campain p. 142
Dans une société d'individus, chacun doit être un individu, ce qui se traduit généralement par être
différent des autres. Ceci semble ultimement ne pouvoir se faire qu'en cherchant son "vrai moi" à
l'intérieur de soi, et ceci doit être de l'ordre des "émotions" puisque la raison, elle, est impersonnelle.
L'imagination sert un effort de construction de la société comme nouvelle communauté. Déjà, l'État
était une communauté (ré)imaginée et imposée. Nouvelle société et imagination qui laissent libres
certains champs quotidiens de socialisation.
La recherche de l'insaisissable individualité elle ne laisse que peu de place pour autre chose.
Individualité qui serait niée à celui de la classe très défavorisée globale, au profit de l'individualité
liquide de celui qui est dans la société individualisée liquide.
L'individualité qui est mise de l'avant est celle des individus gagnants dans la société de consommation.
Société où les objets à vieillissement rapide sont instantanément définis comme ayant un caractère
unique / distinctif, ceci crée des excédants, les objets d'hier, des déchets et des concurrents
malheureusement éliminés.
Bauman fait une assez longue description sur l'ambivalence de la question de l'individualité. du côté
individuel: désir, liberté, d'affirmation de soi, d'émancipation, de différence inatteignables. Du côté
collectif: affirmation du groupe, sécurité, appartenance, qui avalent (absorbent) tout.
La "classe très défavorisée globale" [est] "... la lie, les déchets et les rejets du libre-échange global et du
progrès social qui sédimente à un bout (le nôtre) du spectre les joies de richesses inouïes, tout en
déchargeant une pauvreté et une humiliation innommables à l'autre ...". [Elle est] "... la lie de la
solution saturée [qu'est la] "société individualisée" [et le] cataclysme qui provoque la sédimentation,
c'est le précepte d'individualisation ...] "La recherche de l'insaisissable individualité ne laisse que peu
de place pour autre chose" De nouveaux signes permettent continuellement de croire que nous y
sommes arrivés, mais ils invalident instantanément les signes qui en promettaient autant un mois ou un
jour avant. Suivre cette norme générale est désormais censé satisfaire les demandes d'individualité. Le
conformisme est ainsi devenu le meilleur ami de l'individualité.
L'individualité est un privilège et sépare les consommateurs "émancipés" qui recomposent leur identité
à partir des "éditions limitées" et des derniers modèles, et et la messe anonyme de ceux qui restent
coincés dans leur identité dépourvue de choix. et "on se demande à quel point l'interdiction
d'individualité faite à de nombreux individus constitue la condition sine qua non de l'individualité ce
quelques-uns ..."
"L'identité pour l'identité, voilà qui semble un peu louche". Bauman, passant par le monde de
l'éducation dans lequel les profs valorisent sans doute l'éducation pour elle-même alors que pour la
plupart des étudiants, elle est une route vers l'emploi. Ils font leur vie, mais pas dans les conditions de
leur choix.
Les classes savantes, noyau d'élite extraterritoriale globale émergente, sont occupées à composer,
L'idée d'identité est déchirée par la contradiction entre distinction et similitude. L'identité devient un
danger pour l'individualité et pour la collectivité même si l'un et l'autre se servent d'elle comme arme
d'affirmation de soi.
Les ordres établis autrefois par la logique du progrès sont aujourd'hui érodés et les nouveaux sont trop
éphémères pour avoir une forme reconnaissable et qui peut être adoptée. L'identité est donc devenue
quelque chose que l'on s'attribue tout seul.
Il n'y a plus d'énonciateur collectif crédible pour offrir une permanence, une fin, un ordre face au chaos.
On accepte donc des offres "d'autorités alternatives tentantes", de célébrités éphémères, de poteaux
indicateurs mobiles.
Les identités sont apparemment fixées parce que elles sont nommées, connues.
N'ayant pas de modèle propre, la culture "hybride" ne peut se constituer qu'en se distinguant des
"autres". Elle cherche son identité dans la liberté vis-à-vis d'identités attribuées et inertes dont les
mouvements et les choix sont "liés-à-un-lieu". Orphelins d'héritage et sans abri, coincé dans son
présent, sans signification durable pour fonder le futur, c'est donc une bataille au quotidien pour "se
débarrasser de, ruiner, oublier".
La crise d'Homo Eligens se décrit comme ceci: des identités parfaitement viables sont démantelées ou
abandonnées, des biens et des partenaires capables mis sur la touche au lieu d'être récompensés pour la
simple raison que le moi doit prouver au marché "qu'il est capable de changer".
Homo Eligens et bourse de marchandises se soutiennent l'un l'autre. Le marché "subirait un coup
mortel" si cette course des individus s'arrêtait et que la fin de leur labeur était atteignable.
Liberté et sécurité convergent dans le discours actuel sur l'identité, or un équilibre satisfaisant de celles-
En l'absence de sécurité on perd confiance et sans confiance, la liberté ne peut guère être exercée.
Les uns entendent par identité un passeport pout l'aventure, les autres pensent en termes de défense
contre les aventuriers.
Déchargé de plusieurs de ses responsabilités et de ses moyens, l'état ne peut plus tout promettre. Moins
de promesse, c'est cependant aussi moins de besoin de dévouement patriotique. À l'ère des petites
Les plus désespérés parmi les assiégés n'ont plus que l'argument ultime: le sacrifice de leur propre vie
dans un témoignage déformé d'une mort digne qui serait la dernière possibilité d'obtenir la dignité
qu'on leur a déjà niée dans la vie. Ce sont des pâtes à modeler où on recrute les terroristes. Des versions
mutantes des martyrs qui n'étaient auparavant cependant pas prêts à faire souffrir les autres.
Martyrs et héros battent en retraite. La consommation procure un bonheur sans besoin d'héroïsme ou de
martyr dont le mélange actuel leur devient incompréhensible, irrationnel, scandaleux et répugnant. Pour
décrire la société de consommation, il faut plutôt deux catégories relativement nouvelles: victimes et
célébrités.
Victime souffre d'autre chose que d'un châtiment bien tempéré pour une inconduite. Si cela se produit,
c'est qu'il y a un coupable. Cela évite de poser d'autres questions et peut permettre des compensations.
La modernité avait tenté d'enterrer la vendetta mais elle revient sous forme de compensation monétaire,
s'arrêtant juste avant l'effusion de sang, dans l'époque moderne liquide.
Une célébrité est une personne qui est reconnue comme étant une personne connue (trad JC) Les actes
eux-mêmes qui sont la raison initiale de cette reconnaissance ne sont donc plus importants, comme
c'était le cas pour les héros et les martyrs.
Autour de ces célébrités se créent des communautés qui ne nécessitent aucun engagement durable.
L'assemblée peut être dissoute à tout moment. Chacun peut donc conserver un sentiment satisfaisant
d'individualité.
Les créateurs de culture et les gestionnaires visent le même but: inciter les humains à se comporter
Dans un tel cadre, il n'y a guère de limitation aux "besoins" ou à la culture comme expérimentation. Les
deux sont plutôt arrachés à l'auto-équilibrage et aux facteurs de continuité.
Les nouveaux acteurs culturels veulent que la conduite ne soit ni apprivoisée ni régulière, ni attachée à
la routine. Les humains ont maintenant été recyclés en consommateurs avant tout.
Les créations culturels ont maintenant besoin des gestionnaires sous peine de périr dans leur tour
d'ivoire.
Bauman enchaîne en disant "ce qui est tout-à-fait original, en revanche ..." ce sont les critères utilisés
par les gestionnaires pour évaluer etc. "leurs pupilles": des critères de marché de consommation, un
marché qui veut de la circulation rapide et un circuit court entre l'usage et le déchet. Ceci s'oppose à "la
nature de la création culturelle." Les théoriciens et les critiques n'ont pas établi de corrélation entre les
vertus d'une création et son statut de célébrité. Il y aurait plutôt corrélation entre le statut de célébrité et
le pouvoir de la marque, du logo, qui l'arrache à l'obscurité. Ils n'ajoutent aucune valeur, ils sont la
valeur (marchande). Les marques les plus puissantes pourraient bien être des événements qui
s'accordent avec l'envergure restreinte de la mémoire publique ainsi qu'avec un impact maximal et une
obsolescence immédiate.
Bauman donne à ce moment des exemples d'art qui mélangent avant et arrière, intérieur et extérieur,
création et destruction etc. Ce sont des exemples d'art figuratif, représentatifs du monde moderne
liquide.
Beaucoup de chose sont instables, y compris l'estime de soi et l'assurance que celle-ci donne. En
remplacement des grandes espérances et des beaux rêves, le progrès invoque maintenant de mauvais
rêves où les gens sont laissés pour compte.
Nous essayons donc de minimiser les risques. Le surplus de peur s'exprime maintenant dans des cibles
de remplacement, des précautions raffinées comme vis-à-vis la cigarette ou le soleil. La peur peut-être
transformée en profit commercial. La sécurité individuelle devient une cible et un atout pour le marché
et le politique. L'ordre public est de plus en plus réduit à la sécurité personnelle.
Dans le monde rural, pour lequel une étude en Ontario est citée, les gains de productivité auraient dû
enrichir aussi bien producteurs locaux que leurs institutions. Il n'en a rien été. Les bénéfices de ces
gains se sont accumulés ailleurs et les échanges entre égaux ont cédé la place à "une économie rurale
planifiée et contrôlée."
Bauman cite un autre exemple, en Namibie cette fois-ci, qui illustre que le dépeuplement rural est de
beaucoup plus important que ce que peut supporter le développement de l'économie urbaine, laquelle
semble indiquer que "un nombre colossal d'individus ne perçoivent en fait aucun revenu."
"... les profits supplémentaires promis par l'essor de productivité agricole ne sont pas plus restés dans
les zones rurales qu'ils n'ont atteint les villes." "Les villes sont devenues des camps de réfugiés pour les
expulsés de la vie rurale." (Jeremy Seabrook cité p. 96)
À ce régime, nos villes passent du statut d'abri contre les dangers à celui de source de danger.
"L'architecture de la peur et de l'intimidation" envahit les espaces publics urbains et les transforme en
zones surveillées. La ville y perd aussi sa capacité à surprendre ... qui est un des grands charmes de la
vie urbaine.
Des zones fermées y sont établies, auxquelles on n'accède que par des accès limités, On est toutefois là
dans des espaces "globaux" et déterritorialisés, qui n'ont que peu de rapports avec la ville. On n'y
demande qu'à être laissés tranquilles ... et en retour on ne s'y sent obligé de rendre quoi que ce soit.
Bauman cite l'exemple de l'espace public qui fut la "première victime" du ré-aménagement des docks
de Londres. Quelle est ou serait, donc l'institution capable de protéger l'espace public?
L'insécurité engendre la peur et celles-ci tiennent une bonne place en urbanisme. L'alternative à
l'insécurité est une autre malédiction: l'ennui. C'est un dilemme peut-être sans solution satisfaisante et
qui pousse peut être architectes et urbanistes vers des expérimentations audacieuses et même débridées.
Les espaces publics sont des lieux où des inconnus se rencontrent, sans avoir été présélectionnés pour y
entrer, ce sont des condensés de l'essence de la vie en ville. Ce sont des endroits vulnérables, ce sont
Pour établir la non-satisfaction permanente, un des trucs est de dénigrer / dévaluer les produits sitôt la
rentabilité de leur entrée fracassante réalisée, tout en encourageant les consommateurs à chercher dans
la consommation la solution à leurs problèmes, et pas ailleurs. Même en matière de santé, beaucoup de
maux sont des conditions causées par des thérapies précédentes. Par exemple, (référant à Ivan Illich)
les problèmes de "peau sensible" sont des problèmes de peau devenue sensible sous un régime de soins
dermatologiques.
La société de consommation juge ses membres uniquement d'après leurs conduites de consommation.
"Les consommateurs véritables n'ont aucun scrupule à mener les choses au rebut ..."
Il y a donc deux injonctions (mais Bauman ne fait pas ici le lien avec auto-critique etc.) : ce que l'on
doit posséder / faire et ce qu'on ne doit pas posséder / faire.
Les vêtements sont un moyen facile de suivre le marché, plus facile en tous cas que ce qu'on peut faire
à son corps. Il s'agit d'une réactualisation continuelle pour que chacun et les autres puissent décider
"qui vous êtes".
Pourquoi les liens entre les humains feraient-ils exception? Plus ils durent, plus il devient difficile de
maintenir l'attention quotidienne de soi-même et des autres.
Le marché a alors réussi à atteindre de nouveaux domaines qui étaient restés à l'écart et il éjecte les
motifs et critères qui lui sont étrangers. Le marché sert maintenant d'intermédiaire dans des activités
aussi difficiles que de nouer ou de rompre des relations.
Le marché présente la vie comme une succession de problèmes pouvant être résolus en utilisant les
solutions qu'il offre lui-même, plutôt que le recours à des compétences et une personnalité individuelle
ou des coopérations amicales ou des négociations cordiales.
Les biens de consommation, promettant une satisfaction sans délai, ne sont donc pas supposés devenir
des sources d'ennui. Ces biens "acceptent" même d'avance d'être démodés et rejetés.
Livres et sites internet sur la nourriture, le surpoids, les régimes et la graisse corporelles abondent et
sont de gros vendeurs. Sommes-nous plus capables que jamais de contrôler nos corps ou y consacrons-
nous simplement plus d'énergie que jamais? Le corps est-il dépêtré ou n'est-il qu'empêtré dans de
nouveaux liens?
Le corps du consommateur est son propre but et une valeur en lui-même, il est même la valeur ultime.
Le corps est à la fois émetteur et récepteur de sensations sur lui-même et vis-à-vis de délices
"extérieurs" et le spectacle des joies d'autrui. Ceci ne connaît aucune limite supérieure. Les instructions
sont de plus changées avant qu'on ait réussi à les mettre en application. La cible est mobile et on ne
peut qu'être incertain vis-à-vis d'elle et sur elle. Cette incertitude est inamovible, à moins qu'on jette
l'éponge. Encore ici, le consommateur doit toujours être en mouvement et prêt à de nouveaux
changements.
Toutes sortes de choses peuvent, à notre insu, contrarier le régime que nous avons conçu pour notre
corps et peuvent nous ramener en arrière dans nos travaux sur nous-mêmes.
L'auteur étudie sous divers angles la question de la graisse corporelle et en vient ainsi à la "liberté de
manger" et à Ludwig von Mises. Ceci est une redite du conflit entre liberté et sécurité. Joie et horreur
d'ingérer sont inséparables et le conseil qui est véhiculé est qu'il faut contourner le problème en
accélérant son métabolisme, faire de l'exercice, ou encore, comme dans un exemple que Bauman
donne, de ... manger plus souvent.
Le corps est toujours aussi régulé socialement mais cette régulation est présidée par d'autres
organismes.
La prérogative d'exempter et d'exclure qui était celle des États-Nations sert aujourd'hui pour éloigner
les marginaux qui ne peuvent se joindre aux forces du marché. L'État se limite à approuver cet écart
pour le rendre plus effectif et durable. Cette nouvelle catégorie se compose de "consommateurs
défectueux", ou même ratés, qui ont perdu au jeu de la consommation. Ils ont peu ou rien à offrir à
l'économie de consommation.
L'État ne dresse plus les plans de l'ordre social et a ainsi perdu intérêt à décider qui doit être sauvé ou
non. Il doit cependant s'occuper de débarrassé la place des individus exclus par d'autres, la tâche de
"broiement des déchets humains."
Bauman cite un cas d'un couple qui, ayant eu un enfant et pour qui la nécessité de devoir réfléchir avant
de satisfaire ses désirs, est une expérience inconnue. Un enfant est un consommateur pur et simple, il
ne contribue pas au revenu de la famille. Avoir un enfant, c'est signer un chèque en blanc et accepter
des responsabilités que l'on ne connaît pas.
Selon certaines découvertes médicales, l'amour serait une drogue qui dure environ 2 ans, soit le temps
d'avoir un bébé.
Après avoir cité, d'abord un expert du comportement puis un "philosophe de Cambridge" qui, lui, met
par écrit l'idée de l'activité sexuelle et ses plaisirs "pour eux-mêmes", Bauman mentionne que cette idée
d'activité et de plaisir "pour eux-mêmes" permet de ne s'embarrasser d'aucune autre préoccupation
quand une envie se pointe.
Aucun argument, même élégant ou raffiné, ne permet d'établir la "vérité" d'une valeur. Les valeurs ne
sont ni vraies ni fausses, elles sont simplement embrassées ou rejetées.
Le fait, pour des opinions érudites, d'être reçues avec enthousiasme par les lecteurs est plutôt rare, et
très intéressant. Ces opinions doivent correspondre à des souhaits explicites ou non chez les lecteurs.
Elles adressent sans doute une détresse vis-à-vis de laquelle il faudrait un effort pour lequel beaucoup
de gens se sentent incompétents ou trop réticents.
Quand la recherche de dignité et l'estime de soi sont médiatisées par le marché, on attend des
marchandises qu'elles soient, de préférence d'un usage facile et comportant une satisfaction immédiate.
On se débarrasse des objets qui n'ont pas tenu leurs promesses , sont d'une utilisation trop compliquée
ou a déjà livré tous leurs plaisirs.
L'interaction n'a pas de "fin naturelle" car elle est toujours à la fois un début et une continuité. Dans les
interactions humaines, pour employer des termes consuméristes, les deux parties sont simultanément
consommateurs et objets de consommation." Chacun peut revendiquer la souveraineté du
consommateur et il n'est pas facile de savoir qui peut décider que la fin est arrivée.
Un discours de "rejet de l'enfance", de l'enfance, et de la jeunesse, comme un problème est apparu dans
le débat public. Ce discours doit être situé dans l'oubli qu'ont les adultes de leurs propres
responsabilités et du minage des liens et obligations sociales.
Dans un monde imprévisible, les amitiés fermes sont nécessaires. Mais le cadre liquide privilégie ceux
qui voyagent léger, quoi que nous fassions, nous nous exposons à des ennuis. C'est peut-être la raison
pour laquelle on écoute attentivement les discours comme ceux de la drogue de l'amour, ou de fausses
émissions de "réalité". Certains messages proposent d'absoudre de la culpabilité ou à se boucher les
oreilles. Si nous n'éliminons pas le maillon faible, c'est nous qui serons éliminés.
Les enfants ne sont pas avec nous de façon intermittente. Ils sont témoins de la façon dont nous menons
nos vies : Nous représentons le monde. Il y a un gouffre entre l'innocence des enfants et la corruption
froide caractéristique de l'âge adulte . Gouffre dans lequel sont gaspillés les pouvoirs spirituels et le
potentiel de créativité des enfants.
"... la société est carrément hostile envers ceux "inaptes au calcul de leurs bénéfices". [...] L'essence de
la socialisation consiste en leçons de "réalisme" : aux nouveaux arrivants, les nouveaux-nés, la société
offre l'admission à condition qu'ils acceptent le droit de la réalité de tracer les frontières entre les
possibilités sélectionnées ... et toutes les autres ... bâtardes, vaines, honteuses ou immorales, et
carrément "anti-sociales ..." (p. 143)
La société des consommateurs concentre maintenant son "retraitement" sur l'esprit. Un esprit qu'elle
veut sensible aux charmes des marchandises, surtout pas indifférent à leur séduction, et manquant des
ressources personnelles qui pourraient limiter son recours au marché pour avoir une vie "saine".
L'insécurité financière et émotionnelle stimule le consumérisme. Dans un cadre qui façonne les enfants
en consommateurs dépendants, ceux-ci sont aussi amenés à considérer leurs relations en termes de
marché, d'évaluation par le marché.
L'idée d'éducation "tout au long de la vie" passe du statut de contradiction à celui de pléonasme.
La formation des "moi" ou des personnalités devient imaginable seulement en termes de re-formation
"continue et perpétuellement inachevée.". Il faut continuellement satisfaire "aux nouvelles exigences."
L'homme "qui choisit" est placé devant une absence de règles et d'objectifs qui, étant pré-approuvés, lui
éviteraient las responsabilité de ses choix.
La croissance rapide des nouvelles connaissances et le vieillissement tout aussi rapide des anciennes,
produisent de l'ignorance humaine à grande échelle.
Les écoles sont devenues un marché de fournisseurs, les clients ne sont pas en mesure de juger de la
qualité des marchandises. Tout savoir, même inférieur ou inutile, surtout s'il prétend correspondre à des
compétences recherchées et même si les enseignants requis ne sont pas prêts, s'y vend facilement. Et
plus il s'en vend, moins les victimes ont de chances de coincer les fournisseurs.
Abandonné à sa logique interne, le marché de l'enseignement amplifie les injustices et multiplie les
conséquences négatives. Même quand on prétend former en vue des compétences qui seront requises
quand les élèves auront complété leur formation, on s'aperçoit régulièrement que les "ressources
humaines" n'avaient pas su anticiper ce que le marché du travail allait requérir. Les erreurs sont sans
doute inévitables mais lorsque les perspectives de vie des gens sont en cause, elles sont incroyablement
néfastes. Les calculs de "puissance humaine" requiert des compétences que les "ressources humaines"
On met donc l'accent vers un "apprentissage" tout au long de la vie, rejetant ainsi la sélection des
compétences et des acquisitions, ainsi que des conséquences des mauvais choix, sur les victimes des
"marchés" fluides et inconstants. Les gestionnaires ont de la même façon tendance à se décharger de la
responsabilité des effets, sur les employés, ceci est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de ne pas avoir
réussi à être à la hauteur du défi.
La responsabilisation serait cependant atteinte si les gens avaient la capacité de contrôler ou influencer
les forces, la portée et la disponibilité des choix possibles, qui mènent ou malmènent leur trajectoire de
vie.
Il ne suffit pas d'acquérir les compétences pour participer à un jeu régi par d'autres, il faut aussi pouvoir
influencer les règles du jeu.
"Le fait de se responsabiliser implique de construire et re-construire les liens entre les hommes ...". et
l'un des enjeux décisifs est la reconstruction de l'espace public. L'éducation et l'apprentissage doivent
être continus à cause de cette tâche de responsabilisation. De façon encore plus importante cependant,
il ne s'agit pas de développer les compétences humaines au rythme des changements du monde, mais de
rendre ce monde plus hospitalier pour l'humanité.
"L'éducation tout au long de la vie sert à nous donner le choix. Mais nous en avons encore plus besoin
pour préserver les conditions qui rendent ce choix disponible et à notre portée."
Nous en sommes venus par la suite à un changement incessant, une innovation permanente, plutôt qu'à
des efforts pour les maîtriser.
Bauman fait un parallèle entre les héros des récits de ces deux époques, relevant ressemblances et
différences et il se demande pourquoi les premiers ont été remplacés par les deuxièmes. La mission des
premiers aurait-elle été accomplie, tout aussi imprévus que leurs résultats aient étés? Les seconds héros,
une fois leur récit fait, réclament une relecture et un réexamen du récit de leurs prédécesseurs.
Bauman présente alors l'oeuvre d'Adorno comme un dialogue entre ces deux récits. Il rappelle aussi
que Pierre Bourdieu formule que, à moins d'un minimum d'emprise sur leur présent, ce qui n'est pas le
cas étant donnée la volatilité de l'existence est découpée en épisodes brefs, les gens ne trouvent pas
d'emprise sur le futur qui reste impénétrable. L'individu est alors enclin à s'abandonner au collectif qui
lui promet l'appartenance. L'opinion commune / publique séduit l'individu dont les ressources sont
insuffisantes pour séparer la vérité d'une simple opinion avec un minimum d'assurance. La société
dénonce comme arbitraire ce qui ne coïncide pas avec son propre arbitraire et offre ainsi une frontière.
Avec celle-ci, les hésitations peuvent être mises de côté, il y a désormais un dedans et un dehors.
Référant encore une fois, à la littérature, Bauman explore ensuite la question de l'exil et de l'exilé, puis
il passe à la question de l'émancipation, à la vision du monde de Marx, à la pensée philosophique, à la
relation entre théorie et pratique et au désir / besoin des groupes d'être trompés / gouvernés.
Dans les pages qui suivent, Bauman élabore autour de l'allégorie d'une bouteille qu'on jette à la mer,
dans l'espoir que son message sera lu. Il n'y a peut-être pas beaucoup de chances qu'il soit lu et
C'est l'élite, transnationale, extraterritoriale, hybride, dont il a déjà été question, qui se tient à la pointe
de cet instant. Le contrat liant les intellectuels aux gens qu'ils avaient autrefois entrepris de guider a été
rompu de façon tout aussi unilatérale qu'il avait été décrété au seuil de l'époque moderne.
Les États-Nations se trouvent aujourd'hui dans une position similaire à celle des autorités locales au
début de la construction de ces mêmes États-Nations. Ils sont à leur tour accusés d'avoir imposé des
"contraintes économiquement insensées" et on les oblige, encore une fois eux aussi, à céder leurs
droits. Pour une grande majorité des habitants de la planète, ceci se traduit par une détérioration des
conditions de vie et d'une insécurité nouvelle, ou d'une forme nouvelle, sans les défenses d'antan.
De plus en plus les appels à plus de liberté, moins de contraintes etc. ressemblent de manière suspecte à
une "idéologie de l'élite globale naissante" et tombent dans des oreilles de sourds dans le reste de la
population, devenant ainsi des obstacles au dialogue. Si la bouteille d'Adorno était reçue hors d'Europe
ou d'Amérique du Nord, serait-elle reçue comme une nouvelle insulte ou un nouveau complot? Fortes
chances que oui.
Tout cela pose la question de l'éthique. Les conditions de la survie de l'espèce humaine ne sont plus
locales ou divisibles. La misère actuelle exige des solutions planétaires, si elles existent. Nous sommes
cependant équipés dans le langage, de la particule "non", et du temps du futur. Nous ne nous
satisfaisons pas de ce qui est et nus lui posons des questions, même maladroites, nous espérons
("chaque fois que l'imagination et le sens moral se croisent") et sommes résolus à changer le choses,
petites et grandes. Équipés de la connaissance du bien et du mal, nous sommes jugés et jugeons.
Les utopies étaient sociales quand le social avait une signification dont on ne doutait pas. Avec les
changements de la sphère publique, elles ont été victimes comme tout ce qui était en sécurité dans cette
sphère, publique, qui a été annexée par le privé.
Une sphère publique reliée aux institutions de l'État-Nation ne peut être reconstruite. Il faut un "espace
Le livre (la traduction) se termine sur ces mots-ci: "Nous sentons, devinons, soupçonnons ce qu'il faut
faire. Mais nous ne pouvons connaître l'aspect et la forme que cette action prendra au final. Cela dit,
nous avons de très bonnes raisons de penser que cette forme ne nous sera pas familière. Elle sera
différente de tout ce à quoi nous sommes habitués."(p. 195)
Bibliographie
Bauman, Zygmunt, La vie liquide, Le Rouergue / Chambon, Rodez 2006 (Christophe Rosson,
traducteur)
Bauman, Zygmunt, Liquid Life, Polity Press, Cambridge 2005
Campain, Robert, Review: Tony Blackshaw, Zygmunt Bauman (Routledge, London 2005); Zygmunt
Bauman, Liquid Life (Polity Press, Cambridge 2005); Thesis Eleven, London, vol. 92, iss. 1, (Feb
2008) : 142-149
Davis, Mark, Liquid Sociology, Sociology, vol. 42, iss. 6, (Dec. 2008) : 1237-1243