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DIDYME APRES ATHANASE 37

est d'une sobriété exemplaire. J'ai relevé dans la seule


première Lettre à Sérapion plus d'une trentaine de ces
locutions venimeuses à l'adresse des hérétiques : audace
satanique, démence, disputeurs infectés par la morsure
du serpent arien, folie extrême, invention d'impiété, gens
infâmes, intelligence corrompue, etc.
Or il n'y a presque rien de cela chez Didyme. Il ne
veut pas avoir l'air de prendre la plume contre des
adversaires. S'il a quelque occasion de rabrouer l'héré
tique, il le fera en termes pondérés. Ces gens-là ont-ils
des pensées anthropomorphiques, il leur dira : « Prenez
garde de tomber dans la bassesse..., d'aller imaginer... »,
§89 ; auraient-ils l'idée impensable de baptiser en omet
tant les prescriptions trinitaires, il dira qu'ils ont « l'esprit
complètement dérangé » et qu' « ils s'opposent en légis
lateurs au Christ » lui-même, § 101-102. Sans céder aux
exigences de la vérité, c'est mieux considérer la personne
de l'objectant. A tant faire que d'avertir ou de reprendre,
mieux vaut y mettre les formes !
Aussi bien, exceptionnellement, en témoins du XXème
siècle, sommes-nous choqués — mais non pas surpris
étant donné le peu de retenue que certains anciens ont
parfois donné à leurs propos sur le sujet qui va nous
occuper — choqués d'entendre Didyme appliquer « aux
Juifs qui crucifièrent le Seigneur Sauveur » ces épithètes,
— qui, soit dit en passant, ne nous eussent pas étonnés
sous la plume de celui qui sera l'adversaire de Rufin,
c'est-à-dire Jérôme, et qui sait s'il n'y a pas un peu du
sien dans le choix des mots ! — de gens « sanguinaires
et constamment emportés par une frénésie délirante »,
§216. Ce style est rare chez Didyme ; à la fin du Traité,
lorsqu'il signale l'objection stupide que j'ai appelée celle
du « grand-père », il n'a pour les objecteurs que ces mots,
des mots de commisération en somme : « Les malheu
reux ! les misérables ! », §270. Il savait raison garder.

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