est d'une sobriété exemplaire. J'ai relevé dans la seule
première Lettre à Sérapion plus d'une trentaine de ces locutions venimeuses à l'adresse des hérétiques : audace satanique, démence, disputeurs infectés par la morsure du serpent arien, folie extrême, invention d'impiété, gens infâmes, intelligence corrompue, etc. Or il n'y a presque rien de cela chez Didyme. Il ne veut pas avoir l'air de prendre la plume contre des adversaires. S'il a quelque occasion de rabrouer l'héré tique, il le fera en termes pondérés. Ces gens-là ont-ils des pensées anthropomorphiques, il leur dira : « Prenez garde de tomber dans la bassesse..., d'aller imaginer... », §89 ; auraient-ils l'idée impensable de baptiser en omet tant les prescriptions trinitaires, il dira qu'ils ont « l'esprit complètement dérangé » et qu' « ils s'opposent en légis lateurs au Christ » lui-même, § 101-102. Sans céder aux exigences de la vérité, c'est mieux considérer la personne de l'objectant. A tant faire que d'avertir ou de reprendre, mieux vaut y mettre les formes ! Aussi bien, exceptionnellement, en témoins du XXème siècle, sommes-nous choqués — mais non pas surpris étant donné le peu de retenue que certains anciens ont parfois donné à leurs propos sur le sujet qui va nous occuper — choqués d'entendre Didyme appliquer « aux Juifs qui crucifièrent le Seigneur Sauveur » ces épithètes, — qui, soit dit en passant, ne nous eussent pas étonnés sous la plume de celui qui sera l'adversaire de Rufin, c'est-à-dire Jérôme, et qui sait s'il n'y a pas un peu du sien dans le choix des mots ! — de gens « sanguinaires et constamment emportés par une frénésie délirante », §216. Ce style est rare chez Didyme ; à la fin du Traité, lorsqu'il signale l'objection stupide que j'ai appelée celle du « grand-père », il n'a pour les objecteurs que ces mots, des mots de commisération en somme : « Les malheu reux ! les misérables ! », §270. Il savait raison garder.