Vous êtes sur la page 1sur 4

CANADA COUR DU QUÉBEC

(Chambre pénale)
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE ST-FRANÇOIS

No.: 450-61-068694-180 DPCP

Partie poursuivante,

-vs-

ÉRIC LANTHIER

Partie défenderesse.

ARGUMENTAIRE DE LA PARTIE DÉFENDERESSE


SUR LA BONNE FOI DU CONTRE-INTERROGATOIRE

1. Préambule

1. À ce stade avancé des procédures, il convient de solliciter la tenue d’un voir-


dire sur la base des principes de l’arrêt R. c. Lyttle, 2004 CSC 5. Par ce voir-
dire, le défendeur tentera de convaincre le Tribunal que la poursuivante ne
possède pas le bonne foi requise, dans les circonstances, pour tenter de
contredire le défendeur sur un aspect de sa déclaration écrite qu’elle sait, ou
devrait savoir, être fausse ou inexacte.

2. Dans le cadre de ce voir-dire, il est soumis que le défendeur pourra utiliser


l’enregistrement1 et les notes sténographiques, qui démontreront clairement
l’inexactitude de la déclaration écrite.

2. La bonne foi

3. Depuis l’arrêt McNeil, il est clair que le ministère public a l’obligation de se


renseigner lorsqu’il est informé de l’existence d’éléments de preuve
potentiellement pertinents quant à la crédibilité ou à la fiabilité de ses témoins.2

1 La poursuivante étant en possession de l’enregistrement depuis l’audition du 30 septembre


2020.
2 R. c. McNeil, 2009 CSC 3, par. 50.

1
En effet, le ministère public et la défense ont tous les deux intérêt à découvrir
qu'un policier n'est pas honnête ou fiable3.

4. À ce titre, la procureure du ministère public ne peut ignorer l’enregistrement


de la rencontre du 13 octobre 2017 qui lui a été remis. Elle doit en prendre
connaissance, puisqu’il n’est pas loisible à la poursuivante de faire abstraction
d’une preuve qui potentiellement exposera les faiblesses ou un manque de
crédibilité d’un témoin à charge.

3. Les principes :

5. Selon les principes élaborés dans l’arrêt Lyttle, l’avocat doit être de bonne foi
lorsqu’il pose des questions en contre-interrogatoire.4 Ainsi, dans la mesure
où un procureur de la Couronne estime qu’un élément de preuve ou une
déclaration est faux ou non fiable, le procureur de la Couronne ne peut, en
contre-interrogatoire, « put suggestions to the accused during cross-
examination on the basis of that statement »5.

6. Cette bonne foi, dont le procureur doit faire preuve, s’évalue au regard
«des renseignements dont dispose le contre-interrogateur, de l’opinion de
celui-ci sur leur probable exactitude et du but de leur utilisation. »6.

7. Le contre-interrogateur ne peut pas soumettre au témoin des hypothèses qu’il


sait fausses7 ou de suggérer ou d’énoncer un fait dans le but de tromper.8 Le
but de sa question doit demeurer « compatible avec le rôle que joue l’avocat
en tant qu’auxiliaire de justice »9 et, lorsqu’il s’agit de la Couronne, de son rôle
particulier auprès de la Cour, qui n’est pas celui d’un « tactician who had a
case to win»10:

It cannot be over-emphasized that the purpose of a criminal prosecution


is not to obtain a conviction; it is to lay before a jury what the Crown

3 R. c. McNeil, 2009 CSC 3, par. 50.


4 R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, par.47. Cette règle s’applique également au poursuivant : R. c. Trochym,
2007 CSC 6, par. 179 (j. Bastarache dissident sur d’autres questions); R. v. Mallory, 2007 ONCA
46, par. 233 et 249 :
249 While the procedure in R. v. Lyttle, supra, was set out in the context of a defence
cross-examination of a Crown witness, the underlying principle would apply with even
greater force to the Crown's cross-examination of an accused.
5 R. v. Belcourt, 2019 BCCA 435, par. 35 référant à R. v. Mallory, 2007 ONCA 46, par. 253.
6 R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, par.48.
7 R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, par.48.
8 R. c. Lyttle, 193, 2004 CSC 5, par.48.
9 R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, par.48; Levers v. R., 2012 QCCS 6091, par. 76.
10 Levers v. R., 2012 QCCS 6091, par. 85.

2
considers to be credible evidence relevant to what is alleged to be a
crime. Counsel have a duty to see that all available legal proof of the
facts is presented: it should be done firmly and pressed to its legitimate
strength, but it must also be done fairly. The role of prosecutor excludes
any notion of winning or losing; his [or her] function is a matter of public
duty than which in civil life there can be none charged with greater
personal responsibility. It is to be efficiently performed with an ingrained
sense of the dignity, the seriousness and the justness of judicial
proceedings.11

8. Bref, le contre-interrogatoire est « assujetti aux obligations de bonne foi et


d’intégrité professionnelle »12. Par conséquent, dans la mesure où la question
proposée implique l’existence d’une assise factuelle fragile ou suspecte, le
juge du procès peut prendre les mesures qui s’imposent — soit en tenant un
voir-dire soit autrement — pour obtenir de l’avocat l’assurance qu’il pose la
question de bonne foi13 :

To ensure that this safeguard is present, a trial judge is required to


ensure there is a good faith foundation for questions posed in cross-
examination. Where the good faith foundation is challenged, to ensure
a fair trial, R. v. Lyttle, (…), requires the trial judge to make inquiries
and, in appropriate cases, to consider holding a voir dire (…)14

9. D’ailleurs, lorsque la Couronne entend utiliser que l’élément de preuve ou la


déclaration aux fins du contre-interrogatoire, le voir-dire s’impose :

Where the Crown intends to call the statement in its case, a voir dire
may be unnecessary because the defence will have the opportunity to
expose the frailties of the evidence in cross-examination. The defence,
however, will not have that opportunity when the Crown intends to use
the information only in cross-examination of the accused. Where the
Crown's good faith foundation is challenged on reasonable grounds,
and the suggestion put to the accused may be unfairly prejudicial, the
proper course is for the Crown or the defence to seek a voir dire.15

11 R. c. Boucher (1954), 110 C.C.C. 263 at 270 (S.C.C.), cité dans R. v. Mallory, 2007 ONCA 46,
par. 235
12 R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, par.50.
13 R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, par.52. Par exemple, voir R. v. Sidhu, 2014 ONSC 732.
14 R. v. Mallory, 2007 ONCA 46, par. 248. Nos soulignements.
15 R. v. Mallory, 2007 ONCA 46, par. 252.

3
4. Conclusion :

10. En l’espèce, le défendeur soumet respectueusement que de tenter de le


contre-interroger sur une déclaration que l’on sait inexacte ou incomplète ne
rencontre pas cette exigence de bonne foi.

Sherbrooke, le 21 octobre 2020

SHEARSON PERRON AVOCATS


Avocats de la Partie défenderesse
Me Charles Shearson
shearson@shearsonperron.com
10-165, Wellington n.
Sherbrooke (Québec) J1H 5B9
Téléphone : (819) 563-6565
Télécopieur : (819) 563-9661
Code d'impliqué permanent : BS3024
Notre référence : 0264-2

Vous aimerez peut-être aussi