Vous êtes sur la page 1sur 36

ÉCOLE NATIONALE D’INGÉNIEURS DE TUNIS

Département Génie Industriel


Projet de recherche bibliographique

Aperçu mathématique de la
création de la matière

Elaboré par :

M. Adam Sellami

M. Ahmed Semah Zouaghi

1ère Année MIndS

Encadré par :

M. Marouane Ben Miled

Mme Hedia Chaker

Année universitaire : 2021/2022


Remerciements

Nous voudrions remercier toutes les personnes qui, par leur soutien, leur conseil
ou leur participation, ont contribué à la réalisation de ce mémoire.

Nous sommes particulièrement reconnaissants à M. Marouane Ben Miled et


Mme Hedia Chaker de la disponibilité et de la patience sans faille dont ils ont fait
preuve quand nous en avions le plus besoin.

2
« Plus qu’aucune autre question, celle de l’infini a depuis toujours
tourmenté la sensibilité des Hommes ; plus qu’aucune autre idée, celle
de l’infini a stimulé et fécondé leur raison ; mais plus qu’aucun autre
concept, celui de l’infini demande à être élucidé. »

- David Hilbert -
Table des matières

Introduction 2

Introduction 1

1 Le théorème de Banach-Tarski 3
1.1 Préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.1 Axiome du choix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.2 Dénombrabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1.3 Équidécomposabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1.4 Ensembles dédoublables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.1.5 Groupes dédoublables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.2 Démonstration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.1 Propriétés et quelques résultats . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.2 Théorème de Banach-Tarski . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

2 L’infini 15
2.1 Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.1.1 Infini potentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.1.2 Évolution de l’infini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.1.3 Infini en mathématiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.2 Quelques surprises de l’infini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.2.1 Les irrationnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.2.2 Le paradoxe de la réflexivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2.3 Plusieurs infinis et hypothèse du continu . . . . . . . . . . . 20
2.3 Incompatibilité avec la physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3.1 Mesurabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3.2 Effet de l’axiome du choix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Conclusion 26

Bibliographie 29
Introduction

Dès l’antiquité, l’homme a dû interagir avec son entourage pour survivre et


se développer. Toute sorte d’interaction avec son milieu est une action qui fait
intervenir la matière, un terme général qui réfère à tout ce qui constitue n’importe
quel corps « perçu par les sens et dont les caractéristiques fondamentales sont
l’étendue et la masse » [1]. En effet, il a changé l’état physique de la matière
en chauffant la glace des rivières de la Yakoutie en Russie, pour boire de l’eau
[13] et il l’a aussi transformée à l’aide des réactions chimiques pour fabriquer des
médicaments.

Dans son contact inévitable avec la matière, l’homme a même pensé à la créer
en ayant recours à la magie, c’est-à-dire, la faire apparaître en partant de rien. De
point de vue scientifique, nous ne cherchons pas à savoir si la sorcellerie parvient
vraiment à le faire, mais plutôt, il serait beaucoup plus intéressant si la science elle
même pouvait le réaliser.

Parlons donc des mathématiques et voyons si elles peuvent nous donner un


processus pour créer de la matière. Chercher la solution dans les maths semble
légitime puisque elles ont déjà commencé par la résolution des problèmes de
l’humanité. D’ailleurs, « les premières mathématiques ont certainement servi entre
autres à compter : compter les doigts, les objets, les animaux d’un troupeau... Puis
progressivement savoir mesurer : comment mesurer la taille d’un terrain ? Le temps
qui passe ? Le cycle de la lune et des saisons ? Comment mesurer les quantités lors
d’un troc ? Peu à peu, les questions se sont faites plus complexes » [3].

Les mathématiques semblent presque toujours un outil raisonnable de résolution


des problèmes puisqu’elles sont « apparues dans toutes les civilisations, probable-
ment avant l’apparition de l’écriture. De la civilisation de Sumer 1 par exemple, on
conserve des écrits mathématiques datant de plus de 2000 ans avant Jésus-Christ »
[3].
1. Sumer est une région antique, située à l’extrême sud de la Mésopotamie antique (actuel
Irak), couvrant une vaste plaine parcourue par le Tigre et l’Euphrate et bordée, au sud-est, par
le golfe Persique.

1
Cependant, est ce vrai que les maths sont toujours là pour résoudre les problèmes
de la réalité ? En fait, « les mathématiques pures (ou mathématiques fondamentales)
regroupent les activités de recherche en mathématiques motivée par des raisons
autres que celles de l’application pratique. Elles reposent sur un ensemble d’axiomes
et sur un système logique, détachés de l’expérience et de la réalité » [8].

Nous voyons donc qu’il faut se méfier de l’abstraction des mathématiques quand
il s’agit de résoudre un problème de tous les jours. Dans les maths un détail peut
simplement transformer les conditions dans lesquelles on travaille et rendre la
résolution impossible réellement. Il faut donc faire attention aux glissements à
l’abstraction ce qui peut nous mener à des impasses éventuellement inexplicables
dans la pratique.

Si nous revenons maintenant au sujet de la création de la matière, il faut voir si


les maths sont capables de résoudre ce problème ou si cela est fait dans d’autres
dimensions qui nous sont inaccessibles.

Nous chercherons donc comment pouvons nous créer de la matière à partir du


rien ? Comment les maths, plus précisemment, ont elles abordé ce sujet ? Et s’il y
a une réponse mathématique valide, serait elle applicable dans la vie ?

2
Chapitre 1

Le théorème de Banach-Tarski

Un résultat très important et très intéresssant, sur lequel va se baser ce mémoire


pour aborder la question de création de la matière, est le théorème de Banach 1 -
Tarksi 2 . Dans cette partie, nous énoncerons le théorème et notons que nous n’allons
faire que les démontrations qui serviront à atteindre l’objectif de ce mémoire.

1.1 Préliminaires
Commençons tout d’abord par quelques notions préliminaires qui nous seront
très utiles.

1.1.1 Axiome du choix


Parlons tout d’abord de la théorie dont fait partie cet axiome, cette théorie
n’est autre que la fameuse théorie des ensembles [5] :
il s’agit de formaliser les ensembles. La formalisation classique, que
l’on appelle ZF (pour théorie de Zermelo 3 -Fränkel 4 ), est celle que nous
allons présenter. Pour se mettre dans l’esprit de ZF, il faut oublier
la description des ensembles tels des objets qui contiennent des points.
Dans ZF, il n’y a pas de typage, il n’y a pas non plus de distinction
entre ensemble et élément.
Plus précisément dans ZF, tout est ensemble. En particulier, les éléments
d’un ensemble sont encore des ensembles qui ont à leur tour des éléments
qui sont encore des ensembles, etc.
1. Stefan Banach (1892-1945) - Mathématicien polonais.
2. Alfred Tarski (1902-1983) - Logicien et philosophe polonais.
3. Ernst Zermelo (1871-1953) - Mathématicien allemand.
4. Abraham Adolf Halevi Fränkel (1891-1965) - Mathématicien allemand.

3
En mathématiques, l’axiome du choix (abrégé en « AC » 5 ), comme nous l’avons
déjà dit, est un axiome de cette théorie, et il affirme « la possibilité de construire des
ensembles en répétant une infinité de fois une action de choix, même non spécifiée
explicitement » [6].
Il a été formulé pour la première fois par Ernest Zermelo en 1904.
L’axiome du choix peut être accepté ou rejeté, selon la théorie axioma-
tique des ensembles choisie. L’axiome du choix peut s’énoncer comme
suit : « Pour tout ensemble X d’ensembles non vides, il existe une
fonction définie sur X, appelée fonction de choix, qui à chaque ensemble
A appartenant à X associe un élément de cet ensemble A ».
Ce qui s’écrit formellement :

∀X [∅ ∈
/ X =⇒ ∃f : P(X) \ ∅ → X ; ∀A ⊂ X (f (A) ∈ A)]

L’appel à cet axiome n’est pas nécessaire si X est un ensemble fini car
c’est une conséquence de la définition d’ensemble non vide (c’est-à-dire
qu’il existe un élément appartenant à cet ensemble). Dans ce cas, le
résultat se montre par récurrence sur le nombre d’éléments de X. En
1938, Kurt Gödel 6 démontre que ZF+AC est une théorie cohérente 7 si
ZF l’est.
Cet axiome fait partie des axiomes optionnels et controversés de la
théorie des ensembles. En effet, l’existence d’un objet défini à partir
de l’axiome du choix n’est pas une existence constructive, c’est-à-dire
que l’axiome ne décrit aucunement comment construire l’objet dont on
affirme l’existence. Ainsi, dire qu’il existe une base de l’espace vectoriel
des fonctions continues de R dans R ne permet en aucune façon de
décrire une telle base. De ce point de vue, l’axiome du choix peut paraître
d’un intérêt limité et c’est pourquoi certains mathématiciens se montrent
plus satisfaits d’une démonstration s’ils peuvent éviter d’avoir recours
à cet axiome du choix. Mais la plupart des mathématiciens l’utilisent
sans réticence particulière.
L’une des conséquences les plus intéressantes de l’axiome est le théorème qui
fait l’objet de cette partie. Ayant reçu une approche générale pour l’axiome, nous
verrons par la suite les autres éléments qui ont conduit à la naissance du théorème.
5. On notera « AC » devant les résultats qui ont été démontré à l’aide de l’axiome du choix.
6. Kurt Gödel (1906-1978) - Logicien et mathématicien autrichien.
7. Une théorie est dite cohérente si ses axiomes sont indépendants l’un de l’autre et aucun
d’eux ne peut se démontrer à partir des autres.

4
1.1.2 Dénombrabilité
Définition 1.1.2.1. Un ensemble D est dit (au plus) dénombrable s’il existe une
surjection de N dans D, ou, ce qui revient au même, une injection de D dans N
[19].
Théorème 1.1.2.1. Tout sous-ensemble d’un ensemble dénombrable est dénom-
brable [19].
Théorème 1.1.2.2 (AC). La réunion de toute famille dénombrable d’ensembles
dénombrables est dénombrable [19].

1.1.3 Équidécomposabilité
Définition 1.1.3.1. On dit qu’un groupe G opère sur un ensemble X si on se
donne une application G × X −→ X (appelée loi d’opération), par laquelle l’image
d’un couple (g, x) (avec g ∈ G et x ∈ X) sera notée gx, vérifiant d’une part 1x = x
pour tout x ∈ X et d’autre part (gg ′ )x = g(g ′ x) pour tous g et g ′ de G et x de X
[19].
Définition 1.1.3.2. Soit G un groupe quelconque opérant sur un ensemble X
quelconque, et soient A et B deux sous-ensembles de X. On dit que A et B sont
équivalents par décomposition finie (ou équidécomposables) sous l’action de G s’il
existe un entier n dans N∗ , une partition (Ai )1≤i≤n de A, une partition (Bi )1≤i≤n de
B et des éléments g1 , . . . , gn de G tels que A = ni=0 Ai , B = ni=0 Bi et Bi = gi Ai
S S

pour tout i = 1, . . . , n [19].


Pour bien saisir l’idée d’équidécomposabilité, il suffit de savoir qu’il s’agit de
découper deux ensembles en même nombre de morceaux tels que les morceaux de
l’un sont chacune isométrique à un morceau unique de l’autre ensemble.
Définition 1.1.3.3. Si E et F sont deux parties de X et s’il existe g ∈ G tel que
F = gE, on dit que E et F sont congruents (dans X) relativement à G, ou sous
l’action de G [19].
Définition 1.1.3.4. Lorsque X = Rn et lorsque G est le groupe des isométries de
Rn , deux ensembles congruents sont dits isométriques [19].
Remarque. Deux ensembles congruents sont équidécomposables [19].
Dans toute la suite, nous ommetrons parfois de mentionner sous l’action de
quel groupe deux ensembles sont congruents ou équidécomposables, soit car celui-ci
est évident, soit car cela n’a pas d’importance dans le résultat. De plus, nous
appellerons toujours X un ensemble quelconque et nous noterons A ∼ B pour dire
que deux ensembles A et B sont équidécomposables.

5
1.1.4 Ensembles dédoublables
Définition. Soit G un groupe opérant sur un ensemble X et soit E un sous-
ensemble de X. On dit que E est un ensemble dédoublable dans X sous l’action
de G, ou bien G-paradoxal, s’il existe deux parties complémentaires A et B de E
telles que A ∼ E et B ∼ E. Le couple (A, B) est alors appelé une décomposition
paradoxale de E [19].

« Pour bien saisir l’idée d’ensemble dédoublable, il suffit de savoir qu’il s’agit
de le découper en deux morceaux qui seront eux mêmes isométriques chacun à
l’ensemble de départ » [19].

Comme pour l’équidécomposabilité, et pour les mêmes raisons, nous ommetrons


régulièrement de mentionner le groupe G sous l’action duquel un ensemble est
dédoublable.

1.1.5 Groupes dédoublables


Définition 1.1.5.1. On dit que deux éléments a et b d’un groupe G sont indépen-
dants si les éléments a, b, a−1 , b−1 de G sont tous distincts et si pour tout n > 2 et
pour toute liste d’éléments (g1 , . . . , gn ) de G tous égaux à a, b, a−1 ou b−1 , il est
impossible d’avoir (g1 . . . gn ) = 1 si gi gi+1 ̸= 1 pour i = 1, . . . , n − 1 [19].

Définition 1.1.5.2. Une telle liste (à ne pas confondre avec une famille : l’ordre
des éléments est important) (g1 , . . . , gn ) d’éléments de G égaux à a, b, a−1 , b−1 est
appelée un mot.
n est appelé la longueur du mot : si n = 0 on dit que le mot est vide [19].

Définition 1.1.5.3. Un mot est dit réduit s’il n’y a pas dans le mot deux éléments
consécutifs qui soient inverses l’un de l’autre [19].

Définition 1.1.5.4. Si un groupe G est engendré par deux éléments a et b indé-


pendants, on dit que G est librement engendré par a et b. Dans ce cas tout élément
de G est représenté par un mot. G est alors appelé un groupe libre de rang 2 [19].

Remarque. Un groupe libre de rang 2 ne peut pas être abélien [19].

Définition 1.1.5.5. Un groupe G est dit dédoublable ou paradoxal s’il est dédou-
blable sous l’action de ses translations [19].

Définition 1.1.5.6. On dit qu’un groupe G opère librement sur un ensemble X


(pour une loi (g, x) −→ x) si pour tout g ̸= 1 dans G et pour tout x ∈ X, gx ̸= x
[19].

6
Définition 1.1.5.7. On dit qu’un groupe G opère transitivement sur un ensemble
X si quels que soient x et y dans X, il existe g ∈ G tel que y = gx [19].
Définition 1.1.5.8. Soit un groupe G opérant de manière quelconque sur un
ensemble X. On considère la relation d’équivalence (vérification facile) sur X
suivante :
xRy ⇔ ∃ g ∈ G / gx = y.
Les classes d’équivalences modulo R sont appelées les orbites résultant de l’action
de G sur X et forment une partition de X [19].
Remarque. Dire qu’un groupe G opère transitivement sur X, c’est dire qu’il n’y a
qu’une seule orbite, égale bien entendu à X. Si G opère de façon quelconque sur
X, G opère transitivement dans chacune des orbites [19].

1.2 Démonstration
Ayant intoduit tous les éléments de base nécessaires à la compréhenesion du
théorème, abordons maintenant sa démonstration.

1.2.1 Propriétés et quelques résultats


Avant de passer à la preuve du théorème lui même, nous avons encore besoin de
citer quelques résultats qui seront utiles (sans nous intéresser à leurs démonstrations).
La démonstration du dernier théorème de cette partie sera faite car il utilise l’axiome
du choix, du coup, ça sera un théorème clé dans le mémoire.
Théorème 1.2.1.1. La relation d’équidécomposabilité est une relation d’équivalence
entre les parties de X [19].
Théorème 1.2.1.2. Soient A, A′ , B et B ′ des parties de X telles que A ∩ A′ = ∅
et B ∩ B ′ = ∅. Si A ∼ B et A′ ∼ B ′ alors (A ∪ A′ ) ∼ (B ∪ B ′ ) [19].
Théorème 1.2.1.3. Soient A1 , . . . , An deux à deux disjointes et B1 , . . . , Bn deux
à deux disjointes des parties de X. Si pour tout i = 1, . . . , n on a Ai ∼ Bi , alors :
n
[ n
[
A= Ai ∼ B = Bi [19].
i=0 i=0

Corollaire 1. Soient A, B et C des parties de X. Si A ∼ B et si A∩C = B∩C = ∅,


alors (A ∪ C) ∼ (B ∪ C) [19].
Théorème 1.2.1.4. Soient E et F deux sous-ensembles de X. Si E est dédoublable
et si E ∼ F , alors F est dédoublable [19].

7
Corollaire 2. Si E est un ensemble dédoublable, il existe pour tout n ≥ 2 une
partition (Ai )1≤i≤n de E telle que, pour tout i = 1, . . . , n, on ait Ai ∼ E [19].
Théorème 1.2.1.5. Si un sous-ensemble borné E de Rm est dédoublable sous
l’action du groupe des isométries de Rm , il existe, pour tout entier n ≥ 2, n
ensembles bornés E1 , . . . , En dans Rm , tous isométriques à E (congruents à E,
donc), deux à deux disjoints, et tels que E ∼ ni=1 Ei [19].
S

Théorème 1.2.1.6. Un groupe libre de rang 2 est dédoublable [19].


Théorème 1.2.1.7 (AC). Si un groupe G est dédoublable et s’il opère librement
sur un ensemble X, alors X est dédoublable sous l’action de G [19].
Démonstration. [19]
Soit x un élément de X (qu’on suppose non vide). À tout ensemble
A ⊂ G, associons l’ensemble Ax des éléments de la forme ax où a
parcourt A (Ax est une partie de l’orbite de x).
Choisissons maintenant dans chaque orbite de X un élément et un seul
(on peut le faire si on admet l’axiome du choix). Appelons M l’ensemble
ainsi constitué, et notons

A′ =
[
Ax.
x∈M

Nous allons maintenant établir quelques propriétés pour aboutir au


résultat : soient A et B deux sous-ensembles de G et soit z un élément
de (A∪B)′ . Alors il existe x ∈ M tel que z ∈ (A∪B)x et par conséquent
il existe g ∈ (A ∪ B) tel que z = gx. Si g ∈ A, z appartient à Ax, donc
à A′ . Si g ∈ B, z appartient à Bx donc à B ′ . Dans tous les cas, on a
donc (A ∪ B)′ ⊂ A′ ∪ B ′ . L’inclusion réciproque est tout aussi facile
à vérifier. On a donc la première propriété : (A ∪ B)′ = A′ ∪ B ′ . Par
une récurrence facile, on a alors pour tous A1 , . . . , An sous-ensembles
de G : n n
Ai )′ = A′i
[ [
(
i=1 i=1

Supposons maintenant A et B disjoints. Si z est un élément de A′ ∩ B ′ ,


alors il existe x ∈ M et y ∈ M tels que z ∈ Ax et z ∈ By. On a
nécessairement x = y puisque sinon,Gx et Gy seraient des orbites
distinctes, donc disjointes, et comme on a Ax ⊂ Gx et By ⊂ Gy, on
aurait Ax ∩ By = ∅, ce qui est absurde puisque z ∈ Ax ∩ By. Il existe
donc g ∈ A et h ∈ B tels que z = gx = hx, donc h−1 gx = x. Puisque
G opère librement, cela n’est possible que si g = h, mais alors on a une
contradiction avec A ∩ B = ∅.

8
Supposons cette fois-ci A et B congruents dans G. Alors il existe g ∈ G
tel que B = gA. Si z ∈ B ′ , il existe x ∈ M tel que z ∈ Bx et par
conséquent il existe k ∈ B tel que z = kx. Comme k est de la forme gh
où h ∈ A, on a z = kx = (gh)x = g(hx). Mais puisque hx ∈ Ax ⊂ A′ ,
on voit que z ∈ gA′ .
L’inclusion réciproque se montre facilement également, et on a donc
montré que si A et B sont congruents dans G, alors A′ et B ′ sont
congruents dans X.
Si A et B sont équidécomposables dans G, et si l’on se rappelle le fait
que cela signifie que A et B sont en quelque sorte « congruents par
morceaux », on voit d’après ce qui précède que A′ etB ′ sont équidécom-
posables dans X.
Si G est dédoublable, G est équidécomposable, séparément, à deux sous-
ensembles A et B tels que (A ∪ B) = G et A ∩ B = ∅. On a alors
A′ ∪ B ′ = G′ et A′ ∩ B ′ = ∅ et G′ est équidécomposable, séparément, à
A′ et à B ′ .
Il suffit alors de voir que G′ = x∈M Gx = X pour conclure que X est
S

dédoublable sous l’action de G.

Corollaire 1 (AC). Un groupe G qui contient un sous-groupe H dédoublable est


lui même dédoublable [19].

Corollaire 2 (AC). Un groupe G contenant deux éléments indépendants est dé-


doublable [19].

1.2.2 Théorème de Banach-Tarski


Il s’agit de montrer qu’il est possible de découper une boule de l’espace R3 en
un nombre fini de morceaux et de les réassembler pour obtenir deux boules qui
sont isométriques à la première. Nous allons donc prendre X = R3 et G = SO3
et nous rappelons que SO3 est le groupe spécial orthogonal de R3 , c’est-à-dire le
groupe des rotations de centre l’origine de R3 .

Théorème 1.2.2.1. Le groupe SO3 contient deux éléments indépendants [19].

Démonstration. [19]
Considérons l’angle θ = arccos( 35 ). Appelons alors r (resp. s) la rotation
d’angle θ autour de l’axe des z (resp. autour de l’axe des x). Considérons
maintenant une rotation w représentée par un mot réduit non vide par
rapport aux quatre « lettres » r, s, r−1 , s−1 .

9
Il s’agit de montrer que w ̸= 1 où 1 est l’identié de R3 . On obtient alors que r et s
sont indépendants 8 .

Ceci est garanti grace au choix de l’angle de rotation autour des deux axes.
arccos( 35 )
L’image d’un vecteur v de R3 n’est jamaix v puisque 2π
est irrationnel 9 donc
les rotations autour des deux axes ne donneront jamaix le vecteur de départ v
puisque il n’existe aucun entier p qui donne arccos( 35 ) × 2π = p [19].

r et s engendrent donc un groupe libre L qui est alors dédoublable.

Paradoxe de Hausdorff (AC). Dans la sphère unité S2 de l’espace, il existe un


ensemble dénombrable D tel que S2 \ D soit dédoublable sous l’action du groupe des
rotations SO3 ou sous celle du groupe des isométries [19]. 10

Démonstration. [19]
Il est évident que le groupe L défini plus haut opère dans S2 : si w ∈ L
et si x ∈ S2 , alors w(x) ∈ S2 . On voit également assez facilement que L
est dénombrable.

En effet, tout élément w de L est défini par un mot par rapport à quatre
lettres, et l’ensemble de tous ces mots est dénombrable.

Remarquons maintenant que tout élément w de L différent de 1 a deux


points fixes dans S2 : les points d’intersection de son axe avec S2 . Si on
désigne alors par D l’ensemble des points d’intersection de S2 avec les
axes de toutes les rotations w ∈ L, on obtient un ensemble dénombrable.
Il s’agit maintenant de montrer que L opère librement dans S2 \ D.

Pour cela, montrons que L opère dans S2 \ D, c’est-à-dire que si w ∈ L


et si x ∈ S2 \ D, alors w(x) ∈ S2 \ D. Raisonnons par l’absurde en
supposant que w(x) ∈ S2 . Par définition de D, w(x) serait alors sur l’axe
d’une rotation v ∈ L autre que 1. On aurait alors v(w(x)) = w(x), c’est-
à-dire (w−1 vw)(x) = x. Comme w−1 vw ∈ L, cette relation, qui exprime
que x est un point fixe de w−1 vw, n’est possible que si w−1 vw = 1 (sinon,
x serait un élément de D). On a donc vw = w d’où v = 1, ce qui est
absurde. Cela montré, il est évident que L opère librement sur S2 \ D.
8. La démonstration complète de ce théorème est fastidieuse et nous avons seulement besoin
de savoir qu’il faut faire le bon choix de l’angle θ. Le reste de la démonstration peut être consulté
dans la source souscrite en fin du mémoire.
9. La démonstration se fait dès que l’on ait recourt aux pôlynomes de Tchebychev.
10. Felix Hausdorff (1868-1942) - Mathématicien allemand.

10
D’après le théorème 1.2.1.7 page 8, l’ensemble S2 \D est donc dédoublable
sous l’action de L. Comme L opère aussi dans R3 , on peut dire aussi
que S2 \ D est dédoublable dans R3 sous l’action de groupes plus vastes
comme SO3 ou le groupe des isométries de R3 .

À ce niveau là, nous pouvons partager S2 \ D en deux parties complémentaires


A et B telles que chacune d’elles soit équidécomposable à S2 \ D. Le génie de
Banach et Tarski réside dans l’utilisation de la sphère S2 toute entière dans ce
résultat. Voyons donc comment l’ont-ils établi.

Théorème 1.2.2.2 (AC). La sphère toute entière est dédoublable sous l’action du
groupe SO3 [19].

Démonstration. [19]
En premier lieu, observons que S2 a la puissance du continu, alors que
D (un sous-ensemble dénombrable de S2 tel que S2 \ D soit dédoublable)
et −D (l’ensemble des points symétriques de ceux de D par rapport
à O l’origine de l’espace) sont dénombrables. Comme D ∪ (−D) est
dénombrable , il existe au moins un point de S2 n’appartenant pas à cet
ensemble. Cela signifie également que la droite d joignant O au point
de S2 en question ne rencontre pas l’ensemble D.

Considérons maintenant pour tout a ∈ R la rotation ra d’axe d et


d’angle a. Si x et y sont deux points de D, appelons A(x, y) l’ensemble
des « angles » a ∈ R tels que la rotation ra transforme x en y. Pour
qu’une telle rotation existe, il faut et il suffit que le plan perpendiculaire
à d passant par x passe aussi par y. Comme x ∈ D, x ne peut être sur
l’axe d et par suite le plan perpendiculaire en question coupe l’axe en
un point intérieur à la sphère. Si la rotation cherchée existe, elle est
unique et son angle est donné, à 2kπ près, par xwy. d

L’ensemble A(x, y) est donc ou vide ou infini dénombrable. En consé-


quence, la réunion A des A(x, y) quand x et y parcourent D est dénom-
brable.

Plus généralement, si n est un entier non nul, l’ensemble An des nombres


a tels que na ∈ A est aussi dénombrable. Il en est donc de même de
leur réunion.

11
Désignons alors par α un nombre réel n’appartenant pas à cette réunion
(on peut le faire, puisque R n’est pas dénombrable). Si r = rα, alors
les ensembles D et rn (D) sont disjoints pour tout entier n non nul. En
effet, s’il existait un point dans la réunion de ces deux ensembles, on
aurait y = rn (x) pour deux points x et y de D. Comme rn = rαn = rnα ,
cela voudrait dire que nα ∈ A(x, y), donc que α ∈ An , contrairement à
la définition de α.

Posons alors D = ∞
S
i=0 ri (D). Comme D ne rencontre aucun des en-
n
sembles r (D) pour n > 0, D ne rencontre pas leur réunion. Mais cette
réunion est égale à r(D), et on a donc :

S2 = (S2 \ D) ∪ D ∪ r(D),

où les trois ensembles sont deux à deux disjoints. D’où :

S2 \ D = (S2 \ D) ∪ r(D).

Comme r(D) est congruent à D, on voit que (S2 \ D) ∪ r(D) est équidé-
composable à (S2 \ D) ∪ D, c’est-à-dire que S2 \ D est équidécomposable
à S2 .

S2 \ D étant dédoublable, nous pouvons conclure que S2 est dédoublable.

Théorème 1.2.2.3 (AC). La boule unité de R3 privée de l’origine est un ensemble


dédoublable sous l’action du groupe SO3 des rotations de l’espace [19].
Démonstration. [19]
Appelons E cet ensemble.
A tout point x de la sphère S2 , associons le segment ]0, x], privé de
O, joignant O à x, et à tout ensemble A inclus dans S2 , associons
l’ensemble A∗ égal à la réunion des segments ]0, x] lorsque x parcourt
A.

On vérifie facilement que ( ni=1 Ai )∗ = ni=1 A∗i , que A∗ ∩ B ∗ = ∅ si


S S

A ∩ B = ∅ et que pour toute rotation g ∈ SO3 , on a B ∗ = g(A∗ ) si


B = g(A).

On en déduit facilement que si A et B sont des ensembles équidécompo-


sables dans S2 , A∗ et B ∗ sont des ensembles équidécomposables dans E
pour SO3 .

12
En conséquence, si A est une partie dédoublable de S2 , A∗ est une partie
dédoublable de E.

En particulier, puisque S2 est dédoublable, S2∗ est dédoublable. Il suffit


alors de voir que S2∗ = E pour achever la démonstration.

Nous atteignons donc le théorème objectif de la première partie du mémoire.

Théorème de Banach-Tarski (AC). La boule unité B de l’espace R3 est dédou-


blable sous l’action du groupe G3 des isométries de l’espace [19].

Démonstration. [19]
On sait déjà que E = B \ O est dédoublable pour SO3 , donc a for-
tiori pour G3 . Il reste donc à montrer que E et B sont des ensembles
équidécomposables sous l’action de G3 .

Considérons un axe d quelconque passant par O, une rotation r d’axe d


et d’ordre infini (d’angle 2πα, où α est irrationnel) et un point a ̸= O
de B situé dans le plan perpendiculaire en O à la droite d. Alors les
points a, r(a), r2 (a), . . . sont tous distincts et forment un ensemble
A inclus dans E tel que r(A) = A \ a. Partageons la boule unité en
trois ensembles deux à deux disjoints : E \ A, A et O. Remplaçons alors
A par r(A) et O par a. On obtient ainsi trois ensembles deux à deux
disjoints, congruents aux trois ensembles initiaux et dont la réunion est
E. Cela prouve que B ∼ E sous l’action du groupe G3 .

Or, d’après le théorème précédent, E est dédoublable sous l’action du


groupe SO3 des rotations de l’espace, mais il est évident que SO3 est un
sous-groupe de G3 et que G3 opère sur R3 , alors, E est dédoublable sous
l’action du groupe G3 . Par la propriété de transitivité, nous déduisons
alors que B est dédoublable sous l’action du groupe G3 .

Nous pouvons nous amuser donc à trouver d’autres formulations du théorème


pour accentuer encore plus son apparence paradoxale !

Corollaire 1 (AC). Il est possible de découper la boule unité en un nombre fini de


morceaux et de réassembler ces morceaux sans les déformer pour obtenir n boules
disjointes de rayon 1 [19].

13
Corollaire 2 (AC). Il est possible de découper une boule fermée quelconque en un
nombre fini de morceaux, puis de réassembler ces morceaux sans les déformer pour
obtenir soit deux boules fermées disjointes de même rayon, soit davantage [19].

Récapitulons, maintenant, pour mieux saisir le résultat : il s’agit de prendre


une sphère solide, la découper en un nombre fini de morceaux puis réarrager ces
morceaux pour avoir deux sphères identiques à la première (identiques car on a
obtenu chacune de ces deux nouvelles sphères par des isométries à partir de la
première sphère).
Et voilà, on a doublé notre sphère : on a créé de la matière grace aux mathé-
matiques ! Les maths ont toujours été précis et utiles dans les résultats qu’elles
fournissent pour l’homme. Voyons donc si c’est le cas encore une fois.

Dans la suite, nous allons examiner ce résultat en relation avec la réalité, en


évoquant principalement l’origine qui lui a donné naissance, une des notions les
plus contestées de l’histoire des mathématiques.

14
Chapitre 2

L’infini

Dans notre approche mathématique du sujet de la création de la matière, nous


avons fini par découvrir un théorème qui semble vraiment paradoxal, s’il s’agit
d’une application réelle ; à la rigueur, personne n’a été témoin d’un tel concept.
Mais, nous n’avons qu’à chercher encore pour savoir si cela s’applique réellement.
Et pour ce faire, il faut sans doute avoir plus de connaissance sur les notions qui
ont généré le théorème.
Nous sommes donc, principalement, en quête des outils mathématiques à l’origine
du résultat. Cependant, il s’avère qu’il y a une notion qui, a priori, semble la clé de
notre objectif, cette notion n’est autre que l’infini.

2.1 Approche générale


Nous commençons cette partie par différentes défintions de l’infini qui nous
permetteront de saisir la grandeur de la notion.

2.1.1 Infini potentiel


L’homme, lors de son enfance, se met à compter en commençant par « un »,
cependant, il ne sait jamaix quand est ce qu’il doit s’arrêter. Il se pose toujours
la question mais, il finit par saisir qu’il peut toujours ajouter « un » au nombre
où il est arrivé, il peut encore ajouter un autre « un » et ainsi répéter la même
opération sans arrêt. [18]
Cette répétition sans limitation conduit à l’intuition première d’un
indéfini sans fin : c’est l’infini potentiel, faculté d’aller toujours un peu
plus loin. Il est naturellement lié à la notion de successeur d’un entier
naturel : 1, 2, 3, . . . À un nombre succède toujours un autre nombre, et
il n’en existe pas de dernier, car ce dernier nombre a un successeur.

15
C’est le principe de la récurrence, processus fondamental générateur de
l’infini potentiel.

2.1.2 Évolution de l’infini


L’infini est une notion qui a intrigué tout le monde et qui a été un centre
d’intérêt dans différnets domaines : la philosophie, la théologie 1 , l’art et l’éthique
ainsi que les sciences de la nature [18].
Nous cherchons donc, à savoir comment l’infini a-t-il concerné l’humanité à
travers les siècles : [18]
Chez Aristote, le mot « infini » était associé à l’expression de l’imper-
fection. À sa suite, les scientifiques (et plus encore les philosophes et
les théologiens) ont fait preuve, au cours des siècles, d’une résistance
acharnée à l’idée d’infini actuel 2 , au-delà de toute position rationnelle.
Les premiers pères de l’Église chrétienne, les néoplatoniciens 3 et les
scolastiques 4 le considéreront d’abord comme attribut de Dieu.
Il s’acheminera ensuite de la théologie vers les mathématiques et la
philosophie de la nature, s’exprimant à propos de la géométrie perspective
(XVe siècle), des infiniment grands de la cosmologie 5 (XVIIe siècle) et
des infinitésmaux (XVIIe et XVIIIe siècles). Les infinis deviendront ainsi
concevables avant d’être proprement fondés et classés, cette dernière
étape relevant des mathématiques et de la logique et occupant les deux
siècles qui nous précèdent.
Ayant révélé plus ou moins l’infini dans plusieurs formes tout au long de son
histoire, nous cherchons ensuite à l’aborder du point de vue le plus intéressant pour
nous, qui n’est autre que le point de vue mathématique.

2.1.3 Infini en mathématiques


L’infini en mathématiques est abordé presque dans tout ce qu’on manipule
et c’est vraiment la clé et l’issue pour plusieurs problèmes ; aborder cette notion
1. La théologie est un ensemble de champs disciplinaires qui concernent d’une manière ou
d’une autre l’idée de Dieu ou de divin.
2. L’infini actuel est la considération d’un ensemble infini comme un tout. L’ensemble des
entiers, par exemple. On y est très habitué, mais c’est une notion refusée par les philosophes
grecs.
3. Doctrine philosophique mêlant le mystique et le système platonicien.
4. La scolastique est la philosophie développée et enseignée au Moyen Âge dans les universités :
elle vise à concilier l’apport de la philosophie grecque avec la théologie chrétienne héritée des
Pères de l’Église.
5. La cosmologie est la branche de l’astrophysique qui étudie l’origine, la nature, la structure
et l’évolution de l’Univers.

16
mathématiquement permettrait éventuellement à l’homme de se familiariser davan-
tage avec l’univers, néanmoins on peut sentir que les sciences physiques essayent
toujours d’éviter le moindre contact [18]. [16]
Tandis que le physicien cherche généralement à évacuer l’infini de
ses théories, toutes les mathématiques sont arc-boutées sur ce concept.
Celui-ci se rapporte en effet à la notion de nombre et à celle d’ensemble.
Existe-t-il un nombre que l’on puisse associer à la notion d’infini ?
Existe-t-il des ensembles contenant un nombre infini d’éléments ? Nous
formulons ici ces questions d’une manière quelque peu naïve car nul n’est
capable de dire vraiment ce que veut dire « exister » en mathématiques :
les nombres existent-ils en dehors de nous, dans un autre niveau de
réalité ? Toujours est-il que les infinis sont source de paradoxes 6 qui ont
empêché pendant deux mille ans la constitution d’une théorie permettant
leur manipulation.

L’omniprésence de l’infini en mathématiques est étonnante, car l’Homme


est un être fini, limité, embarqué sur une planète limitée et finie. Pour-
tant, cet être fini examine l’infini et en joue, au point que l’infini lui
est indispensable pour appréhender le fini. Un exemple immédiat est
le calcul du nombre π 7 , rapport entre la circonférence d’un cercle et
son diamètre. Il s’agit d’une longueur finie, mais son expression est un
nombre comportant une infinité de décimales. Pour calculer ce nombre
(Archimède 8 l’avait déjà tenté), il faut utiliser un processus infini.
C’est le mathématicien Bernard Bolzano 9 qui, au début du XIXe siècle,
a proposé pour la première fois pour l’infini un statut équivalent à
celui du fini. À la fin du même siècle, les travaux de Georg Cantor 10 ,
aujourd’hui considérés comme à l’origine des mathématiques modernes,
furent rejetés avec horreur par les scientifiques ; Georg Cantor se battit
seul, jusqu’à en perdre la raison.
L’infini potentiel nous tentait de déclarer simplement les nombres entiers en
nombre infini. Mais, même s’il donne l’impression que la suite est infinie, il s’agissait
d’un infini potentiel. Néanmois, ne pouvons-nous pas chercher une notion encore
plus expressive ? [18]
6. Nous en verrons quelques uns par la suite.
7. Les irrationnels seront abordé par la suite dans le mémoire.
8. Archimède de Syracuse (287-212 av. J.-C.) - Grand scientifique grec de Sicile (Grande-Grèce)
de l’Antiquité, physicien, mathématicien et ingénieur.
9. Bernard Bolzano (1781–1848) - Mathématicien, logicien, philosophe et théologien tchéque.
10. Georg Cantor (1845-1918) - Mathématicien allemand.

17
Pouvons-nous être plus précis ? Pouvons-nous parler du nombre de tous
les entiers, et le manipuler ? Saint Augustin 11 accordait cette faculté
à Dieu et à lui seul : « L’intelligence divine est capable d’embrasser
toute infinité et de dénombrer les êtres innombrables sans énumération
mentale ». Après lui, un long processus aboutira à une « actualisation »
de cet infini potentiel : la théorie des ensembles et les travaux de Cantor
au XIXe siècle permettront de définir l’infini actuel qui consiste à
accepter et à travailler avec une infinité d’objets, de nombres considérés
comme disponibles en même temps, ou plutôt les infinis cardinaux.

Nous avons bien constaté, après cette histoire de l’infini, qu’il a été, à travers les
siècles, un sujet très délicat à traiter. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’homme
est un être fini, donc comprendre ce qui est au delà de lui n’est pas une tâche facile
à accomplir. Du coup, il est évident que le « cursus » de cette notion regorge de
différences et de difficultés.
Voyons alors des preuves que cette notion est vraiment extraordinaire ; et ce,
par le biais des surprises qu’elle nous a offertes.

2.2 Quelques surprises de l’infini


2.2.1 Les irrationnels
Au VIe siècle, en Grèce, les mathématiciens croyaient qu’il était possible d’asso-
cier un nombre rationnel (rapport de deux entiers) à n’importe quelle grandeur
physique ou géométrique. Cependant, ils se sont trouvés face à des situations où il
n’y avait pas de moyen pour utiliser des rationnels uniquement. Par exemple, [16]
on peut élever un nombre au carré en le multipliant par lui-même.
L’opération inverse consiste à prendre la racine carrée. Or, aucun
rationnel n’est la racine carrée de 2 ; pourtant la longueur de la diagonale

d’un carré de côté 1 doit bien avoir cette valeur, que l’on note 2. De
même, si l’on calcule exactement le périmètre d’un champ carré√de
superficie 2 km2 , par exemple pour acheter une clôture, on trouve 4 2.
Ce nombre est également irrationnel.
En fait, tout nombre irrationnel combiné avec un rationnel par les
opérations d’addition, soustraction, multiplication et division est lui-
même irrationnel.
Ces nombres s’utilisent très fréquemment dans la pratique et « ils s’avèrent
aussi indispensables que les entiers ou les rationnels » [16].
11. Saint Augustin (354-430) - Philosophe et théologien chrétien romain.

18
Voyons, alors, d’où est-ce qu’il va nous surgir l’infini dans l’affaire de ces
nombres : [16]
En langage moderne, tout nombre peut s’écrire sous forme décimale.
L’écriture d’un nombre irrationnel exige de spécifier la suite de toutes
ses décimales. Or, cette suite se distingue précisément par son caractère
infini : si elle était finie (ou infinie mais périodique), cela prouverait
que l’on peut écrire le nombre en question sous forme du rapport de
deux nombres entiers : ce serait un rationnel.
Cette spécificité ne tient pas du caractère décimal de l’écriture, mais
traduit le fait que ces nombres sont vraiment conçus comme le résultat
d’un processus infini. Supposons que l’on veuille simplement vérifier si
deux nombres irrationnels sont égaux : cela exige de comparer toutes
les décimales une à une, donc un nombre infini d’opérations. Tout
calcul numérique à partir de nombres irrationnels implique une infinité
d’opérations. Ils sont, d’une certaine manière, à la fois finis et infinis,
selon le point de vue dont on les considère (d’une autre manière, un
segment de droite est fini du point de vue de sa longueur, infini du point
de vue de l’ensemble de ses points).
Malgré que l’infini nous a servi pour définir les nombres irrationnels, nous les
manipulons de nos jours comme parfaitement finis [16].

2.2.2 Le paradoxe de la réflexivité


Le fait de voir l’infini comme caractéristique de la taille des ensembles qui ne
sont pas finis, nous a aidé en quelque sorte pour mieux saisir le caractère paradoxale
des paradoxes de l’infini. Cependant Bolzano avait une autre opinion Il énonce que
« les propriétés considérées comme paradoxales doivent être utilisées pour définir
l’infini » [17], ainsi, [17]
il propose d’utiliser la propriété apparemment la plus paradoxale, celle
de la réflexivité, comme la caractéristique des totalités infinies (ce qui
revient à abandonner, pour les totalités infinies, le principe du tout et
de la partie). Un argument, utilisé jadis pour réfuter l’infini, devient
ainsi la propriété définissant les ensembles infinis !

La solution du paradoxe de la réflexivité est rendue parfaitement claire


par le fait que la relation ensembliste « est contenu dans » ne doit pas
être confondue avec la relation « avoir une taille plus petite que ». Les
nombres carrés sont contenus dans les nombres entiers, mais en tant
que totalité, ils ont la même taille. Il est bien vrai que si l’ensemble Aest
contenu dans l’ensemble B, alors la taille de A ne peut être supérieure

19
à celle de B, mais si A et B sont infinis, leurs tailles peuvent être
égales. . .Dans ces conditions, c’est alors le fini qui est défini de manière
privative, par le fait qu’il ne possède pas cette propriété de réflexivité.
Voyons maintenant un exemple qui représente bien ce paradoxe, c’est celui de
l’hôtel de Hilbert 12 . Il s’agit d’un hôtel infini dont les chambres sont numérotées
par les entiers 1, 2, 3, . . ., qui est complet pour la nuit (un client occupe chaque
chambre). Arrive un client, « Pas de problème », lui répond le responsable de
l’accueil, « Installez-vous dans la chambre 1. Je demanderai au client de la chambre
1 de passer dans la chambre 2, à celui de la chambre 2 de passer dans la chambre 3,
etc ». Ainsi, le client de la chambre n passe en n + 1. Donc, le nouveau client a pu
être reçu. C’est exactement la modélisation de N∗ ⊊ N et de la bijection entre les
deux (alors ils ont la même taille). Ce paradoxe a été illustré dans la démonstration
du théorème de Banach-Tarski, dans la section 1.2.2 page 13, par la rotation r qui
s’applique à l’ensemble A pour que chaque point de rang n prend la place du point
de rang n + 1. C’est une très bonne illustration du paradoxe de la réflexivité [12].
Ce paradoxe fait appel à la fascinante définition de l’infini : « un ensemble est
infini s’il est en bijection avec un de ses sous-ensembles » [2].

2.2.3 Plusieurs infinis et hypothèse du continu


Parlons maintenant d’une autre idée fondamentale : celle qu’il y a non pas
un seul mais plusieurs infinis. Bolzano considère la multiplicité comme condition
d’existence de l’infini [17].
Les ensembles dénombrables constituent la catégorie la plus familiaire de l’infini.
Un ensemble est dit dénombrable s’il est en bijection avec l’ensemble N des entiers
naturels 13 . « L’argument diagonal 14 permet de montrer que l’ensemble R des réels
(le continu) n’est pas dénombrable, donc que son cardinal est strictement supérieur
au cardinal du dénombrable. Se pose, alors, le problème de l’existence de cardinaux
intermédiaires entre celui de N et celui de R » [7].
Deux situations sont envisageables : soit il n’y a pas d’autres tailles infinies
entre N et R, ce qui est équivalent à dire que tout sous-ensemble infini de R peut
être mis en bijection avec N ou avec R ; soit il y en a d’autres et alors il faudrait
savoir combien et comment nous les obtenons.
Mais, « Cantor faisait l’hypothèse qu’il n’en existe pas, et c’est ce que l’on
appelle hypothèse du continu » [7].
12. David Hilbert (1862-1943) - Mathématicien allemand.
13. Ceci a déjà été défini auparavant.
14. En mathématiques, l’argument de la diagonale, ou argument diagonal, fut inventé par le
mathématicien allemand Georg Cantor et publié en 1891. Il permit à ce dernier de donner une
deuxième démonstration de la non-dénombrabilité de l’ensemble des nombres réels.

20
Incontestablement, l’infini réside derrière de nombreux faits réels et fascinants et,
bien sûr, il est impossible de recouvrir tout son étendu sur toutes les mathématiques
car les surprises sont très nombreuses : la trompette de Gabriel, le paradoxe du
Dartboard, . . . [20]

Avec la confusion qui tourne autour du théorème de Banach-Tarksi, nous voulons


confirmer si nous sommes finalement face à une autre surprise fascinante de l’infini.
Attaquons donc l’aspect réel 15 de ce résultat.

2.3 Incompatibilité avec la physique


Les maths ont toujours constitué un outil génial et indispensable à la physique
dans divers problèmes de notre vie. Arrivons maintenant dans ce mémoire, au point
où nous allons savoir si le théorème de Banach-Tarski serait un point d’intersection
des deux domaines ou encore serait-il un point pour leur divergence ?

2.3.1 Mesurabilité
Commençons par avoir une idée générale sur la notion de la mesurabilité,
puisqu’elle va nous servir pour répondre à notre question. [9]

En mathématiques, une mesure positive (ou simplement mesure quand


il n’y a pas de risque de confusion) est une fonction qui associe une
grandeur numérique à certains sous-ensembles d’un ensemble donné. Il
s’agit d’un important concept en analyse et en théorie des probabilités.
Intuitivement, la mesure d’un ensemble ou sous-ensemble est similaire
à la notion de taille, ou de cardinal pour les ensembles discrets. Dans
ce sens, la mesure est une généralisation des concepts de longueur, aire
ou volume dans des espaces de dimension 1, 2 ou 3 respectivement.
L’étude des espaces munis de mesures est l’objet de la théorie de la
mesure.

Définition. Soit (X, A) un espace mesurable, c’est-à-dire, un couple (X, A), où


X est un ensemble et A est une tribu sur X. Une application µ définie sur A à
valeurs dans [0, +∞] est appelée mesure lorsque les deux propriétés suivantes sont
satisfaites :
L’ensemble vide a une mesure nulle, autrement dit, µ (∅) = 0.
15. Réalité éventuelle.

21
L’application µ est σ-additive, c’est-à-dire que, si E1 , E2 , . . . est une famille
dénombrable de parties de! X appartenant à A et si ces parties sont deux à deux

G ∞
X
disjointes alors, µ Ek = µ(Ek ) [14].
k=1 k=1

La théorie de mesure est une généralisation d’un concept simple [9], faisant
l’objet de ce que nous voulons aborder : la taille. En mathématiques on parle de
taille ou plutôt de « mesure de Lesbesgue 16 » qui formalise la notion de distance
dans un espace de dimension un (1D), d’aire en deux dimensions (2D) et de volume
en trois dimensions (3D). Pour cette mesure, presque tout ce qu’on manipule sent
intuitif puisqu’il traduit une réalité [21].
Remarque. La mesure de Lesbesgue d’un ensemble dénombrable est nulle [14].

Puisque nous cherchons à nous approcher de la physique, la mesure qui sera


utilisée dans la suite est la mesure de Lebesgue notée µ, de la même façon pour R2
que pour R3 .

2.3.2 Effet de l’axiome du choix


Pour savoir le rôle primordial de l’axiome du choix dans le théorème de Banach-
Tarski ainsi que pour répondre à notre question, abordons tout d’abord un résultat
important : l’ensemble de Vitali 17 , qui va nous aider à saisir le poids de l’axiome
du choix.

L’ensemble de Vitali a été construit comme exemple d’ensemble non mesurable


dans R. Vitali a défini tout d’abord sur [0, 1] la relation d’équivalence suivante
(vérification facile) :
xT y ⇔ ∃ q ∈ Q / x − y = q.
Les classes d’équivalence modulo T sont en nombre infini non dénombrable car
sinon [0, 1] serait dénombrable. En effet, si on considère x quelconque dans [0, 1],
soit Bx sa classe d’équivalence. On a pour tout y dans Bx , x − y serait dans Q,
donc :
Bx ⊂ {x + p / p ∈ Q} := B x
Il est clair que B x est en bijection avec Q donc B x est dénombrable, ainsi Bx est
au plus dénombrable.
Si on avait un nombre au plus dénombrable de classes d’équivalence, l’union de
ces classes, qui est [0, 1], serait dénombrable, ce qui est absurde.
16. Henri-Léon Lebesgue (1875-1941) - Mathématicien français.
17. Giuseppe Vitali (1875-1932) - Mathématicien italien.

22
L’ensemble de Vitali V se construit par choisir un représentant de chacun de
ces classes d’équivalence, ceci n’est possible que si l’on admet l’axiome du choix.
Vitali montre par un procédé simple (non abordé dans ce mémoire 18 ) que V est
non mesurable [11]. Et d’ailleurs cet ensemble est l’ensemble le plus commun des
ensembles non mesurables, il existe bien sûr d’autres, mais on a presque toujours
besoin de l’axiome du choix pour les construire [21].
Comme on l’a déjà dit dans le paragraphe 1.1.1 page 4, l’axiome du choix n’est
pas nécessaire quand l’ensemble (ici [0, 1]) est fini, ce qui n’est pas le cas.
C’est pour cela que nous avons dû parler profondément de l’infini puisque
cette notion, conjuguée avec l’axiome fascinant du choix, a générée des ensembles
non mesurables. C’est exactement ce que nous avons dans le cas du théorème de
Banach-Tarski.

Dans la démonstration du Paradoxe de Hausdorff, dans la section 1.2.2 page 10,


le groupe L forme des classes d’équivalence modulo R (relation intoduite dans
la définition 1.1.5.8 page 7) dans S2 \ D. L’application de l’axiome du choix sur
S2 \ D (Voir théorème 1.2.1.7 page 8) en le considérant comme union de ses classes
d’équivalence (qui sont également en nombre infini non dénombrable 19 20 ), donne
l’ensemble M qui est analogue à l’ensemble V de Vitali 21 , non mesurable. De plus,
l’ensemble Ax est dénombrable car A est une partie de L qui est dénombrable
ainsi si A′ = x∈M Ax. Ainsi, si on considère A et B deux ensembles non vides qui
S

forment une partition de L, alors, on obtient : A′ = x∈M Ax et B ′ = x∈M Bx


S S

deux ensembles non vides qui forment une partition de S2 \ D avec (S2 \ D) ∼ A′
et (S2 \ D) ∼ B ′ .
Cependant, de la définition de A′ qui est une union sur M , on peut montrer
que A′ est non mesurable. En effet, l’union sur un ensemble infini non dénombrable
peut devenir une intégrale donc on a :
Z
A′ = Ax dµ(x)
M

On pose :
M −→ S2 \ D


f:


x 7−→ Ax

18. La démonstration de la non mesurabilité de V est très bien détaillé dans la vidéo, source de
ce paragraphe ; nous citons seulement les éléments qui nous serons utiles.
19. Sinon, M serait mesurable ce qui n’est pas le cas.
20. Il ne faut pas oublier que c’est la clé du réslutat de non mesurabilité : l’infini.
21. Ici, on n’explique pas exactement comment cela est obtenu mais on fait simplement l’analogie
avec l’ensemble de Vitali pour savoir le rôle de l’axiome du choix dans la construction des ensembles
non mesruarables.

23
La défintion de f donne A′ = M f (x) dµ(x), or f est une fonction non mesurable
R

puisque M est non mesurable, alors l’intégrale définissante de A′ n’existe pas.


Par une définition analogue d’une fonction g qui calcule la mesure de A′ , g serait
également non mesurable pour la même raison et donc A′ serait non mesurable
[19].

On a maintenant (S2 \ D) ∼ A′ et (S2 \ D) ∼ B ′ avec A′ et B ′ non mesurables.


Le passage de S2 \ D vers S2 n’influe pas la mesure puisqu’elle néglige les ensembles
dénombrables. Puis, le passage à la boule unité B de l’espace R3 sera aussi sans
influence sur la non mesurabilité des morceaux (qui forment la partition de B et
qui sont équidécomposables avec B) puisqu’on passe par la bijection qui à x associe
le segment ]0, x] (voir démonstration du théorème 1.2.2.3 page 12).
C’est-à-dire, les deux boules de matière qu’on avait créées à partir de la première
boule n’auraient pas de volume !

Nous avons vu donc que, pour construire un ensemble non mesurable, nous avons
eu besoin de l’axiome du choix, qui forme, à partir d’une collection d’ensembles, un
nouvel ensemble par le choix d’un élément de chaque ensemble de la collection 22 .
Cependant, ce qui peut vraiment être gênant, c’est le fait qu’on ne sait pas quel
élément est choisi de chaque ensemble. C’est la magie de l’axiome : simple mais
complexe et à conséquences étonnantes [21].

Le théorème de Banach-Tarski, est-il applicable réellement ? Cela peut, à priori


[22], être nié car ce résultat implique que les morceaux qui en résultent soient sans
volume alors que physiquement on peut associer un volume à tout objet de l’espace.
Donc le problème peut être par exemple dans l’inexistence de precessus qui nous
donne des objets sans mesure.

Ce « paradoxe », comme on peut le qualifier maintenant, et d’ailleurs comme


il est autrement connu, peut vraiment susciter l’anxiété du lecteur mais c’est
totalement normal puisqu’il est hors du domaine de nos intuitions physiques [22].
Cependant il faut avouer que, sans doute, ce théorème élargit amplement notre
esprit d’imagination et d’intuition mathématiques.

Nous voyons ainsi qu’il y a une incompatibilité avec la physique dûe, entre
autres, à l’infini et à l’axiome du choix. On peut aussi voir que l’infini pose encore
un autre problème, celui de l’incompatiblité avec le caractère fini de la matière. En
effet, on est en train de manipuler, dans la démonstration du théorème de Banach,
dans la section 1.2.2 page 13, un ensemble infini de points A en lui appliquant
une rotation r pour « vider » la place du premier point construit a, mais, on ne
22. Ceci a été déjà dit au début du mémoire.

24
peut pas parler d’un nombre infini de points physiques puisque la matière qu’on
manipule, là où on a l’accès, est finie 23 .
Même sur le plan pratique, il semble presque impossible de l’appliquer dans le
monde réel, où les mesures ne peuvent être que si petites et où il n’y a qu’un temps
limité pour arriver à manipuler un nombre infini de points [22].

Ceci dit, certains scientifiques pensent que cela peut être physiquement valide.
En effet, il y a eu un certain nombre d’arctiles publiés, suggérant un lien entre le
paradoxe et la façon dont de miniscules particules subatomiques 24 peuvent entrer
en collision à des énergies élevées et se tranformer en plus de particules 25 [22] [4].

23. Nous citerons brièvement cet aspect qui, à priori, constitue un vrai problème et reste une
autre piste de recherche.
24. Une particule subatomique est un composant de la matière ; elle a une taille inférieure à
celle d’un atome et on peut citer les protons et les éléctrons comme exemples.
25. Cela peut être le début d’une nouvelle recherche dans le même but du mémoire, celui de la
création de la matière : la création d’un nombre supplémentaire de particules est exactement ce
qu’on cherche.

25
Conclusion

L’objectif de notre travail consistait à la recherche d’un processus de création


de la matière et nous avons abordé une approche mathématique du problème.
En choisissant cette approche, ceci nous rappelle implicitement que les mathé-
matiques ont, pour des siècles, servi pour résoudre différents problèmes de la vie,
et d’ailleurs c’est ce que nous cherchons à réincarner.

Nous avons donc commencé par le théorème de Banach-Tarski, un théorème


qui démontre que nous pouvons découper une boule fermée en un nombre fini
de morceaux et de les réassembler pour former deux boules fermées disjointes et
identiques à la première. À première vue, ce théorème satisfait parfaitement ce que
nous voulons trouver. Il s’agit d’une création de la matière à partir du rien, si nous
considérons, bien sûr, que la matière est équivalente ici aux points géométriques de
l’espace. Mais, il s’est avéré qu’il faut bien faire attention à ce point particulier car
la démonstration est basée sur l’axiome du choix et la notion de l’infini.

En arrivant, ainsi, à la notion de l’infini, nous découvrons qu’elle n’est pas


aussi donnée et aussi évidente qu’elle puisse nous paraître ; et la preuve qu’elle a
constitué un sujet qui a évolué à travers les années. En fait, les mathématiciens
l’ont définie de plusieurs façons et d’autres l’ont même assimilé à une référence
divine. De plus, non seulement, l’infini a-t-il été difficile pour être assimilé, mais il
nous a surpris à plusieurs reprises par divers paradoxes et plusieurs phénomènes. À
titre indicatif, nous avons pu découvert que l’infini réside dans des objets que nous
manipulons très fréquemment tels que les irrationnels.

Dans notre cas, l’infini a constitué également l’origine du problème majeur


dans l’application du théorème dans la réalité. Conjugué avec l’axiome du choix,
ce dernier a généré des ensembles non mesurables, ce qui n’a pas de sens dans la
pratique.
Nous arrivons ainsi à une conclusion qui reste temporaire : le théorème de
Banach-Tarski ne peut pas s’appliquer dans la réalité, pour le moment . . .

Nous sommes maintenant face à un résultat paradoxal qui ne peut pas nous
servir et d’ailleurs, les mathématiques ont toujours généré des choses non applicables

26
dans la réalité. Quitte à considérer les axiomes d’une théorie valable réellement,
prendre l’opposé de l’un de ces axiomes, nous aurions immédiatement un nouveau
monde qui génère des théorèmes et des résultats totalement inutiles dans le monde
réel 26 .
Bien qu’ils puissent être sans application, ces résultats restent valables mathé-
matiquement puisqu’ils découlent, par des démonstrations correctes, d’un ensemble
cohérent d’axiomes. D’ailleurs, certains mathématiciens font ceci juste pour s’amuser
et vivre le plaisir des mathématiques.

Or est-il toujours le cas ? Ne pouvions-nous pas découvrir un jour des applications


réelles ?
Cette question aura immédiatement une réponse lorsqu’on évoque par exemple
la géométrie Riemanienne.

La géométrie riemannienne « est une branche de la géométrie différentielle


nommée en l’honneur du mathématicien Bernhard Riemann 27 , qui introduisit les
concepts fondateurs de variété géométrique et de courbure » [10].
Au XIXe siècle, en explorant les mathématiques à sa propre manière, Riemann
s’étant specialisé dans le formalisme des géométries courbes, non euclidiennes 28 ,
a fini par générer toute une nouvelle géométrie, une extension de la géométie la
plus intuitive, celle d’Euclide 29 [15]. Il s’agit de surfaces ou d’objets de plus grande
dimension sur lesquels existent des notions d’angle et de longueur, généralisant la
géométrie traditionnelle qui se limitait à l’espace euclidien. [10].

Mais « Riemann créa ce concept sans référence à son intuition ni à la nature »


[15]. Du coup, personne ne le suivit, à son époque, car c’était une construction
abstraite ; raison pour laquelle, « aux yeux de ses lecteurs, sa théorie ressemblait
plus a une « curiosité mathématique » qu’à la réalité » [15]. En d’autres termes, il
le faisait pour le plaisir des maths et de la recherche !

« Cette conception prémonitoire de la géométrie courbe ne sera correctement


interprétée qu’en 1915. Inconsciemment, Riemann préparait la théorie d’Einstein 30 ,
posant les jalons d’un espace dynamique qui pouvait interagir avec le champ
26. Ceci a été vu dans le cours de « Histoire des sciences » en 1ère année MIndS pendant le
premier semestre de l’année universitaire 2021/2022 à l’ENIT.
27. Georg Friedrich Bernhard Riemann (1826-1866) - Mathématicien allemand.
28. La géomérie euclidienne est la géométrie qui est intimement liée à la vision de l’espace
physique ambiant au sens classique du terme.
29. Euclide, dit parfois « Euclide d’Alexandrie » (a vécu vers 300 av. J.-C.) - Mathématicien de
la Grèce antique, auteur d’un traité de mathématiques, qui constitue l’un des textes fondateurs
de cette discipline en Occident.
30. Albert Einstein (1879-1955) - Physicien théoricien allemend puis suisse puis amérciain, l’un
des savants les plus connus du XXe siècle.

27
électromagnétique » et qui constitue une notion qui demeure l’un des principes
fondamentaux de la théorie de la relativité 31 [15]. Mais, malheureusement pour lui,
il s’est limité à une notion abstraite et symbolique [15].

Si on veut étendre nos perceptions, nous trouverons que l’histoire regorge


d’autres exemples de concepts mathématiques développés dans l’abstrait, dont nous
pensions qu’ils ne s’appliqueraient jamais au monde réel pendant des années, des
décennies, des siècles ; jusqu’à ce que la science les rattrape et réalise qu’ils étaient
totalement applicables et utiles [22].

Alors, Banach et Tarski, seraient-ils un jour à la place de Riemann, préparant


la base mathématique « abstraite » à une nouvelle théorie des sciences physiques ?
Les mathématiciens, les scientifiques et les philosophes sont encore à la recherche
d’une réponse rigide et déterminante pour cette question [22]. Mais, supposons
qu’on a réussi un jour à appliquer leur théorème dans la vie.

Quel processus adopterait l’humanité pour le faire ? Où est-ce qu’on serait


capable de le faire ? Serait-il sur la planète terre ou ailleurs ?
Serait-il applicable sur des objets comestibles ? Si oui, l’humanité aurait-elle
donc anéanti le concept de la famine ? Ou bien, serait-il une nouvelle méthode pour
le clônage ? À ce moment là, parlerait on d’un débat éthique ?
Si cela serait possible sous quelles conditions le serait-il ? Quelle serait la notion
d’un ensemble non mesurable physiquement ?
Quant à l’infini et l’axiome du choix, ils seraient sans doute les rois dans toutes
ces histoires, qu’elles se réalisent ou pas.

31. La fameuse théorie d’Einstein.

28
Bibliographie

[1] Matière. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales https://www.


cnrtl.fr/definition/matière, 2012.
[2] Auteur anonyme. Cours : Autour de la dénombrabilité - université de bour-
gogne, département de mathématiques. http://couture.perso.math.cnrs.
fr/L3-Integration/Denombrable.pdf.
[3] Dominique Arlettaz. D’où viennent les maths ? comment ont-elles évolué ?
RTS Découverte, 2018.
[4] BW Augenstein. Hadron physics and transfinite set theory. International
journal of theoretical physics, 23(12) :1197–1205, 1984.
[5] Xavier Caruso. L’axiome du choix. Xavier Caruso-Le coin lecture Articles et
sujets de réflexion, Mars 2002.
[6] Travail collectif. Axiome du choix. Wikipédia L’encyclopédie libre https:
//fr.wikipedia.org/wiki/Axiome_du_choix, 2021.
[7] Travail collectif. Hypothèse du continu. Wikipédia L’encyclopédie libre
https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypothèse_du_continu, 2021.
[8] Travail collectif. Mathématiques pures. Wikipédia L’encyclopédie libre https:
//fr.wikipedia.org/wiki/Mathématiques_pures, 2021.
[9] Travail collectif. Mesure(mathématiques). Wikipédia L’encyclopédie libre
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mesure_(mathématiques), 2021.
[10] Travail collectif. Géométrie riemannienne. Wikipédia L’encyclopédie libre
https://fr.wikipedia.org/wiki/Géométrie_riemannienne, 2022.
[11] Dedekind cuts. A taste of abstract mathematics - vitali set. Youtube https:
//www.youtube.com/watch?v=ameugr-wjeI, 2020.
[12] Jean-Paul Delahaye. Exemple de paradoxe infini : l’hôtel de hilbert. Dossier -
L’infini est-il paradoxal en mathématiques ?, 2017.
[13] Free Documentary. Most dangerous ways to school | oimjakon (russia) | free
documentary. Youtube https://www.youtube.com/watch?v=5HXXJg4vDF8&
t=112s, 2015.

29
[14] Radhia Bessi et Moncef Mahjoub. Cours : Mathématiques pour l’ingénieur 1,
2017.
[15] Thierry Lombry. La théorie de la relativité - la géométrie non-euclidienne.
Luxiorion, 2019.
[16] Jean-Pierre Luminet. Les nombres sont-ils infinis ? Dossier - L’infini : mystères
et limites de l’Univers, 2020.
[17] Jean-Pierre Luminet. Les paradoxes de l’infini. Dossier - L’infini : mystères
et limites de l’Univers, 2020.
[18] Jean-Pierre Luminet. Qu’est ce que l’infini ? Dossier - L’infini : mystères et
limites de l’Univers, 2020.
[19] Jonathan Muller. Le paradoxe de Banach-Tarski. PhD thesis, Université Louis
Pasteur Strasbourg, Septembre 2007.
[20] Numberphile. Infinity paradoxes - numberphile. Youtube https://www.
youtube.com/watch?v=dDl7g_2x74Q, 2013.
[21] PBS Infinite Series. How the axiom of choice gives sizeless sets | infinite series.
Youtube https://www.youtube.com/watch?v=hcRZadc5KpI, 2017.
[22] Vsauce. The banach–tarski paradox. Youtube https://www.youtube.com/
watch?v=s86-Z-CbaHA, 2015.

30

Vous aimerez peut-être aussi