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Le don d’organes

Certains chrétiens se demandent si le don d’organes est une bonne chose. C’est une question
réellement délicate qui demande de longs développements de nombreuses distinctions, et de
nombreuses définitions. Je donnerai une conclusion laconique, et qui anticipe sur mon analyse, je
conclue que le don d’organe n’est pas bon, car il est imprudent et il ne se fonde pas sur la sagesse
chrétienne. A présent je vais m’efforcer d’expliciter dans la mesure du possible les motifs de cette
prise de position. Tout d’abord, définissons ce dont on parle. S’agit-il de faire un don anonyme, d’une
partie de son corps considéré comme un objet dont l’on n’a plus l’usage soi-même et dont on va
ordonner ou permettre le découpage irrespectueux, comme un vulgaire morceau de viande, par des
hommes peu soucieux de morale? Ou alors s’agit-il d’un acte de charité en vue de venir en aide à son
prochain, dans un ultime acte d’amour, dans le respect du corps du défunt entouré de tous les soins et
de toutes les attentions dues au corps qui fut notre demeure pendant notre vie, et qui ressuscitera au
jugement dernier. Il n’est pas du tout évident que l’on puisse ainsi avec autant d’aisance qu’on le
pense faire don d’une partie de soi. S’il y a un don exceptionnel d’un organe à un frère mourant, c’est
une chose qui se conçoit, mais il s’agit d’un cas limite, et l’on se sert de ce cas limite pour organiser
tout un marché d’échange d’organes, comme des pièces de rechanges. Certains me rétorqueront qu’il
faut distinguer la question strictement morale et de principe de la mauvaise application de celui-ci.
C’est là que l’on voit que dès qu’il s’agit de questions touchant à la cité, la question de l’autorité
légitime revient, il n’est pas toujours possible de distinguer les questions éthiques de principe des
questions pratiques d’application, même si on peut le faire hypothétiquement. Le risque serait de
laisser l’impression qu’un accord de principe pourrait justifier une pratique, or rien n’est moins
certain. Car c’est en l’absence d’une autorité légitime que ce genre de choses doit absolument être
prohibé, afin que n’advienne l’inévitable dévoiement d’un acte bon et très exceptionnel. C’est
d’ailleurs tout le problème, car intervient alors une question de philosophie du droit subsidiaire de la
question de philosophie théologico-politique. La question théologico-politique est peut-on autoriser
une telle chose, sans le contrôle d’un pouvoir légitime, juste et agréable à Dieu, à savoir le pouvoir du
roi ? La réponse négative règle le problème, du moins pour le temps présent et ne reste que la question
de principe, qui n’en est pas moins intéressante et légitime ? Si le roi était sur le trône de France, et ses
ennemis vaincus, serait-il légitime pour ce juste souverain serviteur du Christ de permettre le don
d’organes ? Cette question nous y reviendrons. Si toutefois quelqu’un répond à la question par
l’affirmative, se pose une deuxième question : Faut-il dans un régime illégitime avoir une philosophie
du droit fondée sur le principe d’équité entendu comme un principe non de juste rapport au bien de
chacun, mais comme une égalité ? Or c’est tout le problème à la première erreur portant sur la
philosophie politique, s’ajoute fatalement, car elle en découle, l’erreur d’interpréter les normes de droit
comme des normes d’équité entendues comme règles d’égalité (puisque fatalement contractuelles, ou
d’un droit naturel abstrait se calquant sur des rapports mathématiques arbitrairement plaqués sur la
réalité). Or ce principe ruine définitivement toute exception, car si une seule exception était faite par
un fait du prince, ou pour une autre raison, un régime du droit conçu pour fonctionner selon le principe
d’une équité égalitaire et non une équité réglée sur le bien qui sied à chacun, ferait que si qui serait
peut-être bon dans un cas ( j’insiste sur le peut-être) . Commençons par l’acte humanitariste, ce don ce
fait sans référence à l’éthique chrétienne et donc à son principale destinataire à savoir Dieu. La
première question à poser est donc, qui donne ? Si c’est un pieux chrétien donnant à sa tante qui est
une mère célibataire, qui s’occupe d’une grande famille, ce serait une chose qui se comprendrait, (du
moins en un certain sens) Donc selon cette morale fondée sur l’équité abstraire de l’égalité
mathématique, qui dépend de l’idée que les hommes sont des individus, échangeables entre eux.
D’ailleurs il est à noter que cette possibilité de faire un don est pensé sur le mode utilitariste des pièces
de rechanges d’individus tous généralement identiques et interchangeables. Sans en dépendre le don

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d’organe s’intègre parfaitement avec cette vision moderne. Pas question de choisir à qui l’on donne
par exemple, dans le don d’organe, ce dernier peut être donné à un riche milliardaire pour prolonger
une vie de débauche, ou alors à un jeune homme qui a connu un accident et qui veut s’amender. Mais
là encore on me renverra aux principes, chose que je traiterai en temps voulu.
Sur le plan des principes, rappelons tout d’abord que le corps est le temple de l’esprit, et qu’à ce titre
on ne peut disposer de ce dernier comme nous le souhaitons, sans avoir à répondre de son usage le jour
du jugement. Certains me feront remarquer que mon propos ne peut concerner que les croyants dans
l’un des trois monothéismes, à cela je répondrai qu’en dehors de ceux qui reconnaissent un Dieu et un
jugement il n’est guère nécessaire de répondre car ils sont réduits au relativisme le plus absolu, au
nihilisme philosophique, et au final à une incohérence totale, mais je réponds dans d’autres articles sur
ce point. Aussi je demande à tous les lecteurs de faire œuvre de patience et de considérer que ce que je
dis concerne tout le monde, croyants ou non croyant car il s’agit d’un propos théologique mais à sens
métaphysique, et donc à portée universelle, indépendant de la foi admise par l’individu. Je prends pour
prémisse, que je démontre par ailleurs, que l’homme est un être unique, et que bien que l’homme
possède une seule essence, il n’en demeure pas moins que chaque individu possède une seule âme, une
âme unique et un corps unique. C’est cela qui rend théologiquement la thèse de l’incarnation multiple
contraire à la foi chrétienne. Si le corps était indifférent à notre incarnation, cela signifierait que
l’homme n’est pas un être unique constitué d’une âme et d’un corps. De même alors à la résurrection
pourquoi serait-ce notre propre corps qui ressusciterait. La philosophie médicale moderne repose sur
une monadologie d’individualités corporelles interchangeables. L’homme est vu comme une machine
ayant des parties mécaniques remplaçables à souhait. Comment à partir de telles prémisses peut-on
vouloir établir une juste doctrine ?

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