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ELLE

Historique
Le premier numéro de Elle est publié le 21 novembre 1945, peu après l'adoption du droit de vote
des femmes en France. La fondatrice est une exilée russe, Hélène Lazareff, qui avant la guerre a
commencé sa carrière à Paris-Soir où elle a rencontré son mari Pierre Lazareff, puis à Marie
Claire. Réfugiée à New York pendant l'Occupation, elle était journaliste au supplément féminin
du New York Times et à la rubrique mode au Harper's Bazaar, un magazine de mode luxueux
dont elle s'inspire tout en conservant un « positionnement francophile » marqué.

La ligne éditoriale du journal est posée dès l'origine dans sa ligne de pied : « du sérieux dans la
frivolité, de l'ironie dans le grave. » Hélène Lazareff précise qu'elle souhaite alors « faire un
journal de mode, mais pas seulement. Un journal moderne. Pratique. Avec des photos. Donc des
photographes. […] Un journal qui s’adresse à toutes les femmes. Et qui soit cependant
sophistiqué ».

Si le magazine met en valeur les femmes, sa ligne éditoriale n'est pas féministe, même si Simone
de Beauvoir et Marguerite Duras y trouvent « un espace privilégié » où « défendre leur travail et
leurs idées ». Il fait connaitre Françoise Sagan lors de sa naissance en littérature en 1954, à l'âge
de 18 ans, quand Bonjour tristesse provoque un scandale mondial. Alors que le reste de la presse
féminine se montre virulente, Elle lui propose une série de trois articles consacrés à l’Italie et en
1955 elle est accueillie à New York par Hélène Gordon-Lazareff, qui organise une fête.

La référence des magazines de l'époque destiné aux femmes, non élitistes comme le Vogue, sont
alors le Marie Claire d'avant guerre et Le Petit Écho de la mode tirant à plusieurs centaines de
milliers d'exemplaires11'. Mais il se distingue des concurrents où tous les postes de direction sont
occupés par des hommes9 et axe sa communication sur un personnel nombreux et très féminisé
avec « une domination féminine dans la rédaction », à hauteur des trois-quarts.

« Plus audacieux que ses concurrentes » Claudine et Marie-France, l’hebdomadaire a cependant


pour orignalité de présenter « la femme sur un pied d’égalité avec l’homme », tout en «
satisfaisant aux impératifs de neutralité des annonceurs », et de « promouvoir des femmes
exerçant des métiers masculins ou ayant un comportement émancipé », notamment par le biais
de la littérature. À partir d'avril 1954, une série de six reportages valorise le travail féminin dans
la santé et en novembre 1954, Elle titre « 70 romancières, 300 romans : les femmes de lettres
s’imposent ». Des redistributions d’articles ont lieu avec le quotidien France-Soir Pierre Lazareff
qui vient de fonder France Soir, reste très présent au sein de la rédaction.

La place libre laissée par Marie Claire interdit de publication en 1944 laisse donc des
perspectives à Elle mais également aux magazines plus conservateurs Marie France (1944) et
Claudine (mai 1945, racheté trois ans plus tard par Elle). Mais Elle, plus haut de gamme, veut «
tirer par le haut la presse féminine française ».

Le premier numéro de Elle, sans publicité car voulant s'adresser plus « à ses lectrices comme
citoyennes et non consommatrices », est rapidement épuisé malgré le tirage de 700 000
exemplaires (pour une moyenne de 110 000 les numéros suivants).

Il est rapidement épuisé. Plus tard, les publicités seront « d'abord concentrées sur une pleine page
» mais le titre restera moins dépendant que ses concurrents: elles oscillent entre 40 et 50% de sa
pagination totale. Le titre tire en moyenne à 110 000 exemplaires puis monte à 340 000 en
19489, pour atteindre le cap des 500 000 en 19509. Dès les années 1950, par l'influence de sa
fondatrice, il acquiert une notoriété internationale ayant valeur de marque.

Simone Baron et Alice Chavanne en assurent la responsabilité, assistées du photographe Jean


Chevalier comme directeur artistique, avant l'arrivée en janvier 1946 de Françoise Giroud qui
restera rédactrice en chef du magazine jusqu'en 1952 avant son départ pour L'Express. La notion
d'émancipation des femmes reste omniprésente dans la ligne éditoriale. Certains sujets peu
habituels sont abordés tels la frigidité dès 1949, ou l'hygiène. Dès les débuts, la photographie de
mode, alors peu répandue dans la presse, prend une place importante au sein le magazine.

Au départ, le magazine ne comporte qu'une vingtaine de pages. La ligne éditoriale souhaitée par
Lazareff transgresse les principes des magazines féminins de l'époque : moins de chroniques au
profit d'informations précises, elle recentre la mode sur les personnalités plus que les créations
jusqu'à en promouvoir certaines — comme Emmanuelle Khanh quelques années après —, achète
des images couleur jusqu'à New York pour les mettre en couverturen , éloignant ainsi Elle des
magazines de mode proches parfois de simples catalogues. Le contenu du magazine est alors
composé de pages sur la haute couture et de rubriques avec recettes, astuces pratiques ou patrons.
Peu à peu, au delà de la mode, l'information et la littérature entrent dans les pages du magazine
même si la « femme écrivain » est déjà présente, par les écrits de Colette, dès le premier numéro.

Dès le début des années 1950, Elle impose son propre style en étant précurseur dans les
domaines du sportswear d'inspiration américaine, qui vit ses balbutiements ou du prêt-à-porter
qui connaitra son âge d'or la décennie suivante. Le magazine tire alors à plus d'un demi-million
d'exemplaires. Si le tirage est alors de 500 à 600 000 exemplaires, Elle est lu par au moins un
million et demi de lectrices ; ce sera deux millions la décennie suivante. En 1952, la jeune
Brigitte Bardot apparaît sur les couvertures de la publication. Les années suivantes, les écrits de
Françoise Sagan sont régulièrement présents au sein du magazine.

Les « Villages magiques » fondé en 1950 par Paul Morihien, ancien nageur devenu libraire, avec
l'aide de Pierre et Hélène Lazareff deviennent les « Villages magiques » du journal ELLE, qui
fusionneront avec le Club Med en 1956. Le magazine diffuse régulièrement des articles sur lui
tandis que le « bon magique » donne accès aux villages dans lesquelles des vedettes du cinéma et
du théâtre sont invités ou parrains. Parmi eux, Torremolinos, près de Malaga, où a été tourné le
film Le Désir et l'Amour en 1951, l'histoire de Martine, d'une troupe d'artistes en tournage,
tombée amoureuse d'un jeune et beau pêcheur qui doit remplacer au pied levé le rôle principal.

Le photographe Lionel Kazan (qui entre au studio de Jean Chevalier fin 1952) n'est âgé que de
23 ans quand il publie sa première couverture, le 20 avril 1953, avec pour décor naturel le désert
algérien. D'avril 1953 à fin 1955, Lionel Kazan signe 81 couvertures (il en signera presque une
centaine). Claude Brouet, alors journaliste, reconnaît aussi la grande complicité qui existait entre
Lionel Kazan et Hélène Lazareff, qui « se parlaient en russe ».

Année après année, le prêt-à-porter prend une part de plus en plus large dans le magazine ; celui-
ci ne se contente plus de présenter la mode, il devient prescripteur, s'associant aux grands
magasins parisiens. Le magazine consacre jusqu'à huit pages à Prisunic, qui a lancé une ligne de
vêtements en 1956 avec Denise Fayolle. Si la haute couture n'est plus prépondérante, Elle reste
l'un des rares organes de presse français soutenant Gabrielle Chanel — et son iconique tailleur —
à son retour aux affaires en 1954, ainsi que le débutant Pierre Cardin, le « chouchou » du
magazine les années suivantes. Peter Knapp prend la direction artistique en 1959 ; il y restera
deux décennies. C'est lui qui donne au mensuel sa forme définitive.

Pop Lucian Remus

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