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Textes et doctrines de la fin de l’Antiquité

S. Morlet
Second semestre 2022 – séance 5
Eusèbe, Extraits prophétiques, I, 20

Du deuxième livre des Règnes. Le Seigneur, par Nathan, à David, après de nombreux mots, dit encore
ceci. Chapitre 20.

Et il adviendra, si tes jours sont accomplis et que tu reposes avec tes pères, que j’élèverai ton rejeton
après toi, qui sera de ton ventre, et je préparerai son règne. C’est lui-même qui me bâtira une maison
pour mon nom, et je dresserai son trône pour l’éternité. Moi je serai pour lui un père, et lui-même sera
pour moi un fils. Et si survient une injustice de sa part, je le châtierai dans un bâton d’hommes et par
des coups de fils d’hommes. Mais je n’éloignerai pas ma miséricorde d’eux, comme je l’ai éloignée de
ceux que j’ai éloignés de ma face. Et sa maison et son règne seront garantis pour l’éternité devant moi,
et son trône sera dressé pour l’éternité (2 R 7, 12-16)

Des propos semblables sont dits aussi dans le Psaume 88. Or, il vaudrait la peine d’interroger les juifs à
propos de ce passage : pour quelle raison donc diront-ils que Dieu promet d’instituer comme son fils
premier-né ou David ou celui qui a régné après lui, Salomon – c’est de lui, vraisemblablement, qu’ils
supposeront que parle la prophétie –, Dieu qui dit, dans le Psaume : Lui-même m’invoquera : « Toi, tu
es mon père, mon Dieu et le garant de mon salut. » Et moi je l’instituerai premier-né, plus élevé que les
rois de la terre (Ps 88, 26). Et dans le passage présent : Moi je serai pour lui un père, et lui-même sera
pour moi un fils.
Et pourtant, on dira que David n’a différé en rien des autres prophètes, lui qui même demandait à faire
pénitence pour le meurtre d’Urie en ces termes : devant toi seul j’ai péché, et le mal, je l’ai fait devant
toi (Ps 50, 6). Ou Salomon, dont le simple récit de l’Écriture enseigne qu’il a dévié de Dieu et qu’il s’est
prosterné devant des idoles par désir de femmes. Et comment la royauté de David ou de Salomon a-t-
elle été établie pour l’éternité devant Dieu, comment leur trône est-il dressé pour l’éternité
conformément à la prophétie qui le dit ici, et celle qui, dans le Psaume, contient à peu près les mots
suivants : J’ai juré à David, mon serviteur. Pour l’éternité, j’ai préparé ta descendance, et je bâtirai,
pour des générations, ton trône (Ps 88, 4-5). Et après d’autres mots, elle dit : J’ai juré une fois pour
toutes à1 mon saint, et je ne mentirai pas à David. Sa descendance restera pour l’éternité, et son trône
sera comme le soleil devant moi (Ps 88, 36-37). Et encore : Et j’établirai pour l’éternité sa descendance,
et son trône comme les jours du ciel (Ps 88, 30). Tu trouveras aussi des propos semblables chez Jérémie,
où il est dit : car voici ce que dit le Seigneur. Il ne sera pas détruit, pour David, un homme assis sur le
trône de la maison d’Israël. Et, pour les prêtres et pour les lévites, il ne sera pas détruit un homme hors
de ma face, portant des victimes, faisant un sacrifice et produisant du parfum tous les jours (Jr 33, 17-
18)2.
En effet, si l’on examine cela en regard de l’état actuel des juifs et de leurs histoires depuis le règne
d’Ézéchias jusqu’à celui de Iechonias, à l’époque desquels le royaume de David fut supprimé au moment
de la captivité à Babylone, après laquelle leur race ne fut plus, en aucune façon, dirigée ou gouvernée
par un roi par les descendants de David, (on conviendra) du fait que ne conviennent nullement ni à David
ni à Salomon ces paroles dites pour qu’arrive nécessairement l’annonce faite avec des serment de Dieu,
ce qu’il n’est pas permis de convaincre de mensonge.
Mais si nous appliquons ce qui est dit « descendance de David » au Christ issu de lui selon la chair, on
voit clairement comment cette descendance, c’est-à-dire le Christ, durera pour l’éternité et comment son
trône et son règne spirituel sont pour l’éternité devant le Père, dressé par lui et bâti de génération en
génération dans les âmes de ceux qui croient en lui. C’est de cette descendance de David que nous avons
interprétée que durera le trône, comme le soleil de justice (cf Mal 3, 20 = 4, 2 TM) devant le Père, et
comme les jours du ciel. C’est pourquoi il lui est dit par l’esprit saint dans un autre Psaume : Ton trône,
Dieu, est pour l’éternité, le sceptre de ton règne est un sceptre de droiture. Tu as chéri la justice et tu
as haï l’iniquité, c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a oint d’une huile d’allégresse plus que tes
compagnons (Ps 44, 7-8). Et c’est le Christ qui a bâti une maison, l’Eglise, pour le Père, à partir de
pierres vivantes et spirituelles, les âmes saintes et vertueuses, en suscitant un temple bien plus grand,
bien supérieur à la bâtisse éphémère de Salomon, qui n’existe plus. Et c’est à celui-ci, comme en

1
La LXX a en principe : ἐν τῷ ἁγίῳ, en accord avec le texte massorétique.
2
Les versets 14 à 26 de Jérémie 33 manquent dans la Septante (où ils devraient figurer après 40, 13). Eusèbe cite ici, comme souvent, une
forme hébraïsée du texte, corrigée sur le texte massorétique, mais sans signaler qu’il s’agit d’un écart quantitatif, signalé dans son exemplaire
par des astérisques.
Textes et doctrines de la fin de l’Antiquité
S. Morlet
Second semestre 2022 – séance 5
Eusèbe, Extraits prophétiques, I, 20

témoigne l’Apôtre, que convient la parole : Moi je serai pour lui un Père, et lui-même sera pour moi un
fils. C’est de là qu’il l’a prise dans l’écrit aux Hébreux, où il dit : À qui donc parmi les anges a-t-il dit :
tu es mon fils, toi, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, et encore : Moi je serai pour lui un Père, et lui-
même sera pour moi un fils (Hb 1, 5).
Quant au texte à partir de : Et si survient une injustice de sa part, je le châtierai dans un bâton d’hommes,
il est dit au sujet du peuple qui a cru au Christ, puisqu’aussi bien l’Eglise est dite « corps » du Christ,
selon l’Apôtre (cf. 1 Cor 12, 12). Et à propos du fait que cette surveillance est dite à propos de ceux qui
ont cru en lui, prête une attention soigneuse à l’usage du pluriel dans : Mais je n’éloignerai pas ma
miséricorde d’eux. Des choses semblables à celles-ci sont clairement dites dans le psaume à propos des
fils de celui qui est prophétisé : et si ses fils abandonnent ma loi et ne cheminent pas dans ce que j’ai
décidé, s’ils violent mes ordonnances et ne suivent pas mes commandements, je surveillerai dans un
bâton leurs iniquités, et dans un fouet leurs injustices. Mais ma miséricorde, je ne la séparerai pas d’eux
(Ps 88, 31-34). Vois de quelle façon la Parole a appelé « bâtons d’hommes » et « coups de fils
d’hommes » les persécutions successives. Mais nombreuses sont les consolations de Dieu, et les
encouragements dans l’Écriture, nous incitant à ne pas nous laisser abattre à cause des persécutions
successives accomplies contre nous. Car de même qu’il a dit par avance qu’il surveillerait par un bâton
le peuple du Christ, s’il est pécheur, de même, il a promis par avance que sa miséricorde ne s’éloignerait
pas, quand il a dit : Mais je n’éloignerai pas ma miséricorde d’eux, comme je l’ai éloignée de ceux que
j’ai éloignés. Tu chercheras3 pour qui était la miséricorde de Dieu avant le peuple issu des nations, qu’il4
a précisément complètement éloignée d’eux, et dont il promet de faire l’analogue au peuple du Christ.

3
Il faut peut-être corriger ζητήσεις, le moyen étant peu attesté.
4
Là encore, il faut comprendre ἀπέστησε (faute de copie, ou de dictée ?).

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