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CHAPITRE 4

L’économie des moyens


de paiement
Mis à jour le 14 décembre 2018
Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


L
es moyens de paiement jouent un d’une facture récurrente. Des travaux de
rôle d’inter­médiaire des échanges recherche ont démontré que certaines de
et constituent à ce titre un rouage ces fonctionnalités influaient directement
essentiel de nos économies modernes. sur le comportement de consommation
Pour s’en convaincre, il suffit d’imaginer un des ménages. Des études américaines
monde où il n’existerait pas de moyens de ont notamment mis en exergue le lien qui
paiement communément acceptés par l’en‑ existe entre la propension à consommer
semble des agents économiques. Une telle des ménages et leur utilisation de moyens
situation impliquerait des coûts importants de paiement donnant accès à une ligne
pour les deux parties. La mise à disposition de crédit (Bounie, 2009). Dans une étude
à l’ensemble des agents économiques de réalisée en 2000, Durkin expliquait ainsi
moyens de paiement standardisés, affichant la hausse de la détention de cartes de
des réseaux d’acceptation étendus et un crédit parmi les ménages américains par
niveau de sécurité satisfaisant, permet de le fait que ce moyen de paiement avait
surmonter ces difficultés et de grandement progressivement remplacé les anciens
fluidifier les échanges commerciaux. crédits à la consommation consentis par
les acteurs de la vente de détail : alors que
Malgré cette fonction primo­rdiale, le rôle 16 % des ménages inter­rogés dans le cadre
joué par les moyens de paiement dans l’éco‑ du « Survey of consumer finances » de la
nomie reste peu connu du grand public. Réserve fédérale américaine possédaient
Le présent chapitre vise à illustrer les une carte de crédit en 1970, ils étaient 68 %
relations qui existent entre les moyens de en 1998. Parmi ces derniers, 55 % avaient
paiement et la sphère économique. Dans un une ligne de crédit ouverte d’un mois à
premier temps, il s’attache à expliciter les l’autre alors qu’ils n’étaient que 37 % trente
liens entre les moyens de paiement et ans plus tôt.
l’activité économique, avec une attention
particulière portée aux coûts pour la collec‑ Même en l’absence de telles facilités de
tivité des différents moyens de paiement. crédit, des travaux français ont souligné
Dans un deuxième temps, il s’intéresse plus que les fonctionnalités des moyens de
directement aux particularités du marché paiement sont de nature à influencer la
des moyens de paiement, en présentant les manière dont les dépenses de consomma‑
déterminants de la demande des moyens de tion des ménages sont réparties dans le
paiement et en apportant un éclairage sur temps. Les porteurs de cartes à débit différé
les spécificités de son organisation. Enfin, il ont ainsi tendance à lisser leur consom‑
conclut en décrivant les différentes carences mation sur l’ensemble du mois alors que
de ce marché, qui légitiment l’inter­vention les porteurs de cartes à débit immédiat
des auto­rités publiques en vue d’en assurer concentrent leurs dépenses dans les jours
le bon fonctionnement. qui suivent le versement de leur salaire
(Bounie, 2009).

1. Moyens de paiement 1.2. Moyens de paiement


et activité économique et gains de croissance

1.1. Moyens de paiement et Au‑delà de ces considérations de nature


comportements de consommation micro­économique, certaines études empi‑
riques induisent des effets positifs de
De par leurs multi­ples fonctionnalités, les l’adoption de moyens de paiement élec‑
moyens de paiement répondent aux diffé‑ troniques sur la croissance. Sur la base d’un
rents besoins des agents économiques, échanti­llon composé de 12 pays européens,
allant de la réalisation d’un paiement ponctuel Humphrey et al. (2006) estiment que les
en face à face au règlement à distance coûts supportés par les établissements

62 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


bancaires en lien avec la filière des 1.3. Coûts des moyens de paiement
paiements ont baissé de 24 % sur la
période allant de 1987 à 1999. Ils attribuent Les études sur les coûts des moyens de
cette baisse à la montée en charge des paiement sont peu nombreuses du fait
paiements électroniques et à la substitution de la difficulté d’obtenir des informations
de guichets physiques par des distributeurs fiables sur les coûts supportés par les diffé‑
auto­matiques de billets (DAB). En extra­ rents utilisateurs de moyens de paiement
polant les résultats obtenus sur la période, et les prestataires de services de paiement.
ils considèrent que l’abandon complet des Le sujet a cependant fait l’objet d’une
moyens de paiement sur support papier attention renouvelée depuis le début des
et le remplacement de tous les guichets années deux mille.
bancaires isolés par des DAB permettrait de
dégager des économies proches de 1 point Sur la base d’un sondage réalisé auprès de
de PIB par an. Dans une étude publiée la banque centrale néerlandaise, du secteur
en 2013 par la BCE, Hasan et al. obtiennent bancaire et de professionnels de la vente
des résultats similaires corroborant l’exis‑ de détail, Brits et Winder (2005) évaluent
tence d’une relation positive entre l’adoption les coûts des paiements de proximité
de moyens de paiement électroniques et la pour la collectivité néerlandaise (définis
hausse de l’activité économique. Dans le comme les coûts inter­nes de l’ensemble
cadre de leur modèle, cette relation est la des acteurs) à 2,9 milliards d’euros en 2002,
plus marquée pour les cartes de paiement, soit 0,65 % du PIB des Pays‑Bas. Ils iden‑
menant les auteurs à estimer qu’une tifient les espèces comme le moyen de
augmentation de 1,2 % de l’utilisation des paiement le plus coûteux pour la collectivité
cartes de paiement en Europe amènerait bien qu’affichant le coût moyen par trans­
une croissance du PIB de 0,07 %. action le plus faible. Ce résultat quelque
peu paradoxal s’explique par les impor‑
Ces résultats sont directement liés à la tants coûts fixes associés aux moyens
question des coûts des différents moyens de de paiement électroniques qui, du fait de
paiement pour la collectivité, dont en premier leur faible utilisation (à l’époque de l’étude,
lieu le secteur bancaire. Les effets positifs ceux‑ci représentaient seulement 14,5 %
de l’adoption des moyens de paiement élec‑ des trans­actions), n’ont pas pu être amortis
troniques sur la croissance s’expliqueraient sur la période étudiée. En revanche, sur
en effet par les gains d’efficience que cette la seule base des coûts variables, les
évolution permet par rapport à la situation paiements électroniques apparaissent
antérieure caractérisée par la prévalence moins coûteux pour la collectivité que
de moyens de paiement sur support papier. les paiements en espèces et ce d’autant
Les nouveaux moyens de paiement élec‑ plus que les montants des trans­actions
troniques présentent en effet l’avantage de sous‑jacentes sont importants. Selon les
permettre un traitement auto­matisé de bout calculs de Brits et Winder, une diminution
en bout des paiements, limitant ainsi toute de 21 % des paiements en espèces en
inter­vention humaine. Une étude réalisée faveur de paiements par carte de débit ou en 1 Les auteurs se basent sur
en 2003 par Berger illustre ce point en monnaie électronique permettrait de réaliser un scénario dans le cadre
duquel 500 millions de
apportant un chiffrage précis de la baisse des économies de 106 millions d’euros 1. paiements en espèces
des coûts de fonctionnement de la principale La Banque nationale de Belgique (2005) d’une valeur moyenne de
3 euros sont remplacés
chambre de compensation américaine du fait arrive à un résultat similaire sur la base par des paiements faisant
de la modernisation de ses infra­structures d’une enquête réalisée en 2003 auprès du appel à des portemon‑
techniques : en l’espace d’une décennie, secteur financier et des points de vente : naies électroniques et
1 milliard de paiements
les coûts unitaires par opération traitée une baisse de 11 % des paiements en en espèces d’une valeur
ont quasiment été divisés par 5, passant espèces en faveur de trans­actions faisant moyenne de 20 euros
sont remplacés par des
de 0,869 dollar à 0,176 dollar sur la période appel à des cartes de débit ou au porte‑ paiements par cartes
allant de 1990 à 2000. monnaie électronique « Proton » amènerait de débit.

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Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


une baisse des coûts pour la collectivité de représente en effet que 30 % du marché
58 millions d’euros  2, ce qui représenterait européen des paiements scripturaux et
une économie de 2.9 % par rapport au coût 45 % du marché européen des espèces.
total pour la collectivité belge des moyens
de paiement de proximité, estimé en 2003 1.4. Moyens de paiement
à 2,03 milliards d’euros (soit 0,74 % du PIB). et développement économique

Une étude publiée par la BCE en 2012 Il existe peu d’études économiques sur les
(Schmiedel et al.) élargit notablement apports en termes de croissance de l’adop‑
le champ des recherches en analysant tion de moyens de paiement innovants dans
les coûts des moyens de paiement les pays en développement dans la mesure
dans 13 pays européens 3. Sur la base de où ces derniers ne possèdent générale‑
quatre questionnaires distincts adressés ment pas les infra­structures nécessaires
aux banques centrales, au secteur bancaire à la mise en place de telles solutions de
(établissements bancaires et chambres de paiement et, surtout, affichent des taux de
compensation), aux entreprises ayant des bancarisation beaucoup plus faibles que les
liens directs avec les consommateurs 4 et pays développés.
aux sociétés de trans­porteurs de fonds, cette
étude offre une estimation du coût social et L’impact positif exercé par les trans­ferts
du coût privé des moyens de paiement les d’argent des migrants sur le développe‑
plus utilisés en Europe, à savoir la carte de ment des secteurs financiers des pays
paiement, le virement, le prélèvement, le destinataires serait d’autant plus marqué
chèque et la monnaie fiduciaire. Il en ressort que ces trans­ferts trans­itent par la voie
que la monnaie fiduciaire serait le moyen formelle, à savoir par l’inter­médiaire des
de paiement présentant le coût unitaire par organismes financiers. La formalisation
transaction le plus faible pour la collectivité des trans­ferts est susceptible de contri‑
soit 0,42 euro, suivie par la carte de débit buer à une meilleure connaissance par ces
(coût unitaire de 0,70 euro). Les auteurs organismes des familles bénéficiaires, leur 2 Les auteurs font l’hypo‑
thèse du remplacement
expliquent ce résultat par la maturité de la permettant ainsi d’inciter ces dernières de 750 millions de tran‑
filière espèces qui aurait permis de réaliser à détenir un compte courant ou même sactions réglées en
d’importantes économies d’échelle en à souscrire à des financements adossés monnaie fiduciaire par
250 millions de tran‑
comparaison des cartes de paiement pour aux flux de trans­ferts qu’elles reçoivent sactions d’un montant
lesquelles le déploiement de terminaux de (Rocher et Pelletier, 2008). La formalisation moyen de 5 euros
réglées par Proton et
paiement et de DAB reste encore limité des trans­ferts contribuerait ainsi à l’inclusion par 500 millions de tran‑
dans certains pays participant à l’étude. financière des ménages les plus pauvres sactions d’un montant
moyen de 20 euros
Les coûts unitaires des prélèvements et dans les pays en voie de développement. réglées par carte de débit.
des virements sont respectivement estimés
3 Danemark, Estonie,
à 1,27 euro et 1,92 euro. Enfin, les moyens Un autre facteur fréquemment cité comme Irlande, Grèce, Espagne,
de paiement les plus coûteux pour la collecti‑ pouvant améliorer les niveaux de bancarisa‑ Italie, Lettonie, Hongrie,
vité seraient le chèque avec un coût unitaire tion observés dans ces pays, notamment Pays‑Bas, Portugal,
Roumanie, Finlande,
de 3,55 euros et la carte de crédit avec un en Afrique subsaharienne, est le déve‑ Suède.
coût unitaire de 2,39 euros. Le coût total loppement de l’utilisation du télé­phone 4 Professionnels de la
des moyens de paiement serait de 0,96 % mobile pour effectuer des opérations de vente de détail et de
du PIB, dont 51 % serait supporté par le dépôt ou de retrait d’espèces auprès de la grande distribution,
entreprises de télécom‑
secteur bancaire et 46 % par les profes‑ réseaux non bancaires 5. Le taux d’équi‑ munication, acteurs
sionnels de la vente de détail. La monnaie pement en télé­phone mobile est en effet du secteur immobilier,
entreprises de services
fiduciaire représenterait près de la moitié particulièrement important dans les pays publics (électricité, eau,
de ces coûts, mettant en exergue la préva‑ d’Afrique subsaharienne, qui comptaient gaz, transports).
lence de ce moyen de paiement dans les en 2016 420 millions d’utilisateurs uniques 5 Composés généralement
pays étudiés et la difficulté de généraliser abonnés aux services mobiles et 730 millions d’agents revendeurs
de crédit télépho‑
les résultats de l’étude à l’ensemble de de connexions, selon l’Association mondiale nique et de points de
l’Union européenne. L’échanti­llon retenu ne des opérateurs de télé­p honie mobile vente partenaires.

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L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


(GSMA). Ainsi, à titre d’exemple, l’Afrique du qui influencent les agents économiques
Sud a été le premier pays à agréer en 2004 dans leur choix de moyen de paiement au
un service de « mobile money » (soit le moment de régler un achat. En d’autres
rattachement d’un portefeuille électronique termes, il s’agit ici d’identifier les déter‑
à un numéro de télé­phone, qui permet minants de la détention et de l’usage des
ensuite d’effectuer des opérations à partir moyens de paiement.
des numéros de télé­phone). Au regard de la
profondeur du réservoir d’utilisateurs poten‑ Dans un article publié en 2006, Bounie
tiels, de nombreux produits similaires ont et François font un état des lieux de la littéra‑
d’ores et déjà été lancés dans le sillage de ture théorique et empirique sur la question.
l’important succès remporté par la solution Au‑delà de facteurs démographiques et
M‑Pesa au Kenya qui est aujourd’hui utilisée socio‑culturels – tels que le niveau de revenu
par plus de 50 % de la population adulte du et d’étude ou encore l’âge –, ils identifient
pays. En 2014, près de 16 % de la population trois principaux déterminants de l’usage des
adulte d’Afrique subsaharienne utilisait le moyens de paiement : leurs prix et les coûts
télé­phone mobile pour régler des factures associés à leur utilisation, la valeur du bien
ou envoyer de l’argent, contre moins de 5 % ou service faisant l’objet de la trans­action et
de la population dans les autres régions la confiance des utilisateurs dans la sécurité
du monde (Sy, 2014). des différents moyens de paiement.

En l’absence d’études portant directement 2.1. Modèle fondateur :


sur les effets macro­économiques de l’utilisa‑ l’approche par les coûts
tion de ces nouveaux services de paiement,
ceux‑ci ne peuvent à l’heure actuelle qu’être Bounie et François prennent comme point
inférés. Ainsi, dans la mesure où les études de départ de leur tour d’horizon les travaux
empiriques ont montré une corrélation de Baumol (1952) sur la détention des
positive entre l’expansion des services espèces. Dans cette contribution fondatrice,
financiers et la croissance économique, Baumol imagine un modèle simplifié dans le
(Sahay et al., 2015), il peut être admis cadre duquel un agent représentatif effectue
que le développement de tels nouveaux régulièrement des dépenses d’un montant
services de paiement – correspondant total sur une période donnée. Pour ce faire,
à un étoffement important des services l’agent a le choix entre recourir à l’emprunt
financiers dans les zones concernées et à ou procéder à des retraits d’espèces d’un
un renforcement de l’inclusion financière – montant à inter­valles réguliers tout au long de
a des effets potentiellement positifs sur la période. Dans les deux cas, il est confronté
l’activité économique (CPMI et Banque à un même coût d’opportunité équivalent au
mondiale, 2016). Il convient toutefois d’être taux d’intérêt, auquel s’ajoute une commis‑
très prudent sur ce point, car le caractère sion de courtage lorsqu’il procède à des
linéaire de la relation entre l’accroissement retraits d’espèces. En supposant que l’agent
des services financiers et la croissance agit de manière rationnelle et vise ainsi à
économique demeure encore fortement minimiser ses coûts, le modèle implique que
discuté (Cecchetti et Kharroubi, 2012). sa détention d’espèces sera proportionnelle
à son niveau de dépenses 6.

2. Déterminants de l’usage L’extension de l’analyse de Baumol aux autres 6 La détention d’espèces
des moyens de paiement moyens de paiement suppose d’identifier les qui minimise les coûts
de l’agent est proportion‑
coûts d’opportunité qui leur sont associés. nelle à la racine carrée
La littérature économique indique que tous Cette tâche est cependant rendue difficile du montant total de ses
dépenses, soit  C = √(2bT/i),
les moyens de paiement ne se valent pas par le fait que la facturation des moyens de avec C = montant de retrait
en termes de contribution à la croissance et paiement prend très souvent la forme de unitaire ; T = montant total
des dépenses ; b = frais
de coûts pour la collectivité. L’enjeu est dès forfaits globaux portant sur plusieurs moyens fixes de courtage ; et
lors de comprendre quels sont les facteurs de paiement à la fois. Tirant parti d’une i = taux d’intérêt.

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Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


politique de tarification à l’acte adoptée en 2.2. Valeur d’achat du bien


Norvège à la fin des années 80, Humphrey ou service sous‑jacent
et al. (2001) ont cependant pu directement
estimer l’effet de la tarification des différents Un autre facteur déterminant dans la
moyens de paiement sur les comportements détention et l’usage des moyens de
de paiement des utilisateurs. Leurs résultats paiement est la valeur d’achat du bien ou
corroborent l’intuition que le prix des moyens service sous‑jacent. Dans leur synthèse de
de paiement influent directement sur leur la littérature économique, Bounie et François
niveau d’utilisation. Ils trouvent notamment présentent le modèle théorique développé
que l’élasticité prix est statistiquement signi‑ par Whitesell (1989). Dans le cadre de celui‑ci,
ficative et négative pour le chèque et la carte les agents économiques ont le choix entre
bancaire. En d’autres termes, une hausse des détenir leurs avoirs sous forme d’espèces
commissions facturées amène une baisse ou les placer sur un compte de dépôt
de la demande pour ces deux moyens de rémunéré. Ce compte de dépôt peut être
paiement. Les auteurs révèlent également mouvementé soit par des retraits d’espèces,
que les opérations par cartes aux points de soit lors de trans­actions faisant appel à des
vente sont de clairs substituts aux paiements cartes de paiement ou des chèques. Alors
7 Les données de l’étude
par chèques (forte élasticité‑prix croisée) sur que la détention d’espèces est uniquement portent sur la période
la période étudiée 7. soumise au coût d’opportunité lié au taux allant de 1989 à 1995.

Encadré n° 1 : Les moyens de paiement scripturaux : un concurrent pour les espèces ?

La question de l’impact d’une variation du prix d’un moyen de paiement sur la demande d’autres moyens
de paiement a fait l’objet de nombreux travaux de recherche spécifiques, portant principalement sur
l’inter­action entre le déploiement de terminaux de paiement et DAB – synonymes d’une baisse des coûts
de trans­action associés aux opérations par cartes de paiement – et la demande de monnaie fiduciaire.

Afin d’étudier les effets exercés par la modernisation des moyens de paiement sur la demande de
monnaie fiduciaire, Drehmann et al. (2002) ont analysé les données annuelles de 18 pays de l’OCDE
sur la période allant de 1980 à 1998. Leurs résultats indiquent que le déploiement des terminaux de
paiement aurait eu un effet négatif sur la demande de petites coupures, alors que le déploiement
des DAB aurait eu l’effet inverse. Dans une étude de 2009, Cabró‑Valverde et Fernández arrivent à la
même conclusion. Sur la base de données portant sur des banques espagnoles de 1997 à 2004, ils
trouvent que le déploiement des terminaux de paiement a exercé un effet négatif sur la demande de
monnaie fiduciaire plus prononcé que l’effet positif exercé par le déploiement concomitant de DAB.

Une étude réalisée la même année par Columba permet de quanti­fier cette relation. Selon les calculs
réalisés par l’auteur à partir de données relatives à la monnaie en circulation dans 95 provinces
italiennes suite à l’introduction de l’euro, une augmentation de 1 % du nombre de terminaux de paiement
mènerait à une baisse de 0,36 % de la demande de monnaie fiduciaire. En cumulé, le déploiement des
terminaux de paiement et de DAB donnerait lieu à une augmentation de l’agrégat monétaire M1 et
une modification de sa composition avec une baisse des encaisses monétaires détenues sous forme
d’espèces et une hausse des dépôts à vue.

Cet effet de substitution avait déjà été mis en exergue en 1996 dans une étude réalisée par Porter
et Judson. Sur la base d’un échanti­llon de 14 pays, ces deux auteurs avaient identifié une relation
positive entre la vitesse de circulation de la monnaie et le nombre de paiements scripturaux par
habitant, soutenant ainsi l’hypothèse que le fort recours à des moyens de paiement scripturaux avait
pour effet de diminuer la détention d’espèces et d’augmenter la vitesse de circulation de la monnaie.

66 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


Encadré n° 2 : Utilisation des moyens de paiement au point de vente


par tranche de montant en Europe
(en % du nombre de transactions)
Espèces Virement
Carte de débit Prélèvement
Carte de crédit Paiement en ligne
Répartition du nombre Carte en mode sans contact Autre
de transactions Chèque

<5 € 34 93 4 1
5 € à 9,99 € 19 86 8 4
10 € à 14,99 € 13 79 13 6
15 € à 19,99 € 8 71 17 9
20 € à 24,99 € 7 67 20 11
25 € à 29,99 € 3 57 26 13
30 € à 34,99 € 3 54 29 12
35 € à 39,99 € 2 51 30 16
40 € à 44,99 € 2 50 31 16
45 € à 49,99 € 1 44 31 20
50 € à 99,99 € 6 39 36 20 2
> 100 € 2 32 35 21 4 4
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Source : Banque centrale européenne. L’étude sur l’utilisation des moyens de paiement par les consommateurs européens, conduite en 2016 sous l’égide
de la Banque Centrale Européenne, permet d’identifier les cas d’usage privilégiés des différents moyens de paiement. Ainsi, si l’utilisation du fiduciaire est
particulièrement prédominante pour les montants les plus faibles (93 % des paiements de moins de 5 euros), elle reste également majoritaire pour les
paiements inter­médiaires, jusqu’à 40 euros environ ; au-delà de 45 euros, la carte de paiement devient le principal moyen de paiement au point de vente.
Au niveau agrégé, l’étude souligne que les espèces sont utilisées dans 79 % des trans­actions au point de vente et y représentent 54 % des montants
échangés pour la zone euro ; en France, pays parmi les moins utilisateurs de monnaie fiduciaire, ces parts s’établissent respectivement à 68 % et 28 %.

L’étude sur l’utilisation des moyens de paiement par les consommateurs européens, conduite en 2016
sous l’égide de la Banque centrale européenne, permet d’identifier les cas d’usage privilégiés des
différents moyens de paiement. Ainsi, si l’utilisation du fiduciaire est particulièrement prédominante
pour les montants les plus faibles (93 % des paiements de moins de 5 euros), elle reste également
majoritaire pour les paiements inter­médiaires, jusqu’à 40 euros environ ; au-delà de 45 euros, la carte
de paiement devient le principal moyen de paiement au point de vente.

Au niveau agrégé, l’étude souligne que les espèces sont utilisées dans 79 % des trans­actions au point
de vente et y représentent 54 % des montants échangés pour la zone euro ; en France, pays parmi les
moins utilisateurs de monnaie fiduciaire, ces parts s’établissent respectivement à 68 % et 28 %.

d’intérêt, le recours aux cartes et aux chèques Cette analyse est confirmée par une enquête
implique des coûts fixes et variables lors de conduite en 2016 par l’Eurosystème, qui a
chaque trans­action, tels que les cotisations mesuré par sondage l’impact de la valeur de
facturées pour l’utilisation desdits moyens de l’achat sur le choix du moyen de paiement
paiement ou encore le temps passé à saisir le utilisé au point de vente.
code PIN d’une carte de paiement lors d’un
achat. Les agents économiques doivent donc Ces résultats ont été confirmés par des
arbitrer entre le coût d’opportunité pour les études analogues conduits dans d’autres
espèces et les coûts de trans­action pour les zones monétaires :
autres moyens de paiement. Il en résulte que
l’utilisation des espèces devrait se cantonner – aux États‑Unis, une étude réalisée en 2004
aux achats de faibles montants pour lesquels par Klee à partir de plus de 10 millions de
le coût d’opportunité est inférieur aux coûts trans­actions réalisées dans 99 magasins
fixes des moyens de paiement scripturaux d’alimentation américains entre septembre
(Bounie et François, 2006). et novembre 2001, près de 93 % des

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 67


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


trans­a ctions de moins de 5 dollars cartes de paiement lors de leurs trans­actions


étaient réglées en espèces (Klee, 2008). augmente de 19 % lorsque les espèces sont
Ce pourcentage tombait à 82 % pour les perçues par ces derniers comme peu sécuri‑
trans­actions entre 5 et 10 dollars. À l’autre sées et, inversement, tombe de 17 % lorsque
bout de l’échelle, seules 15 % des trans­ les consommateurs considèrent les cartes de
actions de plus de 150 dollars étaient paiement comme vulnérables aux fraudes.
réglées en espèces. Sur la base de ces
données, Klee estime qu’une augmenta‑ La confiance accordée par les consom‑
tion de 10 % de la valeur d’achat diminue mateurs à la sécurité de certains moyens
la probabilité d’usage d’espèces de 11 % ; de paiement peut même directement
jouer sur l’émergence de nouveaux
– a u Canada, dans une étude de 2011 secteurs. Dans une étude de 2004, Bounie
analysant les réponses à un sondage et Bourreau arrivent à la conclusion que le
commandé par la banque centrale faible niveau de sécurité des systèmes de
du Canada, Arango et al. obtenaient des paiement par carte sur inter­net au début des
résultats très similaires : les espèces années deux mille avait augmenté l’aversion
étaient utilisées dans 72,8 % des trans­ au risque des consommateurs et avait ainsi
actions de moins de 15 dollars mais pu porter atteinte au développement du
seulement dans 16,7 % des trans­actions commerce en ligne. En d’autres termes,
de plus de 50 dollars. Au‑delà des coûts la perception de la part des utilisateurs
fixes associés aux moyens de paiement d’un risque accru de vol de leur numéro
scripturaux, les auteurs expliquaient cette de carte bancaire lors de trans­actions sur
relation par l’acceptation limitée des alter‑ inter­net aurait exercé un effet négatif sur
natives aux espèces pour les paiements le commerce en ligne.
de faibles montants. En outre, ils rele‑
vaient que les programmes de fidélisation
mis en œuvre par les établissements 3. Structure économique
bancaires influençaient fortement sur le du marché des moyens
choix des utilisateurs de recourir à tel ou de paiement
tel moyen de paiement, ces programmes
menant dans les faits à une baisse du L’étude des déterminants de l’usage et de la
coût variable associé à l’utilisation d’un détention des moyens de paiement indique
moyen de paiement donné. que la tarification des moyens de paiement
joue un rôle central dans la décision des
2.3. Confiance des utilisateurs agents économiques d’y recourir.
dans les moyens de paiement
3.1. Marché des moyens de
Enfin, la détention et l’usage des moyens paiement : un marché biface
de paiement peuvent également être direc‑
tement influencés par la perception des Le marché des moyens de paiement est
utilisateurs quant à leur niveau de sécurité. marqué par l’existence d’effets de réseau
Bien que ce domaine de recherche soit indirects entre acheteurs et vendeurs : le
moins mûr, la majorité des travaux confirme nombre d’acheteurs adoptant un moyen
l’existence d’une telle relation. Une étude de paiement donné sera en grande partie
empirique de 2010 réalisée par Kosse sur la déterminé par le nombre de vendeurs
base d’un sondage auprès de 2 000 ménages acceptant ledit moyen de paiement. Cette
néerlandais montre que les consommateurs spécificité est particulièrement prégnante
qui considèrent les espèces comme un dans le cadre des paiements scripturaux
moyen de paiement peu sécurisé ont 16 % de proximité qui nécessitent un équipe‑
moins de chance de s’en servir pour régler ment spécial des commerçants (terminaux
leurs achats. De la même manière, la proba‑ de paiement dans le cas des cartes). Un
bilité que les consommateurs privilégient les marché de ce type, qui est connu sous

68 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


Encadré n° 3 : La commission multi­latérale d’inter­change : un cas pratique

Lorsqu’un commerçant accepte un paiement par carte, il doit s’acquitter auprès de sa banque d’une
première commission, connue sous le nom de « commission commerçant ». Celle‑ci prend générale‑
ment la forme d’un pourcentage du montant de la trans­action carte : si la commission commerçant est
de 1 %, le commerçant ne sera ainsi crédité que de 99 euros suite à un paiement par carte d’un montant
de 100 euros. Cette commission permet à la fois de couvrir les coûts de la banque du commerçant, sa
marge, la commission qu’elle doit verser au système cartes « quatre coins » et enfin la commission
multi­latérale d’inter­change qui sera payée à la banque du porteur de la carte.

Sous réserve que la banque du porteur n’ait pas adopté une tarification à l’acte, le porteur de la carte
voit son compte débité du montant de son achat, soit de 100 euros.

À réception de la commission multi­latérale d’inter­change, la banque du porteur reste pour sa part libre de
conserver cette somme sur ses livres ou de la répercuter sur son client. Dans ce deuxième cas de figure,
plutôt que de reverser directement la commission multi­latérale d’inter­change sur le compte de son client,
la banque du porteur peut lui proposer par exemple un système d’avantages ou de « points » lui permet‑
tant d’acquérir gratuitement des biens ou des services dans le cadre d’un programme de fidélisation.

Système cartes
quatre coins
n

Fr
io

ai
és

sd
dh

’a
’a

dh
sd

és
ai

io
Fr

n
Banque Banque
du porteur du commerçant
Commission d’interchange
Points/avantages

Commerçant
Commission
Cotisation

Porteur Commerçant

Dans les faits, il existe une grande diversité dans le niveau des commissions d’inter­change dont doivent
s’acquitter la banque du commerçant et, indirectement, le commerçant lui‑même. Celui‑ci varie grande‑
ment d’un pays à l’autre, voire au sein d’un même pays, en fonction du type de carte utilisé ou de la taille
et du secteur d’activité du commerçant. Enfin, différentes commissions d’inter­change peuvent coexister
au sein d’un même système cartes en fonction des différents dispositifs de fidélisation mis en œuvre.
Par exemple, les cartes de type « premium » donnent généralement lieu à des commissions d’inter­change
plus élevées que des cartes dites « standard » qui sont assorties de moins d’avantages pour leur porteur.

Source : Jean Tirole, « Réglementation des cartes de paiement : une application de l’analyse économique à la politique de la concurrence », Banque & Stratégie,
n° 298, décembre 2011.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 69


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


le nom de marché biface (Rochet et Tant American Express que Diners Club


Tirole, 2005), se caractérise par le fait présentent la particularité d’être des systèmes
que l’offre et la demande d’un côté du cartes dits à « trois coins » (consomma‑
marché sont déterminées par l’offre et la teur, marchand et système de cartes) dans
demande de l’autre côté de ce marché. Il en lequel l’organisme émetteur de la carte a
résulte que la volumétrie des trans­actions une relation contra­ctuelle à la fois avec le
entre utilisateurs dépend non seulement consommateur et avec le commerçant.
du niveau général des frais qui leur sont De ce fait, il peut directement imposer sa
facturés mais également de leur répartition politique tarifaire aux deux côtés du marché.
de chaque côté du marché. La mise en Une telle approche est plus malaisée pour
relation entre les deux côtés du marché les systèmes cartes dits « quatre coins »,
est alors assurée par une plateforme qui c’est‑à‑dire assurant la mise en relation directe
applique une politique tarifaire asymétrique de 4 acteurs distincts : consommateur,
afin de tenir compte des spécificités des marchand, émetteur et acquéreur (banque
deux catégories d’utilisateurs. La littérature du commerçant) (voir supra encadré n° 3),
économique montre en effet que le côté dans le cadre desquels des inter­médiaires
du marché qui exerce la force d’attraction (généralement des établissements bancaires)
la plus importante sur l’autre côté – en s’inter­posent entre les systèmes cartes et les
d’autres termes, le côté du marché qui a utilisateurs finaux. La répartition des coûts
la plus forte élasticité prix – paiera généra‑ au sein de ces systèmes est plus complexe
lement un prix plus faible (Verdier, 2009). car deux niveaux de tarification doivent être
pris en compte : la facturation des services
Ce principe peut être illustré par la tarifica‑ fournis par les systèmes cartes aux inter­
tion asymétrique apparue dès la naissance médiaires bancaires et la facturation des
des systèmes cartes avec la diffusion services fournis par lesdits inter­médiaires
en 1950 de la première carte de paiement aux utilisateurs finaux (Verdier, 2009). Afin de
émise par la société Diners Club. Dans ses peser sur la structure des prix, ces systèmes
premières années d’opération, ce système cartes « quatre coins » ont généralement
cartes facturait une cotisation annuelle de recours à des commissions multi­latérales
18 dollars aux consommateurs ayant souscrit d’inter­change en vue d’opérer un trans­fert
à ses services alors que les commerçants des revenus vers le côté du marché qui
participants reversaient une commission de affiche la plus grande réticence à souscrire à
7 % sur chaque trans­action. Cet agencement leur service. De telles commissions prennent
asymétrique a permis à Diners Club de tirer la forme d’un paiement réalisé par la banque
au cours de ses premiers exercices près du commerçant au bénéfice de la banque du
de 75 % de ses revenus des commerçants porteur de la carte de paiement dans le but
ayant souscrit à ses services (Evans, 2003). que celle‑ci le répercute sur son client, soit en
Bien que dans des proportions moins baissant le prix d’usage payé par ce dernier,
marquées, une telle tarification asymétrique soit en le récompensant par des « points ».
se retrouve encore aujourd’hui au cœur des En France, de telles commissions multi­
stratégies mises en œuvre par la majorité latérales d’inter­change existent au sein des
des systèmes cartes. À titre d’exemple, la trois systèmes de cartes les plus répandus
politique de tarification d’American Express – Visa, Mastercard et Cartes bancaires (CB).
vise en grande partie à assurer l’adhésion
de consommateurs à fort pouvoir d’achat en 3.2. Déterminants du niveau
leur proposant des tarifs et un système de de la commission multi­latérale
récompenses très avantageux. Par la suite, d’inter­change
ces utilisateurs permettront au système
cartes d’attirer des commerçants souhaitant Le bienfondé du recours à des commissions
gagner cette clientèle aisée, qui consentiront multi­latérales d’inter­change a fait l’objet
pour ce faire à payer des frais de souscription d’abondantes recherches économiques
plus importants (Verdier, 2009). qui ont visé à déterminer si, d’une part, les

70 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


commissions d’inter­change adoptées par les qu’en situation de concurrence pure et


plateformes contribuaient réellement au bon parfaite entre inter­médiaires bancaires
fonctionnement du marché des moyens de (Verdier, 2011). En outre, il suppose que tous
paiement et, d’autre part, si elles modifiaient les consommateurs et commerçants sont
les conditions de concurrence entre les confrontés aux mêmes coûts et bénéfices
acteurs. Ces recherches se sont appuyées dans leur usage des cartes de paiement
sur la modélisation des inter­actions entre alors qu’une telle hypothèse ne se vérifie
les différents acteurs participant à des plate‑ pas dans les faits. Ces limites expliquent
formes « quatre coins », exercice qui s’est pourquoi le modèle de Baxter a fait l’objet de
avéré particulièrement complexe au regard nombreuses améliorations depuis sa publi‑
du grand nombre de paramètres devant être cation selon des hypothèses différentes
pris en compte, que cela soit au niveau des en fonction des auteurs. Dans une étude
préférences des agents ou de la nature des de 2002, Rochet et Tirole font le postulat
inter­actions concurrentielles à l’œuvre sur que les commerçants sont homogènes dans
le marché étudié (Verdier, 2009). les bénéfices qu’ils tirent des paiements
par carte alors que les consommateurs
Le point de départ de ces travaux d’analyse sont hétérogènes dans leur utilisation de ce
est le modèle développé par Baxter en 1983 moyen de paiement. Wright (2003) adopte
qui imagine la situation suivante : un pour sa part une approche différente en
consommateur souhaite régler une trans­ avançant l’hypothèse que les deux côtés
action auprès d’un marchand et a le choix du marché sont en réalité tous deux hété‑
entre recourir à une carte de paiement ou rogènes. Ces deux postulats donnent lieu
payer en espèces. Alors que le commer‑ à des estimations différentes du montant
çant, du fait du coût d’opportunité lié à la optimal de la commission multi­latérale
détention des espèces, tire un bénéfice net d’inter­change devant être mise en œuvre
de l’utilisation des cartes de paiement par par la plateforme de paiement et ce quel que
ses clients, le consommateur supporte un soit l’objectif poursuivi par cette dernière :
coût de ce moyen de paiement important, optimum social, volumétrie maximale ou
qui correspond à l’imputation par sa banque encore profit maximal (Verdier, 2011).
des coûts d’émission. Il en résulte une
situation où, même si les bénéfices pour Dans les trois modèles décrits ci‑dessus,
la collectivité des paiements par carte les auteurs supposent qu’il n’existe qu’une
(somme des bénéfices du consommateur seule plateforme de paiement qui est ainsi
et du commerçant) sont supérieurs aux en situation de mono­pole et peut donc
coûts associés à ce moyen de paiement, le librement déterminer le montant de ses
consommateur privilégiera les paiements en commissions d’inter­change. Or, dans la
espèces. Baxter montre ainsi que la mise majorité des marchés bifaces, les plate‑
en place d’une commission d’inter­change formes sont en concurrence les unes avec
égale au bénéfice net du commerçant, les autres pour attirer de nouveaux clients.
payée par la banque du commerçant à La littérature économique montre que la
la banque du consommateur, permet de structure des prix qui découle de telles situa‑
corriger l’externalité d’usage exercée par le tions de concurrence est déterminée par la
consommateur sur le commerçant et ainsi capacité des utilisateurs des deux côtés du
de rétablir l’optimum social (Verdier, 2011). marché à participer à plusieurs plateformes
en même temps. De manière générale,
Bien que fondateur, ce premier modèle la capacité d’un côté du marché à parti‑
souffre de sa simplicité. En effet, il fait ciper à plusieurs plateformes 8 aura pour
l’hypothèse que la banque du consom‑ conséquence d’intensifier la concurrence
8 Ce que Rochet et Tirole
mateur répercutera intégralement sur que se livreront les plateformes auprès appellent « multiho-
son client la commission d’inter­change des utilisateurs appartenant à l’autre côté ming » par opposition
à la situation inverse
reçue de la banque du commerçant alors du marché, exerçant une pression à la connue sous le nom
qu’un tel comportement ne se vérifie baisse sur les prix (Rochet et Tirole, 2003). de « singlehoming ».

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 71


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


L’influence exercée par l’introduction d’inter­change élevées ex ante mais ont


de cartes sans frais annuels pour leurs intérêt à refuser les paiements par carte ex
porteurs aux États‑Unis sur la commis‑ post lorsque des clients se présenteront en
sion commerçant d’American Express caisse pour régler des articles.
offre un exemple parlant de ce mécanisme.
Visa et MasterCard ayant offert au début Les deux auteurs imaginent une situation où
des années 1990 de nombreuses cartes un commerçant est confronté à un touriste
gratuites, les titulaires de cartes Amex se qui est en mesure de payer soit en espèces,
trouvèrent pour la première fois en capacité soit par carte. Le touriste n’étant pas par
d’utiliser ces cartes gratuites en lieu et définition un client régulier, le fait de l’obliger
place de leur carte Amex lorsque celle‑ci à payer en espèces ne remet pas en cause la
n’était pas acceptée par les commerçants. réputation du commerçant. Ledit commer‑
Une telle situation incita progressivement çant accepte donc que le touriste règle ses
un nombre croissant de commerçants articles avec sa carte de paiement unique‑
à se détourner des cartes émises par ment si le choix de ce moyen de paiement
American Express dont la commission était ne représente pas pour lui un surcoût en
alors particulièrement élevée, contra­ignant comparaison à un paiement en espèces.
American Express à réviser à la baisse sa Or, une telle situation ne se produit que si
politique tarifaire (Tirole, 2011). la commission multi­latérale d’inter­change
fixée par le système cartes est à un niveau
3.3. Test d’indifférence qui rend le commerçant indifférent quant
au choix du moyen de paiement utilisé par
Tout comme la concurrence entre les le touriste. En comparant la commission
plateformes de paiement est de nature à d’inter­change obtenue en appliquant cette
peser sur la structure des prix des marchés méthodologie à, d’une part, à celle qui
bifaces, les inter­actions stratégiques entre maximise le surplus total des consomma‑
les commerçants peuvent également teurs et des commerçants et, d’autre part,
mener à des commissions multi­latérales à celle permettant d’atteindre l’optimum
d’inter­change supérieures à ce qui serait social (qui prend en compte les profits des
nécessaire pour atteindre l’optimum social inter­médiaires bancaires), Rochet et Tirole
(Verdier, 2011). Compte tenu de la très large arrivent à la conclusion que la valeur du test
utilisation des cartes de paiement dans les d’indifférence n’est socialement optimale
pays développés, le fait de ne pas accepter que lorsque les banques émettrices sont en
les paiements par carte est pénalisant situation de concurrence parfaite. Dans les
pour les commerçants, car susceptible autres cas de figure, la commission d’inter­
de conduire à l’abandon de transactions change passant le test d’indifférence est
commerciales. Afin de se prémunir d’un généralement inférieure à la commission
tel risque, ces commerçants seraient d’inter­change socialement optimale.
prêts à endosser des coûts supérieurs aux
bénéfices directs qu’ils tirent de l’utilisation
des cartes de paiement, finançant ainsi des 4. Marché des moyens de
commissions d’inter­change excessives. paiement et action publique

Dans une étude publiée en 2008, Rochet Le marché des moyens de paiement fait
et Tirole proposent une méthodologie l’objet de défaillances de marché (« market
simple pour évaluer le niveau de la commis‑ failures ») liées à des asymétries d’infor‑
sion d’inter­change fixée par une plateforme mation et à la présence d’externalités
de paiement. Connue sous le nom du test de réseau. La théorie économique nous
d’indifférence, cette méthodologie repose enseigne qu’une telle situation légitime
sur le postulat que pour des raisons d’at‑ l’inter­vention d’un régulateur extérieur au
tractivité les commerçants sont incités marché à condition qu’une telle inter­vention
à accepter de payer des commissions soit fondée sur un raisonnement rigoureux

72 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


mettant en balance les inconvénients des Au début des années deux mille, il est


remèdes envisagés et les avantages qui cependant apparu au législateur européen
en sont escomptés. que la restriction des activités de mise à
disposition de moyens de paiement aux
4.1. Sécurité des moyens de paiement seuls établissements de crédit soumis à
des obligations prudentielles importantes
La confiance des utilisateurs de moyens en raison de leur large périmètre d’activités,
de paiement dans la sécurité des procédés avait eu un effet secondaire indésirable en
mis en œuvre par les inter­médiaires finan‑ limitant l’accès au marché des moyens de
ciers auxquels ils confient leurs fonds paiement à une série d’acteurs de taille
est un facteur essentiel à leur accepta‑ modeste souhaitant se concentrer exclu‑
tion de ces moyens de paiement et, de sivement sur ce marché et pour lesquels il
manière générale, à la bonne conclusion ne s’avérait pas économiquement viable de
des échanges commerciaux. Or, ces fournir des services de paiement au regard
utilisateurs ne disposent généralement des exigences réglementaires bancaires
ni des connaissances techniques, ni des auxquelles ils devaient se conformer.
ressources nécessaires pour évaluer les
procédures de gestion des risques mises en Pour mettre fin à cette situation, les direc‑
œuvre par leurs prestataires de services de tives de l’Union européenne sur les services
paiement. L’existence d’une telle asymétrie de paiement (directive 2007/64/CE ou
d’information entre clients utilisateurs et DSP1 : cf. chapitre 3, section 2) et sur la
prestataires justifie une inter­vention des monnaie électronique (directive 2009/110/CE
auto­rités publiques en vue d’apporter une dite DME2) ont introduit, aux côtés du statut
garanti­e extérieure de la sécurité des diffé‑ d’établissement de crédit, deux nouvelles
rents moyens de paiement. catégories de prestataires de services de
paiement disposant de régimes pruden‑
Comme évoqué dans le chapitre précédent, tiels allégés car proportionnés aux risques
cette mission est généralement confiée aux opérationnels et financiers auxquels ces pres‑
banques centrales. Fortes de leur indépen‑ tataires sont exposés dans le cadre de leurs
dance et de leur expertise, celles‑ci occupent activités : les établissements de paiement
une position privilégiée pour surveiller le et les établissements de monnaie électro‑
marché des moyens de paiement, dans le nique. Fournissant des services spécialisés
but de maintenir la confiance des agents et restreints aux instruments de paiements,
dans la monnaie tout en créant un envi‑ ces deux nouveaux types d’établissements
ronnement économique favorable aux génèrent en effet des risques plus circons‑
échanges commerciaux. Cette activité crits que ceux inhérents au spectre plus large
de surveillance menée par les banques des établissements de crédit. Il apparaît donc
centrales inclut généralement la mise en légitime qu’ils disposent de régimes adaptés,
place de normes et de réglementations par exemple en matière de capital réglemen‑
relatives aux conditions d’exercice des taire. Les nouvelles dispositions issues de
activités de paiement, la mesure des risques la révision de la directive sur les services
pesant sur les acteurs de la filière, ainsi que de paiement (DSP2) restent fidèles à cette
la production d’informations susceptibles philosophie comme l’illustre notamment
d’influencer l’évolution du marché. l’introduction de nouvelles règles encadrant
l’activité de nouvelles catégories d’acteurs
4.2. Promotion de la concurrence tiers qui initient des paiements depuis un
compte tenu par un prestataire de services
Au‑delà de l’action des banques centrales, le de paiement (PSP) ou qui agrègent les infor‑
bon fonctionnement du marché des moyens mations présentes sur ces comptes.
de paiement est également assuré par le
cadre prudentiel qui s’applique à l’ensemble Au‑delà de cette volonté d’ajuster les
des prestataires de services de paiement. régimes prudentiels aux profils de risque des

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 73


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


différents acteurs, les auto­rités publiques 4.3. Encadrement des commissions


européennes ont également œuvré à multi­latérales d’inter­change
assurer une plus grande trans­parence des
frais facturés par les PSP et à rendre plus L’action des auto­rités publiques en faveur
aisé le changement de compte de paiement. de la concurrence sur le marché des moyens
De telles mesures sont en effet de nature à de paiement les a naturellement menées
réduire le pouvoir de marché des PSP histo‑ à s’inter­roger sur le niveau optimal des
riques (Vives, 2001) et ainsi à promouvoir la commissions multi­latérales d’inter­change
concurrence sur le marché européen des mises en place par certaines catégories
moyens de paiement. d’acteurs, dont en premier lieu les
participants à des systèmes cartes
En France, deux lois adoptées à cinq ans « quatre coins ».
d’inter­valle, en 2008 et 2013 9, prévoient
la trans­mission à chaque client d’un réca‑ Une première approche, notamment mise
pitulatif annuel détaillé des frais perçus en œuvre en Australie et aux États‑Unis,
au titre de la gestion de son compte de a été de plafonner de telles commissions
dépôt et, à partir d’octobre 2015, la notifi‑ d’inter­change sur la base des coûts de
cation dans le relevé mensuel des frais liés l’émetteur de la carte. S’étant vue confier
aux irrégularités et incidents. La directive par la loi Dodd‑Frank la responsabilité de
sur les comptes de paiement adoptée réglementer la commission d’inter­change
le 23 juillet 2014 (directive 2014/92/UE) sur les cartes de débit afin que celle‑ci soit
a étendu ces pratiques à l’ensemble de « raisonnable et proportionnelle au coût
l’Union européenne. Elle dispose que les encouru par l’émetteur du fait de la trans­
États membres devront veiller à ce que action » (Tirole, 2011), la Réserve fédérale
les prestataires de services de paiement américaine l’a plafonnée en 2011 à une
fournissent au consommateur, au moins part fixe de 21 centimes par trans­action
une fois par an et à titre gratuit, un relevé à laquelle vient s’ajouter une part variable
de tous les frais encourus pour les services égale à 5 points de base de la valeur de
liés à un compte de paiement. la trans­action. Une majoration de 1 % de
la commission ainsi obtenue est permise
Cette même directive sur les comptes de dès lors que l’émetteur a mis en place un
paiement requiert que les PSP proposent un dispositif de lutte contre la fraude. Enfin,
service d’aide à la mobilité bancaire assurant la Réserve fédérale a prévu une dérogation
notamment le trans­fert vers le nouveau à cette règle pour tout émetteur ayant des
prestataire de services de paiement de actifs d’une valeur inférieure à 10 milliards
la liste des ordres de virements perma‑ de dollars.
nents et des mandats de prélèvements
actifs. Ce service, qui existe sur le terri‑ La Commission européenne a adopté une
toire français depuis 2009, a été rendu approche différente. Étroitement liée au test
obligatoire au niveau national par la loi d’indifférence, celle‑ci vise à s’assurer que les
n° 2014‑344 du 17 mars 2014 relative à la coûts supportés par un commerçant lorsqu’il
consommation ; à cet effet, des travaux de accepte un paiement par carte corres‑
normalisation des informations échangées pondent aux avantages résultant du fait qu’il
entre les banques lors d’une demande de n’a pas à encaisser d’espèces (Tirole, 2011).
mobilité ont été conduits dans le cadre du C’est sur la base de ce principe qu’elle a 9 Il s’agit de la loi n° 2008-3
Comité français d’organisation et de norma‑ contra­int en 2007 Mastercard à plafonner du 3 janvier 2008 et de
la loi n° 2013‑672 du
lisation bancaires (CFONB), permettant le niveau moyen de ses commissions 26 juillet 2013.
d’harmoniser les conditions de fonctionne‑ d’inter­change liées à ses cartes « consom‑
10 Pour plus d’informa‑
ment du service d’aide à la mobilité bancaire mateur » à 0,20 %.En 2010, Visa s’est aligné tion sur le ser vice
entre tous les établissements français. sur cette position pour ses commissions de mobilité bancaire
français : https://parti-
Ce service est pleinement opérationnel applicables aux trans­actions trans­frontalières culiers.banque-france.
depuis le 6 février 2017 10. liées à ses cartes« consommateur ». Cette fr/votre-banque-et-vous

74 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


Encadré n° 4 : L’exemple français de pilotage par les auto­rités publiques de réduction
de la part fixe des commissions commerçant sur les cartes

Les Assises des paiements (voir chapitre 2, encadré 7), dont les travaux en 2015 ont permis de
préparer le stratégie nationale sur les moyens de paiement, proposaient dans leur rapport final, pour
les paiements de petit montant, « […] d’examiner un abaissement supplémentaire du niveau des
commissions commerçant dans les cas où les dispositions contra­ctuelles prévoient qu’un minimum
de commission sera perçu quel que soit le montant de la trans­action ; à cet égard, il semble souhai‑
table que le niveau minimal contra­ctuel des commissions prélevé ne soit plus désormais supérieur
à 5 centimes d’euro, au lieu de 10 centimes d’euro jusqu’à présent » 1.

Cette proposition avait été reprise dans les objectifs de la stratégie nationale sur les paiements
(« Abaisser, lorsqu’il existe, le minimum de commission commerçant »), et avait conduit les établisse‑
ments bancaires, via la Fédération bancaire française, à s’engager, « […] pour le cas où les dispositions
contra­ctuelles prévoient la perception d’un minimum de commission, à une diminution significative
de ce minimum prélevé » 2.

Dans le cadre de sa mission de mise en œuvre de la stratégie nationale sur les moyens de paiement,
le Comité national des paiements scripturaux a lancé durant l’année 2017 une revue chiffrée de
l’engagement pris par les établissements bancaires. La Banque de France a ainsi collecté auprès
des établissements bancaires les données relatives aux commissions commerçant concernant près
de 1,5 million d’entreprises françaises.

Cette collecte a permis de constater que les engagements pris par la communauté bancaire ont été
tenus : ainsi, les montants moyens des minima contra­ctuels des commissions commerçant ont chuté
de près de 42 % entre 2014 et 2016 (cf. graphique 2).

Évolution des minima de commissions commerçant (2014-2016)


(en %)
10

- 10 - 14 - 15

- 20
- 33
- 30
- 42
- 40

- 50
- 62
- 60
- 68
- 70
2014-2015 2015-2016 Baisse cumulée
(2014-2016)
Baisse des minima moyens
Baisse des minima moyens (pondérée par les volumes réels)

1  https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/413453
2  http://www.fbf.fr/fr/files/9X4HFM/Communique-FBF-Assises-des-moyens-paiement-02062015.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 75


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


même approche est au cœur du règlement des paiements) qu’aux contra­intes pesant
européen 2015/751 du 29 avril 2015 relatif sur l’émetteur (Tirole, 2011). En comparaison,
aux commissions d’inter­change pour les une réglementation des commissions d’inter­
opérations de paiement liées à une carte, change fondée sur le test d’indifférence
qui plafonne ces commissions sur les cartes – à l’image de la démarche adoptée par la
de débit et les cartes de crédit rattachées à Commission européenne pour la rédaction
des systèmes « quatre coins » à respective‑ du règlement 2015/751 du 29 avril 2015 –
ment 0,2 % et 0,3 % par trans­action. Dans le semble entretenir des liens plus étroits
cas des cartes de débit, les prestataires avec les travaux théoriques. Pour autant,
de services de paiement seront libres de selon l’analyse développée par Tirole (2011),
mettre en œuvre une commission commer‑ une telle approche, fondée uniquement sur
çant (incluant la commission d’inter­change) les coûts supportés par le commerçant,
calculée sur une base fixe de 5 centimes présenterait l’inconvénient de fournir par
par trans­action à laquelle peut s’ajouter une construction une estimation de la commis‑
part variable, à condition que la somme des sion d’inter­change inférieure à celle qui
commissions prélevées sur une année ne serait socialement souhaitable, car elle
dépasse pas 0,2 % du montant total des ne tiendrait compte ni des externalités
trans­actions réalisées au niveau national au négatives pour la société des moyens de 11 
S ur ce point spéci‑
sein d’un même système cartes. paiement alternatifs (fraude fiscale pour les fique, il est à noter que
la Commission euro‑
espèces par exemple), ni de la nécessité de péenne a tenu compte
Ces approches présentent néanmoins toutes préserver une marge pour les émetteurs dans son étude d’im‑
pact (Commission
les deux certaines faiblesses. Bien que la afin de promouvoir l’innovation et, in fine, européenne, 2013) de
première approche, retenue entre autres le bien‑être des utilisateurs. Sur ce dernier ces objections théo‑
par l’Australie et les États‑Unis et fondée point, il est intéressant de noter que les ries en intégrant dans
ses travaux des consi‑
sur le calcul des coûts de l’émetteur, soit a modèles théoriques développés pour décrire dérations empiriques,
priori plus aisée à appliquer que la mesure le fonctionnement des marchés bifaces q u ’ i l s’ a g i s s e d e s
revenus générés par les
des avantages retirés par une population prennent rarement en compte la question commissions d’inter‑
aussi hétérogène que les commerçants, des coûts liés à la prévention de la fraude change en Europe ou des
une réglementation basée sur ce principe (Verdier, 2006), alors que nombreux sont les accords nationaux déjà
intervenus sur le sujet,
apparaît en décalage avec la théorie écono‑ systèmes cartes qui adaptent leur politique notamment celui passé
mique qui attache davantage d’importance tarifaire en vue d’inciter leurs membres à entre les autorités fran‑
çaises de la concurrence
aux relations entre le commerçant et sa investir davantage pour améliorer la sécurité et le Groupement des
banque (qui assure la fonction d’acquisition de leurs applications 11. cartes bancaires en 2011.

76 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale

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