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L’encadrement juridique du virement
instantané
Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE,
maître de conférences HDR,
université de Strasbourg
Aujourd’hui, en 2020, un nouvel instrument de paiement est proposé par certains prestataires de services de
paiement : le virement instantané. Celui-ci a pour caractéristique, comme son nom l’indique, de pouvoir être
réalisé en 10 secondes au maximum, et ce 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Or, que prévoit le droit à l’égard de
cette forme « moderne » de virement ? Quelles sont les modifications récentes de notre législation qui ont
vocation à s’y appliquer ? Cette contribution revient sur ces interrogations.
lutter contre la fraude liée aux opérations de paiement passées à péenne (ABE) et la Banque de France se sont montrés favorables à
distance. un report 22. Au final, un délai supplémentaire allant jusqu’au
17 - Le payeur souhaitant opérer un virement instantané devra, 31 décembre 2020 a été laissé aux protagonistes intéressés 23. Le
par conséquent, se soumettre également à cette authentification recours au « 3D Secure », pour valider les opérations de paiement
forte. Son PSP sera ainsi prochainement dans l’obligation de mettre souhaitées, devrait alors encore perdurer un certain temps.
en œuvre cette dernière pour toutes les opérations de paiement à
distance. À défaut, ce professionnel se verra opposer des règles de 3° Le recours éventuel à un initiateur de paiement
responsabilité défavorables, si le client vient à contester des opéra-
23 - Une ultime « nouveauté » de la directive DSP 2, de nature
tions non autorisées (C. mon. fin., art. L. 133-19 V et VI) ou mal
à avoir des incidences sur le régime juridique du virement instan-
exécutées (C. mon. fin., art. L. 313-22). Des redirections sur les
tané, est à mentionner : il s’agit de la création d’un nouveau service
sites des banques pour pouvoir procéder à l’authentification forte
de paiement, en l’occurrence celui d’initiation de paiement 24.
devront donc être mises en place.
18 - Cette nouvelle exigence connaît cependant des tempéra- 24 - Ce service consiste, selon l’article D. 314-2, 6°, du Code
ments. Des exceptions ont en effet été prévues 20 par les articles 10 monétaire et financier, « à initier un ordre de paiement à la
à 21 du règlement délégué (UE) 2018/389 du 27 novembre demande de l’utilisateur de services de paiement concernant un
2017 21. Or, trois d’entre elles peuvent intéresser le virement compte de paiement détenu auprès d’un autre prestataire de
instantané. services de paiement ». L’article L. 133-40 du Code monétaire et
19 - Il en va ainsi, en premier lieu, pour les opérations de paie- financier régit spécifiquement cette situation 25.
ment passées à distance de faible valeur. L’article 16 du règlement 25 - Ce service de paiement doit donc permettre de faire des
précité prévoit en effet que les prestataires de services de paiement achats en ligne, sans utiliser les données figurant sur une carte de
(PSP) sont autorisés à ne pas appliquer l’authentification forte du paiement, et donc échapper aux risques de fraudes qui sont liés à
client lorsque le payeur initie une opération de paiement électro- cette utilisation. Seules des opérations de virement peuvent ainsi
nique à distance, pour autant que certaines conditions sont être passées par son intermédiaire.
remplies. D’abord, le montant de l’opération de paiement électro- 26 - Il est à noter que ce nouveau service ne peut être assuré que
nique à distance ne doit dépasser 30 euros. Ensuite, l’une des deux par des établissements de crédit, des établissements de monnaie
exigences suivantes doit pouvoir être relevée : soit le montant électronique et des établissements de paiement, c’est-à-dire des
cumulé des précédentes opérations de paiement électronique à prestataires de services de paiement (PSP). Un agrément est donc
distance initiées par le payeur, depuis la dernière authentification obligatoirement requis. Notre droit admet néanmoins, aujourd’hui,
forte du client, ne doit pas être supérieur à 100 euros ; soit le la création d’établissements de paiement « light », spécialement
nombre des précédentes opérations de paiement électronique à compétent pour fournir le service d’initiation de paiement (C. mon.
distance initiées par le payeur, depuis la dernière authentification fin., art. L. 522-7, b). On parle de prestataires de services d’initia-
forte du client, ne doit pas dépasser cinq opérations de paiement tion de paiement (PSIP). Les FinTechs, c’est-à-dire les « start-up »
électronique à distance individuelles consécutives. Les virements innovantes qui utilisent la technologie pour repenser les services
instantanés de faible valeur pourraient donc être concernés par ce bancaires et financiers, ont ici un rôle à jouer 26.
cas dérogatoire.
27 - Concrètement, en présence d’un tel prestataire de services
20 - En second lieu, l’article 13 du règlement délégué du de paiement d’initiation de paiement, l’opération de paiement
27 novembre 2017 prévoit que les prestataires de services de paie- réalisée par virement instantané débutera par un ordre émis par le
ment sont autorisés à ne pas appliquer l’authentification forte du payeur. Cet ordre sera alors transmis, par l’intermédiaire du site
client lorsque le payeur initie une opération de paiement et que le internet du e-commerçant 27, au PSIP, qui, comme son nom
bénéficiaire figure dans une liste de bénéficiaires de confiance l’indique, initiera ensuite cet ordre, c’est-à-dire déclenchera le
préalablement créée par le payeur (en quelque sorte des « e-com- paiement pour le compte du payeur auprès du prestataire de
merçants de confiance »). Les « exigences générales en matière services de paiement gestionnaire du compte (PSPGC) du
d’authentification » devront cependant être respectées dans un tel payeur 28. Le lien entre ces deux prestataires de services de paie-
cas. Concrètement, dans notre cas, le payeur devra entrer ses codes ment se fera via une interface (Application Programming Interface.
d’accès « classiques » pour initier le virement instantané souhaité. – API) permettant à leurs programmes informatiques de dialoguer
Bien évidemment, l’authentification forte du client s’imposera à ensemble 29. L’établissement teneur de compte procèdera alors au
nouveau lorsque le payeur créera ou modifiera cette liste de béné-
ficiaires de confiance « par l’intermédiaire du prestataire de
services de paiement gestionnaire de son compte ». 22. J. Lasserre Capdeville, Opérations de paiement à distance : le report de l’authen-
21 - En dernier lieu, l’article 15 du règlement délégué prévoit que tification forte : JCP E 2019, act. 666, n° 42.
23. R. Bloch, Paiement en ligne : la disparition du SMS fixée à la fin 2020 : Les
les prestataires de services de paiement sont autorisés à ne pas Échos.fr, 16 oct. 2019.
appliquer l’authentification forte du client lorsque le payeur initie 24. C. mon. fin., art. L. 314-1, 7°. – K. Magnier-Merran, La « DSP 2 » et les nouveaux
un paiement pour lequel le payeur et le bénéficiaire sont la même services de paiement : chronique d’une « démonopolisation » bancaire annon-
personne physique ou morale et les deux comptes de paiement cée : RD bancaire et fin. 2018, dossier 17.
25. Il est notamment précisé que la fourniture de services d’initiation de paiement
sont détenus auprès du même prestataire de services de paiement « n’est pas subordonnée à l’existence de relations contractuelles entre les pres-
gestionnaire du compte. tataires de services de paiement fournissant le service d’initiation de paiement
22 - Au-delà de ces exceptions, on rappellera que ces exigences et les prestataires de services de paiement gestionnaires de comptes ».
26. P. Storrer, L’apport des FinTechs au droit des services de paiement : RD bancaire
nouvelles, liées à l’authentification forte, devaient entrer en vigueur
et fin. 2017, dossier 6.
à partir du 14 septembre 2019. Toutefois, l’Autorité bancaire euro- 27. Un e-commerçant pourra en effet élargir sa palette de paiement en intégrant ces
initiateurs de paiement au côté? des réseaux de paiement traditionnel : CB/Visa/
MasterCard/American Express, voire encore PayPal.
20. J. Lasserre Capdeville, Les exceptions à la future obligation d’authentification 28. Ainsi, pour l’article L. 133-7 du Code monétaire et financier, le consentement
forte : JCP E 2019, 1410, n° 36. du payeur à l’opération de paiement « peut être donné par l’intermédiaire [...]
21. Comm. UE, règl. délégué (UE) 2018/389, 27 nov. 2017, complétant la direc- d’un prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de
tive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil par des normes tech- paiement mentionné au 7° du II de l’article L. 314-1 ».
niques de réglementation relatives à l’authentification forte du client et à des 29. Les articles 30 à 33 du règlement délégué n° 2018/389 du 27 novembre 2017
normes ouvertes communes et sécurisées de communication : JOUE n° L 69, délégué régissent tout particulièrement cette question. – J. Lasserre Capdeville,
13 mars 2018, p. 23. – M. Roussille, La DSP 2 bientôt pleinement applicable : Banque : la mise en place d’interfaces de programmation : Dalloz IP/IT, juill.-
les normes techniques enfin publiées : Banque et droit 2018, n° 179, p. 47. août 2019, n° 7-8, Pratiques, p. 435. 3
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paiement souhaité. Ce processus doit alors pouvoir être mis en rapidité au virement « classique » envisagé 32. Le professionnel de
œuvre avec le virement instantané et le faciliter 30. la banque s’est ainsi déjà vu imposer la réparation du dommage
28 - On n’oubliera pas de préciser que, dans certaines circons- causé, soit au donneur d’ordre, soit au bénéficiaire du virement 33.
tances, il sera de surcroît demandé au payeur de respecter les règles La même solution devrait alors s’appliquer au virement instantané
relatives à l’authentification forte 31. En effet, pour l’article L. 133- si le non-respect du délai de 10 secondes précité (voire de 20
44, IV, du Code monétaire et financier, le PSP gestionnaire du secondes en cas de difficulté exceptionnelle de traitement) a occa-
compte doit autoriser le PSIP à se fonder sur ses procédures sionné un préjudice à l’un des protagonistes intéressés par l’opéra-
d’authentification respectant les exigences légales. tion de paiement. Dans tous les cas, la contestation liée au virement
instantanée fait l’objet d’un encadrement juridique.
B. - L’exécution du virement instantané par le PSP du
payeur 2. L’encadrement de la contestation du
29 - Observons l’encadrement légal logiquement applicable au virement instantané
virement instantané (1°) avant d’envisager le renforcement conven-
tionnel devant être prévu en la matière (2°). 37 - Une distinction « classique », car envisagée par le Code
monétaire et financier, peut être opérée ici entre la contestation
1° L’encadrement légal de l’exécution du virement relative au virement instantané non autorisé (A) et celle portant sur
le virement instantané mal exécuté (B).
30 - Deux phases successives sont à distinguer : d’une part, la
mise à disposition des fonds au prestataire de services de paiement A. - La contestation du virement instantané non
(PSP) du bénéficiaire, et, d’autre part, la mise à disposition effec- autorisé
tive des mêmes fonds au bénéficiaire par son prestataire.
31 - En premier lieu, concernant la mise à disposition des fonds 38 - Le droit régissant classiquement le virement non autorisé (1°)
au PSP du bénéficiaire, la loi prévoit que le montant de l’opération doit être complété par les dispositions intéressant plus particuliè-
de paiement doit être crédité sur le compte du prestataire de rement l’intervention d’un prestataire de services d’initiation de
services de paiement du bénéficiaire, « au plus tard à la fin du paiement (2°).
premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre
de paiement » (C. mon. fin., art. L. 133-13, I). Pour mémoire, est 1° L’encadrement « standard » de la contestation du
un jour ouvrable celui au cours duquel le prestataire de services de virement non autorisé
paiement du payeur ou celui du bénéficiaire exerce une activité 39 - Depuis l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, notre
permettant d’exécuter des opérations de paiement (C. mon. fin., droit régit précisément le cas des opérations de paiement non auto-
art. L. 133-4, d). L’article L. 133-9, alinéa 3, prend soin de préci- risées, en prévoyant au bénéfice du payeur un corps de règles très
ser que si le moment de réception n’est pas un jour ouvrable pour protecteur 34.
le prestataire de services de paiement du payeur, l’ordre de paie-
40 - D’abord, en cas d’opération de paiement non autorisée, il
ment sera réputé avoir été reçu le jour ouvrable suivant.
revient à l’utilisateur de paiement d’effectuer un signalement à son
32 - En second lieu, concernant la mise à disposition effective des prestataire de services de paiement. Celui-ci doit intervenir « sans
fonds au bénéficiaire par son prestataire, l’article L. 133-14, I, tarder » et, au plus tard, dans les 13 mois suivant la date de débit
indique que le PSP du bénéficiaire est tenu de mettre le montant sous peine de forclusion (C. mon. fin., art. L. 133-24, al. 1er).
de l’opération à disposition du bénéficiaire immédiatement après
41 - Ensuite, d’un point de vue probatoire, l’article L. 133-23 du
que son propre compte a été crédité. Le recours aux dates de valeur
code prévoit que lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie
est en outre strictement encadré par l’article.
avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée 35, il
33 - On notera que l’article L. 133-10 du Code monétaire et incombe à son PSP de prouver que l’opération en question a été
financier régit l’hypothèse particulière du refus d’exécuter un ordre « authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée, et qu’elle n’a
de paiement (ou d’initier une opération de paiement) par le pres- pas été affectée d’une déficience technique ou autre ». La charge
tataire de services de paiement. L’ordre de paiement refusé est alors de la preuve de la régularité de l’autorisation pèse donc exclusive-
réputé non reçu (C. mon. fin., art. L. 133-10, I, al. 3). ment sur le prestataire : il se voit dans l’obligation de produire des
éléments rendant certain le fait que l’ordre émane bien du
2° Le renforcement conventionnel de l’encadrement payeur 36.
légal 42 - Les conséquences de la contestation précitée sont régies par
34 - Les règles précitées sont logiquement renforcées convention- l’article L. 133-18 du Code monétaire et financier. En effet, selon
nellement en matière de virement instantané. En effet, il est attendu, ce dernier, en cas d’opération de paiement non autorisée signalée
dans un tel cas, de respecter un délai de 10 secondes au maximum par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24,
entre l’acceptation du débit du compte du payeur par son PSP et le PSP du payeur rembourse à ce dernier le montant de l’opération
le moment où le compte du bénéficiaire est crédité. Le plus souvent
une clause prévoit que ce délai peut aller jusqu’à 20 secondes au 32. Pour un délai de 8 jours de retard, Cass. com., 6 janv. 1955 : Bull. civ. IV, n° 3 ;
maximum en cas de « difficultés exceptionnelles de traitement ». RTD com. 1955, p. 363, obs. J. Becqué et H. Cabrillac. – Concernant un vire-
35 - En revanche, passé ce délai de 20 secondes, il est prévu que ment opéré à l’étranger 27 jours plus tard, CA Toulouse, 25 sept. 2013, n° 11/
05515 : LEDB déc. 2013, p. 5, obs. J. Lasserre Capdeville ; LPA 1er mai 2015,
la transaction est automatiquement annulée.
n° 87-88, p. 17, obs. C. Kleiner.
36 - Mais qu’adviendra-t-il si le PSP proposant le virement instan- 33. Cass. com., 23 avr. 1985, n° 84-11.021 : Bull. civ. IV, n° 121.
tané n’est pas en mesure de respecter les délais précités ? On 34. J. Lasserre Capdeville, La contestation des opérations de paiement non autori-
sées : RD bancaire et fin. 2011, dossier 6. – S. Torck, L’exécution et la contes-
rappellera que, de longue date, la jurisprudence retient la respon-
tation des opérations de paiement : JCP E 2010, 1033.
sabilité du banquier n’ayant pas procédé avec suffisamment de 35. Cette disposition s’applique également aux opérations mal exécutées, V. n° 50.
36. Une précision importante figure à l’alinéa 2 de l’article L. 133-23 : l’utilisation
de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services
30. Certains auteurs préfèrent bien distinguer le virement instantané et le paiement de paiement ne suffit pas nécessairement, en tant que telle, à prouver que
en ligne sans carte bancaire, V. Mignot, Banque : les 5 nouveaux services qui l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas « satisfait inten-
vous faciliteront la vie en 2020 : MoneyVox, 14 nov. 2019. tionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la
4 31. V. n° 15 et s. matière ».
REVUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER - N° 1 - JANVIER-FÉVRIER 2020 - © LEXISNEXIS SA Études
non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de B. - La contestation du virement instantané mal
l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause exécuté
au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant 37.
48 - Dans ce cas également, nous observerons le droit régissant
43 - Cette irresponsabilité n’est cependant pas sans limite. En
classiquement le virement mal exécuté (1°) avant de mentionner
effet, selon l’article L. 133-19, IV, du Code monétaire et financier,
les dispositions intéressant plus particulièrement l’intervention d’un
le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opéra-
prestataire de services d’initiation de paiement (2°).
tions de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agis-
sement frauduleux de sa part ou si celui-ci n’a pas « satisfait inten- 1° L’encadrement « standard » de la contestation du
tionnellement ou par négligence grave aux obligations prescrites
virement mal exécuté
par les articles L. 133-16 et L. 133-17 », c’est-à-dire, respective-
ment, l’obligation de préserver la sécurité de ses données de sécu- 49 - Une opération mal exécutée est un manquement aux obli-
rité personnalisées et celle d’informer sans tarder son prestataire (ou gations qui incombent aux prestataires de services de paiement
l’entité désignée par celui-ci) de la perte, du vol, du détournement dans l’exécution des ordres de paiement. Il en ira ainsi, par
ou de toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement exemple, en cas de défaut d’exécution de l’ordre de paiement, d’un
ou des données qui lui sont liées. retard dans l’exécution de cet ordre, ou encore d’une erreur dans
44 - Néanmoins, cela a été noté, la charge de la preuve pèse sur le montant ou dans l’identité du bénéficiaire.
le PSP du payeur, et celle-ci est, aujourd’hui, particulièrement diffi- 50 - Le régime général de contestation des ordres de paiement
cile à rapporter. Il n’en ira différemment qu’en cas d’aveux du non ou mal exécutés présente des points communs avec celui qui
client, comme par exemple lorsque celui-ci reconnaît avoir été a été décrit en cas d’ordre de paiement non autorisé, qu’il s’agisse
victime d’un phishing, c’est-à-dire d’un « hameçonnage » afin de la charge de la preuve (C. mon. fin., art. L. 133-23) ou qu’il
d’obtenir de lui ses codes secrets 38. s’agisse du délai imparti à l’utilisateur de services de paiement pour
contester la bonne exécution d’une opération de paiement (C.
2° L’encadrement spécial en cas d’intervention d’un mon. fin., art. L. 133-24).
PSIP 51 - Pour le reste, un régime particulier est prévu selon la façon
dont est donnée l’ordre de paiement. Ainsi, pour l’article L. 133-
45 - L’encadrement juridique précité a connu une évolution
22, I, du code, lorsque cet ordre de paiement est donné par le
notable suite à l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 afin,
payeur à son PSP, comme c’est le cas matière de virement, ce
notamment, de prendre en considération les cas dans lesquels un
dernier professionnel est responsable de la bonne exécution de
prestataire de services d’initiation de paiement (PSIP) intervient 39.
l’opération de paiement à l’égard du payeur « jusqu’à réception du
46 - Prenons, d’abord, le cas de la charge de la preuve. Désor- montant de l’opération de paiement » par le PSP du bénéficiaire.
mais, l’hypothèse où un PSIP est intervenu est spécialement envi- À partir de cet instant, c’est celui-ci qui devient, à son tour, respon-
sagée par un nouvel article L. 133-23-1. Selon ce dernier, lorsqu’un sable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard
utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération du bénéficiaire.
de paiement qui a été exécutée 40, et que l’ordre de paiement a été 52 - Des effets sont alors prévus à cette règle. En effet, lorsque
initié par un PSIP à la demande du payeur, il incombe à ce pres- l’ordre de paiement est donné par le payeur et que la mauvaise
tataire de prouver « que l’ordre de paiement a été reçu par le pres- exécution du virement est imputable au PSP du payeur, celui-ci
tataire de services de paiement gestionnaire du compte du payeur doit restituer sans tarder son montant au payeur. Il rétablit égale-
et que, pour ce qui le concerne, l’opération de paiement a été ment, le cas échéant, le compte du payeur dans la situation qui
authentifiée et dûment enregistrée et correctement exécutée qu’elle aurait prévalu si l’opération de paiement mal exécutée n’avait pas
n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre en rela- eu lieu. Dans le cas où l’ordre de paiement a été donné par le
tion avec le service qu’il fournit ». Ainsi, sa seule intervention en payeur et que la mauvaise exécution de cet ordre est imputable,
la matière fait peser sur lui la charge de la preuve. Cela pourrait se cette fois-ci, au PSP du bénéficiaire, celui-ci doit à son tour mettre
révéler problématique pour certains PSIP. immédiatement le montant de l’opération de paiement à la dispo-
47 - Par ailleurs, les conséquences de la contestation précitée sition du bénéficiaire et, le cas échéant, créditer son compte du
sont également quelque peu modifiées du fait de la présence du montant correspondant.
PSIP. Selon l’article L. 133-18, alinéa 2, lorsque l’opération de 53 - Une solution particulière est cependant à souligner ici.
paiement non autorisée est initiée par un tel intermédiaire, le PSP L’article L. 133-21 du Code monétaire et financier vise en effet le
gestionnaire du compte se voit tout de même tenu de rembourser cas de la délivrance de l’IBAN (International Bank Account
immédiatement, « et en tout état de cause au plus tard à la fin du Number), qui est un numéro de compte bancaire international,
premier jour ouvrable suivant », au payeur le montant de l’opéra- utilisé pour faciliter le traitement automatisé des paiements trans-
tion non autorisée. Néanmoins, et fort logiquement, le texte précise frontaliers plus particulièrement par l’intermédiaire d’un virement.
que si le PSIP est responsable de l’opération de paiement non auto- L’article en question nous indique que le prestataire de services de
risée, il devra indemniser immédiatement le PSP gestionnaire du paiement (PSP) qui a exécuté l’ordre de paiement conformément
compte, « à sa demande, pour les pertes subies ou les sommes à l’identifiant unique communiqué par l’utilisateur de services de
payées en raison du remboursement du payeur, y compris le paiement ne peut être tenu pour responsable si cet identifiant est
montant de l’opération de paiement non autorisée ». Or, inexact, et ce, même si d’autres informations lui sont fournies. Il
rappelons-le, la charge de la preuve pèsera sur ce PSIP, et il aura devra néanmoins s’efforcer raisonnablement de récupérer les fonds
sûrement bien du mal à démontrer que l’opération a été correcte- engagés dans l’opération de paiement 41. La Cour de cassation a
ment passée. eu l’occasion, par une décision remarquée du 24 janvier 2018, de
préciser que cette irresponsabilité civile profitait tant au prestataire
37. Il en va cependant différemment, selon l’article, s’il a « de bonnes raisons de
de services de paiement du payeur qu’à celui du bénéficiaire 42.
soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il commu- Il est vrai que l’article L. 133-21, alinéa 2, n’opère sur ce point
nique ces raisons par écrit à la Banque de France ».
38. J. Lasserre Capdeville, M. Storck, M. Mignot, J.-Ph. Kovar et N. Éréséo, Droit
bancaire : éd. Dalloz, coll. Précis, 2e éd., 2019, n° 1440 et s. 41. C. mon. fin., art. L. 133-21, al. 3. – Le prestataire de services de paiement du
39. N. Kilgus, L’évolution des procédures de contestation des paiements : RD bénéficiaire devra ainsi communiquer au prestataire de services de paiement
bancaire et fin. 2018, dossier 11. du payeur toutes les informations utiles pour récupérer les fonds.
40. Il en va de même s’il affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée 42. Cass. com., 24 janv. 2018, n° 16-22.336 : LEDB mars 2018, p. 1, obs. S. Piéde-
correctement, V. n° 37. lièvre ; D. 2018, p. 501, note J. Lasserre Capdeville ; JCP E 2018, 1154, note 5
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aucune distinction. Cette solution, partagée par la CJUE 43, pour- travers l’Europe 45. Beaucoup voient ce paiement instantané
rait fragiliser les actions du payeur face à un virement instantané s’installer plus généralement là où la carte bancaire présente
mal exécuté. encore des insuffisances, c’est-à-dire pour les paiements en ligne.
En revanche, il ne devrait pas en être de même, du moins dans
2° L’encadrement spécial en cas d’intervention d’un l’immédiat, pour les paiements réalisés sur les points de vente
PSIP physiques.
58 - Depuis le 30 novembre 2018, le système d’échange inter-
54 - Il convient ici de se référer à l’article L. 133-22-1 du Code bancaire français est opérationnel et connecté au système euro-
monétaire et financier. Aux termes de ce dernier, lorsqu’un ordre péen géré par la Banque centrale européenne (Target Instant
de paiement est initié par le payeur par l’intermédiaire d’un PSIP, Payment Settlement. – TIPS) 46. Les enseignes françaises sont donc
le PSP gestionnaire du compte « rembourse au payeur le montant à même de recevoir et émettre des paiements instantanés. Toutes,
de l’opération de paiement non exécutée ou mal exécutée et, le cas pourtant, n’ont pas encore investi ce nouveau champ. Le paiement
échéant, rétablit le compte de paiement débité dans l’état où il se instantané est encore loin d’être généralisé, notamment du côté des
serait trouvé si l’opération de paiement mal exécutée n’avait pas eu banques en ligne et des néobanques. Il est vrai qu’une telle mise
lieu ». Ainsi, dans ce cas encore, c’est d’abord le PSP gestionnaire en place implique des investissements massifs pour les profession-
de compte qui verra peser sur lui l’obligation de rembourser nels de la banque en termes de technologie comme de « dévelop-
l’opération contestée car mal exécutée 44. pement produits » que cela soit pour le B to B ou le B to C. Du côté
des établissements de crédit « traditionnels », un certain nombre
55 - Toutefois, ici également, cette responsabilité ne devrait durer
ont désormais déployé une offre d’émissions de paiements instan-
qu’un temps. En effet, pour l’article L. 133-22-2 du même code, si
tanés pour leurs clients (BPCE, BNP Paribas, Société générale,
le PSIP est bel et bien responsable de la non-exécution, de la
Arkéa, Crédit agricole, etc.). On peut citer, par exemple, l’Instant
mauvaise exécution ou de l’exécution tardive du virement instan- Payment 47 ou encore le « Paylib entre amis » 48 qui est à présent
tané il sera alors tenu d’indemniser immédiatement le PSP gestion- proposé en version instantanée (« Paylib entre amis instantané »).
naire du compte, à sa demande, « pour les pertes subies ou les Le « décollage » est annoncé 49.
sommes payées en raison du remboursement du payeur ». Or, et 59 - On notera toutefois que, dans certains cas (notamment avec
cela a été souligné, la charge de la preuve pèsera sur ce PSIP, et il le Paylib instantané), le virement instantané peut se faire en saisis-
aura sûrement bien du mal à démontrer que l’opération a été sant simplement le numéro de téléphone mobile d’un bénéficiaire.
correctement passée. N’y a-t-il pas là un risque de détournements de cette technique de
paiement ? Récemment, un député a interrogé, sur ce point, au
secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances
Conclusion et du ministre de l’Action et des Comptes publics, chargé du Numé-
56 - Ce virement ultrarapide bouleversera-t-il les pratiques en rique 50. Ce dernier s’est voulu rassurant dans sa réponse 51, en
rappelant notamment que l’Observatoire de la sécurité des moyens
matière de paiement ? C’est tout à fait possible. Il pourrait alors
de paiement, qui a pour mandat d’assurer la sécurité des moyens
marquer l’avènement du m-paiement (paiement mobile), utilisant
de paiement, accorde une attention particulière aux conditions de
la technique du virement, au détriment du paiement par carte
déploiement de ces nouveaux moyens de paiement. Pourtant, et
bancaire. En conséquence, un grand nombre de paiements pour-
malgré les règles protectrices prévues au bénéfice du payeur en la
raient s’affranchir de certains grands réseaux internationaux (ex. matière, tout danger ne saurait être écarté d’un « revers de la
Visa, MasterCard, etc.) qui sont pour l’heure des partenaires main ». ê
« quasi-obligés » des prestataires de services de paiement. De
même, la masse de la monnaie fiduciaire (billets et pièces) pour- Mots-Clés : Virement - Prestataire de service de paiement
rait s’en trouver réduite. Ce virement instantané pourrait ainsi
contribuer au renforcement de la dématérialisation des paiements.
45. European Payments Council, Launch of the SEPA Instant Credit Transfer
Ainsi, si ce n’est pas la législation qui impose ce virement instan- Scheme, nov. 2017, p. 8.
tané, ce sera peut-être le marché. 46. V. Mignot, Paiement instantané : quelles banques le proposent, et à quel prix ? :
57 - Le Conseil européen des paiements prévoit que cette forme CBanque, 15 avr. 2019.
47. K. Mellaza, L’Instant Payment, une re?volution dans le monde du paiement ? :
de virement représentera 32 % des transactions après 2020 à CBanque, 23 nov. 2018.
48. Il s’agit, pour mémoire, d’un service de paiement entre particulier disponible
sur mobile. Lancé au printemps 2018, il permet de transférer facilement de
K. Rodriguez ; Banque et droit 2018, n° 179, p. 10, obs. Th. Bonneau ; petites sommes d’argent, en désignant le bénéficiaire non pas par son numéro
Banque mars 2018, n° 818, p. 82, obs. P. Storrer. de compte, mais par son numéro de mobile.
43. CJUE, 21 mars 2019, aff. C-245/18 : Dalloz IP/IT 2019, p. 522, obs. J. Lasserre 49. F. Van Daële, Paiement instantané : un décollage pour les clients en 2020 ? :
Capdeville. MoneyVox, 22 nov. 2019.
44. Ici encore, la responsabilité du PSPGC sera écartée si l’IBAN du bénéficiaire est 50. JOAN, Question écrite n° 19074, 23 avr. 2019.
inexact ou encore si le délai butoir de 13 mois de l’article L. 133-24 a expiré. 51. JOAN, réponse à la question écrite n° 19074, 13 août 2019.