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L’UFC-QUE CHOISIR POUR UNE CARTE

BANCAIRE RESPONSABLE
INTRODUCTION

1. La carte bancaire en chiffres

► La carte bancaire, premier moyen de paiement en France

La carte bancaire est, depuis 2003, le premier moyen de paiement utilisé par les Français. Quasiment
à égalité avec le chèque à cette date, elle est aujourd’hui deux fois plus utilisée que le chèque.

La carte bancaire est utilisée avant tout pour les paiements compris entre 20 € et 220 € : avant 20 €,
les espèces dominent ; après 220 €, le chèque reste le premier moyen de paiement utilisé.

En moyenne, en 2009, les Français ont fait 113 paiements par carte pour un montant de 48 €, et
26 retraits pour un montant de 74 €.

► Nombre de cartes bancaires en France

En 2009, d’après le Groupement des cartes bancaires, il y avait en France 90,6 millions de cartes
bancaires en circulation.

Parmi ces cartes, 32,2 millions étaient des cartes privatives émises, par exemple, par des grandes
surfaces pour des paiements internes : ces cartes, si elles peuvent créer des problèmes spécifiques
(crédit renouvelable…), ne sont pas des cartes utilisables dans l’ensemble des commerces. Nous ne
les prendrons pas en compte dans cette étude.

Il reste donc 58,4 millions de cartes de type « interbancaire », principalement Carte Bleue,
MasterCard et Visa. D’après les sondages effectués par le Groupement des cartes bancaires, en
2009, 88 % des Français possédaient au moins une carte et 24 % au moins deux.

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L’équipement des Français en cartes bancaires, déjà important à la fin du XXe siècle, a connu une
forte croissance sur les dix dernières années : +56 %. La progression actuelle se stabilise vers
1,5 % par an. Cette stabilisation correspond à un phénomène de saturation progressive du marché.

La progression résiduelle se concentre sur l’attaque de nouveaux segments de marché jusqu’alors


considérés comme inéligibles. Par exemple, depuis une douzaine d’années, la mise en place de la
carte à autorisation systématique a permis aux banques d’équiper en cartes bancaires des
populations jugées à risque : étudiants, interdits bancaires, bénéficiaires de minima sociaux… Dans
cette lignée, les établissements bancaires tentent aujourd’hui de proposer à des populations jeunes (à
partir de 12 ans) des cartes prépayées rechargeables.

Deux marques se partagent l’essentiel des cartes bancaires : parmi les 58,4 millions de cartes
bancaires, 32,7 millions sont des cartes bancaires de marque Visa, et 24 millions sont des
cartes MasterCard. Les cartes bancaires ni Visa ni MasterCard, qui occupaient auparavant une part
notable du parc (22 %), ne sont plus que résiduelles : seulement 3 %.

► Typologie des cartes bancaires

Elles se répartissent pour la plupart des cas en trois catégories :


• les cartes à autorisation systématique, qui ont la particularité d’interroger le solde du
compte du client pour chacun des paiements qu’il effectue ;
• les cartes classiques internationales, dont le paiement au commerçant est garanti même si
ce type de carte ne vérifie pas systématiquement le solde du compte de son titulaire lors d’un
paiement ;
• les cartes haut de gamme (« Gold » ou « Premier »), qui fonctionnent comme les cartes
classiques internationales mais offrent des plafonds de paiement et de retrait plus élevés que
celles-ci, et des assurances plus larges.

D’autres cartes existent, mais de manière plus marginale ou moins impactante :


• les cartes de retrait interbancaires, mais qui sont progressivement remplacées par les cartes à
autorisation systématique ;
• les cartes de crédit national, désormais marginales dans le parc français ;
• les cartes de prestige (« Infinite », « Platinum »), en progression mais peu nombreuses.

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Si l’on excepte ces trois cas, le marché français est réparti de la manière suivante.

La carte à autorisation systématique constitue environ 15 % du marché. La carte classique


internationale équipe la grande majorité (72,3 %) des Français. Enfin, les cartes haut de gamme
équipent 12,6 % de la population, mais ce pourcentage augmente rapidement.

En plus de cette différence entre les modèles de carte, les cartes classiques internationales et haut de
gamme peuvent proposer deux types de paiement :
• le paiement en débit immédiat : la somme payée au commerçant est immédiatement
retirée du compte du client ;
• le paiement par débit différé : la somme payée au commerçant est retirée à la fin du mois
du compte du client. Entre le jour du paiement et la fin du mois, c’est la banque du client qui
finance le décalage de trésorerie. Cette option est facturée en moyenne 7 € par an.

En France, environ 70 % des cartes classiques internationales sont des cartes à débit immédiat,
et 30 % à débit différé : soit donc, sur le total des cartes, 50,6 % de cartes classiques internationales
à débit immédiat et 21,7 % de cartes classiques internationales à débit différé. Pour les cartes haut de
gamme les statistiques sont inexistantes, mais il est probable que la grande majorité soit à débit
différé, ne serait-ce que parce qu’il est proposé gratuitement sur leur contrat.

2. La carte bancaire, premier poste de coût pour les consommateurs

► La carte bancaire, une multitude de sources de revenus pour les


banques…

Même si les sondages montrent régulièrement que la carte bancaire est le « moyen de paiement
préféré des Français », cette carte qui équipe la quasi-totalité de la population a un coût, et même
plusieurs coûts pour les consommateurs.

Ainsi sont facturés de manière directe au client :

• la cotisation annuelle ;
• les frais sur retrait déplacé (retrait à un distributeur qui n’est pas de la banque du client) ;
• les frais sur incident de paiement (commission d’intervention, retrait pour usage abusif,
inscription au Fichier central des chèques et cartes [FCC]…) ;
• les frais sur remplacement de carte, sur renvoi de code…

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À cela s’ajoutent les frais facturés aux commerçants et probablement refacturés aux clients au moins
en partie :

• la commission sur paiement par carte bancaire, dont le coût total est estimé selon les sources
à entre 1 et 3 milliards d’euros par an. Cette commission couvre notamment les coûts de la
fraude ;
• la location ou achat du terminal de paiement électronique (TPE), utilisé par le commerçant
pour les paiements par carte bancaire ;
• les coûts de télécommunication liés à l’utilisation du TPE.

Les cotisations annuelles, frais sur retrait déplacé et commissions sur paiement sont comptabilisés
dans les rapports annuels au titre de commissions sur les moyens de paiement. L’addition de ces trois
frais finit par représenter une somme très importante, et une part croissante dans les revenus des
banques.

Par exemple, d’après les rapports annuels de LCL, de 2001 à 2009 (les rapports antérieurs n’étant
pas disponibles), la part des commissions nettes issues des moyens de paiement, et donc en
premier lieu de la carte bancaire, a augmenté de 67 % sur la période pour représenter 14,7 % des
commissions nettes de LCL, ce qui représentait en 2009 236 millions d’euros au titre des
commissions sur les moyens de paiement… Et ce sans compter les autres sources de revenus
issus de la carte bancaire : frais sur remplacement de carte, sur renvoi de code, sur location/achat de
TPE, et surtout, sur incidents de paiement.

►… dont la cotisation annuelle constitue à elle seule 1/3 des frais bancaires

D’après les brochures tarifaires de 110 établissements français récoltées lors de notre enquête
d’octobre 2010 sur la mobilité bancaire, le coût annuel moyen de chaque carte est le suivant :
- carte à autorisation systématique : 29,70 € ;
- carte classique internationale à débit immédiat : 36,30 € ;
- carte classique internationale à débit différé : 44,70 € ;
- haut de gamme (à débit immédiat ou débit différé) : 119,80 €.

En prenant en compte la répartition des différents types de carte bancaire (autorisation


systématique/classique internationale/haut de gamme et débit immédiat/débit différé), le coût annuel
moyen pour le consommateur de sa carte bancaire est donc de 47,80 €.

Or, les rapports Kuneva (2009) et Pauget/Constans (2010) ont estimé que les frais bancaires annuels
moyens en France s’élevaient respectivement à 154 et 157 €.

Ainsi, la seule cotisation carte bancaire constitue près du tiers des frais bancaires payés
chaque année par le client… et représente une somme de 2,8 milliards d’euros !

► Un système de tarification sans réelle justification

Au-delà de la multiplicité des coûts pour le consommateur, le système de la carte bancaire est
caractérisé par sa grande opacité sur la question des coûts. Cette opacité est par exemple à l’origine
de l’enquête en cours de l’Autorité de la concurrence sur la commission interbancaire de paiement par
carte bancaire.

Cette opacité est également valable pour un service aussi simple que la cotisation annuelle de la carte
bancaire.

Nous savons par exemple que le coût moyen d’une carte bancaire classique internationale à débit
immédiat est de 36,30 €. Mais que cache ce coût ?

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D’après Nicolas Bertapelle, du cabinet de conseil Jasmin (cité dans « Carte Bancaire : pourquoi vous
payez trop cher », Mieux vivre votre argent, no 325), « L’émission d’une carte coûte en moyenne 10 €
[…]. ». Ce chiffre, à diviser par deux (une carte bancaire est en général valable deux ans), est inférieur
pour les gros acteurs bancaires. De même, selon Philippe David, du cabinet de conseil Expérian (cité
dans le même article), les assurances voyage incluses dans les cartes coûtent entre 10 et 20 €. Ce à
quoi il convient d’ajouter la cotisation annuelle aux réseaux Visa ou MasterCard, qui n’excède
toutefois pas 1 € par an. Soit un coût total pour les banquiers de 21€.

● Quelle est donc la justification économique des 15,30 € sur les 36,30 € payés par le
consommateur ?

Il ne peut pas s’agir du coût des retraits, car celui-ci est payé par les frais perçus pour les retraits
déplacés ; ni du coût de la garantie des paiements chez les commerçants, car celui-ci est payé par la
commission interchange ; ni du coût de la fraude, car celui-ci est payé par le Ticket Commerçant, qui
compose avec la commission d’interchange la commission commerçant. Ni même enfin du coût du
TPE du commerçant, car celui-ci est payé par le commerçant… et répercuté sans doute en partie sur
le consommateur.

En réalité, il n’y a aucune justification réelle de cette marge, ce qui démontre bien l’opacité de la
tarification de la cotisation annuelle sur les cartes bancaires. Rien que sur la Carte Bleue classique
internationale, ce sont ainsi 430 millions d’euros qui, chaque année, sont facturés au
consommateur sans aucune justification.

► Des milliards d’euros facturés aux clients sur les incidents carte
bancaire ?

La carte bancaire est donc une source multiple de coûts pour les consommateurs en bonne santé
financière. C’est encore plus le cas pour les consommateurs connaissant des difficultés de trésorerie !
Si aucune banque ne communique, bien évidemment, sur le montant des frais qu’elle facture à
ses clients pour leurs incidents de paiement, certains éléments permettent d’avoir une première
idée de la facturation globale pour ces frais.

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Ainsi, le rapport Pauget/Constans sur la tarification des services bancaires de juillet 2010 reproduit un
tableau issu de du cabinet de conseil Bain & Company, dans lequel il s’avère que les découverts et
incidents représentent 42 % des frais bancaires payés en moyenne par le consommateur.

Quelques pages plus loin, ce même rapport, et ce même cabinet, nous informent que le montant
moyen des frais bancaires s’élève pour les Français à 157 € par an.

Par conséquent, le montant des découverts et incidents de paiement facturé chaque année aux
consommateurs français s’élève à environ 4,15 milliards d’euros.

Il est probable que les frais sur découverts et incidents de paiement issus de la carte bancaire
représentent la grande majorité de ces 4,15 milliards d’euros, et ce pour deux raisons principales :

1. parce que la carte bancaire est le premier moyen de paiement en France, et qu’elle est par
exemple deux fois plus utilisée que le chèque ;
2. parce que, contrairement au chèque ou au prélèvement, il n’y a aucune limite légale à la
perception de frais d’incidents sur les cartes bancaires.

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► Objectifs de cette étude

Elle vise à déterminer :

• le montant payé par les consommateurs pour leurs découverts et incidents de paiement
liés à la carte bancaire ;

• le cas échéant, les raisons techniques et commerciales qui favoriseraient la multiplication


des incidents de paiement issus de la carte bancaire ;

• les possibilités d’évolution de la carte bancaire et de sa distribution pour faire de la carte


bancaire un moyen de paiement responsable.

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COMMISSION D’INTERVENTION : LA DOUBLE PEINE

1. La commission d’intervention : un puits sans fond

Au début du mois de février 2011, nous avons demandé à nos bénévoles des associations locales de
nous renvoyer leurs récapitulatifs annuels de frais bancaires. Ce relevé, issu de la loi Châtel, est
envoyé par les banques depuis 2009 à la fin de chaque mois de janvier et regroupe par rubrique
l’ensemble des frais payés par chaque client de chaque banque pour l’année écoulée.

L’objectif de cette demande était d’évaluer les frais perçus par les banques pour les opérations
liées à la carte bancaire. Or, s’il apparaît que, sur la majorité des relevés, ces frais sont faibles et
limités aux cotisations annuelles de la carte ainsi qu’à quelques retraits hors banque, pour un
nombre significatif de relevés, ces frais peuvent être très élevés et constituer plus de la moitié
des frais perçus par la banque. Parmi ces frais, la commission d’intervention est, de très loin, le
premier poste de coût pour le consommateur.

Voici quelques exemples de relevés annuels de frais 2010 renvoyés par nos bénévoles.

• Crédit agricole Centre France : en dépit de ses tarifs souvent raisonnables (cf. l’enquête UFC-
Que Choisir « Frais et mobilité bancaire », octobre 2010), cette banque a prélevé à un de ses
clients 93 commissions d’intervention à 7,80 € en un an, soit un total de 725,40 € rien que
pour ce poste ! Et même si elle a « généreusement » retiré 5 de ces commissions
d’intervention, la facture reste salée pour ce client visiblement en grande difficulté : 691 € sur
les 1 268 € perçus en 2010 sur ce client.

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À noter que cette caisse du Crédit agricole n’en est pas à son coup d’essai : l’an dernier, un
autre client avait été facturé de 132 commissions d’intervention pour un total de 990 € !

• Crédit mutuel de Normandie : cette banque a prélevé à son client 55 commissions


d’intervention pour 792 €… Mais, contrairement à l’exemple précédent, elle n’a pas cherché
à effectuer la moindre ristourne !

• Caisse d’épargne Rhône-Alpes : la perception a, dans cet exemple, été « limitée » à 385 €…
Ce qui représente tout de même un RSA par an !

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• Banque populaire Atlantique : cette caisse régionale a perçu 57 commissions d’intervention
sur ce client, ce qui représente 592,80 € par an !

• Enfin, les banques nationales ne sont pas en reste, puisque la Société générale a
prélevé sur ce client 78 commissions d’intervention pour un total de 673,80 € !

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Comme on peut le voir avec ces exemples :

• la perception d’un nombre élevé de commissions d’intervention n’est pas l’apanage d’une
seule banque. En réalité, sauf exception, l’ensemble des banques les pratiquent ;
• les montants perçus par les banques sur les commissions d’intervention peuvent être très
élevés, au regard notamment de la situation financière des titulaires ;
• enfin, sur le fond, on peut se demander pourquoi les banques se permettent de percevoir
plusieurs dizaines de commissions d’intervention pour un montant élevé sans agir ou
prévenir leur client : aucune décision n’est prise par le conseiller pour limiter les incidents, et
les lettres d’information du client sur ces incidents sont très rares (deux pour le premier
exemple, une pour le second exemple). Et ce alors que le client paie aussi des « frais de
tenue de compte » pour que le conseiller surveille son compte…

2. Pourquoi un tel coût : un mécanisme sans limite

►Définition et mécanismes

● Définition

D’après le glossaire Banque au Quotidien et Crédit du CCSF, la commission d’intervention est une
« somme perçue par la banque en raison d’une opération entraînant une irrégularité de
fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier (présentation d’un ordre de paiement
irrégulier, coordonnées bancaires inexactes, absence ou insuffisance de provision) ».

Le seuil de déclenchement de la perception d’une commission d’intervention dépend de l’existence ou


non d’un découvert autorisé sur le compte du client.

• Si le client reste à l’intérieur de son découvert autorisé, il ne paie que les agios, soit le
taux d’intérêt du découvert autorisé, facturé au taux annuel de 13 à 17 % selon les banques.
• Si le client dépasse son découvert autorisé, il se voit facturer un taux d’intérêt majoré (de
17 à 21 %, soit le seuil de l’usure), auquel s’ajoute une commission d’intervention pour
chaque paiement par carte bancaire entraînant une augmentation du découvert.

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Au-delà de cette règle générale, les commissions d’intervention ne sont pas perçues de la même
manière si la carte bancaire, dont l’usage a entraîné l’« opération entraînant une irrégularité de
fonctionnement du compte », est une carte à débit immédiat ou une carte à débit différé.

● Mécanisme pour une carte à débit immédiat

Avec une carte à débit immédiat, chaque opération s’impute immédiatement sur le solde du compte.
Des frais de découvert sont perçus dès que le solde du compte est négatif mais dans son autorisation
de découvert sur la durée séparant l’opération de la régularisation. Une commission d’intervention
est prélevée dès lors que le solde du compte est inférieur au découvert autorisé, ainsi que la
perception de frais de découvert supérieurs.

● Mécanisme pour une carte à débit différé

Le mécanisme est sensiblement différent quand le client possède une carte à débit différé. En effet,
alors qu’avec une carte à débit immédiat, la commission d’intervention est facturée dès que le compte
dépasse son découvert autorisé, une telle logique est impossible sur la carte à débit différé, où
l’ensemble des paiements effectués durant un mois (de date à date) sont retirés du compte en une
fois à la fin du mois.

Dans ce cas-là, une seule commission d’intervention est perçue au dernier jour du mois du
calendrier de la carte… Et uniquement si le client est encore à découvert à cette date-là.

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Ce mécanisme, très largement théorique, pourrait amener au paradoxe qu’une carte à débit différé,
difficile à gérer, serait plus intéressante financièrement qu’une carte à débit immédiat pour un
client en difficulté.

- Carte à débit différé : exemple de facturation -

Solde du
compte
Aucun frais si le débit CB
intervient après salaire

Date (jour de la carte)


0 15 31
1
découvert
autorisé
Taux majoré (ex : 17,40%)
+ frais de dossier découvert
+1 com. d’intervention si
débit avant salaire

Lecture : avec une carte à débit différé, quel que soit le nombre de paiements effectués qui ont
entraîné ou aggravé un découvert non autorisé, le client ne sera prélevé que d’une commission
d’intervention à la fin de la mensualité de sa carte, et seulement si à cette date il est à
découvert

En réalité, les banques ne suivent cette logique que si les dépassements de découvert autorisé sont
rares et de courte durée. Si un client dépasse le plafond de paiement de sa carte à autorisation
systématique, ou si les dépassements de découvert sont trop nombreux, la banque diminue les
plafonds de paiement de la carte, ou peut repasser la carte de paiement à débit différé du client en
carte à autorisation systématique. Un client en difficulté ne pourra donc pas bénéficier des
avantages du débit différé.

► Dans les brochures tarifaires : des plafonds excessifs !

● Comparatif 2004/2011

Les chiffres de 110 établissements bancaires français, déjà relevés lors de notre enquête « Frais et
mobilité bancaire » d’octobre 2010 et mis à jour depuis, montrent que, au global, le coût de la
commission a augmenté de manière raisonnable entre 2004 et 2011.
- Coût et évolution des commissions d'intervention -
Co ût 2011 (inflation incluse)
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Banques Caisse
Populaires d'Epargne
9
SG Crédit du Nord
Moyenne
BNPP

HSBC LCL Crédit


8 CIC Agricole

Crédit
Mutuel

7
Banque
Postale

Evo lutio n 2 004 -2011

-20% -10%
6
0% 10% 20% 30% 40% 50%
14
So urces : B ro chures tarifaires
Cependant, ces chiffres masquent de grandes disparités. Ainsi, si l’on prend les groupes bancaires
dans leur ordre d’importance :

• BPCE : les tarifs moyens de Banque populaire ont légèrement baissé, ceux de Caisse
d’épargne ont faiblement augmenté. Mais ils restent très au-dessus de la moyenne et c’est
chez Banque populaire que l’on trouve le coût le plus élevé pour une commission
d’intervention ;
• Crédit agricole : les tarifs moyens, en dessous de la moyenne globale, ont connu une forte
augmentation (+15,5 %) ;
• BNP Paribas et Société générale : le tarif, plus élevé que la moyenne globale, a connu une
inflation plus importante que l’inflation globale : +10,3 % ;
• Crédit mutuel : le tarif, plus bas que la moyenne, a connu une inflation importante ;
• la Banque postale possède toujours le tarif le plus bas… mais il a connu une inflation délirante
de +49 % entre 2004 et 2009 !
• HSBC est la seule banque dont le tarif a franchement diminué… mais sa commission était de
loin la plus élevée en 2004 : 10 € !

À notre connaissance, seule une banque ne prélève pas de commissions d’intervention : une banque
en ligne, ING direct. Mais celle-ci n’est pas accessible à tous les consommateurs.

Le constat qui ressort de ce comparatif est que les tarifs de la commission d’intervention
convergent aux alentours de 8,50 €.

● Pas de limitation légale du nombre de récurrences

Le coût de la commission d’intervention n’est pas le seul élément à prendre en compte : le nombre de
commissions d’intervention que les banques s’autorisent à prélever expliquent beaucoup plus
pourquoi nous pouvons retrouver des relevés de frais annuels aussi élevés.

En effet, aucun dispositif légal ou réglementaire n’existe pour limiter les possibilités de perception
de commissions d’intervention par les banquiers. Dès lors, ceux-ci se sont fixé des limites délirantes :
en moyenne, les banques s’autorisent à percevoir 44 commissions d’intervention par mois,
soit 2 par jour !

La Banque postale et HSBC s’autorisent ainsi 66 perceptions par mois. La Caisse d’épargne n’est
pas très loin, avec 63 perceptions par mois. Le Crédit agricole est en moyenne à 56 perceptions
par mois, le Crédit mutuel et le CIC autour de 40. Les Banques populaires, BNP Paribas, le Crédit du
Nord, LCL et la Société Générale, autour de 20, commencent à afficher des chiffres de perception
maximale décents : autour de 1 par jour. À noter que certaines caisses régionales ne s’imposent
aucun plafonnement.

Dans les faits, l’existence de ces plafonds astronomiques autorise les banques à prélever plusieurs
centaines d’euros par mois sur le compte de clients connaissant des difficultés financières : ainsi, en
moyenne, c’est 376,30 € de commissions d’intervention par mois que les banquiers s’autorisent à
prélever, soit quasiment un RSA, à des personnes en difficulté ! À noter que les banques
traditionnellement vues comme des banques « sociales » sont largement au-dessus de cette
moyenne déjà très élevée : 442 € pour la Banque postale, 592,70 € en moyenne pour les Caisses
d’épargne.

Dans les cas les plus extrêmes, certaines caisses régionales s’autorisent même à percevoir en
commissions d’intervention l’équivalent d’un Smic : c’est le cas par exemple des Crédit agricole
Nord, Midi-Pyrénées et Languedoc, avec respectivement 1 227,60 € et 1 100 € par mois !

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- Montant moyen que les banques peuvent prélever chaque mois au
titre des commissions d’intervention -
COUT MOYEN MOINS CHER PLUS CHER
MOYENNE SUR L'ENSEMBLE 0 (ING Direct) 1227,6 (CA Nord Midi Pyrénées)
376,3
DES BANQUES 48,12 (CA Nord Est) Plusieurs banques sans limite

CAISSE D'EPARGNE 719,4 (CE Provence-Alpes-Corse


592,7 191 (CE Nord)
(MOYENNE DES CAISSES ) et CE Picardie)
HSBC (TARIF UNIQUE) 534,6 / /
CREDIT AGRICOLE
461,6 48,12 (CA Nord Est) 1227,6 (CA Nord Midi Pyrénées )
(MOYENNE DES CAISSES)
BANQUE POSTALE
442,2 / /
(TARIF UNIQUE)
CIC (TARIF UNIQUE) 334,4 / /
CREDIT MUTUEL
307,2 118,5 (CM Anjou) 708,4 (CM Centre)
(MOYENNE DES CAISSES)
BANQUE POPULAIRE
211,9 132 (BP Atlantique) 300 (BP Massif Central)
(MOYENNE DES CAISSES )
BNP PARIBAS (TARIF UNIQUE) 172,0 / /
GROUPE CREDIT DU NORD
172,0 / /
(TARIF UNIQUE)
LCL (TARIF UNIQUE) 168,0 / /
SOCIETE GENERALE
154,8 / /
(TARIF UNIQUE)

Sources : brochures tarifaires

Sur le fond, il est difficile de comprendre pourquoi les banquiers se donnent le droit de laisser passer
des dizaines d’incidents de paiement, sources de centaines d’euros de frais pour les clients, alors que
leur première mission est de surveiller les comptes de ces clients, et de réagir dès que le client
passe la ligne rouge. Cette ligne rouge se situe bien avant 44 incidents de paiement et 376 € de
commissions prélevées.

► De bien maigres engagements d’amélioration…

Le 21 septembre 2010, suite à une forte pression du ministère de l’Économie, les banques se sont
engagées à « intégrer dans les offres GPA [gamme de moyens de paiements alternatifs, NDR] un tarif
limité pour les frais d’incident, notamment les commissions d’intervention. Ce tarif sera établi à 50 %
du tarif actuel ou à un niveau modeste. Les offres GPA comprendront aussi un plafonnement du
nombre d’occurrences par jour et/ou par mois des frais d’incident ». Cet engagement est dérisoire et
ne change rien au fond du problème.

Premièrement, diminuer de 50 % le tarif des commissions d’intervention, aujourd’hui à 8,50 € en


moyenne, n’est qu’une solution très provisoire. Revenir à 4,25 €, c’est être très proche du tarif
(4,50 €) proposé par la Banque postale… En 2004 ! De même, rien ne garantit que ces tarifs
« diminués » ne continueront pas à augmenter.

De plus, le « plafonnement du nombre d’occurrences » ne signifie rien. Nous avons vu au


chapitre précédent que l’ensemble des banques disposent déjà d’un nombre d’occurrence. Mais celui-
ci est très élevé.

Enfin, même si les commissions d’intervention ET les plafonds diminuaient de 50 %, les


sommes possiblement prélevables resteraient très élevées : en moyenne, 2 RSA par an !

16
- Montant moyen que les banques pourraient prélever chaque mois
après diminution par 4 du nombre et du montant de commissions -
COUT MOYEN MOINS CHER PLUS CHER
MOYENNE SUR L'ENSEMBLE 0 (ING Direct) 306,9 (CA Nord Midi Pyrénées)
94
DES BANQUES 12,3 (CA Nord Est) Plusieurs banques sans limite

CAISSE D'EPARGNE 179,9 (CE Provence-Alpes-Corse


148,2 47,8 (CE Nord)
(MOYENNE DES CAISSES ) et CE Picardie)
HSBC (TARIF UNIQUE) 133,65 / /
CREDIT AGRICOLE
115,4 12,3 (CA Nord Est) 306,9 (CA Nord Midi Pyrénées)
(MOYENNE DES CAISSES)
BANQUE POSTALE
110,5 / /
(TARIF UNIQUE)
CIC (TARIF UNIQUE) 83,6 / /
CREDIT MUTUEL
76,8 29,6 (CM Anjou) 177,1 (CM Centre)
(MOYENNE DES CAISSES)
BANQUE POPULAIRE
53 33 (BP Atlantique) 75 (BP Massif Central)
(MOYENNE DES CAISSES )
BNP PARIBAS (TARIF UNIQUE) 43 / /
GROUPE CREDIT DU NORD
43 / /
(TARIF UNIQUE)
LCL (TARIF UNIQUE) 42 / /
SOCIETE GENERALE
38,7 / /
(TARIF UNIQUE)

Sources : brochures tarifaires

Surtout, aucun engagement n’est pris par les banques pour tarifer les commissions
d’intervention au « prix coûtant », c’est-à-dire au niveau du coût réel pour les banquiers du
traitement des incidents. Pourquoi en effet les banques continueraient-elles à gagner de l’argent sur
les clients en difficulté ? Comme l’indique le tableau ci-dessus, à ce tarif, c’est en moyenne deux RSA
que les banques pourraient prélever par an sur le compte de leurs clients en difficulté !

Au lieu de cet « engagement » totalement mécanique et inefficace, nous aurions souhaité que les
banques fassent leur métier, c’est-à-dire surveillent les comptes des clients et règlent avec eux les
situations de difficultés. Ce qu’au vu des relevés récoltés par nous, beaucoup ne font pas !

► Une jurisprudence claire… mais non suivie d’effet par les banques !

Cette tarification ne devrait plus avoir lieu depuis 2008. En effet, sur cette question de la commission
d’intervention issue des paiements par carte bancaire, la Cour de cassation a statué dans le sens
d’une limitation extrêmement stricte, qui n’a cependant jamais été appliquée par les banques !

● Rappel de l’arrêt de la Cour de cassation

Selon l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 5 février 2008 (No de pourvoi :
06-20783), les frais de forçage issus d’un paiement par carte bancaire et ayant entraîné un
dépassement de découvert autorisé doivent être inclus dans le calcul du TEG du prêt que constitue le
découvert non autorisé.

Par exemple : suite à un paiement par carte bancaire, une personne dépasse son découvert autorisé
de 10 €. Ce découvert perdurera 10 jours ouvrés. La banque lui facturera donc :

Le coût du découvert non autorisé sur 10 jours, calculé de la manière suivante :

([10 € × 10 jours] / 360) × 18 % = 0,05 €


Coût du Nombre de Nombre de Taux annuel du
découvert jours de jours bancaires découvert non
découvert dans l’année autorisé

17
À ce découvert, la banque ajoute une commission d’intervention de 8,50 €.

Le coût total du crédit est donc de 8,55€ pour 10 jours et pour 10 €, soit par an :
(8,55€ / 10 jours) × 360 = 307,8€
Coût total du Nombre de jours Nombre de jours
découvert de découvert bancaires dans l’année
Soit en pourcentage annuel : 3 078%

Le taux pratiqué ici par la banque dépasse très largement le taux d’usure : il est donc illégal.

La Cour ayant rappelé le droit, c’est l’ensemble des commissions qui, à leur niveau actuel, sont
illégales et doivent donc être fortement réduites pour permettre au taux du découvert de repasser
sous le taux d’usure.

Un arrêt suivi par les juridictions de proximité : la jurisprudence confirmée

Aucune banque n’a tiré les conséquences de cet arrêt de la Cour de cassation. Heureusement,
en cas de litige entre un consommateur et sa banque, les juges basent souvent leur jugement sur
cette jurisprudence pour donner raison au consommateur. Voici trois jugements récents sur le sujet,
issus de la juridiction de proximité de Bayonne :

Il apparaît ainsi que les juges prennent de mieux en mieux en compte cette jurisprudence…
Pourquoi alors les banquiers continuent-ils à pratiquer cette commission d’intervention, qui dans les
faits est illégale ? Pour mieux le comprendre, nous avons demandé directement aux employés de
banque.

3. Une tarification abusive au vu des coûts réels de traitement

Pour cette partie de l’étude, nous avons mené une série de 15 entretiens qualitatifs avec des
chargés de clientèle et des directeurs d’agence de différents réseaux bancaires pour mieux
comprendre comment les incidents de paiement carte bancaire sont pris en charge, et quels sont le
rôle et la perception des agences bancaires dans ce processus.

18
► Une automatisation massive du traitement des incidents

Contrairement aux autres moyens de paiement (chèque, virement), l’agence a une très faible latitude
d’intervention en amont sur les incidents de carte bancaire.

Les chèques, les prélèvements et les virements peuvent être suspendus quelques jours avant que
l’incident ne se produise, le temps que le compte retrouve si possible un solde normal. Ce n’est pas le
cas de la carte bancaire, car pour celle-ci, les paiements ne peuvent qu’être acceptés du fait de la
garantie de paiement au commerçant.

Cette garantie de paiement fait de la carte bancaire un instrument de paiement risqué : les chargés de
clientèle ne peuvent refuser un paiement par carte bancaire, même pour éviter que le client ayant
effectué le paiement n’aggrave sa situation financière. Cette situation est aggravée par le fait qu’une
très faible part des paiements par carte bancaire est contrôlée (cf. page 36).

● Description du processus d’incident carte bancaire

Nos entretiens avec les chargés de clientèle et directeurs d’agence nous ont permis d’identifier le
processus suivi par la banque lors d’un paiement par carte bancaire entraînant un incident de
paiement, traitement que l’on peut décomposer en quatre étapes.

Étape 1 – le paiement : le paiement par carte bancaire n’est pas systématiquement contrôlé lors de
l’achat. Il peut donc passer alors même que le client n’a pas la somme nécessaire sur son compte.

Étape 2 – le calcul du compte et la perception des frais : suite au paiement, le système


informatique de la banque du client calcule le solde du compte. Si le compte dépasse son découvert
autorisé, ce même système calcule les agios et commissions d’intervention, prélevés dès que les
mises à jour du compte du client sont effectuées, en général durant la nuit suivant l’incident. Ce n’est
qu’après cela que la banque informe l’agence du client qu’il est à découvert ou a aggravé son
découvert.

19
Étape 3 – le traitement de l’agence : le lendemain de l’incident, au matin, le chargé de clientèle
constate l’incident de paiement, lors de la revue quotidienne des nouveaux comptes en incident.
À noter qu’à ce moment-là, le mécanisme de prélèvement de la commission d’intervention est déjà
terminé. Le chargé de clientèle détermine alors :

• si la situation de son client est grave ou non ;


• si elle nécessite d’appeler le client pour l’informer ou obtenir des explications ;
• si elle nécessite la mise en œuvre de mesures plus ou moins coercitives pour le client.
o Augmentation du découvert autorisé : mesure permettant au client de payer moins de
frais, puisque son découvert autorisé est élargi… La dérive de ce client est donc limitée.
Mais la banque gagne moins d’argent avec cette mesure, car le client ne paie plus
d’intérêt majoré ni de commission d’intervention. C’est une mesure commerciale.
o Mesures conservatoires :
ƒ baisse des plafonds de la carte pour empêcher le client de dériver, celui-ci ayant alors
ses capacités de paiement diminuées. Cependant, cela n’empêche pas la perception
de commissions d’intervention et de taux d’intérêt majorés ;
ƒ bascule de la carte de débit différé vers une carte à débit immédiat : cette mesure
permet au client de voir tout de suite l’incidence de ses paiements sur son compte.
Mais la carte à débit immédiat multiplie les frais d’incident payés par le client, au profit
de la banque ;
ƒ restitution de la carte ou changement pour une carte à autorisation systématique :
mesure très sécurisante pour le client, car celui-ci ne peut plus faire de paiement au-
delà de son découvert. En revanche, la banque y perd beaucoup : plus de
commissions facturées, ni de taux d’intérêt majorés ;
ƒ opposition interne à la banque : dès que le client fera un retrait ou une opération dans
un DAB de sa banque, ou un paiement sur un terminal commerçant fourni par sa
banque, la carte sera capturée. Cette décision n’a qu’une incidence très modérée sur
le client, car il peut toujours effectuer des paiements sur tout terminal dépendant
d’une autre banque… et il continuera ainsi à payer de nombreux frais.
o Mesures coercitives : elles sont de deux ordres :
ƒ opposition interbancaire : reprend le principe de l’opposition interne, sauf qu’elle
s’applique à toutes les banques. Dès que le client fait une opération sur un DAB ou un
paiement commerçant, la carte est avalée ou bloquée. Cette décision empêche donc
le client de dériver, mais sa banque perdra les revenus issus des commissions et des
dépassements de découvert que le client aurait fait sans opposition sur sa carte ;
ƒ déclaration au FCC de la Banque de France pour usage abusif : c’est la décision la
plus extrême, qui empêchera le client d’utiliser sa carte, mais sera lourde de
conséquences administratives et financières pour lui, car il devra notamment payer
des frais de fichage et de défichage.

Étape 4 – le traitement de l’éventuelle décision : une fois que le chargé de clientèle a pris sa
décision, la suite du traitement (envoi des courriers, inscription aux fichiers de la banque de France,
par exemple) est également totalement automatisée. Cette décision sera également facturée au client.

Il est à noter que beaucoup de chargés de clientèle connaissent très mal les conséquences de
leurs décisions :

• conséquences opérationnelles (suite du processus) ;


• conséquences administratives (courriers envoyés, déclarations effectuées) ;
• conséquences financières (frais) de ces incidents pour le client.

Par exemple, les chargés de clientèle utilisent la mise en opposition de la carte pour tenter de bloquer
l’activité du client et l’obliger à reprendre contact avec l’agence. Ils ne se rendent pas compte que
cette opposition entraîne ensuite automatiquement le fichage de ce client, source de procédures
administratives lourdes et de frais élevés pour lui.

20
● Enseignements de l’analyse de ce processus de traitement

L’étude de ce processus de traitement des paiements par carte bancaire permet de révéler trois points
noirs.

• Le traitement des incidents de paiement par carte bancaire est fortement automatisé.
Sur les quatre grandes étapes du processus, une seule fait l’objet d’un traitement humain… Et
elle est facultative ; cette automatisation entraîne un traitement non individualisé des
incidents : que le client soit en incident pour 0,01 € ou pour 1 000 €, le processus de
perception sera le même : la perception automatique d’une commission de 8,50 € en
moyenne.

• Le processus de traitement est une boîte noire pour les chargés de clientèle. Le
personnel en agence est doublement aveugle :
o en amont, car il ne peut empêcher le passage d’un paiement sans provision et ne
découvre celui-ci que trop tard, après que l’incident est avéré. Les seules actions
possibles ont pour but de limiter le risque résiduel ;
o en aval, car le personnel en agence ne connaît pas les conséquences de ses
décisions.
S’ils avaient eu les moyens d’agir en amont, de manière préventive, les conséquences
financières seraient moindres pour les clients. Les agences connaissent en effet mieux les
clients que le back office. Une solution personnalisée, plus adaptée et moins coûteuse pour
les clients que la perception systématique de commissions d’intervention, pourrait alors être
envisagée.

• Il existe un conflit d’intérêts au sein des agences entre :

o d’une part, le temps nécessaire pour étudier la situation du client et le temps dédié au
commercial (vente de produits bancaires). Un compte en incident sera par
conséquent étudié en détail le premier jour de son solde débiteur. Les jours suivants,
et tant que durera le débit et qu’aucune action ne sera menée par la banque, la revue
de ce même compte sera très rapide. Dans le même but, l’agence évite de gérer les
comptes débiteurs à la place des clients et d’appeler les clients quotidiennement
pendant la période d’incident ;
o d’autre part, la prise de décisions bonnes pour le client ou bonnes pour la banque.
Ainsi, faire passer une carte à débit différé en carte à débit immédiat se traduira par
des coûts très élevés pour le client, alors que ce n’était pas le cas avant : cette
décision-là avantagera avant tout la banque. À l’inverse, faire passer une carte en
carte à autorisation systématique empêchera le client de faire des paiements sans
provision… mais privera la banque du gain financier représenté par la perception de
nouvelles commissions d’intervention.

Comme nous pouvons le voir, ces défaillances dans le processus de traitement ont un coût pour les
consommateurs, coûts que nous allons désormais essayer de déterminer.

► 2,7 milliards d’euros, dont 1,8 en commissions d’intervention, facturés


aux clients en difficulté

Après avoir décomposé le processus de traitement des incidents de paiement par carte bancaire,
nous avons cherché à évaluer le montant total des frais et commissions d’intervention facturés par les
banques aux clients pour ces incidents. Ce chiffre, hautement confidentiel, est un véritable secret de
l’industrie bancaire : il est impossible d’obtenir des banquiers le moindre renseignement sur ce sujet. Il
est même probable que si chacune des banques connaît ce chiffre pour son réseau, aucune n’a une
vision précise de ce que rapportent ces incidents de paiement carte bancaire à l’ensemble du
secteur !

21
À défaut de données émanant des banques, nous sommes parvenus à une estimation des frais
facturés au client pour les incidents carte bancaire à partir de données factuelles tirées :

• des statistiques d’utilisation des cartes (Visa, Banque de France…) ;


• des informations sur les fichages et défichages issues de la Banque de France ;
• des informations issues d’études et d’enquêtes publiques, et en particulier de l’étude du
Crédoc « Les conditions d’accès aux services bancaires des ménages vivant sous le seuil de
pauvreté », publiée en février 2010 pour le Comité consultatif du secteur financier ;
• des informations issues des collectes de relevés annuels des frais bancaires 2010 (reçus fin
janvier 2011) effectuées par les associations locales de l’UFC-Que Choisir ;
• des estimations des temps de traitement des dossiers en litiges fournis par les chargés de
clientèle et les responsables de banques lors de nos entretiens avec eux.

Les hypothèses choisies reposent donc sur l’ensemble de ces données factuelles. Le résultat
issu de ces hypothèses, s’il n’a pas prétention à être précis à « l’euro près », donne une image fiable
et crédible des sommes en jeu sur cette question. D’après nos estimations, le montant global des
frais d’incidents et d’agios est de 3 milliards d’euros, somme dont nous allons détailler les principaux
postes de coûts pour le consommateur. Nous comptons sur ce chiffrage pour alimenter le débat afin
que la transparence soit enfin de mise sur cette question des frais issus de la carte bancaire.

● Les agios, une goutte d’eau dans un océan de frais

D’après l’étude du Crédoc, 45 % de la population connaît un dépassement de solde chaque


année dans les limites du découvert autorisé.
Au global, après calcul, les sommes versées par cette population représentent près de 11 % des frais
d’incidents que les banques perçoivent, soit 344 millions d’euros.
Ce montant, constitué d’agios liés à l’utilisation du découvert autorisé, ne sera pas retenu par nous
comme des frais d’incident, l’utilisation d’un découvert autorisé faisant partie de la vie « normale »
d’un compte.

En parallèle, toujours d’après l’étude du Crédoc, en moyenne, 23 % de la population française a été


« hors découvert autorisé » ou a été en dépassement de solde pour ceux qui ne disposent pas de
découvert autorisé. Ce sont donc près de 13 millions de cartes bancaires qui seraient touchées par
des incidents de paiement.

22
Les sommes versées par ces 23 % de Français représentent près de 89 % des frais d’incidents
que les banques perçoivent, soit 2,7 milliards d’euros.

Comme pour la partie « autorisée » du découvert, il est intéressant de noter que la part liée aux
agios issus d’un découvert non autorisé ne pèse que 3 % (94 millions d’euros sur
2,706 milliards d’euros) des frais, et ce, même si le taux d’intérêt facturé est alors majoré et que
certaines banques mettent en place un minimum forfaitaire de perception.

Par conséquent, le découvert autorisé apparaît comme la meilleure arme contre les frais.

● 1,8 milliard rien que pour les commissions d’intervention !

Si l’on décompose les frais d’incidents hors agios, on constate que les 2,6 milliards d’euros payés par
les consommateurs se répartissent pour l’essentiel en cinq postes de frais :
• les commissions d’intervention ;
• les frais pour envoi de courriers ;
• la facturation de la mise en place de solutions (par exemple, la modification des plafonds) ;
• les frais pour mise en opposition ;
• les frais pour fichage et défichage Banque de France.

La part principale de ces frais incombe très largement aux commissions d’intervention, qui
représentent plus des deux tiers du montant total, soit 1,8 milliard d’euros.

Le deuxième poste concerne la facturation des courriers de relance, qui représentent 20 % des frais
d’incidents et 550 millions d’euros. Cette somme est partie d’une estimation prudente où seuls les
clients les plus profondément à découvert reçoivent, et se voient facturer, des courriers.

Les autres frais sont associés à une liste de tâches qu’effectuent les back offices des établissements.

23
● Au final, les frais d’incident rapportent plus que les cotisations annuelles !

Au niveau global, on se rend ainsi compte que les frais d’incidents sont une véritable manne pour
les banques. Les seuls frais d’incidents carte (2,612 milliards d’euros) représentent quasiment
autant que le total des cotisations annelles (2,791 milliards d’euros). Si l’on ajoute les agios aux
frais d’incidents, alors ces frais représentent 42 % des revenus sur la carte bancaire, une part
supérieure à celle des cotisations (38 %) !

Ces revenus sont d’autant plus importants et injustifiés qu’ils sont apportés, et donc supportés
par 23 % de l’ensemble des clients, ceux dont la situation est la plus fragile. Ils peuvent être un
piège pour ces clients et contribuer fortement à la dégradation de leur situation financière.

- Comparatif des frais pour la cotisation CB et les frais


d’incidents au regard du nombre de personnes les payants -
En millions

3 000

2 500

2 000

100%
des 2791 2706
1 500 porteurs
de CB

1 000

500 23% des


porteurs
de CB
0
Cotisation annuelle carte bancaire Frais d’incidents carte bancaire

Montant des frais hors découvert


autorisé (échelle de gauche)
Sources : chiffres UFC/Que Choisir

24
De même, les processus « curatifs » utilisés par les établissements conduisent à des
paradoxes : mis en œuvre pour mieux encadrer les clients en risque de dérive, ils entraînent une
surabondance de frais qui nuisent gravement à leur stabilisation financière. Les mesures sont
prises en agence sans que leurs conséquences financières aient été pesées, en raison de l’absence
de vision précise des impacts financiers.

► Des incidents de paiements surfacturés à 83 %

Comme nous venons de le voir, les frais prélevés par les banques représentent des sommes très
lourdes. Ces frais sont censés correspondre en très grande majorité à des charges de personnel liées
à l’analyse et au traitement des dossiers par les chargés de clientèle, voire par les back offices,
lorsque le processus se rapproche d’un traitement contentieux au détriment du commercial.

Or, quand on analyse le détail des coûts de traitement supportés par les banques (frais de personnel,
de courrier, etc.), il apparaît que la facturation pratiquée est totalement démesurée.

● Sur les commissions d’intervention

Les commissions d’intervention, nous l’avons vu, sont très largement automatisées et sont
perçues avant toute analyse de la situation du compte du client.

Les seuls coûts liés à cette commission d’intervention sont des coûts informatiques. Mais ces coûts
informatiques sont supportés par l’ensemble de l’activité bancaire, et pas seulement par la partie
« incidents de paiements carte bancaire » : c’est donc un coût marginal de quelques centimes
d’euros, largement compensé par la perception par la banque de la commission interbancaire de
paiement.

Si on retient une interprétation « large » de la commission d’intervention, qui prend en compte le


traitement post-passage de la commission d’intervention, le résultat est également intéressant : en
prenant la charge salariale moyenne des chargés de clientèle et le temps de traitement estimé par les
chargés de clientèle eux-mêmes lors des entretiens (7 minutes par vague de commissions
d’intervention), le coût pour les banques est estimé à 172 millions d’euros… Mais les
commissions d’intervention rapportent 1 775 millions d’euros aux banques !

Différentiel :
90%

25
● Sur l’envoi de courriers d’avertissement

Dans l’hypothèse maximale où tous les courriers d’avertissement suite à des découverts issus de
paiements par carte bancaire seraient adressés en recommandé, les courriers coûteraient
205 millions d’euros par an pour les banques… mais ils génèrent plus de 550 millions de revenus
pour celles-ci.

● Sur la mise en place de solutions au découvert

La mise en place de solutions au découvert (par exemple la modification des plafonds de paiement
par carte bancaire, facturée environ 20 €) rapporte 246 millions d’euros aux banques. Mais elle ne
leur coûte que 73 millions d’euros.

26
● Sur les fichages et défichages Banque de France

Les coûts de fichage et de défichage Banque de France supportés par les banques sont inférieurs à
1,5 million d’euros… alors que les frais inhérents à ce poste leur rapportent plus de 20 millions
d’euros.

● Au total : 83 % de marge !

Au global donc, et sans compter les coûts informatiques, les charges supportées par les
établissements bancaires représentent seulement 17 % des frais perçus (charge de l’ordre de
406 millions d’euros contre 2,706 milliards d’euros de revenus). En d’autres termes, les frais
d’incident sur carte bancaire génèrent environ 83 % de marges pour les banques.

Quelle est donc la légitimité d’une telle marge sur des personnes en difficulté, en particulier sur les
commissions d’intervention, rentables à 90 % ?

27
► Conclusion : la commission d’intervention, quelle légitimité ?

Reprenons la définition de la commission d’information : « somme perçue par la banque en raison


d’une opération entraînant une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement
particulier (présentation d’un ordre de paiement irrégulier, coordonnées bancaires inexactes, absence
ou insuffisance de provision) ».

De cette définition, on retient :


1. qu’une opération est facturée par une commission d’intervention quand elle a nécessité un
traitement particulier ;
2. que cette facturation compense les coûts subis par la banque pour le traitement de cette
opération irrégulière.

De notre étude, on apprend que :


1. il n’y a aucun traitement particulier lors du passage d’un incident issu d’un paiement par carte
bancaire, car le processus est totalement automatisé. De plus, le prélèvement de la
commission d’intervention se fait avant tout traitement. Enfin, les chargés de clientèle
n’effectuent aucun traitement lié à ce paiement par carte bancaire : l’action du personnel
bancaire, quand il y a lieu, vise à trouver une solution au découvert et non pas à traiter
l’incident en tant que tel. Il est alors facturé indépendamment (frais pour opposition, pour
augmentation du découvert autorisé, etc.) ;

2. le passage d’un paiement par carte bancaire entraînant ou aggravant un découvert non
autorisé étant entièrement automatisé, il ne génère pas plus de coûts qu’un paiement
normal par carte bancaire, et entraîne comme tout paiement par carte bancaire la
perception par la banque du client de la commission commerçant.

Une interprétation « large » de la commission d’intervention prenant en compte le traitement post-


passage des commissions d’intervention ne justifie pas le niveau de facturation : le coût pour les
banques est estimé à 172 millions d’euros. Mais les commissions d’intervention rapportent
1 775 millions d’euros aux banques. Les commissions d’intervention représentent donc un surcoût de
1,6 milliard d’euros pour les consommateurs en difficulté.

De même, à cette facturation d’une théorique « décision de la banque » s’ajoute la facturation


de la mise en place de solutions, dont nous avons vu qu’elle rapportait 246 millions d’euros pour
73 millions d’euros de coûts ! Cette dernière facturation seule suffit à couvrir l’ensemble des
coûts d’intervention de la banque pour régler un incident issu d’une carte bancaire.

Les commissions d’intervention ne seront justes que si elles permettent aux banques de compenser,
et seulement de compenser, le coût pour elles des paiements par carte bancaire. Au vu de notre
étude, la facturation de la mise en place de solutions suffit à compenser le coût de l’incident
pour les banques : la commission d’intervention doit être supprimée.

En faisant une marge de plus de 90 % sur ces commissions d’intervention, les banques appliquent
donc la double peine aux consommateurs fragiles : non seulement ces consommateurs sont en
difficulté, mais les banques profitent de leurs difficultés pour percevoir des commissions d’intervention
surfacturées à 90 %, auxquelles s’ajoutent des frais de mise en place de solutions ! Les commissions
d’intervention sont typiquement les frais-sanction que l’UFC-Que Choisir dénonce régulièrement dans
le domaine bancaire : sous prétexte de sanctionner un comportement jugé immoral, les banques font
payer à leurs clients leur intervention au prix fort, aggravant par là même les difficultés des clients.

28
AU-DELA DU TARIF : UN SYSTEME QUI FAVORISE LES INCIDENTS

1. Une politique marketing inadaptée

► Une montée en gamme aussi systématique qu’inutile…

L’évolution, entre 1999 et 2009, des principaux types de carte bancaire montre un vrai
bouleversement de la composition du parc des cartes. Le tableau ci-dessous représente
l’évolution de chaque type de carte sur dix ans.

De ce tableau, on peut retenir les idées suivantes :


• le parc de cartes d’entrée de gamme s’est très fortement réduit (carte de retrait : –30 % ;
Carte Bleue nationale : –80 %) ;
• l’évolution du parc de cartes de retrait interne est évaluée sensiblement à la baisse, mais
reste difficilement quantifiable. Les banques n’ont en effet aucune obligation de déclaratif de
ce parc (cartes de retrait uniquement utilisables sur les DAB de l’établissement du client) ;
• les cartes bancaires nationales, qui n’étaient utilisables qu’en France, ont
complètement disparu.

Ainsi, l’ensemble du parc a fait l’objet d’une montée en gamme orchestrée par les banquiers :
• les clients de cartes de retrait font l’objet de montée en gamme vers la carte à autorisation
systématique et, pour une part probablement moins importante, vers les cartes classiques
internationales ;
• le parc à autorisation systématique représente 15 % du parc de carte alors qu’il n’a que douze
ans d’existence. Cette progression spectaculaire est due à la volonté d’équiper des clients
non éligibles jusqu’alors à des cartes classiques ;
• les cartes bancaires nationales, qui n’étaient utilisables qu’en France, ont complètement
disparu au profit des cartes classiques internationales (Visa Classique et MasterCard) ;
• dans le parc des cartes classiques internationales, les banques ont procédé de façon
identique, axant leur effort sur le développement des cartes haut de gamme (Visa Premier et
MasterCard Gold).

Cette montée en gamme pourrait apparaître comme positive, par exemple comme une preuve de la
confiance des banques envers leur client. En réalité, cette montée en gamme est liée à des
motivations purement pécuniaires.

29
Ainsi, 6 millions de Français autrefois équipés de cartes bancaires nationales ont vu leur carte
remplacée par des cartes internationales beaucoup plus chères. En 1999, 17 % des cartes étaient à
usage uniquement national : elles ne représentent plus que 1,5 % du marché aujourd’hui. Désormais,
l’intégralité des cartes bancaires sont donc internationales. Or, seulement 4,5 % des paiements et
4,3 % des retraits ont été effectués en 2009 à l’international. Ce faible chiffre justifie-t-il qu’on équipe
en cartes internationales l’intégralité des Français, y compris la majorité des personnes qui ne se
rendent jamais à l’étranger ?

De même, en moyenne, les consommateurs français sont équipés de cartes surdimensionnées


pour leurs usages. Si l’on compare les montants moyens de paiements et de retraits effectués aux
capacités de paiement de chaque catégorie de carte, on se rend compte que les capacités ne sont
pas du tout utilisées : en moyenne, un client n’utilise que 15,8 % de ses capacités de paiement et
12 % de ses capacités de retrait !

Cette moyenne est très largement surestimée pour les paiements : en réalité, seules les transactions
de paiement faisant l’objet d’une demande d’autorisation sont déduites des plafonds. Sur la base des
moyennes interbancaires, seulement 36 % des transactions font l’objet d’une demande d’autorisation.
Si l’on exclut les cartes à autorisation systématique, la moyenne des transactions faisant l’objet d’une
demande d’autorisation ressort à environ 22 %. En d’autres termes, moins de 1 transaction sur 4 sont
potentiellement contrôlées pour vérifier que l’encours carte ne dépasse pas la capacité de
recouvrement du client.

En revanche, tout retrait fait l’objet d’une demande d’autorisation par la banque du client. Les
transactions de retrait sont toujours débitées du compte à présentation de la transaction pour
compensation, et ce, que la carte soit à débit immédiat ou différé.

Ces chiffres montrent que la plupart des consommateurs pourraient passer à un niveau de carte
inférieur sans être gênés dans leurs opérations au quotidien… mais en payant moins cher :
• les détenteurs de carte très haut de gamme pourraient changer pour une carte haut de
gamme ;
• les détenteurs de carte haut de gamme pourraient changer pour une carte classique
internationale. En revanche, ils y perdraient le principal avantage de la carte haut de gamme :
l’assurance. Il semblerait ainsi intéressant d’ouvrir la souscription de cette assurance à tous
les porteurs qui la souhaiteraient, quel que soit le niveau de carte possédé ;

30
• les détenteurs de carte classique internationale pourraient changer pour une carte à
autorisation systématique ou une carte bancaire nationale… mais celle-ci n’est plus proposée
par les banques !

Plus grave encore, les populations fragiles restent largement équipées en cartes inadaptées à
leur profil. Le rapport du Crédoc sur « Les conditions d’accès aux services bancaires des ménages
vivant sous le seuil de pauvreté », publié en février 2010, montre que la moitié des ménages les plus
fragiles et des bénéficiaires de minimas sociaux, qui représentent 20 % des Français les plus fragiles,
ne sont pas équipés du seul type de carte actuellement sécurisé : la carte à autorisation
systématique. Ainsi, un tiers de ces ménages ont une carte bancaire classique à débit immédiat.
Pire : plus de 10 % de ces ménages ont une carte à débit différé, chère et difficile à manier pour des
clients en situation difficile du fait de la double gestion d’encours (du compte et de la carte) qu’elle
implique.

►… dont le seul objectif est d’augmenter les revenus des banques

La raison principale de cet équipement en cartes surdimensionnées est simple : plus une carte
bancaire appartient à une gamme élevée, plus elle rapporte de revenus à la banque qui a
équipé le client.

Le schéma ci-dessous montre le résultat d’exploitation complémentaire moyen que réalisent les
banques par rapport à celui d’une carte à autorisation systématique.

Ces écarts ont été évalués en prenant en compte :


• au niveau des revenus pour les banques :
o la cotisation carte : celle-ci évolue énormément, de quelques euros par an pour les
cartes bas de gamme à près de 300 € pour les cartes très haut de gamme telles la
Visa Infinite ou la MasterCard Platinum ;
o les commissions interbancaires : en fonction de l’activité moyenne de chaque type de
carte, nous avons estimé les montants de commission interbancaire que perçoivent
les établissements émetteurs (en considérant que 10 % des transactions de paiement
sont effectuées en « on-us » (client chez un commerçant rattaché à la même
banque). Ce montant représente annuellement environ 115 millions d’euros.

31
• au niveau des charges pour les banques :

o les tarifs moyens que Visa et MasterCard facturent aux banques pour les droits
d’émission d’une carte de leur réseau ;
o une estimation des coûts de fabrication et de distribution des cartes (calculés sur une
durée de vie de deux ans et un taux estimé de mise en opposition de 10 %). Le calcul
tient compte des packagings plus élaborés qui sont utilisés pour les cartes haut de
gamme (1,5 fois le prix du package d’une carte classique internationale) et très haut
de gamme (2 fois le prix du package classique international) ;
o les frais de traitement sont équivalents d’une carte à l’autre et n’interviennent donc
pas dans la mesure de cet écart ;
o la fraude sur les cartes haut de gamme est supérieure à celle des cartes classiques
internationales : cette évaluation prend en compte ce phénomène.

Ainsi :
• chaque carte classique internationale rapporte chaque année 37 € de plus à la banque
qu’une carte à autorisation systématique ;
• chaque carte haut de gamme rapporte quasiment trois fois plus de revenus qu’une carte
classique internationale : 99 € contre 37 € ;
• enfin, une carte bancaire très haut de gamme rapporte 44 % de revenus en plus qu’une
carte haut de gamme : 143 € contre 99 € !

Ces chiffres expliquent pourquoi les banques ont fait disparaître la carte bancaire nationale, et
pourquoi on assiste à cette montée en gamme systématique de leurs clients, même si ceux-ci n’en
n’ont pas besoin !

32
► Conséquence : moins de cartes à autorisation systématique et des
incidents favorisés

Les conséquences de cette montée en gamme systématique, qui fait que les Français sont équipés
de cartes surdimensionnées, sont multiples.

● Un sous-équipement en cartes à autorisation systématique

Première conséquence : la part des cartes à autorisation systématique (Maestro, Electron) dans
l’ensemble des cartes émises par les banques est bien plus faible en France que dans tous les
pays européens.

Ainsi, alors que, dans tous les autres pays européens, le taux d’équipement en cartes à
autorisation systématique se situe aux alentours de 50 % (dont 72 % pour l’Allemagne), ce taux est
limité à moins de 14 % pour la France. Seul le Royaume-Uni présente des chiffres comparables,
mais à relativiser puisque, dans ce pays, les cartes de crédit restent prééminentes et le
développement des cartes de paiement (cartes de débit) ne remonte qu’à une vingtaine d’années.

Du fait de la montée en gamme mise en place par les banques, les cartes à autorisation
systématique, les seules cartes qui suppriment le risque d’incident, sont peu diffusées. Pire,
alors que ce sont les cartes les plus sûres pour les utilisateurs, elles sont perçues par les clients, les
commerçants et les conseillers bancaires comme stigmatisantes : ce sont les cartes que les banques
délivrent quand un client est trop « dangereux » pour avoir accès aux autres types de carte.

● Un surcoût pour les consommateurs

La montée en gamme systématique fait payer à la plupart des consommateurs un surcoût pour
une carte dont ils n’utilisent qu’une très faible partie des capacités. Par exemple, si l’on
considère que 80 % des consommateurs pourraient passer à la carte inférieure, l’économie réalisée
par les consommateurs rien que sur les cotisations annuelles serait de 670 millions d’euros par an.

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● Carte blanche pour dériver

Dernière conséquence, et non des moindres : les plafonds élevés et le faible taux de demandes
d’autorisation en paiement (hors les cartes à autorisation systématique) ouvrent des possibilités de
dérive importantes vis-à-vis des clients les plus fragiles.

En effet, lors des paiements chez les commerçants, rien n’est prévu pour contrôler l’usage fait par les
consommateurs de leur carte : les plafonds ne permettent pas une réelle limitation des achats,
d’autant que les paiements ne font que rarement l’objet d’une demande d’autorisation. Ainsi, un client
à découvert ne pourra pas remarquer lors de ses achats que son compte est effectivement vide.

2. Le « semi-offline » : un faible nombre de paiements par carte vérifiés

► Le semi-offline, un choix historique

En 1978, alors que la Direction générale des télécommunications (DGT) acquiert le brevet de la carte
à puce déposé par Rolland Moreno, un bras de fer s’instaure entre les banques et les PTT (via la
DGT) autour des tarifs de communication monétique et de la carte à puce.

Schématiquement, les positions sont les suivantes :

• Les banques, qui souhaitent développer leur carte bancaire (laquelle ne comprend alors pas
de puce), ont besoin que les PTT adaptent leur tarification pour que les communications
nécessaires pour les paiements par carte bancaire ne représentent pas un coût trop élevé. En
effet, dans le système normal de paiement par carte bancaire (le système « online »), toute
opération par carte bancaire comprend une demande d’autorisation du paiement fait par la
banque du commerçant vers la banque du client, demande qui passe par un flux de
télécommunication.
• À l’inverse, les PTT, via la DGT, n’ont aucun intérêt à baisser le coût de leur tarif. La DGT
propose donc un système alternatif où les demandes d’autorisations seraient aléatoires et
utiliseraient par conséquent moins de communications : le semi-offline. Ce système nécessite
en revanche, pour renforcer la sécurité et le contrôle en local, l’implantation d’une puce
électronique… dont cette même DGT détient le brevet.

Le refus de la DGT d’adapter la tarification pour le développement d’un système online où l’ensemble
des transactions par carte seraient contrôlées a fait basculer la France dans un système de semi-
offline unique en Europe.

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► Conséquences : peu de paiements vérifiés, une carte à autorisation
systématique dégradée

Les conséquences de l’adoption du semi-offline sont aussi multiples qu’impactantes pour le


consommateur.

Premièrement, et contrairement au online, seule une faible part des transactions font l’objet de
vérifications. Au total, en dehors des cartes à autorisation systématique, seulement 22 % des
paiements par carte bancaire en France font l’objet d’une vérification, 36 % en prenant en
compte les cartes à autorisation systématique. C’est un chiffre très largement inférieur à la
moyenne européenne.

L’absence de vérification systématique n’est que très imparfaitement compensée par la présence
d’une carte à puce, qui augmente la sécurité, et par le chargement dans les terminaux de paiement de
la liste des cartes en interdiction.

Seconde conséquence : les cartes à autorisation systématique, qui font l’objet d’une vérification
pour chaque transaction, sont dégradées : par exemple, cette carte ne marche pas sur les autoroutes
ou sur les terminaux de paiement électronique utilisés indépendamment de leur socle (par exemple
sur les marchés).

► Un choix qui n’a plus lieu d’être… et qui pourrait facilement être remis en
cause

● Une problématique dépassée

Le choix du semi-offline pouvait s’expliquer dans les années 1980. À cette époque, en effet, le coût
des communications était élevé et pouvait justifier la mise en place d’un système de carte bancaire
utilisant au minimum les communications.

Aujourd’hui, ce choix n’a plus lieu d’être. Le coût des communications depuis l’entrée dans l’ère
d’Internet a fortement diminué : le principal facteur justifiant un système offline malgré ses
nombreux inconvénients n’existe plus. De même, les communications sont de plus en plus
rapides : alors qu’une demande d’autorisation prenait environ 25 secondes il y a dix ans, elle ne
nécessite plus désormais que 5 secondes. Dès lors, pourquoi le système français de carte bancaire
ne passerait-il pas au online, qui présente l’avantage d’être beaucoup plus sûr et responsable pour les
consommateurs ?

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● Un basculement vers un système online aisé

Nous avons étudié les possibilités pour le système bancaire français de passer au système online,
beaucoup plus protecteur pour les consommateurs.

Notre étude a porté sur les éléments suivants :


• impacts du passage sur les techniques interbancaires (réseaux) et techniques internes
aux banques (capacité de traitement) ;
• impacts économiques (coûts de mise en œuvre) ;
• impacts organisationnels (traitement des incidents).

● Impacts techniques

Quatre acteurs entrent en jeu sur l’aspect technique :


• le commerçant, via son terminal de paiement ;
• la banque du commerçant ;
• le Groupement des cartes bancaires, qui gère les autorisations ;
• la banque du client.

Pour cet aspect, seuls deux acteurs seraient impactés par le passage du semi-offline au online : la
banque du commerçant et la banque du client.
• Les terminaux du commerçant ne nécessitent aucun aménagement : ils peuvent traiter
dès aujourd’hui des paiements online. De même, les cartes bancaires intègrent dès
aujourd’hui les paramètres pour fonctionner en online.
• Les communications entre le terminal du commerçant et sa banque peuvent supporter le
passage au online.
• Le réseau d’autorisations du Groupement des cartes bancaires peut gérer dès aujourd’hui
le passage au online.

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En revanche, les banques du commerçant et du client devront effectuer des « adaptations de la
tuyauterie » pour pouvoir supporter le passage au online :
• les serveurs d’autorisation acquéreur (banque du commerçant) et émetteur (banque du
client) devront voir leur capacité augmentée pour supporter le passage d’un système où
seulement 36 % des paiements sont vérifiés à un système où 100 % des paiements le
sont : mais cette augmentation va de toute manière dans le sens de l’histoire puisque les
paiements par Internet, qui font l’objet de demande d’autorisation, nécessitent l’augmentation
des capacités des serveurs ;
• la banque du client devra adapter son système d’information pour que les paramètres des
cartes du client, désormais ajustables, puissent être enregistrés et modifiés en temps réel.

● Impacts économiques

Le coût du passage au online n’est évidemment pas nul. Pour autant et sans entrer dans une étude
détaillée, il ne devrait pas être démesuré… D’autant qu’il a pu être supporté par les banques des
autres pays européens !

• Les commerçants qui n’utilisent pas la technologie IP pourraient voir leur facture de
téléphone augmenter du fait de l’accroissement du nombre de communications nécessaire à
la vérification de tous les paiements. Mais les nouvelles normes de monétique en cours
d’adoption imposent d’ores et déjà le passage à la technologie IP.

• Les cartes bancaires n’ont besoin d’aucune adaptation : le coût est donc nul sur cet
aspect.

• L’augmentation de la capacité des serveurs d’autorisation a un coût, mais nous avons vu


que la forte croissance du commerce électronique nécessite de toute manière ces
investissements.

• Le réseau d’autorisation du Groupement des cartes bancaires a fait l’objet d’une


rénovation récente et peut supporter l’augmentation du flux sans investissement
supplémentaire. L’utilisation de ce réseau est payante, mais les tarifs dégressifs pratiqués
limiteraient la hausse du coût due à l’augmentation du nombre de demandes d’autorisation.

• L’augmentation des serveurs informatiques des banques représente l’investissement le


plus important, mais ce coût peut être diminué du fait des nombreux projets de rénovation
des infrastructures informatiques actuellement en cours dans les banques.

• Enfin, le passage au online va mécaniquement entraîner une hausse des


communications, hausse qui aura un coût. On peut cependant penser que l’augmentation
générale des communications nécessaires entraînera la création de nouveaux forfaits,
adaptés à cette nouvelle donne, de la part des opérateurs de télécommunication.

● Impacts organisationnels

Enfin, au niveau organisationnel, le passage au online n’aura que deux impacts : une augmentation
du nombre de transactions refusées sur le lieu de vente… qui peut se traduire en revanche par une
diminution du nombre d’incidents de paiement à traiter par les banques, et donc par un gain de temps
par les banques à ce niveau.

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► Conclusion : avantages et freins de ce passage au online

Les avantages pour les clients du passage au online sont indiscutables : le online offre une
meilleure protection, quel que soit le type de carte utilisé :
• sur les cartes à débit immédiat, le porteur NE PEUT PAS devenir abusif par une sur-
utilisation de sa carte. Le fraudeur « abusif » n’existe pas ;
• sur les cartes à débit différé, l’analyse des plafonds à chaque transaction interdit aux
porteurs la possibilité de dériver par rapport aux engagements qu’ils ont contractualisés avec
leur banque : le risque d’être en incident (à leur insu) est réduit. Le risque de
dépassement est mesuré au moment de la transaction et non a posteriori comme pour les
transactions offline.

Au final, le passage au online se traduirait par un renforcement de la confiance des clients dans le
paiement par carte bancaire, notamment grâce à l’assurance que leurs paiements ne les
entraîneront pas vers le découvert non autorisé.

Mais le passage au online présenterait également des avantages pour les banques :
• sur l’aspect marketing, il permettrait une meilleure connaissance générale de leur clientèle ;
• sur le plan organisationnel, il entraînerait une réduction de la charge des back offices liée à
la gestion des abusifs, des incidents et de la fraude ;
• sur le plan commercial, il améliorerait l’image des établissements bancaires, car les clients
ne pourraient plus glisser vers de graves difficultés sans que les conseillers ne le sachent pas.

En revanche, ce passage a un coût pour les banques : celui du retour à la raison économique et
morale.
• Le principal coût pour les banques serait la perte des revenus importantes issus des frais
d’incident, et principalement des commissions d’intervention. Les banques ne percevraient
également plus les commissions d’interchange sur les paiements refusés.
• Autre coût pour les banques : l’accroissement du nombre d’appels des clients qui se
seront vus refuser un paiement, qui pourra prendre du temps aux chargés de clientèle. Mais
ceux-ci ne sont-ils pas… chargés de s’occuper de la clientèle ?
• Les coûts d’adaptation du système au online seraient, en revanche, largement
supportables.

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LES PROPOSITIONS DE L’UFC-QUE CHOISIR
POUR UNE CARTE BANCAIRE RESPONSABLE

Alors que la banque est devenue un service essentiel, l’UFC-Que Choisir rappelle son attachement à
la transparence dans le secteur bancaire, ainsi que l’importance du devoir de conseil et d’alerte dans
la relation entre le consommateur et son banquier. Constatant tout à la fois l’ampleur du coût et
l’illégitimité des frais sanctions, nous proposons les mesures suivantes.

1. Pour prévenir les incidents

► Faire passer le système de monétique français du semi-offline au online

• Seul système où tous les paiements par carte bancaire font l’objet d’une vérification
préalable sur le compte du client.

► Créer une carte bancaire modulable

• Déconnecter statut des cartes et plafonds d’achats en gérant de manière distincte :

o le type de carte (autorisation systématique, standard, haut de gamme), qui correspond


à un niveau de services et de statut ;

o le type de débit (immédiat ou différé), qui doit dépendre de la capacité d’un client à
gérer un débit différé ;

o les plafonds d’achats, qui doivent être individualisés et reliés aux besoins et au profil
financier du client.

► Mieux informer le client pour qu’il puisse réagir en amont des incidents

• Sur la provision de son compte, sur ses plafonds de paiement et de retrait, sur son
autorisation de découvert, sur son éventuel encours de débit différé ;

• Par la communication commerciale, par les automates, par les systèmes d’alertes.

2. Pour réformer la tarification

► Supprimer la commission d’intervention

• Dont notre enquête prouve l’inutilité, l’illégitimité et la surfacturation

► Harmoniser la perception des frais d’incident entre débit immédiat et débit


différé

• Pour que la carte à débit immédiat, plus facile à gérer pour un client en difficulté, ne soit pas
comme actuellement génératrice de plus de frais d’incidents qu’une carte à débit différé

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