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Pénétrer la lumière, tel fut donc le propos des six artistes réunis dans cette exposition
aixoise dont l’un des mérites est de rendre hommage à ces peintres de la « non-
figuration » injustement négligés. Le contexte qui les voit émerger lors de la Deuxième
Guerre mondiale est chaotique. L’exposition « Vingt jeunes peintres de tradition
française » en 1941 à la galerie Braun leur permet d’affirmer les recherches avant-
gardistes de la peinture, marquées par les héritages fauve, cubiste et surréaliste... Ils ne
se réclament pourtant d’aucune école ni enseignement ou esthétique communs : seules
les animent la contemplation et la célébration de la nature par la peinture - mais aussi
par le vitrail, la tapisserie, la mosaïque, les costumes et décors de théâtre pour certains -,
cette oscillation libre entre le monde extérieur et l’intériorité de l’artiste. Le critique
Charles Estienne les rassemblera pourtant à la galerie de Babylone à Paris, en 1952,
sous l’appellation impropre de « Nouvelle Ecole de Paris ». Bazaine, Bissière et
Manessier en sont le noyau.
Alfred Manessier, Torrent, 1959 - Huile sur toile, 97x130 cm / Collection particulière ©
ADAGP, Paris 2018
Ils s’efforcent, pendant les quelques décennies suivantes, de représenter la nature dans
ses éléments essentiels, « (...) là où vie et peinture se confondent en un flux unique, où
le mouvement même de l’existence gouverne la forme » affirme Bissière. Suite aux
réflexions de Charles Lapicque sur l’optique chromatique et spatiale, au sein de
paysages « fluidifiés » par la lumière est donnée priorité à un « langage ou signe
plastique retenant à la fois le monde sensoriel comme émotion et le monde spirituel
comme révélation finale » déclare Manessier. La peinture est pour eux l’art d’une
relation sensible au réel, autre que descriptive et apte à célébrer la Vie dans un élan
transcendant ; Jean Bazaine ne prône-t-il pas que « la peinture a besoin d’hommes qui
se noient parce que le monde a besoin d’être soulevé » ? Il s’agit bien pour nos six
artistes, malgré des thèmes et périodes différents, de « traverser la lumière », notamment
par le vitrail auquel ils s’essaient. Car ils s’inscrivent aussi dans ce courant d’après-
guerre qui, à la suite des Pères Couturier et Régamey, défend la « nécessité d’accueillir
dans l’Eglise des oeuvres de haute spiritualité issues de l’art des grands créateurs »*
de son temps, en réaction à l’art sulpicien et à l’heure de la reconstruction des édifices
religieux.
Alfred Manessier, (de g.à d.) Passion selon saint Jean, Passion selon saint
Marc, Passion selon saint Luc, 1986 - vue de l'exposition © ADAGP, Paris 2018
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