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Formation impression 3D :
Gauthier Quercia
Remerciements :
La revue fotoloft est éditée par l’association NegPos qui bénéficie du soutien L’association NegPos remercie particulièrement tou.te.s les bénévoles enga-
de : gé.e.s auprès de nos actions ainsi que les personnes qui participent gracieu-
sement à l’accueil des artistes. FOTOLOFT
2 AUTOMNE 2020 Photographie de couverture : copyright Moussa Djouder #17
AUTOMNE 2020
LES VILLES INVISIBLES
FOTOLOFT - LES VILLES INVISIBLES
CONFINÉE
Regards croisés sur Nîmes confinée Quand certains se lâchaient pour être créatifs, assumer et apprécier
même les contraintes liées au confinement, d’autres cherchaient à
débusquer la moindre vie, la moindre activité qui pouvait rassurer,
Le confinement : une période historique de notre vie, dominée
donner de l’espoir. Non ce n’était pas la fin du monde mais un aperçu
_virus oblige _ par la privation d’une liberté pourtant fondamentale,
de ce que pourrait être une ville fantôme, dont la substance, la moelle
celle de se mouvoir comme bon nous semble.
épinière étaient touchées.
Flâner était pratiquement interdit. Et pourtant, quand certains se
Un peu comme si toute une population était partie en exil, les bars
calfeutraient chez eux, déconcertés, à regarder la vie par la fenêtre,
et restaurants avaient empilé leurs chaises, les autos avaient déserté
d’autres s’activaient pour apporter aide et soutien aux travailleurs, aux
les boulevards. De cette approche individuelle, personnelle et intime,
personnes fragiles, aux plus démunis.
les photographes nîmois donnent naissance à une approche collective.
Les photographes ont la responsabilité de pouvoir laisser des traces,
Croiser les regards, ensemble, retrouver le goût du partage, de
une mémoire sur l’humanité, voire son absence. Eux-mêmes ont vécu
l’échange. Les photos du confinement que le collectif nîmois vous
le confinement à leur manière : besoin de témoigner, obligation d’aider
propose sont celles d’une fuite vers la vie.
leurs proches... cocher tout ce qui pouvait légalement l’être dans les
fameuses attestations de déplacements dérogatoires.
Ouvrez vos yeux, découvrez une autre manière de voir cet
Braver le virus, encenser la vie ou ce qu’il en restait dans les rues,
événement mondial à travers Nîmes à la loupe.
défier peut-être même l’autorité ? Nous avions encore une dernière
liberté fondamentale à préserver : celle de penser, de s’exprimer à
Dorian Refledame
travers un regard, un instant figé pour se rapprocher de l’éternité.
Chacun chacune des preneurs d’images ont posé leurs regards
personnels, régulièrement ou ponctuellement.
BIO
Joël Mas est l’auteur de Darkwine anti-héros pilier de bistrot. Sa
devise « L’espoir est Vin ».
Les « signifiés » sont en train de muter, comme les virus qui boule-
versent nos vies. Alors certaines images de d’avant le coronavirus de-
viennent datées, obsolètes, voire non signifiantes. Elles ne fonction-
neront hélas qu’avec l’ancrage sémantique que leur procurent un titre,
une légende, un cartel. Sans le support du texte, elles perdront de leur
autonomie.
Pendant le confinement _photographie de Philippe IBARS
C’est beau, une ville… Notre univers métaphorique se recompose et ce petit changement de
paradigme dans le domaine de l’art préfigure d’autres métamorphoses
Pour faire le portrait d’une ville confinée (ou pas) il faut d’abord qu’il va falloir interroger.
l’aimer. Il faut l’aimer pour ce qu’elle a de beau. Mais cette beauté Philippe Ibars
ne s’emprisonne pas dans les cartes postales. Elle est bien entendu
dans tous les legs bimillénaires, grande fierté nîmoise. Elle est dans
la modernité, l’audace des bâtisseurs. Elle est dans le banal qui se
conjugue au quotidien. Elle est dans les couleurs. Elle est dans les
eaux car Nîmes est une ville d’eau qui feint de l’ignorer, dans le havre Philippe IBARS aime les
originel de ses jardins de la Fontaine, dans tout son patrimoine boisé… gens, la ville et les objets
La beauté d’une ville est aussi dans les gens qui la peuplent, ce sang témoins de son vécu.
qui coule dans ses artères. C’est tout cela qui fait la beauté de la ville. Il apprécie de se donner
Mais… des contraintes de temps et
Du mardi 17 mars à 12 heures au lundi 11 mai 2020, en réponse à la d’outils photographiques.
pandémie de Covid-19, la population a été « confinée ». Cette page
inattendue de notre histoire a duré cinquante-cinq jours. Comme
toutes les villes de France, Nîmes s’est soudain enfermée.
Alors que restait-il ? Une ville vide. Une ville à l’os.
Passée la sidération des premières heures, j’ai voulu faire le portrait de
Une ville belle et triste. Solitude, désœuvrement, errance, rares piétons,
ma ville endormie, dans le respect des mesures sanitaires imposées
silence pesant. Mais, peu à peu, c’est le chant des oiseaux qui réveille
: déplacements dérogatoires, périmètre à respecter, limites horaires…
le cadre. Puis,’ le mal s’apprivoise avec sur les visages une éclosion
C’est avec cette règle des unités de temps, de lieu et d’action propre
de masques et moins de réclusion. Vélos, trottinettes, chiens qu’on
au théâtre classique que j’ai photographié de Nîmes la partie que je
promène, cris des enfants qui jouent le temps d’une sortie permise,
pouvais sillonner.
une vie confinée, mais une vie quand même. C’est beau, une ville…
Au début du confinement, l’hiver s’achevait et les micocouliers – à
Nîmes si nombreux – montraient encore leurs charpentes à peine
bourgeonnantes. Puis le printemps s’est installé, sans nous, verdissant
les houppiers. Une vie urbaine de circonstance s’est peu à peu
organisée. Les halles, grand pôle de sociabilité, ont réduit leur voilure,
plastifiée pour l’occasion. L’espace urbain a gommé ses autos, effacé
ou rangé les chaises, les tables et les parasols de ses places engourdies.
Les oubliés du
confinement
par John KALAPO
Ceux qui n’ont pas de toit et vivent dans un « autre monde », l’uni-
vers des « sans domicile fixe ». Surpris par l’arrivée du Covid-19 et les
mesures de confinement prises par les autorités françaises. Les SDF
non confiné se retrouve dans une situation imprévue lorsque la pan-
démie est arrivée. Ils disent, il faut rester confiné chez soi. Mais
comment faire lorsque le chez soi n’existe pas, que l’on vit dans
la rue ?
Les rues se sont vidées, il n’y a plus de passage, faire la manche relève
de l’impossible. Ils ont été oubliés dans cette crise sanitaire. Ils sont
livrés à elles-mêmes dans les rues désertées urbain subsiste encore
des personnes, comme les sans-abris, qui n’ont d’autres choix que d’y
rester. La police les chasses là où ils dorment dans la rue. Ils ne savent
pas où aller, d’autant que le couvre-feu a été instauré. De par l’absence
presque totale de personnes en ville, leur présence n’en devient que
plus visible, éclatante.
AUTOMNE 2020 21
FOTOLOFT - LES VILLES INVISIBLES
BIO
Moussa John KALAPO est né en 1983 à Bamako au Mali, comptable
de formation.
http://amp.matrix.msu.edu
https://www.facebook.com/ArchiveOfMalianPhotography
LA VILLE EN LUTTE
C’est en novembre 1989, après un premier reportage sur
la chute du mur de Berlin, que Lahcène ABIB commence sa
carrière de photographe. Après une collaboration de huit ans
avec une agence de presse, il exerce en indépendant et se
consacre à des sujets de société, interrogeant le fait religieux
musulman, la consommation, l’environnement...
Il mène actuellement un travail sur l’identité musulmane en
France.
FOTOLOFT - LES VILLES INVISIBLES
Puisant dans ses archives encore toute brulantes des derniers mou-
FAILLES
vements sociaux émergents en France en 2018 et en Algérie en 2019.
Lahcène ABIB nous offre avec « FAILLES » un puissant et riche té-
moignage des faits, adressant du même coup, un vibrant hommage
d’empathie aux différents protagonistes.
Photographe « embedded » auprès des manifestants, Lahcène ABIB
photographie à partir de leur position. Il ne situe jamais du côté des
forces de l’ordre, leur faisant souvent face.
C’est en partie cela qui fait la force de ses photographies, sa position,
à la fois leur « mordant plastique » et leur distance critique. Car s’il est
en principe spectateur, il ne se contente pas de l’être passivement.
« Si la photographie n’est pas bonne, disait Robert Capa c’est que vous
n’êtes pas assez près... ».
Ce précepte mille fois cité, semble pourtant parfaitement corres-
pondre à l’acte photographique de ABIB, les bonnes images sont chez
lui pléthore ! Un rare degré d’engagement dans l’action en train de
se dérouler produit des effets certains... Digne survivant des grands
reporters de conflits urbains, tel Gilles CARON, Lahcène a l’humain
chevillé au corps et il ne peut pas faire autrement que de le faire sa-
voir.
« Homme frontière », Lahcène ABIB qui fait vivre en lui sa double ap-
partenance avec sincérité et opiniatreté, sans la refouler, s’évertue à
rendre compte de ces événements parallèles avec autant de passion et
d’intérêt. Gilets Jaunes et Hirak unis au delà des mers par son regard
et par son implication à témoigner des histoires pour l’Histoire.
Patrice Loubon
Commissaire de l’exposition
HIRAK
Le « Hirak » désigne une série de manifestations sporadiques qui
ont lieu depuis le 16 février 2019 en Algérie pour protester dans un
premier temps contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cin-
quième mandat présidentiel, puis contre le projet du « système ». Le
peuple demande une transition et la mise en œuvre de réformes. Par
la suite, les protestataires réclament la mise en place d’une Deuxième
République, et le départ des dignitaires du régime, notamment parce
que ceux-ci organisent le prochain scrutin le 12 décembre avec les can-
didatures de caciques du régime. D’une ampleur inédite depuis des dé-
cennies, ces manifestations, qui ont essentiellement lieu les vendredis
et mardis (pour les étudiants), conduisent Bouteflika à démissionner le
2 avril 2019.
L’équipe :
_Karine Granger, intervenante photographie argentique
_Gauthier Quercia, intervenant 3D
_Patrice Loubon, coordinateur, intervenant photographie
argentique et montage numérique
_Anouk Marsetti, intervenante vidéo, réalisatrice professionnelle.
_Fabrice Tosatti, animateur-médiateur.
_Accompagné.e.s de : Alexandre Renac et Dorian Refledame
MakerSpace NegPos
34 promenade Newton
30900 Nîmes
de concerts de Jazz à Nîmes, 1980- Nîmois et à d’autres visiteurs extérieurs, une programmation du plus
haut niveau, invitant à Nîmes la crème du Jazz international : Miles
1990.
Davis, Dizzy Gillespie, Dee Dee Bridgewater, Didier Lockwood, Herbie
Hancock, … et tant d’autres ! Dont Stéphane Kochoyan, actuel direc-
teur artistique de Nîmes Metropole Jazz Festival.
Par Jeanne DAVY, Moussa DJOUDER A l’appel de Nîmes Métropole, Jeanne Davy, Moussa Djouder et Pa-
et Patrice LOUBON
trice Loubon ont exploré leurs archives, au fil du désormais fameux
confinement, scannant d’arrache-mains leurs négatifs.
De cette exploration, ils en ont retirés quelques pépites!
BIOS
Jeanne DAVY (1949). Photographe. Vit à Sète. Elle baigne très
tôt dans un univers artistique. Après ses études de lettres, elle
découvre la photographie pour les besoins d’un journal de contre-
information dont elle deviendra la directrice. Depuis, elle n’a plus
quitté son appareil photo : tournées de musiciens de jazz, spectacles
de danse, festival d’Avignon... elle coopère à de nombreuses revues.
Puis, ce sera le service culturel du Conseil départemental du Gard
pour lequel, durant quinze ans, elle couvrira des manifestations
culturelles, sans pour autant laisser de côté des expositions de ses
oeuvres personnelles.
COUP DE CŒUR
par Patrice CLANET
Acciones para
recordar Actions pour se rappeler
L’OCCITANIE,
LA RÉGION DES SOLUTIONS
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FOTOLOFT - COUP DE CŒUR
Le titre d’une série est révélateur, il éclaire l’intention de l’artiste, il Les natures mortes fonctionnent quant à elle en dialogue, en dip- Nous sommes témoins de cette alchimie par cette succession de ta-
vous guide et vous force à vous interroger sur le pourquoi des oeuvres tyques avec les images du corps de l’artiste mis en scène. Elles sont bleaux photographique, véritables actes initiatiques, qui fait que le
que vous avez devant les yeux. Ce corpus d’images aurait pu très bien métaphores de la métamorphose à laquelle nous sommes invité à as- corps change de substance et passe d’une nature vile à une nature
se nommer « métaphores de l’intime » ou bien « actions pour oublier » sister. Teintées de mélancolie, elles laissent cependant entrevoir de noble. Femme avant tout, Karina JUAREZ serait dans l’impasse si elle
ou encore « métamorphose » nouveaux horizons. L’ensemble de ces métaphores photographiques n’était pas cette jeune artiste photographe qui met en scène ses « trau-
Il y a de la douleur dans les photographies que nous donne à voir sont les figures de style qui caractérisent l’intentionnalité de l’artiste. mas ». Elle vous invite dans son intimité pour mieux rebattre les cartes,
Karina JUAREZ mais aussi une forme d’apaisement ; un moment de Elles représentent la rhétorique de l’image qu’use ici la photographe déconstruire et reformuler. Elle touche une réalité d’ordre anthropo-
calme juste après une tempête. L’artiste s ‘appuie sur ses mises en pour lui permettre de libérer son discours et, par le biais de ces fic- logique, universelle : la fragilité et le processus de reconstruction
scène photographiques pour exhumer ce qu’elle cache au plus profond tions, de l’aider à redéfinir la réalité. de l’être humain. L’œuvre de Karina JUAREZ, qui se construit sous
d’elle, pour mieux exorciser ses démons et pour pouvoir renaître. nos yeux, s’affirme en mobilisant des stratégies modestes, du silence,
Karina Juarez s’approprie avec détermination la possibilité de reposer Sous nos yeux, Karina JUAREZ change littéralement de peau. Elle nous du retrait. Caractéristiques, comme nous le fait remarquer Dominique
la question de la fonction du corps, de son propre corps, dans l’espace propose de devenir voyeur de sa propre renaissance par le biais d’un BAQUÉ, qui constituent : « une part non négligeable des productions
de la représentation. Le corps est ici proposé comme un support de rituel de purification. Ce rituel devient l’expression du corps dans un artistiques contemporaines qui choisissent ainsi de donner à penser plus
narration, comme incarnation, il devient prétexte pour réunir un en- espace exclusif où l’interaction entre la photographiée et le dispositif qu’à voir »
semble de signes - plissures, blessures, cicatrices - qui abordent méta- de la photographie donne l’image de cette identité changeante. « Ac-
phoriquement le thème sexuel qui tourmente l’artiste. ciones para recordar » fonctionne comme une transmutation du réel Patrice CLANET
par la photographie. Co-directeur de NegPos
AUTOMNE 2020 45
FOTOLOFT - REGARDS CROISÉS II
Regards
croisés II
2020
Perpignan - Qixian
photographies de WENJING – Pia ELIZONDO
Comprendre la Ville est une tâche ambitieuse.
Appréhender comment l’homme habite la ville appelle à une recherche
permanente. Améliorer l’habitat dans les villes et quartiers anciens
est le pari d’Urbanis depuis 1979.
Tout d’abord partout en France, maintenant aussi en Chine.
La vie d’Urbanis est une succession d’idées humanistes et un peu
folles. Nos idées sont partagées par de nombreuses Villes, grandes,
moyennes, petites, qui nous ont confié leurs politiques d’Amélioration
de l’habitat. Elles souhaitent que leurs citoyens y vivent mieux, avec
la santé, le confort, la sobriété énergétique et une plus faible émission
de gaz à effet de serre.
Emmanuelle PERNES
Présidente d’URBANIS