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Universitaire
du
12 janvier
au
5 avril 2004
lundi
19h et 21h
Auditorium
Arditi-Wilsdorf
12 janvier 19h Naissance d’une nation David Wark Griffith
19 janvier 19h L’argent Macel L’Herbier
C i n é - C l u b
26 janvier 19h Octobre Sergeï Eisenstein
21h Berlin, symphonie d’une grande ville W. Ruttman Universitaire
Paris qui dort René Clair
Entracte René Clair
À propos de Nice Jean Vigo Auditorium Arditi-Wilsdorf
2 février 19h L’homme à la caméra Dziga Vertov 1, av. du Mail
21h Conférence de Philippe Dubois 1205 Genève
8 mars 19h La bataille de Chine Frank Capra
Les lundis à 1 9h et 21h
21h La bataille de Russie Frank Capra
15 mars 19h Shadows John Cassavetes
21h Citizen Kane Orson Welles
Billet 1 séance à 8.-
22 mars 19h Hiroshima mon amour Alain Resnais Carte 3 entrées à 18.-, non transmissible
Abonnement pour tout le cycle à 60.-
21h Pacific 231 Jean Mitry Vente uniquement à l’entrée des séances
À bout de souffle Jean-Luc Godard
29 mars 19h Bataille sur le grand fleuve Jean Rouch
21h Moi, un noir Jean Rouch Ouvert aux étudiants
Au début; Nous; Les habitants; et non étudiants
Les saisons; Notre siècle Artavazd Pelechian Renseignements:
Activités culturelles
5 avril 19h Sans soleil Chirs Marker 4, rue De-Candolle | 1205 Genève
http://activites-culturelles.unige.ch
21h Il était une fois dans l’ouest Sergio Leone
Sommaire Guido Ferretti
Éditorial
De Smith à Griffith: naissance du montage.....................................................4 Notre décision de proposer un cycle sur le
montage n’est pas un acte d’arrogance ciné-
L’école soviétique: montage intellectuel et idéologique....................................7 philique, mais de pédagogie. Le montage, acte
ultime de la construction filmique, construit
le sens et l’esthétique du film. Il nous semble
Avant-garde française: musicalité du montage ..............................................10 donc essentiel de fournir aux étudiants, pre-
miers destinataires de notre ciné-club, des
Frank Capra: nervosité du montage..............................................................12 repères leur permettant de s’orienter dans les
étapes fondamentales du développement du
Résumé des films......................................................................................14 montage. Bien que la perspective historique
nous ait paru prioritaire, il est impossible de
tracer une histoire du montage dans le
Nouvelle vague: une révolution dans le montage...........................................17 contexte restreint d’un cycle. Nous avons donc
essayé d’identifier quelques points de repère
Tarkovski: contre une esthétique du montage ...............................................22 fondamentaux qui ont imposé des change-
ments radicaux sur le plan esthétique et tech-
Glossaire .................................................................................................24 nique.
1
Un autre pas est franchi dans les années 20 Le classicisme des années 30 est remis en 1 Voir p. 28
par les avant-gardes françaises (L’argent de cause par le travail de Frank Capra et Orson 2 Voir p. 12
Marcel L’Herbier et les courts métrages de Welles sur le temps et la structure du mon-
René Clair et Jean Vigo) et puis avec les théo- tage. Capra a entre autres contribué à accélé-
riciens soviétiques (Octobre de Sergueï rer le temps de l’action: cette démarche,
Eisenstein et L’homme à la caméra de Dziga abordée dans un texte sur la “nervosité” de
Vertov). Ces mouvements ont créé le montage Capra2, est représentée par deux documentai-
idéologique. Mais c’est également à partir de res de la série Why we fight, à savoir La
ces mouvements que les principes du montage bataille de Chine et La bataille de Russie. La
classique des années 30 ont été définis. révolution de la structure filmique réalisée
par Welles est emblématiquement représentée
La projection de L’homme à la caméra est par Citizen Kane.
l’occasion d’une collaboration avec La Haute
école d’arts appliqués (HEAA-Genève), qui Entre les années 50 et 60, la Nouvelle Vague
présente “Défilements”, une exposition à par- opère une nouvelle révolution, introduisant
tir de Vertov, qui éclaire les héritages multi- les faux raccords, les raccords hétérodoxes (À
ples du cinéma de Vertov dans l’art bout de souffle de Godard) et la destruction
contemporain. Des travaux photo ou vidéo et de l’organisation temporelle du film (montage
des installations interactives d’artistes et atemporel d’Hiroshima mon amour d’Alain
d’étudiants y seront présentés, résultat d’un Resnais). De l’autre côté de l’Atlantique,
projet de recherche que la HEAA a mené en Shadows de John Cassavetes contribue aussi
collaboration avec Philippe Dubois depuis à cette révolution structurale. Le cycle s’achè-
20001. La soirée du 2 février sera donc entiè- ve par des films plus récents, montrant dans
rement consacrée à Vertov: après la projection leur diversité que nous sommes bien loin de la
du film, Philippe Dubois donnera une confé- fin d’un parcours destiné à nous offrir encore
rence intitulée “Monter, montrer: regards beaucoup de surprises et de découvertes.
déplacés”, et un documentaire sur le cinéma
de Vertov terminera la séance. Bonne lecture et bonne vision.
4
actions) et montage parallèle (fondé sur un 1 Georges Sadoul, Le cinéma, Paris, Éditeurs Français
rapprochement symbolique) et dont on trouve Réunis, 1948.
un autre exemple dans la célèbre Conscience 2 Georges Sadoul, Histoire générale du cinéma, tome
vengeresse du même Griffith par l’alternance II, Paris, Éd. Denoël, 1947, pp. 180-182.
entre la jeune fille pleurant le départ du gar- 3 Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma,
çon qu’elle aime et le vieillard qui se lamente tome I, Paris, Éd. Universitaires, 1963-65, pp.
au même moment sur sa jeunesse enfuie. Ce 274-275.
montage expressif, où la succession des plans 4 Ibid., p. 276. Koulechov, dont le jugement ne peut
n’est plus seulement dictée par le besoin de être contesté en matière de montage, écrit: “Le
raconter une histoire mais aussi par la volonté premier réalisateur qui utilisa le montage comme
un élément de création cinématographique fut
de susciter chez le spectateur un choc psycho- Griffith… Les Américains de l’époque de la
logique, ce sont les Soviétiques qui vont le Première Guerre mondiale et des années suivantes
conduire à son apogée sous la forme du troi- (Ince, De Mille, Vidor, Griffith, Chaplin) furent les
sième progrès décisif, le montage intellectuel meilleurs cinéastes du monde et les techniciens et
ou idéologique.» les artistes de cinéma de tous les pays apprirent les
bases de leur art dans le cinéma nord-américain.”
(Traité de la réalisation cinématographique).
Marcel Martin, Le language cinématogra-
phique, Paris, Éd. du Cerf, 1992, pp. 153-155. 5 Georges Sadoul, Le cinéma, op. cit., pp. 555-556.
5
L’école soviétique: montage intellectuel et idéologique
Copier | coller: montage de textes proposé par Astrid Maury
Les Soviétiques et l’arme du montage signifiante. Le sens surgit alors de la combi- Vertov, quant à lui, voulait insuffler au ciné-
«Les cinéastes soviétiques réclamaient une naison extrêmement découpée des plans, de ma la mission de révéler une réalité prise sur
“révolution dans l’art”, parallèle à la révolu- la collision des photogrammes-fragments. le vif, diffractée par des points de vue multi-
tion politique et sociale qui venait de s’opérer Prélevés du réel, ces fragments, souvent en ples. Pour Vertov, tout devient alors montage
dans leur pays. Plusieurs mouvements d’a- gros plans, perdent leur signification autono- lorsqu’il s’agit de construire un film. La notion
vant-garde se développèrent autour du poète me et accèdent ainsi par leur mise en relation est extensive, et désigne à la fois le repérage
Maïakovski, chef de file du courant futuriste. à un nouveau rapport de sens. des lieux, le choix d’un cadrage jusqu’à l’acte
Pour ces jeunes révolutionnaires, le summum final communément appelé montage. Le
de la modernité était curieusement le “modè- Le montage a constitué une préoccupation “ciné-œil” (l’œil de la caméra) permet le
le américain” avec son culte de la machine et essentielle des cinéastes russes, qui cher- “déchiffrement communiste du monde réel”.
de la vitesse, ses rythmes frénétiques, ses chaient à prolonger au cinéma les apports Les interventions sur le déroulement de la
films burlesques, ses “serials” et surtout ce esthétiques du constructivisme, du futurisme pellicule (ralenti, accéléré, surimpressions,
moyen d’expression tout neuf: le montage. et des expérimentations théâtrales de l’avant- décadrages) témoignent de la supériorité de
garde. Mais si la volonté de changer la société l’œil mécanique face à l’œil humain.
Griffith était un pragmatique poussé à l’in- par un changement dans le cinéma était com-
vention par le souci premier de raconter une mune à ces artistes, leur point de vue sur le Mais le cinéaste russe qui reste emblématique
histoire. Au contraire, les nouveaux cinéastes montage, voire leur conception du cinéma, du montage (de par ses écrits et son œuvre
soviétiques étaient des théoriciens. Tout les y divergeaient cependant. cinématographique) demeure Sergueï
conduisait: l’esprit avant-gardiste qui n’aime Eisenstein. «Plutôt que soumettre ses figures
rien tant que les manifestes, l’engagement Ils avaient tous tiré enseignement des théo- et ses structures de montage aux grandes
révolutionnaire soucieux de justification, la ries de Lev Koulechov, directeur du laboratoi- lignes d’une histoire, Eisenstein a conçu ses
rareté même de la pellicule qui affectait alors re expérimental de l’Institut du cinéma de films comme des constructions par le mon-
le pays et encourageait à retourner les idées Moscou, qui avait démontré les pouvoirs créa- tage.»3
avant de tourner la manivelle».1 tifs et expressifs du montage sur le specta-
teur.2 Vsevolod Poudovkine optait pour un Eisenstein et le montage des attractions
La révolution menée est donc autant poli- cinéma s’appuyant sur un scénario (contraire- Chez ce grand cinéaste, le montage est “intel-
tique qu’esthétique. Il s’agit d’éveiller les ment à Dziga Vertov et Sergueï Eisenstein), lectuel”: il est destiné à provoquer, à travers
consciences, de déclencher chez le spectateur qui devait être le vecteur d’une idéologie la juxtaposition savante de deux plans indé-
des sentiments qui le pousseront à l’action, juste. Le montage fondait pour lui le discours pendants, un choc émotionnel chez le specta-
par le biais d’un nouveau “ciné-langage”, qui métaphorique du film et sa qualité esthé- teur, et de déclencher une idée. Le montage
utilise le montage comme dynamique tique. souligne la discontinuité inhérente aux
8
Avant-garde française: musicalité du montage
«[Il] s’est développé dans les années 1920 une ruptures de vision pour modeler la matière cade, tandis que la rapidité de succession crée
école qui voyait dans le montage une sorte cinématographique. de fausses superpositions. Étonnamment
d’équivalent visuel des rythmes musicaux. La modernes, ces figures de montage sont
scansion, loin d’apparaître comme une rup- Le premier outil de ces créations est le “mon- comparables à ce que peut produire aujourd’-
ture artificielle, y devient un instrument sus- tage accéléré” (certain détracteurs l’appellent hui, à plus grande échelle, la vidéo. Dans les
ceptible de créer des émotions, et même, aussi “montage précipité”, ce qui rend assez clips par exemple, ou dans certains géné-
parfois, des effets dramatiques complexes. Les bien compte du déferlement d’images qu’il riques, certains courts-métrages, on retrouve
réalisateurs qui, de près ou de loin, se sont occasionne), dont l’utilisation par Gance dans ces effets de transformation plastique, où la
retrouvés autour d’un tel sentiment ont sou- La roue frappe tous les esprits, et favorise succession rapide des images donne à la fois
vent utilisé des expressions empruntées au l’emploi répété dans d’autres films. […] du rythme (les ruptures) et du liant (les asso-
vocabulaire musical pour traiter du cinéma ciations).
comme ils le concevaient. En grande partie L’action de La roue se passe en partie dans un
pour l’éloigner des conceptions trop fortes du train, où les émotions des personnages sont Dans L’Inhumaine, Marcel L’Herbier est plus
théâtre, de la peinture et de la littérature liées à la vitesse de celui-ci, ainsi que, pour- radical encore, puisqu’il intègre dans des
romanesque (toutes influences revendiquées rait-on dire, à la façon de la filmer. “Filmer la séquences de montage accéléré des plans
généralement à l’époque par les autres cinéas- vitesse”… c’est précisément la gageure de ce totalement abstraits. Lorsque l’héroïne “res-
tes), ils revendiquent une puissance d’expres- type d’expression cinématographique; et pour suscite”, dans l’atelier d’un savant fou, on
sion liée au “tempo”. Au flux des images, au qu’à la vitesse s’ajoute a fortiori une intensité assiste à une suite de mouvements qui, réelle-
mouvement incessant de la lumière et des dramatique, ni le cadre ni les éléments qu’il ment, n’ont de fonction que sensible, hors
corps à l’écran, à la succession nécessaire des contient ne suffisent. Gance utilise alors les toute volonté de représentation concrète. Un
“impressions”. Le cinéma y devient expression ressources du montage, travaillant sur des balancier de métal, des pistons, des lumières
du flux visuel comme la musique est organisa- oppositions plastiques, des ruptures de lignes brusquement changeantes, et même quelques
tion du flux sonore. Et cette organisation, (rails qui courent l’un vers l’autre, locomotives plans entièrement blancs, entièrement noirs
qu’est-elle sinon le montage? lancées dans toutes les directions, par la très ou jaunes, viennent scander la vision. Ce sont
rapide succession des plans à l’écran), et une des déplacements de luminosité, des accords
Ainsi Abel Gance (La roue en 1923, Napoléon accélération propre des enchaînements. […] plastiques et des mouvements abstraits qui
en 1927), Jean Epstein (Cœur fidèle en 1923, sont recherchés au moment où il s’agit d’é-
La chute de la maison Usher en 1928), Marcel Il s’agit en effet, dans cette perspective, de mouvoir le spectateur par le sens. On saisit
L’Herbier (L’Inhumaine en 1924), Germaine créer des chocs tout autant que des associa- alors autrement l’enjeu des réticences de
Dulac ou Jean Grémillon vont chercher, au tions, et c’est le même procédé qui permet les Tarkovski à propos du “formalisme” du ciné-
cours des années 1920, à utiliser les possibili- uns et les unes, puisque la brièveté des plans ma soviétique; si formalisme il y a, au sens
tés conjointes des volumes internes et des “hache” la perception par des effets de sac- propre du terme, il est plutôt du côté de
9
Gance ou de L’Herbier — bien que l’un n’ex- Les superpositions (sur lesquelles nous De ce projet cinématographique de l’avant-
clue pas l’autre. Dans le cinéma soviétique, les reviendrons dans le chapitre suivant) consti- garde des années 1920, et des quelques films
multiples ruptures reposent sur un sujet qui tuent un véritable “montage de surfaces”. ou séquences qui l’ont mené à bien, il faut
va très au-delà du motif: les épisodes du pont Davantage qu’un “montage dans le plan”, qui retenir une autre caractéristique: la prise en
dans Octobre (1927) ou des escaliers d’Odessa désigne une confrontation ou une différence compte prioritaire de la quantité d’éléments
dans Le cuirassé Potemkine (1925) mettent en marquée entre plusieurs entités dans un sur la qualité. Là encore, le montage de cette
scène des éléments figuratifs. Déstructurés, même plan, il s’agit ici de la mise en cor- avant-garde se démarque fondamentalement
certes analysés, mais qui valent pour ce qu’ils respondance d’un ou plusieurs plans sur la des conceptions dont nous avons parlé aupa-
représentent. Ce qui n’est pas le cas dans le même surface. Dans le Napoléon de Gance, il ravant. Nécessité et démonstration exigent
“montage musical” des cinéastes français dont peut y avoir jusqu’à huit ou douze plans ainsi des éléments stables et choisis: on ne peut
nous parlons ici. superposés. Des effets de foule, de tempêtes, raconter une histoire ou proposer un juge-
sans rapport anecdotique, y sont alors asso- ment de valeur sans en choisir précisément les
Que ce montage sensible (Henri Langlois avait ciés dans l’esprit. Des effets visuels plutôt que signes; le cinéma narratif ou le cinéma de pro-
parlé à son sujet d’école “impressionniste”) des figurations repérables: là encore c’est la pagande reposent, nous l’avons vu, sur des
tire sa valeur du legato, du délié formé par la forme plutôt que la représentation qui est en axiomes, des qualités premières reconnues par
succession plutôt que des entités de chaque elle-même l’horizon du montage. “Il faut tous. Ils reposent sur des entités définies, que
fragment, est encore manifesté par l’emploi juguler l’intelligence du spectateur, l’empê- la section des plans affirme en les sertissant.
fréquent des fondus et des superpositions. Les cher de reprendre ses esprits…”, dit Abel Chez Gance, ou chez Epstein, il y a une atten-
premiers sont des effets de collage qui asso- Gance à propos de certaines de ces séquences. tion au nombre, souvent préférée pour dési-
cient d’autant plus intimement les plans qu’ils Ce ne sont donc plus ni le récit ni le discours gner le phénomène. Comme si le mouvement
leur permettent, le temps de quelques images, qui légitiment l’unité du plan et son articula- était dans la profusion, plutôt que dans la
d’apparaître ensemble à l’écran, de mêler leurs tion avec les autres, mais les rapports de sen- ligne. Dans la somme infinie des variations
éclats ou leurs volumes, avant de se succéder sibilité que ces derniers peuvent établir, la infimes, des décalages, ou même des répéti-
effectivement. Des cinéastes comme L’Herbier synthèse de mouvements que seul ce procédé tions pures et simples. Le montage n’est plus
ou Epstein ont beaucoup usé de telles figures. peut mettre en évidence. Souvenons-nous de un outil alors, un artifice de présentation: il
(Jean Vigo lui-même, héritier de cette école, la comparaison de Gance avec un orchestre: si devient le principe même de révélation, la
emploiera des superpositions jusque dans son chaque image est comme un instrument, le seule figure possible d’une vérité dont la sta-
dernier film, L’Atalante [1934].) Elles viennent montage de surfaces est bien une “symphonie bilité de l’image unique ne sait pas rendre
parfois compléter le montage accéléré, mani- visuelle”. compte. […]»
festant plus précisément encore le rôle de
synthèse esthétique joué par ce dernier. Vincent Amiel, Esthétique du montage, Paris,
Nathan, 2002, pp. 83-86.
photo: À propos de Nice 11
Frank Capra: nervosité du montage
«D’abord réalisateur de comédies, Frank Capra Frank Capra a continué d’appliquer ces faisaient à Hollywood). Il s’est retrouvé avec
avait trouvé un rythme, qui a fait son succès. moyens à ses autres films, et ce fut le fameux des actualités américaines et ennemies —
Il s’était, en effet, aperçu dès 1932, alors qu’il secret — non percé à jour, sauf par lui-même films de propagande envoyés par l’Allemagne
tournait American Madness, qu’une scène qui dans son livre — de son “rythme”, de son et le Japon à leurs ressortissants —, des
lui semblait bien rythmée sur l’écran de la “naturel”, et de l’“intérêt soutenu” de sa mise milliers de mètres de pellicule, dont certains
salle de montage paraissait plus lente lorsqu’il en scène. Par exemple, à partir de Mr. Smith dataient d’une trentaine d’années. Il a regrou-
la voyait en salle sur grand écran. Il en avait Goes to Washington (1939), ayant remarqué pé tous ces films, et fait appel à une quaran-
tiré la conclusion — fort intéressante pour les que les gros plans ne raccordaient pas avec taine de techniciens de Hollywood,
monteurs — non pas que la taille de l’écran l’ensemble du “puzzle”, il tournait les gros réalisateurs, monteurs, assistants-monteurs,
change le rythme d’un film, mais que les réac- plan avec le play-back du son des plans d’en- musiciens, parmi lesquels John Huston,
tions d’un individu sont plus intenses lorsqu’il semble correspondant à la scène, ce qui don- Anatole Litvak, Tony Veiller, William
est au milieu d’une foule que seul. Et il avait nait des gros plans plus vivants que lorsque Hornbeck2. Ils ont filmé des inserts, titres de
alors cherché tous les moyens d’accélérer les les acteurs attendent les répliques de la dou- journaux, explications animées, etc., essayant
scènes au tournage et au montage. blure, ou même de l’acteur qui sait que la de faire comprendre les intentions ennemies
caméra n’est pas sur lui. De même, il avait avec leurs propres documents. “Nous avons
Il a ainsi éliminé les longs déplacements des inventé la méthode qui consiste à faire faire utilisé tous les moyens possibles pour ne pas
acteurs — leurs entrées et sorties de champ plusieurs prises aux acteurs sans couper. rendre ces films ennuyeux. Nous avons utilisé
— et banni les fondus-enchaînés. “C’était un la musique, les sons, les effets spéciaux, le
truc photographique que les cinéastes étaient Une deuxième preuve de la modernité du montage de stock-shots, afin que l’écran soit
fiers d’exhiber, mais que les spectateurs trou- montage de ce cinéaste, c’est qu’il est sorti des en permanence rempli de choses pendant que
vaient passablement ennuyeux. Je me débar- rails des films de fiction. Il a en effet accepté l’on racontait l’histoire.”3
rassai des fondus-enchaînés en faisant passer la proposition du Général Marshall, au début
sans transition, au montage, l’ascenseur du des années quarante, de travailler avec Il s’agissait à la fois d’un travail de propagan-
huitième étage au rez-de-chaussée, et l’arbre l’Armée, pour expliquer aux jeunes de et d’un projet didactique, beaucoup plus
en fleurs à l’arbre couvert de neige. En faisant Américains, dans une série de films intitulée vaste qu’une histoire de fiction centrée sur un
chevaucher les dialogues; dans la vie, en effet, Pourquoi nous combattons, les raisons de leur héros toujours sympathique. S’adressant à des
les gens se coupent, n’attendent pas que l’au- entrée en guerre. gens qui le plus souvent ne savaient absolu-
tre ait fini de parler. En accélérant d’un tiers ment rien de cette guerre et de ses origines, il
environ la vitesse de la prise de vues.”1 Frank Capra n’avait jamais réalisé de docu- fallait les convaincre de se battre et leur expli-
mentaire, et en avait vu un seul, Nanouk, de quer avec les moyens du cinéma comment on
Robert Flaherty (très peu de documentaires se en était arrivé là. Expliquer des politiques qui
12
avaient changé au cours des années, et faire 1 Frank Capra, Hollywood Story, Paris, Éd. Ramsay, 1985.
connaître l’ennemi, par le commentaire, qui a 2 Outre William Hornbeck, dont nous avons déjà signalé la
un rôle important d’information, mais aussi carrière, on peut citer Elmo Williams qui a supervisé le
par l’image. Les descriptions de batailles (La montage de certains épisodes de la série. Né en 1913, il a
travaillé d’abord en Angleterre, sous la direction de Merril
bataille d’Angleterre, La bataille de Russie, La
C. White — qui avait auparavant monté des films de Ernst
bataille de Chine) sont souvent plus com- Lubitsh. Elmo Williams reconnaît sa dette à l’égard de son
plexes que les films hollywoodiens de l’époque “cher”. C’est ici l’occasion de dire à quel point un apprenti-
et rejoignent par leur montage certaines monteur est marqué par les premiers films sur lesquels il
recherches visuelles du cinéma muet4. La ner- travaille, par les personnes qu’il voit travailler. Elmo
vosité qui poussait Frank Capra à trouver des Williams s’est rendu célèbre avec High Noon (Le train
sifflera trois fois de Fred Zinnerman, 1952). Il a eu l’idée
solutions aux problèmes de rythme qu’il ren- de monter le film en continuité temporelle, c’est-à-dire
contrait dans ses comédies rejoint l’inventivi- avec la même durée que l’action, et pour rendre cette idée
té concrète qu’il met en œuvre dans cette tangible, d’insérer des plans d’horloge régulièrement dans
série de films “de montage”. le film. Elmo Williams est ensuite devenu le bras droit de
Darryl F. Zannuck, producteur et co-réalisateur des
séquences de batailles du Jour le plus long.
La série Pourquoi nous combattons est sou-
vent citée par des monteurs comme ayant 3 Positif, n° 317-318, juillet-août 1987.
bousculé le montage hollywoodien.»5 4 André Bazin, dans un article de 1946 repris dans Qu’est-ce
que le cinéma?, tout en parlant des “admirables montages
Dominique Villain, Le montage au cinéma, de Capra”, signale le danger de ce genre de documentaire
dont “le principe consiste essentiellement à prêter aux
Paris, Cahiers du Cinéma, 1991,
images la structure logique du discours et au discours lui-
pp. 117-119. même la crédibilité et l’évidence de l’image photogra-
phique”. De l’honnêteté des fins, mais pas des moyens.
5 Dans l’enquête de Film Comment, les autres influences
mentionnées par les monteurs sur leur travail, sont Laura
(d’Otto Preminger, monté par Louis Loeffler), Le troisième
homme (de Carol Reed, monté par Oswald Hafenrichter), A
Place in the Sun (George Steven, William Hornbeck),
Hiroshima mon amour et son montage achronologique
(Alain Resnais, Henri Colpi), ainsi que la Nouvelle Vague,
particulièrement les ellipses de films de Godard. Il est éga-
lement dit que presque tout ce que l’on peut considérer
comme nouveau était déjà utilisé par Griffith, Eisenstein
ou Abel Gance.
LUNDI 12 JANVIER LUNDI 26 JANVIER LUNDI 2 FÉVRIER LUNDI 8 MARS
Naissance d’une nation Octobre L’homme à la caméra Pourquoi nous combattons
(The Birth of a Nation) (Oktjabr’) (Chelovek s Kinoapparatom) (Why We Fight)
USA, 1915, 190 min. R: David Wark Griffith Sc: URSS, 1927, 84 min. R: S. M. Eisenstein Sc: URSS, 1929, 65 min. R et Sc: Dziga Vertov Destinée à expliquer aux recrues l’enjeu
D. W. Griffith et Thomas Dixon Jr Int: Henry B. Eisenstein, Grigori Alexandrov Int: V. La vie d’Odessa: la ville s’éveille le du conflit mondial et le pourquoi de
Walthall, Miriam Cooper, Mae Marsh Nikandrov, V. Popov, B. Livanov matin et l’agitation grandit. Le soir l’entrée en guerre de leur pays, la série
À travers le destin croisé de deux La Russie en 1917. L’impression procu- tombe. La caméra s’emballe. Un film fut commandée à Frank Capra par le
familles prises dans la tourmente de la rée par le montage-attraction cher à important qui fonde le Kino-Glaz (Ciné- Pentagone en 1942. Magistralement
Guerre de Sécession, Griffith exalte le Eisenstein, les mouvements de foule, le œil). réalisée, utilisant le montage, la
sentiment national, tout en dénonçant raffinement de certains décors font musique, des animations pour les gran-
l’absurdité de cette guerre fratricide. d’Octobre une véritable symphonie conférence de des batailles, des documents frappants
Techniquement, c’est audacieux et visuelle. Philippe Dubois et bouleversants, cette série est fasci-
novateur: profondeurs de champ, pano- Im Land der Kinoveteranen: nante et efficace.
ramiques, travellings, montages alter- Berlin, symphonie
d’une grande ville Filmexpedition zu Dziga Vertov La bataille de Chine
nés… Ce film influencera de nombreux Allemagne, 1995, 86 min. Vo allemande st
cinéastes, à commencer par Eisenstein. (Berlin: Die Sinfonie der Großstadt) (The Battle of China)
Allemagne, 1927, 65 min. R: W. Ruttmann Sc: anglais. R: Thomas Tode Sc: Thomas Tode, Ale USA, 1941, 67 min. Vo non sous-titrée
K. Freund, C. Mayer, W. Ruttmann Munoz Int: Stephan Canham, Hans Zischler. The Battle of China montre l’importance
Influencé par Vertov, Ruttmann tente Un voyage à travers l’Europe sur les tra- de conquérir la Chine dans les visées
LUNDI 19 JANVIER ces de Vertov.
de nous livrer le visage de Berlin à tra- impérialistes nippones.
L’argent vers un documentaire.
France, 1928, 195 min. R: Marcel L’Herbier. Sc: La bataille de Russie
d’après Zola Int: Brigitte Helm, Pierre Alcover, Paris qui dort (The Battle of Russia)
Alfred Abel France, 1923, 36 min., R et Sc: René Clair Int: USA, 1942, 84 min. Vo non sous-titrée
Le banquier Saccard est au bord de la Henri Rollan, Albert Préjean, Marcel Vallée The Battle of Russia trace un historique
banqueroute et mise tout sur un avia- Le gardien de la Tour Eiffel découvre un de la Russie avant de montrer les com-
teur, Hamelin, qui a conçu un nouvel beau jour que Paris est endormi. L’un bats opposant les Soviétiques aux
appareil. Non seulement il s’efforce de des premiers films de science-fiction. armées nazies. Des images des sièges
séduire la femme de l’aviateur, mais il de Leningrad et de Stalingrad y sont
fait croire à l’échec du vol France- Entracte incluses.
Guyane pour provoquer une panique France, 1924, 22 min. R: R. Clair Sc: F. Picabia
boursière. Brillante adaptation du Int: J. Borlin, M. Ray, M. Duchamp
roman de Zola qui a été modernisé: une Suite d’images burlesques.
caméra sans cesse en mouvement et À propos de Nice
constamment inventive. L’Herbier mul- France, 1930, 45 min. R et Sc: Jean Vigo
tiplie les tours de force. Reportage ironique sur Nice et ses
habitants. Utilisation malicieuse des
14 trucages et du montage-attraction. Une photo couv.: L’homme à la caméra
bombe dans le cinéma.
LUNDI 15 MARS LUNDI 22 MARS LUNDI 29 MARS LUNDI 5 AVRIL
Shadows Hiroshima mon amour Bataille sur le grand fleuve Sans soleil
USA, 1960, 81 min. R: John Cassavetes Int: Ben France-Japon, 1958, 91 min. R: Alain Resnais, France, 1950, 45 min. R: Jean Rouch France, 1982, 100 min. R: Chris Marker Voix:
Carruthers, Lelia Goldoni, Hugh Hurd Sc: Marguerite Duras Int: Emmanuelle Riva, Eiji Ethnographe, Rouch tourna son pre- Alexandra Stewart
Greenwich Village au début des années Okada, Bernard Fresson mier film lors d’une expédition sur le Des lettres d’un cameraman free-lance
soixante. Hugh, un Noir, ne veut pas Une comédienne vient participer à un Niger. Au montage, il s’aperçut qu’il sont lues par une femme inconnue.
s’intégrer à la communauté blanche film sur la paix à Hiroshima. L’amour tenait là un scénario, lequel devint un Réflexion sur le cinéma, sur la vidéo,
tandis que Ben, son frère, y serait favo- qu’elle éprouve pour un Japonnais lui documentaire. sur un monde menacé. Un film difficile
rable. “Ce film est une improvisation” rappelle celui qu’elle vécut avec un et exigeant aux belles images poé-
précise son réalisateur, qui laissa faire jeune Allemand pendant la guerre. Sur Moi, un noir tiques.
une troupe d’acteurs devant une camé- un ton incantatoire et poétique, en France, 1958, 70 min. R: Jean Rouch Int:
ra 16 mm. images d’une grande beauté, le film Oumarou Ganda Il était une fois
mêle étroitement le passé au présent Trois jeunes Africains arrivent à Abidjan dans l’ouest
Citizen Kane dans un flot de souvenirs obsédants pour tenter leur chance. Rouch filme de (C’era une volta il West)
USA, 1941, 119 min. R: Orson Welles Sc: H. J. mais qui déjà s’estompent. façon parfois maladroite mais sublime, Italie, 1968, 170 min. R: Sergio Leone Int:
Mankiewicz Int: O. Welles, Joseph Cotten, donnant ainsi à ses images une impres- Henry Fonda, Charles Bronson, Claudia
Dorothy Comingore Pacific 231 sion de réalité, mais surtout de vécu. Cardinale, Jason Robards
L’histoire évoque la vie du magnat de la France, 1949, 12 min. R: Jean Mitry Sc: d’après Un “opéra” à la fois bouffon et déca-
presse W. R. Hearst. Au moment de sa le poème symphonique de Arthur Honegger Courts-métrages dent: poussière, manteaux de cuir et
mort, le milliardaire prononce le mot Jean Mitry utilise un montage stylisé et Artavazd Pelechian revolvers sont les condiments d’un
“Rosebud”, qui poussera un journaliste la musique d’Honegger pour montrer le URSS, de 1967 à 1975 monde âpre et sans pitié. Impression-
à essayer d’en comprendre la bref trajet d’un train. Au début; Nous; Les habitants; nant travail sur le temps à travers le
signification. Le film est à la fois une Les saisons; Notre siècle. montage.
enquête sur la vie privée d’un homme À bout de souffle Les films de Pelechian réservent une
public, et une plongée dans l’Amérique France, 1959, 89 min. R et Sc: J.-L. Godard, d’a- expérience émotionnelle extraordinaire
capitaliste. L’invention visuelle de près une idée de François Truffaut Int: J.-P. au spectateur. Ce n’est pas de la fiction:
Belmondo, J. Seberg, D. Boulanger, R. Hanin, la plupart sont des montages d’images Pour que la première scéance du cycle
Welles fit sensation, et le film est enco- commence à l’heure, les
re unanimement considéré comme un J.-P. Melville d’archives. Pas de scénario, pas de dia-
Michel Poccard vole une voiture à logue. Les séquences qu’il prélève lui- abonnements sont mis en vente dès
chef-d’œuvre indépassable. 18h30.
Marseille. En route vers Paris, il abat un même sur le réel, Pelechian les traite
motard. Recherché par la police, il trou- non comme du reportage mais comme
ve refuge chez une jeune Américaine des moments de monde ou des conden- Une fiche filmique est mise à
dont il est amoureux. À bout de souffle sés d’émotion dont l’intensité essentiel- disposition avant la projection.
a bouleversé la narration classique, en le sera révélée et déployée par la magie Sauf mention particulière les films sont
faisant fi de toute grammaire cinéma- d’un montage tout en répétitions, en version originale sous-titrée.
tographique traditionnelle. variations et interpolations.
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Nouvelle vague: une révolution dans le montage
La transparence du montage classique montage rapide des Russes, des Français et des Preminger dès Laura (1944), pour mieux tra-
hollywoodien films d’avant-garde… quer ses personnages et explorer leur décor. Ce
«Dès le milieu des années 30, à Hollywood, le plan permettait d’éviter le montage sans
montage classique parvint à son apogée au Le montage classique en question renoncer pour autant au découpage (en pre-
point de devenir un modèle pour les cinémato- Tous les films américains n’assumèrent pas une nant découpage au sens large de partage de
graphies du monde entier. Étroitement déter- telle transparence. Le cas le plus célèbre est l’espace et pas seulement de partage du
miné par le découpage, il reposait sur quelques celui du Citizen Kane d’Orson Welles, tourné en temps). Le succès de ce plan en mouvement
principes simples. La forme narrative s’efforce 1939 et sorti en 1941, qui apparut dans ce dans les années 40 et 50 tint à des raisons
à la simplicité: respect de la continuité, de la contexte — et dans plusieurs autres — diverses: artistiques d’abord, le passage d’un
linéarité et des trois unités (action, temps et comme une véritable provocation. Non seule- cadre à un autre ne s’effectuant pas par des
lieu). Le développement narratif dicte la forme ment le réalisateur mettait en œuvre un mon- collures mais par un glissement fluide, quasi
du film. Les points de vue successifs du décou- tage parsemé d’effets voyants et une bande onirique, de la caméra; prosaïques aussi, le
page intègrent le spectateur en lui donnant la sonore éblouissante, non seulement il intro- réalisateur plaçant au milieu d’un plan long les
meilleure vision possible de l’action. Une ponc- duisait des plans particulièrement longs, mais scènes qui lui tenaient à cœur et qui échap-
tuation simple (fondus, enchaînés, volets) il bouleversait la linéarité de la narration en paient ainsi aux ciseaux du monteur.
exprime le passage du temps. L’ambiance procédant à une série de retours en arrière. À
sonore, les raccords (de mouvement, de l’effacement du réalisateur que visait la Ce jeu sur la durée ne pouvait manquer de sus-
regard), le ping-pong des champs-contre- recherche de l’invisibilité, Welles substituait citer le rêve d’un film en un seul plan, en une
champs donnent le sentiment de la continuité l’affirmation provocante de l’auteur. Son film seule coulée. Alfred Hitchcock releva le défi
de l’action. Comme les autres moyens d’expres- fut de ceux, très rares, qui font naître d’autres avec La corde (1948). Mais l’énorme caméra
sion, le montage s’efforce d’être invisible. films. Technicolor n’acceptant pas plus de 300 mèt-
res de pellicule, soit 11 minutes d’autonomie
L’un des rares modes de montage qui renonce à Les plans longs de Citizen Kane jouaient sur la au maximum, il fallut, pour le tournage, divi-
cette transparence si intensément recherchée profondeur de champ pour en tirer des effets ser l’action continue du film en onze plans.1
est justement ce qu’on appelle montage dans graphiques et dramatiques comme ceux, Les appareils de projection de l’époque, dispo-
le vocabulaire technique américain: un bref contemporains, de William Wyler: on les appe- sés en double poste, pouvant recevoir des
assemblage de plans très courts utilisés entre lait plans séquences. Un travail très élaboré bobines de 600 mètres, Hitchcock prévit, au
deux séquences pour exprimer le passage du sur l’espace et la lumière les distinguait radica- sein de chacune des cinq bobines de projec-
temps, une hallucination, le résumé partiel lement de la platitude du tableau. Une autre tion, un raccord effectué sur le dos d’un per-
d’une carrière (ainsi les débuts lyriques de forme du plan séquence était le long plan en sonnage qui venait momentanément obturer
Suzan dans Citizen Kane). Ce montage à effets mouvement, généralement effectué à la grue l’écran. Entre chaque bobine, par contre, il
se situe curieusement dans la descendance du ou à la dolly, tel que le pratiqua Otto était impossible de prévoir un tel raccord que
photo: À bout de souffle 17
la dégradation rapide des extrémités de la pel- Le modèle remis en cause cée, un mouvement d’appareil envoûtant à la
licule aurait très vite compromis. La liaison se La belle mécanique du montage classique hol- façon de Kenji Mizoguchi dans Les contes de la
fit donc par simple champ-contrechamp. lywoodien des années 30 et 40 fut longtemps lune vague après la pluie (1953), suggéraient
considérée comme un achèvement quasi tout aussi bien le passage. La figure de style la
Si nous nous sommes étendus sur cette expé- définitif. Le montage, étroitement lié au plus controversée fut sans conteste le champ-
rience, c’est que ses conclusions sont révélatri- découpage, était l’un des rouages d’une écritu- contrechamp, très utilisé dans le cinéma clas-
ces: en regardant ce film aujourd’hui, nous re lisse et transparente qui, sans exclure ni sique pour filmer notamment une
nous apercevons que les raccords ne passent l’invention, ni le brio de la mise en scène, conversation à deux personnages. Sans remet-
pas inaperçus, notre attention étant attirée imposait la discrétion du mode de représenta- tre en cause la ”règle” des directions de regard
par le masquage inhabituel du champ; à l’in- tion. Ce montage servit de modèle à toutes les (elle est aujourd’hui respectée par la quasi
verse les simples champs-contrechamps sont cinématographies du monde, y compris au totalité du cinéma mondial, même si certains
quasiment invisibles, même pour des specta- cinéma soviétique des années 30 à 60. auteurs y ont attaché une importance inégale,
teurs avertis, tant nous avons intégré ce jeu Aujourd’hui encore, il inspire une partie de la de Carl Dreyer2 à Clint Eastwood), on repro-
avec l’espace qui dut être si difficile à mettre production courante. Cependant des réalisa- chait, du point de vue de la mise en scène, la
en place… Hitchcock tira les leçons de l’expé- teurs importants (ceux que l’on peut qualifier facilité paresseuse de ce ping-pong visuel. Il
rience en revenant au découpage-montage tra- d’auteurs) y firent de sérieuses entorses. À est amusant d’observer les solutions plus ou
ditionnel qu’il pratiquait avec un art Hollywood, Orson Welles (nous l’avons dit) et moins inventives des cinéastes utilisées pour
consommé. Alfred Hitchcock méprisèrent la transparence, éviter d’avoir recours à la figure décriée:
mettant en avant la force de leur écriture per- simple plan de profil des deux personnages,
Au début des années 50, le montage eut égale- sonnelle. mouvement d’appareil, mise en place sophisti-
ment à subir la menace de l’écran large qui quée…
selon certains commentateurs devait aboutir à Quelques figures de style contestées
l’allongement des plans — mais il n’en fut Cette remise en cause porta sur de nombreux Les figures valorisées
rien. Enfin, il fut placé dans la ligne de mire de procédés et effets relevant du montage et en D’autres procédés peu goûtés du montage clas-
théoriciens qui l’examinèrent avec suspicion particulier sur ceux concernant la continuité sique furent au contraire valorisés: le plan
ou qui dénoncèrent, tel André Bazin dans son et la linéarité du récit. On dénonça les transi- séquence (nous l’avons déjà évoqué); le mon-
fameux article, “Montage interdit”, ses facili- tions factices: le camouflage permis par le plan tage éclaté (nous y reviendrons); les effets de
tés d’utilisation. Bref, le montage connut une de coupe lorsqu’il s’agissait d’un “plan de montage choc utilisant volontiers le son (le cri
sérieuse et nécessaire remise en question secours”, le caractère désuet des longs fondus strident du cacatoès placé en tête de la
avant de rebondir dans les décennies suivan- enchaînés qui annonçait un retour en arrière séquence du départ de Susan et de la colère de
tes. ou une traversée de la réalité au rêve: une son mari dans Citizen Kane; en Europe, le pro-
coupe franche et une bande sonore bien pla- cédé fut repris notamment par Juan Antonio
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Bardem dans Mort d’un cycliste, (1955); le nuité filmique. Par ailleurs, le tournage d’À
jump cut, saut consécutif à une coupe effec- bout de souffle, largement improvisé, sans
tuée à l’intérieur d’un plan, dont on trouve des découpage préalable, affranchissait le montage
exemples célèbres dans Les quatre cents coups de toute contrainte préalable. Godard joua
(1959) de François Truffaut (série de plans sur l’audace des coupes, cultiva l’ellipse et donna
Antoine Doinel interrogé par l’assistante socia- au film son style inimitable, rapide et syncopé.
le) et À bout de souffle (1960) de Jean-Luc
Godard (série de plans sur la nuque de Patricia Mais insistons sur un point: la rupture avec le
dans une voiture). raccord classique ne signifie pas l’assemblage
arbitraire des plans tel qu’on le trouve par
“Montage mon beau souci” exemple dans les clips. Ainsi Godard utilise le
Une légende veut que Jean-Luc Godard, cons- raccord de mouvement, traditionnellement
tatant que le premier montage d’À bout de destiné à établir la continuité spatio-tempo-
souffle dépassait d’une demi-heure la durée relle de l’action, pour relier deux scènes dis-
souhaitée pour son film, ait coupé systémati- tinctes et donner du dynamisme à leur
quement quelques images en tête et en queue succession: Michel Poicard amorce dans la pre-
de chaque plan au lieu de sacrifier des scènes mière un geste qu’il achève dans un espace
entières selon la pratique habituelle. Cette différent et à un autre moment. Avec une
légende est révélatrice des réactions des “pro- ingénuité non feinte, Godard prouvait que le
fessionnels de la profession” de l’époque, qui montage n’obéissait obligatoirement ni aux
accusaient Godard de tous les maux car il s’at- pressions du découpage, ni à des “règles” qui
taquait frontalement à une des “règles” fonda- n’étaient souvent que des habitudes, mais qu’il
mentales du montage classique: le raccord qui devait être réinventé pour les besoins de
se devait d’être juste et invisible. chaque film.
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Le temps fixé dans le plan dicte au réalisateur selon moi, qu’Eisenstein prive le spectateur de la nature de ce qui est filmé. Ne sont du res-
le principe de son montage. Et les morceaux la possibilité de ressentir à sa manière ce qu’il sort du montage que les longueurs des mor-
qu’on ne peut monter ensemble sont ceux où voit à l’écran. Lorsque, dans Octobre, il juxta- ceaux et leur intensité d’existence, telles que
le caractère du temps est trop radicalement pose une balalaïka et Kerenski, la méthode les a enregistrées la caméra, et non pas les
différent. Ainsi, on ne peut pas plus monter exprime en elle-même le but recherché, dans symboles abstraits, les objets pittoresques ou
du temps réel avec du temps conventionnel, le sens de la citation de Valéry. Le mode de les compositions subtiles de la scène. Il ne s’a-
qu’on ne peut raccorder ensemble des tuyaux construction de l’image devient le but en soi, git donc pas de deux concepts semblables,
de diamètres différents. Cette consistance du et l’auteur engage une véritable offensive dont la rencontre ferait apparaître quelque
temps qui s’écoule dans un plan, son intensi- contre le spectateur, lui imposant sa propre “troisième sens”, selon une idée courante
té ou au contraire sa dilution, peut être appe- attitude devant les événements. […] dans la théorie du cinéma, mais bien de la
lée la pression du temps. Le montage est alors diversité de la vie perçue et fixée dans le
une forme d’assemblage de petits morceaux Le montage existe à l’évidence dans n’importe plan.»
faite en fonction de la pression du temps que quel art, comme la conséquence de la sélec-
chacun renferme. tion et de l’assemblage que doit opérer l’artis- Andreï Tarkovski, Le temps scellé, Paris,
te, et sans lesquels aucun art n’existerait. Ce Cahiers du Cinéma, 1989, pp. 109-114.
L’unité de l’impression ressentie à travers des qui est particulier au montage de cinéma est
plans différents peut être amenée par l’unité qu’il articule du temps imprimé sur des mor-
de la pression, ou de la tension, qui détermi- ceaux de pellicule exposée. Le montage
ne le rythme du film. […] devient un collage de morceaux, grands ou
petits, qui portent chacun en eux-mêmes un
Je réfute le soi-disant “cinéma de montage” temps particulier. Cet assemblage donne nais-
et ses principes, car il empêche le film de sance à une nouvelle perception de l’existence
dépasser les limites de l’écran en ne permet- de ce temps, résultat des rejets et des coupes
tant pas au spectateur d’apporter, comme en opérés au cours du processus. Mais, comme je
surimpression, sa propre expérience à ce qu’il l’ai dit, ce qui fait la spécificité de ce collage
voit. Le cinéma de montage propose au spec- est contenu au préalable dans les morceaux
tateur des rébus et des devinettes, lui fait du film. Le montage, en tant que tel, n’engen-
déchiffrer des symboles, ou s’étonner devant dre pas quelque qualité nouvelle, mais ne fait
des allégories, en faisant toujours appel à ses que révéler ce qui existait déjà dans les plans
facultés intellectuelles. Toutefois, chacune de à monter. Le montage est anticipé au cours du
ces énigmes a sa solution précise. C’est ainsi, tournage, il est présupposé dès le départ par
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Glossaire
Champ-contrechamp: Procédé de montage classique Film de montage: Se dit d’un film constitué de docu- Jump cut: Il s’agit d’une “saute” entre deux plans,
(qui est en fait de l’ordre du découpage) où deux ments préexistants (archives, films tournés anté- produisant un faux raccord. Volontaire ou non, elle
plans se succèdent en proposant à l’écran deux por- rieurement, photographies, etc.), où le travail consiste à ne pas déplacer suffisamment la caméra
tions d’espace opposées. Par exemple lors d’un dia- consiste à réunir et composer au montage ces diffé- lors d’un changement d’axe ou de distance (c’est en
logue, on verra chacun des deux personnages suc- rents éléments. particulier une dérogation à la règle dite des 30
cessivement, qui se font face. Le “raccord regard” degrés). Le spectateur peut avoir alors l’impression
Final cut: Détenir le final cut, c’est, par contrat, déci-
se fait aussi sur ce principe: un plan sur le person- que l’image “saute”. Les jeunes réalisateurs de la
der en dernier ressort du montage du film. À
nage en train de regarder, puis un plan sur ce qu’il Nouvelle Vague (Godard, Truffaut, Rozier) en
Hollywood, c’était la prérogative du producteur, qui
voit en face de lui. avaient fait une figure récurente. Depuis, le terme a
en usait souvent contre le gré des réalisateurs.
pris une acception plus large, désignant tous les
Chute: Morceaux de plans non retenus dans le mon- Ceux-ci, en particulier après l’avènement de la
effets de “saute” produits par exemple par l’inter-
tage définitif (par exemple un début de prise avec notion d’auteur, en ont fait une revendication prio-
ruption d’un plan.
le clap). ritaire.
Lightning mix: Littéralement, un “mélange éblouis-
Collure: C’est le raccord physique sur la pellicule: l’en- Fondu au noir: Obscurcissement progressif de l’écran,
sant”. Expression forgée par le critique anglais
droit où se situe la colle, ou le ruban adhésif. Mais qui permet de clore un plan lentement. Dans cer-
Peter Cowie pour désigner certains effets de Citizen
c’est aussi le moment où se “rencontrent” deux tains cas, plus rares, on peut avoir recours à un
Kane, et utilisée depuis par d’autres exégètes du
plans du film; plus conceptuellement, c’est le rac- fondu au blanc, ou à diverses couleurs (par exemple
film. Il s’agit d’un raccord sonore qui mêle deux
cord: tel geste continué, ou tel cri (raccord image le rouge, dans Cris et chuchotements, de Bergman).
actions différentes, l’une proposant par exemple le
et son), puis tel événement, etc. Les deux effets visent à un ralentissement de la
début d’une phrase, l’autre la fin, mais sans aucune
représentation, marquant souvent une ellipse dans
Conformation: C’est le terme employé en montage légitimité diégétique. C’est en quelque sorte l’inver-
le récit, et évitant la rupture brutale du cut.
virtuel comme équivalent du montage négatif. se d’un faux raccord, au sens où la continuité est
Symétriquement, il existe des ouvertures au noir
(voir: Négatif) artificiellement maintenue entre deux scènes dis-
(ou au blanc, ou à telle couleur). Tous ces effets
tinctes — pour des raisons expressives évidem-
Cutting: L’action de couper. Ce terme anglais désigne sont obtenus aussi bien à la prise de vue que par
ment.
l’action purement matérielle du monteur. trucage-laboratoire.
Montage alterné: Lorsque deux actions simultanées
Editing: La conception du montage. Par opposition à Fondu enchaîné: Simultanément, un plan s’efface
se succèdent alternativement à l’écran. Par exemple
cutting, ce terme désigne les choix d’“architecture” (par effet optique) et un autre apparaît, se super-
dans une course poursuite, on verra alternative-
du montage. posant pendant quelques images. La plupart du
ment les poursuivants et le poursuivi. Le principe
temps, c’est en laboratoire, plutôt qu’à la prise de
Faux raccord: On appelle ainsi le passage d’un plan à est de faire comprendre par le montage la contem-
vue, que l’effet est obtenu.
un autre qui ne correspond pas aux conventions de poranéité des différentes actions.
continuité du montage classique. Par exemple Insert: Un gros plan qui vient s’insérer dans la conti-
Montage caméra: Le montage est prévu dès le tourna-
lorsque le spectateur ressent une “saute” spatiale nuité filmique pour insister sur un aspect particu-
ge lui-même, et les raccords, ainsi que l’ordre des
ou temporelle, lorsque les plans ou les scènes ne lier de la situation, du personnage, de l’action.
séquences filmées, sont “intégrés” dans les choix
“raccordent” pas logiquement. Le faux raccord peut Quand ce plan d’insert est métaphorique, ne se rap-
effectués par le cadreur.
être le résultat d’une maladresse, mais souvent portant à la continuité qu’intellectuellement ou
aujourd’hui, c’est un choix esthétique, dans un symboliquement, on parle d’insert extradiégétique.
cinéma moderne qui privilégie les ruptures.
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Montage cut: Se dit d’un montage où les plans se suc- Négatif (montage négatif): Le négatif (film où la Split screen: Procédé qui consiste à partager l’écran
cèdent sans raccords optiques (fondus, volets, etc.). lumière des images est inversée par rapport à la en plusieurs actions en même temps. C’est une
Ils sont coupés net à la fermeture et à l’ouverture, réalité) est la matrice à partir de laquelle sont sorte de montage dans l’espace plutôt que dans le
et se juxtaposent franchement. Par ailleurs le son tirées toutes les copies positives. Les opérations de temps. Il a surtout été utilisé, le temps d’une mode
est aussi “coupé net”, c’est-à-dire n’assure pas de montage s’effectuent sur une copie de travail qui passagère, dans le cinéma des années 1960.
continuité parallèlement à l’image. On parle est un premier tirage positif. Lorsque cette copie
Volet: Trucage qui donne l’impression, à l’écran,
d’ailleurs aussi, à ce propos, de “coupe franche”. de travail est considérée comme achevée, on repor-
qu’une image est “poussée” par la suivante, comme
te tous les choix, les coupes, l’ordre des plans sur
Montage linéaire: Il désigne l’organisation d’un film un volet que l’on tire, de haut en bas, ou de droite
le négatif resté en laboratoire. À partir de ce mon-
comportant une action unique exposée en une à gauche, etc. C’est un raccord optique tombé en
tage négatif (ou conformation), dans lequel on
suite de scènes placées dans un ordre logique et désuétude. (Parfois, ce volet peut être naturel,
insère les effets de raccord optiques, on tirera les
chronologique. lorsque le cinéaste utilise une cloison, un arbre, un
copies (positives à nouveau) destinées à la projec-
élément du décor pour substituer un plan à un
Montage inversé: Se dit du montage qui bouleverse tion. Ce seront les copies standard.
autre par mouvement de caméra. Un type de volet
l’ordre chronologique au profit d’une temporalité
Plan de coupe: Plan dont la fonction est davantage naturel est par exemple employé lorsque le plan se
toute subjective et éminemment dramatique, en
d’assurer la continuité de la représentation, que termine sur une surface — pan de mur, veste, etc.
sautant librement du présent au passé pour revenir
d’être expressif par lui-même. Les contrechamps — qui permet d’enchaîner sans trucage sur un plan
au présent.
ont souvent cette fonction, qui permet d’éviter, différent; on trouve parfois ce type de volet sous le
Montage parallèle: Lorsque deux actions sont mon- surtout dans le cinéma classique, des plans trop nom de raccord von Bolvary, du nom d’un cinéaste
trées alternativement sans qu’il y ait simultanéité longs. austro-hongrois des années 1920.)
entre elles. Elles entretiennent alors des rapports
Raccord: Ce terme désigne à la fois l’opération tech- Vincent Amiel, Esthétique du montage, Paris,
thématiques (les riches, puis les pauvres; une géné-
nique de collure entre les plans et la recherche, Nathan, 2002.
ration, puis une autre, etc.) plutôt que temporels.
dans la mise en scène, d’une relation entre les
Montage rapide: Se dit d’une succession de plans plans qui se succèdent. Le raccord est alors une
courts; on parle aussi alors de montage serré. façon d’adoucir la césure constituée par le cut.
Montage son: C’est évidemment l’opération de mon- Raccord optique: Un lien entre les plans qui ne doit
tage opérée sur la (ou les) bande(s) son lorsque rien à la mise en scène proprement dite, mais est
celle-ci est additionnelle (son non synchrone). C’est effectué par trucage: fondu, volet, superposition,
un montage spécifique, qui n’a pas toujours été etc.
traité avec la créativité qu’il mérite. Il se fait en
Rushes: L’ensemble des scènes tournées (les prises) et
fonction de la bande image, mais peut être beau-
tirées en positif par le laboratoire (“prises cer-
coup plus qu’une simple illustration sonore de
clées”) parmi lesquelles on choisira les éléments du
celle-ci.
montage définitif. Les rushes qui n’ont pas été
retenus sont néanmoins conservés à l’état de néga-
tif, et peuvent faire l’objet d’un deuxième choix.
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Bibliographie
Au lieu de proposer un panorama complet des Bordwell D., Thompson K., L’art du film. Une nombreux ouvrages du cinéaste soviétique.
livres qui ont pu être écrits sur un sujet ou un introduction, Bruxelles, De Boeck Université, Une introduction à ses conceptions théoriques
réalisateur, nous avons préféré limiter les réfé- 2000. Traduction récente d’un grand classique et à sa réflexion sur le montage.
rences à un ou deux ouvrages, ceux qui nous américain, qui traite des différents éléments de
paraissaient proposer soit la plus synthétique, mise en scène cinématographique, de manière Sur le montage
soit la plus éclairante des approches. C’est extrêmement claire, avec de nombreux exem- À propos de la pratique du montage, voici
pourquoi nous nous sommes permis d’ajouter ples, des études de séquence, de films, et une quelques titres d’ouvrages écrits par des mon-
des commentaires, afin de guider le lecteur non quantité d’informations pratiques. C’est un teurs ou laissant une large place à leurs témoi-
spécialiste vers les études les plus abordables. gros ouvrage très pédagogique, qui contient en gnages:
Par ailleurs, et dans le même souci, nous ne particulier une bibliographie fournie… Jurgenson A., Pratique du montage, Paris,
proposons ici que des ouvrages en français. Le Brenez N., De la figure en général et du corps Femis, 1990.
livre de Karel Reisz et Gavin Millar, The en particulier. L’invention figurative au cinéma, Villain D., Le montage au cinéma, Paris,
Technique of Film Editing, fournira aux lecteurs Bruxelles, De Boeck Université, 1998. Un livre Cahiers du cinéma, 1991.
intéressés des références anglo-saxonnes. passionnant, dont les développements théo- Cinématographe, n°108, mars 1985, “Les
riques et les champs de référence complexes en monteurs”.
Sur la forme cinématographique font, à l’inverse du précédent, un ouvrage
Aumont J., Bergala A., Marie M., Vernet M., réservé à un public très averti. À propos de l’esthétique du montage
Esthétique du film, Paris, Nathan-Cinéma, 3e Bresson R., Notes sur le cinématographe, Paris, Aumont J., Montage Eisenstein, Paris,
édition, 1999. L’ouvrage de base concernant les Gallimard, coll. “folio”, 1988. Les aphorismes Albatros, 1979.
différentes approches théoriques du cinéma. d’un des plus grands cinéastes qui soient, sous Bordwell D. et Thompson K., L’art du film.
Une synthèse didactique. une forme simple et brève, et que l’on n’en finit Une introduction, Bruxelles, De Boeck
Bazin A., Qu’est-ce que le cinéma?, Paris, Le pas de méditer. La réflexion sur le montage, en Université, 2000. En particulier le chapitre VIII,
Cerf, coll. “7e Art”, 1962. Recueil d’articles d’un particulier, y est constamment créatrice. “D’un plan à l’autre: le montage”.
grand nom de la critique cinématographique, Deleuze G., Cinéma, 2 tomes, Paris, Minuit, Deleuze G., Cinéma, tome 1: L’image-mouve-
dont la plupart des prises de position esthé- 1985. Le livre d’un philosophe contemporain ment, Paris, Minuit, 1985. En particulier le cha-
tiques à propos du cinéma sont à la base des qui effectue une vaste synthèse des courants pitre III, “Montage”.
réflexions contemporaines. On y trouve par majeurs de l’histoire du cinéma. Un livre de Koulechov L., L’art du cinéma et autres écrits,
exemple le fameux article “Montage interdit”, chevet qui s’intéresse au cinéma en spécialiste Lausanne, L’Age d’homme, 1994.
qui pose un certain nombre d’axiomes cons- éclairé. Mitry J., Esthétique et psychologie du cinéma,
tamment (et souvent implicitement) utilisés Eisenstein S. M., Le film, sa forme, son sens, Éditions universitaires, 1963. En particulier le
aujourd’hui. Paris, Christina Bourgois, 1976. Un des très tome I, chapitre “Le rythme et le montage”.
Iris n°6, 1986, “L’effet Koulechov”.
photo: Il était une fois dans l’ouest 27
[
e´fi
D e´ fillem en ts
Le cinéma de Vertov est le pivot autour duquel s’articulent des œuvres
contemporain a` partir de
Egbert Mittelstädt fait des photographies, des vidéos et des installa-
tions à partir des mêmes prises de vue. La juxtaposition dans une
même image du mouvement et de la statique est approchée différem-
LÕHomme a` la came´ra de
ment d’un projet à l’autre, mais elle suscite toujours la même mélanco-
lie à propos de la fuite du temps. L’exposition présente Time Machine
(installation), Elsewhere (projection) et Passersby (photographie).
Dziga Vertov
Emmanuel Carlier installe Graph, un système d’écran plasma sur des
rails, dont le mouvement de va-et-vient “scanne” l’image d’un corps
humain, que le spectateur est amené à voir d’une façon inédite.
Les photographies d’Éric Rondepierre sont toujours liées au cinéma;
on connaît bien ses agrandissements de photogrammes trouvés; avec
Ex po si tio n du 4 f e´e´v
v rier au 12 ma rs 2004
qui traversent aussi l’écran.
Enfin, trois travaux produits par les étudiants post-grade de la HEAA
ma - v e, 1 5 h - 1 8h 3 0 Ñ s a , 1 0 h - 1 6h
dans le cadre de projets de recherche sont intégrés à l’exposition.
Play Boy est un dispositif interactif dans lequel l’utilisateur doit, au
moyen de ses déplacements, lire des séquences vidéos. Concept et tour-
Depuis 2000, Philippe Dubois, historien du cinéma et théoricien, nage: Annelore Schneider, Angela Marzullo, Sidonie Carrillat, Damien
collabore à un projet de recherche avec des professeurs et Molinaux, Jean-Luc Marchina, Caroline Bernard. Assistance tech-
nique: Pierre Rossel.
]
assistants de la HEAA-Genève intitulé “ Exposer les images en
mouvement ”. Cette recherche a donné lieu à un colloque dont les Grande Roue est un dispositif interactif réalisé par le groupe de recher-
actes ont été publiés (Musées en mutation, éd. HEAA - Musée che: “Formes de l’interactivité” en 2003. Dans cette œuvre, le specta-
d’art et d’histoire, 2000), à une série de conférences en teur opère une sorte de “montage interactif” de deux vidéos.
Conception: Caroline Bernard. Assistance technique: Damien Molinaux
partenariat avec le Mamco et le Centre pour l’image (tournage) Dominique Fabre (son) Pierre Rossel (programmation).
contemporaine en 2001, à une série de séminaires avec les Comédienne: Jessica Brouze.
étudiants HEAA et se clôt autour de la collaboration entre la Ces deux œuvres ont été exposées lors de la deuxième session de
HEAA et les Activités culturelles de l’Université, avec la JOUABLE à Kyoto, en novembre 2003.
conférence de Philippe Dubois le 2 février au Ciné-club, et le
On tongs est une installation vidéo-interactive dans laquelle le specta-
vernissage de l’exposition Défilements le 3 février. teur chausse des tongs munis de capteurs pour se mouvoir et animer
les images. Conception: Jean-Luc Marchina.
Pour une description des œuvres d’étudiants: www.f-i.ch
Renseignements: 022 731 37 57 - www.hesge.ch/heaa
ÉMOTIONS, L’ESSENTIEL EST VISIONS DU RÉEL
FESTIVAL INTERNATIONAL DE CINÉMA
À NYON DU 19 AU 25 AVRIL 2004 WWW.VISIONSDUREEL.CH
Groupe de travail du
Ciné-Club Universitaire
Sebastian Aeschbach, Flavia
Ambrosetti, Leila Amacker, Solange
Amstutz, Abderrahmane Bekiekh, Sara
Cenzual, Anne Chamot, Frédéric
Favre, Guido Ferretti, Joëlle Lévi,
Julie Mancilla, Astrid Maury, Lucie
Rebetez, Stéphanie Rouillon, Marco
Sabbatini, Léa Signer, Moritz Zander
Responsable
Vincent Jacquemet
assisté de
Magdalena Frei Holzer
Nous remercions
Philippe Dubois, Jérôme Baratelli,
Guy Milliard, Julien Roby, Lysianne
Léchot Hirt, Monsieur Popovic du
CRDP pour son aide à la recherche de
documentation, le DAEL, la Fondation
Arditi, la Fondation Wilsdorf, Rui
Nogueira du CAC-Voltaire, Bernard
Uhlmann de la Cinémathèque Suisse
et André Iten du Centre pour l’Image
Contemporaine.
Édition
Carlo Guida et Mathilde Reichler
Graphisme
Julien Jespersen