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Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0)

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SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD LYON1
___________________________________________________________

ANNÉE 2019 N° 32

REPRÉSENTATIONS DE LA GESTION D’UN CABINET MÉDICAL :


ÉTUDE QUALITATIVE AUPRÈS D’INTERNES DE MÉDECINE
GÉNÉRALE

THÉSE D’EXERCICE EN MÉDECINE

Présentée à l’Université Claude Bernard Lyon 1


Et soutenue publiquement le 4 avril 2019
En vue d’obtenir le titre de Docteur en Médecine

Par

SARRADON Yoann
Né le 24/12/1990
A Sisteron (04)

Sous la direction du Professeur Sylvie Erpeldinger

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD LYON 1

Président Pr Frédéric FLEURY

Président du Comité de Coordination Pr Pierre COCHAT


Des Etudes Médicales

Directeur Général des services M. Damien VERHAEGHE

Secteur Santé :

Doyen de l’UFR de Médecine Lyon Est Pr Gilles RODE

Doyenne de l’UFR de Médecine Lyon-Sud Pr Carole BURILLON


Charles Mérieux

Doyenne de l’Institut des Sciences Pharmaceutiques Pr Christine VINCIGUERRA


(ISPB)

Doyenne de l’UFR d’Odontologie Pr Dominique SEUX

Directrice du département de Biologie Humaine Pr Anne-Marie SCHOTT

Secteur Sciences et Technologie :

Directeur de l’UFR Sciences et Technologies M. Fabien DE MARCHI

Directeur de l’UFR Sciences et Techniques des M. Yanick VANPOULLE


Activités Physiques et Sportives (STAPS)

Directeur de Polytech Pr Emmanuel PERRIN

Directeur de l’IUT Pr Christophe VITON

Directeur de l’Institut des Sciences Financières M. Nicolas LEBOISNE


Et Assurances (ISFA)

Directrice de l’Observatoire de Lyon Pr Isabelle DANIEL

Directeur de l’Ecole Supérieure du Professorat Pr Alain MOUGNIOTTE


et de l’Education (ESPé)

SARRADON
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Faculté de Médecine Lyon Est
Liste des enseignants 2018/2019

Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers


Classe exceptionnelle Echelon 2

BLAY Jean-Yves Cancérologie ; radiothérapie


BORSON-CHAZOT Françoise Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;
gynécologie médicale
COCHAT Pierre Pédiatrie
ETIENNE Jérôme Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
GUERIN Claude Réanimation ; médecine d’urgence
GUERIN Jean-François Biologie et médecine du développement et de la
reproduction ; gynécologie médicale
MORNEX Jean-François Pneumologie ; addictologie
NIGHOGHOSSIAN Norbert Neurologie
NINET Jean Chirurgie thoracique et cardiovasculaire
OVIZE Michel Physiologie
PONCHON Thierry Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie
Didier Radiologie et imagerie médicale
REVEL Michel Cancérologie ; radiothérapie
RIVOIRE
Françoise Anatomie et cytologie pathologiques
THIVOLET-BEJUI Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
François
VANDENESCH

Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers


Classe exceptionnelle Echelon 1

BOILLOT Olivier Chirurgie digestive


BRETON Pierre Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie
CHASSARD Dominique Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence
CLARIS Olivier Pédiatrie
Cyrille Epidémiologie, économie de la santé et prévention
COLIN
Thierry Psychiatrie d’adultes ; addictologie
D’AMATO Cardiologie
DELAHAYE François
DENIS Philippe Ophtalmologie
DOUEK Philippe Radiologie et imagerie médicale
Christian Chirurgie digestive
DUCERF
Isabelle Médecine interne ; gériatrie et biologie du
DURIEU vieillissement ; médecine générale ; addictologie
FINET Gérard Cardiologie
GAUCHERAND Pascal Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
GUEYFFIER François Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie
clinique ; addictologie
HERZBERG Guillaume Chirurgie orthopédique et traumatologique
HONNORAT Jérôme Neurologie
LACHAUX Alain Pédiatrie
LEHOT Jean-Jacques Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence
LERMUSIAUX Patrick Chirurgie thoracique et cardiovasculaire
LINA Bruno Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
MARTIN Xavier Urologie
MERTENS Patrick Anatomie
MIOSSEC Pierre Immunologie
MOREL Yves Biochimie et biologie moléculaire
MORELON Emmanuel Néphrologie
MOULIN Philippe Nutrition
NEGRIER
Claude Hématologie ; transfusion
NEGRIER
Sylvie Cancérologie ; radiothérapie
SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
OBADIA Jean-François Chirurgie thoracique et cardiovasculaire
RODE Gilles Médecine physique et de réadaptation
TERRA Jean-Louis Psychiatrie d’adultes ; addictologie
ZOULIM Fabien Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie

Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers


Première classe

ADER Florence Maladies infectieuses ; maladies tropicales


ANDRE-FOUET Xavier Cardiologie
ARGAUD Laurent Réanimation ; médecine d’urgence
AUBRUN Frédéric Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence
Lionel Urologie
BADET
Yves Radiologie et imagerie médicale
BERTHEZENE Yves Pédiatrie
BERTRAND Jean-Louis Biologie cellulaire
BESSEREAU Fabienne Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ;
BRAYE Brûlologie
CHARBOTEL Barbara Médecine et santé au travail
CHEVALIER Philippe Cardiologie
COLOMBEL Marc Urologie
COTTIN Vincent Pneumologie ; addictologie
François Radiologie et imagerie médicale
COTTON
Mojgan Anatomie et cytologie pathologiques
DEVOUASSOUX Sylvie Cardiologie
DI FILLIPO Gil Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
DUBERNARD Charles Hématologie ; transfusion
DUMONTET Jérome Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie
DUMORTIER Charles Patrick Génétique
EDERY Jean-Pierre Thérapeutique ; médecine d’urgence ; addictologie
FAUVEL Jean-Luc Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence
FELLAHi Tristan Maladie infectieuses ; maladies tropicales
FERRY Pierre Pédopsychiatrie ; addictologie
FOURNERET Marc Neurochirurgie
Laurent Radiologie et imagerie médicale
GUENOT
Sophie Médecine physique et de réadaptation
GUIBAUD Etienne Pédiatrie
JACQUIN-COURTOIS Laurent Néphrologie
JAVOUHEY Denis Dermato-vénéréologie
JUILLARD Laurent Ophtalmologie
JULLIEN Pierre Médecine interne ; gériatrie et biologie du
KODJIKIAN vieillissement ; médecine générale ; addictologie
KROLAK SALMON Hervé Biologie et médecine du développement et de la
reproduction ; gynécologie médicale
MABRUT Jean-Yves Chirurgie générale
MERLE Philippe Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie
MICHEL Philippe Epidémiologie, économie de la santé et prévention
MURE Pierre-Yves Chirurgie infantile
Pédiatrie
NICOLINO Marc
Parasitologie et mycologie
PICOT Stéphane Chirurgie générale
PONCET Gilles Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;
RAVEROt Gérald gynécologie médicale
ROSSETTI Yves Physiologie
ROUVIERE Olivier Radiologie et imagerie médicale
ROY Pascal Biostatistiques, informatique médicale et
technologies de communication
SAOUD Mohamed Psychiatrie d’adultes et addictologie
SCHAEFFER Laurent Biologie cellulaire

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
SCHEIBER Christian Biophysique et médecine nucléaire
SCHOTT-PETHELAZ Anne-Marie Epidémiologie, économie de la santé et prévention
TILIKETE Caroline Physiologie
TRUY Eric Oto-rhino-laryngologie
TURJMAN Francis Radiologie et imagerie médicale
VANHEMS Philippe Epidémiologie, économie de la santé et prévention
VUKUSIC Sandra Neurologie
Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers
Seconde Classe

BACCHETTA Justine Pédiatrie


BOUSSEL Loïc Radiologie et imagerie médicale
BUZLUCA DARGAUD Yesim Hématologie ; transfusion
CALENDER Alain Génétique
CHAPURLAT Roland Rhumatologie
CHENE Gautier Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
COLLARDEAU FRACHON Sophie Anatomie et cytologie pathologiques
CONFAVREUX Cyrille Rhumatologie
CROUZET Sébastien Urologie
CUCHERAT Michel Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie
clinique ; addictologie
DAVID Jean-Stéphane Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence
DI ROCCO Federico Neurochirurgie
DUBOURG Laurence Physiologie
DUCLOS Antoine Epidémiologie, économie de la santé et prévention
DUCRAY François Neurologie
FANTON Laurent Médecine légale
GILLET Yves Pédiatrie
GIRARD Nicolas Pneumologie
GLEIZAL Arnaud Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie
GUEBRE-EGZIABHER Fitsum Néphrologie
HENAINE Roland Chirurgie thoracique et cardiovasculaire
HOT Arnaud Médecine interne
HUISSOUD Cyril Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
JANIER Marc Biophysique et médecine nucléaire
JARRAUD Sophie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
LESURTEL Mickaël Chirurgie générale
LEVRERO Massimo Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie
LUKASZEWICZ Anne-Claire Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence
MAUCORT BOULCH Delphine Biostatistiques, informatique médicale et
technologies de communication
MEWTON Nathan Cardiologie
MILLION Antoine Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire
MONNEUSE Olivier Chirurgie générale
NATAF Serge Cytologie et histologie
PERETTI Noël Nutrition
POULET Emmanuel Psychiatrie d’adultes ; addictologie
RAY-COQUARD Isabelle Cancérologie ; radiothérapie
RHEIMS Sylvain Neurologie
RICHARD Jean-Christophe Réanimation ; médecine d’urgence
RIMMELE Thomas Anesthésiologie-réanimation ;
médecine d’urgence
ROBERT Maud Chirurgie digestive
ROMAN Sabine Physiologie
SOUQUET Jean-Christophe Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie
THAUNAT Olivier Néphrologie
THIBAULT Hélène Physiologie SARRADON
WATTEL Eric Hématologie ; transfusion (CC BY-NC-ND 2.0)
Professeur des Universités - Médecine Générale

FLORI Marie
LETRILLIART Laurent
ZERBIB Yves

Professeurs associés de Médecine Générale

BERARD Annick
FARGE Thierry
LAMBLIN Gery
LAINÉ Xavier
Professeurs émérites

BAULIEUX Jacques Cardiologie


BEZIAT Jean-Luc Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie
CHAYVIALLE Jean-Alain Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie
CORDIER Jean-François Pneumologie ; addictologie
DALIGAND Liliane Médecine légale et droit de la santé
DROZ Jean-Pierre Cancérologie ; radiothérapie
FLORET Daniel Pédiatrie
GHARIB Claude Physiologie
GOUILLAT Christian Chirurgie digestive
MAUGUIERE François Neurologie
MELLIER Georges Gynécologie
MICHALLET Mauricette Hématologie ; transfusion
MOREAU Alain Médecine générale
NEIDHARDT Jean-Pierre Anatomie
PUGEAUT Michel Endocrinologie
RUDIGOZ René-Charles Gynécologie
SINDOU Marc Neurochirurgie
TOURAINE Jean-Louis Néphrologie
TREPO Christian Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie
TROUILLAS Jacqueline Cytologie et histologie

Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers


Hors classe

BENCHAIB Mehdi Biologie et médecine du développement et de la


reproduction ; gynécologie médicale
BRINGUIER Pierre-Paul Cytologie et histologie
CHALABREYSSE Lara Anatomie et cytologie pathologiques
GERMAIN Michèle Physiologie
KOLOPP-SARDA Marie Nathalie Immunologie
LE BARS Didier Biophysique et médecine nucléaire
NORMAND Jean-Claude Médecine et santé au travail
PERSAT Florence Parasitologie et mycologie
PIATON Eric Cytologie et histologie
SAPPEY-MARINIER Dominique Biophysique et médecine nucléaire
STREICHENBERGER Nathalie Anatomie et cytologie pathologiques
TARDY GUIDOLLET Véronique Biochimie et biologie moléculaire

SARRADON
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7

Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers


Première classe
Laurence Biophysique et médecine nucléaire
BONTEMPS
Sybil Nutrition
CHARRIERE
COZON Grégoire Immunologie
ESCURET Vanessa Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
HERVIEU Valérie Anatomie et cytologie pathologiques
LESCA Gaëtan Génétique
Jean Parasitologie et mycologie
MENOTTI
David Anatomie et cytologie pathologiques
MEYRONET
Alice Dermato-vénéréologie
PHAN
PINA-JOMIR Géraldine Biophysique et médecine nucléaire
PLOTTON Ingrid Biochimie et biologie moléculaire
RABILLOUD Muriel Biostatistiques, informatique médicale et
technologies de communication
SCHLUTH-BOLARD Caroline Génétique
TRISTAN Anne Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
VASILJEVIC Alexandre Anatomie et cytologie pathologiques
VENET Fabienne Immunologie
VLAEMINCK-GUILLEM Virginie Biochimie et biologie moléculaire
Maîtres de Conférences – Praticiens Hospitaliers
Seconde classe
Coralie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
BOUCHIAT SARABI Pédiatrie
Marine
BUTIN Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
CASALEGNO Jean-Sébastien
Martin Réanimation ; médecine d’urgence
COUR Immunologie
COUTANT Frédéric
Aurore Pédiatrie
CURIE Pneumologie
Michaël
DURUISSEAUX Médecin de santé publique
Julie
HAESEBAERT Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
Laurence
JOSSET Physiologie
Sandrine
LEMOINE Neurologie
Romain
MARIGNIER Pédiatrie Néonatologie Pharmaco Epidémiologie
NGUYEN CHU Huu Kim An
Clinique Pharmacovigilance
ROLLAND Benjamin Psychiatrie d’adultes
SIMONET Thomas Biologie cellulaire
Maitres de Conférences associés de Médecine Générale
Christophe
PIGACHE
Humbert
DE FREMINVILLE
Frédéric
ZORZI
Maître de Conférences
Nicolas Epistémiologie, histoire des sciences et techniques
LECHOPIER Physiologie
NAZARE
Julie-Anne
Baptiste Biologie Cellulaire
PANTHU
Vivian Mathématiques appliquées
VIALLON SARRADON
Biochimie, biologie
VIGNERON Arnaud (CC BY-NC-ND 2.0)
VINDRIEUX Physiologie
David
8

Le Serment d'Hippocrate

Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la
Médecine.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination.

J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou
leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les
lois de l'humanité.

J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs


conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance.

Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au dessus de mon travail.

Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma
conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne
provoquerai délibérément la mort.

Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes


compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission.

Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois
couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque.

SARRADON
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9

LISTE DES ABRÉVIATIONS

AGA : Association de Gestion Agréée

ANPAA : Association Nationale de Prévention en Alcoologie et en Addictologie

ARS : Agence Régionale de Santé

ASALEE : Action de SAnté Libérale En Equipe

CARMF : Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France

CHU : Centre Hospitalo-Universitaire

CMP : Centre Médico-Psychologique

CNOM : Conseil National de l'Ordre des médecins

DCEM : Deuxième Cycle des Etudes Médicales

DES : Diplôme d'Etudes Spécialisées

DGTPE : Direction Générale du Trésor et de la Politique Economique

DIM : Département d'Information Médicale

DUMAS : Dépôts Universitaire de Mémoire Après Soutenance

ECG : Electro-Cardio-Gramme

FMC : Formation Médicale Continue

IRDES : Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé

ISNAR-IMG : InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de


Médecine Générale

MEP : Mode d'Exercice Particulier

MSP : Maison de Santé Pluriprofessionnelle

PAPS : Les Plateformes d'Appui aux Professionnels de Santé

SARRADON
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10

RéAGJIR : Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants

ROSP : Rémunération sur Objectifs de Santé Publique

RSCA : Récit de Situation Clinique Authentique

SASPAS : Stage Autonome en Soins Primaires Ambulatoires Supervisés

SCI : Société Civile Immobilière

SISA : Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires

SYREL-IMG : Syndicat Représentatif Lyonnais des Internes en Médecine Générale

TCEM : Troisième Cycle des Etudes Médicales

URPS : Union Régionale des Professionnels de Santé

URSSAF : Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations


Familiales

SARRADON
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11

REMERCIEMENTS

Aux membres du Jury

Au Professeur Cyrille Colin,

Vous me faites l'honneur de présider le jury de ma thèse. Je vous remercie de l'intérêt


que vous avez manifesté pour mon travail au travers de votre implication et de vos
précieux conseils.

Au Professeur Sylvie Erpeldinger,

Je vous remercie d'avoir accepté de diriger ma thèse, et de m'avoir accompagné tout au


long de mes années d'internat avec bienveillance au travers du tutorat.

Au Professeur Jean-Pierre Dubois,

Je vous suis reconnaissant d'avoir accepté du juger ma thèse. Merci de la considération


que vous portez à mon travail.

Au Docteur Brice Duraffourg,

Je te remercie d'avoir pris part à ce jury, mais surtout je te remercie pour m'avoir
transmis ton savoir et ton intérêt pour la médecine générale. Tu m'as montré un modèle
de réussite professionnel et familial.

A mes maîtres de stage

Au Docteur Paul Escalon,

Merci de m'avoir initié à la médecine générale, merci pour ton investissement, ton amitié.

Au Docteur Alain Merlin,

Merci pour ta gentillesse et ta loyauté.

Aux Docteurs Patricia Frayssinet-Astier, Olivier Laprais et Sébastien Reynard,

Merci pour votre confiance.

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
12

Au Docteur Yves Gadiolet,

Merci pour ta sagesse.

Aux équipes de pédiatrie et de cardiologie d'Aubenas,

Merci pour votre accueil.

Au Docteur Mathias Debals,

Merci pour m'avoir aidé à lancer ma thèse.

Aux internes qui ont participé à cette étude,

Merci pour le temps que vous m'avez consacré, pour avoir accepté de dévoiler une partie
de vous, et pour l'intérêt que vous portez à notre belle discipline.

A ma famille,

Mes parents,
Merci pour votre amour, pour votre éducation dont je suis fier.

Mon frère,
Mon grand frère. Tout est dit.

Mamie Josette,
Pour ta force et ta constance.

Et à tous les autres, avec tous les nouveaux venus.

A mes amis,
J'ai eu de la chance de me construire à vos côtés. Je mesure celle de vous avoir encore.

A mes amours,

Mon Boubou, mes deux bébés,


Merci d'être chaque jour la réponse à cette question informulable qu'est la vie.

SARRADON
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13

SOMMAIRE

LISTE DES ABRÉVIATIONS 9


REMERCIEMENTS 11
SOMMAIRE 13

INTRODUCTION 15
1. Contexte général 15
1.1. La démographie médicale 15
1.2. La gestion du cabinet est un frein à l'installation 15
1.3. État des lieux de la formation concernant la gestion du cabinet 16
1.4. La formation à l'Université de Lyon 17
1.5. Les Plateformes d'Appui aux Professionnels de Santé (PAPS) 18
2. Question de recherche 18

MATÉRIEL ET MÉTHODE 20
1. Objectif de l'étude 20
2. Hypothèses de travail et choix des méthodes de recueil des données 20
3. Population d'étude et échantillon 21
4. Recrutement des participants 22
5. Recueil du consentement et conservation des données 23
6. Guide d'entretien 23
7. Déroulement des entretiens 25
8. Retranscription des verbatims 25
9. Analyse des données 26
10. Stratégie de recherche bibliographique 26

RÉSULTATS 28
1. Les représentations de la gestion d'un cabinet de médecine générale 28
1.1. La gestion est une charge 28
1.2. La gestion est complexe 29
1.3. La gestion peut faire peur 29
1.4. Gérer un cabinet n'est peut-être pas si compliqué 30
1.5. La gestion comme un atout 31
1.6. L'exercice salarié, miroir du libéral 32
1.7. Synthèse 35
2. Devenir compétent dans la gestion d'un cabinet 35
2.1. De façon générale les internes se sentaient insuffisamment formés et compétents 35
2.2. La formation théorique 35
2.3. La formation lors des stages 37
2.4. L'apport de l'expérience en tant que patient 41
2.5. La formation par les pairs 42
2.6. La formation à la gestion n'est pas une priorité pour les internes 42
2.7. Comment devenir compétent ? 44
2.8. Synthèse 46
3. Quels projets professionnels? 47
3.1. Un projet non défini 47
3.2. Les déterminants du choix 48
3.3. Créer ou rejoindre une structure ? 49
3.4. Le cadre et l'organisation de travail 50
3.5. La gestion du planning 51
3.6. La délégation de tâches 52

SARRADON
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14

3.6.1. Les tâches non médicales 52


3.6.2. Les tâches médicales 54
3.7. Quels types de structures? 54
3.7.1. En cabinet individuel 54
3.7.2. En cabinet de groupe 55
3.7.3. En structure pluriprofessionnelle 57
3.8. La gestion des relations interpersonnelles dans les cabinets de groupe ou les structures
pluriprofessionnelles 59
3.9. Bien s'organiser, en vue de quelle pratique ? 61
3.9.1. La durée de la consultation 61
3.9.2. Une relation de confiance médecin-malade 63
3.9.3. Indépendance du médecin dans sa pratique 63
3.9.4. Répondre à l'urgence 64
3.9.5. Les différentes missions du généraliste 64
3.9.6. Les relations avec les médecins de second recours 66
3.9.7. La confrontation de l'idéal avec la tension démographique 67
3.10. Synthèse 68

DISCUSSION 71
1. Forces et faiblesses de l'étude 71
2. Discussion sur les résultats 72
2.1. Gérer son cabinet : une tâche pénible et difficile ? 73
2.1.1. Les craintes concernant la gestion du cabinet 73
2.1.2. Les besoins de formation 74
2.1.3. Le rejet des charges administratives 76
2.1.4. Dégager du temps 77
2.2. Le déclin de l'exercice libéral 79
2.2.1. Exercice libéral et/ou salariat ? 79
2.2.2. Disposer de son emploi du temps : libéral ou salariat ? 80
2.2.3. D'autres modes de rémunération 81
2.2.4. Regard des internes sur l’organisation des soins de premiers recours dans d'autres
pays européens 83
2.2.4.1. Les pays où prédominent les centres de santé pluriprofessionnels 83
2.2.4.2. Un pays où prédomine l'exercice monodisciplinnaire avec paiement à l'acte 84
2.2.4.3. Les pays où prédomine un modèle "intermédiaire" : exercice coordonné avec
rémunération à la capitation ou au forfait 85
2.3. Regards des internes sur les transformations de la profession 87
2.4. La place des relations interpersonnelles 89

CONCLUSION 92

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 95

ANNEXES 101
Annexe I : Caractéristiques de l'échantillon 101
Annexe II : Guide d'entretien, première série d'entretiens individuels 102
Annexe III : Guide d'entretien focus group et seconde série d'entretiens individuels 103
Annexe IV : Support écrit de présentation des modèles étranger, focus group 104
Annexe V : Support écrit de présentation des modèles étrangers, seconde série d'entretiens
individuels 105
Conclusions signées 107
Résumé 108

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15

INTRODUCTION

1. Contexte général

1.1. La démographie médicale

Selon l'Atlas de la démographie médicale publié par le Conseil National de


l'Ordre des Médecins (CNOM) en 2018, l'effectif total des médecins généralistes décroît :
on comptait 94 261 médecins généralistes en activité régulière en 2010, contre 87 801 en
2018, soit une diminution de 7% en dix ans (1). Cette baisse devrait se poursuivre
jusqu'en 2025 pour atteindre 81 800 médecins généralistes. De plus, la diminution des
effectifs se fait au détriment des médecins libéraux, alors que les effectifs de médecins
généralistes salariés augmentent (1).
Parallèlement à la baisse du nombre de médecins, on assiste à un allongement de
la période située entre la fin des études et l'installation : 1,6 ans dans les années 1980,
contre 3,7 ans en 2000 selon Bui et Levy (2) cité par Schweyer (3).

1.2. La gestion du cabinet est un frein à l'installation

Les inquiétudes sur la baisse du nombre de médecins libéraux ont conduit à mener
différents travaux de recherche sur les déterminants de l'installation en libéral.
Selon une enquête de l'Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) de
Bourgogne en 2011 (4), la gestion du cabinet est un frein à l'installation pour 89 % des
remplaçants, 86 % des jeunes installés, et plus de 60 % des internes. Selon cette même
étude, la gestion du cabinet est une des raisons ayant conduit à cesser un exercice libéral
pour 52 % des ex-médecins libéraux. Selon une thèse soutenue en 2014, les démarches et
charges administratives sont le frein à l'installation le plus souvent cité (91% des
médecins interrogés) par les médecins remplaçants thésés de Haute-Garonne (5). Dans
une étude qualitative sur les facteurs influençant l'installation en médecine générale (6),

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16

le seul facteur influençant négativement l'installation était la gestion du cabinet. Dans le


cadre de son travail de thèse sur les freins à l'installation, Baril (7) retrouve que la gestion
du cabinet est un frein en raison du manque de formation des internes sur cet aspect.

1.3. État des lieux de la formation concernant la gestion du cabinet

Dans sa définition de la médecine générale, la Société européenne de médecine


générale-médecine de famille rappelle que le médecin généraliste applique ses
compétences dans trois champ d'activité que sont : la démarche clinique, la
communication avec les patients, et la gestion du cabinet (8).

Ÿ La formation théorique :
En France il existe cependant une inégalité de l'enseignement de la gestion du
cabinet entre les différentes facultés de médecine, tant sur le contenu que sur la forme,
d'après la thèse de Spiess (9), et d’après un rapport du Syndicat national des internes de
médecine générale (ISNAR-IMG) (10) .
Les enquêtes évaluant la formation des internes confirment un manque de
connaissances en matière d'exercice libéral et de gestion du cabinet. A Rouen, par
exemple, 88 % des internes jugent leur formation théorique à la gestion du cabinet
insuffisante ou insatisfaisante, et ils sont 67 % à juger que leur formation pratique dans ce
domaine est également insuffisante ou insatisfaisante (11). En 2017, à Bordeaux, plus de
la moitié des internes débutaient les remplacements sans être à jour de leurs démarches
administratives et fiscales. Leurs sources d'information principales sur ces démarches
étaient internet et leurs co-internes (12). Au plan national, l’ISNAR-IMG dans une
enquête de 2013, relève que près d'un tiers des internes n'ont eu aucune formation à "la
création d'un cabinet, à sa gestion et à la fiscalité", et que seulement 11% des internes ont
eu plus d'une journée de formation sur ce thème (13).

Ÿ La formation pratique :
Le stage ambulatoire au cours du second cycle est le premier contact avec

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17

"l'entreprise libérale". Il est l'occasion d'aborder les avantages de ce mode d’exercice


(liberté d'organisation, absence de supérieur hiérarchique) et ses inconvénients
(complexité de la gestion). Cependant la gestion administrative du cabinet reste "floue" à
la fin du stage, selon une enquête qualitative de 2012 (14).
La formation à la gestion du cabinet est l’un des objectifs des stages ambulatoires
en cours d'internat. Elle fait partie des motivations pour réaliser un Stage Autonome en
Soins Primaires Ambulatoires Supervisés (SASPAS), mais c'est aussi un des rares motifs
d'insatisfaction retrouvé chez les internes ayant réalisé ce stage en Bourgogne entre 2003
et 2011 (15).
Une étude descriptive du stage SASPAS à Lyon entre mai 2004 et mai 2006 (16)
retrouve que sur 53 internes ayant réalisé ce stage, 33 d’entre eux ont participé à la
gestion du cabinet, parmi lesquels 12 n'y ont participé que "très peu". Par rapport au stage
ambulatoire de niveau 1, le SASPAS permettait un meilleur apprentissage de la gestion
du cabinet pour seulement 19% des internes.

1.4. La formation à l'Université de Lyon

Il existe deux formations théoriques reconnues par l'Université de Lyon. Celles-ci


ne sont pas obligatoires mais valident une des six formations médicales continues (FMC)
nécessaires à la soutenance du Diplôme d'Etudes Spécialisés de Médecine Générale
(DES). Il s'agit du "Forum de l'installation", organisé par le syndicat des internes lyonnais
(SYREL-IMG), et de la "Journée de l'installation", organisée par l'URPS Rhône-Alpes.
En juin 2018, le Forum de l'installation était organisé sous la forme de cinq
ateliers d'une heure et demi chacun, animés par des médecins ou des personnes
ressources (comptables, représentant du Conseil de l'Ordre des Médecins, etc...)1 : 1 - Les
modalités du remplacement ;
2 - Comptabilité et prévoyance ;
3 - Protections sociales
non obligatoires ; 4 - Différents modes d’exercice : l’exercice seul, c’est possible ; 5 -
Différents mode d’exercice : pourquoi et comment travailler en MSP.
La Journée de l'installation avait pour programme en octobre 2018 :
x Présentation de l’URPS Médecins et ses missions

1www.syrel-img.com/isnar/actualites-isnar/forum-de-linstallation-2018, page consultée le 18/02/2018

SARRADON
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18

x Quels seront les interlocuteurs du monde professionnel qui nous entourent ?


Les interlocuteurs obligatoires : Faculté – Conseil de l’Ordre des Médecins
- URSSAF - Syndicats CPAM - CARMF – Retraite et prévoyance -
Protection sociale - Maternité - RCP - Assurances obligatoires.
x Qui peut m’aider à m’installer ?
ƒ Les aides financières : Le zonage
ƒ Les aides conventionnelles et locales
ƒ Les aides fiscales
ƒ La démographie médicale
ƒ Site d’annonces
x Les remplaçants
x Les différents modes d’exercice : Témoignages (MSP, Cabinet de Groupe,
Individuel, CPTS)
x Une ouverture professionnelle possible : Devenir MSU ?
x Les contrats entre professionnels (SCM-SCI-SISA-SCP-SELARL...)
x Micro BNC – 2035
x Gestion du Cabinet : Témoignages de jeunes installés : Rural – Ville – MSP-
Campagne- Exercice mixte.

1.5. Les Plateformes d'Appui aux Professionnels de Santé (PAPS)

Les PAPS sont des sites internet régionaux créés en 2011 dans le but d'informer et
d'orienter les professionnels de santé dans leur carrière. Les PAPS doivent réunir
l'ensemble des acteurs régionaux utiles aux professionnels de santé, et recenser
l'ensemble des informations nécessaires. En 2014, l'ISNAR-IMG relevait qu'aucun PAPS
ne rassemblait l'ensemble des informations attendues (10).

2. Question de recherche

SARRADON
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La gestion du cabinet médical a été étudiée sous l'angle de sa formation, et sous


celui des déterminants à l'installation. Le tableau général est qu'il existe un manque de
formation à la gestion du cabinet, et que cette gestion est un frein à l'installation en
libéral.
Il n'existe pas à notre connaissance d'étude qui se penche sur le sens que les
internes de médecine générale attribuent à cette gestion du cabinet. Nous avons donc
choisi d'explorer les représentations des internes concernant la gestion d'un cabinet
de médecine générale.

SARRADON
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20

MATÉRIEL ET MÉTHODE

1. Objectif de l'étude

L'objectif principal de l'étude était de faire émerger les représentations des


internes concernant la gestion d'un cabinet de médecine générale.
Les objectifs secondaires étaient d'explorer les liens entre la formation à la gestion
d'un cabinet et la construction de ces représentations d’une part, et entre ces
représentations et la construction d'un projet professionnel d’autre part.
Une étude qualitative était la plus appropriée pour accéder aux représentations des
internes. Parmi les différentes méthodes d'analyses qualitatives de données empiriques,
nous avons retenu "l'analyse par théorisation ancrée" telle que décrite par Paillé (17).

2. Hypothèses de travail et choix des méthodes de recueil des données

Dans notre approche de la question par théorisation ancrée (approche inductive),


nous n'avions pas émis d'hypothèse quant aux résultats de l'étude.
Pour construire notre guide d'entretien et sélectionner un échantillon pertinent
d'internes, nous avons émis l'hypothèse que les stages ambulatoires avaient une influence
forte dans la construction des représentations, et que les questions autour de la gestion
d'un cabinet se posaient tardivement dans le cursus.
Nous avons choisi d'utiliser deux méthodes de recueil des donnés pour améliorer
la validité interne de notre étude : l’entretien individuel et le focus group. Chaque
méthode présente ses forces et faiblesses, pouvant conduire à ne pas faire émerger un
résultat qu'on aurait obtenu avec une autre façon de recueillir les données.
L'entretien individuel semi-directif a pour intérêt de limiter l'influence de leaders
d'opinion, de favoriser l'expression d'opinions minoritaires ou dissidentes.
Les focus groups sont des groupes de discussions de 4 à 12 participants (18).
Grâce à l'interaction entre les participants, ils permettent de faire émerger un grand
nombre d'idées. De plus, la durée du focus group est supérieure à celle des entretiens

SARRADON
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21

individuels à temps de parole égal par participant, ce qui peut permettre une meilleure
immersion dans le sujet et un plus grand relâchement des participants. Le principal
inconvénient de cette méthode est « l'effet de groupe », les participants pouvant censurer
certaines idées s'ils se sentent jugés par leurs pairs.

3. Population d'étude et échantillon

Notre étude visait à recueillir le point de vue des internes. Cependant pour
constituer notre échantillon nous avons pris le parti, sur la base de nos hypothèses de
travail, de choisir uniquement des internes ayant effectué au moins un stage ambulatoire
et étant en dernière année d'internat.
Dans le cadre d'une étude qualitative, l'échantillon n'est pas construit de façon à
être représentatif de la population cible, mais il est construit de façon à présenter la plus
grande diversité possible (échantillonnage raisonné) concernant les points les plus
susceptibles d'influencer les résultats.
Pour la première série d'entretiens individuels, nous avons choisi des critères liés à
la formation reçue : validation d'un ou deux stages ambulatoire(s), type(s) de structure(s)
observée(s) en stage ambulatoire, participation à une ou plusieurs formation(s)
théorique(s) (cf. Annexe I). Les autres variables indiquées dans le tableau sont données à
titre indicatif pour favoriser la compréhension des résultats. Toujours dans le cadre d’une
recherche de diversification maximale de notre échantillon, nous avons volontairement
sélectionné une interne investie dans la mise en place d'une formation dédiée à
l'installation en libéral (Forum de l'installation), et une interne se destinant à un mode
d'exercice particulier de la médecine (acupuncture).
Après une première série d'entretiens individuels, nous avons décidé d'organiser
un focus group. Nous avons alors raisonné différemment pour construire ce nouvel
échantillon. Nous avons choisi de n'inclure que des internes réalisant ou ayant réalisé un
stage SASPAS, nos entretiens individuels ayant confirmé l'hypothèse que les expériences
en stages ambulatoires jouaient un rôle important dans la perception de la gestion d'un
cabinet, et que la multiplication des organisations observées enrichissait la vision des

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
22

internes.
Le recrutement d'internes pour la participation aux focus groups s'est avéré plus
difficile que pour les entretiens individuels. En effet, il faut trouver une date et un lieu qui
conviennent à l'ensemble des participants. De plus, la durée du focus group est longue
pour une population d'étude qui a déjà une lourde charge de travail universitaire et
professionnelle.
Afin d'obtenir une diversité de points de vue, nous avons décidé de recruter un
groupe d'internes réalisant ou ayant réalisé un stage SASPAS en milieu rural (terrain de
stage situé dans les Hautes-Alpes), et un autre en milieu urbain (terrain de stage situé en
métropole lyonnaise ou dans un centre urbain à moins d'une heure de Lyon). N'ayant pas
réussi à regrouper un nombre suffisant d'internes réalisant leur SASPAS en milieu urbain
le même jour pour former un focus group, nous avons finalement procédé à des entretiens
individuels jusqu'à obtention de la saturation des données (17) sur deux entretiens
consécutifs.

4. Recrutement des participants

Le recrutement des participants à la première série d'entretiens individuels s'est


fait de façon séquencée (les uns après les autres) parmi des internes des Facultés de
médecine de Lyon Est et Lyon Sud.
Le premier participant était une connaissance de l'investigateur, ce qui lui a
permis de s'entraîner à la technique d'entretien dans des conditions détendues, et de
valider le guide d’entretien. Les participants suivant ont été recrutés parmi les
participants à une présentation obligatoire d'un travail de recherche au cours du SASPAS
et parmi les participants à une session de soutenance de D.E.S.
Pour le focus group, le recrutement s'est fait par l'intermédiaire d'un maître de
stage haut-alpin qui a mobilisé son réseau pour contacter les internes réalisant leur
SASPAS dans les Hautes-Alpes. La date a été fixée de manière à convenir à l'ensemble
des participants.
Pour la seconde série d'entretiens individuels, les cabinets médicaux des terrains

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de stage de la métropole lyonnaise ou des centres urbains situés à moins d'une heure de
Lyon ont tous été contactés par téléphone, afin d'entrer en contact, par téléphone ou par
courriel, avec les internes qui y réalisent leur stage ambulatoire. Les internes ont été
inclus dans l'ordre de réponse à cette sollicitation jusqu'à obtention de la saturation des
données.

5. Recueil du consentement et conservation des données

Dès le premier contact au moment du recrutement, puis le jour de


l'enregistrement, le chercheur se présentait, présentait succinctement l'étude, et rappelait
que la participation à l'étude se faisait sur la base du volontariat, que les entretiens
seraient enregistrés, que l'anonymat serait respecté, qu'il était possible de lire les
retranscriptions, et de se retirer de l'étude à tout moment jusqu'à sa publication.
Le consentement a été recueilli le jour de l'enregistrement, à l'oral pour les
entretiens individuels et à l'écrit pour le focus group. Il n'y a pas eu de fichier conservant
des données nominatives.

6. Guide d'entretien

Un guide d'entretien a été établi pour servir de support aux échanges, à partir de la
littérature et de nos objectifs de recherche.
La méthode qualitative rend possible, voire souhaitable, des aller-retour entre
l’analyse et le recueil de données. Ainsi le guide d'entretien s'est modifié tout au long de
l'étude.
Pour la première série d'entretiens, la structure du guide a évolué pour se stabiliser
à partir du troisième entretien (cf. Annexe II). Le guide se composait de questions
principales qui ont toutes été posées, et de questions de relance qui pouvaient être posées
si certains points n'étaient pas abordés. Des questions non prévues par le guide pouvaient
également être posées, notamment pour approfondir des idées nouvelles émergentes non
prévues lors de la rédaction du guide d'entretien.

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
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Au terme de cette première série d'entretiens individuels nous avons fait le constat
suivant : la saturation des données a été relevée plutôt précocement (dès le septième
entretien), les internes n'avaient pas de projet établi, et souhaitaient tous poursuivre les
expériences avant de fixer leur choix sur un mode de gestion.
Nous avons alors pris le parti de présenter des organisations de la médecine
générale très différentes de celles qui avaient pu être observées par les internes, au travers
de l'exemple de modèles existant à l'étranger, afin de servir de support à une réflexion
élargie. Cette présentation orale était courte, de l'ordre de cinq minutes, et synthétique
afin de ne pas étouffer le débat. Un support écrit a été distribué à chaque participant
(recto de feuille A4, cf. Annexe IV et V). Les informations données étaient dans la
mesure du possible objectives, comparables entre les différents modèles et avec les
données françaises.
Cette présentation synthétique a été réalisée à partir d’un travail de revue de la
littérature, qui a permis d'obtenir une vue d'ensemble de l'organisation de la médecine
générale en Allemagne, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en Italie, aux Pays-Bas,
au Québec, au Royaume-Uni, en Slovénie, et en Suède. Nous avons ensuite sélectionné
trois modèles différents : 1- exercice majoritairement individuel ; 2- exercice
essentiellement salarié en centre pluriprofessionnel ; 3- un système d'exercice en réseau
avec un paiement à la performance ou au forfait.
Ainsi, nous avons présenté au focus group les modèles allemand, espagnol et
anglais, et lors de la deuxième série d'entretiens individuels nous avons présenté les
modèles italien, suédois et néerlandais.
Le guide d'entretien (cf. Annexe III) se composait donc comme suit:
x Une question « brise-glace » qui invitait à partager une expérience,
x Une question explorant les représentations de la gestion d'un cabinet,
x Une présentation d'organisations existantes à l'étranger puis une question
invitant les participants à exprimer leur ressenti face à ces organisations,
x Une question leur demandant ce qu'ils aimeraient intégrer et/ou inventer
dans l'idéal.

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7. Déroulement des entretiens

Concernant les entretiens individuels, le choix du lieu et du moment de l'entretien


a été laissé aux participants. Ils se sont déroulés au domicile des participants, à
l'exception de deux qui se sont déroulés sur le lieu de stage (dans un bureau de
consultation).
Des notes ont été prises pendant l'entretien, afin de relever les éléments non
verbaux significatifs, ainsi que les principales idées émises.
L'interviewer s'est efforcé de garder une attitude neutre et bienveillante pour
encourager l'expression d'idées authentiques par les interviewés.
Les entretiens ont été enregistrés à l'aide d'une application smartphone à partir de
la première question du guide d'entretien, jusqu'à la fin des questions pour les trois
premiers entretiens, puis jusqu'au recueil des données permettant la caractérisation de
l'échantillon pour les entretiens suivants, car le chercheur s'est aperçu que certains
participants pouvaient fournir des idées nouvelles lors de cette étape de l'entretien,
notamment lorsque les questions abordaient leur formation ou leur environnement.
Le focus group s'est déroulé en soirée dans une salle de réunion de la maison
médicale de garde de Gap. Ce lieu était neutre (il ne s'agissait pas d'un terrain de stage) et
facile d'accès par sa localisation relativement centrale pour les différents participants.
Le thésard a joué le rôle de modérateur en s'appuyant sur le guide d'entretien, en
s'efforçant de garder une attitude neutre. Un médecin généraliste installé ayant une
expérience de la conduite de focus group est venu aider le thésard pour le travail de
modération et pour recueillir les éléments non-verbaux. L'enregistrement a été effectué à
l'aide de deux smartphones, depuis la première question jusqu'à la fin de la discussion.

8. Retranscription des verbatims

Les enregistrements ont été retranscrits manuellement en intégralité, fidèlement,


en incluant les hésitations et les défauts de syntaxe propres au langage oral, et en

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26

intégrant les éléments para-verbaux ou non-verbaux lorsque cela aidait à la


compréhension. Les éléments permettant d'identifier les participants (lieu des terrains de
stages) ont été anonymisés. Il a été attribué à chaque participant un code composé d’une
lettre (E, pour les entretiens individuels ; F pour les participants au focus group), suivi
d’un numéro. C’est ce code qui est utilisé pour identifier les répondants dans les
verbatims choisis pour illustrer les catégories et thèmes issus de l’analyse des données.
La retranscription a été effectuée à l'aide du logiciel de traitement de texte
Microsoft Word®.

9. Analyse des données

L'analyse des verbatims a été réalisée par deux chercheurs, en aveugle. Elle a
débuté dès le premier entretien selon les principes de la théorisation ancrée (17).
L’analyse a consisté en un codage vertical des entretiens : chaque entretien était
découpé en expression, phrase ou groupe de phrases constituant des unités de sens. Puis
ces codes ont été regroupés en thèmes, ou catégories, de façon horizontale, c'est-à-dire en
embrassant les différents codes de tous les entretiens.
Les codes et thèmes pouvaient être reformulés, fusionnés, subdivisés tout au long
de l'analyse. A la fin du recueil des données, les deux chercheurs ont mis en commun leur
grille d'analyse, et la définition définitive des codes et thèmes s'est faite de manière
consensuelle.
Cette analyse a été facilitée par l'utilisation du logiciel Nvivo®.

10. Stratégie de recherche bibliographique

Une revue de la littérature de langue française et anglaise a été réalisée. Les


documents retenus devaient être accessibles en ligne gratuitement depuis le portail de la
bibliothèque universitaire Claude-Bernard-Lyon 1, consultable ou empruntable via la
bibliothèque universitaire de Lyon, ou être disponible via le service de prêt entre
bibliothèques.

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Les documents en français ont été recherchés via les moteurs de recherche Google
Scholar, Doc'cismef et sur le site du Dépôt Universitaire de Mémoire Après Soutenance
(DUMAS) avec les mots-clefs suivants : « gestion du cabinet médical »; « installation en
médecine générale »; « tâches administratives en médecine générale », « tâches
administratives du médecin généraliste ».
Les documents en anglais ont été recherchés via le moteur de recherche PubMed,
celui de la Banque de données en santé publique, et Doc'cismef, avec comme principaux
mots-clefs "Practice Management Medical", libellé correspondant à "Gestion de cabinet
médical" selon la terminologie MeSH, ''Administrative task'', "Primary Care", "General
Pratice".
Des documents pouvaient être sélectionnés manuellement d'après le contenu et la
bibliographie des articles précédemment retenus.

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RÉSULTATS

Dix-sept internes ont été interviewés, douze au cours d'entretiens individuels et


cinq au cours d'un focus group. L'échantillon se compose de treize femmes et quatre
hommes (sex-ratio Femme/Homme : 3,25/1). Les autres caractéristiques de l’échantillon
sont indiquées dans le tableau en Annexe I.
Huit internes ont participé à la première série d'entretiens individuels (E1 à E8)
entre le 18/12/2017 et le 02/12/2018. Ces entretiens ont duré entre 19 et 36 minutes, avec
une moyenne de 26 minutes. Six internes ont accepté de participer au focus group, dont
cinq ont finalement pu être présent le jour de la réunion (F1 à F5). Le focus group a eu
lieu le 11/12/2018. Il a duré 1 heure et 49 minutes.
Quatre internes ont participé à la seconde série d'entretiens individuels (E9 à E12)
entre le 06/02/2019 et le 19/02/2019. Ces entretiens ont duré entre 14 et 33 minutes avec
une moyenne de 22 minutes.

Nous avons choisi d'organiser les résultats en trois parties : la première décrit les
représentations de la gestion d'un cabinet de médecine générale, la deuxième présente
l'acquisition des compétences nécessaires à cette gestion, la troisième aborde les
projections des internes dans leur futur exercice.

1. Les représentations de la gestion d'un cabinet de médecine générale

1.1. La gestion est une charge

Gérer un cabinet était perçu par les interviewés comme une activité chronophage,
peu intéressante, et qui n'est pas le cœur du métier :
« Moi ce que je redoute c'est, euh... le temps. Que ça prenne énormément de temps,
de gestion de cabinet qui prendrait à la fois sur le temps libre et sur le temps de
travail » (E8).

« Pour moi c'est des choses qui sont assez lourdes tout ça, c'est vrai que …
clairement c'est pas mon truc les papiers (rires), dans la vie en général, mais au

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cabinet, du coup c'est pareil, euh... pour moi c'est un peu contraignant, c'est des
choses qui ne me viennent pas intuitivement, et en plus j'avoue vu que ça
m'intéresse pas, euh.. ffff, j'ai du mal à euh... j'ai du mal à faire franchement des
efforts là-dessus, quoi. Voilà. C'est plus une contrainte pour moi tout ça, ces tâches
...administratives (rires) » (E1).

« Je n'ai pas envie de consacrer mon temps à cette gestion de cabinet, que je
préfère consacrer à des patients, en fait, parce que tout le temps qu'on consacre à
la gestion du cabinet c'est un temps médical qu'on ne consacre pas à nos patients
en fait » (E7).

1.2. La gestion est complexe

Les démarches administratives et les aspects réglementaires pouvaient sembler


complexes :
« J'avoue que du coup j'ai reçu les papiers de la CARMF, je les ai envoyés au
Conseil de l'ordre qui m'ont répondu "merci d'être thésée" (rires). Donc euh, voilà,
c'est pareil, c'est quand même le bins! » (E3).

« Pour l'instant ça me parait assez lointain, quand même, euh... et assez complexe.
Autant y'a des petites choses que je peux comprendre dans l'application,
notamment dans la comptabilité ou des choses comme ça, autant y'a beaucoup de
choses qui me paraissent énormes et où pour l'instant je maîtrise pas du tout le
fonctionnement, euh... moi j'ai fait des stages où c'étaient des maisons de santé, et
donc les histoires de charges, de comment on réparti tout ça, les réunions, le SISA,
ou le fonctionnement comme ça, je comprends pas du tout comment ça fonctionne
pour le moment » (E7).

« Je pense que c'est un aspect très important, mais très compliqué aussi » (E8).

1.3. La gestion peut faire peur

La gestion d'un cabinet pouvait paraître effrayante, notamment en raison d'un


sentiment de manque de connaissances relatives aux aspects administratifs et
comptables :
« [Je redoute] d’être dépassée par les problèmes euh… que je maîtrise moins,
euh… qui sont des problèmes de comptabilité, des choses comme ça » (E4)

« Du coup c'est quelque chose qui est... qui m'angoisse un peu, tu vois. Enfin,

SARRADON
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franchement, si j'essaye de m'installer, je me dis comment je vais gérer parce que


franchement c'est quelque chose où je... j'ai jamais eu de conversation vraiment là-
dessus » (E8).

Cette peur venait en partie du fait que la gestion d'un cabinet a des contraintes légales :
« Je pense que les choses que je redoute le plus, euh… c’est bête mais c’est le…
c’est tout ce qui est en lien avec l’imposition, euh… la comptabilité, la déclaration
des revenus professionnels, toutes ces choses qui sont très floues pour moi et dans
lesquelles je me suis pas encore lancé, et parce que, entre-guillemets, j’ai
l’impression que j’ai pas droit à l’erreur, dans le sens où une erreur peut vouloir
dire, euh… une contravention, enfin une répression plus tard, et j’ai l’impression
que la débrouillardise est, est moins possible » (E5).

Pour un interne interviewé, cette crainte de ne pas réussir à gérer un cabinet pouvait être
un vrai frein à l'installation :
« Alors que si j'ai pas ce genre de formation, si on me dit jamais rien, si on en reste
au stade où je suis maintenant, ben du coup, je pense que j'aurai peu de chances de
me lancer, quoi » (E8).

1.4. Gérer un cabinet n'est peut-être pas si compliqué

Les internes sous-estimaient peut-être leur capacité à gérer un cabinet :


« Pour autant, si demain je décidais de m’installer en cabinet je serais assez flippé,
dans le sens où j’aurai l’impression qu’il y a plein de choses que je ne connais pas.
Ce qui est peut-être faux, peut-être que j’ai déjà appréhendé pas mal, pas mal de
choses » (E5).

« J'ai deux prat' là par exemple qui n'ont aussi pas de comptable, qui font leur
comptabilité tout seul. Euh... moi personnellement ça me fait un peu peur, mais bon
du coup je me dis aussi que c'est possible » (E3).

Gérer un cabinet n'était pas perçu comme nécessairement difficile ou pénible, cela
dépend de la personnalité du médecin ou de ses appétences :
« Lui [maître de stage] il faisait sa comptabilité tous les soirs, ça lui, ça lui prenait
un petit peu de temps, mais ça avait pas l'air si laborieux que ça, mais... je sais que
l'autre... l'autre médecin avec qui il travaille, lui trouvait ça très laborieux et il
faisait quasiment pas de compta', donc... voilà ça a l'air d'être assez... assez
dépendant du médecin, quoi... » (E2)

SARRADON
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Mais cela nécessite une organisation rigoureuse et des outils (informatiques)


performants :
« Je pense qu'il faut le faire de façon très régulière pour pas se rendre compte six
mois après que y'a tel patient qui a pas payé, ou que ça n'a pas été enregistré
auprès de la sécu, et que du coup il ne sera pas remboursé, etc… » (E2).

« Donc je pense qu’il faut que la gestion, faut vraiment… enfin… faut qu’elle soit
très rigoureuse. Je pense qu’il faut beaucoup de rigueur de ce côté-là » (E8).

« Oui Je trouve ça pratique l’informatique aussi, plutôt que le dossier papier. La


compta informatique je pense que ça peut être pas mal. Avec les lecteurs de carte
bancaire c’est pratique » (E6).

« C'est en fonction du logiciel, c'est plus facile ou pas » (E12).

1.5. La gestion comme un atout

A l'inverse, gérer un cabinet pouvait être perçu comme une activité stimulante
parce qu'elle est associée au sentiment d'indépendance professionnelle. Le médecin
généraliste est supposé capable de tout faire, ou a minima contrôler l'ensemble du
processus :
« Je trouve ça excitant parce que c’est… je pense que c’est ça qui me plaît aussi
beaucoup dans la médecine générale, c’est le côté libéral, euh… voire artisanal,
voire autoentrepreneur, de notre métier, qu’on… on dépend pas d’une fiche
salariale, d’une catégorie de salaire, euh… on a des frais, des rentrées d’argent, et
effectivement une gestion du cabinet qui peut rentrer en compte pour nous
permettre d’aménager notre temps et notre fonctionnement comme on veut. Donc
ça je trouve ça assez sympa, tu vois, de gérer tout d’un bout à l’autre, et pas de te
retrouver, toujours, pour certains trucs, dire ça, ça sera à l’aide-soignante de le
faire, ça, ça sera à l’infirmière de le faire, ça, ça sera à la comptable de le faire, ça
je demanderai à celui qui côte dans le DIM de le faire, enfin, je compare des
choses qui sont pas comparables, parce que ça n’existe pas forcément en médecine
libérale, mais ce côté où on est touche à tout et on connaît un peu notre
fonctionnement d’un bout à l’autre, je trouve ça assez sympa » (E5).

« Il faut que j'arrive à acquérir les compétences suffisantes pour pouvoir contrôler
le travail de quelqu'un d'autre qui s'occuperait de gestion du cabinet » (E7).

Être indépendant implique une responsabilité et un engagement qui étaient


présentés comme des valeurs de la profession de médecin généraliste :

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« J’aime bien, euh… ce côté on va dire engagé d’un médecin généraliste libéral
envers sa patientèle. Il engage sa responsabilité, il engage pas celle d’une
structure, il est là parfois un peu à rallonge, mais c’est sa façon aussi de montrer
son… sa présence auprès des patients et son suivi » (E5).

Le fait d'être indépendant dans le fonctionnement et l'organisation de son activité


était apprécié :
« Après je trouve aussi que l’activité libérale permet de.. adapter pas mal en terme
de nombre de jours dans la semaine qu’on veut travailler, si on veut prendre une
après-midi de libre, des choses comme ça, donc ça c’est assez.. assez intéressant
aussi, moi là c’est vrai que c’est pour moi un point fort de… un atout pour moi de
l’activité libérale » (E1).

« Enfin moi je suis d'accord dans le sens où oui on garde son indépendance, ce qui
est... c'est très confortable de... de dire ‘oh ben là je vais... je vais poser deux mois,
je vais prendre deux mois de... je sais pas quoi’, et on est libre de ce qu'on veut,
euh... ben jour après jour, le lendemain si on a pas envie d'aller, bon... (rires de la
salle) pour des raisons particulières d'accord, mais euh... mais oui c'est très
confortable en tout cas de pouvoir disposer de son temps comme on veut » (F1).

Les revenus était perçus comme modulables en libéral :


« Ce que j'aime bien dans le libéral aussi, c'est de dire je peux décider de la durée
de mes consultations, j'ai à la fois aussi la possibilité de, bah, entre-guillemets, de
ma rémunération, parce que si je consulte plus vite, je vais gagner plus d'argent »
(E7).

Mais ils restent "plafonnés" :

« Bosser comme un fou pour essayer d'en gagner beaucoup, mais comme on se fait
rattraper derrière par le fisc (rires).... Pour creuser l'écart j'ai compris que c'était
pas évident, y a un moment il y a un plafond de verre, on peut pas atteindre » (E9).

1.6. L'exercice salarié, miroir du libéral

Les internes considéraient que la médecine générale est par défaut libérale :
« [L’exercice salarié de la médecine générale] ça me choque pas plus que ça »
(E4).

« On est libéral » (E9).

SARRADON
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Dès lors le salariat était perçu par les interviewés comme une « solution de repli » pour
ceux qui ne s'adapteraient pas à l'exercice libéral :
« Si un jour tout ce fonctionnement devenait trop lourd, trop contraignant, trop
difficile, trop obscure pour moi, euh… trop chronophage, j’ai cette possibilité de
repli, quoi » (E5).

Le salariat permettrait de se libérer de la gestion du cabinet et de se concentrer sur le


soin :
« Etre salarié dans le sens de pas avoir à effectuer toute la gestion c'est
intéressant » (E7).

« Si ça permet de dégager du temps euh... administratif, de gestion, tout ça, choses


qui me passionnent pas du tout, euh... si je peux faire plus de médecine en étant
salariée et, euh... et me consacrer vraiment uniquement à ça, j'y suis pas opposée »
(F5).

« S'il y a deux maisons médicales à côté et qu'il y a une où on me propose un poste


salarié et une où on le dit tu t'organises comme tu veux, j'irais par facilité, en tout
cas là en sortant de l'internat, là où c'est salarié, pour l'instant. Au début. Après,
peut-être que... enfin, peut-être qu'après je changerai d'avis, mais... moi ce qui me
stress pour l'instant c'est de bien m'occuper de mes patients, moins je passe de
temps sur le reste... » (E12).

L’exercice salarié éviterait les démarches administratives pesantes et la construction


d’une patientèle :
« Certains médecins se dédouanent de… de… de toutes ces, toutes ces démarches à
faire au début pour s’installer. Souvent on leur propose un cabinet qui est déjà
rempli et une patientèle qui est juste devant » (E4).

La charge de travail était perçue comme moindre :


« Enfin c'étaient des horaires de fonctionnaires, euh... tous ses week-end, euh... le
soir à dix-sept heures : plus un chat » (E4).

Mais il impliquerait une perte de liberté dans l'organisation de son activité :


« Etre salarié dans le sens de perdre cette liberté de pouvoir choisir ses jours,
choisir ses horaires, choisir son rythme de consultation, euh... faut voir » (E7).

D'où la perception d'un risque de surcharge de travail selon le rythme imposé :

SARRADON
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« Il faudra voir un... si y a un effectif particulier, travailler tant de jours, euh... voir
tant de patients pour que la structure elle puisse tourner aussi et... et voilà, alors
que j'aime bien pouvoir travailler de la manière dont j'ai envie et... et pas
forcément en voir, je sais pas, un nombre de patients imposé » (F1).

Ainsi qu'un risque de moindre investissement dans son travail :


« La médecine salariale me… me tente un peu moins, parce que… parce que je
m’imagine pas forcément pouvoir m’investir autant que je veux auprès des patients
sur… sur trente-cinq heures à heures fixes » (E5).

Et d'une moindre rémunération :


« Je crois que leur salaire est en moyenne un peu plus faible que celui qu'elles
avaient quand elles étaient en libéral » (E4).

Mais l'appréhension du salariat était limitée pour certains interviewés en raison de


l'absence de maître de stage salarié :
« Euh, je pense que, ce que j’en pense, j’en pense pas grand chose parce que…
parce que j’ai jamais vu le cas en pratique, c’est vrai » (E8).

Toutefois, pour certains interviewés, le salariat permettrait une pratique en accord avec
son idéologie et sa conception du rôle du généraliste :
« Après ça dépend, euh... être salarié dans un dispensaire c'est un autre choix,
euh... un peu... un peu... déontologique et une autre façon d'exercer la médecine, en
fait. Mais je pense que c'est une autre façon d'exercer la médecine » (E7).

« J’avais entendu dernièrement des médecins qui travaillaient dans une structure
qui s’appelle l’ANPAA, autour de l’addictologie et c’est des médecins généralistes
qui sont un peu spécialisés en addicto mais ils sont salariés » (E8).

« Ben là, il me semble que, à Echirolles voilà, y a une secrétaire, des kinés, des
infirmiers, des médecins et tout le monde travaille... enfin tout le monde gagne la
même chose, alors je sais plus c'est 1500 euros par mois, euh... et... tout le monde
gagne la même chose, quoi, c'est... c'est... (F1)
- C'est des communistes ! (rires de la salle) (F4)
- Exactement. Et je sais que y en a qui... chez qui ça convient bien, parce qu'ils
aiment bien... enfin ils aiment bien travailler comme ça, après... oui je pense que
pourquoi pas... » (F1).

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1.7. Synthèse

La gestion d'un cabinet était perçue de différentes façons par les interviewés :
d'une part, elle était perçue négativement comme étant une charge, une source de
problèmes potentiels allant jusqu'à inhiber un projet d'installation ; d'autre part, elle était
perçue de manière plus positive comme offrant l'opportunité d'être indépendant dans
l'organisation de son activité, de moduler ses revenus, et d'exprimer son investissement
auprès des patients. Ces représentations cohabitaient parfois chez la même personne.
Le salariat était perçu comme la figure inversée de l'exercice libéral : un statut qui
permet de se concentrer sur le soin sans avoir à acquérir des compétences en gestion, au
prix d'une perte d'indépendance et de revenus. L'exercice salarié de la médecine générale
manquait cependant de mise en pratique en stage, ce qui ne permettait pas aux internes de
percevoir clairement les avantages et les inconvénients de ce mode d'exercice. Pour
certains, il permettrait une pratique en accord avec l'éthique médicale d'égalité dans les
soins, et avec une idéologie de réduction de la hiérarchie entre les professionnels de
santé.
Ces perceptions dépendaient en partie du sentiment d'être compétent ou non en ce
qui concerne la gestion d'un cabinet.

2. Devenir compétent dans la gestion d'un cabinet

2.1. De façon générale les internes se sentaient insuffisamment formés et compétents

« Pour autant, si demain je décidais de m’installer en cabinet je serais assez flippé,


dans le sens où j’aurais l’impression qu’il y a plein de choses que je ne connais
pas » (E5).

2.2. La formation théorique

Les internes interviewés déploraient notamment un manque de formation théorique


par la faculté :

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« En termes de gestion du cabinet.... j'ai pas... peut être que j'ai fais un oubli
volontaire mais... j'ai pas l'impression qu'on ait eu de formation à la fac... [...]
C'est vrai qu'à part le forum de l'installation du SYREL j'ai pas le sentiment qu'il y
ait... qu'il y ait de formation » (E4).

« On fait dix ans d'études, on n’a pas de cours de compta, on n’a pas de cours de
gestion » (E9).

Ils devaient chercher certaines réponses par eux-mêmes :


« C'est quelque chose qui est nouveau pour nous, qu'on n’a pas de formation faite
par la fac. Là-dessus c'est à nous de chercher » (E1).

« Je me suis renseignée, euh... moi, et donc du coup j'ai... j'ai compris la différence
entre collaborateur / remplaçant, et puis euh... et puis après associé. Euh... mais du
coup, c'est plutôt moi qui ai fait la recherche, c'est pas avec... c'est pas au cours de
mes stages qu'on m'a… qu'on m'a dit les différences » (E3).

Le syndicat des internes (SYREL-IMG) a joué un rôle important dans la formation


des internes en ce qui concerne l'activité libérale, par le biais notamment du Forum de
l'installation (qui valide une formation médicale continue aux yeux de la faculté) :
« C'est vrai qu'il y avait la formation du SYREL, je c'est pas si euh... ça fait partie,
mais hum... j'avais participé il y a 2 ans au Forum de l'installation, hum... qui était
la première édition du SYREL, et là pour le coup c'était hyper bien abordé, et euh...
c'est vrai que je me rappelle pas forcément de tout euh... de tête, mais j'avais pris
des notes, et c'est vrai que ça mettait bien les idées en place, c'était bien clair, et là
ça disait bien justement les cotisations à qui il fallait... enfin auprès de quel
organisme il fallait s'inscrire, que ce soit en tant que remplaçant ou avant de
s'installer » (E1).

« Et bien justement les formations médicales continues qu'on essaie d'organiser au


SYREL, donc on organise des choses avec l'association RéAGJIR, qui nous permet
d'en savoir un peu plus et, et de savoir un peu plus comment ça fonctionne au
niveau du remplacement. Et puis, euh... voilà, y'a que les formations médicales
continues qui nous permettent de faire ça, et euh... par... c'est plutôt les étudiants
qui organisent ces formations médicales continues, que ce soit en lien avec
l'URSSAF, que ce soit en lien, ben comme je disais, avec RéAGJIR, euh... ou avec
euh... des comptables, pour comprendre un peu plus » (E7).

« En fait en gros c'était par le SYREL qui nous disait que c'était important d'avoir
une prévoyance » (E3).

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Les organismes d'assurance ou de prévoyance fournissent informations et conseils,


avec une disponibilité appréciée. Ils étaient considérés comme fiables par les
interviewés :
« Je me demande s'ils nous ont pas contactés, euh... pour nous parler de la
prévoyance aussi... parce que du coup j'ai ma complémentaire chez eux, une
complémentaire santé... je sais pas si c'est pas eux qui m'en ont parlé. Et puis j'ai
eu une grossesse pendant mon internat, donc je voulais avoir une prévoyance,
euh... une prévoyance grossesse pendant l'internat qui d'ailleurs ne m'a pas servie
au final, mais euh... mais du coup voilà, je suis chez eux et je pense que je resterai,
je resterai chez eux. Enfin je sais que voilà la MACSF ils connaissent les médecins,
en fait. Il y a deux-trois prévoyances qui savent gérer, euh... les médecins, donc
euh.... je pense, je pense même pas, par exemple, à faire jouer la concurrence, je
pense que je vais regarder leur dossier et puis je vais continuer chez eux. Quand on
les appelle, on a tout de suite les informations, et puis ils nous connaissent, ils
savent notre métier, ils savent comment ça fonctionne et je trouve que c'est quand
même assez, euh... assez sécurisant, quoi » (E3).

« Et du coup je suis contente d'avoir quand même eu ces premiers contacts, ces
premières infos, et puis euh... et je sais maintenant, enfin... je connais quelqu'un
dans ces organismes qui est super présent, en tout cas qui a l'air super présent, et
compétent, et qui me dit ‘au moindre souci, tu me passes un coup de fil, on change
ta situation très très vite... et puis s'il faut revenir en arrière on revient en arrière’...
voilà, donc c'est surtout aux A.G. du SYREL que j'ai été sensibilisée à ça et puis
maintenant je suis contente de mon contact chez eux » (E4).

Même si une interne se méfiait d'une possible vulnérabilité au démarchage, et souhaitait


disposer d'une information sans lien d'intérêt :
« Qu'on nous dise vers qui on peut se tourner pour nous aider à l'installation, que
ce soit au niveau de l'ARS, ou que ce soit au niveau aussi budget, concrètement,
euh... plutôt que d'être démarché par des banques qui nous disent "il faut venir
chez nous, il faut faire comme ça", quelque chose d'un peu plus officiel » (E7).

2.3. La formation lors des stages

Les stages (ou les remplacements) ont permis aux interviewés d'observer la
gestion d'un cabinet :
« Qu'est-ce que j'en ai vu, euh... c'était essentiellement euh... ben lui il faisait sa
comptabilité tous les soirs, donc il vérifiait les... le nombre de patients qu'il avait
vu, si ça avait été bien enregistré dans sa compta', euh... en fonction des

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différentes cotations, euh... donc il notait d'abord sur une feuille papier pendant...
au fur et à mesure des consult' et puis après le soir il vérifiait sur le logiciel
intégré... sur son logiciel patient en fait » (E2).

Ils ont également permis de pratiquer cette gestion :


« Mais à force de, d'être investie dans leur cabinet, de voir leurs patients, ben voilà
de devoir faire la facturation nous-même, parfois de devoir gérer les rendez-vous
tout ça, c'est vrai qu'on, qu'on apprend forcément des, des... p'tites chose quoi »
(E1).

« Je faisais la compta, au fur et à mesure de mes stages, euh… le soir avec mes
prat’, euh… j’ai appris à faire la télétransmission, euh… j’ai un petit peu
appréhendé la gestion des stocks à travers parfois des choses que je recherchais et
que les secrétaires me disaient qu’elles allaient commander, j’essayais de
participer à l’effort de scannage et numérisation de certains documents, c’est les
grandes choses qui me viennent en tête » (E5).

Ils ont surtout offert aux internes la possibilité de comparer différentes organisations,
différents matériels ou logiciels :
« Alors ça, j'en ai moins discuté directement avec mes praticiens, par contre, je l'ai
un peu vu par moi-même, parce que j'ai vu des... j'ai vu des organisations
différentes, par exemple une maison de santé qui avait deux secrétaires à plein
temps sur place, euh... un autre qui avait une secrétaire qui était son épouse, qui
ont un lien forcément un peu particulier, un autre qui a pas de secrétaire sur place
mais qui a une secrétaire téléphonique, euh... y'en a un autre qui a pas de
secrétaire du tout, donc qui reçoit tous les appels lui-même » (E1).

« C'était le logiciel Weda là-bas, et sinon c'était euh... dans l'autre cabinet où
j'étais c'était... Hellodoc. Euh.... ben Hellodoc je trouvais ça pas trop fonctionnel
(rires) » (E2).

« A travers les quelques remplas que j’ai fait je trouvais ça… enfin tout le temps en
rempla je me disais ‘plus tard dans ma gestion de cabinet je prévoirais plutôt
d’avoir tel matériel ou tel matériel, j’aimerais bien que mon secrétariat fasse telle
ou telle tâche, fonctionne de tel moment à tel moment, ce logiciel je le trouve pas
très ergonomique, cette façon de ranger les dossiers je la trouve pas très pertinente
(sourire)’ » (E5).

A ce titre, le stage ambulatoire au cours de l'externat était jugé profitable par les
interviewés :
« Quand j'étais externe, j'ai vu une femme qui travaillait seule. Mais dans mes

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stages d'interne j'ai vu que des cabinets de groupe. Alors celle qui travaillait seule
elle était drôlement organisée, hein. Elle travaillait énormément, mais j'ai un super
souvenir de l'organisation » (E8).

« J'avais vraiment aucune idée de comment ça se passe chez le médecin


généraliste. Donc, euh... je pense que ouais, ça m'a quand même ouvert les yeux
sur des choses, sur un fonctionnement, sur des possibilités qu'il y avait. Euh... je
m'y suis pas plongé dedans corps et âme, mais on m'a fait manier les logiciels, j'ai
pu avoir un peu des idées de ce que faisait un secrétariat, ça a été une initiation »
(E5).

Certains maîtres de stage étaient bien investis dans cet aspect de la formation :

« Mes prat’, euh... avec qui parfois j’échange directement à ce sujet-là, donc c’est
une formation directe avec eux » (E5).

« Ben mon prat' niveau 1 qui parlait beaucoup, ben justement il tenait à cœur de
regarder.. enfin de montrer comment lui il faisait. [...] il était plutôt bon, il était
très organisé, moi je suis bordélique, et j'ai beaucoup appris à son contact » (E9).

« C'est l'AGA qui l'a formée, elle. Mais du coup elle essaye de transférer aux
autres... enfin elle... les internes qui passent chez elle, elle essaye de les former »
(E11).

Cependant les stages ne leur ont pas permis de se sentir pleinement compétents en gestion
de cabinet :
« C'est vrai que... c'est pas forcément quelque chose qu'on aborde spontanément
avec les prats, je trouve » (E1).

«Moi je n'ai fait que mon stage chez le praticien, et il vient de se terminer, et
globalement, en gestion de cabinet, euh... à part de faire la comptabilité
simplement en fin de journée et.... de lire les biologies qu'on reçoit et participer à
la lecture du courrier j'ai pas fait grand-chose de plus dans la gestion d'un
cabinet » (E7).

Notamment parce que la formation médicale était privilégiée par rapport à la formation à
la gestion :
« Mais après c’est vrai que sinon l’organisation, euh… je vois pas grand-chose
d’autre. C’est vrai que j’ai pas vu… j’ai fait que, essentiellement, la partie
consultations, quoi » (E6).

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« Moi j'ai vraiment eu des maîtres de stages qui étaient plutôt axés sur la formation
médicale, plutôt que sur la formation gestion du cabinet » (E7).

Et par manque de disponibilité des maîtres de stage :


« C'est vrai que dans mon stage SASPAS le médecin il m'avait dit ‘faudra qu'on
prenne un temps pour parler de la gestion du cabinet’, justement, et on l'a jamais
fait » (E8).

«C'est vrai que c'est pas forcément avec les prat' qu'on pose la question, et puis des
fois quand on pose la question en fait ils ... c'est pas trop eux qui gèrent et ils
savent pas. Enfin je sais qu'en stage prat' niveau 1, quand j'avais dis que j'avais
comme objectif de savoir un peu, euh... le côté administratif des choses il m'a dit
"ben ça faut pas compter sur moi, voit avec ton autre prat' " (rires). Et là les, les
deux, les deux... ils m'ont dit "ah, ben on va te montrer la déclaration, etc..." et
pour l'instant ça n'a toujours pas été le cas, faudra peut-être que je redemande....
Ben... y'a pas de formation là-dessus » (E3).

Les mises en situations en stage étaient jugées insuffisantes :


« Enfin ça je pense que la gestion comptabilité c'est toute une autre part et euh... et
c'est vrai qu'on en a un petit peu parlé, mais pas énormément finalement, on m'a
montré quelquefois mais comme j'ai pas encore ni remplacé ni fait de SASPAS ou
de choses comme ça, euh... je vois à peu près comment ça marche mais euh...
vraiment sans plus » (E4).

« Participer à la gestion du cabinet… non j’ai… en fait j’ai jamais participé à ces
réunions, je sais qu’elles avaient eu lieu pendant mon stage SASPAS mais c’était
toujours sur des jours où moi j’étais pas là » (E8).

Ou elles n'étaient pas considérées comme représentatives de l'activité d'un médecin


installé, du fait de la présence de l'interne un seul jour par semaine et non pas une
semaine complète, ou du fait du statut particulier de l'interne :
« Mais... j'ai pas de... Y a pas de responsabilité, y a pas de... enfin.... et puis on gère
les urgences du jour, quoi, s'il y a un soucis, qu'il faut rappeler.... Mais y a pas de
gestion à gérer sur la semaine, ou de choses comme ça […] les deux praticiens qui
n'ont pas de secrétariat, le téléphone sonne pas non plus trop-trop le jeudi, parce
que les gens savent que c'est l'interne et que j'ai que les urgences... Alors je suis
quand même pas trop parasitée par rapport à un stage avant où j'étais en niveau 1,
où le téléphone sonnait vraiment tout le temps et où on était vraiment parasité
pendant toute la consult' quoi » (E3).

« Les visites je sais pas... oui des visites mais je sais pas quand est-ce que je les fais

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(rires). J'ai pas encore trop expérimenté »( (F4).

« Quand t'es remplaçant c'est moins pénible de faire la compta, quand c'est tes
sous que tu vas toucher, euh... tu... y a un truc (rires) c'est bizarre mais t'es
beaucoup plus consciencieux et ça te parle beaucoup plus. Alors quand c'est pour
un autre médecin t'es là “ouais, chèque ou carte bancaire c'est pareil” (rires) »
(E11)

De plus les internes n'ont pas eu d'exemple de médecin travaillant à temps partiel :
« Moi je sais que je voudrais pas beaucoup travailler, donc je sais pas comment il
faudrait que je gère ça avec le budget, est-ce que du coup j'aurais le budget d'avoir
une secrétaire, même si je pense que c'est important » (E8).

2.4. L'apport de l'expérience en tant que patient

Les internes ont pu tirer profit de leur expérience en tant que patient :
« Ou à la rigueur partager un cabinet à deux et faire un mi-temps. Je sais que le
médecin généraliste où j'amène mon fils les horaires, c'était je sais pas 8h30-14h
et 14h-19h » (E3).

« Après moi, passé un moment, je suis allée voire une homéopathe [en tant que
patiente], et qui travaillait dans un cabinet de groupe. Donc je voyais qu'il y
avait... y avait une secrétariat également, et voilà, sinon elle m'a parlé de
comment était organisé son cabinet, mais euh... voilà, c'est surtout ça, mes deux
contacts vraiment avec des gestions de cabinet » (E8).

A l'inverse, un interne déplorait ne pas avoir eu cette expérience :


« Etant fils de médecin, je fais partie de ces personnes qui n'ont jamais vu de
médecin traitant de leur vie, à tort, et euh... et du coup c'est vrai que j'avais jamais
été dans un cabinet de médecine générale, donc j'avais vraiment aucune idée, et
quand j'en parle avec des personnes qui sont avec moi en médecine et qui ont eu
des vies plus classiques où ils sont allés chez le médecin pour des certificats de
sport ou des angines, je me rends compte qu'il y a plein de trucs qui font partie de
leur... euh... de leur imaginaire d'un médecin généraliste ou de leur fantasme du
médecin généraliste ou de l'image du médecin généraliste, que moi j'imaginais pas
du tout, quoi. J'avais vraiment aucune idée de comment ça se passe chez le médecin
généraliste » (E5).

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2.5. La formation par les pairs

Les échanges et le partage d’expériences avec les pairs jouaient un rôle important
selon les interviewés :
« J'ai vu un peu un... une page Facebook sur internet qui s'appelle ‘le divan des
médecins’ où les gens... il y a beaucoup de médecins qui échangent beaucoup sur
différents aspects, que ce soit sur l'installation, le type d'installation, les démarches
à faire pour les... pour les assurances, pour la retraite, etc... donc je vais essayer de
glaner un petit peu des informations de ce côté-là » (E2).

« Enfin voilà, on demande aux copains comment ils ont fait » (E3).

« Et puis sinon, je pense que... sinon au cours d'un échange avec son tuteur ou sa
tutrice ça doit pouvoir être faisable si on pose la question, je sais pas si c'est
quelque chose qui est nécessaire à tout le monde ou que moi je ressens, mais je
pense que le tuteur est aussi là pour ce genre d'info » (E4).

« [Le support le plus intéressant ?] : A part l’expérience d’autrui je vois pas. Après
je sais pas, c’est un truc qu’on a assez facilement par l’expérience des autres, je
trouve » (E6).

D'autres prévoyaient de chercher de l'aide auprès de professionnels ou de référents :


« Je sais qu'il y a des aides pour aussi, certainement, pour les.... pour les... pour la
structure en soi... enfin pour le cabinet en soi, donc euh... je voulais rencontrer la
dame de... c'était de l'ARS » (E2).

« Les AGA proposent aussi des formations » (E3).

« Le seul truc que j'en retiens c'est vraiment l'apprentissage des contacts, vers qui
demander des informations » (E7).

2.6. La formation à la gestion n'est pas une priorité pour les internes

Certains interviewés ne ressentaient pas la formation à la gestion du cabinet


comme une priorité :

« Et j’ai d’autres préoccupations en ce moment donc euh … Ouais. J’avoue que je


m’y pencherai quand… pour le moment je serais plus dans l’observation de
différentes organisations, et voir comment je peux faire au mieux. Pour le moment
j’y pense pas trop » (E6).

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« En fait je me sens pas concernée encore. Enfin, pas encore. Je sais que je le ferai
un jour, mais pour l'instant c'est pas... c'est pas dans mes priorités (rires). Ça me
paraît loin » (E8).

Les internes privilégiaient la formation relative aux aspects médicaux de leur


pratique et les formations obligatoires :

« Et bien je trouve qu'on en a pas beaucoup, euh... d'enseignements de gestion du


cabinet. Moi j'ai vraiment eu des maîtres de stages qui étaient plutôt axés sur la
formation médicale, plutôt que sur la formation gestion du cabinet, et j'ai pas
forcément été plus demandeuse que ça, même si je sais que je vais avoir à le faire
plus tard. Euh... pour l'instant j'étais un peu focalisée sur les, les compétences
médicales, plus que sur les compétences de gestion du cabinet » (E7).

« Je pense que pendant ce stage là il y avait déjà tellement de choses à apprendre,


tellement de choses à faire, j’avais surtout l’envie, je pense que je suis pas le seul,
de faire bien ma journée, de passer du temps et de faire bien mon métier au niveau
des patients, le soir j’avais plutôt envie de m’aérer l’esprit, profiter de moi, et
plutôt répondre aux obligations en temps et en heures, quoi. On nous demande de
répondre, de rendre un mémoire, on nous demande de commencer la thèse, on nous
demande de nous former, y a des prises en charges qu’on doit réviser sur des
patients, je priorisais les choses obligatoires, et ça, ça me paraissait plus lointain
et flou » (E5).

« Je réfléchissais à aller au Forum de l'installation, peut-être pas pour le moment


parce que pour le moment j'ai déjà pas mal de... entre le RSCA et le mémoire de
DES, c'est déjà pas mal (rires) » (E6).

Ils différaient donc leur formation à la gestion, jusqu'au moment où les choses
deviendraient plus concrètes :
« C'est vrai qu'il va falloir que je m'y intéresse et que je planche là-dessus un jour,
mais je repousse un peu au maximum à vrai dire (rire) » (E1).

« Et puis je vais déjà voir un petit peu en commençant les remplacements, je me dis
que ça me permettra d'avoir une première approche en échangeant avec les
médecins sur place. Je serai un petit peu contrainte de me renseigner à ce moment-
là, quoi (rire) » (E2).

« J'y pense pas du tout en ce moment, j'ai pas du tout réfléchi, j'ai pas... j'ai pas les
bonnes interrogations, je pense que les interrogations viendront au moment de....
de l'installation je pense, surtout » (E6).

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2.7. Comment devenir compétent ?

Pour les interviewés, les compétences en matière de gestion s'acquerraient en


poursuivant la pratique, afin de continuer à tester en situation réelle, de comparer, et de
retenir ce qui convient à chacun :
« Mon projet c’est plutôt de faire des rempla’ pendant au moins 2 ou 3 ans, euh..
dans le but de voir encore des activités différentes, et surtout de voir comment ça
marche dans d’autres régions » (E1).

« C'est d'ailleurs pour ça que beaucoup d'entre nous remplacent pour voir en fait
différents systèmes et voir celui qui s'adapte le mieux à nous, quoi » (E3).

« Ben les remplacements, certainement, euh... pareil de voir à nouveau de


nouvelles manières de fonctionner, d'être peut-être un peu plus dans le vif du sujet
en ce qui concerne la comptabilité et euh... peut-être la planification directe des
rendez-vous » (E4).

Certains considéraient que la formation théorique serait mieux assimilée si elle


intervenait après une première expérience pratique :
« [Le Forum de l’installation] Je l'avais fait une première fois, en premier ou en
deuxième semestre, pour avoir un aperçu de la chose, mais je m'étais dit "bon,
faudra que j'y retourne", parce que ça fait beaucoup d'info et tout est pas encore
très concret, et puis là j'y suis retournée exprès cette année, et c'est bien parce
qu'on nous redit les mêmes choses mais on les prend vraiment d'une façon
différente et surtout toute la partie assurance, impôts, compta, toutes ces choses-
là » (E4).

« De mon expérience ça n’a aucun sens de le faire, euh… avant d’être allé chez le
prat’. C’est vraiment, des trucs complètement abstraits, je pense qu’il faudrait le
proposer peut-être en, en fin de stage prat’ » (E5).

Cette formation théorique devrait apporter des notions de bases :

« Euh j'aimerais recevoir, euh... des informations en fait extrêmement pratiques,


sur quelles sont les démarches à faire, auprès de qui, euh... éventuellement
quelques notions de comptabilité, en fait, on en n’a absolument pas, quelques
notions aussi sur la gestion du temps, en fait un côté très très organisationnel, [...]
Euh... vraiment, mais vraiment les notions de bases, comment lire une... enfin,
comment, si on emploie quelqu'un, comment on fait une fiche de poste, comment on
fait une fiche de salaire, comment on gère une comptabilité, ces notions de base là
on ne nous en parle jamais à la faculté » (E7).

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« Il y avait une base à connaître qu'on a pas du tout, qui aurait mérité d'avoir
quelques cours à la fac, avec un prof de compta, pour apprendre le B à BA. De
comment on fait les charges, qu'est-ce qu'on peut déduire, comment... » (E9).

Les interviewés ont exprimé différentes idées concernant cette formation théorique :
- elle pourrait se faire sous la forme d'une journée d'étude :
« Ça pourrait faire l'objet d'une journée d'étude pendant le stage prat', ou une
demi-journée peut-être que ça suffit » (E4).

« Donc qu’il y ait un onzième ou douzième cours qui soit sur l’installation et la
gestion du cabinet » (E5).

- ou d'un séminaire :
« Euh... pour moi une formation théorique, enfin théorique où on me parle de cas...
de théorie et puis après de cas très pratiques, une espèce de séminaire sur la
gestion du cabinet, mais vraiment axé là-dessus, où à la fois on me donne la
théorie, on m'explique comment gérer, la comptabilité tout ça, plus des gens qui
témoignent et qui me racontent comment eux ils sont organisés. J'aimerais... ce
genre de formation j'irais volontiers. Peut-être que ça existe, hein, je me suis
jamais renseignée » (E8).

- la rendre obligatoire afin qu'elle ne soit pas délaissée au profit d'autres


formations :
« J’aimerai presque mieux que ce soit quelque chose d’obligatoire qui fasse partie
notre cursus, quoi. Alors c’est vrai qu’on est grand maintenant, on a plus douze
ans, donc euh… on devrait être capable d’aller à ces formations… optionnelles,
mais y a tellement de formations optionnelles, et puis le temps manque parfois, que
ça serait plus simple pour moi si c’était intégré dans notre formation » (E5).

- avec un support écrit centralisant l'ensemble des informations :


« Alors je me demande si par écrit simplement ça pourrait pas suffire, j'en sais
rien, euh... après par écrit ou dans le Portfolyon, c'est peut être un peu tôt pour
donner ce genre d'info, mais quoi que, il pourrait y avoir peut-être un... un
document ou je sais pas, ou en ligne sur euh... peut-être qu'une fiche écrite pourrait
suffire, euh... sinon au cours éventuellement du forum de l'installation, euh... avoir
un petit, un petit atelier "le cabinet en pratique", euh... comment trouver sa
secrétaire, euh... comment s'inscrire sur Doctolib, enfin j'en sais rien, des trucs
comme ça, comment gérer ses stocks ... » (E4).

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
46

« Il faudrait je pense au moins un livret d'information disant : "vous êtes interne en


médecine générale, vous voulez vous installer, voici les démarches à faire, etc...",
avec euh... les contacts qui sont répertoriés, un petit peu au même endroit,
premièrement » (E7).

Ce type de guide était d'ailleurs jugé utile par une interne qui en connaissait un :
« J'avais téléchargé un jour, il y avait un guide... c'était plutôt pour les
remplacements, mais de RéAGIIR ou REAGIRA, je sais plus. Mais voilà, un petit
guide que j'avais trouvé sur internet mais qui est assez simple et bien explicite »
(E1).

2.8. Synthèse

Ainsi les internes interviewés se sentaient mal préparés à la gestion d'un cabinet.
Ils considéraient avoir des lacunes théoriques et avoir été insuffisamment mis en
situation. Cette formation à la gestion était jugée secondaire par rapport à l'acquisition de
compétences de soin, à la fois par les maîtres de stage et par les internes. Le temps et
l'envie manquaient pour s'y consacrer.
Les organismes privés d'assurance ou prévoyance proposent des conseils, leur
disponibilité était bienvenue et ils étaient considérés comme fiables. Aussi peut-on
craindre que les internes soient la cible d'un démarchage commercial auquel leur manque
de formation les rend vulnérables.
L'acquisition des compétences nécessaires à la gestion d'un cabinet nécessite la
poursuite d'expériences de terrain, pour tester ses besoins en situation réelle, continuer les
comparaisons entre les différentes organisations mises en place par les médecins seniors,
afin de trouver l’organisation qui convient à l’individu en fonction de ses aspirations et de
sa personnalité. A ce titre, l'aide des pairs sera recherchée.
Mais cela nécessite aussi une préparation théorique qui devrait :
- apporter des bases de comptabilité et rappeler les démarches administratives à
entreprendre avant une installation,
- intervenir à partir du stage praticien, pour pouvoir être reliée à son application
pratique,
- être obligatoire pour ne plus être délaissée,

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
47

- sous la forme d'un journée d'étude ou d'un séminaire,


- être accompagnée d'un guide écrit, de source officielle et sans conflit d'intérêt,
qui centraliserait l'ensemble des informations, notamment les différents contacts et
référents, afin que les internes puissent s'y référer au moment où ils en ressentent le
besoin, ce qui peut intervenir à distance de leur formation initiale (après une période de
remplacement, par exemple).

3. Quels projets professionnels?

3.1. Un projet non défini

Les internes n'avaient pas de projet arrêté et souhaitaient poursuivre leurs


expériences. Ils restaient très ouverts :
« Moi je pense que je n’ai pas de… je reste assez ouverte là-dessus, j’ai pas
forcément un type qui m’intéresse plus que l’autre [...] je reste ouverte à tout, je…
pourquoi pas l’un, pourquoi pas l’autre, je pense que ce sera surtout par rapport
aux offres qui se présentent, quoi… je vais pas chercher un type en particulier, ce
sera plus… voilà, c’est plus… selon mes remplacements aussi » (E1).

« J’avoue que je suis pas encore fixé sur une pratique euh... seul, en groupe, avec
ma copine, de manière séparé, en maison de santé, je trouve que tous les exercices
ont des avantages et des inconvénients, et du coup je vais aussi voir beaucoup en
fonctions des opportunités qui se présentent » (E5).

Ce besoin d'expérimenter pour faire un choix ressortait lorsqu'on les interrogeait sur les
modèles de soins primaires existant à l'étranger :
« Je trouve que c'est difficile sur une définition de s'imaginer, de se représenter tout
un système de soin. Je... je comprends les termes et tout ça mais je me dis que
finalement si on n’a pas été dans ce genre de truc, on voit difficilement les
avantages et les inconvénients » (E9).

« Ce serait intéressant de voir le fonctionnement vraiment [avec un assistant


médical qui aiderait à la prise des constantes], pour avoir un avis un peu plus
tranché » (F3).

SARRADON
(CC BY-NC-ND 2.0)
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Ils restaient ouverts y compris sur le mode d'exercice libéral ou salarié :


« Mais je suis pas, enfin je suis pas... ni opposée au salariat, ni... ni opposée au
paiement à l'acte, je pense que... qu'il y a des bons et des mauvais côtés dans les
deux systèmes, euh... ouais, voilà » (F5).

Les modèles observés en stage ont permis à certains de se projeter dans un certain
type d'exercice :
- soit en les ouvrant sur un mode d'exercice qu'ils n'avaient pas envisagé :
« A la base, quand je suis arrivée en médecine générale, le but c'était de faire ça,
de faire une MSP. Et finalement, sur le prat' niveau 1 j'ai vu l'autre travailler tout
seul et réussir à très bien s'en sortir, et que finalement c'est peut-être bien plus
rentable (rires) » (E9).

- soit en les confortant dans leur première intention :


« C'est vrai que, lorsque je parle, je me rends compte que je parle essentiellement
de cabinet d'équipe, à plusieurs, alors que franchement je suis pas certaine de...
moi, à vrai dire, quand je me projette, je sais pas pourquoi je parle de ça parce que
quand je me projette je me vois plus travailler chez moi » (E8).

Leurs besoins, en terme de connaissances, de personnes ressources,


d'investissement, etc... dépendront de leurs choix :
« Je pense que ça dépend pas mal de l’activité… hum.. je pense que c’est difficile
d’être propriétaire de locaux d’une maison de santé, parce que c’est forcément des
choses plus grandes…. Alors qu’à l’inverse je pense que quand on travaille seul…
enfin, les médecins qui exercent seuls sont propriétaires de leurs locaux, puisque
c’est souvent plus petit, et… je pense plus facile à gérer » (E1).

« En fonction de ce choix que j’aurais, si je m’oriente vers une médecine de groupe


ou vers une médecine de cabinet seul, je pense que ma gestion de cabinet va
prendre une tournure très différente, j’ai vu des médecins seuls qui avaient une
gestion de cabinet que je trouvais intéressante mais qui était pas applicable sur un
cabinet de groupe et vice versa » (E5).

« C’est juste qu’après, ça dépend d’où on est installé, on n’a pas les mêmes
interlocuteurs » (E6).

3.2. Les déterminants du choix

SARRADON
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Les internes interviewés ont relevé un certain nombre de facteurs pouvant


influencer ou déterminer leur choix:
- le lieu d'exercice est également celui du lieu de vie :
« Mais c’est vrai que… ben après pour des convenances personnelles, ben
j’aimerais aller euh… plus proche des montagnes » (E1).

« C'est où est-ce que je voudrais bien travailler, où est-ce que... enfin, sachant que
je voudrais travailler pas trop loin de là où j'habite, parce que faire de la route
c'est chiant. Et après le reste... ffff... je pense que ce sera pas des... des gros
problèmes » (E6).

- l'environnement médical :
« Et puis je pense une facilité d'accès à… à des spécialistes, à… à des plateaux
techniques, peut être aussi, si besoin, une bonne relation avec un hôpital de
proximité » (E4).

- l'investissement financier qui peut faire peur comme être souhaité :


« Ben peut être que s'il y a trop d’investissement, de fonds personnels à faire, ça
serait un frein, parce que… ben pareil, en terme d'engagement moi ça me ferait un
peu peur de devoir faire un énorme prêt, ou de devoir m'endetter pour le, pour le
cabinet quoi » (E1).

« Mais moi je préférerais m'acheter les locaux. Pour que ça soit plus rentable en
fait, parce que du coup, là, le... la location, on la déduit des impôts, mais si j'achète
je déduis aussi des impôts mon crédit donc y a pas de... derrière il me reste quelque
chose, alors que la location il me reste rien du tout, quoi. Et euh... ça c'est quelque
chose qui me fera réfléchir au moment où on me proposera la collaboration, enfin
si tout le reste me plais je dirai oui, mais si y a autre chose en plus, ça me... enfin je
dirai plutôt non, quoi » (E3).

- à ce titre, les aides financières à l'installation ont été évoquées une fois :
« Pour ce qui est pour les aides à l'installation, là, dans les zones déficitaires, ça
j'avoue que c'est un... un argument... alors après ce sera pas totalement
déterminant, mais euh... c'est vrai que je regarderai peut être un petit peu en
fonction » (E2).

3.3. Créer ou rejoindre une structure ?

Créer une structure permettrait de la modeler à son image :

SARRADON
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« Il est vrai que c’est ce qui me donne envie de potentiellement monter un cabinet,
ou un cabinet de groupe, c’est d’avoir une sorte de possibilité de, de poser des
choses dès le départ sur ces systèmes de gestion. Des fois j’ai l’impression que
parfois c’est plus simple de s’intégrer à un fonctionnement et d’apprendre sur le
tas, mais qu’on se sent plus pieds et mains liés à…. Ouais, pieds et mains liés à ce
qui est déjà proposé. En tout cas j’ai envie que ça fasse partie de mon installation,
de mettre en place des choses sur le plan de la gestion du cabinet. J’ai pas envie de
le subir, j’ai envie de me l’approprier vraiment » (E5).

Mais sa création peut être trop lourde :


« C’est vrai que je pense que monter une structure multidisciplinaire de toute
pièce, c’est quand même plus lourd que d’arriver si c’est… si c’est déjà fait » (E1).

Et arriver dans une structure où tout est en place est attractif :


« Pour l'instant, j'ai aucune idée de comment j'ai envie de m'installer, mais
clairement les endroits où la gestion du cabinet sera facilitée par euh... que ce soit
une maison de santé où on nous propose déjà des choses un peu... un peu facilitées
en terme de gestion et de création de cabinet, et bien ça va forcément impacter mon
choix, en fait, derrière… » (E7).

« Ben moi, si tout est monté qu'il y a juste un bureau à occuper et à travailler, ben y
a pas de soucis » (E11).

Le statut de collaborateur pouvait permettre de rejoindre une structure sans les contraintes
d'une association :
« Mon chef il m'a expliqué aujourd'hui qu'il valait mieux se mettre en
collaboration que en remplacement fixe quand tu fais trois jours par semaine, ou
deux jours par semaine, parce que tu commences à cotiser pour je sais pas quoi,
j'ai pas compris, et que t'as tes patients qui sont à ton nom, quoi, et pas à... Et
après même si tu te poses dans un cabinet juste à côté tu peux les emporter avec
toi. Et puis les gens peuvent prendre rendez-vous avec toi, quoi. Et puis il m'a dit
les contrats de collaboration tu peux les faire durer que un an ou... enfin c'est pas
du tout quelque chose de compliqué à mettre en place » (E12).

3.4. Le cadre et l'organisation de travail

Les internes interviewés estimaient que le cadre et l'organisation de travail doivent


être agréables et fonctionnels :

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- pour le médecin :
« Là typiquement, j'ai un maître de stage qui a des locaux qui... que j'aime pas du
tout (rires) c'est en renfoncement, y a pas de fenêtre, le cabinet il est tout petit, c'est
étriqué, il y a de la moquette par terre et je pense qu'avant il était fumeur mon prat’
donc ça sent vachement ! C'est bête mais du coup ben ça donne pas envie, moi ça
me donne pas envie d'y aller, d'exercer et du coup » (E1).

« Par contre au niveau rendez-vous, je pense que c'est... c'est ça qui m'a le plus
marqué, parce que je pense que c'est déterminant sur la façon ensuite dont... dont
tu vis tes journées » (E4).

« [Je voudrais] un palmier au milieu de la salle de consultation (rires), un peu de


verdure. Nan, euh... je sais pas, un truc spacieux, lumineux. » (E10)

- pour les patients :


« De la place pour accueillir une maman qui viendrait avec ses 2 enfants plus une
poussette » (E1).

« J'aimerais avoir une secrétaire sur place, parce que je pense que c'est vraiment
un apport supplémentaire... pour les patients » (E2).

« Mettre des écrans en salle d'attente. Les gens, ils regardent moins les affiches
mais ils regardent les écrans » (F4).

- pour accueillir un futur interne :


« Est-ce qu’on fait un logement pour des remplaçants, pour les internes, comment
on reçoit les internes, comment on organise les jours de présence des internes, ça
fait partie de la gestion aussi » (E8).

« Et en plus une salle euh... voilà, entre-guillemets, urgence dans lequel pourra
être le SASPAS quand il est là » (F4).

3.5. La gestion du planning

Certains interviewés ont exprimé le souhait de ne pas travailler tous les jours :
« J'aimerais bien ne pas travailler le samedi et le dimanche (rires). Et puis, oui, le
soir, finir pas... oui avoir la dernière consult' à 18h pour finir à 18h30, parce
qu'après j'ai un enfant donc j'aimerais m'en occuper un petit peu » (E2).

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« Je pense pas que je travaillerai tous les jours (rires du groupe) comme beaucoup
je pense ! » (F5).

D'autres souhaiteraient travailler un nombre limité de journées, mais avec des horaires
étendus afin de maintenir des revenus corrects tout en rendant service aux patients :
« C’est vrai qu’avoir un jour de libre ça me tente bien, et en contrepartie, ben, de
rester peut-être tard le soir, je pense que c’est pratique pour les patients,
notamment ceux qui travaillent et qui sortent tard, d’avoir leur médecin dispo dans
la soirée, quoi » (E5).

« Du coup, en sachant que je travaille deux jours et demi par semaine je suis prête,
voilà, à faire des plus gros horaires, enfin voilà, commencer peut-être à 8h-8h30 le
matin et finir plutôt à 19h, voire un peu plus tard si besoin » (E3).

Les revenus peuvent être complétés par les gardes plutôt que par l'augmentation du temps
de travail hebdomadaire :
« Je sais que bon en travaillant deux jours et demi par semaine, euh... j'espère
avoir entre 2000 et 3000 euros pour moi. […] Et voilà je suis prête à la rigueur à
faire plutôt une garde par mois de week-end, ou un samedi matin ou... voilà, des
choses pour rajouter si besoin » (E3).

« Et je me voyais travailler trois jours et demi par semaine, ou alors trois jours et
prendre une garde en maison médicale de temps en temps. » (E12).

3.6. La délégation de tâches

3.6.1. Les tâches non médicales

Les interviewés envisageaient aisément une délégation des tâches administratives,


avec des nuances selon le coût supposé.

A ce titre, le secrétariat est jugé indispensable :

« J’ai l’impression qu’avoir une secrétaire c’était indispensable » (E2).

Il peut être sur place pour une meilleure efficacité... :

« J'aurais une préférence pour quelqu'un sur place, que quelqu'un de délocalisé

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parce que il y avait toujours des appels qu'il fallait repasser trente-six fois pour se
transmettre les infos » (E4).

... ou à distance pour un moindre coût :

« Parce que déjà ça coûte moins cher » (E3).

Cependant certains pensaient que la prise de rendez-vous en ligne a ses limites... :


« J'avais un cabinet où il y avait pas de secrétariat, et juste le... le logiciel de prise
de rendez-vous. Je trouve que ça fonctionnait plutôt pas mal, sauf que du coup
comme y avait pas de secrétariat, y avait quand même des patients qui appelaient
pour prendre les rendez-vous, donc au final bon, ça jouait pas totalement son rôle,
enfin pas à 100% comme une secrétaire » (F2).

...mais permettrait de libérer du temps pour les secrétaires :


« L'idée de la prise de rendez-vous en ligne, enfin je trouve que c'est quelque chose
de.... d'intéressant, enfin je connais pas plus que ça, enfin, d'après ce que j'en ai
entendu dire, euh... mais ça me paraît à développer en plus, voilà, hein... pour
décharger justement les secrétaires, enfin, qui sont pas... c'est pas forcément le rôle
le plus intéressant qui soit, la prise de rendez-vous » (F3).

Pour une interne le coût pouvait conduire à se passer de tout secrétariat :


« Il m'expliquait par A+B que de payer une secrétaire, euh... on peut pas trop se
le permettre, en fait. » (E9).

Cette délégation est également envisagée pour :


- la comptabilité :

« Notamment y en a qui font appel à des comptables, euh… pour tenir leur
comptabilité, euh… tout au long de l’année, euh… je pense qu’il y a des
intervenants extérieurs auxquels on peut faire appel » (E5).

- l'entretien des locaux :

« Je suis pas spécialement fan de ménage donc si je peux le faire faire par
quelqu’un ce serait bien » (E1).

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3.6.2. Les tâches médicales

Les interviewés envisageaient volontiers de déléguer les activités de prévention à


d'autres professions (infirmières ASALEE, diététiciens) qui étaient jugées plus
disponibles que les médecins :
« J'ai découvert les infirmières ASALEE sur un de mes... un de mes stages, là, et je
trouvais ça super bien, super bien pour tout le monde, super bien pour le praticien,
parce que ça permet de... de se décharger de... de... en temps, et en éducation
thérapeutique. Enfin... non pas qu'elles le fassent à la place, mais qu'elles le fassent
en plus, de manière plus répétée » (E1).

« Les infirmières dans les maisons de santé pluri-disciplinaires qui du coup


prennent une heure pour expliquer au diabétique que leur pathologie.... la façon de
se préserver, tout ça, je pense que c'est quelque chose qui est bien » (F5).

Mais il existait une méfiance à l'égard de la délégation de traitement des pathologies


bénignes ou d'une partie du travail de consultation à d'autres professionnels :
« Je suis pas sûre que ce soit... que ce soit très bien qu'une [ordonnance pour une]
infection urinaire, elle puisse être délivrée par le... par le pharmacien qui va peut-
être pas prendre sa température, y a peut-être une pyélo derrière » (E9).

« En gros, l'assistant il fait la moitié de... de ce qu'on fait, quoi. Mais est-ce qu'il
passe pas... est-ce qu'il y a pas le risque qu'il passe à côté de quelque chose ? »
(F3).

« J'ai toujours cette réticence moi... je veux dire les infirmières [en Suède] elles
gèrent les premiers contacts, elles gèrent les... les trucs bénins, enfin... Si on a des
études qui font neuf à dix ans c'est que y a une raison. Alors après elles ont des
compétences, elles savent opérer des choses, mais... moi ça m'a toujours dérangée,
euh... ce glissement de tâches » (E11).

3.7. Quels types de structures?

3.7.1. En cabinet individuel

L'exercice en cabinet individuel faisait moins peur aux interviewés qui en avaient

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eu une bonne image lors de leurs stages ou lors de leurs remplacements :


« C'est vrai qu'au début j'avais... j'ai pas fondamentalement changé d'avis sur la
question mais... je voyais... je me voyais pas du tout, euh... m'installer dans un
cabinet en solo, et c'est vrai que j'ai fait quelques remplacements où au final ça
c'est plutôt bien passé, je pense que c'est plutôt en fait un problème de rapport
entre le nombre de patients à traiter, et... et soi-même, quoi. Et... et du coup ça m'a,
entre-guillemets, ça me fait un peu moins peur » (F2).

Il pouvait convenir à certains selon leur personnalité :


« Après pour le côté pratique, enfin moi c'est mon point de vue , donc, euh... moi je
fonctionne un peu moins comme ça, plutôt que... plutôt que, ouais, en groupe ça
m'apporterait pas forcément... peut-être que je me trompe, mais de ce que je vois
ça... au niveau de la pratique pure, je pense, ça me gênerait pas en tant que tel
d'être tout seul, enfin tout seul.... physiquement tout seul, mais après avec le
téléphone tout ça on est jamais tout seul tout seul » (F2).

Il pouvait aussi convenir si l'on craignait d'être jugé :


« Et puis, après je pense que j'aurais un peu peur d'être jugée, de faire de
l'acupuncture et de travailler avec des généralistes classiques, enfin je trouve que
c'est difficile à faire accepter encore l'acupuncture » (E8).

3.7.2. En cabinet de groupe

Selon les interviewés, l’exercice en cabinet de groupe présentait plusieurs


avantages :
- il permettrait d'éviter la solitude de l'exercice médical et permettrait d'avoir des
relations sociales :
« Juste le fait de pas être seule dans le cabinet pour moi c’est important » (E1).

« Donc en fait il y a les deux côtés : à la fois c'est rassurant d'avoir d'autres
médecins à côté pour pouvoir poser des questions si jamais il y a un gros souci, et
à la fois d'avoir un autre... d'autres... d'autres professions, ça permet de parler
d'autres choses et de faire une vraie pause, quoi (E3).

« C’est vrai qu’un cabinet de groupe c’est plus agréable » (E6).

« Je pense que le secrétariat c’est quand même bien. Parce que je pense que c’est

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assez essentiel d’avoir un… voilà, parce que déjà ça fait être pas seul » (E8).

A ce titre, l'idée de travailler en réseau tout en étant installé en cabinet individuel, comme
en Italie, ne leur semble pas intéressante :
« Travailler seul dans son propre cabinet mais en réseau avec tout le monde ?
Moi je préfère travailler à plusieurs dans un même lieu. Et vraiment... comme la
politique actuelle qui me semble très bien, c'est de faire des pôles médicaux, euh...
de regroupement de communes et on est plusieurs à travailler pour euh... un plus
large rayon géographique. » (E11).

- Le regroupement faciliterait une meilleure organisation du temps de travail avec


les collègues, et permettrait d'assurer la permanence des soins :
« Aussi le fait d’être à plusieurs, c’est plus facile pour les vacances, ça permet peut
être de… de partir en culpabilisant moins parce qu’on sait que les patients ils ont…
ils ont quand même quelqu’un vers qui s’adresser, c’est pas le … le médecin
traitant officiel, mais c’est au moins… c’est au même endroit, pour eux c’est plus
pratique, y a les dossiers en commun dans l’informatique, donc c’est... c’est
rassurant » (E1).

« Ben déjà avec d'autres, d'autres médecins, enfin voilà je me verrais pas dans un
cabinet seul en tout cas, euh... Rien que le fait de, de... les horaires d'ouverture, les,
les jours de congés, même si... on peut prendre un remplaçant, c'est pas ça l'idée,
hein, mais c'est quand même plus confortable de ce point de vue-là » (F3).

Sous réserve de partager les mêmes pratiques :

« Parce que dans les maisons de santé c'est vrai qu'on récupère un peu... enfin les
patients ils... parfois ils tournent un peu, y a les dossiers médicaux partagés et c'est
vrai que si on a pas du tout la même manière de, de travailler ou de prescrire, ou...
et ben ça peut être vite, euh... vite compliqué » (F1).

Mais il pourrait parfois impliquer une perte de liberté dans la gestion de son planning :

« Moi je vois la planification des horaires d'ouverture, c'est un peu un truc que je
reproche... que je reproche aux MSP, c'est une contrainte, quoi. J'ai un peu peur de
ça. J'ai pas envie toute ma vie de devoir demander à quelqu'un si je peux prendre
mon dimanche, quoi. Ou de devoir demander à quelqu'un de devoir reprendre mon
dimanche parce que finalement j'ai un imprévu. (rires) » (E9).

- Il permettrait une meilleure offre de soin par la sous-spécialisation au sein de la

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structure :
« Et puis peut-être que les... les médecins aient euh... des formations... enfin pas des
formations différentes, mais euh... des orientations différentes » (F2).

- Il permettait l'acquisition de matériel coûteux (appareil de radiologie, etc...) :


« C'est vrai que une... enfin l'idée de la radiographie quand même ça peut-être à
des endroits presque indispensable, à d'autres peut-être un peu moins mais, euh...
enfin surtout évidemment si on est aux pieds des pistes de ski, c'est mieux d'avoir
un... la radiographie, mais, enfin... ou même voilà, mais je pense dans n'importe
qu'elle, ouais, structure un peu importante, euh... avoir un appareil ça pourrait être
intéressant (F3).

« Après ça peut être ça dans les zones où c'est très isolé, ou plus isolé de, justement
du groupe, enfin du gros CHU, ou même du gros centre hospitalier, en terme de
structure d'avoir comme un hôpital, c'est-à-dire avec le labo, avec le... la radio, et
avec les médecins à côté, et puis à l'intérieur, un peu comme une maison de santé,
en fait » (F2).

3.7.3. En structure pluriprofessionnelle

Selon les interviewés, le choix d'exercer en structure pluriprofessionnelle


nécessitait une volonté réelle de travailler ensemble, au-delà du regroupement de
moyens :
« Moi le côté, enfin... pluridisciplinaire, c'est vrai que je l'ai pas trop trop vu dans
les... les maisons de santé où je remplaçais » (F2).

« Y avait des RCP où on se retrouvait avec, euh... donc y avait.... enfin l'idéal
c'était les médecins du cabinet plus les kinés plus les infirmiers, mais au final,
euh... c'était entre midi et deux, euh... je crois qu'il devait y avoir, je sais pas, 10%
au final qui venaient, donc on... au lieu de se retrouver à douze ou quinze, on se
retrouvait à trois ou quatre, quoi » (F1).

Ces structures présenteraient plusieurs intérêts selon les interviewés :


- Elles favoriseraient une approche globale du patient :
« Voilà, que ce soit vraiment multidisciplinaire, pour des approches globales où
chacun apporte son... son savoir, quoi » (E8).

- Elles permettraient une formation au travers des interactions avec les autres

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professionnels de santé :
« Je trouve ça aussi très intéressant, de pouvoir travailler avec d'autres
paramédicaux, enfin les infirmières, avec les kinés, euh... pouvoir parler d'un cas
particulier d'un patient par exemple avec un kiné, parce que honnêtement je sais
pas toujours exactement ce qu'ils font, j'envoie mais après je sais pas... je sais pas
comment ça se passe, rien du tout, donc, enfin, de pouvoir partager... voilà, sur
certains cas, ça me paraît quand même intéressant et formateur » (F3).

Cependant, les interviewés pensaient que la pluriprofessionnalité nécessite une


bonne coordination entre les différents professionnels de santé :
« C'est intéressant, après faut juste que ce soit en... vraiment que les deux du coup,
que ce soit l'infirmière ou un autre intervenant, que ce soit vraiment en relation
avec le médecin, enfin que les deux... que le patient ait quand même l'impression
que, comment dire, que ce soit pas, euh... qu'il va pas voir l'un, puis du coup entre
temps bon on sait pas trop ce qu'il se passe, il va voir l'autre, on sait pas trop ce
qu'il se passe, faut vraiment que les deux intervenants travaillent ensemble et qu'il
soit pris en charge globalement entre-guillemets » (F2).

Celle-ci devrait être systématique, mais pas nécessairement formelle, pour éviter des
lourdeurs de fonctionnement, par exemple au travers du logiciel métier :

« Je sais pas si il faut forcément passer par quelque chose de formel, mais... je sais
pas, le meilleur moyen, je sais pas. Après le problème des choses formelles et
programmées c'est que ça peut être vu comme une lourdeur en plus » (F2).

« Si elle [l'infirmière ASALEE] trouvait qu'il y avait quelque chose à faire part
d'une façon un peu plus urgente elle en parlait plus facilement et plus rapidement
au médecin, mais tout était sinon... par le logiciel tout était très facile » (F4).

Le montage d'une structure pluriprofessionnelle et la coordination entre professionnels


pouvaient aussi être jugés trop chronophages voire décourageantes :

« Et puis euh... on pose quand même aussi des réunions... des réunions le soir,
enfin ou des... une organisation où il faut quand même qu'il y ait... où on se
rencontre au moins, je sais pas, une fois par mois, enfin faut qu'il y ait des projets,
et donc du coup ça impose quand même du temps et... je suis pas forcément prête à
donner, dans l'immédiat en tout cas » (E3).

« Pour avoir vu un médecin gérer une MSP c'est très TRES compliqué, y a
beaucoup de rendez-vous avec l'ARS, il me parle de chose de SCI, là il a plein de

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réunions... faut vraiment avoir quelqu'un qui aime l'administratif et qu'il n'ait pas
peur, pour gérer la MSP » (E11).

La prévention pourrait à l'avenir intégrer d'autres professionnels (comme ceux de


l'activité sportive) au sein des MSP :

« Je pense qu'il faudrait peut-être euh... relier çà avec, je sais pas, des profs de
sport, ou un truc comme ça pour encourager les gens à... à bouger, parce que
finalement c'est... c'est aussi de la prévention l'activité sportive, en plus avec le
débat sur le sport remboursé tout ça, machin, euh... je pense que… qu'il y a une
bonne partie des... des pathologies qu'on peut prendre en charge conjointement
avec une prise en charge sportive » (F5).

3.8. La gestion des relations interpersonnelles dans les cabinets de groupe ou les
structures pluriprofessionnelles

Une structure de groupe était perçue comme plus difficile à gérer, notamment sur
le plan des relations humaines, avec la nécessité d'une vision commune du
fonctionnement de la structure :
« Je dirais que le plus compliqué à gérer ce sera le facteur humain, les... les autres
médecins, pour essayer de faire une organisation quand même un peu... un peu
commune » (E6).

« C'est compliqué, parce que il faut vraiment… c'est une maison où il y a quand
même beaucoup de monde, il faut que les gens s'entendent (sourire), qu'ils aient la
même idée au départ, et ça... je pense que c'est difficile » (F4).

Selon les interviewés, les relations conflictuelles entre les professionnels étaient un
facteur de rejet d'une installation :
« Justement, quand j'étais en stage prat' niveau 1 les autres médecins allaient
s'installer en MSP et euh... l'entente avait l'air beaucoup moins cordiale et ça fait
beaucoup réfléchir aussi. Donc je veux pas forcément m'installer en MSP non plus.
Enfin voilà, euh... faut que tout le monde s'entende bien, faut que tout le monde
travaille à peu près de la même manière et ça, c'est pas forcément le cas » (E3).

« Si on est plusieurs, les conflits c'est vraiment quelque chose qui me fait peur.
Enfin, que je redoute. Travailler dans une mauvaise ambiance je pense que je
pourrais pas, quoi » (E8).

SARRADON
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Le statut d'employeur pouvait mettre mal à l'aise :


« Je trouvais ça un peu... un peu étrange que les médecins aient à s'immiscer, parce
que c'est pas à eux de choisir, c'est pas eux qui vont dire ‘ben toi tu vas prendre
telle semaine de vacances, et toi tu vas prendre telle autre’, et... et moi je trouvais
ça, euh.. ouais, enfin... » (F1).

Afin de prévenir les problèmes qui peuvent résulter de relations conflictuelles, les
interviewés ont avancé plusieurs solutions :
- La structure devrait être à taille humaine :
« Je pense qu'il faut au moins trois médecins, idéalement je sais pas, je sais pas s'il
en faut trop, entre trois et cinq médecins » (F4).

- Respecter les règles de fonctionnement :


« Moi je pense qu'il faut instaurer des... des réunions formelles, mais euh... ouais,
pour que voilà, avec, enfin, avec participation de... un maximum de soignants
autour de, de sujets communs, de problématiques communes, enfin voilà, qui posent
des problèmes à... voilà, il faut que tout le monde se sente concerné par les... les
discussions » (F4).

- Disposer d'un référent/porteur de projet :

« Quitte à ce qu’il y ait quelqu’un qui soit, pas un chef mais… on va dire un
responsable de cette gestion, à qui se référer et qui puisse en parler à tout le
monde, ou alors chacun le fait, mais bon… voilà. Je me demande s’il faut pas un
référent quand même, parce que… pour que les choses soit dites à tout le monde »
(E8).

« Je crois qu'il y a forcément un... y a un président, ou je sais pas comment on


l'appelle, un directeur, dans une maison de santé, y a forcément quelqu'un qui a la
casquette de... enfin de référent » (F4).

- Mais surtout donner une place pour les temps d'échanges informels et
conviviaux :
« Tu vois, partager les repas, enfin, favoriser les moments d'échanges, tu vois.
Essayer de créer un lieu très convivial pour que du coup tous les professionnels de
santé mangent ensemble, et qu'ils se parlent [insiste], et qu'ils passent du temps
informel [insiste] ensemble, pour se sentir bien sur le lieu de travail, et qu'il y ait
pas tous ces non-dits comme je les ai vraiment ressentis dans les stages où je suis

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allée, quoi » (E8).

« Là où je suis en ce moment ça se passe très bien, enfin tout le monde s'entend


bien, on mange ensemble le midi, euh... ben voilà, on discute ensemble, c'est... c'est
vrai que c'est agréable quand ça se passe comme ça » (F1).

« Je pense que je rajouterai une salle de pause, où ça permettrait d'échanger sur


des temps informels, où... où ça donnerait envie peut-être aux gens d'aller et... enfin
au personnel de la maison de … un endroit assez... assez accueillant et puis du
coup c'est vrai que ça... ça permet d'échanger sur certaines choses sans dire... sans
dire ‘allez on fait une réunion machin’, c'est... c'est hyper cadré » (F5).

3.9. Bien s'organiser, en vue de quelle pratique ?

3.9.1. La durée de la consultation

Les internes interviewés souhaitaient disposer d'un temps de consultation long


(entre quinze et trente minutes) :
« Mais je voudrais faire des créneaux horaires un peu... enfin des plages de
consultations un peu plus longues, parce que moi quinze minutes ça me semble très
court, plutôt trente minutes » (E2).

« Je pense que ça... que ça reste correct pour faire les choses, justement pour faire
des consultations d'une durée assez longue, de quinze ou vingt minutes. Moi je
ferais plutôt vingt minutes, je pense, de consultation si c'est possible, mais, euh...
ouais, plutôt dans cet ordre-là » (F3).

Ils souhaitent conserver un contact physique avec le patient :


« Les avoir qu'au téléphone pour moi c'est insuffisant, dans ma relation humaine je
veux dire. L'interface me... me frustre un peu, c'est bien d'avoir les gens qui nous
regardent, de pouvoir les regarder, les toucher, ça... ça fait partie du truc, quoi
(E9).

« Après y avait la télémédecine, là où on fait des consultations par téléphone, où y


a un médecin qui répond par téléphone, euh... voire c'est un peu comme Skype, ou
je sais pas quoi, et ça je... je... pour moi ça me... ça me perturbe un peu, parce que,
enfin un patient c'est pas juste un... des paroles, enfin il faut le toucher » (F5).

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L'ordinateur dans le bureau de consultation était perçu par une interne comme une
entrave à ce contact :
« Limite si je pouvais dicter ce que je suis en train de faire plutôt que moi-même
taper sur l'ordinateur. Je trouve que c'est une perte de temps cet ordinateur, et en
plus ça bouffe l'interaction avec les patients quand on a la tête figée sur un écran »
(E9).

Tout comme les multiples opérations de saisi nécessaires à la tenue du dossier médical :

« L'enfant, le carnet de santé papier on écrit à la main, et après il faut quand même
mettre son petit mot dans le logiciel, parce que faut tracer ce qu'on a fait, donc
euh... La saisie, rien que ça, euh... Alors ça aussi, dans le monde idéal, ce serait
bien que le logiciel qu'on a nous soit directement connecté à la carte vitale et que
quand on écrit un truc dans le dossier on n’a pas besoin de reprendre cinq minutes
à le noter. Voilà, et que ce soit pas un site comme ils ont fait là, où il faut
retourner... ça serait bien que ça fusionne.... » (E11).

Ainsi, optimiser le fonctionnement du cabinet doit permettre de pouvoir passer plus


de temps avec le patient, plutôt que d'augmenter le nombre de consultations ou les
revenus du médecin :
« Après il faut voir le gain de temps, du coup, dû à ça, à quoi on l'utilise, si c'est
pour voir dix patients en plus dans la journée... voilà, mais si c'est pour prendre
plus de temp,s mais pour faire des... plus de dépistage, ou des choses, plus... pour
passer plus de temps médical entre-guillemets avec le patient, ça me paraît pas mal
de... d'optimiser le cabinet de cette façon, oui » (F2).

« Mais quand on te parle comme ça, ouais de manière économique, ergonomique...


en disant vous gagnez des secondes, vous gagnez... et le temps, c'est de l'argent,
ben c'est.... c'est étrange, quoi » (F1).

Dès lors une optimisation à l'extrême faisait craindre à une logique productiviste :
« Ben lui [médecin venu présenter en cours l’exercice libéral] c'était un peu une...
une machine, je pense... voilà il disait voilà, pareil la table doit être réglable, il faut
limite avoir un fauteuil parce que les... les vieux quand ils vont se déshabiller c'est
ça qui fait perdre le temps en consultation, et du coup on va pas leur demander de
tout enlever, les faire asseoir sur la table déjà ça va prendre la moitié de la
consult', du coup... (F1)
- Ouais c'est de l'ergonomie de poste pour être plus productif, c'est tout (F4).
- Exactement, c'était ça (F1).
- On parle comme au niveau des industries, c'est tout » (F4).

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L'idée d'un assistant qui réaliserait une partie de la consultation à la place du médecin
(mesure de la tension artérielle, aide à l'habillage, etc...) ne leur semblait donc pas
nécessairement une aide :
« Après je sais pas si en pratique c'est bien, parce que quand on prend une tension
on discute quand même » (E9).

« Mais en fait je trouve que prendre la tension, faire... ben l'ECG c'est... prendre
les constantes, ça fait quand même partie de la consultation parce que c'est des
moments où y a quand même un contact, un contact avec le patient, ça permet, je
sais pas, c'est, ça... pour moi ça fait partie d'une consultation parce qu'on dit des
choses aussi pendant ces moments, quoi » (F1).

3.9.2. Une relation de confiance médecin-malade

Les internes interviewés valorisaient la relation médecin-malade. Cette relation


interpersonnelle s'opposait à une logique de satisfaction de besoins de santé d'une
population par une offre de soins dépersonnalisée. Ils souhaitaient donc sauvegarder la
liberté d'installation du médecin et la liberté de choix du médecin par le patient :
« "Dans tel quartier, euh... ben si vous êtes malade vous... vous irez consulter
machin", c'est un peu je sais pas comme quand on a un problème avec la serrure de
la maison on se dit ‘je vais appeler le serrurier du quartier’, ça fait... moi ça
m'évoque plutôt ça, quoi » (F5).

« Ben moi je suis d'accord avec F5, enfin c'est une... une bonne rela... enfin moi je
vois plus la médecine, euh... c'est une relation entre un médecin et un patient, plus
que, euh... il faut soigner tant de patients dans telle région. Enfin je sais pas... bien
sûr que la qualité de la relation elle est primordiale pour, euh... pour bien soigner,
donc... orienter de manière un peu obligatoire les gens vers un centre ou vers un
médecin ça... oui ça me paraît pas, euh... très logique, enfin je sais pas, dans ma
manière de voir la médecine aussi, hein » (F1).

« Je pense qu'on est tous attachés à la liberté de... de s'installer où on veut et puis
de... et justement que le patient puisse choisir son... son médecin comme il le veut »
(F3).

3.9.3. Indépendance du médecin dans sa pratique

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Les internes interviewés souhaitaient garder leur indépendance et avaient peur


d'être liés par un contrat de salariat ou par des objectifs de santé publique :
« Moi ce qui me déplaît dans le salariat c'est d'être liée par un contrat, tout
simplement, après quel qu'il soit, hein, à un moment donné c'est s'engager vis-à-vis
d'une structure, d'un système » (F4).

« Peut-être la peur de perdre une certaine autonomie, euh... dans ma pratique.


Enfin je pense qu'on peut pas dicter à un médecin ce qu'il doit faire ou pas. Est-ce
que le salariat à terme ça mènerait pas à ça ? Je sais pas » (F5).

« Bon on est pas libre de... de faire tout et n'importe quoi... enfin surtout j'ai envie
de dire de... de moins en moins avec les... les objectifs de sécurité sociale [sic :
Lapsus objectifs de sécurité sociale pour objectifs de santé publique], tout ça, euh...
mais bon, enfin... on garde quand même un certaine indépendance, et... que
j'aimerais, que j'aimerais préserver, quoi » (F3).

« On est un peu en train de nous... comment on pourrait dire... C'est un peu comme
les ROSP, on nous habitue à nous donner de l'argent pour qu'on fasse bien comme
ils veulent qu'on fasse » (E9).

3.9.4. Répondre à l'urgence

Selon les interviewés, la réponse aux situations urgentes est une mission du
généraliste :
« Pour moi c'est le cœur du métier de pouvoir voir les gens en urgence en médecine
générale » (F4).

Les modalités de cette réponse dépendent des personnalités et de l'expérience de chacun :


« Moi je pense que c'est compliqué de mettre que du ‘sur rendez-vous’ pour les
patients, parce que... de par définition y a toujours des choses imprévues » (F2).

« Moi je suis très fan du ‘sur rendez-vous’, mais, euh... ce qui empêche pas après
de... de pouvoir recevoir des patients en urgence, enfin... entre deux, ou en laissant
des créneaux éventuellement libres entre les autres plages horaires » (F3).

3.9.5. Les différentes missions du généraliste

Selon les interviewés, les médecins ont des rôles diversifiés adaptés aux différents

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besoins des patients. Les consultations ne nécessitent pas toutes le même temps :
« C'est compliqué parce qu'en gros je voudrais qu'il y ait pas trop de temps morts
et en même temps je voudrais pouvoir prendre le temps que je veux pour les
patients. Et ça diffère énormément de… d'une consult' à l'autre, quoi » (E9).

Dès lors, ils envisagent différents types d’organisations (sur et sans rendez-vous, par
exemple) :
« Par exemple, quand c'était sur rendez-vous, elle prenait des créneaux de trente
minutes, et sans rendez-vous ben elle... enfin, elle voyait tous ceux qu'il y avait à
voir, donc ça pouvait être dix minutes, quinze minutes, et... et c'était pas mal parce
que les... en fait c'était une manière de dire ‘ben quand vous prenez rendez-vous je
prends le temps avec vous, j'ai le temps, on est là pour faire les choses bien, mais
que voilà, si y a quelque chose d'urgent je peux... je peux vous voir aussi’ » (F1).

« Je pense que je ferai une demi-journée de, euh... sans consult... de consultations
non programmées. Parce que ça permet de voir plus de patients en fait, et ça
change un peu, parce que c'est pas les mêmes motifs » (E12).

Le paiement à la capitation n'inciterait pas à se rendre disponible pour les


problèmes aigus selon les interviewés :

« On a peur de travailler plus que la somme qui est donnée, donc euh, si le patient
a des problèmes aigus qui surviennent au cours de l'année, enfin, je sais pas, ça me
paraît... » (E11).

Mais le paiement à l'acte était perçu comme inadapté pour rémunérer certaines
activités du médecin généraliste :
« Avoir le même prix pour juste, euh... une angine de la patiente de vingt ans qui va
très bien qui prend dix minutes, alors que t'as vu pendant quarante minutes une
patiente avec un syndrome dépressif, ou en trente minutes un patient avec une
pathologie chronique et t'as fait tout le point sur tout... moi je trouve ça... pas
équitable » (E10).

L'activité de conseil par téléphone réalisée en pratique courante pourrait être


rémunérée avec l'évolution de la télémédecine :
« On fait beaucoup de... comment... de conseil par téléphone. En tout cas quand il
n'y a pas de secrétariat sur place et qu'on reçoit directement les appels, on se
rend compte que ça prend quand même du temps, donc c'est là où la télémédecine

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c'est bien. Après je pense qu'il faut quand même sélectionner parce qu'on peut pas
tout traiter par la télémédecine. Après pour tout ce qui est explication de résultats
biologiques, des conseils, euh... des conseils... c'est une bonne chose » (E10).

3.9.6. Les relations avec les médecins de second recours

Les interviews ont exprimé le souhait d'améliorer les liens avec les médecins de
second recours en cultivant des liens de proximité et une relation directe de médecin à
médecin :
« Peut-être qu'il faudrait un cabinet de spécialistes justement juste à proximité, ou
par exemple un radiologue, déjà rien que ça, on aurait juste à pousser la porte, et
hop (rires) et peut-être que, je dis radiologue, il pourrait avoir un cardiologue qui
recevrait hyper rapidement (rires), et puis euh... enfin d'autres spés comme ça...
pour vraiment travailler avec eux, en partenariat, quoi » (F5).

« L'idée de... qui seraient pas là tout le temps mais qu'il y ait un roulement de
spécialistes... enfin de médecins d'autres spécialités qui, qui viendraient dans la
structure, enfin ça pourrait être quelque chose de, d'intéressant, enfin peut-être que
ça existe dans des endroits, je sais pas ? (F3)
- Ouais, un gastro-entérologue qui vient une journée sur... un allergologue... (F4)
- ah ouais ? Ah ben ça je trouve ça... enfin niveau relationnel, enfin... l'idée très
intéressante » (F3).

« Je pensais que la fac serait un moyen de rencontrer des jeunes de notre âge qui
ont d'autres spécialités, et qu'on se ferait notre réseau, et finalement, les Méd Gé,
on est tout le temps en périph', on croise rarement des spés, donc on a pas de
copains spé, donc on est condamnés (rires)... nan mais on peut pas... c'est toujours
plus facile d'adresser à un copain » (E9).

« Y a le CMP qui est au-dessus, la consult' mémoire qui est au-dessus, les
infirmières, les kinés, l'orthophoniste... D'avoir son réseau, en fait, de proximité
qu'on connaît, qu'on voit tous les jours, si on veut demander de l'aide, un service, et
bien, c'est faisable » (E11).

A ce titre la télémédecine devrait être au service des réseaux de proximité existants :

« La télémédecine, euh... ben enfin l'idée... forcément c'est intéressant... mais...


mais euh... enfin je pense, enfin voilà, faut que ça soit, enfin, les choses... enfin
faudrait que ça soit bien cadré et euh... tout en conservant le réseau euh... de
professionnels, enfin... local, avec les gens auxquels... avec qui on a l'habitude de

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travailler, voilà. D'envoyer une radiographie et que ça soit interprété, euh... je ne


sais où, enfin en Chine ou je sais pas où... enfin voilà, ouais... que ça soit fait mais
dans un réseau... enfin que ça soit les moyens qui soient... de, de communication
qui soient optimisés pour cette télémédecine, mais tout en préservant les réseaux
locaux, enfin qui existent déjà au final » (F3).

3.9.7. La confrontation de l'idéal avec la tension démographique

Selon les interviewés, l'idéal était que le médecin ait toujours la possibilité de
prendre le temps dont il a besoin avec le patient. En d’autres termes, il faudrait davantage
de médecins :
« Faudrait surtout inventer une journée de... qui fasse trente cinq ou quarante
heures (rires de la salle). Non, je dis pas... je sais pas, mais je pense... le
principal... pas le principal, mais un des... des principaux problèmes c'est surtout le
temps qu'on... je pense qu'on veut tous passer un minimum de temps avec le
patient » (F2).

« [l'idéal serait que quand] on passe en consultation le temps s'arrête. Une pause
dans le temps où on gère tout ce qu'on a à gérer, et ça dure plus ou moins
longtemps en fonction des besoins du patient » (E11).

Dans le contexte de pénurie de médecin des mesures exceptionnelles peuvent aller


à l'encontre de leur vision d'une médecine idéale. Ils reconnaissent néanmoins la nécessité
de couvrir les besoins de santé de l'ensemble de la population, mais ils n’avaient pas de
solution clairement établie pour remédier au problème de la démographie médicale sans
que cette solution entre en conflit avec la liberté d'installation. Ainsi, s’ils reconnaissent
que la répartition par aire géographique des professionnels de santé selon les besoins peut
être nécessaire, ils restaient dubitatifs quant aux moyens pour y parvenir :
« Mais c'est vrai, voilà, plutôt que dire voilà en France il manque tant de médecins,
de dire à tel endroit... enfin bon c'est un petit peu fait quand même, mais euh...
voilà, il manque un médecin à tel endroit, dans ce bassin de population, c'est plus...
enfin, c'est plus logique, quoi. Après les moyens mis en œuvre pour cette
problématique, voilà, j'ai pas de réponse idéale je pense » (F3).

Les interviewés reconnaissaient que cette tension démographique peut conduire les
médecins à pratiquer un nombre de consultations trop importants (donc trop courtes) pour

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exercer, selon leurs idéaux, une « bonne médecine ». Ainsi, pour justifier la pratique d’un
médecin ayant rationalisé à l'extrême son organisation pour voir un grand nombre de
patients par jour, une participante estimait qu'il y était poussé par la demande :

« Pour répondre, peut-être qu'il fait effectivement cinquante patient par jour,
mais... en plus en faisant de la bonne médecine entre-guillemets » (F4).

Les interviewés pourraient admettre des consultations médicales téléphoniques


dans les zones les plus en difficultés :

« Après y avait la télémédecine là où on fait des consultations par téléphone, où y a


un médecin qui répond par téléphone, euh... voire c'est un peu comme Skype ou je
sais pas quoi, et ça je... je... pour moi ça me... ça me perturbe un peu, parce que ,
enfin un patient c'est pas juste un... des paroles, enfin il faut le toucher. Donc ça
c'est... ça me... ouais, c'est un peu en train de sortir, mais.... et peut-être que c'est
intéressant pour les zones sous... complètement désertifiées, ou je sais pas quoi »
(F1).

Sous réserve d'avoir une formation appropriée :


« Ou alors sinon il faut qu'on soit formé. C'est hyper dur en fait. D'orienter
quelqu'un au téléphone je trouve ça super compliqué » (E9).

3.10. Synthèse

Les internes souhaitaient poursuivre leurs expériences avant de se fixer sur un


mode d'organisation. Ce choix déterminera leurs besoins de formation, d'investissement,
de recrutement de personnel. Les critères qui détermineraient ce choix étaient divers :
professionnels et non professionnels.
Ils souhaitaient un cadre de travail qui leur soit agréable, mais qui soit également
agréable pour les patients, et qui permette l'accueil d'un futur interne.
S'ils ne souhaitaient pas travailler tous les jours, et se réserver la possibilité de
prendre des vacances, ils souhaitaient cependant rester disponibles pour leurs patients,
avec des horaires étendus et des solutions pour recevoir des patients en urgence.
L'exercice en groupe offrait à leurs yeux cette possibilité de conjuguer disponibilité pour
le patient et limitation des jours de travail pour le médecin, la permanence des soins étant

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effectuée par les collègues en qui ils auraient confiance et qui partageraient leur façon
d'exercer (préférentiellement à un remplaçant).
Ils envisageaient de déléguer les tâches non-médicales dans une plus ou moins
grande mesure, selon le coût financier qu'ils estimaient acceptable. Pour ce qui est de la
délégation de tâches médicales, la prévention est plus volontiers déléguée aux
paramédicaux que le traitement des pathologies aiguës bénignes.

Les entretiens et focus group ont montré que l'exercice en cabinet individuel
pouvait toujours convenir à certains, selon leurs personnalités et leurs aspirations.
L'exercice en groupe permettrait avant tout de casser la solitude professionnelle. La
pluriprofessionnalité pouvait apporter beaucoup, au travers d'une approche globale du
patient, d'une meilleure éducation thérapeutique des patients et de missions de prévention
mieux exécutées par des professionnels spécialisés et plus disponibles que les médecins
généralistes. La prévention pourrait s'élargir en intégrant l'activité physique au sein de la
structure de soins. La pluriprofessionnalité offrirait aussi la possibilité de se former au
contact des autres professionnels de santé. Mais ce type d'exercice nécessite pour les
interviewés une vraie volonté de travailler en collaboration. Un tel fonctionnement
impose des règles établies et un référent, mais surtout des échanges informels et de la
convivialité.

Les internes ont valorisé une relation de confiance médecin-malade construite par
des contacts directs en face à face, des consultations longues, et un libre choix du
médecin par le patient. Ils étaient attachés à la liberté d'installation et de pratique.
Cependant ils avaient conscience des difficultés d'accès aux soins d'une partie de la
population. Il existait une tension entre leur vision d'un exercice "idéal" et les besoins
réels de la population. Cette tension ne trouvait pas de solution évidente. Ils envisageaient
des pratiques qu'ils jugeaient "dégradées" (télémédecine, médecine productiviste, ...)
comme palliatifs éventuels.
Selon les interviewés, le médecin doit faire face à plusieurs types de demandes :
répondre à l'urgence, prodiguer des conseils par téléphone, suivre des pathologies

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chroniques, etc... Ces différentes activités nécessiteraient des organisations de planning


différentes, et éventuellement des modes de rémunération différents.
Enfin, selon eux, la coordination avec le second recours devrait se faire par des
échanges facilités, mais directs, avec des acteurs locaux de confiance.

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DISCUSSION

1. Forces et faiblesses de l'étude

Une des forces de notre étude est son originalité : il s'agit à notre connaissance de
la seule étude qui vise à explorer les représentations des internes concernant la gestion
d'un cabinet.
Cette étude présente une puissance limitée puisqu'il n'a pas été possible de réunir
deux focus groups comme prévu initialement. Cependant, la saturation des données a été
obtenue, et a été confirmée par deux entretiens.

Il existe un biais de sélection, même si le but de notre échantillonnage n'était pas


une représentativité statistique de la population cible. Les femmes sont sur-représentées
dans notre échantillon. Nous ne disposons pas d'information sur les personnes n'ayant pas
accepté de participer à l'étude, ce qui ne nous permet pas d'interpréter ce résultat.
La participation à l'étude se faisant sur la base du volontariat, notre échantillon
peut sur-représenter des internes ayant des revendications particulières (en termes de
formation par exemple), et sous-représenter des internes ne se sentant pas concernés par
le sujet (notamment ceux qui ont un projet d'exercice salarié), alors que nous visions à
faire émerger les représentations de l'ensemble des internes.

Le recueil des données expose à différents biais :


x Le premier est lié à l'influence de l'interviewer sur l'interviewé par ses
interventions et ses façons de poser les questions, pouvant favoriser ou au
contraire empêcher l'expression de certaines idées. Les entretiens ont été
conduits par le thésard, qui n'avait pas d'expérience préalable de cet
exercice. On peut ainsi noter que le chercheur a dérogé au principe de
neutralité en approuvant une opinion de l'interviewé au cours du deuxième
entretien.
x Le deuxième est propre aux méthodes de recueil des données. Ainsi, au

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cours des focus groups, l'effet de groupe peut conduire les participants à
s'aligner sur un leader d'opinion. Le recours à deux méthodes (entretiens
individuels et focus group) a permis de limiter les biais propres à chaque
méthode.
x Le troisième est le biais de désirabilité sociale. Même si l'interviewer
s'efforce de garder une attitude neutre et bienveillante, il n'est pas exclu que
l'interviewé censure ou exprime certaines idées pour donner une meilleure
image de lui. Ce biais est plus fort lorsqu'il existe une proximité entre
interviewer et interviewé, comme c'était le cas dans cette étude puisque le
thésard est un interne en médecine.

L'analyse des données expose à un biais d'interprétation, le chercheur


appréhendant les données à travers le prisme de sa subjectivité. Dans notre étude, le
thésard a lui-même une certaine représentation de la gestion d'un cabinet. Pour limiter ce
biais, au-delà d'une rigueur dans l'analyse des données, le codage a été effectué en
aveugle par deux chercheurs. Néanmoins, les étapes d'analyse au-delà du codage n'ont été
effectuées que par le thésard. La comparaison des résultats de notre étude avec la
littérature est un autre moyen de limiter notre subjectivité.

2. Discussion sur les résultats

Plusieurs idées fortes se dégagent de nos analyses :


x Il convient de relativiser les appréhensions des internes quant à la gestion d'un
cabinet de médecine générale. Une formation plus approfondie est cependant
souhaitée. Celle-ci devra s'intégrer dans un cursus déjà chargé et devra
pouvoir satisfaire des projets professionnels très différents et qui ne sont pas
toujours définis en fin d'internat. Le caractère chronophage de cette gestion de
cabinet nécessite tout de même de trouver des solutions.
x Il convient également de relativiser le déclin annoncé de l'exercice libéral.
x L'image canonique du médecin libéral au service de ses patients, pratiquant

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73

une médecine indépendante au sein du colloque singulier n'est pas balayée par
les aspirations à un équilibre vie privée/vie professionnelle promu par les
nouvelles générations de médecins, mais elle trouve son prolongement par la
pratique de groupe. Il existe une tension entre les valeurs de liberté et
d'indépendance et celles de l'équité de l'offre de soins sur le territoire. Aucune
solution ne semble pleinement satisfaisante.
x La qualité des relations interpersonnelles semble être le point le plus important
du fonctionnement d'une structure de groupe.

2.1. Gérer son cabinet : une tâche pénible et difficile ?

Comme nous l'avons mentionné dans notre introduction, plusieurs études ont
identifié les « charges administratives » comme un frein à l'installation largement partagé,
et d'autres ont mis en avant le manque de formation à la gestion administrative d'un
cabinet.

2.1.1. Les craintes concernant la gestion du cabinet

D'après une étude menée auprès d'internes rouennais en 2014, seulement 10% des
internes se sentent capables de gérer un cabinet à la fin de l'internat (11). Si notre étude
retrouve une certaine appréhension des internes interviewés quant à leurs capacités à
gérer un cabinet, des éléments viennent relativiser cette idée. En effet, des interviewés ont
émis l'hypothèse qu'ils surévaluaient peut-être les difficultés liées à la gestion du cabinet.
Ce résultat est concordant avec des travaux précédents. Ainsi Chandez et Chiron
retrouvent chez les jeunes installés le sentiment que finalement l'administratif du cabinet
n'est pas si compliqué (6). Une thèse soutenue en 2017 par Decrequy (19) a recueilli le
vécu de jeunes médecins concernant leur installation en libéral par une étude qualitative.
Cette thèse montre que, pour les participants de cette étude, les choses se sont bien
passées, et rétrospectivement ils ont eu le sentiment de "s'en être fait une montagne".
Cette appréhension était entretenue par des "on dit". Dans le même sens, Laurent, dans sa

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thèse sur les déterminants de l'installation des femmes médecins (20), retrouve que la
vision négative de l'installation était transmise par leurs aînés, et ne correspondait pas à
leur vécu. Les contextes sont en effet très différents : le climat de concurrence entre
médecins, l'évolution des acteurs avec la création des Agences régionales de santé (ARS),
le développement des outils informatiques et l'accès à l'information par internet, entre
autres, sont autant de facteurs qui font que le vécu de l'installation des jeunes générations
ne correspond plus à celui de leurs prédécesseurs. C’est pourquoi Decrequy (19) conclut
à la nécessité de rassurer les internes sur leur future installation, en insistant sur les
personnes ressources qui pourront les encadrer.
Dans notre étude, des interviewés ont eux aussi mis en avant l'importance de se
faire aider, principalement par les pairs, mais aussi des personnels des différentes
administrations. A ce titre, ils souhaiteraient disposer d'une liste "officielle" de contacts
regroupant tous les acteurs auprès de qui ils pourront faire appel.
Les ARS ont pour responsabilité de mettre à disposition un Portail
d'Accompagnement des Professionnels de Santé qui regroupe sur un site internet les
informations utiles à l'exercice libéral, ainsi qu'un référent par région pour guider les
jeunes médecins dans leur projet d'installation. Dans sa thèse sur l'état des lieux des
actions favorisant l'installation des jeunes médecins généralistes en France métropolitaine
(21), Desnhounes constate que ces mesures, qui sont mises en place de façon inégale
entre les régions, n'ont pas permis de fournir une information claire, globale, et
centralisée. L'ISNAR-IMG pointe les mêmes insuffisances concernant les PAPS et les
référents installation régionaux (10). Il semble utile de poursuivre le regroupement des
informations disponibles pour aboutir à un véritable "guichet unique" de l'installation.

2.1.2. Les besoins de formation

Les internes interviewés étaient demandeurs d'une meilleure formation à la


gestion d'un cabinet. Nous reprenons ici les caractéristiques attendues par les interviewés
de cette formation :
- Apporter des bases de comptabilité et rappeler les démarches administratives à

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entreprendre avant une installation,


- Intervenir à partir du stage praticien, pour pouvoir être reliée à son application
pratique,
- Etre obligatoire pour ne plus être délaissée,
- Sous la forme d'une journée d'étude ou d'un séminaire,
- Etre accompagnée d'un guide écrit, de source officielle et sans conflit d'intérêt,
qui centraliserait l'ensemble des informations, notamment les différents contacts et
référents.
Nous avons cependant relevé que certains internes souhaitaient avoir accès à des
formations qui existent déjà, mais qui manifestement ne sont pas assez connues de leur
part.
Dans une thèse soutenue en 2017 par Lam (22), les médecins généralistes
universitaires et libéraux d'Ile-de-France ont été interrogés par méthode Delphi pour
définir quel était le moment le plus propice à l'enseignement des savoirs à acquérir en vue
d'une installation en libéral. Ils étaient d'accord pour dire que cette formation ne devait
pas avoir lieu en DCEM. Les connaissances liées à a création et gestion d'une structure de
soin devaient être enseignées en TCEM, et celles liées à la création d'une entreprise ne
devaient pas être enseignées par les facultés de médecine, mais par les professions
ressources (gestionnaires d'AGA par exemple).
Dans sa thèse, Dayot (11) retrouvait que les trois principaux thèmes pour lesquels
les internes rouennais souhaitaient une formation étaient : les formalités administratives
lors de l'installation selon son mode d'exercice, le statut de remplaçant, l'exercice libéral
de groupe pluridisciplinaire. Il ressortait aussi que les attentes des internes étaient
différentes selon leurs projets professionnels. S'il semble donc intéressant de veiller à ce
que la formation théorique des internes soit adaptée à leurs projets, cela paraît cependant
difficile à mettre en pratique puisque seulement 21% des internes ont un projet
d'installation avant la fin de leur cursus, et 81% envisagent un changement d'orientation
en cours de carrière, d'après l'enquête nationale de l'ISNAR-IMG de 2013 (13).
En 2014, l'ISNAR-IMG proposait que chaque interne reçoive une formation à
l'installation chaque année, en débutant par des notions générales puis de plus en plus

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pratiques, afin de s'adapter à la maturation de son projet professionnel (10).

Cependant, cette préparation théorique ne dispensera pas de la poursuite des


expériences de terrains par des remplacements. Celles-ci ont autant pour but l'acquisition
de compétences en gestion que la recherche d'une organisation qui corresponde aux
attentes du jeune médecin. Ceci permet d'éclairer pourquoi les internes les mieux formés
à la gestion d'un cabinet ne se projettent pas dans une installation à plus court terme que
les moins formés, que cette formation soit pratique (15), ou théorique (23). De façon plus
large, Bloy rappelle que cette période située entre la fin des études et l'installation des
jeunes médecins équivaut à un report de la stabilisation sociale qui est une tendance
traversant l'ensemble de la jeunesse française et même européenne (24). La formation à la
gestion du cabinet ne doit donc pas avoir pour objectif une installation rapide en libéral,
mais simplement de permettre la construction sereine d'un projet professionnel cohérent.

2.1.3. Le rejet des charges administratives

Un autre résultat du travail de Decrequy (19) concorde avec notre étude : réussir à
monter son entreprise a été gratifiant. On retrouve chez certains interviewés de notre
étude cette notion que la gestion d'un cabinet peut être stimulante et source de satisfaction
lorsque l'activité de gestion est maîtrisée. Dans leur thèse, Perrotin et Lamort-Bouché
(25) retrouvent que la gestion de l'entreprise médicale était jugée intéressante pour la
moitié de ceux qui se destinaient à un exercice libéral, et même pour un quart environ de
ceux qui se destinaient au salariat .
Un autre point à souligner, qui n'est pas retrouvé dans notre étude, mais qui vient
également relativiser l'idée que la charge administrative décourage l'exercice libéral, est
que ce travail administratif finit par être accepté par les jeunes médecins. Pour les
médecins libéraux de l'Aude, les tâches administratives ne sont pas un facteur influençant
l'installation, car "de toutes façons elle est là la paperasse" (20), tout comme les médecins
du Nord-Pas-de-Calais estimaient que le travail administratif faisait partie du métier de
généraliste (19).

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2.1.4. Dégager du temps

S'il convient donc de relativiser les craintes liées à l'installation en libéral, il reste
que le travail de gestion était considéré par les internes que nous avons interviewés
comme étant chronophage, ce qui est d'autant moins acceptable dans un contexte de
pénurie de médecins.
Un travail de synthèse de l’Institut de recherche et de documentation en économie
de la santé (IRDES) de 2009 estimait que le temps de gestion du cabinet (agenda, travail
administratif et entretien) représente 12 % du temps de travail d'un médecin, soit 6,4
heures hebdomadaires (26). Dans une enquête réalisée par l'ISNAR-IMG en 2013 (13),
80% des internes souhaitaient déléguer une partie de la gestion de leur structure.
On retrouve dans notre étude le souhait de "libérer du temps médical", notamment
par la délégation de tâches de secrétariat, d'entretien, de comptabilité. Cependant le coût
du personnel était parfois craint, conduisant à envisager le recours à un secrétariat à
distance, voire à s'abstenir du recours à une quelconque forme de secrétariat.
Dans la thèse de Hu sur l’organisation du temps de travail en médecine générale
(27), 91% des médecins interrogés disposaient d'un secrétariat. Ceux qui n'en avaient pas
le justifiaient en premier lieu par l'utilité d'avoir un contact direct avec le patient pour
évaluer le degré d'urgence et fixer le délai de rendez-vous et, secondairement, pour le
coût. Dans notre étude, au contraire, les secrétaires étaient jugées aptes à fixer les rendez-
vous selon les motifs de consultations, d'effectuer un tri des patients avant de passer
l'appel téléphonique au médecin. Le seul frein avancé à leur emploi restant le coût
financier. Une formation à la gestion comptable permettrait aux internes de construire des
montages financiers et ainsi d'avoir une meilleure visibilité sur leurs charges futures.
En parallèle des tâches administratives, la multiplication des opérations de saisie
pour renseigner le dossier médical du patient était perçu comme une perte de temps. Bien
que l'informatique soit majoritairement perçue comme un outil efficace, le temps passé à
travailler sur l'ordinateur était au contraire perçu comme une entrave à la relation
médecin-malade. A l'heure du développement du Dossier Médical Partagé, il semble

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78

important de prendre des mesures pour que son utilisation ne soit pas une charge
supplémentaire.

Selon Chanu et al. (28), les tâches préférentiellement déléguées aux secrétaires
médicales sont la gestion du planning et le traitement des dossiers médicaux, suivi de
l'entretien, de la comptabilité, le conseil téléphonique. L'aide logistique (prise des
constantes, aide à l'habillage/déshabillage) en cours de consultation n'était pas une
demande des médecins. L'hypothèse avancée par les auteurs est le faible taux d'actes
techniques dans une activité de médecine générale.
Notre étude permet d'éclairer différemment ce résultat : le temps nécessaire à la
réalisation de ces actes "logistiques" ne nécessitant pas d'expertise particulière est
néanmoins perçu comme un temps de contact entre le médecin et son patient, un temps
d'observation, un temps d'échange. Il fait partie intégrante du colloque singulier.
Le plan gouvernemental "Ma Santé 2022 : un engagement collectif" (29) prévoit
la création de 4 000 postes d'assistants médicaux pour la préparation de la consultation en
amont de celle-ci (mesures de constantes, questionnaires, etc...). Il sera intéressant
d'étudier comment les médecins généralistes vont intégrer cette nouvelle profession dans
leur pratique, et d’examiner si le regard des internes sur cette profession va changer,
notamment chez ceux qui auront un maître de stage travaillant avec un assistant médical.

Une étude qualitative (30) auprès des secrétaires a mis en évidence que leurs
domaines d'action (administratif, gestion des stocks, entretien) à tendance à augmenter
avec le nombre d'années qu'elles passent dans un cabinet, aboutissant parfois à une
inadéquation entre leur contrat de travail et leurs tâches effectives, ce qui peut être une
source de conflit avec leur employeur. Les internes ne sont pas préparés au rôle
d'employeur, et nous avons vu dans notre étude qu'ils n'étaient pas toujours à l'aise avec
ce type de responsabilité.
Dans sa thèse, Toussaint (31) retrouve que la contrainte administrative la plus
forte selon les médecins récemment installés est liée à la gestion des salariés (embauche,
bulletins de salaire, congés, maladies, et gestion des conflits). Si les médecins interrogés

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79

dans son panel reconnaissaient leur manque de formation dans ce domaine, ils estimaient
que la formation à la gestion des salariés était utopique, que "cela ne s'apprend pas". La
gestion des relations humaines est fondamentale dans toute entreprise, y compris
l'entreprise médicale que constitue un cabinet libéral, et nous pensons au contraire qu'il
est indispensable que la formation initiale des internes inclut des bases de gestion des
ressources humaines.

2.2. Le déclin de l'exercice libéral

2.2.1. Exercice libéral et/ou salariat ?

Dans notre échantillon, les futurs médecins se projetaient spontanément tous (à


une exception près) dans un exercice libéral, mais presque aucun ne fermait la porte à un
exercice salarié. En prévenant les participants que l'étude portait sur la gestion du cabinet,
nous avons probablement induit un biais de recrutement. On peut penser en effet que les
internes se destinant à un exercice salarié ne se sont pas sentis concernés par cette étude.
Dans l’étude de Perrotin et Lamort-Bouché sur les souhaits des modes de
rémunération des jeunes médecins (25), les internes déclaraient souhaiter avoir pour
mode de rémunération dans 15 ans : un mode mixte à 48%, libéral à 35 %, et salarié à 14
%. Ces résultats concordent avec ceux d'une enquête nationale (13) qui retrouvait un
souhait de rémunération mixte de 56% et de rémunération salariée de 22%.
L'exercice mixte libéral/salarié n'a pas été évoqué par les internes de notre étude.
Nous pouvons proposer plusieurs hypothèses. Le manque de puissance de notre étude,
combiné à un biais de sélection, aurait sélectionné des internes s'orientant vers un
exercice libéral exclusif. Si cette remarque est pertinente pour expliquer l'absence
d'interne s'orientant premièrement vers le salariat, elle semble moins probable pour
l'exercice mixte qui est, d'une part, plus répandu selon les deux enquêtes précédemment
citées. D'autre part, un exercice mixte implique la gestion d'un cabinet, par conséquent
ceux qui se dirigent vers cet exercice mixte peuvent se sentir autant concernés que ceux
qui se dirigent vers un exercice libéral exclusif. Une autre hypothèse est qu'il y a eu dans

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80

notre étude un biais de recueil des informations. Il n'y a pas eu en effet de question
abordant explicitement l'exercice mixte, bien que les participants aient été invités à
s'exprimer sur le salariat. Une dernière hypothèse est que ce souhait d'un "exercice mixte
dans 15 ans" évoqué dans l'étude de Perrotin et Lamort-Bouché (25) est moins un projet
que le reflet d'une hésitation entre les deux modes libéral ou salarié. Dans notre étude en
effet les internes ressentaient le besoin de peser "les avantages et les inconvénients" de
chaque système par la prolongation des expériences avant l'installation. Ils attendaient
aussi de tomber sur une bonne opportunité, qui était a priori libérale, mais ils n'écartaient
pas celle du salariat. De même, pour Scheweyer (3), l'entrée dans la vie des jeunes
médecins n'est pas balisée et leur premier souci est de ne pas se fermer de porte. La
répartition actuelle des médecins généralistes (32) appuie cette hypothèse puisque
l'exercice mixte reste finalement une exception : 6,5% des médecins généralistes ont un
exercice mixte, contre 56,9% de libéraux et 36,5% de salariés exclusifs.

2.2.2. Disposer de son emploi du temps : libéral ou salariat ?

Dans notre étude, le salariat était perçu de façon diverse et parfois contradictoire :
comme une solution pour soulager le médecin de l'investissement dans la gestion du
cabinet et pour le protéger d'une surcharge de travail grâce à des horaires fixes, ou à
l'inverse, comme un engagement contraignant envers une structure qui pourrait imposer
des jours de présence ou un rythme de travail trop soutenu.
On retrouve cette contradiction apparente dans la thèse de Boukhors (33) visant à
expliquer le choix du libéral ou du salariat chez des jeunes médecins de Gironde. Il
ressort de cette étude que ceux qui ont choisi le salariat l'on fait en partie pour avoir des
horaires plus confortables ou pour pouvoir travailler à temps partiel, et que ceux qui ont
choisi l’exercice libéral apprécient le fait de pouvoir "fermer un jour dans la semaine" et
d'adapter leurs horaires. Ils choisissent donc des exercices différents pour les mêmes
raisons : maîtriser leur temps de travail.
On peut donc se demander si la question n'est pas celle d'un choix entre un
exercice libéral ou salarié, mais plutôt : cette offre précise d'installation en libéral ou de

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contrat de salariat me permet-elle d'exercer comme je l'entends (en tenant compte des
autres déterminants, i.e. un secteur géographique qui m'intéresse, avec des collègues que
j'apprécie et qui partagent ma façon de travailler, etc.…) ?
Les médecins des centres de santé Filieris interrogés dans le cadre de la thèse de
Maucci (34) mettent eux aussi en avant la réduction de la charge de travail et le travail à
temps partiel. Les participants de notre étude surestiment peut-être les contraintes des
médecins salariés, en tout cas de certains centres de santé. Cela peut s'expliquer par un
manque de contact avec l'exercice salarié de la médecine générale, comme le confirme
l’étude menée auprès de généralistes installés en Gironde (33) qui retrouve une
méconnaissance du fonctionnement des centres de santé chez les médecins libéraux.
Une seule interne de notre échantillon (I4) avait fait un stage dans un centre de
santé au cours de l'externat. Son vécu était que les médecins salariés ont une meilleure
maîtrise de leur charge de travail.
De plus, il n'y a pas de terrain de stage d'internat en centre de santé pour les
internes lyonnais, qui sont majoritaires dans notre échantillon. Le développement de
terrain de stage en centre de santé pourrait être une piste intéressante pour mieux faire
connaître ce mode d'exercice.

2.2.3. D'autres modes de rémunération

Le paiement à l'acte est le mode de rémunération historique en France. Il existe


cependant d'autres modes de rémunération prédominant dans d'autres pays : rémunération
à la capitation qui est le mode principal au Royaume-Uni ou en Italie (une somme
annuelle est alloué par patient et par an, avec des coefficients selon les pathologies
chroniques du patient) ; rémunération au forfait comme aux Pays-Bas (qui alloue une
somme annuelle pour financer le suivi d'une pathologie chronique donnée) ; rémunération
à la performance qui représente environ 30 et 20 % de la rémunération des médecins
anglais et italiens respectivement.
Le paiement à l'acte incite à avoir une activité soutenue. Il existe un risque
d'inflation des dépenses de santé, si les médecins multiplient artificiellement des actes.

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Mais dans une lettre de 2008 (35), la DGTPE estime que dans le contexte de faible
densité médicale ce risque était faible, et qu'un changement de mode de rémunération ne
devrait pas se faire dans le but de réguler la consommation de soins mais plutôt dans
l'intérêt de mieux rémunérer certaines activités. Le plan "Ma santé 2022" (36) propose
une évolution des modes de rémunération pour favoriser la prévention et la coordination
des soins pour les pathologies chroniques. Ainsi, le plan prévoit de combiner le paiement
à l'acte avec un paiement à la qualité et à la pertinence renforcé (représenté par la ROSP),
des forfaits pour le suivi des pathologies chroniques, un paiement pour la structuration et
le travail en équipe.
Pour certains interviewés de notre étude, le paiement à l'acte était adapté pour
inciter à répondre aux situations urgentes, mais moins pour d'autres missions du
généraliste. La combinaison de différents modes pourrait donc permettre une
rémunération plus équitable des généralistes.

L'enquête nationale de l'ISNAR-IMG (13) montre que 48 % des internes étaient


favorables aux forfaits, 39% à la capitation, et 14 % à la rémunération à la performance.
Selon une autre étude (25), les internes rhône-alpins ne savaient pas, pour plus de la
moitié d'entre eux (54%), si la rémunération à la capitation était adaptée à l'exercice de la
médecine générale, et la rémunération à la performance était jugée pas du tout adapté
pour 47% d'entre eux.
On retrouve donc dans ces deux études l'idée que le paiement à la performance est
le mode de rémunération le moins souhaité par les internes. Notre étude concorde avec
ces résultats puisqu'elle a mis en évidence une méfiance vis-à-vis des rémunérations sur
objectifs de santé publique, qui sont perçues comme une entrave à la liberté de pratique.
Nous avons vu dans nos entretiens que la comptabilité quotidienne était souvent
un des premiers contacts des internes avec la gestion du cabinet. Cela rend bien compte
de la place du paiement à l'acte, mais ne fait pas apparaître les autres modes de
rémunérations (ROSP, forfaits). Il est donc plus difficile pour les internes de percevoir les
avantages et inconvénients de la rémunération à la performance, et encore moins de la
rémunération à la capitation qui n'a pas d'équivalent en France. Certains internes

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interviewés avaient exprimé un besoin d'expérimentation pour pouvoir se faire une


opinion. Promouvoir la mobilité à l'internationale chez les internes pourrait être une piste
pour donner à la jeune génération de médecins les moyens de se positionner en
connaissance de cause sur les évolutions de l'organisation des soins primaires.

2.2.4. Regard des internes sur l’organisation des soins de premiers recours dans d'autres
pays européens

Au-delà des modes de rémunération, nous pouvons élargir le propos à


l'organisation en général des soins de premiers recours. Nous proposons ici un rapide tour
d'horizon de l'organisation d'autres pays européens établi d'après notre recherche
bibliographique (37–44).

2.2.4.1. Les pays où prédominent les centres de santé pluriprofessionnels

Plusieurs pays européens ont organisé les soins primaires en regroupant au sein de
centres de santé tous les acteurs de premier recours : médecin généralistes, infirmiers
(avec des missions de prévention et suivi des pathologies chroniques stables), sages-
femmes, gynécologues, pédiatres, dentistes, psychologues, etc...
Le salariat permet de rémunérer les temps d'échange entre professionnels, les
temps de formation, et, en Finlande et Suède, le temps de consultation par téléphone (une
plage horaire y est dédiée dans le planning des médecins). L'orientation des patients vers
un médecin ou une infirmière nécessite un personnel d'accueil formé, qui est un infirmier
spécialisé en Suède et en Finlande. En France il n'existe pas de rémunération pour les
conseils dispensés par téléphone. Dans notre étude la consultation par téléphone est jugée
difficile voire dangereuse, ou nécessiterait une formation spécifique.
En Espagne et en Finlande, les centres de soins sont répartis de façon à couvrir les
besoins de santé d'une aire géographique, ce qui permet une couverture équitable de la
population, mais implique l'absence de choix du médecin par le patient. Si la couverture
des besoins de la population était jugée légitime par les participants à notre étude, ils ne

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souhaitaient pas pour autant qu’elle entrave la liberté d'installation des médecins, ni le
libre choix du médecin par le patient, condition d'une relation de confiance médecin-
malade.
Pour certains internes de notre étude, le statut de salarié faisait craindre un
moindre investissement du médecin, puisque ce dernier n'a pas d'incitation financière à
voir plus de patients par jour, et donc diminuerait l'offre de soins. Mais en Suède, le
salaire des médecins est ajusté au nombre de patients en charge dans l'année et au nombre
d'actes. Le statut de salarié peut donc être compatible avec une rémunération incitant à
augmenter son activité.
En Slovénie, si les infirmiers sont autonomes dans les actions de prévention, ils
sont sous la responsabilité des médecins pour les actions de soins, ce qui maintient une
relation de subordination (41). Le rapprochement des professionnels au sein d'une même
structure ne suffit donc pas toujours à modifier le rapport hiérarchique entre les
professions, et il peut persister une logique verticale prescripteur/prestataire là où la
pluriprofessionnalité pourrait instaurer une logique plus horizontale avec une
complémentarité des compétences (reconnues) de chacun dans des domaines différents.
Le principal problème auquel sont confrontés les pays où prédomine un système
de centres de santé publique est la difficulté à absorber la demande de soins, avec de
longs délais d'attente pour pouvoir consulter un médecin. Ce qui a amené la Finlande à
introduire un nouveau contrat avec les médecins généralistes : au lieu du statut de
fonctionnaire salarié, une rémunération à la capitation est proposée, avec pour
contrepartie l'obligation de proposer un rendez-vous dans les trois jours aux patients de la
liste du médecin. De la même façon, une offre de soins privée se développe en Espagne,
en Slovénie et dans les grandes villes de Suède, avec un risque de développement d'une
médecine à deux vitesses.

2.2.4.2. Un pays où prédomine l'exercice monodisciplinnaire avec paiement à


l'acte

En Allemagne, les médecins exercent majoritairement seuls ou en cabinets mono-

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disciplinaires libéraux. La logique de la rémunération à l'acte est poussée, et elle conduit


à une productivité accrue au travers d'une forte division du travail : les médecins réalisent
plus d'actes techniques complexes qu'en France (épreuves d'effort, spirométries,
échographies abdominales), et les actes simples (accueil, prise de rendez-vous, mesure de
la tension artérielle, audiométries) sont délégués à du personnel moins qualifié (un
assistant médical qui n'a pas encore d'équivalent en France). Mais cela conduit aussi à un
moindre investissement dans les consultations nécessitant plus de temps, comme le suivi
des nourrissons ou le suivi d'addictologies (45). Ainsi le temps de consultation en
Allemagne est un des plus bas d'Europe : sept minutes et demi en moyenne (37).
Si les internes de notre échantillon ne remettaient pas en cause le paiement à
l'acte, ils s'opposaient à un tel dispositif qu'ils assimilaient à du "productivisme", et
estimaient avoir besoin de temps pour prodiguer des soins de qualité. Les médecins
allemands sont d'ailleurs plus insatisfaits de leur système de soins que ceux de onze
autres pays occidentaux dont la France, selon une étude menée en 2011 (46).

2.2.4.3. Les pays où prédomine un modèle "intermédiaire" : exercice


coordonné avec rémunération à la capitation ou au forfait

Au Royaume-Uni, les médecins sont rémunérés à la capitation avec une part


importante d'objectifs de santé publique (environ 30%), et aux Pays-Bas les médecins
sont rémunérés de façon mixte : à l'acte, à la capitation et par des forfaits pour les
pathologies chroniques.
Ces modes de rémunération limitent la surconsommation de soins, les médecins
n'ayant pas d'intérêt à voir leurs patients plus fréquemment que nécessaire. En payant
"une année de soins pour un patient", ils permettent théoriquement au médecin de répartir
comme il le souhaite le temps qu'il passe avec un patient donné, quelques consultations
longues étant rémunérées à la même hauteur qu'un grand nombre de consultations
courtes.

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En Italie plus de la moitié des médecins exercent en cabinet individuel, mais sont
intégrés dans un réseau de médecins généralistes. Ce réseau a pour but la mise en
commun des dossiers informatisés des patients, la planification des horaires d'ouverture,
et le partage d'un projet de soin commun. Pour les internes de notre étude, ce type de
regroupement était moins attractif qu'un regroupement physique, qui permet en plus,
selon eux, des contacts sociaux et des échanges informels.

Aux Pays-Bas, les soins infirmiers à domicile eux aussi ont été transformés par la
remise en cause du paiement à l'acte par l'introduction du système Buurtzorg (47). Le
paiement à l'acte avait conduit à une multiplication des acteurs au domicile des patients :
les différents actes de soin, de nursing, de prévention étaient réalisés par des intervenants
différents, des intervenants qualifiés pour les actes techniques et des moins qualifiés pour
les autres. Il n'y avait pas de valorisation des actions d'éducation thérapeutique, ni du
temps relationnel auprès du patient. Dans le système Buurtzorg, des infirmiers salariés
s'organisent en petits groupes autogérés (sans manager) ce qui limite le travail
administratif. Chaque patient a un infirmier référent unique, ce qui améliore le suivi et la
relation. L'abandon du paiement à l'acte autorise les infirmiers à prendre le temps
nécessaire pour effectuer un soin centré sur la personne, à effectuer des actions
d'éducation thérapeutique et de prévention. Ce système améliore la qualité des soins, la
satisfaction des patients et des professionnels, tout en permettant une réduction des
dépenses de santé (48).

Cependant, les systèmes de paiement au forfait ou à la capitation impliquent une


évaluation précise des pratiques pour s'assurer de la juste utilisation des ressources de
soins. Cette évaluation des pratiques peut être lourde et "bureaucratique". Au Royaume-
Uni, où l'on dénombre dans les cabinets environ un personnel administratif par médecin,
les médecins déplorent la surcharge de travail liée à ce travail d'évaluation (49).
Au Danemark, la tentative d'introduire un paiement forfaitaire pour le suivi des
patients diabétiques a échoué, devant la faible adhésion des médecins généralistes, mais
aussi suite à la fermeture de la base de données de santé qui servait de support à

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l'évaluation des pratiques pour des raisons légales.


Comme nous l'avons vu chez les internes français, s'il n'existe pas de
positionnement net sur la rémunération à la capitation, le paiement à la performance est
considéré comme une entrave à la liberté de pratique.

Chaque système présente donc ses forces et ses faiblesses, et on assiste en


pratique à une convergence des systèmes de santé vers un développement des soins de
premier recours, avec des acteurs de plus en plus regroupés et coordonnés (43).
Cependant, il est raisonnable de penser qu'il ne peut y avoir de forme d'exercice qui soit
une synthèse idéale de toutes les autres. Dès lors, la force de la France pourrait bien être
de conserver son large éventail d'organisations possibles, du cabinet individuel libéral, au
centre de santé pluriprofessionnel, en passant par différentes modalités d'associations et
de mise en réseau. Chaque médecin trouvera une structure qui corresponde à ses
aspirations. Les patients aussi trouveront leur intérêt à disposer d'une offre de soin
diversifiée.
Une étude conduite au Québec en 2006 (50) mettait en avant cette idée que,
devant des aspirations très diverses des médecins, qui d'ailleurs pouvaient évoluer au
cours de leur carrière, il ne pouvait y avoir un modèle idéal d'organisation, et qu'une offre
diversifiée était un moyen de garantir une bonne satisfaction au travail. Il ressortait
également de cette étude que les patients avaient des besoins différents qui étaient mieux
satisfaits par telle ou telle structure. Ainsi, certains médecins ayant un exercice mixte
orientaient leurs patients vers leur cabinet libéral si le besoin principal était l'accessibilité
et la disponibilité du médecin, ou vers le centre de santé communautaire en cas de prise
en charge lourde et complexe.

2.3. Regards des internes sur les transformations de la profession

Il est maintenant largement admis que les jeunes médecins ont un rapport à leur
profession différent de celui de leurs aînés. Le modèle de la "disponibilité permanente"
envers les patients est remis en cause, et la volonté de trouver un équilibre vie

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professionnelle/vie privée s'affirme (3). Nos interviewés n’ont pas dérogé à ce constat, et
souhaitaient garder du temps pour leur vie personnelle et familiale, en ne travaillant pas
tous les jours par exemple. Cependant, la disponibilité envers le patient restait une valeur
bien ancrée. Ils souhaitaient pouvoir accepter des demandes de consultations urgentes,
proposer des horaires d'ouverture tardive et veiller à assurer une permanence des soins.
Cette permanence des soins doit être préférentiellement effectuée selon eux par un
associé dont ils connaissent les pratiques et en qui ils ont confiance. En d'autre termes, la
continuité des soins en leur absence ne doit pas être assumée par une permanence
médicale quelconque, mais par un médecin du groupe avec qui sont entretenus des liens
étroits, que l'on peut considérer peut-être comme un prolongement de soi. Ainsi l'exercice
de groupe leur permettrait de préserver du temps personnel sans remettre en cause la
notion de disponibilité du médecin envers les patients.
La relation médecin-malade était toujours au cœur du soin pour les internes
interviewés. L'organisation de la médecine générale doit donc permettre cette rencontre
entre deux individus, basée sur la confiance. Le libre-choix du médecin par le patient en
est une condition selon les interviewés. La méfiance quant à un risque de contrôle - par le
statut de salarié ou par des contrats avec l'assurance maladie ou l'Etat - traduit aussi
l'attachement à la liberté de pratique. De plus les internes interviewés restaient attachés à
la liberté d'installation.
On retrouve donc chez nos interviewés les éléments du courant idéologique de la
"médecine (ultra) libérale", présent depuis la seconde moitié du vingtième siècle (51),
voire dès la constitution du syndicalisme médical (52) : une médecine « soucieuse de
préserver l'autonomie professionnelle totale [...], le paiement à l'acte, la liberté
d'installation, la liberté de choix du médecin » (51). Cependant, il convient de relever
aussi que cet attachement à une médecine libérale n'empêche pas une conscience aiguë
des inégalités d'accès aux soins sur le territoire, ainsi qu'un intérêt pour la coordination
des soins, ce que l'on peut rattacher au courant idéologique de la "médecine socialisée",
c'est -à-dire « acceptant la régulation du système [...], pour la rémunération au forfait »
(51).
Il existe une tension entre ces deux idéologies, qui aboutit à ce qu'un interviewé

SARRADON
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89

appelle un "paradoxe". Par exemple, l'idée de répartir les professionnels de santé selon
des bassins de population peut être jugée intéressante et souhaitable par un interne qui se
déclarait également attaché à la liberté d'installation. En revanche l'attachement au
colloque singulier n'entre pas en contradiction avec une prise en charge
pluriprofessionnelle, notamment dans le domaine de la prévention. La principale
difficulté envisagée était l'exigence d’une bonne coordination.

2.4. La place des relations interpersonnelles

L'exercice de groupe mono ou pluriprofessionnel était recherché par une partie de


nos internes interviewés pour les relations sociales au travail qu'il apporte. Cependant, ils
avaient conscience que de mauvaises relations interpersonnelles peuvent être une source
de problèmes majeurs. Ainsi une mésentente avec d'autres professionnels pouvait être un
motif d'abandon d'un projet d'installation. La thèse de Maréchal et Schmidt sur les causes
des ruptures d'associations en médecine générale (53) a mis en évidence que les conflits
entre associés étaient la cause principale de rupture, et qu'ils avaient parfois des
conséquences graves pour la santé mentale des médecins. Ces conflits étaient entretenus
par les différences de pratiques et de volumes d'activité, par les rapports hiérarchiques au
sein des groupes selon l'ancienneté, par le manque de verbalisation des attentes des
médecins intégrant le groupe, et par les difficultés à changer le mode de fonctionnement
du groupe.
Une thèse soutenue en 2016 par Riche (54) a exploré les facteurs de satisfaction et
d'insatisfaction des médecins généralistes travaillant en maison de santé. Les sources de
satisfaction étaient notamment « un exercice plus convivial, une émulation
intellectuelle », ce qui concorde avec ce qu'attendaient les internes que nous avons
interviewés. Toujours selon Riche, les conflits liés à la gestion financière étaient une
source d'insatisfaction, engendrant des conflits interpersonnels. Dans notre étude, les
internes ont mis en avant que les membres d'une même structure devraient partager une
vision commune, afin d'éviter de tels conflits.
Deux thèses ont établi une liste "des savoirs sur la gestion du cabinet médical à

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90

acquérir en vue d’une installation libérale en médecine générale" (55,56). Il ressort que la
gestion d'une entreprise nécessite des connaissances en matière de gestion des ressources
humaines, notamment le management d'une équipe dans les aspects « motivation,
ambiance, et gestion des conflits ». Il n'existe pas à notre connaissance de formation au
management d'une équipe destinée aux internes. Cet aspect est probablement plus
compliqué à enseigner que les aspects réglementaires et administratifs de la gestion de
personnel. Cependant, au vu des conséquences possibles de conflits au sein d'un cabinet
de groupe, évoquées au cours de nos entretiens et focus group, et dans l'étude de
Maréchal et Schmidt (53), il nous semble finalement que cet aspect de la formation
devrait être enseigné prioritairement.

Les internes de notre étude désiraient instaurer une ambiance conviviale sur leur
lieu de travail, par le partage de moments de pause et des repas notamment. Ils
accordaient une grande place pour les échanges informels entre les différents
professionnels. Ces échanges informels étaient jugés adaptés pour se transmettre les
informations nécessaires au suivi conjoint d'un patient, tout en évitant des lourdeurs de
fonctionnement. Maintenir une "taille humaine" du groupe leur semblait une solution
pour permettre ce type d'échanges. Dans la même optique, le système Buurtzorg limite la
taille de ses équipes à douze infirmiers (47).

Le travail de thèse de Morvan (57) a cherché à comprendre pourquoi des


professionnels de santé travaillant en cabinet de groupe ne formalisaient pas leur
association en MSP. Il ressort que les professionnels avaient déjà le sentiment de
fonctionner en groupe. Cependant cette notion était ambiguë : elle cohabitait avec le
sentiment d'un travail « chacun de son côté ». Les échanges entre professionnels étaient
essentiellement informels, oraux, bilatéraux (entre deux professionnels), au cas par cas.
Cette organisation était perçue comme souple, comparativement à un travail de
coordination formalisé, jugé lourd, qui décourageait la structuration en MSP. Un article
sur les dynamiques professionnelles au sein des MSP (58) retrouve que le mode de
communication prédominant au sein des MSP reste les échanges oraux informels.

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91

Néanmoins l'existence d'échanges pluriprofessionnels formalisés engendre une vraie


transformation des pratiques, notamment par la « modification des frontières
professionnelles ».
Cet article relève aussi l'importance d'un management participatif, pour que
chacun s'implique et trouve sa place. Les internes que nous avons interviewés
envisageaient difficilement une structure fonctionnant sans « chef ». En Angleterre
également, pour les groupes d'infirmiers à domicile qui ont adopté un modèle
"Buurtzorg", le principal défi de ce changement de statut a été de travailler en
collaboration plutôt que sous la responsabilité de quelqu'un (48).
Le modèle dominant de rapport entre les médecins et les professions
paramédicales est un rapport vertical de prescription. Il existait parmi certains interviewés
une aspiration à des rapports plus horizontaux. La formation initiale des médecins devrait
intégrer une formation sur les modalités du travail collaboratif, pour lever les freins
culturels au travail collaboratif (58), et permettre une véritable émergence de soins
primaires coordonnés.

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CONCLUSION

Notre étude montre que les internes de médecine générale sont ambivalents vis à
vis de la gestion d'un cabinet médical. Cette dernière peut être considérée, d’une part,
comme une charge les écartant de leur mission première : le soin, et d’autre part, comme
une possibilité d’autonomie professionnelle appréciée.
Le manque de connaissances dans les domaines administratif et comptable peut
effrayer les médecins qui n'ont pas encore entamé leur processus d'installation. Même si
une prise de conscience de ces besoins de formation par les facultés de médecine existe,
des efforts restent à faire.
L’organisation idéale d’un cabinet médical est variable selon les internes. La
multiplicité des expériences est pour eux un moyen de parfaire les choix de leur futur
exercice.
Les différents modes d’exercice sont tous des options possibles pour les jeunes
médecins :
x L'exercice individuel reste une option envisageable, préférable à une association
dans de mauvaises conditions.
x L'exercice salarié est rarement exclu par les internes, mais il manque de visibilité,
notamment par ignorance de ce mode d’exercice lié à un manque de terrains de
stage au cours du DES en centre de santé.
x L'exercice de groupe est recherché, d’une part pour la socialisation qu'il apporte,
d’autre part pour l'amélioration de l'organisation (planning, emploi de personnel,
équipement...) et enfin pour la mise en commun des savoirs (sous-spécialisation,
partage d'expérience...).
x La pluriprofessionnalité est recherchée pour le partage de compétences entre
professions facilitant une approche globale du patient. Cependant, le montage de
structures pluriprofessionnelles est jugé lourd, avec la nécessité d’une
coordination formelle entre professionnels. Cette dernière est redoutée, les
internes souhaitant un fonctionnement majoritairement informel, avec des temps
de partage conviviaux.

SARRADON
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Si l'importance de la qualité des relations au sein d'un groupe est bien perçue par
les internes de notre étude, ils ne revendiquent pas de formation dans ce domaine. Elle est
au second plan, voire absente, des travaux de thèse ou des rapports syndicaux abordant la
formation des internes de médecine générale. Pourtant, une des principales difficultés du
médecin de demain, dans une structure de groupe, portera sur la gestion des relations
interpersonnelles au sein d'une équipe. Cet aspect-là mériterait également une formation
dédiée.

Libérer du temps médical est un des enjeux de la médecine de demain. La


délégation des tâches non médicales est volontiers envisagée, sous réserve d'un coût
acceptable. Pour ce qui est des tâches médicales, les actions de prévention sont plus
facilement déléguées que les actions de diagnostic et de traitement, qui restent perçues
comme le territoire exclusif du médecin.

Le médecin généraliste a différentes missions, qui peuvent impliquer des


organisations différentes de son emploi du temps, et qui peuvent être rémunérées de
différentes manières. La perception des différents modes de rémunération, à l'heure où ils
sont amenés à évoluer, mériterait des études qualitatives approfondies auprès des
nouvelles générations de médecins.

Les internes sont traversés par deux tensions :


- D'un côté, ils valorisent la relation médecin-malade, souhaitant prendre
le temps nécessaire en consultation pour pratiquer ce qu'ils jugent être une médecine de
qualité, et sont attachés à la liberté d'installation. D'un autre côté, ils perçoivent le
discours ambiant de pénurie de médecins, d'inégalités d'accès aux soins selon les
territoires, ainsi que les injonctions à trouver des solutions pour satisfaire une demande de
soins toujours croissante.
- En parallèle, ils valorisent d'une part l'autonomie professionnelle, que ce
soit dans leur organisation de travail comme dans leur pratique médicale. D'autre part, ils

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aspirent pour une partie d'entre eux à des soins de premier recours coordonnés et intégrés
amenant un partage de cette autonomie avec les autres professions de santé.

Au terme de notre étude, nous pouvons retenir que la balance des avantages et
inconvénients de chaque mode de gestion d'un cabinet est une balance individuelle. Les
multiples formes d'exercice possibles de la médecine générale en France sont une
richesse qu'il convient de cultiver, comme le montrent les opinions collectées dans notre
étude. Mieux former les internes à la gestion d'un cabinet leur permettrait d'aborder
sereinement leur avenir. La gestion des conflits au sein d'une équipe devrait être un
objectif de cette formation.

SARRADON
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ANNEXES

Annexe I : Caractéristiques de l'échantillon

Age Sexe Situation Stage(s) Structures Formation Médecin dans Faculté Faculté
familiale ambulatoire(s) en stage théorique l'entourage d'externat d’internat
effectué(s) optionnelle familial
E1 26 F Couple SASPAS Individuel Forum installation non Lyon Est Lyon Est
+MSP
E2 37 F Couple Niveau1 groupe non non Lyon Est Lyon Est
1 enfant
E3 27 F Couple SASPAS Individuel Forum installation Oui. Hospitalier Lyon Sud Lyon Est
1 enfant +groupe+
MSP
E4 26 F Couple Niveau 1 Individuel Forum installation Oui. Salarié Lyon Sud Lyon Sud
+MSP x2
E5 28 H Couple SASPAS Individuel non Oui. Libéral Lyon Est Lyon Est
+groupe
E6 28 H Couple Niveau 1 Individuel non Oui. Libéral Lyon Est Lyon Est
+groupe
E7* 27 F Célibat Niveau 1 MSP FMC Oui. Salarié Paris Lyon Est
remplacement Descartes
E8* 28 F Couple SASPAS groupe+MSP non Oui. Marseille Lyon Est
Libéral/hospitalier
F1 27 F Couple SASPAS groupe+MSP Cours facultaire Non Lyon Marseille
F2 29 H couple SASPAS Individuel Cours facultaire Non Marseille Marseille
+groupe
F3 36 H Couple SASPAS groupe Cours facultaire Oui. Libéral Marseille Marseille
F4 38 F Célibat SASPAS groupe+MSP non Oui. Libéral Marseille Grenoble
F5 29 F Couple SASPAS groupe Cours facultaire Non Lyon Marseille
E9 30 F Couple SASPAS Individuel Forum installation non - Lyon
+groupe
+MSP
E10 27 F Célibat SASPAS Individuel FMC Oui. Lyon Sud Lyon Sud
+groupe remplacement Libéral+Salarié
+MSP
E11 28 F Célibat SASPAS Individuel FMC Oui. Hospitalier Lyon Sud Lyon Sud
+groupe remplacement
+MSP
E12 28 F Célibat SASPAS Seul+groupe FMC Non Lyon Sud Lyon Sud
remplacement

*Précisions sur les profils : E7 s’est impliquée dans l’organisation du Forum de


l’installation, et E8 se prépare à un mode d’exercice particulier.

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Annexe II : Guide d'entretien, première série d'entretiens individuels

Q1: Pouvez-vous me raconter une situation où vous avez participé à la gestion


du cabinet?

Relance: comment avez-vous perçu cette tâche?

Q2: Quels enseignements en matière de gestion du cabinet retenez-vous de


vos stages?

Q3: Quels sont vos autres sources d'apprentissage de la gestion du cabinet?

Relance: cela vous a semblé approprié? (informations adaptés à vos


besoins, reçues au bon moment?)
Relance: quelle formation souhaiteriez-vous recevoir en plus (contenu,
forme, quand)?

Q4: Comment voyez-vous la gestion de votre futur cabinet?

Relance: Que redoutez -vous?


Relance: Qu'est-ce qui va être facile pour vous?

Q5: Y-a-t ‘il des éléments en lien avec la gestion du cabinet qui pourraient
guider vos choix professionnels?

Q6: Que pensez-vous de l'exercice salarié de la MG?

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Annexe III : Guide d'entretien focus group et seconde série d'entretiens individuels

Q1 : Pouvez-vous nous raconter une situation où vous avez participer à la


gestion du cabinet ?

Q2 : Comment verriez-vous l'organisation de votre futur cabinet ?

Q3 : voici 3 modèles d'organisation des cabinets de soins premiers à l'étranger.


Cette présentation est imparfaite et caricaturale, son but est seulement de servir de
support à la discussion.
Que pensez-vous de ces exemples ? Qu'est-ce qui vous plaît/déplaît ?

Q4 : Si tout était possible, qu'elle serait l'organisation idéale de votre cabinet ?

Questions de relance :
Quelle répartition des tâches, avec quels professionnels ?
Quelle place pour les nouvelles technologies ?

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Annexe IV : Support écrit de présentation des modèles étranger, focus group

En Allemagne

Paiement à l'acte
En groupe ou seul, environ 50/50
1,8 assistant médical par médecin : accueil, secrétariat, mesure TA, prise de sang,
ECG, audiométrie
Les médecins font (plus de la moitié des médecins) : échographie, épreuve d'effort
Revenus 4 fois supérieurs au salaire moyen national
Temps de consultation moyen : 7,6 minutes

En Espagne

Salariat
Centres de santé gérés par les régions, répondent aux besoins de santé d'un bassin
de population,
Regroupent tous les acteurs de premiers recours : MG, Infirmières, pédiatres,
sages-femmes, psychologue, assistantes sociales, dentistes, kinés, personnels
d'accueil et administratif.
1 MG pour 1 infirmière
MG : malades aigus ou chroniques instables. IDE : chroniques stables ou
prévention
Temps d'échange en équipe inclus dans les horaires de travail
37,5h / semaine hors garde
2 fois le salaire moyen national
Temps de consultation moyen : 7,8 minutes

Au Royaume-Uni

Obligation de faire partie d'un réseau qui est responsable d'une population
(patientèle de cabinet)
MG salarié ou co-administrateur du cabinet
Rémunération à la capitation + 30% d'objectifs de santé publique
En moyenne 5 MG, 1 à 2 infirmières, 5 employés administratifs
Infirmières : suivi des pathologies chroniques, vaccinations, prévention
3,2 fois le salaire moyen national
Temps de consultation moyen : 9,4 minutes

En France
Paiement à l'acte + 10% objectifs de santé publique
2,4 fois le salaire moyen national
Temps de consultation moyen : 16,4 minutes

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Annexe V : Support écrit de présentation des modèles étrangers, seconde série


d'entretiens individuels

Pays-Bas
Exercice au sein de petits cabinets (en général 2 MG)
Rémunération à l'acte + capitation + forfaits annuels pour les pathologies
chroniques
Exemple coordination des soins: ZIO à Maastricht = association à but non lucratif
qui coordonne l'ensemble des 90 MG, 52 IDE, 150 kiné, 30 diététiciens pour la
prise en charge du diabète, BPCO, pathologies cardio-vasculaires
Gère le partage des données via l'informatique
Gère la formation / évaluation
Paiement au forfait: l'assurance maladie paye "un an de soins pour le diabète"
Temps de consultation moyen : 10 minutes

Suède
Exercice au sein de centres de santé pluriprofessionnels qui regroupent des
secrétaires, MG, IDE, sages-femmes, assistants de laboratoire, kiné,
gynécologues, pédiatres, psychiatres.
Liberté de choix du médecin.
MG salariés avec salaire fixé selon nombre de patient en charge et nombre d'actes.
Une infirmière d'accueil fixe les rendez-vous, soit avec un médecin soit avec une
IDE.
Des IDE gèrent les actions de santé publique, les premiers contacts avec les
patients, les pathologies bénignes comme les infections urinaires, les infections
des voies aériennes supérieures, les dermatites.
Les MG ont des plages de consultations téléphoniques.
Temps de travail de 40 heures/semaine.
Temps de consultation moyen : 22,5 minutes.

Italie
Rémunération à la capitation 70%, objectif de santé publique 20%, subvention
pour équipement/recrutement de personnel 10%.
38h/semaine en moyenne, +/- 5 heures d'activité libérale.
Plafonnement à 1500 patients.
Regroupement majoritairement en réseau: cabinets indépendants avec
- informatique commune
- projet de soins commun
- planification des horaires d'ouverture.

France
Paiement à l'acte + 10% objectifs de santé publique.
Temps de consultation moyen : 16,5 minutes

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UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD LYON 1


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SARRADON Yoann
Représentations de la gestion d’un cabinet médical : étude qualitative
auprès d’internes de médecine générale

RESUME
Introduction : Plusieurs enquêtes retrouvent un manque de formation des internes dans la
gestion d'un cabinet médical. Celle-ci et les tâches administratives qui en découlent sont des
freins à l'installation fréquemment évoqués.
L'objectif de notre étude était d'explorer les représentations des internes de médecine générale
concernant la gestion d'un cabinet.
Méthode : Une enquête descriptive qualitative par entretiens individuels et focus group a été
menée auprès d'internes de dernière année ayant réalisé au moins un stage ambulatoire. Le guide
d'entretien a inclus une présentation de formes d'organisation de la médecine générale existantes
dans divers pays européens.
Résultats : 17 internes ont été interviewés : 12 au cours d'entretiens individuels et 5 au cours d'un
focus group. La gestion du cabinet était vécue comme une charge empiétant sur la mission de
soins du médecin, mais elle permettrait une autonomie professionnelle appréciée. Tous les modes
d'exercice étaient envisagés par les internes. Ils souhaitaient poursuivre leurs expériences pour
parfaire leur choix. Ils se sentaient insuffisamment préparés à la gestion d'un cabinet, et
envisageaient l'aide de leurs pairs pour compléter leur formation. Ils accordaient une grande
importance à la qualité des relations interpersonnelles au sein d'une structure de groupe. Ils
envisageaient de libérer du temps médical en délégant les tâches non médicales, sous réserve du
coût de cette délégation. Ils envisageaient de transférer aux professions paramédicales les actions
de prévention préférentiellement aux actions de diagnostic ou de traitement.
Conclusion : Les internes étaient partagés entre leur aspiration à une autonomie professionnelle
et le souhait d'un exercice regroupé, voire pluriprofessionnel.
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Mots-Clés : Médecine générale ; recherche qualitative ; représentations ; gestion du cabinet ;
modes d'exercice ; délégation de tâches ; exercice libéral.
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JURY Président : Monsieur le Professeur Cyrille Colin
Membres : Madame le Professeur Sylvie Erpeldinger
Monsieur le Professeur Jean-Pierre Dubois
Monsieur le Docteur Brice Duraffourg
Date de soutenance : 04 Avril 2019
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1 chemin de Grange
g neuve, 05300 Le Poët yoann.sarradon@laposte.net

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