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Tema 1.

Évolution de la didactique des langues. Tendances actuelles dans la


didactique du FLE. L’approche communicative.

Introduction. Évolution des méthodologies en didactique des langues. – 1 La méthodologie traditionnelle


– 2. La méthodologie directe – 3. La méthodologie active – 4. La méthodologie audio-orale – 5. La
méthodologie audiovisuelle – 6. L’approche communicative. En guise de conclusion : la situation actuelle
en didactique des langues étrangères. Bibliographie

Introduction
La didactique des langues étrangères suit, dans ses transformations, l’évolution de ses
deux piliers théoriques fondamentaux : la linguistique et les théories sur l’apprentissage. En
ce qui concerne la première, le déplacement de l’intérêt de l’objet langue conçu comme
système, à la langue comme outil de communication, avec la prise en compte des postulats
de la pragmatique, déterminera la nouvelle conception de l’objet d’apprentissage qui ne
sera plus l’apprentissage mémoristique de l’appareil formel « langue » mais l’acquisition
d’un savoir faire communicatif où les connaissances proprement linguistiques (phonétique,
grammaire, lexique) seront subordonnées aux besoins et aux enjeux de la communication.
Quant aux théories sur l’apprentissage, le passage du béhaviorisme au constructivisme, fera
notamment changer la conception du rôle de l’apprenant, replacé au centre des réflexions
sur les processus d’apprentissage. C’est ainsi que l’on verra, sous l’influence de ces
changements, évoluer les méthodologies dans le sens d’une intégration des aspects
communicatifs et de la participation active des apprenants. Nous envisagerons par la suite
cette évolution à travers ses étapes les plus importantes

Évolution des méthodologies en didactique des langues

1. La méthodologie traditionnelle1

1
Dite aussi « méthode classique » et « méthode de grammaire/traduction ».

1
Nous envisageons sous cette rubrique la méthodologie héritée de l’enseignement des
langues anciennes, basée sur la méthode dite de grammaire/traduction, et en usage général
dans l’enseignement secondaire français dans la seconde moitié du XIX e siècle. En effet,
historiquement, la première méthodologie d’enseignement des langues vivantes s’est
calquée sur l’enseignement des langues anciennes, qui constitue pendant longtemps
l’essentiel de l’éducation donnée aux jeunes apprenant le latin comme une langue vivante
avec, comme principal but, de rendre les élèves capables de lire, d’écrire et de parler
couramment cette langue. Pour comprendre cette méthodologie, il convient sans doute de
retracer brièvement l’histoire de l’évolution de l’enseignement du latin.
C’est à partir de la Renaissance qu’intervient la première modification importante dans
l’enseignement du latin : d’une part, la nouvelle invention de l’imprimerie et la diffusion des
auteurs antiques latins vont imposer comme seul latin digne d’être enseigné non le latin
parlé, proche des langues romanes qui en sont issues, mais le latin classique. La
conséquence en est la complexification croissante des livres de grammaire, qui se
transforment en de lourds traités théoriques dont l’apprentissage a priori prendra de plus en
plus de place dans l’enseignement. D’autre part, à partir de la Renaissance, le latin tend à
devenir plus “chose d’apparat” qu’instrument de communication. Aussi, est-ce la
composition écrite littéraire qui va finir par s’imposer comme principal exercice scolaire
jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Une nouvelle évolution intervient dans le second tiers du XVII e siècle, lorsque l’on va
tirer les conséquences didactiques du nouveau statut social du latin, remplacé par le français
et par les autres langues nationales d’Europe comme langue usuelle de communication, et
devenu par conséquent une langue morte et une simple discipline scolaire. La nécessité
nouvelle qui en découle d’enseigner le latin à partir du français provoque un remaniement
général de la méthodologie d’enseignement : désormais, la langue maternelle occupera une
place prépondérante dans la stratégie d’enseignement. Au XVIII e, l’application de cette
méthode que l’on appellera plus tard de grammaire/traduction va finir par constituer
l’essentiel de la méthodologie d’enseignement du latin. Dans les classes de grammaire, le
procédé de mémorisation/restitution (apprentissage par cœur, puis récitation en classe)
conserve l’importance primordiale.

2
Lorsque la fin du XVIII e amène, avec les progrès de l’industrie et du commerce et le
développement des rapports internationaux, une demande sociale de connaissance pratique
des langues modernes, c’est la méthode grammaire/traduction, adaptée désormais à
l’enseignement des langues vivantes étrangères, qui va continuer à s’imposer, aussi bien
dans les manuels (où les traductions conservent un rôle essentiel) que dans les différents
plans d’études. Mais à la fin du XIXe, la société ne demande plus à l’enseignement des
langues d’être, comme dans la méthodologie traditionnelle, un instrument de culture
littéraire ou de gymnastique intellectuelle, mais d’abord un outil de communication au
service de ce développement des échanges économiques, politiques et culturels qui
s’accélère au début du XXe siècle. L’évolution des besoins sociaux et de la fonction sociale
assignée prioritairement à l’enseignement des langues étrangères provoque l’apparition
d’un nouvel objectif dit pratique, de maîtrise effective de la langue comme outil de
communication.
Dans cette évolution, il faut également signaler, depuis le XVII e siècle, le
développement d’un courant de pensée qui prône ce que l’on appelle la “méthode
naturelle” : cette expression désigne la façon dont les enfants apprennent leur langue
maternelle. L’observation de ce processus d’apprentissage, par opposition à la méthode
d’enseignement du latin mène à une réflexion permettant très tôt de prendre conscience,
chez certains esprits, de l’existence d’un certain nombre de processus fondamentaux
d’acquisition des langues. Les plus souvent mis en évidence sont : (1) celui de
l’audition/répétition fréquente de modèles oraux, (2) celui de l’acquisition inconsciente de
règles grammaticales non explicitées, des règles que l’on apprend par la pratique et qu’on
applique, sans le savoir, par la simple imitation.
Ces deux processus fourniront l’essentiel des arguments pour la critique de la méthode
grammaire/traduction. Cette réflexion constitue par ailleurs l’une des composantes
originelles de la pensée didactique, et elle sera à la base des grands principes de la
méthodologie que nous envisagerons par la suite, la méthodologie directe.
2. La méthodologie directe

3
L’expression méthode directe (1901) reste en concurrence pendant quelques années
avec d’autres expressions venues d’Allemagne (où des formes de méthodologie directe
avaient été plus tôt développées) comme la méthode de la Réforme, la méthode phonétique
ou la méthode intuitive. Elle finira par s’imposer pour désigner l’ensemble de la
méthodologie, sans doute parce que le principe direct posait la nouvelle méthodologie en
l’opposant à la méthode traditionnelle de la grammaire/traduction.
Ce principe direct ne se réfère pas seulement dans l’esprit de ses promoteurs à un
enseignement des mots étrangers sans passer par l’intermédiaire de leurs équivalents en
langue maternelle, mais aussi à celui de la langue orale sans passer par l’intermédiaire de sa
forme écrite et à celui de la grammaire sans passer par l’intermédiaire de la règle explicitée.
Dans une certaine mesure, la méthodologie directe se situe dans le prolongement
historique d’une évolution interne de la méthodologie traditionnelle : au cours du XIX e, sous
la pression de l’objectif pratique apparaissent les CTOP (cours traditionnel à objectif
pratique, p. ex. La langue française apprise sans maître en 30 leçons), où l’importance de
l’enseignement a priori de la grammaire décroît au profit de la pratique orale de la langue ;
cette évolution se poursuit entre 1870-1902 dans les CTOP scolaires : d’une part, la
systématisation de la méthode orale y menace pour la première fois ce qu’il reste du noyau
dur de la méthodologie directe : la méthode de traduction ; d’autre part, la présentation du
vocabulaire pouvant être assurée dans les débuts de l’apprentissage par la “leçon de
choses”, ensuite par le texte suivi de base, et la conversation en classe étant devenue le
mode principal d’explication et d’assimilation de ce vocabulaire, les listes de mots à
mémoriser ne sont plus indispensables à la stratégie d’enseignement. Aussi, lorsque
l’instruction officielle de 1902 impose brutalement aux professeurs de LE un enseignement a
posteriori de la grammaire (démarche inductive) ainsi que la suppression de la méthode de
traduction et les listes de mots, il y a bien rupture méthodologique, mais cette rupture peut
être considérée elle-même comme un aboutissement d’une évolution amorcée deux siècles
plus tôt.

Les différences fondamentales entre méthodologie traditionnelle et méthodologie


directe sont les suivantes :

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méthodologie traditionnelle méthodologie directe

objectif culturel et formatif objectif pratique

passivité de l’élève méthode active

appel à la mémoire appel à la motivation, à l’intuition

grammaire déductive grammaire inductive

priorité à l’écrit méthode orale

contenus littéraires contenus de la vie quotidienne

phrases isolées (citations) textes suivis

priorité à l’étude priorité au travail en classe

Parmi les sources qui se trouvent à l’origine de cette méthodologie, il faut également
parler du développement des recherches en psychologie (XIX e-XXe) et tout particulièrement
en psychologie de l’enfant, qui provoqueront dans l’enseignement un renouveau
pédagogique. Alors que par exemple la psychologie traditionnelle considère dans la
perception la simple impression que le sujet reçoit de l’extérieur, les recherches nouvelles
mettent l’accent sur la réaction du sujet à cette impression. C’est cette rupture entre la
conception d’un sujet passif, simple récepteur, et celle d’un sujet actif qui va permettre
d’imaginer une nouvelle pédagogie fondée sur la méthode active. Par ailleurs, la sollicitation
permanente de l’activité de l’apprenant entraîne une série de nouveaux principes
pédagogiques, tels que :
— la prise en compte des capacités, des besoins et des intérêts des apprenants,
— une gradation cohérente des contenus lexicaux, qui prendra sa forme dans la
succession des centres d’intérêt,
— une progression des contenus grammaticaux du connu à l’inconnu, du concret à
l’abstrait, du particulier au général.
L’analyse des principes de la méthodologie directe montre donc à la base les principes
suivants :

a) le principe direct : c’est le postulat qui soutient la méthode.

5
L’enseignement/apprentissage doit se faire directement, sans l’intermédiaire de la
langue maternelle, parce que l’objectif est d’amener l’élève à s’exprimer directement, sans
traduction mentale, c’est-à-dire à « penser directement » en langue étrangère. Ce principe
direct constitue donc la clef de voûte sur laquelle repose l’ensemble de la méthodologie
directe. Il oblige, par l’interdiction de l’emploi de la langue maternelle, à inventer de
nouveaux procédés et techniques de présentation (p.ex. l’image), d’explication (méthode
imitative) et d’assimilation (méthode interrogative) des formes linguistiques.

b) l´oral : la pratique orale de la langue en classe prépare à la pratique de la langue


dans la vie (objectif pratique).

c) le principe actif : il s’agit d’un principe central dans cette méthodologie. D’objet de
connaissance qu’elle était dans la méthodologie traditionnelle, la langue devient ici un
moyen d’action. La psychologie met à cette époque en évidence la nature réelle de
l’apprentissage chez l’enfant, qui est activité de découverte et de construction personnelles.
A partir de là, vont se mettre en place les trois autres grands principes de la pédagogie
moderne : la motivation, l’adaptation des contenus à l’intérêt, à la capacité et aux besoins de
l’enfant et la progression. Instructions officielles, écrits des méthodologues et préfaces des
manuels abondent de références à toutes ces notions : ils s’agit constamment désormais
d’éveiller la curiosité de l’enfant et de maintenir son attention par un enseignement varié et
vivant.
Il faut également signaler que la conception de l’erreur est modifiée radicalement :
alors qu’elle était pour ainsi dire programmée dans la méthodologie traditionnelle (les
« pièges » obligeant l’apprenant à un effort d’attention et à un recours raisonné aux règles
de la grammaire), son utilité est rejetée par les méthodologues directs.

d) l´interrogation : elle s’articule aux trois principes fondamentaux : direct, actif et


oral. En classe, les questions orales en langue étrangère du professeur sollicitent en
permanence l’attention et les réponses orales des élèves directement en langue étrangère.

6
La suppression des exercices de traduction va pousser à l’extrême le développement de la
méthode interrogative dans la méthodologie directe.

e) l´intuition : c’est ce qui va permettre l’enseignement direct de la langue étrangère


par le recours aux capacités d’intuition des élèves eux-mêmes. Le mot intuition désigne ici de
manière très large la faculté que possède tout élève d’opérer des associations directes (sans
passer par l’intermédiaire de la langue maternelle) entre la langue étrangère et la réalité,
celle-ci étant soit montrée aux yeux, soit suggérée à l’esprit (gestes, mimique), soit évoquée
en langue étrangère en s’appuyant sur la compétence déjà acquise.

f) l’imitation : la référence à la méthode imitative naturelle, cette imitation acoustique


par laquelle l’enfant apprend en imitant constamment, avant même de les comprendre, les
sons produits par ses proches, impose au méthodologue le problème de la place et du rôle
de la répétition intensive et mécanique, non seulement dans l’apprentissage de la seule
prononciation, mais aussi dans l’apprentissage de la langue en général. L’imitation, adaptée
à l’enseignement, doit être appliquée de manière organisée et systématique. L’application
de manière organisée implique que l’apprentissage de la phonétique est conçu comme une
sorte de gymnastique des organes, où l’on attaque, l’une après l’autre les difficultés de
prononciation. L’application de manière systématique implique que l’application est
considérée nécessaire tout au long de l’apprentissage.

g) la répétition : pour les méthodologues directs, on comprend en devinant, on


apprend en imitant, on retient en répétant. une langue n’est pas seulement une science, un
art, c’est surtout une habitude qu’on n’acquiert, comme toutes les autres, que par un long
entraînement. il faut donc, par des répétitions fréquentes et rapprochées, accoutumer
l’élève aux sons nouveaux et à leur émission correcte. La notion de répétition est essentielle
dans le domaine de l’histoire des méthodologies, parce qu’elle permet de rendre compte de
la prise de conscience progressive des différents types de répétition et de leur articulation
nécessaire dans une stratégie d’enseignement2.

2 ?
Types de répétition :

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Pour résumer, on peut donc dire que :

pour l’enseignement la méthodologie directe utilise sans passer par l’intermédiaire

du sens des mots les procédés intuitifs (gestes, du mot correspondant en langue
objets, mimique) maternelle

de la grammaire les exemples de la règle grammaticale

du sens des phrases et des la compréhension globale des différents mots isolés
textes

Or, la méthodologie directe a rencontré des problèmes dus non seulement à des
facteurs externes à la propre méthodologie, mais aussi à des facteurs internes tels que :
— l’insuffisance de la psychologie de l’apprentissage utilisée, qui n’est pas spécifique à
l’apprentissage des langues étrangères, puisqu’elle est en réalité constituée d’un mélange
empirique de méthode naturelle et de méthode active,
— l’insuffisance de la description grammaticale utilisée, le renouvellement scientifique
en linguistique étant à l’époque de l’élaboration de la méthodologie directe pris en charge
par lune linguistique historique sans application en didactique des LE. La grammaire des
manuels est certes simplifiée et graduée par rapport à celle de la méthodologie
traditionnelle, mais c’est toujours bien de la même grammaire classique et traditionnelle
qu’il s’agit, normative, souvent incohérente en raison du caractère hétéroclite de ses outils
d’analyse et construite à partir de la langue écrite.
— l’insuffisance de la description lexicale de la langue et l’absence de moyen
scientifique de gradation et de sélection lexicale, qui provoque dans les manuels une
inflation du vocabulaire.
— l’insuffisance de la description culturelle de référence, qui amène méthodologues et
auteurs de manuels à prendre comme fil directeur de l’enseignement culturel l’histoire
littéraire.

a) répétition extensive : plutôt pour l’enseignement du vocabulaire. Elle est extensive dans la mesure où il s’agit d’une
révision périodique, échelonnée dans le temps.
b) répétition intensive : plutôt pour l’enseignement de la grammaire. Elle agit en un temps limité, celui nécessaire à la
réalisation d’un exercice grammatical, par exemple.
c) répétition ré-productrice : opposée à la répétition reproductrice (citation par cœur), la ré-production propose le
réemploi des formes linguistiques dans la production d’une phrase nouvelle.

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— l’insuffisance de la pédagogie de référence.

Cependant, l’apport de la méthodologie directe est très important : elle s’est


constituée en un ensemble très cohérent sur lequel les méthodologies suivantes, jusqu’à nos
jours, ne pourront opérer que des choix et des modifications limités. Le noyau dur de la
méthodologie directe va fonctionner comme une véritable matrice historique des
méthodologies suivantes.

3. La méthodologie active (1920-1960)


´
Connue aussi sous le nom de méthodologie éclectique, ou encore de méthodologie
mixte, elle représente un compromis, une combinaison entre méthodologie directe et
méthodologie traditionnelle. Les méthodologues, dans les années 1920 et suivantes,
manifestent une quasi-unanimité sur la nécessité d’abandonner la méthodologie directe et
une volonté partagée d’élaborer une nouvelle méthodologie douée de sa propre cohérence.
La méthodologie active va donc rechercher le progrès à la fois dans une réaction (le retour à
certains procédés et techniques traditionnels) et dans une conservation (le maintien des
grands principes de la méthodologie directe).

C’est bien entendu l’échec relatif de la méthodologie directe en milieu scolaire qui a
mis au jour, après la Première Guerre Mondiale, le besoin d’une nouvelle méthodologie. La
France de l’après-guerre n’est plus cette nation inquiète, ouverte sur l’étranger à la
recherche du renouveau. On assiste au contraire, après 1919, dans toute la pédagogie
officielle, à un net repli sur les valeurs traditionnelles de formation intellectuelle et
culturelle. La méthodologie directe, élaborée dans un contexte de spécification de
l’enseignement des LE et sur la base d’une priorité à l’objectif pratique, se trouve en
contradiction avec la nouvelle politique éducative, et elle sera délaissée par ceux-là mêmes
qui l’avaient imposée vingt ans plus tôt.

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La caractéristique principale de la méthodologie active est son éclectisme technique,
qui ne modifie pas le noyau dur de la méthodologie directe, mais introduit dans chacune de
ses trois composantes fondamentales un certain nombre de variations :

a) assouplissement de la méthode orale : le texte écrit comme support didactique


reprend pleinement sa place. La première phase purement orale de chaque leçon ne
représente plus l’essentiel du travail en classe, elle constitue au contraire une préparation à
la lecture du texte. D’autre part, les exercices écrits de réemploi prennent plus d’importance
qu’ils n’en avaient dans la méthodologie directe. L’accent est cependant maintenu sur
l’enseignement de la prononciation et sur les procédés de l’imitation, la plupart des
méthodologues se montrant d’ailleurs partisans de l’utilisation d’auxiliaires audio-oraux.

b) assouplissement de la méthodologie directe :


— en enseignement du vocabulaire : si l’intuition reste de rigueur, le recours à la
langue maternelle comme procédé d’explication n’est plus strictement interdit, mais n’est
recommandé que pour les mots qui se prêtent difficilement à une explication directe ;
— en enseignement de la grammaire : l’équilibre entre l’apprentissage “mécanique” et
l’apprentissage “raisonné” est modifié au profit de ce dernier. La méthodologie active met
l’accent beaucoup plus sur la répétition extensive, en dépit de la répétition intensive.
L’imitation, maintenue pour l’enseignement phonétique, est rejetée pour la grammaire.

c) valorisation du principe actif : les méthodologues vont s’attacher à multiplier les


propositions de procédés et de techniques visant à maintenir et à développer l’activité de
l’élève.

Globalement, l’essentiel des acquis de la méthodologie directe est préservé dans la


méthodologie active, et c’est ce qui explique que certains méthodologues considèrent cette
dernière comme une méthodologie directe “assouplie” ou “complétée”. En fait, la rupture
avec la méthodologie directe n’est pas à situer au niveau technique, bien que la

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réintroduction de procédés traditionnels ait constitué la nouveauté la plus marquée à
l’époque.

4. La méthodologie audio-orale (M.A.O.)

Cette méthodologie, conçue et développée aux États-unis ente 1945-1960 s’inspire de


ce que l’on connaît comme la « méthode de l’Armée », méthode conçue par les Américains
lors de la Seconde Guerre mondiale pour la formation des militaires.

Les théories de référence de cette méthodologie ne sont plus les mêmes que celles des
précédentes : elle s’appuie sur une théorie linguistique précise (le distributionnalisme
américain) et sur une théorie de l’apprentissage par conditionnement (béhaviorisme 3). Elle
vise, comme la méthodologie directe, à privilégier l’oral, mais elle introduit l’idée de
progression par étapes minimales (step by step), se rapprochant de l’enseignement
programmé, et celle de l’apprentissage par stimulus-réponse sur des modèles à imiter.
L’exercice structural et l’utilisation du laboratoire de langues en seront les principaux
résultats.
Considérons à présent chacune des théories de référence sur lesquelles se fonde la
méthodologie audio-orale.

a) La linguistique distributionnelle.

La linguistique américaine de cette époque est marquée par l’analyse distributionnelle,


dont L. Bloomfield présente déjà la théorie en 1926. La M.A.O. s’appuiera surtout sur les
travaux des disciples de Bloomfield, S. Zellig et Z.S. Harris. La linguistique distributionnelle
considère la langue selon deux axes :

— l´axe paradigmatique, ou axe vertical, sur lequel se situent les mots qui peuvent
remplacer un autre mot à un endroit donné de la chaîne parlée. Sur cet axe, la manipulation
linguistique de base est la substitution, qui permet la segmentation de la phrase en unités
3 ?
Cf. tema 2

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plus petites (analyse en constituants immédiats) et leur classification en fonction de leur
entourage dans le corpus de l’étude.
— l´axe syntagmatique, ou axe horizontal, celui de la chaîne parlée. Sur cet axe,
l’analyse en constituants immédiats met en évidence des régularités combinatoires appelées
structures (patterns en anglais) et la manipulation de base consiste à passer d’une structure
à une autre, c’est la transformation.

Les concepteurs des cours audio-oraux vont utiliser cette analyse linguistique aux
différents niveaux de la sélection, de la présentation et des techniques d’exploitation des
contenus linguistiques :

— au niveau de la sélection des contenus, la priorité est accordée à l’étude


systématique des structures mises en évidence par l’analyse distributionnelle (structures
grammaticales de base).
— au niveau de la présentation des contenus linguistiques, sur le mode de
présentation initiale des formes linguistiques, il y a eu, au sein des méthodologues, un débat
entre les partisans de l’approche dialoguée, comme dans la méthode de l’Armée, et des
partisans de l’approche structurale, par listes de phrases modèles. Les méthodologues vont
aussi s’inspirer des « boîtes de Hockett », utilisées par les linguistes distributionnalistes pour
leurs tables de substitution, destinées à illustrer le fonctionnement et la productivité des
structures de la leçon en présentant des variations sur l’axe paradigmatique :

blanche
ex : la voiture est jaune
rouge
verte

— au niveau de l’exploitation des contenus linguistiques, des exercices structuraux


vont amener les élèves à effectuer sur les structures introduites les deux manipulations de

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base effectuées par les linguistes : substitution sur l’axe paradigmatique, et transformation
sur l’axe syntagmatique.
-> substitution : les tables de substitution sont proposées comme supports
d’exercices de répétition ou d’imitation, les élèves devant continuer à
réemployer la structure en proposant eux-mêmes de nouvelles variations
paradigmatiques (exercices à trous).
-> transformation : les exercices sont semblables à ceux que la méthodologie
directe avait déjà imaginé pour remplacer les exercices de traduction (ex : mettre
à la forme interrogative, négative, remplacer un substantif par un pronom,
transformer deux phrases par subordination ou coordination, etc.)

b) la psychologie béhavioriste

Malgré la référence à la linguistique distributionnelle, la nature des exercices


structuraux de la M.A.O. n’est pas fondamentalement différente des exercices de la
méthodologie directe. Ce qui est nouveau dans ces exercices c’est l’importance primordiale
dans la stratégie d’enseignement et le caractère intensif que va conférer à leur seule forme
orale l’application des principes de la psychologie béhavioriste, seconde théorie de référence
de la M.A.O. Le béhaviorisme est un ensemble de théories psychologiques du
comportement, à fondement expérimental, qui établissent une relation directement
observable entre des stimuli émanant du milieu extérieur et les réactions de réponse
(spontanées ou acquises) qu’ils entraînent de la part de l’organisme. La psychologie
béhavioriste, initialement construite par J.B. Watson, trouve dans les développements
ultérieurs de B.F. Skinner une plus grande utilisation dans les applications pédagogiques.

Selon cette théorie, le langage n’est qu’un type de comportement humain et, en tant
que tel, son schéma de base est le réflexe conditionné, défini comme suit : dans une
situation-stimulus, se produit une réponse-réaction ; si celle-ci est renforcée, l’association
entre le stimulus et la réponse est alors elle-même renforcée ; cela signifie que la réponse
sera très probablement déclenchée à toute réapparition du stimulus.

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Skinner va déduire de cette conception sa théorie de l’apprentissage : une langue est
un comportement qui peut être acquis au moyen de conditionnements opérants, semblables
au conditionnement employé dans le dressage des animaux. Cette théorie est supposée
valable pour l’apprentissage, par des élèves débutants, des structures phonologiques et
grammaticales que tous les natifs ont automatisées lors du long apprentissage de leur
langue maternelle.

Une telle conception des débuts de l’apprentissage élimine tout enseignement


explicite de la grammaire : savoir une règle de grammaire, ce n’est pas savoir la formuler,
mais être capable de l’appliquer avec un haut degré d’automatisme. L’essentiel du travail de
l’apprentissage va donc consister :
— en répétitions orales intensives aux fins de mémorisation des phrases modèles
d’introduction des formes linguistiques,
— en manipulations orales intensives aux fins d’automatisation des structures dans les
exercices structuraux (importance du laboratoire de langues pour l’écoute et répétition).

Or, la M.A.O. n’a pas vécu plus longtemps que la méthodologie directe. A
l’enthousiasme des débuts succède au bout de quelques années la déception : les exercices
structuraux ennuient les élèves, dont la motivation décroît rapidement ; le passage du
réemploi dirigé au réemploi spontané se fait rarement et difficilement ; la progression step
by step n’empêche pas les erreurs des élèves.
A cela est venue très tôt s’ajouter la remise en cause des théories de référence de la
M.A.O., lancée par le célèbre article de Chomsky (“A Review of B.F. Skinner’s Verbal
Behavior”, 1959). Le schéma stimulus-réponse est selon Chomsky incapable de rendre
compte de la compétence d’un locuteur natif. Apprendre une langue, en effet, c’est acquérir
non pas un simple système d’habitudes contrôlées par des stimuli de l’environnement, mais
un système de règles permettant la production d’énoncés nouveaux et la compréhension
d’énoncés nouveaux.

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De nombreuses recherches psycholinguistiques, telles celles de J.B. Carroll et de W.M.
Rivers, confirmeront cette remise en cause du béhaviorisme Elles montreront aussi que le
développement du langage chez l’enfant est indépendant des énoncés qu’il a l’occasion
d’entendre, et qu’il ne répète correctement un énoncé que si la forme de cet énoncé
correspond à celle qu’il est capable de produire spontanément. Les études sur le
développement mental de l’enfant (Sinclair et Piaget) montreront quant à elles que
l’acquisition du langage est liée au développement cognitif de l’enfant.

5. La méthodologie audio-visuelle4
Cette méthodologie, qui se caractérise par l’association de son et image présentant
une série de dialogues en situation, est le fruit de recherches menées en commun dès 1954
par deux équipes respectivement animées par le professeur Guberina à l’Institut de
Phonétique de l’Université de Zagreb et par Paul Rivenc au Centre de Recherches et d’Études
pour la Diffusion du Français (CREDIF) de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud. Un
troisième groupe, dirigé par Raymond Renard, dans le cadre du Centre Universitaire de
Mons (Belgique) vient se joindre aux deux premiers à partir de 1960. L’apport de Guberina et
de son équipe (fondé sur des travaux portant sur la pathologie de l’audition et sur la
rééducation des sourds) a été très important dans le domaine de la perception et de
l’apprentissage de la parole.
L’équipe du CREDIF, s’appuyant sur les travaux de G. Gougenheim et de R. Michea,
s’est attachée à définir et à organiser le contenu linguistique d’un cours de langue, en
donnant priorité à la communication parlée dans le cadre d’un ensemble de situations
reconstituées par simulation, grâce à l’utilisation systématique des aides audio-visuelles :
projection de bandes dessinées associées à des dialogues enregistrés au magnétophone.
Un des principes méthodologiques les plus importants est la nécessité de mettre
l’accent au tout début de l’apprentissage sur la perception auditive des énoncés et sur une
compréhension globale. Le contenu linguistique est déterminé à partir de l’élaboration de ce
que l’on connaît comme le français fondamental : il s’agit du résultat d’une enquête portant
sur la langue parlée recueillie en situation par enregistrement, suivie d’un établissement de
4
Dite aussi méthode Saint Cloud-Zagreb ou SGAV (Structuro-Globale Audio-Visuelle)

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listes de vocabulaire fondé sur des critères statistiques, puis de la constitution d’une
grammaire pédagogique reposant elle aussi sur une analyse statistique de la langue parlée.
Tous les principes présents dans la méthodologie directe se retrouvent dans la MAV :
— le principe direct : il est toujours la clef de voûte sur laquelle repose l’enseignement
dans son ensemble. Dans la MAV, comme dans la méthodologie directe, le vocabulaire
s’apprend directement, ainsi que la grammaire. La mise en pratique du principe direct se fait
à travers un document de base fabriqué.
— le principe oral : face à la méthodologie active, qui avait marqué sur ce point un
certain retour, la MAV renoue avec la tendance à la méthode orale intégrale dans le tout
début de l’apprentissage. L’une des fonctions principales du support audio-visuel est en effet
de remplacer le support écrit, et la forme dialoguée du document de base vise en particulier
à faculter son exploitation exclusivement orale en classe, en fournissant aux élèves des
modèles réutilisables.

— le principe actif : la MAV reprend l’héritage de la méthodologie active et de ses


grands principes : motivation, adaptation et progression. Elle recherche constamment
l’attention de l’élève. C’est pourquoi les caractéristiques principales de la MAV peuvent être
rapportées au principe actif : (1) l’utilisation de l’image de par son pouvoir de motivation, (2)
les dialogues de base montrant des personnages eux-mêmes en action, (3) la méthode
intuitive pour la grammaire, (4) l’identification de l’élève aux personnages, (5) la sélection du
vocabulaire de base à partir des centres d’intérêt.
— l’interrogation : elle est employée systématiquement. La MAV adopte le schéma
questions/réponses dans le but de donner à l’explication la forme d’un dialogue constant
entre le professeur et la classe.
— l’intuition pour la grammaire et le lexique : elle est appliquée grâce à l’association
systématique du dialogue et de l’image, chargée de représenter la situation de
communication. La MAV impose une censure rigoureuse sur toute explication en
enseignement grammatical. Au niveau 1 on s’en tient à un enseignement grammatical
implicite. Le professeur doit faire acquérir, sans se livrer à une description ou à une analyse,
un contenu grammatical selon un certain rythme et selon une certaine progression. Pour

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chaque unité didactique, ce contenu grammatical est introduit dans le dialogue et exploité
dans les divers moments de la leçon. Pour la MAV on n’apprend pas une langue par l’analyse
grammaticale, mais en construisant la compétence à partir de réalisations concrètes. Aussi,
le cours de grammaire ne peut-il que gêner l’acquisition de la compétence en langue
étrangère.
— l’imitation et la répétition : le travail d’assimilation linguistique est confié à des
activités intensives d’imitation/répétition des modèles. La correction phonétique tout
d’abord se fait par des répétitions systématiques par chaque élève de chaque réplique du
dialogue.
Le développement des MAV en vient finalement à mettre en place une espèce de
schéma général des leçons audio-visuelles, ce que l’on a appelé par la suite les “moments de
la classe de langue”, qui a installé une vision ternaire de l’organisation de la leçon en langue
étrangère, en distinguant :
(1) la phase de présentation : à partir d’un support audio-visuel où le langage et le
contexte/situation sont présentés simultanément pour permettre une première approche du
sens.
(2) la phase d’exploitation : où s’opère le travail d’appropriation des formes
linguistiques présentées.
(3) la phase de transposition : où l’apprenant doit essayer de transposer les acquis
dans des situations plus ouvertes, autres que celles de la leçon.
Le caractère systématique du déroulement de ces phases, perçu au début des années
1960 comme un élément structurant, positif, apparaît dans les années 1970 comme une
insupportable contrainte qui fige la relation de l’élève à la langue en lui imposant un
parcours uniformément repris de leçon en leçon. En même temps, le fait de recourir au
dialogue comme point de départ exclusif de la leçon paraît trop restrictif à certains auteurs
souhaitant partir de matériaux plus diversifiés dans leur nature comme dans leur mode
d’exploitation. Les approches notionnelles-fonctionnelles du Niveau-Seuil contribueront à
mettre à bas ce qui avait été le schéma de construction type de la leçon de langue.

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Mais le passage des MAV à ce que l’on appelle les approches communicatives, ne se
fait pas du jour au lendemain. La MAV elle-même connaît une évolution interne que l’on
peut résumer en trois étapes :
— les MAV de première génération sont marquées par une intégration didactique
maximale autour du support audio-visuel (années 1960. Exemples : Voix et Images de
France, Cours de langue et de civilisation française.

— les MAV de deuxième génération (années 1970) : l’intégration didactique autour du


support audio-visuel commence à s’affaiblir. Cette génération est essentiellement marquée
par un effort de correction et d’adaptation aux contextes scolaires. Exemples : De Vive voix,
Le Français et la Vie, La France en direct.
— la troisième génération, celle des années 1980 se caractérise par des tentatives
d’intégration des nouvelles démarches didactiques dites notionnelles-fonctionnelles et
communicatives (Exemples : la Méthode orange, Archipel, Sans frontières). Cette troisième
génération marque la limite de l’affaiblissement de l’intégration didactique autour du
support audio-visuel, au-delà duquel il ne serait plus possible de parler encore de cours
audio-visuels. Si les images ne manquent pas dans les manuels postérieurs de FLE, elles n’ont
plus rien à voir avec l’image telle qu’elle était utilisée dans les MAV de première génération,
où elle était un élément indispensable d’approche et d’élucidation du sens. Ceci ne veut pas
dire que l’outil audio-visuel soit désormais obsolète, mais que la relation de l’apprenant à la
langue a changé. Dans le dispositif audio-visuel classique, l’apprenant était invité à se
projeter dans un échange dont la représentation était donnée à partir d’un support audio-
visuel, à prendre place dans cet échange, à adopter certains rôles, à user de la langue dans
les formes correspondant au contexte. Dans les nouvelles démarches, le moteur de
l’apprentissage sera l’interactivité en classe, à partir de supports variés déclencheurs de
prise de parole, interactions que le professeur aura à organiser, à gérer et à faire évoluer. Le
centre de gravité s’est déplacé d’un extérieur représenté par le scénario audio-visuel à des
interactions et simulations générées en classe.
Il faut sans doute reconnaître l’apport novateur que constitue l’introduction par les
MAV d’un langage oral employé en situation pour l’enseignement des langues étrangères.

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Des dialogues des premières MAV à ceux des productions pédagogiques récentes, on a
certes progressé dans l’art d’apprendre à communiquer. Les réalisations des années 70
orientées vers les apprenants de niveau 2 qui marquent les premières utilisations en classe
des documents dits authentiques ont eu sans doute une importance capitale. L’emploi des
documents authentiques en classe est apparu lorsque les didacticiens se sont préoccupés
des apprenants qui étaient au-delà du niveau débutant. Pour ces étudiants, la simple
progression et le prolongement de la méthodologie employée au niveau 1 étaient
inadéquats. Il fallait les faire passer du maniement d’une langue prétendument neutre à des
structures permettant l’acquisition d’une compétence linguistique d’une plus libre
expression. Faire entrer dans la classe des messages sonores, écrits, visuels ou pluricodés
appartenant à l’environnement quotidien des Français était une manière de tenter de
résoudre les problèmes causés par le niveau avancé d’apprentissage.

2.6. L’approche communicative


L’approche communicative ne se présente pas sur le marché de la didactique des
langues comme une méthodologie d’enseignement, mais comme une réflexion technique et
politique sur la détermination de la finalité et des objectifs des enseignements de langue.
Dans le domaine du Français Langue Étrangère (FLE), l’approche communicative n’a pas
bénéficié d’une diffusion sous forme de méthodes modélisantes, comme en leur temps les
méthodologies d’inspiration audio-visuelle et les méthodes mises au point par le CREDIF.
L’apparition de matériel susceptible de dessiner et de promouvoir une méthodologie propre
aux approches communicatives a été tardive, décalée en tout cas par rapport à la mise en
circulation de ce nouvel ensemble de propositions.
´Or, l’approche communicative se trouve pourtant répondre à une nouvelle forme de
demande sociale en langues. La compétence en langue étrangère étant passée en certains
lieux et pour certains groupes sociaux, du côté professionnel, les utilisateurs attendent d’un
enseignement qu’il leur permette d’acquérir un savoir-faire immédiatement ou rapidement
réinvestissable. Ces attentes servent de justification à la mise en place d’une méthodologie
réaliste qui raccourcisse la distance vécue entre les formes scolaires de l’enseignement et les

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modes d’acquisition et d’utilisation naturels des langues. Ce réalisme s’est essentiellement
traduit par :
— une organisation de la programmation linguistique au moyen de groupages de
formes directement utilisables dans les échanges effectifs (catégorisation en actes
sémantico-pragmatiques de discours) et non plus en catégories essentiellement formelles
qu’il serait nécessaire de réorganiser en vue de leur utilisation.
— l’emploi de catégories compréhensibles pour les apprenants parce que relevant de
leur expérience communicative (comme se plaindre, saluer, remercier, etc.) et non plus d’un
métalangage de spécialiste.
— l’instauration d’une relation courte entre les formes de l’enseignement et celles de
l’utilisation de la langue.
L’approche communicative se caractérise parce que l’appropriation d’une langue
étrangère n’y est plus conçue comme la constitution d’un savoir indifférencié (la langue),
mais comme le résultat de la mise en place de composantes multiformes : des compétences
d’interaction, des compétences de nature formelle, d’autres enfin de nature culturelle.
Chacune de ces compétences est délimitable, implique une connaissance de la langue cible à
la fois particularisée et transversale, ainsi que la maîtrise de stratégies de communication
diverses. C’est dire que l’approche communicative se caractérise surtout par le fait qu’elle se
donne pour but d’assurer l’acquisition d’une compétence non plus seulement linguistique,
mais communicative, une compétence complexe, intégrant, aux côtés de la composante
linguistique, une composante socio-culturelle, discursive, référentielle et stratégique (cf.
tema 6).
La compétence de communication doit permettre à l’apprenant d’apprendre une
langue étrangère dans sa mise en pratique, c’est-à-dire dans ses conditions réelles
d’utilisation, ce qui revient à savoir utiliser et comprendre des énoncés dans une multitude
de contextes et de registres différents de langue. L’apprenant doit être en mesure de
replacer les échanges langagiers dans leurs conditions de réalisation et dans leur situation de
communication, d’apprécier les intentions du locuteur et de comprendre que tout acte de
langage obéit à des règles sociales et discursives.

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En ce qui concerne la grammaire, il faut dire que si l’approche communicative
privilégie le sens, ce n’est pas aux dépens de la grammaire. Celle-ci n’est plus normative (cf.
tema 14), elle est explicite et vise à s’adapter aux besoins de la communication.
Par ailleurs, cette approche centralise la position de l’apprenant : il est désormais
l’élément central du processus d’acquisition de la langue, la constitution d’un enseignement
fonctionnel devant tenir compte des caractéristiques de l’élève : âge, environnement,
attentes, motivation...
Nous noterons enfin que les approches communicatives récupèrent le rôle de l’erreur
en tant que ressource didactique, comme preuve de l’évolution du système intériorisé par
l’élève (l’interlangue, cf. tema 2) qu’il faut identifier, expliquer et traiter.

3. La situation actuelle en didactique des langues étrangères.


On assiste actuellement, en didactique du FLE, à une crise découlant d’un manque de
cohérence méthodologique. L’approche communicative est en quelque sorte responsable de
l’abandon de cette cohérence et du retour à une certaine forme d’éclectisme. Les facteurs
qui ont amené cette situation sont multiples et variés, mais on peut signaler, comme
facteurs internes, certains facteurs qui ont tous comme point commun la complexité :
— complexité d’abord des besoins, motivations, habitudes et stratégies
d’apprentissage. La centration sur l’apprenant prônée par l’approche communicative aurait
rendu impossible toute stratégie d’enseignement collectif à cohérence unique et globale.
— complexité des objectifs que représentent les différentes composantes de la
compétence de communication : toutes celles que l’approche communicative a ajoutées à la
compétence linguistique posent des problèmes d’opérationnalisation, parce qu’on ne
dispose pas toujours des moyens d’y appliquer les opérations didactiques de base
(description, gradation/progression, présentation, répétition et évaluation).
— complexité des référents théoriques : pragmatique, sociolinguistique, analyse du
discours, sémiotique, linguistique de l’énonciation, psychologie cognitive.
Parmi les facteurs externes, le plus important semble être le contexte intellectuel de
notre époque, marqué par la crise des idéologies révolutionnaires et dans lequel toute
volonté de cohérence est suspecte de dogmatisme.

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On peut donc signaler que l’approche communicative est entrée en déclin non parce
que ses principes auraient été contestés ni parce qu’une nouvelle méthodologie serait sur le
point de la remplacer, mais tout simplement parce qu’elle a été gérée comme ce qu’elle
n’était pas, à savoir, une méthodologie constituée. Les premiers à l’avoir remarqué et
compris ont été les enseignants, et c’est la raison pour laquelle on assiste chez eux à une
montée de l’éclectisme. Comme le signale Galisson, la prise en compte de la diversité et de
la complexité des situations d’enseignement/apprentissage et des problèmes qu’elles posent
conduit les nouveaux enseignants à lutter contre les effets réducteurs des méthodes. Le
succès de l’éclectisme sur le dogmatisme méthodologique est celui de la tolérance et de
l’incertitude sur l’assurance des corps de doctrines figées. L’éclectisme, revendiqué comme
alternative aux méthodologies successivement dominantes et comme réponse possible aux
attentes, est donc assumé et il se manifeste chez les enseignants par un refus délibéré de
l’emploi de la méthode ou du manuel tel que l’auteur le préconise. Contrairement à leurs
devanciers, ils n’adoptent plus un seul manuel, ils l’adaptent et le transgressent. N’étant plus
nourris dans le respect de la méthode et de son intangible cohérence, ils tirent parti de tous
les matériaux dont ils disposent. Dans la panoplie des moyens de subversion des manuels, la
reprographie est la plus sollicitée : c’est un moyen de libération de l’enseignant, c’est aussi
un procédé de motivation et de déroutinisation de l’apprenant, confronté, par son
entremise, à des matériaux d’autant plus stimulants (parfois) qu’ils sont inattendus.
Face à la condamnation quasi unanime de la construction de la leçon, les matériaux
d’aujourd’hui s’organisent selon des parcours plus aléatoires dans leur déroulement. En ce
qui concerne la façon dont s’organise ce déroulement dans quelques manuels publiés ces
dernières années, on remarquera :
— l’utilisation d’un métalangage dans les consignes des activités qui renvoie à l’activité
langagière des élèves. Peu nombreuses sont les consignes qui appellent à une activité de
pure manipulation de la langue, elles sont par contre normalement intégrées à des
situations.
— le découpage des leçons en une multitude de micro-activités, très diversifiés dans
leur forme, associées le plus souvent à de supports tels que la BD, la photo, des plans, etc.

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— des points de départ de leçon sous forme très souvent d’un dialogue, mais plus
souvent encore de micro-dialogues et de documents de toute nature qui sont l’occasion
d’induire une activité de l’élève.
— la difficulté ressentie par les auteurs d’intégrer de manière harmonieuse le travail
de systématisation langagière à des activités conduit à la création de cahiers d’exercices, où
l’activité d’exercices fait malgré tout l’objet d’un habillage situationnel, comme si on ne
voulait pas présenter un travail de structuration pure de la langue.
— cette pédagogie de l’activité est à mettre en relation avec une théorie de la
motivation dans l’apprentissage. En mettant constamment l’apprenant en situation d’agir
avec/par la langue, on veut le confronter au besoin de disposer d’un outil langagier structuré
; on veut faire en sorte qu’il soit ainsi demandeur d’informations, de savoir-faire qu’il pourra
acquérir dans les interactions en classe ou par la consultation du manuel, acquisition qui sera
d’autant mieux assurée qu’elle est liée à un besoin ainsi créé.

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