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COMMISSION DES SCIENCES

ET DES TECHNOLOGIES (STC)

LA LUTTE
ANTI-SOUS-MARINE
DE L’OTAN :
RECONSTRUIRE LES
CAPACITÉS ET SE
PRÉPARER POUR L’AVENIR

Rapport spécial

Leona ALLESLEV (Canada)


Rapporteure spéciale

150 STC 19 F rév. 1 fin | Original : anglais | 13 octobre 2019


TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION ............................................................................................................... 1

II. L’IMPORTANCE DE LA MER POUR L’ALLIANCE ............................................................ 2

III. LA MENACE DES SOUS-MARINS RUSSES POUR L’OTAN ............................................ 4


A. LES SOUS-MARINS DANS LA STRATÉGIE DE LA RUSSIE .................................. 4
B. L’ÉTAT DE LA FLOTTE SOUS-MARINE RUSSE ..................................................... 7

IV. LA SITUATION EN ASIE DE L’EST ................................................................................. 10


A. LES RÉCENTES AVANCÉES DE LA CHINE ......................................................... 10
B. LES CAPACITÉS NAISSANTES DE LA CORÉE DU NORD .................................. 12

V. LES LACUNES DES ALLIÉS EN MATIÈRE DE CAPACITÉS DE LUTTE ASM ET LA


MODERNISATION EN COURS ....................................................................................... 13
A. ÉTAT DES LIEUX GÉNÉRAL DES CAPACITÉS ALLIÉES DE LUTTE ASM .......... 13
B. LES SOUS-MARINS TACTIQUES : HAUTE QUALITÉ MAIS BILAN NUANCÉ ...... 14
C. LES AVIONS DE PATROUILLE MARITIME : DES CAPACITÉS TRÈS
DÉFICITAIRES ....................................................................................................... 16
D. LA MODERNISATION EN COURS DES FRÉGATES AU SEIN DE L’ALLIANCE
............................................................................................................................... 17

VI. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE LA LUTTE ASM .......................................... 18


A. LA TECHNOLOGIE DES CAPTEURS .................................................................... 18
B. LES SYSTÈMES MARITIMES SANS PILOTE ........................................................ 18

VII. CONCLUSIONS .............................................................................................................. 21

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE ......................................................................................... 23


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I. INTRODUCTION1

1. Les Alliés ont assisté, ces dernières années, à un renforcement majeur des patrouilles de
sous-marins russes dans leurs zones d’opération. En 2018, le ministre de la défense du
Royaume-Uni de l’époque, Gavin Williamson, avait estimé que le nombre de ces patrouilles avait
décuplé entre 2011 et 2017 (Cecil et Collins, 2018). Fait inquiétant, les marines alliées ont repéré
des sous-marins russes sur certains sites très sensibles : à seulement 350 km de la côte Est des
États-Unis, non loin de l’emplacement de la dissuasion nucléaire britannique, et à proximité de
câbles de communication sous-marins essentiels (Perkins, 2018 ; McLaughlin, 2017 ;
Birnbaum, 2017). Tout cela a inspiré à l’amiral James G. Foggo III, actuel commandant des forces
navales des États-Unis pour l’Europe ainsi que du Commandement de forces interarmées de l’OTAN
installé à Naples, la réflexion suivante : « Les sous-marins russes rôdent dans l’Atlantique, testent
nos défenses, défient notre contrôle des mers et préparent l’espace de bataille du complexe milieu
sous-marin afin d’avoir une avance dans un éventuel conflit à venir » (Foggo et Fritz, 2016).

2. Si la Russie est peut-être la menace sous-marine la plus immédiate pour l’Alliance, d’autres
flottes sous-marines doivent également inquiéter les Alliés. D’une part, les projets d’expansion de la
Chine au niveau mondial (par exemple, la nouvelle route de la soie, ou la présence accrue de ce
pays dans l’Arctique) vont de pair avec une hausse de ses investissements en matière de défense
navale, notamment la modernisation de ses sous-marins. D’autre part, tandis que la Corée du Nord
cherche à se doter d’une dissuasion nucléaire opérationnelle dirigée contre l’un des membres de
l’OTAN en particulier, sa marine cherche à concevoir des sous-marins équipés de missiles
balistiques à lanceur naval.

3. L’augmentation des patrouilles de sous-marins russes doit inquiéter les responsables


politiques et militaires de l’Alliance. Depuis la première guerre mondiale, les sous-marins
représentent une menace très importante pour les navires civils et militaires en raison de leur
furtivité, leur discrétion acoustique et leur vitesse (Perkins, 2016). Un sous-marin peut à lui seul
fermer un passage maritime stratégique et ainsi menacer aussi bien les navires de commerce que
les groupes aéronavals avec porte-avions. Les sous-marins peuvent donc empêcher toute projection
de puissance navale et rompre les lignes de communication maritimes essentielles. Lorsqu’ils sont
équipés de missiles de croisière d’attaque au sol, ils peuvent aussi mettre en danger des sites
terrestres de grande importance. En résumé, « chaque sous-marin est un atout stratégique »,
comme l’a indiqué le commandant des forces sous-marines allemandes, le capitaine Timo Cordes
(Bliddal, 2019).

4. Contrairement à d’autres capacités militaires « dures » comme les chars voire les missiles, les
sous-marins sont aussi très adaptés pour les opérations asymétriques et hybrides car ils permettent
la tromperie et le démenti. On note en particulier que la menace s’est considérablement accrue
concernant les câbles de communication sous-marins. Ces câbles assurent environ 80 % des
transferts de données entre l’Amérique du Nord et l’Europe, a déclaré le vice-amiral Hervé Bléjean,
commandant adjoint du Commandement maritime allié, à une délégation de la sous-commission sur
les tendances technologiques et la sécurité (STCTTS) de l’AP-OTAN en juin 2019. Les satellites ne
pourraient assurer que 10 % de l’ensemble des transferts de données transatlantiques, a-t-il précisé.
Les sous-marins à usage spécial jouent un rôle clé dans la menace à l’égard des câbles sous-marins
car ils peuvent discrètement mettre sur écoute ou couper ces câbles en vue de recueillir de précieux
renseignements ou de perturber des services vitaux.

5. Un autre point qui doit inquiéter l’OTAN encore plus est le grave déficit de capacités de lutte
anti-sous-marine (ASM) qui existe au sein de l’Alliance. Selon le vice-amiral Sir Clive Johnstone,
ancien commandant du Commandement maritime allié, l’OTAN se trouve dans une situation où
« nous manquons vraiment de chasseurs de sous-marins de haut niveau » (Fabey, 2018). Les Alliés

1 Sauf indication contraire, toutes les informations contenues dans ce rapport spécial proviennent de
sources publiques. Pour plus de renseignements, veuillez contacter le directeur de la commission au
secrétariat international de l’AP-OTAN.

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se sont aperçus tardivement de ce manque et se sont engagés à y remédier. L’OTAN a réalisé des
évaluations stratégiques, renforcé sa posture maritime, lancé des réformes de ses mécanismes de
commandement et de contrôle et intensifié son dispositif d’exercices de lutte ASM.

6. De toute évidence, le défi de la lutte ASM requiert une adaptation à tous les niveaux, mais
celle-ci ne peut compenser le déficit de capacités. Ce rapport spécial se concentre donc sur la
nécessité de reconstituer les actifs de l’OTAN en matière de lutte ASM sur les court et long termes,
sujet qui doit recueillir toute l’attention des Alliés. Avant de conclure par une série de
recommandations, le rapport aborde les points suivants :

- Démonstration de l’importance de la mer pour l’Alliance ;


- Examen de la menace concrète que représentent les sous-marins russes pour l’OTAN ;
- Présentation des principales avancées réalisées dans les flottes sous-marines de la Chine et
de la Corée du Nord ;
- Description des manques de capacités de lutte ASM les plus critiques au sein de l’Alliance ;
- Présentation des efforts de modernisation importants déployés au niveau national et à
l’OTAN ;
- Ébauche d’un futur où les capacités de lutte ASM intégreront les technologies émergentes.

7. Les visites effectuées par la commission en 2019 à Singapour et au Royaume-Uni ont


largement contribué à l’élaboration de ce rapport Au cours de ces deux visites, les délégués ont été
informés des problèmes spécifiques dans le domaine de la lutte ASM et de la façon dont ces deux
États maritimes y font face, en particulier le défi des technologies autonomes maritimes. Ce rapport
spécial complète par ailleurs utilement le rapport 2019 de la commission de la défense et de la
sécurité (DSC), L’évolution de la sécurité dans l’Atlantique Nord.

II. L’IMPORTANCE DE LA MER POUR L’ALLIANCE

8. L’importance qu’a la mer pour l’Alliance peut difficilement être niée (voir la carte 1). La défense
conventionnelle de l’Europe repose sur deux piliers (Breedlove, 2018). Premièrement, l’Alliance doit
disposer en Europe, y compris sur ses accès maritimes, d’une solide puissance militaire – composée
notamment de forces canadiennes et américaines – présente sur place et prête à intervenir.
Deuxièmement, les Alliés d’Amérique du Nord doivent être en mesure d’apporter du renfort au
continent européen et de le réapprovisionner
en matériel et en personnel au moment d’une Carte 1 : Passage GIUK et passage de Suwalki
crise ou d’un conflit. Le droit international, les (carte : Google Earth ; légende : AP-OTAN)
normes et les organisations multinationales
établissent le principe de la liberté de
navigation en temps de paix (Tamnes, 2018).
Or, dans des situations de crise, l’Alliance ne
peut garantir cette liberté que si elle est en Passage
mesure d’exercer le contrôle des mers et de GIUK

projeter de la puissance en surface et sous


l’eau.

9. Comme son nom l’indique on ne peut


Passage de
plus clairement, l’océan Atlantique Nord est Suwalki
au cœur de l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord. Il est une partie essentielle
de la zone de responsabilité de l’OTAN, ainsi
que sa principale ligne de communication
maritime (Olsen, 2018). Il est « l’élément vital
de l’OTAN », comme l’a si bien résumé le
général Philip M. Breedlove, ancien

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commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) (Breedlove, 2018). Outre son
importance militaire, cet océan reste l’élément fondamental de la prospérité économique de
l’Amérique du Nord et de l’Europe, et héberge dans ses profondeurs des câbles de communication
essentiels.

10. Bien que l’océan Atlantique Nord soit peut-être l’environnement maritime le plus important pour
l’Alliance, l’OTAN doit aussi être en mesure de contrôler – ou de garantir l’accès à – ses autres
zones de responsabilité maritimes, dont les plus importantes sont les mers Baltique, Méditerranée
et Noire.

11. La mer Baltique relie neuf pays d’Europe, dont six membres de l’Alliance. Le trafic maritime
y est extrêmement dense. Presque 15 % du transport mondial de fret par voie maritime s’effectue
dans cette région (Nordenman, 2018). La mer Baltique est en outre la troisième grande région de
production d’énergie, après le détroit d’Ormuz et le détroit de Malacca. Si la Russie réussit un jour
à fermer la frontière terrestre, longue de 104 km, entre la Pologne et la Lituanie (baptisée « passage
de Suwalki »), les accès maritimes via la mer Baltique seront également les seuls itinéraires
envisageables pour assurer le renfort et le réapprovisionnement de l’Estonie, la Lettonie et la
Lituanie.

12. Au cours des dernières décennies, la mer Méditerranée est devenue de plus en plus
importante pour l’Alliance, et en particulier pour les neufs pays alliés bordant son littoral. Le
commerce maritime entre les pays de la région représente presque un quart du commerce maritime
mondial (UFM, s.d.). Une autre raison majeure de son importance croissante est la situation
sécuritaire toujours difficile au Maghreb et en Méditerranée orientale. Un signe très visible de
l’importance grandissante de la mer Méditerranée a été le transfert du quartier général de la
6ème flotte des États-Unis de Londres à Naples au milieu des années 2000.

13. Concernant la mer Noire, le trafic maritime y est beaucoup moins intense mais
l’environnement géopolitique y est très complexe, tant pour l’OTAN dans son ensemble que pour la
Bulgarie, la Roumanie et la Turquie en particulier. Cela s’est vérifié plus particulièrement avec le
conflit entre la Russie et la Géorgie en 2008, l’annexion illégale et illégitime de la Crimée par la
Russie en 2014, et l’agression toujours en cours dans l’est de l’Ukraine. Cela dit, la situation militaire
de la région reste compliquée pour toutes les parties. La convention de Montreux de 1936 impose
des restrictions juridiques strictes en ce qui concerne les bateaux de guerre. L’ampleur de ces
restrictions varie selon qu’elles concernent des États riverains ou non de la mer Noire. Les États de
cette seconde catégorie ne sont ainsi pas autorisés à envoyer des sous-marins au-delà des détroits
turcs. Des restrictions s’appliquent également aux navires de surface. Ces limites concernent la taille
des navires et des flottes, ainsi que la durée de séjour (21 jours maximum). Par ailleurs, les pays
riverains de la mer Noire ne sont autorisés à envoyer des sous-marins au-delà des détroits que s’ils
rejoignent leur base dans la mer Noire pour la première fois ou s’ils ont subi des opérations de
maintenance ou de réparation ailleurs que dans la région. Deux nouveaux sous-marins appartenant
à la flotte russe de la mer Noire n’ont pas encore rejoint leur base mais demeurent à Tartous, en
Syrie.

14. Avec l’apparition de nouvelles opportunités et de nouveaux défis sous l’effet du changement
climatique, le Grand Nord est une autre région méritant un suivi attentif de l’Alliance. Les projets
d’exploitation pétrolière et gazière dans l’Arctique pourraient modifier le marché mondial de l’énergie.
Les nouveaux itinéraires maritimes entre l’Atlantique et le Pacifique pourraient également modifier
le commerce mondial. La pêche commerciale dans l’Atlantique Nord et le Pacifique Nord représente
déjà quelque 40 % des captures de poisson à l’échelle mondiale. Le tourisme est en hausse.
En résumé, l’empreinte humaine dans l’Arctique s’accroît, et avec elle s’accroissent les intérêts des
États. Les sous-marins sont tout à fait adaptés pour opérer dans cette région. Ils peuvent donc
afficher une présence, recueillir des renseignements utiles, présenter des défis hybrides et fermer
des passages de plus en plus encombrés. Outre la Russie, qui borde l’Arctique, la Chine cherche à
rendre ses sous-marins aptes à se déplacer dans le milieu glaciaire de cette région (Goldstein,

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2019) ; les États-Unis ont d’ailleurs constaté que les Chinois pourraient envisager à l’avenir
d’envoyer des sous-marins dans l’Arctique (US DOD, 2019a).

III. LA MENACE DES SOUS-MARINS RUSSES POUR L’OTAN

A. LES SOUS-MARINS DANS LA STRATÉGIE DE LA RUSSIE

15. Les sous-marins russes doivent être replacés dans un contexte stratégique plus large car ils
jouent à cet égard un rôle crucial. La grande stratégie de la Russie consiste pour elle à retrouver
son statut de grande puissance mondiale. Une étape clé de ce projet est une profonde modernisation
de l’armée s’appuyant sur une hausse du budget de la défense. Aucun chiffre fiable ou clair n’est
disponible publiquement concernant ce budget. Selon l’une des estimations les plus plausibles, les
dépenses de défense ont légèrement baissé depuis leur niveau record en 2015, où la Russie
consacrait 4,83 % de son PIB à la défense. Ce niveau est resté élevé en 2018, à 4 % (IISS, 2019).
Quoi qu’il en soit, les dépenses militaires russes, y compris en matière de sous-marins, n’ont pas
besoin d’être élevées pour produire des effets asymétriques, comme nous le verrons plus bas.

16. Outre la modernisation de son armée, la Russie continue de chercher des zones tampons –
politiques et militaires – dans ce qu’elle appelle son « étranger proche ». D’une part, le pays mène
des opérations hybrides et asymétriques pour générer une incertitude stratégique et provoquer des
surprises localisées (Metrick et Hicks, 2018). D’autre part, ses dirigeants cherchent à provoquer une
surcharge tactique ciblée en créant des « bulles » anti-accès/déni de zone (A2/AD) (Metrick et
Hicks, 2018). Le littoral septentrional de la Russie ainsi que les mers Noire et Baltique sont
essentiels dans cette approche.

17. La stratégie maritime de la Russie vise plusieurs grands objectifs, dont les plus importants
sont : la fourniture et la protection d’une dissuasion nucléaire s’appuyant sur des sous-marins, la
défense de son territoire, et le renforcement de son pouvoir, de son influence et de sa puissance
économique (Allport, 2018). Une conséquence notable est que la marine russe continue de
privilégier a) le remplacement de ses sous-marins dotés de charges nucléaires ; b) le renforcement
de ses forces navales aux fins de la lutte antisurface et de l’attaque au sol conventionnelles (Allport,
2018) ; et c) l’amélioration de ses capacités permettant de mener des opérations navales hybrides
et asymétriques.

18. De manière générale, les capacités navales de la Russie restent « très inférieures à la
puissance collective de l’Alliance » (Allport, 2018). Comme dans d’autres domaines, Moscou
cherche à compenser en augmentant au maximum ses atouts asymétriques, souvent avec succès.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le pays se tourne également vers les opérations hybrides
maritimes « pour faire de sa faiblesse une force », commente l’amiral James G. Stavridis, ancien
commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) (Stavridis, 2018). La Russie pourrait
utiliser toute la gamme des capacités civiles et militaires et opérer avec le plus d’ambiguïté possible
(Stavridis, 2018). Les sous-marins sont tout à fait adaptés pour les opérations hybrides car ils sont
capables de créer des effets pouvant être niés et de conduire des opérations au fond des mers.

19. Les responsables de la défense des membres de l’Alliance ont, en particulier, averti que la
Russie risquait de mettre sur écoute ou de sectionner des câbles de communication sous-marins
(voir l’encadré 1 et la carte 2). Des navires russes ont été repérés à proximité, peut-être en train de
cartographier le réseau. Bien que ces câbles soient conçus selon le procédé de redondance, leur
mise sur écoute ou leur sectionnement pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les
communications transatlantiques et intra-européennes. Si la Russie ou tout autre État réussissait à
mettre ce réseau sur écoute, elle/il pourrait obtenir subrepticement des renseignements d’une
importance stratégique, par exemple sur les flux financiers, les échanges, ainsi que des données
militaires ou gouvernementales classifiées. Les systèmes commerciaux et financiers internationaux
sont très dépendants de ce réseau. La mise hors service du réseau aurait des effets considérables

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et immédiats sur les marchés économiques (BBC, 2017 ; Stavridis, 2018). Comme l’a indiqué
Keir Giles, consultant principal chez Chatham House, la Russie a tiré des leçons de sa campagne
en Crimée : « l’accès physique à l’infrastructure de communication et aux télécommunications » est
la clé de la domination de l’information (BBC, 2017).

20. Il n’existe à l’heure actuelle aucun système véritablement efficace pour surveiller les câbles
sous-marins (Analytic Exchange Program, 2017). Par conséquent, l’un des gros avantages que
présente la mise hors service de ces câbles est la possibilité de nier l’avoir fait. Un incident de 2008
en apporte la preuve. Aucun acteur mal intentionné n’était à l’origine du sectionnement
quasi-simultané de câbles sous-marins allant du Moyen-Orient vers l’Europe et vers l’Asie. Les
responsables étaient un navire traînant une ancre et un glissement des fonds marins. Si cela se
produisait pour des câbles ayant une importance cruciale pour les Alliés, comment être sûr que le
responsable est un État (Smith et Hendrix, 2017) ? Même si un Allié détenait des renseignements
fiables, serait-il en mesure d’en communiquer une part suffisante pour convaincre les autres
membres de l’Alliance ? Et quelles seraient les conséquences si cela se produisait à des moments
critiques ? Un interlocuteur de haut niveau rencontré lors de la récente visite de la STCTTS au
Royaume-Uni a indiqué que la Russie pourrait déposer des mines à proximité de ces câbles. Si la
charge explosive était déclenchée au bon moment, l’Alliance pourrait perdre une guerre avant même
de l’avoir commencée. Il est temps pour l’OTAN de proposer une bonne réponse.

Encadré 1 : Déclarations notables concernant


la menace relative aux câbles sous-marins

Amiral (à la retraite) James Stavridis,


ancien commandant suprême des
forces alliées en Europe (Sunak, 2017) : Carte 2 : Réseau de câbles sous-marins dans la zone
euro-atlantique (Source : TeleGeography)
« De récents rapports font clairement état
d’opérations précises de surveillance et de
ciblage menées par des sous-marins
russes à proximité du réseau de câbles
sous-marins de l’Atlantique Nord. »

Général d’armée aérienne


Sir Stuart Peach, chef d’état-major de la
défense, ministère de la défense du
Royaume-Uni (Peach, 2017) :

« Il existe un nouveau risque pour notre


mode de vie, qui est la vulnérabilité des
câbles traversant les fonds marins. »

Arnor Sigursjonsson, directeur général,


direction de la défense, ministère des
affaires étrangères d’Islande, décembre
2018 (Willet, 2018) :

« Les câbles sous-marins ne relient pas


seulement l’Islande avec l’Europe et
l’Amérique du Nord, ils assurent aussi la
liaison directe entre l’Amérique du Nord et
l’Europe au sud de l’Islande […] Si
quelqu’un parvient à en perturber le
fonctionnement, cela aura des
conséquences majeures à l’échelle
planétaire. »

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21. Avec l’intérêt ravivé de Moscou pour les sous-marins, deux concepts d’opération typiques de
la guerre froide ont fait leur retour en ce qui concerne l’Atlantique Nord : les « bastions » et la
« défense des bastions » (Olsen, 2018). Les bastions sont des espaces maritimes dans lesquels la
Russie concentre sa dissuasion nucléaire navale. Naturellement, ce pays tient à préserver la
sécurité de ses sous-marins stratégiques et protège donc intensivement ces bastions. Le bastion
européen de la Russie se situe principalement le long des côtes septentrionales du pays (voir la
carte 3). Le périmètre de défense de ce bastion s’étend à l’avant de cette zone et jusqu’au passage
GIUK (Groenland-Islande-Royaume-Uni). L’une des raisons pour lesquelles ce passage est
important pour la Russie est que, à partir de cette zone, les capacités américaines équipées de
missiles de croisière Tomahawk peuvent frapper des cibles vitales en Russie (Allport, 2018). La
Russie ne peut défier l’Alliance pour le contrôle de l’Atlantique Nord (Olsen, 2018). Par conséquent,
en période de crise ou de conflit, les moyens navals russes – principalement les sous-marins
tactiques – chercheraient à empêcher que les navires des Alliés ne s’aventurent au-delà du passage
(Olsen, 2018).

22. Tous les éléments de la stratégie maritime, de la modernisation navale et des activités
opérationnelles russes ne sauraient cependant être perçus comme foncièrement menaçants. Après
tout, l’armée russe se trouvait à un niveau particulièrement bas lorsqu’elle a engagé des efforts de
modernisation. Les experts prudents n’ont pas tous la même perception de la posture maritime de
la Russie. Certains jugent que la stratégie et la posture maritimes de ce pays sont fondamentalement
défensives (Allport, 2018). D’autres considèrent au contraire que les actions de Moscou ont un but
offensif (Olsen, 2018).

23. La rapporteure se range plutôt du côté du second avis. L’un des problèmes fondamentaux de
la stratégie russe est que les actions que la Russie considérerait ou souhaiterait considérer comme
défensives – telles que refuser l’accès au-delà du passage GIUK pour protéger son arsenal
nucléaire – devraient être perçues comme un défi stratégique lancé à l’Alliance – une menace au
lien transatlantique.

24. Un autre élément de la modernisation


navale russe penche aussi du côté d’une Carte 3 : Défense du bastion russe
(Source : Expert Commission on Norwegian
posture offensive : les nouveaux missiles Security and Defence Policy, 2015)
longue portée Kalibr-3M14 à guidage de
précision peuvent atteindre aussi bien des
navires de surface que des cibles terrestres
situés à une distance de pas moins de 1 500
à 2 500 km. Par conséquent, les sous-marins
russes ne représentent pas seulement une
menace pour le lien transatlantique ; ils
peuvent aussi refuser l’accès aux littoraux de
l’Alliance dans le cadre de la menace A2/AD,
dont la portée est beaucoup plus vaste
(Tamnes, 2018). Les missiles Kalibr
pourraient, même stationnés dans la mer
Blanche et la mer de Barents, mettre en
danger des centres nodaux critiques situés à
l’intérieur du territoire de l’Alliance. En fait, la
Russie a testé ces missiles en les lançant
depuis leur base russe, ce qui réduit
sensiblement le délai de lancement (O’Dwyer, 2019). Si les estimations maximales sont vraies, un
sous-marin se trouvant dans la mer Blanche pourrait envoyer un missile Kalibr sur le siège de l’OTAN
à Bruxelles et dans au moins 13 capitales des pays membres de l’Alliance (voir la carte 4). En
période de crise ou de conflit, les sous-marins russes pourraient viser d’importants ports de
débarquement utilisés pour les renforts de troupes, voire les côtes Est de l’Amérique du nord s’ils
n’étaient pas détectés à l’ouest de l’Atlantique Nord. Un tel scénario aurait des effets militaires,

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politiques et psychologiques importants sur les États membres et pourrait ébranler la capacité et la
volonté de l’OTAN de remplir ses tâches fondamentales (Allport, 2018).

25.
Carte 4 : Illustration de la portée des sous-marins équipés de missiles Si ce qui précède montre
Kalibr (estimations minimale et maximale) l’importance de l’Atlantique Nord
dans la réflexion stratégique de la
Russie, la mer Baltique et la mer
Noire occupent aussi une place
centrale. La mer Baltique
présente une importance capitale
pour les intérêts russes. La moitié
environ du fret maritime de la
Russie transite par cette région,
qui sert aussi de passerelle
maritime pour l’enclave russe de
Kaliningrad (Nordenman, 2018).
Sur le plan opérationnel, les
sous-marins russes pourraient
utiliser la mer Baltique comme
une zone d’étape pour lancer des
attaques de missiles de croisière,
comme une aire de refuge avant
de progresser vers l’océan
Atlantique, et comme une zone d’attente (Perkins, 2016). En temps de paix, ces sous-marins
peuvent aussi essayer de surveiller les Alliés et mener des opérations de provocation et
d’intimidation ciblées. Cela dit, la mer Baltique est un espace très difficile pour les sous-marins en
raison de son espace confiné et ses eaux peu profondes, de la densité du trafic et de la présence
d’une multitude de mines marines encore actives. Toutefois, associées à la faible salinité de la mer
Baltique, ces mêmes caractéristiques rendent les sous-marins très difficiles à repérer. Cette mer
représente donc un excellent espace d’entraînement pour les sous-marins russes. Des experts
prétendent que les partenaires de l’OTAN que sont la Finlande et la Suède présentent à cet égard
une « utilité » pour la Russie car ses sous-marins peuvent s’entraîner face à des capacités de haut
niveau sans risquer de se confronter à un Allié (Perkins, 2016).

26. Avant 2014, la flotte navale russe présente dans la mer Noire était dans un état de
délabrement. Pour preuve, un seul nouveau navire de combat de surface y a été affecté entre 1991
et 2014 (Gorenburg, 2018). Les missions en mer Méditerranée et dans le golfe d’Aden ont été
menées par d’autres navires (Gorenburg, 2018). Bien que la Russie n’ait pas, dans le cadre de son
programme de modernisation actuel, réalisé toutes ses ambitions relatives à la mer Noire, elle a
néanmoins déployé un grand nombre de nouveaux navires de combat de surface dans les ports de
cette mer et rétabli une présence sous-marine permanente. Ses missiles Kalibr font planer un risque
sur une part importante du territoire de l’Alliance. Par ailleurs, Moscou utilise de plus en plus cette
région comme un tremplin pour sa projection de puissance en mer Méditerranée.

B. L’ÉTAT DE LA FLOTTE SOUS-MARINE RUSSE

27. Preuve de son importance stratégique, le programme de modernisation des sous-marins


bénéficie dans une large mesure d’un traitement de faveur dans le budget russe de la défense. Cela
a commencé à payer ses fruits pour la flotte russe, qui compte aujourd’hui 62 sous-marins (en
service et en réserve, ce chiffre excluant ceux affectés à des missions spéciales et ceux en phase
de développement et de test) (IISS, 2019 ; voir le tableau 1). Les sous-marins les plus récents ne
sont pas les plus modernes au monde, loin s’en faut. Leurs modèles datent en effet d’il y a environ
10 ou 15 ans. Ils représentent néanmoins une nette progression en termes de qualité. Ils sont
extrêmement performants, et arrivent quasiment à égalité avec certains sous-marins des membres

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de l’Alliance. Globalement, la modernisation des sous-marins est un investissement rentable, car les
sous-marins russes fournissent des résultats sans commune mesure par rapport aux ressources
engagées (Hicks et al., 2016).

28. Les sous-marins Delta III et Delta IV continuent de représenter l’épine dorsale de la
dissuasion nucléaire navale de la Russie. La marine russe les remplace petit à petit par de
nouveaux sous-marins Boreï, dont l’atténuation acoustique et la propulsion ont été sensiblement
améliorées. Trois sont en service aujourd’hui, sur un total de huit dont la mise en service est prévue
pour le début des années 2020 (Connolly et Boulègue, 2018). La construction des trois premiers
Boreï a cependant connu de gros retards liés au développement des générateurs diesel, et plus
particulièrement du nouveau missile balistique nucléaire Bulava de 150 kilotonnes (Connolly et
Boulègue, 2018 ; Warsaw Institute, 2017).

Encadré 2 : Les sous-marins russes du point de vue régional

Atlantique Nord : C’est à la flotte du Nord qu’est affecté le plus grand nombre de sous-marins russes. Cette flotte compte
huit sous-marins stratégiques (dont un en rénovation et un autre en réserve) et 21 sous-marins tactiques (quatre en
rénovation et un en réserve) (IISS, 2019).

Mer Baltique : La Russie possède aujourd’hui deux sous-marins de type Improved Kilo stationnés en mer Baltique, mais
un seul était disponible pour des opérations en 2016. Le pays prévoit de positionner deux sous-marins de type Lada
dans cet espace maritime d’ici 2024.

Mer Noire et mer Méditerranée : La Russie compte quatre sous-marins dans la mer Noire et deux sur sa base navale
de Tartous, en Syrie (affectés à la flotte de la mer Noire).

29. Les sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière Oscar II, rapides et furtifs,
figurent parmi les plus gros modèles jamais construits. Certains d’entre eux sont en train d’être
modernisés pour rester en service pendant encore 15 à 20 ans ; ils seront également réaménagés
pour pouvoir transporter jusqu’à 96 missiles Kalibr. Les sous-marins nucléaires à usage général
sont de trois types : Victor III, Sierra II et Akula. Certains des sous-marins Akula sont en cours de
modernisation (Gady, 2015).

30. Le successeur de tous les sous-marins nucléaires tactiques de la Russie est le polyvalent
Yasen. Les experts le considèrent comme extrêmement silencieux, quoique pas autant que les
modèles américains Seawolf ou Virginia. Le Yasen est conçu pour transporter entre 32 et 40 missiles
Kalibr. Il semblerait que la Russie veuille aussi l’équiper de missiles de croisière hypersoniques
Zircon, en cours de développement (O’Dwyer, 2019). Un Yasen est déjà en service alors qu’un
second – baptisé Yasen-M ou Husky suite à des modifications – est en phase de test. La Russie
prévoit de mettre en service cinq autres sous-marins Yasen d’ici 2024. La grande difficulté pour la
Russie sera de réduire les coûts. Le Yasen-M a déjà coûté quelque
1,6 milliards de dollars américains (Episkopos, 2019).

8
150 STC 19 F rév. 1 fin

Tableau 1 : Sous-marins russes (Source : IISS, 2019) 31. Les sous-marins russes
Sous-marins stratégiques Nombre Kilo et Improved Kilo à propulsion
Type Delta III (Projet 667BDR ; Kalmar) 3 diesel électrique sont utilisés pour
des missions anti-sous-marines. Le
Type Delta IV (Projet 667BDRM ; Delfin) 6
modèle Improved Kilo est très furtif
Type Boreï (Projet 955/A ; Dolgorukiy) 3
et peu coûteux pour le niveau de
Type Akula (Projet 941 ; Typhoon) (1) performance fourni. Les sous-
marins Lada sont supposés
Sous-marins tactiques remplacer ces deux modèles. Or, le
Sous-marins nucléaires d’attaque lance-missiles programme a connu de gros
Type Oscar II (Projet 949A ; Anteï) 8
problèmes et d’importants retards.
Un problème de taille semble être
Type Yasen (Projet 885 ; Severodvinsk) 1+1*
que la Russie a de grosses
difficultés à concevoir et fabriquer
Sous-marins nucléaires d’attaque un système de propulsion
Type Schuka-B (Projet 971 ; Akula I) 9 anaérobie, une technologie
Type Schuka-B (Projet 971M ; Akula II) 2 essentielle pour les sous-marins
Type Sierra II (Projet 945A ; Kondor) 2 modernes à propulsion diesel
Type Schuka (Projet 671RTM ; Victor III) 3
électrique. Il y a quelques années, il
semblait que ce modèle allait peut-
Type Sierra I (Projet 945 ; Barracuda) (1)
être être retiré au profit d’un
nouveau type de sous-marin, le
Sous-marins patrouilleurs Kalina (sur lequel il existe peu de
Type Kilo (Projet 877 ; Paltus) 16 données publiques), mais la Russie
Type Improved Kilo (Projet 636.6 ; Varshavyanka) 6 a récemment recommencé à
Type Lada (Projet 677) 1+2* travailler sur les deux sous-marins
Lada et souhaite en relancer la
production (Majumdar, 2016 ;
Nombre total de sous-marins (en service et en réserve) 62
Majumdar, 2018b).

32. La Russie possède peut-


Sous-marins à usage spécial 12? être les capacités de lutte sous-
marine les plus sophistiquées au
Les chiffres entre parenthèses correspondent à des sous-marins en monde (Allport, 2018). Les
réserve. responsables de la défense de
l’Alliance ont, en particulier, averti
* En phase de développement ou de test
que la Russie risquait de mettre sur
écoute ou de sectionner des câbles de communication sous-marins de l’OTAN ou du secteur privé.
La Russie possède aujourd’hui des sous-marins Delta III, Delta IV et Oscar II convertis pour des
missions spéciales, même si nombre d’entre eux ne sont peut-être pas encore prêts. Ces sous-
marins pourraient toutefois servir de navires porteurs pour les mini-sous-marins et submersibles
avec équipage de type sous-marin Losharik, ou submersibles classe Paltus ou Konsul, capables de
manipuler des objets dans les fonds marins, ou pour des systèmes sans pilote. On ne sait pas très
bien combien d’entre eux sont en service (Ripley, 2019). La direction principale russe de la
recherche sur les fonds marins a pour objectif d’accroître le nombre de ces mini-sous-marins
capables d’opérer au fond des mers. En juillet 2019, 14 marins ont perdu la vie suite à un incendie
à bord du Losharik. L’État russe a très peu communiqué sur cet accident, hormis en indiquant que
l’incendie s’était déclaré dans le système de batteries. La Russie s’est engagée à remettre le
submersible en état (Staalesen, 2019).

33. Une autre menace sous-marine garde quant à elle tout son secret : le drone sous-marin ou
la torpille Poseidon (autrefois connu(e) sous le nom de Status 6 ou Kanyon). Le Poseidon s’est fait
connaître « accidentellement » lors d’une émission télévisée il y a quelques années et est
aujourd’hui souvent cité dans les discours du président Poutine (Gao, 2019). La Russie prétend que
ce drone pourrait transporter des charges nucléaires de 100 à 2 000 mégatonnes utilisées pour la

9
150 STC 19 F rév. 1 fin

destruction et la contamination côtières. Les charges nucléaires seraient « frelatées » avec du cobalt
pour une contamination maximale. Bien que les informations dont on dispose soient trop rares pour
juger de l’exactitude de ces données, il est très important de suivre le projet de près.

IV. LA SITUATION EN ASIE DE L’EST

34. Tandis que la Chine accroît sa présence mondiale dans des domaines cruciaux pour les
intérêts des Alliés, les membres de l’OTAN doivent garder un œil sur le défi que représentent les
sous-marins chinois. En Corée du Nord, par ailleurs, le programme de conception de sous-marins
et d’armes nucléaires continue de travailler à la mise au point d’une dissuasion navale dirigée contre
les États-Unis, menace qu’il serait périlleux pour l’Alliance d’ignorer. Cette section présente donc les
flottes sous-marines de ces deux pays.

A. LES RÉCENTES AVANCÉES DE LA CHINE

35. Comme en Russie, le gouvernement chinois est très secret lorsqu’il est question de stratégie,
de programmes et de budgets militaires. Les experts estiment que la Chine aurait consacré quelque
168,2 milliards de dollars américains à la défense en 2018, dont une part importante aux
investissements (IISS, 2019). Dans le contexte de ce rapport spécial, il est clair que les forces
armées chinoises sont extrêmement concentrées sur l’amélioration des forces sous-marines
existantes et la conduite de travaux de recherche et développement (R&D) de pointe pour sa future
flotte (IISS, 2019).
Tableau 2 : Sous-marins chinois (Source : IISS, 2019)
Sous-marins stratégiques Nombre 36. La Chine possède actuellement
Classe Jin (Type 094) 4 59 sous-marins (en service et en
réserve) : 4 sous-marins stratégiques,
Sous-marins tactiques 54 sous-marins tactiques – 6 à
propulsion nucléaire et 48 à propulsion
diesel électrique – et un sous-marin
Sous-marins nucléaires d’attaque
porteur de missiles balistiques à
Shang I (Type 093) 2
propulsion diesel électrique (IISS,
Shang II (Type 093A) 4 2019 ; tableau 2). Ils sont tous moins
Han (Type 091) (3) performants que leurs équivalents
russes, mais le pays fait de gros progrès
Sous-marins patrouilleurs en matière de développement
Kilo (Projet 877) 2 technologique. Deux principaux
facteurs expliquent l’accent mis par la
Improved Kilo (Projet 636) 2
Chine sur la modernisation de ses sous-
Improved Kilo (Projet 636M) 8
marins. D’une part, ses dirigeants
Ming (4 Type 035(G) 8 estiment que la dissuasion nucléaire
Song (Type 039(G)) 12 navale chinoise ne présente pas encore
Yuan (Type 039A) 4 de capacité de frappe en second
Yuan II (Type 039B) 12 crédible, ce qui est corroboré par la
Ming (Type 035(G) (8)
plupart des analystes (Zhao, 2018).
D’autre part, la Chine investit des
sommes non négligeables dans les
Sous-marins porteurs de missiles balistiques sous-marins tactiques dans le but de
Qing (Type 032) 1 renforcer sa stratégie A2/AD, car elle
aimerait maintenir les États-Unis et
Nombre total de sous-marins (en service et en d’autres puissances navales hors de la
réserve) 59
zone appelée « premier chapelet
d’îles » (voir la carte 5).
Les chiffres entre parenthèses correspondent à des sous-marins
en réserve.

10
150 STC 19 F rév. 1 fin

37. La plupart des experts estiment que les sous-marins nucléaires chinois – notamment
stratégiques – sont plus bruyants que leurs équivalents haut de gamme américains et russes (Zhao,
2018). Les sous-marins stratégiques pourraient même être plus bruyants que les sous-marins
russes Delta III, conçus dans les années 70 et qui remontent aujourd’hui de deux générations par
rapport aux sous-marins stratégiques russes les plus élaborés. La Chine ne commencera à
construire des sous-marins stratégiques de nouvelle génération Type 096 qu’au début des
années 2020 (Zhao, 2018 ; Chan, 2018). Une autre lacune des sous-marins stratégiques chinois est
la portée officielle des missiles balistiques à lanceur naval JL-2. Ces missiles ne pourraient atteindre
le territoire des États-Unis que si les sous-marins chinois réussissaient à franchir le premier chapelet
d’îles et gagner l’océan Pacifique. La Chine est en train de développer et de tester leur successeur,
le missile JL-3, qui serait capable de frapper des cibles situées à environ 9 000 kilomètres (Chan,
2018). Cette portée serait encore inférieure à celle des missiles nucléaires à lanceur naval les plus
performants des États-Unis et de la Russie et ne menacerait qu’une partie du territoire américain
depuis l’intérieur du premier chapelet d’îles.

38. Les sous-marins tactiques de la Chine devraient eux aussi connaître une rapide progression,
à la fois en taille et en performances. Les sous-marins tactiques à propulsion nucléaire chinois sont
jugés encore plus bruyants que leurs équivalents stratégiques (Zhao, 2018). Cela dit, le nouveau
modèle Yuan à propulsion diesel électrique intègre une technologie d’atténuation acoustique
empruntée aux sous-marins russes et possède un système de propulsion anaérobie – que la Russie
n’a jusqu’ici pas réussi à mettre totalement au point (Zhen, 2018).

39. La Chine investit considérablement dans les technologies pour accroître la survivabilité de
ses sous-marins, principalement en les rendant plus silencieux, par exemple à l’aide d’un système
de propulsion hydrojet et de réacteurs nucléaires à haute température refroidis par gaz (Zhao, 2018).
Le pays progresse également dans un autre domaine qui a longtemps été en retard, celui des
communications sous-marines (Zhao, 2018). La marine chinoise semble aujourd’hui capable de
communiquer avec ses sous-marins à des fréquences très basses, que seuls deux autres pays ont
jusqu’ici réussi à atteindre (Zhao, 2018). Les chercheurs chinois travaillent par ailleurs intensivement
sur des systèmes de communication satellite et aéroportés à des fréquences extrêmement basses.
D’autres travaux notables entrepris par la recherche et développement en Chine portent sur des
capteurs quantiques capables de détecter la présence de sous-marins en mesurant les champs
magnétiques, sur des applications de l’intelligence artificielle pour les sous-marins, et sur des
véhicules maritimes autonomes sans pilote.

40. Selon les experts, la stratégie actuelle de la Chine en matière de sous-marins reprend le
concept de bastion mis en œuvre par l’Union soviétique dans les années 1970 et 1980 (Zhao, 2018).
Or, la Chine est nettement plus limitée géographiquement que ne l’était l’Union soviétique. Tout
d’abord, ses missiles balistiques à lanceur naval ont une portée relativement réduite. Ensuite, ses
eaux côtières sont très bruyantes. Des sous-marins de pays adverses pourraient donc facilement
se dissimuler et suivre discrètement des sous-marins stratégiques chinois. C’est l’une des raisons
pour lesquelles la Chine investit massivement dans les capacités de lutte ASM, notamment des
sonars installés dans les fonds marins jusque dans l’océan Indien. Un ultime problème est que les
voies que doivent emprunter les sous-marins chinois sont beaucoup plus étroites que le passage
GIUK (Zhao, 2018). Il n’en reste pas moins que les sous-marins chinois sont allés patrouiller au-delà
de cette zone, et même jusqu’au golfe d’Aden. La Chine semble en outre préparer sa force
sous-marine pour des opérations futures dans l’Arctique (Tate, 2018). Si des sous-marins
stratégiques chinois étaient stationnés dans l’Arctique, cela pourrait accélérer la durée de parcours
d’un missile d’un facteur pouvant aller jusqu’à 3,5 et réduire la vulnérabilité des submersibles
(Goldstein, 2019).

11
150 STC 19 F rév. 1 fin

Carte 5 : Les premier et second chapelets d’îles – versions américaine et chinoise (Source : Cavas, 2016)

B. LES CAPACITÉS NAISSANTES DE LA CORÉE DU NORD

41. La Corée du Nord possède l’une des plus vastes flottes sous-marines au monde. Selon des
estimations fiables, le pays détiendrait entre 73 et 86 sous-marins tactiques (IISS, 2019 ; NTI, 2018).
Cependant, la plupart de ces sous-marins sont relativement petits et incapables de s’éloigner
vraiment de la péninsule coréenne ; d’ailleurs, même s’ils le pouvaient, ils se heurteraient aux
mêmes obstacles géographiques et aux mêmes moyens de lutte ASM que la Chine. En règle
générale, ils n’arrivent pas à la hauteur des sous-marins alliés les plus sophistiqués.

42. Le programme de missiles balistiques pour les sous-marins Gorae laisse supposer que la
Corée du Nord projette de mettre en place une force sous-marine stratégique (NTI, 2018). Son
seul sous-marin Gorae (également appelé Sinpo-B) est utilisé comme plateforme de test pour y
lancer des missiles balistiques. L’incapacité du Gorae à rester en submersion plus de quelques jours
limite toutefois sa crédibilité en tant que dissuasion nucléaire et capacité de frappe en second. Rien
que pour cette raison, il est peu probable que la Corée du Nord envisage de déployer le Gorae dans
un cadre opérationnel.

43. Il semblerait que la Corée du Nord soit en train de construire un nouveau sous-marin porteur
de missiles balistiques, le Sinpo-C (NTI, 2018). On estime que ce modèle peut déplacer plus de
2 000 tonnes et possède un faisceau de 11 mètres, ce qui en ferait le plus gros navire de la marine
nord-coréenne (Majumdar, 2018a). Même si le Sinpo-C pouvait devenir un sous-marin stratégique
viable, la Corée du Nord aurait toujours besoin de nombreux sous-marins de ce type équipés
d’armes nucléaires pour imposer une dissuasion nucléaire navale qui soit crédible et pérenne.
Toutefois, compte tenu de leur utilité stratégique, les analystes prédisent que ces efforts ont peu de
chances de s’arrêter. De fait, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a procédé en juillet 2019 à
l’inspection d’un nouveau sous-marin qui, selon les experts, serait le Sinpo-C (Reuters, 2019).

12
150 STC 19 F rév. 1 fin

44. La Corée du Nord développe actuellement le missile balistique à lanceur naval Pukkuksong-1
(ou KN-11), qui aurait une portée d’environ 1 200 km (Missile Defence Project, 2018). Ce missile
aurait subi depuis 2014 quatre à six tests de lancement (Jeong, 2018). Le pays a encore de
nombreux défis techniques à relever pour que ce missile soit pleinement opérationnel, mais il
poursuit le développement du Pukkuksong, ce qui pourrait l’aider, comme il en a l’intention, à se
doter d’un missile balistique à lanceur naval opérationnel.

V. LES LACUNES DES ALLIÉS EN MATIÈRE DE CAPACITÉS DE LUTTE ASM ET LA


MODERNISATION EN COURS

A. ÉTAT DES LIEUX GÉNÉRAL DES CAPACITÉS ALLIÉES DE LUTTE ASM

45. Le principal objectif de la lutte ASM est de détecter les sous-marins des adversaires potentiels
dans un jeu « du chat et de la souris » (Perkins, 2016). Du fait de la difficulté de la tâche, cette lutte
repose sur des capacités militaires haut de gamme. Toutefois, comme le relève judicieusement
l’amiral Gary Roughead, ancien chef des opérations navales des États-Unis, c’est aussi « un
mélange d’art et de science » (Roughead, 2018). La lutte ASM d’aujourd’hui repose surtout sur un
ensemble de plateformes avec équipage utilisant des sonars actifs et passifs (voir l’encadré 3 et le
tableau 3) :

- sous-marins tactiques ;
- avions de patrouille maritime à voilure fixe ;
- navires de surface équipés de sonars ;
- hélicoptères ASM basés au sol ou sur des navires de surface ;
- systèmes de détection acoustique installés sur le fond marin ou sur le littoral.

46. La capacité globale de l’OTAN à mener des opérations de lutte ASM complexes a
considérablement diminué. Un exercice sur table réalisé en 2017 sous la direction d’un groupe de
réflexion renommé a montré que « ni les différents États membres, ni l’Alliance dans son ensemble,
ne sont actuellement capables de mener une campagne de lutte ASM globale et coordonnée, que
ce soit en temps de paix ou dans une situation de conflit » (Smith et Hendrix, 2017). L’un des
participants à l’exercice a indiqué qu’il faudrait au moins 50 jours pour constituer une force de lutte
ASM efficace. Bien que l’OTAN soit encore en mesure de poursuivre des sous-marins isolés au
niveau actuel des patrouilles russes, elle perdra bien vite cette aptitude si les tendances actuelles
se poursuivent (Perkins, 2016). En résumé, l’Alliance a « perdu une grande partie de l’avance qu’elle
avait acquise à la fin de la guerre froide » (Perkins, 2016).

47. L’OTAN se trouve face à un double problème. D’une part, ses propres capacités de lutte ASM
ont diminué car le nombre de ses plateformes affectées à cette tâche a baissé, parfois de façon
dramatique. De plus, les capacités qu’elle possède encore vieillissent rapidement et rencontrent des
problèmes d’interopérabilité (Hicks et al., 2016). D’autre part, les moyens sous-marins des
concurrents de niveau quasi égal se sont considérablement améliorés – même s’ils ne parviennent
pas à détrôner les plus modernes des sous-marins alliés.

48. Plusieurs raisons expliquent – mais n’excusent pas – la situation actuelle. Au début des
années 1990, à mesure que la menace immédiate de l’Union soviétique reculait, les budgets de la
défense des Alliés ont commencé à sérieusement diminuer. Ils ont subi de nouvelles coupes
radicales après la crise financière de 2007/2008. Peut-être plus important encore, une réorientation
stratégique en faveur des forces militaires expéditionnaires a eu lieu après la fin de la guerre froide.
Bien que s’appuyant sur des motifs valables, cette réorientation a coûté cher à d’autres domaines
capacitaires, notamment la lutte ASM (Perkins, 2016 ; Allport, 2018 ; Hudson et Roberts, 2018) :

13
150 STC 19 F rév. 1 fin

- Les navires ont conduit de plus en plus d’opérations de sécurité maritime standard ou été
réaffectés à des missions d’attaque au sol.
- Les avions de patrouille maritime se sont de plus en plus concentrés sur des missions plus
larges de renseignement, surveillance et reconnaissance.
- Les navires équipés pour la lutte ASM ont presque cessé d’opérer dans les océans
Atlantique Nord et Arctique.
- Certains Alliés ont choisi de ne pas remplacer certaines de leurs capacités arrivées en fin de
vie.

Encadré 3 :
Fonctionnement de base des sonars

Sonars passifs : Ces sonars cherchent à repérer des sous-marins à l’aide d’hydrophones détectant les bruits émis
par les systèmes de propulsion et les hélices, ainsi que ceux produits par les frottements de l’eau contre la coque des
sous-marins. Ils sont normalement placés à la proue du sous-marin ou sur ses flancs, ou encore tractés par un navire
de surface ou par un sous-marin. Les sonars installés dans les fonds marins ou à terre à des endroits critiques sont
aussi de puissants outils de détection sous-marine. Leurs performances dépendent des caractéristiques de
l’environnement océanique, principalement la température, la salinité et les bruits ambiants.

Sonars actifs : Ces sonars détectent les sous-marins en émettant des sons et en écoutant les retours. Bien qu’ils
fournissent une représentation précise de l’environnement marin, ils révèlent aussi la position du poste d’écoute, à
moins que l’émetteur et le récepteur soient éloignés l’un de l’autre.

Sonars actifs à basse fréquence : Testés pour la première fois à la fin des années 1980, les sonars actifs à basse
fréquence ont accru la portée des sonars actifs et continuent d’évoluer. Ils deviennent la principale technologie en
matière de capteurs utilisée pour détecter les sous-marins modernes à des distances utiles. Ils sont souvent intégrés
à des systèmes de capteurs à barrette remorqués par des navires de surface, ou trempés depuis un hélicoptère.

Sonars multistatiques : Les systèmes multistatiques sont un réseau de sonars actifs et/ou passifs répartis sur une
zone d’intérêt. Ils offrent une très bonne triangulation, un niveau élevé de discrétion et des avantages sur le plan
acoustique.

49. L’un des domaines dans lesquels les Alliés ont conservé de solides capacités, notamment
grâce à des programmes de remplacement menés en temps voulu, est celui des hélicoptères ASM.
Les systèmes de détection acoustique installés dans les fonds marins ou sur le littoral sont
hautement classifiés, et il existe donc peu d’informations sur le sujet. Selon certains experts, les
États-Unis auraient mis en veille leur vaste réseau Sound Surveillance System à proximité du
passage GIUK (Smith et Hendrix, 2017). Les experts émettent par ailleurs des doutes sur la capacité
de ce réseau à détecter les plus silencieux des sous-marins russes. L’US Navy continue à améliorer
ces systèmes et à en concevoir de nouveaux, mais peu d’éléments sont rendus publics. L’arsenal
des Alliés en matière de sous-marins tactiques, d’avions de patrouille maritime et de frégates
est encore aujourd’hui largement déficitaire ou le deviendra dans un proche avenir. Il est donc
intéressant de voir quels sont les efforts de modernisation qui sont menés actuellement à cet égard.

B. LES SOUS-MARINS TACTIQUES : HAUTE QUALITÉ MAIS BILAN NUANCÉ

50. Les 124 sous-marins tactiques actuellement disponibles en Europe et en Amérique du Nord
présentent toujours des qualités supérieures par rapport à ceux des pays non membres de l’OTAN,
les États-Unis se maintenant en tête du classement. Il n’empêche que la quantité compte aussi pour
la lutte ASM, et il est donc regrettable que le nombre total de sous-marins détenus par l’Alliance ait
considérablement baissé. En voici quelques preuves (Hicks et al., 2016) :

- Le Danemark n’a pas remplacé ses derniers sous-marins arrivés en fin de vie en 2004.
- En Allemagne, la flotte de sous-marins est passée de 14 à 6 entre 2000 et 2019 (-57 %).
- La Norvège a réduit sa flotte de 10 à 7 entre 2000 et 2019 (-30 %).
- Le Royaume-Uni est passé de 12 à 6 entre 2000 et 2019 (-50 %).
- Les États-Unis eux-mêmes possèdent presque 10 % de sous-marins de moins qu’à la fin de
la guerre froide.

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150 STC 19 F rév. 1 fin

Tableau 3 : Capacités des Alliés en matière de lutte ASM (IISS, 2019)


Sous-marins Avions de patrouille Hélicoptères Principaux navires de combat
Pays tactiques maritime ASM de surface
Belgique 0 0 4 2
Bulgarie 0 0 2 4
Canada 4 18 15 12
Danemark 0 0 9 3
France 6 12 (+10) 38 24
Allemagne 6 8 22 14
Grèce 11 5* 18 13
Italie 8 0 47 18
Pays-Bas 4 0 12 6
Norvège 6 6 8 4
Pologne 3 0 11 2
Portugal 2 5 5 5
Roumanie 0 0 0 3
Espagne 3 3 21 11
Turquie 12 6 29 19
Royaume-Uni 6 0 58 20
États-Unis 53 140 (+12) 225 (+7) 112
Les chiffres entre parenthèses correspondent à des plateformes pas encore opérationnelles.
*La Grèce est en train de moderniser ses avions de patrouille maritime pas encore opérationnels.

51. La bonne nouvelle est que tous les membres de l’Alliance disposant d’une flotte de
sous-marins ont la volonté de la conserver. Les principaux programmes de modernisation sont les
suivants :

- Le Canada s’est engagé, dans sa politique de défense de 2017, à moderniser ses sous-marins
Victoria vers la moitié des années 2020 afin qu’ils puissent être utilisés jusqu’au milieu des
années 2030 (Gouvernement du Canada, 2017). L’analyse d’options a été réalisée
(Gouvernement du Canada, 2019). Le pays les avait achetés en 1998 au Royaume-Uni, où ils
avaient été mis en service au début des années 1990.
- Aux Pays-Bas, les quatre sous-marins Walrus auront besoin d’être remplacés dans la
seconde moitié des années 2020. Le pays doit normalement définir un programme
d’acquisition de leurs successeurs au second semestre 2019 (Sprenger, 2019a).
- Afin de remplacer ses sous-marins de type Rubis, la France a entrepris la construction de
sous-marins nucléaires polyvalents Barracuda (Sprenger, 2019b). Six sont planifiés
(Sprenger, 2019b). Le premier, Suffren, dont la construction a été lancée en juillet 2019,
devrait être livré en 2020 (Sprenger, 2019b).
- En Allemagne, les sous-marins à propulsion diesel électrique Type 212 sont dotés de la
technologie de propulsion anaérobie la plus avancée au monde. La marine allemande en
ajoutera encore deux à sa flotte dans les années à venir, dans le cadre d’un programme
conjoint avec la Norvège (NavalToday.com, 2019).
- L’Italie projette d’acquérir quatre autres sous-marins de conception allemande Type 212 afin
de conserver une flotte de huit sous-marins une fois que ses quatre Pelosi seront retirés du
service (Kington, 2019).
- En Norvège, les six sous-marins de type Ula arriveront en fin de vie au milieu ou à la fin des
années 2020. Ils seront remplacés par des modèles proches du Type 212 allemand dans le
cadre d’un programme conjoint avec l’Allemagne (NavalToday.com, 2019).
- En Pologne, la flotte de sous-marins est jugée inapte au combat par les experts (Hicks et. Al,
2016). Le pays a toutefois pris l’engagement d’en acquérir de nouveaux et a lancé un appel
d’offres (Lesiecki, 2018).

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- En Espagne, les sous-marins S-80 Plus ont rencontré de graves problèmes, ce qui a obligé
le pays à utiliser plus longtemps que prévu ses modèles S-70 Agosta, entrés en service au
début des années 1980 (Roblin, 2018).
- La Turquie a lancé une révision à mi-vie de ses quatre sous-marins Preveze (Vavasseur,
2019b).
- Au Royaume-Uni, la Royal Navy est en train de remplacer ses sous-marins Trafalgar par le
modèle hautement performant Astute. Trois sous-marins Astute sont déjà en service
(UK Royal Navy, s. d.). Le ministère de la défense a déjà lancé le projet Maritime Underwater
Future Capability pour assurer la relève du modèle Astute lorsqu’il sera mis hors service
(Bliddal, 2019).
- Aux États-Unis, bien que le programme d’acquisition ait été accéléré, le nombre de
sous-marins tactiques sera insuffisant dans le milieu des années 2020 puisqu’il sera de
seulement 42 environ (McLeary, 2019). Cette perspective est probablement une explication
de l’accélération de l’acquisition de systèmes maritimes sans pilote (voir la section VI).

C. LES AVIONS DE PATROUILLE MARITIME : DES CAPACITÉS TRÈS DÉFICITAIRES

52. Le manque d’avions de patrouille maritime pour les missions de


lutte ASM est particulièrement dramatique. L’Alliance en possède Coopération portant sur
aujourd’hui 120 de moins qu’à la fin de la guerre froide (Perkins, 2016). des capacités
multinationales
En voici une illustration chiffrée : alors que le ratio entre les avions de d'aéronefs maritimes
patrouille maritime des Alliés et les sous-marins de l’Union soviétique multimissions
était d’environ 1,8 pour 1 à la fin des années 1980, il s’est aujourd’hui
plus qu’inversé, à 1 pour 2 (Perkins, 2016). Si les avions de patrouille
maritime sont évidemment coûteux, ils ne peuvent être remplacés
uniquement par un regroupement et un assemblage de systèmes de
capteurs (Perkins, 2016). En fait, pour assurer la couverture d’un
sous-marin pendant 24 heures, il faut à un pays entre sept et huit avions
de patrouille maritime (Perkins, 2016).

53. La majorité des avions de patrouille maritime des Alliés arriveront en fin de vie entre 2025 et
2035. Comme l’a indiqué un interlocuteur issu de l’industrie lors de la récente visite de la STCTTS
au Royaume-Uni, l’Alliance sera confrontée à une « situation de crise d’ici une quinzaine d’années
». Les pays concernés ont réalisé l’urgence du défi. Huit membres de l’Alliance ont en fait engagé
depuis 2017, sous les auspices de l’OTAN, une coopération portant sur des capacités
multinationales d'aéronefs maritimes multimissions (voir la figure 1). Ils ont commencé à définir un
cahier des charges commun pour les futures capacités aériennes, en accordant une attention
particulière à la lutte ASM.

54. Certains membres de l’Alliance ont déjà amorcé un processus d’acquisition de nouveaux
avions de patrouille maritime :

- La France et l’Allemagne ont fait part de leur intention de travailler ensemble au


remplacement de leurs flottes d’avions de patrouille maritime dans le cadre d’un projet
européen (Shalal, 2018).
- La Norvège remplace sa flotte d’avions P-3C Orion par cinq avions de patrouille maritime
P-8 Poseidon (Reim, 2019).
- En Italie, les nouveaux avions de patrouille maritime ATR-72 ne sont pas configurés pour la
lutte ASM, mais leur fuselage pourrait, en principe, être adapté pour offrir à l’avenir cette
fonctionnalité (Kington, 2016).
- La Turquie envisage d’acquérir six avions de patrouille maritime ATR-72 aptes à la lutte ASM
(Aviation News, 2016).
- Le Royaume-Uni se trouve actuellement dans une situation critique. En 2011, ses avions de
patrouille maritime Nimrod n’ont pas été remplacés. Cela veut dire que le pays ne dispose
d’aucune flotte de patrouille maritime et dépend de l’aide des Alliés en cas d’activité

16
150 STC 19 F rév. 1 fin

sous-marine accrue le long de ses côtes. L’État britannique est donc en train d’acquérir neuf
avions de patrouille maritime P-8 Poseidon. Le premier devrait être livré au Royaume-Uni
début 2020, et le dernier en mars 2022 (US DOD, 2019b).

55. Une autre insuffisance liée aux avions de patrouille maritime est le très faible nombre de
bouées acoustiques, qui sont larguées dans l’eau par ces avions (et les hélicoptères ASM) pour
traquer des sous-marins (Perkins, 2016). Si la diminution des stocks devrait être en soi un sujet
d’inquiétude, la situation est aggravée par le fait qu’il faut aujourd’hui beaucoup plus de bouées pour
atteindre les niveaux de détection de la guerre froide, car les sous-marins sont devenus nettement
plus silencieux (Perkins, 2016). Ces bouées perdent donc progressivement de leur utilité. Pourtant,
à court et moyen terme, elles seront toujours indispensables pour localiser des sous-marins dans le
cadre d’une traque active, car les toutes nouvelles technologies ne seront pas encore capables de
prendre le relais dans la prochaine décennie, voire la suivante (voir la section IV). Les Alliés doivent
donc de toute urgence reconstituer leurs stocks. Un projet OTAN de défense intelligente, similaire à
l’achat en commun de munitions à guidage de précision, pourrait peut-être être envisagé. Cela dit,
les Alliés peuvent déjà commander des bouées acoustiques par l’intermédiaire de l’Agence OTAN
de soutien et d’acquisition.

D. LA MODERNISATION EN COURS DES FRÉGATES AU SEIN DE L’ALLIANCE

56. S’agissant des navires de surface affectés à la lutte ASM, leurs flottes ont accusé moins de
pertes, hormis chez certains membres de l’Alliance, où les réductions ont été importantes. Ainsi, les
membres de l’OTAN qui bordent l’Atlantique – et assument donc la plus grosse part de la mission
de lutte ASM sur le flanc septentrional de l’Alliance – ont vu leur flotte de frégates amputée d’environ
la moitié entre 1995 et 2017 (Smith et Hendrix, 2017). Même les États-Unis connaissent des
difficultés. L’US Navy réduit actuellement de neuf à cinq le nombre de navires équipés du réseau de
surveillance remorqué ; elle ne possède aucun navire de type frégate spécialement affecté à la lutte
ASM et a perdu des capacités ASM depuis que son aéronef à voilure fixe S-3 Viking a été retiré des
porte-avions en 2009 (Smith et Hendrix, 2017).

57. Les Alliés sont bien conscients de la nécessité de disposer de navires de surface haut de
gamme pour la lutte ASM et réagissent en conséquence. Fait important, 12 membres de l’Alliance
sont en train d’acquérir de nouvelles frégates, un grand nombre d’entre elles étant conçues pour
améliorer l’efficacité de la lutte ASM. Les programmes de modernisation des capacités ASM les plus
pertinents sont notamment les suivants :

- La Belgique et les Pays-Bas conçoivent actuellement un nouveau futur navire de combat de


surface, qui remplacera les frégates de classe M (Fiorenza, 2018). Le premier exemplaire
devrait être livré aux Pays-Bas vers le milieu des années 2020 (Naval Recognition, 2018).
- Pour preuve que le Canada prend la lutte ASM au sérieux, son gouvernement a sélectionné
la frégate Type 26, conçue par le Royaume-Uni et optimisée pour la lutte ASM, pour remplacer
ses frégates Halifax (Allison, 2018).
- En France, six des nouvelles frégates FREMM ont été optimisées pour la lutte ASM, la
dernière ayant été livrée en juillet 2019 (OCCAR, 2019). Par ailleurs, un certain nombre
d’anciennes frégates seront rénovées avec l’installation de capteurs à barrette remorqués
(Hicks et al., 2016).
- En Allemagne, les frégates MKS-180 en cours de développement seront dotées d’un module
facultatif de lutte ASM avancée (Vavasseur, 2019a).
- Le Royaume-Uni va remplacer ses frégates Type 23, dotées d’un fort potentiel pour les
opérations ASM, par le nouveau modèle Type 26 optimisé pour la lutte ASM (Willett, 2018).
Le pays a cependant réduit sa commande de 13 à 8 (Willett, 2018).
- Les États-Unis vont concevoir leur nouvelle frégate FFG(X) avec d’excellentes aptitudes en
matière de lutte ASM. L’US Navy souhaite acquérir 20 FFG(X) d’ici 2030, et la première sera
livrée en 2020 (Congressional Research Service, 2019).

17
150 STC 19 F rév. 1 fin

VI. VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE LA LUTTE ASM

58. La précédente section présentait quelques-uns des défis à court et moyen terme auxquels est
confrontée l’Alliance en ce qui concerne ses capacités de lutte ASM, ainsi que la façon dont les
Alliés projettent de les relever. Sur le long terme, en revanche, les défis sont nombreux, et beaucoup
plus complexes. D’une part, les mers deviennent plus bruyantes et plus chaudes, ce qui rend la
détection des sous-marins plus difficile (Perkins, 2016). Les bruits de fond marins ont presque
doublé tous les 10 ans, et l’interférence des fréquences radio a également fortement augmenté
(Perkins, 2016). D’autre part, les sous-marins deviennent de plus en plus silencieux et de plus
en plus difficiles à détecter grâce aux améliorations qui leur sont apportées : conception de la coque,
propulsion anaérobie, suppression des bruits et systèmes de brouillage acoustique (Clark, 2015b).
En conséquence de cette double évolution, il est tout à fait possible que l’on arrive bientôt à une
« parité sonore », à savoir que les sous-marins pourraient devenir plus silencieux que
l’environnement marin (Perkins, 2016).

A. LA TECHNOLOGIE DES CAPTEURS

59. Les progrès dans le domaine des technologies des sonars traditionnels demeurent lents
et progressifs (O’Hanlon, 2018). À mesure que les sous-marins sont devenus plus silencieux, la
portée de détection des sonars passifs – qui sont les plus utilisés dans le cadre de la lutte ASM
depuis les 50 dernières années – a chuté de plusieurs kilomètres à quelques centaines de mètres
(Perkins, 2016). Les sonars actifs, s’ils ont toujours une portée qui se compte en kilomètres
(10 maximum), ont par contre des difficultés à classifier les signaux émis par les sous-marins
(Perkins, 2016). Tous ces éléments inspirent à un expert la réflexion que les capteurs traditionnels
« arrivent rapidement au stade de l’obsolescence » (Perkins, 2016). Pour autant, l’intelligence
artificielle, les mégadonnées et la miniaturisation de la puissance informatique pourraient contribuer
à les faire durer un peu plus. À titre d’exemple, les applications de l’intelligence artificielle permettent
de réaliser une modélisation océanographique en temps réel (ou presque), d’améliorer
considérablement les capacités des capteurs ASM, et de trouver une cible en effectuant le tri parmi
l’énorme quantité de données collectées (Clark, 2015a).

60. Face à la stagnation des capacités des capteurs traditionnels, les scientifiques et les
ingénieurs s’emploient à mettre au point de nouvelles technologies qui soient viables. Les méthodes
de détection non acoustiques font l’objet d’un intérêt croissant. Les chercheurs espèrent
développer des technologies qui puissent par exemple : détecter les émissions chimiques et
radiologiques des sous-marins ; provoquer la réverbération d’un laser sur la coque des sous-marins
pour les rendre visibles ; ou détecter des changements minimes se produisant à la surface des
océans, ou au niveau des vagues ou de la température de l’eau lors du passage d’un sous-marin
(Clark, 2015a ; Perkins, 2016 ; Hicks et al., 2016). Les technologies quantiques sont une
composante essentielle des capteurs non acoustiques. Les scientifiques et les chercheurs des
membres de l’Alliance – mais aussi, il convient de le signaler, de Chine – investissent actuellement
dans ce domaine.

61. De nouveaux systèmes de détection pouvant être installés au fond de l’eau, à la surface ou
sur le littoral sont également en cours de développement. L’US Navy, par exemple, a mis en place
des programmes – le Shallow Water Surveillance System et le Persistent Littoral Undersea
Surveillance – consistant à installer des capteurs portatifs sur des lieux de passage obligés
(Clark, 2015a).

B. LES SYSTÈMES MARITIMES SANS PILOTE

62. Outre les nouveaux types de capteurs, une nouvelle vision de l’avenir de la lutte ASM est en
train de prendre forme avec l’apparition des systèmes maritimes sans pilote (voir la figure 2). Le
vice-amiral Bléjean, commandant adjoint du Commandement maritime allié, a indiqué aux membres
de la STC qu’il considérait les systèmes maritimes sans pilote comme des « vecteurs de

18
150 STC 19 F rév. 1 fin

changement ». Les Alliés doivent comprendre la technologie d’aujourd’hui pour se préparer à cet
avenir, d’autant que des États non membres de l’OTAN investissent massivement dans ces
capacités.

63. On distingue deux catégories de véhicules maritimes autonomes (AUV) : ceux opérant en
surface et ceux qui sont immergés. Les premiers varient par exemple du gros modèle Sea Hunter
aux plus petits Aqua Quad ou Wave Glider. Les drones sous-marins existent également dans toutes
les tailles : depuis les planeurs sous-marins jusqu’aux très grands formats Echo Voyager de Boeing
et Orca de Lockheed Martin.

64. Les AUV présentent de nombreux avantages pour les forces navales car ils peuvent être :

- Plus petits et donc moins faciles à détecter que les plateformes avec équipage ;
- Plus axés sur la charge utile, dans la mesure où il n’y a pas d’opérateur à bord ;
- Hautement modulables et adaptables ;
- Déployés en mer sur une longue durée si les obstacles en matière d’alimentation et de
stockage sont résolus (voir plus bas).

65. Les AUV permettent en outre de réduire les coûts unitaires et de personnel, ainsi que de
raccourcir les cycles de recherche-développement en éliminant certains dispositifs complexes. Le
plus important, peut-être, est que ces systèmes peuvent opérer dans des environnements
dégradés – ou avec déni d’accès – sans que des vies soient mises en danger.

66. Il faudra peut-être attendre encore 10 à 20 ans avant que des AUV soient intégrés aux
plateformes de détection traditionnelles. Les Alliés voient néanmoins dans ces systèmes un fort
potentiel pour un certain nombre de missions navales, dont la lutte ASM. Aussi, 14 membres de
l’Alliance ont signé en octobre 2018 une déclaration d’intention en vue de coopérer à la création de
systèmes maritimes sans pilote (voir la figure 4). Le but est de mettre en commun leurs ressources,
leurs talents et leur ingéniosité pour concevoir des AUV plus performants, plus flexibles et plus
interopérables. Grâce à cette initiative, les Alliés pourront réaliser des économies d’échelle et ainsi
réduire les coûts dans un domaine où les investissements devront être accrus.

Échantillon de systèmes maritimes sans


pilote
Figure 3 : Configuration d’une lutte ASM distribuée (Source CMRE)
De gauche à droite et de haut en bas (crédits
photos : US Navy ; Boeing ; Lockheed
Martin ; DARPA) : Aquaquad ; Waveglider ;
Orca ; EchoVoyager ; Sea Hunter

19
150 STC 19 F rév. 1 fin

Coopération des Alliés en matière de 67. Le concept de réseau distribué représente la clé pour
systèmes de drones maritimes comprendre la conception qu’ont de nombreux Alliés de
l’avenir de la lutte ASM fondée sur l’utilisation des AUV. Un
réseau de systèmes de détection avec et sans pilote, déployés
du fond des mers jusque dans l’espace, composerait un
ensemble compact de systèmes. Les forces navales
abandonneraient ainsi les plateformes bourrées de capteurs
de lutte ASM pour se tourner au contraire vers des dispositifs
de plus petite taille aux capacités individuelles plus réduites.
Alors que ces nouveaux systèmes accompliraient
individuellement beaucoup moins de tâches que les
plateformes ASM actuelles, leur force résiderait dans l’ampleur
du réseau qu’ils constitueraient. L’US Navy – qui, en 2019, a demandé 3,7 milliards de dollars
américains pour son futur programme de systèmes maritimes sans pilote – envisage de combiner
des milliers d’AUV. Un adversaire serait donc submergé par une multitude de petites cibles plutôt
que par un groupe naval comprenant quelques navires de surface. Il devrait alors mobiliser des
armes coûteuses pour attaquer des cibles qui coûteraient beaucoup moins cher que les frégates
d’aujourd’hui. Le réseau distribué se composerait en outre d’un nombre suffisant d’équipements
redondants, ce qui permettrait de s’assurer que l’adversaire serait incapable de neutraliser tous les
systèmes en même temps. L’utilisation de la technique de l’essaim permettrait par ailleurs de placer
les AUV dans un « filet » se déplaçant avec la cible une fois que celle-ci a été repérée. Cet essaim
d’AUV pourrait former un « filet itinérant de bouées acoustiques » qui remplacerait à longue
échéance les bouées « à usage unique » d’aujourd’hui. L’idée de larguer des véhicules aériens sans
pilote depuis des avions de patrouille maritime ou des plateformes sous-marines pour libérer des
bouées acoustiques est également à l’étude. Le Royaume-Uni va prochainement initier des études
et des tests concernant des AUV sous-marins de très grande taille qui pourraient servir de
« boucliers » dans la lutte ASM. La Grèce a, quant à elle, testé des navires de surface sans équipage
utilisés en association avec des sonars trempés conçus à l’origine pour des hélicoptères. Bien
évidemment, les AUV pourraient aussi jouer un rôle clé dans la surveillance des réseaux de câbles
sous-marins.

68. Les systèmes maritimes avec pilote (frégates, avions de patrouille maritime et sous-marins)
continueraient de jouer un rôle très important dans ces réseaux distribués. Ils pourraient toutefois
quitter la ligne de front et héberger des systèmes autonomes ou coordonner des capteurs et des
systèmes d’armes. Leur rôle pourrait être de recueillir des renseignements, d’effectuer de la
surveillance, de miner des passages stratégiques et d’engager une guerre électronique dans les
zones présentant de gros risques pour les plateformes avec équipage (Clark, 2015a).

69. Bien évidemment, de nombreux défis seront à relever avant qu’un tel avenir soit possible. La
sécurisation des communications est une difficulté qui ne date pas d’hier, à la fois dans le milieu
sous-marin et pour assurer la liaison avec les ressources de surface, aériennes ou spatiales. Il
n’empêche que des progrès sont actuellement accomplis dans les domaines suivants : les
communications acoustiques sur des distances pertinentes du point de vue opérationnel, quoique
sur de basses fréquences ; les communications à courte portée à l’aide de systèmes LED ou laser,
avec une qualité, à courte distance, approchant celle des communications filaires ; l’installation en
réseau d’émetteurs-récepteurs radio flottants ou remorqués pour communiquer avec les navires de
surface sans qu’ils risquent d’être détectés (Clark, 2015a).

70. La prévention des collisions restera sans doute également un défi de premier ordre
(Clark, 2015a). En comparaison avec les systèmes aériens sans pilote, les AUV sont confrontés à
un trafic dense sur les mers du monde, en particulier dans les zones stratégiques. Cela dit, en
attendant que les systèmes de navigation deviennent plus puissants, l’usage des systèmes
maritimes autonomes pourra être concentré sur les missions qui ne présentent pas beaucoup de
risque en cas d’erreur. Pour citer un exemple, les systèmes autonomes sont aujourd’hui davantage

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150 STC 19 F rév. 1 fin

utilisés pour la lutte antimines que pour la lutte ASM car c’est une tâche nécessitant moins de
réactivité.

71. La production et le stockage d’énergie sur les AUV représente un autre problème et donc
un autre axe de recherche, de nouvelles technologies relatives aux piles (notamment à combustible)
étant en cours de développement. Une récente étude de l’organisation RAND a montré que les
limites en matière de production et de stockage d’énergie étaient actuellement les principaux
obstacles freinant le développement d’AUV haut de gamme (Martin et al., 2019).

72. De nombreuses autres questions se posent concernant l’avenir des systèmes maritimes
autonomes, comme par exemple :

- Comment les renseignements recueillis peuvent-ils être diffusés dans un délai correct ?
- Comment les systèmes s’adaptent-ils et filtrent-ils les bruits et les échos parasites ambiants
pour trouver ce qui les intéresse ?
- Les systèmes sont-ils capables de monter en puissance rapidement – une condition
indispensable pour qu’ils soient aussi performants que les moyens de lutte ASM avec pilote ?
- Les capteurs de pointe peuvent-ils être miniaturisés pour être placés sur des AUV très
endurants et consommant peu d’énergie ?
- Comment les AUV peuvent-ils être déployés, récupérés et ravitaillés avec efficience, de
manière à être utiles sur le plan militaire ?
- Comment les AUV pourront-ils fonctionner avec les systèmes existants ?
- À quoi ressembleraient le commandement et le contrôle, les concepts opérationnels et les
doctrines ?

73. Kevin LePage, administrateur de programme sur la lutte ASM en coopération au Centre pour
la recherche et l’expérimentation maritimes (CMRE) de l’OTAN, a indiqué aux membres de la STC
en visite à Northwood en juin 2019 que la lutte ASM était une tâche très complexe. L’intégration à
l’avenir de systèmes maritimes sans pilote rendra cette tâche encore plus difficile. Pourtant, en dépit
des obstacles, les possibilités qu’offrent les AUV et les défis auxquels est confrontée l’Alliance
rendent indispensable la poursuite des investissements dans les programmes de recherche et
développement, en même temps qu’ils montrent l’utilité de ces systèmes pour les opérateurs
d’aujourd’hui et renforcent la confiance des opérateurs dans ces systèmes, ce qui est peut-être
l’aspect le plus important de l’intégration des AUV dans la lutte ASM.

VII. CONCLUSIONS

74. Ce rapport spécial a démontré que l’Alliance était confrontée àune menace croissante et
concrète posée par les sous-marins russes. L’Alliance doit donc continuer à surveiller cette menace
et réagir en conséquence. Cette menace ne se limite pas à la « sécurité dure » classique. Un danger
immédiat existe également clairement du côté de la stratégie de guerre asymétrique et hybride
menée par la Russie, dont le but est de renforcer son pouvoir, son influence et sa puissance
économique, ainsi que d’isoler, d’affaiblir et de diviser progressivement l’Alliance. Par ailleurs,
l’OTAN et les Alliés doivent être très attentifs au développement de sous-marins par la Chine, la
Corée du Nord et d’autres pays.

75. Les membres de l’Alliance ont laissé leurs capacités de lutte ASM s’amenuiser
dangereusement. Ce rapport a émis des pistes concernant :

- la reconstitution de tout l’éventail des capacités de l’Alliance à court et à moyen terme grâce à
des investissements dans et la modernisation de ses moyens de lutte ASM ; et
- une vision de l’avenir de la lutte ASM fondée sur l’utilisation des nouvelles technologies en
matière de capteurs et sur l’intégration des AUV.

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150 STC 19 F rév. 1 fin

76. L’Alliance doit en outre prêter une attention accrue aux menaces pesant sur les réseaux de
câbles de communication sous-marins. Il existe des solutions non techniques pour accroître la
sécurité de ces câbles, par exemple l’augmentation de la résilience ou l’amélioration du droit
international. Les solutions techniques consistent notamment à installer des dispositifs de
surveillance sur les principaux sites, les systèmes maritimes autonomes pouvant à cet égard jouer
un rôle important. Enfin, la fréquence des entraînements et des exercices relatifs à des scénarios
de menaces maritimes hybrides devra être renforcée, y compris au niveau de l’OTAN.

77. Comme c’est le cas dans d’autres domaines accusant un déficit de capacités, il est
indispensable que les Alliés respectent les engagements en matière de dépenses de défense pris
lors du sommet du pays de Galles et fassent en sorte de consacrer au moins 2 % de leur PIB à la
défense et d’affecter plus de 20 % de leurs dépenses de défense à l’achat d’équipements majeurs
et à la R&D y afférente. Si l’OTAN veut être en mesure de continuer d’accomplir ses tâches
fondamentales, ses pays membres doivent accroître leurs investissements dans la lutte ASM au
niveau national et, si nécessaire, au niveau international. Les Alliés doivent conserver suffisamment
de sous-marins tactiques, d’avions de patrouille maritime, de navires de surface aptes à la lutte
ASM, d’hélicoptères ASM et de systèmes de détection acoustique.

78. Comme le démontre de façon criante cette commission depuis quelques années, l’avance
scientifique et technologique de l’OTAN est en train de s’éroder. Cette tendance semble être
particulièrement vraie en ce qui concerne la lutte ASM. Ce domaine doit donc être un test de la
volonté de l’Alliance de mettre en œuvre les recommandations émises par la STC dans la
résolution 453 adoptée par l’AP-OTAN en novembre 2018. En effet, la lutte ASM est un domaine
dans lequel l’Alliance peut accomplir de gros progrès collectivement, en s’appuyant en particulier
sur la stratégie OTAN pour la science et la technologie approuvée en 2018.

79. La coopération portant sur des capacités multinationales d’aéronefs maritimes multimissions
et la coopération en matière de systèmes de drones maritimes sont des initiatives encourageantes
qui vont dans le bon sens. Un autre point encourageant est l’organisation par le Groupe consultatif
industriel OTAN (NIAG) d’une étude sur l’utilité des AUV dans la lutte ASM de l’OTAN.

80. Plus important peut-être, l’OTAN possède déjà une organisation scientifique et technologique
de haut niveau pour travailler sur l’utilisation future de systèmes maritimes autonomes au service de
la lutte ASM : le Centre pour la recherche et l’expérimentation maritimes de La Spezia, en Italie. Le
CMRE mène des travaux de pointe sur les utilisations et les opérations des AUV en particulier, en
démontrant le potentiel des AUV, notamment la commande et la gestion à distance d’une flotte de
planeurs sous-marins, et en encourageant les communications numériques sous-marines reposant
sur une norme OTAN. Les Alliés doivent faire un bon usage de ce centre et, surtout, améliorer ses
mécanismes de financement afin qu’il puisse répondre aux besoins futurs. Au vu de la menace sous-
marine actuelle et future, le CMRE est plus que jamais nécessaire. De son côté, le CMRE doit
continuer à aider l’OTAN à améliorer sa souplesse et à montrer à la communauté militaire l’utilité
des sciences et des technologies. Cela passe notamment par une participation régulière aux
exercices OTAN afin de démontrer ce que les sciences et les technologies actuelles ont à offrir aux
forces navales alliées. La STC suivra attentivement l’adaptation du CMRE. La rapporteure se réjouit
du fait que la directrice du CMRE sera présente lors de la session annuelle de l’AP-OTAN en 2019
pour exposer sa vision.

81. L’OTAN ne peut plus laisser perdurer une situation où ses capacités de lutte ASM risqueraient
d’être insuffisantes. L’enjeu est trop important. La rapporteure spéciale appelle donc l’ensemble des
membres de la commission à faire en sorte que les capacités nationales de lutte ASM soient à la
hauteur de la tâche à accomplir, et les invite à étudier les possibilités de coopération internationale
pour accroître davantage les synergies entre les Alliés. La STC s’engage, avec les outils dont elle
dispose, à continuer de suivre avec attention les progrès accomplis au regard de la reconstitution
des capacités de lutte ASM de l’Alliance et de la préparation de l’avenir.

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