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Trib.

Liège,
16 novembre 2007.
Siège: E. RIXHON (présidente), S. THIELEN et Cl. CHARLIER.
En cause: A.D. (Av. D. WILLEMS loco G. VAN CUSTEM) / P.D. (Av. M. CRASSON loco
J.M. GERADIN).

Responsabilité civile - chien écrasé par un tracteur.

Le conducteur d’un tracteur agricole avec remorque doit éviter de causer toute
dégradation au bien d’autrui. Ceci vaut également pour un chien se baladant avec
son maître dans un étroit chemin où tout croisement s’avère être périlleux.

Rb. Luik
16 november 2007.
Zetel: E. RIXHON (voorzitster), S. THIELEN en Cl. CHARLIER.
Inzake: A.D. (Adv. D. WILLEMS loco G. VAN CUSTEM) / P.D. (Adv. M. CRASSON loco
J.M. GERADIN).

Burgerlijke aansprakelijkheid - hond verpletterd door een tractor.

De bestuurder van een landbouwtractor met aanhangwagen moet vermijden om


schade toe te brengen aan andermans goed. Dit geldt ook voor een hond die in ge-
zelschap van zijn meester in een smalle weg wandelt waar elke kruising gevaarlijk
is.

Vu en forme régulière le dossier de la procédure et notamment:


- la décision rendue le 22 février 2006 par le Tribunal de Police de LIEGE;
- l’acte d’appel interjeté le 28 mars 2006 dans les formes régulières et délais lé-
gaux;
- le procès verbal d’audition des parties du 30 novembre 2007;
- les conclusions pour l’intimé reçues au greffe en date du 14 novembre 2006;
- les conclusions pour l’appelant reçues au greffe le 14 février 2007;

Entendu les parties comparaissant comme il est dit ci-dessus en leurs explications à
l’audience du 19 octobre 2007;

1. Le 12 octobre 2002, monsieur D. circule en tracteur dans un petit chemin, peu


fréquenté du public au lieu dit sur les Gombes. Ce sentier a une largeur de 3 mètres
environ et est bordé de part et d’autre d’une haie vive qui en réduit l’assiette et de
barbelés.
En fait, monsieur D. conduit un attelage d’une largeur de 2,4 mètres environ com-
posé d’un tracteur et d’un char sur lequel avaient été déposés des ballots de foin;
sur un des ballots était assise la fille de monsieur D.
Monsieur D. et monsieur A.D. circulent en sens opposé.
A un moment donné la chienne de monsieur A.D. est écrasée par une des roues ar-
rières du tracteur piloté par monsieur D.

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RECHTSPRAAK
JURISPRUDENCE

Estimant monsieur D. responsable de la mort de son chien, monsieur A.D. postule


que ce dernier soit condamné à l’indemniser de son préjudice matériel qu’il chiffre
à € 5.995 (€ 5.000 (1) + € 945 (2) + € 50 (3)) et de son préjudice moral € 500.
Ainsi postule-t-il que monsieur D. soit condamné à lui payer la somme de € 5.995
à titre de dommage matériel et la somme de € 500 à titre de dommage moral, som-
mes à majorer des intérêts légaux depuis la date du 12 octobre 2003 jusqu’au com-
plet paiement et des intérêts judiciaires.

2. Il incombe à monsieur A.D., demandeur, de démontrer l’existence d’une faute


dans le chef de monsieur D. en relation causale avec le décès de son chien.

Il résulte de l’audition des parties à l’audience du tribunal de police que:


- selon monsieur A.D., à la vue du tracteur, il a rappelé sa chienne qui se trouvait
plus ou moin un mètre devant lui. Monsieur D. ne s’est pas arrêté alors qu’il n’y
avait pas de place pour se croiser; sa chienne est alors passée sous le tracteur puis
a bifurqué. C’est en bifurquant qu’elle s’est fait écraser;
- selon monsieur D., un des chiens de monsieur A.D. est passé devant le tracteur
tandis que l’autre est passé sous la remorque.

Il résulte du dossier répressif que:


- monsieur A.D. admet qu’il ne tenait pas ses chiens en laisse et affirme que mon-
sieur D. n’a pas ralenti alors que le croisement était impossible;
- monsieur D. reconnaît avoir vu les chiens courir après ses vaches dans le champ,
ensuite avoir aperçu monsieur A.D. qui avait rappelé ses chiens et avoir vu un
chien passer sous le tracteur (4).

Monsieur D. reconnaît n’avoir fait aucune manœuvre pour éviter la chienne aux
motifs que toute manœuvre d’évitement était impossible compte tenu de l’étroites-
se du chemin et qu’il n’a pas osé freiner parce que sa fille était assise sur les ballots
de foin.

3. Il est acquis que monsieur A.D. a commis une infraction en laissant sa chienne
courir en liberté et que cette faute est en relation causale avec le dommage qu’il
allègue. En effet, selon le règlement de police du 12 mars 2003 pris par le conseil
communal de Sprimont, il est interdit à tout détenteur d’animaux de les laisser
divaguer sur le domaine public, qu’il s’agisse du domaine public ou de propriété
privée.

Cependant, cette infraction commise par monsieur A.D., n’exonère pas nécessaire-
ment monsieur D. de toute responsabilité.
Tout un chacun se doit de respecter la propriété d’autrui.

(1) La valeur d’une chienne de “remplacement”.


(2) Les frais de déplacement pour aller quérir un nouveau chien.
(3) Frais d’euthanasie.
(4) “J’ai vu deux chiens courir après les vaches … Visiblement, il avait rappelé ses chiens. Un chien
est passé en dessous du tracteur.

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Un chien est un bien mobilier.
Aussi tout individu normal, diligent et prudent se doit-il d’agir avec prudence en
vue d’éviter toute dégradation aux biens d’autrui.

Il est acquis que monsieur D., qui a vu venir les chiens en face de lui, n’a ne freiné
ni stoppé sa marche alors qu’il savait que le croisement était impossible, vu l’étroi-
tesse du chemin qu’il empruntait.
En effet, si monsieur D. affirme que “visiblement” monsieur A.D. a rappelé ses
chiens”, c’est parce qu’il aperçoit ceux-ci sur le sentier à proximité de monsieur
A.D.
Monsieur D. n’est pas crédible quand il laisse supposer que la chienne serait reve-
nue sur le chemin juste au moment où il passait; en effet, dans pareille hypothèse, il
n’aurait pas pu affirmer que monsieur A.D. avait rappelé ses chiens.
En outre, monsieur D. se contredit quand il parle de la trajectoire des chiens:
- aux verbalisateurs, il déclare qu’un des chiens est passé sous le tracteur, ce qui
implique qu’il a vu le chien devant son tracteur avant de disparaître sous celui-ci,
- devant le magistrat cantonal, il déclare par contre qu’un chien est passé devant le
tracteur tandis que l’autre est passé sous la remorque; or, vu la topographie des
lieux il est impossible que le chien ayant traversé devant le tracteur ait pu échap-
per à l’accident.
Le tribunal constate que la version de monsieur D. est loin d’être constante; devant
le juge de police il revoit sa déclaration à son avantage:
- ainsi, alors qu’aux verbalisateurs, il reconnaît avoir vu monsieur A.D. dès qu’il a
viré dans le chemin de terre, devant le juge de police il déclare n’avoir vu mon-
sieur A.D. qu’après avoir écrasé la chienne;
- de même, aux verbalisateurs, il n’est question que d’un chien qui passe sous le
tracteur mais, par contre, devant le juge de police un chien traverse devant lui
mais l’autre, qu’il ne voit pas, se glisse de manière imprévisible entre le char et
le tracteur lorsque l’attelage arrive à sa hauteur.

Le tribunal s’en tiendra à la première version laquelle est la plus fiable car faite
sans avoir eu le temps de construire une défense juridique.

En conséquence, les deux chiens étaient en libertés et un seul chien est passé sous
le tracteur: celui qui a ensuite bifurqué sur le côté avant que le train de roues du
char ne soit passé.

En ne s’arrêtant pas pour permettre à monsieur A.D. de protéger ses chiens lors du
croisement, monsieur D. n’a pas adopté le comportement que tout être honnête,
diligent et prudent aurait adopté.
En effet, comme le chemin est une ligne droite, monsieur D. a eu le temps d’aper-
cevoir monsieur A.D. venir à sa rencontre précédé de ses chiens. La prudence exi-
geait qu’il ralentisse suffisamment pour pouvoir s’arrêter immédiatement.
Monsieur D. ne peut alléguer qu’il n’a pas freiné par état de nécessité afin d’éviter
une chute à sa fille car, si dès qu’il avait aperçu les chiens, il avait levé le pied, il
eut pu s’arrêter en douceur sans aucun risque pour sa fille. En ne freinant pas ou
pas suffisamment devant l’obstacle parfaitement visible et prévisible qu’allaient
constituer les chiens, monsieur D. a commis une faute en relation causale avec l’ac-
cident tel qu’il s’est réalisé.

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RECHTSPRAAK
JURISPRUDENCE

En conséquence, compte tenu des fautes respectives commises par les parties, mon-
sieur A.D. devra supporter les 2/3 de son dommage; monsieur D. devant, quant à
lui, l’indemniser monsieur A.D. à concurrence d’1/3.

4. Le préjudice matériel ne peut consister qu’en la perte du chien, estimée à sa


valeur au jour du décès et non à sa valeur de remplacement. A défaut d’éléments
probants produits aux débats, prenant en considération l’âge du chien, il convient
d’évaluer en équité la perte du chien à la somme de € 1.500, intérêts compensatoi-
res inclus.

Il peut être alloué un dédommagement moral au propriétaire d’un chien écrasé


dès lors que l’attachement qui unit l’homme au chien est un élément indéniable
d’autant que monsieur D. ne rapporte pas la preuve que la chienne écrasée aurait
été victime de maltraitance.

Cependant, la souffrance qu’implique cette perte est bien différente de la souf-


france qu’entraîne la perte d’un être humain. Le lien avec l’animal est quoi qu’il en
soit plus temporaire et l’animal peut être plus rapidement remplacé. Compte tenu
de ces éléments, le tribunal accorde pour le préjudice moral subi par le propriétaire
une indemnité symbolique de € 205, intérêts compensatoires inclus.

A défaut de document justificatif, les frais d’euthanasie ne sont pas établis.


Vu l’ancienneté des faits, il n’y a pas lieu d’octroyer pour ce poste une somme pro-
visionnelle.

PAR CES MOTIFS

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire.

Le Tribunal statuant contradictoirement en degré d’appel,

Dit l’appel recevable et partiellement fondé.

Condamne monsieur D. à payer à monsieur A.D. une somme de (1/3 de € 1.750)


= € 583,33, somme à majorer des intérêts moratoires calculés aux différents taux
légaux à dater du jour du prononcé du présent jugement jusqu’à complet paiement.

Condamne monsieur D. à payer à monsieur A.D. 1/3 de ses dépens d’instance et


d’appel soit 1/3 de € 1.081,19 = € 360,97.

(…)

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