Vous êtes sur la page 1sur 6

Le collage industriel

Jean-Louis RABATE, La revue Experts n° 54 - 03/2002 © Revue Experts

Les problèmes relatifs au collage industriel sont peu souvent sujets à des
expertises judiciaires. Dans le bâtiment, les litiges résultent en général de
non-conformités aux préconisations des fournisseurs de colle. Dans l’industrie,
quelques litiges peuvent survenir, associés à des fabrications automatisées. Les
principaux types de colle sont énumérés, avec leurs conditions de mise en
œuvre.
Le collage industriel

par Jean-Louis RABATE


Ingénieur ECP
Expert hon. agréé
par la Cour de cassation

Les relations entre les experts judiciaires et le collage industriel (conception,


fabrication et mise en œuvre des produits de collage) sont quelque peu surprenantes
et succinctes :

surprenantes, car aucun de mes confrères ne s’est déclaré prêt à rédiger le


moindre article sur ce sujet, prétextant la complexité des problèmes associés à
un tel domaine technique.
succinctes, car les litiges soumis à la sagacité des experts «spécialisés»
restent rares. Pour ma part, je constate qu’en trente ans d’activité d’expert
judiciaire, je n’ai eu à me préoccuper que de quelques cas, essentiellement
dans le domaine du bâtiment (collage de papier peint ou de revêtements
plastiques) sur des murs de logements d’habitation.

Comment expliquer ce double constat ?

Dans les travaux de bâtiment, des défauts de mise en œuvre sont majoritaires,
faciles à déceler et, à ma connaissance, n’ont jamais attribué à la colle
elle-même un rôle défavorable, quant à ses aptitudes propres. Une colle en
dispersion aqueuse ayant subi un gel accidentel peut être aisément reconnue
inapte à l’emploi, dès l’ouverture de son récipient, lors de sa remise en
dispersion.
Dans les travaux relevant de l’industrie, dont le champ s’est beaucoup étendu,
au cours de ces vingt dernières années, les problèmes survenus ont échappé,
la plupart du temps, à l’expertise judiciaire. Ils ont été résolus à l’amiable,
après débats entre techniciens avertis du fabricant et de l’utilisateur. Dès lors
qu’une mise en œuvre industrielle est concernée, relative à une fabrication «de
série», la création d’un prototype définitif nécessite généralement un délai
important destiné à minimiser le risque d’incidents ultérieurs. Mais un taux de
rebut est aussi, normalement, prévisible, quand le «risque zéro» ne peut être
assuré.
Il peut arriver, malgré toutes les précautions prises en amont sur la faisabilité
et la fiabilité de la procédure, que des dysfonctionnements se produisent, sur
la chaîne de fabrication, entraînant des rebuts anormalement élevés, à court
terme.
Ce fut le cas d’un matériau composite, constituant le plancher de véhicules de
transport en commun, muni d’une structure interne en nid d’abeille, en alliage
léger, où des décollements partiels du contreplaqué de surface s’étaient
manifestés. Des problèmes similaires ont concerné des matériaux composites
utilisés comme parois de conteneurs et camions frigorifiques, ainsi que figurant
sous forme de pales d’hélices de certains équipements d’aéro-réfrigérants.

Dans de telles circonstances, l’étendue des désordres peut s’opposer à toute forme
de règlement amiable et le litige parvient, par la voie des avocats, devant la
juridiction compétente : l’avis de l’expert désigné permet alors généralement aux
parties en cause d’élaborer un accord transactionnel que leurs directions techniques
et financières n’avaient pu formaliser.

L’expert est une personnalité scientifique, qui dispose d’un laboratoire performant.

Il existe un syndicat français des colles et adhésifs : le SFCA, adhérent de la


Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs : la
FIPEC1 , réunissant l’essentiel des producteurs du marché national. J’utilise au cours
de cet article quelques extraits de la documentation technique que cet organisme
diffuse aux industriels et techniciens intéressés.

D’autre part, je vous signale l’excellent ouvrage Le Collage industriel2, qui n’a pas
connu, sauf erreur, une édition actualisée. Cette «bible» de 250 pages mérite encore
aujourd’hui la meilleure attention.

Voici un passage de cet ouvrage destiné à une mise au point terminologique pour le
lecteur non averti.

1. DÉFINITIONS

1.1. Colles ou adhésifs ?

«La distinction entre les termes “colle”et “adhésif” n’est pas très rigoureuse, les
deux mots étant employés de façon interchangeable. La tendance est d’appeler
“colles” des produits préparés à base de produits naturels, végétaux, animaux ou
minéraux, le terme “adhésif” étant plutôt réservé aux produits obtenus à partir de
résines synthétiques ou d’élastomères.

L’existence d’un terme classique, traditionnel, “colle” et d’un terme plus moderne
“adhésif”, d’apparence plus précise, se retrouve aussi dans les autres langues,
notamment en anglais et en allemand et la distinction en est également d’usage et
empirique. Certains utilisent à tort le terme adhésif pour des rubans autoadhésifs».

1.2. Composition des adhésifs

«Les adhésifs sont obtenus par mélange ou addition de plusieurs constituants ayant
chacun une fonction déterminée (agents mouillants, anti-oxydants, de réticulation,
charges, fongicides, solvants) et d’un ou de plusieurs composants collants (résines
élastomères) qui assurent la résistance du collage réalisé. C’est le composant collant
principal qui définit le type chimique de la colle, et donne son nom à la colle».

1.3. Présentation des adhésifs

«Les colles et adhésifs sont en général des produits liquides ou pâteux, à viscosité
plus ou moins élevée. Ils existent aussi à l’état solide, sous forme de poudre ou de
morceaux ou de films.
Les mastics sont un cas intermédiaire, la limite entre l’état liquide et l’état solide.
Enfin, les colles et adhésifs peuvent être présentés sur un support papier, tissu,
matière plastique, pour donner notamment des rubans adhésifs ou des feuilles
adhésives».

2. TECHNIQUES DE COLLAGE

Le mécanisme du collage, tel que présenté par le SFCA, établit une distinction entre
la «prise physique» et la «prise chimique», phénomènes permettant de solidariser
deux matériaux en contact, les «deux éléments fondamentaux nécessaires à
l’obtention d’un bon collage étant :

l’introduction d’un adhésif liquide devant mouiller les surfaces à assembler


(forces d’adhésion),
la solidification du liquide (forces de cohésion)».

2.1. Les adhésifs à prise physique

Adhésifs en solution ou en dispersion . Ce sont des polymères hydrosolubles


(dextrines, amidons, caséines), en solution dans l’eau ou de hauts polymères
(acétate de polyvinyle, copolymères …) en dispersion dans l’eau. La
solidification ou prise de l’adhésif est obtenue par absorption de l’eau dans les
supports et évaporation. La vitesse de prise de tels adhésifs dépend de leur
nature, de la porosité des supports/vitesse d’absorption, de leur extrait sec et
de la quantité déposée. Ces adhésifs, à l’exception des adhésifs sensibles à la
pression, ne peuvent être utilisés que lorsque l’un des supports au moins est
poreux.
Hots-melts ou résines thermofusibles. Ils sont déposés à l’état fondu. Ils
effectuent leur prise ou solidification par refroidissement.

2.2. Les adhésifs à prise chimique

Ils sont composés de prépolymères et/ou de monomères liquides ou pâteux.


Ils effectuent leur prise par polymérisation ou réticulation obtenue par
l’adjonction d’un durcisseur ou d’un catalyseur ou simplement par action de
l’humidité contenue dans les supports et dans l’air.
Certains adhésifs comme les Hot-melts réticulables ou ceux composés de
prépolymères en solution ou en dispersion effectuent successivement, leur
prise par prise physique (refroidissement évaporation/diffusion) puis par prise
chimique (réticulation).

Parmi les principales colles utilisées, notamment dans l’industrie de l’emballage et du


conditionnement, outre celles en solution dans l’eau (les plus anciennes : colles
végétales, à base de dextrine ou de caséine, plus récemment d’origine synthétique)
une catégorie de conception plus récente est celle des colles de synthèse, en
dispersion dans l’eau. Ces colles se composent de polymères sous forme de micelles
en dispersion (émulsion) stable dans l’eau. L’avantage de ces dispersions
(émulsions) réside dans le fait qu’elles permettent d’obtenir des extraits secs élevés,
avec de faibles viscosités. Elles sont couramment utilisées sur machines rapides de
conditionnement, ainsi que pour la fabrication d’emballages.
Selon la nature des supports, papiers-cartons couchés ou vernis, films plastiques, on
choisira les polymères les plus appropriés.
La rhéologie du produit sera, quant à elle, déterminée en fonction du système
d’application (rouleau ou buse).

2.3. Les colles thermofusibles

Ces colles ont un extrait sec de 100 %. Elles sont appliquées à l’état fondu à des
températures de l’ordre de 180° C et effectuent leur prise par refroidissement. Leur
temps de prise est très court (quelques secondes) et elles peuvent être utilisées sur
des matériaux non poreux. De par leur vitesse de prise élevée, elles permettent de
réduire considérablement la longueur des chaînes par conditionnement.

Elles nécessitent toutefois un matériel d’application adapté. Comme pour les colles
en dispersion (émulsion), elles permettront, suivant leur composition, le collage des
matériaux les plus divers. La vitesse de prise de ces colles dépendra d’une façon très
sensible de la température d’application, de la quantité de colle déposée, de la
température du substrat et de sa conductibilité thermique, de la température de
l’environnement de la machine.

2.4. Les colles réactives (résine polyuréthane)

Ces colles, avec ou sans solvants, se présentent soit sous forme de deux
composants que l’on mélange juste avant l’utilisation, soit sous forme d’un seul
composant qui réagira avec l’humidité de l’air ou qui sera débloqué par un
rayonnement UV ou de la chaleur. Elles permettent l’assemblage de films souples
destinés à la réalisation de complexes souples pour l’emballage.

3. LE COLLAGE «STRUCTURAL»

3.1. Atouts techniques

Ce nouveau procédé s’est notablement développé, car tous les matériaux ne se


prêtent pas au vissage, au rivetage (trop fragilisés par le perçage des trous de
passage) ou encore à la soudure, mais aujourd’hui tous les matériaux peuvent être
collés, sur eux-mêmes ou sur un autre support. Il permet :

la conservation de l’intégrité des pièces collées par l’absence de perçage et de


modification de la surface des matériaux encollés;
la suppression de la corrosion galvanique lors de l’assemblage de matériaux
métalliques;
une meilleure répartition des contraintes : meilleure résistance aux chocs, aux
vibrations, aux forces de cisaillement et de traction, aux dilatations
thermiques;
la conservation des performances structurales dans le temps : excellente tenue
à la fatigue;
l’étanchéité à l’eau et à l’air, sans opération supplémentaire grâce à la nature
du matériau qui, à l’état frais, permet de remplir tous les espaces;
une très bonne isolation thermique, électrique et acoustique;
une amélioration de l’esthétique : les joints de colle sont invisibles. Les parties
visibles de la pièce encollée ne nécessitent aucune modification (absence de
trous ou de surépaisseurs).

3.2. Autres atouts

Un autre avantage non négligeable de cette technique réside dans la réduction


sensible des coûts de production, puisqu ’elle autorise l’automatisation et permet
une cadence élevée (des robots applicateurs peuvent faciliter les tracés de dépose
les plus complexes). Tous les grands secteurs sont concernés : transformation des
métaux, des plastiques, du verre, du caoutchouc, de la céramique, fabrication de
matériel électronique, électrique, fabrication de machines, outillage et équipements
industriels pour les industries manufacturières, du transport, des loisirs etc.

Les progrès de la technique du collage structural réalisés actuellement vont tous


dans le sens d’une mise en œuvre plus simple et plus efficace pour l’utilisateur.

les nouveaux produits développés allient des polymères, conjuguant ainsi les
meilleures propriétés de chacun des constituants.
la préparation des surfaces à coller est simplifiée.
l’apparition de logiciels de calcul rend moins empirique l’approche du collage.
les nouvelles techniques de durcissement rapide des adhésifs (UV, HF,
induction, infrarouge) facilitent l’industrialisation du collage. Désormais, le
temps de manipulation des pièces est compatible avec les cadences de
production industrielles.
Les conditionnements sont adaptés aux applications manuelles et
semi-manuelles.

4. UNE RÈGLE COMMUNE

Le Syndicat des producteurs de colles (SFCA) a promulgué une «règle commune» à


destination de ses adhérents, tenant compte de la directive européenne 85-374 CEE
du 25 juillet 1985 précisant les obligations essentielles que ceux-ci doivent respecter,
en particulier :
«Les fabricants de colles adhérant au SFCA s’engagent à livrer à leurs clients
industriels des produits dont les caractéristiques correspondent à celles figurant dans
les fiches techniques. Les acheteurs ou utilisateurs doivent s’assurer que leurs
conditions d’utilisation des colles sont bien celles prévues par les fiches techniques.
L’utilisation et la mise en œuvre du produit se font sous leur responsabilité. En tout
état de cause, les essais industriels, par l’acheteur ou l’utilisateur, sont nécessaires
pour toute nouvelle application, qu’elle ait fait ou non l’objet de préconisation de la
part du fabricant de colles.»

(1) FIPEC 42, avenue Marceau, 75008 Paris


(2) P .Cognard et F. Pardos, éd. de l’Usine nouvelle, 1981

La revue Experts n° 54 - 03/2002 © Revue Experts

Vous aimerez peut-être aussi