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Décapage des peintures appliquées

sur métaux

par Jean-Pierre LALLIER


Docteur ès sciences
Ingénieur de l’École Supérieure de Chimie Organique et Minérale (ESCOM)
Ingénieur recherche et développement ATOFINA

1. Généralités................................................................................................. M 1 460 - 2
2. Procédés non chimiques de décapage............................................... — 2
2.1 Décapage thermique ................................................................................... — 2
2.2 Décapage mécanique .................................................................................. — 2
3. Procédés chimiques de décapage ....................................................... — 3
3.1 Principes d’action ........................................................................................ — 3
3.1.1 Dégradation chimique du film de peinture ...................................... — 3
3.1.2 Soulèvement du film de peinture...................................................... — 3
3.2 Décapage en bain alcalin à chaud.............................................................. — 4
3.3 Décapage en bain au chlorure de méthylène à froid................................ — 4
3.4 Décapage en bain organique exempt de chlorure de méthylène ........... — 4
3.5 Installation de décapage au trempé........................................................... — 5
3.6 Formules décapantes gélifiées ................................................................... — 5
3.7 Impact sur la santé ...................................................................................... — 5
3.8 Impact sur l’environnement........................................................................ — 6
Références bibliographiques ......................................................................... — 6

L es peintures confèrent aux subjectiles métalliques des propriétés de résis-


tance et définissent leur aspect esthétique. Protéger un avion ou une
voiture en lui appliquant une peinture, c’est protéger sa « durée de vie ». Cette
protection doit s’exercer vis-à-vis d’une multitude d’agressions : oxygène, eau,
variations de température, irradiation solaire, pollution atmosphérique, dégra-
dation et vieillissement accélérés des matériaux à travers leur utilisation
répétée, mais aussi opérations de maintenance (nettoyage et détection d’usure
du support). Il arrive donc un moment où la protection n’est plus assurée, ce
qui nécessite un décapage du revêtement par l’un des procédés disponibles :
mécanique, thermique ou chimique (figure A).

Techniques de décapage

Décapage thermique : Décapage mécanique : Décapage chimique :


- flamme ; - jet d'eau ; - solvants ;
- lit fluidisé. - médias plastiques ; - lessives alcalines.
- glace hydrique, glace carbonique.

Figure A – Procédés de décapage des peintures

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Dans le cadre de cet article, après un bref rappel sur les techniques de
décapage thermique et mécanique, on développera surtout la technique du
décapage chimique, de loin la plus utilisée.

1. Généralités gaz de la pyrolyse. Toutefois, il existe désormais des fours équipés


de dispositifs de recombustion des gaz (à 1 100 oC) qui garantis-
sent une absence totale de rejets nocifs dans l’atmosphère ; cepen-
On pourra se reporter à la référence [1]. dant, de telles températures peuvent altérer les propriétés
physiques de la pièce à traiter.
On distingue habituellement quatre grands secteurs pour l’appli-
cation décapage peintures : le grand public, le bâtiment profes- ■ Par ailleurs, de récentes études ont permis le développement de
sionnel, l’industrie et l’aéronautique. Suivant les secteurs, on aura fours à lit fluidisé, qui limitent les risques de pollution sans détério-
affaire à des décapants liquides ou épaissis. Cet article traitera spé- rer les matériaux en les portant à des températures trop élevées.
cifiquement le décapage industriel et le décapage aéronautique La fluidisation consiste à mettre en suspension de fines particules
pour lesquels le substrat est un métal (figure 1). solides et réfractaires chauffées à 450 oC dans un courant gazeux.
Le processus de décapage est complexe car il fait intervenir Le lit prend alors l’aspect d’un liquide bouillonnant dans lequel
l’action d’un procédé ou d’une formulation sur un film solide sont immergés les éléments à décaper (courte durée : de quelques
constitué d’une matrice macromoléculaire plus ou moins réticulée minutes à 1 heure). L’ensemble de ces procédés ne permet toute-
enrobant des pigments et des charges. La nature chimique du liant, fois de traiter que des pièces aux dimensions réduites, non
la concentration pigmentaire volumique de la peinture, le type de compliquées et résistantes à la température.
vieillissement qu’elle a subi, la nature du support sont autant de ■ On mentionnera également la technique de décapage dans un
facteurs susceptibles d’influencer l’efficacité du décapage. bain de sel fondu comme, par exemple, le chlorure de zinc. Cette
technique rencontre des problèmes de sécurité et de coût et n’est
pas possible à grande échelle. Elle est parfois utilisée pour le déca-
Les principaux fabricants de décapants peintures sur métaux page des crochets ou des balancelles.
du domaine industriel sont : ATOFINA, TURCO, SPCA, KLÜTHE,
FEENSTRAT, HENKEL.

2.2 Décapage mécanique


■ La technique du jet d’eau sous haute pression (500 à 2 500 bar)
2. Procédés non chimiques sortant d’une buse d’un millimètre de diamètre agit par impact,
décollement et pelage de la peinture. Entraînant une émission
de décapage sonore importante, cette technique n’est utilisable que sur des
pièces non fragiles (par exemple des grilles de cabines) et implique
l’utilisation et le recyclage d’une grande quantité d’eau qui devient
On pourra se reporter à la référence [2]. polluée.
■ La technique de décapage par projection de glace hydrique uti-
lise la projection de granulés de glace de dimensions millimé-
2.1 Décapage thermique triques. Par passage dans de l’azote liquide, les gouttes d’eau se
transforment en billes de glace qui sont projetées à des vitesses
■ Ces procédés consistent à dégrader thermiquement les soniques (350 m/s). Au niveau du revêtement, on note une forte
composants organiques des revêtements au moyen d’une flamme compression et un éclatement du granulé, ce qui provoque le
dont la température est comprise entre 400 et 500 oC. Les résidus décollement du film. Simultanément, la température de la bille se
de la pyrolyse sont ensuite éliminés par grattage. De telles situant entre – 80 et – 120 oC, on a un choc thermique d’autant plus
méthodes sont utilisables quel que soit le type de peinture, mais efficace que la surface est chaude, ce qui contribue aussi au décol-
requièrent un support résistant à la température. lement du film. Toutefois, ce procédé utilisé seul n’est pas très effi-
Cette opération nécessite une technologie avancée puisque les cace et nécessite souvent l’utilisation d’un agent chimique ayant
pièces à décaper sont placées dans une enceinte confinée (un four) pour fonction préalable de ramollir la peinture. La glace hydrique
qui doit être isolée thermiquement du milieu extérieur. Le pro- peut être remplacée par la glace carbonique (vitesse quasi super-
blème majeur de ces installations est la pollution générée par les sonique).

Techniques de décapage

Bâtiment
Grand public Industriel Aéronautique
professionnel
(décapant épaissi) (décapant liquide) (décapant épaissi)
(décapant épaissi)
Figure 1 – Secteurs applicatifs en décapage
des peintures

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■ Dans les procédés de décapage par médias plastiques [3], on


utilise la projection de microbilles (acrylique, amidon) à l’aide d’un
pistolet. Cette technique également très bruyante conduit à une Soulèvement : cloques
forte pollution en poussières obligeant les opérateurs à porter des
scaphandres. Étudiée pour le décapage des avions, cette technique
reste très difficile à automatiser au niveau des formes arrondies Pelage : écailles
qui varient suivant le type d’avions. Ainsi, le décapage mécanique
nécessitant un minimum d’instrumentation, voire d’automatisation Mouillage Tension
pour être intéressant, ne permet pas la souplesse d’utilisation des Diffusion
de
décapants chimiques (avec lesquels on passe sans effort d’un vapeur
Boeing à un Airbus). Par contre, ces techniques de décapage
« physique » sont plus employées pour les applications militaires, Gonflement
d’une part en raison de l’automatisation et de la robotisation plus Film réticulé
facile (nombreux avions du même type) et, d’autre part en raison Substrat
des contraintes économiques moins fortes que pour l’aviation
civile. Dans ce secteur, des efforts importants de recyclage des
médias plastiques ont été réalisés.
Figure 2 – Mécanismes d’action en décapage

3. Procédés chimiques
de décapage
On pourra se reporter aux références [4] [5].

3.1 Principes d’action


Le décapage chimique des peintures peut s’effectuer suivant
deux principes :
— une dégradation chimique du film de peinture ;
— un soulèvement du film de peinture conduisant à une a liaisons intermoléculaires : b désassociation intermoléculaire :
séparation film-substrat. diffusion limitée diffusion accélérée

3.1.1 Dégradation chimique du film de peinture Figure 3 – Désassociation des molécules de composés actifs polaires

Ce procédé nécessite généralement l’usage d’agents chimiques


agressifs capables d’attaquer chimiquement le réseau polymérique ■ Pour obtenir une désadhésion à l’interface film-substrat, il est
constituant la peinture. On utilisera, par exemple, des acides tels nécessaire de rompre les liaisons chimiques (liaisons H, liaisons
que l’acide formique capable d’attaquer les liaisons éther présen- polaires, voire liaisons covalentes) qui sont à l’origine de l’adhé-
tes dans les peintures époxy ou bien des formules contenant des sion existante entre le film et le substrat. Seuls des composés très
bases fortes telles que la soude ou la potasse qui permettront la polaires sont capables de rompre les liaisons adhésives. Afin
saponification des liaisons ester présentes dans les résines alkyde. d’atteindre rapidement l’interface par diffusion, les composés utili-
Ces acides et ces bases pourront être formulés en milieu aqueux sés dans les formules doivent avoir des volumes moléculaires les
ou en milieu solvant. Ce mécanisme d’action par dégradation plus faibles possible. Cependant, les composés polaires s’associent
chimique conduit généralement à transformer la peinture en une en agrégats moléculaires de volume moléculaire relativement
poudre très pulvérulente qui donne des boues en milieu liquide. élevé non compatible avec une vitesse élevée de diffusion au tra-
Des peintures très résistantes telles que les peintures époxy, les vers du film de peinture. Pour désassocier ces agrégats, deux
primaires époxy et les peintures polyuréthane sont souvent déca- moyens peuvent être utilisés :
pées par des formules contenant un acide ou une base. Cependant, — la mise en œuvre d’un composé moyennement polaire, non
lorsque les formules décapantes contiennent des solvants, on peut protique et de volume moléculaire le plus faible possible permet
avoir association des deux principes : attaque chimique du film par de solvater le composé actif polaire et de le désagréger en molé-
l’activateur acide ou basique et soulèvement du film. cules non liées (figure 3) ;
— l’augmentation de la température, qui accroît l’agitation molé-
3.1.2 Soulèvement du film de peinture culaire et de ce fait la désagrégation des composés actifs polaires,
permet d’obtenir une vitesse de diffusion élevée.
Cette méthode, en présence de solvants, consiste en un soulève-
ment mécanique du film de peinture, ce qui se traduit par la for- ■ Pour obtenir un gonflement du polymère constituant le liant de
mation de lambeaux, d’écailles ou de cloques et donc la peinture, on choisit de préférence des solvants moyennement
nécessairement par une séparation film-substrat. polaires. Ces solvants peuvent dans ce cas être protiques. Ils
peuvent être également de volume moléculaire plus élevé. Cette
Trois mécanismes d’action permettent d’expliquer le soulèvement fonction se rapproche d’ailleurs de celle des plastifiants. L’objectif
du film (figure 2) : est ici de désassocier les chaînes de polymère entre elles, afin
— une désadhésion à l’interface film-substrat ; d’obtenir un réseau dilaté. Le gonflement du polymère permet,
— un gonflement du polymère constituant le liant de la peinture ; d’une part, de faciliter la diffusion des molécules et, d’autre part,
— la tension de vapeur dans le cas de l’utilisation de solvants d’exercer des forces de pression perpendiculaires à la surface du
très volatils. film, ce qui conduit le plus souvent à la formation de cloques.

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■ Enfin, en présence d’un solvant à forte tension de vapeur, lourds ou des éthers de glycol. Ces solvants permettent d’abord
lorsque ce dernier atteint l’interface, par évaporation, il peut contri- d’améliorer la solubilité des additifs organiques de la formule. Au
buer au détachement puis au soulèvement du film. niveau du décapage, outre l’obtention d’un gonflement de la
résine, ils permettent d’augmenter la solubilité des produits de
■ Les principaux composés couramment rencontrés en décapage dégradation du film (par exemple les acides gras issus de la sapo-
chimique des peintures sont donnés dans le tableau 1 avec un nification des résines alkyde).
classement par fonction dans le processus de décapage.
L’utilisation de bains alcalins à chaud entraîne souvent la for-
mation de boues qu’il est parfois difficile de traiter (décantation, fil-
tration). En particulier, certaines boues de peinture conduisent à la
colmatation des filtres. Dans les cas les plus difficiles, on a recours
Tableau 1 – Fonction des principaux composés à l’utilisation de bains à base de solvants organiques (avec ou
couramment rencontrés en décapage chimique exempts de chlorure de méthylène) qui limitent la formation de ces
des peintures boues.

Exemple de composés
Fonctions
généralement utilisés
3.3 Décapage en bain au chlorure
Dégradation chimique NaOH, KOH, HCOOH de méthylène à froid
du film
Composé actif polaire MeOH, DMSO (diméthylsulfoxyde), Dans les années 1950, avec le développement de nouveaux poly-
de désadhésion NMP (N-méthyl-pyrrolidone) mères et résines synthétiques hautement résistants d’un point de
Désagrégation du composé CH2Cl2 , tous solvants moyenne- vue chimique, le décapage est devenu de plus en plus difficile et
actif polaire ment polaires non protiques à faible complexe. Le monde industriel a pris conscience de la toxicité et de
volume moléculaire l’inflammabilité des solvants utilisés jusqu’alors (benzène, toluène,
acétone, phénol). Les formulateurs se sont donc tournés vers les
Gonflement du polymère CH2Cl2 , C6H5CH2OH solvants chlorés pour développer de nouveaux décapants plus puis-
sants tout en réduisant les risques d’inflammabilité et de toxicité.
De tous les composés chlorés, le chlorure de méthylène est le
3.2 Décapage en bain alcalin à chaud plus largement utilisé dans le décapage peinture. En présence de
méthanol, il allie en effet, à la fois, une efficacité remarquable
On pourra se reporter à la référence [1]. (existence d’une synergie chlorure de méthylène/méthanol), une
ininflammabilité, un prix modique et une faible toxicité par rapport
Le décapage au trempé dans un bain alcalin se fait généralement aux autres composés chlorés. En conséquence, les décapants dits
à une température comprise entre 50 et 95 oC et à un pH supérieur « universels » sont formulés principalement à base de chlorure de
à 13. En doublant la température, on peut réduire par un facteur 2 méthylène additionné de quelques pour-cent de méthanol.
la durée du décapage.
En type immersion (trempage des pièces dans un bain), on uti-
Les fabricants proposent souvent des poudres à dissoudre dans lise le chlorure de méthylène à froid en raison de sa forte tension
l’eau. Typiquement, on utilise des solutions contenant 5 à 10 % en de vapeur. Une couche d’eau en surface du bain peut permettre de
masse de poudre. Lorsque l’activité du bain diminue, la régénération limiter l’évaporation.
se fait par addition de poudre dans le bain. L’utilisation d’une couche
Pourtant aujourd’hui, de nouvelles contraintes toxicologiques et
d’un composé organique à faible volatilité (huile de paraffine), à la
environnementales restreignent de plus en plus son domaine
surface du bain peut permettre d’éviter l’évaporation de l’eau et des
d’utilisation. Selon les normes européennes éditées en septembre
constituants volatils. Les poudres utilisées sont généralement for-
1993, le chlorure de méthylène est considéré comme nocif (éti-
mulées de la manière suivante :
queté Xn) ; en effet, il est suspecté de provoquer des lésions irré-
— 50 à 70 % (en masse) d’une base minérale ; versibles du système nerveux chez l’homme et d’être un agent
— 0 à 20 % (en masse) d’une base organique forte ; cancérigène. Il est également concerné par les projets de loi visant
— 5 à 20 % (en masse) de complexant/agent séquestrant ; à contrôler et réduire les émissions de composés organiques vola-
— 0 à 5 % (en masse) de tensioactifs. tils de 30 % à partir de l’année 2000. Ainsi en France, les déca-
Les bases minérale ou organique sont utilisées pour l’hydrolyse pants du secteur Grand Public formulés à base de ce solvant sont
des liaisons chimiques du liant. Dans le cas des résines alkyde, il y interdits à la vente en libre-service depuis le 1er juillet 1994. Toute-
a saponification des fonctions esters. Pour l’acier et d’une manière fois, ce décret ne concerne pas les secteurs professionnels tels
générale les alliages ferreux, la base minérale utilisée est un alcali que le décapage de pièces métalliques en bains. Son utilisation
(soude ou potasse). Pour l’aluminium, les métaux légers et les requiert des installations adaptées pour limiter les émissions vers
alliages non ferreux, on utilise un mélange métasilicate, phosphate les opérateurs et dans l’environnement, et de nombreux indus-
et bicarbonate de sodium. On note de surcroît une fonction anti- triels se tournent aujourd’hui vers de nouvelles formules solvan-
corrosive du métasilicate de soude, notamment sur l’aluminium. tées de substitution.
Leur action pourra être renforcée par l’ajout d’une base organique L’utilisation du chlorure de méthylène doit être conforme à la
forte telle qu’une alcanolamine (monoéthanolamine par exemple). directive 93/72/CEE du 20 juillet 1993 « Principe d’évaluation des
Les agents complexants/séquestrants tels que l’EDTA (éthy- risques pour l’homme et pour l’environnement des substances
lènediaminetétracétique) ou le gluconate de sodium aident à l’éli- notifiées conformément à la directive 67/548 /CEE ».
mination de la couche d’oxyde présente à la surface de la pièce et
facilitent également la dissolution des pigments contenus dans la
peinture. 3.4 Décapage en bain organique exempt
Enfin, les tensioactifs (anioniques ou nonioniques) aident la péné- de chlorure de méthylène
tration du bain à l’intérieur du film et au rinçage ultérieur. On choisit
souvent des tensioactifs de la famille des alkylarène sulfonate. Les bains organiques ou semi-aqueux sans chlorure de méthy-
Dans le bain ainsi constitué, on ajoute généralement 5 à 20 % en lène s’appliquent tout comme les décapants traditionnels appli-
masse de solvants à haut point d’ébullition tels que des alcools qués au trempé. Ils sont constitués préférentiellement de produits

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organiques de haut point éclair ou d’émulsions à base de ces pro- 3.6 Formules décapantes gélifiées
duits organiques. Ces bains comprennent également des agents
accélérateurs acides, alcalins ou neutres et parfois des retardateurs
d’évaporation lorsque le bain est chauffé. En effet, les produits Dans le cas du traitement de grandes surfaces pour lequel on ne
organiques de haut point éclair ou les émulsions utilisés ont géné- peut utiliser la technique au trempé (avions, wagons, citernes), on
ralement une faible tension de vapeur d’où une volatilité extrême- est amené à utiliser des décapants peintures gélifiés. Ces produits
ment réduite. Les vapeurs n’atteignent généralement pas les s’appliquent au rouleau, à la brosse ou par pulvérisation
concentrations critiques dans l’air ambiant. Elles n’ont donc pas « airless ».
d’influence durable sur l’environnement et la santé des utilisateurs Pour obtenir ces gels, on utilise généralement des épaississants
est protégée. Le faible taux d’évaporation du décapant (comparé à cellulosiques tels que la méthylhydroxypropylcellulose à des
celui du chlorure de méthylène) rend possible des temps de traite- teneurs comprises entre 1 et 2 % en masse. Il est également pos-
ment plus longs. L’efficacité peut être accélérée considérablement sible d’utiliser des résines acryliques, une neutralisation partielle
par un chauffage. On opère généralement dans un intervalle de des fonctions carboxyliques étant nécessaire en milieu peu polaire.
température compris entre 20 et 100 oC.
Après dépôt de ces produits gélifiés, les résidus de peinture sont
Parmi les solvants organiques de haut point éclair, on rencontre éliminés soit par raclage, soit par rinçage à l’eau. Dans ce dernier
le plus fréquemment des alcools lourds ou des solvants dipolaires cas, des tensioactifs sont ajoutés à la formule, afin d’améliorer le
aprotiques. Ainsi l’alcool benzylique, le diméthylsulfoxyde (DMSO) rinçage.
et la N-méthyl2-pyrrolidone (NMP) sont les trois solvants les plus Les principaux solvants actifs de ce type de décapant sont les
utilisés dans ce secteur. Le DMSO et la NMP peuvent être utilisés suivants : chlorure de méthylène, alcool benzylique, diméthylsul-
purs ou en association avec un cosolvant également à haut point foxyde (DMSO), N-méthyl2-pyrrolidone (NMP). Ces solvants sont
éclair [6]. La recherche de telles associations permet de réduire le formulés suivant les principes énoncés au paragraphe 3.4, en par-
coût de la formule et d’accéder à des effets de synergies (désasso- ticulier le DMSO et la NMP [5] [8].
ciation des agrégats). Des résultats intéressants ont ainsi été obte-
nus en utilisant comme cosolvant l’oxyde de benzyle avec le La consommation de décapant est de l’ordre de 0,5 à 1 kg/m2.
DMSO ou la NMP [8]. Pour les peintures difficiles ou les films d’épaisseur élevée, on peut
être amené à ajouter du produit lorsqu’on utilise une formule à
Les émulsions sont généralement formulées à base d’alcool base de chlorure de méthylène, ce dernier s’évaporant très rapi-
benzylique et sont stabilisées par un ou des tensioactifs. Le benzal- dement et cela malgré la présence d’un retardateur d’évaporation
déhyde et l’anisole peuvent également être utilisés. Une nouvelle à base de paraffine. Si les autres formules exemptes de chlorure de
voie a été ouverte avec l’utilisation d’émulsions non stabilisées méthylène sont un peu plus lentes, elles ont, par contre, l’avantage
sous forme de deux phases soumises à une agitation (alcool de décaper des couches d’épaisseur élevée en une seule applica-
benzylique, benzaldéhyde, anisole) [9] [10]. tion du produit décapant.
Parmi les activateurs acides, on rencontre le plus souvent l’acide
formique, notamment avec l’alcool benzylique [7], l’acide acétique
et l’acide hydroxyacétique (moins odorant que le précédent). Parmi 3.7 Impact sur la santé
les activateurs basiques, on utilise souvent la monoéthanolamine
ou la triéthanolamine. On rencontre également l’ammoniaque, le Dans l’opération de décapage, l’impact sur la santé intervient à
carbonate et le bicarbonate d’ammonium ainsi que le pyrrole. deux niveaux :
Enfin, les activateurs neutres sont généralement des solvants. Par
exemple, les coupes aromatiques lourdes permettent la dissolution — d’une part, au niveau des formulations utilisées qui contien-
des plastifiants des peintures. On utilise aussi la famille des esters nent des produits plus ou moins dangereux ;
lactiques (méthyl et butyl lactate par exemple). — d’autre part, au niveau des mélanges décapant-résidus de
décapage qui sont obtenus en fin d’opération.
Des tests d’exposition de longue durée aux vapeurs de chlorure
de méthylène ont entraîné des cancers chez les animaux. Depuis
3.5 Installation de décapage au trempé 1983, le chlorure de méthylène est ainsi suspecté cancérigène, ce
qui l’a fait classer dans la catégorie 3 des produits suspectés
(« cancérigène possible pour l’homme »). D’autre part, le chlorure
Le cœur d’une installation de décapage au trempé comprend de méthylène est connu pour provoquer des lésions irréversibles du
une cuve chauffante et une zone d’extraction des vapeurs. En rai- système nerveux chez l’homme, ce qui lui a donné l’étiquetage Xn
son de la faible conductivité thermique des décapants peintures (nocivité). L’utilisation de ce solvant ne peut donc se faire qu’en
organiques, une pompe de recirculation permet d’homogénéiser la milieu où règne une bonne ventilation. La teneur en solvant de
température et d’accélérer le décapage. Il est possible d’ajouter sur l’atmosphère environnante doit être en permanence contrôlée par
ce circuit de recirculation une unité permettant l’addition de un tube d’analyse portatif au charbon actif. Des appareils respira-
composants, y compris dans certains cas la dissolution d’additifs toires à air frais doivent être utilisés chaque fois que la ventilation
concentrés sous forme de poudre. est insuffisante. On veillera spécialement au port de vêtements de
protection et à la protection des yeux. On portera des gants en caout-
Les résidus de peinture n’étant pas dissous dans le solvant mais chouc naturel laminé, polyéthylène, EVA [poly(éthylène/acétate de
décantant en fond de cuve, l’utilisation d’une cuve de décantation vinyle)] ou néoprène. Toutefois, le contact avec la peau est géné-
permet d’éliminer en continu les boues du bain. Cette élimination ralement limité en raison de l’effet rapide très désagréable d’irritation
des boues évite la consommation de produits ou de matières produit sur la peau.
actives par les résidus de peinture. Elle prolonge ainsi de manière
significative la durée de vie des bains et réduit la consommation de Des précautions identiques devront être prises pour l’utilisation
décapant peinture. des solvants oxygénés tels que l’alcool benzylique étiqueté égale-
ment nocif. Cependant, ce solvant est très souvent utilisé sous
Le décapage au trempé par une formulation contenant des forme d’émulsions à une teneur inférieure ou égale à 20 %, ce qui
solvants est suivi des quatre opérations suivantes : rinçage orga- le rend moins néfaste. D’autre part, on s’oriente de plus en plus vers
nique par aspersion, égouttage, rinçage à l’eau par aspersion et l’utilisation de solvants simplement étiquetés « irritant » (Xi), de
étuvage (séchage des pièces). Dans le cas d’une activation en manière à limiter les risques pour l’homme. Au niveau
milieu acide, une neutralisation peut s’avérer nécessaire. des mélanges décapants-résidus de décapage, une attention

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particulière doit être faite au niveau de l’utilisation des solvants rera ainsi des solvants plus lourds à haut point d’ébullition tels que
dipolaires aprotiques tels que la NMP ou le DMSO. l’alcool benzylique ou les solvants dipolaires aprotiques DMSO ou
Si ces solvants sont très peu étiquetés ou pas du tout comme le NMP. Les vapeurs n’atteignent généralement pas les concen-
DMSO, ils ont, en revanche, un pouvoir de pénétration transcutané trations critiques dans l’air ambiant mais, dans ce cas, il faudra
important et bien connu. Cela signifie qu’ils sont capables d’entraî- tenir compte d’une plus grande quantité de résidus à traiter.
ner à travers la peau n’importe quel composé et, en particulier, Avec le chlorure de méthylène, lors des opérations de rinçage à
ceux qui se trouvent dans les peintures. Il faudra donc être très l’eau, la concentration en solvant chloré des eaux usées en sortie
vigilant lors du décapage de vieilles peintures contenant des des installations doit être nulle. Cela contraint les décapeurs à limi-
métaux lourds tels que le plomb par exemple. On évitera éga- ter de plus en plus l’emploi des bains au chlorure de méthylène.
lement d’introduire des composés nocifs ou toxiques dans les Avec un solvant tel que le DMSO, si la teneur reste inférieure à 1 %
formules décapantes : benzène, toluène, phénol, chromates (inhibi- en masse, les eaux pourront être envoyées en station d’épuration
teur de corrosion). (le DMSO est biodégradable). Entre 1 et 5 %, une oxydation chi-
mique du DMSO en DMSO 2 (diméthylsulfone) sera nécessaire
avant envoi vers une station d’épuration. Enfin, pour une teneur
3.8 Impact sur l’environnement supérieure à 10 %, le recyclage ou l’incinération du DMSO sera
nécessaire.
Le chlorure de méthylène, les solvants oxygénés et aromatiques
couramment utilisés en décapage peintures n’ont pas d’effet Les résidus solides de décapage obtenus après décantation sont
néfaste sur la couche d’ozone stratosphérique. Par contre, ce sont normalement considérés comme dangereux, souvent en raison de
des composés organiques volatils (COV) à effet sur l’ozone tropo- la présence de métaux lourds. Ils devront être incinérés dans des
sphérique qu’on s’efforce actuellement de réduire. On leur préfé- centres spécialisés et agréés.

Références bibliographiques

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Technology. Vol. 17, 4e édition (1996). d’action des décapants solvantés pour
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[5] LALLIER (J.-P.). – Nouveaux décapants 96.06736, 96.15041, 96.15042.
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peintures à base de DMSO. Double liaison,
[3] Le décapage à sec avec média-plastique no 467-468 (1995). [10] LALLIER (J.-P.), MARIE (P.), AUBRY (J.M.),
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M 1 460 − 6 © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques

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