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Microscopie ionique à effet

de champ et sonde atomique

par Didier BLAVETTE


Professeur à l’Université de Rouen
Membre de l’Institut Universitaire de France
et Alain MENAND
Professeur à l’Université de Rouen
Directeur de l’URA CNRS 808

1. Principe du microscope ionique et de la sonde atomique............ P 900 − 2


1.1 Présentation générale .................................................................................. — 2
1.2 Théories de l’ionisation et de l’évaporation par effet de champ.............. — 3
1.2.1 Ionisation par effet de champ............................................................. — 3
1.2.2 Évaporation par effet de champ......................................................... — 4
1.3 Formation de l’image ionique ..................................................................... — 4
1.4 Principe de la sonde atomique.................................................................... — 5
2. Appareillage et mise en œuvre ............................................................. — 6
2.1 Préparation des échantillons ....................................................................... — 6
2.2 Différents types de sondes atomiques ....................................................... — 6
2.2.1 Sonde à temps de vol ......................................................................... — 6
2.2.2 Sonde à images de désorption filtrées.............................................. — 6
2.3 Informatique de gestion, de saisie et de traitement des données ........... — 6
3. Performances et analyse statistique des résultats......................... — 7
3.1 Spectres de masse ....................................................................................... — 7
3.1.1 Résolution en masse ........................................................................... — 7
3.1.2 Bruit de fond ........................................................................................ — 8
3.2 Résolution spatiale ....................................................................................... — 9
3.3 Direction d’analyse et volume analysé....................................................... — 9
3.4 Étalonnage des distances analysées .......................................................... — 10
3.5 Mesure quantitative des compositions ...................................................... — 10
3.6 Analyse statistique des profils de concentration....................................... — 11
4. Applications ............................................................................................... — 12
4.1 Défauts .......................................................................................................... — 12
4.2 Surfaces, interfaces ...................................................................................... — 12
4.3 Ordre chimique............................................................................................. — 13
4.4 Décomposition et transformation de phase............................................... — 14
5. Conclusion .................................................................................................. — 14
Bibliographie ....................................................................................................... — 15

et article se propose de rappeler les divers aspects théoriques et instrumen-


C taux de cette technique et d’indiquer quelques domaines d’application.
Inventée en 1967 par E.W. Muller, et d’abord limitée à l’étude de quelques
matériaux métalliques réfractaires (W, Pt, Ir), la sonde atomique est devenue
durant les années 80 un outil d'investigation irremplaçable pour des alliages les

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plus divers (aciers, superalliages, alliages de titane ou d’aluminium, ...), ainsi
que pour des semiconducteurs.
La sonde atomique est en fait un microscope ionique muni d’un spectromètre
sensible à une particule. Les atomes de l’échantillon évaporés par effet de
champ sont identifiés individuellement par spectrométrie de masse à temps de
vol. Ce champ électrique est obtenu au prix d’une contrainte : l’échantillon doit
être aminci sous la forme d’une pointe et porté à un potentiel de plusieurs kilo-
volts. La sonde atomique est une méthode destructive.
La microscopie ionique à champ se distingue des autres techniques d’observa-
tion par le fait qu’aucun faisceau incident n’est utilisé. L’excitation est ici produite
par un champ électrique intense régnant au voisinage de l’échantillon. Celui-ci
permet, par l’ionisation d’un gaz, d’obtenir une image de la surface de l’échan-
tillon. L’image de microscopie ionique ainsi obtenue est, dans certaines condi-
tions, résolue à l’échelle atomique.
La sonde atomique est particulièrement bien adaptée aux études des premiers
stades de précipitation en phase solide, de la ségrégation aux joints ou en sur-
face, ou encore de l’ordre à grande distance. En complément, l’examen tridi-
mensionnel de l’échantillon par microscopie ionique à champ permet d’accéder
à la morphologie, à la distribution en taille et à la densité de particules fines (1 à
10 nm) dispersées dans une matrice.

■ L’ionisation et l’évaporation par effet de champ sont les deux


1. Principe du microscope processus fondamentaux sur lesquels repose la technique. Ces phé-
ionique et de la sonde nomènes physiques nécessitent la présence d’un champ électrique
important, de l’ordre de 30 à 50 V/nm, obtenu en portant l’échan-
atomique tillon aminci sous la forme d’une pointe de faible rayon de courbure
(R = 20 à 100 nm) à un potentiel V variant de 3 à 20 kV. Le champ
ainsi créé est de la forme
E=V/βR
1.1 Présentation générale
avec β facteur de forme généralement compris entre 2 et 8.
■ Le principe de la microscopie ionique est relativement simple
Le lecteur est invité à se reporter aux articles suivants : (figure 1). Un gaz rare (He, Ne) est introduit sous faible pression
— [48] pour les notions de précipitation dans les métaux et (quelques 10−3 Pa) près de l’échantillon. Ce gaz va s’ioniser près de
alliages, de surstructure, de décomposition spinodale et de la surface et plus particulièrement à proximité des protubérances
niveaux de Fermi ; que présente l’échantillon à l’échelle atomique. Celles-ci, présentant
et dans les Techniques de l’Ingénieur : un rayon de courbure local faible, sont le siège d’un champ électri-
— [49] concernant les structures cristallines et les indices de que plus intense. Les ions positifs ainsi formés sont accélérés radia-
Miller ; lement vers un écran et donnent finalement une image projetée de
— [50] et [51] concernant les propriétés atomiques, la struc- la surface.
ture électronique et les propriétés physiques ; En augmentant le potentiel appliqué, on assiste à l’évaporation
— [52] traitant de la sonde atomique tridimensionnelle. par effet de champ des atomes situés en surface de l’échantillon. Ce
deuxième phénomène est exploité en microscopie ionique, à la fois
pour l’examen tridimensionnel du matériau et pour son analyse.
Parmi les méthodes de microanalyse quantitative utilisées en
science des matériaux (sonde de Castaing, SIMS, microanalyse ■ Le principe de la sonde atomique est le suivant : une partie des
Auger, STEM EDX et EELS), la sonde atomique occupe une place ori- ions évaporés depuis la surface est reçue sur un détecteur qui sélec-
ginale. La résolution latérale à la surface de l’échantillon varie de tionne une région d’analyse (figure 2). La nature de ces ions est
quelques angströms (10−10 m) à quelques nanomètres (10−9 m). La déterminée par spectrométrie de masse à temps de vol. Un profil de
résolution en profondeur de l’analyse peut atteindre strictement un concentration correspondant à l’investigation de l’échantillon en
plan atomique. Les compositions sont directement proportionnelles profondeur peut finalement être obtenu. L’analyse couche par cou-
aux nombres d’atomes détectés de chaque espèce. Aucun calibrage che de la pointe s’interprète comme la traversée du matériau par un
n’est nécessaire car le rendement d’ionisation pour chaque élément cylindre s’appuyant sur les surfaces d’analyse successives (cf.
est de 100 %. figure 12).
Nota : sonde de Castaing : cf. article Microsonde électronique.
SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometry ) : cf. article [53].
STEM EDX (Scanning Transmission Electron Microscope Energy Dispersive X ray
analysis) : microscopie électronique à balayage doté d’un système d’analyse X ou micro-
analyse X et EELS (Electron Energy Loss Spectroscopy ) : micro-analyse par pertes d’éner-
gie caractéristiques : cf. article [54] dans le présent traité.

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1.2 Théories de l’ionisation et de


l’évaporation par effet de champ

1.2.1 Ionisation par effet de champ

Le mécanisme de formation de l’image, la résolution, le contraste


entre phases, peuvent être décrits à l’aide d’un modèle simple unidi-
mensionnel [4] [5].
La figure 3 représente l’énergie potentielle U d’un électron d’un
atome de gaz situé à proximité de la surface, en présence d’un
champ électrique E. L’ionisation intervient lorsque l’électron passe
par effet tunnel dans le métal (figure 3 a ). La transparence de la bar-
rière de potentiel (c’est-à-dire la probabilité de passage d’un ion au
travers de cette barrière de potentiel) est d’autant plus élevée que la
distance surface du métal-atome de gaz est petite. Il existe toutefois
une distance minimale au-dessous de laquelle l’électron possède
une énergie inférieure à l’énergie de Fermi WF du métal. Or tous les
états électroniques du métal sont occupés jusqu’au niveau de Fermi.
Il y a donc une distance critique xc au-dessous de laquelle l’électron
ne trouve plus d’état libre dans le métal.

Figure 1 – Principe de la formation des images en microscopie


ionique

Figure 2 – Principe de la sonde atomique

Figure 3 – Énergie potentielle U d’un électron appartenant à un


atome de gaz situé à la distance x de la surface d’une pointe, pour
trois valeurs différentes du champ électrique E

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Cette distance minimale correspond au passage d’un électron au


niveau de Fermi du métal :
xc = (I − Φ)/eE
avec I énergie d’ionisation du gaz,
Φ travail de sortie,
e = 1,6 x 10−19 C charge de l’électron,
xc étant de l’ordre de quelques dixièmes de nanomètre.
La meilleure résolution est obtenue pour un champ E élevé pour
lequel xc est faible (figure 3 a ). Les ions gazeux sont alors formés
très près de la surface et l’image obtenue reflète bien les modula-
tions à l’échelle atomique du champ électrique en surface. Une
limite existe cependant : pour des valeurs élevées du champ électri-
que, le champ régnant loin de la surface (> 1 nm) est suffisant pour
que la probabilité de passage d’un électron d’un atome de gaz dans
l’espace libre devienne importante (figure 3 c ). Les atomes de gaz
sont alors majoritairement ionisés loin de la surface, l’image est
d’intensité uniforme et ne contient aucune information sur la struc-
ture à l’échelle atomique de l’échantillon. Enfin, lorsque le champ
devient trop faible (figure 3 b ), le flux d’ionisation diminue considé-
rablement, les molécules s’ionisent loin de la surface en reprodui-
sant uniquement les variations macroscopiques du champ
Figure 4 – Énergie potentielle d’un atome neutre (Ua) et d’un ion (Ui)
électrique à la surface de l’échantillon.
en présence d’un champ électrique E
La valeur optimale du champ électrique (BIF pour Best Image
Field) représente un compromis : c’est la valeur la plus élevée du
champ pour laquelle l’ionisation a encore lieu majoritairement près
de la surface et non dans l’espace libre. Le tableau 1 donne les À très basse température (T < 50 K), la désorption s’effectue par
valeurs du champ d’ionisation optimal (Ei ) et de l’énergie d’ionisa- effet tunnel ionique [6]. La fréquence de désorption ν T est, dans le
tion (I) pour les gaz les plus utilisés. cas d’une barrière de potentiel parabolique de largeur ∆ :

ν T = ν 0 exp Ð ( π ∆ 2 MQ a ⁄ 2 , ) (2)

avec M masse de l’ion évaporé,


Tableau 1 – Énergie d’ionisation (I) et champ
d’ionisation (E i ) de différents gaz , constante de Planck réduite.
Au-delà d’une distance critique xc , définie comme pour l’ionisa-
Gaz I (eV) Ei (V/nm) tion du gaz, l’ion métallique acquiert sa charge définitive par un pro-
cessus de post-ionisation [7] qui ne dépend que de la valeur du
He 24,6 45 champ électrique dans la zone de post-ionisation.
Ne 21,6 34 Dans tous les cas, le flux d’évaporation dépend très fortement de
la valeur du champ électrique appliqué car celui-ci détermine la hau-
H2 15,6 22 teur et la largeur de la barrière de potentiel. Bien qu’il s’agisse d’un
Ar 15,7 22 abus de langage, on définit un champ d’évaporation Ee . Celui-ci cor-
respond aux faibles fréquences d’évaporation utilisées habituelle-
ment en microscopie ionique (ν ≈ 1 Hz).

1.2.2 Évaporation par effet de champ

L’évaporation par effet de champ d’un atome de la surface de


1.3 Formation de l’image ionique
l’échantillon sous la forme d’un ion n fois chargé peut être décrite
également à l’aide de diagrammes d’énergies potentielles [4]. La
L’extrémité approximativement hémisphérique de l’échantillon
figure 4 représente les énergies potentielles Ua et Ui d’un atome
préparé par polissage électrolytique présente des aspérités. Celles-
neutre et d’un ion en présence d’un champ électrique E. L’atome
ci peuvent être éliminées par évaporation par effet de champ. En
part initialement sous la forme d’un ion une fois chargé en franchis-
effet, en élevant progressivement le potentiel appliqué, le champ
sant la barrière de potentiel (Qa ) représentée par la branche ascen-
d’évaporation des atomes en surface de l’échantillon est atteint
dante de la courbe atomique (Ua ) et par la branche descendante de
d’abord sur ces aspérités de faible rayon de courbure. On obtient
la courbe ionique (Ui ).
ainsi une extrémité très régulière, lisse à l’échelle atomique. Cette
La fréquence d’évaporation ν s’exprime par une loi d’Arrhenius évaporation est contrôlée par l’observation de l’image ionique. La
en fonction de la température T (K) : condition évidente de stabilité de l’image est de choisir un gaz dont
ν = ν0 exp − (Qa / kT ) (1) le champ d’ionisation est inférieur au champ d’évaporation du maté-
riau étudié : Ei < Ee .
avec Qa (J) hauteur de la barrière de potentiel,
■ Dans le cas d’un échantillon cristallin, l’empilement des plans
ν0 (Hz) fréquence de vibration des atomes en surface, dans les différentes directions cristallographiques donne lieu à un
k (J.K−1) constante de Boltzmann. contraste de cercles concentriques (les pôles), caractéristique des
images de microscopie ionique (cf. figure 2). C’est en effet sur les
bords de plans, sièges d’un champ électrique élevé, que le champ
d’ionisation des molécules de gaz image est d’abord obtenu. Les
ions produits, accélérés par le champ électrique, forment ensuite sur

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un écran une image très agrandie des différents sites d’émission. Il (EB << EA) est instable vis-à-vis du processus d’évaporation. La sur-
s’agit d’une projection quasi stéréographique du réseau (figure 5). face de l’échantillon s’appauvrit alors en espèce B. Le contraste
Les caractéristiques du microscope à projection ainsi constitué associé aux atomes B est sombre, comme une lacune.
(grandissement, pouvoir séparateur) dépendent de façon très sensi- Dans le cas d’un alliage biphasé, les deux phases de composition
ble de la forme générale et locale de la surface de l’échantillon, et différente ont généralement des champs d’évaporation différents.
non d’une optique dont on pourrait corriger les aberrations. L’image Le potentiel appliqué à l’échantillon étant fixé, la forme d’équilibre
ionique d’un métal est en général résolue à l’échelle atomique sur de l’échantillon « sous champ » présente deux rayons de courbure.
les plans de faible densité et lorsque l’échantillon est refroidi à une La phase à haut champ d’évaporation apparaît sur les images ioni-
température inférieure à 80 K. De telles températures sont nécessai- ques en contraste clair, la phase à bas champ d’évaporation en con-
res pour limiter l’agitation thermique du gaz image. Le grandisse- traste sombre (figure 6). De nouveau, l’image reflète la répartition,
ment G, de l’ordre de 107, est inversement proportionnel au rayon cette fois macroscopique, du champ électrique à la surface de
de courbure de l’échantillon : l’échantillon. Cette propriété de l’image ionique des alliages est par-
G = H / (m + 1) R ticulièrement importante, puisqu’elle peut être mise à profit pour
déterminer la morphologie, la distribution en taille et la densité de
avec m paramètre de projection défini par : petites particules finement dispersées dans un alliage. Lorsqu’un
OP = mR (cf. figure 1). pôle cristallographique peut être identifié sur l’image, la mesure de
la taille de précipités est relativement aisée. La méthode consiste à
compter le nombre de plans évaporés entre l’apparition du précipité
sur l’image ionique et sa disparition.

Figure 5 – Micrographie ionique d’un échantillon d’iridium


(R ≈ 100 nm, V = + 20 kV)

Figure 6 – Micrographie ionique d’un superalliage à base de nickel


comportant des précipités γ ′ de Ni3Al ( R ≈ 60 nm et V = 15 kV)
Une méthode basée essentiellement sur des arguments géométri-
ques permet de calculer le rayon de courbure de l’échantillon [8].
Elle consiste à compter le nombre n hkl de plans (hkl) ou d’anneaux
séparant deux pôles clairement identifiés sur l’image ionique : 1.4 Principe de la sonde atomique
n hkl d hkl
R = ------------------------ (3)
1 Ð cos Ω Dans la majorité des sondes actuelles, la masse des atomes éva-
porés un à un est mesurée à partir de leur temps de vol depuis la
avec d hkl distance réticulaire des plans constituant le pôle surface de l’échantillon jusqu’à un détecteur.
(hkl),
Deux méthodes sont utilisées pour contrôler l’instant de départ
Ω angle cristallographique entre les deux pôles des ions, t = 0.
considérés.
a) Dans les sondes conventionnelles, la barrière de potentiel liant
■ L’interprétation des images est plus complexe pour les alliages : l’atome à la surface est abaissée par des impulsions de tension (Vp )
l’évaporation préférentielle d’un type d’atome B peut être observée. superposées au potentiel continu (V0 ) appliqué à la pointe.
Dans un alliage AB, l’espèce B de plus faible champ d’évaporation

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b ) Dans les sondes à laser, l’énergie nécessaire pour franchir la Lorsque le col est suffisamment formé, le fil est plongé dans un
barrière à potentiel constant est apportée par des impulsions laser bain d’électrolyte pur jusqu’à sa rupture finale. Toute la difficulté
[9]. consiste à couper le courant au moment même de la rupture. Lors-
Dans les deux cas, le principe de la mesure est identique : les ato- que les conditions d’amincissement sont bien établies, on obtient de
mes évaporés au potentiel V = V0 + Vp (ou V0 pour la sonde laser) façon assez reproductible des pointes dont le rayon de courbure
sous forme d’ions n fois chargés sont recueillis sur un détecteur varie de 10 à 50 nm.
(une galette de microcanaux) situé à une distance L de la pointe (cf.
figure 2). Celui-ci fournit le « top arrivée » (tv ) à un chronomètre
lancé en synchronisme avec les impulsions d’évaporation (t = 0). En
considérant que les ions acquièrent toute leur énergie à proximité
2.2 Différents types de sondes atomiques
immédiate de l’échantillon, la masse M des ions est liée à leur temps
de vol tv par la relation :
2.2.1 Sonde à temps de vol
--- M  ----  = n e V
1 L 2
(4)
2 t  La figure 8 présente une description schématique de la sonde à
v
temps de vol [11]. L’échantillon est monté sur une tête goniométri-
Les ions peuvent donc être identifiés par leur rapport M / n que permettant la sélection du site d’analyse ; il est refroidi soit par
exprimé en unités de masse atomique (u.m.a.) : un gaz froid (N2, He), soit plus généralement à l’aide d’un cryogéné-
rateur, à une température comprise entre 20 et 80 K. L’emploi de tel-
tv 2 les températures est impératif à la fois pour conserver des images
----- = K ( 1 + a 0 ) V 0  ---- 
M
(5)
n  L bien résolues et pour minimiser les phénomènes d’évaporation pré-
férentielle (cf. § 3.5) lors des analyses par la sonde.
avec a0 = Vp /V0 la fraction d’impulsion, Un sas permet de changer l’échantillon sans remettre l’enceinte à
K = 0,193 m2 · kV−1 · µs−2. l’air ni couper le système de refroidissement.
Les images sont obtenues à l’aide d’un gaz (He, Ne) introduit sous
quelques millipascals, sur un ensemble de visualisation composé
d’une galette de microcanaux et d’un écran. L’observation s’effectue
2. Appareillage et mise en dans une direction perpendiculaire au spectromètre à l’aide d’un
miroir placé à 45˚. Le vide dans l’enceinte pendant les analyses est
œuvre de quelques 10−8 Pa. Le détecteur est constitué d’une galette de
microcanaux à haut gain (galette à canaux courbes ou double
galette). Les impulsions d’évaporation sont obtenues à l’aide d’un
générateur à décharge capacitive délivrant des impulsions d’ampli-
2.1 Préparation des échantillons tude allant jusqu’à 4 kV, dont le temps de montée est inférieur à
1 ns.
Les échantillons sont préparés sous forme d’une pointe par polis- Le départ des ions peut être également obtenu à l’aide d’impul-
sage électrolytique. La méthode d’amincissement dépend bien évi- sions laser [12]. Les lasers utilisés le plus couramment sont des
demment de la nature du matériau. En particulier, certains métaux lasers à azote. La durée des impulsions est de quelques nanosecon-
réfractaires, tel l’iridium, nécessitent une attaque dans un bain de des, l’énergie de quelques dixièmes à quelques millijoules par
sels fondus. Cependant dans bon nombre de cas, la méthode de impulsion, la fréquence de répétition de 50 à 300 Hz.
l’anode soluble (échantillon Fe, Ni, Al, Cu, ...) plongée dans une L’avantage de l’utilisation du laser est double. D’une part, la réso-
« double couche » (électrolyte + bain neutre) est utilisable. lution en masse est améliorée : on peut atteindre ∆M /M = 1/4 000.
Le principe est représenté schématiquement sur la figure 7. D’autre part, des matériaux peu conducteurs (semiconducteurs, cer-
L’échantillon, initialement sous la forme d’un fil (ou d’un crayon) de tains polymères) peuvent être analysés par cette méthode. En
quelques dixièmes de millimètre de diamètre, est plongé dans une revanche, l’énergie par impulsion appliquée à la pointe doit être soi-
couche mince d’électrolyte déposée sur un bain neutre de tétrachlo- gneusement choisie afin d’éviter toute diffusion des atomes en sur-
rure de carbone. L’anode est portée à un potentiel positif de quel- face avant leur évaporation. Un tel phénomène entraînerait une
ques dizaines de volts jusqu’à formation d’un col sur la partie de détérioration de la résolution spatiale (cf. § 3.2).
l’anode au contact avec la phase active du bain.
2.2.2 Sonde à images de désorption filtrées

Le principe est donné sur la figure 9 d’après [13]. En l’absence de


gaz, les atomes de l’échantillon sont évaporés et reçus sur un sys-
tème de visualisation constitué d’une galette de microcanaux et
d’un écran dont la géométrie est une calotte sphérique de rayon de
courbure égal à la distance pointe-détecteur. De cette façon, les ions
de même rapport M/n parviennent au même instant sur le détecteur.
Lorsqu’une impulsion d’évaporation est appliquée à l’échantillon,
les différentes espèces évaporées sont discriminées en rendant sen-
sibles les galettes de microcanaux pour un temps de vol et un inter-
valle de temps correspondant à l’espèce sélectionnée.
Avec un tel système, la répartition d’un type d’atomes à la surface
de l’échantillon est obtenue. Les images peuvent être enregistrées
séparément et cumulées. Ce dispositif est particulièrement adapté à
l’étude des ségrégations [14].

Figure 7 – Préparation d’un échantillon de tungstène

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Figure 8 – Schéma synoptique de la sonde atomique à temps de vol et des périphériques

d’acquérir les données initiales et de les stocker sur disque dur, sans
interrompre l’évaporation du matériau. Le temps d’acquisition mini-
mal est d’environ 20 ms. Un ion occupe environ 30 octets. Une jour-
née d’expérience demande donc, pour 30 000 ions collectés, une
capacité de stockage voisine de 1 mégaoctet.
L’orientation actuelle est de développer des produits logiciels de
plus en plus interactifs, avec des aides à l’interprétation en temps
réel. La surveillance soignée de l’expérience nécessite le calcul en
ligne des paramètres pertinents descriptifs de l’analyse (flux de
détection, rendement effectif, concentrations mesurées). Un profil
de concentration et les outils d’analyse statistique correspondants
(cf. § 3.6), lorsqu’ils sont accessibles en cours d’investigation, cons-
tituent des aides appréciables à la décision et à la conduite de
l’expérience.

3. Performances et analyse
statistique des résultats
Figure 9 – Sonde à images de désorption filtrées
3.1 Spectres de masse
2.3 Informatique de gestion, de saisie et 3.1.1 Résolution en masse
de traitement des données
L’expression donnant le rapport M/n des ions évaporés en fonc-
tion de leur temps de vol permet de dégager les différentes contri-
Toutes les sondes atomiques modernes sont maintenant gérées
butions intervenant dans la résolution en masse des sondes.
automatiquement [15]. Les ordres d’envoi des impulsions d’évapo-
ration et les signaux relatifs à la mesure des temps de vol sont répé- ∆M/M = ∆V0 /V0 + ∆a0 /(1 + a0) + 2 ∆tv /tv + 2 ∆L/L (6)
tés séquentiellement à une fréquence voisine de 50 Hz. Lorsqu’un
ion est détecté pendant la fenêtre d’ouverture du chronomètre Lorsque les atomes sont évaporés par des impulsions électriques,
(10 µ s), les données de base rattachées à cet ion (temps de vol tv , le terme prépondérant est celui concernant la fraction d’impulsion
potentiel d’évaporation V, nombre d’impulsions N ) sont communi- a0. Dans ce mode d’évaporation, tous les ions ne s’évaporent pas au
quées en temps réel à un ordinateur généralement dédié à cet sommet de l’impulsion et n’acquièrent donc pas l’énergie maximale
usage. L’ordinateur choisi pour cet usage doit être en mesure (neV0 (1 + a0)). La décroissance exponentielle des raies constituant

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les pics de masse (figure 10) traduit l’existence même de ces déficits
en énergie inhérents aux sondes conventionnelles. La résolution
expérimentalement observée dans ces appareils est de l’ordre de
∆M/M = 1/300. Elle se détériore cependant pour de grandes fractions
d’impulsion (> 20 %).
Dans les sondes à laser, le potentiel accélérateur est constant
(a0 = 0). Seules les contributions des incertitudes de mesures du
potentiel V0 (10−5), du temps t (< 10−3) et de la longueur L (10−5)
interviennent donc. La résolution en masse de ces appareils est voi-
sine par conséquent de celle en temps (∆M/M < 1/1 000). Les sondes
dotées d’un compensateur d’énergie de type Poschenrieder [16]
présentent des performances comparables.

3.1.2 Bruit de fond

Il convient de distinguer le bruit de fond blanc provenant de l’arri-


vée aléatoire d’ions gazeux sur le détecteur (ionisation
« stochastique »), et le bruit de fond corrélé dû aux réflexions para-
sites sur les parois de l’appareil, des ions métalliques évaporés
depuis l’ensemble de la surface de la pointe. Les réflexions de ces
ions ne provenant pas en majorité de la surface effectivement ana-
lysée, introduisent un traînage observé derrière les pics de masse
importants (temps de vol plus longs). On limite l’amplitude de ce
bruit en interposant un diaphragme arrêtant ces réflexions indésira-
bles.
Dans des conditions normales de fonctionnement (pression rési-
duelle ≈ 10−8 Pa), le bruit blanc est de l’ordre de 0,01 % par u.m.a., ce
qui fixe le seuil de détectabilité d’éléments à l’état de trace.

3.2 Résolution spatiale

Il convient de distinguer deux types de contribution : la résolution


latérale et la résolution en profondeur.
■ La résolution latérale, c’est-à-dire en surface de l’échantillon, est
facilement évaluée à partir d’arguments purement géométriques. À
l’instar des images de microscopie ionique, la surface d’analyse se
déduit de celle du détecteur par une simple projection (cf. figure 2).
Le diamètre (Φa) de la zone analysée est directement proportionnel
au rayon de courbure de l’échantillon (R ) et à la taille du détecteur
(D ) :
(m + 1) R
Φ a = ------------------------- D (7)
L
Le paramètre de projection (m) est souvent voisin de 1. L repré-
sente la longueur de vol (cf. figure 2) et peut varier selon l’appareil
entre 1 et 3 m.
L’expression donnant la résolution latérale (Φa) montre clairement
que les performances de l’appareil se détériorent à mesure que
l’échantillon est évaporé [10]. Les pointes présentent toujours un
angle de cône, si petit soit-il, qui donne lieu à une augmentation du
rayon de courbure. Il est alors nécessaire d’augmenter le potentiel
appliqué (V ) pour maintenir des conditions stationnaires de champ
électrique (E = V / βR ).
■ La résolution en profondeur, en revanche, est directement liée au
processus d’évaporation par effet de champ. En effet, le champ élec-
trique dans un conducteur s’annulant à une profondeur inférieure à
une distance interatomique, seuls les atomes situés dans une
« couche » d'environ 0,1 nm d’épaisseur peuvent être évaporés.
Cette résolution ultime permet d’effectuer des analyses plan par
plan lorsque l’aire d’analyse est soigneusement positionnée sur un
pôle cristallographique important (plans denses) [17]. La résolution
atteint alors strictement un plan atomique. Dans une telle configura-
tion (cf. figure 2), une modulation régulière du flux d’ions détectés,

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Figure 10 – Spectre de masse de la matrice γ du superalliage à base de nickel présenté sur la figure 6

directement liée au passage de chaque plan atomique devant le mètre des terrasses constituant le pôle analysé. Après évaporation
détecteur, est observée (figure 11). d’un plan atomique complet, plus aucun atome en situation de
s’évaporer n’est « vu » par le détecteur. Il est alors nécessaire
d’attendre le passage du bord de plan suivant pour qu’à nouveau
une séquence d’ions soit reçue sur le détecteur. Chaque marche
constituant la courbe en escalier (figure 11) présente une hauteur
proportionnelle au nombre N(hkl) d’ions détectés par plan. Il s’agit
donc là d’un reflet de la résolution latérale (Φa) :

π Φ a2
N ( hkl ) = Q ----------- δ hkl (8)
4
avec Q rendement de détection (Q ≈ 0,6),
δhkl densité réticulaire (nombre d’atomes par unité
de surface) du plan (hkl) analysé.

3.3 Direction d’analyse et volume analysé

En cours d’analyse, et couche après couche, la surface de détec-


tion génère un volume analysé approximativement cylindrique
(figure 12). L’investigation d’un échantillon peut donc s’interpréter
comme sa traversée par un cylindre de diamètre Φa s’appuyant sur
la surface d’analyse. La direction d’analyse est proche de l’axe de
symétrie de la pointe. Elle s’en écarte toutefois d’un angle ϕ (quel-

Figure 11 – Modulations observées dans le flux d’évaporation


lorsque l’analyse a lieu près d’un pôle de bas indices de Miller

En cours d’évaporation, ce sont en effet les atomes du bord des


terrasses (siège d’un champ électrique intense) qui sont en premier
lieu évaporés. On assiste alors à une réduction simultanée du dia-

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ques degrés) lorsque l’investigation a lieu sur un site périphérique dhkl désignant la distance réticulaire des plans (hkl) analysés.
éloigné de l’axe de symétrie de l’échantillon [10]. Lorsque l’analyse n’est pas effectuée sur un pôle, il est nécessaire
d’avoir recours à une autre méthode.
L’information directement reliée à la profondeur P analysée est en
fait le nombre N d’ions reçus. Celui-ci permet en effet d’estimer le
volume analysé v et par suite la profondeur P.
v = N vat / Q (11)
avec vat volume atomique.
En combinant cette dernière équation avec celle donnant le
volume analysé [équation [9]], on obtient finalement :

L 2 ( E β ) v at
2
1 N
P = ------------- ------------------------ ---------------------------- ------ (12)
S D Q ( m + 1 ) 2 cos ( θ + ϕ ) V 2
avec V potentiel d’évaporation,
SD aire de détection.
Cette expression fait intervenir trois termes dépendant respective-
ment de la sonde (L, SD, Q ), de l’échantillon (Eβ, vat, m) et du site (θ).
Elle montre que la profondeur analysée est approximativement pro-
portionnelle au nombre d’ions collectés. Cette expression est plus
facilement utilisable lorsque θ = 0. Un étalonnage des paramètres
Eβ et m liés à l’échantillon est nécessaire pour chaque nouveau
matériau. Celui-ci est aisément réalisé en effectuant préalablement
l’analyse plan par plan d’un pôle identifié.

Figure 12 – Analyse d’un alliage comportant des petites particules 3.5 Mesure quantitative des compositions
finement dispersées dans une solution solide

La sonde atomique est l’un des rares appareils de microanalyse


ne nécessitant pas de coefficients de calibrage. Aucun rendement
Pour les raisons exposées précédemment, il est clair que le
ou section efficace d’ionisation n’intervient dans le calcul des com-
volume analysé n’est qu’en première approximation un cylindre. La
positions. Les concentrations sont directement proportionnelles aux
détérioration de la résolution spatiale en cours d’évaporation con-
nombres d’ions collectés de chaque espèce. Cet avantage apparent
duit à une forme légèrement tronconique d’autant plus marquée
a cependant un revers. Des expériences préliminaires doivent être
que l’angle de cône (α) de la pointe est important. Lorsque la varia-
menées pour chaque nouveau matériau, de manière à établir les
tion du rayon de courbure est faible (∆R < R), l’équation suivante
conditions d’obtention de données quantitatives fiables [18] [19].
donne une expression simplifiée du volume analysé :
La précision des mesures de la composition atomique C est limi-
π Φ a2 tée essentiellement par les fluctuations statistiques d’échantillon-
v = ----------- P cos ( θ + ϕ ) (9) nage. Celle-ci est donnée par l’écart type σ :
4
avec P profondeur analysée, C (1 Ð C)
σ = -----------------------
θ angle formé par la normale au plan analysé et N
l’axe de symétrie de la pointe. où N est le nombre d’ions pour lequel la mesure de C est effectuée.
La taille N de l’échantillon étant contrôlée par la résolution spatiale,
tant en profondeur qu’en surface (volume analysé), il y a nécessité
3.4 Étalonnage des distances analysées d’adopter un compromis entre la précision et la résolution souhai-
tées.
Le tableau 2 donne en exemple la composition de la matrice γ du
Lorsque l’analyse est conduite près d’un pôle (hkl), la profondeur superalliage représenté sur la figure 6, composition calculée à partir
d’analyse est obtenue par comptage du nombre n de plans du spectre donné sur la figure 10. Les valeurs de σ données fournis-
évaporés : sent un ordre de grandeur de la précision atteinte pour environ
20 000 ions collectés.
P = n d hkl ⁄ cos ( θ + ϕ ) (10)

Tableau 2 – Composition de la matrice γ d’un superalliage à base de nickel (cf. figures 6 et 10).
Al Ti Cr Ni Co Nb Mo B
Concentration atomique (%) ................................... 1,94 0,38 24,97 51,18 14,97 0,9 5,6 0,09
Fluctuations statistiques σ (pour N = 20 000) ........ 0,1 0,04 0,3 0,4 0,25 0,05 0,15 0,02

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Deux phénomènes fondamentaux peuvent introduire une pertur- des ions est plus importante, il devient possible que deux ions par-
bation dans la mesure des concentrations : il s’agit de l’évaporation viennent au détecteur en même temps. Cela dépend évidemment de
préférentielle et des masquages isotopiques. Le premier processus la résolution des compteurs (1 ns). Évaporés simultanément sur une
est directement lié au départ des atomes sous forme d’ions depuis impulsion, les ions ne parviennent en même temps sur le détecteur
l’échantillon, alors que le second mécanisme concerne le stade de que lorsque leurs masses sont égales (isotopes identiques) et leurs
détection. déficits en énergie voisins. Dans la mesure où l’amplitude des
signaux de détection n’est pas exploitable, deux ions dans une telle
■ Dans un alliage binaire AB, l’évaporation préférentielle des ato- situation seront comptabilisés comme un seul événement. L’un des
mes B peut être observée lorsque ceux-ci présentent un champ isotopes est masqué. Les autres isotopes ou éléments de masse
d’évaporation bien inférieur à celui des atomes A. Les atomes B apparente différente sont reçus dans les canaux consécutifs.
s’évaporent alors en partie au potentiel continu. Ceux-ci ne sont par
conséquent pas tous détectés en synchronisme avec les impulsions De l’analyse de ces problèmes de masquages isotopiques, il appa-
d’évaporation. Puisqu’ils sont reçus en dehors de la fenêtre d’ouver- raît clairement que l’amplitude des artefacts dépendra du type de
ture des compteurs (quelques microsecondes), le nombre des ions sonde utilisée, de la distribution isotopique de chacun des consti-
de type B est sousestimé. La concentration apparente en B (CB) est tuants, du nombre d’éléments présents dans l’alliage et, évidem-
donc inférieure à celle escomptée. ment, de la vitesse d’évaporation. Les sondes atomiques dotées
d’un système de compensation en énergie, ou encore les appareils
Ce problème est en général résolu en choisissant une fraction munis d’un dispositif d’évaporation assistée par impulsion laser,
d’impulsion élevée comprise entre 15 et 25 % [20]. A flux d’évapora- seront particulièrement touchés par les masquages isotopiques. Les
tion constant (champ total E0 + Ep constant), l’augmentation de la éléments comportant un seul isotope, comme l’aluminium, seront
fraction d’impulsion entraîne une baisse du champ continu (E0). très sensibles à ces effets [22].
Lorsque la fraction d’impulsion est convenablement choisie, le flux
d’évaporation au potentiel continu des atomes B devient quasi nul.
Cela signifie qu’à partir d’un certain seuil, lorsque la fraction est suf-
fisamment élevée, tous les atomes de type A ou B s’évaporent sur 3.6 Analyse statistique des profils
les impulsions. Ils sont donc détectés avec le même rendement.
de concentration
En revanche, la coexistence de deux espèces A et B de champs
d’évaporation différents va privilégier un ordre d’évaporation dans
chaque couche atomique évaporée. Les atomes B vont davantage Une investigation à la sonde atomique s’interprète comme la tra-
être détectés au début de chacune des séquences d’évaporation des versée du matériau par un cylindre dont le diamètre Φa constitue la
couches. À ce stade, la surface s’appauvrit en B. Chaque atome A, en résolution latérale (cf. figure 12). Tout le problème est donc de relier
situation de plus grande protubérance, est alors le siège d’un champ les caractéristiques du profil de concentration obtenu de cette
électrique plus intense. Le champ local est désormais suffisant pour manière aux paramètres pertinents décrivant la microstructure du
que les atomes A s’évaporent. Ce cycle se répète pour chaque cou- matériau. Cette relation entre la mesure et la réalité fait intervenir
che. Cet ordre préférentiel observé dans chaque couche : une projection transformant un espace à trois dimensions (la pointe)
(BBABAAAA / BBBAAAAA / BABBAAAA) en un signal de concentration à une dimension. Il s’agit d’un pro-
blème classique rencontré fréquemment en microscopie quantita-
a une conséquence importante : l’état de voisinage dans la tive.
séquence d’arrivée des ions ne donne aucune information sur celui Pour tirer toute l’information contenue dans le signal de concen-
existant en surface. tration, il est généralement nécessaire d’avoir une connaissance
Lorsque la nature même de l’alliage nécessite une fraction préalable de la topologie du système étudié. Cela peut se faire soit
d’impulsion trop élevée, un deuxième phénomène parasite inter- en microscopie ionique par un examen tridimensionnel de l’échan-
vient. Le champ continu, devenu trop bas (à champ total ou flux tillon couche atomique par couche atomique, soit par une méthode
d’évaporation constant), ne protège plus suffisamment la surface de de caractérisation complémentaire (microscopie électronique).
la pointe. Il est alors possible d’assister à des phénomènes Examinons quelques systèmes couramment rencontrés en scien-
d’adsorption de gaz résiduels qui vont contribuer, paradoxalement ces des matériaux.
et contrairement à l’effet escompté, à une augmentation des arte-
facts. Il s’agit d’un mécanisme d’évaporation préférentielle assistée La figure 13 illustre les fluctuations de concentrations observées
par la chimisorption de gaz, qui va en fait abaisser sélectivement le lors de l’analyse d’un superalliage à base de nickel comportant des
champ d’évaporation de certaines espèces chimiques. Cette consta- précipités γ ’ sphériques répartis de façon homogène dans une solu-
tation a une conséquence : les expériences doivent être menées tion solide. Il s’agit de particules riches en Al dont la composition est
sous un vide poussé (10−8 à 10−9 Pa) et propre. de type (Ni Co)3 (Al Ti). Le profil montre clairement que la concen-
tration atomique en Al (Cp ) est proche de 18 % dans les particules
Le taux d’évaporation préférentielle peut être également mini- alors qu’elle est voisine de 2 % dans la matrice (Cm).
misé sinon annulé en abaissant la température de l’échantillon. Il
est admis dans ce cas que les champs d’évaporation des différents Outre la composition des phases, trois types d’informations liées
types d’atomes (A ou B) se resserrent. L’inconvénient de cette à l’espace sont susceptibles d’être tirés de ces profils de concentra-
méthode, toutefois séduisante, est l’augmentation concomitante du tion [23] :
champ d’évaporation nécessaire (à flux constant). Le champ appli- — la taille des particules (Φp ) ;
qué est susceptible d’entraîner une rupture de l’échantillon sous — la densité de précipités par unité de volume (Nv ) ;
l’effet du champ de contrainte. Cet effet est très sensible car la con- — la fraction volumique (Fv ) occupée par la seconde phase.
trainte croît comme le carré du champ électrostatique. Ces paramètres de microstructure peuvent être statistiquement
■ Les masquages isotopiques constituent le deuxième phénomène estimés respectivement à partir de la largeur moyenne des zones
parasite qu’il est nécessaire de maîtriser pour obtenir des données
consistantes et reproductibles [21]. Une des particularités de la
sonde atomique est son mode de détection. Les informations sont
reçues atome par atome sur le détecteur. Le flux, si le terme con-
serve encore un sens, est extrêmement faible. Pour une fréquence
de répétition des impulsions d’évaporation de 50 Hz, le flux est habi-
tuellement voisin de 1 ion par seconde, soit une fréquence de détec-
tion de 0,02 ion par impulsion. Lorsque cette fréquence d’arrivée

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L’autocorrélogramme associé au profil de l’aluminium représenté


sur la figure 13 est présenté en exemple sur la figure 14. La taille
des particules est donnée par le premier minimum (k0) de la fonction
R(k). La valeur de kΦ (7 nm) est en très bon accord avec l’estimation
de Φp faite précédemment. La première corrélation positive (k1)
fournit une estimation de la distance minimale entre particules.

Figure 13 – Profils de concentration atomique montrant la présence


de petits précipités γ ′ (70 Å) riches en aluminium et pauvres en
chrome dans un alliage à base de nickel

Figure 14 – Autocorrélogramme correspondant au profil de


l’aluminium présenté sur la figure 13
enrichies ( œ ) , la distance moyenne entre particules ( d p ) et la frac-
tion linaire ( F , ) de zones interceptées par le cylindre [24] :
Lorsque les précipités sont distribués périodiquement dans la
3 ( 1 + η )2 matière, la valeur du deuxième maximum (k2) est voisine du double
Φ p = --- , --------------------- (13) de k1. Cela est également observé pour une décomposition spino-
2 F(η)
dale [48]. L’existence de fluctuations périodiques et tridimensionnel-
4 les de concentration peut ainsi être détectée. La longueur d’onde
N v = --------------------------------------------- (14) des fluctuations λ est donnée par la valeur de k1 et l’on a : λ ≈ k2 − k1.
π Φ p2 ( 1 + η ) 2 d p
Un traitement du signal par transformée de Fourier rapide est
Fv = Fœ ⁄ F ( η ) (15) également une voie séduisante dans ce domaine [26]. Le spectre de
Fourier met directement en évidence les différentes composantes
avec η = Φ a ⁄ Φ p et F ( η ) = 1 + 3π η ⁄ 4 + 3 η 2 ⁄ 2 (16) de longueur d’onde existant dans les profils. S’agissant d’une
mesure effectuée en une dimension (selon l’axe du cylindre d’ana-
Dans l’expérience présentée sur la figure 13, le diamètre du cylin- lyse), il convient cependant d’être prudent dans l’interprétation des
dre d’analyse est voisin de Φa = 1,35 nm. Le jeu de données expéri- longueurs d’onde émergentes. Il s’agit de composantes apparentes
reliées au véritable macroréseau par une projection.
mentales ( , = 5 nm , F œ = 16 % d p = 33 nm ) permet de Lorsque les particules présentent une taille voisine de la résolu-
proposer les paramètres microstructuraux suivants : tion latérale, c’est le cas par exemple des amas (1 nm), il devient dif-
ficile de mesurer leur composition. Des corrections sont alors
Φ p ≈ 7 nm , Fv ≈ 11 %, Nv ≈ 6 x 1017 particules/cm3 nécessaires pour extraire la contribution de la matrice dans la com-
position apparente des zones enrichies [23]. La situation peut être
Une autre méthode statistique [25] utilise la fonction d’autocorré- telle que la présence même d’amas soit délicate à mettre en évi-
lation, méthode souvent utilisée dans le traitement du signal (séries dence à partir de la seule observation du signal de concentration. Il
temporelles) : devient alors nécessaire de soumettre le jeu de données à des tests
statistiques [27].
nÐk
∑ ( Ci Ð C0 ) ( Ci + k Ð C0 ) Les histogrammes de concentration constituent à ce titre une
n i=1 méthode élégante [26]. Ceux-ci sont utilisés à la fois pour les systè-
R ( k ) = ------------ ----------------------------------------------------------------- (17)
nÐk n mes discrets (amas, précipités) et pour la mesure des amplitudes
∑ ( C0 Ð Ci ) d’ondes de concentration. Il s’agit d’un traitement qui montre la dis-
i=1 tribution des concentrations observées dans les couches atomiques
analysées successivement. La figure 15 présente un tel histo-
Ci est la concentration de la i e couche atomique et C0 la concen- gramme construit à partir du profil de concentration en Al précé-
tration moyenne estimée sur l’ensemble des n couches analysées. demment commenté (cf. figure 13).
La fonction R(k) a le grand avantage de sortir l’information réelle du
bruit de fond statistique d’échantillonnage. L’amplitude de ce bruit Lorsque la solution solide est totalement aléatoire, la distribution
est souvent importante en raison même de la remarquable résolu- suit une loi binomiale. En revanche, lorsqu’il existe des zones enri-
tion spatiale de l’appareil. chies, l’histogramme s’écarte de cette distribution idéale. Le spectre
de composition comporte davantage de couches riches en solutés
que la distribution aléatoire de référence. Un test du χ2 permet alors

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trant successivement les images lors de l’évaporation de plans com-


plètement résolus. Wei et Seidman [28] montrent ainsi dans du
tungstène la topologie des amas de lacunes créés par l’impact
d’ions de 30 keV et la distribution des auto-intersticiels autour de ces
cascades.

4.2 Surfaces, interfaces

Les techniques d’émission de champ sont particulièrement per-


formantes dans ce domaine, soit en microscopie ionique avec
l’observation in situ de la diffusion d’adatomes (atomes adsorbés)
[29] ou de la reconstruction de surface [30], soit à l’aide de la sonde
atomique pour mettre en évidence d’éventuelles ségrégations.
Ahmad et Tsong [31] sont par exemple parvenus à étudier les phé-
nomènes de ségrégation de surface hors équilibre dans un alliage
Pt - Rh.
De même, des profils de concentration peuvent être obtenus sur
des surfaces oxydées révélant la nature de la couche d’oxyde [32].
Enfin, la sonde permet d’accéder aux fluctuations de composition
existant au voisinage des interfaces [33] et d’étudier les phénomè-
nes de ségrégation aux joints de grains [34] ou aux interfaces [35].

4.3 Ordre chimique

La possibilité d’enregistrer séparément les plans atomiques éva-


porés successivement permet d’accéder à l’ordre à grande distance
lorsque le site d’analyse est localisé sur un pôle de surstructure [36]
[37] [48].
La figure 16 présente un profil intégral de composition relatif à
l’analyse des plans (001) d’un précipité ordonné de type Ni3Al. Les
courbes relatives à l’aluminium indiquent clairement l’alternance de
plans « purs » riches en nickel avec des plans mixtes NiAl (50-50),
séquence caractéristique de l’empilement des plans de surstructure
de la structure ordonnée L12 [48].
Figure 15 – Histogramme des concentrations observées dans le
profil de concentration d’aluminium présenté sur la figure 13 Les profils associés au tungstène (W) et au tantale (Ta) montrent
que ces éléments se placent préférentiellement sur les plans riches
en Al. À l’opposé, le cobalt (Co) est plus particulièrement observé
dans les plans purs. Il est possible de quantifier ces observations en
de juger si la différence entre observation et prédiction est statisti-
termes de fréquences d’occupation des sites en effectuant la
quement représentative.
moyenne des compositions mesurées pour chaque type de plan
La figure 15 montre ainsi clairement l’existence de précipités [17].
riches en Al dans le profil de concentration Cp = 18 %, Cm = 2 %, cf.
La présence d’amas ou d’un ordre à courte distance peut égale-
figure 13. Les concentrations relevées s’écartent de façon impor-
ment être mise en évidence par microscopie ionique, dans le cas
tante d’une distribution de Poisson (approximation de la loi bino-
favorable où la résolution à l’échelle atomique est atteinte [38]. La
miale pour des événements de faible probabilité).
sonde atomique permet par ailleurs de détecter l’existence de petits
rassemblements. Ainsi, dans un superalliage, la présence de petits
amas de Re dont la taille est inférieure à 1 nm a pu être corrélée à
l’amélioration des propriétés mécaniques de ce matériau [39].
4. Applications
Il ne s’agit pas de présenter ici une revue détaillée des applica- 4.4 Décomposition et transformations
tions de la sonde atomique, disponible par ailleurs [3], mais de citer de phase
ses principaux domaines d’applications.

L’étude des premiers stades de précipitation dans les alliages est


certainement le domaine où la contribution des techniques d’émis-
4.1 Défauts sion de champ est la plus remarquable [40] [41]. La microscopie
ionique permet en effet d’accéder à la densité et à la distribution en
taille de fines particules dispersées dans une matrice. La description
Grâce à son haut pouvoir séparateur, le microscope ionique per- de la morphologie des phases interconnectées observées dans les
met d’étudier la distribution des défauts dans les métaux. L’exem- alliages présentant une décomposition spinodale isotrope est égale-
ple le plus spectaculaire est la reconstruction en trois dimensions de ment un domaine actif [42].
cascades de défauts ponctuels produits par irradiation en enregis-

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une structure alternée. La plaquette serait bordée de plans riches en


Cu et appauvrie en cet élément au cœur.

5. Conclusion
La sonde atomique associée à la microscopie ionique est une
technique de microanalyse utilisée essentiellement en sciences des
matériaux [44]. Ses performances peuvent être comparées à celle
du STEM (avec analyse X dispersive en énergie ou par perte d’éner-
gie). La microscopie électronique à balayage est probablement
d’une mise en œuvre plus aisée. Il faut en effet reconnaître que la
préparation des échantillons sous forme de pointes est parfois déli-
cate à maîtriser. L’analyse est, en outre, destructive et les temps
d’expérience souvent importants (supérieurs à 1 jour par échan-
tillon). En revanche, la résolution spatiale effective de la sonde ato-
mique est plus grande (< 1 nm) et les difficultés de calibrage
marginales. Enfin, le bruit de fond des spectres extrêmement faible
rend cette technique particulièrement sensible (≈ 0,01 %).
Le principe sur lequel reposent la sonde atomique et la microsco-
pie ionique confère à ces techniques des possibilités et des limita-
tions particulières. Il s’agit donc d’instruments complémentaires des
autres méthodes de caractérisation (microscopie électronique,
sonde de Castaing, rayons X, etc.). La sonde atomique est particuliè-
rement adaptée à l’étude des premiers stades de précipitation dans
les alliages. Cependant, la taille des échantillons utilisés impose des
limitations quant aux dimensions et à la répartition de l’objet à étu-
Figure 16 – Profil intégral obtenu sur les plans (001) d’un précipité dier. Ainsi, le faible volume analysable (10−5 cm3) rend difficile
γ ′ ordonné (Ni3Al) de structure L12 l’étude de la précipitation hétérogène ou encore l’analyse de joints
de grains sans observation préalable en microscopie électronique.
En revanche, grâce à sa haute résolution spatiale en profondeur
(1 plan atomique), la sonde atomique est la seule technique permet-
tant d’accéder directement à l’ordre à grande distance dans une
phase. Elle permet également de mesurer de façon quantitative la
composition de particules dont le diamètre est inférieur à 3 nm et de
détecter l’existence de petits amas (Φp < 1 nm).
La plupart des matériaux métalliques peuvent être désormais
caractérisés, des alliages légers (Al, Ti) aux métaux réfractaires. Il
n’y a pas de limitations a priori quant au nombre de constituants. Le
bore, le lithium ou même l’hydrogène sont détectés alors que leur
analyse par des méthodes plus classiques est parfois impossible.
Enfin, la sonde atomique est une méthode perfectible. Naguère
limité aux métaux, son champ d’application s’étend désormais aux
semi-conducteurs avec l’emploi d’un laser [47].

Figure 17 – Profil de concentration mettant en évidence la présence


d’une zone de Guinier-Preston riche en cuivre dans un alliage à base
de titane

La sonde atomique permet d’obtenir la composition de très peti-


tes particules sans interférence avec la matrice environnante. La
figure 17 présente un profil de concentration obtenu [43] pour un
alliage TiCu (3 % Cu en masse) contenant des zones de Guinier-Pres-
ton [48]. La résolution latérale (Φa ) est voisine de 1,5 nm. Cette
figure peut s’interpréter comme la traversée d’une plaquette riche
en cuivre par le cylindre d’analyse. Le profil donné en exemple four-
nit trois informations : la composition de la zone Guinier-Preston est
voisine de 30 % en Cu, son épaisseur est de l’ordre de 1 nm. Enfin
les modulations de concentration en Cu dans la plaquette suggèrent

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Reférences bibliographiques

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