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Désastres naturels, climats et migration dans les pays du Sahel

Preprint · February 2019


DOI: 10.13140/RG.2.2.28720.61442

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Armand Fréjuis Akpa


University of Abomey-Calavi
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DESASTRES NATURELS, CLIMAT ET MIGRATION DANS LES PAYS DU
SAHEL

Armand Fréjuis AKPA

Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Université d’Abomey-Calavi


frejuisakpa@gmail.com

Résumé : Les changements observés au niveau du climat ont créé de nombreuses catastrophes
naturelles telles que les inondations, les sécheresses obligeant ainsi les populations à migrer
vers de nouvelles terres propices à leurs activités. Ce papier vise à analyser la relation qui existe
entre les désastres naturels, le climat et la migration. A partir de données collectées sur le
changement climatique qui sont la température et la pluviométrie et sur la migration dans les
pays du Sahel, nous déterminons le lien qui existe entre changement climatique et migration en
nous basant sur les statistiques descriptives et sur la régression par les données de panel. Les
résultats d’estimation montrent que les facteurs climatiques (pluviométrie et température)
choisis dans le cadre de cette étude sont bel et bien la cause du déplacement des populations
dans la zone du Sahel.
Mots clés : migration-changement climatique-catastrophes naturels-données de panel

Natural disasters, climate and migration in Sahel countries


Abstract : The changes in climate have created many natural disasters such as floods and
droughts, forcing populations to migrate to new lands that are favourable to their activities. This
paper aims to analyze the relationship between natural disasters, climate and migration. Using
data collected on climate change that are temperature and rainfall and on migration in the Sahel
countries, we determine the link between climate change and migration based on descriptive
statistics and regression by panel data. The estimation results show that the climatic factors
(rainfall and temperature) chosen for this study are indeed the cause of the population
displacement in the Sahel zone.
Key words : migration-climate change-natural disasters-panel data

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1. Introduction
Au cours de ces dernières années, on assiste à un débat théorique dans la littérature
économique quant à la réalisation et l’effectivité du changement climatique. Certains auteurs
(Jouzel, 2010 ; Kergomard, 2012) l’attribuent à une variation naturelle du climat alors que
d’autres (Roudier et al., 2011 ; Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Évolution du
Climat [GIEC], 2014), la plupart des scientifiques, privilégient l’influence des émissions de gaz
à effet de serre dans ce processus de réchauffement mondial. La hausse des températures, de
l’humidité relative, de la radiation solaire, du niveau de dioxyde de carbone dans l’air et une
réduction des précipitations sont entre autre les manifestations des changements climatiques
(Roudier et al., 2011 ; GIEC, 2014). Ils ont pour conséquences les inondations, la sécheresse,
la diminution des rendements agricoles, la détérioration de la qualité des terres, les pertes en
vie humaines et la migration des populations (Organisation Internationale pour les Migrations
[OIM], 2008 et GIEC, 2014).

Les changements climatiques obligeront les populations à migrer vers les régions riches en
ressources naturelles d’un point de vue économique car leur existence en dépende
essentiellement (COP21, 2016). Outre les changements climatiques, il existe plusieurs autres
causes de la migration des populations. Parmi ces causes, nous avons celles liées à des pressions
environnementales telles que la dégradation des sols, la moindre disponibilité et parfois la
salinisation des terres, les événements soudains et violents (inondation, glissement de terrain,
tempête ou cyclone) et la sécheresse prolongée (COP21, 2016). Le Centre de Surveillance des
Déplacements Internes (IDMC) (2014) estime que les dérèglements climatiques ont fait migrer
environ 19,3 millions de personnes dans le monde. Pour eux, les principales causes de la
migration des populations sont les inondations (55%), les tempêtes (29%), c’est-à-dire des
causes liés à l’environnement. Par ailleurs, si aucune action n’est entreprise pour atténuer les
effets des changements climatiques, le nombre de migrants environnementaux pourrait
atteindre entre 200 millions et un milliard de personnes d’ici 2050 (OIM, 2008).

Le Sahel constitué de douze (12) pays1 est une des régions de l’Afrique qui subit les
conséquences des changements climatiques obligeant ainsi ses populations à migrer
(Programme des Nations Unies pour l’Environnement [PNUE], 2011). GIEC (2014) mentionne

1
Mauritanie, Sénégal, Gambie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigéria, Tchad, Soudan, Éthiopie, Érythrée et Djibouti
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que les températures dans plusieurs régions d’Afrique dont le Sahel pourraient augmenter de 3
à 6°C d’ici la fin du siècle, ce qui s’accompagnera vraisemblablement d’une augmentation
sensible des catastrophes naturelles. Pour Veron (2012), dans le Sahel les effets du changement
climatique entraîneront une intensification de la migration due à la dégradation des conditions
d’existence des populations et la menace sur la sécurité alimentaire d’une part et à
l’accroissement de la population entraînant ainsi une compétition plus accrue pour des
ressources qui se raréfient d’autre part. Aussi, l’importante dégradation de la qualité de l’air
due à l’érosion éolienne et notamment aux effets néfastes des changements climatiques dans le
Sahel pourrait inciter certaines populations à se déplacer (Ozer, 2005 ; De Longueville et al.,
2009). Même si la plupart des déplacements attribuables aux catastrophes naturelles
s’effectuent à l’intérieur des frontières, des études ont montré que les communautés rurales
touchées par les sécheresses peuvent traverser les frontières spécialement là où elles sont plus
perméables comme au Sahel (Findley, 1994).

Dans la région du Sahel, les changements climatiques ont affecté environ 700 000 habitants
et ont provoqué plus de 150 pertes en vies humaines en 2009 (Bureau pour la Coordination de
l’Aide Humanitaire, 2009) faisant ainsi déplacer environ plus de 20 millions d’habitants (OIM,
2011). Dans certains pays du Sahel comme le Burkina Faso, les changements climatiques ont
déjà fait migrer environ un million d’habitants vers les zones urbaines de l’Afrique de l’Ouest
(Brown & Crawford, 2008). Par contre au Nigéria, les catastrophes naturelles ont fait déplacées
6 818 000 personnes entre 2008 et 2012 dont 6 112 000 personnes déplacées à causes des
inondations dévastatrices de septembre et octobre 2012, soit 3,6% de la population totale
(IDMC, 2013). Les zones faisant frontière avec les pays du sahel subissent également les effets
néfastes des changements climatiques. Par exemple, au Ghana en 2007, les changements
climatiques ont provoqué le déplacement de plus 330 000 habitants et causé 56 pertes en vies
humaines (Committee and United Nations Country Team Ghana, 2007).

Le choix du sujet réside dans le fait qu’il pourra éclairer sur les liens théoriques entre les
désastres naturels, le climat et la migration dans les pays du Sahel. Il a pour objet de fournir les
informations pouvant servir de base aux débats sur la question des changements climatiques et
de la migration aux fins des recherches pour atténuer ces effets sur les populations. Les
changements climatiques, compte tenu de ses effets néfastes sur les populations du monde, en
particulier sur celles des pays du Sahel, il convient de pouvoir arbitrer entre les catastrophes

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naturelles qu’ils engendrent et la migration des populations qu’ils causent. C’est dans un tel
cadre que s’inscrit le présent article qui se donne pour objectif d’analyser dans le contexte des
pays du Sahel les effets des changements climatiques sur la migration des populations.

Pour bien l’aborder, nous l’avons divisé en quatre sections. La première sera consacrée à la
revue de la littérature qui présentera les différentes théories ayant des liens avec le sujet. Nous
traiterons ensuite du cadre méthodologique de l’étude dans lequel nous présenterons les
modèles à utiliser et une description des données de l’étude. Puis, la section suivante présentera
et discutera les résultats de l’étude et enfin la dernière section sera consacrée à la conclusion et
à la formulation de quelques recommandations.

2. Revue de littérature
Dans la littérature, le concept de migrations environnementales est présenté comme un
phénomène nouveau ou comme une tendance probable des décennies à venir faisant ainsi
figurer les facteurs environnementaux dans les premières théories systématiques des migrations
(Piguet et al., 2011). Mais le XXe siècle se caractérise par une absence dans la littérature de
l’environnement comme facteur explicatif des migrations. Les travaux fondamentaux de
plusieurs auteurs (Isaac, 1947 et Zelinsky, 1971) n’évoquaient pas les facteurs
environnementaux. Il en est également de même des théories économiques néoclassiques des
migrations (Harris et Todaro, 1970), des approches géographiques (Olsson, 1965), ainsi que
des modèles écologiques (Sly et Tayman, 1977).

Ces dernières années, une recrudescence est observée dans le débat sur le lien entre les
changements environnementaux et la migration et cela résulte essentiellement de l’analyse des
impacts attendus du réchauffement planétaire sur la répartition de la population et la mobilité
(Brown, 2008 ; Morrissey, 2009) donnant ainsi lieu à une controverse autour des concepts de
migrants et de réfugiés climatiques (Findlay, 2011, Myers, 2005). Les causes de la migration
étant diverses, Myers (2005) et Stern (2006) pensent que la migration résulte de l’incapacité à
s’adapter constituant ainsi un facteur de départ forcé. Par contre, pour Barnett et Webber (2009)
et Tacoli (2009) elle est une stratégie d’adaptation qui mérite plus intérêt de la part des
politiques. Cependant, Myers (2011) et Piguet (2011) ont quant à eux montré que les migrations
sont le résultat des causes relevant de facteurs à la fois environnementaux, politiques et socio-
économiques.

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Toutefois, il est nécessaire de rappeler que si (Vogt, 1948) expliquait la migration par la
dégradation de l’environnement, c’est (Brown et al., 1976) qui établiront le lien entre
l’augmentation des migrations internes ou internationales et les processus de dégradations de
l’environnement. Ensuite, les travaux d’auteurs comme (Jacobson, 1988) ont fait entrer les
conséquences des changements climatiques dans les causes de la migration des réfugiés
environnementaux. Depuis lors, le concept n’a cessé de se développer suscitant d’importants
débats entre les spécialistes des migrations et les environnementalistes (Gemenne, 2009).

Les liens entre environnement/climat et la migration ne sont pas un phénomène nouveau


dans le Sahel (Giri, 1983). Les changements environnementaux tels que les dérèglements du
climat et la dégradation des écosystèmes survenus ces dernières décennies ont sensiblement
contribué aux mouvements de populations observés au Sahel (Gonin et Lassailly- Jacob, 2002).
Dans certains pays du Sahel, la migration est une stratégie d’adaptation aux changements
environnementaux conduisant depuis les années 1950 des jeunes hommes de la communauté
de pêcheurs diola au Nigeria à migrer vers Dakar au Sénégal à la recherche de meilleures prises,
de prix plus élevés sur les marchés et d’opportunités d’emploi saisonnières (PNUE, 2011).

De même, les changements environnementaux survenus dans l’Ouest nigérien ont causé la
migration de plusieurs éleveurs obligés de se déplacer avec leur bétail à la recherche de pâturage
de secours Boutrais (2007). Cependant, la forte recrudescence des dérèglements climatiques
observée à partir de la fin des années 1960 laisse de nombreux observateurs penser que les
impacts des changements climatiques vont probablement jouer un rôle de catalyseur sur les
migrations. Toutefois, il s’agit de migrations internes soit vers les grandes villes à la recherche
d’une vie meilleure, soit vers d’autres zones rurales plus sûres et susceptibles de subvenir à
leurs besoins quotidiens (OIM, 2009). Hermann et Hutchinson (2005) montrent que la
désertification dans le Sahel constitue un problème majeur liée au changement climatique qui
a fortement marqué les relations complexes entre le climat et la migration.

Des études menées en Afrique par certains auteurs (McLeman et Smit, 2006) présentent la
migration comme une des stratégies d’adaptation au changement climatique. Le changement
climatique a ainsi obligé les populations des régions nord du Sahel a migré vers celles du sud
et les pays côtiers (Findley, 1994 et Piguet, 2008). Au Burkina Faso, Henry et al. (2004)
montrent que la dégradation des terres, conséquences des changements environnementaux
aurait plus d’influence sur le comportement migratoire que les évènements climatiques
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épisodiques. Cependant, les migrations se sont complexifiées ces quarante dernières années et
touchent davantage de population dans la région (PNUE, 2011). De nombreux travaux (Adam,
1977 et Tandian, 2003) ont signalé l’impact du facteur environnemental, la sécheresse des
années 1960-1970, sur les rendements agricoles et sur les activités pastorales dans la vallée du
fleuve Sénégal comme conséquences non seulement de l’exode rural, mais aussi de la migration
internationale vers d’autres pays africains et vers l’Europe. Condé et Diagne (1986) qui
abondent dans le même sens ont montré que la migration dans cette zone trouvait son
explication, en grande partie, dans les facteurs environnementaux comme la raréfaction de l’eau
et le déficit alimentaire.

Enda (1987) a réalisé des travaux dans la région de la vallée du fleuve Sénégal qui lui ont
permis d’identifier la désertification et l’irrégularité des pluies qui combinées à une croissance
exponentielle de la population comme causes de l’exode rural. A partir des années 1970, des
milliers de paysans ont quitté le Saloum pour aller s’installer dans les nouvelles terres du
Fouladou, en général, et dans la forêt de Pata, en particulier Sidibé (2005). En dehors de ces
travaux, l’étude de Sall et al. (2011) est, à notre connaissance, l’une des rares à avoir analysé
de façon systématique les liens entre migrations et changements environnementaux/climatiques
au Sénégal, travaux qui d’ailleurs confirment l’impact des modifications
environnementales/climatiques sur les migrations dans les zones étudiées, mais précisent
qu’elles ne sont les seules causes. Par ailleurs, ils les considèrent comme une stratégie
d’adaptation pour ces populations.

3. Méthodologie
La revue de littérature ci-dessus, nous a fourni des éléments nécessaires pour présenter le
cadre théorique d’analyse de la migration dans les pays du Sahel.

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Source : PNUE, 2011

3.1. Zone d’étude


Le Sahel, qui étymologiquement signifie rivage ou lisière est la zone de transition située
entre le Sahara et le Soudan (Boureima, 1988). Pour cette étude, la région du Sahel désigne la
zone limitée par les latitudes 12°N et 20°N qui présente une saison des pluies annuelles et de
fortes précipitations concentrées sur le mois d’août. Elle couvre tout ou une partie de douze
(12) pays allant de l’Océan atlantique à la Mer rouge dont la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie,
le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria, le Tchad, le Soudan, l’Éthiopie, l’Érythrée et le
Djibouti.

Le Sahel a depuis toujours soumis à une forte variabilité du climat dont les causes sont à la
fois naturelles et anthropiques. Cette forte variabilité climatique observée dans la région est
devenue un des enjeux du XXIè siècle. Ainsi, certains auteurs (Jouzel, 2010; Kergomard, 2012)
attribuent le changement climatique à une variation naturelle du climat alors que d’autres
(Roudier et al., 2011 ; GIEC, 2014), la plupart des scientifiques, privilégient l’influence des
émissions de gaz à effet de serre dans ce processus de réchauffement mondial.

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Figure : Présentation de la zone d’étude

3.2. Méthode d’analyse


3.1. Modèle théorique
Dans la littérature économique, les débats sur la relation changement climatique et migration
ont longtemps été confrontés à un défi méthodologique (Bilsborrow, 2009 et Piguet, 2010b).
Ceci s’explique d’abord par le fait que les données relatives à l'environnement et à la migration
sont difficiles à combiner en raison de leurs différences en ce qui concerne leurs sources, leurs
échelles de mesures et leurs périodes d’observation. Et enfin, par le fait que les chercheurs
proviennent d’horizons disciplinaires différents et donc chacun possède des outils d’analyse
différents qui ne leur permettent pas de travailler ensemble.

Malgré les difficultés à trouver une méthodologie adaptée à la relation changement


climatique et migration, les chercheurs ont réussi à dégager deux principales orientations
méthodologiques (Piguet et al., 2010). La première basée sur l’analyse descriptive et
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prospective détermine d’abord les régions et populations affectées par la dégradation de
l’environnement et après évalue la vulnérabilité et la résilience de ces populations ce qui permet
de faire des projections sur d'éventuelles migrations. Quant à la seconde, plus analytique,
détermine l’importance de l'environnement parmi les autres facteurs déterminants de la
migration. L'objectif n’est pas seulement de connaître le poids des facteurs environnementaux
sur la migration mais également de pouvoir tirer des enseignements.

En dépit de donner des résultats fascinants, les méthodologies quantitatives, qualitatives ou


mixtes demande quelques préalables. D’abord, il est important de considérer les caractéristiques
objectives des dégradations environnementales et enfin la perception et la représentation que
les populations se font de ces évolutions ainsi que leurs conséquences potentielles en termes de
migration. Néanmoins, pour Mortreux et Barnett (2009) l'impact des facteurs
environnementaux sur la migration devrait être complétée par l’étude des perceptions
socioculturelles et des représentations de ces menaces par les populations concernées ; une
évolution préconisée dans le cadre des études sur le changement climatique (Hulme, 2008).

En nous basant sur la revue de littérature fournit sur la question entre le lien entre les
changements climatiques et la migration, nous pouvons déduire le modèle théorique d’analyse
suivant :

n m
Y     i X i   j Z j (1)
i 1 j 1

Avec Y représentant la migration, X i les facteurs liés au climat et Z j les facteurs non

climatiques.

3.2. Modèle empirique


Les travaux du PNUE (2011) l’ont amené à établir que la migration est le résultat combiné
des facteurs du changement climatique tels que la température, les précipitations, les
sécheresses, les inondations, l’élévation du niveau de la mer et des facteurs non climatiques qui
peuvent être économiques, sociaux, politiques, liés aux pressions démographiques et à la
dégradation des sols.

Cependant, Myers (2011) et Piguet (2011) ont quant à eux montré que les migrations sont le
résultat des causes relevant de facteurs à la fois environnementaux, politiques et socio-

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économiques. Au Burkina Faso, Henry et al. (2004) montrent que la dégradation des terres,
conséquences des changements environnementaux aurait plus d’influence sur le comportement
migratoire que les évènements climatiques épisodiques.

En nous basant les travaux de (Henry et al., 2004 ; Myers, 2011 ; Piguet, 2011 et PNUE,
2011), nous pouvons dans le cadre de notre étude écrire le modèle empirique pour déterminer
les facteurs qui influencent la migration dans les pays du sahel sous la forme suivante :

Mig (it )   i  1Plu(it )   2TAM (it )   1Sp(it )   2 Pd (it )   (it ) (2)

Où t est la dimension temporelle allant de 1995 à 2016, i est la dimension individuelle (i=12),
 i représente les effets spécifiques inobservés des pays et  (it ) est un terme d'erreur censé
être normalement distribué avec une moyenne nulle et une variance constante.
Tableau 1 : Présentation des variables explicatives avec le signe attendu.
Variables explicatives Définition Signe attendus
Plu Pluviométrie +
TAM Température annuelle moyenne +
Sp Stabilité politique +/-
Pd Pressions démographiques +
Source : Réalisation de l’auteur

3.3. Données de l’étude


Dans le cadre de cette étude, les données secondaires de la base de données de la banque
mondiale, du site de Climat/Afrique et des nations unies seront utilisées à cause des contraintes
de logistique, de ressources financières et du fait qu’ils disposent d’une base de données assez
fiable et complète.
Les données concernant les variables explicatives dans le cadre de cette étude ont été
obtenues de la manière suivante :
- Les données concernant la pluviométrie (Plu) et la température annuelle moyenne
(TAM) proviennent du site de Climat/Afrique.
- Les données concernant la stabilité politique (Sp) et les pressions démographiques (Pd)
proviennent toutes deux de la base de la Banque Mondiale basées sur les indicateurs de
gouvernance (WGI, 2016) pour la stabilité politique et sur les indicateurs de
développement (WDI, 2016) pour les pressions démographiques
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Quant à la variable expliquée ; la migration (Mig), nous avons utilisé les données de la base
de données des nations unies (UN, 2017) basées sur le stock de migrants avec leur origine et
leur destination. A l’aide de cette base, nous avons constitué notre base de migrants internes
dans la zone considérée de l’étude. La Mauritanie a été sortie de l’échantillon faute de données
sur la température.

4. Résultats et discussion
4.1. Statistiques descriptives
Nous présentons dans le tableau 2 ci-après les statistiques descriptives des données qui sont
utilisées pour la régression. Ces données sont en logarithme sauf pour la stabilité politique et la
température annuelle moyenne. La migration moyenne sur l’ensemble de l’échantillon est
10.92. La variance intra-individuelle (within) est égale 0.21 alors que celle inter-individuelle
(between) est de 3.22. Ensuite, en ce qui concerne la pluviométrie, la moyenne sur l’ensemble
de l’échantillon est 16.11. La variance intra-individuelle est égale 0.037 alors que celle inter-
individuelle est de 1.34. Quant à la température, la moyenne sur l’ensemble de l’échantillon est
de 26.49. La variance intra-individuelle est égale 0.11 alors que celle inter-individuelle est de
13.63. La stabilité politique moyenne sur l’échantillon est de -0.79. La variance intra-
individuelle est égale 0.21 alors que celle inter-individuelle est de 0.57. Enfin, la pression
démographique moyenne dans la zone d’étude est de 16.15. La variance intra-individuelle est
égale 0.037 alors que celle inter-individuelle est de 2.13. Il résulte de cette analyse que pour
toutes les variables considérées dans le cadre de l’étude que la dimension individuelle est plus
importante que la dimension temporelle.
Tableau 2 : Diversité des variables
Variables Moyenne Ecart-type Variance between Variance within
Mig 10.92 1.77 3.22 0.21
Plu 16.11 1.47 1.34 0.037
TAM 26.49 3.54 13.63 0.11
Sp -0.79 0.86 0.57 0.21
Pd 16.15 1.46 2.13 0.037
Source : Réalisation de l’auteur

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4.2. Etude de stationnarité
Le point de départ de notre analyse empirique est le test de racine unitaire de Fisher-type
appliqué aux variables introduites dans le modèle. En effet, l’application du test de Fisher-type
ne requiert pas d’avoir, obligatoirement un panel cylindré. Cependant, son inconvénient réside
dans le fait que les p-values sont générées par des simulations de Monte Carlo. Nous l’avons
choisi pour étudier le caractère stationnaire ou non de nos variables car notre base de données
contient des données manquantes sur une certaine période donnée.
Nos tests (Tableau 2) montrent que dans les pays du Sahel, l’hypothèse nulle de racine
unitaire est rejetée en niveau pour toutes les variables pour le test de racine unitaire de Fisher-
type. On conclut donc que les variables qui seront utilisées dans la régression sont toutes
stationnaires en niveau dans les pays du Sahel.
Tableau 2 : Etude de stationnarité
Fisher-type
Variables Méthodes Ordre
Stat proba

Mig ADF-Fisher Chi Square 95.94*** 0.0000 [0]

Plu ADF-Fisher Chi Square 103.11*** 0.0000 [0]

TAM ADF-Fisher Chi Square 141.16*** 0.0000 [0]


Sp ADF-Fisher Chi Square 31.36* 0.0890 [0]
Pd ADF-Fisher Chi Square 106.49*** 0.0000 [0]
(***), (**) et (*) indiquent la significativité au seuil statistique de 1%, 5% et 10% respectivement
Source : Réalisation de l’auteur

4.4. Présentation et discussion des résultats


Les résultats de l'analyse de régression traitant des facteurs influençant la migration dans la
zone d’étude sont rapportés dans le tableau 3. Dans le cadre de cette étude, le test de
spécification de Hausman (1978) ne sera pas nécessaire pour choisir le modèle approprié. En
effet, les données sur la migration ne prennent qu’en compte seulement les déplacements entre
les pays du Sahel et négligent celles internes dans chaque pays. Donc, il ne sera pas intéressant
de voir l’effet par pays. Par conséquent, nous retenons le modèle à effets aléatoires. Les résultats
du modèle à effets aléatoires sont :

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Tableau 3 : Résultats de la régression du modèle à effets aléatoires
Variables Coefficients Erreur-type Prob
lnPlu -2.945732*** 0.9609986 0.002
TAM 0.1409879* 0.0799001 0.078
Sp 0.0263684 0.0659784 0.689
lnPd 3.986865*** .9807298 0.000
Constante -3.899517 1.077905 0.000
sigma_u 1.7099901 Nombre d’obs = 216 R2 within = 0.2364
sigma_e 0.38762593 Nombre de groupes = 11 R2 between = 0.3438
rho 0.95112615
Wald chi2(4) = 56.5 Prob > chi2 = 0.0000
(***), (**) et (*) indiquent la significativité au seuil statistique de 1%, 5% et 10% respectivement

Les résultats d’estimation sur le modèle à effets aléatoires montrent que les coefficients
associés à la pluviométrie et aux pressions démographiques sont statistiquement significatifs
(p-value respective < 5%) alors que la variable température annuelle moyenne est significatif à
10%. Toutefois l’effet des variables explicatives sur la migration ne sont pas identiques. La
variable température annuelle moyenne et pressions démographiques influencent positivement
la migration tandis que la pluviométrie l’influence négativement. Donc une augmentation
respective de 1% de la température annuelle moyenne et des pressions démographiques
augmentent respectivement la migration de 0.14% et de 3.98%. Par contre une augmentation
de la pluviométrie de 1% entraîne une diminution de 2.94% de la migration.
Il résulte de cette analyse que les facteurs climatiques (pluviométrie et température) choisis
dans le cadre de cette étude sont bel et bien la cause du déplacement des populations dans la
zone du Sahel. Donc, il existe une relation entre le changement climatique et la migration. Ce
résultat confirme les théories avancées par certains auteurs et institutions internationales (Henry
et al., 2004 ; OIM, 2009 ; Myers, 2011 ; Piguet, 2011 et PNUE, 2011) comme le changement
climatique est une des causes de la migration.

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5. Conclusion
La migration est présentée depuis quelques décennies comme un problème mondial qui
affectera plus les pays les plus vulnérables au changement climatique. Mais certains auteurs et
institutions internationales (Henry et al., 2004 ; OIM, 2009 ; Myers, 2011 ; Piguet, 2011 et
PNUE, 2011) pensent que le changement climatique n’est pas la seule cause de la migration
des populations. Cette étude vise à combler ce gap et pour ce fait à choisir comme zone d’étude
les pays du sahel : le Sénégal, la Gambie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria, le
Tchad, le Soudan, l’Éthiopie, l’Érythrée et le Djibouti.
A la lumière des résultats, le changement climatique est bel et une des causes de la migration
des populations dans la zone du Sahel. Cependant, d’autres facteurs non liés au climat comme
les pressions démographiques constituent également des causes qui influencent les
déplacements des populations dans la zone du Sahel. Il urge alors d’anticiper les scénarios liés
aux dérèglements climatiques afin de limiter ses effets néfastes sur les populations.

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6. Références bibliographiques
Adams Adrian (1977). Le long voyage des gens du fleuve, Paris, François Maspero, 222 p.

Barnett, J. and M. Webber (2009). Accommodating migration to promote adaptation to climate


change. Stockholm, Commission on Climate Change and Development.
Bilsborrow, R. E. (2009). Collecting data on the migration-environment nexus. Migration,
Environment and Climate Change : Assessing the Evidence F. Laczko and C. Aghazarm.
Geneva, International Organization for Migration (IOM) : 115-196.
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