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net/publication/303371633
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Yoann Joliff
Université de Toulon
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THEMATIC SESSION DURABILITY AND AGEING OF COMPOSITE MATERIALS AND STRUCTURES View project
All content following this page was uploaded by Yoann Joliff on 20 May 2016.
Dr Yoann JOLIFF
Sous la direction de :
Jury :
Je tiens tout particulièrement à remercier Lénaïk et Emmanuel, sans qui ce travail n’aurait
pas été possible. Nos nombreuses collaborations ont été un réel plaisir pour moi tant
intellectuellement qu’humainement.
iii
iv
Abréviations et symboles
A
ACV : Analyse du Cycle de Vie
C
CAO : Conception Assistée par Ordinateur
Cp : Chaleur spécifique
D
D : Coefficient de diffusion
E
e : Epaisseur
E : Module d’Young
: Déformation
v
F
FBE : Fusion Bonded Epoxy
G
GC : Génie Civil
GEMH : Groupe d’Etude des Matériaux Hétérogènes (EA 3178) – ENSCI - Université de Limoges
H
h : Coefficient d’échange convectif
I
IM2NP : Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Provence - UMR CNRS 7334 -
Universités d'Aix-Marseille et de Toulon
L
LG2M : Laboratoire de Génie Mécanique et Matériaux de l’Université de Bretagne Sud
LMSP : Laboratoire de Mécanique des Systèmes et des Procédés, UMR 8106, ENSAM Paris-
Polytech’Orléans
: Conductivité thermique
M
MAPIEM : Laboratoire Matériaux Polymères Interfaces Environnement Marin (EA 4323) de
l’Université de Toulon
ME : Mécanique et Energétique
vi
MFC : MicroFibrilles de Cellulose
Ms : Masse à saturation
N
NaOH : Hydroxyde de sodium
: Coefficient de Poisson
P
PE : Polyéthylène
PP : Polypropylène
R
RDM : Résistance des Matériaux
RX : Rayons X
: Masse volumique
S
: Contrainte
T
T : Température
TD : Travaux Dirigés
vii
TP : Travaux Pratiques
Ts : Température de ramollissement
U
u : Déplacement
UV : Ultraviolet
V
V : Volume
VH : Vieillissement Humide
W
W : Energie
WLF : Williams–Landel–Ferry
viii
Sommaire
ix
1.2 Etude expérimentale et numérique du comportement thermomécanique de matériaux
modèles ............................................................................................................................................. 19
1.3 Couplage des simulations thermochimique/thermomécanique appliquées au cas des
poches de coulée sidérurgique ......................................................................................................... 21
1.4 Travaux de Recherche actuels ............................................................................................... 22
2 Calcul des contraintes internes développé dans les revêtements polymère – application
au cas de pipelines tricouches.................................................................................................. 23
2.1 Contexte de l’étude ............................................................................................................... 23
2.2 Origines possibles des contraintes internes .......................................................................... 27
2.2.1 Contraintes internes d’origine chimique ....................................................................... 28
2.2.2 Contraintes internes d’origine thermique ..................................................................... 29
2.2.3 Contraintes internes d’origine hygroscopique .............................................................. 30
2.2.4 Bilan des contraintes potentielles appliqué au cas du pipeline revêtu......................... 32
2.3 Contraintes internes et perte d’adhérence ........................................................................... 33
2.4 Approche expérimentale, analytique et/ou numérique ....................................................... 34
2.4.1 Méthodes expérimentales pour quantifier les contraintes .......................................... 34
2.4.2 Méthodes analytiques pour quantifier les contraintes ................................................. 35
2.4.3 Méthodes numériques pour quantifier les contraintes ................................................ 37
2.5 Contrainte générée lors de la mise en œuvre ....................................................................... 41
2.5.1 Mise en œuvre du revêtement de pipeline................................................................... 41
2.5.2 Validation des modèles élastique, élastoplastique et viscoélastique ........................... 43
2.5.3 Calcul des contraintes à partir des modèles élastique, élastoplastique et viscoélastique
45
2.5.4 Evolution des contraintes résiduelles lors du stockage ................................................ 47
2.5.5 Evolution des contraintes résiduelles en service dans le cas du transport de gaz ....... 48
2.6 Bilan et Perspectives ............................................................................................................. 51
3 Durabilité des composites en milieu humide ................................................................... 52
3.1 Contexte de l’étude ............................................................................................................... 52
3.2 Composite et notion d’interphase : volet expérimental ....................................................... 54
3.2.1 Caractérisation de l’interphase sous sollicitation mécanique ....................................... 54
3.2.2 Caractérisation de l’interphase sous sollicitation thermique ....................................... 56
3.2.3 Caractérisation du vieillissement hygrothermique ....................................................... 57
3.3 Composite et notion d’interphase : volet numérique........................................................... 58
3.3.1 Validation du modèle numérique de prise en eau sur la résine ................................... 60
3.3.2 Choix de la géométrie : distribution des fibres ............................................................. 60
x
3.3.3 Première approche : modélisation de la diffusion ........................................................ 61
3.3.4 Seconde approche : modélisation de la diffusion ......................................................... 63
3.4 Couplage diffusion/contrainte .............................................................................................. 65
3.4.1 Première approche : sans interphase............................................................................ 65
3.5 Bilan et perspectives ............................................................................................................. 67
xi
xii
Introduction générale
Ce mémoire d’habilitation à diriger des recherches retrace mon parcours scientifique depuis
mon doctorat à l’Université de Limoges jusqu’à ma fonction actuelle de Maître de
Conférences à l’Université de Toulon au sein du laboratoire MAPIEM. Mes activités de
recherche développées depuis mon arrivée au MAPIEM sont le résultat de travaux
pluridisciplinaires et collaboratifs.
Le second point important dans mes activités est sans nul doute le travail collaboratif entre
différentes disciplines qui accompagne quasiment toutes mes expériences de recherche
depuis le commencement.
Dans une seconde partie, mes principales activités de recherche réalisées depuis ma prise de
fonction de Maître de Conférences sont résumées en 2 sous-parties : une première destinée
à l’apport de la modélisation pour le suivi des contraintes appliquées dans le cas de pipelines
et une seconde focalisée sur l’apport de la modélisation dans le suivi du vieillissement
hydrique dans un composite.
Le projet de recherche que je souhaite développer dans la suite porte sur l’étude des
phénomènes de vieillissement en milieu humide de composites d’origine végétale. Le
développement de nouveaux modèles numériques capables de prédire les comportements
dans ces milieux extrêmes occupe une place importante de ce projet.
1
2
Chapitre 1 Curriculum vitae
L’objectif de ce chapitre est de donner au lecteur un aperçu « rapide » de ma
formation académique et de mes activités d’enseignant et de chercheur.
3
4
1 Etat civil
Yoann JOLIFF
Né le 23 octobre 1977 à Ploemeur (56)
Maître de Conférences
Situation : Marié, 1 enfant CNU : 60ième section
Laboratoire d’accueil
Laboratoire Matériaux Polymères Interface Environnement Marin (MAPIEM EA 4323)
SeaTech Ecole d'Ingénieurs, Bât X, Université de Toulon, BP 20132, 83957 La Garde Cedex
Tél : 04 94 14 29 74 Fax : 04 94 14 24 48 Email : yoann.joliff@univ-tln.fr
2 Domaines de compétences
3 Diplômes
5
4 Fonctions d’administration et autres responsabilités collectives
5 Activités pédagogiques
5.1.1 Post-doctorant
2008 Melle Marie-Barbara HEMAN, sujet intitulé : Développement d’un modèle
numérique du vieillissement hydrique de matériaux composites à matrice
époxy et fibres de verre. Directeur : Pr Jean-François CHAILAN, Financement :
Université de Toulon.
5.1.2 ATER
2011-2012 Melle Céline MARTIAS, sujet intitulé : Modélisation de matériaux à matrice
inorganique multiphasés appliquée à la tenue mécanique et thermique.
6
5.1.3 Etudiants en thèse
2011-2014 Melle Sonia ABIDI, sujet intitulé : Matériaux composites à haute tenue
thermique : influence de la micro-nanostructure sur les propriétés
mécaniques, électroniques et thermiques. Directeur : MCF-HDR Claude
FAVOTTO, Financement : Extha (CIFRE).
2006-2009 Melle Elise LEGGHE, sujet intitulé : Etude des paramètres et des mécanismes
conditionnant l'adhérence entre un primaire époxy et un substrat acier : Cas
des revêtements tricouches de pipelines. Directeur : Pr André MARGAILLAN,
Financement : TOTAL (CIFRE).
7
en TD, TP et projet.
Projets industriels
Tableau 1 : Volume horaire (équivalent TD) réalisé annuellement depuis ma prise de fonction de MCF
8
6 Activités de recherche
7
Nombre de publications (articles et congrès)
Articles
6
Congrès internationaux
Congrès nationaux
5
0
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Années
Figure 1 : Nombre d’articles scientifiques et de congrès réalisés annuellement depuis ma prise de fonction de
MCF
9
8
7
6
Nombre d'articles
5
4
3
2
1
0
10
A5. M.R. Tchoquessi, L. Belec, , E. Aragon, Y. Joliff, L. Lanarde, F.X Perrin, Silane coupling
agent for attaching fusion bonded epoxy to steel, ACS Applied Materials & Interface,
Volume 5, 2013, p. 6751–6761.
A6. M.R. Tchoquessi, L. Belec, F.X Perrin, E. Aragon, M. Bonnaudet, L. Lanarde, M. Meyer,
Y. Joliff, Numerical modelling of pipe internal stresses induced during the coating process -
Influence of pipe geometric characteristics on stress state, Materials and Design, Volume 52,
2013, p. 429-440.
A7. M. Tchoquessi, E. Aragon, L. Belec Y. Joliff, F.X. Perrin, L. Lanarde, M. Meyer, M.
Phelippon, Influence of silane-based treatment on adherence and wet durability of fusion
bonded epoxy/steel joints, Progress in Organic Coatings, Volume 76, 2013, p. 1765-1772.
A8. C. Martias, Y. Joliff, B. Nait-Ali, J. Rogez, C. Favotto, A new composite based on
gypsum matrix and mineral additives: Hydration process of the matrix and thermal
properties at room temperature, Thermochimica Acta, Volume 567, 2013, p. 15-26.
A9. Y. Joliff, L. Belec, J.F. Chailan, Modified water diffusion kinetics in an unidirectional
glass/fibre composite due to the interphase area: Experimental, analytical and numerical
approach, Composite Structures, Volume 97, 2013, p. 296-303.
A10. Y. Joliff, L. Belec, E. Aragon, Influence of the thickness of pipeline coating on internal
stresses during the manufacturing process by finite element analysis, Computational
Materials Science, 2013, Volume 68, 2013, p. 342-349.
A11. Y. Joliff, L. Belec, M.B. Heman, J.F. Chailan, Experimental, analytical and numerical
study of water diffusion in unidirectional composite materials - Interphase impact,
Computational Materials Science, 2012, Volume 64, 2013, p. 141-145.
A12. Y. Joliff, L. Belec, J.F. Chailan, Finite Element Analysis of the Material’s Area Affected
during a Micro Thermal Analysis Applied to Homogeneous Materials, Journal of Surface
Engineered Materials and Advanced Technology, Volume 1, 2011, p. 1 - 8.
A13. E. Legghe, Y. Joliff, L. Belec, E. Aragon, Computational analysis of a three-layer
pipeline coating: Internal stresses generated during the manufacturing process,
Computational Materials Science, 2010, Volume 50 (4), 2011, p. 1533-1542.
A14. E. Legghe, Y. Joliff, L. Belec, E. Aragon, A. Margaillan, Computational analysis of
internal stresses generated during the manufacturing process of a monolayer or three-layer
pipeline coating, Computational Materials Science, 2010, Volume 48 (2), 2010, p. 360-365.
11
A15. Y. Joliff, J. Absi, M. Huger and J.C. Glandus, Experimental and numerical study of the
elastic modulus vs temperature of debonded model materials, Computational Materials
Science, Volume 44, 2008, p. 826-831.
A16. Y. Joliff, J. Absi, M. Huger and J.C. Glandus, Microcracks with unexpected
characteristics induced by CTE mismatch in two-phase model materials, Journal of Materials
Science, Volume 43, 2008, p. 330-337.
A17. Y. Joliff, J. Absi, M. Huger and J.C. Glandus, Experimental and numerical study of the
room temperature elastic modulus of model materials with partly bonded matrix/particles
interfaces, Computational Materials Science, Volume 39, Issue 2, April 2007, p. 267-273.
A18. Y. Joliff, J. Absi, J.C. Glandus, M. Huger and N. Tessier-Doyen, Experimental and
numerical study of the thermomechanical behaviour of refractory model materials, Journal
of the European Ceramic Society, Volume 27, Issues 2-3, 2007, p. 1513-1520.
6.1.3 Brevet
B1. Dépôt en cours par l’Université de Toulon « Dispositif d’essai couplant le
vieillissement hygrothermique et le cisaillement mécanique ». Inventeur : E. Aragon, L.
Belec, Y. Joliff, F.X. Perrin, M. Tchoquessi.
12
models, European Corrosion Congress (EUROCORR 2013), Estoril, Portugal, 1-5 September
2013 (Communication par affiche).
C4. S. Abidi, C. Martias, J. Rogez, Y. Joliff, B. Nait-Ali, C. Favotto, Elaboration and
characterization of composite materials for structures with high thermal holding, 13th
Conference of the European Ceramic Society, Limoges, France, June 23-27, 2013
(Communication orale).
C5. Y. Joliff, L. Belec, J.F. Chailan, Influence of epoxy/glass fibres interface on water
diffusion kinetics: experimental and numerical approach, 17th International Conference on
Composite Structures (ICCS17), Faculty of Engineering of the University of Porto (FEUP),
Portugal, 17-21 June 2013 (Communication orale).
C6. M. Tchoquessi, E. Aragon, L. Belec, Y. Joliff, F.X. Perrin, Influence of silane-based
treatment on adherence and wet durability of fusion bonded epoxy/steel joints, 9th
Coatings Science International (COSI 2013), Noordwijk, Netherlands, 24-28 June 2013
(Communication orale).
C7. C. Martias, Y. Joliff, B. Nait-Ali, J. Rogez, C. Favotto, Thermophysical properties of
plasterboards at room temperature, Calorimetry and Thermal Effects in Catalysis
(CTEC2012), Lyon, France, 26-29 juin 2012 (Communication orale).
C8. Y. Joliff, L. Belec, J.F. Chailan, Water diffusion in composite materials - Interfacial
phenomena: Experimental, analytical and numerical approach, 15th European Conference
on Composite Materials (ECCM15), Venice, Italia, 24-28 June 2012 (Communication orale).
C9. Y. Joliff, L. Belec, J.F. Chailan, Multiscale analysis of water diffusion in unidirectional
composite materials – interphases impact: experimental, analytical and numerical approach,
International Conference on Mechanics of Nano, Micro and Macro Composite Structures
(ICMNMCS), Politecnico di Torino, Italia, 18-20 June 2012 (Communication orale).
C10. L. Belec, J.F. Chailan, M.B. Heman, Y. Joliff, Experimental, analytical and numerical
study of water diffusion in composite materials – Interfacial phenomena, 21st International
Workshop on Computational Mechanics of Materials (IWCMM 21), Limerick, Ireland, 21-24
August 2011 (Communication orale).
C11. E. Aragon, L. Belec, Y. Joliff, E. Legghe, Durabilité des revêtements épais
multicouches : contraintes internes, 5ième Journées d’Aix - Cefracor, Aix-en-provence, 21-
23 juin 2011 (Communication orale).
13
C12. Y. Joliff, J.-C. Glandus, J. Absi, M. Huger, N. Tessier-Doyen, Experimental and
numerical study of the thermomechanical behaviour of refractory model materials, IX
Conference & Exhibition of the European Ceramic Society, Portorož, Slovenia, June 19-23,
2005 (Communication orale).
14
T4. E. Legghe, Etude des paramètres et des mécanismes conditionnant l'adhérence entre
un primaire époxy et un substrat acier : Cas des revêtements tricouches de pipelines, Thèse
de doctorat, Université de Toulon, 2009.
T5. Y. Joliff, Etude expérimentale et numérique des propriétés d'élasticité de matériaux
modèles hétérogènes, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2006.
8 Collaborations
Académiques :
Institut Charles Gerhardt de Montpellier (UMR CNRS 5253) ;
Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Provence (UMR CNRS 7334 -
Universités d'Aix-Marseille et de Toulon), Toulon ;
Groupe d'Etude des Matériaux Hétérogènes (EA 3178 – GEMH-ENSCI), Limoges ;
Ecole Nationale d’Ingénieur de Sfax, Tunisie.
Industrielles :
• TOTAL ;
• GDF-SUEZ ;
• GRT-Gaz ;
• EXTHA.
15
9 Informations complémentaires
Langues Anglais / Espagnol.
16
Chapitre 2 Activités de recherche
Ce chapitre traite des deux principales activités de recherche effectuées depuis
ma prise de fonction en tant que MCF au laboratoire MAPIEM (EA 4323) avec
un point commun qui est l’utilisation d’outils de simulation pour comprendre et
prévoir les comportements des matériaux et des structures au cours de temps.
17
18
1 Préambule
Les réfractaires sont des matériaux multiphasés (présence d’agrégats, de phases liantes, de
porosité, de fissures et/ou de décohésions) dont le comportement thermomécanique
dépend fortement de l’état microstructural. Dans l’industrie, ces produits sont soumis à des
conditions d’utilisation sévères et les critères de choix sont souvent basés sur leur aptitude à
résister aux chocs thermiques. Il est donc important de pouvoir prédire leur comportement
thermomécanique en tenant compte des propriétés de leurs constituants et de leurs
19
microstructures. Cette étude s’inscrit dans la thématique réfractaire développée au GEMH.
Le travail s’articule autour de trois approches complémentaires : élaboration, caractérisation
et modélisation numérique.
3. Modélisation numérique
L’application de la simulation numérique aux différentes étapes du procédé d’élaboration a
permis de trouver l’origine des fissures inattendues. Les fissures médianes proviennent de
l’hétérogénéité de compaction lors du pressage de la pièce crue, alors que les fissures
circonférentielles sont issues de la présence de la décohésion.
Une part importante de ce travail a été consacrée à la recherche d’outils de contact
disponibles dans le code Eléments Finis AbaqusTM et permettant de traduire le
comportement aux interfaces. Un inventaire exhaustif (au moment de l’étude) des différents
contacts a été réalisé et des tests ont permis de retenir les plus pertinents pour traiter le
sujet.
Afin d’obtenir des résultats fiables dans la prédiction du comportement élastique de ces
matériaux, des modèles numériques proches des matériaux modèles réels ont été
20
développés : représentation en 3D, multi-inclusions, répartition aléatoire des inclusions. La
prise en compte de la décohésion dans ces modèles a permis d’obtenir, à température
ambiante, une bonne cohérence entre les valeurs expérimentales et numériques du module
d’Young. Une attention toute particulière a été apportée à la mise en œuvre de modèles
numériques basés sur des outils de contact performants (Debond) afin d’étudier l’évolution
du module d’Young en fonction de la température. Les résultats numériques du
refroidissement des échantillons sont en bon accord avec les mesures expérimentales depuis
les hautes températures jusqu’à la température ambiante. Cette étude a également permis
d’étudier la montée en température et une boucle d’hystérésis a ainsi été observée par la
simulation sur l’ensemble du cycle thermique.
Dans le cadre de mes fonctions d’ATER, j’étais rattaché au LMSP où j’ai effectué mes
activités de recherche dans la thématique « Réfractaire ». L’étude portait sur les poches de
coulée utilisées en sidérurgie. Ces structures subissent des agressions thermomécaniques
(chocs thermiques) et thermochimiques (corrosion des poches par les laitiers sidérurgiques).
Au moment de cette étude, les simulations numériques des agressions thermomécaniques
d’une part et thermochimiques d’autre part étaient bien maîtrisées. Par ce travail il a été
proposé d’approfondir les travaux précédents en réalisant une passerelle capable de coupler
les simulations thermomécanique et thermochimique. Des premiers couplages effectués
manuellement avaient déjà été réalisés et des résultats prometteurs avaient été obtenus,
21
validant la faisabilité de ce projet. Ma contribution à cette thématique du LMSP portait sur
l’écriture de la passerelle de couplage entre les résultats issus des simulations
thermochimiques et les résultats des simulations thermomécaniques réalisées dans le code
AbaqusTM. Pour cela, l’écriture de subroutines ont été réalisées afin de transférer les
résultats d’une simulation à l’autre et vice versa.
Depuis mon recrutement en septembre 2007 à l’Université de Toulon, j’exerce mes activités
de recherche au laboratoire MAPIEM dans l’axe 3 intitulé : Interphases Contrôlées et
Durabilité dans les Matériaux Hétérogènes.
L’activité principale de cet axe porte sur l’étude de la durabilité des matériaux hétérogènes
évoluant en environnements agressifs. Les familles de matériaux considérés sont des
revêtements de type polymères et des composites à matrice organique. Les environnements
agressifs sont essentiellement les milieux humides et marins. Le travail réalisé depuis de
nombreuses années au laboratoire permet d’identifier les mécanismes de dégradation de
ces systèmes, mais également d’acquérir une bonne connaissance des interfaces et/ou des
interphases qu’ils comportent. Ces zones jouent bien souvent les premiers rôles dans la
dégradation des propriétés des matériaux puis dans leur ruine. Ces compétences et cette
expertise reposent sur une maîtrise des techniques expérimentales acquise depuis la
création du laboratoire. Avec mon recrutement, le laboratoire souhaitait créer une nouvelle
compétence basée sur la simulation numérique.
Actuellement, je développe des modèles numériques, basés sur la méthode des éléments
finis, pour l’étude des revêtements polymères et des composites. Mon activité de recherche
peut se résumer sous deux thèmes principaux :
22
Bien plus que de reproduire les résultats expérimentaux, les modèles numériques
développés apportent également des informations complémentaires ou manquantes
(comme l’état des contraintes dans un système ou une propriété d’interphase par exemple)
qui paraissent difficiles à obtenir expérimentalement.
C’est dans ce contexte, que j’ai souhaité faire un bilan sur l’apport de la modélisation
numérique dans la compréhension et l’amélioration de la durabilité des matériaux
hétérogènes. Ce chapitre est articulé en deux parties :
Les résultats décrits dans ces deux parties s’appuient sur les résultats des travaux de
stagiaires, doctorants et post-doctorants que j’ai encadrés ou co-encadrés depuis mon
arrivée au laboratoire en 2007.
23
Jointure Seisme Vannes Seisme Vannes
2% 3% 12% Surpression Jointure 1% Par un tiers
1% 1% 8%
Surpression 10%
2% Par un tiers Construction
Construction 21% 4%
5% Soudure
Soudure 6% Autres
Corrosion
3% 10%
Autres Corrosion interne Corrosion
17% Corrosion
externe 22% interne
externe
13% 49%
10%
Figure 3 : Origines des incidents entre 1990 et 2012 sur le réseau d’Alberta [1]
Pour éviter cette corrosion, une « double » protection est utilisée : une protection passive
avec l’application d’un revêtement protecteur [4–6] et une protection active avec la
protection cathodique [7–10]. Le revêtement joue le rôle de barrière (chimique, mécanique,
électrique…) entre le cylindre en acier et le milieu extérieur. La protection cathodique
consiste à abaisser le potentiel du métal à une valeur suffisamment électronégative pour
empêcher les phénomènes de corrosions [11]. Le travail décrit dans ce chapitre s’intéresse
uniquement aux revêtements de protection.
Pour les canalisations enterrées, deux types de revêtements sont essentiellement utilisés, un
revêtement monocouche (essentiellement destiné au marché américain) et un revêtement
tricouches (marché européen). Le revêtement monocouche se compose d’une unique
couche d’époxy (aussi dénomée FBE pour Fusion Bonded Epoxy) d’une épaisseur maximale
d’environ 600 µm qui recouvre le cylindre en acier (Figure 4.a). Le revêtement tricouches
(Figure 4.b) est constitué d’un primaire époxy, d’un adhésif en polyéthylène (ou
polypropylène) puis d’un polyéthylène (ou polypropylène) :
24
La couche de PE (ou PP) épaisse de 2 à 5 mm joue le rôle de barrières face aux
diffusions des espèces. Il assure également une protection mécanique, thermique,
UV de la canalisation.
Ces deux systèmes sont largement utilisés depuis plus de 20 ans et ont fait leurs preuves, ils
ont tous les deux des avantages et des inconvénients [12] qui justifient leurs utilisations.
Acier
Acier
Topcoat
Polyéthylène ou
Polypropylène
Adhésif (2 - 5 mm)
(150-300 μm)
Cependant, quelques retours d’expérience (REX) sur les pipeline de type « tricouches » dans
différents pays (Inde [13], Amérique du sud [14], Gabon [15], Syrie, France, Pakistan…), ont
mis en évidence la présence d’un décollement massif à l’interface acier/revêtement après
seulement quelques années de fonctionnement. La durée de vie d’un pipeline est
initialement prévue entre 30 et 50 ans. Le revêtement extérieur ne comporte pas de défaut
ou d’endommagement, mais en le découpant à l’aide d’un outil tranchant, il apparaît que le
revêtement est complètement décollé de la surface d’acier. Par ailleurs, la canalisation en
acier ne comporte pas de corrosion sous le revêtement décollé (Figure 5). Le décollement
observé a été attribué à la dégradation de l’interface acier/FBE liée à la diffusion des espèces
(comme l’eau) à travers le revêtement [15]. Ce type de décollement n’a pas été observé sur
les pipelines type « monocouche ». Dès lors, la diffusion seule des espèces à travers le
revêtement ne peut expliquer ce phénomène.
25
Figure 5 : décollement massif sans corrosion de la canalisation métallique au Gabon (photo de droite [15] et
de gauche [17])
Plus récemment, ce type de décollement massif a été observé en France sur plusieurs
pipelines de type « tricouches » en fonctionnement depuis seulement 6 ans. Le prélèvement
du revêtement a permis de mettre en évidence :
Topcoat
FBE Adhésif
Acier
Sans contrainte interne dans le revêtement Avec contrainte interne dans le revêtement
Acier Acier
Figure 6 : Mise en évidence de contraintes internes dans le revêtement décollé
26
Figure 7 : Mise en évidence du gradient des contraintes internes dans le revêtement décollé [16]
En effet, après 24h, l’échantillon prélevé sur le pipeline s’est courbé, comme le montre la
Figure 7, caractérisant un différentiel de contrainte dans l’épaisseur du revêtement. A ce
jour, ce phénomène n’a pas été observé sur les pipelines de type « monocouche ».
Afin de quantifier l’état de contrainte dans un système, Perera [18] propose une relation
( Équation 1) où la contrainte totale du système (Totale) peut se décomposer en une
contrainte d’origine chimique/volumique (V), une seconde d’origine thermique (T) et une
troisième d’origine hygroscopique (H). Les signes sont choisis de manière arbitraire 1.
Équation 1
1
Un signe positif représente un revêtement qui se rétracte (i.e. génération de contraintes de contraction) alors
que le signe négatif décrit un revêtement qui se dilate (i.e. contrainte d’expansion).
27
2.2.1 Contraintes internes d’origine chimique
Équation 2
L’étude des contraintes d’origine chimique sur des résines époxy est bien décrite dans la
littérature. Igarashi et al. [25] ont suivi expérimentalement l’évolution des contraintes lors
de la réticulation d’une résine époxy. La contraction volumique apparaît dès le début de la
réticulation de l’époxy alors que les contraintes apparaissent après la réticulation du
polymère. Presser et al. [26] ont suivi expérimentalement l’influence de la variation
volumique sur les contraintes générées sous différents environnements. Rabearison et al.
[27] ont développé un modèle numérique capable de prévoir les contraintes générées lors
de la réticulation. Pour le cas étudié, des valeurs de contraintes significatives comprises
entre 5 et 6 MPa sont présentes en fin de réticulation avant refroidissement jusqu’à la
température ambiante de l’époxy.
Pour limiter l’intensité de ces contraintes de mise en œuvre, une polymérisation partielle du
polymère peut être effectuée [28]. Stansbury et al. [29] ont mis en évidence la relation
linéaire existant entre les contraintes volumiques générées et le degré de conversion du
polymère. Dans le cadre de la photo-polymérisation de revêtements, plusieurs auteurs [30–
32] ont montré que les contraintes les plus fortes sont présentes pour des taux de
conversion élevés.
2
En chimie des polymères, la réticulation désigne l’étape où les macromolécules initialement libres deviennent
liées créant ainsi le réseau du polymère.
28
2.2.2 Contraintes internes d’origine thermique
Équation 3
Shimbo et al. [37] ont montré que lors du refroidissement de l’époxy appliqué sur un
substrat d’aluminium, il n’y a pas de contrainte emmagasinée par le revêtement au dessus
de sa température de transition vitreuse (Tg). Pour les températures supérieures à la valeur
de Tg, l’époxy se trouve dans son état caoutchoutique, ce qui lui permet de relaxer ainsi
toutes les contraintes éventuelles. En dessous de la Tg, l’époxy est alors dans son état vitreux
qui, au contraire, va emmagasiner des contraintes tout au long du refroidissement. Lorsque
la température ambiante est très éloignée de la valeur de Tg, King et al. [38] ont calculé l’état
des contraintes à partir de l’Équation 4 en supposant que l’intégralité du retrait est convertie
en contrainte (pas de phénomène de dissipation).
Équation 4
Cette hypothèse de conversion totale a été mise en défaut par Ochi et al. [39] en
confrontant le calcul analytique avec des mesures expérimentales. Les auteurs ont observé
un écart significatif qui montre que le retrait n’est pas
intégralement converti en contrainte, une partie des contraintes est donc dissipée, relaxée
par le système au cours du refroidissement.
L’évolution des contraintes au cours du refroidissement peut être considérée sous la forme
de deux comportements distincts [18] :
29
T > Tg - la contrainte est globalement faible et tend à augmenter très faiblement
avec la diminution de température ;
T< Tg - la contrainte augmente fortement avec la diminution de température.
Revêtement Revêtement
Substrat Substrat
(a) sans adhérence revêtement/substrat (b) avec adhérence revêtement/substrat
Équation 5
30
Pour des substrats où les variations dimensionnelles sont nulles ou quasi nulles (sH = 0) et
où la diffusion peut être considérée comme isotrope, l’Équation 5 peut se simplifier sous la
forme de l’Équation 6. Dans ce cas, le coefficient d’expansion hygroscopique du revêtement
peut être calculé à partir de l’Équation 7.
Équation 6
Équation 7
Avec Veau le volume d’eau absorbé par le revêtement pour un taux d’humidité relative RH et
V le volume du revêtement.
Revêtement Revêtement
Substrat Substrat
31
décohésions entre les charges minérales (présentes dans la formulation de ces systèmes) et
la matrice lors de vieillissements humides. Ce phénomène participera à la baisse des
contraintes dans le revêtement. Un autre paramètre, l’épaisseur de revêtement, peut
influencer les contraintes comme le montrent Zanni-Deffarges et al. [45] sur l’époxy.
H20 (1)
0 temps
(1)
(2)
Figure 10 : Evolution des contraintes hygroscopiques au cours du temps dans un revêtement en immersion
[18]
32
à la mise en service : application d’une température et d’une pression
augmentation ou diminution des contraintes ?
au court du temps : dégradation des propriétés mécaniques intrinsèques aux
matériaux polymères augmentation (rigidification) ou diminution (plastification)
des contraintes ?
Le travail total d’adhésion Wt entre un substrat et un adhésif peut s’écrire sous la somme de
trois composantes (Équation 8) : le travail d’adhésion WAdh, le travail associé à la
déformation plastique WP et l’énergie élastique liée aux contraintes emmagasinées WE
[18,23]. WAdh correspond à l’énergie nécessaire pour rompre les liens entre le substrat et
l’adhésif. WP traduit l’énergie dissipée par le revêtement sous la forme d’effets visqueux
et/ou plastiques. WE est l’énergie élastique emmagasinée par le revêtement. Cette dernière
est issue de la contribution élastique présente dans l’adhésif à la fin de la mise en œuvre et
de celle liée à la déformation de l’adhésif lors de la séparation [23]. Comme le montre
l’Équation 8, une énergie totale d’adhésion élevée n’est pas forcément un gage de qualité
d’adhésion à l’interface. La part d’énergie dissipée est bien souvent importante dans le cas
des revêtements organiques (comportement viscoélastique). L’énergie élastique peut se
calculer sous l’Équation 9 avec e l’épaisseur du revêtement, la déformation à l’origine des
contraintes (contraction thermique par exemple), E le module d’Young et le coefficient de
Poisson du revêtement [46,47].
Équation 8
Équation 9
Pour des conditions expérimentales spécifiques, Il existe une épaisseur critique ec pour
laquelle, sans effort extérieur, un décollement spontané du revêtement sur son substrat se
produit [46,47]. L’Équation 9 s’écrit alors sous la forme de l’Équation 10.
Équation 10
Dans la pratique, le calcul de l’énergie d’adhérence est applicable pour des revêtements
ayant des faibles adhérences sur le substrat considéré. Pour des revêtements ayant une
33
forte adhérence, il faudrait avoir recours à de fortes épaisseurs de revêtement au risque de
quitter les conditions acceptables de mise en œuvre [48].
34
Si plusieurs méthodes expérimentales permettent d’accéder aux contraintes résiduelles
présentes dans un assemblage, elles s’appliquent généralement sur des géométries de type
plaques. De plus, les valeurs de contraintes obtenues sont principalement des valeurs
moyennes de la surface de l'échantillon. Si la mesure est compromise d’un point vue
expérimental, une approche analytique ou numérique peut être une alternative pertinente
pour quantifier l’état des contraintes présentes dans le revêtement de pipeline.
Plusieurs auteurs ont proposé des modèles mathématiques capables de quantifier les
contraintes dans un matériau. Timoshenko et al. [58] ont proposé une solution analytique
permettant de calculer les contraintes résiduelles d'origine thermique présentes dans un
tube cylindrique de longueur infinie. Le modèle s’appuie sur les hypothèses suivantes : une
distribution des températures (T) symétrique dans le plan et indépendante de la coordonnée
axiale z ainsi qu’un déplacement axial nul le long du cylindre. Dès lors, on peut calculer le
déplacement radial u (Équation 11) et les contraintes thermiques (contraintes radiales r -
Équation 12, contraintes circonférentielles - Équation 13, contraintes axialesz - Équation
14). Les paramètres C1 et C2 présents dans les équations sont des constantes.
1
r
1 C
u T r dr C1 r 2 Équation 11
1 r a r
E 1 r E C1 C
r 2 T r dr 22 Équation 12
1 r a 1 1 2 r
E 1 r E T E C C
2 T r dr 1 22 Équation 13
1 r a 1 1 1 2 r
E T 2 E C1
z
1 1 2
Équation 14
1
Plus récemment, Chu et al. [59] ont également proposé un modèle analytique permettant le
calcul des contraintes thermiques présentes dans un long cylindre coaxial constitué de deux
matériaux. Chang et al. [60,61] ont développé un modèle analytique prenant en compte les
35
différentes couches des revêtements tricouches des pipelines. Ce modèle s'appuie sur les
hypothèses de calcul du modèle de Timoshenko [58] . Les contraintes maximales générées
dans le revêtement peuvent alors être calculées à partir des Équation 15, Équation 16 et
Équation 17. ΔT représente la différence de température entre la température ambiante et
la température de transition vitreuse du primaire époxy alors que H et K sont deux
paramètres constants.
Équation 15
Équation 16
Équation 17
Chang et al. ont montré que les contraintes maximales étaient situées près de l'interface
acier/époxy. Des contraintes radiales et circonférentielles significatives étaient calculées (6-7
MPa), tandis que les contraintes axiales étaient quasiment nulles (≤ 0,2 MPa). Les
hypothèses du modèle analytique ne permettent pas de calculer les contraintes aux
extrémités du pipeline. De plus, plusieurs hypothèses du modèle sont critiquables : le
déplacement axial de toutes les couches de l'assemblage est supposé nul, toutes les
propriétés physiques des matériaux sont supposées indépendantes de la température et le
T est le même pour toutes les couches de l'assemblage.
Les modèles analytiques ne permettent donc pas de calculer les contraintes aux extrémités
des pipelines car ils reposent sur l'hypothèse d'un tube cylindrique de longueur infinie. Le
modèle analytique spécifiquement développé par Chang et al. pour les pipelines revêtus
tient compte uniquement des contraintes radiales dans une section et non des contraintes
longitudinales. Cependant, les retours d’expérience montrent des décollements aux
extrémités des tubes revêtus [15], suggérant plutôt l'effet de contraintes longitudinales.
Dans la gamme de température considérée, l’évolution des propriétés des matériaux est
difficilement négligeable, cela étant pourtant absent des modèles analytiques. Les modèles
décrits dans la littérature sont donc difficilement applicables pour quantifier les contraintes
présentes dans le pipeline de type « tricouches ». Dès lors la modélisation numérique par
éléments finis apparaît être une alternative pertinente pour quantifier les contraintes
internes dans l'assemblage de revêtements tricouches.
36
2.4.3 Méthodes numériques pour quantifier les contraintes
Des calculs des contraintes dans des revêtements tricouches ont déjà été proposés dans la
littérature [60–62]. Les modèles numériques sont réalisés dans AbaqusTM et simulent les
phénomènes mécanique et thermique dans une section de pipeline de type « tricouches »
(avec une représentation en 2D plan). Les modèles reposent sur les hypothèses suivantes :
Les auteurs montrent ainsi que, lors de la mise en œuvre, le revêtement va comprimer le
cylindre métallique et donc s’opposer au phénomène de décollement. A l’issue de ces
travaux de nombreuses questions restent en suspens, comme l’influence des contraintes
longitudinales, la prise en compte de l’évolution des propriétés des matériaux dans la
modélisation.
Les modèles développés au laboratoire ont été réalisés sous le même code de calcul
(AbaqusTM) que les travaux précédemment cités. La stratégie est d’incrémenter les modèles
avec un maximum de données expérimentales afin de pourvoir quantifier de manière fiable
les niveaux de contraintes calculés. Pour cela, de nombreuses caractérisations mécaniques
et thermiques ont été menées dans le cadre des thèses d’Elise Legghe [12] et de Madeleine
Tchoquessi [16] pour les comptes respectifs de TOTAL et GDF-SUEZ. A partir de ces résultats
expérimentaux plusieurs lois de comportements ont été retenues pour décrire les
matériaux : élastique, élasto-plastique et visco-élastique. L’idée était de disposer de modèles
facilement transposables industriellement avec une préférence pour des lois de
comportement simples (c-à-d avec le moins de paramètres à caractériser) et également des
durées de calcul raisonnables.
37
2.4.3.1 Description des modèles développés
Dans une première approche, chaque interface (Acier/FBE et FBE/PE) est définie par un
contact de type « Tied ». Il s’agit d’un contact parfait et permanent tout au long du calcul,
indépendamment des niveaux de contraintes atteints dans le revêtement.
Axe de révolution
TM
Figure 11 : Représentation axisymétrique du pipeline sous Abaqus
Le choix du maillage (nombre et type d’éléments) repose sur un compromis entre les temps
de calcul et l’obtention d’une solution convergée. De ces travaux, l’élément quadrangulaire
avec une interpolation linéaire et une réduction des points de Gauss a été retenu pour les
modèles. Le maillage est constitué de 75 000 éléments (CAXRT) avec un raffinage des zones
interfaciales (zones privilégiés des contraintes et de décollement) comme le montre la Figure
12. Le Tableau 4 présente pour chaque matériau les caractéristiques du maillage.
38
Figure 12 : Répartition des mailles le long de l’épaisseur du pipeline [16]
Dès lors que l’objectif est de quantifier et pas uniquement de mettre en évidence la
présence de contraintes, les lois de comportement choisies doivent être proches du
comportement réel des matériaux. Les couches de FBE et PE sont bien décrites
mécaniquement par des lois visco-élasto-plastiques. Une loi conservatrice comme la loi
élastique risque de surestimer les contraintes, sauf si ces dernières sont relativement faibles.
39
Trois lois de comportement ont donc été utilisées pour décrire les matériaux du
revêtement : élastique, élasto-plastique et viscoélastique (Tableau 5).
Les mesures effectuées au laboratoire sont largement décrites et commentées dans les
thèses de E. Legghe [12] et M. Tchoquessi [16], elles ne seront pas détaillées dans ce
mémoire.
Pour chaque modèle, une validation des résultats numériques a été souhaitée. La première
difficulté est que le pipeline peut difficilement être mise en œuvre au laboratoire. A partir de
ce constat, seule des valeurs accessibles lors la mise en œuvre sur le site industriel pouvait
être obtenue. Trois valeurs, une température associée à un temps de refroidissement et un
déplacement (plus précisément un retrait) ont été prises comme valeurs de références
(Figure 13) :
40
La température et le temps de refroidissement : on sait par mesure sur site de
production que la surface intérieure du pipeline est à une température comprise
entre 50 et 60°C selon les diamètres considérés. Par ailleurs, le temps de
refroidissement est de l’ordre de 5 minutes pour 1 mètre de pipeline ;
Un retrait de la surface extérieure du revêtement par rapport au cylindre métallique
d’environ 10 mm est mesuré en extrémité de pipeline de 12 m de long.
12 m
10 mm T ext = T ambiante
Topcoat
Adhésif
FBE
Acier
T int = 50-60°C
Direction longitudinale du pipeline
Figure 13 : Données expérimentales concernant la température et les retraits sur le pipeline à l’issue de la
mise en œuvre
La mise en œuvre des revêtements de pipelines est un procédé semi-continu. Après une
préparation et un nettoyage de la surface d’acier, le cylindre métallique est chauffé par
induction jusqu’à 200°C environ. La poudre de primaire époxy (FBE) est appliquée par
poudrage électrostatique sur la surface chaude de l’acier. Les couches d’adhésif et de
polyéthylène sont ensuite successivement extrudées sur le FBE chaud. L’assemblage est
ensuite refroidi sous des jets d’eau à température ambiante. Une dernière étape de découpe
du revêtement (cutback), sur une zone prédéfinie non adhérente à chaque extrémité de
pipeline, est réalisée en prévision de l’assemblage par soudure. La Figure 14 illustre les
différentes étapes de mise en œuvre des revêtements tricouches.
41
Figure 14 : Mise en œuvre industrielle du revêtement tricouches [65]
PE (Topcoat+Adhesif)
FBE
Acier
Axe de révolution
Figure 15 : Représentation schématique du modèle numérique simulant la mise en œuvre du pipeline
tricouches
42
2.5.2 Validation des modèles élastique, élasto-plastique et viscoélastique
Puis dans un second calcul simulant le refroidissement à l’air, l’intégralité du pipeline est à
température ambiante (choisie à 20°C) au bout de 12 heures de refroidissement.
43
Les 3 modèles permettent bien de traduire les échanges thermiques qui sont conformes aux
observations sur site industriel : les modèles numériques sont donc validés en thermique.
Le second paramètre à valider est la valeur de retrait obtenue par les 3 modèles en
extrémité de pipeline. Dans la direction longitudinale, un retrait maximal d'environ
1,2 ± 0,1 mm (surface extérieure du PE) est calculé aux extrémités du tube revêtu (Tableau
6). Ce résultat est en bon accord avec les retours d'expérience, où un retrait du revêtement
de quelques centimètres a été observé à l'extrémité de tubes revêtus de 20 m de longueur
[17], soit environ 1 mm/m de pipeline.
Tableau 6 : Valeur maximale du retrait longitudinal obtenue à l'extrémité du tube revêtu après le
refroidissement à l’eau pour les 3 modèles numériques
Tableau 7 : Valeur maximale du retrait radial obtenue après le refroidissement à l’eau pour les 3 modèles
numériques
Une fois encore, les 3 modèles sont validés, les retraits longitudinaux obtenus par les
modèles sont en bon accord avec les mesures faites sur site industriel.
44
2.5.3 Calcul des contraintes à partir des modèles élastique, élasto-plastique et
viscoélastique
Les contraintes mise en jeu dans le pipeline sont des contraintes de cisaillement aussi, pour
la suite de cette étude, le critère de Tresca (critère du plus grand cisaillement) a été retenu
pour suivre l’évolution des contraintes. Les valeurs de contrainte calculées par les modèles
sont confrontées à des valeurs dites « références » provenant de la littérature et d’essais de
pull-off test ou de simple recouvrement menés au laboratoire (Tableau 8).
Au delà de 200 mm du bord du pipeline, les niveaux des contraintes ne changent plus
comme l’illustre la Figure 17. Dans la pratique, une zone masquée sur 150 mm environ est
45
présente à chaque extrémité de pipeline pour faciliter la découpe du revêtement en vue de
l’étape de raccordement par soudure lors de l’installation sur site de fonctionnement [70].
Interface FBE/PE
Cutback
Figure 17 : Evolution des contraintes le long de l’interface FBE/PE à l’issue du refroidissement à l’eau [16]
Un fois le pipeline à température ambiante, les contraintes vont encore augmenter dans la
gamme de températures comprise entre 55 et 20°C. Le Tableau 9 reporte les valeurs de
contrainte relevées à une distance de 200 mm du bord du pipeline (zone où les contraintes
sont stables le long de l’interface) aux interfaces acier/FBE et FBE/PE. Il en ressort que les
valeurs des contraintes vont quasiment doubler durant cette étape de refroidissement lent
jusqu’à température ambiante. A la fin du procédé de mise en œuvre (c-à-d lorsque le
pipeline est à Tambiante) des contraintes résiduelles comprises entre 3 et 6 MPa persistent
dans l’assemblage. Ces valeurs de contraintes restent valables pour toutes les tailles
(diamètres) de pipeline considérées [71].
46
Tableau 9 : Contraintes relevées loin des effets de bord aux interfaces acier/FBE et FBE/PE pour les 3
modèles numériques
D’après les REX, l’interface sensible au décollement en service est l’interface acier/FBE. Dans
la suite seule cette interface sera décrite. L’évolution de l’interface FBE/PE est décrite dans
les thèses d’E. Legghe [12] et de M.Tchoquessi [16]. Le modèle retenu pour simuler les
différentes sollicitations du pipeline est le modèle viscoélastique.
Le pipeline va être stocké entre 6 mois et un an avant la mise en service. Au cours de cette
période, le PE ou le FBE sont susceptibles de relaxer les contraintes résiduelles de la mise en
œuvre. Une simulation de cette étape de stockage sur une durée d’une année a été faite. La
température a été supposée constante et égale à 20°C tout au long du stockage. Le
comportement de relaxation a été introduit dans le modèle numérique sous la forme de
séries de Prony définies à partir d’essais de relaxation du PE et du FBE. Les valeurs de
contraintes reportées dans le Tableau 10 font état d’une forte baisse des contraintes
internes avec une inversion de l’interface la plus contrainte : l’interface acier/FBE. Ce
résultat est conforme aux REX qui constatent un décollement à l’interface acier/FBE du
pipeline.
47
Tableau 10 : Evolution des contraintes aux interfaces acier/FBE et FBE/PE à partir du modèle viscoélastique
GRTgaz transporte le gaz naturel à des températures comprises entre -20°C et +60°C dans un
sol oscillant entre 15°C et 20°C. De ces données, 3 configurations en service (les plus
extrêmes) ont été identifiées pour quantifier l’évolution des contraintes en fonctionnement
(Tableau 11). La pression maximale de service est de l’ordre de 7 MPa pour les dimensions
de pipeline retenues (soit la taille standard la plus couramment posée).
Tableau 11 : Les 3 configurations en service retenues pour suivre les contraintes dans le revêtement de
pipelines utilisés pour le transport de gaz
Les résultats numériques révèlent une augmentation des contraintes dans les 3 cas
considérés, les niveaux atteints variant entre 4 MPa et 8 MPa en fonction des cas (Figure 18).
La pression interne exercée par le gaz sur la canalisation métallique et la variation de
température entre le gaz et le sol vont favoriser le cisaillement de l'interface acier/FBE.
48
Interface Acier/FBE
Figure 18 : Evolution des contraintes le long de l’interface Acier/FBE depuis la mise en œuvre jusqu’à la mise
en fonctionnement [16]
A l’interface FBE/PE, il se produit soit une augmentation des contraintes jusqu’à 12 MPa
pour le cas a, soit une très légère diminution pour les cas b et c (Figure 19).
49
Interface FBE/PE
Figure 19 : Evolution des contraintes le long de l’interface FBE/PE depuis la mise en œuvre jusqu’à la mise en
fonctionnement [16]
50
Tableau 12 : Les 3 configurations en service retenues pour suivre les contraintes dans le revêtement de
pipelines utilisés pour le transport de gaz
Le second résultat important porte sur les ordres de grandeur des contraintes présentes
dans le revêtement lors de son fonctionnement. Des niveaux de contraintes allant de 4 à 12
MPa en fonction des conditions de pression et de température sont calculés dans le
revêtement.
Cependant, en environnement sec, les contraintes internes seules ne peuvent pas expliquer
les décollements observés sur des pipelines en fonctionnement. En effet, les valeurs de
résistances en cisaillement du PE ou du FBE sont de l'ordre de 25-30 MPa. En présence
d’eau, la qualité de la liaison acier/FBE se dégrade rapidement [69]. Dès lors, la présence de
contraintes internes non négligeables associées à une baisse de la résistance mécanique de
l’interface peut expliquer les décollements observés.
Des premiers modèles introduisant la diffusion de l’eau dans le pipeline ont été réalisés dans
le cadre de la thèse de M. Tchoquessi [16]. La cinétique de diffusion a été prise comme
Fickienne en première approche, une description plus fine sous une forme de type Langmuir
pourra être envisagée pour la suite [72]. Une validation de ces résultats est en cours avec la
mise en place d’essais mécaniques couplant la prise en eau. L’objectif est de disposer de
valeurs associant contrainte et temps d’immersion à confronter aux valeurs des modèles
développés et ainsi les fiabiliser.
51
Une fois ce travail fait, la modélisation du décollement peut être envisagée avec des outils
de type « debond » [73] ou « Virtual Crack Closure Technique » [74].
52
différente de celle de la matrice, ce qui aura par conséquent une influence directe sur la
cinétique de prise en eau et la solubilité du matériau [96,97].
La diffusion de l’eau dans des résines époxys a été largement décrite dans la littérature [98–
102], plusieurs valeurs de coefficient de diffusion sont proposées. En effet, la cinétique de
diffusion de la résine va dépendre directement de plusieurs paramètres comme la
température de réticulation, la composition chimique de la résine et/ou de la nature du
durcisseur. Par ailleurs, plusieurs modèles analytiques permettent de suivre la prise en eau
au cours du temps. Le plus courant et le plus simple est le modèle de Fick [96,101–104]. Si
l’évolution de la prise en eau est relativement bien décrite par ce modèle pour aux temps
courts, une divergence peut être observée aux temps plus longs par rapport aux mesures
expérimentales. Cet écart peut s’expliquer par les hypothèses du modèle de Fick où les
molécules d’eau ne créent pas d’interactions avec le réseau de la matrice. L’utilisation d’un
modèle de type Langmuir permet alors d’apporter une/des solution(s) à ce problème avec la
présence de molécules d’eau sous une forme liée (en interactions chimiques) et libre dans le
réseau de la matrice [99,104].
53
3.2 Composite et notion d’interphase : volet expérimental
Les composites étudiés dans ce travail sont constitués d’une résine époxy à base DGEBA
(DiGlycidyl Éther de Bisphénol A) et de fibres de verre E de diamètre moyen 14 µm ayant
subi un traitement de surface (ensimage). Le volume de fibres introduit dans le composite
est de l’ordre de 50% en volume. La mise en œuvre du composite est effectuée par
enroulement filamentaire, procédé qui permet d’obtenir un taux de porosité dans la matrice
inférieure à 1% en volume. La Figure 20 montre la répartition des fibres dans la matrice qui a
été observée en microscopie optique.
Figure 20 : Coupe transversale par rapport aux fibres d’un composite unidirectionnel à 50% vol de fibres [97]
L’analyse mécanique de l’interphase a été faite par mesure AFM. La force appliquée a été
définie afin de rester dans le domaine élastique. A partir de modèles de la mécanique du
contact comme le modèle de Hertz ou de Berkovitch, la rigidité de la zone sollicitée peut
alors être calculée [112]. Par ailleurs, le volume de matière impacté mécaniquement par
l’application de cette force à la surface a été estimé par modélisation.
54
Plusieurs mesures locales à des distances variables à partir de la surface de la fibre ont été
réalisées. Chaque point correspond à une moyenne sur 5 mesures (Figure 21). Une
diminution des valeurs du module d’élasticité au voisinage de la fibre à partir d’une distance
d’1 µm de la surface de la fibre est observée. Cette baisse est maximale à 50 nm de la
surface de la fibre. En dessous de 50 nm, la rigidité de la fibre se fait sentir et impacte la
valeur locale d’où une légère augmentation du module. La zone d’interphase sous
sollicitation mécanique peut être décomposée en 2 parties :
Entre 500 nm et 1 µm, les valeurs de module d’élasticité sont plus faibles d’environ
30% et globalement constantes dans cette zone ;
Entre 50 nm et 500 nm, les valeurs chutent plus fortement et décroissent
linéairement dans cette zone entre 30% et 60% par rapport à la valeur référence.
Au final, autour de chacune des fibres, se retrouve une interphase d’environ 1 µm (dans le
cas de notre système) dont le module d’élasticité est inférieur au module initial de la
matrice.
Figure 21 : Evolution du ratio des modules d’élasticité en fonction de la distance de la fibre (mesures
expérimentales par AFM) [112]
55
3.2.2 Caractérisation de l’interphase sous sollicitation thermique
150
140 Interphase area Bulk area
130
120 Bulk resin
110 values
100
Ts (°C)
90
80
70
60
50
40 High Low modification
30
0 5 10 15 20
distance from monofilaments (µm)
56
Les deux causes principales de cette baisse peuvent être une réticulation incomplète [89,90]
ou des effets de plastification liés au traitement des surfaces des fibres [92,95]. Ces
hypothèses ont été confirmées par Mallarino et al. [93] par des mesures en DMA sur des
composites unidirectionnels renforcés par des fibres ensimées. La forte dispersion des
mesures s’explique par l’hétérogénéité de densité du réseau et l’hétérogénéité de la
distribution de l’ensimage sur les fibres. Ces résultats confirment que l’ajout de fibres va
modifier les propriétés de la matrice (création d’interphase) ce qui est en accord avec la
littérature [79,91].
Au final, une interphase de 10 µm est présente autour de chaque fibre, avec une
température de ramollissement inférieure à celle de la matrice initiale3.
Des essais en immersion à 70°C dans de l’eau déminéralisée de plaques de résine seule et de
composite ont été menés pendant 16 semaines selon la norme NF EN 2489 [115] (équivalent
à l’ASTM D5229). Des mesures gravimétriques à intervalles de temps réguliers ont permis de
suivre la prise en eau pour les deux familles d’échantillons. Les résultats de prise en eau
révèlent une saturation autour de 2,3% pour la résine seule et à 0,6% pour le composite
chargé à 50% en volume de fibres de verre. De plus, la Figure 23 montre que la cinétique de
diffusion de l’eau dans les deux matériaux peut être décrite avec un modèle de Fick. Les
valeurs des coefficients de diffusion sont regroupées dans le Tableau 13. En revanche le
gonflement de la matrice lié à l’absorption de l’eau n’a pas pu être mesuré. En effet, ce
dernier est très faible, dans la littérature des valeurs de l’ordre de 10-3/ % H2O sont
énoncées [116].
3
La notion de matrice initiale désigne la résine présente dans le composite où les propriétés sont similaires à
celles des échantillons de résine seule.
57
2.5
Experimental resine
Mass concentration (%)
0.5
0
0 250 500 750 1000 1250 1500
Time (h)
Tableau 13 : Valeurs des coefficients de diffusion et des masses à saturation pour la résine et le composite
[97]
La modélisation de l’essai d’immersion a été réalisée sous AbaqusTM. Les hypothèses et les
conditions suivantes ont été appliquées (Figure 24) :
58
Les propriétés de la matrice loin de la fibre sont celles de la résine seule (Tableau 13).
Au voisinage de la fibre, dans la zone d’interphase les propriétés sont différentes.
Plusieurs auteurs montrent que le coefficient de diffusion de l’interphase est égal à
10 fois celui de la matrice initiale [117,118].
L’ensemble des valeurs prises en compte dans les modèles sont décrites dans le
Tableau 14.
La valeur de la solubilité de l’interphase est prise égale à celle de la matrice car
aucune valeur n’est présente dans la littérature, en toute rigueur elle devrait être
modifiée compte tenu de la sous-réticulation présente dans cette zone.
Matrix Fiber
(D, Csat) (D, Csat)
Symmetry
water
conditions
Thickness
Figure 24 : Illustration du modèle numérique du composite [119]
59
3.3.1 Validation du modèle numérique de prise en eau sur la résine
Une modélisation avec un échantillon constitué de la résine seule a été réalisée afin de
valider les calculs de cinétique de diffusion obtenus par le modèle numérique. Les propriétés
des paramètres de diffusion de la résine seule ont été introduites dans le modèle. Les
résultats ont été confrontés aux valeurs expérimentales et analytiques. Une bonne
corrélation a été mise en évidence entre les 3 approches comme le montre la Figure 25.
Figure 25 : Confrontation des valeurs numérique, analytique et expérimentale de la prise en eau d’un
échantillon de résine seule [119]
La distribution ainsi que la fraction volumique des fibres a un impact direct sur la cinétique
de diffusion du fluide dans le composite [98,109,117]. Pour de fortes teneurs en fibres, un
effet « barrière » peut également être observé [120]. A partir de différents arrangements, il
a été mis en évidence la nécessité de prendre en compte la distribution réelle et les contacts
entre fibres pour bien décrire la cinétique de prise en eau [119,120]. L’organisation des
60
fibres dans la matrice a été définie à partir d’une observation au microscope optique (Figure
26).
Pour la suite de l’étude, cette distribution réelle sera intégrée dans tous les modèles.
Partie matrice
Partie fibre
Figure 26 : Arrangement réel des fibres pris en compte dans les modèles numériques
Les mesures par µ-TA identifient une interphase de l’ordre 10 µm autour de chaque fibre.
L’introduction d’interphases dans le composite chargé à 50% en volume de fibre revient à
considérer que quasiment l’intégralité de la matrice est une interphase. Dans une première
approche cette hypothèse a été faite.
Les propriétés de l’interphase (Dinterpahse = 150.10-13 m2.s-1) décrites au Tableau 14 ont été
affectées à la partie matrice du modèle numérique. Les résultats obtenus à partir des
modèles numériques surestiment les valeurs expérimentales. Pour bien interpoler les
mesures expérimentales, une nouvelle valeur du coefficient de diffusion (Dinterpahse =100.10-13
m2.s-1) a été introduite dans le modèle (Figure 27). Cette nouvelle valeur a été déterminée
par méthode inverse à partir des simulations.
61
Un calcul intégrant les paramètres de la matrice initiale à l’interphase (c-à-d
Dinterpahse = 100.10-13 m2.s-1) fait état par ailleurs d’une cinétique prévisible si aucune
interphase n’était présente dans le composite.
Dans cette première approche, l’interphase est décrite par une valeur moyenne sur toute sa
distance. Or, les mesures expérimentales établissent clairement qu’il existe plutôt une
évolution sous la forme d’un gradient décroissant des propriétés allant de valeurs proches
de celles de la matrice initiale à des valeurs plus faibles. Pour prendre en compte ce
gradient, une description plus fine de l’interphase est proposée dans une seconde approche.
0.7
0.6
0.5
Mass concentration (%)
0.4
0.3
Experimental composite 50%vol.
62
3.3.4 Seconde approche : modélisation de la diffusion
Pour prendre en compte l’interphase dans les modèles numériques, on peut supposer que la
prise en eau du composite se produira principalement dans la zone où la mobilité
moléculaire est fortement modifiée. Aussi, pour simuler la diffusion de l’eau, une interphase
de 4 µm autour de chaque fibre est plus pertinente. Dès lors, les modèles doivent prendre
en compte dans leur géométrie une troisième phase : l’interphase (Figure 28). La nouvelle
géométrie est présentée à la Figure 29 avec en vert foncé la zone d’interphase, en vert clair
la matrice et en blanc les fibres de verre.
Symmetry
Water condition
Thickness
Figure 28 : Illustration des conditions aux limites présentes dans le modèle numérique de diffusion
Fibre
Matrix
Interphase
Figure 29 : Géométrie des modèles numériques avec la présence des interphases d’une taille de 4 µm
Les paramètres des matériaux décrits dans le Tableau 13 ont été utilisés dans les
simulations.
63
Avec comme valeur de cinétique de diffusion de l’interphase, la valeur présente dans la
littérature (Dinterphase = 10xDmatrice), les résultats des calculs fournissent des pourcentages
d’absorption d’eau supérieurs aux valeurs expérimentales (Figure 30). Une bonne
description de l’évolution de la prise en eau au cours du temps est obtenue en abaissant la
valeur du coefficient de diffusion de l’interphase (environ divisé par 2). Cette nouvelle valeur
a été obtenue par simulation afin de décrire la cinétique de prise en eau expérimentale.
Figure 30 : Confrontation des résultats numériques et expérimentaux avec la présence d’interphases d’une
taille 4 µm [112]
Par cette approche, une nouvelle équivalence entre les valeurs du coefficient de diffusion de
la matrice et de l’interphase est mise en évidence : Dinterphase = 5xDmatrice.
Cette différence avec la littérature peut s’expliquer par le volume élémentaire représentatif
utilisé par Bond et al. [117] qui ne prend pas en compte le contact entre les fibres et par
conséquent « l’effet barrière » inhérent aux composites avec de forts taux de fibres [120].
64
3.4 Couplage diffusion/contrainte
Le modèle géométrique est décrit sur la Figure 26 avec un contact permanent de type
« Tied » pour gérer l’interface entre chaque fibre et la matrice. Les propriétés des matériaux
introduites dans le modèle sont décrites dans le Tableau 15.
Tableau 15 : Valeurs des paramètres introduits dans les modèles numériques couplant la diffusion et la
mécanique
65
Le confinement de la matrice par des fibres va être à l’origine des plus fortes contraintes
dans le composite comme l’illustre la Figure 31. Trois domaines ont été définis en fonction
de la distance des fibres par rapport à la valeur de contrainte relevée :
Lorsque cette distance est supérieure à 10 µm, les contraintes présentes dans la
matrice sont inférieures à 3 MPa.
Pour des distances comprises entre 2 µm et 6 µm, les niveaux de contraintes sont au
maximum doublées (6 MPa).
En dessous de 2 µm de distance, les valeurs augmentent fortement et peuvent
atteindre dans les zones les plus confinées des valeurs proches de 20 MPa.
Toutefois, ces valeurs de contraintes sont à comparer avec la contrainte à rupture qui est
d’environ 60 MPa. De même, les valeurs sont bien inférieures au seuil de plastification de la
résine. Les contraintes générées par la prise en eau restent donc dans le domaine élastique.
Ce résultat est en accord avec des observations au Microscope électronique à balayage
(MEB) qui ont confirmé l’absence d’endommagement dans la matrice ou au voisinage des
fibres suite au vieillissement hygrothermique.
66
Figure 31 : Effet du gonflement sur l’évolution des contraintes dans la matrice à partir d’un modèle couplant
diffusion et mécanique [112]
Ce travail a permis de confirmer que l’interphase joue un rôle non négligeable dans la
modification de la cinétique de diffusion de l’eau dans un composite de type matrice époxy
DGEBA chargée avec des fibres de verre E. Cette zone directement liée à la mise en œuvre
(sous réticulation) et/ou à l’ensimage des fibres va tendre à augmenter la cinétique de prise
en eau. Une inconnue persiste quant à la masse à saturation propre à cette interphase.
Enfin, les niveaux de contrainte atteints sous l’effet du gonflement restent modérés.
67
Très récemment, l’introduction de l’interphase mécanique (uniquement la modification du
module dans cette zone) a montré une évolution très limitée sur les contraintes dans le
composite.
Actuellement, l’interphase est traitée dans les modèles par l’utilisation de valeurs moyennes
(Dmoyen, Emoyen). L’introduction d’un gradient représentatif des mesures expérimentales
(thermique et mécanique) permettra de s’approcher de la réalité et de mieux décrire la
transition entre la matrice initiale et l’interface avec la fibre. De plus, certains paramètres
importants tels que la masse à saturation et le coefficient d’expansion hydrique ne sont pas
intégrés dans les modèles. Obtenir des valeurs expérimentales de ces paramètres est délicat.
Une idée serait de réaliser des échantillons de résine époxy avec une sous-réticulation
maîtrisée du réseau. Une caractérisation du vieillissement de ces systèmes permettrait
d’associer l’évolution d’une propriété à un taux de sous réticulation donné. De manière
indirecte, le degré de sous réticulation présent dans la zone d’interphase serait connu et par
conséquent, les modèles numériques pourraient décrire plus finement cette zone de
transition entre la matrice et l’interface de la fibre.
68
Chapitre 3 Projet de recherche
L’objectif de ce chapitre est de présenter l’orientation future de mes activités
de recherche sur le thème des biocomposites et plus particulièrement sur le
développement de nouveaux modèles numériques dédiés à ces systèmes.
69
70
Face aux problèmes écologiques et environnementaux, les matériaux à base de ressources
naturelles sont l’objet d’un intérêt grandissant et de nombreuses recherches [121–125]. Si
de premiers résultats encourageants sont décrits dans la littérature, se pose encore la
question de la durabilité de ces nouveaux matériaux dans le temps et, plus particulièrement,
dans des environnements humides. C’est dans ce cadre que je souhaite développer mon
projet de recherche.
Les fibres naturelles regroupent les fibres d’origine végétale (essentiellement la cellulose) et
animale (protéines) [123]. Notre intérêt se porte dans un premier temps sur les fibres
végétales. Ces dernières présentent de nombreux atouts : ce sont en effet des ressources
renouvelables et abondantes dont le faible coût et certaines propriétés mécaniques
spécifiques élevées justifient le choix pour la réalisation de matériaux composites. De
nombreuses applications industrielles de ce type de matériaux existent déjà dans le domaine
automobile [122,126] et dans le génie civil [127,128].
Cependant, ces nouveaux matériaux sont très complexes et plusieurs points restent en
suspens. Baley [129] a en effet identifié 10 verrous à dépasser pour optimiser les
performances mécaniques des composites à renfort végétal :
4
Le « green washing » est un procédé de marketing utilisé dans le but de se donner une image responsable et
respectueuse voire vertueuse de la protection de l’environnement. En règle générale, l'effort est davantage
investi en publicité que pour de réelles actions en faveur de l'environnement.
71
Apprendre à éco-concevoir : notion d’analyse de cycle de vie
Le recourt aux biocomposites dans la conception d’une pièce doit se justifier au
minimum par un gain environnemental. Pour cela des outils d’analyse de cycle de vie
(ACV) existent. Il apparaît primordial que les bureaux d’études utilisent ces nouveaux
outils et appréhendent leurs limites pour le bon développement d’une nouvelle pièce
biocomposite.
72
d’utiliser des ressources situées à proximité géographique afin de limiter les
transports. Cette démarche se retrouve aussi dans une bonne recyclabilité en fin de
vie.
Prédiction et modélisation
Peu de modèles sont actuellement fiables pour simuler l’évolution des
biocomposites, les paramètres influents étant encore peu identifiés. Un travail
conséquent est donc à mener pour accélérer le développement de ces matériaux. Le
problème principal est de disposer de données d’entrée suffisantes pour répondre
aux besoins des modèles.
L’objet du projet de recherche décrit dans ce mémoire est de lever les deux derniers verrous
énoncés précédemment : la connaissance et la maîtrise de l’évolution des propriétés des
biocomposites au cours du temps et le développement d’outils de modélisation adaptés
pour la prédiction du comportement de ces nouveaux matériaux.
73
Un état de l’art sur les fibres végétales et les polymères biosourcés et leurs propriétés est
proposé dans une première partie. Le projet est ensuite détaillé autour d’un biocomposite
dit « modèle ».
Une fibre végétale est un composite très hétérogène et complexe [142]. La structure
cellulaire de chacune des fibres peut être considérée comme un composite de microfibrilles
de cellulose rigides dans une matrice souple de lignine et d’hémicellulose (Figure 32).
La paroi secondaire (S2) représente 80% de l’épaisseur totale de la fibre végétale [144,145].
Les propriétés mécaniques seront directement liées à cette paroi.
Les propriétés mécaniques de différentes fibres végétales sont regroupées dans le Tableau
16.
Figure 32 : Structure d’une fibre végétale et arrangement des microfibrilles autour du lumen [146]
74
Tableau 16 : Quelques propriétés de différentes fibres végétales [147]
75
Dans la littérature, il est courant d’observer une dispersion significative des propriétés pour
une même référence de fibres végétales [148]. Tout d’abord, la fibre se forme lors de la
croissance de la plante et toutes les plantes n’auront pas les mêmes niveaux de croissance
pour une durée donnée [149,150]. Par ailleurs, pour une même fibre végétale, plusieurs
variétés peuvent exister, avec pour chacune d’elles des propriétés bien spécifiques [151].
Les pratiques agricoles [152,153] ainsi que les conditions climatiques [154] vont aussi
impacter les propriétés mécaniques des fibres végétales. De plus, le procédé d’extraction et
de transformation des fibres (souvent mécanique) va générer des endommagements dans
les fibres végétales [155]. Dittenber et GangaRao [121] ont reporté les principaux facteurs
impactant la qualité de la fibre végétale (Tableau 17). Parmi ces facteurs, on peut identifier
ceux que l’on subira comme le climat et ceux que l’on peut optimiser comme le procédé
d’extraction de la fibre. Cependant, de récents travaux montrent que cette dispersion tend à
diminuer et que sur plusieurs années successives, une même référence de fibre donne des
propriétés mécaniques relativement similaires [156–159]. C’est le cas par exemple pour les
fibres de lin qui, au vu de leurs propriétés mécaniques et de leur disponibilité [160],
constituent une alternative aux fibres de verre pour un coût similaire [161].
Tableau 17 : Principaux facteurs impactant la qualité de la fibre végétale depuis sa naissance jusqu’à sa fin de
vie [121]
76
Une particularité de la cellulose tient dans sa nature fortement hydrophile qui est transmise
à la fibre végétale en général [162]. L’impact de l’humidité sur les propriétés mécaniques
initiales de plusieurs fibres naturelles a été évalué par Symington et al. [163]. Les résultats
montrent que les fibres de kenaf, de jute et d’acaba ont une résistance à la traction similaire
avec ou sans la présence d’eau, alors que les fibres de lin ou de coco voient leur résistance à
la traction décroître fortement. Quant aux fibres de chanvre, leur forte dégradation en
milieu humide rend impossible leur caractérisation. Des travaux plus récents menés par
Célino et al. [140] utilisent la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) pour
mesurer l’absorption d’eau sur 3 fibres naturelles : le lin, le chanvre et le sisal. Cette
technique se révèle être pertinente pour cette mesure.
Pour améliorer la tenue mécanique en milieu humide, plusieurs auteurs ont montré qu’un
traitement chimique de la surface de la fibre apporte un gain significatif sur les propriétés du
composite [164–170]. Ainsi, un traitement de la fibre par une solution alcaline de type NaOH
semble être le plus performant pour réduire l’absorption d’eau par la fibre végétale [163]. La
maîtrise du traitement est essentielle afin d’éviter tout risque de dégradation de l’intégralité
de la fibre [163]. Toutefois, ces traitements chimiques sont contestables dans une démarche
respectueuse de l’environnement.
Une approche plus respectueuse de l’environnement est possible avec le procédé Duralin®
qui repose sur l’utilisation de la vapeur d’eau [171]. Sur des fibres de lin, Stambolis et al.
[172] montrent une baisse de la masse à saturation de 30 % entre la fibre traitée et non
traitée. Le gros inconvénient du procédé Duralin® est la quantité d’énergie nécessaire lors du
traitement qui rend la démarche respectueuse de l’environnement critiquable [121].
Une dernière possibilité repose sur l’application d’un revêtement sur la fibre végétale ou des
traitements de type plasma [173–175].
77
biosourcés comme les résines phénolique, époxy, polyuréthane et polyester. Des propriétés
acceptables sont obtenues et apportent une alternative possible aux équivalents fossiles.
Les principales origines des polymères biosourcés se trouvent dans les huiles végétales pour
des raisons de disponibilité, de coûts et de biodégradabilité [177].
La suite de cette partie se focalise sur les époxys biosourcées (matrice choisie pour
l’élaboration du biocomposite modèle). Le choix de la matrice à été guidé par rapport aux
connaissances acquises au laboratoire sur les époxys pétrosourcés et l’évolution de leurs
propriétés au cours du temps et dans des environnements humides.
Le plus gros problème reste lié à la dégradation du réseau en présence d’humidité [182].
Toutefois, Doroudgarian et al. [183] ont confronté des composites à base de matrices
biosourcées avec des composites à matrices équivalentes issues de la pétrochimie. Il en
ressort qu’en termes de durabilité, face à l’exposition à de forts taux d’humidité, les
propriétés des deux types de composites sont tout à fait comparables.
78
3 Biocomposites : propriétés et durabilité en milieu humide
A travers les zones définies sur la Figure 33 qui présente l’évolution du module d’Young et de
la résistance à la traction en fonction de la masse volumique , Dicker et al. [147] ont
incrémenté les graphiques d’Ashby [184]. De nouvelles données permettant de comparer les
propriétés des bio-polymères et des fibres naturelles à celles des métaux, des polymères,
des céramiques et des bois sont ainsi accessibles.
Par analogie avec les fibres issues de la pétrochimie, un traitement de la fibre végétale peut
améliorer cette compatibilité à l’interface. Les traitements appliqués aux surfaces des fibres
vont optimiser les propriétés de l’interface et par conséquent augmenter la tenue
mécanique du biocomposite. Différents auteurs [170,185] proposent un état de l’art des
traitements chimiques appliqués aux fibres végétales dans le but d’améliorer les propriétés
mécaniques des biocomposites. Ces traitements chimiques conduisent bien à un gain
significatif sur les performances des biocomposites. Se pose alors la question de la démarche
environnementale en ayant recours à des traitements agressifs et nocifs pour la plupart
(comme le NaOH par exemple).
79
Figure 33 : Confrontation des propriétés mécaniques des grandes classes de matériaux en fonction des
masses volumiques respectives [147]
80
générer des contraintes puis des microfissures dans la matrice [186]. Une dégradation de la
surface de la fibre par solubilisation peut apparaître dans un second temps [187]. A long
terme, le développement d’espèces biologiques comme des champignons va accélérer la
dégradation de la fibre [188].
Assez logiquement, avec des fibres plus hydrophiles, les masses en eau absorbées par les
biocomposites sont bien plus importantes que celles classiquement observées sur les
composites issus de la pétrochimie. Le Tableau 18 donne des ordres de grandeur dans le cas
des biocomposites [164]. Les cinétiques de diffusion (de type Fickienne ou non Fickienne) de
prise en eau vont dépendre de la nature des biocomposites.
Tableau 18 : Ordre de grandeur des quantités d’eau absorbée par les biocomposites
81
Les propriétés mécaniques vont fortement chuter avec le vieillissement humide du
composite.
Les fibres elle-même voient tout d’abord leurs propriétés mécaniques chuter avec la prise en
eau et la décohésion fibre/matrice accentue la perte de propriétés.
Tout comme dans les composites pétrosourcés, l’interface et l’interphase jouent des rôles de
premier ordre sur les propriétés mécaniques du biocomposite à l’état initial et au cours du
temps. Dès lors, l’analyse de cette zone de transition de propriétés au voisinage de la fibre
devient primordiale pour la compréhension et la maîtrise de l’évolution des propriétés. Lee
et al. [83] ont tenté d’estimer, à l’aide de mesures de nano-indentation, la taille de
l’interphase sur un polypropylène renforcé par des fibres de cellulose. Ils concluent sur une
taille d’interphase inférieure à 1 µm, mais surtout sur la difficulté d’effectuer cette mesure,
du fait de la résolution spatiale de la technique expérimentale. D’autres auteurs appliquent
diverses techniques (traction, flexion, MEB par exemple) au suivi des décohésions à
l’interface fibre végétale /matrice [187,189].
Baley et al. [190] ont mis en évidence des endommagements dans la fibre végétale (étant
elle-même un biocomposite) lors de la prise en eau. Il apparaît donc bien difficile de mettre
en évidence le ou les mécanismes de dégradation caractéristiques des composites
biosourcés. Un trop grand nombre de paramètres évoluant chacun avec le phénomène
d’absorption d’eau rentre en jeu. Le matériau multi-échelle rend l’identification des
paramètres encore plus délicate.
Parmi les verrous énoncés par Baley [129], il y a la nécessité de disposer de nouveaux
modèles de prédiction des comportements des biocomposites. En effet, la transposition de
modèles développés sur les composites issus de la pétrochimie ne donne pas de solution en
bon accord avec les mesures ou observations sur les biocomposites.
82
La littérature présente quelques modèles prédictifs basés sur les fibres végétales
élémentaires. Une meilleure compréhension des mécanismes physiques se déroulant au sein
de la fibre est déjà un enjeu de taille.
Les premiers modèles décrits dans la littérature sont dédiés à l’étude de la fibre végétale.
Ces derniers considèrent la fibre comme étant un stratifié plan. D’autres modèles basés sur
la théorie des stratifiés tubulaires permettent d’améliorer la représentation de la géométrie
de la fibre [191–194]. Ces modèles permettent la prise en compte de vides cellulaires dans la
fibre.
L’approche analytique suppose que la fibre végétale est une structure cylindrique à multi-
couches concentriques, alors que l’approche par éléments finis permet de prendre en
compte la géométrie réelle en 3D de la fibre végétale. Chacune des couches du modèle est
considérée comme un composite dont la matrice est amorphe (lignine et hémicellulose) et
renforcée par des microfibrilles de cellulose rigides. Les propriétés de chaque sous-couche
sont estimées par homogénéisation [195]. De nombreuses représentations de l’organisation
de la paroi cellulaire se retrouvent dans la littérature [196]. La Figure 35 illustre une des
représentations de l’arrangement des microfibrilles élémentaires dans la section d’une MFC.
83
Pour ce qui concerne les propriétés mécaniques et leur évolution pour chaque constituant,
les données manquent pour fiabiliser les modèles prédictifs. Actuellement, les lois de
comportement principalement utilisées dans les modèles sont du type élastique linéaire.
Quelques auteurs ont cependant enrichi ces lois élastiques avec l’ajout du comportement
plastique dans leurs simulations [197,198]. Les résultats font état d’une bonne corrélation
entre les comportements non linéaires obtenus par les modèles et ceux issus des essais de
traction dans ces cas.
Figure 36 : Confrontation entre les valeurs obtenues par un modèle hygro-mécanique et celles issues de
l’expérimental – Suivi de l’évolution du module d’Young avec la prise en eau d’une fibre de chanvre [200]
84
En revanche, Célino et al. [201] aboutissent à une bonne concordance entre le modèle
analytique de Langmuir et leurs résultats expérimentaux obtenus sur différentes fibres
végétales que sont le lin, le chanvre, le sisal et le jute. Les auteurs ont en effet étudié la
cinétique de diffusion de l’eau dans ces fibres et utilisé à titre comparatif les modèles de Fick
et de Langmuir (Figure 37).
D’autres auteurs obtiennent également de bons résultats sur la prédiction de perte des
propriétés mécaniques liée à la prise en eau dans un biocomposite unidirectionnel (Figure
38) [203]. Joffre et al. [204] ont proposé un modèle micro-mécanique pour modéliser le
85
gonflement radial des fibres. Les résultats obtenus sont également de bon niveau entre les
valeurs des modèles et les mesures expérimentales.
Figure 38 : Confrontation des résultats issus du modèle micro-mécanique et des mesures expérimentales –
Etude du gonflement radial de fibres de chanvre [203]
4.1 Le contexte
Pour relever les nombreux verrous attachés à l’étude des biocomposites, plusieurs auteurs
mettent en avant la forte transdisciplinarité scientifique du domaine (biologie, chimie,
physico-chimie, mécanique …) qui nécessite un travail collaboratif avec un langage commun
pour gagner en efficacité [205]. C’est dans cette vision que le projet de recherche détaillé ci-
dessous s’inscrit.
86
Pour « simplifier » l’étude et surtout la compréhension des mécanismes, le composite choisi
pour ce travail se veut être « modèle » (ou du moins, le moins complexe possible). Cette
référence modèle traduit un matériau avec par exemple :
Cependant, par définition, une matière végétale est difficilement modèle puisqu’un grand
nombre de facteurs vont impacter ses propriétés une fois la maturité atteinte. Se pose alors
la question du choix du renfort afin de s’approcher au mieux d’une matière modèle.
Bien que les fibres végétales comme le lin ou le chanvre aient de bonnes propriétés
mécaniques, la forte dispersion de ces propriétés les rend difficilement utilisables pour un
matériau dit modèle. De plus, ces fibres sont déjà elles mêmes des composites à part entière
de par leurs structures. Dès lors, au niveau seul de la fibre, la compréhension des
mécanismes de vieillissement apparaît déjà délicate [146].
Pour définir le renfort modèle, il est possible de suivre tout au long de la chaîne d’extraction
des fibres ayant une structure la plus simple possible (mono-matière, propriétés
constantes…). Depuis la plante (source de cellulose) jusqu’aux chaînes moléculaires de
cellulose, la microfibrille de cellulose (MFC) peut être le bon compromis pour développer un
matériau modèle (MFC en rouge sur la Figure 39).
Plusieurs auteurs ont proposé récemment un état de l’art sur les MFC et leurs applications
[206–209]. Les premiers travaux sur les MFC datent du début des années 80 [210,211]. La
MFC est un matériau cellulosique dont les dimensions sont comprises entre 10 et 40 nm de
section avec des longueurs supérieures à 1 µm (Tableau 19). A partir de ces ordres de
grandeur, le nombre de microfibrilles élémentaires contenues dans la MFC est compris entre
87
10 et 50. Les MFC contiennent des parties amorphes et cristallines et présentent une
structure semblable à un réseau [212–214].
Des estimations d’ordres de grandeurs sont souvent proposées dans la littérature pour
quantifier les valeurs des propriétés mécaniques des MFC. Henriksson et al. [215] ont ainsi
calculé les modules d’Young de films de MFC en effectuant des essais de traction. Malgré un
taux de porosité dans les films variant de 20 à 28 %, les valeurs de modules mesurées
s’échelonnent entre 10 et 13 GPa. Par ailleurs, plusieurs études ont été menées sur les fibres
élémentaires constituant les MFC. A titre d’exemple, Tanpichai et al. [216] ont évalué
indirectement (par Raman) le module d’Young d’une microfibrille élémentaire de cellulose
dans un intervalle de 29 à 36 GPa. Iwamoto et al. [217] trouvent quant à eux des valeurs de
88
module d’Young de 145 ± 31 GPa et 150 ± 28 GPa par mesure AFM, toujours sur une fibre
élémentaire de MFC. L’écart entre les 2 séries de valeurs provient des traitements différents
subis par la fibre végétale lors de la défibrillation. Ces quelques exemples illustrent la grande
dispersion de résultats largement répandus dans la littérature. Chaque nouvelle étude
donne une nouvelle valeur.
Plusieurs procédés permettent d’obtenir les MFC [218]. Le plus courant repose sur un
procédé mécanique simple qui combine raffinage et haute pression. Les forces de
cisaillement mis en jeu par le procédé vont rompre la fibre pour donner accès aux MFC. La
technique utilisée pour l’obtention de ces MFC a une incidence directe sur leur qualité finale
[206]. Actuellement un gros travail de recherche porte sur de nouvelles méthodes et/ou une
optimisation des techniques existantes afin de garantir une bonne qualité finale aux MFC
produites. Dans ce projet, les MFC commerciales seront utilisées avec une attention
particulière sur l’homogénéité des propriétés des lots proposés.
La mise en œuvre de biocomposites associant des MFC dans des résines époxy
(pétrosourcées ou biosourcées) est décrite par quelques auteurs [213,219].
Récemment, Ansari et al. [220] ont mis au point un procédé d’élaboration de composites à
matrice époxy renforcée par des MFC dont les étapes sont décrites à la Figure 40. Les taux
de MFC atteints en masse sont dans ce cas compris entre 15 et 50 %, avec une faible
porosité résiduelle (< 1 % vol.). De plus, les composites réalisés comportent une bonne
dispersion des MFC dans la matrice époxy [221]. Cependant, pour les taux de 50% en masse,
quelques agrégats de MFC se forment dans le composite.
89
L’ajout de MFC va faire augmenter fortement la masse d’eau absorbée par le composite.
Cette augmentation reste faible par rapport à la résine seule pour des taux de MFC jusqu’à
15 % en masse. En revanche pour des taux supérieurs de 30% et 50%, elle est plus que
doublée avec une valeur comparable dans les 2 cas.
Dans le projet, un taux maximal de 15 % en masse de MFC sera introduit dans la résine
époxy pour s’affranchir des phénomènes décrits précédemment.
Tableau 20 : Propriétés en traction de composites époxy/MFC pour des environnements humides de 50% et
90% [220]
90
Figure 41 : Quantité d’eau absorbée pour différents composites époxy/MCF sous divers environnements
humides [220]
Peu de modèles analytiques sur des biocomposites sont présents dans la littérature. A titre
d’exemple, Josefsson et al. [225] utilisent un modèle micromécanique basé sur l’approche de
Mori-Tanaka et d’un modèle auto-cohérent pour prédire le comportement de ces matériaux.
Les résultats obtenus par le modèle surestiment les valeurs expérimentales. Ansari et al.
[220] confrontent les valeurs de module d’Young obtenues par essai de traction avec des
valeurs issues de modèles prédictifs analytiques basés sur le modèle de Tsai Pagano [226],
qui propose la combinaison empirique de la loi des mélanges (E dans le sens longitudinal) et
du modèle de Halpin-Tsai [227] (E dans le sens transversal). Un fort écart (facteur 2) est
observé entre les résultats du modèle analytique et les valeurs expérimentales. D’autres
exemples similaires sont décrits dans la littérature avec bien souvent une incapacité des
solutions analytiques à décrire le comportement des biocomposites.
91
comportement de la fibre, de la résine et du biocomposite (évolution des propriétés au
voisinage de l’interface/interphase renfort/résine).
Par analogie avec les travaux antérieurs menés au laboratoire, les données d’entrée des
modèles seront autant que possible extraites des essais de caractérisation (AFM, µ-TA,
mesure gravimétrique, DMA …) réalisés au laboratoire et déjà bien maîtrisés dans le cadre
de l’étude des composites pétrosourcés.
Dans une première étape, à partir des résultats de l’étude expérimentale du vieillissement
de la résine époxy biosourcée actuellement en cours de réalisation au laboratoire en
collaboration avec l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier, un modèle numérique est en
cours de développement pour simuler la cinétique de prise en eau de la résine bio-époxy.
Les premiers résultats expérimentaux de mesures gravimétriques montrent un
comportement non Fickien de la résine seule. Ce comportement sera importé dans le code
AbaqusTM sous la forme d’une subroutine [72]. Quand aux MFC, une bonne connaissance de
leur cinétique de prise en eau est également essentielle pour la compréhension du
mécanisme de vieillissement humide du biocomposite. Une étude expérimentale doit être
menée sur la prise en eau des MFC seules. Par la suite, un modèle numérique sera
également proposé pour simuler la cinétique de prise en eau des MFC. A partir de ces 2
modèles, le composite sera modélisé et les résultats obtenus seront confrontés aux résultats
expérimentaux.
92
Dans ce projet de recherche, l’apport de l’outil numérique doit permettre d’étudier
l’influence de chacun de ces paramètres en proposant des modèles appropriés qui
participeront ainsi à la meilleure compréhension de la durabilité en milieu humide de ces
systèmes. Cette partie sera principalement comparative, car de nombreux paramètres
risquent d’être difficiles à obtenir expérimentalement.
A plus long terme, avec le bénéfice d’un certain nombre d’acquis sur ce biocomposite
modèle incluant une meilleure connaissance des mécanismes de diffusion et des
conséquences mécaniques (perte de propriétés), la modélisation deviendra alors un outil de
prédilection pour aider au développement de nouveaux biomatériaux à partir des conditions
en service attendues.
Une durabilité accrue peut également passer par l’application d’un revêtement protecteur,
également bio-sourcé, pour allonger la durée de vie du biomatériau.
93
94
Conclusion générale
Tous les travaux de recherche décrits dans ce mémoire sont représentatifs des
préoccupations scientifiques qui m’accompagnent depuis mon doctorat avec la mise en
place d’outils numériques pour tester, comprendre et prévoir. Depuis la naissance d’un
matériau jusqu’à sa fin de vie, le numérique peut décrire chacune des étapes.
Complémentaire aux mesures expérimentales, les outils de modélisation apportent des
réponses, mettent en évidence des phénomènes et surtout, peuvent dans certains cas
prévoir une dégradation de propriétés ou une ruine du matériau.
Illustré au travers de deux thèmes principaux, l’apport de l’outil numérique a été clairement
mis en évidence, comme dans le cas du pipeline où chaque étape depuis sa mise en œuvre
jusqu’à sa mise en service a été simulée. Un suivi des contraintes a ainsi été obtenu avec des
valeurs crédibles et validées parfois par un retour expérimental. Sans la modélisation, il
aurait été bien difficile et laborieux d’appréhender le suivi des contraintes par exemple.
Les composites d’origine pétrochimique ont encore de belles années devant eux. Le projet
proposé dans ce mémoire se place en alternative à ces matériaux quand cela est possible. Le
composite d’origine végétale a des propriétés à l’état initial de bon niveau. De gros progrès
ont été réalisés ces dernières années et les performances peuvent encore augmenter avec
une optimisation des procédés d’extraction et de traitement des fibres par exemple.
Toutefois, leur tenue mécanique est sujette à une rapide décroissance, tout particulièrement
en milieu humide. Tout l’intérêt de ce projet est de bien comprendre les mécanismes mis en
jeu dans cet environnement afin de trouver des solutions pour augmenter la durabilité de
ces biocomposites.
95
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