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LA MOLÉCULE MIRACLE -

CHRONIQUE D'UN ESPOIR


arte.tv/fr/videos/104798-000-A/molecule-miracle-chronologie-d-un-espoir

Transcription complète du document (sauf extraits audio/vidéo d’actualités et de quelques phrases prononcées par
les intervenants filmés à l’époque, c'est-à-dire pendant que l’équipe de J. Blanquart les suivait au jour le jour en
2020-2021... – la quasi-totalité des entretiens montrés ayant eu lieu ensuite, après le fiasco) :

Intro
00:00:00-00:00:50
(extraits audio/vidéo d'infos télé/radio au début pandémie)

00:00:51-00:01:42
Benoît Deprez
C'était encore assez loin de nous c'était la Chine tout début janvier hein ? c'était un sujet d'intérêt certes, mais
dont je pense peu de personnes avaient pris conscience de l'ampleur.

Sandrine Bélouzard
Dans tous mes projets de recherche j'écrivais que on avait le risque avec cette famille de virus d'avoir des nouvelles
émergences, mais finalement je me projetais pas dans les conséquences d'une telle émergence...

Jean Dubuisson
On était particulièrement surpris de l'ampleur de cette épidémie, qui est devenue une pandémie...

Thibaut Vausselin
C'était très clair pour moi fin janvier qu'on entrait dans une pandémie au point où moi ma famille et mes amis je
les ai appelés et je leur ai dit fin janvier pour leur dire qu'on allait clairement connaître une pandémie...

Térence Beghyn
J'ai pris conscience que peut-être on avait, nous chercheurs quelque chose à faire, et que si on devait le faire on
devait le faire vite.

HIKARI ARTE G.E.I.E. STM "WÉO" présentent en coproduction avec PICTANOVO avec le
soutien de la région HAUTS-DE-FRANCE un film de JEANNE BLANQUART et FRÉDÉRIC
TONOLLI

Produit par ANTHONY DUFOUR

LA MOLÉCULE MIRACLE - CHRONIQUE D'UN ESPOIR

CORONA-PILLE - FORSCHUNG MIT HINDERNISSEN [litt.: "recherche avec obstacles "]

Chap I: la task force


00:02:46-00:05:19
Inauguré fin du XIXè siècle, l'institut Pasteur de Lille regroupe aujourd'hui 32 équipes de recherche, spécialistes des
maladies neuro-dégénératives, cardio-vasculaires, cancers, maladies infectieuses et des coronavirus; séance photo
sur la campus, l'équipe de chercheurs, virologues, pharmaciens, biologistes, se prépare à affronter la covid-19; ils
sont les disciples, les héritiers, de Louis Pasteur; niché au coeur de l'institut, le musée rappelle à tous l'origine de
leurs recherches: génial chimiste, L. Pasteur avait énoncé le principe de la vaccination, inoculer des agents
microbiens affaiblis ayant le caractère de ne jamais tuer, de donner une maladie bénigne, qui préserve de la maladie
mortelle; dans son labo à Paris, Pasteur travaille sur la rage, isolant l'agent infectieux, le virus, il fait des tests, et
l'injecte sur des lapins, levirus est ensuite récupéré, pour être ensuite injecté sur un autre lapin et ainsi de suite
jusqu'à l'obtention d'un agent infectieux atténué; le 6 juillet 1885 on amène à Pasteur un petit Alsacien, âgé de 9
ans, Joseph Meister, mordu 14 fois par un chien enragé; Pasteur hésite, ses recherches n'ton pas encore abouti, mais
il accepte le risque, pour sauver l'enfant; Joseph survit aux injections, après la découverte du vaccin antirabique,
c'est à Lille que le Dr Albert Calmette disciple et complice de Pasteur, développe avec Camille Guérin le vaccin contre
la tuberculose, le BCG (bacille de Calmette-Guérin) un des vaccins les plus utilisés de l'histoire; L. Pasteur et A.
Calmette, des pairs pour Benoît Deprez, directeur scientifique de l'institut, un héritage pour Térence Beghyn,
pharmacien, des éclaireurs pour Jean Dubuisson, virologue, des oncles bienveillants pour Sandrine Bélouzard,
virologue, des guides pour Thibaut Vausselin, biologiste, et tout simplement des maîtres, pour Xavier Nassif,
directeur de l'institut; fin février 2020 un commando inédit de virologues, cliniciens, biologistes et pharmaciens se
forme pour un projet baptisé THÉRAPIDE; leur mission: trouver un traitement contre la covid-19.

00:05:19-00:06:07
Jean Dubuisson:
La task force s'est mise en place relativement rapidement, à partir du moment où on a commencé à se rendre
compte qu'on allait vraiment vers quelque chose de mondial, d'une pandémie...

Benoît Deprez
C'est quand même assez fantastique de se dire que pour une fois dans sa vie peut-être l'humanité dépend de
l'activité des chercheurs dans leur laboratoire.

Terence Beghyn
Benoît a a appelé ça la 'task-force' pour essayer de mener le + vite possible ce combat contre le virus; on était une
trentaine de chercheurs, je dirais en quelques jours, quelques semaines on avait un plan d'attaque.

Xavier Nassif
Ben cette task force est née parce que face à l'arrivée d'un nouveau virus, il fallait bien avoir tout un savoir-faire
pour cultiver ces virus, et le seul laboratoire qui faisait de la recherche fondamentale sur les coronavirus en France
c'était à l'institut Pasteur de Lille.

00:06:08-00:07:13
Spécialisé dans les coronavirus, l'institut cache dans ses frigos un véritable trésor; une exceptionnelle chimiothèque
qui réunit la mémoire de la pharmacopée mondiale; certaines de ces molécules sont même uniques à la collection
de Lille.

Nassif
Il y avait une compétence sur les coronavirus sur le campus, d'un autre côté il y avait une banque de médicaments,
quoi de plus naturel que de se dire "attends on va regarder dans cette banque si on va pas trouver une molécule
capable d'inhiber la réplication du SARS-CoV-2".
Beghyn
Nous on a quelque chose à apporter, on a cet outil, cette collection, représentant toute la pharmacopée mondiale,
elle est là, elle est disponible...

Beghyn "Ici donc dans cette pile de plaques, vous avez les 2000 principes actifs de médicaments qui sont aujourd'hui
testés sur le virus; donc on peut voir ici que le format de plaque c'est une plaque qui contient 384 puits, et dans
chacun des puits on a une solution de principe actif, et donc c'est ça qu'on vient mettre sur les cellules qui sont
infectées par le virus".

Chap II: le repositionnement


00:07:14-00:10:07
À l'institut, une réunion de crise se prépare; ordre du jour: élaborer un plan de bataille; développer un vaccin, ou une
nouvelle molécule anti-virale spécifique, trop cher, et surtout trop long; à Pasteur-Lille, depuis des années, on étudie
les coronavirus; les compétences, les outils et la bibliothèque -la chimiothèque de molécules- sont là; la décision est
unanime, l'urgence le commande, le repositionnement s'impose.

Beghyn
Quand on est en guerre, on n'utilise pas de nouveaux processus, on regarde ce qui existe déjà, et on essaye de
l'exploiter au mieux, pour gagner du temps.

Nassif
Le repositionnement, c'est vous utilisez quelque chose qu'est pas fait pour autre chose, d'accord ?

Le repositionnement, un choix stratégique, économique et rationnel, une arme qui a fait ses preuves; réutiliser des
médicaments, déjà évalués cliniquement, permettrait de traiter des patients atteints du SARS-CoV-2 beaucoup plus
rapidement que de nouveaux médicaments, qui auraient à franchir un lourd processus d'évaluation; arme efficace,
le repositionnement mal maîtrisé peut aussi se montrer dangereux; à Pasteur, un protocole est mis en place, malgré
l'urgence, la procédure doit être irréprochable.

Deprez
Il existe différentes manières de faire du repositionnement: soit on part d'une ancienne observation médicale et
clinique "ah ! ce médicament, il est pas utilisé pour ça, mais moi je l'ai vu chez ces patients, il a cet effet", ça c'était
Didier Raoult.

(suivent/accompagnent des extraits d'infos télévisées concernant l'imposteur Raoult)

L'hydroxychloroquine: le remède-miracle porté par le Pr Raoult, est autorisé par le décret du 26 mars pour traiter
les patients atteints de la covid, pour être finalement être interdit 2 mois plus tard; une efficacité non démontrée,
et de dangereux effets secondaires avérés alimentent la polémique; par ricochet, la suspicion et le doute entachent
toute forme de repositionnement.

Deprez
Mais nous on n'est pas partis comme ça, nous on s'est dit "on veut une approche totalement non-biaisée, on
veut...", on s'est dit "s'il existe une molécule qui a un effet anti-covid dans la pharmacopée existante, on veut la
trouver, on veut la détecter".
Chap. III: le confinement
00:10:08-00:14:46
La situation sanitaire, critique, franchit le stade épidémique; au sommet de l'État on s'inquiète, et se prépare au
pire.
(extrait d'un discours télévisé du clown Macron, avec le grotesque "nous sommes... en GUERRE")
Le jour se lève sur un pays désert; la pandémie a comme tout effacé, la ville semble conquise par un ennemi qui reste
invisible.

Deprez
On avait vraiment l'impression d'être sur une autre planète, y'a plus rien qui fonctionne..., mais ce qui nous
raccrochait à notre planète, et à la vraie vie, c'était finalement ce projet, parce qu'on continuait d'aller travailler
dans nos laboratoires pour trouver une solution, on était quasiment les seuls à part ceux qui sont à l'hôpital et qui
devaient traiter les gens, on était quasiment les seuls à continuer à travailler.

Une guerre silencieuse, où les blouses blanches et les chercheurs, vaillants soldats du quotidien, se rendent sur la
ligne de front.

Jean Dubuisson
Les rues étaient désertes, on venait tous les jours relativement tôt le matin et on terminait tard le soir, on avait
l'impression d'être les seuls dans Lille à avoir une activité...

Thibault Vausselin
C'est forcément particulier de travailler pendant ce confinement, ne serait-ce que de venir au travail quand les rues
sont vides, quand tout est vide, forcément c'est très particulier...

Nassif
Ah oui ça a été très particulier ! Ben moi j'ai été confiné comme tout le monde, parce qu'y avait une vision, moi
j'étais pas derrière la paillasse hein ? Mais je peux vous dire qu'y a des gens ici qui ont travaillé week-ends compris,
qui ont travaillé jour et nuit pendant le confinement.

Habilitée à travailler au P3, le labo de haute sécurité, Sandrine, virologue, est un membre essentiel de l'équipe; pour
elle, s'absenter serait comme déserter.

Bélouzard
C'est vrai que pendant le premier confinement, on est venus tous les jours travailler, le week-end, parce qu'il fallait
que ça avance le plus vite possible, et donc on s'est pas posé la question on s'est vraiment pas ménagés quoi... On
était un petit groupe dans le laboratoire oui mais c'était important les gens qui entouraient tous les jours le
laboratoire, qui sont venus aussi travailler, ça a pas forcément été facile non plus pour eux.

Deprez
On essayait aussi de limiter les présences, parce qu'on voulait surtout pas attraper la covid, sinon si moi j'avais
quelqu'un dans la task force qui attrapait la covid ça voulait qu'on mettait quasiment le système à l'arrêt pendant
10 jours, ou 15 jours, parce que les fonctions n'étaient assurées certaines fois que par une seule personne qui avait
la compétence.

Beghyn
On s'est retrouvés dans des visioconférences parfois avec 30 chercheurs du campus Pasteur, à se demander
comment on allait faire, pas *si* on allait le faire, *comment* on allait le faire, et donc ça a été extrêmement vite...

Benoît, le directeur scientifique, gère et coordonne l'équipe; virologues, pharmaciens, biologistes, tous se sont portés
volontaires.

Dubuisson
On avait l'impression de travailler plus que d'habitude, parce qu'on sentait que c'était important que le monde
comptait sur nous pour essayer d'aller le plus vite possible pour trouver des médicaments, donc...

Deprez
On prenait aussi énormément de précautions pour pas trop se croiser, même sur le campus on faisait des visio-
conférences, on faisait pas réunions physiques, donc on continuait le principe de la distanciation physique, même
dans les labos, même sur le campus...

(séquences où les équipes, filmées à l'époque -2020-, apparaissent en réunion...)

La mission est trop importante, et le temps, compté; l'équipe s'est donné deux mois pour réussir et trouver la
molécule miracle.

Chap. IV: le criblage


00:14:49-00:25:10
Vausselin
Il nous a très vite été demandé de mettre en place toutes les techniques pour ce criblage des molécules qu'on a
testées, et de le faire dans un délai de deux mois.

Sandrine et Thibaut préparent les opérations de criblage, qui doivent être effectuées sur une lignée cellulaire de
singes; préalablement infectées, les cellules de primates sont mises en contact avec les 2000 molécules de la
pharmacothèque de l'institut; différents dosages, et de multiples combinaisons sont essayés pour affronter le virus
dans ces tests in-vitro.

Deprez
L'idée c'était d'avoir un criblage, un tri des molécules qui sont disponibles dans la pharmacopée dans le monde, qui
nous détecte de manière très sensible la moindre activité anti-covid...

Beghyn
Donc on teste tout, et tous les médicaments du monde ont été testés sur le covid-19.

(insert: "25 mars 2020, 1687 décès")

Les chercheurs de Lille ne se contentent pas de tester les médicaments antiviraux, ils font le pari que sur les 2000
molécules de médicaments disponibles, de l'antibiotique à l'antidouleur, au moins une aura un effet inhibiteur sur
l'infection virale responsable de la covid-19.

Dubuisson
Ces principes actifs de médicaments, on les analyse à une grande échelle, c-à-d qu'on les met en contact avec des
cellules infectées, on essaie de regarder si ces principes actifs de médicaments bloquent l'infection virale; en gros
on analyse toutes ces plaques et on regarde celles pour lesquelles les cellules ont survécu.

Les plaques, qui contiennent la préparation de cellules de singes et de principe actif, sont descendus au laboratoire
P3, le coeur caché de l'institut. Sandrine est une des rares chercheuses habilitées à travailler dans cet environnement
confiné et contrôlé, qui permet de manipuler les virus en toute sécurité. Les règles de sécurité sont draconiennes,
combinaison, plusieurs paires de gants, masque et cagoule ventilée; les coronavirus, gardés à -80° sont sortis de leur
sarcophage de glace; chaque plaque, chaque puit, rempli de cellules et de principe actif, sont infectés par une
distribution de virus, elles seront analysées après incubation par une forme de criblage robotisé, capable de tester
plusieurs milliers de combinaisons de molécules en parallèle.

Bélouzard
En ce moment je viens pratiquement tous les jours [...] pour moi y a pas eu de confinement. On voit bien au journal
tous les jours, on nous annonce le nombre de morts... C'est sûr que c'est une motivation supplémentaire, de se
rendre compte de ce qu'il se passe et de se dire que si on a un petit coup de mou on n'a pas le choix et qu'il faut
continuer... (au milieu: extraits audio d'infos à propos du nb de morts)

Vausselin
C'était clairement une urgence..., à partir du moment où on nous dit "dans deux mois il faut qu'on ait une liste"
c'est clairement, euh... clairement la tâche derrière est énorme.

(insert: 13 avril 2020, 14393 décès)

Chez Thibaut, le jour se mélange à la nuit et des milliers de lignes balayent l'écran de son ordinateur, 17 mille lignes
pour un mois de recherche; chaque ligne affiche le résultat, le bilan d'un des 384 puits d'une plaque analysée lors
du criblage; une de ces lignes annonce peut-être le combat victorieux d'une molécule face au virus.

Vausselin
Malgré ce qu'on pense de la recherche on suit quand même un rythme biologique, et on peut pas aller plus vite
que la musique, malheureusement, et on doit aussi s'adapter, ce qui est très compliqué sur des virus émergents,
puisqu'on connaît rien en fait ! On a aussi ces habitudes (hollywoodiennes ?) qui font que ils mettent tout dans une
machine et d'un coup on a une belle image avec bientôt le virus qui vous fait signe... comme de la magie, en fait...
Le fait est que non, la science c'est pas cette espèce de baguette magique qui vous va vous dire blanc ou noir, ce
qu'il faut faire ou pas faire, et vous trouver une solution quand ça vous arrange.

Le temps de la recherche est nécessairement long, sans cesse répété, comme le rocher de Sisyphe, poussé chaque
jour; mais la fatigue est moins lourde à porter dès les premiers résultats encourageants.

Bélouzard
Au départ on avait 2000 molécules, après le premier criblage on en a à peu près une vingtaine qui vont démontrer
dans l'essai qu'on va utiliser, un effet antiviral...

Dubuisson
Ce qu'on voulait savoir c'est à quel moment cette molécule intervient pour développer son activité antivirale, donc
on fait des temps d'incubation différents et on la compare à d'autres molécules à activité antivirale connues,
comme le remdesivir et la chloroquine...
L'hydroxychloroquine promue par le professeur Raoult, traitement anti-malaria à l'origine, ou le remdesivir, mis au
point contre le virus Ebola, ont tous deux échoué à convaincre de leur efficacité; une molécule à l'institut Pasteur
semble se démarquer de ces deux échecs, mieux, elle semble agir en empêchant la réplication du virus...

Dubuisson
Et c'est là qu'on a pu déterminer que le clofoctol agissait à un moment plus tardif, pas à un moment ultra-précoce,
mais à un moment où le virus met en route la réplication de son génome, et pas au moment où il entre dans la
cellule.

Clofoctol - le nom de la molécule est lâché. Contrairement aux autres qui ne semblent agir qu'au début de l'attaque
et sur l'entrée du virus [dans la cellule], le clofoctol agit sur la réplication du virus, il peut ainsi réduire la charge
virale du porteur, et diminuer la contagion.

Deprez
On avait travaillé de manière très efficace, et fin mai, on avait identifié, pas la molécule miracle, mais un candidat
qui présentait des caractéristiques vraiment extraordinaires.

Nassif
Fin mai la molécule était là oui, fin mai la banque avait été screenée, on regardait les résultats... Je me souviens de
les avoir regardés avec Benoît Deprez, puis avec Jean Dubuisson, on regardait ce qui inhibait et qui inhibait pas, on
affinait un peu puis on refaisait, ben finalement on s'est dit ouais c'est bon...

Beghyn
On a sélectionné le clofoctol.

Deprez
Le clofoctol c'était cette molécule que personne d'autre n'avait vue, et qui présentait des caractéristiques vraiment
uniques, notamment en terme d'efficacité vue sur les cellules, et de la sécurité d'usage, qu'on connaissait en
clinique depuis des décennies.

Beghyn
On prend beaucoup moins de risques à utiliser un médicament qui est déjà très connu, très utilisé, pour soigner
une maladie émergent; en quelques semaines on est capable d'évaluer son efficacité in-vitro sur un virus, en
quelques mois son efficacité sur un organisme vivant un organisme animal, et très rapidement on peut l'utiliser
chez l'homme, avec cette sécurité que l'on connaît parce que c'est un médicament déjà commercialisé.

Encore produite et prescrite en Italie sous le nom de Gramplus, le clofoctol, commercialisé sous forme de
suppositoires dès les années soixante-dix, est un antibiotique vendu à prix dérisoire et indiqué pour traiter les
infections bactériennes des voies respiratoires; peu connue en dehors de l'Europe, où elle était principalement
prescrite, cette molécule a échappé au radar des chercheurs américains et asiatiques.

Deprez
On a essayé de tenir le secret sur le nom de la molécule pdt très longtemps parce qu'on ne voulait justement pas
que sur des informations partielles obtenus in-vitro des médecins se mettent à utiliser le clofoctol en se disant "oui
ça marche !"...
Un silence vertueux pour éviter tout emballement irraisonné, mais aussi un silence de raison, la guerre contre le
virus peut être aussi économique, les puissants groupes pharmaceutiques ont de grandes oreilles, alors le nom de
la molécule doit rester caché, sous un banal code.

Beghyn
Et donc là un nouveau challenge s'ouvre devant nous: comment allons-nous faire pour évaluer l'efficacité de ce
clofoctol, qui est par ailleurs très bien connu, notamment en France puisqu'il a été utilisé pdt des décennies,
comment va-t-on l'évaluer chez les patients souffrant de la covid-19 ?

Chap. V: la validation
00:25:11-00:32:18
Vausselin
Normalement vous allez pas devoir crier dans la rue "on a trouvé ça, il nous faut de l'argent...", ça devrait pas se
passer comme ça, ça devrait pas se passer comme ça - et c'est ce qui s'est passé !

(insert: "3 août 2020, 30264 décès")

Pour valider la découverte, et continuer les tests, passer du in-vitro au in-vivo, l'argent manque; ni la ministre de la
Recherche, en visite à Pasteur à la fin du mois de mai, ni la banque pour l'investissement sollicitée ne réagissent;
alors que les attentes pour un traitement sont énormes, les pouvoirs publics sont absents, malgré les apparences et
les discours.
(extraits d'infos télévisées avec l'imbécile Castex en visite à Lille)
Opportunément installé sur les trottoirs de l'institut Pasteur, un centre de dépistage attend la visite programmé de
Jean Castex, l'occasion parfaite pour Benoît Deprez d'aborder le Premier ministre, et partager leur découverte, qui
peut, comme il en est persuadé, changer la nature du combat.

Deprez
Il n'est pas prévu qu'il rentre pour voir les laboratoires de recherche, il est là pour finalement observer un centre
de dépistage efficace, qui est fait sur le trottoir de l'institut Pasteur de Lille; on était un tout petit groupe, autour
de Jean Castex et on lui a dit "on a découvert une molécule, ancienne, et qui présente un profil vraiment intéressant
comme traitement dans la covid" et au moment où on a parlé de traitement, de découverte de traitement à
l'institut Pasteur de Lille, Jean Castex s'est complètement entouré d'un mutisme complet, le regard fixe - une
attitude qu'on a comprise comme "je ne veux pas en entendre parler"...

Beghyn
Je me suis dit "mais si le Premier ministre ne fait pas la démarche de nous aider, qui va le faire ?"

Nassif
Je pense que nos autorités politiques s'étaient un peu brulées avec l'hydroxychloroquine, il faut le dire, quand
même...

Beghyn
On était en guerre, on apportait une nouvelle arme, et je m'attendais à ce moment-là, à ce que nos gouvernants
prennent la main, c-à-d qu'ils viennent nous voir et qu'ils nous disent "c'est bien ce que vous avez fait" -peu importe-
"maintenant comment on peut vous aider ?"
Vausselin
On devrait pas se poser, au moment d'une pandémie, la question des moyens et de la mise en oeuvre, or c'est ce
qui s'est passé.

Quand Benoît et Térence s'épuisent à chercher des financements, Sandrine et Thibaut continuent, eux, d'affiner leurs
travaux; les tests sur des épithéliums de poumon humain s'affichent positifs, le clofoctol s'affirme durant l'été
comme la molécule tant espérée.

Deprez
Le clofoctol avait l'air d'être vraiment le candidat qui se confirmait de jour de jour et vers lequel nous étions
persuadés qu'il fallait commencer les essais cliniques...

À Paris, chez CAPNET*, le comité adhoc de pilotage national des essais thérapeutiques, organisme spécialement
créé pour accélérer et faciliter les recherches les plus prometteuses sur la covid-19, on s'agace de l'empressement
de l'équipe de Lille à vouloir passer au plus vite à la phase 3, celle des essais cliniques sur l'homme.

[* voir annexe en fin de document pour savoir de quel volapük intégré il s'agit]

Yazdan Yazdanpanah
Premièrement c'est pas parce que vous avez vu que ça marche in-vitro ça veut dire que ça marche*, donc c'est pas
bien d'annoncer qu'on a trouvé un médicament si c'est in-vitro, ... qu'on a trouvé que ça marche - parce que ça
veut rien dire*.

[* sic: mais "c'est pas parce que vous avez vu que ça marche [...] ça veut dire que ça marche" ça veut dire quelque
chose peut-être ??]

Nassif
[hochant la tête l'air à moitié désespéré] Le Français quand il place son argent il achète de l'assurance-vie, il achète
pas des actions, l'Américain il place toute sa retraite à la bourse, il est peut-être fou, mais c'est comme ça, c'est
culturel pour eux, ben pour la santé c'est pareil...

Yazdanpanah
C'est vrai que, ils voulaient passer tout de suite, parce que tout le monde pense qu'il a trouvé une molécule, vous
savez ?, èh ?, tout le monde pense en plus dans ce contexte d'urgence que, il a la vérité, et on leur dit la première
chose à faire c'est évaluer sur un MODÈLE ANIMAL, c'est important d'avoir des données sur un MODÈLE ANIMAL,
parce que, on peut pas passer de l'étape in-vitro à l'homme, il faut évaluer sur un MODÈLE ANIMAL*.

[* merci ça fait TROIS FOIS on a compris]

Beghyn
J'ai été euh [hésitation...] surpris... que des instances euh... qui ont eu connaissance de notre projet, comme
CAPNET, exigent de nous que le produit soit évalué chez des primates, qui est un modèle animal certes très élaboré,
mais très difficile à utiliser, très coûteux, très long.

Pour répondre à la demande de CAPNET, qui impose des essais cliniques sur les singes, l'équipe trouve secours chez
elle, à Lille, au Conseil régional des Hauts-de-France.
Daniel Leca
Dès que l'institut Pasteur de Lille nous a sollicité nous avons répondu favorablement et nous avons engagé le
financement dès lors que nous étions en mesure de le faire; ce que je constate simplement c'est que on a été, au
niveau français, on a été à la remorque du monde, et que oui nous avons sans aucun doute raté certains rendez-
vous, sinon nous aurions été peut-être plus performants pour identifier certains traitements, plus performants pour
identifier un vaccin, ça c'est une réalité, et je crois que tout le monde le dit aujourd'hui*.

[* sauf Yazdanpanah qui persiste et signe]

Rapidement, 870 mille euros sont débloqués par le Conseil régional pour financer l'expérimentation sur 12 singes,
des macaques... Au programme des tests, l'évaluation de la pharmacocinétique du clofoctol, ce qui revient à mesurer
les doses nécessaires pour combattre le virus. La réussite de l'expérimentation sur les primates, modèle animal si
proche de l'humain, signerait à coup sûr la reconnaissance par le monde scientifique et politique du clofoctol.

Dubuisson
Le passage chez l'animal n'est pas si facile que ça parce qu'on a affaire à une molécule dite hydrophobe, c-à-d qu'elle
se mélange pas du tout à l'eau, le mode d'administration n'est pas évident.

La prescription de suppositoires au singe étant impossible pour raisons biologiques, le traitement ne peut être
administré que par injection, le protocole en prévoit deux par jours, mais une loi bioéthique pour le bien-être animal,
interdisant deux anesthésies journalières, l'expérience avec les macaques est stoppée.

Beghyn
Je me suis dit "mais attendez, on est en train de perdre un temps précieux là ! Attention, on est sur le
repositionnement d'un médicament qu'on connaît depuis des décennies, qui est utilisé chez le nourrisson, jusqu'à
chez l'adulte, et qui est totalement inoffensif".

Chap. VI: l'argent des mécènes


00:32:20-00:38:56

Deprez
On a décidé de faire le buzz, c'est pas notre façon d'agir habituelle, mais là on l'a fait contraints et forcés parce que
si on voulait, ne serait-ce que commencer à imaginer un essai clinique et être crédibles avec cet essai clinique, pour
faire des demandes d'autorisation d'essai clinique il fallait avoir l'argent.

(insert: "29 septembre 2020, 31808 décès")

Un buzz efficace, les médias nationaux annoncent la découverte d'une molécule miracle.

(extrait audio radio Europe 1 avec interview Deprez)

Deprez
À 7h45 j'avais cet interview à une heure de grande écoute, sur Europe 1, où j'ai sorti le chiffre du besoin financier
pour l'essai clinique, 5 millions...

Beghyn
Je suis dans mon bureau, je reçois un coup de fil, et là c'est... on me parle de Louis Vuitton, LVMH, c'est le secrétaire
général, qui demande à parler à Benoît Deprez.

Deprez
Il m'a dit "comment est-ce qu'on peut vous aider ?", donc j'ai décrit la situation, j'ai décrit l'essai clinique que nous
avions en tête, l'utilisation des fonds que l'on ferait et il m'a dit "ben on va rédiger un brief pour Bernard Arnault,
le brief doit être prêt pour 14h parce que je vais le voir", et à 16h30 j'ai reçu un autre appel du secrétaire général
qui me disait "j'ai trouvé 5 millions sur ma route, est-ce que vous les voulez ?", et bien sûr j'ai dit oui...

Beghyn
Là je suis tombé une deuxième fois de ma chaise: on est en France, on est en guerre, on a potentiellement une
arme, [expression d'interrogation stupéfaite sur le visage de Beghyn] c'est une personne privée qui vient financer
un projet d'une telle importance ? [silence...] Je ne comprends pas ce qui s'est passé.

Deprez
Ben finalement les 5 millions c'est la promesse qu'on pouvait se mettre au boulot ! On commençait à ramer d'une
autre manière.

(extraits journaux télévisés de 20h)

Après l'échec des expérimentations sur le singe*, l'équipe se tourne vers la souris... Un peu de bricolage s'impose
pour que les souris acceptent d'ingurgiter le mélange, en l'absence de protocole connu pour cette expérience,
Térence doit trouver le bon moyen d'administrer le médicament au rongeur

[* ?!?, pourquoi parler d'"échec des expérimentations" quand il n'y a eu aucune expérimentation ?]

Beghyn
Heureusement qu'en parallèle des expériences chez le macaque, des chercheurs du campus de l'institut Pasteur de
Lille arrivent à mettre au point un autre modèle de la covid-19 cette fois-ci chez des souris, ce qui nous permet en
parallèle d'essayer d'utiliser ces animaux pour démontrer l'efficacité du produit.

(pendant ce temps: images vidéo de l'équipe de Lille en train de bosser...)

Direction le laboratoire de haute sécurité, le P3, seul endroit où le virus peut être manipulé. À l'intérieur, des souris
préalablement infectées par la covid, attendent le traitement.

Dubuisson
Alors on a testé différents modes d'administration, on a trouvé un mode qui pouvait convenir chez la souris, par
injection intrapéritonéale, et on était très optimistes...

Après avoir démontré in-vitro que le clofoctol bloque la réplication du virus, l'équipe se prépare à le prouver in-vivo,
de ce test dépend la poursuite de la recherche. Quand un groupe de souris reçoit la solution avec le clofoctol, l'autre
reçoit un simple placébo: le résultat est sans appel, in-vivo, la molécule bloque la réplication virale, et réduit la
dégradation des poumons des rongeurs...

Beghyn
On arrive à réduire la charge virale pulmonaire chez la souris, simplement en deux jours de traitement, on réduit
très significativement l'inflammation pulmonaire...

Bélouzard
... et du coup en empêchant au tout début en fait de l'infection la prolifération de ses protéines virales on va
empêcher le virus de se multiplier, de faire des nouveaux virus, et la propagation de l'infection.

(insert: "20 novembre 2020, 48265 décès")

L'expérience in-vivo, une véritable victoire, utilisé à faibles concentrations, le clofoctol agit bien comme un antiviral
efficace contre la covid; il présente peu ou pas d'effets secondaires, et son utilisation sur l'homme est largement
documentée par des années de prescriptions; reste à trouver le dosage parfait pour affiner l'action antivirale, le défi
pour l'équipe est désormais de pouvoir faire la preuve sur l'humain, à travers les essais cliniques.

Dubuisson
Là on était très contents parce qu'on s'est dit voilà, notre molécule, on peut aller... on a trouvé quelque chose qui
est vraiment fonctionnel, donc ça devrait fonctionner chez l'homme...

Beghyn
Donc pour nous c'est un grand succès, et donc effectivement à ce moment-là du projet on est très confiants pour
euh… l'octroi par CAPNET du label de 'priorité national de recherche' [cf. annexe sur le CAPNET ci-dessous et le
"PNR"].

Chap. VII: priorité nationale


00:38:59-00:52:00
(insert: "1er décembre 2020, 52731 décès")

Décembre 2020, l'équipe a pris du retard, le dossier pour la demande de priorité nationale doit être déposé chez
CAPNET d'ici une semaine; un label nécessaire pour pouvoir lancer les essais cliniques chez l'homme, les essais
pourraient commencer d'ici deux mois.

Nassif
Alors on a été dans un premier aller-retour avec le CAPNET, ben écoutez on avait..., nous on avait confiance hein ?
nous on était..., toute l'équipe était gonflée à bloc, euh... [tapote sur son bureau l’air de dire "que vouliez-vous que
nous fissions de plus ??"]

Beghyn
Ben on était confiants parce que les résultats étaient là, les résultats étaient convaincants, on avait quand même
des résultats in-vitro d'efficacité antivirale, on avait soigné des animaux modèles, en fait on pouvait rien faire de
plus hein ?, on n'avait pas réussi à faire le macaque, certes, mais l'étape d'après, l'étape naturelle d'après c'était
l'essai clinique.

(insert: "4 février 2021, 77238 décès")

Effervescence sur le parking de l'institut, un invité de marque est annoncé: Antoine Arnault, héritier du groupe
LVMH, le leader mondial du luxe...
(images vidéo de l'arrivée d'A. Arnault)

Nassif
J'ai été ravi de l'accueillir, de pouvoir lui dire, le connaître et lui dire de visu que je le remerciais de la confiance qu'il
accordait à notre institution...

Silhouette élégante, mélange d'intelligence et d'humilité distinguée, Antoine Arnault le mécène aux 5 millions
d'euros vient fier et curieux participer à l'aventure, sous le regard de la presse... On pense toujours lancer le
traitement pour 2021, alors on fête déjà le succès à venir.

(pendant ce temps la vidéo de la visite d'A. Arnault continue...)

Deprez
On était très fiers d'avoir un industriel visitant les laboratoires de recherche, s'intéressant réellement, sincèrement,
aux sujets scientifiques, posant des questions..., et réellement dans le groupe de scientifiques il était euh... on avait
l'impression qu'il était comme un poisson dans l'eau, il était vraiment heureux d'être là.

(suit cet extrait avec A. Arnault: "dans l'article était [...] qu'ils avaient besoin de 5 millions d'euros, évidemment on
arrive pas comme ça avec notre chéquier et on ne décide pas tout de suite de proposer l'intégralité de la somme
dont ils avaient besoin, et donc assez vite on en a parlé avec mon père, et on s'est dit que non seulement parce
qu'évidemment c'était un essai très sérieux et que la méthode est absolument parfaite, mais aussi évidemment
parce qu'on a des attaches dans la région on a décidé de le faire, et nous voici aujourd'hui pour découvrir, en ce qui
me concerne, l'institut et pour parler de cet essai" ; on voit ensuite A. Arnault prendre "juste un petit film pour [ses]
enfants qui adorent les robots" devant une vitre derrière laquelle s'activent des machines...)

Deprez
Toute cette journée s'est déroulée dans une très bonne ambiance jusqu'à leur départ, (à la belle [ ?,
incompréhensible]) qui était programmé d'ailleurs, de la DGS, pour nous faire un débrief justement de notre
soumission CAPNET...

Pour Benoît et son équipe, une journée parfaite, un mécène attentif et passionné, et dans quelques minutes la
nouvelle tant attendue de Paris et de CAPNET; Antoine Arnault tout juste salué, Benoît se précipite vers son bureau.

(extrait vidéo de Benoît Deprez filmé au téléphone à l’époque, en pleine communication avec un emplâtre de chez
CAPNET: "c'est un coup de fil important, je vais appeler sur le fixe... ça ne répond pas... ah !, ils rappellent" [à voix
basse], voix au tél: "on (?) aujourd'hui qu'y a peu de chance qu'il passe mardi en priorité nationale...")

Deprez
La personne que j'ai au bout du fil me dit qu'ils n'ont pas pu lire le dossier dans son intégralité, mais que... ils
souhaitaient me prévenir pour que je perde pas de temps, que le label de PNR ne serait pas attribué...

(suite extrait vidéo: "je, je... j'avoue que j'ai du mal à comprendre comment vous pouvez heu... sans avoir revu les
documents, dire que après les avoir vus il y aura peu de chances [plan sur Beghyn à ce moment précis qui semble
envisager de commettre un attentat-suicide...] qu'on ait le label de PNR, je ne comprends pas le processus de
décision..." puis Deprez perd la communication: "euh... il est coupé, qu'est-ce que c'est que ce truc ?"*)
[* on peut supposer que si Deprez n'avait été filmé à ce moment-là par Blanquart et son équipe il aurait plutôt hurlé
PUTAIN MAIS C'EST QUOI CE BORDEL et balancé son téléphone par la fenêtre...]

Beghyn
Et c'est un des responsables de CAPNET qui l'appelle en disant "votre dossier va être examiné, mais... on sait qu'il
aura pas le label" !, et effectivement il doit glisser dans la conversation "j'ai pas lu le rapport, mais je sais que vous
aurez pas le label" !! [ici à nouveau regard de Beghyn qui pourrait laisser supposer qu'il envisage un attentat-
suicide...]

Yazdanpanah
Premièrement, les résultats chez les souris transgéniques ne sont pas extraordinaires, d'accord ?*, des résultats qui
sont trouvés, y a un effet, sur la charge virale, mais c'est pas extraordinaire; deuxièmement: les souris ce n'est pas
le meilleur modèle; troisièmement ils partent direct sur une phase 3 - on leur dit "mais écoutez faites au moins un
essai clinique chez un nombre de patients moins important", les phases 2 - c'est comme ça qu'on fait !

[* le regard qui semble dire "vous comprenez ?, on me la fait pas à moi..."]

Deprez
On s'est dit "mais si on dépend de ces gens-là pour notre recherche, on est mal barrés..."

Beghyn [à l'époque, probablement juste après le coup de fil ci-dessus, puisqu'il porte même masque et mêmes
fringues...]
Comment une opportunité d'utiliser un antiviral aujourd'hui contre le covid, n'est pas une priorité en France ?, et
je reste persuadé que dans d'autres pays ça resterait une priorité, qu'on aurait peut-être plus de chances du coup,
de mettre à disposition de la population ce produit... [même regard mélangeant exaspération et désespoir]

Beghyn
Je rappelle qu'on est sur du repositionnement, on maîtrise le risque, on connaît le bénéfice potentiel que
l'utilisation du produit pourrait avoir, et on ne décide pas de tenter le coup !, parce que c'est ça, c'est TENTER LE
COUP ! Pourquoi des gens nous empêchent... de tenter le coup ?

Yazdanpanah
Même pendant une période d'urgence, même une maladie mortelle pour laquelle y a pas de traitement y a des
règles, faut suivre - des règles.

Nassif
C'est un peu ceinture et bretelles c-à-d c'est un peu, ben... ils veulent être certains, que ceci, que cela, etc. euh...
donc je pense que c'est comme ça que nous sommes, faut aussi savoir l'accepter et le reconnaître.

Vausselin (à l'époque)
Mmhgrbmlmmhgrblmh... Je me dis je sais pas pourquoi on fait de la science en fait, là on est en février, ça va faire
un an qu'on a commencé à travailler là-dessus, et en fin de compte on a l'impression de... d'avoir fait tout ça à toute
vitesse et qu'aujourd'hui tout le monde prend son temps, et y a un moment en fait c'est vraiment décourageant,
c'est VRAIMENT décourageant...

Nassif
Ben deux mois que... on... a perdu deux mois ouais. Là, ouais. Ça c'est sûr. [expression accablée...]
Finalement, le 7 avril 2021, après quelques corrections au dossier, l'équipe lilloise reçoit le label de priorité nationale;
malgré la priorité obtenue, il faudra encore attendre deux autres mois pour recevoir celle de l'agence nationale de
sécurité du médicament, des mois d'attente fatals au projet.

Deprez
On a pâti d'une très mauvaise combinaison entre les délais administratifs et la dynamique de l'épidémie en France,
euh... les... les différents allers et retours avec CAPNET et ensuite avec les autorités nous ont fait complètement
louper la vague de printemps 2021, qui est une vague très intense avec un très grand nombre de patients, euh... et
qui rétrospectivement était la dernière fois où on pouvait réellement mettre en place cet essai qui avait été designé
6 mois avant...

Benoît avait prévu de recruter 700 patients âgés de plus de 50 ans, non vaccinés et atteints du covid, pour mener
ses essais cliniques. (insert: "12 juillet 2021, 111436 décès") À l'été 2021, aucun patient n'a pu être encore inclus à
l'essai

Leca
Ce qui était prévu, c'était la possibilité de disposer de cohortes de patients non vaccinés, sauf qu'à ce moment-là
on a une accélération, qui a pris du temps hein ? quand même, mais une accélération considérable de la politique
vaccinale en France, et qui fait que ça rend le protocole manifestement inopérant, ou en tout cas non applicable.

(extraits d'infos télévisées)

Nassif
Le président de la République a introduit le passe sanitaire: alors là, le taux de vaccination, notamment chez les
plus de 50 ans, qui étaient notre cible, notre cible c'était les plus de 50 ans, non vaccinés, mais simplement on s'est
retrouvés avec notre population-cible qui était vaccinée à 91, 92%...

Deprez
Les tergiversations ont fini par rendre le projet euh... inopérant, l'empêcher totalement oui...

Il avait fallu à peine deux mois à l'équipe de l'institut Pasteur de Lille pour identifier et isoler une molécule
prometteuse, le clofoctol; il a fallu plusieurs mois à CAPNET pour accorder son précieux label; pendant des dizaines
d'années le clofoctol avait été prescrit à des patients, et souvent à des enfants, sans risque, et pour le bien de tous,
et pourtant, en pleine pandémie, CAPNET et les organismes de santé imposent à l'équipe de Pasteur les trois phases
du protocole, comme pour tout nouveau médicament, un paradoxe: ils étaient en guerre, et il leur a fallu baisser les
armes; pour Benoît et Terence, une défaite au goût amer...

Beghyn
Le recherche c'est fait principalement d'échecs, pourtant on continue toujours, parce que dans ces petits résultats
on trouve la ressource qui nous aide à continuer et à persévérer, et puis quand on commence à se battre contre
des gens qui... contre qui on devrait pas se battre, là on commence à se poser de sérieuses questions et à se
demander pourquoi on fait ça en fait... J'ai vécu des moments assez difficiles, des moments où on a envie de dire
"bon bèh, si personne ne nous soutient c'est que ça n'en vaut pas la peine, donc on arrête" !

Deprez
Et ce qui est vraiment frustrant c'est de totalement louper l'opportunité de prouver définitivement que le clofoctol
fonctionne, ou pas, puisque la preuve par neuf elle est dans un essai clinique, et pas dans autre chose; donc si on
ne peut pas réaliser l'essai clinique, personne, l'humanité ne saura jamais si le clofoctol fonctionne dans la covid.

(insert: 9 décembre 2021, 120063 décès)

Après deux années d'acharnement, d'enthousiasme, d'engagement, Benoît et son équipe annonce la mort du projet
THÉRAPIDE; le clofoctol aurait-il pu se battre contre la covid ? Les essais n'ont pas eu lieu, un immense gâchis; plus
assez d'argent pour se lancer dans une nouvelle bataille avec l'administration et un nouveau protocole; pour l'équipe
de Pasteur, le clofoctol n'a pas dit son dernier mot: rendez-vous est pris à la prochaine pandémie.

Nassif
Bèh tout ça pour, qu'est-ce que vous voulez, tout ça pour ça... [expression de dégoût et de désespoir]

(générique)

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Annexe 1 - Résumé/présentation documentaire page d'Arte:

Molécule miracle - Chronologie d'un espoir

Dès le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, une équipe de l'Institut Pasteur de Lille s'est mobilisée pour
identifier un traitement capable de contrer le virus. En immersion, le récit accablant du parcours du combattant
des chercheurs, dont la découverte a été tuée dans l'oeuf.

Mars 2020. À peine le mot de "pandémie" est-il officiellement lâché qu'une task force s'est déjà organisée à l'Institut
Pasteur de Lille. Alors que les Français sont confinés, une équipe de chercheurs, virologues, biologistes et
pharmaciens se lance dans la bataille pour trouver un remède au Covid-19. Ils se donnent deux mois pour identifier,
parmi les 2 000 principes actifs de médicaments de la pharmacopée mondiale de leur chimiothèque, celui capable
d'inhiber la multiplication du SARS-Cov-2. Fin mai 2020, leurs efforts finissent par porter leurs fruits: le clofoctol est
identifié. Commercialisé sous forme de suppositoires depuis les années 1970 et vendu à un prix dérisoire,
l'antibiotique est indiqué pour traiter les infections bactériennes des voies respiratoires. Un incroyable parcours du
combattant commence...

Les coulisses d'un échec

Pendant deux ans, Jeanne Blanquart et Frédéric Tonolli ont suivi, en immersion, toutes les étapes de la course
contre la montre engagée par la task force de l'Institut Pasteur de Lille pour identifier une molécule salvatrice contre
le Covid-19, puis convaincre de son intérêt les autorités sanitaires. Recueillant les témoignages des principaux
membres de l'équipe, le documentaire montre la manière dont ils ont travaillé au fil des mois. Il met ainsi au jour
tout ce qui a empêché le médicament existant, celui ciblé par les chercheurs, d'être repositionné pour traiter le
coronavirus. En cause: le désintérêt manifeste du gouvernement, échaudé par le fiasco de l'hydroxychloroquine*,
les freins posés par les autorités de santé et la vaccination de masse engagée dès 2021. Cette dernière a eu pour
conséquence de bloquer le lancement d'essais cliniques sur une cohorte de patients non vaccinés de plus de 50
ans. Ce documentaire est le récit de la mobilisation exceptionnelle d'une équipe de scientifiques, dont la découverte
a été tuée dans l'œuf par un processus administratif procédurier, malgré les soutiens financiers apportés par le
conseil régional des Hauts-de-France et le milliardaire Bernard Arnault.

* Autorisé par décret le 26 mars 2020, le remède, porté par le professeur Raoult de l'IHU de Marseille pour traiter
les patients atteints du Covid-19, a finalement été interdit deux mois plus tard.

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Annexe 2 - CAPNET, kèzako ?

CAPNET: extrait de la page anrs.fr/fr/emergences/covid-19/capnet (10/11/2022):

Mise à jour: 04.08.2022 - Le 31.07.2022 prend fin l'état d'urgence sanitaire pour le COVID-19. Dès lors, les mesures
prises dans le cadre d'états d'urgence sanitaires sont suspendues. C'est le cas du Comité ad-hoc de pilotage national
des essais thérapeutiques et autres recherches sur le COVID-19 (CAPNET), créé fin 2020 pour prioriser les études à
fort potentiel afin de les accélérer. Aussi, à compter du 31.07.2022, aucun projet ne peut plus être soumis au
CAPNET.

Les porteurs de projet sur le COVID-19 sont invités à s'adresser désormais aux autres dispositifs dédiés aux maladies
infectieuses émergentes de l'agence, tels que l'appel à projets ReCH-MIE 2022-2023 pour la recherche clinique, ou
les futurs appels à projets du Programme et Equipement prioritaires de Recherche (PEPR) Maladies infectieuses
émergentes, piloté par l'INSERM et mis en œuvre par l'ANRS | MIE dans le cadre de la stratégie nationale
d'accélération "Maladies Infectieuses émergentes (MIE) et Menaces Nucléaires, radiologiques, biologiques et
chimiques (MN)" de France 2030.

Ces appels à projets seront lancés à l'automne 2022.

Qu'est-ce-que le CAPNET?
Le CAPNET (Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur la Covid-19) est
une instance de concertation pilotée par la Cellule Interministérielle Recherche et composée de différents acteurs
de la recherche impliquant la personne humaine (RIPH), dont la mission est de réguler les études cliniques et
précliniques portant sur la Covid-19 afin d'accélérer celles qui entrent dans le champ des priorités nationales et
sont les plus prometteuses.

Il s'appuie sur les évaluations scientifiques et méthodologiques réalisées par le Conseil Scientifique Covid-19 de
l'ANRS | Maladies infectieuses émergentes, pour délivrer un label de "Priorité nationale de recherche" aux études
à fort impact potentiel:

Toutes les informations sur ce label et les démarches à effectuer pour l'obtenir sont disponibles sur le site du
ministère des Solidarités et de la Santé
La liste des études ayant obtenu le label est disponible à ce lien (https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-
maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/professionnels-de-sante/recherche-sur-la-covid-
19/etudes-cliniques-labellisees-priorite-nationale-de-recherche-sur-la-COVID-19)

Le rôle de l'ANRS | Maladies infectieuses émergentes dans CAPNET


L'agence intervient dans le processus d'évaluation scientifique des projets de recherches soumis au CAPNET pour
solliciter le label de priorité nationale.

[...]

Nota Bene: le 31.07.2022 prend fin l'état d'urgence sanitaire. Dès lors, les mesures prises dans ce cadre d'état
d'urgence sanitaires prennent fin également: c'est le cas du Fast-track accordé aux études labellisées PNR par le
CAPNET au-delà du 31.07.2022, qui seront examinées par les CPP selon le droit commun.

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