Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
A titre personnel, l’origine naturelle me semble la plus vraisemblable et j’estime que de toute
façon, c’est celle qu’il faut retenir par principe afin de ne pas baisser la garde au regard des
risques de nouvelles émergences à partir de réservoirs animaux. Nous devons mettre en place
des moyens de surveillance, dans un concept One Health, nous permettant de lutter
efficacement contre ce risque auquel nous sommes exposés depuis plusieurs années.
Si ce virus provient d’un réservoir animal, il n’est pas passé directement de la chauve-souris
(chez laquelle on a isolé un virus proche du Sars-Cov-2) à l’homme. Parmi les candidats
potentiels des hôtes intermédiaires figurent en bonne place les chiens viverrins*, élevés par
les Chinois notamment pour leur fourrure. En effet, un article récemment publié fait état de la
co-détection de séquences génétiques de ces animaux avec des séquences du Sars-CoV-2 dans
des prélèvements environnementaux réalisés dans l’épicentre du début de la pandémie (le
marché de Wuhan).
Pouvez-vous nous rappeler les principales étapes de ce qui allait devenir la pandémie ?
Les cinq premiers cas français ont été détectés fin janvier 2020, sans cas secondaires à partir
des cas index. Un point important est qu’alors les informations disponibles étaient en faveur
d’une contagiosité des personnes infectées seulement après qu’elles sont devenues
symptomatiques.
Par ailleurs, deux événements ont précipité les choses en France. D’abord, le cluster de
Covid-19 qui s’est développé en février au sein du rassemblement évangélique qui avait réuni
pendant plusieurs jours plus de 2 000 participants à Mulhouse et auquel avaient participé des
personnes infectées. Le taux d’attaque a été estimé à 30%. Après que les participants sont
rentrés chez eux, cela a entrainé en quelques jours une dissémination explosive des cas dans
différentes régions, en France et dans d’autres pays.
Enfin, un second événement important a été l’identification d’un décès dû au Covid à Crépy-
en-Valois. Ce cas inattendu a permis la prise de conscience de l’existence...
Au total, on est passés en 3 semaines d’un sentiment de maîtrise possible à la certitude qu’on
ne maîtriserait pas. Pour moi, la bascule s’est opérée fin février 2020.
Avec le recul, quelles sont les mesures qui ont été les plus efficaces et ce que l’on aurait
pu faire différemment ?
Il est très clair que c’est le confinement très strict – heureusement bien observé – qui a sauvé
in extremis le système hospitalier, en permettant de casser les chaînes de transmission et la
croissance exponentielle du nombre de cas. Je rappelle qu’à ce moment près de 40% des
hommes de plus de 70 ans infectés finissaient en réanimation ! Avec les moyens de l’époque,
le confinement a été la mesure la plus efficace ; sans sous-estimer ses effets secondaires et ses
conséquences, la désocialisation de nombreuses personnes, notamment.
La compréhension rapide du rôle des gouttelettes dans la transmission a fait du port généralisé
du masque chirurgical la deuxième mesure la plus efficace. D’autant qu’on a aussi compris
progressivement qu’en raison de l’évolution virale de plus en plus de personnes infectées et
asymptomatiques pouvaient transmettre activement le virus. Enfin, les mesures de
distanciation et les mesures d’hygiène ont également joué leur rôle.
Au début, avec le variant initial Wuhan et surtout le variant D 614G, on a observé des
atteintes respiratoires basses et les médecins ont redécouvert les formes cliniques et
radiologiques de pneumonies virales graves (poumons blancs bilatéraux). Le variant Delta a
été le plus pathogène.
Bien que ces vaccins aient fait la preuve de leur efficacité, jointe à la rapidité de leur
développement, il n’est pas certain qu’ils soient les mieux adaptés sur le long terme.
Aujourd’hui, plusieurs types de vaccins sont disponibles, notamment des vaccins protéiques –
parmi lesquels celui codéveloppé par Sanofi et GSK - et des vaccins VLP [pour virus-like
particle, NDLR]. La grande question actuelle est de déterminer le meilleur schéma vaccinal,
compte tenu de l’évolution virale et aussi de l’épidémiologie des virus au cours des mois
d’été. Une reprise de la circulation étant attendue à l’automne/hiver, il est probable qu’il sera
recommandé de faire à ce moment un rappel chez les plus fragiles.
Au-delà, la durée d’immunisation étant d’environ 6 mois, faudra-t-il faire des rappels tous les
6 mois ou seulement tous les ans – rappels qui pourraient notamment mettre à profit...
Le virus se banalise, mais sans pour autant être devenu un virus banal car il continue de
provoquer des formes graves chez les plus fragiles, comme les plus de 60 ans, les
immunodéprimés, diabétiques, obèses… Et certaines personnes, bien qu’immunisées, ont
encore des signes évocateurs d’un Covid long. Il est donc essentiel que les personnes fragiles
maintiennent un niveau d’immunité élevé.
Jusqu’à BA.5, l’apparition d’un nouveau variant conduisait à une vague épidémique massive.
On n’observe plus rien de tel et les variants les plus efficaces éliminent progressivement les
autres et nous sommes actuellement plutôt dans un contexte d’évolution antigénique.
Alors que nous avons vu émerger un nouveau variant en moyenne tous les 4 mois, cela
prendra peut-être 2 ans, voire plus.
D’abord continuer de dépister, systématiquement en ce qui concerne les patients les plus
fragiles. Et ne pas hésiter à utiliser le Paxlovid le plus rapidement possible chez ces derniers
car on sait que ce produit réduit significativement la fréquence des complications, notamment
en cas d’échec vaccinal. Après les complications du début, sa prescription est devenue
beaucoup plus simple.