Pays : FRANCE Surface : 160 % Journaliste : Par Elise Vincent et Cédric Pi…
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L'armée de terre tire les leçons de la guerre en Ukraine
Le chef d'état-major de l'armée de terre a annoncé, lundi, la mise en place d'une nouvelle organisation dans laquelle les régiments de « mêlée » (chars, infanterie) seront réduits, au profit, notamment, de ceux spécialisés dans le cyber et les drones. L'armée de terre devrait entrer, dans les prochaines années, dans une vaste transformation. C'est ce qu'avait annoncé, le 20 janvier, le chef de l'Etat, lors de ses vœux aux armées, et c'est ce qu'a détaillé le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Pierre Schill, devant la presse, lundi 13 février. Une annonce qui s'inscrit dans le cadre des travaux sur la future loi de programmation militaire (LPM), censée être présentée en conseil des ministres au printemps et planifier la dépense de 413 milliards d'euros pour la défense sur la période 2024-2030. Alors que de nombreuses incertitudes demeurent sur la déclinaison budgétaire réelle de cette LPM et les capacités qu'elle donnera ou non aux armées pour les années à venir, l'armée de terre devrait dans tous les cas s'engager dans une profonde réorganisation. Si le nombre total de régiments (environ 80) sera préservé, certains devraient subir des évolutions importantes. Les régiments de « mêlée » (chars, infanterie) pourraient être en partie dégraissés, tandis que ceux spécialisés dans le cyber et les drones pourraient être renforcés. « Il n'y aura pas de dissolution de garnison » , a toutefois assuré le général Schill. L'enjeu se veut triple pour l'armée de terre. A la fois monter en gamme dans un certain nombre de domaines, en particulier les feux dans la profondeur (artillerie longue portée, drones, etc.) et le cyber ; être plus réactive en cas de nécessité de déployer des effectifs dans le cadre d'un conflit de haute intensité ; et muscler sa logistique. « Nous devons revenir à une cohérence globale de l'armée de terre » , a résumé le général Schill, précisant que la présentation finale de ce projet aurait lieu le 4 avril. Derrière ce plan de transformation, se cache un vrai souci de redonner à l'armée de terre des capacités d'intervention au-delà de sa seule culture expéditionnaire, qui s'est globalement achevée avec la fin de l'opération « Barkhane », en novembre 2022. Rien ne garantit, à ce stade, que la future LPM le permette, en raison de l'explosion des coûts de l'énergie, des matériaux, ainsi que de multiples arbitrages encore en cours, mais l'affichage est là. Pour donner le change, l'armée de terre devrait se doter de deux nouveaux commandements : un consacré aux guerres de demain, et un autre relatif à la guerre hybride et aux actions spéciales. Tous les deux seront hiérarchiquement au même niveau que le commandement des forces terrestres, qui a la main sur les 77 000 hommes du cœur opérationnel de l'armée de terre. Ils seront sous l'autorité directe de l'état-major de l'armée de terre. Le commandement des guerres de demain aura pour principale mission la mise en cohérence d'un certain nombre de nouvelles capacités de l'armée de terre, aujourd'hui éparpillées au sein des régiments. Notamment dans le domaine des feux dans la profondeur, des drones, des munitions téléopérées et de la défense sol-air de courte portée, dont la lutte antidrone. Autant de capacités jusqu'ici extrêmement résiduelles. Le commandement relatif à la guerre hybride et aux actions spéciales devra, lui, s'occuper de décliner dans les régiments les capacités permettant de traiter l'ensemble du champ cyber – défensif, offensif et influence –, alors que ces compétences sont aujourd'hui, pour partie, soit directement sous la tutelle du commandement de la cyberdéfense (comcyber), soit, pour l'influence, l'œuvre d'un tout petit carré d'officiers à l'état-major des armées. « Il y a un réel besoin de rendre l'armée de terre plus autonome. Elle doit avoir sous son commandement tous les domaines de lutte, antiaérienne, cyber, informationnelle, frappes dans la profondeur… tout en demeurant interopérable avec les autres armées. Lorsqu'on sous-traite des actions, on crée des dépendances, ce qui est risqué dans un conflit de haute intensité où on opère toujours sous contrainte des événements et de temps » , explique le général Pierre-Joseph Givre, qui dirige le Centre de doctrine et d'enseignement du commandement (CDEC) de l'armée de terre. Pour que ce schéma fonctionne, une plus grande « autonomisation » des sept brigades qui composent actuellement l'armée de terre, dotées chacune de 7 000 à 8 000 hommes, est envisagée. Alors qu'aujourd'hui, lorsque les régiments partent en opération ou en exercice, de savants et longs rétroplannings doivent être mis en œuvre pour aller piocher des capacités échantillonnaires éparpillées un peu partout. Dans le nouveau modèle voulu par le
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Date : 14/02/2023 04:04 Pays : FRANCE Surface : 160 % Journaliste : Par Elise Vincent et Cédric Pi…
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général Schill, les brigades qui chapeautent les régiments seront autonomes sur ce plan-là. Ce mouvement de réorganisation de la logistique devrait concerner l'ensemble du territoire national et être associé à une territorialisation de la réserve nationale. Alors que le ministre des armées a confirmé, en janvier, que l'objectif était de multiplier par deux la réserve (aujourd'hui autour de 40 000 personnes), le recrutement et l'emploi de ces nouveaux réservistes – un défi en soi – seront réaménagés. L'exercice du général Schill, lundi, a pour beaucoup consisté à tenter de se montrer « satisfait » des arbitrages en cours de la future LPM. « L'armée de terre fera son affaire » de cette nouvelle loi-cadre, a-t-il assuré. Selon le général, les arbitrages en cours garantiraient aussi que la France soit en mesure de commander un corps d'armée sous la houlette de l'OTAN, avec toutes les capacités organiques nécessaires. « C'est acquis » , a-t-il déclaré, alors qu'un certain nombre d'inquiétudes au sein de ses troupes concernaient justement ce segment. L'armée de terre a toutefois encore à s'assurer, en interne, que le financement de cet acquis de principe se fasse vite : c'est-à-dire en début de LPM et pas en fin, comme certains scénarios l'envisagent. Le général Schill a aussi précisé que la nécessité de renforcer la défense sol-air pourrait impacter le programme Scorpion, qui vise à muscler les capacités de combat numérique de l'armée de terre. Des choix d'armement différents pourraient également être faits pour le Griffon et le Serval, ces nouveaux véhicules qui arrivent au sein des régiments, dont un certain nombre, prévus pour transporter de l'infanterie, seront convertis à l'appui et au soutien. « L'armée de terre va garder une polyvalence globale, ce sera une spécialisation mesurée » , a résumé le général Schill, tout en ajoutant que la France restera une « armée médiane » à l'horizon 2030.