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COLLE D’HISTOIRE – AGRÉGATION DE GÉOGRAPHIE

Sujet : Les Rois et l’Église dans la construction de l’État monarchique en France

DOCUMENT 1 : EXTRAIT DE LA PRAGMATIQUE SANCTION DE BOURGES

« Charles, par la grâce de Dieu, Roi de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront,
Salut. L’inscrutable providence de la divine hautesse, par laquelle les Rois règnent et possèdent
la gouvernement des choses publiques, a ordonné en terre la puissance royale, afin entre autres
de fidèlement et catholiquement protéger et défendre la sainte Église fondée du précieux Sang
de Jésus-Christ, et les ministres d’icelle Église ensemble, à fin de faire purement et fermement
exécuter, et observer sans enfreindre les très-salutaires décrets des saints et anciens pères
promulgués par l’esprit de Dieu ; par lesquels les nerfs et force de discipline ecclésiastique, et
de salutaire doctrine a vigueur et fermeté. Mais aussi nous sommes à ce astreints et obligés par
jurement spécial, fait en la noble et glorieuse susception de notre diadème ou couronne
qu’autrefois avons reçue à l’Église de nos royaume et Dauphiné. Comme ainsi soit donc, qu’il
ait plu à la divine pitié inspirer de notre temps aux cœurs des loyaux chrétiens, que le saint
Senne [Sénat] ou Concile de l’Église universelle dut et a été fait en la cité de Bâle et ait été
célébré tant par la continuation des décrets et ordonnances des immédiats précédents conciles
généraux de Constance et de Sienne, que par la solennelle convocation et approbation de deux
Papes ; c’est à savoir de feu de bonne mémoire Martin cinquième et Eugène quatrième
moderne, afin de cultiver le champs du troupeau de Notre Seigneur, qui en l’Église militante et
de dûment réformer en chef et en membres l’état ecclésiastique, qui tant de besoin en a de
présent, pour la multitude et abondance d’iniquité et péché qui règne, et refroidissement de
charité et bonne amour des hommes. Afin aussi que les pernicieuses, très mauvaises et
scandaleuses énormités de péchés et déformités qui règnent ; et à cause desquelles moult de
guerres, persécutions, et adversités sont hélas par l’universelle Chrétienté, soient réprimées ; et
que l’honneur divin refleurisse en terre, et que la lumière de vérité catholique, par l’aide de
Jésus-Christ qui est la vraie lumière, resplendisse. Et que la liberté ecclésiastique soit conservée,
et le peuple humain salutairement gouverné et conduit à salvation. Icelui saint Senne général
[…] nous a par ses principaux ambassadeurs et messagers fait présenter [ses décrets] à l’Église
de nosdits royaume et Dauphiné en nous exhortant, et avec moult de charité très instamment
requérant, et les prélats et autres gens ecclésiastiques, représentants icelle Église de nosdits
royaume et Dauphiné, que voulussions recevoir et accepter iceux décrets, statuts et
ordonnances, et qu’il nous plût en tant que touche et concerne notre royale dignité les faire
inviolablement et perpétuellement observer par notre Royaume et Dauphiné. Lesquelles choses
attentivement considérées et à fin que pussions élire voie plus sûre, et à Dieu plus plaisante, eu
sur ce très mûre délibération avec les gens de notre conseil ; avons fait appeler, congréger et
venir à nous en cette notre bonne cité de Bourges : Archevêques, Évêques et chapitres notables,
Abbés, doyens, prévôts et autres prélats ecclésiastiques […] »
DOCUMENT 2 :
CONCORDAT DE BOLOGNE

« Léon, Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour qu’on garde mémoire perpétuelle de la
chose, le sacré Concile l’ayant approuvé, par la Clémence divine par laquelle les roi règnent et
les princes commandent, du haut de notre charge apostolique où nous sommes constitué au-
dessus des rois et des royaumes, quoiqu’inférieur par nos mérites ;
Considérant que si les concessions accordées par une disposition sage et louable, par
nous et les cardinaux de la sainte Église romaine, nos vénérables frères, aux rois qui ont bien
mérité de la foi catholique, de la république chrétienne et du Siège apostolique, pour la sûreté
et le repos des royaumes, la paix, la justice des peuples, la perpétuelle stabilité des royaumes,
obtiennent ainsi que tout ce qui, pour cet effet, a été statué, réglé, décrété, une force éternelle,
quelquefois encore du consentement des conciles, nous les fortifions de notre approbation, afin
qu’elles se conservent d’autant plus longtemps intactes qu’elles ont été le plus souvent étayées
de notre autorité et de la force du concile général, travaillant utilement à leur conservation, afin
que les rois et les personnes de leurs Etats jouissent pleinement, dans le Seigneur, de ces
concessions, de ces privilèges, de ces dispositions, et goûtent les douceurs de la paix et du repos,
et persévèrent avec plus de force dans leur attachement au Saint-Siège.
Ainsi désirant que l’Église notre épouse se conservât dans l’union ; que les chrétiens
n’usassent que des saints canons publiés par les pontifes romains et les saints conciles généraux,
nous fixons et arrêtons, d’après le conseil et le consentement unanime de nos frères, ces
présentes constitutions qui tiendront lieu en France de la pragmatique sanction et de ses diverses
dispositions, pour le bien de la paix et de la concorde, l’utilité publique, desquelles nous avons
conféré avec notre très cher fils en Jésus-Christ, François, roi de France, pendant son séjour à
Bologne avec notre cour ; que nous avons examinées attentivement avec nos frères, et sur leur
avis, ordonnées avec le Roi, qui les a acceptées par son procureur légitime, ainsi que cela est
contenu plus amplement dans nos lettres, desquelles suit la teneur.
[…]
Titre IV.
De la nomination du Roi aux Prélatures.

Sur le conseil et le consentement unanime desdits frères, de notre science certaine et de


toute la plénitude de notre pouvoir, nous statuons et ordonnons, qu’abrogeant pour toujours la
Pragmatique Sanction et toutes et chacune de ses décisions, que dans les cathédrales et les
églises métropolitaines du royaume de France, de Dauphiné, des comtés de Die et de Valence,
aujourd’hui et à l’avenir leurs chapitres et leurs chanoines ne pourront pas procéder à la
demande ou à l’élection du futur prélat, dans les vacances même par cession faite dans nos
mains, ou dans celles de nos successeurs canoniquement nommés.
Mais, en cas de vacance, le Roi de France alors sera tenu, dans les six mois à dater de la
vacance desdites églises, de nos présenter, à nous ou à nos successeurs, ou au Siège, un grave
maître, ou un licencié en théologie, ou un docteur dans l’un ou l’autre droit ou dans les deux
ensemble, ou un licencié de l’Université soumis à de rigoureux examens, âgé au moins de vingt-
sept ans, et réunissant en outre les autres qualités requises ; et cette personne, ainsi nommée par
le Roi, sera pourvue par nous, par nos successeurs ou par le Siège. Que s’il arrivait que le Roi
nommât à ces églises vacantes une personne non qualifiée, cette personne ne doit être pourvue
dans ces églises ni par nous, ni par nos successeurs, ni par le Siège. Le Roi est tenu alors, dans
les trois autres mois à partir du jour de la récusation de la personne nommée, non qualifiée,
intimée en consistoire au solliciteur qui poursuit la nomination de ladite personne, de nommer
une autre personne qualifiée comme il est dit. […] »
Transcription et trad. tirées de la brochure bilingue Concordat entre Léon X, souverain pontife,
et François 1er, roi de France, Gueffier, 1804 (corrections par nos soins)
DOCUMENT 3 :
FRANÇOIS IER PROMULGUE LE CONCORDAT DE BOLOGNE (1516)

« François, par la grâce de Dieu, Roi de France, Duc de Milan, Comte d’Asti, Seigneur de
Gênes, à tous ceux qui les présentes verront, salut. Peu de temps s’est écoulé depuis que, sous
le règne de Louis, notre parent, à qui Dieu daigne faire miséricorde, le Saint Concile de Latran
appela vers lui par plusieurs décrets ce roi d’illustre mémoire, jugeant à propos de l’avertir que
s’il avait, ainsi que les cours souveraines de notre royaume, qu’on nomme parlements, l’Église
universelle de France, les provinces de notre royaume, quelque ancienne autorité à citer, des
droits à alléguer, des raisons d’État à expliquer publiquement, sur lesquelles le saint Concile,
d’après son autorité, abrogerait, annulerait, infirmerait, déclarerait non avenue et schismatique
la pragmatique sanction, il eût à choisir le jour fixé par les décrets, faute de quoi, sous
l’approbation du concile, on l’indiquerait.
Depuis, et avant même que la bonté divine nous eût élevé sur le trône, et que nous
eussions commencé à régner sous d’heureux auspices, nous connaissions ces divers décrets
émanés de la même autorité, dont le dernier nous ôtait entièrement, ainsi qu’à nos cours, à
l’Église gallicane et à nos sujets, tout espoir de délai, à moins qu’en différant plus longtemps,
nous ne voulussions retomber dans ces différents qui partageaient, avant le décret de la
pragmatique sanction, nos états et la province du Dauphiné ; considérant quels énormes abus,
avant l’édit de la pragmatique, régnaient dans notre royaume et dans notre province de
Dauphiné, quand l’or, qui est comme le nerf de l’État, en était détourné par tous les moyens,
que les évêques et les curés n’avaient ni le pouvoir ni la liberté de conférer les bénéfices ; qu’on
en gratifiait souvent des étrangers, quand, sur des bulles apostoliques qu’on nommait
expectatives, on conférait pour le jour de leur mort, en masse ou séparément, les bénéfices
d’hommes qui vivaient encore ; ce qui était un attentat à la morale, et semblait emporter l’espoir
de la mort d’autrui ; quand enfin les controverses sur les bénéfices ou sur les matières
spirituelles se plaidaient en cour de Rome, aux charges et détriment de nos sujets ; de sorte qu’il
arrivait que ne pouvant fournir aux frais ou supporter les fatigues du voyage, ils étaient obligés
de renoncer à leurs droits, de laisser en souffrance leurs causes, ou même de les abandonner ;
ajoutez à cet inconvénient, que ceux qui s’appliquaient à l’étude des lettres et des arts libéraux
ne pouvaient point obtenir de bénéfice, ou, s’ils en désiraient, étaient contraints d’abandonner
leurs études et de les remettre à d’autres temps, et de courir en vagabonds les villes ; de manière
qu’il était à craindre que, faute de culture, l’amour des lettres ne vînt à s’éteindre entièrement.
Ayant extrêmement à cœur qu’un état si honteux de choses ne vînt à gagner dans notre
royaume (ce qui paraissait peu éloigné), consultant le temps et l’état de nos affaires, nous
résolûmes d’écarter par quelques légers sacrifices des dangers aussi prochains. C’est pourquoi
nous vînmes avec notre cour à Bologne, pour rendre à notre saint Père Léon X l’hommage de
respect que les rois de France nos ancêtres leur avaient autrefois rendu, comme fils aînés de la
sainte Église ; nous le priâmes humblement, si l’on abrogeait entièrement la pragmatique
sanction, de nous permettre, dans sa sagesse et dans celle du Concile, d’établir, de fixer des
lois, des règlements dont notre empire pût faire éternellement usage. Sa Sainteté ayant eu égard
à nos prières, en ce qui touchait la Pragmatique Sanction, (ainsi que nous elle avait à cœur la
bonne administration de l’Église de notre royaume) elle n’eut pas de peine à nous accorder de
préparer des règlements qui remplaçassent dans nos royaumes et principautés la pragmatique
sanction, lesquels seraient confirmés par l’autorité et l’assentiment du concile, c’est ce qu’on
appelle homologuer, avec un décret irritant. Sa Sainteté et nous, en confiâmes le soin de la
rédaction à quelques personnes habiles. Ces règlements ont été arrangés de telle manière que la
plupart des chapitres de la pragmatique sanction nous ont été assurés et confirmés ; tels sont
ceux qui traitent des réserves particulières ou générales, des collations, des instances […], des
possesseurs libres et tranquilles, des concubinaires, et de quelques autres où le présent
concordat n’a rien changé, si ce n’est lorsque, sur des motifs d’utilité publique, nous avons jugé
convenable d’interpréter ou de changer quelques chapitres. Quant aux élections, nous n’avons
pas pu obtenir ce que nous demandions, d’après les seuls motifs expliqués au long dans ce
concordat. Après avoir obtenu de Sa Sainteté un délai de six mois pour transiger sur le tout,
nous avons consulté sur cette matière plusieurs personnages d’une haute doctrine, d’une science
consommée et d’une grande habileté dans les affaires. Enfin, c’est d’après leur avis, la difficulté
du temps et la nécessité des circonstances, que nous avons jugé à propos de promulguer ce
concordat, longtemps médité, dans notre royaume ainsi que dans la province du Dauphiné, pour
y jouir d’un plein effet et y tenir lieu de la pragmatique. »
DOCUMENT 4 :
CLAUDE DE SEYSSEL, LA GRAND-MONARCHIE DE FRANCE, CHAP. 14, « DE L’ABUS DES
PRÉLATS DE NOTRE TEMPS ET DES MOYENS POUR LES RÉFORMER » (PARIS 1519)

« Et quand le Roi Très Chrétien y aurait bon ordre, et la chose serait guidée par de bons
ministres, il y pourrait frapper un grand coup au temps qui court ; car plusieurs autres ainsi
aideraient, et devons croire que Dieu ferait le rémanant, qui serait l’une des plus méritoires
œuvres et des plus louables que l’on peut aujourd’hui faire. Et ainsi profiterait au bien public
du royaume en particulier, et de toute la Chrétienté universelle, non pas tant seulement quant
aux biens spirituels, mais encore aux temporels. Car quand ceux qui doivent être intercesseurs
envers Dieu pour le peuple et pour apaiser son ire et son couroux et impétrer sa grâce, seraient
de meilleure vie et exemple et à lui plus agréables, ne fait à douter que leurs oraisons et prières
n'eussent plus d’efficace pour le salut des âmes ; et par ainsi que les mondains n’amendassent
leur vie, et encore pour impétrer la paix et la prospérité aux choses temporelles ; dont
cesseraient plusieurs punitions et flagelles de Dieu, tant de peste que de guerre, de stérilité et
autres que Dieu envoie pour nos péchés. Et ainsi demeureraient grand somme de deniers en
toutes les provinces, mais principalement en ce royaume qui vont et demeurent à Rome pour
l’ambition de nous autres gens d’Église, et pour la rapacité de la Cour romaine. Je ne veux pas
pourtant dire qu’il ne soit très requis et nécessaire qu’il y ait en la cour de Rome et des autres
princes, mêmement des grands, aucuns prélats qui soient en leur conseil, et aident à conduire
les affaires de leurs états, à faire administrer bonne justice, et à défendre la liberté ecclésiastique.
Et plût à Dieu qu’il en y eût plusieurs qui eussent bon zèle et le savoir pour ce faire et qu’on
leur donnât bonne autorité, car cela redonderait au grand bien de toute la chose publique, tant à
la spiritualité qu’à la temporalité, et ainsi méritent grandement ceux qui hantent la cour à cette
intention, pourvu qu’ils rendent leur devoir par alternative à leur église, ainsi que les affaires le
requièrent. Mais je parle de ceux qui pour convoitise de biens ou par ambition d’honneurs
suivent les cours des princes sans y faire grande service, mais plutôt scandale, duquel nombre
j’ai déjà été assez longtemps. »
DOCUMENT 5 :
DÉCLARATION DE NOTRE SAINT-PÈRE LE PAPE SIXTE QUINT, À L’ENCONTRE D’HENRI DE
BOURBON, SOI-DISANT ROI DE NAVARRE, ET HENRI SEMBLABLEMENT DE BOURBON, PRÉTENDU
PRINCE DE CONDÉ, HÉRÉTIQUES, CONTRE LEURS POSTÉRITÉS ET SUCCESSEURS, PAR LAQUELLE
TOUS LES SUJETS SONT DÉCLARÉS ABSOUS DE TOUS SERMENTS QU’ILS LEUR AURAIENT JURÉS,
FAUTS OU PROMIS, 1585

« Sixte, Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour la mémoire future de la chose, l’autorité
baillée à saint Pierre et à ses successeurs par l’infinie puissance de l’éternel Roi surpasse toutes
les puissances des rois et princes de ce monde ; et étant fondée sur la ferme pierre, et n’étant
jamais ébranlée par aucun vent et orages contraires ou favorables, elle prononce des arrêts et
jugements irrévocables, et avec toute diligence prend garde à faire observer les lois ; et quand
elle en trouve aucuns contrevenants à l’ordonnance de Dieu, les punit de griève condition, les
privant de leurs sièges, quelques grands soient-ils, les terrassant comme ministres de Satan.
Par quoi, suivant la charge et soin qui nous a été commis de toutes les églises et nations,
afin qu’en premier lieu on donnât ordre au salut des âmes, et que non seulement le temps de
notre pontificat ou ministère, mais encore celui qui est à l’avenir, repurgé des scélères et
détestables monstres, apporte paix à toutes les parties de la Chrétienté, et principalement au
fleurissant royaume de France, auquel la religion chrétienne a toujours persévéré, la piété, foi
et dévotion des Rois d’icelui a été si grande, leurs mérites aussi si signalés envers l’Église
romaine qu’à très bon droit ils ont obtenu d’icelle le nom de très chrétiens ; afin aussi de n’être
jamais accusés devant Dieu du mépris de notre charge, sommes contraints d’exercer les armes
de notre milice, lesquelles ne sont point charnelles ni provenante de nous, ains du tout-puissant
Dieu pour la ruine des puissances adversaires, à l’encontre principalement de deux enfants d’ire,
Henri de Bourbon, jadis Roi de Navarre, et contre Henri aussi de Bourbon, jadis prince de
Condé ; car le susdit, jadis Roi en son bas âge, a suivi les erreurs de Calvin et soutenu
obstinément ses hérésies, jusqu’à ce que feu d’excellente mémoire Charles IX, Roi de France,
et notre très chère fille en Jésus-Christ Catherine, Reine sa mère, très débonnaire, joint aussi
notre bien aimé fils Charles, du titre de saint Chrisogon, prêtre cardinal de Bourbon, son oncle,
et Louis de Montpensier, duc ; par leurs religieuses et fréquentes exhortations et remontrances
des théologiens de rare doctrine et vertu, il s’est réduit et ramené (comme il semblait) à la foi
de l’Église catholique, apostolique et romaine, abjurant, condamnant et anathématisant toutes
les opinions hérétiques contraires à la foi catholique publiquement à l’Église dans Paris,
écrivant dès incontinent lettres à jadis d’heureuse mémoire Grégoire XIII, pape, mon
prédécesseur, par lesquelles il le priait, comme le reconnaissant pour souverain chef de toute
l’Église catholique, qu’il eût pour agréable sa pénitence, conversion, et profession d’obéissance,
qu’il daignât lui objecter pardon et rémission de tout le passé, promettant assurément de garder
à jamais entièrement et inviolablement la foi catholique ; auxquelles lettres, comme royaux,
mon jadis prédécesseur, croyant et ému d’une charité paternelle, comme assuré de ce par le
témoignage indubitable du Roi, de la Reine mère, du cardinal et du duc susdit, savoir est de son
entière conversion, déclara absout icelui jadis Roi de Navarre, confessant ses erreurs passées,
demandant humblement pardon du crime d’hérésie et des censures ecclésiastiques, qu’à cette
occasion il avait encourues, le reversant au giron de l’Église catholique, et l’admettant à la
communion des fidèles, tout empêchement ôté. […]
Mais icelui [Henri de Navarre], comme variable et inconstant qu’il était, non guère après
se départant de la foi catholique et de l’obéissance due au Saint-Siège apostolique, ensemble de
toutes les autres promesses que publiquement et avec serment il avait faites et jurées, se
soustrayant et retirant couvertement et ayant assemblé en un lieu assez éloigné de la cour le
plus grand nombre qu’il put des plus scélères hérétiques, et autres manières de gens de son
humeur, audit lieu il révoqua publiquement tout ce qu’il avait fait auparavant, savoir est la
détestation du calvinisme et l’abjuration d’hérésies et profession de foi catholique, apostolique
et romaine, protestant de vouloir continuer le calvinisme, comme il avait promis, comme il a
aussi fait, adhérant à icelui jusqu’à ce jourd’hui. Et, non content, le plus souvent a ému et armé
les mutins et séditieux hérétiques (desquels il est chef, guide, protecteur en France et même
grand défenseur des étrangers) contre le susdit Charles et contre notre très cher fils en Jésus-
Christ Henri Très Chrétien, Roi de France, jaçoit qu’il le dût honorer et respecter comme son
beau-frère, et le suivre comme son Roi et seigneur [suit la liste des cruautés et injustices
exercées par Henri contre les catholiques et leur religion].
Toutes lesquelles choses étant assez manifestes, publiques et notoires, […] icelui Henri
jadis Roi et Henri prince de Condé susdits, être relaps et re-chus en l’inexcusable crime
d’hérésie, et en outre coupables comme fauteurs d’hérétiques, nous voulant dégainer le glaive
de vengeance contre eux, suivant le dû de notre charge, comme à ce faire contraints, sommes
grandement marris qu’il nous faille user d’icelui glaive contre cette génération bâtarde et
détestable de l’illustre et si signalée famille des Bourbons, […] ; donc en ce très haut siège, et
en la pleine puissance que le Roi des Rois et le Seigneur des seigneurs nous a données
(quoiqu’indigne), établi de Dieu tout-puissant, et de saint Pierre et saint Paul ses apôtres et de
la nître, ensemble du consentement et conseil de nos vénérables frères cardinaux de la sainte
Église romaine, prononçons et déclarons Henri jadis Roi, et Henri prince de Condé, être tels
que dessus, et être hérétiques et relaps en hérésie, et non repentants, être chefs, fauteurs,
protecteurs manifestes, publics et notoires, et ennemis jurés de la foi catholique […] partant
donc avoir damnablement encouru les sentences, censures et peines contenues aux saints
canons, constitutions apostoliques, et aux lois tant générales que particulières et décrétées aux
hérétiques, relaps et non repentants, et être par le même droit privés, sa oir est : Henri, jadis
Roi, de son prétendu royaume de Navarre et de la partie qu’il occupe encore pour ce jourd’hui ;
ensemble aussi de Béarn […]
Donné à Rome, à Saint-Marc, l’an de l’incarnation de notre Sauveur et Rédempteur
Jésus-Christ mil cinq cent quatre-vingt-cinq, le neuvième septembre. »
DOCUMENT 6 :
ABJURATION D’HENRI IV

Estampe.L’abjuration d’Henri de Navarre, 20 novembre 1593. Hogenberg, Frans (1539?-1590?). Graveur.


Source : BnF.
DOCUMENT 7 :
LE VŒU LOUIS XIII

Philippe de Champaigne (Bruxelles 1602 – Paris, 1674), Le vœu de Louis XIII, 1638, Caen,
Musée des Beaux-Arts, huile sur toile, 342 sur 267,5 cm.
DOCUMENT 8 :
LA DÉCLARATION DU CLERGÉ DE FRANCE SUR LA PUISSANCE ECCLÉSIASTIQUE DU 19 MARS
1682 (DITE « DES 4 ARTICLES »)

« I.
Que saint Pierre, et ses successeurs vicaires de Jésus-Christ, et que toute l’Église même, n’ont
reçu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le Salut, et non point
sur les choses temporelles et civiles, Jésus-Christ nous apprenant Lui-même que « Son
Royaume n’est pas de ce monde », en un autre endroit « qu’il faut rendre à César ce qui est à
César et à Dieu ce qui appartient à Dieu », qu’il s’en faut tenir à ce précepte de l’Apôtre saint
Paul : « que toute personne soit soumise aux Puissances supérieures ; car il n’y a point de
puissance qui ne vienne de Dieu ; et c’est Lui qui ordonne celles qui sont sur la terre. C’est
pourquoi ce lui qui s’oppose aux Puissances résiste à l’ordre de Dieu. » En conséquence, nous
déclarons que les Rois ne sont soumis à aucune Puissance Ecclésiastique, par l’ordre de Dieu,
dans les choses qui concernent le temporel ; qu’ils ne peuvent être déposés directement ni
indirectement par l’autorité des Clefs (claves) de l’Église ; que leurs sujets ne peuvent être
exempts de la soumission et de l’obéissance qu’ils leur doivent, ou dispensés du serment de
fidélité ; que cette Doctrine nécessaire pour la paix publique, et autant avantageuse à l’Église
qu’à l’État, doit être tenue comme conforme à l’Écriture Sainte, à la Tradition des Pères de
l’Église et aux exemples des Saints.

II.
Que la plénitude de puissance, que le Saint Siège Apostolique et les Successeurs de saint Pierre,
Vicaires de Jésus-Christ, ont sur les choses spirituelles, est telle néanmoins que les décrets du
saint Concile Œcuménique de Constance, contenus dans les Sessions IV et V, approuvées par
le Saint Siège Apostolique, et confirmés par la pratique de toute l’Église et des Pontifes
Romains, et observés de tout temps religieusement par l’Église Gallicane, demeurent dans leur
force et vertu ; et que l’Église de France n’approuve pas l’opinion de ceux qui donnent atteinte
à ces Décrets, ou les affaiblissent, en disant que leur autorité n’est pas bien établie ; qu’ils ne
sont point approuvés, ou que leur disposition ne regarde que le temps du schisme.

III.
Qu’ainsi, il faut régler l’usage de la Puissance Apostolique par les Canons faits par l’Esprit de
Dieu, et consacrés par le respect général de tout le monde ; que les règles, les mœurs, et les
Constitutions reçues dans le Royaume et dans l’Église Gallicane , doivent avoir leur force et
vertu, et que les usages de nos Pères doivent demeurer inébranlables ; qu’il est même de la
grandeur du saint Siège Apostolique, que les lois et les coutumes établies du consentement de
ce Siège et des Églises, aient l’autorité qu’elles doivent avoir.

IV.
Que quoique le Pape ait la principale part dans les questions de Foi, et que ses décrets regardent
toutes les Églises, et chaque Église en particulier, son jugement n’est pas irréformable, si le
consentement de l’Église n’intervient.
Ce sont les maximes que nous avons reçues de nos Pères, et que nous avons arrêté
d’envoyer à toutes les Églises Gallicanes, et aux Évêques qui les gouvernent avec l’assistance
du Saint-Esprit ; afin que nous disions tous la même chose ; et que nous soyons dans les mêmes
sentiments, et que nous tenions tous la même doctrine. »

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