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Bulletin N° 16 supplément
MALLET Sandrine
CeFEdeM Ile-de-France
Promotion 2001-2003.
LA METHODE
PAUL ROLLAND
Directeur de mémoire
Alain LAMME
1
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS & INTRODUCTION ................................................................................................................. 3
B. DESCRIPTION du MATERIEL........................................................................................................................... 7
1) Plusieurs films
2) Un ouvrage d’accompagnement des films
3) Un répertoire de pièces
1) Mouvement et rythme
2) Mouvement et autres aspects musicaux
D. CONCEPTIONS SOUS-JACENTES................................................................................................................. 24
CONCLUSION ........................................................................................................................................................... 29
CREDO ........................................................................................................................................................................ 30
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................................................... 31
ANNEXES .................................................................................................................................................................... 32
-Analyse des films sélectionnés – 1er avis : Dominique Vuillemin – 2d avis : Dominique Barbier
2
Je remercie chaleureusement
INTRODUCTION
Motivations et origine du mémoire
Il y a trois ans je parcourais pour la première fois le livre écrit par P. Rolland à l’occasion de
la rédaction d’un mémoire de maîtrise où je m’interrogeais sur ce qui pouvait amener tant de
violonistes à pratiquer telle ou telle technique de « développement personnel » (par exemple
le Yoga, la Sophrologie, la Méthode Feldenkrais, la Technique Alexander…). Ce livre
m’avait alors beaucoup impressionné et j’en avais retenu l’idée nouvelle pour moi alors de
considérer l’instrumentiste dans la globalité de ses mouvements.
Depuis, une conjonction de facteurs énoncés ci-dessous m’a amené à relire ce livre sous un
œil plus critique me donnant la volonté d’étudier plus profondément cet « objet » aux dehors
imparables.
-Tout d’abord j’ai développé dans un autre mémoire l’impossible neutralité du savoir
musical - instrumental ainsi que la part profondément subjective dans l’enseignement
(l’enseignant ne transmet pas seulement un contenu de savoir, il transmet aussi son rapport
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au savoir et la dynamique du cours est toujours différente fonction des liens émotionnels qui
se créent entre l’élève et le professeur et dont les manifestations sont parfois inconscientes),
idées qui m’ont permis de rendre suspectes les valeurs de scientificité, d’objectivité dont se
réclament la « méthode ». Ainsi, le savoir aussi scientifique et défini qu’il soit ne s’adresse
pas à une « machine » mais à une personne humaine qui doit s’approprier ce « savoir ». L’on
perçoit alors toute la contradiction des propos de P. Rolland à propos de cet instrumentiste
« machine vivante » !
-Enfin, la prise en charge de plusieurs classes de violon en banlieue parisienne cette année
m’a apporté une observation effective sur le terrain : j’ai introduit (lorsque le contexte s’y
prêtait) quelques activités extraites de la « méthode Paul Rolland » et pu remarquer combien
un exercice pouvait être fragile en lui-même.
Le choix du thème de ce mémoire s’est enfin cristallisé autour d’un sentiment émergent
des différentes rencontres organisées et suscitées par ESTA France.
Depuis deux ans, j’ai pu remarquer la multiplication des conférences sur le thème qui nous
occupe ici.
La qualité des démonstrations réalisées par P. Rolland et des mouvements exécutés par les
élèves semble faire l’unanimité auprès des professeurs au regard des films vidéos ; les débats
portent plutôt sur la difficulté de transposer une telle approche dans un autre contexte
géographique, politique et culturelle.
Mais les résistances matérielles ne sont-elles pas des symptômes de résistances plus
profondes ?
Difficultés et limites
A ma connaissance, aucune étude en langue française n’a été encore réalisée sur cette
« méthode ». Ceci peut en partie s’expliquer par la présence de différents obstacles d’ordre
matériel comme historique ou culturel auxquels nous avons été confrontés au début de
notre étude :
-1- La différence importante entre la date de 1ère publication de l’ouvrage (1974, 1re
édition anglaise) et la date de parution d’une traduction en langue française (1991,
traduction française éditée par Les Presses de l’Université Laval, imprimé au
Canada) ainsi que l’édition sur un autre continent peuvent expliquer l’accès tardif et
difficile à cette « méthode » en France.
-2- La plupart des documents écrits à propos de cette « méthode » sont en anglais, il y a
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donc l’obstacle de la langue pour envisager un regard un peu distancié du matériel
proposé par Paul Rolland lui-même.
Ainsi l’éloignement (dans tous les sens du terme : spatial, temporel, culturel) du contexte
d’origine de cette « méthode » ne nous permet pas d’appréhender complètement les
diverses données socioculturelles utiles à une compréhension plus approfondie : la
« méthode Paul Rolland » est sans doute le reflet d’une société en mutation dont nous ne
pouvons livrer ici tous les rouages.
Mais l’obstacle principal à l’analyse d’une telle « méthode » est peut-être encore plus
d’ordre psychologique : comment se positionner face à un objet d’apparence si complet
et idéal ?
Comment faire une synthèse de ce qui est déjà une synthèse, comment se prononcer sur le
plan pédagogique lorsque le contenu complexe et dense comprend un enchevêtrement de
propos scientifiques…
Il faut donc tout d’abord déclarer toute la modestie de notre entreprise actuelle relativement
aux limites de nos connaissances et à la définition temporelle, matérielle des objectifs de cet
écrit.
Plan et questionnement
Etant donné donc nos modestes connaissances dans les divers domaines scientifiques
évoqués par Paul Rolland, nous nous contenterons d’exposer certains principes définissant
directement ce qui constitue un « mouvement juste » pour l’instrumentiste à cordes (ici le
violoniste plus particulièrement).
Par contre, ayant décrit les objectifs de la « méthode », nous entrerons plus avant dans les
moyens mis en œuvre pour les atteindre : comment le « mouvement » est-il enseigné ou
appris ?
Par une autre voie, nous essaierons de déceler sur quelle base implicite repose la
« méthode » dans sa caractérisation de l’enseignement - apprentissage du violon.
Enfin, avant de conclure sur un avis plus personnel, nous inclurons les remarques de deux
professeurs à propos d’un des films réalisés sous la direction de Paul Rolland en
accompagnement du livre.
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1. A. QU’ENTEND-ON PAR « MÉTHODE Paul ROLLAND ? »
A noter également :
-2- Son poste en tant que directeur du Projet de Recherche sur l’Enseignement des
cordes à la University of Illinois de 1968 à 1970 qui nous occupe ici
particulièrement puisque c’est à cette occasion que seront réalisés successivement la
série de films et le texte d’accompagnement The teaching of action in string playing
que nous allons présenter ci-après.
Il est important d’éclaircir ce que nous entendons par « méthode » étant donnée la confusion
de sens que recouvre ce terme. Nous l’utilisons ici dans sa signification la plus générale car
le matériel sur lequel nous nous appuyons aujourd’hui rend compte de la formalisation d’une
démarche structurée, d’une approche comprenant tout à la fois une définition :
-1- d’un projet : « développer des instrumentistes qui sont à l’aise et heureux de jouer
et qui utilisent des mouvements coordonnés sans tension excessive », qui implique un
enseignement éclairé et efficace et qui a pour finalité, à long terme, l’accélération et
l’amélioration de l’apprentissage.
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-2- d’un savoir à acquérir ancré sur le plan théorique à partir de différents concepts
issus de diverses disciplines scientifiques (un savoir et ses justifications : est montré
ce qui est pris comme fondement)
-3- des moyens utilisés pour parvenir aux fins escomptées (matériel, activités, situations
pédagogiques) : c’est dans cette catégorie que l’on emploie généralement le mot
« méthode » au sens plus restreint de méthode-technique ou méthode-livre-partition.
Voici donc notre définition de « méthode » - une approche générale décrivant un plan
d’actions fondé théoriquement devant permettre d’atteindre un objectif – qui, attachée
au nom de Paul Rolland (comme elle peut l’être au nom de Suzuki), montre également toute
l’importance de la personnalité insufflatrice.
B. DESCRIPTION du MATÉRIEL
Le matériel constitue en lui-même une totalité assez remarquable qui peut justifier une
première impression béate. Il comprend en effet trois éléments étroitement complémentaires
constituant un ensemble cohérent pratiquement unique dans l’histoire de la pédagogie du
violon :
1) Plusieurs films
Une série de 14 films couleur où sont filmés cours (ex. film n°3), démonstrations (ex. film
n°2), exécutions instrumentales individuelles ou en groupe (ex. film n°1), exercices techni-
ques portant sur des mouvements isolés (ex. film n°4) ou extraits musicaux aboutis (ex. film
n°8).
Y apparaissent à la fois Paul Rolland (et quelques assistants) en tant qu’enseignant ou
interprète, quelques violonistes professionnels et surtout des élèves violonistes
(accompagnés parfois d’un violoncelliste) d’un âge variant de 7 à 25 ans environ.
A ce sujet une certaine confusion règne dans l’ouvrage qui accompagne les films : les élèves
présentés le plus souvent dans les films font-ils partie de la « classe-pilote », de la « classe
expérimentale » ou du « groupe laboratoire » ? D’après une première étude mettant en
relation les différentes nominations et le déroulement général du Projet de Recherche, on
peut en déduire que la plupart des élèves filmés sont issus du « groupe laboratoire » qui
rassemble des élèves particuliers de P. Rolland, des élèves de la première classe pilote
ouverte en 1967 et cinq autres issus des centres expérimentaux ouverts en 1968.
Une remarque nous permet alors de conclure qu’il faut à la fois relever l’aspect
« démocratique » à la base du projet : on ne sélectionne pas les élèves au départ d’après
leurs talents musicaux, la classe-pilote est ouverte à tous les élèves sans test d’admission…
mais dans la présentation filmée il est évident que s’est produite une opération de sélection
dont on ne connaît pas les critères : on sait seulement par exemple que les classes
expérimentales comprenaient une centaine d’élèves et que l’on en présente ici que cinq
d’entre eux…
Un ouvrage de 250 pages environ L’enseignement du mouvement dans le jeu des cordes,
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sous-titré « techniques formatives et correctives pour le violon et l’alto » et défini plus loin
comme un « guide complet d’enseignement de la technique de base » de ces deux
instruments et un « manuel détaillé destiné à accompagner la série de films ».
Il semble en fait que les documents écrits et visuels aient été conçus en parallèle, la
structure écrite influençant la structuration des films et les documents obtenus influençant le
contenu du livre.
Chaque chapitre du livre (exceptée la première partie du chapitre II rédigée par une
collaboratrice de P. Rolland, Frances A. Hellebrandt, « Commande et régulation du
mouvement volontaire, application des connaissances nouvelles à la pédagogie du violon »)
est en effet rattaché au thème d’une cassette vidéo –cf tableau de mise en relation films et
chapitres en annexe.
-1- une présentation générale des principes du mouvement dans le jeu des cordes
(2e partie du chapitre II et film 2) qui introduit l’image d’un lanceur de golf, puis
celle d’un batteur dans un match de football américain afin de dégager les différentes
étapes d’un mouvement en général : anticipation, contact avec l’objet = lancé,
accompagnement et prolongement du mouvement …
-2- une partie réservée à la formation rythmique avec ou sans instrument : il est rare
de trouver une telle thématique aussi développée et aussi intégrée à l’enseignement
instrumental dans d’autres ouvrages sur la pédagogie du violon ; peut-être est-ce dû
aux origines hongroises de P. Rolland et donc à l’influence de la méthode Kodaly…
Par ailleurs, l’ensemble ouvrage-films est encadré dans sa structure par deux démonstrations
que nous entrevoyons comme une entreprise de promotion de la méthode, le dernier film
(film n°14 relié au chapitre XVII) renforçant encore le pouvoir du premier (film n°1 /
chapitre I).
En effet, le premier film offre une présentation générale des résultats obtenus avec les élèves
« après deux ans et demi d’étude » (p.241), résultats appuyés dans le manuel par la
retranscription de propos très positifs à l’égard de la méthode issus de personnalités
musicales, de professeurs et d’étudiants. On note également une photo « la classe d’Urbana-
Champaign lors de la conférence de la Maison Blanche » à la page 9 très représentative
d’une présentation de la méthode proche d’une « vitrine publicitaire ».
Cet aspect est encore renforcé par la démonstration finale utilisant le processus comparatif
« avant / après » : dans le film n°14, des élèves sont enregistrés au début d’un camp musical
d’été puis au terme d’une semaine de cours. Les commentaires insistent sur les défauts des
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mouvements observés au départ puis sur les qualités de ceux obtenus au final prouvant ainsi
l’efficacité de l’enseignement dispensé (des résultats obtenus en un minimum de temps).
Rétrospectivement ce dernier film met en relief toute la valeur des développements détaillés
ultérieurement : nous avons ici la preuve de l’invention d’une méthode capable d’obtenir le
miracle du progrès par l’objectivité du jugement et de la connaissance.
3) Un répertoire de pièces
Ainsi un positionnement réel ne pourra s’accomplir que par l’analyse combinée de « ce qui
est dit » et de « comment cela est dit ? ».
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C. LES PRINCIPES DU MOUVEMENT EFFICACE
La méthode P. Rolland a sans doute pour origine un incessant aller-retour entre données
empiriques issues de la pratique pédagogique et données scientifiques émergeant de différents
domaines de recherche (physiologie, physique, kinésiologie, neurophysiologie).
Il est probable que P. Rolland, après certaines expérimentations, a eu envie de consolider ses
intuitions en leur trouvant un ancrage théorique mais dans la présentation de l’ouvrage ci-
après c’est le parcours inverse qui est adopté : pas de récits d’expériences, d’essais, d’erreurs,
de découvertes, juste un compte rendu partant des fondements des connaissances scientifiques
de l’époque à l’élaboration d’activités correspondantes.
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TABLEAU n°1 : PRINCIPES FONDATEURS d’une PEDAGOGIE du MOUVEMENT (Paul ROLLAND)
Principe n°1 : « Quand il y a raideur quelque part, bougez ! Le « L’activité crée de l’énergie ; le mouvement
mouvement fait fondre les tensions statiques. » Pizzicato volant (chap. IX, activité 1, p.132 ; donne de la souplesse. Par contre, l’immobilité
p.40 136 : cf annexe) : on joue des pizzicati avec le crée de la tension car elle suppose la contraction
« Le mouvement bras droit qui dessine une trajectoire circulaire de certains muscles dont on a besoin pour tenir
libère les tensions » « Soutien de l’instrument souple et dynamique. » lorsque le doigt n’est pas sur la corde. le violon et l’archet. » p.36
p.39 H. TEMIANKA (élève de Carl FLESCH)
ou Des mouvements bilatéraux accompagnent ce
« L’équilibre est le principe de base de tout bon geste : pendant le jeu du pizz (ou le jeu de Idée du mouvement bilatéral entrevue chez F.
mouvement. Que ce soit pour se balancer, pour l’archet par la suite = plusieurs coups d’archet en POLNAUER (violoniste, enseignant, chercheur
« Trouver un équi- rouler à bicyclette ou pour jouer d’un instrument tirant), le poids du corps se transfère d’un pied à spécialisé dans l’étude du mouvement) : écrit
libre dynamique » à cordes, le corps doit être en équilibre actif l’autre et, en général, le corps oscille dans la datant de 1952 : Bio-Mechanics, a New
pour que chaque partie ait la liberté de bouger direction opposée à celle du doigt ou de l’archet. Approach to Music Education
en tout temps. » p.54
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TABLEAU n°2 : DÉFINITION d’un MOUVEMENT EFFICACE (Paul ROLLAND)
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DEFINITIONS MOTS ou PHRASES - CLÉS EXEMPLES REPRÉSENTATIFS ÉCRITS et AUTEURS RÉFÉRENCES
Produit avec un minimum d’effort :
économie de mouvement :
« pour effectuer certains mouvements avec le Exemple des mouvements répétitifs comme le
spiccato : il est possible de jouer deux notes avec
minimum d’efforts, on applique les principes la même impulsion (démonstration avec un
d’équilibre et de levier(…) Un bon équilibre claquoir p.42 ; cf annexe)
du bras permet de jouer sans effort car le
bras revient de lui-même à sa position Exemple des démanchés p.43 : « pour un W. TRENDELENBURG : écrit datant de 1925 :
initiale » p.54 démanché souple et efficace, le bras gauche Les mouvements naturels impliqués dans l’ap-
Un mouvement na- s’infléchit dans la direction du démanché avant prentissage du jeu des instruments à cordes
turel : Le mouvement doit précéder et survivre au que le doigt n’ait relâché son appui sur la corde. »
son : (cet auteur connaissait Ivan Galamian et R. Toten-
« pour vaincre l’inertie, il faut anticiper le Anticiper le mouvement pour améliorer la prise de berg, élève de Carl Flesch)
son : exemple des envolées (activité 3 p.109 ; cf
mouvement » p.43
annexe)
« le prolongement gestuel permet d’éviter les Prolonger le mouvement pour obtenir un son
arrêts brusques ou inopportuns à la fin des résonnant : voir amélioration de la détente du
coups d’archet : il dépense l’énergie son (activité 4 p.110-111 ; cf annexe)
cinétique accumulée dans le bras et l’archet »
« Quand le bras gauche est bien équilibré pendant Vibrato : démonstration des mouvements rotatoi-
le vibrato, le mouvement cyclique de la main en- res avec l’attache d’une baguette assez flexible Dr F.A. STEINHAUSEN : écrit datant de 1902 :
traîne de légers mouvements rotatifs latéraux de juste au-dessus du coude (voir film n°2) : test de Die physiologie der Bogenführung
Mouvement rotatoire l’humérus. » p.179 l’équilibre du bras et exercice de la salière
p.181 P. HODGSON : écrits datant de 1934 et 1958 :
ou Le mouvement rotatoire du bras droit L’étude du mouvement et la technique d’archet
est nécessaire pour réguler la pression (application pratique des idées de Steinhausen au
jeu du violon )
« rotary move- de l’archet sur la corde et obtenir un Un balancement pendulaire du haut du bras est
ment » son égal du talon à la pointe de l’archet nécessaire au martelé : ce balancement par lequel N.B. : Le mouvement de pronation ou de
le coude s’élève pendant le tiré et s’abaisse pen- supination de l’avant-bras est préconisé pour
« Pour obtenir un son plus fort, on utilise le prin- dant le poussé incurve la trajectoire du coup d’ar- augmenter ou diminuer la pression de l’archet :
cipe du levier ; il faut transférer une partie du chet : p.159 – 160 chez P. Rolland, il est plutôt question du haut du
poids naturel du bras sur la corde par l’intermé- (p.101 activité 5 : balancement du bras avec bras dans le mouvement rotatoire.
diaire de l’archet : ce genre d’activité n’est possi- exercice muet sur le chevalet)
ble que grâce à un mouvement de rotation. » p.43
2. A. PÉDAGOGIE DU MOUVEMENT ET FORMATION MUSI-
CALE
Si l’on se contentait de ces quelques données sur le mouvement, le jeu du violon pourrait
alors se réduire à une gymnastique ou à un sport tel que le parallèle est parfois établi dans la
série de films.
Pourtant, malgré une rigueur et une insistance particulière sur les points concernant la techni-
que de base du violoniste, P. Rolland n’en néglige pas moins le lien avec certains aspects
musicaux.
1) Mouvement et rythme
A chaque période de travail (32 périodes réparties sur 2 ans) correspond certains points
techniques, un certain répertoire et également quelques exemples visant à intégrer la
sensation de la pulsation et à réaliser des rythmes de plus en plus complexes :
Ainsi l’élève entre très vite dans la musique malgré ses connaissances encore réduites à l’ins-
trument. L’apprentissage des données posturales se combine d’une part avec un appren-
tissage rythmique qui introduit tout de suite les mouvements dans une coordination vo-
lontaire et d’autre part, l’enfant est dès ses débuts immergé dans un contexte musical qui
donne de la valeur à ce qu’il fait, et lui fait découvrir par la participation active à l’écoute des
œuvres, son introduction à un univers culturel immense de ressources et de richesses.
On regrette seulement alors que les autres paramètres musicaux (autres que la durée) n’aient
pas été traités d’une manière aussi développée et systématique.
Aucun chapitre, par exemple, n’a été réservé à la formation de la justesse et l’on com-
prend implicitement que celle-ci doit se construire essentiellement à partir de l’interprétation
de mélodies connues ou facilement mémorisables.
Alors que pour la formation rythmique l’auteur décrit scrupuleusement plusieurs étapes
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(frapper des rythmes sans l’instrument, imiter le professeur, lire et exécuter des rythmes
etc.), l’exécution des mélodies semble devoir s’effectuer presque instinctivement sans prépa-
ration préalable.
Pourtant il nous semblerait utile, là aussi, de développer le chant de ces mélodies avant
leur exécution, de relier la lecture des notes à une audition intérieure.
Les propos de celui qui déclare préférer enseigner le violon plutôt qu’une mélodie (p.4
slogan signifiant une orientation pédagogique qui tend à privilégier les résultats sur le long
terme plutôt que sur le court terme) sembleront donc ici presque effacés : la réalisation de
différentes mélodies ici (classées dans leur progression selon les différents groupements des
doigts de la main gauche) fait l’économie d’une conception plus profonde de la justesse
basée par exemple sur la construction des intervalles [exercices préconisés par M.C.
ARBARETAZ].
-1- Le pédagogue ne peut travailler avec l’élève sur tous les plans à la fois : il doit dé-
terminer des priorités (ici l’aisance du mouvement, la formation rythmique) sous
peine aussi de tout survoler.
-2- Le pédagogue doit aussi composer entre son exigence propre et la motivation de
l’élève, ce qui revient à jongler entre les objectifs à long terme et les récompenses à
court terme, l’approfondissement parfois fastidieux mais constructif et la curiosité
musicale.
En bref et en image, plutôt que d’alterner les régimes secs et les « gloutonneries », mieux
vaut sans cesse garder une alimentation équilibrée avec ses petits plaisirs : quoi de mieux
qu’une barre de céréales chocolatée ?
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B. DES AXES DE MOTIVATION EN LIEN AVEC LE DÉVELOP-
PEMENT À LONG TERME DE l’ÉLÈVE :
1) Une des sources de motivation peut être la mise en relation de l’apprentissage ins-
trumental et musical comme nous l’avons vu précédemment avec la combinaison
des activités de mouvement et des activités rythmiques :
« Avec un peu d’imagination, le professeur trouvera mille façons de rendre les activités de
mouvement intéressantes. On peut les combiner entre elles et les associer à des activités
rythmiques ou encore au matériel musical travaillé par l’élève » (p.5)
« Les activités rythmiques sont d’excellents éléments de détente et de diversion dans une le-
çon » (p.57)
Le jeu des cordes à vide n’est pas en lui-même complètement réjouissant et pourtant très
profitable pour l’installation de données posturales.
P. Rolland le transforme donc en élément d’accompagnement (la voix de l’élève est
individualisée et a une fonction musicale déterminée dans l’ensemble) d’une mélodie qu’il
interprète lui-même au violon.
Au passage, on peut noter que cet emploi peut aussi avoir un impact sur la formation de
l’oreille harmonique et la perception intuitive d’une certaine organisation du phrasé.
Lorsque l’élève est un peu plus grand, il interprète alors lui-même les mélodies et est alors
accompagné au piano.
3) Initier très tôt à tous les points de la technique du violon représente une autre mo-
tivation pour l’élève.
« Vous remarquerez qu’un certain nombre de techniques poussées sont abordées dès le dé-
but du programme sous forme embryonnaire ; on les fait ensuite évoluer par des activités
variées, jusqu’à ce que l’élève maîtrise à fond l’élément technique. Cette façon de procéder
aide le professeur à soutenir l’intérêt de l’élève, et celui-ci peut très tôt se familiariser avec
des objectifs à long terme » (p.5)
En effet, dans les films il est assez saisissant de voir que dès la 1re année d’apprentissage, les
jeunes violonistes sont introduits :
-1- aux démanchés de la 1re à la 5e position, au vibrato, à des accords majeurs ou mi-
neurs qui impliquent différents placements ou groupements de la main gauche, aux
octaves doigtées 1-4 arpégées ou plaquées (également l’octave qui correspond à la
corde à vide c’est-à-dire 0-3 en 1re position ou 0-1 en 3e position : cf. annexes), aux
harmoniques (exemple de partition : cf. annexes)
-2- au développement global du son sur toute la longueur de l’archet avec une cons-
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cience de la précision d’attaque et d’un son résonnant, à des coups d’archet com-
plexes et rebondis comme le spiccato.
J’ai souvent remarqué en effet que l’apprentissage tardif du démanché par exemple équiva-
lait à une fixation de la main gauche en 1re position.
Tout s’organise dans un équilibre statique et certains "défauts" apparaissent en corrélation :
le manche est tenu, les doigts s’agrippent en préhension, le violon est souvent mal placé
comme posé et non soutenu etc. ; c’est alors que lorsque l’on aborde le démanché, tout l’é-
quilibre est remis en cause et le nouveau mouvement paraît parfois comme un obstacle insur-
montable.
En envisageant dès le début le déplacement de tout le bras, on engage une recherche d’équi-
libre posturale plus globale qui aboutit au soutien dynamique de l’instrument. Le démanché
est à ce moment là une possibilité de mouvement parmi d’autres et non une difficulté supplé-
mentaire.
Nous évoquerons ici plutôt l’idée d’une réponse à sa curiosité et soulignerons qu’un des ob-
jectifs principaux du 1er cycle est la découverte de l’instrument à travers les divers modes de
jeu.
Il n’est pas rare que les exemples musicaux donnés par le professeur ou de grands élèves
intriguent les plus jeunes et qu’y a t-il de plus agréable que d’aborder une notion en réponse
à une interrogation de l’élève ?
Je suis convaincue a contrario qu’il ne sert à rien d’imposer par exemple à l’élève de vibrer
tant qu’il n’en a pas senti en lui la nécessité et l’envie (l’on obtient alors généralement qu’un
geste fabriqué et anti-naturel qui ne correspond à rien de musical).
Or cette curiosité pour le vibrato apparaît souvent très vite chez l’élève, il faut alors que le
professeur sache l’accueillir (autrement que par « on verra ça plus tard » !) et la cultiver en
permettant tout d’abord à l’élève d’envisager quelques possibilités de réalisation par lui-
même afin que les clés émergent au fur et à mesure d’une interaction et non d’une vérité ex-
térieure et imposée.
c) Le troisième principe est en fait fondé sur une représentation plus générale de la pro-
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gression de l’élève dans l’apprentissage des mouvements. Celui-ci ne se limite pas
à une accumulation de connaissances, des plus simples aux plus complexes : il s’agit
aussi d’aborder "un certain nombre de techniques (…) sous forme embryonnaire"
puis de les faire "évoluer par des activités variées" jusqu’à leur maîtrise.
On aborde alors un fonctionnement plus circulaire qui implique un retour constant aux don-
nées de base pour les consolider et les perfectionner.
Il manque peut-être à cette conception, du moins dans ce que nous avons pu entrevoir dans le
livre de P. Rolland, la notion d’approfondissement car en elle-même la répétition des
mouvements ne sert à rien, de même que la variété des activités qui, si elle ne va pas dans
le sens d’une précision des savoir-faire, d’une nuanciation, d’un affinement des mouvements
en fonction de la perception des subtilités musicales, reste un approvisionnement ludique
mais stérile.
Il faut encore préciser ici en quoi consiste cet enseignement car le terme de "pédagogie de
groupe" peut englober des réalités très différentes reflétant souvent des influences historico-
culturelles diverses.
Pour cela nous nous aidons ici de la comparaison avec deux autres types de pédagogie "en
groupe" : celle définie par S. Suzuki (L’éducation du talent) et A. Biget (Une pratique de la
pédagogie de groupe de l’enseignement instrumental).
A priori on pourrait imaginer un enseignant et un groupe d’élèves mais cette supposition est
toutefois contrariée :
-1- D’une part chez Suzuki avec la présence obligatoire des parents en tant qu’observa-
teurs à tous les cours : cette donnée supplémentaire s’explique en grande partie par
l’âge précoce (de 3 à 5 ans en moyenne) des violonistes débutants.
-2- D’autre part chez P. Rolland avec la présence facultative d’un certain nombre d’as-
sistants (collègues ou étudiants en formation pédagogique) en fonction de la taille du
groupe et du sujet traité : la multiplication des maîtres s’accorde avec l’un des
moyens mis en œuvre dans cette pédagogie, l’assistance manuelle et la pédagogie de
groupe tend à intégrer un suivi individualisé.
Le nombre d’élèves varie également dans les trois approches. Important chez S. Suzuki, il
est très variable chez P. Rolland (de 2 à une dizaine) et se limite à 3 chez A. Biget. Ces diffé-
rences ne sont pas anodines sur le plan des relations entre les acteurs.
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b) Le rôle du professeur dans le groupe
Chez Suzuki, en plus d’une démarcation claire entre maître et disciples (+ parents), le groupe
des élèves est uniformisé puisque tous jouent à l’unisson en réponse au modèle donné par le
professeur ou la cassette enregistrée.
Le professeur se situe donc au-dessus et presque à l’extérieur du groupe.
Avec P. Rolland, la distinction entre maître et élèves est toujours prégnante (il y a d’un côté
ceux qui savent, de l’autre ceux qui cherchent) et le mode privilégié de "relation" reste le jeu
d’imitation mais cette fois-ci, le modèle choisi peut être aussi un autre élève de même
niveau ou un peu plus avancé.
D’autre part, P. Rolland organise aussi souvent des groupes hétérogènes au niveau des
instruments pratiqués : considérant que les principes du mouvement sont les mêmes pour
tous les instrumentistes à cordes, il accompagne le groupe des violonistes, de quelques
altistes et violoncellistes. La limite entre cours d’instruments en groupe et cours de musique
d’ensemble devient alors presque invisible.
Enfin, chez A. Biget, on assiste à une toute autre définition des rôles, la relation professeur-
élèves étant aussi importante que les relations des élèves entre eux. Voici sa définition :
« La pédagogie de groupe, c’est utiliser le groupe pour faire éclore la personnalité de cha-
cun. Ce n’est pas une pédagogie destinée à un groupe mais une pédagogie destinée à un in-
dividu par l’intermédiaire du groupe » (p.21)
Gérer un groupe représente alors une compétence tout à fait particulière qui nécessite un sa-
vant équilibre entre les propositions du professeur et celles éveillées par l’interaction des élè-
ves : le professeur, tout en lançant des pistes s’efforce de réguler et d’utiliser au mieux les
échanges et les découvertes nées de l’émulation générale. Il doit savoir aussi mettre en va-
leur les points forts de chacun, faire varier les rôles, gérer la place des différentes personnali-
tés et faire du groupe un endroit où chacun trouve à s’exprimer sous différents modes tout en
progressant selon son rythme.
A travers cette comparaison, nous saisissons l’ouverture amorcée par P. Rolland et la sou-
plesse de son attitude mais aussi toute la distance encore à parcourir pour faire de la péda-
gogie de groupe un outil de travail et de partage autant qu’un instrument de motiva-
tion.
Il y a encore ce pas à sauter pour imaginer que les élèves ont autant à apprendre les uns des
autres que du professeur lui-même et pour concevoir également qu’il existe d’autres voies
que l’observation et l’imitation.
P. Rolland affirme même, que c’est en libérant les mouvements que l’on permet à la mu-
sique de passer.
Toutefois il faut bien être conscient que le mouvement reste un moyen et non une fin : un
mouvement bien que souple et équilibré pourra se révéler tout à fait faux s’il ne correspond à
aucune direction musicale.
Encore une fois, il me semble important de réaffirmer l’évolution corrélative des moyens
18
techniques et des conceptions musicales comme deux choses faisant partie d’un tout insé-
cable.
Il ne sert à rien de développer le plaisir d’un mouvement si celui-ci n’est pas guidé par le
plaisir sonore et plus encore par le plaisir musical. De plus la musicalité, la révélation de l’art
ne s’esquisse que dans le souffle, qui relie les différents mouvements entre eux et leur donne
un sens émotionnel dépassant les unités séquentielles.
Une fois tracée la voie des objectifs, nous nous intéressons, à partir de notre point de vue
d’enseignant, aux moyens mis en œuvre pour les atteindre.
On peut déceler deux étapes correspondant à une 1re phase de découverte du mouvement
puis à des périodes de consolidation, d’intégration.
-1- d’établir une image mentale du mouvement efficace : visualiser, se représenter l’ob-
jectif
-2- ressentir le mouvement efficace sans l’instrument : mimer sans le violon
-3- pratiquer des mouvements qui requièrent des synergies motrices analogues avec ou
sans l’instrument
-4- imiter le professeur ou un autre élève.
Dans un second temps, il lui est indiqué de répéter le mouvement juste pour le mémoriser
jusqu’à le rendre automatique.
Ces propositions nous intéressent particulièrement sur deux points :
A ce propos, nous admettons en effet que l’imagination d’un nouveau mouvement sert un
travail intelligent : les efforts physiques redoublés et les heures de rabâchage ne servent sou-
vent qu’à passer une difficulté en force après un échauffement des vieux réflexes réactivés
sans résoudre le problème en profondeur.
La visualisation des mouvements qui pourrait trouver comme corrélatif musical une lecture
silencieuse des œuvres étudiées permet de concevoir rapidement une solution en faisant
l’économie d’une longue série d’essais et d’erreurs guidés par des intuitions ici plutôt
synonymes d’habitudes.
Ces exercices ont le mérite d’opérer une décentration du problème et de rapprocher certains
19
mouvements violonistiques à 1re vue complexes de mouvements déjà connus et effectués
qu’il serait facile pour l’élève de se remémorer.
-1- d’une part le « naturel » n’est pas forcément l’apanage du débutant ou de l’enfant :
ses mouvements les plus quotidiens peuvent être eux-mêmes exercés avec crispation
ou maladresse selon les inhibitions et le caractère de chacun. Contre toute idée reçue,
le « naturel » n’est pas forcément inné mais s’acquiert, se construit, se déve-
loppe…
Il est parfois plus profitable de travailler à l’instrument certains mouvements tout en ayant
recours à des références imaginaires pour éveiller la sensation (l’imaginaire n’est-il pas cons-
titué de combinaisons multiples d’expériences déjà vécues ?)
Le dernier chapitre du livre (chap. XVII) porte sur l’enseignement correctif dont on perçoit
la définition à travers les propos suivants :
« Qu’il soit formatif ou correctif, tout apprentissage suppose l’acquisition de nouvelles ré-
ponses motrices. Dans le 1er cas, les nouvelles habitudes sont construites sur un terrain
vierge, mais dans le second, les mouvements défectueux doivent d’abord être identifiés et
perçus, et ensuite remplacés par de nouveaux mouvements » p. 203
Nous sommes gênés ici de l’emploi de ces termes aux résonances fortement négatives :
Pas étonnant vu sous cet angle que les candidats à la perte des repères
et au recommencement soient peu nombreux !
-2- Quant au terme de "correction" il appelle une forme de violence, qui, si elle n’est pas
physique (comme au sens plus ancien de "donner une correction") est du moins psy-
chique. S’il faut corriger c’est qu’il y a une affirmation radicale d’un défaut d’une
part et de son homologue positif d’autre part : l’idée est d’éradiquer le 1er afin de
20
mettre l’autre à sa place.
Les résistances aux changements auxquels P. Rolland avoue être confronté parfois nous
apparaissent comme révélatrices de processus plus complexes.
Si l’on emploie le terme de correction pour la correction d’une dictée par exemple, c’est que
certaines règles ont été établies pour uniformiser l’orthographe des mots. Mais les mouve-
ments ne sont pas des mots, ils se classent comme des actions (et non comme des états) dont
les règles sont aussi mouvantes que l’orthographe des mots, a contrario, immuable et défini-
tivement fixé dans une phrase.
Le mouvement serait comme un mot dont on change sans cesse l’orthographe selon le sens
donné dans la phrase (musicale ?) et cela signifierait alors que les règles sont relatives (le
mouvement se pliant au sens de la phrase et édifiant une loi d’accord à posteriori).
Nous concluons de cette métaphore, qu’il n’y a pas de mouvement juste ou faux a priori et,
qui peut mieux juger de la souplesse et de l’équilibre d’un mouvement, sinon celui-là même
qui en est l’auteur ?
De même, nous avons du mal à admettre cette division si catégorique entre mouvement juste
et mouvement défectueux, de même cette séparation entre enseignement formatif et ensei-
gnement correctif ne nous semble pas souhaitable d’autant plus qu’elle tend à imposer un
fonctionnement normatif opposant les élèves issus de l’enseignement de P. Rolland
(groupe formé par la méthode P. Rolland et donc groupe – référence) aux autres élèves issus
d’autres écoles et "récupérés" par P. Rolland après plusieurs années de parcours (groupe à
corriger en fonction du groupe – référence).
Mais ne remarque t’on pas souvent chez un professeur qui "récupère" une classe cette 1ère
impression négative ? Les élèves ne sont pas conformes à son idéal, il va falloir les remouler,
les refondre, en faire tout compte fait ses élèves en niant le travail déjà accompli pour revenir
aux bases qui permettront de reconstruire un être neuf enfin ressemblant à l’image proje-
tée…
Attention donc surtout de ne pas mener d’un côté une pédagogie de la réussite où l’élève
est encouragé à chaque moment de son évolution et de l’autre une pédagogie de l’échec qui
commence par un changement radical puis va de retouche en retouche.
Pour n’importe quel élève, apprendre exige un effort et parfois une remise en cause diffi-
cile des conceptions antérieures et d’une vision de soi.
C’est pourquoi, afin d’aider à surmonter l’épreuve même que représente l’apprentissage,
l’enseignant ne peut dispenser qu’un enseignement « formatif » c’est-à-dire qui tient compte
de l’évolution progressive et continue de l’élève.
21
3) Les rôles attribués au professeur
La définition de ces différents rôles nous permet ici de réaliser une synthèse des orientations
pédagogiques de la méthode P. Rolland (limitée bien sûr en fonction des documents
auxquels nous avons accès).
a) Le porteur du savoir et donc le modèle des élèves → imitation
« Le professeur qui joue souvent avec une belle sonorité et de bons modèles de mouvement,
inspire et motive ses élèves » (p.5)
-1- Dans une optique de formation, il se demandera : « qu’est-ce que l’élève n’a pas
encore assez ? »
-2- Dans une optique de correction, la question sera plutôt de cet ordre : « quels défauts
faut-il éliminer ? »
« Le professeur est comme un bon jardinier qui doit établir un bon programme de crois-
sance. Il doit parfois s’occuper d’un membre plus faible, émonder une pousse indésirable,
cultiver des formes harmonieuses et prévenir les risques d’une exposition précoce, tout ceci
en parant aux malformations et en corrigeant les mouvements défectueux déjà enraci-
nés » (p.203)
Pour accompagner ces différents rôles, P. Rolland propose aux professeurs d’utiliser :
* Le recours à l’imagination nous paraît en effet très important en ce qu’il rassemble sous
des traits symboliques et parfois même humoristiques une synthèse d’éléments précis : l’i-
mage globalise les données sur le mouvement et utilise en quelque sorte une compré-
hension intuitive.
L’image est également riche en ce qu’elle est souple et modulable et c’est cet élément juste-
ment qu’il faut saisir dans la pédagogie comme une inépuisable source de communication
avec l’élève.
Il faut savoir qu’une image en elle-même n’est pas une recette qui "marche à tous les
coups" ; grâce à sa multiplicité de sens, elle trouve une résonance particulière chez chaque
individu qui la vit selon ses expériences passées.
Il faut donc écouter l’impact d’une image sur l’élève en l’observant, en discutant avec lui,
accepter de la changer si celle-ci ne représente pas quelque chose d’agréable ou de la modu-
ler jusqu’à ce qu’elle ouvre l’équilibre dynamique recherché.
Il faut, en résumé, inventer avec l’élève une image individualisée qui corresponde à ses be-
22
soins et le guide dans sa progression.
Prenons pour exemple, l’image de "la statue de la liberté" donnée par P. Rolland (p.86 activi-
té 5) déjà très reliée à un contexte culturel : certains y sentiront tout de suite l’évocation d’un
mouvement et d’une "liberté", d’autres retiendront plutôt l’aspect figé, voir pétrifié de la
"statue".
* Le professeur a également la possibilité de "transmettre" le mouvement juste, en jouant
comme nous l’avons déjà évoqué mais aussi à travers l’assistance manuelle qui peut pren-
dre diverses formes : le professeur peut inciter le début du mouvement (par exemple il tire la
volute du violon en un sens et le corps du violoniste doit bouger en fonction pour épouser le
déplacement), vérifier la détente de certains membres comme guider le trajet de l’archet en
canalisant l’espace de mouvement, permettre à l’élève à travers les sensations dirigées d’éta-
blir un cadre, une direction du mouvement dont les repères sont invisibles à l’œil nu.
Du fait que les gestes du professeur à l’égard de l’élève restent concentrés sur les bras et les
mains et qu’ils sont effectués la plupart du temps en dehors du jeu effectif de ce dernier
(pendant les temps de repos ou de préparation au jeu), on peut en conclure que ces gestes
restent respectueux de la personne et qu’ils agissent plus dans un ordre préventif que
comme une force impositrice qui verrouillerait les mouvements dans des étaux.
Il ne s’agit pas de faire les choses à la place de l’élève.
Cette approche peut donc être utile à l’élève si elle n’est pas systématisée et qu’elle ne fait
pas l’économie, en parallèle, d’une recherche plus longue et plus solitaire consistant à la dé-
couverte et la connaissance intime de soi.
L’assistance manuelle peut même être contre indiquée au moment de l’adolescence par
exemple lorsque le corps de l’élève est en pleine transformation.
En dehors de cela, tout élève a droit à un espace vital pour s’exprimer et le professeur doit
apprendre lui aussi à varier sa distance et sa position (ne serait-ce déjà que physiquement)
pour ouvrir son regard.
Enfin nous pensons que l’assistance manuelle et le fonctionnement en imitation entrevus jus-
qu’ici se situent sur le même plan de considération : leur emploi se justifie sporadique-
ment et particulièrement au début de l’apprentissage mais ces moyens ne peuvent en
aucun cas mener à l’autonomie de l’élève (qui est avant tout l’objectif final à long terme)
et ne peuvent que créer une image relativement conforme au modèle imité et façonné de
l’extérieur.
Mais il nous faut encore ici réaffirmer les limites de notre jugement critique sur cette mé-
thode : le livre et les films auxquels nous avons eu accès se centrent, à quelques exceptions
près, sur les deux premières années d’apprentissage, il n’est donc pas de notre ressort de ju-
ger de l’évolution de l’apprentissage et de l’enseignement au-delà de ces deux années.
23
D. CONCEPTIONS SOUS-JACENTES
Nous nous intéressons maintenant aux préceptes pédagogiques qui parcourent plus ou moins
explicitement la méthode Paul Rolland.
Il est certain que par rapport au règne séculaire de la philosophie du don en musique, des
pédagogues comme P. Rolland et S. Suzuki font figure de révolutionnaires : pour l’un
comme pour l’autre le talent musical n’est pas inné, il s’éduque et s’acquiert comme tout
autre savoir ou savoir-faire.
Pour S. Suzuki, l’apprentissage de la musique s’effectue comme celui de la langue mater-
nelle, par imprégnation précoce dans l’univers en question.
Pour P. Rolland une partie du mystère de l’apprentissage et de l’enseignement du violon dis-
paraissent à travers la définition d’un savoir objectivé, rationalisé ainsi que des moyens pour
le transmettre ou l’acquérir.
a) Constat :
Cette confiance immense dans le domaine scientifique capable d’expliquer des phénomènes
et d’émettre des vérités, cumulée à l’usage de certains termes ou expressions ( "centres expé-
rimentaux" / "groupe laboratoire" p.7 ; "réponses motrices" / "réflexes conditionnés" p.203)
et à l’allusion directe aux expériences de Pavlov (p.203) nous portent à rapprocher le dis-
cours de P. Rolland des conceptions béhavioristes (behavior = comportement en américain)
introduites aux Etats-Unis dès le début du XXe siècle.
C’est avec le physiologiste russe I.P. Pavlov (1849-1936) qu’il est question du stimulus
conditionnel.
P. Rolland fait allusion à cette célèbre expérience où Pavlov associe de façon répétée le son
d’une cloche à l’arrivée de la viande pour un chien. La salivation du chien, au bout d’une
quinzaine d’associations du même type, s’effectue au seul son de la cloche.
A partir de cette expérience, il est défini que : « par association d’un stimulus conditionnel à
un stimulus inconditionnel, on obtient une réponse conditionnelle ».
Par là, les béhavioristes mettent en valeur certains mécanismes psychophysiologiques et dé-
terminent des lois d’apprentissage : par exemple l’écart des répétitions pour l’acquisition
d’une habitude (b).
24
Mais c’est un psychologue américain B.F. Skinner (1904...) qui fait apparaître la relative
activité de l’élève et l’importance dans l’apprentissage du renforcement positif : pour
lui, la connaissance ne résulte pas uniquement d’un apprentissage sensoriel mais plutôt d’une
action et tout comportement peut être acquis à condition de bien utiliser le renforcement (c).
Ces différents courants sont à l’origine de l’enseignement programmé déjà en faveur dans les
années 1930 (d).
Chaque idée que nous venons de présenter trouve en effet un écho dans la "méthode" que
nous avons choisi d’étudier :
- ce sont effectivement les conduites et plus particulièrement ici les mouvements qui in-
téressent le professeur à travers l’observation de l’élève : les conceptions et représenta-
tions de l’élève sont apparemment peu prises en compte, l’échange verbal reste appa-
remment à sens unique (pédagogie également magistrocentrique).
- le mouvement efficace observé est renforcé par des récompenses verbales (« bien,
très bien »).
Bien que ces conceptions ne puissent nous sembler rétrogrades étant donné que la majorité
de l’enseignement musical repose encore aujourd’hui sur cette base théorique, il est impor-
tant pour nous de souligner ici que le fonctionnement résumé au couple "stimulus-
réponse" semble exclure toute appropriation consciente.
Or il y a tout de même une différence qualitative entre l’homme et l’animal (l’enseignement
se distingue fondamentalement du dressage car le second est du domaine de l’acquisition
tandis que le premier concerne l’appropriation des savoirs, savoir-faire, savoir-être…), de
même qu’entre l’homme et la machine (le comportement de l’homme est déterminé par
d’autres éléments que le seul "programme" introduit de l’extérieur).
Comme Paul Ricoeur (cité par Olivier Reboul dans son livre Qu’est-ce qu’apprendre ?) qui
décrit les trois étapes de l’aliénation d’un savoir-faire :
25
-1- Stade de la fixation où le savoir-faire exclut tout progrès.
-2- Stade de la sclérose où l’habitude n’est plus au service de l’activité mais la supprime.
nous pensons que c’est « la présence d’un non-pouvoir au plus intime de nous-même qui
sauve le savoir-faire de l’automatisme et de la sclérose ».
26
III. NOUVEL ÉCLAIRAGE SUR LA MÉTHODE
Dans notre quête d’un positionnement critique sur la méthode P. Rolland, nous avons voulu
ouvrir notre perception à travers le recueil d’opinions extérieures.
Pour cela nous avons choisi de rencontrer deux professeurs de violon et de leur demander
leur avis sur cette méthode à partir du visionnage (à la médiathèque pédagogique de la cité
de la musique – Paris) de deux films issus de la série produite par P. Rolland.
Nous avons trouvé intéressant de recueillir les points de vue de deux professeurs (diplômés
du Certificat d’Aptitude et enseignant depuis plusieurs années dans un ENM ou CNR)
connaissant inégalement cette méthode : l’un des professeurs n’en avait jamais entendu par-
ler tandis que l’autre possédait le livre sans avoir jamais visionné aucun des films.
Il était important également de réduire le matériel présenté afin que les jugements puissent
s’effectuer autour de données communes assez précises.
Nous avons alors choisi de visionner un extrait des films afin de rendre cette approche plus
vivante et concrète : les films présentent à la fois le contenu d’enseignement et la manière
dont il est transmis.
Parmi les différentes thématiques traitées, nous nous sommes orientés sur celle traitant de la
production du son (Paul Rolland a déclaré à plusieurs reprises que l’on juge d’un violoniste
à la qualité de sa sonorité : ce thème est donc particulièrement important) et dans ce domaine
nous avons sélectionné deux cassettes :
-2- d’autre part, ces deux cassettes en continuité l’une de l’autre (la première traite de
l’allongement du coup d’archet : durée 20 min. et la seconde de l’assouplissement du
bras droit : durée 10 min.) permettaient d’entrer au cœur du propos pédagogique
tout en se dégageant de plusieurs aspects polémiques (ceux soulevés au début de
ce mémoire au niveau de ce qui pourrait se résumer dans l’expression de “vitrine pu-
blicitaire” ainsi que ceux, récurrents, autour de la tenue du violon ou de l’archet).
27
3) Le choix d’une technique d’enquête
Avant de les soumettre au regard de nouvelles personnes, nous avons visionné une pre-
mière fois les films afin de les analyser (voir compte-rendu de cette analyse en annexe).
Cette première étude consistait à pointer les axes saillants de la méthode mis en valeur à tra-
vers les images des films sélectionnés et devait au départ servir à définir les grandes lignes
d’un plan d’entretien.
En fait, nous avons fini par opter pour des entretiens assez peu directifs de peur que le ca-
dre serré des questions (issues de notre propre réflexion) n’oriente directement le discours
des personnes vers nos propres conceptions.
Par cette nouvelle approche, nous avons perdu en rigueur ce que nous avons gagné en ouver-
ture : les avis n’apparaissaient plus vraiment comparables mais plutôt complémentaires.
Ayant résumé en annexe les idées véhiculées dans les deux entretiens (voir Premier avis :
Résumé de l’entretien A avec Dominique Vuillemin et Second avis : Résumé de l’entretien B
avec Dominique Barbier), nous n’en présentons ici que les conclusions.
L’entretien A nous a permis de reconsidérer la méthode sous l’éclairage de son contexte d’o-
rigine. C’est alors que nous avons perçu toute la difficulté de situer l’apport d’une méthode a
posteriori alors que ses idées, ses différents aspects se sont déjà diffusés et donc parfois
complètement intégrés à la pédagogie d’aujourd’hui.
Nous avons retenu de l’entretien B une forme de mise en garde tendant à relativiser le déve-
loppement du mouvement pour lui-même et réaffirmant que l’objectif premier est tout de
même musical.
D’après cet entretien, nous avons compris que l’économie de mouvement n’était pas seule-
ment un principe pour rendre l’effort musculaire moins intense mais surtout une manière
d’être en parfait accord avec ce que demande la musique.
Conscients que ce qui leur était présenté n’était qu’un coup de projecteur sur un aspect d’une
pédagogie forcément plus globale, les professeurs ont, dans les deux cas, manifesté un pro-
fond respect par rapport à la qualité du contenu d’enseignement et à l’ouverture dans la ma-
nière de le transmettre.
28
CONCLUSION
A travers ce mémoire, j’ai cherché les outils d’un positionnement plus clair par rapport aux
propositions de la méthode Paul Rolland.
J’ai voulu en menant cette réflexion (qui, je l’espère, s’écarte du jugement d’opinion) mettre
à la question cet objet que je considérais auparavant comme idéal et me dégager de son em-
prise afin d’en faire un usage plus adapté à mon propre style de pédagogie et aux différents
besoins des élèves.
J’ai tenté d’utiliser deux canaux pour faire évoluer ma conception initiale : l’analyse des do-
cuments écrits et visuels ainsi que le recueil d’avis extérieurs à travers la rencontre de deux
professeurs.
Grâce à ces démarches même succinctes, j’ai pu reconsidérer cette méthode comme un outil
et non plus comme une doctrine que l’on applique quoiqu’il arrive sans réfléchir à la com-
plexité et à la variété des situations.
C’est en faisant ce parcours que je me suis rendue compte de l’écart entre ce que me donnait
réellement la méthode et le discours que j’entendais dans la présentation de Paul Rolland.
La richesse de la méthode Paul Rolland me paraît donc toujours aussi indiscutable aujourd-
’hui mais jusque dans le cadre de ces limites qui restaient pour moi voilées au départ :
-1- la méthode Paul Rolland, telle qu’elle nous parvient à notre époque, est un regard sur
l’enseignement du mouvement dans le jeu des cordes et non sur l’enseignement du
violon et de la musique en général
-2- la méthode Paul Rolland rend compte plus particulièrement des deux premières an-
nées d’apprentissage du violon : ses propositions ne peuvent donc se généraliser à
tous les niveaux d’apprentissage
-3- la méthode Paul Rolland s’inscrit dans un contexte historique et culturel et ne peut
donc être reportée telle quelle dans un autre contexte
Enfin je considère que l’idéal de scientificité qui transparaît en toile de fond de la méthode
constitue à la fois sa force et sa faiblesse.
Les activités conçues étant présentées comme le résultat d’une réflexion appuyée sur des
données scientifiques, le risque serait de se limiter à l’utilisation de ces mêmes exercices en
faisant l’économie d’une réflexion plus profonde sur ce qui les justifie : l’élève et ses capaci-
tés, comme ses difficultés propres.
Un même exercice donné peut se révéler « miraculeux » pour un élève alors que chez un au-
tre, il se transformera en « catastrophe ».
29
CREDO
En tant que pédagogue, il est donc indispensable de disposer de cette capacité d’adaptation et
de renouvellement qui fait de chaque rencontre avec l’élève, un résultat unique et original.
Chaque enseignant, tout en s’enrichissant du partage des expériences d’autrui, est l’auteur de
sa propre méthode, synthèse évolutive de son parcours, de ses valeurs, de sa personnalité. Il
enseigne son savoir avec tout son être.
Nous avons entrevu ici combien il est difficile de définir des règles et des principes inébran-
lables pour l’enseignement du violon, combien il est indispensable de mesurer ses propos et
d’adapter ses idées en fonction des situations.
La plus grande difficulté pour l’enseignant est sans doute également ce qui fait de son métier
un des plus passionnants : l’élève reste à jamais une nouvelle énigme qui nous oblige à re-
mettre en question souvent certaines idées préconçues et de cette confrontation naît un enri-
chissement certain… nous grandissons en même temps que lui de cette rencontre.
C’est un beau chemin qui nous conduit à l’accompagner dans son développement et dans son
accession au bonheur et à la liberté par la médiation privilégiée de l’art et de la musique mais
pour cela il nous faut :
-2- être prêt à l’accueillir tel qu’il est, sans vouloir le transformer à tout prix et au plus
vite,
-3- lui accorder notre entière confiance par rapport au développement de ses capacités et
à la révélation des trésors qui en font un être absolument unique et essentiel.
30
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrage :
Films :
The Teaching of Action in String Playing – University of Illinois String Research Project
Films, Paul Rolland, director. Theodore Presser and Co., Bryn Mawr, Pennsylvanie, 1968.
(consultables à la médiathèque pédagogique de la Cité de la Musique: Paris).
Partitions :
Stanley FLETCHER, New Tunes for Strings, vol. 1 et 2, Directives pédagogiques de Paul
Rolland, Oceanside, New York, Boosey and Hawkes, 1971-1972
Documents consultés :
Ouvrages :
Partitions:
Paul ROLLAND, Prelude to String Playing, Oceanside, New York, Boosey and Hawkes,
1972
31
ANNEXES
Avant de rencontrer les deux enseignants séparément, nous avons visionné et analysé les
films (disponibles uniquement dans la langue d’origine c’est à dire en américain) pour nous
– même en dégageant les notions appréhendées (celles-ci ayant déjà été développées dans le
livre de Paul Rolland aux chapitres IX et XIV, nous ne nous étendrons pas sur une
description trop précise) et en relevant les différents types de relation mis en oeuvre par
l’enseignant ainsi que les indications relatives à la présentation des images filmées.
Elément nouveau pour nous, on découvre que l’auteur ménage des moments d’exploration
avant les phases d’acquisition proprement dites (cf. le moment où les élèves parcourent
l’ensemble de l’archet chacun à leur rythme).
32
lons et même parfois un autre instrumentiste à cordes.
Lorsque les élèves jouent tous ensemble, ils peuvent soit jouer à l’unisson, soit jouer diffé-
rentes notes d’un accord mais dans tous les cas, ils exécutent les mêmes valeurs rythmiques.
Par contre, dans certains cours en groupe, les élèves jouent l’un après l’autre durant un
temps limité (de quelques secondes à une minute) sous le regard attentif du professeur (qui,
le plus souvent ajoute une assistance manuelle à ses explications verbales) : nous voyons par
exemple au début du film 8, une séquence où le caractère répétitif des passages « à la
chaîne » est contrebalancé par l’individualisation de l’exercice (coups d’archet au talon, à la
pointe, au milieu sur le rythme propre à chaque prénom) et l’adaptation des consignes du
professeur en fonction des difficultés de mouvement rencontrées par chaque élève.
Pourtant aucune relation (à part celle implicite qui consiste à observer les autres élèves ou à
les imiter consciemment ou non), du moins dans ce qui est montré sur le film, n’est encoura-
gée entre les élèves et l’enseignement se déroule frontalement, de manière unidirection-
nelle.
L’élève qui ne s’ennuie peut être pas grâce à la variété des mises en situation, a tout de
même peu de marge de liberté. Les consignes du professeur sont données à l’impératif
comme des obligations indiscutables. C’est le professeur uniquement qui décide de ce qui est
bon pour l’élève sans que l’on sollicite le point de vue ou le sentiment de ce dernier.
Le jugement vient à chaque fois du professeur : « très bien… c’est faux… c’est mieux » ;
l’auto–évaluation, ingrédient indispensable de l’autonomie de l’élève ne semble en aucun
cas développée.
Les séquences filmées sont accompagnées par la bande son originale entrecoupée régulière-
ment d’explications données par Paul Rolland en voix off ce qui permet de superposer les
exercices et activités proposés aux principes de base de la méthode.
Ce qui nous frappe le plus à plusieurs endroits c’est le masquage du son produit par l’instru-
ment au profit de cette voix off : le spectateur est conduit à considérer le mouvement pour
lui-même, coupé de son résultat musical. L’observation du mouvement prime sur la consi-
dération de sa qualité musicale.
Enfin, à part l’indication suivante : « élèves filmés après trois mois d’instruction » qui donne
au spectateur à réfléchir sur l’efficacité et la précocité des enseignements envisagés, nous
n’avons pas d’autres renseignements sur l’évolution temporelle entre les séquences.
La succession rapide des images montrant un mouvement déterminé par les commentaires
33
comme défectueux, un exercice puis un mouvement annoncé comme juste réalise un rac-
courci avantageux qui donne à la méthode un air de remède miraculeux.
Malgré la préparation d’un plan d’entretien à partir des différents thèmes de notre analyse
personnelle, nous avons trouvé plus judicieux de laisser libre cours aux réactions spontanées
des professeurs rencontrés ; un guidage trop serré à partir de nos propres réflexions n’aurait
pas permis de renouveler notre regard.
Voici quatre opinions importantes ressortant de l’entretien A. Les trois premières reflètent
un jugement amplement positif. La dernière nuance le jugement d’ensemble.
a) « Sur le plan de la technique du violon, il n’y a rien à redire : les élèves ont une tenue
très saine et à travers les activités sont abordées les deux règles fondamentales du
mouvement : globalité et souplesse »
c) « Dans le contexte de l’époque où l’on parle encore très peu du corps en pédagogie,
l’investigation de Paul Rolland reste remarquable. Les valeurs de l’effort et du travail
jusqu’à épuisement physique sont remplacées par une utilisation efficace des mouve-
ments. »
Les cours doivent être adaptés en fonction des domaines qui stimulent le
plus l’élève (tout en ne négligeant pas de développer les autres au fur et à mesure) :
celui-ci réagit-il plus facilement aux stimulations auditives (il faudra alors jouer
beaucoup), aux stimulations visuelles (il faudra alors décrire et montrer les
mouvements) ou encore aux aspects kinesthésiques (assistance manuelle,
imagination)…
La communication avec l’élève est une composante importante dont certaines voies
sont négligées ici mais il faut tenir compte toujours du contexte de l’époque.
La parole et la créativité de l’élève sont par exemple plus sollicitées aujourd’hui. »
34
Le bilan de cet entretien montre des jugements équilibrés entre appréciations et interroga-
tions.
« Les exercices montrés dans les films ont pour principal intérêt d’aider l’élève à sentir
l’équilibre de son corps et l’appui des pieds sur le sol. On trouve le même genre de
propositions dans le livre de Yehudi Menuhin par exemple.
Il est vrai que les débutants ont souvent une tendance à la rigidité et que ces exercices
peuvent alors permettre au corps d’être plus flexible dans ses mouvements.
Mais par ailleurs, il faut prendre garde à ne pas systématiser ce mouvement général de tout
le corps. Son amplification, sa fabrication peut gêner à plus long terme. Quelque chose
qui devrait être naturel et dont on parle trop peut se transformer en caricature, en tics.
De plus voir quelqu’un bouger n’est pas forcément synonyme de souplesse du jeu. Il y a
parfois des mouvements parasites, des “mauvais réflexes naturels” comme celui qui consiste
à remonter l’épaule et le bras durant les coups d’archet “poussé” qui ramènent au talon.
Lorsqu’on observe des grands violonistes comme D. Oistrakh ou I. Stern en vidéo, on cons-
tate que “cela ne bouge pas beaucoup” : tout se passe dans des micro-mouvements avec
une immense souplesse intérieure.
Dans le film de P. Rolland, on voit nettement l’articulation des doigts de la main droite chan-
ger de direction entre le coup d’archet poussé et le coup d’archet tiré mais, chez I. Stern par
exemple, l’aller-retour de l’archet se passe sans aucun changement perceptible à l’œil nu.
Sans entrer dans les divergences dues également aux différentes écoles et aux personnalités
diverses, la musique dans son interprétation demande aussi parfois de rechercher l’im-
mobilité pour obtenir une nuance ou une couleur particulière (pianissimo par exemple). »
« Il est certain que cette version assez romantique de la musique de Vivaldi (avec des coups
d’archet larges et collés) ne plairait pas à tout le monde aujourd’hui mais la réflexion sur
l’interprétation de ce type de musique et le mouvement des “baroqueux” date surtout des
années 70 : son essor est donc postérieur à la réalisation des films présentés par P. Rol-
land. »
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Madame Dominique Vuillemin
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