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Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République
n° 110 – septembre 2022– 5,50 €
L’École et la Résistance
des jours sombres
aux lendemains de la Libération
(1940-1945)
Renseignements utiles
Concours national de la Résistance et de la Déportation 2022-2023
Dans cette rubrique figurent les informations essentielles pour participer à ce concours. Nous vous conseillons de vous reporter,
pour plus de détails, aux informations officielles du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, mises en ligne sur
le site éduscol : eduscol.education.fr/cnrd. Pour toute demande d’informations, vous pouvez écrire à l’adresse suivante :
cnrd.dgesco@education.gouv.fr
■ Pour les établissements situés sur le territoire national : se référer aux instructions données par le recteur de l’académie (la liste des interlocuteurs
au sein des services territoriaux de l’Éducation nationale est disponible sur la page éduscol dédiée au concours, indiquée ci-dessus).
■ Pour les établissements français à l’étranger : se référer aux informations communiquées par l’AEFE et la MLF.
Participation au concours
Catégories de participation Modalités de participation
■ 1re catégorie – Classes de tous les lycées Réalisation d’un devoir individuel en classe, sous surveillance, sans documents personnels.
(à l’exception des formations post-baccalauréat) Durée : 3 heures.
■ 2e catégorie – Classes de tous les lycées Réalisation d’un travail collectif pouvant prendre différentes formes. Pour la taille et le poids des travaux
(à l’exception des formations post-baccalauréat) ainsi que la durée des travaux audiovisuels et sonores, se reporter au règlement annuel du concours.
■ 3e catégorie – C
ollèges Réalisation d’un devoir individuel en classe, sous surveillance, sans documents personnels.
(classes de 3e uniquement) Durée : 2 heures.
■ 4e catégorie – Collèges Réalisation d’un travail collectif pouvant prendre différentes formes. Pour la taille et le poids des travaux
(classes de 3e uniquement) ainsi que la durée des travaux audiovisuels et sonores, se reporter au règlement annuel du concours.
Les copies individuelles et les travaux collectifs sont à transmettre par l’établissement scolaire :
■ Pour les établissements situés sur le territoire métropolitain : au service de l’Éducation nationale compétent (généralement la DSDEN mais
par sécurité, se référer aux instructions données par le recteur) ;
■ Pour les établissements des DROM-COM : au rectorat ou vice-rectorat ;
■ Pour les établissements français à l’étranger : se référer aux instructions reçues lors de l’inscription.
Les lauréats académiques recevront leur prix lors d’une cérémonie organisée, si possible, à une date symbolique et dans un lieu lui conférant un caractère
solennel. Les meilleurs travaux de chaque catégorie seront sélectionnés à l’échelle académique pour être présentés au jury national. Les lauréats nationaux
seront récompensés au cours d’une cérémonie officielle à Paris.
L
e thème du Concours national
de la Résistance et de la
Lettre de cadrage Déportation 2022-2023
Fondation de la Résistance
porte sur « L’École et la Résistance.
4 L ettre de cadrage de l’Inspection générale Des jours sombres aux lendemains
de l’Éducation nationale de la Libération (1940-1945) ».
Partie 2 / Résister à l’École soit une France nouvelle avec plus de justice sociale.
À côté des réformes économiques et politiques portées par
18 U
ne résistance enseignante le Conseil national de la Résistance, ils considéraient que
20 U
ne résistance des élèves l’École constituait un fondement essentiel de cette future
22 L a résistance du quotidien en milieu scolaire
République sociale en apportant au plus grand nombre
une formation de qualité et en permettant une promotion
24 L a répression allemande contre les enseignants sociale et un renouvellement des cadres de la Nation.
et les élèves résistants
Cette brochure pédagogique a mobilisé l’expertise de
25 F
iche ressources l’ensemble de l’équipe de la Fondation, dans les domaines
Retracer le parcours d’un lycéen résistant scientifique, pédagogique, éditorial, documentaire ou
et déporté : l’exemple de Jacques Sabine multimédia.
3
Lettre de cadrage
de l’Inspection générale de l’Éducation nationale
L’École doit et se doit d’enseigner l’histoire Leur organisation varie selon les lieux mais vire l’idéologie de la Révolution nationale 4. Dans un
de l’École. Le Concours national de la Résistance parfois au chaotique : certaines sont ainsi orga- article publié le 15 août 1940 dans La Revue
et de la Déportation (CNRD) est marqué, dès ses nisées à Paris dans les caves des universités. De des Deux Mondes, Pétain se livre à un réqui-
débuts, par la présence et par l’influence de résis- nombreux bacheliers ne peuvent passer l’examen sitoire contre l’École républicaine, jugée trop
tants qui furent, aussi, des pédagogues. C’est du fait des événements. « individualiste ». Les instituteurs sont immédia-
ainsi qu’a été conçue et construite la question tement montrés du doigt, comme responsables
posée par le thème de la session 2022-2023 de la faillite de la France, en ayant insufflé à
du CNRD : « L’École et la Résistance. Focus leurs élèves des valeurs libérales, laïques et
Des jours sombres aux lendemains de • L’université de Strasbourg repliée égalitaires en contradiction avec ce que le
la Libération (1940-1945) ». à Clermont-Ferrand en septembre 1939. régime considère être les valeurs françaises
• U n établissement confronté à la guerre : traditionnelles5. Faut-il rappeler qu’avant d’ob-
Si pour l’École, cette période est marquée par
l’école normale de Bonneville réquisitionnée tenir le portefeuille de la Guerre dans le gou-
la guerre et la défaite, l’Occupation et le régime
de Vichy, la collaboration, la France libre pour servir d’hôpital militaire. vernement Doumergue du 9 février 1934, le
et la Résistance, c’est que loin d’être à l’écart des • U n témoignage : l’institutrice Berthe Auroy à Chartres maréchal Pétain avait souhaité le ministère de
dangers, des absents et des morts elle se révèle lors de la drôle de guerre. l’Éducation nationale ?
comme toujours dans l’histoire comme un prisme • Un événement : le baccalauréat 1940. Dès juillet 1940, une première vague de
et un miroir de son temps. purge et d’épuration se développe, entraî-
Ce sont les jours sombres de la guerre, de la nant la révocation d’un millier d’instituteurs
défaite et de l’exode, jusqu’à la difficile reprise
Reprendre l’école, reprendre classés à gauche. Elle est suivie de deux
des cours dans un quotidien épuisant et lourd les cours, reprendre le travail autres vagues entraînant la suspension des
marqué par la volonté du nouveau régime de enseignants « notoirement francs-maçons »,
mettre l’École au pas. Ce sont les résistances des par le décret du 13 août 1940, puis celle
La reprise des cours à la rentrée d’octobre des enseignants considérés comme « juifs »
enseignants, des élèves, mais aussi les refus du 1940 s’effectue dans un contexte difficile et
quotidien des persécutions et de la déportation d’après les dispositions du statut du 3 octobre
particulier. En zone occupée, les Allemands ont 1940. Le 18 septembre, les écoles normales
des Juifs. Ce sont les hommes de la France libre réquisitionné de nombreux bâtiments scolaires,
et de la Résistance qui, dans la nuit et dans la ter- d’instituteurs, que Charles Maurras avait quali-
comme par exemple l’École normale supérieure, fiées « d’antiséminaires malfaisants de la démo-
reur pensent l’École des lendemains, parce que pour y installer leurs services et leurs troupes. Des
libérer la France, c’est libérer l’École1. cratie » sont supprimées. Dans une circulaire
classes sont « déménagées » dans des bâtiments du 15 novembre, le ministre Ripert invoque
de fortune. Entraînés en zone Sud dans le mouve- « le relèvement de fonctions d’un certain nombre
ment de l’exode en mai-juin 1940, des étudiants
■ L’École des jours sombres ou des enseignants n’ont pas encore pu rentrer
de fonctionnaires […] qui ont consacré une partie
de leur temps à une agitation politique contraire
en zone occupée car les Allemands n’autorisent aux intérêts de la France ».
La guerre, la défaite, l’exode les retours de façon progressive qu’à partir
d’octobre. L’école élémentaire constitue l’un des lieux
privilégiés du culte du maréchal, qui se mani-
La guerre qui éclate en septembre inter- Dans les établissements scolaires, une atmos- feste aussi bien à travers les chants appris aux
rompt le fonctionnement normal de l’école. phère morne l’emporte, en l’absence des pro- élèves (Maréchal nous voilà) que par les exer-
26 000 enseignants du primaire, 5 000 ensei- fesseurs mobilisés en 1939 et qui ont été faits cices qui leur sont demandés : les élèves sont
gnants du secondaire et quelques centaines d’en- prisonniers lors des combats de mai-juin 1940. encouragés à écrire régulièrement au chef de
seignants du supérieur sont mobilisés, la plupart Ils sont au nombre de 13 139, dont seulement l’État (deux millions de lettres envoyées pour la
comme officiers et sous-officiers de réserve. 2 245 reviennent jusqu’en juillet 1943. Dans le Noël 1940) tandis que des concours de des-
Au nombre de ceux-là, le professeur Marc Bloch même temps, le nombre d’instituteurs décline, sin sont également organisés, comme celui de
qui se définit lui-même comme « le plus vieux à la mesure d’une politique scolaire contestée. représenter « La France que le maréchal aime
capitaine de l’Armée française ».
Comme l’ensemble de la société, les diffé- tant ». Les rituels républicains enracinés depuis
Les écoles alsaciennes sont transférées dans le rentes catégories d’élèves sont confrontées dans la fin du XIXe siècle sont remplacés par ceux du
Sud-Ouest et le Centre dans le cadre du déplace- leur quotidien aux nouveaux problèmes du temps, nouveau régime : les portraits de Pétain rem-
ment des populations qui se trouvent dans la zone de liés aux pénuries et restrictions. Le rationnement placent les bustes de Marianne, le salut aux
front, en déracinant les élèves et leurs enseignants. entre en vigueur en septembre 1940. Les cahiers couleurs devient obligatoire lors d’une cérémo-
Par crainte de la guerre aérienne, des enfants de et les livres, l’encre et les crayons, l’éclairage nie quotidienne, la Révolution nationale entend
Paris sont également déplacés dès septembre 1939. et le chauffage font défaut. Une école buisson- parachever l’embrigadement de la jeunesse.
38 000 enfants au total quittent la capitale. Des nière se développe pour améliorer le quotidien. L’idéologie du régime pèse considérable-
classes entières d’enfants parisiens avec leurs Les élèves sont classés dans la catégorie J. ment sur le contenu et la nature des matières
enseignants2 se retrouvent ainsi en milieu rural : Dans le cadre des emplois du temps scolaires, les enseignées, comme le montrent la réintroduction
la Bourgogne, l’Auvergne, l’Ouest. Tout cela pose écoliers participent à des tâches nouvelles dans dans les écoles publiques d’un enseignement reli-
des problèmes logistiques pour le bon déroule- le contexte de la pénurie en se livrant collective- gieux optionnel, le développement d’apprentis-
ment des examens, notamment la session spéciale ment à des collectes (les marrons d’Inde !) ou à sages manuels et artisanaux, la refondation des
du baccalauréat qui se tient en octobre 1939 la chasse aux doryphores. programmes d’histoire et de géographie. Dès le
et pour laquelle il faut organiser des centres 14 septembre 1940 en histoire, la période de la
d’examen supplémentaires en province 3. Révolution, qui constituait une sorte de « fin de
Du fait du contexte de la guerre, le quotidien Focus l’histoire » dans l’École républicaine, est désor-
des élèves est partout perturbé. Certains établis- • L es conséquences des pénuries mais proscrite au profit du retour à une « France
sements scolaires sont parfois réquisitionnés par dans le quotidien des élèves. éternelle » qui serait paysanne, catholique,
l’armée et il faut donc trouver des solutions d’hé- • L es enfants perdus de l’exode nationaliste et qui aurait ses héros symboliques
bergement des classes. Les élèves doivent suivre et leur difficile prise en charge. comme Louis IX (Saint Louis), roi sanctifié mais
des formations à la Défense passive pour adop- également croisé et antijuif ou Jeanne d’Arc,
ter les bons réflexes en cas de bombardements. illustrant le nationalisme anti-anglais. Quant à
Ils s’inquiètent du sort de leurs pères mobilisés. la géographie, son enseignement prône une
L’École de Vichy, l’École approche régionaliste permettant de mettre en
L’offensive allemande et la défaite de 1940
viennent interrompre la fin de l’année scolaire. sous Vichy, l’École sans Vichy valeur les coutumes et traditions dans toute leur
Dans les départements du Nord, les élèves et diversité provinciale6.
leurs enseignants fuient comme l’ensemble L’École de la République avait fait des répu- L’introduction d’un enseignement phy-
des populations l’avance allemande dans blicains. L’École de Pétain ferait des pétainistes. sique et sportif répond enfin à des motivations
le cadre de l’exode. Malgré le contexte, les Pour le régime de Vichy, issu de la défaite, idéologiques, avec la volonté de façonner
épreuves du baccalauréat ne sont pas annulées. l’École doit être le principal instrument qui per- un « Homme nouveau », de développer le sens
Elles sont décentralisées et avancées à la mi-juin. mette de modeler les esprits conformément à de l’effort et l’émulation7.
5
n’en révèle pas moins un refus de s’accommo- secondaire constituent en fait deux filières civile et militaire (OCM), Les Cahiers de la Libéra-
der avec l’ordre nouveau. Des petits gestes, des parallèles. Réservé à une élite, l’enseignement tion pour Libération Sud, L’Université libre pour le
comportements et certaines formes de désobéis- secondaire, qui est payant et nécessite l’appren- Front national ou La Revue libre pour Franc-Tireur.
sance développées par les enseignants dans le tissage du latin permet seul l’accès au bacca- À partir de l’été 1942, la création d’organes
cadre de leur métier permettent de manifester lauréat et à l’université. Réservé aux meilleurs communs à l’ensemble de la Résistance facilite
un désaccord avec la politique de Vichy. Parmi élèves du primaire après l’obtention du certi- la diffusion de ces débats.
les attitudes les plus répandues figure le refus de ficat d’études, l’enseignement primaire supé- La fondation, en juillet 1942, sous l’impul-
s’associer au culte de la personnalité rendu à rieur (EPS) permet l’accès à certains concours sion de Jean Moulin, du Comité général d’études
Pétain en ne faisant pas chanter Maréchal nous et aux écoles normales, mais pas à l’université. (CGE) joue un rôle décisif en ce sens. Le CGE dis-
voilà par les élèves ou en décrochant les portraits Du fait de programmes différents entre l’EPS et les pose de sa propre revue, Les Cahiers politiques,
du chef de l’État. lycées, il n’existe enfin pas de passerelles entre animée par Marc Bloch, qui ont pour mission de
Les persécutions raciales n’épargnent pas les deux. collecter les propositions de la Résistance inté-
l’École, bien au contraire. En France, on compte À Londres, dès l’été 1940, de Gaulle confie rieure pour l’après-guerre et d’en proposer des
10 000 enfants et jeunes de moins de dix-huit ans la responsabilité des « questions intellectuelles synthèses à Londres.
sur 76 000 déportés, du printemps 1942 à et juridiques » au juriste René Cassin. Lors de la On retrouve chez les résistants de l’intérieur
l’été 1944. C’est dans le contexte de la persécu- formation du Comité national français (CNF), en la même volonté que chez les Français libres
tion des Juifs et des rafles qui se mettent en place septembre 1941, ce dernier prend la charge d’un d’engager un processus de démocratisation de
dans tout le pays à partir de 1942, et n’épargnent Commissariat à la Justice et à l’Instruction l’enseignement secondaire en sorte qu’émergent
plus les enfants, que les établissements scolaires publique. En décembre 1941, un nouveau de son sein des élites puisées dans les racines
deviennent des lieux importants du « sauvetage ». pas est franchi avec la constitution de quatre populaires de la nation. Cette idée se lit dans le
commissions pour l’étude des problèmes de programme commun adopté en mars 1944 par
Alors que de nombreux enfants juifs sont l’après-guerre16. Sous l’autorité de René Cassin,
hébergés avec l’aide de l’Œuvre de secours aux le Conseil national de la Résistance (CNR) qui
voit ainsi le jour une Commission d’études des proclame « la possibilité effective pour tous les
enfants (OSE) notamment, des écoles acceptent problèmes intellectuels et de l’enseignement.
de les scolariser pour leur permettre de conti- enfants français de bénéficier de l’instruction et
Présidée par Joseph Cathala, professeur de
nuer leurs études. Les enfants sont scolarisés soit d’accéder à la culture la plus développée, quelle
chimie à l’université de Toulouse avant la guerre,
par détachement d’enseignants, comme c’est que soit la situation de fortune de leurs parents,
la commission travaille de juillet 1942 à juillet 1943.
le cas pour la maison d’enfant de Masgelier afin que les fonctions les plus hautes soient réelle-
À Alger, après la formation du CFLN en 1943
dans la Creuse, soit par l’accueil dans les ment accessibles à tous ceux qui auront les capa-
est créée, sous l’autorité de René Capitant, com-
classes existantes (comme à Chabannes dans cités requises pour les exercer et que soit ainsi
missaire du CFLN à l’Éducation nationale, une
le même département). À la fin de 1942 les promue une élite véritable non de naissance,
commission de réforme de l’enseignement. Cette
dirigeants de l’OSE choisissent de disperser mais de mérite et constamment renouvelée par les
commission, présidée par l’historien Marcel Durry
les enfants regroupés dans les maisons afin de apports populaires ».
est composée essentiellement d’enseignants et
leur permettre d’échapper aux rafles. Des col- de chercheurs (Francis Perrin, Louis Gernet ou Chez les résistants de l’intérieur se lit enfin
lèges et lycées dotés d’un internat accueillent Henry Laugier). Elle se réunit de mars à août 1944 17. la volonté de promouvoir de nouvelles méthodes,
dans la Creuse de nombreux enfants juifs au profit d’une pédagogie active défendue
cachés par le réseau Garel. Ce fut le cas à Parmi les projets développés par la France
notamment par Marc Bloch pour mettre fin au
La Souterraine où le directeur, J.-B. Robert a été libre figure celui, totalement révolutionnaire pour
« bachotage » et à des enseignements trop
reconnu « Juste » mais aussi à Bourganeuf, au l’époque, de créer une « École unique » et de
rendre obligatoire et d’unifier l’enseignement théoriques, comme en témoigne son article
collège d’Aubusson, au lycée de Guéret 13. « Sur la réforme de l’enseignement » publié dans
secondaire. Les réformateurs de la commission
Cathala l’expriment avec clarté en avril 1942 : Les Cahiers politiques, dont il est rédacteur en
« Par expérience, nous avons la conviction que tous chef, en juillet 1943. C’est le même Marc Bloch
Focus qui, alors qu’il est un des chefs de la Résistance,
• Gabrielle Perrier, l’institutrice d’Izieu. les enfants peuvent suivre des études secondaires ».
Le primaire devenait l’antichambre du secondaire. écrit sur le latin en classe, quelques mois avant
• Le lycée de La Souterraine, lieu de sauvetage d’être fusillé 18.
des enfants juifs en Creuse. Le rapport de la commission Durr y
• Les actions résistantes des lycéens d’août 1944 trace l’ébauche d’une vaste révo-
et des enseignants et les risques encourus : lution du système éducatif : âge de l’obligation Focus
focus sur des déportés ou sur des lycées victimes scolaire porté à 16 ou 18 ans ; gratuité totale de • Les Cahiers de l’OCM.
de rafles. l’enseignement public ; unification des lycées, des • Le Comité général d’études (CGE) du CNR.
• Résister à l’école, dans l’Empire/ écoles primaires supérieures et des cours complé-
dans les établissements d’enseignement français mentaires ; suppression des barrières propres à
l’enseignement secondaire traditionnel (« petites L’École de la France libérée
à l’étranger.
classes » des lycées, examen d’entrée en
sixième, examen des bourses, latin obligatoire). Libérer la France, est-ce libérer l’École ?
Le baccalauréat fait l’objet de débats passion- La Libération n’accouche pas forcément des
■ Penser l’École nés, entre ceux qui proposent de le supprimer de réformes qui avaient été envisagées par les résis-
façon à étendre à l’université la démocratisation tants, dans la France libre ou à l’intérieur. Elle se
des lendemains
14
programmée et ceux qui, plus prudents, enten- déroule aussi dans un cadre de structures sco-
daient simplement le réformer, en introduisant la laires qu’il convient de replacer dans un temps
L’École de la France libre prise en compte du contrôle continu. La commis- plus long. Elle se déroule enfin dans un contexte
sion laissa cette épineuse question de la réforme d’épuration de la fonction publique 19.
La France libre s’est conçue très tôt comme du baccalauréat en suspens. La Libération se déroule, pour la France
le gouvernement légitime de la France. Il était et pour l’essentiel d’août-septembre 1944 à
normal qu’elle développât des structures de Focus mai 1945, le Comité français de la Libération
réflexion sur l’avenir de la France et les réformes • Enseignement primaire et enseignement secondaire : nationale (CFLN) est mis en place le 3 juin 1943
à engager dans le milieu scolaire. Comme du deux filières parallèles et socialement marquées et le Gouvernement provisoire de la République
côté de Vichy, la France libre considérait, elle à la veille de la guerre. française (GPRF) le 3 juin 1944. La période de
aussi, que la défaite de 1940 n’était pas qu’une « gouvernement » du général de Gaulle dure
• L a commission Cathala/ la commission Durry.
défaite militaire, mais révélait également une donc ensuite moins de deux ans. Mais elle est
• Portraits : René Cassin, René Capitant.
désagrégation profonde de la nation et de ses importante dans bien des domaines comme
valeurs. L’École devait donc dans un tel contexte en témoignent les réformes de structures à un
constituer l’instrument du redressement15. Au-delà L’École de la Résistance moment où la France est encore en guerre, où
d’un constat similaire, les solutions envisagées à la refonte d’une Armée semble plus urgente que
Londres étaient totalement opposées à la poli- La Résistance intérieure conduit également celle de l’École 20, où à Sétif, au Liban ou en Indo-
tique réactionnaire développée par Vichy. une importante réflexion sur les réformes à mener chine des incendies font rage. Refaire l’Armée et
Les Français libres n’accusent en effet pas à la fin de la guerre dans le domaine scolaire. rétablir l’ordre, donc. Il n’empêche : de 1940 à
les réformes du Front populaire et les premières La presse clandestine est le lieu naturel et privilé- 1944, durant les jours les plus sombres comme
mesures de démocratisation de l’École d’être gié de la présentation des débats intellectuels de les plus glorieux, en France comme hors du terri-
responsables de la défaite, mais considèrent à la Résistance. Dès 1942, la plupart des grands toire national, des patriotes de tous bords n’ont
l’inverse nécessaire d’aller encore plus loin en mouvements de Résistance disposent, à côté de jamais cessé de penser à l’École des lendemains.
supprimant progressivement le caractère élitiste leur périodique principal, de revues clandestines, Elle est présente à la Libération.
et le recrutement « bourgeois » de l’enseignement le plus souvent d’une haute tenue intellectuelle, La question scolaire est posée à la fois par la
secondaire. Au cours de l’entre-deux-guerres, consacrées aux questions culturelles et poli- France libre, par la France combattante, par la
l’enseignement primaire et l’enseignement tiques : ainsi Les Cahiers pour l’Organisation Résistance intérieure et développée par des textes
1. Pour une lecture d’ensemble de la période, Tristan Lecoq et Laurent 5 000 lycéens et étudiants sur 50 000, soit 1/10 des effectifs de l’époque. 23. Isabelle Clavel, « Réformer l’École après 1944 : du consensus au dissen-
Douzou (dir.), Enseigner la Résistance, Paris, Canopé, 2016 ; Sébastien Rapporté aux effectifs d’aujourd’hui, soit 200 000 collégiens et lycéens et sus entre la SFIO et le MRP » Histoire@Politique. Politique, culture, société,
Albertelli, Julien Blanc et Laurent Douzou, La Lutte clandestine en France. 300 000 étudiants, ce chiffre donnerait 50 000 manifestants, en pleine Paris, n° 18, septembre-octobre 2012.
Une histoire de la Résistance 1940-1944, Paris, Seuil, La Librairie du Occupation. 24. Les débats de la commission Philip, réunie le 6 novembre 1944 pour
XXIe siècle, 2019 ; Fabrice Grenard, Le Choix de la Résistance, Paris, PUF, 2021 12. Élève en classe préparatoire à l’École navale, Émile Chaline rejoint Londres étudier le problème des écoles publiques et privées, en sont un témoignage.
et, pour l’histoire de l’École, Jean-François Condette, Jean-Noël Luc et quelques jours après l’appel du 18 juin. Élève officier des Forces navales fran- Sur ce point, on lira Antoine Prost, « La commission Philip sur la laïcité »
Yves Verneuil, Histoire de l’enseignement en France XIXe-XXIe siècle çaises libres (FNFL), il fait carrière dans celles-ci puis dans la Marine nationale. in Christian Chavandier et Gilles Morin (dir.), André Philip, socialiste,
(chapitre 9 « L’École dans la Seconde Guerre mondiale.1939-1945 », Paris, Il quitte le service armé en 1981 comme vice-amiral d’escadre. patriote, chrétien. Colloque « Redécouvrir André Philip » tenu à l’Assemblée
Armand Colin, 2020, p. 205-215. 13. Le sauvetage des enfants juifs de France. Actes du colloque de nationale les 13 et 14 mars 2003, Paris, Comité pour l’histoire économique
2. Sur le déplacement et l’accueil des Alsaciens dans le Sud-Ouest de la Guéret, 29 et 30 mai 1996, Association pour la recherche et la sau- et financière de la France, 2005.
France Shannon L. Fogg, The Politics of Everyday Life in Vichy France : vegarde de la vérité historique sur la Résistance en Creuse, 1998. 25. Jean-François Muracciole, « La Résistance, l’éducation et la culture » in
Foreigners, Undesirables and Strangers, Cambridge University Press, 2011. Pour une approche générale des stratégies de sauvetage des Juifs en Tréma 12/13 2010.
3. Le nombre de bacheliers en 1939 est de 27 000, soit 8 % de la tranche France, Jacques Semelin, La Survie des Juifs en France 1940-1944, 26. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome 3, « Le Salut 1944-1946 »,
d’âge correspondante de la population française. Paris, CNRS éditions, 2018. Paris, Plon, 1954, p. 592.
4. Matthieu Devigne, L’École des années noires. Une histoire du primaire en 14. La thèse de Jean-François Muracciole « Les projets de la France libre 27. Rémy Handourtzel, « Gustave Monod à la tête de l’enseignement du se-
temps de guerre, Paris, PUF, 2018. et de la Résistance en matière d’éducation (enseignement, jeunesse, sport, cond degré » Les Cahiers de l’animation 1986 IV, V numéro 57/58, Paris,
5. Rémy Handourtzel, Vichy et l’École 1940-1944, Paris, Noêsis, 1997 et Ju- culture) 1940-1944 » soutenue en 1995 à l’université Lille III est une source 1986. Gustave Monod connaîtra de 1947 à 1951 cinq ministres de l’Éducation
liette Fontaine « Réformer l’École sous Vichy. Changements et permanences essentielle pour traiter de l’ensemble du sujet. Elle est publiée sous le titre nationale.
de l’institution scolaire dans la France occupée (1940-1944) », in Éducation Les Enfants de la défaite : la Résistance, l’éducation et la culture, Paris, 28. C’est la circulaire du 10 mai 1948 qui développe ses conceptions d’une
et sociétés, n° 36/2015/2, Paris, 2015. Presses de Sciences Po, 1998. formation à la vie civique de la communauté politique des lycéens, futurs
6. L’agrégation de géographie est créée en 1943. Sur l’histoire de la géo- 15. L’ouvrage de Marc Bloch L’Étrange Défaite, Paris, Gallimard, 1990 citoyens. C’est en 1959 que Louis François, membre du cabinet de son ami
graphie entre 1939 et 1945, voir Nicolas Ginsburger, Marie-Claire Robic et montre bien la façon dont le traumatisme de 1940 provoque une réflexion, André Boulloche, compagnon de la Libération et ministre de l’Éducation natio-
Jean-Louis Tissier (dir.), Géographes français en Seconde Guerre mondiale, chez les résistants, sur l’École et sa réforme. nale du général de Gaulle, obtient que soit confié aux professeurs d’histoire
Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021. 16. Décret du 2 décembre 1941, Journal officiel de la France libre, 20 jan- et de géographie l’enseignement de l’instruction civique. C’est à ce moment
7. Sur la Révolution nationale à l’École, Rémy Handourtzel, « Vichy ou l’échec vier 1942, p. 2. que sont dessinés les premiers contours d’un concours de la Résistance.
de l’école nationale (été 1940-été 1944) » in Benoît Falaize, Charles Heimberg 17. Arrêté du 21 janvier 1944, Journal officiel de la République française 29. Arrêté du 8 novembre 1944 portant création d’une Commission d’études
et Olivier Loubes (dir.), L’École et la nation, Paris, ENS éditions, 2013. (Alger), 29 janvier 1944, p. 88. pour la réforme de l’enseignement Journal officiel de la République
8. Tristan Lecoq, « Gustave Monod : l’inspecteur général qui a dit non » 18. Marc Bloch, capturé dans la nuit du 8 mars 1944, est emprisonné à française, 10 novembre 1944, p. 1268.
in L’Histoire, n° 357, octobre 2010. Montluc et fusillé le 16 juin par les Allemands. 30. Pour une lecture de cette période, on lira Serge Berstein, Pierre Birnbaum
9. Fabrice Grenard, « Les instituteurs dans les maquis » in Le Maitron, 19. François Rouquet, « Mon cher Collègue et Ami ». L’épuration des et Jean-Pierre Rioux (dir.), De Gaulle et les élites, Paris, Éditions La Découverte,
janvier 2018. universitaires (1940-1953), Rennes, PUR, 2010. 2008 (Bruno Poucet, chapitre 8, « Les cadres de l’Éducation nationale et les
10. Fabrice Grenard, Une légende du maquis. Georges Guingouin, du mythe 20. Tristan Lecoq, « Refaire l’Armée française (1943-1945) : l’outil mili- ambitions gaulliennes de réforme pour l’école et l’université » p. 128-142).
à l’histoire, Paris, Vendémiaire, 2014. taire, l’instrument politique, le contrôle opérationnel » in Guerres mondiales 31. Jean-Paul Martin, Nicolas Palluau (dir.), Louis François et les frontières
11. Maxime Tandonnet, 1940. Un autre 11 novembre, Paris, Tallandier, et conflits contemporains, n° 257, janvier-mars 2015, Paris, Presses univer- scolaires, Rennes, PUR, 2014.
2009 et Alain Monchablon, « La manifestation à l’Étoile du 11 novembre sitaires de France, avril 2015. 32. Cette note de cadrage n’aurait pas été possible sans le remarquable
1940. Histoire et mémoires », in Vingtième siècle. Revue d’histoire, 21. Jean-François Muracciole, Les Français libres. L’autre résistance, Paris, travail préparatoire accompli par Fabrice Grenard, agrégé et docteur en
2011/2, n° 110, p. 67-81. Sur le rôle de l’historien Jérôme Carcopino Tallandier, 2009. histoire, directeur historique et chef du département recherche et
au cours de la période, Stéphanie Corcy-Debray, Jérôme Carcopino, 22. Claire Andrieu, Le Programme commun de la Résistance. Des idées dans pédagogie de la Fondation de la Résistance. Qu’il reçoive l’expression de ma
un historien à Vichy, Paris, L’Harmattan, 2003. La manifestation rassemble la guerre, Paris, Éditions de l’Érudit, 1984. reconnaissance. Cette note n’engage par ailleurs que son signataire.
7
1 re partie
DR
Une école de garçons de la région parisienne en 1943.
Mairie et école de garçons de Sainte-Marguerite-sur-Duclair
Mairie et école de garçons de Sainte-Marguerite-sur-Duclair (Seine-Inférieure) vers 1930.
(Seine-Inférieure) vers 1930.
©Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation
les réformes nécessaires pour Jean Zay soutient également jusqu’à son assassinat par
moderniser le système éduca- la création d’une école natio- la Milice en 1944. De fait,
tif. Il prolonge de 13 à 14 ans nale d’administration afin l’école de la Libération est
l’obligation scolaire par une de rendre l’accès à la haute fille de celle voulue par Zay,
loi du 9 août 1936. Il sou- fonction publique plus mérito- portée après la guerre par
haite encourager les pédago- cratique. Déposé en 1937, son équipe, Gustave Monod
gies nouvelles pour bâtir une ce grand projet de réforme en tête. Par son souci d’huma-
démocratie plus sociale. Ses du système éducatif apparaît nisme pédagogique et de
projets de réforme portent sur comme l’un des plus élaborés justice sociale, elle préfigu-
Jean Zay. la coordination horizontale de jamais conçus et l’un des plus rait non seulement le plan
l’enseignement en degrés, la démocratiques pour l’époque. Langevin-Wallon et les classes
Au lendemain de la victoire mise en place de programmes Repoussé par la commis- nouvelles, mais aussi ce que
du Front populaire, Jean Zay communs à toutes les classes, sion de l’enseignement de seront la structure et les prin-
est nommé le 4 juin 1936 à la création de classes de la Chambre des députés, il cipes de l’École républicaine
la tête du ministère de l’Édu- sixième d’orientation pour ne peut cependant entrer en jusqu’à nos jours. En 2015,
cation nationale. Il reste à ce tous. Il propose de consacrer application. alors que l’ancien ministre
poste jusqu’à la déclaration plus de temps aux activités Arrêté après avoir embarqué à de l’Éducation nationale
de guerre, démissionnant culturelles et sportives. Tout ceci bord du Massilia fin juin 1940 entre au Panthéon, le pré-
pour ne pas échapper à la en limitant le nombre d’élèves pour gagner l’Afrique du sident Hollande insistera sur
mobilisation. Au cours de ses (25 pour la classe d’orienta- Nord, Jean Zay participe du le fait que : « Jean Zay, c’est
trois années à la tête du minis- tion) et en multipliant par cinq fond de sa prison aux projets la République. L’École de la
tère, Jean Zay tente d’impulser le budget des établissements. clandestins de l’École à venir, République ».
–— RESSOURCES NUMÉRIQUES –—
L’exposition virtuelle sur Jean Zay réalisée lors de son entrée au Panthéon en 2015 aux côtés de Germaine Tillion,
Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Pierre Brossolette est disponible sur le Musée de la Résistance en ligne.
9
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES
3282
Paris dans le cadre d’une évacuation
refitte 2 Fi
et déracinements encadrée et organisée à destination du
centre et de l’ouest de la France. Chaque
les de Pier
Des plans d’évacuation sont mis en enfant emporte avec lui un trousseau
municipa
place pour les populations les plus comportant le strict nécessaire.
vulnérables. Les évacuations les plus
Archives
importantes concernent les régions Des défis considérables
frontalières de l’Est, susceptibles de se
trouver sous le feu des combats dès le Pour la plupart de ces enfants, la ren- Affiche « Évacuation des Enfants » de la mairie
début du conflit. Trois cent soixante-dix trée scolaire s’effectue début octobre en de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis) du 28 août 1939.
mille Alsaciens et 160 000 Mosellans province. Elle constitue un défi consi- Cet avis offre la possibilité pour les familles de faire évacuer
sont déplacés en septembre 1939 dérable dans les départements d’ac- leurs enfants par le biais de l’institution scolaire.
pour être transférés dans les départe- cueil, où la population scolaire connait
ments du Sud-Ouest et du Centre. Des une véritable explosion. Au 25 sep- passée dans le Loir-et-Cher de 32 000
dispositions sont mises en place pour tembre 1939, pour le seul niveau à 53 000 enfants, dans l’Yonne de
que les enfants puissent être scolari- de l’enseignement primaire élémen- 35 000 à 50 000, dans la Nièvre de
sés dans les départements d’accueil. taire, la population scolaire est ainsi 30 000 à 48 000, dans la Charente
des souterrains réquisitionnés pour la circonstance tandis que des masques à gaz sont
distribués aux populations. Des membres de la DP reconnaissables à leur casque, à leur
brassard et à une musette contenant un masque à gaz sont chargés de faire respecter
– Le Musée nationa
de la Défense passive. Dans les établissements scolaires, les enseignants simulent des
alertes pour rejoindre dans le calme les abris situés à proximité. On les entraîne aussi
au port du masque à gaz que les élèves gardent à portée de main toute la journée dans
leur étui métallique lourd et encombrant. En 1940, un manuel officiel, « rédigé par les
Alerte aux Avions !!. Services de la Défense et de l’Éducation nationales » et illustré par Marcel Jeanjean,
Manuel officiel élémentaire de Défense est publié à l’attention des élèves et des maîtres des écoles primaires. À partir de
passive contre les attaques aériennes publié mai 1940 et jusqu’à la fin de la guerre, les alertes perturbent les cours surtout dans
chez Hachette en 1940, 32 pages. les grandes villes les plus exposées.
11
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES
Le baccalauréat 1940
Sous la IIIe République, à la suite d’une réforme introduite en 1874, le baccalauréat se
déroule en deux étapes. La première a lieu en classe de première et porte sur les matières
dites « nouvelles » (histoire-géographie, langues, sciences), la seconde en terminale avec
des épreuves de philosophie et de mathématiques. Depuis 1927, deux sessions existent
avec l’instauration d’un rattrapage en septembre. Les professeurs qui font passer l’examen
sont à la fois des professeurs d’université et du secondaire.
La session de juin 1940 du baccalauréat intervient alors que la défaite se transforme en débâcle.
© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation
Pourtant l’examen n’est pas supprimé et tout est fait pour que les épreuves soient maintenues. La
date du baccalauréat est avancée à la mi-juin et les épreuves sont décentralisées dans les régions
les moins touchées par les combats. Certaines épreuves se déroulent dans des endroits inhabituels
comme les caves des facultés. À partir du 17 juin, la plupart des épreuves qui devaient encore se
dérouler sont reportées. La session de septembre qui servait habituellement de rattrapage permet
de faire passer les dernières épreuves qui n’avaient pu avoir lieu en juin.
Diplôme du baccalauréat délivré à l’été 1940 par le Service central des examens
du baccalauréat de l’enseignement secondaire.
–— RESSOURCES NUMÉRIQUES –—
Retrouver les dessins d’exode des élèves de Mme Jouclard dans le catalogue en ligne du Musée national de l’Éducation de Rouen.
13
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES
–— RESSOURCES NUMÉRIQUES –—
15
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES
DR
Remplacé à l’Instruction publique par Jérôme Carcopino, le 23 février 1941, il est nommé Jacques Chevalier, lors de son procès
secrétaire d’État à la Famille et à la Santé. pour indignité nationale, en 1946.
Partisan actif de la collaboration, il est imposé au ministère par les Allemands, au moment
du retour au pouvoir de Pierre Laval en avril 1942. Il le reste jusqu’en août 1944.
Cette longévité relative n’empêche pas son œuvre réformatrice d’être mince. Il s’attache
essentiellement à renforcer la politique de collaboration, en imposant aux étudiants la
participation au Service du Travail Obligatoire et en multipliant les projets de coopération
culturelle avec l’Allemagne. Bonnard fonde en novembre 1942 une chaire d’ethnologie
et d’histoire du judaïsme à la Sorbonne, confiée à l’antisémite Henri Labroue. Fidèle
Abel Bonnard à son bureau
à Vichy jusqu’au bout, il parvient après la guerre à se réfugier en Espagne auprès du
à Vichy en 1942.
général Franco.
Puy-de-Dôme 418 W 92
plus souvent, pas conservées dans les établissements. Elles ont
été transmises aux archives municipales ou départementales.
Celles-ci sont aujourd’hui dotées de sites internet sur lesquels
il est possible d’effectuer une première recherche avant de se
déplacer. Une simple requête par le nom de l’établissement
es du
scolaire, ou de la commune, croisé avec des dates, est souvent
Archives départemental
très efficace. Elle permet de prendre connaissance de la nature
et de la variété des documents disponibles, avec parfois, un
résumé de leur contenu.
Ce rapport de 1941 dénonçant l’enseignement
■ Lien vers l’espace « recherche », des archives du Calvados trop peu patriotique d’un professeur, a probablement été rédigé à
la suite d’une dénonciation. Il indique combien les enseignants sont
https://archives.calvados.fr/page/que-cherchez-vous- placés sous surveillance par le régime de Vichy.
Il est également possible d’utiliser les sites des archives
départementales pour conduire une recherche plus générale
sur la manière dont la politique de Révolution nationale a été
conduite à l’école. Il faut alors procéder par « mots clés »
afin de faire ressortir des documents d’archives pertinents.
Consulter des journaux de guerre
Les journaux de guerre tenus par des enseignants
ou des élèves constituent des sources précieuses. Ils
■ L’exposition virtuelle des archives de l’Allier rendent compte de la vie quotidienne des écoliers et
https://archives.allier.fr/service-educatif/expositions-virtuelles/ étudiants français ainsi que de la politique scolaire
lallier-durant-la-seconde-guerre-mondiale/-la-revolution-nationale conduite par le régime de Vichy. C’est le cas des Années
Doubles. Journal d’une lycéenne sous l’Occupation,
Dans leur exposition virtuelle sur la Révolution nationale, tenu par Micheline Bood, âgée de 14 ans en
les Archives de l’Allier proposent plusieurs documents relatifs
à l’École, dont l’une des allocutions du maréchal Pétain 1940, ainsi que du Journal d’un J3, rédigé par
adressées aux enfants de France, avec le portrait du maréchal, Raymond Ruffin, alors âgé de 11 ans. Ces ouvrages sont
la devise et l’emblème du régime de Vichy. encore accessibles dans de nombreuses bibliothèques
publiques. D’autres journaux, tenus par des témoins
■ L’exposition des archives du Puy-de-Dôme adultes, de la période de l’Occupation, peuvent éga-
https://www.archivesdepartementales.puy-de-dome.fr/archive/ lement évoquer indirectement le monde scolaire et la
exposition/voir/11/35669?idscroll=tv_a3node-notice-35643-no- manière dont les enseignants, les écoliers et les parents
tice-35666-notice-35669 d’élèves, réagissent à la politique conduite par Vichy.
C’est le cas par exemple du journal de Léon Werth,
Autre exemple d’exposition numérique consacrée
à la Révolution nationale, celle des archives départementales intellectuel juif, réfugié dans un petit village du Jura.
du Puy-de-Dôme. Dans la partie sur « le relèvement de la Par ailleurs, la base de données Écrits de Guerre et
France, les valeurs traditionnelles et la formation de la jeunesse », d’Occupation (EGO 1939-1945), créée par le Centre
on trouve notamment une note confidentielle sur un professeur de recherche d’histoire quantitative (CRHQ) de l’uni-
d’histoire-géographie n’ayant pas fait « allusion à Jeanne versité de Caen, rassemble plus de cinq mille notices,
d’Arc », dans un cours sur la formation territoriale de la qui recensent des témoignages de tous types, récits,
France.
carnets, journaux intimes et mémoires, concernant
la France et les Français durant la Seconde Guerre
mondiale. Un système de recherche avancée per-
Utiliser la presse numérisée met de croiser les critères (profession, sexe, date …).
Le site de Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Il est ainsi possible de repérer et de regrouper
nationale de France (BnF), contient de très nombreux journaux les témoignages.
numérisés pour la période 1940-1944. Il est possible d’effectuer
une recherche en commençant par le titre du journal pour ensuite •M
icheline Bood
naviguer dans la chronologie. Les archives départementales ont Les Années Doubles. Journal d’une lycéenne
également souvent procédé à la numérisation des journaux, quoti- sous l’Occupation, Paris, Robert Laffont, 1974.
diens et périodiques, de la presse locale. Ceux-ci rendent compte •R
aymond Ruffin
des cérémonies de remise de prix, des commémorations ou évé- Journal d’un J3, Paris, Presses de la Cité, 1979.
nements patriotiques organisés dans les établissements scolaires. • L éon Werth
Ces articles peuvent constituer des témoignages indirects, lorsque Déposition. Journal de guerre 1940 -1944, Viviane Hamy,
des propos sont recueillis par le journaliste. 1992.
17
2 e partie
Cours dispensés par
le sous-lieutenant
Marius Taravel
(debout à droite)
à des cadets de
Tract du comité la France libre
national des à Ribbesford
professeurs (Angleterre).
contre le travail
en Allemagne.
Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne Amicale des cadets de la France libre
Résister à l’école
La volonté du régime de Vichy de faire de l’école un instrument au service de sa
politique de Révolution nationale se heurte à de nombreuses formes de résilience
dans un milieu marqué par une sorte de « surmoi républicain ». L’École a aussi
constitué un vivier important pour la Résistance car de nombreux enseignants,
lycéens et étudiants s’y sont engagés.
on,
Né le 15 septembre 1892 à Troyes
ortation de Besanç
(Aube), il est agrégé de grammaire
en 1928 et enseigne notamment en
Tunisie, avant d’être nommé au lycée
istance et de la Dép
Source gallica.bnf.fr/Bnf
Buffon à Paris à la rentrée 1937. En
septembre 1940, Burgard et quatre de
ses amis, dont l’instituteur André Vellay,
© Musée de la Rés
vient la guerre. Conseiller muni- Grand réfectoire du lycée Ampère à Lyon avant la guerre. de la Résistance non commu-
cipal radical, il est proche du niste de la zone non occupée.
maire de Lyon Édouard Herriot. « C’était le professeur par excel-
Mobilisé dans l’armée des Alpes, il d’amis, – l’entrepreneur de déménage- lence », témoignait Jean-Pierre Levy à
reprend après la défaite le cours normal ment Élie Péju, le cadre de l’industrie propos de Pinton, « il écrivait beaucoup
de sa vie mais est révoqué de son man- Jean-Jacques Soudeille, le représentant et, pendant deux ans, se mit sans comp-
dat d’élu en septembre 1940. en volets métalliques Noël Clavier, le ter au service du journal. » Auguste Pin-
Par les principes qu’il professe, Pinton propriétaire d’un commerce de confec- ton entreprend après la Libération une
ne peut souscrire à la politique du tion Antoine Avinin –, ils discutent de la carrière politique, devenant sénateur,
régime de Vichy. Avec une poignée possibilité de « faire quelque chose ». maire et secrétaire d’État.
19
2 e partie résister à l’école
oraine.
à la jeunesse, les lycéens et étudiants alors que les arrestations se multiplient. Le
Collection La contemp
sont souvent les premiers à exprimer bilan officiel fait état de 123 arrestations,
ouvertement leur rejet de l’occupation dont une majorité de lycéens. Ils venaient
allemande. principalement des lycées Buffon,
Au cours de l’automne 1940, la pre- Janson de Sailly, Voltaire, Chaptal,
mière rentrée scolaire de l’Occupation Louis-le-Grand et Henri-IV. Tract « Étudiant de France »
s’effectue dans un contexte tendu. Des Ce défilé des lycéens et étudiants pari- appelant à manifester le 11 novembre 1940
petits gestes d’opposition sous la forme siens le 11 novembre 1940 constitue la à Paris.
de graffitis ou de distributions de tracts première manifestation collective impor- Ce document est, avec un discours de René Cassin,
clandestins fabriqués de façon artisanale tante contre l’occupation allemande. la seule trace qui reste des appels à manifester le
sont constatés dans de nombreux lycées L’événement est très largement relayé. Les 11 novembre 1940. Selon plusieurs témoignages, il a
de France. À Paris, les Renseignements premiers numéros de la presse clandes- été rédigé collectivement au 5 place
généraux observent la progression d’un tine ou la BBC insistent sur le patriotisme Saint-Michel, siège de plusieurs
climat frondeur à la Sorbonne et dans la de la jeunesse française et dénoncent la associations d’étudiants. Il a ensuite
plupart des établissements où les cours répression allemande. été ronéoté en plusieurs lieux.
ont repris. Les étudiants jouent avec le Certains exemplaires ont été
sens du mot allemand Elf (onze) et en L’implantation de recopiés à la main avant d’être
font un message codé qui ne cesse de diffusés dans le Quartier latin.
fleurir sur les murs du quartier latin, signi-
la Résistance auprès des
fiant « Es Liebe Frankreich » (« Longue vie lycéens et des étudiants Croix de Lorraine
portée par les étudiants
Musée de l’Armée
à la France »). Des accrochages dans
lors de la manifestation
des cafés du Quartier latin entre soldats Aux actions spontanées, succèdent
du 11 novembre 1940.
allemands et étudiants entraînent la fer- progressivement à partir de 1941 de
meture des établissements concernés, véritables organisations de Résistance qui
notamment deux hauts lieux de la vie naissent et se développent dans les lycées et partisans (FTP), qui sont affiliés au
étudiante à Paris, le Café d’Harcourt et et à l’université. C’est le cas par exemple Parti communiste, comme le montre la
le café Dupont et Capoulade. L’arresta- du mouvement Défense de la France créé trajectoire des cinq martyrs du lycée
tion par les Allemands de Paul Langevin, à la toute fin 1940 à Paris par trois étu- Buffon qui basculent dans la lutte armée.
professeur au Collège de France, fon- diants, Philippe Viannay, Robert Salmon Arrêtés par les Brigades spéciales de
dateur en 1934 du Comité de vigilance et Hélène Mordkovitch. Un groupe Vichy et remis aux autorités allemandes,
des intellectuels antifascistes, entraîne d’élèves parisiens du lycée Henri-IV par- ils sont condamnés à mort et exécutés le
la constitution d’un comité de défense, ticipe au développement du mouvement 8 février 1943. De façon générale, tous
et l’organisation d’une manifestation le Les Volontaires de la Liberté créé en les grands mouvements de zone Nord et
8 novembre 1940 place de la Sorbonne mai 1941 et qui diffuse un bulletin ronéo- de zone Sud se dotent progressivement
regroupant une cinquantaine d’étudiants typé. La population lycéenne et étudiante de sections de jeunesse qui recrutent leurs
communistes. Alors que les autorités alle- sert également de vivier pour les Jeu- membres dans le monde scolaire et uni-
mandes ont interdit toute manifestation nesses communistes et les Francs-tireurs versitaire.
à l’occasion du 11 novembre, un tract
circule appelant les étudiants à braver
Archives nationales, fonds Défense de la France
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ration se met en place au sein de baccalauréat et arrête de nombreux
l’établissement, qui intègre en 1942 élèves et professeurs.
les Forces unies de la jeunesse (FUJ). Lalande est le seul lycée civil de
Parmi les actions de ce groupe figure France à avoir obtenu la médaille de Cérémonie de remise de la médaille de la Résistance
notamment la destruction, le 21 mai la Résistance française par décret du française au lycée Lalande de Bourg-en-Bresse (Ain)
1943, des fiches de recensement de 3 octobre 1946. le 12 janvier 1947.
©Archives de l’Association pour des études sur la Résistance des Alsaciens (AERIA)
magne en juillet 1940, l’Alsace se trouve et Mulhouse, Marcel Weinum et Fernand
dans une situation spécifique. Le NSDAP Demouge recrutent au sein de différents
germanise et nazifie de force la société : établissements généraux et profession-
en témoigne l’obligation de parler nels afin d’initier de nombreuses actions
l’allemand, et non le français, interdit. La (graffitis, sabotages et recherche d’armes).
jeunesse et l’école font l’objet d’attentions Requis pour travailler en Allemagne, des
particulières. Le parti nazi impose à tous enseignants s’activent dans les nombreuses
les instituteurs et professeurs de passer par filières d’évasion comme les sœurs Merk,
l’Umschulung, une rééducation politique transférées à Mannheim comme institu-
en Allemagne qui enseigne les préceptes trices. D’autres s’évadent d’Alsace comme
de l’idéologie nazie. L’objectif est d’incul- Paul Blasy de Colmar, s’engagent dans
quer le nazisme à travers l’écrit, la parole les renseignements comme Clément Helfer
(« Heil Hitler » en début de classe) et les de Logelbach ou participent à la résis-
gestes (salut nazi en classe) en lien avec la tance communiste avant d’être arrêtés,
mise en place d’organisations comme la jugés et guillotinés en 1943 comme
Hitlerjugend et la Bund Deutscher Mädel Auguste Sontag et Eugène Boeglin de L’organisation clandestine de la Main Noire devant
pour les filles. Wintzenheim. L’école en Alsace, au-delà le monument aux morts de Strasbourg, sans date.
Très rapidement, un sentiment de rejet d’être un lieu de résistance, est un lieu Marcel Weinum, premier en partant de la gauche sur
émerge spontanément au cours de où le patriotisme français survit, ce malgré la deuxième rangée est accompagné de François Mosser,
l’été et de l’automne 1940 malgré les le quadrillage nazi omniprésent. Boesch, Lucien Entzmann et Charles Augustin.
21
2 e partie résister à l’école
La Résistance du quotidien
en milieu scolaire
Les établissements scolaires sont des manifestations d’insoumission et de pro-
lieux où se manifestent au quotidien testation. M. Merlat, professeur au lycée
des gestes de refus qui, sans forcément d’Amiens, révèle dans son journal avoir
relever d’un engagement au sein de la incité ses élèves à une désobéissance
Résistance organisée, n’en démontrent générale aux ordres de Vichy et des
pas moins une forme d’opposition contre Allemands. Dans la zone rattachée au
l’Occupation et la politique de Vichy. commandement militaire de Bruxelles,
Pour les enseignants, il peut s’agir, par où le poids de l’occupation se fait le plus
exemple, de ne pas appliquer dans leur sentir, l’opposition apparaît plus précoce
classe les directives du régime de Vichy et plus importante que dans le reste de
et de ne pas participer au culte prati- la France. Dès le mois d’août 1940,
qué à l’égard du maréchal Pétain, en des établissements nordistes reçoivent la
refusant de faire chanter Maréchal nous visite d’inspecteurs allemands envoyés
voilà. Du côté des élèves, les formes de par les Feldkommandanturen. Le 5 août
ritoires de l’Empire ne constitue un groupe qui, sous couvert les « coupables », candidats aux Arts
sont pas occupés par d’une équipe scoute, photographie et Métiers, se dénoncent et écopent de
les forces de l’Axe. des positions des forces vichystes. peines d’emprisonnement.
Là où Vichy maintient À Tahiti, Robert Delage, inspecteur
son autorité, la même de l’enseignement primaire, milite Une forte implication
législation qu’en métro- en faveur du ralliement du territoire
José Aboulker pole est appliquée. à la France libre. Après le succès du
dans les opérations
en 1944. Ainsi, en juin 1941, référendum du 1er septembre 1940, il de sauvetage
Jérôme Carcopino devient directeur du cabinet du nou-
limite à 3 % le nombre d’étudiants juifs veau gouverneur et chef du service de En plus de n’adhérer que faible-
autorisés à s’inscrire à l’université. Mais, l’enseignement. ment à la Révolution nationale, le
dans les départements algériens, un En Algérie, des groupes de résistance milieu enseignant s’investit fortement
numerus clausus de 14 % est également s’organisent à partir de fin 1940- dans les œuvres sociales d’assistance
instauré dans le primaire et le secondaire début 1941 et nouent des contacts auprès des plus jeunes et des popula-
à la rentrée 1941, puis abaissé à 7 % avec les Alliés. Dans la nuit du 7 au tions nécessiteuses. À partir de 1942,
à la rentrée 1942 avant une interdiction 8 novembre 1942, 400 jeunes les mesures répressives se multiplient
totale début 1943. Ces mesures discri- e m m e n é s p a r J o s é A b o u l k e r, contre des catégories entières de
minatoires poussent les enfants juifs vers étudiant en médecine, occupent la population, qui touchent parti-
l’enseignement privé. des points clés d’Alger, favori- culièrement enfants, adolescents et
Dans ce contexte, des enseignants et sant le succès du débarquement jeunes adultes mineurs (persécutions
des élèves décident de « faire quelque anglo-américain. et rafles antisémites, instauration du
travail obligatoire en Allemagne).
juifs sont également cachés à l’école pri- pour les enfants au cours de la période. Avec le lycée
maire supérieure (EPS) de La Souterraine, de La Souterraine qui a hébergé des enfants juifs,
aujourd’hui un lycée. Ces enfants y sont la Maison de Chabannes dirigée par Félix Chevrier
inscrits, sous de faux noms. Ils suivent la a également servi d’abri à de nombreux enfants.
23
2 e partie résister à l’école
© Mémorial de Caen
Alors que Jacques Sabine est enfermé à la maison d’arrêt de de Caen adressée au
Caen, le proviseur du lycée Malherbe se plie aux contraintes père de Jacques Sabine
administratives de rigueur et adresse à son père un courrier le 2 mars 1943.
dans lequel il lui demande de fournir les motifs de l’absence
© Mémorial de Caen
25
3 e partie
/Bnf
Guerre, il est blessé à plusieurs reprises et ter- Il nous faudrait donc des ressources
llica.bnf.fr
mine avec le grade de capitaine. Professeur nouvelles. Pour nos laboratoires. Pour
nos bibliothèques. […] Pour nos entre-
Source ga
d’histoire du Moyen Âge à Strasbourg, il est
nommé à la Sorbonne à partir de 1936. Se prises de recherches. Pour nos universités,
détachant progressivement de l’histoire posi- nos lycées et nos écoles, où il convient que Les Cahiers politiques
tiviste, Marc Bloch participe notamment à la pénètrent l’hygiène et la joie, la jeunesse a n°2 de juillet 1943.
création des Annales avec Lucien Febvre, en le droit de ne plus être confinée entre des Les Cahiers politiques
ouvrant de nouvelles voies de recherche. Il murs lépreux […]. Il nous en faudra aussi, sont publiés clandestinement
s’engage volontairement en 1939. L’Étrange disons-le sans fausse honte, pour assurer à en France par le Comité
Défaite, publié à titre posthume, est le témoi- nos maîtres de tous les degrés une existence général d’études (CGE)
gnage lucide de son expérience de la « drôle non pas luxueuse certes (ce n’est pas une de la France combattante.
de guerre ». Sous l’Occupation, résister, France de luxe que nous rêvons), mais suffi-
c’est d’abord pour Marc Bloch protester : il samment dégagée des menues angoisses matérielles, suffisamment
adresse ainsi une lettre au ministre Abel Bon- protégée contre la nécessité de gagne-pain accessoires pour que ces
nard en juillet 1942, pour s’insurger contre hommes puissent apporter à leurs tâches d’enseignement ou d’en-
l’interdiction qui lui est faite d’enseigner à quête scientifique une âme entièrement libre et un esprit qui n’aura
Paris conformément à l’application du statut pas cessé de se rafraîchir aux sources vives de l’art ou de la science.
des Juifs. C’est aussi, très vite, entrer dans la Mais ces indispensables sacrifices seraient vains s’ils ne s’adressaient
clandestinité. Sous le pseudonyme Narbonne à un enseignement tout rajeuni. Un mot, un affreux mot, résume une
il est le chef de la région de Lyon pour les des tares les plus pernicieuses de notre système actuel : celui de
Mouvements unis de Résistance et membre bachotage. C’est certainement dans l’enseignement primaire que
du Comité général d’études. Il fonde Les le poison a pénétré le moins avant : sans l’avoir, je le crains, tout à
Cahiers politiques, où il n’oublie pas les fait épargné. L’enseignement secondaire, celui des universités et les
préoccupations pédagogiques. Le destin tra- grandes écoles en sont tout infectés. ”Bachotage” - Autrement dit :
gique de Marc Bloch, comme la vie intègre hantise de l’examen et du classement. Pis encore : ce qui devait être
qu’il a menée, révèlent une haute idée des simplement un réactif, destiné à éprouver la valeur de l’éducation,
valeurs morales de la démocratie et de la devient une fin en soi, vers laquelle s’oriente, dorénavant, l’éducation
République. tout entière […] »
27
3 e partie penser l’ÉCOLE DE DEMAIN
Le Comité national français est l’instance qui tient lieu de gouvernement en exil de
1941 à 1943. Il est présidé par le général de Gaulle, au centre.
René Cassin (à sa gauche) au milieu des autres membres du Comité national français,
dans la salle de l’horloge, au QG de Carlton Gardens, avec (de g. à d.) Maurice Dejean,
André Diethelm, l’amiral Muselier, René Pleven et le général Valin.
29
3 e partie penser l’ÉCOLE DE DEMAIN
L’École de la Résistance
Dans un pays assommé par la défaite, Les principes Les Cahiers de la Libération,
les pionniers de la Résistance doivent qui le guident mars 1944
reprendre espoir avant de se regrouper sont clairement
dans des noyaux qui cherchent les pos- exposés : « Un
sibilités d’agir. Organiser des filières enseignement
d’évasion pour fugitifs et persécutés, ouvert à tous,
fabriquer des faux papiers, confection- sans distinction
ner des papillons, des tracts, puis des d’origine ni de
journaux clandestins, tout cela absorbe classe, et adapté
l’énergie des individualités qui tentent aux différentes
de « faire quelque chose ». L’immédia- aptitudes de
teté prime pendant des mois. Les ques- chaque individu
tions concernant l’avenir du pays ne en même temps
peuvent donc pas vraiment être posées qu’aux diverses
et pensées avant 1942 au plus tôt. L’État orientations sus-
français, que Philippe Pétain a substitué ceptibles d’utiliser
à la République, pointe avec insistance ces aptitudes au
la responsabilité de l’École républicaine profit de l’intérêt
dans la défaite de 1940. Les résistants collectif. […] Le sort d’un homme, le rôle
/Bnf
Source gallica.bnf.fr
doivent riposter sur ce terrain. qu’il doit jouer dans la nation ne doit
pas se décider comme à l’heure pré-
Les Cahiers de l’OCM sente, entre 10 et 25 ans ou, qui plus
est, en fonction de la situation actuelle
Une première salve est tirée par Les de ses parents. »
Cahiers. Études pour une révolution Ce texte très abouti est le fruit d’un Les Cahiers de la Libération
française. Cette revue clandestine est travail collectif réalisé par le groupe
La patte de l’ancien ministre de l’Édu-
publiée par l’Organisation Civile et Maintenir, fondé en septembre 1940
cation nationale, emprisonné à Riom
Militaire (OCM), important mouvement à Paris, qui recrute surtout dans les
avant d’être assassiné par la Milice
de zone Nord. Sur plus de cent pages, milieux de l’Éducation nationale et qui
en janvier 1944, est également discer-
le deuxième numéro des Cahiers pro- a des liens avec l’OCM. On retrouve
nable dans un article du numéro 4 des
pose en septembre 1942 un dossier qui dans les annexes qui accompagnent le
Cahiers de la Libération en mars 1944
aborde tous les aspects de l’éducation, dossier des notes transmises à la Résis-
intitulé « Vichy contre l’Enseigne-
de l’école élémentaire à l’université. tance par l’entourage de Jean Zay.
ment National ». Marcel Abraham
le signe sous le pseudonyme de
Jacques Villefranche. Directeur de
Les Cahiers de l’OCM. Études pour une révolution française, 2e fascicule, septembre 1942. cabinet des ministres de l’Éduca-
tion nationale Anatole de Monzie
(1932-1934) et Jean Zay (1936-
1939), relevé de ses fonctions
d’inspecteur d’académie dès le
1 er octobre 1940, avant d’être
frappé par le premier statut des Juifs,
Marcel Abraham y pourfend la poli-
tique de l’État français et rappelle le
sens du travail mené jusqu’à la guerre
qui visait à « fondre en un ensemble
cohérent et [à] adapter aux nécessités
du présent les héritages successifs du
passé, afin que tout enfant, quelles que
soient ses origines, puisse pénétrer
dans l’édifice, s’y orienter, ne se point
heurter à des portes closes, en gravir,
selon ses forces, les étapes, et n’en sor-
Source gallica.bnf.fr/Bnf
Les universitaires qui ont été membres du CGE sont appelés à la fin de la guerre à
de hautes destinées. François de Menthon devient ministre de la Justice au sein du
Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) de septembre 1944 au
8 mai 1945. Pierre-Henri Teitgen lui succède à ce même poste jusqu’en janvier 1946.
31
3 e partie penser l’ÉCOLE DE DEMAIN
l’Éducation
sation de l’enseignement puisque les les « délégués scolaires » dans les
anciennes EPS sont intégrées dans le classes afin de renforcer les droits
de
secondaire. Ceci permet aux meilleurs des élèves.
sée national
élèves de poursuivre plus facilement
leurs études une fois sortis de l’école La commission
opé –Le Mu
primaire jusqu’au baccalauréat, voire
ensuite jusqu’à l’université. La voie
Langevin-Wallon
© Réseau can
est ouverte pour la suppression des Pour mettre en œuvre les diffé-
deux systèmes parallèles du « primaire » rentes propositions élaborées dans le
et du « secondaire » et la mise en place cadre de la commission Cathala puis Fascicule Le plan Langevin-Wallon.
du « collège unique » qui se réalisera par le rapport Durry, René Capitant, La nationalisation de l’enseignement, 80 pages.
définitivement dans les années 1970. ministre de l’Éducation nationale du L’École et la Nation, revue mensuelle du parti communiste
français destinée aux enseignants et aux personnels
de l’éducation publie en 1962 le plan Langevin-Wallon
élaboré au lendemain de la guerre.
pagne de France en 1940. Démo- çaise pour l’Unesco, il fonde dans les lycées les premiers clubs
bilisé, il reprend son enseignement Unesco regroupés en 1956 au sein de la Fédération française
au lycée Henri-IV à Paris, où il est des clubs Unesco qu’il va présider durant vingt-trois ans.
contacté fin 1941 par le réseau Dans toutes ses fonctions, il a toujours été un tenant des
Confrérie Notre-Dame (CND).
Louis François. méthodes actives, héritage de son engagement aux Éclaireurs
Chargé de mission de renseignement
de France. Il n’est donc pas étonnant qu’il s’enthousiasme
« politique », il devient l’adjoint de
pour le projet de concours de la Résistance lorsqu’il est saisi
Pierre Brossolette. Arrêté en septembre 1942, il est interné
avant d’être déporté en Allemagne. À son retour des camps, il en 1959 par la Confédération nationale des combattants volon-
décline l’offre que lui fait le général de Gaulle d’entrer en poli- taires de la Résistance (CNCVR), alors qu’il est conseiller tech-
tique pour se consacrer à la réforme de l’Éducation nationale. nique du ministre de l’Éducation nationale André Boulloche.
En octobre 1945, son ami Gustave Monod, devenu directeur En 1961, au moment de l’officialisation de ce concours,
de l’enseignement secondaire au ministère de l’Éducation devenu le Concours national de la Résistance et de la Déporta-
nationale, le fait nommer inspecteur général de l’Instruction tion (CNRD), l’action de Louis François sera essentielle. Installé
publique. Profondément convaincu que l’instruction civique est à la présidence du CNRD en 1963, Louis François s’emploie
une mission fondamentale de l’École républicaine qui contribue pendant trente ans à faire en sorte que ce concours s’impose
à former des citoyens éclairés et actifs, il milite inlassablement peu à peu comme un outil pédagogique à part entière.
de Vichy, lui vaut d’être démis de ses fonctions. Lucide quant influence pour de longues années
à la logique d’exclusion et de persécution mise en œuvre, les politiques éducatives conduites Gustave Monod.
Gustave Monod est l’un des très rares hauts fonctionnaires après guerre. Gustave Monod
de l’époque à dire « non ». En 1941, mis à la retraite, il encourage particulièrement les pratiques pédagogiques inno-
s’engage en résistance au sein du mouvement Défense de la vantes, centrales à ses yeux dans cette entreprise de refon-
France. Son passé de haut fonctionnaire et de réformateur, son dation républicaine. Il accompagne en 1945 la création des
refus si singulier de 1940, sa participation à la Résistance lui Cahiers pédagogiques, lance les « classes nouvelles » et crée,
valent d’être réintégré dès le mois d’août 1944, puis nommé également en 1945, le Centre international d’études péda-
par René Capitant, ministre de l’Éducation nationale du gogiques de Sèvres afin de comparer les différents systèmes
Gouvernement provisoire, inspecteur général et directeur de éducatifs et de favoriser ainsi les réformes.
33
Fiche ressources
Mémorial de Falaise-
La guerre des civils
www.memorial-falaise.fr
La contemporaine.
Mémorial de la Shoah Bibliothèque, archives,
wwww.memorialdelashoah.org musée des mondes contemporains
www.lacontemporaine.fr
Musée de l’Armée
www.musee-armee.fr
Elle a été conçue ■ Marc Charbonnier, ■ Antoine Grande, ■ Stéphanie Perrin,
et coordonnée par : rédacteur en chef directeur, musée de la Résistance professeur détachée,
de la revue Historiens & et de la Déportation Service historique de la Défense
■ Fabrice Grenard, Géographes, APHG de Haute-Garonne, Toulouse
directeur historique, ■ Hélène Priego,
■ Sylvain Cornil-Frerrot, ■ Gabrielle Grosclaude,
Fondation de la Résistance responsable des recherches responsable adjointe du service directrice, musée de la Résistance
historiques, Fondation éducatif, Archives nationales de Bondues
■ Frantz Malassis, de la France Libre
chef du département ■ LiorLalieu-Smadja, ■ Claude Singer,
documentation et publications, ■ Aurélie Cousin, responsable du service responsable du service
chargée des collections, photothèque, Mémorial pédagogie, Mémorial de la
Fondation de la Résistance musée de la Résistance de la Shoah
et de la Déportation, Shoah
■ Fabrice Bourrée, Besançon ■ Bertrand Lecureur,
chef du département AERI, chargé de conservation ■ Hélène Staes,
responsable du Musée ■ Émilie David, et de recherche, Musée national chargée d’études
professeur relais, de l’Éducation (Munaé), Rouen « Histoire et Mémoire »,
de la Résistance en ligne,
Souvenir français. MEAC/DGESCO, ministère de
Fondation de la Résistance ■ Éric Le Normand,
■ Laurent Douzou, Association pour des études l’Éducation nationale
■ Raphaëlle Bellon, professeur émérite, sur la Résistance intérieure et de la Jeunesse
responsable des activités Institut d’études politiques des Alsaciens
de Lyon ■ Emmanuel Thiébot,
pédagogiques,
■ OlivierLoubes,
responsable du mémorial
Fondation de la Résistance ■ CatherineDupuy, professeur en classe préparatoire Falaise- la guerre des civils/
chargée des actions au lycée Saint-Sernin, Toulouse
■ Yann Simon, pédagogiques, ECPAD Mémorial de Caen
professeur relais, ■ Charles-Jacques Martinetti,
■ Dominique Trimbur,
musée de la Libération de Paris – ■ Thomas Fontaine, conseiller « Histoire et Mémoire »,
directeur de projets, MEAC/DGESCO, ministère de chargé de mission,
musée du général Leclerc – musée de la Résistance nationale, l’Éducation nationale et de la Fondation pour la Mémoire
musée Jean Moulin, Paris Champigny-sur-Marne Jeunesse de la Shoah
■ Caroline François, ■ Laurence Négri,
La Fondation de la Résistance ■ CécileVast,
chargée des expositions directrice pédagogique,
remercie les membres du comité itinérantes et temporaires, Fondation Charles de Gaulle professeur relais,
qui ont contribué à la recherche Mémorial de la Shoah
musée de la Résistance et
■ Arnaud Papillon, de la Déportation, Besançon
documentaire et à la rédaction :
■ Patricia Gillet, chef du pôle rayonnement
conservatrice générale de la politique mémorielle au
■ DimitriVouzelle,
■ Sophie Bachmann, aux Archives nationales, bureau de l’action pédagogique docteur en histoire, en charge
responsable de projet. Action responsable du pôle Seconde et de l’information mémorielles
Guerre mondiale, département de à la direction de la Mémoire, du service éducatif des Archives
culturelle et éducative, Ina
l’exécutif et du législatif de la Culture et des Archives, départementales de la Côte d’Or
■ Frédérique Baron, ministère des Armées
■ Vincent Giraudier, Nous remercions les ayants droit
responsable de la formation chef du département
■ BéatriceParrain, qui nous ont permis de reproduire
et de la médiation culturelle Historial Charles de Gaulle, documentaliste, musée gracieusement des documents
à La contemporaine musée de l’Armée, Paris de l’Ordre de la Libération d’archives.
Éditeur : Fondation de la Résistance – Reconnue d’utilité publique par décret Direction générale
du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République de l’Enseignement scolaire
– 30, boulevard des Invalides, 75007 Paris – Téléphone : 01 47 05 73 69 ministère de l’Éducation
Site internet: www.fondationresistance.org – Courriel : contact@fondationresistance.org nationale et de la Jeunesse
Directeur de la publication : Gilles Pierre Levy, président de la Fondation de la Résistance –
Rédacteur en chef : Frantz Malassis
Maquette, photogravure et impression : Humancom – 2 boulevard du général de Gaulle Direction de la Mémoire,
de la Culture et des Archives
92120 Montrouge – Revue trimestrielle – Abonnement pour un an : 20 €
ministère des Armées
– N° 110 : 5,50 € – Commission paritaire : n° 1125 A 07588 – ISSN : 1263-5707
(version papier) / 2679-1595 (version numérique) – Dépôt légal : septembre 2022.
Ce numéro comporte deux encarts jetés : un courrier et une affiche invitant à partici-
per au CNRD. Fondation
de la Résistance
Malgré toutes les démarches entreprises, la Fondation de la Résistance n’a pas pu trouver
les ayants droit de certains documents. Les personnes disposant de ces droits peuvent
prendre contact avec la Fondation de la Résistance.