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de la Fondation de la Résistance

Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République
n° 110 – septembre 2022– 5,50 €

Concours national de la Résistance


et de la Déportation 2022-2023

L’École et la Résistance
des jours sombres
aux lendemains de la Libération
(1940-1945)
Renseignements utiles
Concours national de la Résistance et de la Déportation 2022-2023
Dans cette rubrique figurent les informations essentielles pour participer à ce concours. Nous vous conseillons de vous reporter,
pour plus de détails, aux informations officielles du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, mises en ligne sur
le site éduscol : eduscol.education.fr/cnrd. Pour toute demande d’informations, vous pouvez écrire à l’adresse suivante :
cnrd.dgesco@education.gouv.fr

Thème : « L’École et la Résistance. Des jours sombres


aux lendemains de la Libération (1940-1945).  »
Inscriptions

■  Pour les établissements situés sur le territoire national : se référer aux instructions données par le recteur de l’académie (la liste des interlocuteurs
au sein des services territoriaux de l’Éducation nationale est disponible sur la page éduscol dédiée au concours, indiquée ci-dessus).
■  Pour les établissements français à l’étranger : se référer aux informations communiquées par l’AEFE et la MLF.

Participation au concours
Catégories de participation Modalités de participation
■  1re catégorie – Classes de tous les lycées Réalisation d’un devoir individuel en classe, sous surveillance, sans documents personnels.
(à l’exception des formations post-baccalauréat) Durée : 3 heures.

■  2e catégorie – Classes de tous les lycées Réalisation d’un travail collectif pouvant prendre différentes formes. Pour la taille et le poids des travaux
(à l’exception des formations post-baccalauréat) ainsi que la durée des travaux audiovisuels et sonores, se reporter au règlement annuel du concours.

■  3e catégorie – C
 ollèges Réalisation d’un devoir individuel en classe, sous surveillance, sans documents personnels.
(classes de 3e uniquement) Durée : 2 heures.

■  4e catégorie – Collèges Réalisation d’un travail collectif pouvant prendre différentes formes. Pour la taille et le poids des travaux
(classes de 3e uniquement) ainsi que la durée des travaux audiovisuels et sonores, se reporter au règlement annuel du concours.

Transmission des productions réalisées

Les copies individuelles et les travaux collectifs sont à transmettre par l’établissement scolaire :
■  Pour les établissements situés sur le territoire métropolitain : au service de l’Éducation nationale compétent (généralement la DSDEN mais
par sécurité, se référer aux instructions données par le recteur) ;
■   Pour les établissements des DROM-COM : au rectorat ou vice-rectorat ;
■   Pour les établissements français à l’étranger : se référer aux instructions reçues lors de l’inscription.

Résultats et remises des prix

Les lauréats académiques recevront leur prix lors d’une cérémonie organisée, si possible, à une date symbolique et dans un lieu lui conférant un caractère
solennel. Les meilleurs travaux de chaque catégorie seront sélectionnés à l’échelle académique pour être présentés au jury national. Les lauréats nationaux
seront récompensés au cours d’une cérémonie officielle à Paris.

Concours de la meilleure photographie d’un lieu de Mémoire


Les Fondations de la Résistance, pour la Les photographies doivent être envoyées à
Mémoire de la Déportation et Charles de l’adresse suivante avant le 14 juillet 2023
Gaulle organisent chaque année, après les Les Fondations de la Résistance,
résultats du Concours national de la Résis- pour la Mémoire de la Déportation et Charles de Gaulle
tance et de la Déportation, le concours Concours de la meilleure photographie
de la meilleure photographie d’un lieu de d’un lieu de Mémoire
Photo Jeanne Bluzat

30 boulevard des Invalides


Mémoire. 75007 PARIS
Ce concours offre aux élèves la possibilité
d’exprimer leur sensibilité aux aspects artis- Les trois meilleures photographies seront
tiques et architecturaux des lieux de Mémoire diffusées sur les sites de la Fondation de la Photographie du monument du Mémorial
au travers de la technique photographique. Résistance (www.fondationresistance.org), de la national du camp de Drancy prise par
Avant toute participation, nous vous invitons Fondation pour la Mémoire de la Déportation Jeanne BLUZAT, élève de troisième au collège
à lire le règlement du concours : (www.fondationmemoiredeportation.com) et de la Pierre Ronsard à Saint-Maur-des-Fossés
http://www.fondationresistance.org/pages/action_ Fondation Charles de Gaulle (www.charles- (Val-de-Marne) qui a obtenu le premier prix
pedag/concours_p.htm de-gaulle.org). en 2020-2021.

2 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Sommaire Préface
La Lettre de la Fondation de la Résistance
n° 110 – septembre 2022

L
e thème du Concours national
de la Résistance et de la
Lettre de cadrage Déportation 2022-2023

Fondation de la Résistance
porte sur « L’École et la Résistance.
4 L ettre de cadrage de l’Inspection générale Des jours sombres aux lendemains
de l’Éducation nationale de la Libération (1940-1945)  ».

Partie 1 / L‘École des années sombres


En soixante ans d’existence, c’est
la première fois que ce concours
– à mi-chemin entre histoire, mémoire et formation civique –
8 L’École à la veille de la guerre
invite les candidats à se pencher sur l’histoire de l’institu-
10 L’École dans la drôle de guerre tion scolaire française durant la Seconde Guerre mondiale.
12 L a défaite, l’exode et les débuts de l’Occupation Mise au pas par le régime de Vichy, l’École fut un
14 L a Révolution nationale à l’École terrain favorable au développement de formes variées de
Résistance.
16 Les hommes de Vichy
Mais ce thème est aussi l’occasion d’étudier les réformes
17 Fiche ressources scolaires imaginées par les résistants en pleine Occupation.
Comment rechercher des documents-sources Ceux-ci ne souhaitaient pas seulement libérer leur pays, ils
sur la Révolution nationale à l’École ?
désiraient aussi que la France qui émergerait de ces combats

Partie 2 / Résister à l’École soit une France nouvelle avec plus de justice sociale.
À côté des réformes économiques et politiques portées par
18 U
 ne résistance enseignante le Conseil national de la Résistance, ils considéraient que
20 U
 ne résistance des élèves l’École constituait un fondement essentiel de cette future
22 L a résistance du quotidien en milieu scolaire
République sociale en apportant au plus grand nombre
une formation de qualité et en permettant une promotion
24 L a répression allemande contre les enseignants sociale et un renouvellement des cadres de la Nation.
et les élèves résistants
Cette brochure pédagogique a mobilisé l’expertise de
25 F
 iche ressources l’ensemble de l’équipe de la Fondation, dans les domaines
Retracer le parcours d’un lycéen résistant scientifique, pédagogique, éditorial, documentaire ou
et déporté : l’exemple de Jacques Sabine multimédia.

Partie 3 / Penser l’École de demain


Je tiens aussi à saluer, au nom de la Fondation de la Résistance,
l’implication des fondations, des associations, des musées,
26 L a place de l’École dans les discours résistants des centres d’archives, des témoins mais surtout des
sur la défaite de 1940 enseignants qui depuis plus de soixante ans font vivre ce
concours initié par les résistants et que nous avons reçu
28 L’École de la France libre
en héritage. ■
30 L’École de la Résistance
32 L’École de la France libérée Gilles Pierre Levy
34 F
 iches ressources Président de la Fondation de la Résistance
Comment travailler sur des traces archivistiques
et mémorielles dans les établissements scolaires ?
L’École comme lieu de mémoire et lieu de transmission
Couverture
Annexes
1
3 1. Promotion d’élèves de l’école normale d’instituteurs
2 à  Douai (Nord) en 1939. © Réseau Canopé,
35 Ressources 4 Le Musée national de l’Éducation.
2. Le maréchal Pétain visite l’école de la petite commune
36 Remerciements de Lalizolle, près de Gannat (Allier), vers 1942.
Photographie de presse extraite de L’Illustration. © Réseau Canopé,
Le Musée national de l’Éducation.
3. Des maquisards de Boussoulet (Haute-Loire) autour de leur
instructeur Albert Oriol-Maloire en 1944.
Avant la guerre, Albert Oriol-Maloire (1919-2003) est instituteur.
Aspirant de réserve, chef d’un groupe franc en Lorraine pendant la
drôle de guerre, il est grièvement blessé. Démobilisé après avoir été
L e symbole @ indique au fil des pages de la brochure des
décoré de la croix de guerre 1939-40, il rejoint la Résistance dans la
ressources qui peuvent être consultées en ligne. Les liens Loire en 1942. En mars 1944, il entre dans la clandestinité et prend
pour y accéder sont disponibles sur la brochure numérique, comme pseudonyme Maloire. Du fait de son expérience militaire,
version augmentée de la brochure papier, accessible sur les il se voit confier le commandement du premier maquis de l’Armée
sites de la Fondation de la Résistance et du Musée de la Secrète Loire, réfugié en Haute-Loire, à Boussoulet. © Keystone-
France/GAMMA RAPHO.
Résistance en ligne.
4. Journal clandestin L’École Libératrice.
Pour toute information complémentaire, écrivez à la Organe du syndicat national des instituteurs CGT FGE (reconstitué
Fondation de la Résistance à l’adresse : clandestinement), n° 4, juin 1944. Coll. Musée de la Résistance
raphaelle.bellon@fondationresistance.org nationale à Champigny-sur-Marne.

3
Lettre de cadrage
de l’Inspection générale de l’Éducation nationale

L’École doit et se doit d’enseigner l’histoire Leur organisation varie selon les lieux mais vire l’idéologie de la Révolution nationale 4. Dans un
de l’École. Le Concours national de la Résistance parfois au chaotique : certaines sont ainsi orga- article publié le 15 août 1940 dans La Revue
et de la Déportation (CNRD) est marqué, dès ses nisées à Paris dans les caves des universités. De des Deux Mondes, Pétain se livre à un réqui-
débuts, par la présence et par l’influence de résis- nombreux bacheliers ne peuvent passer l’examen sitoire contre l’École républicaine, jugée trop
tants qui furent, aussi, des pédagogues. C’est du fait des événements. « individualiste ». Les instituteurs sont immédia-
ainsi qu’a été conçue et construite la question tement montrés du doigt, comme responsables
posée par le thème de la session 2022-2023 de la faillite de la France, en ayant insufflé à
du CNRD : «  L’École et la Résistance. Focus leurs élèves des valeurs libérales, laïques et
Des jours sombres aux lendemains de • L’université de Strasbourg repliée égalitaires en contradiction avec ce que le
la Libération (1940-1945) ». à Clermont-Ferrand en septembre 1939. régime considère être les valeurs françaises
• U n établissement confronté à la guerre : traditionnelles5. Faut-il rappeler qu’avant d’ob-
Si pour l’École, cette période est marquée par
l’école normale de Bonneville réquisitionnée tenir le portefeuille de la Guerre dans le gou-
la guerre et la défaite, l’Occupation et le régime
de Vichy, la collaboration, la France libre pour servir d’hôpital militaire. vernement Doumergue du 9 février 1934, le
et la Résistance, c’est que loin d’être à l’écart des • U n témoignage : l’institutrice Berthe Auroy à Chartres maréchal Pétain avait souhaité le ministère de
dangers, des absents et des morts elle se révèle lors de la drôle de guerre. l’Éducation nationale ?
comme toujours dans l’histoire comme un prisme • Un événement : le baccalauréat 1940. Dès juillet 1940, une première vague de
et un miroir de son temps. purge et d’épuration se développe, entraî-
Ce sont les jours sombres de la guerre, de la nant la révocation d’un millier d’instituteurs
défaite et de l’exode, jusqu’à la difficile reprise
Reprendre l’école, reprendre classés à gauche. Elle est suivie de deux
des cours dans un quotidien épuisant et lourd les cours, reprendre le travail  autres vagues entraînant la suspension des
marqué par la volonté du nouveau régime de enseignants « notoirement francs-maçons »,
mettre l’École au pas. Ce sont les résistances des par le décret du 13 août 1940, puis celle
La reprise des cours à la rentrée d’octobre des enseignants considérés comme « juifs »
enseignants, des élèves, mais aussi les refus du 1940 s’effectue dans un contexte difficile et
quotidien des persécutions et de la déportation d’après les dispositions du statut du 3 octobre
particulier. En zone occupée, les Allemands ont 1940. Le 18 septembre, les écoles normales
des Juifs. Ce sont les hommes de la France libre réquisitionné de nombreux bâtiments scolaires,
et de la Résistance qui, dans la nuit et dans la ter- d’instituteurs, que Charles Maurras avait quali-
comme par exemple l’École normale supérieure, fiées « d’antiséminaires malfaisants de la démo-
reur pensent l’École des lendemains, parce que pour y installer leurs services et leurs troupes. Des
libérer la France, c’est libérer l’École1. cratie » sont supprimées. Dans une circulaire
classes sont « déménagées » dans des bâtiments du 15 novembre, le ministre Ripert invoque
de fortune. Entraînés en zone Sud dans le mouve- « le relèvement de fonctions d’un certain nombre
ment de l’exode en mai-juin 1940, des étudiants
■ L’École des jours sombres ou des enseignants n’ont pas encore pu rentrer
de fonctionnaires […] qui ont consacré une partie
de leur temps à une agitation politique contraire
en zone occupée car les Allemands n’autorisent aux intérêts de la France ».
La guerre, la défaite, l’exode  les retours de façon progressive qu’à partir
d’octobre. L’école élémentaire constitue l’un des lieux
privilégiés du culte du maréchal, qui se mani-
La guerre qui éclate en septembre inter- Dans les établissements scolaires, une atmos- feste aussi bien à travers les chants appris aux
rompt le fonctionnement normal de l’école. phère morne l’emporte, en l’absence des pro- élèves (Maréchal nous voilà) que par les exer-
26 000 enseignants du primaire, 5 000 ensei- fesseurs mobilisés en 1939 et qui ont été faits cices qui leur sont demandés : les élèves sont
gnants du secondaire et quelques centaines d’en- prisonniers lors des combats de mai-juin 1940. encouragés à écrire régulièrement au chef de
seignants du supérieur sont mobilisés, la plupart Ils sont au nombre de 13 139, dont seulement l’État (deux millions de lettres envoyées pour la
comme officiers et sous-officiers de réserve. 2 245 reviennent jusqu’en juillet 1943. Dans le Noël 1940) tandis que des concours de des-
Au nombre de ceux-là, le professeur Marc Bloch même temps, le nombre d’instituteurs décline, sin sont également organisés, comme celui de
qui se définit lui-même comme « le plus vieux à la mesure d’une politique scolaire contestée. représenter « La France que le maréchal aime
capitaine de l’Armée française ».
Comme l’ensemble de la société, les diffé- tant ». Les rituels républicains enracinés depuis
Les écoles alsaciennes sont transférées dans le rentes catégories d’élèves sont confrontées dans la fin du XIXe siècle sont remplacés par ceux du
Sud-Ouest et le Centre dans le cadre du déplace- leur quotidien aux nouveaux problèmes du temps, nouveau régime : les portraits de Pétain rem-
ment des populations qui se trouvent dans la zone de liés aux pénuries et restrictions. Le rationnement placent les bustes de Marianne, le salut aux
front, en déracinant les élèves et leurs enseignants. entre en vigueur en septembre 1940. Les cahiers couleurs devient obligatoire lors d’une cérémo-
Par crainte de la guerre aérienne, des enfants de et les livres, l’encre et les crayons, l’éclairage nie quotidienne, la Révolution nationale entend
Paris sont également déplacés dès septembre 1939. et le chauffage font défaut. Une école buisson- parachever l’embrigadement de la jeunesse.
38 000 enfants au total quittent la capitale. Des nière se développe pour améliorer le quotidien. L’idéologie du régime pèse considérable-
classes entières d’enfants parisiens avec leurs Les élèves sont classés dans la catégorie J. ment sur le contenu et la nature des matières
enseignants2 se retrouvent ainsi en milieu rural : Dans le cadre des emplois du temps scolaires, les enseignées, comme le montrent la réintroduction
la Bourgogne, l’Auvergne, l’Ouest. Tout cela pose écoliers participent à des tâches nouvelles dans dans les écoles publiques d’un enseignement reli-
des problèmes logistiques pour le bon déroule- le contexte de la pénurie en se livrant collective- gieux optionnel, le développement d’apprentis-
ment des examens, notamment la session spéciale ment à des collectes (les marrons d’Inde !) ou à sages manuels et artisanaux, la refondation des
du baccalauréat qui se tient en octobre 1939 la chasse aux doryphores. programmes d’histoire et de géographie. Dès le
et pour laquelle il faut organiser des centres 14 septembre 1940 en histoire, la période de la
d’examen supplémentaires en province 3. Révolution, qui constituait une sorte de « fin de
Du fait du contexte de la guerre, le quotidien Focus l’histoire » dans l’École républicaine, est désor-
des élèves est partout perturbé. Certains établis- • L es conséquences des pénuries mais proscrite au profit du retour à une « France
sements scolaires sont parfois réquisitionnés par dans le quotidien des élèves. éternelle » qui serait paysanne, catholique,
l’armée et il faut donc trouver des solutions d’hé- • L es enfants perdus de l’exode nationaliste et qui aurait ses héros symboliques
bergement des classes. Les élèves doivent suivre et leur difficile prise en charge. comme Louis IX (Saint Louis), roi sanctifié mais
des formations à la Défense passive pour adop- également croisé et antijuif ou Jeanne d’Arc,
ter les bons réflexes en cas de bombardements. illustrant le nationalisme anti-anglais. Quant à
Ils s’inquiètent du sort de leurs pères mobilisés. la géographie, son enseignement prône une
L’École de Vichy, l’École approche régionaliste permettant de mettre en
L’offensive allemande et la défaite de 1940
viennent interrompre la fin de l’année scolaire. sous Vichy, l’École sans Vichy valeur les coutumes et traditions dans toute leur
Dans les départements du Nord, les élèves et diversité provinciale6.
leurs enseignants fuient comme l’ensemble L’École de la République avait fait des répu- L’introduction d’un enseignement phy-
des populations l’avance allemande dans blicains. L’École de Pétain ferait des pétainistes. sique et sportif répond enfin à des motivations
le cadre de l’exode. Malgré le contexte, les Pour le régime de Vichy, issu de la défaite, idéologiques, avec la volonté de façonner
épreuves du baccalauréat ne sont pas annulées. l’École doit être le principal instrument qui per- un « Homme nouveau », de développer le sens
Elles sont décentralisées et avancées à la mi-juin. mette de modeler les esprits conformément à de l’effort et l’émulation7.

4 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Cette tentative d’« assomption » de l’École instituteurs deviennent également des chefs, du Aux actions spontanées et souvent sans len-
ne doit pas occulter qu’une partie de la société fait de leur expérience de l’encadrement et de demain succèdent progressivement à partir de
scolaire, marquée par une sorte de « surmoi répu- leur expérience militaire : la plupart d’entre-eux 1941 de véritables organisations de Résistance
blicain », fait preuve d’une certaine inertie et se avaient suivi à la fin de leurs études la formation qui naissent et se développent dans le milieu des
révèle résiliente. Dans bien des endroits et dans qui permettait d’être sous-officier ou officier de lycéens et étudiants. À la Sorbonne, Défense de la
bien des cas, derrière le discours officiel prônant réserve. Ces chefs de maquis émergent, lorsque France est créé par trois étudiants, Philippe Viannay,
l’adhésion aux valeurs du nouveau régime, l’École le phénomène se développe à partir de 1943 9. Robert  Salmon et Hélène  Mordkovitch et
n’en demeure pas moins un havre provisoire, où L’une des figures les plus emblématiques est celle recrute essentiellement au sein de l’université
se maintenait l’esprit critique à l’égard d’une pro- notamment de Georges Guingouin en Haute- et des grands lycées parisiens. Élève au lycée
pagande souvent outrancière ainsi que l’égalité et Vienne10. À la Libération, de nombreux institu- Louis-le-Grand, Jacques  Lusseyran crée en
la protection des élèves, quelles que fussent leurs teurs engagés dans la Résistance occupent des mai 1941 un journal clandestin, Le Tigre, qu’il
origines. fonctions locales et participent à la restauration diffuse dans les milieux étudiants.
de la légalité républicaine. À Bourg-en-Bresse, encouragés par plusieurs
Focus de leurs professeurs, des élèves du lycée Lalande
• Un serviteur de Vichy : l’historien Jérôme Carcopino. Focus forment en 1941 un groupe de résistants rattaché
• La Révolution nationale à l’école, en France • U n mouvement développé au mouvement Libération. Ils diffusent des tracts et
et dans l’Empire colonial. au sein de l’université : Liberté. journaux clandestins et organisent des manifesta-
• R aymond Burgard et le mouvement Valmy. tions patriotiques. Fin 1942 une section des Forces
• La fermeture des écoles normales.
unies de la jeunesse est créée au lycée qui devient
• L’épuration du monde enseignant au cours • Q uelques figures d’enseignants résistants :
une cible importante de la répression. 32 élèves
de la seconde moitié de l’année 1940. Jean Cavaillès (supérieur), Martial Brigouleix
du lycée seront tués ou exécutés et une vingtaine
(lycée), Georges Guingouin (instituteur), Mathilde Mir
déportés. Le lycée Lalande est le seul lycée civil
(institutrice). à obtenir la médaille de la Résistance française.
• R ésister dans une zone interdite : Gérard Morpain,
■ Résister à l’École  agrégé d’histoire au lycée du Havre.
Les Jeunesses communistes et les Francs-tireurs et
partisans (FTP) recrutent au sein des lycées. C’est
la trajectoire des cinq martyrs du lycée Buffon,
Une résistance enseignante  qui basculent dans la lutte armée. Arrêtés par les
Une résistance des élèves  brigades spéciales de Vichy et remis aux autorités
Parce qu’ils sont parmi les plus attachés à allemandes, ils sont condamnés à mort et ont été
la République que souhaite faire disparaître le exécutés le 8 février 1943.
Du fait de l’insouciance et de l’état d’es-
régime de Vichy, parce qu’ils vivent particulière- prit contestataire qui peuvent la caractériser, Une importante organisation de Résistance se
ment mal les mesures du nouveau régime au sein la jeunesse qui retrouve les bancs de l’école constitue dans les lycées parisiens : le corps franc
du système scolaire, parce qu’ils sont parmi les ou de l’université en septembre-octobre 1940 Liberté, dont plus d’une centaine de membres
premiers touchés par les mesures d’épuration au est sans doute l’une des premières catégories quitte la capitale à l’annonce du débarquement,
sein de la fonction publique, les enseignants consti- à exprimer ouvertement son rejet de l’occupa- le 6 juin 1944, pour rejoindre les maquis de
tuent un vivier important pour une résistance qui se tion allemande au sein de la société française. Sologne et participer à la lutte armée. 41 d’entre-
développe dès les premiers mois de l’Occupation. Dans tous les départements, les préfets se font eux tombent sous les balles allemandes le 10 juin
Nombreux sont les enseignants qui ne cachent pas l’écho dans leurs rapports des petits gestes de 1944 alors qu’ils ont été découverts dans des
auprès de leurs élèves leur opposition au régime défi et de révolte (graffitis sur les murs, diffu- fermes près de La Ferté Saint-Aubin. D’autres
de Vichy, ainsi Jean Guéhénno ou Pierre Favreau, sions de tracts fabriqués de façon artisanale, seront déportés et mourront dans les camps nazis
tous deux professeurs au lycée Louis-le-Grand. imprécations et quolibets lancés à l’égard des comme François Bayet (1926 -1945).
Cette opposition se manifeste jusqu’au plus Allemands ou des partisans de la collabora- Nombre de lycéens, élèves des classes
haut niveau de la hiérarchie par la réaction de tion) qui se multiplient dans les lycées lors des préparatoires, étudiants et enseignants se sont
l’inspecteur général de l’Instruction publique semaines qui suivent la rentrée scolaire. enfin engagés dans la France libre, à l’exemple
Gustave Monod, qui refuse d’appliquer le statut
Paris n’échappe pas à la règle, d’autant que d’Yves Guéna, Émile Chaline12 et André Quélen,
des Juifs du 3 octobre 1940 8. Il est bien le seul.
s’ajoute aux lycéens une population étudiante anciens condisciples au lycée de Brest,
Le milieu des enseignants, chercheurs et univer- importante. En octobre 1940, les Renseignements d’Hubert  Germain, de Léon Bouvier ou de
sitaires fournit cependant quelques-uns des pion- généraux observent la progression d’un climat Marie Schnir (1907-1972), agrégée d’histoire-
niers de la Résistance en région parisienne, comme frondeur à la Sorbonne, où les cours ont repris. géographie, directrice du lycée de jeunes filles
le montrent l’exemple de Raymond Burgard, Cela se traduit par des lancers de tracts, des du Havre (septembre 1940-septembre 1941), qui
professeur de français au lycée Buffon, l’un des inscriptions sur les murs, des papillons laissés servit au Commissariat à la Justice et à l’Instruction
créateurs du mouvement Valmy, ou celui du réseau dans les livres de la bibliothèque universitaire publique, à Londres, après son évasion de France
qui se constitue au sein du musée de l’Homme qui dénoncent la présence allemande. Les inci- par l’Espagne. La création de l’École des Cadets
autour des enseignants-chercheurs Boris Vildé dents se multiplient au Quartier latin entre soldats de la France libre, la lutte contre Vichy pour le
et Anatole Letwisky. Nommé professeur à la allemands et étudiants amenés à se croiser et à contrôle des lycées français à l’étranger, la parti-
Sorbonne en mars 1941 après un passage à fréquenter les mêmes lieux. Le 25 octobre, à la cipation de la France libre aux discussions inter-
l’université de Strasbourg replié à Clermont, faculté de médecine, la présence de trois officiers nationales en matière d’éducation, avec le rôle de
Jean Cavaillès devient l’un des dirigeants du mou- allemands à un cours provoque le départ des étu- Louis Gros, agrégé d’histoire, constituent autant
vement Libération-Nord, tandis que Lucie Aubrac, diants. La même scène se produit le 7 novembre d’initiatives.
agrégée d’histoire-géographie devient une respon- à la Sorbonne. Des accrochages dans des cafés
sable de Libération-Sud. du Quartier latin entre étudiants et membres des
Focus
En zone Sud, des enseignants jouent égale- forces d’occupation entraînent également la
ment un rôle important dans la constitution des fermeture des établissements concernés, notam- • U n événement : la manifestation
mouvements qui émergent en 1940  -1941. Le ment deux hauts lieux de la vie étudiante à Paris, du 11 novembre 1940.
mouvement Liberté fondé par François de Menthon, le Café  d’Harcourt, place de la Sorbonne, • U n établissement : le lycée Lalande,
professeur de droit et d’économie à Lyon, recrute et les cafés Dupont-Latin et Capoulade. seul lycée décoré de la médaille de la Résistance.
dans le milieu universitaire (Pierre-Henri Teitgen, • P ortraits : les cinq martyrs
La manifestation des lycéens et étudiants du lycée Buffon/Jacques Lusseyran.
René Courtin, Marc Bloch …). Des enseignants parisiens sur les Champs-Élysées le 11 novembre
du secondaire sont les animateurs locaux de ces • U ne organisation : le corps franc Liberté/
1940, alors que toute commémoration de
organisations clandestines : Martial Brigouleix, le mouvement Défense de la France.
l’armistice est interdite, constitue la première
professeur de français et d’histoire géographie • U ne singularité : résister à l’école, en Alsace
forme de manifestation collective contre l’occu-
à Tulle au sein de Combat en Corrèze avec et en Moselle incorporées au Reich.
pant et, selon le général de Gaulle, de résistance
Edmond Michelet, ou Jean-Jacques Chapou, pro- et d’appui à son action. Elle entraîne une riposte
fesseur de lettres au lycée de Cahors, proche de très importante des Allemands et de Vichy.
Léon Jouhaux et responsable local de Libération. Le commandement allemand impose pendant plu- Une résistance du quotidien
En milieu rural, les instituteurs constituent sou- sieurs semaines la fermeture de tous les établis-
vent la cheville ouvrière des premiers groupes sements d’enseignement supérieur et demande Parce qu’ils sont du fait de leur statut par-
et noyaux de résistance. Leur rôle ne cesse de une reprise en main des lycées. Le gouverne- ticulièrement exposés aux différentes mesures
s’accroître au fur et à mesure que la résistance ment de Vichy relève de ses fonctions le recteur adoptées par le régime de Vichy ou l’occupant
se développe. Ils exercent souvent la fonction Gustave Roussy, qui n’a pas su empêcher la allemand, les établissements scolaires sont des
de secrétaire de mairie, ce qui leur permet de manifestation et le remplace à titre temporaire lieux où s’exerce également une importante résis-
fabriquer des faux papiers et de fournir aux clan- par Jérôme Carcopino qui conserve sa fonction tance « au quotidien » qui, sans passer par un
destins des tickets de rationnement. De nombreux de directeur de l’École normale supérieure11. engagement dans une organisation particulière,

5
n’en révèle pas moins un refus de s’accommo- secondaire constituent en fait deux filières civile et militaire (OCM), Les Cahiers de la Libéra-
der avec l’ordre nouveau. Des petits gestes, des parallèles. Réservé à une élite, l’enseignement tion pour Libération Sud, L’Université libre pour le
comportements et certaines formes de désobéis- secondaire, qui est payant et nécessite l’appren- Front national ou La Revue libre pour Franc-Tireur.
sance développées par les enseignants dans le tissage du latin permet seul l’accès au bacca- À partir de l’été 1942, la création d’organes
cadre de leur métier permettent de manifester lauréat et à l’université. Réservé aux meilleurs communs à l’ensemble de la Résistance facilite
un désaccord avec la politique de Vichy. Parmi élèves du primaire après l’obtention du certi- la diffusion de ces débats.
les attitudes les plus répandues figure le refus de ficat d’études, l’enseignement primaire supé- La fondation, en juillet 1942, sous l’impul-
s’associer au culte de la personnalité rendu à rieur (EPS) permet l’accès à certains concours sion de Jean Moulin, du Comité général d’études
Pétain en ne faisant pas chanter Maréchal nous et aux écoles normales, mais pas à l’université. (CGE) joue un rôle décisif en ce sens. Le CGE dis-
voilà par les élèves ou en décrochant les portraits Du fait de programmes différents entre l’EPS et les pose de sa propre revue, Les Cahiers politiques,
du chef de l’État. lycées, il n’existe enfin pas de passerelles entre animée par Marc Bloch, qui ont pour mission de
Les persécutions raciales n’épargnent pas les deux. collecter les propositions de la Résistance inté-
l’École, bien au contraire. En France, on compte À Londres, dès l’été 1940, de Gaulle confie rieure pour l’après-guerre et d’en proposer des
10 000 enfants et jeunes de moins de dix-huit ans la responsabilité des « questions intellectuelles synthèses à Londres.
sur 76 000 déportés, du printemps 1942 à et juridiques » au juriste René Cassin. Lors de la On retrouve chez les résistants de l’intérieur
l’été 1944. C’est dans le contexte de la persécu- formation du Comité national français (CNF), en la même volonté que chez les Français libres
tion des Juifs et des rafles qui se mettent en place septembre 1941, ce dernier prend la charge d’un d’engager un processus de démocratisation de
dans tout le pays à partir de 1942, et n’épargnent Commissariat à la Justice et à l’Instruction l’enseignement secondaire en sorte qu’émergent
plus les enfants, que les établissements scolaires publique. En décembre  1941, un nouveau de son sein des élites puisées dans les racines
deviennent des lieux importants du « sauvetage ». pas est franchi avec la constitution de quatre populaires de la nation. Cette idée se lit dans le
commissions pour l’étude des problèmes de programme commun adopté en mars 1944 par
Alors que de nombreux enfants juifs sont l’après-guerre16. Sous l’autorité de René Cassin,
hébergés avec l’aide de l’Œuvre de secours aux le Conseil national de la Résistance (CNR) qui
voit ainsi le jour une Commission d’études des proclame « la possibilité effective pour tous les
enfants (OSE) notamment, des écoles acceptent problèmes intellectuels et de l’enseignement.
de les scolariser pour leur permettre de conti- enfants français de bénéficier de l’instruction et
Présidée par Joseph Cathala, professeur de
nuer leurs études. Les enfants sont scolarisés soit d’accéder à la culture la plus développée, quelle
chimie à l’université de Toulouse avant la guerre,
par détachement d’enseignants, comme c’est que soit la situation de fortune de leurs parents,
la commission travaille de juillet 1942 à juillet 1943.
le cas pour la maison d’enfant de Masgelier afin que les fonctions les plus hautes soient réelle-
À Alger, après la formation du CFLN en 1943
dans la Creuse, soit par l’accueil dans les ment accessibles à tous ceux qui auront les capa-
est créée, sous l’autorité de René Capitant, com-
classes existantes (comme à Chabannes dans cités requises pour les exercer et que soit ainsi
missaire du CFLN à l’Éducation nationale, une
le même département). À la fin de 1942 les promue une élite véritable non de naissance,
commission de réforme de l’enseignement. Cette
dirigeants de l’OSE choisissent de disperser mais de mérite et constamment renouvelée par les
commission, présidée par l’historien Marcel Durry
les enfants regroupés dans les maisons afin de apports populaires ».
est composée essentiellement d’enseignants et
leur permettre d’échapper aux rafles. Des col- de chercheurs (Francis Perrin, Louis Gernet ou Chez les résistants de l’intérieur se lit enfin
lèges et lycées dotés d’un internat accueillent Henry Laugier). Elle se réunit de mars à août 1944 17. la volonté de promouvoir de nouvelles méthodes,
dans la Creuse de nombreux enfants juifs au profit d’une pédagogie active défendue
cachés par le réseau Garel. Ce fut le cas à Parmi les projets développés par la France
notamment par Marc Bloch pour mettre fin au
La Souterraine où le directeur, J.-B. Robert a été libre figure celui, totalement révolutionnaire pour
« bachotage » et à des enseignements trop
reconnu « Juste » mais aussi à Bourganeuf, au l’époque, de créer une « École unique » et de
rendre obligatoire et d’unifier l’enseignement théoriques, comme en témoigne son article
collège d’Aubusson, au lycée de Guéret 13. « Sur la réforme de l’enseignement » publié dans
secondaire. Les réformateurs de la commission
Cathala l’expriment avec clarté en avril 1942 : Les Cahiers politiques, dont il est rédacteur en
« Par expérience, nous avons la conviction que tous chef, en juillet 1943. C’est le même Marc Bloch
Focus qui, alors qu’il est un des chefs de la Résistance,
• Gabrielle Perrier, l’institutrice d’Izieu. les enfants peuvent suivre des études secondaires ».
Le primaire devenait l’antichambre du secondaire. écrit sur le latin en classe, quelques mois avant
• Le lycée de La Souterraine, lieu de sauvetage d’être fusillé 18.
des enfants juifs en Creuse. Le rapport de la commission Durr y
• Les actions résistantes des lycéens d’août 1944 trace l’ébauche d’une vaste révo-
et des enseignants et les risques encourus : lution du système éducatif : âge de l’obligation Focus
focus sur des déportés ou sur des lycées victimes scolaire porté à 16 ou 18 ans ; gratuité totale de • Les Cahiers de l’OCM.
de rafles.  l’enseignement public ; unification des lycées, des • Le Comité général d’études (CGE) du CNR.
• Résister à l’école, dans l’Empire/ écoles primaires supérieures et des cours complé-
dans les établissements d’enseignement français mentaires ; suppression des barrières propres à
l’enseignement secondaire traditionnel (« petites L’École de la France libérée
à l’étranger.
classes  » des lycées, examen d’entrée en
sixième, examen des bourses, latin obligatoire). Libérer la France, est-ce libérer l’École ?
Le baccalauréat fait l’objet de débats passion- La Libération n’accouche pas forcément des
■ Penser l’École nés, entre ceux qui proposent de le supprimer de réformes qui avaient été envisagées par les résis-
façon à étendre à l’université la démocratisation tants, dans la France libre ou à l’intérieur. Elle se
des lendemains
14
programmée et ceux qui, plus prudents, enten- déroule aussi dans un cadre de structures sco-
daient simplement le réformer, en introduisant la laires qu’il convient de replacer dans un temps
L’École de la France libre  prise en compte du contrôle continu. La commis- plus long. Elle se déroule enfin dans un contexte
sion laissa cette épineuse question de la réforme d’épuration de la fonction publique 19.
La France libre s’est conçue très tôt comme du baccalauréat en suspens. La Libération se déroule, pour la France
le gouvernement légitime de la France. Il était et pour l’essentiel d’août-septembre 1944 à
normal qu’elle développât des structures de Focus mai 1945, le Comité français de la Libération
réflexion sur l’avenir de la France et les réformes • Enseignement primaire et enseignement secondaire : nationale (CFLN) est mis en place le 3 juin 1943
à engager dans le milieu scolaire. Comme du deux filières parallèles et socialement marquées et le Gouvernement provisoire de la République
côté de Vichy, la France libre considérait, elle à la veille de la guerre. française (GPRF) le 3 juin 1944. La période de
aussi, que la défaite de 1940 n’était pas qu’une « gouvernement » du général de Gaulle dure
• L a commission Cathala/ la commission Durry.
défaite militaire, mais révélait également une donc ensuite moins de deux ans. Mais elle est
• Portraits : René Cassin, René Capitant.
désagrégation profonde de la nation et de ses importante dans bien des domaines comme
valeurs. L’École devait donc dans un tel contexte en témoignent les réformes de structures à un
constituer l’instrument du redressement15. Au-delà L’École de la Résistance  moment où la France est encore en guerre, où
d’un constat similaire, les solutions envisagées à la refonte d’une Armée semble plus urgente que
Londres étaient totalement opposées à la poli- La Résistance intérieure conduit également celle de l’École 20, où à Sétif, au Liban ou en Indo-
tique réactionnaire développée par Vichy. une importante réflexion sur les réformes à mener chine des incendies font rage. Refaire l’Armée et
Les Français libres n’accusent en effet pas à la fin de la guerre dans le domaine scolaire. rétablir l’ordre, donc. Il n’empêche : de 1940 à
les réformes du Front populaire et les premières La presse clandestine est le lieu naturel et privilé- 1944, durant les jours les plus sombres comme
mesures de démocratisation de l’École d’être gié de la présentation des débats intellectuels de les plus glorieux, en France comme hors du terri-
responsables de la défaite, mais considèrent à la Résistance. Dès 1942, la plupart des grands toire national, des patriotes de tous bords n’ont
l’inverse nécessaire d’aller encore plus loin en mouvements de Résistance disposent, à côté de jamais cessé de penser à l’École des lendemains.
supprimant progressivement le caractère élitiste leur périodique principal, de revues clandestines, Elle est présente à la Libération.
et le recrutement « bourgeois » de l’enseignement le plus souvent d’une haute tenue intellectuelle, La question scolaire est posée à la fois par la
secondaire. Au cours de l’entre-deux-guerres, consacrées aux questions culturelles et poli- France libre, par la France combattante, par la
l’enseignement primaire et l’enseignement tiques : ainsi Les Cahiers pour l’Organisation Résistance intérieure et développée par des textes

6 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


issus de commissions, de groupes d’études et de À la Libération se font jour et s’opposent cepen- La plupart des projets de réformes sur
rapports. Les débats intellectuels qui ont eu lieu dant des stratégies politiques marquées par la démocratisation et la mise en place d’une
pendant la guerre, marqués à la fois par le trau- un dissensus croissant 23. La laïcité, la réforme école unique sont repris dans le rapport de la
matisme de la défaite, l’inadaptation de l’École scolaire et la question de l’enseignement privé commission Langevin - Wallon qui travaille du
de la IIIe République et de son enseignement trop traversent les positions divergentes des partis, 8 novembre 1944 au 19 juin 1947 29. Si le
abstrait et la nécessité d’une réforme de l’ensei- du tripartisme de 1945 à la troisième force de rapport est rejeté en 1947 dans un contexte
gnement révèlent des éléments de convergence. 1947 24. de guerre froide naissante, il n’en reste pas
La question semble bien recouper celle de la La France libre fait preuve d’une autre moins un texte de référence, en creux comme
continuité de l’avant et de l’après, de Jean Zay audace 25. Autour de la question décidément cen- en relief, qui pourra inspirer certaines réformes,
à 1945, et s’articule autour de deux grands trale des élites et de leur rôle se trace une ligne de des années 1950 jusqu’aux années 1970. C’est
moments : le Front populaire et l’immédiat après- partage. Pour les résistants, il faut les renouveler, également dans l’esprit de l’École de la Libéra-
guerre. Quelle est la part relative de la France pour les Français libres, il faut les ouvrir. Le général tion qu’on peut évoquer celles qu’entreprend le
libre et de la Résistance dans les réformes de de Gaulle l’écrit : « Plus que jamais, il me fallait général de Gaulle dès 195830.
la Libération ? Quelle est la postérité de cette donc prendre appui dans le peuple, plutôt que
période courte et intense, qui s’ouvre en 1940 dans les “élites” qui entre lui et moi tendaient à
avec le traumatisme de la défaite, culmine de s’interposer ». Les opposant, de Gaulle ajoute que Focus
septembre 1944 à janvier 1946 et semble s’arrê- « jamais la masse des Français ne tint la défaite • Le rapport Langevin-Wallon.
ter avec le départ du général de Gaulle ? Quelle pour acquise 26 » . Le sujet vient évidemment • Portraits de quelques résistants qui deviennent des
est la réalité d’un « banc d’essai » du gaullisme achopper sur celui des études longues : pour les acteurs des évolutions scolaires après la guerre : ex.
de l’immédiat après-libération du territoire ? Français libres, l’élitisme républicain ne suffit pas. l’inspecteur général Louis François 31 et l’inspecteur
Une réflexion l’emporte sur les autres : mal- L’attitude des corps intermédiaires est mise en cause. général Gustave Monod, directeur de l’enseignement
gré les réformes entamées par le Front populaire, Un lien direct et indispensable entre le peuple et du second degré au sein du ministère.
l’École n’est pas assez démocratique. Surtout, des ses élites doit passer par une refonte de l’École ! • F ormer des élites au service de l’État : la création de
élites mal éduquées ont failli, même si les fils ont De ce point de vue, des réformateurs d’Alger l’École nationale d’administration en 1945.
pu racheter les fautes de leurs pères, en particulier au GPRF de Paris, les sujets ne manquent pas : • H istoire et mémoires de l’École : enquêtes dans les
dans la France libre 21. Démocratiser l’École, c’est la formation des maîtres, le lycée comme établissements scolaires, plaques commémoratives
la rendre plus ouverte et méritocratique, comme épicentre de l’École, la démocratisation et cérémonies, associations d’anciens élèves et
l’écrit le CNR 22. Former les élites, c’est tout comme finalité. d’enseignants…
l’objectif des inspecteurs généraux de l’Instruction On y retrouve d’authentiques et audacieux
publique Gustave Monod et Louis François. réformateurs : René Capitant, ministre de l’Édu- L’École, celle des jours sombres jusqu’aux
Mais l’« audace réformatrice » n’est pas la cation nationale du GPRF, Gustave Monod, lendemains de la Libération pose encore, à
même chez tous. Les résistants de l’intérieur sont directeur de l’enseignement du second degré l’École d’aujourd’hui, des questions toujours
partisans d’une réforme radicale, mais leurs de 1944 à 1951 27, Louis François. Ce dernier actuelles. C’est dans ce dialogue du passé au
projets se révèlent in fine plus modérés que réalise une synthèse de l’École, de la Libération présent et du présent au passé que notre École
ceux de la France libre… La condamnation du et de la République. Officier sous les ordres du peut rendre hommage à l’École de la France
bachotage ne va pas jusqu’à l’anti-intellectua- général de Gaulle à la 4e division cuirassée libre, de la Résistance et de la Libération.
lisme. Ce n’est pas parce que Vichy a dévoyé de réserve en mai-juin 1940, il est résistant
l’État qu’il faut s’en passer. L’Éducation doit être du réseau Confrérie Notre-Dame, déporté.
nationale et l’École doit être publique. Des textes Inspecteur général de l’Instruction publique en Tristan Lecoq
de la Résistance intérieure, c’est cependant une 1945, il introduit dans les années qui suivent
forme de prudence qui émerge, ce qui permet l’instruction civique, jusque-là réservée à l’école Inspecteur général (histoire-géographie)
d’éluder les questions les plus fondées : laïcité, élémentaire, dans l’enseignement secondaire 28. Président du collège national
école unique, avenir de l’enseignement supérieur. Pour former les élites à la République ! des correcteurs du CNRD 32

1.  Pour une lecture d’ensemble de la période, Tristan Lecoq et Laurent 5 000 lycéens et étudiants sur 50 000, soit 1/10 des effectifs de l’époque. 23. Isabelle Clavel, « Réformer l’École après 1944 : du consensus au dissen-
Douzou (dir.), Enseigner la Résistance, Paris, Canopé, 2016  ; Sébastien Rapporté aux effectifs d’aujourd’hui, soit 200 000 collégiens et lycéens et sus entre la SFIO et le MRP » Histoire@Politique. Politique, culture, société,
Albertelli, Julien Blanc et Laurent Douzou, La Lutte clandestine en France. 300  000  étudiants, ce chiffre donnerait 50  000 manifestants, en pleine Paris, n° 18, septembre-octobre 2012.
Une histoire de la Résistance 1940-1944, Paris, Seuil, La Librairie du Occupation. 24. Les débats de la commission Philip, réunie le 6 novembre 1944 pour
XXIe siècle, 2019 ; Fabrice Grenard, Le Choix de la Résistance, Paris, PUF, 2021 12. Élève en classe préparatoire à l’École navale, Émile Chaline rejoint Londres étudier le problème des écoles publiques et privées, en sont un témoignage.
et, pour l’histoire de l’École, Jean-François Condette, Jean-Noël Luc et quelques jours après l’appel du 18 juin. Élève officier des Forces navales fran- Sur ce point, on lira Antoine Prost, « La commission Philip sur la laïcité »
Yves Verneuil, Histoire de l’enseignement en France XIXe-XXIe siècle çaises libres (FNFL), il fait carrière dans celles-ci puis dans la Marine nationale. in Christian Chavandier et Gilles Morin (dir.), André Philip, socialiste,
(chapitre 9 « L’École dans la Seconde Guerre mondiale.1939-1945 », Paris, Il quitte le service armé en 1981 comme vice-amiral d’escadre. patriote, chrétien. Colloque « Redécouvrir André Philip » tenu à l’Assemblée
Armand Colin, 2020, p. 205-215. 13. Le sauvetage des enfants juifs de France. Actes du colloque de nationale les 13 et 14 mars 2003, Paris, Comité pour l’histoire économique
2. Sur le déplacement et l’accueil des Alsaciens dans le Sud-Ouest de la Guéret, 29 et 30 mai 1996, Association pour la recherche et la sau- et financière de la France, 2005.
France Shannon L. Fogg, The Politics of Everyday Life in Vichy  France : vegarde de la vérité historique sur la Résistance en Creuse, 1998. 25. Jean-François Muracciole, « La Résistance, l’éducation et la culture » in
Foreigners, Undesirables and Strangers, Cambridge University Press, 2011. Pour une approche générale des stratégies de sauvetage des Juifs en Tréma 12/13 2010.
3. Le nombre de bacheliers en 1939 est de 27 000, soit 8 % de la tranche France, Jacques Semelin, La Survie des Juifs en France 1940-1944, 26. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome 3, « Le Salut 1944-1946 »,
d’âge correspondante de la population française. Paris, CNRS éditions, 2018. Paris, Plon, 1954, p. 592.
4. Matthieu Devigne, L’École des années noires. Une histoire du primaire en 14. La thèse de Jean-François Muracciole « Les projets de la France libre 27. Rémy Handourtzel, « Gustave Monod à la tête de l’enseignement du se-
temps de guerre, Paris, PUF, 2018. et de la Résistance en matière d’éducation (enseignement, jeunesse, sport, cond degré  » Les Cahiers de l’animation 1986 IV, V numéro 57/58, Paris,
5. Rémy Handourtzel, Vichy et l’École 1940-1944, Paris, Noêsis, 1997 et Ju- culture) 1940-1944 » soutenue en 1995 à l’université Lille III est une source 1986. Gustave Monod connaîtra de 1947 à 1951 cinq ministres de l’Éducation
liette Fontaine « Réformer l’École sous Vichy. Changements et permanences essentielle pour traiter de l’ensemble du sujet. Elle est publiée sous le titre nationale.
de l’institution scolaire dans la France occupée (1940-1944) », in Éducation Les Enfants de la défaite  : la Résistance, l’éducation et la culture, Paris, 28. C’est la circulaire du 10 mai 1948 qui développe ses conceptions d’une
et sociétés, n° 36/2015/2, Paris, 2015. Presses de Sciences Po, 1998. formation à la vie civique de la communauté politique des lycéens, futurs
6. L’agrégation de géographie est créée en 1943. Sur l’histoire de la géo- 15. L’ouvrage de Marc Bloch L’Étrange Défaite, Paris, Gallimard, 1990 citoyens. C’est en 1959 que Louis François, membre du cabinet de son ami
graphie entre 1939 et 1945, voir Nicolas Ginsburger, Marie-Claire Robic et montre bien la façon dont le traumatisme de 1940 provoque une réflexion, André Boulloche, compagnon de la Libération et ministre de l’Éducation natio-
Jean-Louis Tissier (dir.), Géographes français en Seconde Guerre mondiale, chez les résistants, sur l’École et sa réforme. nale du général de Gaulle, obtient que soit confié aux professeurs d’histoire
Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021. 16. Décret du 2 décembre 1941, Journal officiel de la France libre, 20 jan- et de géographie l’enseignement de l’instruction civique. C’est à ce moment
7. Sur la Révolution nationale à l’École, Rémy Handourtzel, « Vichy ou l’échec vier 1942, p. 2. que sont dessinés les premiers contours d’un concours de la Résistance.
de l’école nationale (été 1940-été 1944) » in Benoît Falaize, Charles Heimberg 17. Arrêté du 21 janvier 1944, Journal officiel de la République française 29. Arrêté du 8 novembre 1944 portant création d’une Commission d’études
et Olivier Loubes (dir.), L’École et la nation, Paris, ENS éditions, 2013. (Alger), 29 janvier 1944, p. 88. pour la réforme de l’enseignement Journal officiel de la République
8. Tristan Lecoq, «  Gustave Monod  : l’inspecteur général qui a dit non  » 18. Marc Bloch, capturé dans la nuit du 8 mars 1944, est emprisonné à française, 10 novembre 1944, p. 1268.
in L’Histoire, n° 357, octobre 2010. Montluc et fusillé le 16 juin par les Allemands. 30. Pour une lecture de cette période, on lira Serge Berstein, Pierre Birnbaum
9. Fabrice Grenard, «  Les instituteurs dans les maquis  » in Le Maitron, 19. François Rouquet, «  Mon cher Collègue et Ami  ». L’épuration des et Jean-Pierre Rioux (dir.), De Gaulle et les élites, Paris, Éditions La Découverte,
janvier 2018. universitaires (1940-1953), Rennes, PUR, 2010. 2008 (Bruno Poucet, chapitre 8, « Les cadres de l’Éducation nationale et les
10. Fabrice Grenard, Une légende du maquis. Georges Guingouin, du mythe 20. Tristan Lecoq, «  Refaire l’Armée française (1943-1945)  : l’outil mili- ambitions gaulliennes de réforme pour l’école et l’université » p. 128-142).
à l’histoire, Paris, Vendémiaire, 2014. taire, l’instrument politique, le contrôle opérationnel » in Guerres mondiales 31. Jean-Paul Martin, Nicolas Palluau (dir.), Louis François et les frontières
11. Maxime Tandonnet, 1940. Un autre 11 novembre, Paris, Tallandier, et conflits contemporains, n° 257, janvier-mars 2015, Paris, Presses univer- scolaires, Rennes, PUR, 2014.
2009 et Alain Monchablon, « La manifestation à l’Étoile du 11 novembre sitaires de France, avril 2015. 32. Cette note de cadrage n’aurait pas été possible sans le remarquable
1940. Histoire et mémoires  », in Vingtième siècle. Revue d’histoire, 21. Jean-François Muracciole, Les Français libres. L’autre résistance, Paris, travail préparatoire accompli par Fabrice Grenard, agrégé et docteur en
2011/2, n° 110, p. 67-81. Sur le rôle de l’historien Jérôme Carcopino Tallandier, 2009. histoire, directeur historique et chef du département recherche et
au cours de la période, Stéphanie Corcy-Debray, Jérôme Carcopino, 22. Claire Andrieu, Le Programme commun de la Résistance. Des idées dans pédagogie de la Fondation de la Résistance. Qu’il reçoive l’expression de ma
un historien à Vichy, Paris, L’Harmattan, 2003. La manifestation rassemble la guerre, Paris, Éditions de l’Érudit, 1984. reconnaissance. Cette note n’engage par ailleurs que son signataire.

7
1 re partie

DR
Une école de garçons de la région parisienne en 1943.
Mairie et école de garçons de Sainte-Marguerite-sur-Duclair
Mairie et école de garçons de Sainte-Marguerite-sur-Duclair (Seine-Inférieure) vers 1930.
(Seine-Inférieure) vers 1930.
©Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation

l’ÉCOLE DES années SOMBRES


Élément incontournable du « modèle républicain » et vecteur d’enracinement de ses valeurs depuis la fin du xixe siècle,
l’institution scolaire subit de plein fouet les événements tragiques de l’année 1940. L’École doit s’adapter aux conséquences de
la guerre et de l’Occupation tandis que le régime de Vichy souhaite la transformer profondément dans le cadre de sa politique
dite de Révolution nationale.

L’ÉCOLE À LA VEILLE DE LA GUERRE


La révolution scolaire des années 1880 Un accès limité que tous les enfants passent par les écoles
avec les lois Ferry instaurant une école communales jusqu’à 12 ans avant d’être
« gratuite, laïque et obligatoire » a pro-
à l’enseignement répartis ensuite selon leurs résultats entre
fondément changé la société française secondaire différents établissements de l’enseigne-
en supprimant l’illettrisme, en dotant ment secondaire. Ils appellent donc de
tous les élèves d’un savoir élémentaire et Parce qu’il reste payant et particulière- leurs vœux la suppression du fossé entre
en favorisant une plus grande mobilité ment élitiste (du fait notamment de l’ensei- primaire et secondaire. Ils souhaitent éga-
sociale. gnement du latin), l’enseignement secon- lement que les diplômes de l’enseignement
En dépit de ces avancées, de nombreux daire n’est accessible qu’à une minorité primaire supérieur (brevet supérieur, cer-
conservatismes se maintiennent. Dans issue des classes les plus aisées. Les bons tificat d’aptitudes à l’enseignement pour
une société encore profondément rurale, élèves des milieux modestes qui souhaitent devenir instituteur) puissent bénéficier
le calendrier scolaire dépend toujours poursuivre après le certificat d’études d’une équivalence avec le baccalauréat
des travaux des champs et de la mois- entrent dans l’enseignement primaire supé- afin d’élargir l’accès à l’université. Les
son, ce qui explique une rentrée tardive, rieur ou technique. Les meilleurs d’entre « classiques » au contraire, qui sont très
début octobre. L’école n’est obligatoire eux deviendront instituteurs, employés de attachés à l’élitisme et craignent qu’une
que jusqu’à 13 ans (14 ans à partir de la fonction publique ou seront ingénieurs trop forte ouverture de l’université ne se
1936) et la majorité des élèves la quitte diplômés d’une école technique, comme traduise par une baisse de la qualité des
donc très jeune pour entrer en appren- par exemple les Arts et Métiers. Mais l’uni- diplômes universitaires, souhaitent renfor-
tissage et trouver un travail qui permette versité leur reste inaccessible puisque seul cer la frontière entre l’enseignement pri-
de gagner son indépendance par rap- le baccalauréat permet d’y entrer. Ils ne maire et le secondaire.
port à sa famille ou bien de lui apporter pourront envisager les carrières qui néces- Cette opposition explique que les
un salaire supplémentaire. Si toutes les sitent un diplôme universitaire, notamment réformes destinées à ouvrir davantage
communes sont dotées d’écoles pri- celles de magistrat, médecin, professeur, l’accès à l’enseignement secondaire se
maires, les établissements du secondaire haut fonctionnaire, cadre en entreprise. heurtent à des blocages et pesanteurs
(collèges et lycées) restent beaucoup plus Seuls les enfants de la bourgeoisie ayant sociologiques. Une loi du 31 mai 1933
rares, limités dans la plupart des dépar- eu la possibilité de suivre des études adoptée par le gouvernement radical
tements aux préfectures. Cela oblige une secondaires y ont accès. d’Édouard Herriot étend la gratuité à la
majorité de collégiens et de lycéens à fré- classe de sixième. Mais les effets de cette
quenter les internats où les règlements et « Modernes loi sont limités avec la mise en place de
la discipline stricte se révèlent de plus en nouveaux barrages : création d’un exa-
plus inadaptés à l’évolution des mœurs
contre classiques » men d’entrée en sixième et réforme des
comme le dénonce le film de Jean Vigo Cette opposition entre un enseignement programmes dans un sens élitiste afin de
Zéro de conduite, réalisé en 1933 mais primaire de masse, obligatoire pour tous, refermer les possibilités d’accès aux masses
interdit jusqu’en 1946. L’École reste non et un enseignement secondaire totalement qu’attirait la gratuité. En 1938, à la veille
mixte, à tous les niveaux. Le concours de élitiste entraîne au cours de l’entre-deux- de la guerre, sur une population d’environ
recrutement pour l’enseignement secon- guerres un débat autour de « l’École 6 millions d’élèves, tous niveaux et tous
daire, l’agrégation, n’est pas le même unique » entre les « modernes » et les âges confondus, seuls 195 000 garçons
pour les hommes et les femmes. « classiques ». Les premiers souhaitent et filles fréquentent le lycée.

8 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Les instituteurs,

© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation


« hussards » de la République
À la veille de la guerre, les conflit mondial. Lorsque l’on y
instituteurs jouent un rôle fon- regarde de plus près, la réalité
damental au sein de l’École de l’engagement des institu-
et plus largement dans la teurs dans leur temps révèle une

Photo Tourte & Petitin


société française. Depuis autre histoire, celle de la Répu-
Charles Péguy dans L’Argent, blique et des républicains face
en 1913, la formule est deve- à la guerre et aux fascismes.
nue célèbre : les instituteurs Il faut avant tout dire avec
sont «  les hussards noirs  » Jean-Louis Crémieux-Brillhac Promotion d’élèves de l’école normale d’instituteurs à Douai (Nord) en 1939.
de la République, en première dans Les Français de l’an 40, Qualifiés par Charles Péguy au début du XXe siècle de « hussards » de la
ligne pour diffuser ses valeurs que, comme en 1914, les République, les instituteurs jouent un rôle considérable dans l’enracinement des
et la défendre en cas de maîtres et leurs élèves firent valeurs républicaines auprès de leurs élèves et plus largement dans la société
menace. la guerre sans faillir, tous les française de l’époque.
Si l’entre-deux-guerres confirme chiffres et tous les témoignages
largement le rôle social des concordent. Si on juge l’arbre instituteurs (SNI), qui représente et s’inscrit au cœur de la crise
instituteurs qui s’était affirmé de l’enseignement républicain plus des deux tiers des ensei- d’identité nationale identifiée
depuis la fin du xixe siècle, la à ses fruits, ce n’est vraiment gnants du primaire en 1938, par Pierre Laborie. Il recou-
période montre aussi une évo- pas de là que la défaite pro- affiche une ligne pacifiste qui vre cependant une attitude
lution importante de leur enga- vient. Pourtant, en 1940, lors- va jusqu’à voter en congrès commune en 1914 et en
gement puisqu’au patriotisme qu’il cherche à comprendre le principe – rituel dès avant 1939 : le patriotisme des institu-
fervent affiché avant 1914 a les raisons de la défaite, 1914 – de la grève générale teurs de l’école publique n’était
succédé dans leurs rangs un Marc Bloch doute lui aussi des face à la déclaration de guerre. pas guerrier, mais il a armé
profond pacifisme qui s’ex- « instituteurs, mes frères ». Le Mais que signifie ce pacifisme la défense de la démocratie
plique par la volonté de ne pas fait est que dans l’entre-deux- munichois du SNI ? Incontesta- républicaine dans les
revivre l’hécatombe du premier guerres le Syndicat national des blement, il a pesé dans l’opinion deux conflits mondiaux.

Jean Zay : un réformateur et précurseur


© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation

les réformes nécessaires pour Jean Zay soutient également jusqu’à son assassinat par
moderniser le système éduca- la création d’une école natio- la Milice en 1944. De fait,
tif. Il prolonge de 13 à 14 ans nale d’administration afin l’école de la Libération est
l’obligation scolaire par une de rendre l’accès à la haute fille de celle voulue par Zay,
loi du 9 août 1936. Il sou- fonction publique plus mérito- portée après la guerre par
haite encourager les pédago- cratique. Déposé en 1937, son équipe, Gustave Monod
gies nouvelles pour bâtir une ce grand projet de réforme en tête. Par son souci d’huma-
démocratie plus sociale. Ses du système éducatif apparaît nisme pédagogique et de
projets de réforme portent sur comme l’un des plus élaborés justice sociale, elle préfigu-
Jean Zay. la coordination horizontale de jamais conçus et l’un des plus rait non seulement le plan
l’enseignement en degrés, la démocratiques pour l’époque. Langevin-Wallon et les classes
Au lendemain de la victoire mise en place de programmes Repoussé par la commis- nouvelles, mais aussi ce que
du Front populaire, Jean Zay communs à toutes les classes, sion de l’enseignement de seront la structure et les prin-
est nommé le 4 juin 1936 à la création de classes de la Chambre des députés, il cipes de l’École républicaine
la tête du ministère de l’Édu- sixième  d’orientation pour ne peut cependant entrer en jusqu’à nos jours. En 2015,
cation nationale. Il reste à ce tous. Il propose de consacrer application. alors que l’ancien ministre
poste jusqu’à la déclaration plus de temps aux activités Arrêté après avoir embarqué à de l’Éducation nationale
de guerre, démissionnant culturelles et sportives. Tout ceci bord du Massilia fin juin 1940 entre au Panthéon, le pré-
pour ne pas échapper à la en limitant le nombre d’élèves pour gagner l’Afrique du sident Hollande insistera sur
mobilisation. Au cours de ses (25 pour la classe d’orienta- Nord, Jean Zay participe du le fait que : « Jean Zay, c’est
trois années à la tête du minis- tion) et en multipliant par cinq fond de sa prison aux projets la République. L’École de la
tère, Jean Zay tente d’impulser le budget des établissements. clandestins de l’École à venir, République ».

–— RESSOURCES NUMÉRIQUES  –—

L’exposition virtuelle sur Jean Zay réalisée lors de son entrée au Panthéon en 2015 aux côtés de Germaine Tillion,
Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Pierre Brossolette est disponible sur le Musée de la Résistance en ligne.

9
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES

L’ÉCOLE DANS LA DRÔLE DE GUERRE


La déclaration de guerre modifie profondément le quotidien des Français même si la
période dite de la drôle de guerre se caractérise par l’absence de combats d’enver-
gure jusqu’au 10 mai 1940. L’École n’échappe pas à ces nombreux bouleversements.

La mobilisation du pays en faveur Le déracinement est souvent difficile à


de l’effort de guerre perturbe la ren- vivre pour ces jeunes qui ont dû tout
trée scolaire d’octobre 1939. Il faut quitter et se retrouvent dans des régions
s’adapter au départ des enseignants rurales aux caractéristiques très diffé-
mobilisés pour le front, à la manifesta- rentes de l’Alsace-Moselle.
tion des premières pénuries provoquées De crainte que des bombardements ne
par l’état de guerre et qui peuvent por- ciblent la capitale, des mesures d’éva-
ter sur des produits indispensables à la cuation ont également été adoptées
vie quotidienne dans les écoles (papier, pour les enfants parisiens. Dès la fin
charbon), à la réquisition de certains août 1939, il fut décidé de maintenir en
bâtiments scolaires par l’autorité mili- colonies de vacances les petits Parisiens
taire pour les besoins de l’armée. ainsi que les instituteurs qui les accom-
pagnaient. Avant même que la guerre
ne soit déclarée, 38 000 enfants quittent
Déplacements

3282
Paris dans le cadre d’une évacuation

refitte 2 Fi
et déracinements encadrée et organisée à destination du
centre et de l’ouest de la France. Chaque

les de Pier
Des plans d’évacuation sont mis en enfant emporte avec lui un trousseau

municipa
place pour les populations les plus comportant le strict nécessaire.
vulnérables. Les évacuations les plus

Archives
importantes concernent les régions Des défis considérables
frontalières de l’Est, susceptibles de se
trouver sous le feu des combats dès le Pour la plupart de ces enfants, la ren- Affiche « Évacuation des Enfants » de la mairie
début du conflit. Trois cent soixante-dix trée scolaire s’effectue début octobre en de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis) du 28 août 1939.
mille Alsaciens et 160 000 Mosellans province. Elle constitue un défi consi- Cet avis offre la possibilité pour les familles de faire évacuer
sont déplacés en septembre  1939 dérable dans les départements d’ac- leurs enfants par le biais de l’institution scolaire.
pour être transférés dans les départe- cueil, où la population scolaire connait
ments du Sud-Ouest et du Centre. Des une véritable explosion. Au 25 sep- passée dans le Loir-et-Cher de 32 000
dispositions sont mises en place pour tembre 1939, pour le seul niveau à 53 000 enfants, dans l’Yonne de
que les enfants puissent être scolari- de l’enseignement primaire élémen- 35 000 à 50 000, dans la Nièvre de
sés dans les départements d’accueil. taire, la population scolaire est ainsi 30 000 à 48 000, dans la Charente

La Défense passive à l’école


La hantise des bombardements aériens pouvant se doubler d’une attaque par les gaz
amène le gouvernement à adopter des mesures de Défense passive (DP) pour protéger les
populations civiles. Ces mesures vont profondément modifier le quotidien des Français.
Pour se prémunir des raids nocturnes, ils doivent occulter les fenêtres de leur habitation
la nuit. Dans les villes, des abris sont installés dans des caves, des stations de métro et
l de l’Éducation

des souterrains réquisitionnés pour la circonstance tandis que des masques à gaz sont
distribués aux populations. Des membres de la DP reconnaissables à leur casque, à leur
brassard et à une musette contenant un masque à gaz sont chargés de faire respecter
– Le Musée nationa

le règlement dans leurs quartiers.


Ainsi, avant même le déclenchement des opérations militaires, la guerre fait son intru-
sion dans l’École. Dès la rentrée 1939, les élèves font connaissance avec les exercices
© Réseau Canopé

de la Défense passive. Dans les établissements scolaires, les enseignants simulent des
alertes pour rejoindre dans le calme les abris situés à proximité. On les entraîne aussi
au port du masque à gaz que les élèves gardent à portée de main toute la journée dans
leur étui métallique lourd et encombrant. En 1940, un manuel officiel, « rédigé par les
Alerte aux Avions !!.  Services de la Défense et de l’Éducation nationales » et illustré par Marcel Jeanjean,
Manuel officiel élémentaire de Défense est publié à l’attention des élèves et des maîtres des écoles primaires. À partir de
passive contre les attaques aériennes publié mai 1940 et jusqu’à la fin de la guerre, les alertes perturbent les cours surtout dans
chez Hachette en 1940, 32 pages. les grandes villes les plus exposées.

10 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Un établissement confronté à la guerre :
l’école normale de Bonneville

© Photographe inconnu/SCA/ECPAD/Défense/3 ARMEE 60 C 1328


L’état-major décide de faire de la petite
sous-préfecture de Bonneville en Haute-Savoie
un important hôpital militaire pour accueillir
les soldats malades ou blessés. Ce choix s’ex-
plique par plusieurs facteurs. La cité se trouve
dans une zone qui ne semble pas directement
menacée par les Allemands tout en étant faci-
lement accessible depuis les régions de l’Est

© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation


où stationne le gros des troupes françaises.
Son statut de sous-préfecture et la présence
de bâtiments publics importants permettent
La population de Thionville embarque à bord d’un train d’offrir les capacités d’accueil nécessaires. La
lors de l’évacuation de la ville en mai 1940. région de la vallée de l’Arve est considérée
comme propice au rétablissement des malades
de 37 000 à 60 000, dans la Vienne en raison de son climat, de ses sources
de 37 000 à 60 000 (essentiellement thermales, de la proximité de la station de
en raison de l’évacuation des popula- Saint-Gervais et du sanatorium de Passy.
tions alsaciennes pour ces deux derniers L’école normale de Bonneville est réquisi-
Alors que l’école normale de
départements). Pour accueillir ces nou- tionnée par l’armée pour servir de bâtiment
Bonneville est réquisitionnée par
veaux élèves de nombreux établissements principal au nouvel hôpital. Des médecins et
l’armée pour servir d’hôpital,
sont réquisitionnés afin de multiplier les infirmiers s’y installent dès les tout premiers
le dortoir destiné aux élèves
écoles improvisées. Des instituteurs retrai- jours de la guerre. Les dortoirs de l’école
internes est transformé en salle
tés sont mobilisés pour assurer les cours servent de chambres aux malades, le réfec-
médicalisée pour accueillir les
à la place des enseignants partis au toire devient leur cantine. L’amphithéâtre est
malades et les blessés.
front. C’est le cas de Berthe Auroy qui transformé et aménagé pour servir de salle de
quitte son domicile parisien et s’installe pansements. Le cabinet du directeur de l’école
à Chartres, où elle se voit confier la res- accueille les bureaux des administrateurs de l’hôpital. Aux enseignants
ponsabilité d’une classe primaire. Dans formateurs d’hier succède désormais une foule d’officiers, de gestionnaires,
certains départements de l’Ouest, comme de secrétaires et de dactylos qui ont pris possession des principales salles
le Maine-et-Loire, où l’enseignement libre de cours et des bureaux de l’école pour faire vivre le nouvel hôpital mili-
est important, les préfets demandent éga- taire. Cet hôpital complémentaire fonctionnera jusqu’aux événements de
lement à ce que des élèves de l’école mai-juin 1940. Privés de leur bâtiment d’accueil, le personnel et les élèves
publique, qui n’avaient pu être placés, de l’école normale doivent utiliser d’autres lieux et connaissent une année
puissent être exceptionnellement accueillis très perturbée.
dans le cadre d’écoles privées.

L’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand en septembre 1939


À la suite de l’évacuation de Strasbourg, son université, enseignants et étudiants,
reprend son activité dans les locaux de celle de Clermont-Ferrand. Dès la rentrée de
novembre 1939, à l’exception des mobilisés, les étudiants alsaciens et auvergnats
suivent ensemble les cours des professeurs des deux universités. Très rapidement,
l’entrée en vigueur de l’armistice et la nouvelle de l’annexion de fait des trois dépar-
tements de l’académie de Strasbourg posent la question de la survie de l’institution.
Archives départementales du Puy-de-Dôme, 302 Fi 24

Dès le mois de juillet, très discrètement, le gouvernement de Vichy refuse de recon-


naître cette annexion, qui n’est pas mentionnée dans la convention d’armistice.
Louis-Adolphe Terracher devient secrétaire général de l’Instruction publique à Vichy
tout en gardant ses fonctions de recteur de l’académie de Strasbourg. Ami personnel
du maréchal Pétain, partisan convaincu de la Révolution nationale, son patriotisme
anti-allemand ne fait pourtant aucun doute : il est le seul secrétaire général de Programme des cours pour l’année 1943-1944
ministère qui n’est pas autorisé à se rendre dans Paris occupé. À de très rares excep- de la faculté des sciences, université
tions, les enseignants et les étudiants d’origine alsacienne ou mosellane refusent le de Strasbourg et Clermont.
rapatriement. Ils sont rejoints par la majorité des démobilisés et par des camarades
qui réussissent à s’évader des départements annexés de fait. Les doyens de leurs
facultés, à travers la Commission des œuvres de guerre qui dispose de fonds abondants, versent des secours d’études et
prennent en charge une grande partie de la nourriture, de l’habillement et du logement. L’esprit de résistance de l’université
strasbourgeoise est meurtri par les rafles de 1943 et leur centaine de victimes.

11
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES

LA DÉFAITE, L’EXODE ET LES DÉBUTS DE L’OCCUPATION


La bataille de France qui débute le 10 mai avec l’offensive
allemande dans les Ardennes et se termine par le double armis-
tice signé avec l’Allemagne (22 juin) puis l’Italie (24 juin) inter-
vient en fin d’année scolaire. Les conséquences de la guerre sont

© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation


différentes selon les territoires. Dans les régions de l’Est et du Nord
où ont lieu les principaux combats, les cours sont la plupart du
temps interrompus. Les enfants sont très nombreux au sein des
convois de civils qui se développent sur les routes menant vers le
Sud, comme l’immortalise le film de René Clément, Jeux interdits
(1952) qui raconte l’histoire d’une petite fille devenue orpheline
sur les routes de l’exode. Vidant un tiers du territoire dans les deux
autres, ce gigantesque mouvement de population concerne entre
sept et huit millions de personnes. Les départements d’accueil sont
débordés par cet afflux de réfugiés. Dans les régions du centre
L’école de la Ziegelau à Strasbourg, après un bombardement.
et du sud de la France qui échappent aux combats, les classes
C’est dans le nord et l’est du pays que les bâtiments scolaires ont été
se maintiennent jusqu’à la fin de l’année scolaire en juin 1940.
les plus touchés par les combats.
La première rentrée scolaire par les événements des mois précédents et doivent souvent faire
face, comme leurs camarades de la zone occupée, à l’absence
de l’Occupation d’un père tué au combat ou fait prisonnier de guerre. Partout les
Après une interruption liée aux vacances d’été, la première enseignants doivent s’accommoder de cette situation nouvelle.
rentrée scolaire de l’Occupation s’effectue en octobre 1940 dans
un climat particulier. En zone occupée, la loi du vainqueur est L’adaptation nécessaire
partout visible et crée un sentiment d’humiliation. Le drapeau à
croix gammée flotte sur tous les bâtiments officiels réquisition-
aux pénuries et restrictions
nés par les Allemands. Certains bâtiments scolaires, comme L’institution scolaire doit également s’adapter aux pénuries qui
l’école normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris, font partie ne cessent de s’accroître dans tous les domaines et aux restric-
de ces réquisitions. L’heure allemande (en avance d’une heure tions qui touchent le papier. Le rationnement entre en vigueur sur
sur l’heure française) s’affiche aux horloges, la propagande de tout le territoire national en septembre 1940. Ses effets se font
l’occupant recouvre les murs, les panneaux indicateurs en langue rapidement sentir. Il entraîne une sous-nutrition chez les élèves
allemande se multiplient dans les grandes villes. du primaire et du secondaire qui appartiennent à la catégorie J,
L’absence des professeurs mobilisés en 1939 et faits prison- notamment dans les milieux les plus modestes n’ayant pas les
niers lors des combats de mai-juin 1940 provoque une atmos- moyens de recourir aux différentes formes de trafic et de marché
phère morne dans les écoles. Entraînés en zone Sud dans le noir qui permettent de compenser les insuffisances du rationne-
mouvement de l’exode en mai-juin 1940, de nombreux étudiants ment officiel. La crise du ravitaillement se répercute également
ou enseignants n’ont pas encore pu rentrer en zone occupée dans les cantines des internats, de plus en plus mal approvision-
car les Allemands n’autorisent les retours qu’à partir d’octobre nées. Enfin, les écoliers sont appelés, du fait de la pénurie, à se
de façon progressive. mobiliser en faveur de la communauté nationale en se livrant
En zone non occupée, si les choses peuvent apparaître moins collectivement à des collectes (marrons d’Inde) ou à la chasse
difficiles, les écoliers n’en restent pas moins profondément marqués aux doryphores.

Le baccalauréat 1940
Sous la IIIe République, à la suite d’une réforme introduite en 1874, le baccalauréat se
déroule en deux étapes. La première a lieu en classe de première et porte sur les matières
dites « nouvelles » (histoire-géographie, langues, sciences), la seconde en terminale avec
des épreuves de philosophie et de mathématiques. Depuis 1927, deux sessions existent
avec l’instauration d’un rattrapage en septembre. Les professeurs qui font passer l’examen
sont à la fois des professeurs d’université et du secondaire.
La session de juin 1940 du baccalauréat intervient alors que la défaite se transforme en débâcle.
© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation

Pourtant l’examen n’est pas supprimé et tout est fait pour que les épreuves soient maintenues. La
date du baccalauréat est avancée à la mi-juin et les épreuves sont décentralisées dans les régions
les moins touchées par les combats. Certaines épreuves se déroulent dans des endroits inhabituels
comme les caves des facultés. À partir du 17 juin, la plupart des épreuves qui devaient encore se
dérouler sont reportées. La session de septembre qui servait habituellement de rattrapage permet
de faire passer les dernières épreuves qui n’avaient pu avoir lieu en juin.
Diplôme du baccalauréat délivré à l’été 1940 par le Service central des examens
du baccalauréat de l’enseignement secondaire.

12 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Les enfants dans l’exode
La fuite soudaine de millions de personnes dans le cadre de
l’exode prend la forme d’un chaos indescriptible. Les familles

Coll. Palais Galliera, musée de la mode de la Ville de Paris


prennent la route comme elles le peuvent, en voiture pour les
plus aisées, en carriole, à vélo, à pied pour les autres. Dans
ce chaos, les gens se perdent de vue. Les plus jeunes, vite fati-
gués, sont remis entre les mains secourables de personnes véhi-
culées. Mais les camions et les voitures ne suivent pas toujours
les itinéraires prévus et les parents ne retrouvent pas facilement
leurs enfants. Des familles sont séparées par les mitraillages
des avions. Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir, témoigne dans
Premier combat (Éditions de Minuit, 1947, posthume) de l’arri-
vée de flots de réfugiés dans la ville de Chartres : « Il y a cent,
mille autres cas plus tristes. Des enfants perdus, des femmes à la Magazine Pour Elle n° 4 du 4 septembre 1940. Dès sa reparution, ce
recherche de leur mari. Un fils, une fille qui devaient rejoindre une magazine diffuse des avis de recherche d’enfants perdus pendant l’exode.
mère et qu’on attend vainement. Beaucoup de drames s’inscrivent
en graffiti naïfs sur les murs : “Nous sommes partis. Rendez-vous à paraître à la mi-août, publie des centaines de clichés d’enfants
à Orléans”, ou : “Avons perdu Robert. Allons à Poitiers…”, et retrouvés, dont l’âge varie entre quelques mois et 20 ans. Cette
bien d’autres. » rubrique demeure jusqu’au milieu de l’année 1941. À la rentrée
La Croix-Rouge estime à 90 000 le nombre d’enfants perdus au des classes 1940, les enfants perdus de l’exode viennent s’ajouter
cours de l’exode. Les services administratifs, largement désorga- à ceux qui, dans certaines régions, ont été évacués des grandes
nisés et dont l’action est paralysée, sont relayés dans la conduite villes et ne sont pas encore rentrés. Après août-septembre 1939,
des recherches par les radios et les journaux. Ces médias s’orga- les enfants de Paris et de sa banlieue sont par exemple à nouveau
nisent pour collecter des informations et servir de relais entre les per- évacués le 6 juin 1940. Ces absences contribuent au caractère
sonnes séparées. Le magazine féminin Pour Elle, qui recommence inédit et traumatique de cette période scolaire.

Des dessins d’enfants d’une école parisienne réalisés au retour de l’exode


Quelques mois après être revenues de fait don de ce fonds inédit de trois cents générale, les évacuations, les alertes lors
l’exode de juin 1940, des jeunes filles dessins à l’Institut pédagogique national, des bombardements entraînant la des-
d’une quinzaine d’années, élèves de aujourd’hui Munaé à Rouen. Outre l’exode, cente dans les abris puis la réalité des
cours complémentaire de l’enseignement sont également représentées les fêtes pénuries et du rationnement à partir de
primaire supérieur à Paris, sont invitées à patriotiques avant 1939, la mobilisation l’automne 1940.
dessiner ce qu’elles ont vécu depuis la fin
des années 1930. Elles sont encadrées
par une grande professionnelle de l’en-
seignement et de l’art, Adrienne Jouclard,
professeur de dessin et artiste-peintre, alors
proche de la retraite. Près de soixante-
dix élèves illustrent donc leur quotidien
avec une spontanéité et une authenticité
doublées d’une grande maîtrise technique.
Elles nous transmettent des représenta-
tions de leur départ entre le mois de mai
© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation

et la mi-juin 1940, du chaos ponctué de


drames régnant sur les routes, de leur arri-
vée en province puis du retour à l’automne
suivant, marqué par l’angoissant passage
de la ligne de démarcation. Ce grand
reportage collectif s’appuie sur des souve-
nirs datés et localisés. Certains dessins sont
accompagnés de paragraphes descriptifs.
Tous se singularisent par une grande diver-
sité de ton : légèreté, gravité, humour ou
tragédie. En 1957, Adrienne Jouclard Passage de réfugiés à Meillant (Cher), 17-19 juin 1940, dessiné par Germaine Niederlender,
élève de Mme Jouclard.

–— RESSOURCES NUMÉRIQUES  –—

Retrouver les dessins d’exode des élèves de Mme Jouclard dans le catalogue en ligne du Musée national de l’Éducation de Rouen.

13
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES

LA RÉVOLUTION NATIONALE À L’ÉCOLE


Pour le régime de Vichy qui s’installe à l’Éducation générale et aux Sports pour- Affiche de Alain Saint-Ogan
au lendemain de la défaite sous la direc- suit la politique mise en place sous le Front (octobre 1940) pour un
tion du maréchal Pétain, l’École constitue populaire visant à valoriser l’enseigne- concours scolaire, destiné à
un levier fondamental pour redresser le ment du sport à l’école. Mais c’est le sens mobiliser les écoliers autour
pays mais aussi contrôler la jeunesse. donné au sport qui évolue : celui-ci, en du maréchal Pétain.
À partir de l’automne 1940, l’École va développant le corps de la jeunesse, doit Celui-ci est symbolisé par les
vivre à l’heure de la Révolution natio- participer au redressement moral du pays. sept étoiles tandis que les enfants
nale symbolisée par la devise « Travail, Il doit aussi éloigner des loisirs futiles et de sont invités à dessiner la France
Famille, Patrie ». Le douzième article des l’alcoolisme. Vichy lance alors un vaste pro- rêvée par le régime de Vichy.
Ce type de concours est un
« Principes de la Communauté », sorte gramme, utopique et irréalisable visant à
moyen pour le régime, de se
de profession de foi de l’État français, construire un terrain de sport dans chaque
substituer aux enseignants
précise ainsi que l’« École est le prolon- commune. Dans les faits, le sport à l’école
soupçonnés d’avoir contribué
gement de la Famille ». engendre, chez les jeunes en pleine crois- à l’affaiblissement du pays.
Pendant quatre ans, de nombreuses sance, une dépense de calories difficile
directives sont imposées aux chefs d’éta- à compenser en ces temps de pénuries ;
blissement qui vont engendrer des rap- par ailleurs il accroît l’usure des semelles À l’occasion de la rentrée des classes 1942,
ports conflictuels continus entre les diffé- de chaussures devenues si rares que le maréchal Pétain visite l’école de la petite
rents ministres et le corps enseignant. En des mères de familles s’en indignent par commune de Lalizolle, près de Gannat (Allier).
effet, si dans l’ensemble les instructions des pétitions. Photographie de presse extraite de L’Illustration.
sont appliquées, d’ailleurs plus dans le
public que dans le privé, et davantage
en zone non occupée, quelques ensei-
gnants, par hostilité à la politique édu-
cative voulue par Vichy, s’y opposent.

© Réseau Canopé – Le Musée national de l’Éducation


Le Message aux Instituteurs, du 3 sep-
tembre 1942, dans lequel Pétain
compare le métier d’enseignant à celui
de militaire n’arrange pas les choses :
« Au poste que j’occupe actuellement,
mes messages à la Nation ne consti-
tuent-ils pas un véritable enseignement ?
C’est donc comme instituteur que je me
présente à vous aujourd’hui et que je
me permets de vous adresser quelques
conseils ». Il annonce ainsi aux institu-
teurs qu’ils sont à la fois des éducateurs
et des instructeurs.
L’enseignement de l’histoire-géographie sous Vichy
L’idéologie du nouveau régime pèse considérablement sur le contenu des programmes
De nouveaux d’histoire et de géographie, deux matières qui représentent pour les hommes de
enseignements inspirés Vichy un enjeu important dans le cadre de la politique de « redressement » qu’ils
souhaitent promouvoir. L’histoire voit revenir au premier plan un discours traditionna-
par l’idéologie du régime liste et le vieux roman national que les historiens de l’entre-deux-guerres, notamment
l’École des Annales avec Lucien Febvre et Marc Bloch, avaient mis à mal. Dans
L’idéologie conservatrice et réaction- les programmes du primaire et du secondaire, la période de la Révolution, qui
naire du régime de Vichy se traduit par constituait une sorte de « fin de l’Histoire » dans l’École républicaine, est désormais
la rénovation du contenu de certains proscrite au profit du retour à une « France éternelle » qui serait paysanne, catho-
cours. Un enseignement obligatoire des
lique, nationaliste et qui aurait ses héros symboliques comme Louis IX (roi sancti-
questions démographiques est institué
fié, croisé et ayant pris des mesures d’expulsion des Juifs du royaume) ou Jeanne
le 11 mars 1942. Pour encourager les
d’Arc qui illustre le nationalisme anti-anglais. Parce que l’un de ses auteurs est juif,
jeunes filles à devenir de futures mères de
le manuel d’histoire qui s’était imposé au cours de l’entre-deux-guerres dans les
famille, le cours d’enseignement ména-
ger, qui existait avant 1939 de façon classes de l’école primaire, le Malet et Isaac, est censuré. Pour ne pas indisposer
facultative, est rendu obligatoire pour l’occupant, l’histoire contemporaine est expurgée de toute représentation agressive
toutes les élèves de 14 à 18 ans. Ce du Reich à l’égard de la France. La géographie connaît une évolution plus ambi-
cours semble d’ailleurs indispensable, à valente sous Vichy. Si l’idéologie du régime favorise une approche régionaliste
la suite de la loi du 11 octobre 1940 qui permettant de mettre en valeur les coutumes et traditions dans toute leur diversité pro-
organise le retour au foyer des femmes vinciale, la période marque aussi une affirmation de la discipline qui vivait jusque-là
travaillant dans le secteur public, dans la quelque peu dans l’ombre de l’histoire. La place de la géographie se renforce avec
mesure où leur mari peut subvenir seul la refonte en 1941 des programmes dans l’enseignement primaire et secondaire.
aux besoins financiers du couple et des À l’université, la licence de géographie est instituée en 1941, l’agrégation en 1943.
éventuels enfants. Le Commissariat général

14 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Une École épurée
Soucieux de s’appuyer sur des serviteurs fidèles
pour mener à bien sa politique et de sanctionner
des catégories que le nouveau pouvoir cherche à
rendre responsables de la défaite, le régime de
Vichy mène au cours de ses premiers mois d’exis-

© Musée de l’Ordre de la Libération


tence une importante épuration qui touche les
municipalités élues avant-guerre (avec la nomina-

dre, 1365 W 272


tion de « délégations spéciales »), la magistrature,
la fonction publique (les préfets trop liés au régime
républicain sont révoqués comme ce fut le cas pour
mentales de l’In
Jean Moulin en novembre 1940).
L’École n’échappe pas à cette épuration, qui Martial Brigouleix
s’applique à tous les niveaux, des instituteurs en décembre 1939.
Archives départe

jusqu’aux professeurs d’université. Dans l’édi- Professeur de français et


tion du 15 juillet 1940 du journal pétainiste, d’histoire-géographie à l’école
Le Petit dauphinois, l’École est décrite comme militaire préparatoire technique
Une propagande « le champ clos des divisions ; dans la cour, de Tulle, Martial Brigouleix est
omniprésente dans les classes, un air suffocant a régné. Le révoqué par Vichy en 1941
dans les classes communisme est venu, au surplus, pour noyer du fait de son appartenance
l’Éducation nationale dans une cuve d’acide : on à la franc-maçonnerie.
Une dictée peut être l’occasion d’un en avait oublié l’idée de Patrie, on n’honorait plus la famille et on décon-
temps de propagande  : certaines sidérait le travail. ». Dès juillet 1940, une première vague de purge se
reprennent des extraits de discours de développe, entraînant la révocation de nombreux enseignants ayant milité
Pétain. La chanson Maréchal nous voilà dans des formations de gauche. Elle est suivie de deux autres vagues
est inscrite au certificat d’études, à partir entraînant la suspension des enseignants notoirement francs-maçons
de 1942. En novembre 1941, les élèves (décret du 13 août 1940) puis celle des enseignants définis comme Juifs
doivent écrire une lettre au maréchal (statut du 3 octobre 1940). Le nouveau régime adopte également une
pour lui dire s’ils ont suivi ses conseils législation nouvelle visant à limiter le travail féminin. De nombreuses
prodigués dans son Discours aux éco- institutrices sont concernées, du fait de la loi du 11 octobre 1940 qui
liers de France de la rentrée. La pro- stipule que toutes les femmes mariées dont le conjoint pouvait subvenir à
pagande passe aussi par la présence, leurs besoins doivent quitter la fonction publique.
en principe obligatoire, dans chaque
école d’un exemplaire de l’affiche des
Principes de la Communauté et dans
chaque classe du portrait officiel en cou-
La fermeture des écoles normales
leur de Pétain qui devient parfois une Dans un article publié en août 1940 dans La Revue des Deux Mondes, Pétain se
telle cible de boulettes en papier qu’il livre à un réquisitoire contre l’École républicaine, jugée trop « individualiste ».
est décroché. De nombreuses classes Les instituteurs sont montrés du doigt, comme responsables de la faillite de
sont aussi « marraines » d’un prison- la France, en ayant insufflé à leurs élèves des valeurs libérales, laïques et
nier de guerre. En revanche, la loi du égalitaires en contradiction avec ce que le régime considère être les valeurs
20 novembre 1940 interdit le port des françaises traditionnelles. Le 18 septembre, les écoles normales d’instituteurs,
insignes et les décorations de toute que Maurras avait qualifiées « d’antiséminaires malfaisants de la démocratie »
nature, à l’exception de celles décernées sont supprimées. À l’issue de la classe de troisième, les futurs enseignants
par l’État français. Mais le nec plus ultra seront désormais recrutés sur concours. Les élèves maîtres reçus au concours
de la propagande est l’organisation de obtiennent une bourse pour entrer au lycée et y préparer le baccalauréat.
voyages officiels à Vichy de délégations À la suite de cela, ils passeront dix mois dans l’un des instituts de formation
d’élèves reçues en audience par Pétain. professionnelle (IFP) créés par le décret du 15 août 1941.
Toute cette propagande vichyste n’a Si elle possède au départ une motivation idéologique, cette suppression des
toutefois bien souvent qu’un impact écoles normales permet donc de faire disparaître l’écart qui existait aupara-
limité. Les élèves s’en détournent rapi- vant entre le « primaire supérieur » et le « secondaire ». En accédant au lycée
dement voire s’en moquent, tandis que et au baccalauréat, ceux qui se destinent à devenir instituteurs peuvent aussi
les enseignants la répercutent rarement désormais poursuivre leurs études à l’université et passer les concours de
avec conviction, excepté chez les plus l’agrégation pour enseigner dans le secondaire, ce qui leur était impossible
zélés soutiens du régime de Vichy et les jusque-là.
collaborationnistes.

–— RESSOURCES NUMÉRIQUES  –—

Pour accéder à la presse officielle et à la propagande du régime, il est possible de consulter


les nombreux titres de la presse nationale et régionale entre 1940 et 1944 sur le site de Gallica,
la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France.

15
1 re partie l’ÉCOLE DES années SOMBRES

LES HOMMES DE VICHY


Sous Vichy, le ministre de l’Éducation nationale, redevenu ministre de l’Instruction publique, a en charge de participer au
redressement du pays, en mettant en œuvre au sein de l’École, les principes de la Révolution nationale. Les différents détenteurs
du poste, s’ils partagent certaines idées, se distinguent pour autant par leurs personnalités et les politiques conduites.

Georges Ripert, premier secrétaire d’État à l’Instruction publique du régime de Vichy


Ministre du 6 septembre au 13 décembre 1940
Doyen de la faculté de droit de Paris, Georges Ripert se rallie à Vichy dès l’été 1940. Nommé secrétaire d’État à l’Instruction
publique et à la Jeunesse le 6 septembre, il est le principal ordonnateur de la politique d’épuration initiée par le régime
du maréchal Pétain. Celle-ci vise en premier lieu les instituteurs, accusés d’avoir affaibli la France en détournant les plus
jeunes de l’amour de la patrie. Dans sa circulaire aux recteurs du 15 novembre 1940, le ministre demande à ce que « ceux,
qui, dans ces dernières années, ont consacré une partie de leur temps à une agitation politique contraire aux intérêts de
la France » soient relevés de leurs fonctions. Il organise également le recensement des enseignants définis comme Juifs en
application de la loi portant statut des Juifs du 3 octobre 1940, et procède aux premiers renvois. L’épuration prend alors
une dimension raciale.

Jacques Chevalier, un philosophe


partisan de la Révolution nationale
Ministre du 14 décembre 1940 au 23 février 1941
En 1940, Jacques Chevalier est professeur de philosophie à l’université de Grenoble.
Ce philosophe conservateur adhère à la Révolution nationale promue par le maréchal Pétain.
En décembre 1940, il remplace Georges Ripert, affaibli par les manifestations patrio-
tiques lycéennes et étudiantes du 11 novembre. Fervent catholique, Jacques Chevalier s’at-
taque au principe de laïcité en inscrivant les « devoirs envers Dieu » dans les programmes
scolaires de l’enseignement primaire. Il poursuit, par ailleurs, la politique d’effacement
de l’héritage républicain en signant, le 3 février 1941, un arrêté ministériel, qui fixe une
liste des ouvrages proscrits. Les livres scolaires doivent désormais véhiculer l’idéologie
du régime. Jacques Chevalier renforce enfin la politique d’exclusion, en interdisant aux
Juifs, par une circulaire du 10 février 1941, la préparation des concours de l’agrégation.

DR
Remplacé à l’Instruction publique par Jérôme Carcopino, le 23 février 1941, il est nommé Jacques Chevalier, lors de son procès
secrétaire d’État à la Famille et à la Santé. pour indignité nationale, en 1946.

Jérôme Carcopino, un historien à Vichy


Ministre du 24 février 1941 au 18 avril 1942
Jérôme Carcopino, historien renommé de la Rome antique, se met lui aussi très tôt au

© Musée de la Résistance en ligne


service du régime de Vichy. Il assume la fonction par intérim de recteur de l’académie de
Paris après la manifestation lycéenne du 11 novembre 1940. À ce titre, Carcopino met
en œuvre la politique d’épuration du monde enseignant portée par le ministre Ripert. Le
recteur fait remonter des établissements scolaires des informations individuelles de non
affiliation à la franc-maçonnerie, de non appartenance à la « race juive », qu’il transmet
au ministère. Nommé à l’Instruction publique dans le gouvernement Darlan, le 24 février
1941, il poursuit cette politique, tout en freinant le rythme de l’épuration. Alors qu’il abroge
Portrait de Jérôme Carcopino publié
les mesures Chevalier sur l’introduction de l’enseignement religieux, le nouveau ministre
dans la presse, au moment où il prend
réforme l’enseignement secondaire vers davantage de sélection et d’élitisme. Il suit en cela
les fonctions de recteur de l’université
l’hostilité du régime de Vichy envers l’idée d’une École unique, portée au cours des années
de Paris en novembre 1940.
1930 par certains républicains, comme Jean Zay.

Abel Bonnard : un collaborationniste


au ministère de l’Instruction publique
Ministre du 18 avril 1942 au 20 août 1944
Le positionnement politique d’Abel Bonnard est bien différent de celui de ses prédécesseurs.
© Keystone-France/GAMMA RAPHO

Partisan actif de la collaboration, il est imposé au ministère par les Allemands, au moment
du retour au pouvoir de Pierre Laval en avril 1942. Il le reste jusqu’en août 1944.
Cette longévité relative n’empêche pas son œuvre réformatrice d’être mince. Il s’attache
essentiellement à renforcer la politique de collaboration, en imposant aux étudiants la
participation au Service du Travail Obligatoire et en multipliant les projets de coopération
culturelle avec l’Allemagne. Bonnard fonde en novembre 1942 une chaire d’ethnologie
et d’histoire du judaïsme à la Sorbonne, confiée à l’antisémite Henri Labroue. Fidèle
Abel Bonnard à son bureau
à Vichy jusqu’au bout, il parvient après la guerre à se réfugier en Espagne auprès du
à Vichy en 1942.
général Franco.

16 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Fiche ressources

Comment rechercher des documents-sources


sur la Révolution nationale à l’École ?

Rechercher des documents d’archives


Il est possible de consulter les archives des écoles, collèges et
lycées, afin de rechercher des traces de la politique scolaire
conduite par le régime de Vichy entre 1940 et 1944. Ces
archives, qui datent de plus de soixante-quinze ans, ne sont, le

Puy-de-Dôme 418 W 92
plus souvent, pas conservées dans les établissements. Elles ont
été transmises aux archives municipales ou départementales.
Celles-ci sont aujourd’hui dotées de sites internet sur lesquels
il est possible d’effectuer une première recherche avant de se
déplacer. Une simple requête par le nom de l’établissement

es du
scolaire, ou de la commune, croisé avec des dates, est souvent

Archives départemental
très efficace. Elle permet de prendre connaissance de la nature
et de la variété des documents disponibles, avec parfois, un
résumé de leur contenu.
Ce rapport de 1941 dénonçant l’enseignement
■ Lien vers l’espace « recherche », des archives du Calvados trop peu patriotique d’un professeur, a probablement été rédigé à
la suite d’une dénonciation. Il indique combien les enseignants sont
https://archives.calvados.fr/page/que-cherchez-vous- placés sous surveillance par le régime de Vichy.
Il est également possible d’utiliser les sites des archives
départementales pour conduire une recherche plus générale
sur la manière dont la politique de Révolution nationale a été
conduite à l’école. Il faut alors procéder par « mots clés »
afin de faire ressortir des documents d’archives pertinents.
Consulter des journaux de guerre
Les journaux de guerre tenus par des enseignants
ou des élèves constituent des sources précieuses. Ils
■ L’exposition virtuelle des archives de l’Allier rendent compte de la vie quotidienne des écoliers et
https://archives.allier.fr/service-educatif/expositions-virtuelles/ étudiants français ainsi que de la politique scolaire
lallier-durant-la-seconde-guerre-mondiale/-la-revolution-nationale conduite par le régime de Vichy. C’est le cas des Années
Doubles. Journal d’une lycéenne sous l’Occupation,
Dans leur exposition virtuelle sur la Révolution nationale, tenu par Micheline Bood, âgée de 14  ans en
les Archives de l’Allier proposent plusieurs documents relatifs
à l’École, dont l’une des allocutions du maréchal Pétain 1940, ainsi que du Journal d’un J3, rédigé par
adressées aux enfants de France, avec le portrait du maréchal, Raymond Ruffin, alors âgé de 11 ans. Ces ouvrages sont
la devise et l’emblème du régime de Vichy. encore accessibles dans de nombreuses bibliothèques
publiques. D’autres journaux, tenus par des témoins
■ L’exposition des archives du Puy-de-Dôme adultes, de la période de l’Occupation, peuvent éga-
https://www.archivesdepartementales.puy-de-dome.fr/archive/ lement évoquer indirectement le monde scolaire et la
exposition/voir/11/35669?idscroll=tv_a3node-notice-35643-no- manière dont les enseignants, les écoliers et les parents
tice-35666-notice-35669 d’élèves, réagissent à la politique conduite par Vichy.
C’est le cas par exemple du journal de Léon Werth,
Autre exemple d’exposition numérique consacrée
à la Révolution nationale, celle des archives départementales intellectuel juif, réfugié dans un petit village du Jura.
du Puy-de-Dôme. Dans la partie sur « le relèvement de la Par ailleurs, la base de données Écrits de Guerre et
France, les valeurs traditionnelles et la formation de la jeunesse », d’Occupation (EGO 1939-1945), créée par le Centre
on trouve notamment une note confidentielle sur un professeur de recherche d’histoire quantitative (CRHQ) de l’uni-
d’histoire-géographie n’ayant pas fait « allusion à Jeanne versité de Caen, rassemble plus de cinq mille notices,
d’Arc », dans un cours sur la formation territoriale de la qui recensent des témoignages de tous types, récits,
France.
carnets, journaux intimes et mémoires, concernant
la France et les Français durant la Seconde Guerre
mondiale. Un système de recherche avancée per-
Utiliser la presse numérisée met de croiser les critères (profession, sexe, date …).
Le site de Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Il est ainsi possible de repérer et de regrouper
nationale de France (BnF), contient de très nombreux journaux les témoignages.
numérisés pour la période 1940-1944. Il est possible d’effectuer
une recherche en commençant par le titre du journal pour ensuite •M
 icheline Bood
naviguer dans la chronologie. Les archives départementales ont Les Années Doubles. Journal d’une lycéenne
également souvent procédé à la numérisation des journaux, quoti- sous l’Occupation, Paris, Robert Laffont, 1974.
diens et périodiques, de la presse locale. Ceux-ci rendent compte •R
 aymond Ruffin
des cérémonies de remise de prix, des commémorations ou évé- Journal d’un J3, Paris, Presses de la Cité, 1979.
nements patriotiques organisés dans les établissements scolaires. • L éon Werth
Ces articles peuvent constituer des témoignages indirects, lorsque Déposition. Journal de guerre 1940  -1944, Viviane Hamy,
des propos sont recueillis par le journaliste. 1992.
17
2 e partie
Cours dispensés par
le sous-lieutenant
Marius Taravel
(debout à droite)
à des cadets de
Tract du comité la France libre
national des à Ribbesford
professeurs (Angleterre).
contre le travail
en Allemagne.
Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne Amicale des cadets de la France libre

Résister à l’école
La volonté du régime de Vichy de faire de l’école un instrument au service de sa
politique de Révolution nationale se heurte à de nombreuses formes de résilience
dans un milieu marqué par une sorte de « surmoi républicain ». L’École a aussi
constitué un vivier important pour la Résistance car de nombreux enseignants,
lycéens et étudiants s’y sont engagés.

Une Résistance enseignante


En 1940, l’École est encore trauma- le montre le conformisme de deux pro-
tisée par la Grande Guerre. Profon- fesseurs du lycée de Clermont-Ferrand
dément remodelée par un idéalisme interviewés en 1969 par Marcel Ophuls
humaniste et pacifique, elle est restée pour Le Chagrin et la Pitié (1971). Lucie Aubrac
attachée à l’idée du devoir civique. Le sujet invite à s’intéresser aussi bien à (1912-2007)
Instruits dans cette culture scolaire, des la diversité des formes d’engagements photographiée en
femmes et des hommes de la Résis- des enseignants dans la Résistance 1943 devant le
tance évoquent parfois le rôle qu’elle qu’aux éventuelles spécificités d’une lycée de jeunes
a joué dans le développement d’une Résistance enseignante. filles Edgar Quinet
Collection familiale

conscience patriotique et civique qui a à Lyon où elle


pu les mener à l’action. Ce fut le cas par Des compétences utiles enseigne.
exemple de Jeanne Barbet qui héberge
de nombreux clandestins de passage
aux organisations été chargée d’imprimer le journal clan-
à Dole (Jura). Née en 1903, écolière de la Résistance destin Le Nord libre (futur Le Fenal)
entre 1914 et 1918, elle se souvient : dans le grenier de l’institut de physique
« Moi j’étais une patriote née. Avec Si les motivations personnelles et les après son recrutement par une collègue,
notre institutrice, je vous assure que j’ai- valeurs défendues structurent pour partie Mme Delmas.
mais mon pays, j’ai été élevée dans ce les choix d’engagement de nombre d’en- Ces compétences logistiques et intel-
climat-là ». seignants résistants, les compétences lectuelles tout comme leur rôle social
La guerre, l’Occupation et l’idéologie spécifiques de la profession apportent expliquent les responsabilités importantes
de la Révolution nationale menacent ce aux organisations de la Résistance les prises par les enseignants dans les mou-
socle de valeurs ancrées dans le modèle atouts essentiels à leur développement. vements (les universitaires Marc Bloch
démocratique. Le contexte d’hostilité et Habitudes rédactionnelles et analyses pour Franc-Tireur, François de Menthon
de surveillance étroite du corps ensei- réflexives pour la presse clandestine ; ou Pierre-Henri Teitgen pour Combat, la
gnant par le gouvernement de Vichy accès à des documents administratifs, professeure de lycée Lucie Aubrac pour
– sanctions, révocations, mises à la fabrication et fourniture de faux papiers Libération-Sud, par exemple). De nom-
retraite d’office de fonctionnaires per- et de tickets de rationnement grâce breux responsables militaires ou chefs
çus comme insubordonnés au régime – aux instituteurs qui exercent souvent de maquis sont également enseignants
constitue-t-il pour autant un terreau favo- la fonction de secrétaires de mairie ; ou instituteurs : Georges Guingouin dans
rable à la désobéissance ? Le monde de direction et commandement dans les le Limousin, Jean-Jacques  Chapou
l’enseignement dans son ensemble, des maquis. Les établissements scolaires dans le Lot, Henri Vincent en Saône-
instituteurs aux professeurs d’université, sont également souvent équipés de et-Loire ou Jean-Pierre Vernant pour
forme-t-il un milieu plus propice aux laboratoires ou ateliers qui fournissent la région R4. D’autres s’appuient sur
comportements réfractaires, voire aux un espace et un équipement pré- leur aura pour recruter, à l’image de
actions de résistance ? De fait, la culture cieux pour les initiatives résistantes. Jules Carrez, instituteur dans le pays
républicaine n’entraîne pas automatique- Enseignante au lycée Fénelon de Lille, de Montbéliard (Doubs) et animateur
ment des attitudes contestataires, comme Madeleine Gourbeillon explique avoir du mouvement Libération-Nord en

18 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Raymond Burgard
et la création
du mouvement Valmy (Z0)

Fonds Jules Carrez


Raymond Burgard, professeur au lycée
Buffon, a été l’un des pionniers de
la Résistance en région parisienne.

on,
Né le 15 septembre 1892 à Troyes

ortation de Besanç
(Aube), il est agrégé de grammaire
en 1928 et enseigne notamment en
Tunisie, avant d’être nommé au lycée

istance et de la Dép

Source gallica.bnf.fr/Bnf
Buffon à Paris à la rentrée 1937. En
septembre 1940, Burgard et quatre de
ses amis, dont l’instituteur André Vellay,
© Musée de la Rés

décident de réagir face à l’Occupation.


Leur première action consiste à rédiger
et diffuser des tracts et des papillons Le journal clandestin Valmy
écrits en français et en allemand. En jan- daté du 14 juillet 1941.
vier 1941 paraît le premier numéro
Fausse carte d’identité du journal  Valmy, tiré à 50  exem- BCRA, permet d’intensifier les actions
de l’instituteur Jules Carrez (1903-1985), l’un plaires à l’aide d’une imprimerie du groupe.
des responsables du mouvement Libération-Nord d’enfant. Burgard, qui en a rédigé l’édi- L’arrestation de Burgard le 2 avril 1942
en Franche-Comté. torial, écrit par la suite de nombreux provoque une importante manifestation
articles pour cette feuille clandestine. de protestation au lycée Buffon. Un
Après avoir pris part à la manifesta- tract signé du « Comité pour la libéra-
Franche-Comté. En 1944, il encou- tion du 11  novembre 1940 sur les tion de Burgard » demande notamment
rage quelques-uns de ses anciens Champs-Élysées – au cours de laquelle aux enseignants du lycée de cesser
élèves à s’engager pour le maquis du son fils aîné est arrêté –, il est l’un des leurs cours jusqu’à la libération de leur
Lomont (Doubs), non sans se dépar- organisateurs du rassemblement du collègue.
tir d’une habitude professionnelle : 11 mai 1941, place des Pyramides, Transféré en Allemagne, Burgard est
il demande ainsi aux parents des jeunes devant la statue de Jeanne d’Arc. condamné à mort par le Tribunal du
gens mineurs recrutés de signer une La rencontre, en novembre 1941, entre Peuple le 2 octobre 1943 et guillotiné
autorisation de départ pour le maquis. Burgard et les frères Le Tac, agents du le 15 juin 1944 à Cologne.

Auguste Pinton et la naissance de France Liberté à Lyon (ZNO)


À Lyon, en zone non occupée, En novembre 1940, ils forment
l’un des premiers noyaux de un noyau résistant France-Liberté
résistance à l’origine du futur et diffusent des tracts. Ils sont
mouvement Franc-Tireur se déve- alors une dizaine. En mai 1941,
loppe dès l’automne 1940 autour Jean-Pierre Levy, venu d’Alsace
d’un professeur du lycée Ampère, et replié à Lyon, intègre l’équipe
Auguste Pinton. dont il devient le chef. Le petit
Né en 1901, Auguste Pinton est groupe fait paraître en décembre
le fils d’un artisan passementier. un journal clandestin, Franc-Tireur.
Après avoir été instituteur puis Grâce à cet outil de propa-
professeur d’école normale, gande, il devient possible de
il enseigne au lycée Ampère recruter à Lyon et au-delà dans la
comme professeur d’histoire et zone Sud. Ainsi naît Franc-Tireur,
géographie, agrégé, quand sur- l’un des trois grands mouvements
DR

vient la guerre. Conseiller muni- Grand réfectoire du lycée Ampère à Lyon avant la guerre. de la Résistance non commu-
cipal radical, il est proche du niste de la zone non occupée.
maire de Lyon Édouard Herriot. « C’était le professeur par excel-
Mobilisé dans l’armée des Alpes, il d’amis, – l’entrepreneur de déménage- lence », témoignait Jean-Pierre Levy à
reprend après la défaite le cours normal ment Élie Péju, le cadre de l’industrie propos de Pinton, « il écrivait beaucoup
de sa vie mais est révoqué de son man- Jean-Jacques Soudeille, le représentant et, pendant deux ans, se mit sans comp-
dat d’élu en septembre 1940. en volets métalliques Noël Clavier, le ter au service du journal. » Auguste Pin-
Par les principes qu’il professe, Pinton propriétaire d’un commerce de confec- ton entreprend après la Libération une
ne peut souscrire à la politique du tion Antoine Avinin –, ils discutent de la carrière politique, devenant sénateur,
régime de Vichy. Avec une poignée possibilité de « faire quelque chose ». maire et secrétaire d’État.

19
2 e partie résister à l’école

Une Résistance des élèves


Trop jeunes pour avoir combattu plusieurs blessés (mais aucun mort
en 1940 et caractérisés par une forme contrairement à ce qui sera prétendu
d’insouciance et d’esprit rebelle propres ensuite). Les manifestants se dispersent

oraine.
à la jeunesse, les lycéens et étudiants alors que les arrestations se multiplient. Le

Collection La contemp
sont souvent les premiers à exprimer bilan officiel fait état de 123 arrestations,
ouvertement leur rejet de l’occupation dont une majorité de lycéens. Ils venaient
allemande. principalement des lycées Buffon,
Au cours de l’automne 1940, la pre- Janson de Sailly, Voltaire, Chaptal,
mière rentrée scolaire de l’Occupation Louis-le-Grand et Henri-IV. Tract « Étudiant de France »
s’effectue dans un contexte tendu. Des Ce défilé des lycéens et étudiants pari- appelant à manifester le 11 novembre 1940
petits gestes d’opposition sous la forme siens le 11 novembre 1940 constitue la à Paris.
de graffitis ou de distributions de tracts première manifestation collective impor- Ce document est, avec un discours de René Cassin,
clandestins fabriqués de façon artisanale tante contre l’occupation allemande. la seule trace qui reste des appels à manifester le
sont constatés dans de nombreux lycées L’événement est très largement relayé. Les 11 novembre 1940. Selon plusieurs témoignages, il a
de France. À Paris, les Renseignements premiers numéros de la presse clandes- été rédigé collectivement au 5 place
généraux observent la progression d’un tine ou la BBC insistent sur le patriotisme Saint-Michel, siège de plusieurs
climat frondeur à la Sorbonne et dans la de la jeunesse française et dénoncent la associations d’étudiants. Il a ensuite
plupart des établissements où les cours répression allemande. été ronéoté en plusieurs lieux.
ont repris. Les étudiants jouent avec le Certains exemplaires ont été
sens du mot allemand Elf (onze) et en L’implantation de  recopiés à la main avant d’être
font un message codé qui ne cesse de diffusés dans le Quartier latin.
fleurir sur les murs du quartier latin, signi-
la Résistance auprès des
fiant « Es Liebe Frankreich » (« Longue vie lycéens et des étudiants Croix de Lorraine
portée par les étudiants

Musée de l’Armée
à la France »). Des accrochages dans
lors de la manifestation
des cafés du Quartier latin entre soldats Aux actions spontanées, succèdent
du 11 novembre 1940.
allemands et étudiants entraînent la fer- progressivement à partir de 1941 de
meture des établissements concernés, véritables organisations de Résistance qui
notamment deux hauts lieux de la vie naissent et se développent dans les lycées et partisans (FTP), qui sont affiliés au
étudiante à Paris, le Café d’Harcourt et et à l’université. C’est le cas par exemple Parti communiste, comme le montre la
le café Dupont et Capoulade. L’arresta- du mouvement Défense de la France créé trajectoire des cinq martyrs du lycée
tion par les Allemands de Paul Langevin, à la toute fin 1940 à Paris par trois étu- Buffon qui basculent dans la lutte armée.
professeur au Collège de France, fon- diants, Philippe Viannay, Robert Salmon Arrêtés par les Brigades spéciales de
dateur en 1934 du Comité de vigilance et Hélène  Mordkovitch. Un groupe Vichy et remis aux autorités allemandes,
des intellectuels antifascistes, entraîne d’élèves parisiens du lycée Henri-IV par- ils sont condamnés à mort et exécutés le
la constitution d’un comité de défense, ticipe au développement du mouvement 8 février 1943. De façon générale, tous
et l’organisation d’une manifestation le Les Volontaires de la Liberté créé en les grands mouvements de zone Nord et
8 novembre 1940 place de la Sorbonne mai 1941 et qui diffuse un bulletin ronéo- de zone Sud se dotent progressivement
regroupant une cinquantaine d’étudiants typé. La population lycéenne et étudiante de sections de jeunesse qui recrutent leurs
communistes. Alors que les autorités alle- sert également de vivier pour les Jeu- membres dans le monde scolaire et uni-
mandes ont interdit toute manifestation nesses communistes et les Francs-tireurs versitaire.
à l’occasion du 11 novembre, un tract
circule appelant les étudiants à braver
Archives nationales, fonds Défense de la France

l’interdiction. Maquis de Défense de la France


en Seine-et-Oise, août 1944.
La manifestation De gauche à droite,
Albert Bernier, Philippe Viannay,
du 11 novembre 1940 Françoise de Rivière,
Hélène Mordkovitch-Viannay,
Dans l’après-midi du 11 novembre, des
étudiants membres du mouvement
petits groupes de lycéens et d’étudiants se
de Résistance Défense de la France.
forment spontanément et se dirigent vers
les Champs-Élysées. Ils sont quelques
milliers au plus fort de la manifestation, –— RESSOURCES NUMÉRIQUES  –—
entonnant La Marseillaise. La police fran-
Témoignages d’anciens résistants ayant participé
çaise tente d’intervenir tandis que des
à la manifestation du 11 novembre 1940 sur le site internet
bagarres éclatent avec quelques membres de l’association des Amis de la Fondation de la Résistance (Pierre Lefranc,…).
d’organisations pro-nazies dont les
sièges sont installés aux Champs-Élysées. Vidéo consacrée au 11 novembre 1940
sur la chaîne YouTube de la Fondation de la Résistance.
Vers 17 heures, les événements se pré-
cipitent avec l’intervention de la police Exposition virtuelle sur le 11 novembre 1940
militaire allemande, dont les tirs font sur le Musée de la Résistance en ligne.

20 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Les étudiants, un vivier pour la France libre
Parmi les jeunes patriotes qui refusent la et à Brazzaville, au Congo  ; puis en
défaite et l’Occupation, certains font le 1941-1942 à Damas ; enfin en juin et
choix de quitter la métropole pour conti- novembre 1943 à Sabratha, en Libye,
nuer le combat aux côtés des Alliés. Née et à Témara, au Maroc. De leur côté, les
au cours de l’été 1940 à Londres, la France marins suivent, de 1940 à 1943, des cours
libre recrute essentiellement dans les plus à l’École navale sur le bâtiment-école Pré-
jeunes générations. 34 % des volontaires sident Théodore Tissier, à Portsmouth, sauf

Fondation de la France Libre


européens n’ont pas 21 ans lors de leur une quinzaine de midships qui sont admis
engagement dans les Forces françaises au Britannia Royal Naval College de Dart-
libres. Sur ce nombre, plusieurs centaines mouth. Quant aux aviateurs, ils sont formés
sont lycéens, élèves de classes prépara- dans les écoles de la Royal Air Force.
toires ou étudiants. Ils vont fournir à une Pour les moins de 18 ans, qui n’ont pas
France libre, en manque d’officiers et de atteint l’âge légal d’engagement, est
Réception de cinq évadés sous-officiers, les éléments nécessaires à créée le 4 février 1941, à Malvern puis
de France par Winston Churchill l’encadrement des bataillons coloniaux à Ribbesford (Angleterre), l’École militaire
et son épouse à Downing Street, constitués après le ralliement des terri- des cadets de la France libre, commandée
le 22 septembre 1941. toires de l’Afrique équatoriale française par André Beaudouin, professeur au lycée
Pierre et Jean-Paul Lavoix, Reynold Lefebvre, (26-28 août 1940). français de Kaboul. Deux cent-soixante-
Guy et Christian Richard sont partis de Fort-Mahon Tous n’ayant pas effectué de préparation quatre cadets, répartis entre 5 promotions,
(Somme) à bord de deux canoës pour rejoindre militaire, des pelotons sont institués pour y reçoivent une formation d’aspirants, pen-
l’Angleterre. Les quatre plus jeunes suivent leur apporter une formation accélérée en dant une période de six à douze mois,
l’École des cadets de la France libre. 1940-1941, à Camberley en Angleterre, jusqu’en 1944.

Le lycée Lalande, seul lycée décoré


de la médaille de la Résistance
À Bourg-en-Bresse (Ain), le lycée l’Office départemental du Travail,
Lalande voit se développer en 1941 retardant ainsi les départs pour le
des manifestations individuelles STO.
d’hostilité à l’égard de l’État français. Le 5 juin 1944, la Milice fait irruption
Un groupe lié au mouvement Libé- dans le lycée durant les épreuves du

© maquisdelain.org Droits réservés
ration se met en place au sein de baccalauréat et arrête de nombreux
l’établissement, qui intègre en 1942 élèves et professeurs.
les Forces unies de la jeunesse (FUJ). Lalande est le seul lycée civil de
Parmi les actions de ce groupe figure France à avoir obtenu la médaille de Cérémonie de remise de la médaille de la Résistance
notamment la destruction, le 21 mai la Résistance française par décret du française au lycée Lalande de Bourg-en-Bresse (Ain)
1943, des fiches de recensement de 3 octobre 1946. le 12 janvier 1947.

Une résistance singulière : résister à l’école


en Alsace et Moselle incorporées au Reich
De par son annexion de fait par l’Alle- arrestations d’élèves. Ainsi, à Strasbourg

©Archives de l’Association pour des études sur la Résistance des Alsaciens (AERIA)
magne en juillet 1940, l’Alsace se trouve et Mulhouse, Marcel Weinum et Fernand
dans une situation spécifique. Le NSDAP Demouge recrutent au sein de différents
germanise et nazifie de force la société : établissements généraux et profession-
en témoigne l’obligation de parler nels afin d’initier de nombreuses actions
l’allemand, et non le français, interdit. La (graffitis, sabotages et recherche d’armes).
jeunesse et l’école font l’objet d’attentions Requis pour travailler en Allemagne, des
particulières. Le parti nazi impose à tous enseignants s’activent dans les nombreuses
les instituteurs et professeurs de passer par filières d’évasion comme les sœurs Merk,
l’Umschulung, une rééducation politique transférées à Mannheim comme institu-
en Allemagne qui enseigne les préceptes trices. D’autres s’évadent d’Alsace comme
de l’idéologie nazie. L’objectif est d’incul- Paul Blasy de Colmar, s’engagent dans
quer le nazisme à travers l’écrit, la parole les renseignements comme Clément Helfer
(« Heil Hitler » en début de classe) et les de Logelbach ou participent à la résis-
gestes (salut nazi en classe) en lien avec la tance communiste avant d’être arrêtés,
mise en place d’organisations comme la jugés et guillotinés en 1943 comme
Hitlerjugend et la Bund Deutscher Mädel Auguste Sontag et Eugène Boeglin de L’organisation clandestine de la Main Noire devant
pour les filles. Wintzenheim. L’école en Alsace, au-delà le monument aux morts de Strasbourg, sans date.
Très rapidement, un sentiment de rejet d’être un lieu de résistance, est un lieu Marcel Weinum, premier en partant de la gauche sur
émerge spontanément au cours de où le patriotisme français survit, ce malgré la deuxième rangée est accompagné de François Mosser,
l’été et de l’automne 1940 malgré les le quadrillage nazi omniprésent. Boesch, Lucien Entzmann et Charles Augustin.

21
2 e partie résister à l’école

La Résistance du quotidien
en milieu scolaire
Les établissements scolaires sont des manifestations d’insoumission et de pro-
lieux où se manifestent au quotidien testation. M. Merlat, professeur au lycée
des gestes de refus qui, sans forcément d’Amiens, révèle dans son journal avoir
relever d’un engagement au sein de la incité ses élèves à une désobéissance
Résistance organisée, n’en démontrent générale aux ordres de Vichy et des
pas moins une forme d’opposition contre Allemands. Dans la zone rattachée au
l’Occupation et la politique de Vichy. commandement militaire de Bruxelles,
Pour les enseignants, il peut s’agir, par où le poids de l’occupation se fait le plus
exemple, de ne pas appliquer dans leur sentir, l’opposition apparaît plus précoce
classe les directives du régime de Vichy et plus importante que dans le reste de
et de ne pas participer au culte prati- la France. Dès le mois d’août 1940,
qué à l’égard du maréchal Pétain, en des établissements nordistes reçoivent la
refusant de faire chanter Maréchal nous visite d’inspecteurs allemands envoyés
voilà. Du côté des élèves, les formes de par les Feldkommandanturen. Le 5 août

Coll. Famille Marié-Fleury


refus sont nombreuses et se manifestent 1940, le maire de Bondues (Nord) est
par des dessins à la craie ou des graffitis informé par les autorités allemandes
favorables au général de Gaulle et aux de l’interdiction d’exercer prononcée
Anglais, ou critiquant le régime de Vichy contre une jeune institutrice de 19 ans,
et l’occupant. « en raison de son attitude envers les
autorités allemandes ». L’application Caricature d’un officier allemand à Versailles
Une faible adhésion des instructions de Vichy semble laisser réalisée par Pierre Marié en 1940 qui sert de base
nettement à désirer dans de nombreux
à la Révolution nationale établissements du Nord. Une note de
à des premiers tracts.
Étudiant en droit, en sciences politiques et en langues
et à la collaboration l’Inspection académique au préfet Carles orientales, maîtrisant parfaitement l’allemand, Pierre Marié
indique qu’en novembre 1940, la plu- commence à faire du renseignement dès 1941 dans le secteur
En zone occupée, les établissements part des établissements n’affiche toujours de Versailles où il réside avec sa famille engagée dans la
scolaires sont parfois des lieux de pas le portrait de Pétain. Le lycée Dide- Résistance.
confrontation directe entre la jeunesse rot de Lille est le théâtre d’une affaire
et l’occupant. Cette situation génère des qui parvient jusqu’aux oreilles des autorités allemandes. À l’occasion de la
Noël 1940, les occupants décorent un
bureau avec un grand portrait de Hitler,
qui est découvert lardé de coups de
Les formes de refus dans l’Empire couteaux dès le 22 décembre. Faute de
Hormis la Tunisie en chose ». En 1940-1941, au Liban, dénonciation spontanée, le directeur, le
1942-1943 et l’Indo- René Marbot, trop jeune pour s’enga- sous-directeur et cinq élèves sont arrê-
chine en 1945, les ter- ger dans les Forces françaises libres, tés le 28. Lors de la rentrée de janvier,
© Musée de l’Ordre de la Libération

ritoires de l’Empire ne constitue un groupe qui, sous couvert les « coupables », candidats aux Arts
sont pas occupés par d’une équipe scoute, photographie et Métiers, se dénoncent et écopent de
les forces de l’Axe. des positions des forces vichystes. peines d’emprisonnement.
Là où Vichy maintient À Tahiti, Robert Delage, inspecteur
son autorité, la même de l’enseignement primaire, milite Une forte implication
législation qu’en métro- en faveur du ralliement du territoire
José Aboulker pole est appliquée. à la France libre. Après le succès du
dans les opérations
en 1944. Ainsi, en juin 1941, référendum du 1er septembre 1940, il de sauvetage
Jérôme  Carcopino devient directeur du cabinet du nou-
limite à 3 % le nombre d’étudiants juifs veau gouverneur et chef du service de En plus de n’adhérer que faible-
autorisés à s’inscrire à l’université. Mais, l’enseignement. ment à la Révolution nationale, le
dans les départements algériens, un En Algérie, des groupes de résistance milieu enseignant s’investit fortement
numerus clausus de 14 % est également s’organisent à partir de fin 1940- dans les œuvres sociales d’assistance
instauré dans le primaire et le secondaire début 1941 et nouent des contacts auprès des plus jeunes et des popula-
à la rentrée 1941, puis abaissé à 7 % avec les Alliés. Dans la nuit du 7 au tions nécessiteuses. À partir de 1942,
à la rentrée 1942 avant une interdiction 8  novembre 1942, 400  jeunes les mesures répressives se multiplient
totale début 1943. Ces mesures discri- e m m e n é s p a r J o s é   A b o u l k e r, contre des catégories entières de
minatoires poussent les enfants juifs vers étudiant en médecine, occupent la population, qui touchent parti-
l’enseignement privé. des points clés d’Alger, favori- culièrement enfants, adolescents et
Dans ce contexte, des enseignants et sant le succès du débarquement jeunes adultes mineurs (persécutions
des élèves décident de « faire quelque anglo-américain. et rafles antisémites, instauration du
travail obligatoire en Allemagne).

22 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Institutions scolaires et instituteurs
déploient activement des actions
Enseigner, des camps aux colonies de sauvetage
clandestines de sauvetage. Les La période de la guerre et
établissements peuvent devenir des de l’Occupation s’accom-
lieux refuges. Opérant en parallèle pagne d’une multiplication
des activités « légales » de l’orga- des camps d’internement sur

© Maison d’Izieu/Coll. succession Sabine Zlatin


nisation de secours aux enfants le sol français. Aux Espagnols
(OSE) en zone Sud, Andrée Salo- républicains et aux étrangers
mon et Georges Garel se chargent dits indésirables internés dès
de placer dans des familles la fin de la IIIe République
sûres et de scolariser plus de s’ajoutent ensuite à partir
1 000 enfants juifs sous de fausses de  1940 les populations
identités entre  1942 et  1944. persécutées par le régime de
Conscients de la judéité des enfants, Vichy, notamment les Juifs.
la plupart des enseignants est donc Espace d’internement et de
complice. En Île-de-France, il faut regroupement, ces camps Colonie d’Izieu, été 1943.
mentionner Lucien Louis Bunel dit deviennent les antichambres
le Père Jacques de Jésus, membre de la déportation et de la Shoah.  langues maternelles diverses, rend plus
du réseau Vélite-Thermopyles, qui Les conditions d’enfermement de familles complexe l’enseignement, amenant ainsi
héberge non seulement des réfrac- entières y sont particulièrement drama- au développement de cours organisés
taires au STO mais aussi trois enfants tiques. Les associations et personnalités par des internés eux-mêmes, en dehors
juifs au Petit Collège d’Avon (Seine- engagées dans le sauvetage (CIMADE, de l’organisation administrative.
et-Marne). Dans le Nord, le lycée YMCA, Quakers, OSE, réseaux Gar- Convaincues que l’école est essentielle
Fénelon de Lille, dont la directrice rel, Abbé Glasberg, Madeleine Barrot, pour ces enfants persécutés, les organi-
est une collaborationniste convain- Charles Lederman, …) ont conscience sations de sauvetage développent des
cue, accueille pourtant plusieurs que le maintien de structures scolaires colonies éducatives pour les enfants
enfants juifs. Huguette Winischki, constitue un enjeu considérable pour les juifs qu’elles arrachent aux camps et
petite réfugiée juive allemande, et enfants des familles internées. En sep- protègent de la Shoah. Ces structures,
Renée Grudki, poursuivent ainsi leur tembre 1941, une enquête du Comité pérennes ou éphémères, sont nom-
éducation sous la protection d’une de Nîmes au sein du camp de Rivesaltes breuses, et celle d’Izieu demeure tragi-
enseignante connue pour sa froideur souligne que l’enseignement dans les quement en mémoire. Le 6 avril 1944,
et sa sévérité, Simone Caudmont. camps est désorganisé et ne permet Klaus Barbie fait arrêter tôt le matin les
Celle-ci appartient à la filière de pas d’assurer l’éducation des enfants 44 enfants juifs et leurs 7 encadrants,
sauvetage organisée par le pasteur qui y sont enfermés, alors même qu’elle avant que leur journée de classe ne
Pasche de Roubaix. y est obligatoire. En outre, le mélange puisse débuter. Seule l’éducatrice
d’enfants espagnols et juifs étrangers de Léa Feldblum a survécu.

Un établissement : le lycée de La Souterraine en Creuse


Du fait de ses caractéristiques géogra- même scolarité que leurs condisciples et
phiques (département rural situé au sont hébergés à l’internat de l’EPS. Une
cœur de la France, proximité de la ligne assistante sociale rend régulièrement
de démarcation) mais aussi des traditions visite aux jeunes élèves juifs afin de leur
d’accueil de sa population à l’égard des permettre de garder quelques liens avec
réfugiés, la Creuse a été l’un des dépar- l’extérieur et avec leur famille lorsqu’elle
tements où ont été cachés de nombreux n’a pas été arrêtée. La lingère de l’établis-
enfants juifs (un millier environ) au cours sement, Mme Charret, apporte également
de la période. À partir de l’été 1942, une aide quotidienne et bienveillante. Les
lorsque les rafles n’épargnent plus les enfants juifs qui ont séjourné dans cet éta-
enfants, les organisations de sauvetage blissement n’ont jamais été inquiétés et
comme l’OSE décident de dissoudre les ont tous survécu.
homes (Maisons d’enfants) où ils étaient
hébergés pour les placer dans des familles
où ils seront moins exposés. Grâce à la Félix Chevrier, entouré de ses élèves
complicité du directeur de l’établisse- au home d’enfants de Chabannes en 1941.
ment, J.-B. Robert, de nombreux enfants La Creuse a été l’un des principaux refuges
© Mémorial de la Shoah

juifs sont également cachés à l’école pri- pour les enfants au cours de la période. Avec le lycée
maire supérieure (EPS) de La Souterraine, de La Souterraine qui a hébergé des enfants juifs,
aujourd’hui un lycée. Ces enfants y sont la Maison de Chabannes dirigée par Félix Chevrier
inscrits, sous de faux noms. Ils suivent la a également servi d’abri à de nombreux enfants.

23
2 e partie résister à l’école

La répression allemande contre


les enseignants et les élèves résistants
La répression n’épargne pas les étu- Dénoncée, elle est arrêtée par les Allemands le Père Jacques accueille Lucien Weil,
diants qui expriment leur hostilité aux occu- le 25  octobre  1941. Transférée en ancien professeur révoqué à la suite de
pants. Le 10 novembre 1940, un élève Allemagne le 11 février 1942, elle est la promulgation du statut des Juifs, ainsi
de l’École nationale supérieure des Arts et condamnée à mort le 30 avril 1943 que trois enfants. Le 15 janvier 1944, en
Métiers, Jacques Bonsergent, est arrêté à et guillotinée le 31 août 1943. Parmi pleine salle de classe, le Père Jacques,
la suite d’une bagarre avec des soldats les victimes de cette féroce répression les trois élèves et l’enseignant Lucien Weil
allemands. Il devient, le 23 décembre citons également les noms de l’institu- sont arrêtés. Ce dernier et les enfants sont
1940, le premier civil fusillé au fort de teur Georges Lapierre, du professeur déportés le 3 février 1944 à Auschwitz
Vincennes. Le bilan de la manifestation de lettres Paul  Marchal, des philo- d’où ils ne reviendront pas. Le Père Jacques
du 11 novembre fait état de 123 arres- sophes Jean Cavaillès et Jean Gosset est déporté le 27 mars 1944 à Sarrebruck
tations. Cinq personnes, dont trois ont ou encore de Pierre Kaan. avant d’être transféré à Mauthausen le
été identifiées (les professeurs Baudoin, La répression frappe enfin les établis- 22 avril 1944. À la libération du camp,
Le Goff et Laurent), restent en détention et sements scolaires dirigés par des institu- bien que malade, il représente les Français
sont condamnées par le tribunal militaire tions religieuses qui ont caché des élèves aux réunions du Comité international
allemand. et des enseignants menacés. Au Petit des déportés. Il meurt d’épuisement
De nombreux lycéens et étudiants collège d’Avon, près de Fontainebleau, à l’hôpital de Linz le 2 juin 1945.
ayant rejoint la Résistance organisée
tombent sous les coups de la répression.
Cinq lycéens ou étudiants membres des
Un lieu de mémoire,
Bataillons de la jeunesse figurent parmi
les 27 accusés lors du procès dit de la
la crypte de la Sorbonne à Paris
maison de la Chimie en mai 1942. Ils Le 11 novembre 1947, le président de la Répu-
sont condamnés à mort par le tribunal blique Vincent  Auriol, en présence de Marcel-
militaire allemand et fusillés, à l’exception Edmond Nagelen, ministre de l’Éducation nationale,
d’André Kirschen qui n’a pas 16 ans. Les et de Jean Sarrailh, recteur de l’académie de Paris,
cinq élèves du lycée Buffon qui avaient inaugure à Paris la crypte de la Sorbonne « dédiée
rejoint les FTP et organisé plusieurs mani- aux dépouilles de dix maîtres et deux élèves dési-

Photo Frantz Malassis


festations au sein de leur établissement gnés par la Fédération de l’Éducation nationale
sont exécutés le 8 février 1943. Le 10 juin pour symboliser l’héroïsme de tous les universitaires
1944, 41 jeunes résistants parisiens, morts au service de la France et de la liberté »
lycéens et étudiants, qui avaient rejoint (plaque inaugurale). Joseph Rollo, Georges Lapierre,
le maquis de Sologne à l’annonce du Raymond  Deken, Marie-Louise  Zimberlin, Urne placée en 1952
Débarquement, tombent sous les balles R a o u l   F r a n ç o i s , E d m o n d   L a c k e n b a c h e r, dans la crypte de la
allemandes ou sont déportés à la suite Stéphane Piobetta, Jean Cavaillès, Fernand Holweck, Sorbonne contenant les
d’une opération de la Sipo-SD menée Paul Reiss, Louis Boilet et Jean Gay sont morts au champ cendres de quatre élèves
dans le secteur de la Ferté-Saint-Aubin. d’honneur en 1940, en déportation ou sous les coups du lycée Buffon fusillés
De nombreux étudiants figurent parmi de la répression pour faits de Résistance. Une urne pour faits de Résistance
les 35 jeunes résistants massacrés à la placée en 1952 contient des cendres des martyrs du le 8 février 1943.
cascade du bois de Boulogne le 16 août lycée Buffon (Jean Arthus, Pierre Benoît, Pierre Grelot et
1944, quelques jours avant la libération Lucien Legros, excepté Jacques Baudry qui a été inhumé dans la sépulture familiale)
de Paris. fusillés pour faits de Résistance le 8 février 1943. En signe de fraternité, un sac contient
une poignée de terre de la tombe d’une jeune Russe, Zoïa Kosmodemianskaïa,
Le monde enseignant pendue par les Allemands près de Moscou en novembre 1941. Enfin, une plaque
dédiée à Jean Zay a été apposée en 1948 lors d’un hommage national.
durement touché
Le monde enseignant est également
particulièrement touché. Professeur d’al- –— RESSOURCES NUMÉRIQUES  –—
lemand, Jacques Decour (Daniel Decour-
manche), qui a participé à la création Biographies sur le Musée de la Résistance en ligne.
du journal clandestin L’Université libre, Biographies en ligne sur le site du Maitron.
est arrêté le 17 février 1942. Il est fusillé
le 30 mai 1942. Professeur au lycée Les dernières lettres des cinq martyrs du lycée Buffon sur le site
Victor-Hugo à Paris, Renée Lévy est
de l’Association des Amis de la Fondation de la Résistance,
Mémoire et Espoirs de la Résistance
contrainte de quitter son poste à la https://www.memoresist.org/resistant/les-martyrs-du-lycee-buffon/
suite de la promulgation du statut des
Un documentaire : Les lycéens, le traître et les nazis
Juifs. Elle rejoint le réseau du musée (réalisation David André) disponible sur le site LUMNI.
de l’Homme puis le réseau Hector.

24 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Fiche ressources

Retracer le parcours d’un lycéen résistant et déporté :


l’exemple de Jacques Sabine
Les dossiers individuels de jeunes résistants déposés dans différents centres d’archives permettent de retracer leur trajectoire,
les actions menées dans la Résistance, leur parcours de déportés. Grâce au dossier conservé au Mémorial de Caen à son sujet,
l’histoire du jeune lycéen caennais Jacques Sabine peut ainsi être retracée, de son engagement en Résistance jusqu’à sa mort
en déportation en Allemagne à l’âge de 18 ans.

En décembre 1942, à 16 ans, Jacques Sabine, élève de


seconde au lycée Malherbe de Caen, s’engage dans la Résis-
tance, dans le groupe Kléber des Francs-tireurs et partisans
(FTP). Il participe à des sabotages, dérobe de l’essence et des
munitions dans plusieurs entrepôts.
Début février 1943, avec deux cama-
rades de son lycée, Pierre Briand et
Jean Lunois (membre du Front patrio-
tique de la jeunesse française), ils
décident d’intimider un enseignant du
lycée, Adolphe Villain, collaborateur
notoire, membre du Parti populaire
français (PPF).
Jean  Lunois tire avec un revolver
en direction d’une fenêtre chez
Villain, sans blesser quiconque. Puis
les trois garçons prennent la fuite.
Imprudent, Jean Lunois retourne le len-
demain sur les lieux où la police, qui
© Mémorial de Caen

enquête,l’interpelle. Pris de panique,


il fuit et prévient Jacques Sabine qui
se cache hors du domicile de ses
parents. La police arrête Jean Lunois
le 12 février. Puis, le 23, apprenant Jacques Sabine (1926-1944)
qu’il est sur le point d’être arrêté,
Jacques Sabine se livre à la police pour protéger sa famille. Lettre du proviseur
Entre-temps, Pierre Briand a aussi été arrêté. du lycée Malherbe

© Mémorial de Caen
Alors que Jacques Sabine est enfermé à la maison d’arrêt de de Caen adressée au
Caen, le proviseur du lycée Malherbe se plie aux contraintes père de Jacques Sabine
administratives de rigueur et adresse à son père un courrier le 2 mars 1943.
dans lequel il lui demande de fournir les motifs de l’absence
© Mémorial de Caen

de son fils, constatée dès le 25 février. Inquiet des rumeurs


Faire-part de décès
qui circulent suite à l’« affaire Villain », le proviseur déclare
de Jacques Sabine.
« que si les bruits qui courent sont exacts », il se verrait obligé
« de le rayer des contrôles du lycée ».
Dans sa cellule, Jacques Sabine tente de garder le moral. un wagon, mais l’imprudence de l’un d’eux, qui allume une
Pour s’occuper, il travaille ses cours grâce aux livres scolaires cigarette, attire l’attention d’un cheminot. Jacques Sabine ten-
transmis par ses parents dans ses colis. « Voyez mon cou- tant de s’échapper à travers les marais est rattrapé par les
rage, écrit-il à sa famille le 3 mars, hier j’ai appris sept leçons SS. Emmené à la prison d’Oels, il est battu et mis au cachot.
d’anglais et seize vers de français, je me suis plongé dans Atteint par la tuberculose, ses forces s’amenuisent de jour en
Le lac de Lamartine ». Le 19 mars 1943, avec ses deux autres jour. Amené sur une civière, il passe devant un tribunal qui
camarades, il est transféré du côté allemand de la prison. le condamne à sept ans de travaux forcés. Seul et à bout de
Le 1er mai, il part pour la prison du Cherche-Midi, avant d’être forces, il meurt le 30 août 1944.
déporté, le 13 mai, en Allemagne, au camp de concentration En prison, il confie un message d’adieu à son ami
de Hinzert. Reconnu coupable de délit envers les autorités d’oc- d’évasion, R. Devos. Rescapé des camps, Devos le transmet
cupation, il se voit appliquer l’ordonnance Nacht und Nebel oralement aux parents de Jacques Sabine. Le message se ter-
du 7 décembre 1941. mine par : « Dis à mes parents qu’ils ne me plaignent pas,
Fin octobre 1943, Jacques Sabine est interné à la prison de je suis mort courageux ». Jacques Sabine sera, à titre posthume,
Schendnitz, au sud de Breslau. Puis, un mois plus tard, il est cité à l’ordre du corps d’armée, en tant que sergent dans la
affecté au Kommando de Weisserondau. Dans la nuit du 5 au Résistance, avec attribution de la croix de guerre avec étoile de
6 décembre 1943, avec d’autres détenus, il tente de s’évader. vermeil, le 8 septembre 1950 et décoré de la Médaille militaire,
À la gare de Schendnitz, le petit groupe se cache dans le 25 octobre 1950.

25
3 e partie

Réunion des ministres alliés


de l’Éducation en janvier 1943,
au ministère de l’Instruction publique
du gouvernement belge en exil,
situé 78 Eaton Square à Londres.
La France combattante est représentée
par le professeur Paul Vaucher et René Cassin
(3e et 4e en partant de la gauche).
Archives nationales 382 AP/230

PENSER L’école de demain


Considérant qu’elle incarne à Londres, puis à Alger, le gouvernement légitime de la France, la France libre développe des
structures de réflexion sur l’avenir du pays, dont certaines concernent plus spécifiquement l’École. Bien qu’engagée dans la
lutte clandestine, la Résistance intérieure réfléchit également à la façon de démocratiser le système scolaire. De nombreuses
propositions pensées dans le cadre de la Résistance entre 1940 et 1944 inspireront les réformes de l’après-guerre menées au
sein de l’Éducation nationale.

La place de l’école dans les discours résistants


sur la défaite de 1940
L’analyse des causes de la défaite défaite de  1870, les résistants sont soulignaient notamment Michel Debré
constitue le cœur de la pensée poli- persuadés que l’École a une part et Emmanuel Mönick dans un ouvrage
tique de la Résistance qui, outre le fait de responsabilité dans le désastre rédigé dans la clandestinité en 1943
de lutter contre l’occupation du pays et de 1940. Les divergences sont toute- intitulé Refaire la France  : «  L’es-
la politique réactionnaire de Vichy, se fois importantes avec les penseurs de prit civique faisait défaut à trop de
donne aussi pour mission de redresser la Révolution nationale qui peuvent eux citoyens. Ils ne savaient plus faire plier
le pays et de lui fournir de nouvelles aussi rendre l’École responsable de la les intérêts privés devant les nécessités
élites. défaite : l’École de la République n’est du salut public […] En vérité, recon-
La défaite de 1940 n’était pas qu’un pas coupable au sens où l’entend naissons-le, à tous les échelons de la
simple désastre militaire mais appa- Vichy. Ce qui est en cause, ce n’est hiérarchie sociale, les Français ont […]
raissait aussi comme la manifestation pas « l’École sans Dieu », le pacifisme manqué de sens de l’État ».
d’un déclin beaucoup plus large. Par des instituteurs ou encore les ravages
un cheminement qui évoque celui du syndicalisme. Pour les résistants, si Une trop forte
des républicains au lendemain de la l’École est coupable, c’est de n’avoir
pas su suffisamment inculquer l’esprit
reproduction sociale
civique ni assurer le renouvellement L’idée d’une grave défaillance des
démocratique des élites. classes dirigeantes de la IIIe République
était également largement partagée par
L’absence d’esprit civique de nombreux résistants, aussi bien au
sein de la France libre que de la Résis-
Pour les résistants, l’École, qui avait tance intérieure. « Peuple de France,
si bien su développer au début du tu n’es pas coupable  ! Ce sont tes
siècle la culture républicaine et patrio- fausses élites, ta bourgeoisie qui ont
tique indispensable pour remporter la responsabilité de la défaite », sou-
la victoire en  1918, avait davan- lignait par exemple Libération, le jour-
tage failli dans l’entre-deux-guerres nal du mouvement dirigé par d’Astier
en participant au déclin général de de la Vigerie, en juillet 1943. Cette
l’esprit civique qui avait conduit le responsabilité des élites bourgeoises
la Résistance.

pays au désastre en mai-juin 1940. dans la défaite était également avan-


Ce manque avait notamment éclaté cée par Marc Bloch qui écrivait dans
au grand jour lors des événements de L’Étrange Défaite que la déroute mili-
Coll. Fondation de

l’exode au cours desquels, à tous les taire de mai-juin 1940 n’était que la


niveaux, de nombreux responsables partie apparente d’une faillite intellec-
avaient préféré abandonner leurs tuelle et morale plus générale.
L’Étrange Défaite de Marc Bloch rédigé en 1940 fonctions plutôt que continuer à pro- Le système scolaire tel qu’il fonc-
et publié à titre posthume à la fin de la guerre. téger leurs concitoyens. C’est ce que tionnait à la veille de la guerre portait

26 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


sa part de responsabilité dans cette développe parmi les résistants pour ten- et militant pour la mise en place d’une
faillite en favorisant une trop forte repro- ter de surmonter les différents blocages « école unique », et les « classiques »
duction sociale des élites, alors que les qui avaient empêché l’École d’évoluer et défenseurs d’une école plus élitiste.
classes de lycée restaient très largement de se démocratiser davantage. À bien Les réformes proposées par les résis-
réservées aux enfants de la bourgeoisie des égards, la période de la Résistance tants allaient permettre en effet aux
et que l’accès aux fonctions de la haute allait ainsi marquer un moment de bas- idées développées par les « modernes »
administration relevait davantage de la cule important dans l’opposition entre tout au long de l’entre-deux-guerres de
cooptation que de la méritocratie. Ce les «  modernes  », favorables à une progresser désormais au détriment
constat explique le consensus qui se plus grande démocratisation de l’École de celles des « classiques ».

Marc Bloch, « Sur la réforme de l’enseignement »


professeur Dans un texte publié dans les Cahiers politiques en juillet 1943,
et résistant Marc Bloch évoque les réformes scolaires à mener au lendemain
de la guerre. Il appelle à ce que des moyens supplémentaires soient
Marc  Bloch appa- investis dans l’Éducation nationale pour permettre notamment de
raît comme l’un des revaloriser le salaire des enseignants et souhaite promouvoir de nou-
résistants ayant le velles méthodes pédagogiques pour mettre fin au « bachotage », trop
© Musée de l’Ordre de la Libération

plus réfléchi dans présent à ses yeux dans l’enseignement.


la clandestinité sur
l’avenir de l’École et Extraits
de l’enseignement « Tout malheur national appelle, d’abord, un
jusqu’à son arresta- examen de conscience ; puis l’établissement
tion le 8 mars 1944 d’un plan de rénovation. Quand, après la vic-
Marc Bloch. par la Gestapo. toire prochaine, nous nous retrouverons entre
Ce célèbre historien Français, sur une terre rendue à la liberté,
médiéviste est un pur exemple de la réussite le grand devoir sera de refaire une France
académique dans le cadre de l’École de la neuve. Or, de tant de reconstructions indis-
IIIe République. Né à Lyon en 1886 d’un père pensables, celle de notre système pédago-
professeur de faculté, entré à l’École normale gique ne sera pas la moins urgente [...] On
supérieure, admis à l’agrégation d’histoire ne refait pas à un pays son éducation en
en 1908, il est professeur de lycée. Mobilisé rapetassant de vieilles routines. C’est une
comme sergent d’infanterie durant la Grande révolution qui s’impose […]

/Bnf
Guerre, il est blessé à plusieurs reprises et ter- Il nous faudrait donc des ressources

llica.bnf.fr
mine avec le grade de capitaine. Professeur nouvelles. Pour nos laboratoires. Pour
nos bibliothèques. […] Pour nos entre-

Source ga
d’histoire du Moyen Âge à Strasbourg, il est
nommé à la Sorbonne à partir de 1936. Se prises de recherches. Pour nos universités,
détachant progressivement de l’histoire posi- nos lycées et nos écoles, où il convient que Les Cahiers politiques
tiviste, Marc Bloch participe notamment à la pénètrent l’hygiène et la joie, la jeunesse a n°2 de juillet 1943.
création des Annales avec Lucien Febvre, en le droit de ne plus être confinée entre des Les Cahiers politiques
ouvrant de nouvelles voies de recherche. Il murs lépreux […]. Il nous en faudra aussi, sont publiés clandestinement
s’engage volontairement en 1939. L’Étrange disons-le sans fausse honte, pour assurer à en France par le Comité
Défaite, publié à titre posthume, est le témoi- nos maîtres de tous les degrés une existence général d’études (CGE)
gnage lucide de son expérience de la « drôle non pas luxueuse certes (ce n’est pas une de la France combattante.
de guerre ». Sous l’Occupation, résister, France de luxe que nous rêvons), mais suffi-
c’est d’abord pour Marc Bloch protester : il samment dégagée des menues angoisses matérielles, suffisamment
adresse ainsi une lettre au ministre Abel Bon- protégée contre la nécessité de gagne-pain accessoires pour que ces
nard en juillet 1942, pour s’insurger contre hommes puissent apporter à leurs tâches d’enseignement ou d’en-
l’interdiction qui lui est faite d’enseigner à quête scientifique une âme entièrement libre et un esprit qui n’aura
Paris conformément à l’application du statut pas cessé de se rafraîchir aux sources vives de l’art ou de la science.
des Juifs. C’est aussi, très vite, entrer dans la Mais ces indispensables sacrifices seraient vains s’ils ne s’adressaient
clandestinité. Sous le pseudonyme Narbonne à un enseignement tout rajeuni. Un mot, un affreux mot, résume une
il est le chef de la région de Lyon pour les des tares les plus pernicieuses de notre système actuel : celui de
Mouvements unis de Résistance et membre bachotage. C’est certainement dans l’enseignement primaire que
du Comité général d’études. Il fonde Les le poison a pénétré le moins avant : sans l’avoir, je le crains, tout à
Cahiers politiques, où il n’oublie pas les fait épargné. L’enseignement secondaire, celui des universités et les
préoccupations pédagogiques. Le destin tra- grandes écoles en sont tout infectés. ”Bachotage” - Autrement dit :
gique de Marc Bloch, comme la vie intègre hantise de l’examen et du classement. Pis encore : ce qui devait être
qu’il a menée, révèlent une haute idée des simplement un réactif, destiné à éprouver la valeur de l’éducation,
valeurs morales de la démocratie et de la devient une fin en soi, vers laquelle s’oriente, dorénavant, l’éducation
République. tout entière […] »

27
3 e partie penser l’ÉCOLE DE DEMAIN

L’École de la France libre


Créée à Londres sous l’autorité du est composée d’une trentaine de de résoudre la querelle scolaire, la
général de Gaulle dans la foulée de membres. Elle comprend 30 % d’en- commission recommande la fusion des
l’appel du 18 juin 1940, la France seignants – surtout des universitaires écoles publique et privée dans une
libre se conçoit comme le seul gou- (dont Paul Vaucher), quelques profes- structure nationalisée, mais autonome
vernement légitime de la France, seurs de lycée (dont Henry  Hauck, par rapport à l’État, l’introduction d’un
face à Vichy. Dans ce cadre, le Raphaël Vangrévelinghe et le lieutenant enseignement religieux facultatif et le
commissariat à la Justice et à l’Instruc- Jacques Voisine), mais aucun représen- développement d’un enseignement
tion publique, dirigé par René Cassin, tant du premier degré –, des militaires civique et moral respectueux à la fois
instaure en décembre 1941 des commis- (dont le médecin général Adolphe Sicé, des traditions chrétienne et révolution-
sions d’études chargées de réfléchir co-président), des juristes, des journa- naire. La durée de la scolarité obliga-
aux problèmes de l’après-guerre. listes (le lieutenant Maurice Schumann), toire, la formation des maîtres, la limi-
Parmi elles, la commission présidée par des diplomates, des syndicalistes tation du nombre d’élèves par classe,
Joseph Cathala œuvre de juillet 1942 (Yvon Morandat) et deux parlemen- le renouvellement des méthodes et
à juillet 1943 à l’étude des problèmes taires (Paul Antier et Fernand Grenier). l’orientation des élèves dans un ensei-
intellectuels et de l’instruction. Réunie une vingtaine de fois dans gnement prolongé et démocratisé sont
la salle de conférences du 4 Carlton également esquissés.
La commission Cathala Gardens, entre le 8 juillet 1942 et le Les réflexions de la commission et de
27 juillet 1943, elle ne dresse pas son président subissent l’influence très
Placée sous la présidence de un plan structuré de réformes, dont nette des méthodes pédagogiques et des
Joseph Cathala, professeur de chimie seules des prémices sont posées, mais projets britanniques de démocratisation
à l’université de Toulouse ayant rejoint s’attache à établir ses fondements phi- de l’enseignement. Cela s’observe par-
l’Angleterre à l’été 1940, la commission losophiques et politiques. Soucieuse ticulièrement dans la priorité donnée au

Le Comité national français est l’instance qui tient lieu de gouvernement en exil de
1941 à 1943. Il est présidé par le général de Gaulle, au centre.
René Cassin (à sa gauche) au milieu des autres membres du Comité national français,
dans la salle de l’horloge, au QG de Carlton Gardens, avec (de g. à d.) Maurice Dejean,
André Diethelm, l’amiral Muselier, René Pleven et le général Valin.

Coll. Fondation Charles de Gaulle.

28 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


développement de la personnalité de
l’enfant sur la seule instruction ou en ce Les responsables chargés de réfléchir
qui concerne l’organisation décentrali- aux réformes scolaires
sée de l’enseignement.
René Cassin
La commission Durry Issu d’une famille de la bourgeoisie juive,
René Cassin (1887-1976), professeur de
À la suite du débarquement droit public à la faculté de Paris, est un
anglo-américain du 8  novembre ancien combattant de la Grande Guerre, au
1942, l’Afrique du Nord et l’Afrique cours de laquelle il a été gravement blessé.
Occidentale française, vichystes, Cette expérience le conduit à s’engager,
basculent dans le camp allié, sous après guerre, au sein de l’Union fédérale
le commandement de l’amiral Dar- des mutilés et veuves de guerre, dont il
lan, dauphin de Pétain, puis du assure la présidence à partir de 1922, mais

© Musée de l’Ordre de la Libération


général  Giraud. Le 3 juin 1943, aussi à s’impliquer dans la politique interna-
ce dernier s’entend avec de Gaulle tionale ; il représente la France au Bureau
pour constituer à Alger le Comité international du travail (1919-1925) et aux
français de la Libération nationale conférences de la Société des nations.
(CFLN). Commissaire à l’Éduca- Profondément patriote, révulsé par le régime
tion nationale, René  Capitant met nazi, ce républicain de gauche, membre
alors en place une commission de du parti radical et de la Ligue des droits de René Cassin.
réforme de l’enseignement, prési- l’Homme, dénonce à plusieurs reprises, à la
dée par l’historien Marcel  Durry. fin des années 1930, la menace que fait peser l’Allemagne nazie.
Composée essentiellement d’ensei- Le 28 juin 1940, refusant l’armistice, il gagne Londres et se met à la disposition du
gnants et de chercheurs, celle-ci général de Gaulle qui le charge de préparer le contenu juridique de l’accord fran-
travaille de mars à août 1944. co-britannique du 7 août 1940. Responsable du service juridique de la France libre,
Allant au-delà du plan  Zay de membre dès sa création en octobre 1940 du Conseil de défense de l’Empire dont il
1937, la commission Durry propose assure le secrétariat, il dirige le commissariat à la Justice et à l’Instruction publique
de poursuivre la démocratisation d’un de septembre 1941 à juin 1943. Celui-ci a notamment la charge d’administrer
enseignement secondaire désormais les établissements scolaires français dans les territoires ralliés et dans un certain
unifié, avec la suppression des écoles nombre de pays étrangers, et d’organiser la politique culturelle de la France libre.
primaires supérieures et des « petites
classes » primaires des lycées.
À 12 ans, l’élève doit être orienté René Capitant
dans une des trois sections (classique, Fils du juriste Henri Capitant, docteur et
moderne et technique), sans qu’il soit agrégé de droit, René Capitant (1901-1970)
établi entre elles de distinction hiérar- enseigne le droit public à l’université de
chique ou matérielle ; des passerelles Strasbourg à partir de 1930. Mobilisé en sep-
sont même envisagées afin de per- tembre 1939, il sert au quartier général de la
mettre de passer de l’une à l’autre. 5e armée et fait la connaissance du colonel
L’apprentissage demeure la voie pri- de Gaulle. Après l’armistice de juin 1940,
vilégiée pour la majorité des élèves, il retrouve son poste à Clermont-Ferrand,
mais un enseignement postscolaire où l’université est repliée. Là, il noue des
obligatoire est prévu en leur faveur contacts avec d’autres juristes et participe
jusqu’à 18 ans. Parmi les matières au développement du mouvement Liberté,
enseignées, le français et les sciences fondé par François de Menthon et devenu
sont appelés à supplanter les huma- Combat après sa fusion en novembre
nités classiques comme matières fon- 1941avec le Mouvement de Libération
damentales. Les écoles normales sont nationale d’Henri Frenay.
DR

rétablies, mais elles ne dispensent plus Nommé à l’université d’Alger en 1941, il


qu’une formation professionnelle, les organise, avec Louis Joxe, un groupe de René Capitant.
futurs instituteurs ayant déjà suivi une résistance qui devient la branche nord-
formation intellectuelle dans les lycées. africaine de Combat. Ses activités lui valent d’être suspendu de ses fonctions
Concernant l’enseignement supérieur, en 1942. Après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942, il
la commission propose la mise en devient un opposant du général Giraud qui finit par constituer avec le général
place d’un premier cycle commun avec de Gaulle le Comité français de la Libération nationale (CFLN), le 3 juin 1943.
pour objectif l’acquisition d’une vaste Lors du remaniement du 9 novembre 1943, qui voit l’élimination de Giraud,
culture générale par un nombre élargi il fait son entrée au sein du CFLN en qualité de commissaire à l’Éducation
d’étudiants, et envisage de transformer nationale. S’inscrivant dans la continuité du Front populaire, il réorganise le
les grandes écoles en écoles profes- commissariat afin d’en faire le centre d’impulsion de l’ensemble de la politique
sionnelles de deuxième cycle. éducative et obtient, en février 1944, le rattachement du département de la
Jeunesse, qui dépendait jusque-là de l’Intérieur.

29
3 e partie penser l’ÉCOLE DE DEMAIN

L’École de la Résistance
Dans un pays assommé par la défaite, Les principes Les Cahiers de la Libération,
les pionniers de la Résistance doivent qui le guident mars 1944
reprendre espoir avant de se regrouper sont clairement
dans des noyaux qui cherchent les pos- exposés : « Un
sibilités d’agir. Organiser des filières enseignement
d’évasion pour fugitifs et persécutés, ouvert à tous,
fabriquer des faux papiers, confection- sans distinction
ner des papillons, des tracts, puis des d’origine ni de
journaux clandestins, tout cela absorbe classe, et adapté
l’énergie des individualités qui tentent aux différentes
de « faire quelque chose ». L’immédia- aptitudes de
teté prime pendant des mois. Les ques- chaque individu
tions concernant l’avenir du pays ne en même temps
peuvent donc pas vraiment être posées qu’aux diverses
et pensées avant 1942 au plus tôt. L’État orientations sus-
français, que Philippe Pétain a substitué ceptibles d’utiliser
à la République, pointe avec insistance ces aptitudes au
la responsabilité de l’École républicaine profit de l’intérêt
dans la défaite de 1940. Les résistants collectif. […] Le sort d’un homme, le rôle

/Bnf
Source gallica.bnf.fr
doivent riposter sur ce terrain. qu’il doit jouer dans la nation ne doit
pas se décider comme à l’heure pré-
Les Cahiers de l’OCM sente, entre 10 et 25 ans ou, qui plus
est, en fonction de la situation actuelle
Une première salve est tirée par Les de ses parents. »
Cahiers. Études pour une révolution Ce texte très abouti est le fruit d’un Les Cahiers de la Libération
française. Cette revue clandestine est travail collectif réalisé par le groupe
La patte de l’ancien ministre de l’Édu-
publiée par l’Organisation Civile et Maintenir, fondé en septembre 1940
cation nationale, emprisonné à Riom
Militaire (OCM), important mouvement à Paris, qui recrute surtout dans les
avant d’être assassiné par la Milice
de zone Nord. Sur plus de cent pages, milieux de l’Éducation nationale et qui
en janvier 1944, est également discer-
le deuxième numéro des Cahiers pro- a des liens avec l’OCM. On retrouve
nable dans un article du numéro 4 des
pose en septembre 1942 un dossier qui dans les annexes qui accompagnent le
Cahiers de la Libération en mars 1944
aborde tous les aspects de l’éducation, dossier des notes transmises à la Résis-
intitulé «  Vichy contre l’Enseigne-
de l’école élémentaire à l’université. tance par l’entourage de Jean Zay.
ment National ». Marcel Abraham
le signe sous le pseudonyme de
Jacques  Villefranche. Directeur de
Les Cahiers de l’OCM. Études pour une révolution française, 2e  fascicule, septembre 1942. cabinet des ministres de l’Éduca-
tion nationale Anatole de  Monzie
(1932-1934) et Jean  Zay (1936-
1939), relevé de ses fonctions
d’inspecteur d’académie dès le
1 er   octobre 1940, avant d’être
frappé par le premier statut des Juifs,
Marcel Abraham y pourfend la poli-
tique de l’État français et rappelle le
sens du travail mené jusqu’à la guerre
qui visait à « fondre en un ensemble
cohérent et [à] adapter aux nécessités
du présent les héritages successifs du
passé, afin que tout enfant, quelles que
soient ses origines, puisse pénétrer
dans l’édifice, s’y orienter, ne se point
heurter à des portes closes, en gravir,
selon ses forces, les étapes, et n’en sor-
Source gallica.bnf.fr/Bnf

tir qu’après avoir reçu l’éducation la


mieux appropriée à ses aptitudes par-
ticulières, et dès lors la plus conforme
à l’intérêt de la société. »

30 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


D’autres publications clandes-
tines – L’Université libre d’inspi- Le CGE, un organe de réflexion sur l’après-guerre
ration communiste, La Revue libre
du mouvement Franc-Tireur, Les En juillet 1942, à l’initiative de Jean Moulin, un Comité
Cahiers politiques du Comité géné- d’experts est institué, composé de personnalités issues des
ral d’études (CGE) – nourrissent la mouvements de la Résistance intérieure. Plusieurs universi-
réflexion sur l’École, parallèlement taires y jouent un rôle majeur : François de Menthon, pro-
poursuivie par les partis résistants fesseur de droit et d’économie à Lyon, qui fait partie des
et par la France combattante. Le membres fondateurs ; ou Pierre-Henri Teitgen et René Courtin
programme du Conseil national de respectivement professeur de droit et professeur d’écono-

© Musée de l’Ordre de la Libération


la Résistance, adopté le 15 mars mie à l’université de Montpellier, qui le rejoignent à la fin
1944, synthétise tous ces travaux de 1942. L’objectif de ce groupe est de réaliser des études
en appelant à une nécessaire pour l’après-guerre, et d’en proposer à Londres des syn-
démocratisation de l’École pour thèses. Initialement installé à Lyon, il est transféré à Paris
permettre une ouverture sociale en 1943 et devient le Comité général d’études (CGE). Ses
plus large aux fonctions les plus membres publient des rapports sur les réformes à mettre en
importantes. œuvre après la Libération dans les domaines économique et François de Menthon.
de la presse ou sur le plan des institutions. Les questions liées
à l’enseignement ne sont pas absentes des préoccupations du CGE, et de nombreux
articles sont publiés sur le sujet dans la revue clandestine du comité, Les Cahiers
politiques, dont l’historien Marc Bloch est le rédacteur en chef jusqu’à son arrestation
à Lyon par la Gestapo en mars 1944. Le CGE s’impose progressivement comme
l’équivalent d’un véritable Conseil d’État clandestin en donnant ses avis au Comité
français de la Libération nationale (CFLN), constitué à Alger, sur l’ensemble des
problèmes politiques amenés à se poser lors de la Libération et de la reconstruction.
Coll. Fondation de la Résistance.

Les universitaires qui ont été membres du CGE sont appelés à la fin de la guerre à
de hautes destinées. François de Menthon devient ministre de la Justice au sein du
Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) de septembre 1944 au
8 mai 1945. Pierre-Henri Teitgen lui succède à ce même poste jusqu’en janvier 1946.

La charte du CNR proclame une nécessaire


démocratisation de l’École
Le Conseil national de la Résistance (CNR), enfin, doivent permettre un rajustement
qui se réunit pour la première fois sous des salaires, le rétablissement d’un syndi-
Édition clandestine du programme du la présidence de Jean Moulin à Paris le calisme indépendant et « un plan complet
Conseil national de la Résistance diffusée 27 mai 1943 constitue l’équivalent d’un de sécurité sociale, visant à assurer à tous
par Libération zone Sud sous la forme d’un gouvernement clandestin de la Résistance. les citoyens des moyens d’existence ». Un
opuscule Les Jours Heureux par le CNR. Y siègent les représentants des principaux passage de la charte du CNR concerne
mouvements, mais aussi ceux des partis et plus spécifiquement les réformes à mener
syndicats engagés en résistance. L’adop- dans le domaine de l’École. Il appelle à
tion d’un programme d’action commun une nécessaire démocratisation du sys-
le 15 mars 1944, qualifié de « charte du tème scolaire pour donner « la possibilité
CNR », permet de créer un accord sur les effective pour tous les enfants français de
grandes réformes à mener dans le pays bénéficier de l’instruction et d’accéder à
lorsque celui-ci sera libéré. Diffusé clan- la culture la plus développée, quelle que
destinement sous la forme d’un opuscule soit la situation de fortune de leurs parents,
intitulé Les Jours Heureux, ce programme afin que les fonctions les plus hautes
comprend toute une série de mesures. soient réellement accessibles à tous ceux
Sur le plan politique, il prévoit le réta- qui auront les capacités requises pour les
blissement de la démocratie, du suffrage exercer et que soit ainsi promue une élite
universel et de la liberté de la presse. Au véritable non de naissance, mais de mérite
niveau économique, il souhaite instaurer et constamment renouvelée par les apports
« une véritable démocratie économique et populaires ».
Coll. Fondation de la Résistance.

sociale, impliquant l’éviction des grandes Né dans la clandestinité, le programme


féodalités économiques et financières de du CNR a servi de matrice aux principales
la direction de l’économie et le retour à la réformes économiques et sociales mises en
nation des grands moyens de production œuvre par le Gouvernement provisoire de
monopolisées ». Des mesures sociales, la République française à la Libération.

31
3 e partie penser l’ÉCOLE DE DEMAIN

L’École de la France libérée


Même si elle n’accouche pas forcé- Les événements de 1939-1945 ont éga-
ment de toutes les réformes qui avaient lement montré combien l’École devait
été envisagées par les résistants, la aussi constituer un lieu de formation
Libération ouvre une ère nouvelle dans civique, ce qui amène l’introduction
l’histoire de l’École. En supprimant les en 1948 de l’instruction civique dans
écoles primaires supérieures (EPS), Vichy les programmes. C’est également au
a involontairement lancé la démocrati- sortir de la guerre que sont institués

l’Éducation
sation de l’enseignement puisque les les « délégués scolaires » dans les
anciennes EPS sont intégrées dans le classes afin de renforcer les droits

de
secondaire. Ceci permet aux meilleurs des élèves.

sée national
élèves de poursuivre plus facilement
leurs études une fois sortis de l’école La commission

opé –Le Mu
primaire jusqu’au baccalauréat, voire
ensuite jusqu’à l’université. La voie
Langevin-Wallon

© Réseau can
est ouverte pour la suppression des Pour mettre en œuvre les diffé-
deux systèmes parallèles du « primaire » rentes propositions élaborées dans le
et du « secondaire » et la mise en place cadre de la commission Cathala puis Fascicule Le plan Langevin-Wallon.
du « collège unique » qui se réalisera par le rapport Durry, René Capitant, La nationalisation de l’enseignement, 80 pages.
définitivement dans les années 1970. ministre de l’Éducation nationale du L’École et la Nation, revue mensuelle du parti communiste
français destinée aux enseignants et aux personnels
de l’éducation publie en 1962 le plan Langevin-Wallon
élaboré au lendemain de la guerre.

Gouvernement provisoire de la Répu-


blique française, nomme le 8 novembre
1944 une Commission ministérielle
d’études pour la réforme de l’ensei-
gnement. Cette commission est suc-
cessivement présidée par deux grands
© École nationale d’administration

intellectuels, qui sont alors liés au PCF :


Paul Langevin (physicien, professeur au
Collège de France, président du Groupe
français d’éducation nouvelle), puis
La première promotion de l’École nationale d’administration porte symboliquement le nom après sa mort en 1946, Henri Wallon
de « France combattante » (1946-1947). (psychologue et médecin, professeur
au Collège de France, président de la
La création de l’ENA Société française de pédagogie, père
de la psychologie en milieu scolaire).
Dès l’été 1940, la débâcle et la défaite de la campagne de France sont analysées L’objectif était, dans le contexte de la
par certains au prisme de la faillite des élites de la IIIe République. L’installation reconstruction et de la sortie de guerre,
dans le régime de Vichy renforce la critique. En octobre 1942, Jean Zay affirme de doter la France d’un grand système
ainsi dans son journal : « Le manque de caractère dont ont fait preuve tant de éducatif démocratique pour lui per-
hauts fonctionnaires républicains depuis juin 1940, la facilité avec laquelle ils ont mettre de rattraper son retard dans ce
subi les nouveaux maîtres, assumé sans révolte de conscience toutes les besognes domaine décisif de la compétition avec
qu’on leur imposait, ont illustré tristement l’insuffisance de leur formation civique les autres pays développés (États-Unis
et professionnelle. » et Royaume-Uni notamment).
Placée sous le double sceau de la continuité (le projet de Jean Zay) et de la Le plan Langevin-Wallon envisage
rupture (l’esprit du CNR et le contexte de la Libération), et préparée par une la création d’un enseignement gratuit,
mission de réforme de l’administration animée par Michel Debré, la création laïque et obligatoire jusqu’à l’âge de
de l’École nationale d’administration (ENA), par ordonnance du GPRF en date 18 ans avec un corps professoral unique
du 9 octobre 1945, se comprend comme une réponse à cette faillite. Il s’agit de la maternelle à l’université. Entre 11
d’assurer la démocratisation de cette haute fonction publique (« Une fois le seuil et 15 ans, les élèves intégreraient un
de l’École franchi, plus rien ne distinguera les élèves, quelle que soit leur ori- tronc commun grâce à l’unification des
gine », affirme l’ordonnance), tout en garantissant l’unité et la rénovation de sa programmes des cours complémen-
formation. L’ENA a donc pour vocation de doter la France d’une nouvelle élite taires, des collèges et des lycées. Cette
d’administrateurs républicains et dispose de fait du monopole du recrutement innovation témoigne de la volonté de
des hauts fonctionnaires. « France combattante », le nom donné à la première démocratiser l’enseignement par la mise
promotion, témoigne de cette volonté. en place d’un « collège unique » tel que
le réalisera la réforme Haby de 1975.

32 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Entre 15 et 18 ans, les élèves s’orien- des études professionnelles (devenues guerre froide naissante, la proximité de
teraient ensuite vers trois sections dif- techniques ou technologiques) et ses auteurs avec le PCF, dont ils furent
férentes sanctionnées par un examen. enfin un baccalauréat pour les élèves des compagnons de route, explique son
Un certificat d’aptitude professionnelle de la section des études théoriques rejet. Il n’en reste pas moins un texte
(CAP) pour les élèves de la section des mais avec création d’un baccalauréat de référence qui inspirera la plupart
études pratiques (devenues profession- technique. des réformes de la grande révolution
nelles), un brevet d’éducation profes- Mais le projet fut remis tardivement, scolaire des années 1950 jusqu’aux
sionnelle (BEP) pour ceux de la section en juin 1947 : dans un contexte de années 1970.

Portraits de résistants devenus acteurs des évolutions scolaires après-guerre


Louis François (1904-2002)

Agrégé d’histoire, Louis François pour son enseignement dans le secondaire. En 1948, il en


est affecté comme officier du chiffre rédige les programmes. Sa vision de l’éducation civique reste
à l’état-major de la 4e division cui- ouverte sur le monde et marquée par la réconciliation des
rassée commandée par le colonel jeunesses de tous les pays. C’est pourquoi, en 1946, alors
Charles de Gaulle durant la cam- secrétaire général de la commission de la République fran-
Coll. Amicale CND ‑ Castille

pagne de France en 1940. Démo- çaise pour l’Unesco, il fonde dans les lycées les premiers clubs
bilisé, il reprend son enseignement Unesco regroupés en 1956 au sein de la Fédération française
au lycée Henri-IV à Paris, où il est des clubs Unesco qu’il va présider durant vingt-trois ans.
contacté fin  1941 par le réseau Dans toutes ses fonctions, il a toujours été un tenant des
Confrérie Notre-Dame (CND).
Louis François. méthodes actives, héritage de son engagement aux Éclaireurs
Chargé de mission de renseignement
de France. Il n’est donc pas étonnant qu’il s’enthousiasme
« politique », il devient l’adjoint de
pour le projet de concours de la Résistance lorsqu’il est saisi
Pierre Brossolette. Arrêté en septembre 1942, il est interné
avant d’être déporté en Allemagne. À son retour des camps, il en 1959 par la Confédération nationale des combattants volon-
décline l’offre que lui fait le général de Gaulle d’entrer en poli- taires de la Résistance (CNCVR), alors qu’il est conseiller tech-
tique pour se consacrer à la réforme de l’Éducation nationale. nique du ministre de l’Éducation nationale André Boulloche.
En octobre 1945, son ami Gustave Monod, devenu directeur En 1961, au moment de l’officialisation de ce concours,
de l’enseignement secondaire au ministère de l’Éducation devenu le Concours national de la Résistance et de la Déporta-
nationale, le fait nommer inspecteur général de l’Instruction tion (CNRD), l’action de Louis François sera essentielle. Installé
publique. Profondément convaincu que l’instruction civique est à la présidence du CNRD en 1963, Louis François s’emploie
une mission fondamentale de l’École républicaine qui contribue pendant trente ans à faire en sorte que ce concours s’impose
à former des citoyens éclairés et actifs, il milite inlassablement peu à peu comme un outil pédagogique à part entière.

Gustave Monod (1885-1968)


Né en 1885, Gustave Monod est reçu à l’agrégation de philo- l’enseignement du second degré.
sophie en 1912. Après une première expérience en cabinet Reprenant le fil de son œuvre
ministériel à partir de 1933, il intègre en 1936, sous le gou- réformatrice, influencé par les
vernement du Front populaire, la direction générale de l’en- réflexions conduites au sein de la
seignement secondaire. Il y connait sa première expérience Résistance, il initie la mise en place
réformatrice, participant avec le ministre Jean Zay à la mise de la Commission pour la réforme
en place des classes expérimentales d’orientation. de l’enseignement, qui rédige le
En décembre 1940, il est directeur de l’académie de Paris, plan « Langevin-Wallon ». Celui-ci
avec rang et prérogatives d’inspecteur général. Son refus pose les conditions d’une véri-
d’appliquer l’épuration antisémite, imposée par le régime table démocratisation de l’École et
DR

de Vichy, lui vaut d’être démis de ses fonctions. Lucide quant influence pour de longues années
à la logique d’exclusion et de persécution mise en œuvre, les politiques éducatives conduites Gustave Monod.
Gustave Monod est l’un des très rares hauts fonctionnaires après guerre. Gustave Monod
de l’époque à dire « non ». En 1941, mis à la retraite, il encourage particulièrement les pratiques pédagogiques inno-
s’engage en résistance au sein du mouvement Défense de la vantes, centrales à ses yeux dans cette entreprise de refon-
France. Son passé de haut fonctionnaire et de réformateur, son dation républicaine. Il accompagne en 1945 la création des
refus si singulier de 1940, sa participation à la Résistance lui Cahiers pédagogiques, lance les « classes nouvelles » et crée,
valent d’être réintégré dès le mois d’août 1944, puis nommé également en 1945, le Centre international d’études péda-
par René Capitant, ministre de l’Éducation nationale du gogiques de Sèvres afin de comparer les différents systèmes
Gouvernement provisoire, inspecteur général et directeur de éducatifs et de favoriser ainsi les réformes.

33
Fiche ressources

Comment travailler sur des traces archivistiques et mémorielles


dans les établissements scolaires ?
Les fonds des archives départementales et municipales permettent d’enrichir la
réflexion et le travail menés avec les élèves qui préparent le CNRD, et de l’ancrer
dans leur espace proche. Deux types principaux d’archives peuvent être utilisés pour
un travail autour du thème de cette année.

Les archives publiques les dossiers des chambres civiques et des


Les fonds postérieurs à 1940 sont clas- cours de justice, il est possible de trouver
sés dans la série W. Ils contiennent les trace de membres du personnel scolaire
archives préfectorales et les fonds des ayant été dénoncés.
administrations en temps de guerre.
On retrouve donc des documents sur la
politique de Vichy à l’égard de l’École, Les archives privées

Archives départementales de la Côte-d’Or 1 JO 143


les rapports de police sur les manifes- Classées dans la série J, les archives pri-
tations lycéennes et étudiantes lors du vées sont d’une très grande variété et
11 novembre 1940 ou après l’introduc- contiennent des éléments souvent origi-
tion de l’étoile jaune en juin 1942 par naux et uniques. Par exemple, parmi les
exemple. On peut faire travailler les élèves nombreux fonds hétéroclites de cette série
sur des parcours de jeunes qui arborent présents aux Archives départementales de
l’étoile par solidarité et sont arrêtés puis la Côte-d’Or, on trouve des caricatures et
qualifiés « d’amis des Juifs », ainsi que sur des poèmes rédigés par des lycéens, des
les dossiers des personnels enseignants courriers clandestins écrits par des nor-
ayant été radiés sous l’Occupation. Des maliens arrêtés pour faits de résistance et Caricature réalisée par André Harnet,
dossiers d’instituteurs résistants sont aussi une brochure antisémite distribuée aux étu- élève au lycée Carnot, en 1941.
consultables. On retrouve les archives des diants lors de l’examen du baccalauréat,
Comités locaux de Libération (CLL) et des le 25 juin 1942. de la Deuxième Guerre mondiale. Leurs
Comités départementaux de Libération Il peut être aussi pertinent d’explorer recherches et les témoignages recueillis
(CDL) qui permettent d’étudier le retour les fonds issus des travaux effectués par couvrent une grande diversité de thèmes,
aux valeurs républicaines. Enfin, dans les correspondants du Comité d’histoire dont parfois l’École.

L’École comme lieu de mémoire et lieu de transmission


La commémoration des 60  ans du déportation, pour repousser les frontières d’écoles : cette articulation fait de l’élève
Concours national de la Résistance et de la scolaires : le sujet actuel du CNRD s’ins- un acteur de cette mémoire. Le travail
Déportation (CNRD) en 2021 a été l’occa- crit dans cette continuité et rappelle le rôle d’enquête mené dans les établissements
sion de rappeler le rôle de Louis François, de l’École comme lieu de mémoire et de scolaires permet à l’élève de s’approprier
nommé inspecteur général à son retour de transmission. les méthodes de l’historien en question-
Avec le CNRD, la parole des dépor- nant les archives. À l’heure où les der-
tés, qui peinait jusque-là à trouver une niers témoins disparaissent, les traces
place dans le contexte de la Reconstruc- archivistiques se font plus précieuses et les
tion et d’unité nationale, entre à l’École. méthodes pour les décrypter nécessaires,
Jacqueline Fleury-Marié qui initiera le donnant au CNRD une acuité renouve-
CNRD dans les Yvelines en 1963, rappelle lée. Le travail de mémoire mené au lycée
aujourd’hui dans un livre récent (Résistante, Jean de La Fontaine à Paris témoigne de
Calmann-Lévy, 2019) que si raconter est ces enjeux : après la découverte dans
une souffrance, témoigner auprès de la une armoire, au sous-sol du lycée, des
jeunesse est nécessaire et irremplaçable. dossiers de classe des élèves dépor-
C’est donc à l’École que le lien entre his- tées, les lettres de Louise Pikovsky ont
toire et mémoire se tisse, grâce au travail été données au Mémorial de la Shoah.
des enseignants pour articuler mémoire Ce don d’un établissement scolaire,
individuelle et mémoire collective, et trans- qui constitue une première, illustre la
mettre une conscience civique et morale fonction de l’école en tant que média-
72 AJ/  2801

aux élèves. trice entre passé, présent et avenir


Mais le sujet du CNRD 2022-2023 ne (https://webdoc.france24.com/
Archives nationales

fait pas que souligner cette mission de si-je-reviens-un-jour-louise-pikovsky/).


l’École : il interroge sur la mémoire des Et quel meilleur hommage rendu
lieux en plaçant l’École au cœur d’une à l’école que de permettre aux élèves
réflexion historique et d’un travail de et à leurs enseignants de prendre part
Affiche de 1982 incitant à participer au CNRD. mémoire. École de mémoires, mémoires à l’écriture de cette Histoire ?

34 C oncours N ational de la R ésistance et de la D éportation – 2022-2023


Ressources
Depuis sa création, le CNRD est porté par un ensemble de partenaires qui, aux côtés du ministère des Armées et du ministère
de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, mettent à la disposition des élèves et de leurs enseignants, en fonction du thème de
l’année, leurs compétences et leurs ressources.

La brochure numérique et les ressources en ligne


Sur le site de la Fondation de la Résistance www.fondationresistance.org,
• vous pourrez télécharger cette brochure au format PDF et l’imprimer ;
• vous trouverez également la brochure numérique au contenu augmenté qui permet :
- de visualiser, d’agrandir et de projeter les documents et les articles,
- d’avoir accès à des ressources complémentaires.
Vous retrouverez également cette brochure numérique sur le Musée de la Résistance en ligne de la Fondation de la Résistance, ainsi qu’une
exposition virtuelle sur le thème du CNRD permettant de découvrir des documents contextualisés et analysés issus des fonds de centres d’archives,
de musées et de collections privées.

Fondation de la Résistance Musée de la Résistance nationale


www.fondationresistance.org www.musee-resistance.com
www.museedelaresistanceenligne.org
Musée de l’Ordre de la Libération
Portail national du CNRD www.ordredelaliberation.fr.
www.reseau-canope.fr/cnrd
Établissement de Communication
Fondation de la France Libre et de Production Audiovisuelle
www.france-libre.net de la Défense
www.ecpad.fr
Fondation pour la Mémoire
de la Déportation Institut national de l’audiovisuel
www. fondationmemoiredeportation.com https://enseignants.lumni.fr

Fondation Charles de Gaulle Mémorial du Mont-Valérien


www.charles-de-gaulle.org www.mont-valerien.fr

Fondation pour la Mémoire Service historique de la Défense


de la Shoah www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr
www.fondationshoah.org

Mémorial de Falaise-
La guerre des civils
www.memorial-falaise.fr
La contemporaine.
Mémorial de la Shoah Bibliothèque, archives,
wwww.memorialdelashoah.org musée des mondes contemporains
www.lacontemporaine.fr
Musée de l’Armée
www.musee-armee.fr

Musée de la Libération de Paris


Musée du général Leclerc Archives nationales
Musée Jean Moulin www.archives-nationales.culture.gouv.fr/
www.museeliberation-leclerc-moulin.paris.fr seconde-guerre-mondiale

Musée national de l’Éducation Association


www.reseau-canope.fr/musee des Professeurs d’Histoire
et de Géographie
Musée de la Résistance de Bondues www.aphg.fr
www.ville-bondues.fr/musee
Association pour des Études
Musée de la Résistance sur la Résistance intérieure
et de la Déportation de Besançon des Alsaciens
www.citadelle.com/a-voir-a-faire/musee-de-la- https://aeria-laresistancedesalsaciens.fr
resistance-et-de-la-deportation
Le Souvenir français
Musée de la Résistance https://le-souvenir-francais.fr
et de la Déportation de Toulouse
http://musee-resistance.haute-garonne.fr
35
Remerciements
Cette brochure a été élaborée par un comité présidé par Tristan Lecoq, inspecteur général de l’Éducation nationale et président
du collège national des correcteurs du Concours national de la Résistance et de la Déportation. La Fondation de la Résistance en
a assuré la coordination. S’y sont associés la Fondation de la France Libre, la Fondation Charles de Gaulle, la Fondation pour la
Mémoire de la Déportation, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie,
de nombreux musées et centres de ressources. Cette publication est soutenue par le ministère des Armées (direction de la Mémoire,
de la Culture et des Archives) et le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (direction générale de l’Enseignement
scolaire).

  
Elle a été conçue ■ Marc Charbonnier, ■ Antoine Grande, ■ Stéphanie Perrin,
et coordonnée par : rédacteur en chef directeur, musée de la Résistance professeur détachée,
de la revue Historiens & et de la Déportation Service historique de la Défense

■ Fabrice Grenard, Géographes, APHG de Haute-Garonne, Toulouse

directeur historique,   ■ Hélène Priego,
■ Sylvain Cornil-Frerrot, ■ Gabrielle Grosclaude,
Fondation de la Résistance responsable des recherches responsable adjointe du service directrice, musée de la Résistance
 historiques, Fondation éducatif, Archives nationales de Bondues
■ Frantz Malassis, de la France Libre  
chef du département ■ LiorLalieu-Smadja, ■ Claude Singer,

documentation et publications, ■ Aurélie Cousin, responsable du service responsable du service
chargée des collections, photothèque, Mémorial pédagogie, Mémorial de la
Fondation de la Résistance musée de la Résistance de la Shoah
et de la Déportation, Shoah
 
■ Fabrice Bourrée, Besançon ■ Bertrand Lecureur, 
chef du département AERI, chargé de conservation ■ Hélène Staes,

responsable du Musée ■ Émilie David, et de recherche, Musée national chargée d’études
professeur relais, de l’Éducation (Munaé), Rouen « Histoire et Mémoire »,
de la Résistance en ligne,
Souvenir français.  MEAC/DGESCO, ministère de
Fondation de la Résistance ■ Éric Le Normand,

■ Laurent Douzou, Association pour des études l’Éducation nationale

■ Raphaëlle Bellon, professeur émérite, sur la Résistance intérieure et de la Jeunesse
responsable des activités Institut d’études politiques des Alsaciens 
de Lyon ■ Emmanuel Thiébot,
pédagogiques, 
■ OlivierLoubes,
 responsable du mémorial
Fondation de la Résistance ■ CatherineDupuy, professeur en classe préparatoire Falaise- la guerre des civils/
 chargée des actions au lycée Saint-Sernin, Toulouse
■ Yann Simon, pédagogiques, ECPAD Mémorial de Caen

professeur relais, ■ Charles-Jacques Martinetti, 
■ Dominique Trimbur,

musée de la Libération de Paris – ■ Thomas Fontaine, conseiller « Histoire et Mémoire »,
directeur de projets, MEAC/DGESCO, ministère de chargé de mission,
musée du général Leclerc – musée de la Résistance nationale, l’Éducation nationale et de la Fondation pour la Mémoire
musée Jean Moulin, Paris Champigny-sur-Marne Jeunesse de la Shoah
 
■ Caroline François, ■ Laurence Négri, 
La Fondation de la Résistance ■ CécileVast,
chargée des expositions directrice pédagogique,
remercie les membres du comité itinérantes et temporaires, Fondation Charles de Gaulle professeur relais,
qui ont contribué à la recherche Mémorial de la Shoah 
musée de la Résistance et
■ Arnaud Papillon, de la Déportation, Besançon
documentaire et à la rédaction : 
■ Patricia Gillet, chef du pôle rayonnement
 conservatrice générale de la politique mémorielle au 
■ DimitriVouzelle,
■ Sophie Bachmann, aux Archives nationales, bureau de l’action pédagogique docteur en histoire, en charge
responsable de projet. Action responsable du pôle Seconde et de l’information mémorielles
Guerre mondiale, département de à la direction de la Mémoire, du service éducatif des Archives
culturelle et éducative, Ina
l’exécutif et du législatif de la Culture et des Archives, départementales de la Côte d’Or

■ Frédérique Baron, ministère des Armées 

■ Vincent Giraudier, Nous remercions les ayants droit
responsable de la formation chef du département

■ BéatriceParrain, qui nous ont permis de reproduire
et de la médiation culturelle Historial Charles de Gaulle, documentaliste, musée gracieusement des documents
à La contemporaine musée de l’Armée, Paris de l’Ordre de la Libération d’archives.

Éditeur : Fondation de la Résistance – Reconnue d’utilité publique par décret Direction générale
du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République de l’Enseignement scolaire
– 30, boulevard des Invalides, 75007 Paris – Téléphone : 01 47 05 73 69 ministère de l’Éducation
Site internet: www.fondationresistance.org – Courriel : contact@fondationresistance.org nationale et de la Jeunesse
Directeur de la publication : Gilles Pierre Levy, président de la Fondation de la Résistance –
Rédacteur en chef : Frantz Malassis
Maquette, photogravure et impression : Humancom – 2 boulevard du général de Gaulle Direction de la Mémoire,
de la Culture et des Archives
92120 Montrouge – Revue trimestrielle – Abonnement pour un an : 20  €
ministère des Armées
– N° 110 : 5,50 € – Commission paritaire : n° 1125 A 07588 – ISSN : 1263-5707
(version papier) / 2679-1595 (version numérique) – Dépôt légal : septembre 2022.
Ce numéro comporte deux encarts jetés : un courrier et une affiche invitant à partici-
per au CNRD. Fondation
de la Résistance
Malgré toutes les démarches entreprises, la Fondation de la Résistance n’a pas pu trouver
les ayants droit de certains documents. Les personnes disposant de ces droits peuvent
prendre contact avec la Fondation de la Résistance.

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