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Les universités et la ville au Moyen Âge

Education and Society in the


Middle Ages and Renaissance

Editors
Jürgen Miethke (Heidelberg)
William J. Courtenay (Madison)
Jeremy Catto (Oxford)
Jacques Verger (Paris)

VOLUME 30
Les universités et la ville
au Moyen Âge
Cohabitation et tension

Édité par

Patrick Gilli, Jacques Verger et Daniel Le Blévec

LEIDEN • BOSTON
2007
This book is printed on acid-free paper.

ISSN: 0926-6070
ISBN: 978 90 04 15876 4

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printed in the netherlands


TABLE DES MATIÈRES

Introduction: Universités et villes au Moyen Âge entre


contacts, frictions et intérêts mutuels ..................................... 1
Patrick Gilli (Université Paul-Valéry Montpellier III)

I. L’UNIVERSITÉ DANS SES MURS ET DANS LA VILLE

Le campus de l’université de Salamanque au Moyen Âge.


Besoins fonctionnels et réponses immobilières ....................... 9
Ángel Vaca Lorenzo (Université de Salamanque)

Oxford: The Medieval University and the Town ...................... 55


Julian Munby (Oxford)

Les lieux du savoir: Contribution à la topographie universitaire


pragoise (1348–1415) .............................................................. 63
Olivier Marin (Université Paris XIII)

II. L’UNIVERSITÉ FACE AUX AUTORITÉS URBAINES

L’université et son environnement : Relations entre les


autorités académiques, municipales et ecclésiastiques
dans la Salamanque médiévale .............................................. 97
José Luis Martín Martín (Université de Salamanque)

Villes et universités dans la couronne d’Aragon


(XIVe–XVIe siècles) ................................................................ 133
Carlos Heusch (E.N.S. Lyon)

Universität, städtische Politik und städtische Führungsgruppen


in Erfurt, 1379/92–1509 ........................................................ 145
Robert Gramsch (Université de Iena)
vi table des matières

Évêque et chanoines dans une université d’État : le cas de


Padoue dans la première moitié du XVe siècle ..................... 163
Elda Martellozzo Forin (Université de Padoue)

Comunauté estudiantine, societé citadine et pouvoir


politique à Padoue aux XIII–XIVe siècles ............................. 181
Sante Bortolami (Université de Padoue)

Université et pouvoirs urbains dans une ville


communale: Pérouse ............................................................... 205
Carla Frova (Université de Pérouse)

Villes capitales, états territoriaux et universités (XIVe–XVe


siècle) : Pavie-Milan, Padoue-Venise, Pise-Florence ............... 217
Patrick Gilli (Université Paul-Valéry)

III. UNIVERSITÉS ET SOCIÉTÉS URBAINES

Les conits « Town and Gown » au Moyen Âge :


essai de typologie .................................................................... 237
Jacques Verger (Université de Paris-IV – Ecole pratique
des Hautes Etudes)

L’Université recrute-t-elle dans la ville ? Le cas de Paris au


XIIIe siècle .............................................................................. 257
Nathalie Gorochov (Université Paris XII – Val de Marne – CNRS)

Die Stellung der Stadt Wien zur Universität im


14. Jahrhundert ....................................................................... 297
Karl Ubl (Université de Tubingen)

Coimbra et l’université : complémentarités et oppositions ........ 309


Maria Helena da Cruz Coelho (Université de Coimbra)

Disciplines académiques et modernité des savoirs : le choix


d’une politique culturelle à Florence (n XIVe–milieu
XVe siècle) ............................................................................... 327
Patrick Gilli (Université Paul-Valéry)
table des matières vii

Nichtjuristische Karrieren von universitätsbesuchern ............... 341


Jürgen Miethke (Université de Heidelberg)

Conclusion .................................................................................. 357


Jacques Verger

Index Nominum ......................................................................... 365


Index Locorum ........................................................................... 369
INTRODUCTION
UNIVERSITÉS ET VILLES AU MOYEN ÂGE ENTRE
CONTACTS, FRICTIONS ET INTÉRÊTS MUTUELS

Patrick Gilli

En choisissant comme thème « Universités et villes au Moyen Âge »,


les organisateurs savaient qu’ils rentreraient sans difculté dans le pro-
gramme général d’Euxin (European Union cross Identity Center), qui visait à
rechercher les fondements culturels communs de l’Europe, par delà les
destins nationaux. Et s’il y eut une institution singulière qui représente
l’esprit de l’Europe médiévale et qui s’est transmise dans les périodes
ultérieures, c’est bien l’université.
Le sujet présentait un intérêt plus particulièrement scientique : il se
trouve dans une situation historiographique ambiguë ; ce n’est certes
pas une thématique d’une absolue nouveauté : il y a longtemps que les
historiens se sont penchés sur cette difcile et tortueuse cohabitation
entre l’institution universitaire et la cité d’accueil au Moyen Âge. Les
collègues italiens ont particulièrement labouré ce secteur ; en France,
Jacques Verger y est revenu à plusieurs reprises ; des monographies
d’histoire urbaine consacrèrent des chapitres à l’argument. Ailleurs
encore, les études locales se multiplient.
Mais il ne semble pas qu’un ouvrage d’ensemble ait eu la même visée
d’ensemble que la nôtre (c’est la moindre des choses), à l’exception peut-
être du volume collectif sous la direction de Thomas Bender, University
and the city : from medieval origins to the present, Oxford, 1988, qui s’intéresse
à l’environnement urbain, mais aussi aux connexions culturelles que
l’université engendre. L’ampleur chronologique et géographique de ce
recueil qui va du XIIe au XXe siècle distingue nettement sa démarche
de celle qui est la nôtre.
Dans l’esprit des organisateurs, le but de cette rencontre était certes
de dégager, à partir d’analyses de cas régionaux, une sorte de typolo-
gie européenne des difcultés et des prots que l’établissement en ville
engendre pour l’université, mais aussi une typologie des difcultés
et prots que l’installation universitaire pose à la commune d’accueil.
Plus encore, ce qui était visé, c’était une interrogation sur les raisons
multiples d’un soutien municipal, voire d’une adhésion de la population
2 patrick gilli

citadine, à la création et au maintien des universités, et ce en dépit des


tensions jamais éteintes, ni totalement régulées, entre masse des citoyens
et groupe des scolares.
Le lien d’ailleurs est-il organique ? Après tout, il apparaît bien que
des universités européennes ont pu émerger presque hors de la ville :
Oxford, et surtout Cambridge ont-elles le statut de cités quand les
premières cohortes de maîtres et d’élèves viennent s’y installer ? Il s’agit
là des cas rares où l’université crée la ville.
Que l’on imagine pas non plus que les grandes villes suscitèrent
toutes de grandes universités : Londres ou Barcelone, Milan sont des
cas notables de grandes villes sans université pendant une bonne partie
du Moyen Âge, voire au delà. Probablement parce qu’il y avait une
division régionale du travail qui permettait de sous-traiter à des cités
voisines la formation supérieure. Mais pourquoi ces cités capitales se
sont privées du prestige universitaire demeure une question partielle-
ment irrésolue.
Reste que fondamentalement la géographie universitaire est une
géographie des villes : là résident le potentiel et la volonté politique d’ac-
cueil, éventuellement les traditions intellectuelles (même si l’on connaît
les ruptures fréquentes entre les écoles cathédrales pré-universitaires et
les premières universités) : bref toute une infrastructure éminemment
fragile, à la fois en termes d’hébergement et de culture.
Il n’est pas question de reprendre ici la lettre programmatique que
les organisateurs avaient envoyée aux différents collègues sollicités pour
en détailler les termes principaux : topographie universitaire (insertion
dans l’espace urbain d’une institution culturelle), effets économiques
de la présence d’une université, intégration ou rejet des gradués de
l’université dans les institutions locales, conictualité particulière de la
turba scolarium, privilégiée par son statut, qui pouvait la faire apparaî-
tre comme enkystée dans le corps social, exogène à la cité, d’autant
que la plupart des statuts urbains exemptent les scolares de toutes les
charges qui incombent aux citoyens, tout en accordant quelquefois
la citoyenneté d’honneur aux professeurs : autant de problématiques
qui ressortissent à l’histoire sociale des institutions savantes plus qu’à
l’histoire intellectuelle.
Mon propos sera plutôt de dégager les abords du sujet, à commen-
cer par celui-ci : par université, nous entendons Studium generale ; or le
concept de studium generale ne dépend pas de la ville, mais d’une instance
supra-urbaine et même universaliste : le pape, l’empereur, ou les rois non
recognoscentes superiorem ; quelquefois, on met la charrue avant les bœufs et
introduction 3

la ville se passe d’une reconnaissance supérieure pour fonctionner, mais


la légitimation par une instance ofcielle est toujours recherchée, tant la
prégnance légaliste est forte, et les juristes ont interrogé la notion de
studium avec beaucoup d’acuité. Les autorités se font quelquefois tirer
l’oreille avant de céder et de modier la carte universitaire : lorsque Jean
XXII en 1328 se voit solliciter la création d’un studium generale à Parme,
il hésite et se demande « an civitas sit apta et idonea pro habendo studio
generali », mais il subordonne surtout sa réponse à l’examen des dom-
mages collatéraux que la création d’un nouveau studium italien pourrait
entraîner envers l’université de Bologne, ce qu’il ne veut pour rien au
monde. Ce bref exemple pour rappeler que le jeu universitaire n’est
pas que bijectif, mais engage des tierces personnes : pape, empereur,
princes et seigneurs. Il y a tout un pan de ces relations qui échappe en
partie au questionnement de ce colloque : c’est le lien avec les pouvoirs
politiques extra-urbains, lien qui n’est pas qu’institutionnel puisque la
papauté, par exemple, par ses condamnations doctrinales, imposa des
restrictions à l’autonomie d’enseignement.
Que dire aussi des limitations mises au déplacement des étudiants
par les souverains désireux de bloquer la peregrinatio academica an de
valoriser et protéger les studia de leurs domaines : l’affaire est trop connue
pour y insister, mais de Fréderic II ou Alphonse le Sage jusqu’aux
seigneurs italiens du Quattrocento, les exemples sont innombrables de
ces interdictions de déplacement, d’ailleurs incomplètement suivies
d’effets. Il s’agit d’une bride mise à une éventuelle politique urbaine
de captation des étudiants et des maîtres sur un vaste rayon géogra-
phique, dont on sait, par ailleurs, qu’elle exista : lorsque l’université de
Toulouse est créée en 1229, des universitaires rédigent un appel à tous
les maîtres français vantant les mérites de la nouvelle université et les
qualités de la ville, notamment son faible coût de la vie ; les dirigeants
siennois font de même en 1321 au moment d’une crise de l’université
de Bologne qui avait quitté la ville. Bref, la compétition inter-universi-
taire et inter-urbaine n’a pas attendu l’Europe libérale, et nombreuses
sont les villes universitaires médiévales à avoir déployé une politique
de communication pour attirer la population académique.
Toujours est-il que d’autres acteurs interviennent : l’université médié-
vale ne se réduit pas à ce dialogue ville-studium ; l’une et l’autre sont
aussi les réceptacles d’enjeux politiques qui les dépassent, et dont elles
ne sont pas toujours maîtresses, et ce à différents niveaux.
L’exemple ci-dessus d’une intervention ex ofcio de la papauté dans
le programme d’enseignement ou dans l’intégration des Mendiants
4 patrick gilli

à l’université de Paris, illustre une autre thématique connexe à notre


programme : les villes universitaires ont-elles eu un rapport culturel-
lement passif envers leurs universités, se contentant de servir d’écrin
à des savoirs académiques traditionnels ? Autrement dit, l’université
était-elle un ornement et une source de prestige pour la ville, thème
classique des bulles de fondation (l’immarsecibilis sapientia dont parle,
par exemple, la bulle de fondation du Studium de Louvain), mais dont
l’intérêt se comprenait surtout en termes d’afchage politique et d’in-
térêt mercantile, comme nous dirions aujourd’hui, ou revêtait-elle dans
l’esprit des dirigeants de la cité une autre dimension ?
L’on sait que le savoir au Moyen Âge n’est pas perçu comme
gratuit, comme se sufsant à lui-même, comme un jeu de l’esprit.
Bizarrement, on pourrait presque dire que l’université médiévale était
« professionnalisante », pour reprendre un terme à la mode en France
aujourd’hui. En effet, faire des études de droit, d’arts, de médecine et
même de théologie signiait fondamentalement rechercher des savoirs
réutilisables, fussent-ils, comme dans le cas de la théologie, réutilisables
en vue des ns spirituelles de l’humanité. Il y a là une anthropologie
de la connaissance radicalement différente de la nôtre.
Mais est-ce à dire que l’université se devait essentiellement de fournir
à la cité son personnel politico-administatif d’encadrement, y compris
d’encadrement pastoral ? qu’elle était tout entière utilitariste ? Est-ce
à dire surtout que la ville n’avait pas à se préoccuper du contenu des
enseignements, dès lors que cet enseignement était pour ainsi dire
« routinisé » par la tradition académique, que le caractère apparemment
stéréotypé du fonctionnement académique garantissait une expertise
commune à tous les gradués. Dans le fond, l’universalité de la licentia
ubique docendi rendait peut-être moins sensible le rapport à la ville où
se trouvait l’université qui avait remis le diplôme. Dans le fond aussi,
la conception unitaire du monde, l’idée que la totalité des savoirs était
envisageable à travers une division des sciences ne varietur explique en
partie peut-être le nombre nalement réduit d’universités, si on le met
en rapport d’une part avec le dense réseau des écoles cathédrales ou
canoniales du XIIe siècle et d’autre part avec l’expansion urbaine,
comme si la complétude supposée de la connaissance ne nécessitait pas
une démultiplication dans les villes d’institutions spécialisées.
C’est là que se pose une double question, dont je ne crois que notre
colloque se soit occupé ; il s’agit de deux questions emboîtées l’une dans
l’autre : les villes ont-elles eu une politique culturelle dont l’université
aurait été l’unique instrument ? D’autre part, les villes n’ont-elles pas aussi
introduction 5

pu créer des institutions de savoir qui n’auraient pas été des universités ?
Cette question m’est venue à l’esprit en pensant au cas orentin, où
pour des raisons diverses, la Seigneurie va à partir de 1373 appointer
des professeurs pour enseigner « in civitate » et non « in studio » : cela
commence avec la lecture sur Dante par Boccace, se poursuit avec
celle de Filippo Villani qui a oscillé entre lecture in civitate et lecture in
studio ; le cas le plus célèbre étant celui d’Emanuel Chrysoloras appelé
à enseigner le grec en 1396, clairement in civitate et nullement à l’uni-
versité ; l’affaire se continue pendant tout le XVe siècle plus ou moins
régulièrement.
Cela suggère que l’offre universitaire classique n’apparaissait pas
adaptée à la demande sociale locale, peut-être parce qu’elle était trop
uniforme, qu’un besoin de formation particulière émergeait. Bien sûr,
nous sommes à Florence, ville à la tradition culturelle puissante. Ne
peut-on pas trouver des équivalents ailleurs ? En Italie, on trouverait
d’autres exemples, mais il n’est pas exclu que d’autres villes de l’Europe
aient, à des rythmes différents, enregistré ce besoin de compléter,
voire de concurrencer l’université locale. Ce n’est pas un hasard si
l’humanisme naissant, autrement dit le nouveau paradigme culturel
de l’Europe, s’est afché volontiers comme anti-universitaire, avant de
conquérir des chaires universitaires, mais aussi dans certains cas comme
anti-urbain, à travers des académies, des cénacles hors des enceintes
urbaines : la villa di Careggi pour les Platoniciens orentins. Sans forcer
le trait, il apparaît bien qu’à la n du Moyen Âge, le lien organique
ville-université-institution de savoir s’est quelque peu distendu, faisant
place à de nouvelles structures concurrentes de l’université, en ville ou
ailleurs.
Il y a donc au cœur même de la problématique de ce colloque une
dimension, moins apparente, d’histoire intellectuelle et non plus seule-
ment d’histoire politique, sociale, économique ou urbanistique, parce
que les conditionnements qui pèsent sur l’institution académique ne
peuvent manquer de modier le contenu de l’enseignement, au point
peut-être de mettre en grave danger la survie de ce modèle universel
qu’avait représenté l’université médiévale.
Au risque d’être hors limite, c’était sur ces perspectives que je vou-
lais insister, laissant aux orateurs présents le soin de dénir avec plus
de précisions des modalités d’insertion ou de rejet de l’université et
des universitaires dans leur cité : vaste sujet dont on devine sans peine
l’actualité très contemporaine !
I. L’UNIVERSITÉ DANS SES MURS ET DANS LA VILLE
LE CAMPUS DE L’UNIVERSITÉ DE SALAMANQUE AU
MOYEN ÂGE. BESOINS FONCTIONNELS ET RÉPONSES
IMMOBILIÈRES

Ángel Vaca Lorenzo

Nul ne doute à reconnaître le rôle fondamental, voire structurant, qu’a


joué l’université de Salamanque dans le développement urbain de la
ville, surtout à partir du XVIe siècle lorsque, une fois achevés ses trois
bâtiments les plus emblématiques (Escuelas Mayores, Escuelas Menores et
Hospital del Estudio), l’université devint encore plus visible à l’ombre des
cathédrales. C’est autour de l’université et en lien avec elle, que l’on
avait érigé un grand nombre de collèges grands et petits, religieux et
séculiers, ainsi que des couvents, des monastères et toutes sortes d’ordres
militaires, au point d’aboutir à agencer, bien plus qu’un simple bâtiment,
tout un quartier singulier de la ville, voire une petite ville universitaire
dans l’une des zones les plus prestigieuses, du point de vue social s’en-
tend : le Teso de las Catedrales. Mais les historiens, sans doute éblouis par
la débauche des créations architecturales dans la ville à partir de la
Renaissance, ont montré un moindre intérêt pour connaître l’état de
la situation antérieure, humble et obscure, et, plus spécialement, sur la
façon dont apparut l’ensemble universitaire médiéval, lequel, en ayant
cherché à répondre à des besoins qui lui étaient propres, posa les bases
du développement postérieur. Bien entendu, c’est avec l’université que
la ville de Salamanque, jusqu’alors fermée et médiévale comme une
forteresse, s’ouvrit et devint cosmopolite, en accueillant en son sein
toute une foule d’étudiants qui accouraient vers depuis toutes sortes
d’endroits pour « apprendre les savoirs » ; de fait, au début du XVIIe
siècle, le premier chroniqueur de la ville, Gil González Dávila, s’était
déjà rendu compte de cette réalité, lorsqu’il dit :
Salamanque était une petite ville avant qu’elle n’ait une université ;
laquelle, en s’y implantant, l’a rendue beaucoup plus grande, en élargissant
ses rues et en multipliant ses bâtiments avec le concours notable de ceux
qui accouraient à la nouvelle foire des études et des lettres1.

1
González Dávila G., Historia de las antigüedades de la ciudad de Salamanca, rééd. B. Cuart
10 ángel vaca lorenzo

Je pars donc de la thèse que le campus universitaire fut la réponse


que l’université accorda à ses besoins fonctionnels et que, de ce fait,
c’est cette fonction qui est à l’origine de l’espace universitaire. J’envi-
sage par conséquent d’appréhender ce moment, antérieur à celui de
l’essor urbain de Salamanque, en cherchant, en accord avec la para-
graphe thématique du présent colloque (L’université dans ses murs et dans
la la ville), à mettre en évidence la façon dont l’université régla, quant
aux infrastructures immobilières, ses besoins de fonctionnement, et ce
depuis sa fondation jusqu’à la n du Moyen Âge. Cette approche sera
surtout fondée sur l’information des documents qui sont conservés dans
les archives de l’université2 et de la cathédrale3 de Salamanque, ainsi
que sur ceux qui ont été recueillis par Beltrán de Heredia dans ses
deux imposants ouvrages : le Bullaire4 et le Cartulaire de l’université
de Salamanque5.
De toutes façons, je tiens à signaler que, pour des questions de temps,
je n’évoquerai pas les Collèges universitaires, raison pour laquelle je
laisserai de côté le thème du logement des étudiants, qui pourtant font
partie du concept de campus, et de ceux qui furent créés dans la ville
même de Salamanque, au nombre de deux, qui avaient une origine
médiévale : le collège mineur de “Pan y Carbón” et le collège majeur
“San Bartolomé”6.

Moner (Salamanca : 1994) 6. Une idée similaire, quoique plus catégorique, fut exprimée
à la n du XIXe siècle par Alarcón P. A. de, « Dos días en Salamanca », dans Viajes por
España (Grenade : 1989) 276 : « L’université a été, moralement et matérialement, l’âme
et la vie de Salamanque, la source de sa grandeur et de sa renommée, l’occasion et
l’origine de presque tous ses plus beaux monuments ».
2
En grande partie publiée par Onís J. M., « Los documentos reales del Archivo uni-
versitario de Salamanca », dans Memorias de la universidad de Salamanca. Cursos : 1881-1891.
Esperabé Arteaga E., Historia pragmática é interna de la universidad de Salamanca (Salamanca :
1914) 2 vol., Marcos Rodríguez F., Extractos de los libros de claustros de la universidad de
Salamanca. Siglo XV (1464-1481) (Salamanca : 1964) et Vaca Lorenzo Á., Diplomatario del
Archivo de la Universidad de Salamanca. La documentacion privada de época medieval (Salamanca :
1996) édi. elec., préalablement édité comme « Regesta de los documentos medievales
de carácter privado existentes en el Archivo de la Universidad de Salamanca », dans
Studia historica. Historia Medieval 13 (1995) 111-183.
3
J’ai utilisé fondamentalement ses Actas Capitulares, encore inédits qui, quoique
remontant à l’année 1298, ont été en partie conservés jusqu’à la n du XVe siècle.
4
Beltrán de Heredia V., Bulario de la Universidad de Salamanca (1219-1549) (Salamanca :
1966-1967) 3 vol.
5
Id., Cartulario de la Universidad de Salamanca (1218-1549) (Salamanca : 1970-1973)
6 vol.
6
Le premier fut fondé en 1386 par Gutierre de Tolède, évêque d’Oviedo, et le second
en 1401 par Diego de Anaya, à l’imitation du collège San Clemente des Espagnols de
Bologne, qui avait été fondé en 1367 par le cardinal Álvarez de Albornoz.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 11

L’université de Salamanque fut fondée par le roi Alphonse IX de


Léon à la n de l’année 1218 ou, au plus tard, en janvier 12197, selon
le récit de la chronique de l’évêque Lucas de Tuy, écrite en 1236, le
Chronicon Mundi :
< Alphonse IX, après avoir mené une offensive contre les Maures dans la
province de Cáceres, à son retour > « Hic salutari consilio euocauit magis-
tros peritissimos in Sacris Scripturis et constituit scolas eri Salamantice
et ab illa die magis directa est uictorie salus in manu eius »8.
Il la fonda dans la ville de Salamanque parce que celle-ci était, selon
Las siete Partidas d’Alphonse X le Sage, un lieu approprié, doté de « de
bon air et de beaux accès », pour que « les maîtres qui divulguent les
connaissances et les étudiants qui les apprennent vivent sainement et
puissent proter et prendre plaisir l’après-midi après qu’ils soient sortis
fatigués des cours », en alléguant, de surcroît, que Salamanque était
alors « était bien pourvue en pain et en vin et en bonnes auberges où
ils pourraient demeurer et passer leur temps à bon marché », en même
temps que ses habitants étaient obligés de « bien veiller et honorer
les maîtres comme les étudiants ainsi que leurs affaires »9, et, enn,

7
J’y ai consacré un petit article il y a peu auquel je renvoie : Vaca Á., « Orígenes y
fundación de la universidad de Salamanca », Papeles del Novelty 8 (2003) 79-94.
8
Lucae Tudensis, Chronicon Mundi, ed. E. Falque (Turnhout : 2003) 335, et dont la
traduction dans la Crónica de España dit textuellement : « Este,/por consejo saludable
llamó maestros muy sabios en /las sanctas escripturas y establesció que se ziessen/
escuelas en Salamanca, [e] desde aquel dia màs se/endereçó la salud (del sacricio)
[de la victoria] en /su mano », dans Lucas de Tuy, Crónica de España, ed. J. Puyol
(Madrid : 1926) 422.
9
« de buen aire e de fermosas salidas . . . los maestros que muestran los saberes e los
escolares que los aprenden vivan sanos e puedan folgar e recibir placer en la tarde
cuando se levantaren cansados del estudio . . . abondada de pan e de vino e de buenas
posadas en que puedan morar e pasar su tiempo sin gran costa . . . mucho guardar e
honrar a los maestros e a los escolares e a todas sus cosas », dans Alfonso X, roi de
Castille, Las Siete partidas del rey don Alfonso el Sabio (Madrid : 1807) II, 340. Telles furent
les raisons qui, selon Pedro Chacón, le premier historien de l’université de Salamanque,
poussèrent Alphonse IX à choisir la cité de Salamanque comme siège de son université,
ainsi qu’il le dit : « [Cerca de los años del Senor de mil y doscientos], según se cuenta
de un privilegio del Rey Fernando el Santo, Don Afonso el Noveno, Rey de León,
hijo del Rey Don Fernando el Segundo, y nieto del mesmo emperador Don Alonso
Séptimo, ordenó de hacer él también Escuelas en su Reino, porque sus naturales no
tubiesen necesidad de salir fuera de él a aprender, y escojió para el asunto de ellas, la
ciudad de Salamanca, por ser lugar sano, de buenas aguas y proveído de muchos y
buenos bastimientos ; que son la qualidad que el Sabio Rey Don Alonso pone en sus
Partidas, que ha de tener el lugar donde estudio general se hiciere, y por otras conmo-
didades que para el propósito halló en ella », dans Chacón P., Historia de la Universidad
de Salamanca, ed. A. Carabias Torres (Salamanca : 1990) 51-52.
12 ángel vaca lorenzo

parce que, selon la Crónica Géneral du roi du même nom, « la cité de


Salamanque dépassait les autres cités du royaume de León en nombre
d’habitants et par son étendu et vastes nages »10. Alphonse X le Sage
loua lui-même ces mêmes qualités de la ville, lorsqu’il sollicita, en
1255, au pape Alexandre IV la conrmation du Studium, qui avait été
fondé « apud Salamantinam civitatem, ut fertur uberrimam, et locum
in regno tuo Legionensi salubritate aeris et quibuslibet opportunitatibus
praelectum »11.
Il s’agit, donc, d’une Université dont la fondation était royale. Cepen-
dant, dans la Chrétienté médiévale, on ne pouvait imaginer l’existence
d’une institution d’enseignement supérieur sans la reconnaissance de la
papauté. Alphonse X demanda celle-ci et l’obtint rapidement de la part
d’Alexandre IV lequel, par une bulle établie à Naples le 6 avril 125512,
conrma, avec l’approbation de l’évêque et du chapitre de la cathédrale
de Salamanque, la fondation d’Alphonse IX de León, à l’instar des
conrmations des statuts qu’il avait faites peu de temps auparavant
pour les universités de Paris (1246), Bologne (1253) et Oxford (1254).
À partir de ce moment, l’université de Salamanque fut récompensée
par de multiples privilèges ponticaux qui protégeaient et renforçaient
sa situation au sein de l’Église, jusqu’à l’octroi, par ce même pape, le
22 septembre 1255, de la licentia ubique docendi, par laquelle tous les
diplômés de chacune de ses facultés pouvaient enseigner partout dans
le monde et ses titres avaient une validité universelle, avec les seules
exceptions de Bologne et de Paris13 ; une restriction qui fut abolie par
Jean XXII le 2 décembre 133314.
Un fait qui mérite d’être rappelé au sujet de la fondation de l’univer-
sité de Salamanque, c’est son lien et sa forte dépendance vis-à-vis du

10
« La çibdad de Salamança uençie a las otras çipdades del regno de Leon de
muchos moradores et de grandes et anchos terminos », dans Primera crónica general.
Estoria de España que mandó componer Alfonso el Sabio y se continuaba bajo Sancho IV en 1289,
ed. R. Menéndez Pidal (Madrid : 1906) I, 673.
11
Il ne faudrait pas pour autant oublier son caractère de cité-frontière entre la
Castille, le Portugal et le monde islamique, situation qui la transforma en capitale
et résidence quasi-permanente du monarque et en centre géographique du royaume
de Léon, si, comme le voulait le roi, il devait s’étendre vers le sud vers les terres des
royaumes musulmans de Badajoz et de Séville. Qui plus est, l’université pouvait être
un facteur supplémentaire d’union entre les habitants du León depuis la Galice et les
Asturies jusqu’à l’Extrémadure et l’Andalousie, comme le fait bien remarquer Martín
J. L., « Saber es poder. El Estudio Salmantino », dans Historia de Salamanca, II : Edad
Media (Salamanca : 1997) 487.
12
Beltrán de Heredia (1966-1967) I, doc. 10.
13
Id., doc. 15.
14
Id., doc. 28.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 13

chapitre de la cathédrale et, plus concrètement, de l’école de celui-ci,


qui existait déjà en 1130-113415, même s’il est vrai qu’elle ne fonctionna
pas avant la seconde moitié du XIIe siècle, lorsqu’elle apparaît doté d’un
magister scolarum qui la représentait, un personnage qui serait appelé à
jouer un rôle considérable dans la future université ( juge du Tribunal
des étudiants, responsable de la validité des grades, chancelier, etc.),
c’était un poste qui requérait une grande autorité académique sachant
qu’il y avait alors des maîtres issus d’autres pays, et que c’était lui qui
octroyait les bourses aux étudiants les plus brillants an que ceux-ci
puissent aller compléter leurs études à l’étranger16. À cette époque, selon
Martín Martín, l’école de la cathédrale était composée d’un corps pro-
fessoral relativement large et varié alors que, si l’on s’en tient à ce que
disaient les Siete Partidas il n’était pas nécessaire d’avoir plus de quatre
enseignants pour former un Studium generale, ce qui est sûr c’est qu’à la
n du XIIe siècle l’école de la cathédrale de Salamanque remplissait
déjà cette condition17.
Bien qu’on ne puisse pas catégoriquement afrmer, comme le fait
D. Sánchez, que l’école capitulaire de Salamanque avait été convertie
par volonté Alphonse IX en Studium generale18, on ne peut pas non plus
exclure cette éventualité, étant donné la confusion/identité qui avait
existé dans les premiers temps entre les deux institutions. En réalité, des

15
C’est ce que l’on déduit de la présence d’un archischola, délégué du chapitre,
au concile de Carrión, où l’on avait élu comme chancelier don Berenguer, évêque
de Salamanque, dans Beltrán de Heredia V., Los orígenes de la Universidad de Salamanca
(Salamanca : 1983) 16.
16
C’est ce que l’on peut observer à travers le testament du chanoine don Vela, un
des promoteurs de la construction du ciboire de la cathédrale romane, qui en 1163
testa en faveur de Munio Gallego une aranzada de vigne, à condition qu’après sa mort
« tornet se a Sancta Maria, et quantum remanserit de illa vinea, vendant illa, et precio
quod inde acceperint invient ad illos IIIIor clerizones qui sunt a Francia legere », dans
Martín Martín J. L. et alii, Documentos de los archivos catedralicio y diocesano de Salamanca (siglos
XII-XIII) (Salamanca : 1977) doc. 27.
17
Martín Martín J. L., El cabildo de la catedral de Salamanca (siglos XII-XIII) (Salamanca :
1975) 61. En effet, d’après le roi Alphonse X « para seer el estudio general complido
quantas son las ciencas tantos deben seer los maestros que las muestren, asi que cada
una dellas haya hi un maestro á lo menos : pero si todas las ciencias non pudiesen
haber maestros, abonda que haya de gramática, et de lógica, et de retórica, et de leyes
et de decretos », dans Alfonso X (1807) II, 341.
18
Sánchez Sánchez D., « Catedral y Universidad en sus orígenes », dans La Universidad
de Salamanca, éd. M. Fernández Álvarez, L. Robles Carcedo y L. E. Rodríguez-San
Pedro (Salamanca : 1989) I, 330 y « Catedral y Universidad, una relación secular »,
dans Historia de la Universidad de Salamanca, éd., L. E. Rodríguez-San Pedro Bezares
(Salamanca : 2002) I, 410.
14 ángel vaca lorenzo

chercheurs comme Beltrán de Heredia19, Riesco Terrero20, Martín Mar-


tín21 ou Alonso Romero22 penchent malgré tout pour cette possibilité.
Toutefois, indifféremment du fait qu’il se soit agi d’une absorption et
d’un remplacement immédiat ou d’une cohabitation qui aurait perduré
un certain temps, jusqu’à ce que l’école de la cathédrale fût diluée dans
la nouvelle institution, ce qui se révèle évident c’est que le Studium de
Salamanque est bien l’enfant de cette première école et que sans elle
il aurait difcilement pu entamer sa marche séculaire ; un fort héritage
initial qu’il conserva jusqu’au XIXe siècle. À Salamanque, l’université
a toujours conservé le poids de ses origines très liées aux structures du
chapitre et, à la différence des autres universités nées des écoles des
cathédrales, il n’y eut pas de rupture ni de conits signicatifs entre
ces deux éléments23.

19
Auteur qui signale que « durant les deux premiers siècles de son existence, l’Aca-
démie, en raison de l’impossibilité pour elle de mener une vie autonome, dépendait
de façon presque absolue du chapitre cathédral. Les rentes pour son maintien étaient
d’origine ecclésiastique, elles furent gérées jusqu’au début du XIVe siècle par le chapitre.
Les attributions des grades et les actes académiques étaient célébrés dans les dépen-
dances de ce dernier. Les salles étaient des locaux qu’il cédait. La masse des étudiants
était composée presque exclusivement de clercs et d’aspirants à la clergie, c’était en
tout cas un personnel qui était assimilé aux privilèges des clercs », dans Beltrán de
Heredia (1970-1973) I, 83.
20
Lequel afrme « A la n de 1218 ou au début de 1219, sur décision expresse du
monarque, l’école cathédrale fut transformée en Studium generale », dans Riesco Terrero
A., Proyección histórico-social de la Universidad de Salamanca a través de sus colegios (siglos XV y
XVI) (Salamanca : 1970) 15.
21
Lequel, à son tour, soutient que « le Studium primitif de Salamanque était à l’origine
une extension de l’école de la cathédrale, exécutée par Alphonse X », mais qui cependant
continua à être « soumis au chapître tant sur le plan disciplimaire qu’intellectuel, car
les premiers maîtres de l’Etude furent, sans doute, des personnes liées au Chapître »
en dehors du fait que le premier dépendait du point de vue académique de l’écolâtre,
personnalité chargée de diriger l’école de la Cathedrale, dans Martín Martín (1975) 59.
22
Lequel, de son côté, afrme que l’université de Salamanque naquit de la oris-
sante école cathédrale de Salamanque dans laquelle Alphonse IX comptait des amis
qui probablement inuencèrent sa décision et qui fournirent au nouveau centre des
maîtres et des locaux où ils commencèrent à faire cours, dans Alonso Romero M. L.,
Universidad y sociedad corporativa. Historia del privilegio jurisdiccional del Estudio salmantino
(Madrid : 1997), 25 et sq.
23
Cette situation distingue la naissance de Salamanque des modèles européens des
universités nées spontanément, selon Monsalvo Antón J. M., « El Estudio y la ciudad en
el período medieval », dans Historia de la Universidad de Salamanca, ed., L. E. Rodríguez-
San Pedro Bezares (Salamanca : 2002) I, 444, qui en outre, signale la présence plus ou
moins subalterne, aléatoire ou nulle du conseil urbain dans le schéma de l’organisation
de l’université, même si leurs rares relations ne furent pas exemptes de quelques conits
suscités par le logement ou l’approvisionnement des membres de l’université, et surtout
par le statut spécial de l’université qui lui permettait de bénécier d’une juridiction
propre et exempte à celle de la cité.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 15

1. Les besoins fonctionnels de l’université de Salamanque

Les infrastructures immobilières dont l’université avait besoin pour


développer sa fonction académique dépendaient, au moins, de trois
variables : le nombre d’étudiants, la structure académique et la nature
de l’enseignement et la durée des études.

1.1. Le nombre d’élèves


Concernant le nombre des étudiants inscrits à l’université de Salaman-
que au cours de la période médiévale, il est difcile de connaître sa
valeur et ses variations, surtout pour ses deux premiers siècles d’exis-
tence. Jusqu’au milieu du XVIe siècle, il n’y a pas de sources chiffrées,
du genre des registres d’inscription ou des états de délivrance du bac-
calauréat, qui auraient pu nous permettre d’avoir des résultats ables.
On ne dispose malheureusement que de trois références documentaires
isolées et incomplètes datant de la n du XIVe siècle et du début du
XVe, ainsi que des appréciations et des conjectures quantitatives de
quelques auteurs de la n du XVe siècle.
Ces références datent des années 1381, 1393 et 1403 et correspondent
à autant de rotuli de doléances qui avaient été adressées au pontife pour
obtenir des bénéces24. Une fois effectuées les nécessaires corrections25,
on obtient respectivement un nombre total de 327, 111 et 312 élèves,
qui, bien entendu, ne peuvent pas être considérés comme étant ceux
des effectifs totaux des étudiants de l’université qui assistaient aux cours,
en raison des limites des sources mêmes : en elles ne gurent que des
ecclésiastiques, quelques étudiants qui avaient réclamé pour ne pas avoir
été inscrits sur le registre, alors qu’ils l’avaient demandé, et un certain
nombre d’autres n’ayant présenté aucune réclamation.

24
Beltrán de Heredia (1966-67) I, docs. 162, 220 et 341.
25
« Dans le parchemin de 1381 on recense 342 numéros desquels il faut retrancher
les professeurs et quatre numéros qui sont répétés, ce qui aboutit à 326 étudiants. Le
parchemin de 1393 fait état de 122 personnes, dont il reste, une fois faits les mêmes
retranchements que précédemment, 110 étudiants. Enn, le rotulus de 1403 fait appa-
raître 324 personnes, qui aboutissent à 311 étudiants, une fois retranchés celles qui
n’étaient pas des étudiants. A vrai dire, il faut ajouter un étudiant supplémentaire à
chacun de ces tableaux car en aucun d’eux n’apparaît le recteur de l’université de
Salamanque qui était également un étudiant », d’après García y García A., « Génesis
de la Universidad de Salamanca, siglos XIII-XIV », dans Historia de la Universidad de
Salamanca, ed. L. E. Rodríguez-San Pedro Bezares (Salamanca : 2002) I, 33.
16 ángel vaca lorenzo

Quant aux estimations et aux conjectures, elles proviennent du


médecin allemand Hieronymus Münzer (1440-1508) et de l’humaniste
italien Lucio Marineo Sículo (1444-1536). Le premier accomplit un
voyage à travers l’Allemagne, la France et l’Espagne durant les années
1494 et 149526 qu’il consigna dans une narration publiée sous le titre
d’Itinerarium sive peregrinatio per Hispaniam, Franciam et Alemaniam. Dans ce
dernier, Münzer rapporte ceci à propos du nombre d’élèves du Studium :
« Quand je le visitai, on m’afrma que quelque cinq mille étudiants
assistaient aux cours »27. Pour sa part, Lucio Marineo Sículo qui fut
professeur à l’université de Salamanque pendant douze ans écrivit,
entre 1495 et 1496, un De Hispaniae laudibus, dans lequel il évoque la
grande afuence des élèves qui y accouraient en provenance de toute
l’Espagne et d’autres pays, atteignant ainsi un chiffre total de 7.000
étudiants28.
Ces deux estimations semblent excessives à Beltrán de Heredia, qui
signale que :
« à partir de 1400, les trois quarts de ceux qui suivaient un cursus acadé-
mique en Castille étudiaient à Salamanque. Le reste se répartissait entre
Valladolid, Rome et Bologne. Cet état de choses subsista jusqu’aux Rois
Catholiques. Par suite, l’université de Sigüenza entra en scène, suivie
de celle de Séville et, surtout, de celle d’Alcalá. Ces créations ôtèrent
à Salamanque un contingent approximativement de 30% des étudiants
en humanités, arts et théologie, très peu en droit canon, beaucoup en
médecine et aucun en droit puisque cette faculté n’apparut sur les bords
du Tormes qu’au XVIIIe siècle » ; l’auteur en arrive à la conclusion que :
« à supposer que notre université ait compté quelque 600 étudiants au
début du XVe siècle, selon ce que laissent à croire les registres généraux
de l’époque, à la n de ce même siècle, elle devait compter tout au plus
3.000 inscrits environ »29.

26
Sur ce voyage, voir Herbers K., « Aspectos del ‘tiempo libre’ y de ‘estas’ en algunos
relatos de viajeros y peregrinos del siglo XV », dans Fiesta, juego y ocio en la Historia. XIV
Jornadas de Estudios Históricos, ed. Á. Vaca Lorenzo (Salamanca : 2002) 79-102.
27
Beltrán de Heredia (1970-1973) II, 160.
28
« Multo etiam ditiorem urbem hanc atque opulentiorem in dies faciunt et inquilini
qui studiorum gratia urbem incolunt. Huc enim, ut superius scriptum est, ex omnibus
ferme totius Hispaniae urbibus et oppidis undique conveniunt, atque etiam plures ex
esternis gentibus . . . Inquilinorum autem omnium numerus septem fere milium censetur,
qui omnes exempto quotidie vivunt », dans Id., III, 140.
29
C’est, par ailleurs, le chiffre des étudiants permanents tel qu’il apparaît dans
l’enquête effectuée par l’écolâtre Sancho de Castilla durant le procès qu’il maintint au
début du XVIe siècle avec Juan de Landeira, autre prétendant à la fonction d’écolâtre,
devant la Rota romaine, d’après Id., II, 39-40.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 17

Retenons comme hypothèse fondée et probable, ainsi que le recon-


naissent García et García30 et, partiellement, Martín Martín31, les chiffres
signalés par Beltrán de Heredia d’un total de de 600 étudiants au début
du XVe siècle et de 3.000 à la n (15% de l’ensemble de la population
de la ville), et constatons leur accroissement remarquable.
Ç’auraient donc été les besoins de cette population d’étudiants en
croissance rapide qui aurait poussé l’université à fournir une réponse
adaptée.

1.2. La structure académique : centres d’étude, matières et professeurs


Il existe une information supplémentaire sur les centres, les études et
le personnel enseignant de l’université à l’époque médiévale, même si,
sur ce sujet aussi, les livres d’affectation et de nomination aux chaires,
les dossiers de candidature aux postes universitaires, etc., n’existent pas
avant le milieu du XVIe siècle. Il est donc indispensable, concernant ce
sujet, d’avoir recours aux statuts et aux constitutions universitaires.
Nous ignorons quel fut le statut que le roi Alphonse IX accorda
aux écoles de Salamanque qu’il avait fondées, étant donné qu’on ne
conserve pas le privilège royal afférent, l’acte de fondation de l’uni-
versité, à condition qu’il ait existé. Il est possible que celui que lui
octroya Alphonse X le Sage en 1254 fût la mise par écrit de celui par
lequel elle était régie depuis l’époque de son grand-père, car Ferdinand
III, le 6 avril 1243, dans le document le plus ancien existant dans les
Archives de l’université, avait déjà conrmé « ces coutumes et ces fors
dont jouissaient les étudiants de Salamanque au temps de mon père
qui avait établi les écoles à cet endroit »32.
Ainsi donc, le premier statut connu apparaît dans une lettre patente
(improprement appelée « Grande charte » ou « première Constitution »
de l’université de Salamanque) qui fut accordée à Tolède par le roi

30
García et García A., « Consolidaciones del siglo XV », dans Historia de la Universidad
de Salamanca, ed. L. E. Rodríguez-San Pedro Bezares (Salamanca : 2002) I, 62.
31
Selon un recensement de 1504, l’Université comptait un total de 2.694 personnes
(‘dotores e maestros e oçiales e estudiantes e personas del dicho Estudio’), ce qui
représentait presque 15% du cens de la ville (18.489), d’après Martín Martín J. L.,
« Estructura demográca y profesional de Salamanca a nales de la Edad Media »,
dans Provincia de Salamanca. Revista de Estudios, 1 (1982) 21.
32
« aquelas costumbres e aquellos fueros que ouieron los escolares en Salamanca
en tiempo de mýo padre quando estableció hý las escuelas », dans Onís (1888-91)
doc. I.
18 ángel vaca lorenzo

Alphonse X, le 8 mai 125433. Par cette lettre, le roi Sage, à la demande


de l’avocat « des étudiants de l’université du Studium de Salamanque »
et « parcequ’ils disaient qu’ils en avaient grand besoin et utilité pour
le Studium », prit une série de « pusturas » (dispositions) par lesquelles
il élabora l’organisation académique de l’université de Salamanque,
articulée autour de quatre facultés (droit civil, droit canon, médecine
et arts), onze chaires (deux de droit civil, dont une était « cursatoria »,
deux de décrétales, une de droit canon, deux de logique, deux de
grammaire et deux de médecine), six matières (droit civil, décrétales,
droit canon, médecine, logique et grammaire) et quatre services (un
libraire-bibliothécaire, un maître d’orgue, un pharmacien et deux
conservateurs)34.
Cette structure académique ne changea pas avant longtemps. Bien
que l’article 24 du concile de Vienne de 1311-12 ait ordonné de créer
des chaires en langues sémitiques et en grec dans les cinq principaux
centres universitaires de la Chrétienté (Paris, Oxford, Bologne et Sala-
manque, en sus du studium de la curie romaine), à Salamanque, il ne
semble pas que cet ordre ait été suivi avant le début du XVe siècle, et
encore très partiellement, puisque dans le registre de 1403 ne gure
qu’un seul étudiant d’hébreu (Antonio Martín), et dans les livres des
tercias35 de 1406 et 1408 on ne trouve qu’une chaire d’« hébraïque et

33
Malheureusement, l’original n’a pas été conservé ; il devait être « escripta en par-
gamino de cuero e sellada con su sello de çera colgado », voire inséré dans une charte
de privilège et conrmation du roi Henri III octroyée à Valladolid le 20 septembre
1401, dans Id., doc. XXXV.
34
« De los maestros mando e tengo por bien que ayan vn maestro en leys e yo quel
de quinientos maravedis de salario por el anno e el que aya vn bachiller canonigo. Otrosi
mando que aya vn maestro de decretos e yo le de tresientos maravedis cada anno.
Otrosi mando que ayan dos maestros en decretales e yo les de quinientos maravedis
cada anno. Otrosi tengo por bien que ayan dos maestros en logica e yo que les de
dosientos maravedis cada anno. Otrosi mando e tengo por bien que ayan dos maestros
en lo gramatica e yo que les de dosientos maravedis cada anno. Otrosi mando e tengo
por bien que ayan dos maestros en fìsica e yo que les de dosientos maravedis cada
anno. Otrosi mando e tengo por bien que ayan vn estacionario e yo que le de çient
maravedis cada anno e el que tenga todos los exenprarios buenos e correchos. Otrosi
mando e tengo por bien que ayan un maestro de organo e yo que le (de) çinquenta
maravedis cada anno. Otrosi mando e tengo por bien que ayan un apotecario e yo que
le de cincuenta maravedis cada anno. Otrosi tengo por bien que el dean de Salamanca
e Arnal de sençaque que yo fago conseruadores del estudio ayan cada anno dosientos
maravedis por su trabaio », dans Onís (1888-1891) doc. XXXV.
35
Sur les dîmes prélevées par le diocèse de Salamanque, un tiers des revenus de la
fabrique du diocèse (tercias reales) revenait à l’université. Voir ici-même l’article de José
Luis Martín Martín, N.d. T.]
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 19

chaldéen », dotée de 800 maravédis36, et dont la création avait sans


doute été exigée par Pedro de Luna, en sa qualité de légat pontical
de Clément de VI, en 1381, comme il ressort de la a Constitution de
141137. Jusqu’en 1313, selon la bulle de Clément V, l’unique change-
ment fut celui de la conrmation de l’enseignement de la musique au
sein de l’offre présentée par l’université38.
A l’université de Salamanque il n’y eut donc pas jusqu’à la seconde
moitié du XIVe siècle une augmentation du nombre de chaires ou de
facultés, ni, encore moins, de matières enseignées. Ce n’est qu’à ce
moment que se produisit une croissance si importante qu’elle obligea
à augmenter le nombre de chaires de plus du double, ainsi que de
créer une nouvelle faculté, celle de théologie et d’instaurer de nouvel-
les disciplines, comme la philosophie morale et naturelle, les langues
sémitiques (hébreu, chaldéen et arabe), la rhétorique, l’astrologie, la
géométrie et l’arithmétique39.
Selon les registres des attentes présentées par l’université de Sala-
manque au pape Clément VII à Avignon le 9 août 139340, les chaires
de droit s’élevaient à huit : deux de droit civil, deux de droit canon
et quatre de décrétales. En 1406, elles avaient augmenté d’une unité
supplémentaire : une de décret, quatre chaires de prime en droit canon
et droit civil et quatre autres de vêpres41. En 1407-1408, dans une
nouvelle chaire supplémentaire il y eut : quatre de prime, cinq vêpres
et une de décret canon42, qui, avec les trois de théologie (une de prime,

36
Beltrán de Heredia (1970-1973) I, 659 et 661.
37
« Si legens autem de hebraica cum aliis duabus linguis sibi ex certo statuto dicti
studii annexis, videlicet, chaldaea et arabica, fuerit magister legens de biblia, ut prae-
fertur ; si vero non fuerit magister in teologia, et in ipsis linguis, vel saltem in duabus
earum, ut praemittitur, sit peritus, triginta orenos similiter recipiant annuatim », dans
d’après Id., (1966-67) II, doc. 444.
38
« Tertiam partem de huiusmodi tertia decimarum praedictarum civitatis et dio.
Salamantin. in salaria magistrorum et doctorum, quos in decretis, decretalibus, legibus,
medicina, logicalibus et grammaticalibus et musica regere ac docere pro tempore in
dicta civitate contigerit », dans Id., I, doc. 24.
39
Le responsable de cet accroissement fut le pape Benoît XIII puisque, entre autres
choses, « il augmenta les salaires des chaires et institua trois nouvelles en théologie et
beaucoup d’autres en toutes les facultés pour que dans cette célèbre et générale uni-
versité, on ne manque pas d’enseigner aucune des choses qui sont enseignées dans les
autres universités. Il ordonna qu’il y en ait davantage à l’heure de prime, d’autres à
tierce, d’autres à vêpres, et il les signala toutes comme étant nécessaires mais avec des
salaires différents », d’après Chacón (1990) 77-78.
40
Beltrán de Heredia (1966-67) I, doc. 220.
41
Id., (1970-1973) I, 659.
42
Id., 659 et 661.
20 ángel vaca lorenzo

une autre de vêpres et une autre de Bible), les deux de médecine (prime
et vêpres), les deux de logique (nova et veteri), les deux de philosophie
(naturali ac morali), les deux de grammaire, celle de de rhétorique, de
musique, d’astrologie, de géométrie et d’arithmétique, d’hébreu, de
chaldéen et d’arabe qui apparaissent dans les Constitutions que Benoît
XIII avait accordées à Peñíscola, le 26 juillet 141143, cela fait un total
de 14 disciplines et 25 chaires dotées, ce qui équivaut, en outre, au
chiffre qui gure dans une requête envoyée au pape Eugène IV par
l’université le 24 février 143244 (voir Tableau 1).
Tout au long du XVe siècle, le nombre de chaires et de disciplines
continua d’augmenter. Bien qu’on ne puisse pas suivre cet accroissement
point par point, Lucio Marineo Sículo rapporte, dans son De Hispaniae
laudibus, outre les nombreuses chaires extraordinaires, un total de 36
chaires ordinaires, qui se répartissaient de la manière suivante : 5 de
théologie, 6 de droit canon, 7 de droit civil, 4 de philosophie, 3 de
médecine, 1 d’astrologie, 1 de musique, 3 de dialectique, 1 de rhétori-
que, 1 de grec et 4 de grammaire45.
La seule faculté de création récente fut celle de théologie qui, à
Salamanque, à la différence des autres universités, n’existait pas avant la
venue de Pedro de Luna en 1380, bien qu’il ait été établi que depuis le
début du XIVe siècle, il y avait déjà un enseignement de cette discipline
dans les couvents de San Esteban (dominicains) et de San Francisco.
Dans les livres sus-mentionnés de tercias de 1406, de 1407 et 1408, deux
chaires de théologie (une de prime et une autre de vêpres) apparaissent
dotées, quoiqu’Andrés Martín pense que leur fondation avait eu lieu

43
Id., (1966-67) II, doc. 444. Nombre de ces chaires gurent déjà dans les registres
de tercias de 1406, 1407 et 1408.
44
« Item veatissime pater, cum in dicta universitate Salamantin. viginti quinque
cathedrae ordinariae de publico salariatae sint », dans Id., doc. 837.
45
« Profesiones autem hujus academiae primae sunt : Theologiae divinarumque rerum
quinque : in quibus una est sermonis hebraici, atque alia Psalterii. Juris vero ponticii
sunt sex ; civilis autem septem ; philosophiae quatuor, quarum una mores, aliae vero
rerum naturas edocent. Medicinae tres. Se Syderum quoque motu et cognitione una,
alia musicae ; dialecticae tres atque rhetorices una et una linguae graecae ; grammaticae
quatuor. Sunt etiam aliae extraordinariae plures » dans Id., III, doc. 851. Le nombre
de chaires continua d’augmenter durant le siècle suivant et en 1569, il y en avait
soixante-dix, « a saber : de Cánones diez ; de Leyes, otras diez ; de Teología, siete ; de
Medicina, siete ; de Lógica y Física once ; de Astrología una ; de Música otra ; de las
Lenguas Hebrea y Caldea dos y de Lengua Griega ; quatro de Retórica y gramática
diez y siete cáthedra », en plus de « más de quarenta ociales, que para el servicio,
gobierno y ornato de ella son necesarios », selon Chacón (1990) 83.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 21

Tableau 1 : La structure académique de l’USAL au Moyen Âge : centres, chaires et enseignements.


Centre Alphonse X Benoît XIII L. Marineo Pedro Chacón
1254 1381-1411 Sículo1496 1569
Droit 1 Lois 2 Prime 2 Prime 2 Prime
C 1 bachelier en 2 Vêpres 2 Vêpres 2 Vêpres
I droit canon 3 sans 1 Digeste Vieux
V indication 1 Volume
I 2 Code
L 2 Instituta
Droit 2 Décrétales 1 Décret 1 Décret 1 Décret
C 1 Décret 1 Vêpres 1 Sexte et 1 Sexte et
A 2 Prime Clémentines Clémentines
N 2 Vêpres 2 Prime 2 Prime
O 2 Vêpres 2 Vêpres
N 1 Clémentines
3 Décrétales
M
É 2 Médecine 1 Prime 1 Prime 1 Prime
D 1 Vêpres 1 Vêpres 1 Vêpres
E 1 Avicenne 1 Pronostiques
C 1 Anatomie
I 1 Chirurgie
N 1 Méthode
E 1 Simples
A 2 Logique 1 Sommes 1 Sommes 1 Sommes (prime)
R (prime) (prime) 1 Grande Logique
T 1 Logique 1 Grande Vêpres)
S (Vêpres) Logique 1 Philosophie
1 Philosophie (Vêpres) naturelle
naturelle 1 Philosophie 1 Philosophie
1 Philosophie naturelle morale
morale 1 Philosophie 1 Livres physiques
morale 6 Cursatorias
T
H 1 Prime 1 Prime 1 Prime
É 1 Vêpres 1 Vêpres 1 Vêpres
O 1 Bible 1 Bible 1 Bible
L 1 « Sermonis 1 Saint Thomas
O hebraici » 1 Duns Scot
G 1 Psautier 1 Nominales
I (Durant)
E 1 Cursatoria
22 ángel vaca lorenzo

Tableau 1 (cont.)
Centre Alphonse X Benoît XIII L. Marineo Pedro Chacón
1254 1381-1411 Sículo1496 1569
Sans
F 2 Grammaire 2 Grammaire 4 Grammaire 17 Grammaire
A (prime) 1 Grec 2 Langues hébraï-
C 1 Hébreu, 1 Rhétorique que, chaldéenne
U chaldéen et 1 Astrologie et grecque
L arabe 3 Dialectique 4 Rhétorique
T 1 Rhétorique 1 Musique 1 Astrologie
É 1 Astrologie, 1 Musique
géométrie et
arithmétique
1 Musique

TOTAL 11 (6) 25 (14) 36 (19) 70 (30)

entre 1393 et 139646. Cette organisation fut postérieurement renforcée


lorsque Benoît XIII, dans la Constitution qu’il accorda en 1411, créa
une nouvelle chaire de Bible mais aussi grâce à l’apport du potentiel
d’enseignement des couvents précités, dont les études théologiques
furent également reconnues par l’université.
Un tel accroissement de facultés (de 4 à 5), de chaires (de 11 à 25,
puis 36 et enn 70) et de disciplines (de 6 à 14, puis 19 et 30) requé-
rait de ce fait une réponse équivalente en matière d’augmentation du
nombre de salles de cours et de bâtiments universitaires.

1.3. Le régime des enseignements : la durée des études universitaires


Quant au régime des enseignements, en particulier celui concernant la
durée des études, il n’est pas facile de l’appréhender pour la partie ini-
tiale. Jusqu’à l’établissement des constitutions par les papes Benoît XIII,
en 141147 et Martin V, en 142248, on ne peut rien dire de nouveau.

46
Andrés Martín M., « La faculdad de Teología », dans La Universidad de Salamanca,
ed. M. Fernández Álvarez, L. Robles Carcedo et L. E. Rodríguez-San Pedro (Sala-
manca : 1989) II, 63.
47
Particulièrement dans ses articles 1 et 12, dans Beltrán de Heredia (1966-67)
II, doc. 444 et Valero García P. et Pérez Martín M., « Pedro de Luna y el estudio
salmantino. Aspecto Institucional : su Constitución », dans Stvdia Historica. Ha Moderna
VIII (1990) 131-149.
48
En particulier dans ses articles 15-20, dans Beltrán de Heredia (1966-67) II, doc.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 23

Tableau 2 : Régime des enseignements et durée des études dans l’USAL au Moyen Âge.
GRADES Droit Droit ARTS MÉDE- THÉO-
CIVIL CANON CINE LOGIE
6 cours 6 cours 3 cours Bachelier 6 cours de
BACHELIER de Civil de Canon de Logi- en Arts, Sentences
et 10 (deux de que 4 cours de (4 de Bible),
lectures Décret) et et de Médecine 10 lectures et
10 lectures Philoso- et 10 une tentativa.
phie lectures

5 cours 5 cours 3 cours 3 cours 4 cours de


LICENCIÉ et une et une de (bachelier Sentences,
disputatio disputatio logi- en arts) 8 disputationes
que ou 4 pour et de année
et de les non- de présenta-
Philoso- bacheliers tion
phie (4 mois de
pratiques
chaque
année)

Durée 11 années 11 années 6 années 10-11 11 années


totale années

Dans ces constitutions, le programme des enseignements était basé


autour de trois grades : celui de bachelier qui autorisait l’exercice d’une
profession ; celui de licencié qui donnait accès à l’enseignement ; et
celui du doctorat ou de maîtrise qui, en dénitive, relevait en fait d’une
question de prestige qui occasionnait de grandes dépenses, comme
des courses de taureaux par exemple. Il y avait cependant de petites
différences selon les facultés :
Dans celle de droit civil et droit canon, pour obtenir le grade de
bachelier, il était exigé, avant de se présenter à l’examen, d’être conve-
nablement instruit en grammaire et d’avoir suivi six cours de droit
canonique (dont deux de décret) ou de droit civil, mais aussi d’avoir
donné dix leçons. Pour obtenir la licence, on exigeait préalablement
d’avoir suivi cinq cours et d’avoir effectué un acte public en répétant,
en contestant et en répondant aux contradicteurs (voir Tableau 2).

647 et Valero García P. et Pérez Martín M., Constituciones de Martín V (Salamanca :


1991).
24 ángel vaca lorenzo

Dans la faculté des arts, pour avoir le baccalauréat, il était indispen-


sable d’avoir une formation préalable adéquate en grammaire, comme
il l’était tout autant d’avoir suivi, pendant trois ans, les matières de
logique (vieille et nouvelle) et de philosophie (naturelle et morale49) ;
tandis que pour la licence, on exigeait d’avoir enseigné, pendant trois
autres années, « en lisant ou en répétant » la logique et la philosophie
naturelle et morale.
Dans la faculté de Médecine, on exigeait de l’aspirant bachelier qu’il
fût bachelier en arts et qu’il ait suivi quatre années d’études médicales
et donné dix leçons ; quant à la licence, il était nécessaire d’avoir suivi
quatre autres années et d’avoir fait dans chacune d’elles quatre mois
de pratiques, à moins que le postulant ne fût licencié ès Arts, auquel
cas trois années sufsaient.
Dans la faculté de théologie, le bachelier laïc et religieux non men-
diant devait suivre six cours de Sentences, avec l’assistance pour quatre
d’entre eux aux leçons de Bible, de donner dix lectures, suivies d’un
exercice appelé « tentative » ; quant au licencié, il devait continuer quatre
années avec les Sentences, effectuer huit actes scolastiques et une pré-
sentation qui devait être antérieure d’au moins un an à la licence50.
A l’université de Salamanque, le séjour d’un bachelier était donc
d’un minimum de trois années pour obtenir le diplôme en arts, de six
pour avoir le titre de juriste, canoniste ou théologien et un maximum
de sept pour ceux qui aspiraient à exercer la médecine. Ce séjour était
augmenté de trois ans pour les étudiants en arts (soit au total six années),
de cinq pour ceux en droit (au total onze années) et de trois ou quatre
pour ceux de médecine et de théologie (au total dix ou onze années),
pour ceux des bacheliers qui souhaitaient obtenir le grade de licencié
dans ces disciplines. C’étaient des délais excessivement longs, une raison
qui explique que beaucoup de bacheliers renonçaient à poursuivre des
études de licence ou bien demandaient des dérogations de scolarité pour
divers motifs an de pouvoir se présenter à l’examen de licence51.

49
Dans les constitutions de Martin V, article 16, on détaille un peu plus : la première
année devait être consacrée à la Logique ancienne et nouvelle ; la deuxième, Logique
et Philosophie naturelle ; la troisième, Philosophie morale et naturelle ; de plus, il fallait
avoir réalisé simultanément trois explications de Logique, quatre de Philosophie naturelle
et trois de Morale dans les écoles d’Arts.
50
D’après la bulle délivrée par Benoît XIII le 16 mars 1416 à Peñíscola, qui exigeait,
en plus des mendiants aspirants à devenir théologiens, exigeait d’autres pré-requis, notam-
ment, l’intervention de leur propre ordre, dans Beltrán de Heredia (1966-67) II, doc. 514.
51
C’est pourquoi le 6 juillet 1493, les Rois Catholiques ayant été informés de ce
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 25

2. Les réponses immobilières de l’université de Salamanque


à ses besoins fonctionnels

L’inscription des élèves, la liste de professeurs, le tableau des disciplines et


des services et la durée des études, toutes ces variables très changeantes
requéraient différentes solutions immobilières de la part des autorités
universitaires, des besoins qui, à leur tour, dépendaient des ressources
économiques ; c’est en fonction du degré de celles-ci que la réponse à
ces bersoins fonctionnels pouvait être favorable ou ralentie.

2.1. L’utilisation des bâtiments du cloître de la cathédrale


Bien que les 2.500 maravédis (mrs.) avec lesquels Alphonse X avait doté
à l’université de Salamanque en 1254 aient été sufsants pour payer les
salaires de onze professeurs et cinq fonctionnaires et que soient même
restés en réserve « deux cents autres maravédis que possédait le susdit
doyen, an de couvrir les dépenses qui auraient été nécessaires au
studium », la conjoncture socio-économique de la Castille -caractérisée
par une mauvaise climatologie, des pénuries, la récurrence des crises
de subsistance, les tensions inationnistes et les difcultés en tout genre,
y compris celles politiques de la n du règne Alphonse X- renchérit
le coût de la vie et il fut très vite nécessaire d’augmenter la dotation
économique initiale. À la n du XIIIe siècle, le budget de l’université
s’élevait à plus de 10.000 mrs52.

que « muchos de nuestros súbditos e naturales que van a estudiar cánones e leyes en
esos studios [Salamanca et Valladolid], con cobdicia de haber ocios de justicia e otros
cargos de gobernación, salen del estudio mozos e antes que deben, sin tener las letras
e suciencia que deberían e podrían tener, e sin tener tanta edad cuanta sería menes-
ter para semejantes cargos e ocios de justicia ; lo cual es causa que en esas dichas
Universidades y estudios no haya doctores ni tales estudiantes como debría, e los que
salen de los dichos estudios en los cargos que les son encomendados non saben ni dan
la cuenta que debrían » ordonnèrent qu’aucun étudiant de droit canon ou civil qui
n’aurait pas suivi des cours pendant dix ans « no pueda haber ni haya ocio ni cargo
de justicia ni pesquisidor ni de relator en el nuestro Consejo ni en la nuestra Audiencia
e Chancillería ni en ninguna cibdad ni en villa ni lugar de nuestros reinos », de même
que « haya a lo menos edad de veinte e seis años », dans Id., (1970-1973) II, 144-45.
52
En 1290, « las tercias de los otros dos quartos de Salamanca, que son Almuña
e Peña del Rey, con la villa de Salamanca, andan en cuenta de la moneda nueua,
al seys tanto, mill-dccccxxxiii mr [e] terçia, que son de la guerra xi-mill-dc mr. Son
puestos en esta guissa : Al Estudio de Salamanca, x-mill mr. A don Johan Ferrandez,
en los otros lugares quél ý a, que son Arçidiano e Palençuela e otros logares destos
quartos, mill-dc-mr » et en 1292, « las terçias de los otros quartos de Salamanca, que
son Almuña e Peña del Rey, con la villa de Salamanca, andan de cuenta de la moneda
nueua, al seys tanto, mill-dccccxxxiii mr [e] terçia, que son de la guerra xi-mill-dc
26 ángel vaca lorenzo

Par ailleurs, la dotation économique n’était pas chose facile à encais-


ser, car du fait qu’elle était assujettie aux tercias royales des dîmes du
diocèse de Salamanque, les collecteurs devaient faire face à l’hostilité
invétérée des contribuables, des paysans pour la plupart, vivant dans
plus de 300 centres d’habitation53, sans compter qu’ils devaient répar-
tir les prélèvements de cette dîme avec les autres collecteurs de cette
rente ecclésiastique. Plus d’une fois, comme cela survint en 1286, l’in-
tervention du roi fut nécessaire, celui-ci ordonnant « aux percepteurs
et aux fermiers et à tous ceux qui avaient affaire avec les tercias, qui
s’ils ne voulaient pas verser les XI mille DC maravédis au Studium de
Salamanque, qu’on leur prît le pain et le vin jusqu’au montant de ces
maravédis précités »54. Il ne fait pas de doute que l’origine de la crise du
XIVe siècle qui toucha le royaume castillan dans son ensemble, aggrava
aussi la situation économique de l’université, jusqu’à tel point extrême
que le 7 août 1300 on rapporta au roi Ferdinand IV que « parfois les
enseignants cessent de faire cours en raison de la diminution du paie-
ment des salaires, ce qui cause grand dommage aux étudiants »55.
En réalité, ce n’était pas seulement le recouvrement des tercias royales
qui était compliqué dans une situation de crise sociale, économique et
politique qui ne cessait de se détériorer, mais également leur propre
attribution, étant donné que celle-ci ne dépendait pas seulement du roi,
mais aussi du pape. Les tercias royales avaient été accordées aux rois
castillans par le Saint Siège dans le but de nancer la guerre contre
les hispano-musulmans. Chacune des concessions ne valait que pour
trois ans et les renouvellements successifs ne furent pas toujours auto-
matiques ; concrètement, Clément V, voyant que les tercias n’étaient pas
destinées à leur n première, il les supprima en 1305 et l’université se

mr. Son puestos en esta guissa : A don Johan Ferrandez, maordomo, en los terçios de
Veguiella e de Arçediano e Palençuela e otros logares que el a en estos dos quartos,
mill-dc-mr. Al Estudio de Salamanca, los otros que ncan, que son, x-mill mr », chez
Hernández F. J., Las rentas del rey. Sociedad y sco en el reino castellano del siglo XIII (Madrid :
1993) I, 308-09.
53
Certaines de ces difcultés, et surtout, l’organisation economico-administrative
de l’université au Moyen Âge ont été étudiées par Martín Lamouroux F., La revelación
contable en la Salamanca histórica. La Universidad de Salamanca en la encrucijada contable de los
siglos XV y XVI a través de sus cuentas (Salamanca : 1988) 35 sq.
54
« alos cogedores e alos arrendadores e a aquellos que ouiessen de veer las terçias,
que ssi dar non quisiesen los XI mil DC mr. al estudio de salamanca queles tomase
pan e vino ffata en quantia destos mr sobredichos », dans Gaibrois de Ballesteros
M., Historia del reinado de Sancho IV de Castilla (Madrid : 1922) I, CLXXXII.
55
« a las veces cesan de leer los maestros por mengua de las pagas de los salarios, e
que es gran daño de los escolares », dans Beltrán de Heredia (1970-1973) I, 626.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 27

retrouva sans ressources économiques pour payer les salaires des pro-
fesseurs et des employés.
Face à cette situation de faillite économique, « à cause des tercias que
le pape avait enlevées au roi, et avec lesquelles on avait coutume de
payer les maîtres de l’université de Salamanque ; et que pour ce motif
l’université dépérissait tant qu’il n’y aurait aucun prélèvement pour
payer les maîtres, et que cela causerait un grand dommage pour le
roi et pour tout le royaume, et plus encore pour l’église et la ville de
Salamanque, car une chose aussi noble périrait, et si prestigieuse que
l’université », le conseil municipal de Salamanque, en lien avec le cha-
pitre de la cathédrale, décidèrent de demander au roi qu’il « ordonnât
de leur envoyer de l’argent pour payer les maîtres cette année et pour
que l’université ne pérît pas », et le roi y consentit, ordonnant « que l’on
envoie depuis ce territoire douze mille maravédis pour l’université, ce
qu’il faudrait pour payer les maîtres cette année ». De cette façon, le
précité conseil municipal, en accord avec le chapitre, décidérent répartir
l’assiette de ces impôts entre les habitants de la terre de Salamanque,
sans « qu’aucun n’esquivât de les payer, qu’il fût clerc ou laïc, parmi tous
ceux qui possédaient des biens d’au moins soixante maravédis, même
s’ils avaient une lettre privilège les dispensant de le faire », à l’exception
des brassiers et des serviteurs des clercs et des chevaliers, ainsi que tous
ceux qui habitaient dans le château de Monleón56.
Face à ce fait accompli et à la demande insistante de la reine María
de Molina, Clément V accorda la suppression de l’embargo des tercias
royales en 1309 et, pour que l’université n’eût pas à renouveler sa
demande tous les trois ans, sur suggestion de l’évêque de Salamanque,
Pedro Pérez, le pape ordonna à l’archevêque de Compostellle de le tenir
informé de la valeur des dites tercias, sur le nombre d’enseignants et le

56
« razon de las tercias, que el Papa había tirado al Rey, onde se solían pagar los
maestros del Estudio de Salamanca, é que por esta razon el Estudio perecía, si algun
recaudo non oviese de pagar los maestros, é esto que seria muy grande danno del
Rey é de todo el reino, e sennaladamentre de la iglesia é de la villa de Salamanca,
do se perecería tan noble cosa, é tan honrada como el Estudio . . . mandase echar
algunos dineros entre si, para pagar á los maestros por este anno, porque el Estudio
non pereciese . . . echasen por la tierra doce mill maravedís para el Estudio, cuanto
por este anno para pagar los maestros . . . sin que ninguno no se escusase de pechar en
ello, nin clérigo nin lego, de quantos ouiessen ualía de sesenta mrs., por carta nin por
preuillegio que touiese », ainsi il est dit littéralement dans un document du 9 janvier
1306 dont une copie est conservée dans l’Archivo de la Catedral de Salamanca, caj.
16, leg. 1, núm 28. Publ., entre autres, chez Villar y Macías M., Historia de Salamanca
(Salamanca : 1974) III, Apén. XVI, réed.
28 ángel vaca lorenzo

montant de leurs salaires57. Une fois le rapport reçu, le pape ordonna


à l’archevêque d’assigner le tiers des tercias de la fabrique du diocèse
de Salamanque pour payer les maîtres de l’université et de nommer un
administrateur qui veillerait à la perception de ces revenus et à payer
leurs salaires aux professeurs58.
De cette façon étaient garanties de manière permanente, du moins
en théorie, les nances de l’université, au même temps qu’elles étaient
dissociées de la concession qui avait été faite aux rois pour faire la guerre
aux musulmans. Toutefois, cette concession n’assura pas complètement
la subsistance du Studium, parce que le produit des tercias dépendait des
uctuations des récoltes, lesquelles, en raison des mauvaises conditions
climatiques présentaient de grandes oscillations59, et leur recouvrement
ne fut pas toujours facile dans une conjoncture aussi critique que celle
des dernières années du XIIIe siècle et d’une grande partie du XIVe :
en 1324, le clergé d’Alba de Tormes refusa de payer la somme qui lui
incombait au titre des tercias de la fabrique pour subvenir aux besoins
de l’université, c’est pourquoi l’archevêque de Compostelle, fray Beren-
gario, dut intervenir60.
Devant cette situation économique, l’université parvenait à peine à
couvrir ses besoins les plus élémentaires : payer les salaires du corps
professoral ; sachant que la majorité d’entre eux ne pouvait pas vivre
de cette rétribution académique et qu’ils devaient compléter leur salaire

57
Bulle délivrée en Avignon le 13 mars 1313, dans Beltrán de Heredia (1966-67)
I, doc. 23.
58
Bulle délivrée dans le prieuré de Grausello le 14 octobre 1313, dans Id., doc. 24.
59
Ainsi, on sait qu’en 1318, les revenus réels n’étaient pas sufsants, comme le
signale un extrait copié dans le Tumbo del Archivo Municipal de Salamanca, d’un
document disparu où il est dit : « un despacho en latin del señor arzobispo de Santiago,
en virtud del breve de su Santidad inserto en él, para que, mediante la parte que se
había señalado en las tercias de la Universidad desta ciudad para la manutención
de los doctores y maestros de sus estudios no había bastante para sus alimentos,
por cuyo motivo se hallaba deteriorada, de ello se le acrecentase otra parte más en
dichas tercias ; y asimismo está inserto un poder dado por la ciudad para tratar con
dicho señor arzobispo sobre la forma en que se había de ordenar y establecer dicho
estudio. Su data de el referido despacho en Zamora a 16 de octubre de 1318 », dans
Id., (1970-73) I, 117.
60
Qui le 17 novembre 1324, d’après un document conservé dans l’Archivo de la
Catedral de Salamanca, caj. 26, leg. 1, nùm.19, ordonna à l’évêque, au chapitre et à
l’écolâtre de Salamanque d’obliger le conseil, l’archiprêtre, les clercs, les paroissiens et
les collecteurs des tercias d’Alba de Tormes à payer le tiers de la tierce part des dîmes
des églises qui étaient obligées à cela par concession du pape, an de payer les salaires
des maîtres de l’université. Cit. dans Marcos Rodríguez F., Catálogo de los documentos del
Archivo Catedralicio de Salamanca (siglos XII-XV) (Salamanca : 1962) doc. 519.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 29

en percevant un bénéce ecclésiastique ou quelque charge à la cour


bien rétribuée. Ainsi, l’université pouvait-elle difcilement se lancer
dans une politique d’acquisition des cinq ou six immeubles dont elle
avait besoin pour exercer son activité académique. En cela, comme
dans d’autres aspects, sa dépendance vis-à-vis du chapitre cathédral
était toujours totale.
Bien entendu, l’afrmation de l’historien local, Villar y Macías, paraît
peu fondée lorsqau’il dit que le premier bâtiment qu’avait occupé l’uni-
versité avait été construit par l’évêque don Martín (1229-1246)61, une
afrmation conrmée par J. González, qui indique que la localisation
de la première école universitaire avait pu se trouver « dans la bâtisse
qui se trouve sur l’actuel emplacement, en raison de sa proximité avec
la cathédrale, car rien ne prouve le contraire et parce qu’on sait que le
ls du roi avait plusieurs maisons très proches de l’actuel bâtiment »62.
En réalité, tous les témoignages vont dans le sens contraire : à savoir
que l’université avait manqué d’une enceinte propre pour mener à
bien son rôle d’enseignement depuis sa fondation jusqu’au milieu du
XIVe siècle au moins. Au cours de ses cent cinquante premières années
d’existence, elle dut utiliser les locaux que le chapitre cathédral avait mis
à sa disposition autour du cloître de la vieille cathédrale ; et jusqu’au
milieu du XIXe siècle, elle continua à en utiliser certains, comme les
chapelles de Sainte-Barbe pour l’attribution des grades de licenciés et
de docteurs, et celle de Sainte-Catherine pour les actes plus importants
quant à l’assistance, tels les banquets des gradués.

2.2. La location de bâtiments aux institutions ecclésiastiques : les Écoles


nouvelles de droit canon, droit civil et grammaire
Il est possible qu’au milieu du XIVe siècle et, plus spécialement, à
partir de l’arrivée au pouvoir de la dynastie des Trastamare (1369),
dont les rois imaginèrent « leur relation avec l’université comme un
lien de protection et une tutelle spéciale »63, la trésorerie du Studium se

61
Il fonde cette assertion sur quelques vers du poème intitulé « Triunfo Raimun-
dino » écrit par le bachelier Juan Ramón de Transmiera au début du XVIe siècle :
« Don Martin sumo prelado /Este estudio edicó, /Y de sus rentas dotò /Universal
afamado », dans Villar y Macías (1974) III, 27 et 73, et V, 166. Evidemment, il faut
également interpréter le mot « edicó » du Triunfo Raimundino dans un sens non pas
strictement littéral, mais dans celui de créer.
62
González J., « Notas sobre los orígenes de la Universidad de Salamanca », dans
Boletìn de la Biblioteca de Menéndez Pelayo XXII (1946) 56.
63
Selon Monsalvo Antón (2002) 453.
30 ángel vaca lorenzo

fût améliorée en réponse à l’accroissement des inscriptions scolaires,


des chaires, des matières et des facultés. L’université, comme les autres
institutions et instances seigneuriales de Castille, sortit très vite, et surtout
très renforcée, de la crise du XIVe siècle.
La capacité et le nombre de salles qui étaient disposées autour du
cloître de la cathédrale furent très vite saturées. On avait besoin de nou-
velles enceintes, plus vastes encore, mais les disponibilités économiques
de l’université ne permettaient pas leur construction immédiate. La
seule solution fut de louer, et les institutions ecclésiastiques et le chapitre
cathédral lui-même possédaient de nombreux immeubles urbains, qui
étaient dispersés dans les environs de la cathédrale et aptes à la fonction
universitaire. Il fallait seulement les aménager et les doter en mobilier
utile à l’activité d’enseignement. Telle fut la réponse que proposa en
premier le conseil de l’université ; et c’est ce que l’on t pour les disci-
plines de décrétales, de décret, de droit civil et de grammaire.
Dans la seconde moitié du XIVe siècle, les cours de Décrétales
étaient donnés dans les Vieilles Écoles de droit canon, les plus fréquentées
et dont la localisation exacte nous demeure inconnue. Mais, à partir
du dernier quart du siècle, on transféra ces classes vers un immeuble
du chapitre, qui fut loué en viager au bedeau Alfonso Fernández pour
160 mrs. par an et qui se trouvait près de la cathédrale, dans la partie
orientale du terrain que des années plus tard occuperaient les Escuelas
Mayores. Il avait une capacité d’accueil pour 200 étudiants et disposait
de tout le mobilier nécessaire : sièges et bancs placés le long des murs
et au milieu de la salle64; il disposait également d’une chaire, le siège

64
« Estando en cabillo don Remón Bodín, deán de Salamanca, et personas et canó-
nigos et raçioneros, todos juntos, segúnt que lo han de huso et de costunbre, paresçió en
el dicho cabillo Alfonso Ferrández, bedel ; et dixo que por quanto él tenía las escuelas
de las Decretales, que son cerca de la eglesia, sacadas en renta por su vida, por ciento
et sesenta maravedís cada año, et que si los dichos deán et Cabillo le quitasen de la
renta quarenta maravedís, que él repararía bien las dichas escuelas et que faría el suelo
del sobrado todo de tablas aserradaças ; et otrosí que faría asentamientos en derredor
de las dichas escuelas todas las paredes en que se asentasen los escolares ; et otrosí, por
medio de las dichas escuelas en el dicho sobrado asentamientos, los que fuesen menes-
ter, todos de buenas tablas plegadas en manera que non se podiesen tirar ; et otrosí,
conplimiento de bancos para en que tengan los libros delante sí los escolares, delante
todos los asentamientos, así en derredor commo en medio, e que estén plegados et de
yuso de los pies tablas plegadas en que tengan los pies. Et esto todo que lo cunpliríe en
derredor de las escuelas, cabe las paredes et por medio, commo dicho es, en manera
que podiesen estar hý asentados e copiesen a los menos dozientos scolares . . . Et obligóse
de los dar fechos e endereçados desde día de Sant Miguel de setienbre, primero que
viene, fasta un año conplido », dans Actas Capitulares, livre 1, fol. 49.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 31

élevé du maître. Tel est le modèle de salle de classe qui se maintiendrait


à l’université pendant longtemps, comme on peut le vérier sur les
scènes des portes des étagères des manuscrits et des incunables de la
Bibliothèque, peintes par Martín Cervera en 1614 (voir Figure 1), ou à
travers la salle de classe, qui existe toujours, de fray Luis de Léon.
De leur côté, les cours de décret avaient lieu, en 1383, dans une
« chambre », propriété du chapitre cathédral qui était louée au pré-
bendier Pedro Gómez, puis au chanoine Pedro Fernández de Cuenca.
Avec le palais, le verger, le cloître, les combles et autres chambres, elle
faisait partie des maisons, « dans lesquelles vivait don Beltrán Beltr[aner],
écolâtre, que Dieu le pardonne »65, et se trouvaient à proximité des
précédentes écoles de Décrétales, dans la place mediévale de Santa
María (actuellement d’Anaya), face à celle que l’on appelle maison
des Poissons66.
Ainsi donc, à la n du XIVe siècle, les études de droit canon étaient
prononcées dans deux immeubles du chapitre, rénovés depuis peu et
ouverts à la location, situés dans la partie orientale du terrain que par
la suite occuperaient les Escuelas Mayores. Et, même si chaque immeu-
ble était indépendant, leur proximité et leur usage similaire, fut vite à
l’origine de leur regroupement au sein d’un même bâtiment qui, après
le XVe siècle, fut appelé Écoles nouvelles de droit canon, par opposition au
bâtiment autrefois destiné à ces études, les Vieilles Écoles de droit canon, qui
fut été réservé pour les actes solennels, comme les réunions du conseil de
l’université67. Cependant, un fait à remarquer est que ces Écoles nouvelles
de droit canon avaient été agrandies jusqu’au point d’atteindre la Rúa
Nueva (actuellement Libreros), puisque déjà en 1414 elles jouxtaient un

65
« en las quales morava don Beltrán Beltr[aner], maestrescuela que Dios perdone »,
dans Id., livre 1, fol. 77 v. Les maisons oú vivait le chantre Martín García « son a do
venden los peçe » (1383, juillet 24), dans Id., livre 1, fol. 80.
66
Les maisons des Peces « son en esta çibdat, cerca la dicha eglesia, fronteras de las
[Esc]uelas Nuevas », dans Id., livre 2, fol. 188 v. En 1499 on document sur la « Plaça
de Santa María unas casas al cantón de la calle, frontero de las Escuelas Mayores [en
marge : « que se llaman de los Peçes »] a mano derecha », selon le Libro de las posesiones
del cabildo y de los capellanes del coro, mss. de l’Archivo Catedralicio, fol. XIV.
67
Au moins en deux occasions distinctes, 1414 et 1421, le conseil de l’université
s’y réunit, tandis qu’en 1428 la réunion eut lieu dans les écoles de Décret, selon Vaca
Lorenzo (1996) docs. 4, 7 et 15. Par la suite, le lieu ordinaire pour la célébration des
conseils universitaires fut la chapelle de Saint-Jérôme, située dans les Escuelas Mayores,
même si dans la seconde moitié du XVe siècle, elles se tinrent aussi en d’autres lieux :
cloître de la cathédrale, maisons particulières de l’écolâtre, du recteur, du vice-recteur,
des docteurs, monastère de la Vega, etc., d’après Marcos Rodríguez (1964) 13-14.
32 ángel vaca lorenzo

Figure 1 : Peinture de Martín Cervera (1614).


le campus de l’université de salamanque au moyen âge 33

autre immeuble du chapître, cas de celle que l’on appelle maison de la


Treille « qui était propriété de don Hay dans la Rúa Nueva »68.
L’enseignement du droit civil était assuré dans la faculté des Lois
qui occupait un autre immeuble, également propriété du chapitre
cathédral et loué, dans un premier temps, au prébendier Fernando
Martínez de Logroño, décédé avant 1378, et, ensuite, en 1383, au
chantre don Martín García. Le premier avait aménagé si habilement
« une chambre sous les combles » pour l’enseignement de ces études,
en la dotant de tout le mobilier, qu’elle servit de modèle aux réformes
qui furent introduites par le bedeau Alfonso Fernández dans le local
qui avait précédememnt été loué pour les écoles de droit canon. La
localisation précise de cette « chambre sous les combles dans laquelle on
enseignait les lois » n’est pas facile à localiser ; divers actes capitulaires69
nous aident à xer sa situation très près de la cathédrale, dans la rue
d’Acre (actuellement Doyagüe).
Enn, les cours de grammaire étaient donnés dans des maisons de
l’église de Saint-Benoît, qui se trouvaient « à côté de la ruelle qui va
du Desaadero à Sant Agostín » (act. rue de la Plata), et probablement
sur le même terrain, ou très proches, de celui qui par la suite serait
utilisé pour construire les Escuelas Menores ; ces écoles étaient louées à
Alfonso Martínez en 141370 et restèrent à cet endroit pendant les années
suivantes (141571 et 141672) ; mais, en les qualiant de « vieilles », cela

68
« que solía tener don Hay en la Rúa Nueva », dans Actas Capitulares, livre 2, fols.
53 v, 56 v et 99 v.
69
Id., livre 1, fol. 55 v, 80 et 95 v. : encore au début du XVIe siècle, on se souvenait
de cette localisation, proche de la place de San Cebrián d’alors, d’après ce qui apparaît
dans le Libro de las posesiones del cabildo y de los capellanes de coro, fol. XL.
70
« Ítem, este dicho día (15 de septiembre), Juan Sánchez de Pavía, estudiante en
Artes, sacó en renta e le dexó en renta por su vida en cabillo García Díaz, racionero de
Salamanca, unas casas quél tenía por su vida, que son a las escuelas viejas de Gramática.
Las quales casas son al canto de la calleja que va del Desaadero para Sant Agostín.
En las quales casas ha quatro cámaras con su corral ; la una con un sobrado alto, e la
otra con otro sobrado, e la otra con un pedaço de sobrado e la otra sin sobrado. Estas
dichas cámaras son con su portal general de parte de dentro. De las quales dichas
casas son linderos : de la una parte, el corral de las escuelas de Alfonso Martínez, que
son casas de San Benito, e de la otra parte casas de Santa María, que tiene Juan de
Bonilla, e de las otras dos partes la calle », dans Actas Capitulares, livre 2, fol. 7 v.
71
« Fiança de las casas de Miguel Martínez . . . de las casas que él tiene en renta del
Cabillo, en que solía morar el dotor Juan Gonçález, e de las casas en que él mora, las
quales son commo van del Desaadero a las escuelas de la Gramática, a manezquerda »,
dans Id., livre 2, fol. 98 v.
72
« Martín Fernández de Paredes, bachiller en Decretos, racionero en la dicha
eglesia, sacó en renta por su vida una casa que vacó por muerte de Ça Cabaña, judío,
que está junta con el arco (dans l’interligne : de la iglesia) de Sant Salvador, que ha por
34 ángel vaca lorenzo

suppose l’existence d’autres écoles de construction plus récente ; de fait,


Beltrán de Heredia a afrmé qu’en 1417, ces écoles avaient été transférées
« près de San Vicente » dans un local appartenant au chapitre, qui avait
été donné en rente au chanoine et docteur Ybo Moro pour « trois cent
cinq vieux maravedís et trois paires de poules » ; individu qui, lors de la
réunion du chapitre du 24 septembre renonçé à les louer, raison pour
laquelle les écoles, de nouveau mises aux enchères, furent acquises par
Alonso Fernández, bachelier en Décret73. Ceci étant, le fait de les avoir
dénommées « vieilles écoles » n’est pas une raison pour croire qu’il y
en avait de nouvelles ; en réalité, jusqu’à à moitié du XVe siècle, on ne
construisit pas d’autres et le transfert vers la butte de San Vicente n’a pas
existé, comme le prétendent Beltrán de Heredia et les autres historiens qui
l’ont aveuglément suivi ; l’afrmation du premier se fonde sur une simple
erreur de lecture paléographique (Vicente, au lieu de Bartolomé).
Par conséquent, les écoles de grammaire se trouvèrent toujours dans
les maisons qu’occuperaient par la suite les Escuelas Menores, même si,
au début du XVe siècle, elles se révèlerent déjà inadaptées, « vieilles »,
lorsque les inscriptions des étudiants augmentèrent, ce qui obligea à
acquérir les terrains situés à proximité pour agrandir et construire de
nouvelles salles de classe d’une plus grande capacité.
On ne sait rien des endroits ni des locaux des études de logique et de
médecine. On peut supposer qu’ils connurent une politique de location,
semblable à celle des autres disciplines ; motif pour lequel on peut afr-
mer que jusqu’au début du XVe siècle, l’université de Salamanque n’eut
pas de campus en tant que tel pour accomplir les tâches d’enseignement.
Pendant ses deux premiers siècles d’existence, elle vécut à crédit : elle
utilisa d’abord gratuitement les locaux du cloître de la cathédrale, puis
elle loua des immeubles, qui étaient dispersés dans les environs de la
cathédrale et à la limite septentrionale du quartier juif – en net recul
à cette époque – même s’ils étaient très proches les uns des autres, an
de remplir, en partie, ce qu’avait ordonné le roi Alphonse X quant à
la localisation des écoles du Studium generale :
Les écoles du Studium generale doivent se trouver dans un lieu éloigné de
de ville, les unes près des autres, pour que les étudiants qui auraient

linderos : de una parte, (dans l’interligne : el dicho) arco e de la otra parte (biffé : casas) las
escuelas de la Gramática, por ochenta e çinco maravedís viejos e un par de gallinas
cada año », dans Id., livre 2, fol. 112 v.
73
Beltrán de Heredia (1970-73) II, 196-97 et dans les Actas Capitulares, livre 2, fol. 135.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 35

l’envie d’apprendre puissent rapidement suivre deux leçons ou plus s’ils


le souhaitent à diverses heures du jour, et qu’ils puissent s’interroger les
uns les autres sur les choses où ils auraient des doutes : les écoles doivent
cependant être à l’écart les unes des autres pour que les enseignants ne
soient pas gênés en entendant les cours des autres 74.

2.3. La construction des Escuelas Mayores, Escuelas Menores et de


l’Hospital del Estudio
Ce fut au début du XVe siècle que l’université bouleversa radicalement
sa politique immobilière pour répondre à ses besoins fonctionnels : du
principe de location, elle passa à celui de l’acquisition de terrains pur
y construire les bâtiments les mieux adaptés à ses besoins, c’est ainsi
qu’elle parvint à se doter d’une enceinte, d’un campus universitaire qui
lui était propre.
Le promoteur de ce changement fut le cardinal aragonais Pedro
(López) de Luna, plus tard devenu pape sous le nom de Benoît XIII,
dont l’arrivée à Salamanque survint en 1380, après le schisme qui
était apparu dans l’Église entre les papes Urbain VI et Clément VII,
en qualité de légat de ce dernier75, avec comme mission d’obtenir l’ad-
hésion du roi castillan, Jean Ier de Trastamare. Considéré comme « un
avisé diplomate et un astucieux négociateur, habile, mesuré, patient et
prudent »76, il obtint du roi que, « sur le conseil de ses lettrés, pencha
pour obéir à Clément le Septième », en échange de la neuvième part
de la dîme de son royaume. Ce fut donc à l’occasion de sa mission de
légat pontical qu’il entra en contact avec l’université de Salamanque

74
« Las escuelas del estudio general deben seer en logar apartado de la villa, las unas
cerca de las otras, porque los escolares que hobieren sabor de aprender aina puedan
tomar dos liciones ó mas si quisieren en diversas horas del dia, et que puedan los unos
preguntar á los otros en las cosas que dubdaren : pero deben las unas escuelas seer
tanto arredradas de las otras, que los maestros non se embarguen oyendo los unos lo
que leen los otros », dans Alfonso X (1807) II, 342.
75
Sa nomination comme légat de Clément VII pour les royaumes de Castille,
Aragon, Portugal et Navarre eut lieu par la bulle In summis coelorum du 18 décembre
1378 et il fut doté d’amples pouvoirs, parmi lesquels la juridiction sur la hiérarchie
espagnole, sur les cathédrales et les religieux de tous ordres, ainsi que sur les Studia
generalia, d’après Zunzunegui J., « La legación en España del Cardenal Pedro de Luna,
1379-1390 », dans Miscellanea Historiae Ponticae, 7 (1943) 97-101 et docs. 1-5. Pour la
bibliographie de ce pape, voir Suárez Fernández L., Benedicto XIII. ¿ Antipapa o papa ?
(1328-1423) (Barcelone : 2002).
76
Beltrán P., « Don Pedro de Luna, papa Benedicto XIII : semblanza de un ara-
gonés exceptional », dans VI Centenario del Papa Luna, 1394-1994. Jornadas de Estudio
(Calatayud : 1996) 375.
36 ángel vaca lorenzo

et, disposant des appuis du roi castillan et du pape d’Avignon, il entama


une série de réformes très importantes et intenses, après qu’il eût obtenu
la tiare ponticale en 1394, et ce n’est que justice que reconnaître que
son action a été considérée comme « une véritable refonte ou nouveau
départ de notre Université sur de plus solides bases que celles qui exis-
taient auparavant, et en dénitive dans l’orbite de la dépendance des
papes »77, et qu’il ait été considéré comme « le troisième fondateur de
l’université, après les rois Alphonse IX et Alphonse X »78.
Dans le domaine économique, il parvint à augmenter la dotation
de l’université, en lui assurant, outre le tiers des tercias de la fabrique
du diocèse de Salamanque, le recouvrement des deux tiers des cuartos
d’Armuña, Baños et Peña del Rey qui appartenaient à la terre de Sala-
manque, et que le roi Henri III lui avait échangés en 1397 contre les
20.000 mrs. Qui avaient été donnés par le roi Jean Ier, son père, dans la
ville de Salamanque « pour la réfection dudit Studium et comme complé-
ment pour payer les chaires », et que faute de pouvoir les encaisser il ne
pourrait pas « sans eux faire de grands investissements et dépenses »79.
Grâce à ces recettes80, l’université put faire face, non seulement au paie-
ment des professeurs et des ofciers, mais aussi d’obtenir un excédent
qui fut en augmentant jusqu’à devenir une importante ressource : 800
orins en 1418, 60.338 maravédis durant l’année académique 1464-65
et 291.000 mrs. durant celle de 1474-7581.
Par la suite, l’arrivée au pouvoir des Rois Catholiques et leur inuence
bénéque pour l’université servit à renforcer et à augmenter cette
situation économique prospère, au point qu’elle se mit à investir dans

77
Valero García P., « El nivel institucional. 1. Gobierno estatutario », dans La Univer-
sidad de Salamanca, ed. M. Fernández Álvarez, L. Robles Carcedo et L. E. Rodríguez-San
Pedro (Salamanca : 1989) II, 329.
78
Álvarez Villar J., La Universidad de Salamanca. III : Arte y Tradiciones (Salamanca :
1990) 74.
79
« para refacimiento del dicho estudio e para conplimiento para pagar las cáte-
dras . . . syn sobre ellos fazer grandes costas e espensas », dans Onís (1881-91) doc.
XX.
80
En utilisant les deux seuls Libros de Tercias y Rentas del Estudio qui sous les cotes
AUS/1647 et AUS/1648 sont conservés dans l’Archivo de la Universidad et qui cor
respondent aux années 1403-1408 et 1435-1447, Martìn Lamouroux (1988) 160-62
a pu obtenir l’adjudication nale de toutes les tercias assignées à l’université qui se
trouvent dans les ms. suivants : 160.942,4 (1403), 159.558,4 (1404), 153.653,3 (1405),
188.683,3 (1406), 170.775 (1407), 184.273,5 (1408), 220.950,5 (1435), 292.541,4 (1436),
231.006,7 (1437), 258.423,2 (1438), 320.655,5 (1439), 376.944,8 (1440), 280.757,7
(1441), 240.480,9 (1442), 348.860 (1443), 415.817,6 (1444), 376.124,9 (1445), 321.775,3
(1446) et 324.142,3 (1447).
81
Beltrán Heredia (1966-67) II, doc. 556 et (1970-73) I, 123.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 37

l’achat de propriétés rurales et à prêter de l’argent non seulement à ses


professeurs, mais aussi à la ville et à la Couronne elle-même82.
La trésorerie étant assainie, le pape Luna ordonna en 1411 qu’une
fois honorés les salaires du personnel enseignant et administratif, « la
quantité qui resterait plus l’apport des autres sommes de la caisse de
ladite université soient entièrement investies et en premier lieu dans la
construction de bâtiments pour quatre salles de cours pour les juristes
et trois pour les théologiens, médecins et philosophes »83. On est donc
ici au début des actions qui aboutirent à la création d’un campus uni-
versitaire propre.
Le retard du conseil d’université dans l’exécution de cet ordre
motiva, deux ans plus tard (le 13 septembre 1413), une nouvelle inter-
vention du pape qui ordonna, à cette occasion, que l’on commençât,
avec les 2.000 orins que devaient les bailleurs des tercias des dîmes, la
construction « certas domos pro auditoribus studentium et legentium
in eodem »84. La réitération de l’ordre produisit les effets désirés et le
président, Alfonso Rodríguez de Valence, avec l’écolâtre, Antonio Ruiz,
et les autres membres du conseil qui, « pour les bâtir, avaient parlé de
nombreuses fois du lieu et de la forme »85, de le faire, décidèrent le
1er décembre 1414 que le lieu le plus « convenable » pour procéder à
la construction des sept « auditoires » qui nalement constitueraient le
bâtiment des Escuelas Mayores, était le pâté de maisons compris entre
la Rúa Nueva (actuelle rue Libreros), à ouest, la place de l’Azogue

82
Par exemple, en 1464, elle donna 40.000 mrs sous forme de prêt au licencié Antón
Núñez de Ciudad Rodrigo et 100 orins au docteur Gonzalo Méndez ; en 1475, elle
prêta 10.0000 mrs à la Couronne ; en 1504, ce fut à la ville qu’elle concéda un prêt
de 50.000 mrs pour l’approvisionnement en viande ; en 1506, ce fut Philippe le Beau
qui reçut 150.000 mrs de l’université et l’empereur Charles Quint lui-même, au moins
en deux occasions, en 1529 et 1552 qui bénécia de deux prêts universitaires qui s’éle-
vaient à 3.000 et 8.000 ducats, d’après Fernández Álvarez M., « La etapa renacentista,
1475-1555 », dans Historia de la Universidad de Salamanca, ed. L. E. Rodríguez-San Pedro
Bezares (Salamanca : 2002), I, 72 et 87. Voir aussi Marcos Rodríguez (1964), num.
54, 92, 93 et beaucoup d’autres. Sur la gestion des prêts, voir Martín Lamouroux
(1988) 49-53.
83
« 3. Quodque si hujusmodi salariis persolutis, praedicti reditus superabundaverunt,
illud quod restabit cum aliis pecuniis arcae universitatis praedictae, in fabricandas domos
pro quatuor auditoriis juristarum, et tribus theologorum, medicorum et philosophorum,
et interim conducendas domos, primo », dans Beltrán de Heredia (1966-67) II, doc.
444, et traduction dans Valero García et Pérez Martín (1990) 139.
84
Beltrán de Heredia (1966-67) II, doc. 480.
85
« para los hedicar, avían tractado muchas vezes del logar e forma », dans Vaca
Lorenzo (1996) doc. 480.
38 ángel vaca lorenzo

Viejo (act. d’Anaya), à l’est, le palais épiscopal86, au sud, et l’église de


San Isidro, au nord. Ce fut donc l’espace urbain qui fut choisi pour
implanter les Écoles nouvelles de droit canon, tout comme d’autres immeubles
qui étaient la propriété du chapitre, sans parler des autres « maisons,
terrains et cours qui appartenaient à cette église de Sant Ysidro et qui
donnaient sur la Rúa Nueva »87.
S’agissant de biens ecclésiastiques non aliénables, on décida la façon
de les acquérir : les échanger contre d’autres « propriétés et bienss » du
Studium qui rapportaient la même somme d’argent, soit 3.300 mrs. Mais,
faute de posséder les propriétés requises, il fut décidé de les prendre sous
forme de bail emphythéotique, avec possibilité de revenir sur le cens,
lorsque « ont aurait les dites propriétés qu’on leur rende », mandatant
le docteur Antonio Ruiz, écolâtre, et Fernando Alfonso, administrateur,
pour exécuter ce qui avait été décidé88.
Ces démarches aboutirent rapidement : un an plus tard, ils réussirent
à échanger « trois petites maisons, deux sur pied et l’autre démolie »,
que possédait dans ledit pâté le bachelier Arias Fernández, prébendier
inférieur de l’église de San Isidro89, contre « des maisons, ayant la cour
à l’avant et disposant de combles » qui avaient été achetées au notaire
Juan Rodríguez, « prés de l’église de Sant Pelayo » pour 3.500 mrs90.
Ils acquirent aussi les propriétés du chapitre, bien que partiellement,
au moyen d’une location avec cens rachetable et après une longue et
difcile négociation, car ces immeubles étaient loués à des tierces per-
sonnes91. Finalement le 30 septembre 1418, ils obtinrent, après « avoir

86
Même si n’existait pas la rue aujourd’hui appelée Calderón de la Barca et avant
rue Nueva.
87
« casas, suelos e corrales que la dicha eglesia de Sant Ysidro tien[e], que salen a
la Rúa Nueva », dans Vaca Lorenzo (1996) doc. 4.
88
L’université donne pouvoir pour « obligar los bienes de la dicha Universidad que
agora ha e averá de aquí adelante, así de las terçias commo de las multas, e doblas,
e penas e otras rentas, salvo los salarios de los leyentes e oçiales que los non puedan
obligar ; mas ellos pagados de sus salarios, que los otros bienes que quedaren, los
puedan todos obligar, commo dicho es », dans Id., doc. 4.
89
« Aquì, en esta dicha cibdat, en la Rúa Nueva, enfruente de las casas en que
mora Juana Rodríguez, de que son linderos : de la una parte, casas de Santa María la
Se desta dicha çiudat e, de la otra parte, casas del beneçio de Pero Alfonso, clérigo
de la dicha eglesia de Sant Ysidrio e la calle del rey », dans Id., doc. 3.
90
La date de cette vente, 31 décembre 1415, dans Id., doc. 2.
91
Il en était ainsi avec les maisons de la Parra qui le 5 février 1416 « Pero Alonso,
clérigo de Valdonziel que ý estava presente, sacó en renta las dichas casas por su vida
por noventa e un maravedís », dans Actas Capitulares, livre 2, fol. 99 v. Il faut imaginer
qu’ensuite ces maisons nirent par faire partie du patrimoine universitaire au moyen
d’un bail emphythéotique et d’un cens rachetable, car, même si l’on a plus d’autres
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 39

été traité et parlé à de nombreuses reprises » avec García Díaz, avocat


de Diego García, archiprêtre d’Uclés et bénécier de l’église de San
Martín, « des maisons qui sont du bénéce dudit Diego García, . . .,
lesquelles dites maisons se trouvent dans la Rúa nouvelle de ladite
cité, en emphythéose, pour y édier et construire des écoles pour ledit
Studium, comme le demande le seigneur pape », contre un cens rache-
table de 150 mrs92.
Une fois obtenus ces immeubles, on débuta la construction des
Escuelas Mayores, lesquelles, à terme, deviendraient le bâtiment le plus
emblématique de l’université (voir Figure 2). C’était un bâtiment vivant,
fonctionnel, en état presque permanent de restructuration tout au long
du XVe siècle, et qui ne fut pas le résultat d’un seul tenant, mais bien
le fait de réformes constantes qui tentèrent de répondre à des besoins
fonctionnels, croissant sans cesse et changeants. Le plan du bâtiment,

nouvelles d’elles, dans la réunion du chapitre du 7 avril 1473, celui-ci décida de vendre
« a la universidad del Estudio en la dicha çibdad de Salamana e a vos, el bachiller Pedro
de Camargo, canónigo en la dicha yglesia, vicerrector de la Universidad e Estudio, que
presente estades, en su nonbre e para la dicha Universidad, el çenso e tributo de mill e
çient maravedís de la moneda corriente e un par de gallinas que nos, el dicho Cabillo,
e nuestra mesa capitular tenemos en la dicha universidad del dicho Estudio e la dicha
Universidad nos es obligada a dar e pagar en cada año perpetuamente para sienpre
jamás, por razón de çiertas casas que nos, el dicho Cabildo, ovimos dado a çenso por
los dichos maravedís e gallinas en cada año a la dicha Universidad. Los quales dichos
mill e çient maravedís e un par de gallinas del dicho çenso que así tenemos en la dicha
Universidad vendemos commo mejor podemos a la dicha Universidad e a vos, el dicho
vicerrector, en su nombre e para la dicha universidad del dicho Estudio, segúnt dicho es,
por preçio nonbrado de quarenta mill maravedís de la moneda corriente en Castilla y
Léon ». La nalité de cette vente était d’obtenir de l’argent pour pouvoir payer l’achat
des terrains de Zorita et Gejuelo de Manceras (actuelle del Barco) que le chapitre avait
effectués dans le nage de Ledesma, dans Vaca Lorenzo (1996) doc. 53.
92
« tratado [e ha]blado por muchas vezes . . . unas casas que son del beneçio del
dicho Diego García, . . . , las quales dichas casas son en la Rúa Nueva de la dicha çiudat,
en enphiteosyn, para hedicar e fazer escuelas para el dicho Estudio, según manda el
dicho señor papa . . . (las) quales darán e pagarán en cada año al dicho Diego García o al
que su poder tovier, fasta quel dicho Estudio conpre posesión o posesiones que ryndan
en salvo los dichos çiento e çinquenta maravedís viejos en cada año en salvo, a vista
de dos omes buenos », dans Id., doc. 4. En ce cas, le rachat du cens fut réalisé avant
celui des maisons du chapitre, puisque le 22 septembre 1440 Diego García accorde à
son cousin Pedro Aires, étudiant de droit canon à Salamanque, « especial poder para
que por mí e en mi nombre podades reçebir e tomar posesión de la universidad del
estudio en la dicha cibdad o de aquél que en nombre della lo feziere, una posesión en
la dicha cibdad que rynda trezientos maravedís cada un año desta moneda que agora
corre, o los dineros que montaren para conprar e pagar la dicha posesión para en
rendiçión e descargo de la pensión que la dicha Universidad es obligada a pagar cada
año al dicho bneçio e al beneciado dél ; e para que podades así, commo procurador
susodicho, recebir la dicha posesión e los dichos dineros, podades dar por libre e quita
a la dicha Universidad en la dicha pensión o çenso », dans Id., doc. 21.
40
ángel vaca lorenzo

Figure 2 : Escuelas Mayores. Vue en Hauteur (A. García Gil, Plan Directeur, Junta Castilla y Léon, 1999).
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 41

comme l’a démontré Pereda, trouve son origine dans un projet qui,
bien qu’ayant été inuencé par l’architecture monastique et palatiale,
fut élaboré dans le collège de Saint-Clément de Bologne, qui avait été
fondé par le cardinal Albornoz en 1361, et importé à Salamanque au
début du XVe siècle par Diego de Anaya93, le fondateur du collège
majeur de San Bartolomé, dont le bâtiment ancien avait été construit
durant les mêmes années que celui-ci et qui était structuré autour d’une
cour centrale de deux étages94. Ces deux constructions devinrent des
modèles qui seraient imités par les autres bâtiments universitaires de
la péninsule.
Je ne vais pas suivre pas à pas le processus de construction et de
restructuration des Escuelas Mayores de cette époque, ayant déjà eu
l’occasion de le faire95, mais il est intéressant de relever quelques faits
et moments signicatifs :
Le 25 mai 1420 le bâtiment étaient déjà achevé, puisque le roi
castillan, Jean II, put dire ceci : Que « l’université a édié les écoles où
l’on enseigne les sciences dans un certain endroit et enceinte, avec son
cloître, au milieu de cette cité », ordonnant au corregidor et aux autres
autorités de Salamanque qu’ils les sauvegardent et les protègent, car « il
arrive parfois que des gens très osés et avec beaucoup d’audace, sans
craindre ma colère ni ma justice, guettent les étudiants qui viennent là
pour écouter les leçons quand ils entrent dans lesdites écoles et dans
ledit cloître et ils se jettent sur eux et sur leur famille avec des armes
et force esclandres et coups cherchant à les blesser et les tuer, d’où il
résulte des dommages non seulement contre ceux que l’on veut ainsi
blesser et tuer, mais aussi contre les tous les autres qui fréquentent le
studium où ils écoutent les leçons, lesquels sont perturbés de ces lectures
à cause desdits bruits et scandales »96.

93
Pereda F., La arquitectura elocuente. El edicio de la Universidad de Salamanca bajo el
reinado de Carlos V (Madrid : 2000), principalement le premier chapitre « El estudio y el
problema de la tipologìa del colegio universitario », 17-75.
94
Grâce à des données documentaires éparses, Rupérez Almajano M. N., El colegio
mayor de San Bartolomé o de Anaya (Salamanca : 2003) 19 sq., a pu reconstruire les traits
essentiels de cet ancien collège.
95
Vaca Lorenzo A., « Origen y formación del primitivo campus de la Universidad
de Salamanca : las Escuelas Mayores », dans Salamanca. Revista de Estudios, 43 (1999)
143-169.
96
Que la « vniuersidat ha hedicado las escuelas en que leen las çiençias en çierto
ánbitu e çírculo, con su claustra, en medio en esa dicha çibdad . . . acaesçe algunas veses
que algunas personas con grand osadía e atreuimiento, non temiendo a mi ira nin a la
42 ángel vaca lorenzo

Ainsi donc, la construction primitive des Escuelas Mayores, que l’on


appela de la sorte à partir de 144397 pour les distinguer des Escuelas
Menores qui, à cette même date, étaient en construction, eut lieu dans
les années 1415 et 1419 en qualité d’extension du bâtiment qui étai
occupé par les Écoles nouvelles de droit canon, auxquelles on ajouta les
terrains et les immeubles qui avaient été acquis auprès d’institutions
ecclésiastiques, et étaient situées au sud de ces écoles de droit canon et
entre la place d’Anaya et la rue Libreros. Son constructeur fut le maître
d’oeuvre Alfonso Rodríguez Carpintero, et ses promoteurs principaux
le pape Luna et l’écolâtre Antonio Ruiz de Ségovie98.
Son plan présentait déjà l’aspect actuel : une cour intérieure, en
apparence carrée, bien que légèrement trapézoïdale99, et entourée par
un cloître conventuel, autour duquel étaient réparties les sept/huit

mi justicia, aguardan a los estudiantes que vienen a oír sus leçiones quando entran en
las dichas escuelas e en la dicha claustra, e vienen contra ellos e contra sus familiares
armados e bueluen roydos e peleas con ellos queriéndolos ferir e matar, de lo qual diz
que non solamente viene danno a los que asý quieren ferir e matar, mas avn a todos los
otros del estudio que están oyendo sus liçiones, las quales se estoruan de leer por rasón
de los dichos ruydos e escándalos ». Bien faible dut être le résultat de ce mandement
de Jean II puisque six années plus tard (le 15 avril 1426), il dut en emettre un autre
dans des termes très semblables, dans Onís (1888-1891) docs. XLIX et LXI.
97
La première mention documentaire de l’appellation Escuelas Mayores date du 26
août 1443 et se trouve dans un cession réalisée par le docteur Gil García, chanoine de
Salamanque, en faveur du docteur don Diego de Comontes, écolâtre de l’université,
de « las casas en que agora él morava, que son çerca de las Escuelas Mayores », dans
Actas Capitulares, liv. 2, s. fol.
98
L’intervention de ces deux derniers personnages resterait imprimée dans le bâti-
ment lui-même. Celle du pape Luna est symbolisée dans une scène sculptée dans le corps
supérieur de la façade plateresque qui pourrait le représenter, et dans l’énumération
de plusieurs de ses armoiries (lune décroissante, sous la tiare, et clés ponticales) en
divers endroits de l’édice, comme aussi au-dessus de la porte de la façade orientale.
Alors que l’intervention de l’écolâtre Antonio Ruiz de Ségovia aurait été matérialisée à
travers la sculpture dans une clé inférieure de la seconde voûte du vestibule de l’entrée
par l’actuelle rue Libreros, c’est une armoirie (sur une croix d’un ordre militaire, un
chêne avec des glands, anqué de deux lions assis et se faisant face, au-dessus d’un
aqueduc de deux rangées d’arcs) que le professeur Álvarez Villar attribue, selon toute
probabilité, à l’écolâtre. Voir Álvarez Villar J., De héraldica salmantina. Historia de la ciudad
en el arte de sus blasones (Salamanca : 1997) 35-38.
99
Parce que son côté occidental possède cinq arcs, alors que les trois autres côtés en
ont six. Il s’agit d’un genre d’arcs en demi-pointe, dépouillés, qui reposent directement
sur les piliers de section rectangulaire, inconnus dans l’architecture de Salamanque du
XVe siècle, ce qui conduit Pereda (2000) 33 à les dater chronologiquement parlant
du milieu du XVe siècle, nés d’une deuxième phase de construction qui pourrait bien
être celle que la chronique du bachelier Pedro de Torres attribue à Alfonso Madrigal
‘el Tostado’, lors de son mandat d’écolâtre (1446-1454), quand il dit : « El Tostado,
siendo maestrescuela de Salamanca, cercó las Escuelas de piedra y las exentó [aisló]
que ninguna casa llegase a ellas, y hizo reedicar los generales y están allí sus armas »,
dans Beltrán de Heredia (1970-73) III, 86.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 43

Figure 3 : Escuelas Mayores. Rez-de-chaussée (A. García Gil, Plan Directeur, Junta de
Castilla y León, 1999).

salles de classe « générales », où les professeurs enseignaient le droit, la


théologie, la médecine et la philosophie, ainsi que d’autres dépendances
situées dans le couloir oriental, comme la chapelle de Saint-Jérôme100 et
dans la maison du bedeau, où vivait le gardien, avec l’obligation pour
lui de « tenir honnêtement et surveiller avec zèle les livres et pecias »
des docteurs de toutes les facultés (voir Figure 3).
La structure de ce premier bâtiment, qui regroupa une grande partie
des activités d’enseignement qui étaient auparavant dispersées, s’adap-
tait parfaitement aux besoins fonctionnels de l’université. Cependant,

100
D’après ce qui apparaît dans l’autorisation donnée par don Sancho, évêque de
Salamanque, le 28 avril 1429, « para que la casa que fue hedicada en las S[cuelas]
Nuevas de la universidat del Studio de Salamanca a honra de señor Sant Jherónimo,
que es entre la scuela del Decreto e la casa del bedel, de aquí adelante e para sienpre
sea capilla ; e . . . se puedan en ella dezir misas e los oçios divinales pública e secreta-
mente. E otrosý, rogamos a don frey Juan, por esa mesma gracia obispo de Sebaste,
que vaya a la dicha capilla e, sparziendo en ella agua bendita, ponga en ella una
señal de cruz a do él entendiere”, dans Vaca Lorenzo (1996) doc.16. Les dimensions
réduites de cette chapelle, 9 u 5,50 m, ont certainement été la raison pour laquelle
elle fut transférée plus tard dans un lieu plus ample de la façade méridionale, comme
le remarque justement Álvarez Villar (1990) 72.
44 ángel vaca lorenzo

l’acquisition et la consevation de livres et, plus concrètement, l’apparition


du récent et moderne concept de bibliothèque, comme lieu d’étude
silencieuse et ouvert « tous les jours scolaires pendant deux heures
après Prime, et une heure et demie après trois heures de l’après-midi
pour que puissent étudier ceux qui le voudraient »101, exigea d’avoir un
local mieux adapté, qui, dans un premier temps, put avoir été dans une
quelconque annexe des immeubles qui avaient été acquis en 1449102, sur
le côté méridional du bâtiment. Par la suite, on envisagea de construire
un bâtiment indépendant, bien que proche, et d’une grande envergure.
Toutefois, la nouvelle bibliothèque prit du retard si bien que le 13
juin 1472, les universitaires fnirent par réclamer « que dans la mesure
où il y a longtemps qu’a été ordonné et commandé que l’on fasse la
bibliothèque du Studium, et qu’elle n’était pas commencée, ce qui est
un grand dommage et un opprobre et une honte pour l’université, c’est
pour cela qu’ils demandaient et demanderaient que l’on commençât
dans l’acte à la construire et à la dresser »103.
La revendication produisit les effets escomptés, et en 1474 on com-
mença le chantier sur les terrains qui avaient été achetés en 1449, sur
le côté méridional, en direction nord-sud. On chargea et concerta son
exécution pour 20.000 mrs. trois maîtres d’oeuvre, les « maures » Yuça,
Alí et Abrayme, qui « discutant à propos de la construction de ladite
bibliothèque, et après avoir longuement négocié l’affaire, se mirent tous
d’accord qu’elle aurait une voûte de pierre taillée »104. Après avoir résolu

101
« todos los días lectivos durante dos horas después de Prima, y hora y media
después de las tres de la tarde para que puedan estudiar los que quisieren », d’après la
décision de la réunion du 23 octobre 1467 : Marcos Rodríguez (1964), num. 287.
102
Le 15 septembre 1449, protant du besoin d’argent du chapitre pour payer
l’achat du « logar de Segovia de la Sierra (actuel hameau abandonné dans le territoire
de Monterrubio de la Sierra), con todo su término redondo », l’université acquit pour
50.000 mrs. « unas casas quel dicho cabildo avía, tenía, e poseýa en esta çibdat, juntas
con las Escuelas Mayores ». Le 31 décembre de cette année, elle acheta à Gonzalo
García de Castro, notaire de l’Audiencia Real, et à sa femme, Catalina Guedeja,
deux groupes de maisons « que conjuntan e lindan las unas con las otras » avec celles
qui « son linderos : de la una parte e de la otra, casas de la yglesia mayor de Santa
María la See desta dicha cibdat e, de la otra parte, la calle pública del rey » et qui se
trouvaient « en la Rúa Nueva desta dicha çibdat » pour un prix de 50.500 mrs., « con
todos sus cámaras, e sobrados, e retretes, e vergeles e corrales e con lo alto e lo baxo
de las dichas casas », dans Vaca Lorenzo (1995) docs. 25 et 26.
103
« que por cuanto ha mucho que está ordenado e mandado que se faga la librería
del Estudio, e non se comenzaba, lo qual era grand danno e obprobio e vergüença de
la Universidad, por ende que mandavan e mandaron que començase luego a hedicar
e obrar », dans Marcos Rodríguez (1964), num. 618.
104
« fablando sobre la obra de la dicha librería, después de mucho altercado el
negocio, acordaron todos que fuese de bóveda bien labrada », dans Id., num. 749.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 45

de nombreux problèmes, lors du conseil du 15 septembre 1479, le vice-


président Gonzalo de Frías signala que maître Abrayme avait achevé
les travaux de maçonnerie, et fermé la voûte de la bibliothèque105.
Ainsi, la construction de la nouvelle bibliothèque, haute et spacieuse,
dura cinq ans, de juin 1474 à septembre 1479. Il ne manquait alors
que la décoration et le mobilier (bancs, pupitres et coffres) nécessaires
pour le transfert et l’installation du précieux fonds bibliographique. La
décoration fut à la charge de Fernando Gallego et, probablement, aussi
de Pedro Berruguete, qui ont peint sur un projet iconographique conçu
par le professeur de philosophie naturelle, Pascual Ruiz de Aranda106, la
partie supérieure voûtée représente les signes du Zodiaque et, peut-être
aussi, les emblèmes des arts libéraux107. Du mobilier, on ne sait rien,
bien qu’ait pu en être chargé Rodrigo de Salamanque, menuisier, à qui
le chapitre cathédral avait commandé en 1489 de « fabriquer les bancs
de la bibliothèque . . ., pour un prix de troix cents maravédis, chaque
pupitre avec son banc, de la manière et de la forme dont l’autre est
faite, et avec les mêmes moulures »108.
Mais ceci ne fut pas le lieu dénitif de la bibliothèque. La faible
capacité de la chapelle de Saint-Jérôme exigeait son transfert vers un
local plus vaste. On crut qu’en divisant en deux étages la bibliothèque
récemment construite, on pourrait accueillir la chapelle. En effet, entre
les années 1494, où l’allemand Münzer visita Salamanque, et 1496, où
l’humaniste Marineo Sículo rédigea son De Hispaniae laudibus, eut lieu
la séparation en deux de la nef supérieure de la bibliothèque : celle-ci
resterait dans la partie supérieure, et on réserverait le rez-de-chaussée
pour la chapelle.
Cette superposition dura peu de temps ; en 1504, lorsqu’on voulut
installer le retable qui avait été commandé, soit parce que ses proportions
dépassaient la hauteur de la chapelle, soit par la volonté délibérée
d’avoir une chapelle plus luxueuse, ce qui est sûr c’est que le conseil

105
Id., num. 1.246.
106
D’après Pereda (2000) 41.
107
D’après Hieronymus Münzer, chose que ne décrit pas Lucio Marineo, qui
curieusement enseignait les arts libéraux à Salamanque, dans Pereda (2000) 43.
Approximativement un tiers de ces peintures ont été conservées au Musée universitaire
des Escuelas Menores, où elles furent transférées après leur enlèvement par les frères
Guidol, en 1951.
108
« faser las bancas de la librería . . ., a preçio de tresientos maravedís cada banca
con su banco, de la manera e forma que está fecha otra, e con sus molduras ». Infor-
mation tirée du ms. de Ricardo Espinosa Maeso, Datos documentales para la Historia
artistica de Salamanca en el siglo XVI, conservé à l’archive de l’université de Salamanque,
Espinosa, 20, fol. 261 r.
46 ángel vaca lorenzo

décida, dans un premier temps, de couper le plafond dans la partie


du fond « pour que le retable puisse émerger par la partie haute » et,
deux années après, ont prit la décision de « détruire le plancher de
la bibliothèque pour que tout revienne à la chapelle du sol jusqu’en
haut » et de transférer la bibliothèque vers un nouvel espace que l’on
créa peut-être au second étage du côté occidental des Escuelas Mayores,
« au dessus du local principal des [écoles de] lois et de philosophie et
au dessus de l’entrée et du local principal de médecine », et de laisser
la chapelle toute seule dans le local de la bibliothèque, pouvant alors
compter avec sa hauteur primitive. Tout cela provoqua au début du
XVIe siècle de nouvelles et d’importantes modications de la structure
et de la décoration du bâtiment emblématique (escalier, contreforts,
façade, etc.) qui se prolongèrent pendant les siècles suivants109.
Le second bâtiment emblématique qui forme le noyau originaire
du campus de Salamanque ce sont les Escuelas Menores, ainsi appelées
parce que c’est en elles que l’on dispensait les enseignements des étu-
des pré-universitaires à tous les étudiants qui aspiraient au grade de
bachelier. En outre, c’est là qu’on y enseignait les disciplines « d’arts et
de philosophie, et maintenant (année 1569) celles de grammaire qui,
aux dires des gens qui ont vu d’autres universités, sont les oeuvres les
plus nobles et les magniques de toute la Chrétienté »110.
A l’instar de ce qui s’était passé pour les Escuelas Mayores, l’endroit
choisi pour leur construction avait découlé de l’implantation des Vieilles
Écoles de Grammaire, c’étaient des maisons qui se trouvaient près de
l’église de Saint Barthélemy et qui étaient la propriété de l’église de
Saint Benoît qu’Alfonso Martínez avait louées en 1413, et qu’en 1417
le docteur Yvo Moro avait laissées et que par la suite prit, « avec sa
chaire et ses bancs », Alfonso Fernández, bachelier en Décrets.
En 1422, ces écoles s’avérèrent insufsantes pour accueillir les étu-
diants qui suivaient ces cours, c’est pourquoi le pape Martin V ordonna
que si, « une fois intégralement réglés tous les salaires de tous ceux
qui étaient cités (docteurs, maîtres, licenciés, bacheliers et tous ce qui
lisent contre salaire, en sus de l’administrateur, du notaire, du syndic

109
Les dernières publications sur l’évolution de ce développement sont celle de Pereda
(2000) 54-75 et celle de Castro Santamaría A., Juan de Álava. Arquitecto del Renacimiento
(Salamanca: 2002) 407-428.
110
« Artes y Philosophía, y ahora (año 1569) las de Gramática que a dicho de hom-
bres que han visto las demás Universidades, son las más nobles y magnícas obras que
hay en ninguna otra de la Cristiandad », selon Chacón (1990) 83.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 47

et des bedeaux), il y avait encore un excédent des revenus mention-


nés, ce qui resterait, avec les autres sommes de la caisse, serait investi
pour conclure et compléter les cours suivis par les juristes, théologiens,
médecins et philosophes et dans la construction de locaux pour trois
autres écoles de grammairiens et de logiciens »111. Toutefois, à l’instar
de ce qui s’était produit avec le précédent bâtiment, l’accomplissement
du mandat pontical fut excessivement retardé ; en 1428 on n’avait
encore pas construit les nouvelles écoles de Grammaire ; ce fut alors
que le conseil des représentants universitaires décida, « que pour éle-
ver et édier les écoles de grammaire, seraient fort à propos utiles et
nécessaires les cours intérieures que Garçía Ferrández de Arévalo tenait
en bénéce de l’église de Sant Bartholomé de ladite cité »112, et autorisa
le recteur (président) et l’écolâtre à les acquérir ; mais, en 1431, elles
n’étaient toujours pas construites, car à cette époque l’université avait
alors acquis pour 2.000 mrs. un autre immeuble d’Alfonso García de
Villalón, qui se trouvait à ce-même endroit113.
La première enceinte de ces Écoles était cependant achevée en 1463,
année où le terme Escuelas Menores apparaît dans la documentation ; elles
étaient proches des Mayores, avec lesquelles elles communiquaient depuis
la Rúa Nueva (act. Libreros) par une étroite « rue des Chaînes »114. En

111
« Item statuimus et ordinamus . . . et ubi praedictis omnibus integre persolutis prae-
dicti reditus superabundaverint, illud quod supererit, cum aliis pecuniis arcae predictae,
convertatur in perciendo et reparando scolas juristarum, theologorum, medicorum,
philosophorum », dans Beltrán de Heredia (1966-67) II, doc. 647, et Valero García et
Pérez Martín (1991) 154.
112
« que por quanto para fazer e edicar las escuelas de la Gramática eran mucho
complideros e nesçesarios unos corrales que son del beneçio de Garçía Ferrández de
Arévalo, que tiene en la yglesia de Sant Bartholomé de la dicha çibdad », dans Vaca
Lorenzo (1996) doc. 15.
113
Exactement « en la calleja del espital que dizen de Santo Tomás ; las quales casas son
al rincón de la dicha calleja, de que son linderos : de la una parte, solar que solía ser casa
en que morava Rabí Yudá, capellán que fue de los judíos, e de la otra parte, corral que
fue mío que vos yo ove vendido, e a las espaldas, corral que es de la universidat del Estu-
dio de Salamanca, el qual fue de Santa María la Se de la dicha çiudat », dans Id., doc. 17.
114
Ainsi qu’il apparaît d’après un contrat de vente que t cette année-là Alfonso de
Villalón à Gonzalo García Pie de Camino, tisserand de soie, de quelques maisons qui
se trouvaient « en la dicha Rùa Nueva, enfruente de las Escuelas Mayores e al entrada
de la calle de las Cadenas que va al ospital del Estudio e a las Escuelas Menores, a la
qual dicha casa dizen la Casa de la Moneda ; de que a por linderos : sobrados e casas
del beneçio de Sant Martín de la Plaça de la dicha cibdat e por delante la dicha Rúa
Nueva e la dicha calle », dans Id., doc. 42. Jusqu’au XVIIe siècle, on n’ouvrit pas l’actuel
Patio de Escuelas, à propos duquel on peut consulter Rupérez Almajano M. N., « La
Universidad de Salamanca en la ciudad : aspectos urbanisticos (siglos XV-XVIII) »,
dans Miscelànea Alfonso IX (2000) 123-137.
48 ángel vaca lorenzo

plus de celle-ci, elle possédait un autre accès à arc brisé, qui donnait sur
la rue de l’Argent. Et, à l’instar de l’autre bâtiment universitaire, celui-
ci fut conçu autour d’une cour centrale avec porche d’un seul étage,
également de forme trapézoïdale, avec deux longs côtés munis de huit
arcs et de deux plus courts de six arcs, ajourés de manière différente ;
elle était entourée de corridors à partir desquels on accédait aux salles
principales de Logique et de Grammaire (voir Figure 4). Mais, tout
comme son grand frère, le bâtiment fut en constante métamorphose à
cause des changeants besoins fonctionnels, comme on peut le déduire
de l’achat en 1483 des maisons limitrophes de Gabriel García contre
70.000 mrs. en vue de son extension115.
De toutes manières, au début du XVIe siècle, il menaçait ruine et en
1510 les professeurs de Grec et de Grammaire sollicitèrent de nouvelles
salles de classe pour faire cours « parce que les salles principales étaient
impratiquables » ; le recteur, l’écolâtre et d’autres représentants tentèrent
de pallier cet état de fait au moyen de réformes partielles, car ils ne
voulaient pas qu’« on fasse d’autres travaux avant que l’on ait terminé
ceux de la bibliothèque qui étaient commencés, pour éviter qu’il n’y
ait deux chantiers en cours ». De même, quelques mois après, on tenta
d’approuver le projet de l’évêque Diego Ramírez de Villaescusa visant
à construire un collège plus grand, qui respecterait « les deux salles
principales de Grammaire . . . plus la salle principale de logique, . . . pour
que au dessus de ces salles principales sa seigneurie puisse, si tel est
son souhait, bâtir ledit collège, car ledit Studium et l’université en ont
grand besoin et doivent avoir les trois salles principales susdites » ; en
échange, l’évêque s’engageait à verser cinq millions de maravédis et « à
élargir et agrandir la maison et l’hôpital que possède ledit Studium, en

115
Ces maisons, situées Rúa Nueva et limitrophes : « de la una parte, las Escuelas
Menores del dicho Estudio e, de la otra parte, casas pequeñas de uno de los beneçios
de Sant Martín de la dicha çibdad, e por las espaldas casas del ospital del dicho Estu-
dio que está en las dichas Escuelas Menores, e en la frontera las Escuelas Mayores »,
possédaient les pièces suivantes : « primeramente el portal delantero, de pared a pared,
ansý de ancho commo de largo fasta el tejado postrero, e con la sala toda trasera, ansý
de ancho commo de luengo, e entremedias de la dicha sala e portal una callejuela en
que está una panera pequeña ; e en el primero sobrado, ençima del portal, un terçero
e, ençima del terçero, otro sobrado, e delantera con sus ventanas que salen a la calle ; e
ençima de la sala baxa, una cámara clara e otra oscura mayor, en que está leña e
carvón ; e en el segundo sobrado de ençima de la sala baxa, ençima de la cámara
clara, quanto toma la cámara clara, es la meytad de la dicha casa, fasta el tejado, e la
otra meytad del dicho Estudio, segúnd está apartado ; e en el segundo sobrado, sobre
la cámara oscura, la delantera, segúnd está apartado, es del dicho beneçio de Sant
Martín e la trasera es del dicho Estudio », d’après Vaca Lorenzo (1996) doc. 64.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 49

Figure 4 : Plan des Escuelas Menores (A. García Gil, Plan Directeur,
Junta de Castilla y León, 1999).

construisant une très bonne inrmerie ». Finalement, ce projet n’aboutit


pas et le Collège de Cuenca fut construit en 1527 en même temps que
le Collège d’Oviedo, face au couvent de San Agustín, à l’endroit qui
était occupé par une ancienne synagogue116. L’université nit donc par
nancer la réforme des Escuelas Menores.
Le troisième et dernier bâtiment qui constitua le noyau primitif du
campus de Salamanque au Moyen Âge est l’Hospital del Estudio. Celui-ci
n’était pas lié aux fonctions spéciques de l’université, et sa construction
ne fut pas le résultat, comme dans les cas des précédents, à un mandat
pontical ni même royal. Il faut chercher son origine première dans
« une maison que l’on appelait de Midrás, avec des maisons et des
cours tout autour qui avaient appartenu aux juifs, à la communauté des
juifs de cette cité » lequel, en 1413, à la demande de l’université elle-
même, le roi Jean II, « parce que les juifs de ladite cité avaient changé
et s’étaient convertis à la sainte foi catholique à tel point qu’il n’y avait

116
Castro Santamaria A. et Rupérez Almajano M. N., Monumentos salmantinos desa-
parecidos. El colegio de Cuenca (Salamanca : 1993) 18 sq.
50 ángel vaca lorenzo

en elle désormais que très peu de juifs » il le donna à l’université pour


« y faire ici un hôpital pour ladite l’université et pour que l’on accueille
en son sein les pauvres malades de ladite université »117.
Dès sa fondation, il fut placé sous l’invocation de SaintThomas
d’Aquin, ainsi qu’il ressort du bref du pape Luna du 13 septembre
1413 dans lequel il accordait des indulgences à quiconque lui appor-
terait son soutien118 ; il serait le bénéciaire de certaines des amendes
imposées par Martin V aux contrevenants de ses constitutions119, ainsi
que de celles du roi Jean II120, on lui permit enn de disposer d’un ou
deux autels pour célébrer des messes121.

117
« una casa que dezían del Midrás, con unas casas e corrales al derrededor que
fueran de los judíos, de la aljama de los judíos de la dicha çibdat . . . por quanto los
judíos de la dicha çibdat eran tornados e convertidos a la santa fee católica, tanto que
non avía en ella salvo muy pocos judíos . . . fazer en ella ospital para el dicho Estudio,
para en que se acogiesen los pobres enfermos del dicho Estudio », dans Onís (1881-
1891) doc. XLVII et Santander T., El hospital del Estudio. (Asistencia y hospitalidad de la
Universidad de Salamanca) 1413-1810 (Salamanca : 1993) doc. 1.
118
« Cum itaque, sicut accepimus, in studio Salamantin. quoddam hospitale in quo
studentes pauperes in suis inrmitatibus receptentur, sub vocabulo beati Thomae de
Aquino noviter fundantum existat », dans Beltrán de Heredia (1966-67) II, doc. 481.
119
Concrètement, « los estudiantes y bachilleres que no cursaren para recibir los
grados y de los licenciados que no aspiren a recibir los distintivos del doctorado o
magisterio esté obligado a pagar una multa de dos orines al rector en pro del hospital
del Estudio », ou, de même, on imposait une sanction de vingt orins destinés à l’hôpital
universitaire auquel « del cuerpo de la universidad se atreva a dar a alguien consejo,
favor o ayuda contra dicha universidad o algún bien suyo determinado », dans Valero
García et Pérez Martín (1991) 140 et 143.
120
Lorsque le 15 avril 1426, il ordonna que personne n’ose « entrar nin tomar las
dichas escuelas nin se apoderar dellas por fuerça con armas, commo dicho es, nin ven-
gan armados nin envíen omes armados a las escuelas del dicho estudio a fazer fuerça
nin ofensa alguna a los actos escolásticos que se fazen por el maestrescuela o rector o
doctores o leyentes del dicho estudio, so pena que qualquier que lo contrario zieren,
por el mesmo fecho, aya perdido e pierda todos sus bienes, los quales yo desde agora
aplico para el hospital de Santo Tomás de la dicha çibdat, de que yo ze merced al
dicho mi estudio », dans Onís (1881-91) doc. LXI.
121
Le 28 avril 1429, l’évêque de Salamanque, don Sancho, donna « licençia e aucto-
ridat para que la casa, que es en la Rúa Nueva, en una calleja, que fue midrás e casa
de oración de judíos, que es agora de la dicha universidat e poseýda por ella, de la qual
lo zo merçed nuestro señor el rey para que fuese el hospital Santo Thomás, con las
casas a ella pertenesçientes, sea de aquí adelante hospital e en la dicha casa prinçipal
puedan de aquí adelante estar uno o dos altares,en los quales se puedan dezir misas
a serviçio de Dios e provecho de las personas e pobres que aý estovieren, e se puedan
dezir en la dicha casa, cuando cunpliere, otros oçios divinales. E eso rogamos al dicho
obispo, don frey Juan, que vaya a la dicha casa e derrame en ella agua bendita e ponga
en ella la señal de la cruz a do el entendiere », dans Vaca Lorenzo (1996) doc. 16.
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 51

C’était une petite maison, l’ancien Bet-midrás, située entre les deux
bâtiments précédents, avec entrée dans la ruelle « des Chaînes qui va
(de la Rúa Nueva) à l’hôpital de l’université et aux Escuelas Menores » qui
bientôt, en raison de la croissance des effectifs étudiants, fut débordée
pour effectuer son action de bienfaisance ; c’est pourquoi il fallut procé-
der à son extension, avec comme préalable l’acquisition des immeubles
limitrophes : en 1427, ce furent des cours et des maisons qui avaient
servi d’hôpital à la confrérie de la Trinité pour 13.000 mrs., et l’année
suivante, ce furent cinq autres maisons dont deux, par échange avec
doña Bienvenida, la femme de don Mosé Moçoniego, juifs d’Arévalo ;
une autre pour 33 orins achetée à Bartolomé Martínez, prêtre de San
Pelayo ; et, nalement, deux autres maisons, un verger et une cour, pour
4.250 mrs., au chapitre cathédral de Salamanque122.
Il est difcile de savoir si l’agrandissement de l’hôpital commença
rapidement ou bien s’il fut reporté jusqu’au 13 juin 1472, date à laquelle
le conseil d’université décida « que l’on commence à reconstruire ledit
hôpital et que l’on dise à monsieur l’écolâtre que l’université fournira le
bois dont elle dispose, qui vaut plus de trente mille maravédis, et qu’une
fois dépensés les vingt mille maravédis que monsieur écolâtre donne, que
l’université verse cinquante mille maravédis pour ladite reconstruction »,
à la fois qu’on pria l’écolâtre, Juan Ruiz Camargo, de se charger des
modications123. En tout état de cause, ce que l’on peut afrmer, grâce
aux trois blasons qui sont sculptés sur sa façade, c’est qu’il fut achevé avant
1492, non sans avoir récupéré auparavant quelques immeubles supplé-
mentaires124, jusqu’à nir par acquérir presque tout le pâté limitrophe à
la rue des Libreros, ce qu’il réussira à faire au XVIe siècle, même si tous
ces immeubles ne furent pas destinés à l’agrandissement de l’Hôpital ;
on construisit également des logements, dont certains furent loués à des
libraires, comme Micer Léonardo Nicoloci ou Simón de Portes.

122
Id., doc. 10, 11, 12, 13 et 14.
123
« quel dicho hospital se comience a reedicar e que se diga al señor maestrescuela
que la Vniuersidad dará la madera que tiene, que vale más de treynta mill maravedís,
e que acabados de gastar los veynte mill maravedís quel dicho señor maestrescuela da,
que la Vniuersidad dé çinquenta mill para la dicha rehedicaçión », dans l’Archivo de
la Universidad de Salamanca, Libro de Claustros, 1, fol. 222.
124
En 1476, le bachelier Gonzalo Sánchez de Burgos abandonna les maisons du
Midrás qu’il occupait pour l’hôpital de l’université, dans Marcos Rodríguez (1964)
núm. 946, et en 1487, la petite maison avec son étable et ses combles, de Juan Pereira,
bénécier de San Martìn, « para volver con las dichas sus casas e hospital », dans Vaca
Lorenzo (1996) doc. 74.
52
ángel vaca lorenzo

Figure 5: Hospital del Estudio et Escuelas Menores. Elévation (A. García Gil, 1979).
le campus de l’université de salamanque au moyen âge 53

En 1569, le fonctionnement de l’Hôpital donnait pleine satisfaction


selon les termes de maître Chacón, puisque :
En plus de ce qui a été dépensé pour sa construction, et qui n’est pas
négligeable, on y soigne chaque année un grand nombre d’étudiants
malades avec tant de soin et de propreté et avec une telle attention de
tout ce dont ils ont besoin comme s’il était le meilleur d’Europe. Ainsi
c’est une grande somme que d’ordinaire l’on y dépense125.
Finalement, les Escuelas Mayores, les Escuelas Menores et l’Hospital del
Estudio ont été les trois premiers bâtiments du campus de l’université de
Salamanque et ce furent eux qui constituèrent la réponse à leurs besoins
fonctionnels à une période de prospérité économique.

125
« demás de lo que se gastó en la obra de él, que fue mucho, se curan cada año
gran número de estudiantes enfermos con tanto cuidado y limpieza y con tan buen
recado de todo lo necesario como el más aventajado de Europa. Y así es gran suma
la que en él de ordinario se gasta », dans Chacón (1990) 83.
OXFORD: THE MEDIEVAL UNIVERSITY AND THE TOWN

Julian Munby

1. The origins of Oxford

Oxford is situated in the valley of the River Thames, on an ancient


river crossing at the conuence with the River Cherwell. The nearest
Roman town was at Dorchester, 10 km to the SE, and the Roman road
system by-passed Oxford, passing an area to the east of the medieval
town where there was an extensive Roman pottery industry.
The gravel terraces of the River Thames had been settled throughout
prehistory, with good soils for agriculture and access both to alluvial
valleys with their hay meadows, and to poorer soils with woodland or
heathland grazing. The site of Oxford, next to a wide curve of the
River Thames, and anked by the River Cherwell, was able to provide
very extensive areas of meadow and pasture, which made it suitable as
a place of assembly for armies and for national meetings.
By the middle Saxon period Oxford had a village settlement next to the
southern river crossing – the ‘Ox – ford’ that later became Grandpont,
and a patron saint in the person of St Frideswide, whose church was
later to become an Augustinian monastery and is today the cathedral.
The incursions of the Vikings in the later 9th century on England,
and especially up the Thames valley were a profound threat to the
kingdom of Wessex under Ethelred (AD 866-710) and Alfred (AD
871-899 AD). Oxford was one of a number of towns around Wessex
that were created and fortied as strongholds against the Vikings in the
reign of Alfred or Edward the Elder (AD 899-925). In 912 Oxford was
rst mentioned in the Anglo-Saxon Chronicle alongside London, and
clearly existed as a town. Topographical and archaeological examination
of towns such as Winchester, Oxford and Wallingford have shown the
similarities in their rectangular street plan, with central cross-roads, and
intra-mural roads. In Oxford the earliest paved streets have been found
below the modern streets, with indications of 9th-century dating.
By the time of the Norman Conquest, Oxford had already expanded
beyond its primary walls, both with an east and a west suburb, though
much of the latter was to disappear under the new castle built by
56 julian munby

Robert D’Oilly, the new Norman constable of Oxford. The descrip-


tion of Oxford in Domesday Book (AD 1087) shows that the county
landowners had many property interests in the town, and also that the
surviving English (and Danish) population had retained a signicant
amount of property. The free men of the city had a pasture outside
the walls (on Port Meadow) that they still hold today.

2. The early university – halls and their distribution

The late Saxon town had already become a prominent regional centre,
being used for national councils, and also functioning as a market town
for the county of Oxfordshire, and one of the select group of towns
with a mint < monnaie >. All of this continued after the conquest, and
Oxford was assured of prominence on the Thames valley and Wessex
circuit of the peripatetic Norman and Angevin monarchy. The Kings of
England regularly travelled out from Windsor round a circuit of royal
castles, houses, and monasteries. Oxford was en route from Windsor –
Reading – Oxford – Woodstock, where the royal palace (now Blenheim
Palace) was adjacent to the royal forest of Wychwood. Oxford castle
was a royal castle, but the kings preferred to stay in Beaumont Palace
(under the present Beaumont Street), which from the time of Henry
I until Edward II was an important royal house, in which both King
Richard I (Coeur de lyon) and King John (Sans terre) were born.
Oxford had numerous churches (including the college of St George
in the Castle), and Augustinian abbeys of St Frideswide and Oseney,
with which schools or scholars were associated. The frequent visits of
the peripatetic royal court, together with the peripatetic royal courts
of justice (and ecclesiastical courts) meant that lawyers and business
men were often to be found in Oxford, and towards the end of the
12th century (c. 1190) there were enough masters and pupils in Oxford
scholars for the university to become a reality. The rst foreign student
was a Frisian Emo c. 1190, and many others are heard of in the 1190s.
In 1197 Abbot Samson of Bury St Edmunds was involved in a lawsuit at
Oxford, and held a dinner for the monks and invited the masters of the
schools at another table. Alexander Nequam was also teaching Theology
at Oxford in 1190s. The magister scolarum was rst mentioned in 1201, and
the university was shaped by the disputes with the townsmen over food
and lodgings – on the occasion of its dispersal in 1209 the University of
Cambridge came into being (and until the 19th century graduates had
oxford: the medieval university and the town 57

to swear not to give lectures at Stamford, another town to which scholars


had ed). Each dispute strengthened the university: there was a Chancellor
from 1214 (under the Bishop of Lincoln in whose Diocese Oxford lay);
Papal privileges were granted in 1217/18 and a royal charter in 1231;
the earliest statutes date from 1230. The royal charter granted after the
St Scholastica’s day riot in 1355 put the town rmly under the control
of the university, and it was not until the mid 19th century that the town
was excused from doing an annual penance for St Scholastica’s day.
The University was ruled by a Congregation of masters, who met in
the church of St Mary the Virgin in the High Street (the town church
was St Martin at Carfax, near the old Gild Hall). The rst university
building was the Congregation House built next St Mary’s in the early
14th century, as a vaulted room with a library above. The church was
used for university business, meetings and courts until the 17th century
when secular accommodation was provided. The students of the uni-
versity were enrolled with a master (matriculated), and lived under the
care of a master in an Academic Hall, along with a group of students
(perhaps between ve and twenty in number). Teaching was undertaken
in Schools hired by masters, which were concentrated in Schools Street,
just north of St Mary’s Church. The one university-owned building
was the school of theology, the Divinity School, built from 1420-80
as a magnicent vaulted room with a library above it. (The Schools
Quadrangle of the Bodleian Library was built c. 1615 to replace the
old schools.) The street opposite to Schools Street, Catte Street, was
the home of the Book Trade in medieval Oxford, and it was here that
the parchment makers, scribes and illuminators lived, in what is now
All Souls College and Radcliffe Square.
The Academic Halls were hardly distinguishable from the town
houses of the urban patriciate. They often had a row of shops in
front, with an open hall behind (with a replace open to the roof ), and
other chambers in which the students lived. Many were stone built (like
Tackley’s Inn), but many will also have been timber-framed buildings.
Similar in many ways to the later ‘house’ system of English public
schools, there was a complete service of food and drink for a small
community of students, in a purely commercial arrangement whereby
the students paid a rent to the master of the hall. What is interesting
is the distribution of the halls around Oxford, for it shows (as witness
the map drawn from the 1313 taxation list) that the university had
already come to be located more in the eastern side of the town, in
lanes behind the main streets.
58 julian munby

Oxford is very well provided with documentary sources: the charters


and rentals of monastic houses and colleges have been used by the
Reverend H. E. Salter to reconstruct the topography of the medieval
town. A key source was the survey of Oxford in the 1279 Hundred
Rolls (Rotuli Hundredorum), which located medieval houses, just as col-
lege lease books and plans from the 17th–19th centuries, and the 1875
Ordnance Survey town plan at scale 1:500, were important for recov-
ering historic property boundaries. Salter’s work was of little interest
to many in the university, whose history school has been profoundly
verbal and non-visual, and certainly not topographical. His Map of
Medieval Oxford was published in 1934, but his notebooks contain-
ing the property histories were not published until the 1960s, by W. A.
Pantin, who did so much to recover the history and buildings of the
medieval university. Full use of the map evidence has now been used in
the earlier volumes of the History of the University of Oxford which
appeared between 1984 and 1997.
Oxford in 1279 was a busy provincial town, with its many churches,
back streets full of houses, suburbs, and the two friaries (Franciscan and
Dominican) serving their mission to the urban poor and their thirst for
learning. The friars were probably settled in the very poorest part of the
town, and the university halls certainly in the cheaper areas of the town
centre; their opposition was not a serious reection of their occasional
differences with the university. Between them lay the Jewish quarter,
with its synagogue, soon to disappear with the expulsion of the Jews in
1290. Oxford was not to benet from the religious toleration that we
can associate with Islam at that date, except through the reception of
scientic texts that derived from Arab work on Greek texts.
The town was thriving and its economy was boosted by a university
population of between 1,000 and 2,000 students and masters. And yet
in 1279 (and indeed perhaps a century later) an unobservant traveller
could have passed through Oxford without realising there was a uni-
versity there. It was the colleges that were to make the change.

3. The university – colleges

Oxford only became a collegiate university in the 16th century, and


to start with they were exceptional. Colleges began as endowed halls
(and were often called ‘halls’), and they were characterised by their
oxford: the medieval university and the town 59

individuality and diversity. They might be founded for the honour of


the church, or to function as a chantry saying masses for the founder,
or specically for students pursuing Arts, Law, or Theology as subjects
of study. They were generally (but not exclusively) for those already
with a BA (Bachelor of Arts) degree, who were studying for an MA
(Master of Arts) or higher degrees in Theology and Law. Rooms might
be let out to wealthy students, and from the 15th century undergraduate
commoners were increasingly taken in; only in the late 16th century
was it required that all undergraduates should live in a college. But in
the 15th century perhaps only 10% of the university students were
accommodated in colleges.
All students were in some level of priestly orders, and wore their hair
tonsured. College statutes called for an almost monastic existence, with
communal chapel and eating in hall. The chapels of the wealthier col-
leges were vast for the small numbers using them (15 or 20 fellows), and
the halls were built on an aristocratic scale. The college plan developed
gradually, from the piecemeal accretion of buildings by colleges such as
Merton and Exeter, until with the foundation of New College a com-
plete set of buildings was made at one time, which then set the pattern
for later foundations such as All Souls and Magdalen. Smaller colleges
like Lincoln, with all the buildings in one quadrangle, set a standard for
the smaller colleges that was to be followed into the 17th century.

University 1249: William Durham endowed for 12 MAs; 1253 house


bought; 1380 statutes
Balliol 1256: John Balliol penance of paying for 16 scholars; pay-
ment from at least 1266 for house on this site; endowed
1269; statutes 1284
Merton 1264 Walter de Merton. Warden and 20 scholars (Arts &
Theology = priesthood)
Rewley 1281: Edmund Earl of Cornwall for Cistercian monks
[= Said Business School]
Durham 1286: Benedictine monks from Durham [= Trinity College]
Gloucester 1283: Benedictine monks from west of England [= Wor-
cester College]
Exeter 1314: Walter de Stapleton, Bishop of Exeter 1314: 12 fel-
lows from Devon & Cornwall (Philosophy not Theology)
Oriel 1326: King Edward II and Adam de Brome his Almoner.
14 fellows
60 julian munby

Queens 1341: Rob. de Egleseld (Queen Philippa): provost +


12 fellows; chantry
Canterbury 1362: Bendictine monks from the province of Can-
terbury [= Christ Church]
New College 1379: Wm. of Wykeham, Bishop of Winchester;
Warden + 70 destined for clergy/admin; teaching of
‘undergraduates’ (linked to Winchester School). Build-
ings ready by 1387
Lincoln 1429: Ric Fleming Bishop of Lincoln Rector + 12
MAs to study Theology vs heresy
All Souls 1438: Archbishop Chichele; Warden and 40 (24 Artist,
16 jurists) All Souls of faithfull departed (Lancastrian
Chantry)
Magdalen 1458: Wm. Waynete Bishop of Winchester; President
+ 70 graduate scholars: 40 BAs or MAs to study Theol
or Philos; 30 undergraduate demies; plus School and
College lectures

4. The university and town

The colleges, rather like the halls, began on the back streets of Oxford
(apart from Balliol), and Merton, Exeter, Oriel and Queens were not on
main streets. College property holding was much more extensive that
the land they occupied, and the scale of landed investment to endow
the colleges was spread all over the town, as can be seen in the 1348
map of college properties.
By 1400 the colleges were scarcely more prominent in the space they
occupied, and the large extent of New College was because the founder
acquired a large tract of waste land in the north-east quarter that had
become de-populated after the Black Death. The number of halls in
1444 was smaller than before, but with about the same distribution,
and mostly located in the east part of town around the colleges.
The spread of the university did not necessarily alter the functioning
of the town, which maintained its commercial centre around Carfax,
and still had shops right along High Street in the university zone. The
business zone of the town is perhaps reected in the distribution of
inns and taverns in 1400. The urban ‘inn’ (hospitium) appeared in the
mid 14th century as a place for travellers to stay and be fed (there were
non so-called in Oxford in 1279), and the twenty inns that existed in
oxford: the medieval university and the town 61

1400 were to be found along Cornmarket (still a main shopping street


today) and High Street. Taverns, the more specialised wine-bars, were
concentrated around Carfax, and were mostly in stone vaulted cellars
half underground. The commercial life of the town was vibrant, if
seasonally varied owing to university terms, and there must have been
many trades from cookshops to bookshops that depended on university
business, while the university system of ‘privileged’ traders gave the legal
support of the university to approved townsmen, with their disputes
heard in the university and not the town courts.
With the foundation of Magdalen College, one of the biggest medi-
eval landowners – the Hospital of St John outside the East Gate – was
taken over by the college. The hospital had acquired much land from
pious townsmen in the 12th and 13th centuries, and this now passed
(together with its archives) to the college. The distribution of university-
owned land in 1480 was thus a very high proportion of the central
urban area, even if much of it was not in university use. Where this
property was available for commercial letting this probably had little
effect on the town, though the opportunities for urban land invest-
ment were greatly reduced. Perhaps more serious was the acquisition
of land adjacent to colleges for college use, which greatly reduced the
amount of available space (though no doubt at a time when the town
was generally in decline, or at least not expanding). The result is the
present collegiate zone with monumental buildings, and ne gardens,
but very few town houses in between.
Oxford in 1500 was not much different in plan from Oxford in 1750.
the suburbs were all present, and the city was closed in by water
on the east, south and west, and by the open arable elds on the north.
The expansion of the town that was to occur in the 17th century was
almost all within the existing footprint of the built area. New building
took place in yards and back gardens, rather than moving further out
of town. The condition of the town is shown in a rather inexact map
of 1578 by Ralph Agas, and in astonishing detail in David Loggan’s
view of 1675 (Oxonia Illustrata). This is the nest European town plan
of the age, and shows every house and garden in precise detail. Apart
from the growth and rebuilding of colleges (of which there was much
in the 17th century) there has not been much change in the overall
distribution, and there was to be little change in the next hundred years,
as shown on Taylor’s map of 1750.
Comparing Oxford and Cambridge (which had a different histori-
cal tradition, with a magnicent architectural history but much less
62 julian munby

topographical work), it can be seen that the university and colleges also
became established in a less prominent quarter of the town, backing
onto the river, and leaving the market town of Cambridge on one
side. Better known, if not as a collegiate university, is the distribution
of colleges and schools in Paris, which have been mapped in the 14th
century.
LES LIEUX DU SAVOIR : CONTRIBUTION À LA
TOPOGRAPHIE UNIVERSITAIRE PRAGOISE (1348-1415)

Olivier Marin*

Introduction

A première vue, l’université de Prague ne doit rien à la ville qui l’a vue
naître. Le mérite revient tout entier au roi des Romains et à l’archevê-
que, non aux autorités urbaines, de l’avoir fondée, dotée et organisée.
C’est donc sans vraiment l’avoir voulu que les habitants de Prague
et les scolares furent amenés à vivre dans les mêmes lieux. Comment
apprirent-ils alors à cohabiter ? Et s’il est vrai que l’organisation de
l’espace réfracte les oppositions, les compromis et les solidarités qui
travaillent le corps social, quelle place se tailla le studium dans le tissu
urbain ? Mon propos est d’étudier sous cet angle la lente formation du
paysage universitaire pragois au contact du milieu physique et humain
environnant.
Pour ce faire, il n’est pas inutile de rappeler d’abord quelques faits
généraux dont la topographie universitaire pragoise a inévitablement
porté la marque1. Le premier tient à la concentration dans le même lieu
des trois pouvoirs que distinguait la taxinomie de l’époque : le regnum,
le sacerdotium et le studium. On sait que Prague était devenue dès la n
du IXème siècle le centre de la principauté p4bemyslide, et depuis lors,
son importance comme « tête de la Bohême » ne s’était plus démentie.
Sur l’éperon rocheux de Hradoany, les souverains avaient d’abord fait
élever leur palais ; c’est là que bientôt s’était installé le tribunal du pays
et que se tenaient régulièrement les états du royaume. Avec l’accession
de Charles IV au trône de roi des Romains (1346), puis d’empereur
(1355), la capitale tchèque était de plus devenue la résidence impériale.
Même si elle n’abrita jamais les diètes impériales, y afuèrent nobles,

* Tous mes remerciements vont à Daniel Monteil, de l’université Paris-Nord, pour


l’aide précieuse qu’il m’a apportée dans la réalisation des cartes.
1
Sur l’histoire médiévale de Prague, renvoyons une fois pour toutes aux deux plus
récentes monographies : J. Vlk (ed), Dîjiny Prahy, Prague, 1997 ; V. Ledvinka et J. Pešek,
Praha, Prague, 2000.
64 olivier marin

ofciers et clercs alléchés par les opportunités que leur offraient la


cour et la chancellerie carolines. A cette fonction politique première, la
religion avait ajouté un surcroît de puissance et de gloire. Siège depuis
973 d’un évêché qui pouvait s’enorgueillir de nombreuses fondations
monastiques et d’une multitude de reliques prestigieuses, Prague fut éle-
vée en 1344 au rang de métropole ecclésiastique ; elle fut alors pourvue
de deux évêchés suffragants, ceux d’Olomouc et de Litomyšl. Sur la
rive gauche de la Vltava voisinaient donc, fait quasi unique dans toute
l’Europe centrale, le palais royal et l’église métropolitaine. Lorsque y
fut fondée trois ans plus tard la première université au nord des Alpes
et à l’est du Rhin, la ville se mit ainsi à cumuler toutes les fonctions
de commandement auxquelles elle pouvait prétendre.
Avec ses quelque 40000 habitants, Prague comptait en ce temps
parmi les cités les plus peuplées de l’Empire. Son essor démographique
remontait au XIIème siècle. Le suburbium de la rive droite inondable s’était
alors densié grâce à l’afux de marchands, principalement allemands
et juifs, ce qui rendit bientôt nécessaire la construction de fortications
et d’un pont en pierre sur la Vltava (pont de Judith). Y prit corps dans
les années 1230 une ville dûment reconnue par le souverain, pourvue
comme telle de privilèges et dont l’administration fut conée au bailli
royal et à des citoyens jurés. La fondation de la Petite Ville sur l’autre
rive suivit de peu, en 1257. Elle aussi acquit une personnalité juridi-
que, symbolisée par l’existence d’un sceau. Il est toutefois remarquable
qu’aucune des villes pragoises ne soit parvenue à conquérir une véritable
autonomie, tant les P4bemyslides veillèrent à conserver le contrôle de
leur capitale : non seulement la Vieille Ville dut attendre 1338 pour
arracher le droit de se construire un hôtel de ville, mais les souverains
restèrent maîtres du recrutement de son conseil. La mainmise royale
ne se relâcha pas, bien au contraire, sous les Luxembourg. Dans son
dessein de faire de Prague le Paris de l’Empire, Charles IV commença
par créer une immense ville neuve au sud et à l’est de l’agglomération
(1348), qui, un temps unie à la Vieille Ville, se dota à son tour à partir
de 1377 d’organes représentatifs propres. Un programme d’urbanisme
de grand style fut aussitôt engagé pour matérialiser dans le paysage
monumental la gloire impériale : l’agglomération fut enclose dans de
nouveaux remparts, la cathédrale Saint-Guy et le palais du Château
reconstruits à nouveaux frais, un pont de pierre échafaudé an de rem-
placer l’ancien, tandis que d’innombrables églises collégiales, conven-
tuelles ou paroissiales sortaient de terre. Le résultat est que l’université
prit pied dans une capitale en plein bouleversement, faite de quatre
les lieux du savoir 65

villes juridiquement distinctes et souvent rivales, quoique toutes étroite-


ment soumises à l’autorité monarchique. Sur la rive droite, la Grande
ou Vieille Ville, dont la trame complexe s’était constituée au temps de
la colonisation des XIIème-XIIIème siècles, se distinguait de la Nouvelle
Ville de Charles IV, au plan géométrique, plus artisanale et plébéienne ;
nettement moins peuplées, la Petite Ville, où résidait l’archevêque, et la
ville serve de Hradoany formaient à côté du Château le décor, calme
et verdoyant, de la rive gauche.
Au sein de cette agglomération, peut-on estimer quel était le poids
relatif du studium ? Comme il fut pourvu dès l’origine de l’éventail com-
plet des quatre facultés et qu’il était situé dans une zone de l’Europe où
l’institution universitaire n’avait encore jamais pénétré, il était appelé à
devenir, par le seul effet du nombre, un centre cosmopolite de premier
plan2. Les fruits passèrent les promesses des eurs : à la n du siècle,
l’université regroupait, estime F. Šmahel, près de 3000 scolares, venus
des quatre coins de l’Empire et même d’au-delà (Pologne, Hongrie,
Scandinavie)3. C’étaient autant de nouveaux résidents qu’il fallait loger,
nourrir, vêtir, contrôler. Même si les effectifs diminuèrent sensiblement
par la suite, le cas pragois associe donc, ce qui n’est somme toute pas
si fréquent durant la période considérée, une université de dimension
internationale à une grande capitale. Les scolares y formaient au moins
5% de la population totale. Cela en faisait une minorité signicative,
assurément trop peu nombreuse pour pouvoir s’identier à toute la
communauté urbaine, mais assez consommatrice d’espace pour marquer
durablement la ville en s’y incorporant.
Telles sont, à très gros traits, les contraintes et les potentialités avec
lesquelles l’université de Prague dut composer lorsqu’elle s’inséra dans le
milieu urbain. Quelles logiques commandèrent son implantation ? Pour
le comprendre, il s’avère nécessaire de collationner des informations
très dispersées. Les sources normatives n’apportent dans ce domaine
qu’un maigre butin : à l’exception notable des lettres de fondation de
collèges, elles passent en général sous silence l’organisation spatiale de
l’enseignement et des autres activités scolaires, pour la bonne raison
que celle-ci était laissée à l’initiative individuelle des maîtres ou des

2
Sur cette histoire, on dispose de la synthèse due à M. Svatoš (dir.), Dîjiny univerzity
Karlovy 1347/8-1622, tome 1, Prague, 1995.
3
« Scholae, collegia et bursae universitatis Pragensis. Ein Beitrag zum Wortschatz
der mittelalterlichen Universitäten », dans O. Weijers (dir.), Le vocabulaire des collèges
universitaires (XIIIème-XVIème s.), Turnhout, 1993, p. 115-130 (ici p. 116).
66 olivier marin

étudiants4. Beaucoup plus riches de notre point de vue sont bien sûr ce
que l’on est convenu d’appeler les « actes de la pratique », qu’il s’agisse
de procès, de transactions ou de testaments. La difculté proviendrait
plutôt ici de l’abondance et de l’éparpillement des données. Ainsi, les
livres de la Grande Ville, qui furent tenus de manière sporadique à partir
de 1310, constituent une mine inépuisable sur le marché immobilier
pragois, mais attendent toujours d’êtres édités. Et comme par ailleurs
d’autres actes de la pratique peuvent se trouver dans les fonds les plus
inattendus, des découvertes sont encore possibles dans les bibliothèques
pragoises. Enn, un troisième type de sources est constitué des textes
produits par les universitaires eux-mêmes, ou tout au moins dans leur
mouvance. Parmi eux, les écrits de controverse et les chroniques méri-
tent une attention particulière dans la mesure où ils peuvent éclairer
de loin en loin la manière dont les scolares appréhendaient les réalités
territoriales5. Ajoutons que l’étude systématique des colophons suscep-
tibles d’indiquer où ces œuvres ont été copiées pourrait permettre de
constituer un corpus intéressant sur les divers lieux de savoir pragois.
Naturellement, toutes ces données textuelles doivent, autant que
faire se peut, être confrontées avec l’enseignement du terrain. A la
différence d’Oxford, Prague ne dispose certes plus de vastes comple-
xes universitaires remontant au Moyen Age. Beaucoup de ses collèges
furent dévastés dès l’époque hussite, et les autres bâtiments ont disparu
ou subi, en changeant d’usage, de radicales transformations : même le
siège actuel de l’université Charles, le Carolinum, a été si profondément
remanié au cours des âges que sa structure médiévale est devenue en
grande partie méconnaissable. En revanche, le centre historique de
Prague n’a guère été affecté par les opérations d’assainissement et de
haussmannisation qui remodelèrent ailleurs le plan des capitales euro-
péennes. L’étude de la trame urbaine s’en trouve grandement facilitée.
Elle a donné matière dans les années 1860 à une somme qui fait encore
autorité en matière de topographie pragoise, les Základy starého místopisu
praiského de V. V. Tomek6. L’auteur, qui fut le premier recteur de l’uni-
versité tchèque restaurée, écrivait à un moment où les antagonismes

4
Ces textes ont été édités pour l’essentiel dans le recueil commémoratif Monumenta
Historica Universitatis Carolo-Ferdinandae Pragensis, 3 volumes, Prague, 1830-1848 (désor-
mais abrégé MHUP).
5
On trouvera une présentation générale de ces sources dans J. Nechutová, Latinská
literatura peského stredovîku do roku 1400 (La littérature latine du Moyen Age tchèque
jusqu’en 1400), Prague, 2000.
6
Eléments de l’ancienne topographie pragoise, 2 volumes, Prague, 1866-1872.
les lieux du savoir 67

nationaux et l’industrialisation réveillaient l’intérêt pour le patrimoine


médiéval de la cité. Il y témoigne, ainsi que dans sa magistrale Histoire
de Prague en douze volumes7, d’une connaissance parfaite pour l’époque
de la documentation, y compris manuscrite. Ces deux ouvrages n’en
ont pas moins une facture monographique dont l’historien ne peut
plus aujourd’hui se satisfaire. Outre que ses informations sont parfois
dépassées, V. V. Tomek n’a nulle part cherché à apprécier de manière
globale l’importance du fait universitaire dans l’espace pragois. La
présente étude voudrait donc contribuer à combler une telle lacune.
A cet effet, nous tenterons d’abord de suivre la formation du paysage
universitaire pragois en cartographiant les implantations successives du
studium. Après quoi, changeant de point de vue, nous restituerons la
manière dont cet espace a été parcouru, senti, représenté par l’un des
maîtres pragois les plus fameux, Jean de Husinec, dit Jean Hus.

I.

La géographie universitaire pragoise n’a pas résulté d’un plan arrêté


à l’avance. Certes, quand le 26 janvier 1347 le pape Clément VI
publia la bulle de fondation de l’université pragoise, le choix de cette
localisation avait été mûrement rééchi8. Des entretiens préliminaires
avec Charles IV et ses envoyés, le souverain pontife avait appris quels
avantages distinguaient la capitale de la Bohême et la rendaient apte
à abriter un studium generale. Il en tira un éloge attendu de l’aménité du
lieu : conformément aux règles de la topique antique, la position centrale
de Prague, la salubrité de son climat, la qualité de son ravitaillement
et l’excellence de sa tradition scolaire furent tour à tour vantées par
le pape. Mais Clément VI ne soufa mot de l’emplacement précis du
futur établissement ni des bâtiments qui devaient l’accueillir. Le roi de
Bohême, qui venait pourtant de jeter les fondations de la Nouvelle Ville,
ne songea pas non plus à l’installer dans ces vastes espaces vacants. Il se
contenta de promettre, dans le diplôme qu’il octroya le 7 avril 1348, son
soutien nancier en des termes très généraux9. L’université de Prague

7
Dîjepis mîsta Prahy, Prague, 1855-1911.
8
Sur les motivations du pape, voir F. Rexroth, Deutsche Universitätsstiftungen von Prag
bis Köln, Cologne-Weimar-Vienne, 1991, p. 60-74.
9
MHUP, 2, p. 224 : « in quo siquidem studio doctores, magistri et scolares erunt in
qualibet facultate, quibus bona magnica promittimus, et eis, quos dignos viderimus,
regalia donaria conferemus . . . ».
68 olivier marin

naquit donc sans qu’aucun lieu lui ait été préalablement affecté. C’est
dire que son insertion dans la ville et dans ses réseaux de sociabilité a
été le fruit de l’expérience, des initiatives, individuelles ou collectives,
et du hasard : ce fut une création continuée.
Durant la première phase, correspondant approximativement à la
décennie 1350, la géographie universitaire se calqua sur celle des centres
d’enseignement préexistants (carte 1). L’armature était formée des cou-
vents mendiants et de leurs studia, dont le réseau s’organisait autour de
trois principaux pôles10. La Grande Ville abritait les deux plus anciens :
le couvent Saint-Clément, que les Frères prêcheurs avaient acquis dans
les années 1230 au débouché du pont de Judith ; le couvent franciscain
Saint-Jacques, situé lui aussi depuis 1228 intra muros, mais de l’autre
côté de la ville, à l’extrême est. L’un et l’autre furent aussitôt après la
création de l’université érigés en studia generalia de manière à fournir les
premiers professeurs de théologie. Enn, sur l’autre rive de la Vltava,
au nord-est de la Petite Ville, s’élevait le couvent Saint-Thomas des
Ermites-de-Saint-Augustin. Créé en 1285, l’établissement abritait un
centre d’enseignement qui t rapidement ofce de studium generale de la
province bavaroise de l’ordre. Il fut lui aussi naturellement incorporé à
la jeune fondation universitaire11. Retenons donc pour notre propos que
ces maisons étaient fort éloignées les unes des autres. Toutes s’étaient
intercalées dans des espaces plus ou moins périphériques de l’agglomé-
ration pragoise, qui étaient encore peu touchés par le développement
urbain au moment de leur installation. Toutes se trouvaient néanmoins
à proximité de lieux de passage souvent très fréquentés comme le pont
sur la Vltava, la cour du Týn (Ungelt) dans la Grande Ville et la porte
de Písek dans la Petite.
En dehors des établissements des Frères, Prague possédait une dou-
zaine d’écoles séculières, au premier rang desquelles l’école cathédrale12.
Ancienne et prestigieuse, pourvue d’une riche bibliothèque, celle-ci avait
connu son heure de gloire dans la seconde moitié du XIIIème siècle,
quand elle avait attiré à Prague d’aussi grands esprits qu’Engelbert
d’Admont. Puis l’extinction des P4bemyslides et les troubles qui s’ensui-

10
J. Kadlec, «eholní generální studia p4bi Karlovî universitî v dobî p4bedhusitské »
(Les studia generalia réguliers à l’université Charles durant la période préhussite), Acta
Universitatis Carolinae – Historia Universitatis Carolinae Pragensis, 7, 1966, p. 63-108.
11
J. Kadlec, Das Augustiner Kloster Sankt Thomas in Prag. Vom Gründungsjahr 1285 bis zu
den Hussitenkriegen mit Edition seines Urkundenbuches, Wurzbourg, 1985.
12
M. Bláhová, « Prahské školy p4beduniverzitního období » (Les écoles pragoises avant
l’université) Documenta Pragensia, 11, 1993, p. 26-39.
les lieux du savoir 69

virent l’avaient fait tomber dans la léthargie. L’archevêque Ernest de


Pardubice s’employa donc à la revitaliser. Comme l’y obligeait son nou-
veau statut de métropolitain, il y créa en 1349 une chaire professorale
de théologie qu’il dota d’une prébende canoniale13. C’est également à
l’école cathédrale qu’enseigna l’un des deux premiers professeurs de
droit canon à Prague, le chancelier de l’archevêque Etienne de Roud-
nice14. Pour ce qui est des arts libéraux en revanche, l’enseignement
se t durant ces années dans une simple école paroissiale, celle de
Notre-Dame-du-Týn au cœur de la Grande Ville. Peut-être dès 1348,
en tout cas au plus tard au début de la décennie suivante, Charles IV
en cona l’administration à son médecin Walter pour qu’il y donnât
des cours de médecine, de physique et des autres arts et qu’il formât
ainsi ses auditeurs à tous les exercices nécessaires à l’obtention du grade
de maître. Comme l’école n’avait pas encore de local, les cours durent
avoir lieu en plein air dans le cimetière voisin15. Il est probable enn
que certains professeurs, notamment parmi les médecins qui possédaient
souvent de belles demeures en ville, aient dispensé leur enseignement
chez eux. Mais on en ignore à peu près tout, faute de sources16.
Quoi qu’il en soit, ce premier état de la géographie universitaire
à Prague traduit bien le caractère modeste et fragile de la nouvelle
fondation, qui ne réunissait encore que des effectifs étiques17. S’y lit
en même temps sa vocation exclusivement cléricale, héritée des écoles
cathédrales et claustrales antérieures. Aussi bien son centre demeurait-il
la cour archiépiscopale : situé depuis la n du XIIIème siècle en contre-
bas du Château, dans la Petite Ville, le palais construit par l’évêque
Jean IV de Drahice abritait les diverses solennités universitaires et les
promotions à la licence ou à la maîtrise ; en sa qualité de chancelier,
l’archevêque Ernest de Pardubice les présidait18.

13
François de Prague, Fontes Rerum Bohemicarum, tome 4, éd. J. Emler, Prague, 1884,
p. 452 : « Fuerunt autem quinque magistri theologie, quorum unus legit in ecclesia
Pragensi et predicavit. Cui venerabilis pater et dominus, dominus Arnestus, primus
archiepiscopus Pragensis, honorice providit et copiose . . . ».
14
Ibidem : « ius canonicum legit in ecclesia Pragensi magister Stephanus, prefati
domini archiepiscopi cancellarius ».
15
V. V. Tomek, Dîjepis mîsta Prahy, tome 2, p. 269.
16
K. Beránek, « O pooátcích prahské léka4bské fakulty 1348-1622 » (A propos des
débuts de la faculté de médecine de l’université de Prague, 1348-1622), dans Acta Uni-
versitatis Carolinae – Historia Universitatis Carolinae Pragensis, 9, 1968, p. 44-87 (ici p. 54-55).
17
Cela n’autorise toutefois pas à en faire une simple paper university : voir F. Šmahel,
« Pooátky prahského obecného uoení » (Les débuts du studium generale de Prague), oeský
oasopis Historický, 96, 1998, p. 253-291, notamment p. 268-273.
18
Ainsi le 12 juin 1359, la promotion d’Henri de Libšice se t « in aula nostra
70 olivier marin

Le tableau changea sensiblement quand s’ouvrit, au seuil des années


1360, la phase d’institutionnalisation de la jeune fondation. Grâce entre
autres à l’action d’Ernest de Pardubice qui la dota alors de statuts
(Ordinationes Arnesti), son organisation, encore sommaire et ottante au
cours de la décennie précédente, se xa rapidement. Des crises purent
bien la secouer, comme lorsque les juristes rent sécession en 1372, mais
elles ne compromirent ni la croissance des effectifs ni le fonctionnement
désormais régulier de ses instances administratives. Ce nouveau départ,
tant quantitatif que qualitatif, se répercuta aussitôt dans le paysage
urbain (carte 2).
C’est en effet seulement alors que l’université commença à s’équiper
et à investir le marché immobilier. En 1359, l’archevêque Ernest de
Pardubice réalisa une première opération dans le quartier nord de la
Grande Ville, près du cimetière du couvent des Mineurs Saint-François,
où l’espace était moins mesuré et les constructions meilleur marché
qu’ailleurs. Il y acheta pour 90 soixantaines de gros une grande maison
avec jardin appartenant à Matthias, de la famille patricienne des Wel.
Cette demeure dite A la tour fut, note l’auteur anonyme du Chronicon
universitatis pragensis, le siège originel du studium19. L’enseignement des
arts, en particulier, qui drainait le gros des nouveaux étudiants, s’y
transféra pour quelques années.
Puis la concurrence naissante des universités de Cracovie (1364) et
surtout de Vienne (1365) décida Charles IV à intervenir à son tour an
de pérenniser le rayonnement de sa fondation. Le 30 juillet 1366, il
créa le premier collège de Prague, destiné à assurer le gîte, le couvert
et les meilleures conditions de travail possibles à douze maîtres-ès arts ;
ceux-ci se virent ainsi octroyer une très riche bibliothèque qui faisait
jeu égal avec les « librairies » les mieux dotées des Mendiants20. Pour

archiepiscopali Pragensi », selon une formule qui devint usuelle (éd. V. Chaloupecký,
Karlova universita v Praze, Prague, 1948, document 4, p. 123). Sur les liens entre l’arche-
vêché et l’université, voir M. Svatoš, « Prahské arcibiskupství a univerzita do husitství »
(L’archevêché de Prague et l’université jusqu’au hussitisme), dans Praiské arcibiskupství
1344-1994, Prague, 1994, p. 85-96.
19
Chronicon universitatis pragensis, dans Fontes Rerum Bohemicarum tome 5, éd. J. Goll, Pra-
gue, 1893, p. 567 : « Cuius (studii) locus primo fuit in domo contigua cimiterii S. Francisci ».
20
Beneš de Weitmile, Fontes Rerum Bohemicarum, tome 4, éd. citée, p. 518 : « Dominus
vero Karolus videns, quod studium huiusmodi notabiliter et laudabiliter augebatur,
donavit scolaribus domos Judeorum et instituit in eisdem collegium magistrorum, qui
singulis diebus actu legerent et disputarent, quibus bibliothecam fecit et libros pro studio
necessarios tribuit in habundancia, et hii magistri ultra pastum, quem recipiebant a
studentibus, habent certos annos reditus ditati sufcienter ».
les lieux du savoir 71

les loger, l’empereur jeta son dévolu sur la maison de Lazare Mann, le
rejeton d’une des familles les plus en vue de la communauté juive de
Prague. Sise en bordure du ghetto, la résidence occupait une position
assez excentrée au nord-ouest de la Grande Ville. Le même jour, l’em-
pereur statua d’autre part que les canonicats vacants du chapitre de
Tous-les-Saints, prestigieuse collégiale implantée au cœur du Château,
reviendraient aux membres dudit collège par ordre d’ancienneté. Une
maison devait accueillir non loin de là les heureux élus ; cette ancienne
propriété du chanoine Bohuta se situait en face de l’église Saint-Nicolas,
dans la Petite Ville21. Tant de libéralités n’étaient pas, cela va de soi,
purement désintéressées. En même temps qu’elles pouvaient servir à
former des serviteurs dévoués et compétents, elles réafrmaient solen-
nellement le caractère royal de l’université. Le nom que prit le nouveau
collège le dit assez. Collegium Caroli : la gloire impériale devait par ce
moyen passer à la postérité22.
Si les arts avaient désormais de solides assises matérielles, il restait
à doter les autres disciplines d’infrastructures similaires. Là encore,
l’action de Charles IV s’avéra décisive. Le deuxième collège à voir le
jour fut celui des juristes. Cela se t dans un contexte tendu, marqué
par la scission entre les canonistes d’une part et les artiens, médecins et
théologiens de l’autre. Dès 1373, Charles IV acheta au prix fort à son
intendant Pešlín une riche demeure, idéalement placée au centre de la
Grande Ville, près du couvent Saint-Jacques derrière la rue Celetná, et
la donna à la toute nouvelle université de droit23 ; le docteur Guillaume
Horborch, qui avec le recteur Jean de Granzogue avait inspiré à l’empe-
reur cette superbe acquisition, s’empressa d’y emménager. La fondation
du collège des médecins suivit peu après. De taille beaucoup plus

21
MHUP, p. 238 : « . . . et pro usu et commoda inhabitacione dictorum magistrorum
et studentium communiter et divisim, dum canonicatus et praebendas hujusmodi asse-
cuti fuerint, ut eo convenentius in dicta ecclesia Omnium Sanctorum divinis obsequiis
vacare possint, et valeant, domum illam in minori civitate Pragensi, quae fuit aliquando,
bonae recordationis, Bohutae quondam Pragensis canonici, quae sita est ex opposito
curiae plebani ecclesiae sancti Nicolai dictae minoris civitatis Pragensis, ipsis et eorum
successoribus in perpetuum damus . . . ». Sur cette institution, voir M. Svatoš, « Prahská
univerzitní kolej Všech svatých » (Le collège universitaire pragois de Tous-les-saints),
Acta Universitatis Carolinae – Historia Universitatis Carolinae Pragensis, 31, 1991, p. 85-93.
22
MHUP, p. 232 : « . . . eique ex nomine nostro, auctore Domino, felicibus auspiciis
nomen imponimus, ut collegium Caroli perpetuis temporibus appelletur . . . ».
23
MHUP, 2, p. 25 : « Karolus IV . . . quandam domum sitam in media civitate Pra-
gensi apud ecclesiam S. Jacobi in angulo iuxta domum Francisci Nuemburgensi, civis
Pragensis, pro centum et quinquaginta sexagenis Pragensis a Pesselino, camerilingho
suo, comparavit et universitati juristarum dedit et assignavit ».
72 olivier marin

modeste que le précédent, il s’abrita dans une maison de l’actuelle rue


Kaprová qu’avait naguère occupée un médecin de Charles IV du nom
de Frédéric. C’est là qu’il est mentionné pour la première fois en 138024.
Enn, le dernier-né parmi les collèges de maîtres, le collège Venceslas,
dut son existence, comme son nom l’indique, à la générosité du ls et
successeur de Charles, Venceslas IV. Prévu pour des maîtres ès-arts, il
élut domicile dans une vaste maison de deux étages pourvue d’une tour
sur le Marché de Saint-Gall (aujourd’hui le Marché-aux-fruits)25.
A quoi ressemblaient extérieurement et intérieurement ces établis-
sements ? Leur architecture n’avait rien de spécique. Les membres
s’installaient dans la ou les maison(s) urbaines léguées par le fondateur.
Ils y menaient une existence de type canonial, partagée entre les espaces
communs tels que le réfectoire, la chapelle ou la bibliothèque, et leur
chambre individuelle, nommée stuba ou, pour les plus grandes, aestuarium.
On s’accommodait donc au mieux des bâtiments existants, quitte à les
réaménager peu à peu au gré des opportunités. En 1378, le sixième
recteur de l’université de droit, Jean Slepekov, t décorer et paver les
abords du somptueux collège des juristes26. Outre ces embellissements,
il fallut aussi songer à le garnir de pièces assez vastes pour accueillir les
cours et les assemblées. En 1383, une nouvelle maison fut construite
à cet effet dans la cour, qui devait abriter des pièces pour les lectures
de décret et les leçons extraordinaires (scolae) ainsi qu’une grande salle
de réunion (commune auditorium universitatis)27. Quelques années plus tard,
la faculté des arts pourvut à son tour à l’aménagement d’un lectorium
dans le collège Venceslas, posant comme seule condition qu’elle puisse
l’utiliser28. Toutes ces transformations font apparaître que les collèges
pragois ne servaient pas seulement à l’accueil et à l’entretien de leurs
membres, mais qu’ils offraient leurs bâtiments à l’ensemble de la faculté
ou de l’université dont ils émanaient. Ainsi, le collège des juristes devint
vite le centre de l’université de droit, là où siégeait le recteur et où
se tenaient les promotions. Même si par contraste le collège Charles

24
K. Beránek, « P4bíspîvek k nejstarším dîjinám prahských univerzitních kolejí »
(Contribution à l’histoire primitive des collèges universitaires pragois), dans Acta Uni-
versitatis Carolinae – Histoira Universitatis Carolinae Pragensis, 23, 1983, p. 57-63 (ici
p. 57-58).
25
M. Svatoš, « Kolej krále Václava univerzity » (Le collège universitaire du roi
Venceslas), Památky a príroda, 1977, p. 257-262.
26
V. V. Tomek, Základy . . ., éd. citée, tome 2, p. 26.
27
Ibidem.
28
V. V. Tomek, Základy . . ., éd. citée, tome 1, p. 322.
les lieux du savoir 73

ne pouvait encore que difcilement héberger de telles solennités, les


bâtiments des collèges matérialisaient donc pour la première fois dans
l’espace pragois l’institution universitaire. Cette centralité en t les
points de cristallisation des controverses et des manifestations publiques :
témoin Hýnek Kluk de Kluoov, qui pour obtenir l’écho le plus large
possible, choisit de placarder sur les portes des deux collèges pragois,
comprenons le collège Charles et le collège des juristes, les bulles de
son maître l’antipape Clément VII29.
Encore les collèges n’étaient-ils pas les seuls lieux où s’affairaient
maîtres et étudiants. Naturellement, les studia des ordres religieux conti-
nuaient leurs activités, particulièrement orissantes en théologie. Du fait
de la pénurie d’espace qui sévissait dans la Grande Ville de Prague,
les Frères aussi furent amenés à mettre leurs locaux à la disposition de
l’université. Le 20 avril 1384, l’ordre dominicain en la personne de son
maître général Raymond de Capoue décida par exemple de coner au
recteur de l’université une clé donnant accès à la chapelle Saint-Vincent,
dans le couvent Saint-Clément ; elle pourrait servir, précisa-t-il, tant
aux messes universitaires qu’à d’autres réunions30. Par cet acte était
donc scellé le lien organique qui depuis les origines unissait l’institution
universitaire aux ordres mendiants, spécialement dominicain. Ajoutons
que d’autres ordres restés jusque-là en marge de l’université vinrent
compléter l’éventail de ces établissements scolaires. Les cisterciens le
rent de manière originale, en fondant le seul collège régulier qu’ait
connu Prague au Moyen Age. Ils le dédièrent comme celui de Paris à
saint Bernard et l’installèrent dans une zone vide de toute implantation
universitaire, le quartier sud-ouest de la Grande Ville. Les bâtiments,
pris à la communauté de prostituées repenties Jérusalem qui venait
d’être dissoute, leur furent donnés par Charles IV. Destiné en priorité
à l’hébergement des moines que chaque monastère bohémien était

29
R. Holinka, Církevní politika arcibiskupa Jana z Jenštejna za pontikátu Urbana VI. ( La
politique ecclésiastique de l’archevêque Jean de Jenštejn sous le ponticat d’Urbain
VI), Bratislava, 1933, ici p. 69.
30
V. J. Koudelka, « Raimund von Capua und Böhmen », AFP, 30, 1960, p. 206-
226, document 2, ici p. 221 : « Insuper pro fortiori colligatione mutue conversationis
inter vos et fratres meos prefatos, tenore presencium, pro servitio universitatis vestre,
tam in missis celebrandis quam in particularibus consiliis seu congregationibus per vos
endis, quam etiam in etiam in quibuscumque aliis vobis opportunis et placitis, sive
in vita sive in morte, deputo cappellam S. Vincentii positam in capitulo conventus
Pragensis supradicti ; cujus unam clavem volo per vos dominum rectorem, ut liberum
possit habere accessum in perpetuum, prohibens cuique me inferiori, ne in hoc vos
valeat quomodo impedire ».
74 olivier marin

tenu d’y envoyer, l’établissement accueillit également des assemblées


universitaires, comme celle qu’y tint le 30 décembre 1383 le corps
professoral de la faculté de théologie31. Quant aux carmes, ils furent le
dernier ordre mendiant à ériger en 1379, soit une trentaine d’années
après leur arrivée sur les rives de la Vltava, un studium generale. Situé
dans leur couvent Sainte-Marie-des-Neiges, au nord de la Nouvelle
Ville, il ne réunit jamais de gros effectifs32.
A l’évidence, collèges et studia n’hébergeaient en effet qu’une toute
petite minorité de scolares. Sufsaient-ils même à abriter tous les cours ?
Probablement pas. Notre carte devrait donc aussi prendre en compte
les logements particuliers, chambres de fortune ou belles demeures,
occupés par les populations universitaires et leurs activités. Malheureu-
sement, les sources sont peu disertes à ce propos, sauf pour dénoncer
la propension notoire des étudiants à attirer chez eux les lles de joie,
ce qui ne permet guère de les localiser33 . . . Notre ignorance se dissipe
seulement en partie quand afeurent dans la documentation ce que l’on
appelait dans la langue du temps des bursae. A l’image des pédagogies
françaises, il s’agissait de petits établissements ouverts par des maîtres
ou des bacheliers pour y héberger contre paiement des étudiants, le
plus souvent des artiens. L’une d’entre elles nous est assez bien connue
grâce à l’enquête que mena l’archidiacre Paul de Janovice en 1380 sur
le mode de vie de ses membres et les exercices de dévotion auxquels ils
se consacraient. A cette date, elle regroupait huit scolares, en majorité
silésiens, les uns simples étudiants, les autres déjà gradués et pourvus
de bénéces, quelque part sur la rue Celetná. Ils logeaient dans une
maison qui avait été mise à leur disposition par Anne, veuve du bou-
langer Bernard, et étaient assistés d’une cuisinière et d’un portier34. Les

31
Sur ce collège, voir S. Bredl, « Das Collegium S. Bernardi in Prag : 1. Periode
1375-1409 », Studien und Mitteilungen aus dem Benediktiner- und Cistercienserorden, 13, 1892,
p. 493-399.
32
F. B. Lickteig, The German Carmelites at the medieval universities, Rome, 1981,
p. 280-284.
33
Déposition du bourgeois Lauthinus de Wyenna, dans Protocollum visitationis archi-
diaconatus Pragensis annis 1379-1382 per Paulum de Janowicz archidiaconum Pragensem factae,
éd. I. Hlaváoek et Z. Hledíková, Prague, 1973, p. 79. « Item dicit, quod multe sunt
in parrochia ipsorum (Saint Nicolas dans la Grande Ville) et in aliis, ubi studentes
morantur et rara domus est in quibus morantur, in qua non foverentur meretrices
publice, de quo multum homines scandalisantur ».
34
Déposition de Jean de Hiersperg, prêtre du diocese de Wroclaw, ibidem, p. 103.
« Dicit, quod ipse deponens morat in domo quadam in platea, que dicitur Czaltne-
rii . . . que quidem domus est per dominam Annam, relictam Bernhardi pistoris, donata
pro presbyteris, ut ibidem morantur pronunc . . . Qui quidem supradicti ibidem bursam
les lieux du savoir 75

bourses de ce type étaient vraisemblablement nombreuses à Prague,


et leur importance semble s’être accrue à mesure que les instances
universitaires se préoccupèrent de surveiller plus strictement les popu-
lations étudiantes. En 1385, défense fut faite aux étudiants d’habiter à
l’extérieur des bourses et des collèges, sauf dérogation du recteur ; en
revanche, ne devaient y être admis que des étudiants dûment imma-
triculés, et pour éviter les tracs, on interdit en 1385 la sous-location35.
C’est que les bursae représentaient en même temps un complément de
revenus appréciable pour les professeurs qui les dirigeaient. Il pouvait
d’ailleurs arriver que ceux-ci mettent en commun leurs ressources an
d’ouvrir une bursa qui s’annonçait particulièrement lucrative. Un acte
de vente daté du 16 juin 1380 nous montre par exemple six maîtres
pragois, ressortissant à des nations et à des facultés diverses, acheter
ensemble pour 120 gros une maison bourgeoise située à deux pas du
collège des médecins. Au vu de cet exemple, on soupçonne que les
bursae se concentraient dans la Grande Ville et qu’elles recherchaient
le voisinage des collèges existants : les rares autres bourses dont on
connaisse l’emplacement exact se localisaient sur le marché Saint-Gall,
dans le quartier des bouchers près de Saint-Jacques, ou encore derrière
Saint-Nicolas, dans les parages du collège de Tous-les-saints36. Toujours
est-il que la plupart des bursae étaient trop liées à la personne de leurs
fondateurs pour ne pas avoir une existence éphémère, de sorte qu’elles
n’ont guère laissé de trace dans la toponymie pragoise.
Au seuil des années 1380, le réseau des institutions universitaires,
fort de cinq nouveaux collèges et d’un studium generale supplémentaire,
était par conséquent devenu beaucoup plus dense. Il n’en conservait
pas moins un caractère très éclaté : si la Nouvelle Ville, qui n’accueillait
que le studium des Carmes à sa périphérie, faisait gure de repoussoir, la
Petite et surtout la Grande Ville abritaient à peu près indifféremment
sur toute leur supercie les scolares. Cette dispersion était due bien sûr
à l’aléa attaché à toute acquisition immobilière. Mais elle reétait aussi
l’hétérogénéité structurelle de l’université, qui comme telle ne possédait
rien ; elle n’existait dans le décor urbain que par ses composantes, la

componunt et expendunt, qui faciunt eisdem provisiones componendo interdum per


mediam sexagenam, interdum per unam, et dicit, quod habeant unam ancillam cokam
et unum famulum portulanum . . . ».
35
MHUP, tome 3, resp. p. 9, 12 et 13.
36
Indications tirées de F. Šmahel, Praiské universitní studentstvo v predrevolupní období
1399-1419 (Le mouvement étudiant à Prague durant la période prérévolutionnaire),
Rozpravy peskoslovenské akademie vîd, 77, 1967, n.120, p. 158-159.
76 olivier marin

discontinuité topographique reproduisant en quelque manière les cli-


vages entre les diverses facultés d’une part, entre le clergé séculier et
les ordres religieux d’autre part.

Par contraste, le tournant des XIVème et XVème siècles vit apparaître un


mouvement de concentration, signe d’une mutation de grande ampleur
dans les rapports de l’université et de la ville (carte 3).
Cela commença par le déménagement du collège de Tous-les-Saints
et du Carolinum. Le premier migra dès avant 1380 dans la maison du
couvent de Nepomuk, dans la Grande Ville, et derechef trois ans plus
tard dans l’ancienne demeure du chancelier impérial Jean de St4beda,
près de Saint-Nicolas. Le changement de lieu ne put qu’accentuer
l’orientation des chanoines vers l’enseignement en facilitant leurs acti-
vités scolaires. Quant au collège Charles, le roi Venceslas invoqua le
28 août 1383 des raisons de commodité pour justier son transfert au
cœur de la Grande Ville37. L’exiguïté n’était certainement pas seule
en cause. L’emplacement primitif du collège Charles s’avérait à tous
égards défavorable, trop périphérique sans doute, trop exposé surtout
aux crues dévastatrices de la Vltava. Peut-être faudrait-il aussi incrimi-
ner la jalousie que les libéralités faites aux juristes après leur sécession
n’avaient pas manqué de susciter chez les artiens. En tout état de cause,
le souverain t montre d’une générosité inhabituelle en réservant à ces
derniers la résidence de Martin Rotlev. Ce patricien de souche alle-
mande possédait dans un quartier privilégié de la Grande Ville, où se
côtoyaient les plus riches familles de drapiers, un assemblage disparate
de maisons dont il avait fait un luxueux palais gothique. En plus de
l’offrir en 1383 au collège Charles, le souverain prit soin de l’adapter
au mieux aux activités scolaires. Chose exceptionnelle, l’organisation
de l’espace intérieur fut tout entière repensée38. Les travaux de fond
s’étalèrent sur trois ans et aboutirent au doublement de la surface
initiale. Le complexe comprenait nalement, outre les chambres des
maîtres et une chapelle dédiée à saints Côme et Damien, deux salles
de cours, une pièce pour le bureau du recteur, une prison et, à la place
de l’ancienne pièce de réception du premier étage, une magnique
aula égayée de peintures, qui était destinée à donner le plus d’éclat
possible aux disputes et aux cérémonies ; dès 1386, c’est là que se tint

37
MHUP, p. 267 : « . . . habitacionem eandem propter nonnulla magistrorum et stu-
dentium incommoda, certisque aliis causis notabilibus, eisdem non fore utilem… ».
38
L’état de la question est donné dans le volume Karolinum statek národní, Prague,
1935.
les lieux du savoir 77

l’élection du recteur39. Avec ce déménagement, l’université des trois


facultés trouvait enn un bâtiment à sa mesure, à côté duquel même
le collège des juristes faisait pâle gure.
Ce déplacement du centre de gravité de l’université ne saurait sur-
prendre, tant il est vrai qu’à la même époque le roi transféra sa pro-
pre résidence dans la Grande Ville : l’évolution générale des pouvoirs
favorisait précisément cette partie de l’agglomération au détriment du
Château. L’apparition de quelque cinq nouveaux collèges universitaires
amplia encore le mouvement. Leur prol institutionnel était assez
différent de celui des fondations antérieures40. Il s’agissait uniquement
de collèges séculiers, conçus pour subvenir aux besoins d’étudiants
pauvres et méritants, et qui n’offraient en général qu’un nombre limité
de places. Mais le plus remarquable se trouve ailleurs, dans la qualité
de leurs fondateurs41. Alors que jusque-là l’initiative revenait presque
exclusivement au souverain, voici que des particuliers, des maîtres
mais aussi et surtout des laïcs, prennent la relève. Il n’est pas jusqu’à la
naissance du collège de la reine Hedwige qui ne soit paradoxalement
à mettre à leur crédit42. Car son nom ne doit pas abuser : si la reine
de Pologne fut bel et bien en 1397 à l’origine de cet établissement, des
embarras nanciers et politiques en retardèrent la réalisation jusqu’en
1411. C’est alors un bourgeois de Prague, le marchand K4bíh, qui prit
l’affaire en main et qui choisit son emplacement dénitif sur le Marché
de Saint-Gall. La vocation initiale du collège s’en trouva altérée. Au
lieu des Lituaniens nouvellement christianisés, ce furent des étudiants
bohémiens qui y logèrent. Une telle intervention mérite qu’on s’y
arrête, car elle constitue un complet renversement par rapport à la
période antérieure.
Tout au long des premières décennies de son existence, les villes de
Prague avaient en effet boudé le studium. Elles ne s’étaient pliées que de
mauvaise grâce au fait du prince, déplorant en particulier que l’institution

39
L’information provient à nouveau du Chronicon universitatis pragensis, éd. citée, p. 567 :
« translato collegio de domo Lazari in domum Rotlebi Nicolaus Luthomysl, magister
arcium, fuit ibidem electus primus rector ».
40
Présentation générale par M. Svatoš et J. Havránek, « University Colleges from
the Fourteenth Century to the Eighteenth Century », dans D. Maffei et H. de Ridder-
Symoens (ed), I collegi universitari tra il XIV e il XVIIII secolo, Milan, 1991, p. 143-154.
41
M. Svatoš, « Husitští mecenáší prahské univerzity » (Les mécènes hussites de l’uni-
versité de Prague), Husitský Tahor, 2, 1979, p. 47-54.
42
M. Svatoš, « Litevská kolej prahské univerzity (1397-1622) » (Le collège lituanien de
l’université de Prague (1397-1622)), dans Praha-Vilnius, Prague, 1981, p. 19-32.
78 olivier marin

universitaire échappât à leur juridiction et qu’elle fût soustraite aux taxes


urbaines. Des conits plus ou moins sanglants s’ensuivirent, jusqu’à ce
qu’un modus vivendi fût trouvé en 1372 entre les deux universités et les
échevins de la Grande Ville43. Encore les Pragois ne se départirent-ils
pas aussitôt de leurs préventions : à la n du siècle, ils rechignaient
toujours à recruter des gradués dans les bureaux du Conseil de Ville
et n’envoyaient que rarement leurs propres enfants aux écoles44. Les
esprits, pourtant, commençaient à changer. Dès 1379, Vincent Nýdek
de Görlitz, bourgeois de Lusace, de ce fait peut-être moins prisonnier
que les Pragois des conits d’intérêts locaux, n’oublia pas l’université où
il avait étudié dans sa jeunesse et au sein de laquelle il comptait encore
de solides amitiés. Dans le testament qu’il dicta à Prague, il laissa entre
autres une belle somme de huit marcs polonais pour loger de pauvres
étudiants. Sans doute est-ce avec cet argent que fut achetée une maison
dans la paroisse Saint-Valentin, au nord-ouest de la Grande Ville, où
un collège est attesté au début du XVème siècle45. Puis aux alentours de
1390, un des rares maîtres issus d’une famille bourgeoise autochtone,
Jenek Vaclav7̀v de Prague, fonda sur ses deniers un collège et lui affecta,
en plus de ses livres, une maison voisine du collège Venceslas. Sa charité
se voulait plus sélective que celle du Lusacien : il destina la fondation
aux seuls membres de la Nation bohémienne46. Enn, K4bíh et le che-
valier silésien Jean de Mühlheim, l’un et l’autre pourtant bien étrangers
à l’institution universitaire, dotèrent en 1391 la nouvelle chapelle de
Bethléem d’une pension pour de pauvres étudiants en théologie, qui
allait bientôt se transformer (au plus tard en 1406) en un véritable col-
lège, le collège Nazareth. Ses membres durent dans un premier temps

43
I. Hlaváoek, « Jeden dokument k vztahu university a prahských mîst v druhé
polovinî 14. století » (Un document sur les relations entre l’université et les villes de
Prague dans la seconde moitié du XIVème siècle), Acta Universitatis Carolinae – Historia Uni-
versitatis Carolinae Pragensis, 2, 1961, p. 89-96. Sur cette évolution, cf. M. Svatoš, « Mîsto
a univerzita » (La ville et l’université), Documenta Pragensia, 11, 1994, p. 40-46.
44
Ainsi que l’a bien montré M. Svatoš dans son étude « Sociální integrace absol-
ventu prahské
 univerzity 1348-1419 » (L’insertion sociale des anciens étudiants de
l’université de Prague 1348-1622), dans Husitství – reformace – renesance, 1, Prague, 1994,
p. 157-166.
45
MHUP, tome 2, p. 257 : « Item assignavit et dedit octo marcas ad emendum domum
unam pro pauperibus scolaribus Pragensis studii supradicti ». Le théologien Nicolas de
Gubín gurait parmi ses exécuteurs testamentaires. A l’opposé de la Grande Ville, la
paroisse Saint-Benoît abrita une institution similaire, également nommée collegium paupe-
rum, mais dont l’origine reste pour l’heure inconnue : V. V. Tomek, Základy . . . , p. 54.
46
Sur ce personnage et son action, voir F.-M. Bartoš, « M. Jenek z Prahy », Jihopeský
Sborník Historický, 9, 1936, p. 41-43.
les lieux du savoir 79

habiter sur place, avec le prédicateur en titre de la chapelle, puis K4bíh


leur légua en 1412 une partie de sa maison toute proche, en face de
l’église Saint-Gilles. Les dons afuèrent, émanant aussi bien du roi que
de riches marchands pragois. Pendant longtemps, il y avait eu simple
juxtaposition de l’université et de la ville. Même si elles n’engageaient
pas la responsabilité du corps municipal, ces initiatives privées montrent
qu’à l’échelle locale, l’intégration était désormais en marche.
Qu’attendaient au juste de l’université les citadins qui la gratiaient
ainsi ? Sans doute ce que recherchait à la n du Moyen Age tout pieux
donateur : le secours du pardon divin, la garantie de prières efcaces et
la reconnaissance sociale. Mais il semble qu’à des degrés divers, ils aient
aussi eu conscience du rôle que pouvaient jouer les universitaires en
matière d’éducation religieuse et de prédication. Ainsi, Vincent Nýdek
entreprit de fonder en plus, dans l’église Saint-Etienne de la Nouvelle
Ville, un autel dont il cona le droit de patronage au recteur du studium.
C’était du même coup associer l’université à l’encadrement pastoral
d’une des plus grosses paroisses de la capitale47. K4bíh lui emboîta le pas,
tout en y ajoutant des exigences réformatrices qui lui étaient propres.
Avec l’appui de Jean de Mülheim, il t bâtir sur ses biens fonds, à quel-
ques pas de l’ancienne Jérusalem de Milío, la chapelle de Bethléem. La
lettre de fondation atteste du soin avec lequel ils en choisirent le prédi-
cateur. Celui-ci devait se recruter dans les rangs du clergé séculier, être
reconnu apte à prêcher en tchèque et obtenir l’agrément des membres
de la Nation bohémienne de l’université. Il était même spécié à ce
propos que les trois maîtres tchèques les plus âgés du collège Charles
devaient s’en entretenir avec le magister civium qui présidait le conseil
de la Grande Ville48. Pour la première fois, les représentants patentés
de la corporation urbaine étaient donc chargés de prendre langue avec
leurs compatriotes scolares : il y allait de la qualité morale et spirituelle
du desservant et, partant, du bien des âmes.

47
Ibidem : « Item legavit, dedit et assignavit centum et decem marcas ejusdem monetae
(polonicalis) pro uno altari erigendo et dotando in ecclesia S. Stephani in Ribenik novae
civitatis Pragensis, et hujus altaris esse voluit et constituit honorabilem virum, rectorem
universitatis studii Pragensis, qui pro tempore fuerit, perpetuum collatorem ».
48
MHUP, tome 2, p. 304 : « De jure autem patronatus seu praesentandi ejusdem
capellae ita duxi ordinandum : Ut habita prima praesentatione per me de persona,
quam voluero, eodem cedente vel decedente tres magistri de collegio Caroli, natione
Boemi et seniores, assumto ad se in consilium magistro civium majoris civitatis Pragensis,
qui fuerint pr tempore, mihi aut heredibus et successoribus meis tres personas habiles
et idoenas, et quas meliores in veritate et utiliores in praedicationis ofcio omnibus
affectionibus, favoribus et aliis circumductis noverint, praesentabunt… ».
80 olivier marin

De leur côté, les universitaires pragois ne pouvaient que se féliciter


de voir de telles fondations multiplier leurs débouchés, à une époque où
le marché des bénéces allait au contraire se rétrécissant en Bohême.
Au début du XVème siècle, Prague comptait plus d’une quinzaine de
chaires de ce genre, réparties pour la plupart dans la Grande Ville (13)
et secondairement dans la Nouvelle Ville (2), à la cathédrale (2) ou
dans la Petite Ville (1) ; quoique aucune ne fût expressément réservée
aux universitaires, une solide culture, notamment théologique, était le
meilleur titre pour s’y faire nommer49. Que leurs titulaires l’aient ou
non voulu, ceci eut pour conséquence de les faire communier à un
patriotisme qui leur était jusqu’alors à peu près inconnu. Alors que la
division en facultés primait auparavant sur le clivage national et que les
collèges fondés par Charles IV et Venceslas IV se proposaient de recevoir
des maîtres de toute la Chrétienté, bon nombre de ces « prédicatures »
furent réservées, selon les cas, à des clercs germanophones ou slavo-
phones. Sans doute n’est-ce pas un hasard si des conits linguistiques
et nationaux se mirent en ces années à diviser les scolares : ils marquent
une rupture qui résulte directement de l’insertion des universitaires,
sinon de l’université, dans les réseaux de sociabilité pragois.
A ce jeu, la Nation bohémienne se révéla vite la plus forte. Bien que
minoritaire à l’université, elle pouvait s’appuyer sur le mouvement de
fond qui inversait les équilibres démographiques au prot des Tchè-
ques, et ceci jusque dans la Grande Ville de Prague. Grâce aux liens
noués avec les oligarchies urbaines, les écoliers tchèques y acquirent un
patrimoine immobilier assez considérable, sans commune mesure en
tout cas avec celui des autres nations. La Nation bohémienne détenait
naturellement le collège du même nom, que vint bientôt grossir l’ac-
quisition d’une maison située non loin de là, de l’autre côté des fossés
séparant la Grande de la Nouvelle Ville ; une bursa y vit le jour, connue
sous le nom d’Ecole de la Rose Noire. A ce noyau s’adjoignaient à
l’ouest la chapelle de Bethléem, anquée du collège de Nazareth, et plus
loin encore au sud, la chapelle du Corpus Christi. Depuis juin 1403, la
confrérie qui l’administrait avait en effet coné cet établissement planté
au cœur du Marché au bétail, dans la Nouvelle Ville, à la Nation bohé-
mienne, avec tous ses droits et revenus. Très richement possessionnée,

49
Des exemples similaires sont cités, pour les villes allemandes du XVème siècle,
par M. Menzel, « Predigt und Predigtorganisation im Mittelalter », Historisches Jahrbuch,
111, 1991, p. 337-384.
les lieux du savoir 81

elle pouvait entretenir une dizaine de scolares sous le haut patronage


du roi. Elle devint de la sorte un creuset dans lequel se t, à l’écart du
reste de la population étudiante, la symbiose entre les universitaires et
les courtisans tchèques50. Face à cet activisme, les membres des trois
autres nations universitaires, c’est-à-dire pour l’essentiel des Allemands
de l’extérieur, tentèrent bien de réagir. Certains, tel le théologien Jean
Isner, réservèrent à leurs compatriotes la bursa qu’ils administraient ; par
réalisme, il précisa néanmoins qu’au cas où le studium disparaîtrait, et
avec lui les étudiants polonais, la maison reviendrait au conseil de la
Vieille Ville51. Deux professeurs silésiens, Jean de Münsterberg et Jean
Hoffmann de Schweidnitz, songèrent de leur côté en 1406 à faire don
d’un collège à la nation polonaise. Mais il était trop tard : ainsi que
le redoutait Jean Isner, le Décret de Kutná Hora (1409) eut raison de
leurs efforts52. En s’acclimatant au milieu pragois, l’université nit par
ne regrouper plus que des régnicoles.
En l’espace d’un demi-siècle, la géographie universitaire pragoise
avait par conséquent profondément changé. Effacement relatif de la
cathédrale et des studia mendiants, densication des établissements
scolaires dans quelques rues à l’angle nord-ouest de la Grande Ville et
surtout autour du marché de Saint-Gall, intégration aux cadres religieux
et politiques de la capitale : toutes ces évolutions recomposaient non
seulement le paysage pragois, mais encore la manière dont les gens des
écoles s’appropriaient l’espace urbain. L’exemple de Jean Hus permet
de le vérier.

II.

Le martyr de Constance est en effet l’un des très rares universitaires


pragois, sinon le seul, dont on puisse restituer avec quelque précision
les domiciles, les déplacements et les fréquentations : les divers procès
intentés contre lui, ajoutés à la masse de ses propres écrits, fournissent

50
M. Polívka, « K ší4bení husitství v Praze (Bratrstvo a kaple Bohího tîla na Novém
Mîstî prahském v p4bedhusitské dobî) » (A propos de la diffusion du hussitisme à Prague :
la confrérie et la chapelle du Corpus Christi dans la Nouvelle Ville de Prague à l’époque
préhussite), Folia Historica Bohemica, 5, 1983, p. 95-118.
51
V. V. Tomek, Základy . . ., éd. citée, p. 205.
52
Sur cette tentative avortée, qui ne fut nalement réalisée qu’en 1422 à l’université
de Leipzig, voir F. Machilek, « Die Schlesier an der Universität Prag vor 1409. Eine
Forschungsbericht », Archiv für schlesische Kirchengeschichte, 32, 1974, p. 81-102, ici p. 95.
82 olivier marin

une multitude d’indications spatiales qui nous renseignent à la fois sur


la Prague de son temps, sur les lieux qu’il hantait et sur la perception
qu’il en avait53. Quelque exceptionnelle qu’elle soit, sa personnalité nous
permet ainsi, par un effet de grossissement, de deviner ce qu’était au
début du XVème siècle l’espace quotidien des scolares.
Où Jean Hus a-t-il logé à son arrivée sur les rives de la Vltava vers
1390 ? Originaire d’un village de Bohême du sud nommé Husinec, il
n’avait pas de famille dans la capitale. Comme les statuts de l’université
l’y obligeaient, il dut loger dans une des bursae que comptait la Grande
Ville ; quelques décennies plus tard, un prédicateur hussite anonyme
rappela comment le jeune étudiant versait un haler au prévôt de sa
bursa pour obtenir de la cervoise54. Il est cependant possible que Hus
ait tôt ou tard occupé une place de serviteur dans un collège pragois.
Deux d’entre eux viennent à l’esprit : le collège Venceslas, s’il faut en
croire le moine camaldule Jérôme de Prague, qui dit y avoir fréquenté
Hus, ainsi que son homonyme Jérôme de Prague et d’autres membres
de la jeune génération tchèque55 ; le collège Charles, où l’on montrait
encore au XVIème siècle aux visiteurs la chambre supposée du réfor-
mateur56. Dans les deux cas, Jean Hus aurait donc passé les dernières
années de ses études à l’abri du besoin, au contact d’un des maîtres
de sa Nation qu’il assistait.
Les hypothèses ne laissent place aux certitudes qu’à partir du moment
où il accéda à la maîtrise ès arts (1396). Le collège Charles devint alors
le décor concret de sa pratique professionnelle. Comme tout un chacun,
Hus se mêla aux assemblées plénières de l’université qui se tenaient
ordinairement dans la grande salle des disputes et qui en venaient par-
fois à déborder, du fait de l’afuence, jusque dans la cour ; durant ces
années mouvementées, tous les grands sujets qui agitaient l’université
y furent débattus en sa présence. C’est aussi dans cette salle que Hus

53
Sur Hus, la meilleure synthèse est désormais celle de P. Hilsch, Johannes Hus,
Ratisbonne, 1999.
54
« Antiqui studentes, ut olym beate memorie Mag. J. Hus narrabat, dum studens
erat, bis pro 1 halensi dari sibi fecit preposito burse cerevisiam per diem videlicet mane
et vespere » (cité par F.-M. Bartoš, « Hus jako student a profesor Karlovy university »,
dans Acta Universitatis Carolinae – Historia Universitatis Carolinae Pragensis, 2, 1958, p. 11).
55
« Nos quoque Bohemi juvenes studentes cum Johanne Huss et Jeronymo, item
cum Jacobello et Marco et aliis studentibus, morabamur in collegio regis Wenceslai »
(cité par V. Novotný, M. Jan Hus, I/2, Prague, 1921, p. 236, n. 1). Voir cependant les
réserves de F. Šmahel, Jeroným Praiský, Prague, 1966, p. 31.
56
D’après le témoignage de l’humaniste Frischlin : cf. F.-M. Bartoš, « Hus jako student
a profesor Karlovy university », éd. citée.
les lieux du savoir 83

prit part à ces « tournois de la chevalerie académique » qu’étaient,


selon la belle formule de Jérôme de Prague, les quodlibets annuels ; il
y présida lui-même en grande pompe celui de janvier 1410, avant d’y
ferrailler deux ans plus tard contre la vente des indulgences papales en
Bohême. C’est encore là qu’il assista aux promotions de ses étudiants
et qu’il t en leur honneur les discours d’usage. En revanche, quand
il se réunissait avec les autres maîtres, il se transportait à côté, dans
la salle de la faculté (stuba facultatis), où selon ses propres termes, les
faits et les affaires délicates du studium étaient habituellement traités57.
Hus y exerça donc les diverses responsabilités administratives qui lui
incombèrent dix ans durant. Doyen de la faculté des arts au cours du
semestre d’hiver 1401/1402, membre à trois reprises d’une commission
d’examens, recteur enn de toute l’université en 1409/1410, il devint
un familier des lieux sans être membre en titre du collège. On le vit
par exemple hanter les chambres de ses collègues plus âgés, telle celle
d’André de Brod où il lui arriva de croiser Grégoire de Prague et Nicolas
de Podivín58. Parce que Hus se révéla un maître-régent particulièrement
actif et disponible, le Carolinum fut jusqu’à son départ forcé de Prague
à l’automne 1412 le centre de gravité de sa géographie personnelle.
Pour autant, d’autres lieux exercèrent aussi leur attraction sur le
réformateur pragois et dessinent pour l’observateur rétrospectif les points
d’ancrage de ses engagements nationaux et religieux. Comme Tchèque,
Jean Hus fut amené à fréquenter l’Ecole de la Rose Noire, où il participa
entre autres à l’assemblée de la nation bohémienne du 24 mai 140859.
Le collège de la Nation bohémienne accueillit également certaines de ses
activités liées aux intérêts de sa nation : Hus enregistra dans ses murs la
donation de la chapelle du Corps du Christ60. Jusqu’au décret de Kutná
Hora, l’existence de Hus se partagea donc entre l’espace supranational

57
Lettre de Jean Hus à Jean XXIII, 4 septembre 1411 (éd. V. Novotný, M. Jana Husi
korespondence a dokumenty, Prague, 1920, no31, p. 95) : « in Maiori civitate Pragensi, in
stuba facultatis collegii Karoli, ubi facta et negocia ardua universitatis studii Pragensis
tractari solent… »
58
Comme nous l’apprend la déposition d’André à Constance (éd. F. Palacký, Docu-
menta Mag. Iohannis Hus vitam . . . illustrantia, Prague, 1869, p. 182) : « M. Iohannes Hus
veniens ad aestuarium suum in collegio Caroli, in quo tunc dictus testis habitabat,
dixit inter cetera : ‘ecce isti sacerdotes rurales me male tractant’. . . ». Le témoignage
est conrmé par Nicolas de Podivín (ibid., p. 183).
59
F. Šmahel, Die hussitische Revolution (Monumenta Germanie historica Schriften 43),
Hanovre, 2002, tome 2, p. 815.
60
L’acte notarié a été édité par V. Novotný, Korespondence, no5, 28 juin 1403,
p. 9-11.
84 olivier marin

du Carolinum et les lieux de rencontre propres aux scolares bohémiens.


Mais ce sont surtout les fonctions pastorales auxquelles Hus se sentit
rapidement appelé qui le rent évoluer en dehors du collège Charles. La
modeste chapelle Saints-Côme-et-Damien ne convenait en effet même
pas à la prédication universitaire. Pour cela, les scolares devaient prendre
place dans quelque grande église pragoise. C’est ainsi que Hus prononça
l’un de ses sermons universitaires dans l’église franciscaine Saint-Jacques,
un autre chez les dominicains à Saint-Clément et un troisième dans
la paroisse Saint-Gall ; il le t bien sûr en latin, langue dans laquelle il
prêcha également par deux fois en synode à la cathédrale Saint-Guy61.
Lui tenait pourtant aussi à annoncer la Parole de Dieu directement à la
foule des illitterati, conscient qu’il lui fallait se rendre utile en monnayant
les connaissances acquises à l’université. Les lieux et les modalités de
sa présence dans la ville en furent multipliés d’autant.
Aussitôt après son accès au sacerdoce (1400 ou 1401), Hus prêcha
dans la paroisse Saint-Michel. L’église bénéciait d’une situation
avantageuse au sud-ouest de la place du Vieux marché. Mentionnée
à partir de 1311, elle avait été reconstruite durant le troisième quart
du XIVème siècle dans le style gothique ; ses vastes proportions et sa
proximité avec les principaux collèges de la Grande Ville lui permet-
taient d’accueillir de temps en temps les prédications universitaires.
Du temps de Hus, la cure de Saint-Michel se mit à attirer maîtres et
bacheliers avides d’échanges intellectuels ou amicaux. Il semble même,
si du moins il faut le prendre au mot, qu’une dispute sur l’eucharistie
s’y soit tenue, au cours de la quelle le jeune prédicateur tint des pro-
pos qui lui seraient longtemps après reprochés62. Hus en prota pour
s’ouvrir à de nouveaux horizons et pour nouer des contacts avec les

61
Il précisa ainsi à Constance : « . . . numquam boemice praedicavi ad S. Gal-
lum » (éd. F. Palacký, Documenta, éd. citée, p. 179). Sur tout ceci, voir les remarques
d’A. Schmidtová-Vidmanová dans son édition des Positiones, recommendationes, sermones,
Prague, 1958, p. 232.
62
En particulier par Jean Protiva, de qui nous tirons ces informations : « dictus
M. Ioannis Hus in dote S. Michaelis in civitate majori Pragae, coram magistris et
presbyteris de dignis contra determinacionem sanctae matris Romanae et universalis
ecclesiae dixit et dicere non erubuit, quod sacerdos existens in mortali peccato non
potest concere venerabile corporis Christi sacramentum et alia ecclesiastica sacramenta
porrigere » (éd. F. Palacký, Documenta, p. 164). La déposition fut reprise et précisée
en 1414 à Constance : « fuit praesens in dote D. Bernardi, tunc plebani ecclesiae S.
Michaelis majoris civitatis Pragensis post prandium, quando M. Joannes Hus incepit
tractare materiam sacramenti corporis dominici » ; en marge, Hus nota : « erat disputatio,
quia erant ibi magistri et baccalaurei » (ibidem, p. 174).
les lieux du savoir 85

laïcs du voisinage. C’est ainsi qu’il se lia avec Wenceslas, un gobeletier


chez qui il déjeunait parfois ; il y retrouvait, nous apprend un témoin,
le marchand K4bíh et des étudiants de sa connaissance63. Hus eut beau
ne pas y rester longtemps, la cure de Saint-Michel n’allait d’ailleurs
plus cesser d’être un point de ralliement du wyclifsme universitaire.
En 1406, ce fut au tour d’un des maîtres et amis de Hus, Christian de
Prachatice, d’y être nommé curé, et celui-ci continua volontiers à l’y
accueillir en compagnie de plusieurs de ses collègues. Ce n’est donc
pas sans raison que Hus, peu avant sa mort, lui recommanda de garder
cette cure pour ne pas priver leurs partisans d’un refuge sûr64.
Entre-temps, dès le 14 mars 1402, le vicaire général avait nommé Hus
recteur de la chapelle de Bethléem. Son destin allait en être bouleversé.
Quoiqu’il n’y ait peut-être pas emménagé sur-le-champ65, il prit si à
cœur sa nouvelle fonction qu’il nit par aimer la chapelle comme la
prunelle de ses yeux : « Chérissez Bethléem » fut l’une des toutes derniè-
res volontés qu’il transmit à ses collègues de l’université66. Il faut dire
que Hus, à la différence de ses prédécesseurs qui n’avaient souvent été
que des oiseaux de passage, y était resté plus de dix ans, se consacrant
corps et âme à la prédication. Il avait alors su par la magie de son verbe
et l’authenticité de sa vie en faire l’une des églises les plus fréquentées
de tout Prague. Qu’elles émanent du réformateur lui-même ou de ses
adversaires, toutes les sources s’accordent pour faire état d’afuences
records, avoisinant les 3 à 4000 personnes ; les 800m2 de la chapelle
ne sufsaient pas toujours à les contenir. On ignore précisément d’où
tout ce beau monde venait, mais la topographie des environs le laisse

63
Ibid., p. 164 : « in domo Wenceslai picariatoris, post prandium immediate, coram
magistro quodam et presbytero et aliquibus laicis dicere non erubuit atque dixit, quando
facta fuit mentio de submersione D. Joannis piae memoriae et Puchnik ac decani Pra-
gensis detentione, quod interdictum poni debuisset, predictus M. Joann. Hus scandalose
dixit : ‘Magnum quid, quod illi popones detinentur !’ ». Protiva conrma à Constance :
« Anno domini M°CCCC°I°, in domo, ut in articulo, et praesentibus M. Hieronymo
de Praga, tunc baccalaureo in artibus, Wenceslao hospite domus, Mikeska genere suo,
Cruce institore et cive majoris civitatis Pragensis » (ibid., p. 175).
64
Ed. V. Novotný, Korespondence, no154, 27 juin ? 1415, p. 321 : « Ecclesiam semper
retine, ut deles confugiant tamquam ad pium patrem ».
65
Sa présence n’y est clairement attestée qu’à l’hiver 1412, date à laquelle un
instrument notarié fait mention de la chambre qu’il occupait là (3 mars 1412, éd.
V. Novotný, Korespondence, no40, p. 118) : « . . . in Maiori civitate Pragensi, in capella
sanctorum Innocentum Bethleem nuncupata, in camera comodi habitacionis venerabilis
et scientici viri, domini et magistri Johannis Hus… ».
66
27 juin 1415, éd. V. Novotný, Korespondence, no155, p. 323 : « Rogo, diligatis
Bethleem… ».
86 olivier marin

deviner. Les scolares et les clercs capables de comprendre le tchèque s’y


pressaient probablement nombreux, curieux qu’ils étaient d’entendre
ce maître controversé. A côté de la chapelle logeait même, on l’a vu,
un petit groupe d’étudiants en théologie que Hus enseignait et équi-
pait en sermons modèles. Le nom qui fut ensuite attribué à ce collège,
Nazareth, suggère quelle en était l’orientation : le lieu de l’Annonciation
n’évoquait-il pas, selon une étymologie symbolique souvent citée par
Hus, la eur qui devait fructier la nuit de Noël à Bethléem67 ? De la
même façon, les étudiants de Nazareth étaient appelés à porter du fruit
en se préparant à annoncer à son exemple la Parole de Dieu. Pour eux
comme pour beaucoup d’autres clercs, la chapelle de Bethléem se révéla
une formidable école de prédication in situ. D’autant qu’ils y croisaient
une foule d’auditeurs et d’admirateurs laïcs, sur lesquels nous ne som-
mes pas mal renseignés non plus. Le voisinage de nombreux palais
aristocratiques explique d’abord que parmi eux se soient rencontrés
plusieurs magnats et patriciens tchèques. Résidaient là notamment les
Vartenberk, les Hradec, les Lipa, ainsi que Nicolas Bohatý et Voksa de
Valdštejn, dont beaucoup devinrent des piliers du mouvement hussite68.
Plus bas dans l’échelle sociale, des marchands et artisans du quartier
ou habitant la Nouvelle Ville toute proche venaient aussi en masse
écouter Hus, tels ces cordonniers, ces tailleurs et ces copistes qu’il tint
à saluer dans une de ses lettres69. On peut enn tenir pour probable
une forte présence féminine à Bethléem. Outre la personnalité de Hus,
la localisation de la chapelle n’y était certainement pas étrangère. Dans
ses parages se trouvaient réunies plusieurs maisons de béguines ; celles-
ci prirent vite fait et cause pour le réformateur et en vinrent parfois à
solliciter sa direction spirituelle70. Sans mener de vie communautaire,
des veuves pieuses comme la lle de Štitný, Agnès, qui élut domicile à

67
Voir par exemple ce qu’il en dit dans son Lectionarium bipartitum – pars hiemalis, éd.
A. Schmidtová-Vidmanová, Prague, 1988 (M. J. Hus Opera Omnia 9), sermon X,
p. 115 : « Moraliter : In Nazareth Deus concipitur, id est orente virtutibus, in Bethleem
nascitur, dum verbo Dei et pane corporis Cristi mens humilis saciatur ».
68
R. Nový, « Šlechtické rezidence v p4bedhusitské Praze » (Les résidences des nobles
à Prague avant le hussitisme), Documenta Pragensia, 9, 1991, p. 7-24.
69
« Doctores, meos fratres in Christo dilectos, sutores, sartores et scriptores etiam
salutabis… », éd. V. Novotný, lettre 132, 16 juin 1415, p. 278. Sur ce passage, qui a
fait couler beaucoup d’encre, voir F. Šmahel, « Husitští ‘doko4bi’ jehly a verpánku », dans
Smerování, Prague, 1983, p. 89-96.
70
Sur ces communautés, voir en dernier lieu R. Nový, « genské 4beholní a laické
komunity v p4bedhusitské Praze » (Les communautés féminines régulières et laïques à
Prague avant le hussitisme), Documenta Pragensia, 13, 1996, p. 41-46.
les lieux du savoir 87

proximité71, des femmes nobles et la reine Sophie en personne visitèrent


régulièrement la chapelle.
De manière plutôt imprévisible, l’arrivée de Hus à Bethléem trans-
forma donc la chapelle en un véritable pôle supra-paroissial. Désireux
de prouver la publicité de ses dires et de son action, il souligna lui-
même à plusieurs reprises combien la chapelle, plantée au milieu de la
Grande Ville, était ouverte à tous72. Peut-on aller plus loin et discerner
chez lui une véritable conscience civique, le sentiment de partager avec
ses voisins pragois des valeurs et des intérêts communs ? Il n’est pas
possible de donner à cette question une réponse simple. Sans doute le
célèbre éloge de Prague que prononça Hus à la n du quodlibet de 1411
exalte-t-il le lien lial unissant l’université à la ville : « Cité de Prague,
en toi resplendit l’éminente dignité de la communauté des philosophes,
l’admirable subtilité que les maîtres et docteurs ont témoignée avec
tant d’éclat par le rafnement de leurs exposés ! Très illustre royaume
de Bohême, Prague, cité glorieuse, debout, regarde et réjouis-toi ! Les
voici tous rassemblés, ils sont venus à toi, voici tes ls qui sont venus
à toi pour instruire les tiens dans l’intelligence et dans la sagesse, oui,
jusqu’à toi ils sont venus. Réjouis-toi, cité de Prague !73 ». Mais ces eurs
de rhétorique sont si directement calquées d’Isaïe qu’elles n’échappent
pas la banalité du topos. Pour implicites qu’ils soient, les comportements
et choix politiques de Hus sont certainement plus signicatifs, car ils
témoignent d’une attention nouvelle au milieu urbain environnant. A
plusieurs reprises, lui et ses collègues sollicitèrent plus ou moins discrè-
tement l’appui du conseil de la Grande Ville pour régler leur conit avec
les maîtres allemands ; dans ces circonstances, ils ne dédaignèrent pas
d’inviter ses membres aux disputes universitaires et de recourir devant

71
V. V. Tomek, Základy…, éd. citée, tome 1, p. 82.
72
Voir entre autres ce passage de sa Defensio libri de Trinitate : « Ubi ergo Scriptura vel
racio, quod in ecclesia, consecrata per dyocesanum et ad predicacionem principaliter
erecta et a papa conrmata, debet ewangelisacio in tam loco patenti et disposito in
medio magne civitatis Pragensis insalubriter prohiberi ? » (éd. J. Eršil, Polemica, M. J.
Hus Opera Omnia 22, Prague, 1966, p. 49).
73
« O Praga civitas, in te refulget excelsa dignitas, universitas philosophorum, magis-
trorum et doctorum mira subtilitas, quam in suis elegantibus positionibus actenus
clarissime ostenderunt . . . O preclarissimum regnum Bohemie, o Praga, gloriosa civitas,
surge, contemplare et gaude ! Omnes isti congregati sunt, venerunt tibi, lii tui sunt,
tibi venerunt, ut tuos in prudentia et sapientia edocerent, tibi venerunt. Gaude, Praga
civitas ! », éd. B. Ryba, Magistri Johannis Hus Quodlibet disputationis de quolibet Pragae in
facultate artium mense januario anni 1411 habitae Enchiridion, Prague, 1948, p. 215-216.
88 olivier marin

eux à la langue vulgaire74. A l’été 1412, on vit même, au grand dam


du doyen de la faculté de théologie Etienne Páleo, de simples artisans
venir soutenir bruyamment Hus au collège Charles75. Les scrupules que
le prédicateur de Bethléem éprouva à quitter Prague quelques semaines
plus tard, les remords qui ne cessèrent de l’assaillir, ses tentatives pour y
retourner incognito sont éloquents : tout son univers social, intellectuel,
affectif, s’y trouvait.
Remarquons toutefois que ses tentatives de rapprochement avec les
autorités urbaines n’eurent qu’un succès mitigé. Parce que Venceslas
IV les faisait et défaisait à sa guise, les conseillers de la Vieille Ville ne
bénécièrent jamais d’une marge de manœuvre sufsante pour pou-
voir défendre une ligne différente de la sienne. Quand Hus tomba en
disgrâce, ils se joignirent à la curée : émus des désordres provoqués par
sa prédication, ils obligèrent les dèles à ne plus visiter que leurs églises
paroissiales et rent exécuter trois jeunes gens qui avaient chahuté la
vente des indulgences76. Mais il y a plus. Il apparaît surtout difcile de
créditer les Pragois d’un solide esprit de corps quand on sait quelles
lignes de fracture les partageaient et combien le wyclifsme contribua à
les raviver. Ainsi, une fois la rupture consommée en 1408 avec l’archevê-
que Zbynîk Zajíc de Házmburk, le palais épiscopal et la Petite Ville dans
son ensemble devinrent pour le maître pragois un lieu honni, celui de
l’autodafé des livres de Wyclif et des multiples conspirations qui étaient
ourdies contre lui : « tartuffe, note-le et va porter cela de l’autre côté »,
lança-t-il à Jean Protiva qui était venu l’espionner à Bethléem, en une
annonce de la bipolarisation à venir entre la rive gauche catholique et
la rive droite hussite77. Et même dans la Grande Ville, le réformateur
n’avait pas que des amis, tant s’en faut. Entre autres exemples, le curé
de la paroisse voisine Saint-Philippe-et-saint-Jacques prit vite ombrage
de voir la chapelle de Bethléem proposer sermons et messes, drainer
les dons et les legs, accueillir les sépultures. La personnalité de Hus
ajouta à ces anciens griefs d’ordre nancier un antagonisme religieux
et national. Tout opposait en effet Saint-Philippe-et-saint-Jacques,
majoritairement germanophone et dèle à la hiérarchie ecclésiastique, à

74
Voir là-dessus les analyses de J. Mezník, Praha pred husitskou revoluci (Prague avant
la révolution hussite), Prague, 1990, p. 158 et sv.
75
Antihuss, éd. J. Sedlák, Hlídka, 29, 1912, p. 76.
76
On trouvera le résumé des événements dans F. Šmahel, Die hussitische Revolution,
éd. citée, tome 2, p. 875-876.
77
Ed. F. Palacký, Documenta, p. 176.
les lieux du savoir 89

Bethléem. La situation s’envenima à tel point qu’en 1412, des paroissiens


armés jusqu’aux dents et emmenés par Bernard Chotek prirent d’assaut
la chapelle. L’algarade nit en déconture ; à leur grande honte, les
Allemands durent battre en retraite devant les partisans de Hus78. Ne
réions donc pas la ville et l’université en deux entités harmonieuses et
cohérentes. Etres de chair et de sang, avec leurs ambitions, leurs intérêts
et leurs inimitiés, scolares et citadins purent d’aventure se côtoyer, leurs
manières de raisonner et de parler déteindre les unes sur les autres, mais
on ne voit pas qu’ait émergé une identité pragoise assez structurée pour
transcender les clivages nationaux ou religieux. Aussi bien est-ce à ses
seuls partisans, aux Pragois dèles, que Hus adressa depuis Constance
ses recommandations d’outre-tombe.

Conclusion

Si l’on cherche à apprécier les traits originaux de la topographie


universitaire pragoise, un fait ressort à l’évidence. Sur les rives de la
Vltava, le studium s’est installé préférentiellement dans la Grande Ville,
autrement dit dans la partie la plus populeuse et la plus active de
l’agglomération, là où l’équipement religieux et culturel était aussi le
plus dense. D’autres localisations, dans la Petite ou la Nouvelle Ville,
auraient été possibles, mais que ce choix ait été conscient ou non,
maîtres et étudiants s’établirent en masse auprès du centre vital de
la cité. Cela leur imposa un certain nombre de contraintes : le prix
élevé des maisons freina la constitution du patrimoine immobilier de
l’université ; comme l’espace était déjà presque intégralement occupé et
bâti, il fallut encore trouver à se loger selon les disponibilités. Aussi la
présence des scolares resta-t-elle assez diffuse dans le milieu urbain. Même
si par commodité, ils eurent tendance à vouloir se rapprocher les uns
des autres, cette concentration topographique ne fut ni assez précoce
ni assez vigoureuse pour donner naissance à un quartier universitaire,
et encore moins à un campus continu ; tout au plus repère-t-on dans
la Grande Ville deux ou trois îlots où la population étudiante, attirée
par la proximité du Carolinum et des autres collèges, se faisait plus
nombreuse qu’ailleurs. Alors qu’à Paris, l’université donna son nom au

78
F. Šmahel, Die hussitische Revolution, éd. citée, p. 882-883.
90 olivier marin

quartier de la rive gauche qui l’abritait, Prague ne connut donc jamais


de « rive droite des écoliers ».
Il n’entre pas dans notre propos de dégager toutes les conséquences
qu’entraîna une telle situation, à la fois pour l’université et pour la ville.
Bornons-nous à signaler comment le paysage religieux de Prague en
sortit transformé. Car en faisant afuer dans un espace pourtant saturé
d’établissements cultuels des centaines, voire des milliers de clercs,
l’université multiplia les possibilités d’intercession et de prédication qui
étaient offertes aux habitants de la Grande Ville. Comme le montre
bien le rayonnement de la chapelle de Bethléem, les laïcs pragois purent
alors – et ce quel que fût leur statut social – choisir avec une liberté
inaccoutumée prêtres, prédicateurs et confesseurs : non seulement les
liens avec leur paroisse d’origine, déjà fragilisés depuis l’arrivée des
ordres mendiants, s’en trouvèrent distendus, mais la comparaison entre
les différentes institutions religieuses aiguisa leur sens critique et éleva
leurs exigences morales comme spirituelles. De ce point de vue, l’uni-
versité nous apparaît comme l’un des ingrédients du « polycentrisme
religieux » que J. Chiffoleau juge propre aux grandes villes de la n du
Moyen Age79, mais qui, à Prague, nit par déboucher sur un dualisme
confessionnel unique en son genre.

79
« Note sur le polycentrisme religieux urbain à la n du Moyen Age », dans
P. Boucheron et J. Chiffoleau (dir.), Religion et société urbaine au Moyen Age. Etudes offertes à
J.-L. Biget, Paris, 2000, p. 227-252.
les lieux du savoir 91

Carte 1 : L’université avant l’université.


92 olivier marin

Carte 2 : La mutation institutionnelle.


les lieux du savoir 93

Carte 3 : Le temps de l’intégration.


94 olivier marin

Carte 4 : La Prague de Jean Hus.


II. L’UNIVERSITÉ FACE AUX AUTORITÉS URBAINES
L’UNIVERSITÉ ET SON ENVIRONNEMENT :
RELATIONS ENTRE LES AUTORITÉS
ACADÉMIQUES, MUNICIPALES ET ECCLÉSIASTIQUES
DANS LA SALAMANQUE MÉDIÉVALE

José L. Martín Martín

L’université de Salamanque a été fondée vers 1218 par le roi Alphonse


IX de Léon et elle a été consolidée vers le milieu du XIIIe siècle grâce à
l’intervention de son petit-ls Alphonse X, qui a réglé quelques aspects
de base pour son fonctionnement, comme ceux relatifs au nombre
de professeurs, leur rémunération, ou ce qui concerne le logement et
l’approvisionnement des étudiants1. En 1255, le pape Alexandre IV a
conrmé la concession royale et a ajouté de nouveaux privilèges parmi
lesquels nous devons souligner la licentia ubique docendi, qui permettait
aux gradués du Studium de Salamanque d’enseigner dans toute partie
du monde, à l’exception de Paris et de Bologne2.
Mais ce qui nous intéressera maintenant, c’est d’analyser l’enra-
cinement de l’Université dans son milieu local ; c’est pourquoi nous
allons nous centrer surtout sur trois aspects signicatifs : ceux relatifs
au nancement de l’institution, celui du contrôle de l’université dans
son fonctionnement quotidien et celui de la justice et de la juridiction
propre, parce que je crois qu’ils aident à mieux expliquer le poids et
la signication de l’université dans son contexte local.

1
Rodríguez-San Pedro L. E., ed., Historia de la Universidad de Salamanca,
I : Trayectoria y vinculaciones (Salamanca : 2002) ; Fernández Álvarez M., ed., La
Universidad de Salamanca. I : Trayectoria histórica y Proyecciones (Salamanca : 1989).
On trouvera dans ces deux ouvrages la bibliographie fondamentale sur l’université de
Salamanque ; au sujet de la bibliographie, consulter également Polo Rodríguez J. L.
et Rodríguez-San Pedro L. E., “Bibliografía sobre la Historia de la Universidad de
Salamanca (1989-1999)”, dans Miscelánea Alfonso IX, 1999 (Salamanca : 2000) 107-188,
avec 750 entrées.
2
“Postquam aliquis magistrorum vel scholarium in Salamantino studio in quacumque facultate,
examine legitimo praecedente, inventus fuerit idoneus ad regendum, in quolibet generali studio, Parisiensi
et Bononiensi dumtaxat exceptis, in facultate ipsa pro qua ibi semel examen subiit, sine iterato examine
ac alicujus contradictione regere valeat, vobis et vestris successoribus auctoritate praesentium indulgemus”,
Beltrán de Heredia V., Bulario de la Universidad de Salamanca (1216-1549), I et II,
(Salamanca : 1966) doc. 15.
98 josé l. martín martín

1. Les liens économiques de l’université

L’économie de l’université de Salamanque pendant la plus grande partie


du Moyen Âge a reposé sur une partie des dîmes de ce diocèse, celles
appelées tercias royales. Durant une première époque, les rois payaient
les enseignants, comme l’indique expressément Alphonse X en 1254,
à proportion du prestige des différents enseignements, ce qui protait
aux professeurs de droit face à ceux d’arts et de médecine. La liste
royale incluait aussi un stationnaire ou personne chargée de fournir les
manuscrits aux étudiants, un maître d’orgue, un apothicaire et réservait
encore une petite somme, équivalente au salaire annuel des deux maîtres
de grammaire, pour des frais divers, sous la responsabilité du doyen
de la cathédrale, transformé par le roi en conservateur du Studium en
association avec une autre personne. C’étaient là tous les fonds destinés
à l’université de Salamanque au XIIIe siècle, et les conservateurs devai-
ent rendre compte, annuellement, devant le roi ou son représentant,
de l’administration d’un budget réellement élémentaire3.
Le fait que les fonds procèdent de la dîme signie que dans le
nancement de l’université étaient impliqués des secteurs sociaux très
divers : d’abord, évidemment, les producteurs qui payaient la dixième
partie de leurs récoltes, de leurs bétails ou de leurs prots, mais aussi
les ecclésiastiques, parce que la dîme était un impôt ecclésiastique. La
monarchie s’impliquait elle-même puisqu’elle cédait une partie de ses
recettes, la « tercia real », qui avait été accordée par les pontifes aux
rois de Castille an de la consacrer à la guerre contre les musulmans.
(Tableau 1).
Une autre preuve très claire de l’implication des principaux secteurs
urbains dans le nancement de l’université se trouve dans les divers
efforts qui étaient entrepris pour la collecte et l’administration de ces
fonds. Il apparaît, par exemple, qu’en 1300 les tercias étaient affermées
par un acte public, promu par le conseil, l’évêque, le chapitre cathédral
de Salamanque et par les conservateurs. Donc, l’argent obtenu était
déposé dans un coffre conservé dans le trésor de la cathédrale, avec trois
clés que gardaient le doyen, les recteurs et les conservateurs. Précisément
ces trois institutions, chapitre, conseil et université, étaient devenues
les représentants chargés de superviser l’administration et recevoir les

3
Beltrán de Heredia V., Cartulario de la Universidad de Salamanca (1218-1600),
I et II (Salamanca : 1970) doc. 23.
l’université et son environnement 99

comptes à la n de l’exercice4. Par la suite, on a introduit quelques


modications relatives aux clavaires et au système d’administration.
Ces derniers éléments ne doivent pas dissimuler l’origine rurale de la
grande majorité des revenus. En effet, bien que les paroisses urbaines
collaborent aussi, le tableau cité montre avec clarté que leur contribu-
tion était très réduite en comparaison de celles d’autres circonscriptions
rurales diocésaines de sorte que, en ce domaine comme en beaucoup
d’autres, on ne peut pas isoler la ville de tout son territoire qui lui
fournit une bonne partie des ressources qu’elle administre.

Tableau 1

Tercio de la
hiérarchie 33%

Tercio de
serviteurs 33%
Tercia oeuvre 22%
22% de
Tercio de la Armuña, Baños
Fabrique 33% Tercia Univers. 11% y Peña del Rey.
(à partie de 1313) 11% del resto
(à partir de 1397)

Tercias de l’Université
(Archivo de la Universidad de Salamanca, Mss. 1647 y 1648)
ANNEE 1403 ANNEE 1435
Zone
d’adjudication Première enchère Qualication Montant 1ère enchère

Salamanca Juan Glez. de Azevedo Docteur 5.150 mrs. 4.580


Valdevilloria Pedro Fdez. de Astorga Docteur 20.300 mrs. 24.316
Armuña Juan Glez. de Azevedo Docteur 29.300 mrs. 38.800
Peña del Rey Alfonso González Notaire 21.550 mrs. 34.750
Baños Álvaro Rdguez. de Paz El Mozo 16.100 mrs. 24.245
Medina Diego Rodríguez Administrateur 20.100 mrs. 25.000
Ledesma Gómez González 6.350 mrs. 8.500
Alba Gutierre Álvarez Voisin Sal. 14.600 mrs. 11.000
Salvatierra Administrateur 4.900 mrs. 5.500
Miranda Juan Glez. de Zamora Docteur 3.550 mrs. 3.500
TOTAL…………………………………………………… 141.900 mrs. 180.191

4
Id., doc. 46.
100 josé l. martín martín

Toutefois, les papes n’avaient pas accordé les « tercias royales » à


perpétuité et ils devaient renouveler la concession tous les trois ans.
C’est ce qu’a refusé de faire Clément V en 1306, au début son pon-
ticat, refus qui a correspondu à la première grande crise nancière
de l’Université. Mais la crise même nous montre que l’institution était
déjà bien enracinée dans la ville, parce que le conseil urbain lui-même
a pris une initiative pour la résoudre : il a demandé au roi de lever
un impôt à payer entre les habitants de la ville et de sa campagne, et
il a cherché un accord avec le chapitre de la cathédrale pour que les
ecclésiastiques y contribuent aussi5.
Le plus important est que les membres réunis étaient conscients que
la possible disparition de l’université à la suite de la suspension de ces
revenus aurait des répercussions négatives tant pour la monarchie et
l’ensemble du royaume que pour l’Église et la ville de Salamanque6. Par
conséquent, les autorités ont cherché à récupérer le système nancier
traditionnel, ce qu’elles ont obtenu quelques années après, en 1313,
quand Clément V a rétabli la concession des tercias royales et que l’on
a réglé l’administration universitaire par la nomination d’un gestion-
naire qui se chargeait de la collecte et du versement des salaires aux
professeurs.
Ce qui a été assigné à l’université à partir de 1313 ce fut un neu-
vième du total de le dîme, qui se distinguait de la tercia destinée, elle, à
la fabrique des églises du diocèse. Il s’agit d’un pourcentage plus réduit
comme l’ont indiqué quelques historiens et son administration a été
alors conée à une personne désignée par l’archevêque de Saint-Jacques
de Compostèle en accord avec ses suffragants7. Des années après, en

5
Archivo de la Catedral de Salamanca, caj. 16, leg. 1, nº28.
6
“Dijeron que razon de las tercias, que el Papa habia tirado al Rey, onde se solian pagar
los maestros del Estudio de Salamanca, é que por esta razon el Estudio perecia, . . . é esto
que seria muy grande danno del Rey é de todo el reino, e sennaladamentre de la iglesia
é de la villa de Salamanca, do se peresceria tan notable cosa é tan honrada como el
Estudio”, Villar et Macías M., Historia de Salamanca, libro III (Salamanca : 1974) 171.
7
A. Gieysztor considère que l’université de Salamanque administrait un tiers des
dîmes dans “Management and Resources”, De Ridder-Symoens H., ed., A History of
the University in Europe I (Cambridge : 1992) 136. La bulle de Clément V qui précise
le pourcentage et la désignation des personnes chargées de l’administrer est publiée dans
Beltrán de Heredia (1966) doc. 24. Les auteurs modernes insistent sur le fait qu’il s’agit
d’un neuvième, voir Martín Lamouroux F., “Bases económicas : I. Hacienda Universi-
taria, siglos XV y XVI”, dans Fernández Álvarez ed., La Universidad de Salamanca
II Docencia y Investigación (Salamanca : 1990) 405-406, ou Polo Rodríguez J. L., “La
Universidad de Salamanca : un poder en lo económico (1700-1750”, dans L’Université
en Espagne et en Amérique latine du Moyen Âge à nos jours, II (Tours : 1998) 65.
l’université et son environnement 101

1446, l’université a récupéré la capacité de décider de la nomination


de l’administrateur.
Il est évident que l’assignation du neuvième de la dîme n’a pas mis
n aux problèmes nanciers de l’université, parce que nos territoires tra-
versaient une période de graves difcultés qui entraînaient une collecte
insufsante. C’est pourquoi le roi Jean I a accordé sûrement en 1381 la
somme supplémentaire de 20.000 mrs. annuels, et que son successeur
Henri III, en 1397, a xé à deux neuvièmes de la dîme la somme que
l’université percevrait, mais seulement sur les églises des circonscriptions
d’Armuña, Baños y Peña del Rey ; du reste des territoires diocésains
l’université a continué à recevoir un seul neuvième. Cette décision a été
conrmée par Benoît XIII en 14168. La mesure a été importante non
seulement parce qu’on a doublé la contribution des églises désignées,
mais parce qu’il s’agissait de la dîme de certains des territoires les plus
fertiles du diocèse, à quoi s’ajoutait leur caractère complémentaire :
le premier secteur cité, Armuña, était tourné fondamentalement vers
l’exploitation agricole, tandis que les deux autres avaient davantage
une vocation d’élevage, ce qui apportait de la diversité et de la sécurité
devant de possibles problèmes climatiques et de marché.
Il est vrai que la comptabilité ne reète pas avec netteté ces répercus-
sions positives, parce que les informations concrètes qui sont conservées
sont toutes postérieures à cette augmentation des revenus ; en outre,
il nous manque de vastes séries et les informations isolées que nous
conservons ne s’avèrent pas facile à interpréter. Dans le tableau 1 on
détaille les données résultant de la première mise en l’adjudication des
tercias des années de 1403 et 1435, qui correspondent à la première
année des deux livres les plus anciens conservés sur cette question. Nous
avons pris comme référence la première adjudication parce qu’elle nous
a paru la source la plus indicative, alors que les adjucations postérieures
nous paraissent moins homogènes puisque pour plusieurs territoires
il n’y a d’informations que de la première mise aux enchères, tandis

8
“Quare por parte universitatis ipsius studii s. v. humiliter supplicatur, quatenus praemissis attentis,
dignetur eadem sanctitas duas partes tertiae partis decimarum omnium in locis de Almuña et Baños
et Peña del Rey, Salamantin. dioc. fabricis ecclessiarum ipsorum locorum pertinentes, tertias vulgariter
nuncupatas, quae per reges Castellae ex concessione apostolica ab aliquibus temporibus citra fuerunt
receptae, per illum vel illos per quem vel quos alia bona preadicta universitatis colliguntur et distribuun-
tur, levandis, percipiendis et habendis, ac salariis et omnibus supradictis, convertendas, universitati et
studio hujusmodi perpetuo concedere, donare et assignare . . . Fiat et concedimus”, Beltrán de Heredia
(1966) doc. 515. Voir aussi Rodríguez San-Pedro L. E., La Universidad Salmantina
del Barroco, período 1598-1625, 3 t. (Salamanca : 1986) 522.
102 josé l. martín martín

que pour d’autres on peut en trouver jusqu’à trois. Ce que l’on déduit
des données que nous présentons, c’est que la croissance de cette res-
source pour l’université en 1435 par rapport à 1403 a été très légère
sur les territoires où elle percevait seulement un neuvième : elle n’a crû
que de 109%, en dépit du temps passé, même si 1435 a pu être une
mauvaise année. Pour la même période, mais rapportée aux territoires
où l’université percevait deux neuvièmes, la croissance de la ressource
s’avère plus claire, à 146%.
En outre, peu à peu l’université a obtenu un nancement plus diver-
sié en bénéciant de quelques donations9. Elle a aussitôt pu acquérir
des propriétés dans la ville et sur le campus, sur lesquelles on trouvait
quelque latifundium, et de même, elle a réussi à administrer des cens,
des amendes, et autres ressources d’origine diverse10.
Malgré cela, la clé du nancement de l’université était externe et
continuait à résider dans les tercias. A l’époque médiévale tous savaient,
des papes jusqu’aux autorités municipales, qu’elles constituaient la base
de l’essor de l’institution, tandis que les taxes internes avaient peu de
poids. C’est pourquoi les responsables de l’université se sont efforcés
d’étendre leur participation dans ces dîmes ; à la n du Moyen Âge,
on repère plusieurs procès dans lesquels l’université réclame les deux
neuvièmes des tercias des nouvelles églises. En 1481, les juges-arbitres
nommés par le chapitre et par l’université ont attribué à cette dernière,
en faisant valoir l’existence de documents ponticaux qui le justiaient,
les deux neuvièmes des bénéces du territoire de la Valdobla, ainsi que
ceux du vicariat de Monleón et, en 1497, notre institution a obtenu la
même part des dîmes du village de El Puerto11.
Grâce à l’accroissement des tercias et aux autres recettes on a pu
payer un nombre plus grand de professeurs, dont la liste constituait le
poste fondamental des dépenses ; par conséquent, on a pu diversier
les enseignements et les étudiants se sont multipliés. Évidemment, on
maintenait une répartition salariale peu équitable entre les professeurs,
au bénéce des juristes. Si dans le premier livre de comptes conservé,
qui comprend les années 1403 à 1408, le salaire moyen du professeur
se situait autour des 3.000 maravedís annuels, ceux de droit pouvaient

9
Vaca Lorenzo A., Diplomatario del archivo de la Universidad de Salamanca
(Salamanca : 1996) docs. 76, 139.
10
Martín Lamouroux F., La revelación contable en la Salamanca histórica (Sala-
manca : 1988).
11
Archivo de la Universidad de Salamanca (AUS), Ms. 2964, fols. 8-10 et 13.
l’université et son environnement 103

percevoir plus du double, tandis qu’à l’autre extrémité, moins favorisée,


c’était le professeur de musique qui percevait à peine des émoluments
de 600 mrs., et celui d’hébreu et chaldéen des émoluments à hauteur
de 80012.
Le nombre de fonctionnaires a grandi dans le même temps et on
constate la présence sur la liste, en plus des anciens stationnaire et
pharmacien, d’appariteurs, d’un notaire, d’un syndic et d’un horlo-
ger. Parmi eux, seuls le stationnaire et le syndic parvenaient à gagner
autant que le professeur de musique, tandis que les autres touchaient,
approximativement, la moitié.
Avec le décollage économique de l’université à la n du XVe siècle,
on a considérablement augmenté les obligations et les dépenses. Dans
les livres des Actes de l’université, on constate la multiplication de pro-
cès, d’ambassades et de dépenses extraordinaires avec lesquels il fallait
composer pour gérer les dépenses quotidiennes. Les livres de comptes
des débuts du XVIe siècle indiquent clairement quels étaient les autres
postes importants : l’hôpital de l’université en constituait une partie
puisqu’il comptait sur l’intervention d’un docteur ; il fallait acheter aussi
des médicaments, rémunérer une inrmière et deux chapelaines, ainsi
qu’acquérir le matériel indispensable, linges, coussins et autres. En outre,
il fallait payer la construction des bâtiments nouveaux, qui requéraient
également l’intervention d’un surveillant et d’un marguillier.
D’autre part l’université, comme les autres corporations, avait ses
festivités pour lesquelles elle prenait sous contrat chanteurs et prédica-
teurs. Dans ce contexte avaient lieu aussi des repas, comme ceux qui se
déroulaient la nuit de la Saint-Martin, quand on choisissait le recteur
et les conseillers13. De cette manière l’administration était compliquée,
elle impliquait un plus grand nombre de personnes et chaque fois cela
avait davantage de répercussions sur l’ensemble de la société.

2. Relations de l’université avec le chapitre cathédral

Nous considérons que, pour approfondir la situation de l’université de


Salamanque dans son environnement pendant le Moyen Âge, il y a un
intérêt primordial à analyser les relations qu’elle a maintenues alors

12
AUS, Ms. 1647.
13
AUS, Ms. 1243.
104 josé l. martín martín

avec les deux institutions les plus signicatives de la ville : le chapitre


cathédral et le conseil municipal.
Commençons par le chapitre puisqu’il a conservé un lien profond
depuis ses origines, lien qui ne se cessera pas tout au long de la période
que nous examinons.
À Salamanque, comme dans d’autres villes, on détecte tôt l’exis-
tence d’une école de la cathédrale et l’université a été, à ses débuts,
une espèce de prolongation de celle-ci, bien qu’avec des nuances qu’il
convient de souligner.
Les origines de l’école de la cathédrale de Salamanque doivent
se situer vers le milieu du XIIe siècle, quand est attestée la gure du
« precentor », dont les fonctions ont bien pu être de type académique,
quoiqu’elles n’apparaissent pas bien détaillées à Salamanque ; mais,
évidemment, elles ne correspondaient pas à celles du doyen parce que
cette charge était attribuée à une personne différente14. On pourrait
se demander, toutefois, si le « precentor » n’était pas le responsable du
choeur, parce que dans plusieurs listes de membres du chapitre des
premières décennies de la seconde moitié du siècle XIIe siècle n’ap-
paraît pas la gure du chantre15. Mais il est aussi certain qu’il pouvait
effectuer les deux fonctions en même temps, parce que l’enseignement
de la lecture et du latin s’avéraient indispensables pour chanter les
heures canoniques dans le choeur.
En ces mêmes années, l’existence d’une certaine préoccupation pour
la formation intellectuelle parmi les ecclésiastiques de la cathédrale de
Salamanque est clairement documentée : il apparaît qu’en 1163 quatre
ecclésiastiques de Salamanque s’étaient déplacés pour étudier en France,
et ils ont bénécié de la solidarité d’un chanoine qui a décidé dans son
testament de les aider économiquement16.
C’est alors aussi qu’apparaissent des personnages réellement intéres-
sants : les enseignants Ricardo et Randulfo, deux frères liés à l’Angleterre,

14
La liste des témoins d’un document de la cathédrale en 1156 commençait par
Johannes prior, suivie d’un archidiacre, un archiprêtre, diverses personnes sans qualication
apparente, Christoforus precentor et Iohannes sacrista, Martín J. L., Villar L. M., Marcos F.,
Sánchez M., Documentos de los archivos catedralicio y diocesano de Salamanca (siglos
XII-XIII) (Salamanca : 1977) doc. 19.
15
Informations supplémentaires sur la composition du chapitre de Salamanque chez
Martín, Villar, Marcos et Sánchez (1977) docs. 24, de l’année 1163, 29, de 1164, 32,
de 1167, 57, de 1173.
16
“Precio quod inde acceperint invient ad illos IIIIor clerizones qui sunt a Francia legere”, Martín,
Villar, Marcos et Sánchez (1977) doc. 27.
l’université et son environnement 105

parce que le dernier témoigne d’une dévotion pour Saint Thomas de


Canterbury très peu de temps après son martyre17. L’important, dans
notre cas, est que ces personnes, qui ont eu un certain poids dans la ville
et même dans le royaume, puisque le roi Fernand II se montre recon-
naissant envers Randulfo dans un privilège à la cathédrale18, ont dû être
en rapport avec l’école de la cathédrale et y ont sûrement exercé comme
enseignants. C’est cette école où Randulfo a laissé des témoignages de
ses connaissances, ainsi que de sa compétence didactique, à laquelle fait
référence son épitaphe, qui est conservée à l’entrée du cloître19.
La présence de ces frères et leur inuence, d’autre part, doivent être
liées aux dispositions du troisième concile de Latran en 1179, relatives à
la création de la prébende d’enseignant dans chacune des cathédrales.
De fait, c’est précisément à cette même date que les deux frères seront
qualiés d’enseignants20.
En réalité, la cathédrale de Salamanque avait été même en avance sur
les dispositions conciliaires, parce qu’il apparaît qu’elle avait un écolâtre
quelques années auparavant, concrètement, depuis 117421. L’écolâtre
constitue une importante gure dans la formation culturelle de toutes
les cathédrales où, selon les constitutions castillanes du XIIIe siècle, il
devait, entre autres fonctions, diriger et superviser l’enseignement exercé
réellement par un enseignant22.
La gure de l’écolâtre se maintient dans la documentation de
Salamanque dans les dernières décennies du XIIe et tout au long du

17
Martín, Villar, Marcos et Sánchez (1977) doc. 74 ; Fletcher R. A., “Notes on the
early history the cult of St. Thomas Becket in Western Spain”, en Salamanca y su
proyección en el mundo (Salamanca : 1992) 491-497.
18
Martín, Villar, Marcos et Sánchez (1977) doc. 85.
19
“Randulphus plene qui phisim novit utramque,
Mens bene disposuit, sermo docuit, manus egit
Hujus dicta, bonus melior fuit optimus ipse ;
Terra pauperibus moritur, vivens sibi celo”,
Villar et Macías M., Historia de Salamanca II (1973) 86.
20
Martín, Villar, Marcos et Sánchez (1977) doc. 72.
21
Martín, Villar, Marcos et Sánchez (1977) doc. 61.
22
Cette réalité est documentée aussi par la législation civile de l’époque, comme en
témoignent par exemple les Siete Partidas en 1.6.7 : “Maestrescuela tanto quiere decir
como maestro y proveedor de las escuelas : y pertenece á su ocio de dar maestros en
la eglesia que muestren á los mozos leer et cantar, y él debe emendar los libros en que
leyeren en la eglesia, y otrosí al que leyere en el coro quando errare” ; on lui assigne
aussi la charge des examens, la collation des grades académiques et le contrôle de la
correspondance ofcielle du chapitre.
106 josé l. martín martín

XIIIe siècle23, quand elle acquerra une importance spéciale comme


charge capitulaire et, en même temps, aura des compétences notables
à l’université24.
En effet, les écolâtres de Salamanque ont assumé des fonctions
importantes tant dans le chapitre qu’à l’université, situation qui dérive
de la relation intime qui a existé entre l’université de Salamanque et
la cathédrale pendant tout le Moyen Âge.
On pourrait même dire que, dans les premiers siècles, l’université a
maintenu une situation de dépendance envers le chapitre tant du point
vue matériel qu’humain. Dans le premier cas, j’ai déjà sufsamment
souligné combien les revenus pour la rémunération des professeurs
étaient d’origine ecclésiastique et combien ils provenaient d’une masse
globale à laquelle prenaient une part beaucoup plus grande l’évêque
et les chanoines que l’université.
D’autre part, il n’y a pas de doute que pendant longtemps une partie
de l’activité enseignante, la concession des grades ou les cérémonies
en rapport avec l’élection de recteur se sont déroulées dans diverses
chapelles du cloître de la cathédrale. Le plus signicatif, en ce sens, est
l’utilisation de la chapelle de Sainte-Barbara jusqu’au XIXe siècle pour
les cérémonies les plus solennelles de l’université, ainsi que d’une autre
des chapelles du siège cathédral, celle de Sainte-Cathérine, comme salle
de classe de l’université.
Quand le cloître de la cathédrale s’est avéré insufsant pour contenir
des enseignements chaque fois plus diversiés et massifs, en plus des
services propres des chanoines (salle capitulaire, librairie, panthéon des
clercs illustres ou autres), l’activité enseignante a été transférée dans
des dépendances proches, beaucoup d’entre elles également propriété de
l’église de Salamanque. Je n’entrerai pas dans ce sujet parce qu’Angel
Vaca l’analyse en détail dans ce même volume.

23
Parmi les écolâtres à cette période, on trouve Pedro Abad, qui conrme en tant
que premier témoin une donation à la cathédrale en 1191 (Martín, Villar, Marcos
et Sánchez, doc. 101) ; Froila, qui était en même temps doyen de Léon et est attesté
entre 1207 et 1214 (Ibid., docs. 123, 133, 137) ; Froila conrme la concession d’un fuero
aux habitants de San Cristobal en 1220 (Ibid., doc. 145) ou Juan Árias, témoin d’une
vente en 1232 (Ibid., doc. 188). D. Sánchez a attiré l’attention sur le lien de Froila et
de son cousin Pedro Pérez, dans “Catedral y Universidad, una relación secular”, dans
Rodríguez-San Pedro (2002) 410.
24
Le déroulement des examens dans la chapelle de Sainte-Catherine est attesté
en de nombreux passages des libros de claustros ; Marcos F., Extractos de los libros de
claustros de la Universidad de Salamanca. Siglo XV (1464-1481) (Salamanca : 1964)
pour le 23-8-1472.
l’université et son environnement 107

Ce lien matériel entre chapitre et université s’explique dans une


bonne mesure et se renforce aussi par la relation personnelle étroite et le
mélange qui a existé entre les deux institutions tant en ce qui concerne
les étudiants que les professeurs ou encore les autorités.
Il est évident que beaucoup des bénéciers de la cathédrale ont été
pendant un certain temps des étudiants à l’université, y compris alors
par l’obtention d’une prébende de haut niveau dans le siège diocé-
sain. A l’époque médiévale, la gradation n’était pas claire, qui serait
ensuite généralisée, selon laquelle il était nécessaire de disposer d’un
titre universitaire pour accéder à une charge ; il arrivait même souvent
le contraire : on obtenait d’abord un bénéce et les études venaient
ensuite, ou on utilisait l’argument que l’on était en train d’acquérir
une formation en arts, en droit canon ou en théologie pour exiger, et
obtenir, une charge ecclésiastique.
La compatibilité d’un bénéce dans une église et la fréquentation de
l’université est reconnue et même favorisée par les statuts de beaucoup
d’églises. L’approche concrète peut varier selon les lieux : certaines
cathédrales envoyaient chaque année un nombre xe de leurs prében-
diers pour qu’ils acquièrent une formation universitaire, tandis que dans
d’autres on répondait à la demande des personnes intéressées ; il y eut
des cas, comme celui de Tolède et certaines de ses églises suffragantes,
où on effectuait une espèce de sélection parmi les nouveaux membres
du chapitre, pour décider si on les destinait au choeur ou aux salles de
classe, selon leurs aptitudes25.
En conséquence, il résulte qu’un nombre important d’étudiants
étaient prébendés de différentes églises, et cela explique précisément le
succès qu’avaient les études de droit canon : c’étaient celles qui facili-
taient la promotion jusqu’aux canonicats les plus enviables des églises
castillanes, bien que, comme nous le verrons, beaucoup d’étudiants de
droit canon jouissent déjà de bénéces bien dotés.
Qui prenait réellement les décisions quotidiennes dans ce groupe
universitaire complexe et inuent ? L’historiographie a beaucoup sou-
ligné la gure du recteur, qui avait la responsabilité de faire appliquer
les constitutions et exerçait des compétences de type économique,
en insistant à cette occasion sur le fait qu’il s’agissait d’un « étudiant

25
Martín J. L., “Alfabetización y poder del clero secular de la Península Ibérica en
la Edad Media”, dans Burke P., Martín J. L., Navas T., Guereña J.-L., Educación y
transmisión de conocimientos en la Historia (Salamanca : 2002) 95-132, et Beltrán de
Heredia (1966) 116-120.
108 josé l. martín martín

qualié », « de dignioribus », selon l’expression des constitutions, pour


l’élection duquel on respectait un système de rotation entre ceux venus
du Léon et ceux de Castille, les deux principales nations. Ces nations
étaient divisées en quatre pour l’élection d’une autre importante charge,
celle de conseiller ; dans la première on regroupait Galiciens, Portugais
et étudiants d’Astorga, distincts du reste des étudiants de Léon, et dans
celle de Castille on distinguait une nation d’Andalous et de Castillans
du Sud, de celle des Castillans du Nord, qui incorporait aussi des
Aragonais, des Navarrais et les étrangers26.
Toutefois, l’étude de la documentation de la cathédrale faisait soup-
çonner une grande inuence du chapitre de Salamanque dans la vie
interne de l’Université et, en manière de conrmation, j’ai essayé de
reconstituer le chapitre cathédral et de vérier la présence de ses mem-
bres dans les enceintes universitaires – bien que le résultat doive être pris
avec une certaine réserve, en raison de possibles cas d’homonymie –
pour une période de 18 années, comprises entre 1464 et 1481. La date
n’a pas été choisie au hasard, mais elle a été retenue parce qu’elle cor-
respondait à celle des premiers “livres du conseil” de l’Université (libros
de claustros), dont nous avons confronté les données avec celles des actes
et des calendriers capitulaires.
Le résultat, comme le reète le tableau 2, permet quelques conclu-
sions intéressantes :
a) l’implication profonde des mêmes personnes dans les deux institu-
tions, au point que l’on pourrait penser que nous sommes en présence
d’une seule institution avec deux versants.
b) le haut pourcentage de charges académiques qui ont été entre
les mains de membres du chapitre de la cathédrale. Ainsi, sur un total
de 23 recteurs documentés pour les dates citées, huit, un peu plus du
tiers, ont été chanoines ou prébendiers de l’église de Salamanque, et
dans bon nombre d’occasions il apparaît qu’ils ont exercé cette charge
déjà comme prébendiers ; tout cela malgré les afrmations fondées sur
la lettre des constitutions selon lesquelles la charge devait revenir à une
personne étrangère à la ville. Durant cette même période, dix bénéciers
de la cathédrale ont occupé la charge de vice-recteur.

26
Beltrán de Heredia (1966) 93.
l’université et son environnement 109

Tableau 2: Reconstruction du chapitre de la cathédrale et du conseil de l’université de


salamanque, années 1464-1481*.

Titre acad. Nom Bénéce de la Charge académique


cathédrale
Álvaro de Paz Doyen
Diego Botello Archidiacre de Député (1465, 67)
Salam.
Francisco de « « Medina Recteur (1472)
Vivero
Martín Yanes « « Medina Conseiller (1472)
Vice-recteur (1473)
Alfonso Morales « « Alba
Docteur Diego García « « Alba Vice-recteur (1464)
de Castro Recteur (1464)
Vicescolástico (1479)
Suero de Quiñones « « Ledesma Député (1474)
Canonista Lope de « « Ledesma
Fuentelencina
Docteur Alvar Pérez Chantre Recteur (1465 et 1472)
Député (1468)
Bachelier Rodrigo Álvarez Chantre Député (1466)
(portugais) Vice-recteur (1466,71)
Prébendier (1467)
Conseiller (1471)
Recteur (1480)
Docteur Juan Ruiz de Ecolâtre Ecolâtre (1454+)
Camargo
Gutierre Álvarez Ecolâtre Ecolâtre (1477+)
de Tolède
Docteur Juan García de Trésorier Proviseur (1464)
Medina Député (1465)
Primicier (1466)
Rodrigo Álvarez Chanoine
Juan Fernández Chanoine
de Segura
Alonso Gómez Chanoine Vice-recteur (1466)
de Paradinas
Maître Pedro de las Chanoine Conseiller (1478)
Cuevas Vice-recteur (1478)
Député (1479)
Bachelier Pedro de Chanoine Député (1467 +)
Camargo Vice-recteur (1468 +)
Juan de Mella Chanoine
Bachelier Martín Fernández Chanoine Conseiller (1477)
Sahagún Vice-recteur (1477)
Juan Pereira Chanoine
110 josé l. martín martín

Tableau 2 (cont.)
Titre acad. Nom Bénéce de la Charge académique
cathédrale
Docteur Ruy Sánchez Chanoine
Almodóvar
Bachelier Luis González Chanoine Député (1478)
de Medina
Juan de Gata Chanoine
Pedro de Chanoine
Palenzuela
Alonso de Vivero Chanoine Vice-recteur (1471)
Recteur (1473)
Diego de Lobera Chanoine
Bachelier Pedro Fernández Chanoine Conseiller (1471
de Toro Député (1472)
Vice-recteur (1474)
Recteur (1475)
Vicescolástico (1479)
Juan Martínez Chanoine
Cantalapiedra
Bachelier Juan Sánchez Chanoine
de Frias
Docteur Alonso de Torres Chanoine
Gonzalo de Castro Chanoine
Pedro Suárez Chanoine
Licencié Fernando de Chanoine Député (1464)
Villalpando
Juan de Fonseca Chanoine Député (1469)
Vice-recteur (1480)
Docteur Diego Rguez. Chanoine Professeur (1464)
San Isidro Député (1467, 79)
Fernando de Chanoine
Maluenda
Maître Bernardino de Chanoine Député (1477)
Carvajal Recteur (1480)
Rodrigo Arias Chanoine
Maldonado
Docteur Infante Prébendier
Gonzalo Pérez Prébendier
Alfonso González Prébendier
Pedro García Prébendier
Diego Nieto Prébendier
Alfonso de Paz Prébendier
Juan Gómez Prébendier
Bachelier Juan Fernández Prébendier Conseiller (1467, 76)
Robalino Député (1472)
Vice-recteur (1477)
l’université et son environnement 111

Tableau 2 (cont.)
Titre acad. Nom Bénéce de la Charge académique
cathédrale
Bachelier Martín Fernández Prébendier Député (1473)
Treviño
Bachelier Espinosa Prébendier
Juan Flores Prébendier Recteur (1472)
Bachelier Juan Gzlez. de Prébendier Député (1478)
Mendaño
Juan Álvarez Prébendier
Fermoselle Prébendier
Arias Maldonado Prébendier
Maître Pedro Martínez Prébendier Professeur (1464 +)
d’Osma Député (1465 +)
Comptable (1465)
Primicier (1471)
* Sources : Archives de la Cathédrale Salamanque, Calendriers de 1480 et 1481 ; Actes
Capitulaires, Livre 4.
Marcos F., Catálogo de documentos del Archivo Catedralicio de Salamanca (Salamanque :
1962). Marcos (1964). Vaca (1996).

c) la condition d’étudiant qui était attribuée au recteur était très rela-


tive, même en ajoutant la qualication « de dignioribus ». En réalité, le
recteur était habituellement une personnalité dans une situation écono-
mique et sociale très établie. En tant que prébendiers de la cathédrale,
ils avaient l’assurance de revenus importants, bien que très variables :
en règle générale, on peut afrmer que les revenus d’un prébendier
étaient doublées s’il était promu à un canonicat, et ils étaient doublées à
nouveau s’il parvenait à une autre dignité. Il est évident que les dignités
qui avaient le plus de chances d’être choisies étaient celles qui, dans
quelques cas, révélaient déjà le grade académique le plus élevé, celui de
docteur (comme cela est arrivé avec le chantre Álvar Pérez le 10 novem-
bre 1471), ce qui cadre mal avec le concept d’étudiant. Mais ont aussi
exercé la fonction rectorale plusieurs chanoines et un certain prébendier.
D’autre part, on peut observer l’existence d’une espèce de carrière
administrative qui supposait une préparation : on constate que beaucoup,
avant d’obtenir le rectorat, ont exercé d’autres responsabilités, comme
celles de député, conseiller ou vice-recteur, qui fournissaient l’expérience
adéquate. Les cas les plus clairs sont ceux du chantre Rodrigo Álvarez
(portugais) ou celui du chanoine Pedro Fernández de Toro, qui ont
gravi tous les échelons, mais il y a eu d’autres membres qui ont aussi
suivi le même processus, bien que partiellement.
112 josé l. martín martín

d) le système de rotation entre des « nations » pour les diverses charges


est très relatif. Il est vrai que pour éviter la concentration du pouvoir,
et pour que l’Université ne dépende pas excessivement du chapitre, les
constitutions du XVe siècle ont établi que pour la charge de conseiller
étaient précisément exclus ceux qui étaient nés dans cette ville et ceux
qui y avaient résidé durant de nombreuses années27, et qu’on a pris en
considération ce critère dans quelques élections. Mais, dans la pratique,
on l’appliquait avec une grande exibilité donc, et même s’il apparaît
qu’on a justié beaucoup d’élections en avançant que les nommés
avaient pour origine un diocèse éloigné, voire un autre royaume, il
est certain que fréquemment il s’agissait de personnes qui s’étaient
installées à Salamanque, où elles avaient leur prébende, leur maison,
leurs propriétés. De plus, on repère facilement l’élection de chanoines
et de prébendiers (racioneros) de la cathédrale de Salamanque comme
conseillers, en coïncidence avec un recteur qui était compagnon du
même choeur28.
L’inuence du chapitre de Salamanque ne doit pas dissimuler, tou-
tefois, que les charges étaient aussi partagées avec des ecclésiastiques
d’autres diocèses. Celle du rectorat même est échue très fréquemment à
des personnages d’archidiacres, de trésoriers, d’archiprêtres, de chantres
et de chanoines d’églises galiciennes, asturiennes, de Léon, de Castille,
d’Estrémadure ou d’Andalousie.
Mais il faut aussi signaler que les charges de l’université de Salaman-
que étaient généralement de durée annuelle, ce qui signie un caractère
assez éphémère. En outre, ceux qui l’exerçaient avaient en même temps
des intérêts et des engagements dans d’autres diocèses, s’absentaient
fréquemment pendant de longues périodes, ce qui, de nouveau, facilitait
l’intervention locale dans les affaires quotidiennes de l’université.
e) il y avait, toutefois, une charge viagère, celle d’écolâtre, ce qui
renforce notre argumentation sur le poids du chapitre dans la direction
de l’université. L’importance de la charge est clairement attestée par
les institutions qui se sont efforcées de la contrôler, ce qui s’avérait plus
simple si on disposait de la capacité de la coner à une personne pro-
che. C’est ce qu’ont cherché à faire tant les instances de large pouvoir,
comme la monarchie ou le siège pontical que celles de niveau plus

27
D’après les constitutions de Martin V de 1422 dans Beltrán de Heredia (1966)
doc. 647.
28
Marcos (1964), 10-11-1471 ou du 10-11-1472.
l’université et son environnement 113

local, comme le chapitre ou l’université, parce que toutes ont voulu


exercer le pouvoir de nommination de l’écolâtre29.
Il paraît évident que, dans les premières décennies d’existence de
l’université, cette nomination a échu conjointement à l’évêque et au
chapitre, de manière semblable à ce qui arrivait pour les autres dignités
de la cathédrale, comme l’ordonnent les constitutions d’Innocent IV
de l’année 124530.
Cette réglementation serait modiée au XIVe siècle à la suite de la
pratique habituelle dans la curie d’Avignon de se réserver la collation de
nombreuses prébendes. Ainsi, il apparaît qu’en 1321 le pape a accordé
cette charge au prieur de la collégiale de Valladolid, et un siècle plus
tard, dans 1410, l’a accordée presque « motu proprio » à l’archidiacre
d’Alba ; dans les premières décennies du XVe siècle encore, l’évêque
et le chapitre réclamaient la compétence de nommer l’écolâtre, mais le
pontife l’a accordée à l’université31 sûrement comme reconnaissance de
l’importante tâche que ce personnage jouait en son sein et qui exigeait
un dévouement toujours plus complet à l’université, même si, dans le
même temps, on a augmenté la dotation de sa charge par des revenus
correspondants de la cathédrale32.
Toutefois, les choses ont changé sous le règne des Rois Catholiques, et
plus concrètement en 1477, avec le décès de l’écolâtre Ruiz de Camargo,
quand la question de son remplacement s’est posée. Les souverains ont
alors imposé pour la charge Gutierre Álvarez de Tolède, ls du premier
duc d’Alba, qui n’a pas eu problème pour s’imposer sur celui choisi
par la conseil de l’université. Des années plus tard, les rois ont obtenu
la nomination d’un autre ecclésiastique renommé, Sancho de Castilla,
qui est resté en charge jusqu’à son décès en 1527 et, dans les deux cas,

29
García et García A., “Consolidaciones del siglo XV”, dans Fernández Álvarez
(1989) 38-39. L’importance de la charge transparaît aussi dans les pré-requis que
devaient assumer les personnes proposées : docteur en droit canon ou en droit civil,
ou maître en théologie.
30
“Dignitatibus quoque seu personatibus cum vacaverint, que per episcopum et capitulum com-
muniter conferuntur, sicut sunt decanatus, chantoria, thesauraria, magistrum scholarum, de canonicis
primo gradu si reperiri possit idoneus consulatur, alioquin de portionariis cui nihil obviet de canonicis
institutis”, Martín, Villar, Marcos et Sánchez (1977) doc. 217.
31
Beltrán de Heredia (1966) docs. 26, 425, 708 et 726, respectivement.
32
Ainsi, en 1414, une bulle de Benoît XIII ordonnait l’annexion à cette charge des
prêts forcés de Cantalpino, Narros, La Mata, Robliza, Las Navas, Pedraza, Aldehuela,
Muelas, El Pino, Muño Dono et Berrocal, dans Marcos (1962) doc. 852 et Hernández
Jiménez M., “Fuentes documentales del archivo de la catedral de Salamanca relacio-
nadas con su Universidad (1306-1556)”, en Miscelánea Alfonso IX (Salamanca : 2002)
doc. 25.
114 josé l. martín martín

il s’avère qu’ils ont aussi exercé comme membres du chapitre et qu’ils


ont perçu des revenus pour cela33.
Quant à la gure de l’écolâtre dans le chapitre, la première chose qui
doit être soulignée, c’est qu’il faisait partie du groupe le plus sélectif de
ce dernier, celui des dignités. Plus concrètement il lui revenait, comme
on l’a signalé précédemment, de nommer l’enseignant de l’école de la
cathédrale et de superviser son fonctionnement, de rédiger les documents
ofciels et de garder le sceau capitulaire. C’est pourquoi il reste trace
de sa présence dans les réunions des chanoines ; il assistait au choeur,
il prenait part à la gestion des propriétés. On relève ponctuellement
aussi qu’on le chargeait des affaires d’un plus grand relief, spécialement
celles relatives à des conits entre des institutions ou des personnes34.
Évidemment, les écolâtres avec une forte personnalité, comme il est
arrivé dans le cas d’Alfonso Fernández de Madrigal, « El Tostado »,
professeur, auteur prolique, écolâtre et évêque d’Avila, ont laissé des
traces abondantes35 ; il est arrivé à ce personnage d’intervenir comme
médiateur dans les conits entre l’évêque et le chapitre lui-même, ainsi
que dans l’achat du territoire de Segoyuela pour les chanoines36.
Ainsi, ce prébendier de la cathédrale jouissait, en même temps, d’un
grand poids à l’université, comme le reète le fait qu’on lui réservait
le second siège dans les réunions, après celui du recteur. Plus concrè-
tement, ses compétences universitaires comprenaient aussi bien les
aspects juridictionnels qu’académiques, ecclésiastiques et économiques.
(Voir Tableau 3).
Les fonctions judiciaires de l’écolâtre commencent à être signalées en
1254, quand Alphonse X lui a coné la punition des étudiants indisci-
plinés. L’année suivante, le pape lui a reconnu l’autorité juridictionnelle
sur les étudiants, mais seulement la juridiction passive, c’est-à-dire la
capacité de juger des infractions dans lesquelles il y aurait des universi-
taires accusés. On a ensuite augmenté ses compétences, quand Eugène
IV lui a permis, en 1431, de juger des personnes étrangères accusées
par des universitaires, qui se trouveraient dans un vaste rayon de plus
de 200 km. de Salamanque, ce qui signie qu’il a aussi incorporé la

33
Beltrán de Heredia (1970) docs. 159 et 326.
34
Martín, Villar, Marcos et Sánchez (1977) docs. 568, 591 et 850.
35
Belloso Martín N., Política y humanismo en el siglo XV. El maestro Alfonso de
Madrigal el Tostado (Valladolid : 1989).
36
Marcos (1962) docs. 943 et 960.
l’université et son environnement 115

Tableau 3: L’écolâtre dans le chapitre et l’université.


Institutions qui ont successivement nommé l’écolâtre : évêque et
chapitre, curie ponticale, université, monarchie

Compétences dans l’université Compétences dans le chapitre

Délivrer les grades E Nommer le maître de l’école cathédrale


C
Garder la clé du coffre O Superviser le fonctionnement de l’école
L
Présider le tribunal universitaire Rédiger les actes ofciels
Â
Lever les sanctions canoniques T Garder le sceau du chapitre
R
Assister aux réunions des prof. E Assister au chapitre et au choeur

juridiction active. De cette manière, toutes les infractions dans lesquelles


seraient impliqués des universitaires devaient passer par ses mains ou
par celles de ses délégués37.
Dans le cadre académique, une bulle ponticale de l’année 1333 lui a
concédé l’autorité d’accorder les grades académiques à ceux considérés
aptes dans chacune des disciplines enseignées dans l’université, ce qui
garantissait au bénéciaire une pleine capacité enseignante dans tout
lieu, sans les anciennes limitations38.
D’autre part, il était un des clavaires du coffre où l’on gardait l’argent
de l’université, et on avait besoin de son approbation pour tout paiement à
charge des fonds de l’institution. Les autres clavaires étaient le recteur, un
député et deux professeurs, selon les livres des conseils du XVe siècle39.
Pour l’aspect ecclésiastique, l’écolâtre a reçu de Benoît XIII des
compétences pour lever les sanctions canoniques des membres de la
communauté universitaire, dont certaines étaient réservées aux pontifes,
une concession qui le plaçait devant l’évêque du diocèse lui-même40.

37
Alonso Romero Mª. P., Universidad y sociedad corporativa. Historia del privilegio
jurisdiccional del Estudio salmantino (Madrid : 1997). Id., “El fuero universitario sal-
mantino (siglos XIII-XIX)”, Miscelánea Alfonso X, 2002, (Salamanca : 2003) 63-90.
38
“Ordinamus atque concedimus ut dilectus lius scholasticus ipsius ecclesiae qui nunc est et is qui
pro tempore fuerit, possit per se vel alium seu alios dare licentiam regendi ubique ac insignia huius-
modi et honorem concedere illis qui reperti fuerint in studio praedicto idonei in qualibet facultate . . .”,
Beltrán de Heredia (1966) doc. 28.
39
García et García (1989) 43.
40
Beltrán de Heredia (1966) doc. 447, de 1411.
116 josé l. martín martín

f ) Pour mieux connaître le rapport des forces au sein de l’université,


il est aussi important de faire une référence au système de sélection et
aux groupes d’origine des futurs professeurs. Comme nous l’avons indi-
qué, dans l’école de la cathédrale, la sélection des enseignants revenait
à l’écolâtre et il apparaît qu’il y a toujours eu de nombreux bénéciers
qui ont exercé en même temps comme professeurs dans l’université.
À vrai dire, les systèmes d’attribution de postes de professeurs à
l’université de Salamanque montrent une exibilité considérable au
cours du Moyen Âge, avec l’intervention du professeur partant, des
autorités académiques et des étudiants. La procédure peut aussi abou-
tir à des situations arbitraires et abusives. Au XVe siècle, quand sera
mieux documentée la procédure par les premiers livres des conseils,
il était très commun que les professeurs eux-mêmes nomment leurs
remplaçants tout court41, ce qui signie la possibilité de céder la place
à un parent, un ls, un frère, situations qui sont documentées avec une
certaine fréquence42. Il est vrai qu’il s’agissait d’une étape provisoire,
mais c’était la meilleure manière d’être connu par les étudiants et par
les autorités académiques ; de fait, certains d’eux nissaient par occuper
la chaire de manière dénitive.
Il y a ensuite déjà une intervention plus importante de la communauté
universitaire, qui a été canalisée, dans quelques cas, à travers le vote
des enseignants de la spécialité ; ainsi, par exemple, les conseillers ont
établi dans une réunion que « les cours principaux de logique seront
fournis, quand ils auront été vacants, par des votes des maîtres qui ont
occupé la chaire de logique et que ceux-ci jureront de la plus grande
aptitude de celui pour qui ils voteront43 ».
Était aussi très étendu le système d’élection appelé ad vota audientium,
par lequel, ainsi qu’il apparaît dans une réunion du conseil, on devait
assurer les places laissées par les professeurs retraités44. Ceci témoigne
de l’intervention directe des étudiants qui votaient pour celui qu’ils
considéraient comme l’enseignant le plus approprié. Mais on courait
le risque que cela ne dégénère en des comportements moins désira-
bles : parfois les enseignants eux-mêmes ou leurs parents sont arrivés à

41
De nombreux cas chez Marcos (1964) ; voir, par exemple, 19-7-1464.
42
Le Dr. De Burgos nomma comme remplaçant son ls le 1er juillet 1468 et le Dr.
Cornejo t de même le 4 avril 1479.
43
Marcos (1964) 30-7-1473.
44
Marcos (1964) 12-6-1473.
l’université et son environnement 117

organiser d’authentiques bandes de partisans qui récoltaient des votes,


armés, pendant la nuit. On a même dû traiter dans une réunion la
question de savoir si la corruption des concurrents était interdite et,
bien qu’on constate certaines hésitations, on a ni par interdire toutes
les manifestations de force et les irrégularités pour obtenir des votes45.
De toute façon, on a ni par imposer le vote des auditeurs comme
système régulier d’accès à la chaire et aux remplacements, ce qui favo-
risait les personnages connus dans ce cadre, beaucoup d’entre eux étant
prébendiers de la cathédrale et d’autres, membres des communautés
religieuses spécialisées dans la prédication, comme les franciscains et
les dominicains.
C’est peut-être la raison, jointe aux facilités qu’ils avaient pour accom-
plir leurs études, pour laquelle nous trouvons dans les chaires universi-
taires un bon nombre de personnes qui détenaient en même temps un
bénéce dans la cathédrale de Salamanque. Il s’agissait de prébendiers
qui ont pu terminer leur carrière avec un doctorat et qui l’ont ensuite
rendue compatible avec la fonction enseignante rémunérée. En d’autres
occasions, nous savons par les registres de suppliques des archives
ponticales qu’ils ont d’abord obtenu la chaire, situation qu’ils ont
excipé plus tard comme argument pour solliciter un canonicat, voire
une dignité supérieure46. Et il n’y à pas s’étonner du fait qu’ils ont rendu
compatibles les deux charges, et particulièrement les revenus annexes,
puisque dans les cathédrales, le cumul de prébendes était très répandu.
Précisément cette coutume de cumuler des rentes, bien qu’à l’exté-
rieur et dans des lieux éloignés, ce qui empêchait l’accomplissement de
certaines des fonctions, était celle qui permettait à divers professeurs
de Salamanque de détenir en même temps des bénéces dans d’autres
cathédrales, comme celles de Jaén, Badajoz ou Ávila47. Il arrivait sim-
plement que certains étudiants favorisés qui nançaient leurs carrières
avec les revenus d’une prébende l’ont ensuite gardée quand ils sont
parvenus au sommet de leur carrière avec une chaire.
Parfois la chaire a été, en outre, le tremplin vers un évêché. En effet,
il y a un nombre assez important de prélats de Castille et Léon de

45
On ne constate pas un accord pour admettre la subornation dans les concours
de recrutement dans Marcos (1964) en date du 15-6-1469 ; mais quelques jours après,
la réunion du recteur et des conseillers rejette les votes “amenazados, dadivados y
conventiculados” (Ibid., 27-6-1469).
46
Beltrán de Heredia (1966) docs. 75, 76, 122 et 138.
47
Beltrán de Heredia (1966) 157 et ss.
118 josé l. martín martín

l’époque qui, préalablement à leur promotion à l’évêché, ont exercé


comme professeurs de l’université de Salamanque : Diego Bedán, évêque
successivement de Badajoz, Carthagène et Plasencia ; Gonzalo d’Alba,
évêque de Badajoz, puis de Salamanque ; Martín de Galos et Alfonso
de Villegas, titulaires du siège de Coria, etc.
Au l du temps et avec l’implantation des études de théologie à
l’université de Salamanque, fruit de l’activité de Pedro de Luna dans
les dernières décennies du XIVe siècle, c’est surtout la présence de
dominicains et de franciscains qui a augmenté. Il était naturel qu’il en
advînt ainsi, puisque la majorité des étudiants de ce diplôme venaient
des couvents de mendiants, bien qu’ensuite il y ait eu une diversication
avec des éléments du clergé séculier et celui d’autres ordres ; mais le
lien des franciscains et dominicains avec l’enseignement de la théologie
arrivait à cette extrêmité que la discipline se déroulait apparemment
dans les salles de classe des couvents de San Esteban et San Francisco.
Par la suite, la réforme des franciscains t que leur activité dans les salles
de classe diminue vers le milieu du XVe siècle, et la prépondérance
revint aux dominicains et aux membres du clergé séculier48.
En tout cas, encore qu’il s’agisse d’une institution complexe, avec
de nombreuses zones de force, je considère que les relations entre
l’université et le chapitre ont eu au Moyen Âge un caractère priori-
taire, ce qui n’empêchait pas que chaque institution xât clairement
ses objectifs et intérêts et les défendît avec vigueur. La présence de
délégués du chapitre négociant diverses affaires avant la réunion des
professeurs était fréquente ; ils quittaient ensuite les lieux pour que les
universitaires prissent leurs décisions librement, y compris l’envoi d’un
même représentant par les deux institutions49. Peut-être est-ce en raison
d’une régulation correcte et de ce mélange d’intérêts que l’on détecte
si peu de problèmes graves entre l’université et le chapitre.
Des problèmes plus lourds et plus constants paraissent avoir existé
entre l’évêque et l’université, conséquence de l’existence de deux
juridictions autonomes, très proches physiquement et qui étaient exer-
cées, dans une bonne mesure, sur les personnes de la même condition
cléricale. Il paraît difcile que ne se soient pas produites des frictions

48
Beltrán de Heredia (1970) 226, 244-245.
49
Fernando Martínez de Olivenza, chanoine de la cathédrale de Salamanque, doyen
de celle de Badajoz et professeur de l’université, fut nommé en 1408 représentant de
l’université et de son chapitre au concile de Perpignan. Beltrán de Heredia (1970) 251.
l’université et son environnement 119

entre les fonctionnaires épiscopaux et ceux de l’université au moment


de poursuivre des infractions commises par des ecclésiastiques, parfois
originaires du diocèse lui-même ou y ayant des bénéces, et qui faisaient
partie aussi de l’université.
La rareté de sources épiscopales nous empêche d’approfondir cet
aspect, qui apparaît aussi de manière assez discrète dans les archives
universitaires et de la cathédrale. Il y a probablement d’autres motifs
complémentaires qui ont contribué à distendre et à dépasser les dif-
cultés. D’une part, plusieurs prélats de Salamanque ont étudié à l’uni-
versité, connaissaient son fonctionnement, savaient que s’y mêlaient
des clercs d’origine et de juridictions très différentes qui ici étaient
soumis à la discipline des maîtres et au tribunal de l’université, et ont
respecté leur autonomie relative. Des prélats si liés à l’université qu’ils
n’hésitaient pas à y recourir pour solliciter un prêt quand leurs caisses
étaient vides. Les responsables de l’université essayaient de leur répondre
dans les mêmes conditions que celles qu’ils exigeaient des professeurs
dépourvus eux-mêmes de liquidité : en leur demandant de déposer des
objets de valeur égale au prêt50. D’autre part, les évêques ne pouvaient
pas ignorer que l’université jouissait d’importants privilèges ponticaux
et que son activité s’était développée, dans une bonne mesure, sous la
protection de la curie.

3. Les autorités municipales et l’université

Bien que la majorité des membres de l’université à époque médiévale


soient des ecclésiastiques, de plus en plus de laïques s’intéressaient à la
formation juridique, aux études d’arts et de médecine, autant de facultés
où enseignaient également de nombreux enseignants de cette condition.
D’autre part, il était évident que l’université se situait dans le contexte
concret d’une ville régie par des autorités avec des compétences qui
concernaient les étudiants dans bien des aspects fondamentaux, de sorte
que, bien qu’il existât des affaires dans lesquelles le conseil urbain et
l’université exigeaient une autonomie totale, les relations devaient être
nécessairement intenses.

50
Ils prêtèrent de l’argent à l’évêque de Salamanque et à l’élu d’Orense ; des livres
également à l’évêque de Salamanque et un exemplaire du coran à l’archevêque de
Santiago : Marcos (1964) 29-10-1467, 17-3-1470, 29-9-1468, entre autres.
120 josé l. martín martín

Parmi ces liens, on doit en distinguer quelques-uns de type plus formel


et d’autres qui relèvent de l’existence quotidienne. Ceux de type institu-
tionnel s’appuyaient sur divers diplômes royaux dans lesquels les souve-
rains ordonnaient aux autorités communales de garantir le bénéce des
privilèges qu’ils avaient accordés à l’université, de la protéger face à ceux
qui l’inquiéteraient et d’assurer le développement pacique de ses activités.
D’un point de vue plus direct, il est probable que la noblesse locale
était consciente des possibilités que l’université offrait à ses enfants, non
seulement par les connaissances qu’ils pouvaient recevoir mais encore
par les possibilités de promotion, surtout à partir de l’étude des disci-
plines juridiques qui ouvraient vers des bénéces et des charges bien
rémunérées. Les Écoles acquéraient ainsi prestige dans la vie sociale de
Salamanque, comme le prouve l’insistance avec laquelle elles étaient
sollicitées pour qu’on y célébrent des mariages et qu’on y développent
d’autres activités étrangères à l’enseignement51.
De toute façon, les liens entre l’autorité civile et l’université étaient
moins intenses que ceux vus dans le cas des chanoines52. Nous avons
essayé de présenter ces relations par un exemple concret, en analysant
les relations avec l’université des membres du gouvernement de Sala-
manque en 1475 (Tableau 4). On y remarque que seuls deux d’entre
eux avaient des grades académiques et ont été professeurs de l’université
(Fernando de Fontiveros l’a été en astrologie et le très remarquable
Rodrigo Maldonado, le Docteur Talavera, l’a été en lois). Six autres
gouverneurs ont été conservateurs de l’université, mais cette charge
ne paraît pas avoir revêtu trop d’importance, parce que ses titulaires,
nommés par le roi, avaient certes des obligations – celles de protéger
l’université dans les conits externes qui pourraient apparaître –, mais on
ne voit pas qu’ils aient eu le droit d’intervenir dans les affaires internes
ni dans les institutions de gouvernement de l’université.
Toutefois, on ne doit pas perdre de vue la maillage de liens familiaux
existant entre des membres du conseil municipal et la noblesse urbaine,
qui permettaient à celle-ci de prendre part à l’université. Précisément

51
Marcos (1964) 27-8-76.
52
J.M. Monsalvo Antón décrit même l’exclusion de la cité du pouvoir universitaire :
“Dans ce schéma d’organisation si profondément lié à des pouvoirs extérieurs aussi riches
que l’Eglise ou la monarchie, où insérer la cité avec ses pouvoirs propres ? N’hésitons
pas à le dire : il n’y avait pas de place pour elle, “El Estudio y la ciudad en la época
medieval”, en Rodríguez-San Pedro (2002) p. 448.
l’université et son environnement 121

Tableau 4: Regidores de Salamanque en 1475*

Tít. académicien Nom Charge Universitaire


Juan de Villafuerte Conservateur de l’Étude
Gómez de Villafuerte
Juan Pereyra Conservateur de l’Étude
Pedro de Vega
Alfonso d’Almaraz
Rodrigo Arias Maldonado Conservateur de l’Étude
Rodrigo Maldonado Conservateur de l’Étude
Docteur Rodrigo Maldonado de Tal. Professeur de Lois
Député
Conservateur
Diego Álvarez de Salamanque
Gómez d’Anaya
Licencié Fernando de Fontiveros Professeur d’Astrologie
Conservateur de l’Étude
Diego de Tejeda le Mozo Conservateur de l’Étude
Alfonso de Lobera
Gonzalo Vázquez de Coronado
Luis d’Acevedo
Pedro de Mirador
Pedro Ordoñez Conservateur de l’Étude
Lope de Sosa
* Source : Marcos (1964) ; Archivo General Simancas, Registro del Sello et Monsalvo
Antón J. Mª, « Panorama y evolucion jurisdiccional » en Martín Rodriguez J.-L., ed.,
Historia de Salamanca II : Edad Media (Salamanca : 1997) 376.

plusieurs des noms de famille qui apparaissent dans ce tableau, les


Pereyra, Maldonado, Anaya, Álvarez de Salamanque, Acevedo, ont une
certaine relation avec les trois institutions : conseil, Université et chapitre.
Tout cela, toutefois, ne signie pas une existence idyllique, parce
que la cohabitation quotidienne présentait des motifs de frottement
et produisait beaucoup de tensions auxquelles font référence les deux
institutions. Ainsi, par exemple, le motif le plus fréquent dont se plaint
l’université correspond à l’interférence des citoyens à titre particulier, ou
spéciquement des plus puissants, voire des autorités municipales, dans
des questions relevant de l’université. Les circonstances dans lesquelles
la pression était la plus fréquente coïncidaient avec les élections de
recteurs, de conseillers ou avec les propositions de nominations des pro-
fesseurs. Ainsi, en 1411, le roi sollicitait une information à propos d’une
dénonciation qu’il avait reçue, selon laquelle s’était tenue une réunion
122 josé l. martín martín

d’hommes armés qui prétendaient choisir recteur et conseillers53. Le


même souverain, Jean II, reprochait aux autorités de Salamanque leur
intention d’intervenir et d’interférer dans la nomination de profes-
seurs au moyen de menaces ou en menaçant d’utiliser la force54. Des
dénonciations semblables se sont produites à diverses dates du XVe
siècle, même pendant le règne des Rois Catholiques, bien que parfois
l’intervention soit indirecte : on faisait pression sur les étudiants pour
obtenir leur appui à tel candidat au rectorat ou à la chaire55, fonctions
qui apparaissaient, sans doute, comme des charges et des postes envia-
bles pour des parents ou des connaissances de familles inuentes, à
travers lesquelles elles s’efforçaient d’étendre leurs réseaux de pouvoir.
D’autres fois, le motif de la protestation universitaire avait moins de
complexité, même si le roi lui-même est intervenu et a ordonné au
corregidor de la ville de résoudre le problème : il s’agissait simplement du
fait que les voisins des salles de classe et le brouhaha dans les rues s’avé-
raient excessivement bruyants et perturbaient l’activité enseignante56.
Plus sérieux sont apparus les grands conits qui ont affecté le royaume
et la chrétienté car ils ont eu des répercussions profondes sur l’université.
Dans le premier cas, ont été particulièrement perturbatrices la guerre
civile entre Pierre I et Henri de Trastámara, qui s’est terminée par la
victoire de ce dernier, et celle qui s’est produite lors de la succession
d’Henri IV entre les partisans d’Isabel et ceux de Jeanne la Beltraneja,
qui a donné naissance au règne des Rois Catholiques.
Les répercussions qu’a pu avoir sur l’université le premier conit ne
sont pas bien documentées, bien qu’en effet on sache qu’il a profon-
dément divisé la société de Salamanque au point d’être à l’origine du
problème des factions lié à la confrontation des familles des partisans
du roi et de celles des partisans de son demi-frère, aspirant au trône.
Le sujet est, certainement, beaucoup plus complexe, et on a accumulé

53
Beltrán de Heredia (1970) 582.
54
“Sepades que por parte de la Universidad del dicho Estudio me fue querellado que
vos los sobredichos o algunos de vos de fecho e contra derecho vos queredes entremeter
e entremetedes en las provisiones de las cátedras del dicho Estudio cuando acaecen
vacar, dando favor e ayuda e teniendo manera que las hayan e sean proveídas dellas
algunas personas, e que por ruegos o menazas o por fuerza e impresión o por otra
cualquier vía hayan e ocupen una ves las dichas cátedras”, Beltrán de Heredia (1970)
199. Monsalvo a proposé récemment une analyse de la conictualité entre les autorités
urbaines et les membres de l’université : dans Rodríguez-San Pedro (2002) 459 et s.
55
Beltrán de Heredia (1970) doc. 307 et Martín Rodríguez (1997) 499.
56
Beltrán de Heredia (1970) 123.
l’université et son environnement 123

des facteurs de tension pendant de longues décennies, mais l’université


s’est trouvée impliquer dans le conit, de la même manière que l’ont
été d’autres institutions qui lui étaient liées, comme le chapitre57.
De fait, peu après, on constate alors des confrontations graves qui
affectaient le personnel universitaire. Par exemple, le roi Jean II afrme
que quelques personnes armées attendaient les étudiants quand ils se
rendaient aux cours pour les attaquer, ainsi que leurs familiers ; et l’éco-
lâtre lui-même et un enseignant en théologie faisaient part au roi de la
crainte d’être victimes du corregidor et de ses gens au point de ne plus oser
se déplacer dans la ville elle-même ni dans les villes voisines de Zamora
et Ciudad Rodrigo ; ils n’osaient pas non plus voyager jusqu’à la cour,
c’est pourquoi les affaires de l’Université étaient à l’abandon58.
Plus tard, dans les Cortes de Tolède de 1462, on a formulé une dénon-
ciation très claire de l’implication de professeurs et d’étudiants dans
des factions, qui entraînait l’abandon de leurs fonctions respectives59.
Le roi a alors ordonné que les universitaires se tiennent en dehors des
factions, sous peine pour les premiers de privation du salaire, et de mise
à l’écart du giron universitaire et d’exil de la ville et de ses environs
pour les seconds ; malgré cela, le problème a persisté.
En ce qui concerne la guerre civile qui s’est produite au décès d’Henri
IV, il semble qu’au début l’université s’est tenue dans l’expectative
jusqu’à ce que, quelque trois mois après le décès du roi, les pressions
du corregidor sur le conseil universitaire l’aient fait pencher du côté
d’Isabel60. Il est clair que la collaboration de l’université n’a pas été de
pur témoignage, mais qu’elle s’est impliquée dans des actions armées,
aussi bien de défense que d’attaque. Ainsi, des professeurs et des étu-
diants se sont organisés pour développer des rondes, en coordination

57
Martín Rodríguez J.-L., “Villoria y el testamento de Arias Díaz Maldonado”,
Provincia de Salamanca 5-6 (Salamanca : 1982) 197-208 ; Sánchez Pascual R. et al.,
“Arias Díaz Maldonado y el Cabildo Salamantino”, Salamanca y su proyección en el
mundo (Salamanca 1992) 367-387.
58
Beltrán de Heredia (1970) 584-585.
59
“Nin rigen las dichas cátedras nin las leen según que quieren e mandan las consti-
tuciones del dicho Estudio. E los dichos estudiantes, entendiendo en los dichos bandos,
se distraen de sus estudios”, Cortes de los antiguos reinos de León y de Castilla, III
(Madrid : 1866) 707-708.
60
Fernández Álvarez (1989) 63. Nous savons qu’à ces dates, des incidents très sérieux
se produisirent, fomentés par les ls d’un docteur qui causèrent des blessures à certains
members du college de San Bartolomé, ce qui suscita la concession par les rois d’une
charte de sauvegarde (Beltran de Heredia (1970, II) 106–107), mais nous ignorons si
l’événement eut un lien avec la situation de guerre.
124 josé l. martín martín

avec l’évêque et le chapitre61. Ils ont ensuite répondu à la demande


royale d’envoyer des troupes, en ordonnant que certains de ses membres,
ou des personnes engagées par l’université, se rendent à Zamora ou à
Cantalapiedra pour y combattre.
De nouveau, la guerre semble avoir facilité les conditions adéquates
pour que les problèmes des factions soient accentués. Les livres du
conseil d’université (libros de claustros) reètent les liens de quelques ensei-
gnants avec les factions, et les tensions qui en ont contraint d’autres à
s’absenter des salles de classe en raison du risque qu’ils encouraient62.
Tout aussi perturbatrice a dû être la situation créée par le Schisme
dans l’Église d’Occident, quand le roi de Castille a demandé l’avis des
théologiens et des juristes avant de donner son appui au pape d’Avi-
gnon. L’université de Salamanque s’est alors montrée en accord avec
les positions de Pedro de Luna, parce qu’il avait été un personnage
décisif dans l’institutionalisation de l’université et qu’il devait compter
en elle des amis nombreux et dèles. La vérité est que, tant comme
cardinal que comme pape, il a toujours favorisé ses demandes et que ses
étudiants et gradués se sont vu récompensés par de nombreux béné-
ces. De plus, pour la première fois un pontife se proposait l’objectif de
placer cette université à la tête de celles de la Chrétienté, pour diminuer
les répercussions du rejet de ses exigences par l’université de Paris63.
Certainement, il s’agissait d’un objectif utopique, mais Salamanque
en a proté de diverses façons : on a réorganisé son fonctionnement,
le nombre de professeurs a augmenté, on a traité avec un plus grand
sérieux le sujet de la collation des grades et on a surtout amélioré son
économie.
L’élection de Martin V n’a pas eu non plus de répercussion négative
sur l’université parce que la situation conseillait au nouveau pape de ne
créer ni innimitié ni animosité. Par conséquent, la commission envoyée
à la curie, formée d’universitaires de poids, tels des anciens recteurs
et de maître et docteurs réputés qui, dans certains cas ont accédé à
l’épiscopat, a obtenu l’approbation de nouveaux statuts64.

61
Marcos (1964) 4-10-1475, et 15-11-1475.
62
A titre d’exemple, ce fragment des Actas de Claustros : “Entró el doctor Martín de
Ávila y expuso el justo temor que tenía de venir a leer, y que no lo podía hacer sin peligro
de su persona . . . porque sus parientes, los del bando de San Benito se han marchado
de la ciudad, y sus enemigos tienen libertad por donde quieren, de donde se le sigue
gran peligro”, Marcos (1964) 203, claustro de rector y consiliarios de 21-11-1474.
63
Beltrán de Heredia (1966) 72-74.
64
Beltrán de Heredia (1970) 266-267.
l’université et son environnement 125

C’est alors que commencent à être plus visibles les problèmes entre
le conseil urbain et l’université qui ont fondamentalement deux sujets
de friction : l’économique et le juridictionnel.
a) les problèmes économiques perceptibles sont liés à la coexistence dans le
tissu urbain d’un groupe particulier, les universitaires, qui défend certains
privilèges et, en même temps, se montre réticent et fait valoir son indé-
pendance au moment de faire face aux frais et aux charges communes.
Un sujet problématique a été celui de l’approvisionnement des étu-
diants, en particulier le désir des universitaires étrangers d’introduire
du vin dans la population en provenance de leurs localités d’origine, en
cassant ainsi les mesures protectionnistes très fortes dans cette matière
qui obligeaient à consommer d’abord le vin produit localement, avant
d’admettre celui de l’extérieur. Les problèmes d’approvisionnement sont
déjà visibles dans le document royal de 1254, mais ils apparaissent avec
davantage de virulence à la n du XIVe siècle de sorte que, en l’an
1388, l’Audience royale a cité à comparaître les ofciers du conseil pour
qu’ils répondent de la plainte de l’université contre les impôts qu’ils
cherchaient à percevoir sur les étudiants qui apportaient des aliments65.
Mais l’intervention de ces instances n’a pas résolu le problème qui a
duré plus de trente années, jusqu’à ce qu’on ait pu, nalement, obtenir
un accord entre le conseil et l’université qui autorisait l’importation,
pourvu qu’elle soit limitée au nécessaire pour la consommation des
professeurs et des étudiants parce que, avant tout, il s’agissait d’éviter
que ce vin ne soit vendu66.
Un caractère plus ponctuel, mais qui vient manifester une différence
de fond, est la plainte qui porte la ville contre le chapitre et l’univer-
sité parce qu’ils refusaient de participer à l’impôt du sel. L’université
avait même jeté l’interdit sur les autorités municipales parce qu’elles
faisaient pression pour que les membres de l’université collaborent. Le
souverain a considéré la mesure excessive et a ordonné à l’écolâtre de
lever la sanction67.
D’une importance beaucoup plus grande est la plainte du conseil
parvenue jusqu’aux Cortes de 1436, parce que, selon les procureurs,

65
Beltrán de Heredia (1970) 266-267.
66
L’accord comportait la promesse que les étudiants “fagan juramento en manos del
rector e el rector en manos del maestrescuela quel vino que demandaren e traxieren
que es para su bever e provisión de sus familiares continuos comensales e non para
vender nin dar a otra persona alguna”, Vaca (1996) doc. 7, de 1421.
67
Beltrán de Heredia (1971) docs. 756 y 757, de 1509 et 1510, respectivement.
126 josé l. martín martín

les étudiants refusaient de payer les impôts, en faisant valoir qu’ils


jouissaient d’une juridiction propre. Le plus important est qu’ils pré-
tendaient, en outre, que jouissent de ce bénéce leurs familiers, et que
le juge académique ne sanctionne pas une telle conduite68. La réponse
du roi fut que l’on règlât ainsi le problème pour tout ce qui touchait
aux étudiants laïques.
De toute manière, ce n’était pas toujours la ville qui avait des plaintes
à faire valoir, mais l’université elle-même avait des difcultés sur d’autres
aspects, également liés aux questions économiques et, en particulier à
la perception des tercias.
La collecte de la dîme était toujours complexe du point de vue maté-
riel, parce qu’elle obligeait à transférer des produits, des animaux et de
l’argent à partir des populations où se développait l’activité économique.
Cela créait des problèmes, joints à d’autres, comme les doutes fréquents
sur la quantité, sur la qualité des biens à rassembler, et aussi sur la per-
sonne ou l’institution qui devrait proter de tels ressources. L’université
n’a jamais pu être libre de tous ces problèmes, bien qu’elle ait bénécié
parfois de l’appui des autorités ou des seigneurs de certains lieux69.
Les cas le plus fréquent toutefois étaient celui d’une résistance à la
livraison des tercias, ou que certaines personnes s’en approprient, sans
en avoir le droit, une partie. Les actes des réunions de l’université
donnent le nom et la charge de certains de ces usurpateurs : le maire
de Matilla, le regidor de Medina del Campo, les maires de Castronuño
et de Monleón, entre autres70.
Les problèmes liés à la collecte des tercias sont arrivés parfois au point
que les professeurs ont décidé d’abandonner leur activité enseignante
pour se transformer en avocats de l’université, se déplaçant jusqu’au lieu
du conit pour exiger le paiement attendu, paiement dont dépendait
nalement leur salaire. En d’autres occasions, les professeurs étaient
personnellement impliqués dans la collecte des ressources, qu’il s’agisse
de préserver les droits de l’institution ou d’obtenir un certain avantage
économique privé71. Même le futur saint et patron de Salamanque, Juan

68
Cortes de los antiguos reinos de León y de Castilla, III, 306-307 ; Beltrán de
Heredia (1970) 586.
69
Le comte d’Alba ordonna en 1439 que le conseil facilite le recouvrement des
“tercias del Estudio de la dicha villa y de los lugares de su tierra”, Beltrán de Heredia
(1970) doc. 99.
70
Marcos (1964) 10-9-1468, 13-4-1470, 18-3-1472, 27-11-1478.
71
Devant la difculté de la collecte des tercias sur les territoires seigneuriaux, les
professeurs décidèrent de s’organiser pour s’assurer du recouvrement, d’après Marcos
22-2-1472.
l’université et son environnement 127

de Sahagún, a été mandaté, avec un enseignant et un docteur, pour


réclamer les tercias de Medina et de Sieteiglesias que s’était appropriées
un personnage puissant de la région72.
b) Avaient aussi une importance notable les difcultés dérivées de la
complexité juridictionnelle de la situation de l’université. C’est pourquoi les
frictions étaient fréquentes entre les autorités de l’université et celles
du conseil urbain sur les compétences qui correspondaient à l’une et à
l’autre. Parfois les confrontations entre les autorités urbaines, comme le
corregidor ou le maire, et les universitaires, représentées par le recteur et
l’administrateur, ont été tellement graves qu’elles ont abouti à l’exil des
autorités universitaires prononcé par les représentants du conseil, même
si ce dernier n’avait pas autorité pour le faire73. On a déjà précédem-
ment indiqué quelques problèmes, comme la plainte des procureurs de
Salamanque devant les Cortes de Tolède en 1436 au sujet de l’impunité
que donnait la juridiction universitaire.
Les tensions se sont manifestées d’une manière encore plus claire
pendant le règne des Rois Catholiques dont la politique unicatrice
et centralisatrice heurtait évidemment les coutumes et les droits de
l’université du point de vue juridictionnel. Précisément, en une année
aussi signicative du règne que l’année 1492, ils ont décidé d’intervenir
sur le sujet en xant la portée de la juridiction de l’université, parce
qu’il semblait que le Studium étendait chaque fois davantage ses marges
et s’élargissait par l’incorporation de nouvelles personnes dont le lien
avec l’université était très indirect. Par conséquent, les souverains ont
indiqué qu’étaient expressément exclus des privilèges universitaires les
conservateurs, parce qu’ils étaient de nomination royale, ainsi que les
apothicaires, libraires, relieurs et procureurs. Ils ont dénoncé, de même,
comme pratique corrompue le fait que certaines familles cherchaient
à recourir à la juridiction universitaire par le simple mécanisme de
l’enregistrement de leurs ls à l’université. Ils ont aussi signalé que,
en accord avec les normes ponticales, l’écolâtre devrait se limiter à
citer à comparaître des personnes qui se trouveraient à moins de deux
journées de voyage de la ville et ne jamais dépasser ce cadre74.
Les reproches des Rois Catholiques ont été étendus à d’autres aspects,
certains relatifs à l’administration de la justice, comme celui qui porte

72
Martín Martín J. L., “La iglesia salmantina”, dans Martín Rodríguez (1997) 204.
73
Beltrán de Heredia (1970, II) 120 et 178, qui renvoie aux événements de 1465. Des
conits ultérieurs en raison de l’incarcération d’un étudiant par les autorités urbaines
ou pour la blessure d’un bachelier, dans Marcos (1964) 30-4-1467 et 10-12-1467.
74
Beltrán de Heredia (1970) docs. 207 et 220.
128 josé l. martín martín

sur l’inaccomplissement des obligations de l’écolâtre, en raison de


ses fréquentes absences ou de son laxisme à l’égard des membres de
l’université. Il s’avère évident qu’il existait des frictions fréquentes entre
la justice royale et celle de l’université qui se matérialisaient dans les
plaintes des corregidores contre les troubles graves qu’à son avis suscitaient
les étudiants, troubles aggravés par le refus de l’université d’interdire à
ses membres le port d’armes75. Sur ce sujet, on est arrivé à impliquer les
rois eux-mêmes, qui ont pris une disposition ne permettant pas aux étu-
diants d’avoir d’autres armes qu’une épée. L’université a alors répondu
qu’elle obéissait à l’ordre, mais ne le mettait pas en oeuvre puisqu’elle
jouissait de ses propres constitutions jurées et qu’en ce moment elle ne
pouvait pas s’occuper de ce sujet car l’écolâtre était absent ! D’un point
de vue pratique, les universitaires assuraient qu’ils avaient besoin des
armes pour leur défense propre, en faisant valoir que récemment, un
étudiant avait été frappé d’un coup de couteau par un tailleur.
De toute façon, ce qui semble se dégager de toutes ces dénoncia-
tions, c’est le grand intérêt manifesté par les rois pour intervenir dans
l’université, dans ce cas à travers un visiteur (visitador), renforcé par
des lettres apostoliques, qui mettrait de l’ordre dans ces aspects qui
méritaient réforme76.
Quant au reste, les conits précédemment cités constituent seulement
une petite partie du problème parce qu’ils ne font référence qu’à un des
cadres juridictionnels possibles. Une vision plus complète est celle que
les Rois Catholiques cherchaient à faire partager au pape par le biais
de leur ambassadeur qui devait signaler la difculté de régir une ville où
coexistaient la justice épiscopale, avec ses exécuteurs propres ; la justice
archiépiscopale, dépendante du métropolitain de Saint Jacques ; celle du
pape, avec ses juges délégués, celle du roi, qui avait des justices propres,
et celle de l’écolâtre. Comme on peut l’observer, quatre de ces autorités
étaient de type ecclésiastique, ce qui signie qu’elles pouvaient recourir,
comme cela arrivait fréquemment, à des sanctions canoniques quand
elles considéraient qu’on ne respectait pas leur droit, et se lançaient
même des anathèmes réciproquement, quand une confrontation interne
se produisait. La conséquence de tout ceci, nalement, était le discrédit

75
Beltrán de Heredia (1970) doc. 328.
76
Les souverains manifestaient d’autres motifs de préoccupation par rapport à
l’université, comme le caractère viager des chaires universitaires, ce qui ne plaisait pas
aux souverains qui considéraient que certains professeurs, une fois obtenu le poste, se
désintéressait de l’enseignement.
l’université et son environnement 129

sur ces sanctions et un malaise urbain considérable dont le résultat était


que la ville passait presque toute l’année sous l’interdit. La dénonciation
des rois, quoique réaliste, ne laissait pas d’être intéressée parce que ce
qu’elle visait, c’était le transfert de ces conits juridictionnels une fois
avérés, à l’Audience royale de Valladolid, ou l’autorisation du pape faite
au roi de nommer un juge spécial qui vérierait la situation, c’est-à-
dire une solution qui permettrait une intervention directe de la justice
royale dans l’université77.
L’impression que transmet la documentation royale de n du XVe
siècle est que la monarchie a atteint dans une bonne mesure ses objectifs.
Les Rois Catholiques ont émis de nombreux documents sollicitant que
l’on remette au Conseil royal divers procès ou exigeant l’empêchement
judiciaire de l’écolâtre dans plusieurs causes78. Finalement ce qui était en
jeu, c’était la limitation de l’autonomie juridictionnelle de l’écolâtre.

4. Conclusions

L’université de Salamanque se présente à nous, en fonction de ce que


l’on vient de dire, avec les caractéristiques d’une corporation soumise
à la cour ponticale et à la cour royale, quoique cela ne soit vrai que
pour les dispositions de caractère général ; les deux instances, en réalité,
étaient perçues plutôt comme des autorités protectrices, qui remettaient
des privilèges et résolvaient des conits, en échange d’une réserve
de pouvoir qui s’exerçait seulement de temps en temps, même si la
monarchie a augmenté ses interventions dans les dernières décennies
du XVe siècle.
Dans l’activité quotidienne, au contraire, l’université jouissait d’une
autonomie remarquable qui lui permettait de choisir parmi ses membres
pour la plupart des autorités qui la régissaient et la représentaient, spé-
cialement le recteur, les conseillers et les députés, mais aussi le primicier,
les comptables, les estimateurs, etc. Dans l’exercice des charges, on
essayait d’obtenir un équilibre entre les différents groupes universitaires
selon leur origine, et de résister d’une certaine manière à l’inuence
locale, bien que, à mon avis, celle-ci fût habituellement décisive.

77
Beltrán de Heredia (1970) doc. 201, de 1485, et doc. 322, de 1503-4.
78
Archivo General de Simancas, Registro General del Sello, 10-9-1485 ; 17-12-1485 ;
18-6-1486 ; 29-1-1489 ; 17-11-1491 ; 22-11-1485 et d’autres encore.
130 josé l. martín martín

En ce sens, je considère que la proximité et l’inuence du chapitre


de la cathédrale se sont avérées fondamentales dans l’évolution de
l’université pendant tout le Moyen Âge, beaucoup plus que le supposé
caractère estudiantin des recteurs, qui doit très être nuancé tant leur
situation sociale ou économique, y compris leur expérience dans d’autres
charges universitaires et ecclésiastiques, les éloigne assez du concept
d’étudiant. Il est vrai qu’il ne s’agissait pas d’une université dirigée par
les enseignants, mais il ne me semble pas non plus que les étudiants y
exerçaient un pouvoir décisif, et le rôle des « nations » dans l’élection
de charges était relatif.
De tout cela on déduit quelque chose de bien connu, mais fré-
quemment oublié : la nécessité pour nous historiens de ne pas nous
contenter de fonder nos études sur la législation, mais de l’éprouver
et de vérier dans quelle mesure elle était mise en pratique. Je crois
que dans l’historiographie de l’université de Salamanque on a accordé
beaucoup d’importance aux sources juridiques, aux constitutions suc-
cessives qu’elle a reçue, sans les nuancer sufsamment par d’autres
informations relatives à son fonctionnement quotidien. Il est vrai que
les dispositions ponticales et royales constituaient une référence pour
une université où prédominaient les juristes ; mais il me paraît important
de souligner que ceux-ci appliquaient généralement les normes d’une
manière très exible, de sorte que la réalité était souvent éloignée de
l’esprit des décrets.
Soutenue par des revenus qui provenaient de l’environnement le
plus immédiat, de la ville et surtout du territoire du diocèse, l’uni-
versité a pu les administrer, pendant la plus grande partie du Moyen
Âge, sans que les fonctionnaires locaux n’aient d’autres compétences
qu’une supervision purement formelle. Ainsi, les autorités académiques
étaient-elles celles qui établissaient la politique d’achats de maisons et
de lotissements, celles qui chargeaient de manière directe les maîtres et
les artisans de la construction de bâtiments et de dépendances, ou celles
qui rémunéraient les différents services que recevait la communauté
universitaire. Nous trouvons des tentatives du maintien de critères cor-
poratifs et, dans le même temps, de liberté pour administrer ses fonds,
dans la concession de prêts à beaucoup de ses membres, parfois sans
donner de justication et, dans d’autres cas, pour aider à l’obtention
du diplôme qui exigeait des frais importants.
En tout cas, l’université était ère de l’autogouvernement qu’exer-
çaient ses membres avec une élasticité assez remarquable de sorte que,
même si les actes et les cérémonies plus solennelles avaient lieu à des
l’université et son environnement 131

dates et des lieux xés et respectés pendant de longues périodes, – par


exemple, l’élection de recteur et des conseillers avait lieu généralement
chaque année le jour de la Saint-Martin, 11 novembre, dans le cloître de
la cathédrale –, d’autres réunions étaient convoquées selon les nécessités
et selon les opportunités. Une révision des livres de réunion (libros de
claustros) montre que, dans le court terme de moins de deux décennies,
elles ont eu lieu aussi bien dans l’enceinte de la cathédrale que dans des
salles de classe de l’université, mais aussi dans des logements privés (de
l’écolâtre, du recteur ou du vice-recteur), ou dans un monastère.
Cette exibilité était étendue aux contenus des enseignements et à la
manière de les dispenser. Il était fréquent que les professeurs consultent
les étudiants sur les sujets ou les oeuvres qu’ils souhaitaient voir expli-
quer, mais fréquent aussi que le conseil d’université oblige un enseignant
à lire tel livre ou tel auteur. Il était habituel que quelques professeurs à
titre individuel, ou comme groupe, manifestent leurs divergences sur les
décisions de leurs compagnons, et il n’était pas rare non plus que les
étudiants se plaignent du travail pédagogique d’un professeur et que le
conseil prenne les mesures adéquates pour son remplacement79.
En tout cas, il s’est trouvé que dans l’université on a formé des spé-
cialistes dans diverses disciplines qui étaient reconnus dans les instances
les plus diverses. Ses théologiens ont pris part à des conciles et à des
assemblées décisives de l’époque, ses juristes étaient consultés dans les
affaires les plus complexes que suscitait le gouvernement du royaume,
et ses médecins étaient sollicités fréquemment dans les principales cours
seigneuriales.
Il s’agit en n de compte d’une corporation très spéciale qui, plon-
geant ses racines dans un cadre social et économique très concret,
a cherché ses modèles dans les universités les plus prestigieuses du
moment, comme celles de Bologne et de Paris, mais les a appliqués
en tenant compte de ses limitations et de ses particularités. Elle a ainsi
obtenu de se constituer comme une référence fondamentale du point
de vue intellectuel, et bien qu’il y ait eu naturellement de fréquentes
oscillations, elle a renforcé sa structure au fur et à mesure qu’avançait
le Moyen Âge, ce qui lui a permis d’atteindre son apogée pendant le
XVIe siècle.

79
Une de ces plaintes dans Marcos (1964) 20-10-1464.
VILLES ET UNIVERSITÉS
DANS LA COURONNE D’ARAGON (XIVE–XVIE SIÈCLES)

Carlos Heusch

Dans la Castille médiévale l’histoire des centres de formation est inti-


mement liée à la royauté. Les souverains castillans, bien conseillés en
la matière par les moines clunisiens, ont vite compris que les lieux de
savoir étaient l’un des vecteurs majeurs de l’assise politique et qu’au
gré des conquêtes, le pouvoir royal devait également prendre possession
des centres existants et encourager leur développement. Alphonse X
dit « le Savant » est, en ce sens, la gure la plus emblématique de cette
inter-pénétration entre le pouvoir royal et les institutions culturelles.1
Les choses sont quelque peu différentes dans le royaume voisin, la
Couronne d’Aragon, où l’on constate un lien bien plus étroit entre
les centres de formation et les initiatives municipales. Ici peut-être
plus qu’ailleurs, les oligarchies urbaines, constituées de longue date,
ont considéré que l’éducation de leurs administrés était une question
prioritaire qui ne devait échapper en aucune manière à leur contrôle
direct. Ici plus qu’ailleurs, ce sont les villes qui réclameront ou, au
contraire, se permettront de refuser, la création de centres spéciques
d’enseignement, et ce y compris au niveau qui nous intéresse dans ce
colloque, les études supérieures, rarement placées sous la dépendance
directe des municipalités, contrairement à ce qui se passait aux niveaux
d’étude inférieurs.
Nous nous proposons donc d’interroger ce lien entre municipalités et
universités, assez propre à la couronne d’Aragon pour ce qui est des

1
On peut consulter, entre autres, Alvar M., « La ‘Partida segunda’ y la vida acadé-
mica del siglo xiii », dans Las abreviaturas en la enseñanza medieval y la transmisión del saber
(Barcelone : Universidad, 1990), 197-219 ; Cárceles C., « La educación en Castilla. La
aportación de Alfonso X el Sabio », dans Historia de la educación en España y América.
La educación en la Hispania antigua y medieval (Madrid : Ediciones SM, 1992), 309-318
et l’ouvrage dirigé par Robert Burns, Emperor of Culture. Alfonso X the Learned of Castile
and His Thirteenth-Century Renaissance (Philadelphie : University of Pennsylvania Press,
1990). Les rapports entre les pouvoirs urbain, ecclésiastique et royal sur la question
du contrôle des universités en Castille sont étudiés par Del Val Valdivieso M. I., « La
universidad en las ciudades castellanas bajomedievales » dans Estudios sobre los orígenes
de las universidades españolas (Valladolid : Universidad, 1988), 43-67.
134 carlos heusch

royaumes ibériques. Pour ce faire, nous allons surtout nous concentrer


sur l’exemple de Lérida qui est, sans aucun doute, le plus signicatif
car le seul à s’inscrire dans la durée (nous pouvons, en effet, suivre les
évolutions de ce studium sur les deux derniers siècles du moyen âge).
* * *
La création du studium léridan est des plus intéressantes car elle est le
résultat de la volonté expresse – et pour ainsi dire exclusive – de ceux
qui l’ont souhaité. Je veux dire que nous n’avons pas avec Lérida le cas
de gure d’une ville avec une tradition scientique séculaire comme
c’était le cas, par exemple, à Montpellier, avec ses écoles de médecine
remontant au xiie siècle. On ne trouve à Lérida qu’une formation de
type général dans le cadre des écoles cathédrales, comme dans la plupart
des villes moyennes de la couronne d’Aragon.2 L’idée d’une fondation
universitaire émane directement du conseil des paers, les conseillers
municipaux qui représentent les intérêts des classes dirigeantes
de la ville. Dans un contexte économique de vaches maigres, les paers
pensaient que la création d’une université serait un facteur important
de développement économique par l’arrivée non seulement de popula-
tions estudiantines nouvelles mais surtout de professionnels de toutes
sortes, en rapport avec la présence d’étudiants (stationnaires, copistes,
relieurs, simples marchands . . .), alléchés par des conditions d’installation
privilégiées. L’autre grande nalité des conseillers était, comme nous
allons le voir, de pouvoir contrôler sur place la formation des futures
élites locales, ce qui présentait des avantages tant idéologiques (un futur
fonctionnariat entièrement acquis à la cause des paers) que pécuniaires
(la formation sur place permettait de faire l’économie des séjours de
formation en des contrées lointaines comme Montpellier ou Bologne).
Dans tous les cas, force est de constater que, du point de vue des paers,
l’idée première d’une université à Lérida était entièrement tournée
vers la ville elle-même, vers ses intérêts économiques et ses avantages
matériels. Toute autre argumentation pour justier ladite fondation
et, notamment, celle qui passait par une idée philanthropique de la

2
Cf. Falcón M.I., Ledesma M.L., Orcastegui C. et Sarasa E., « Las universidades
del reino de Aragón (Huesca y Zaragoza) y de Lérida en la Edad Media » dans Estudios
sobre los orígenes de las universidades españolas (Valladolid : Universidad, 1988), 85-95. Au
sujet des différentes écoles, notamment, cathédrales, dans la Couronne d’Aragon, on
peut consulter l’étude de Delgado B., « La educación en Aragón. Política educativa e
instituciones docentes » dans Historia de la educación en España y América. La educación en
la Hispania antigua y medieval (Madrid : Ediciones SM, 1992), 318-345.
villes et universités dans la couronne d’aragon 135

diffusion du savoir, relevait d’une rhétorique à laquelle l’ambassade des


paers recourut quand même pour convaincre les instances décisionnelles
de l’époque.
L’affaire était de toute urgence et l’on dépêcha le juriste Bernat
Bonet auprès du Souverain Pontife et les Franciscains de Lérida auprès
du roi d’Aragon. Boniface VIII concède une bulle d’approbation en
1297 et, trois ans plus tard, en 1300, le roi d’Aragon Jacques II ratie
l’approbation du pape en produisant les statuts de l’université3.
Il convient de s’arrêter quelque peu sur les statuts de Jacques II (pro-
mulgués à Saragosse, le 1er septembre 1300) non seulement en raison
de leur importance, remarquée jadis par Denie4, au sein de ce type
de littérature diplomatique – on a souvent afrmé qu’ils constituent un
modèle du genre – mais également parce qu’ils mettent en lumière des
différences fondamentales entre le modèle théorique de cette fondation
et son fonctionnement effectif : l’un est déterminé par le projet politique
émanant de la royauté ; l’autre par la représentation que se faisaient
du studium les classes dirigeantes de Lérida.
Dans l’optique de Jacques II et son entourage, ce projet était émi-
nemment politique. Certes, ces statuts font l’éloge de la ville dans des
termes topiques que l’on retrouve ailleurs, par exemple dans les statuts
de l’université de Naples, fondée par Frédéric II, comme l’avait égale-
ment remarqué Denie5; mais à la générosité des sols de Lérida, à la
bénignité de son climat, à la qualité et la quantité de ses eaux uviales et
à la noblesse et la décence de ses habitants . . . s’ajoutent des informations
qui autorisent une lecture éminemment politique : le premier argument
en faveur de l’emplacement de Lérida relève d’une stratégie géopolitique.
La ville de Lérida occupe une position géographique centrale au sein
des territoires de cette couronne d’Aragon pour le moins bicéphale. À
mi-chemin dans l’axe Barcelone – Saragosse, la création d’un studium

3
Voir, parmi d’autres, Claramunt S., « Origen de las universidades catalanas medie-
vales » dans Estudios sobre los orígenes de las universidades españolas (Valladolid : Universidad,
1988), 97-111, p. 97 sq.
4
Cf. Denie H., Die Enstehung der Universitäten des Mittelalters bis 1400 (Berlin : 1885).
Cf. Delgado B., El Cartulario del colegio universitario de Santa María de Lérida (1376-564)
(Barcelone : 1982), p. 22 : « documento que, a juicio de Denie [. . .] considera el más
completo e interesante hasta esa fecha, sólo comparable al del emperdor Rodolfo para
la universidad de Viena ». Les statuts de l’Université de Lérida (« liber constitutionum et
statutorum generalis studii ilerdensis an. MCCC ») ont été jadis publiés par Villanueva J., Viage
literario a las iglesias de España (Madrid : Real Academia de la Historia, 1851), XVI,
206 sqq.
5
Apud Delgado (1982), p. 21.
136 carlos heusch

à portée « nationale » catalano-aragonaise, placée sous le patronage du


souverain, pouvait être un moteur fort dans le processus de réunica-
tion des territoires de la couronne, rendu nécessaire après la mort du
Conquérant en 1276. Aux méthodes « musclées » de son père – le roi
Pierre III –, Jacques II pouvait substituer ainsi une nouvelle pédagogie
politique susceptible à terme de consolider l’unité du royaume, par-delà
les différences linguistiques et culturelles. D’où l’idée d’une université
qu’il nous faudrait pouvoir appeler d’« État », n’était le caractère ana-
chronique d’une telle appellation ; une université entièrement tournée
vers l’extérieur en raison de sa primauté et de son caractère exclusif.
C’est dans cet esprit politique que se justiait pleinement une apostille
que les Léridans réclamaient instamment, l’interdiction expresse de
toute autre fondation universitaire dans les royaumes de la couronne.
C’est la fameuse Prohibitio de erectione scolarum in terris Aragonum alibi praeter
quam in Ilerda, document qui accompagne les statuts de l’université, et
que les paers ne cesseront de brandir ultérieurement à chaque nouvelle
fondation universitaire. Rappelons, en outre, qu’avant la création de
Lérida la Couronne d’Aragon se trouvait dépourvue d’université sur
ses terres, alors que la Castille comptait – en principe6 – Palencia ;
le Léon, Salamanque (depuis 1218) et le Portugal, Lisbonne (vers
1288-1290)7. Montpellier occupant, par ailleurs, une position délicate,
en tant que seigneurie enclavée appartenant à un royaume vassal de
la couronne d’Aragon – le royaume de Majorque –, il était de la plus
grande urgence pour le souverain aragonais de créer un grand centre
de formation sur ses propres terres. Celui-ci devait être aussi complet
que possible, capable de rivaliser avec les grands centres européens.
Les statuts prévoyaient donc la création de toutes les facultés possibles
à l’époque du monopole théologique de Paris : Droit civil et canon,
Médecine et Arts. Il faudra donc attendre 14308 pour que la faculté
de Théologie soit instaurée à Lérida.

6
Des doutes pèsent encore sur la réalité du fonctionnement universitaire du studium
de Palencia, fondé par Alphonse VIII, vers 1212. À la lumière des sources documentai-
res, B. Bartolomé est forcé de conclure : « todos estos datos nos acercan a la denitiva
sospecha de que, si bien las formalidades jurídicas nos conrman la existencia de
una universidad o estudio general, en la práctica creemos que nunca se despegó de
su condición de escuela catedralicia » (Bartolomé B., « Las universidades medievales
españolas » dans Historia de la educación en España y América. La educación en la Hispania
antigua y medieval [Madrid : Ediciones SM, 1992], 556-604, p. 557).
7
L’université portugaise ne sera transportée à Coimbra qu’en 1308.
8
Voir, entre autres, Lladonosa J., L’Estudi general de Lleida del 1430 al 1524 (Barcelone :
Institut d’Estudis Catalans, 1970), 64.
villes et universités dans la couronne d’aragon 137

Tout porte donc à croire que Jacques II en créant cette université


n’avait pas l’intention première de favoriser directement la ville de
Lérida et son oligarchie puisque le souverain ne la concevait pas dans
une perspective régionale, tournée vers elle-même, mais au contraire
dans sa dimension « nationale » catalano-aragonaise et sans doute avec
le secret espoir de lui donner à terme une ampleur internationale, selon
le modèle de Bologne qui, comme on sait, fut suivi de très près. Une
preuve assez concluante de l’esprit dans lequel la royauté entendait
créer Lérida se trouve, à mon sens, dans les modalités d’élection à la
fonction de recteur (fonction, soit dit en passant, instaurée également
selon le modèle bolonais). Selon la Carta ordinationis et immunitatis studii
generalis le recteur et ses assistants censés diriger le studium devaient être
étrangers à la ville de Lérida9. Quant à l’emploi du recteur lui-même,
Jacques II prévoyait un roulement sur une douzaine d’années pour que
toutes les régions du royaume (et même d’Europe10!) pussent proposer
un candidat. Sur le plan strictement théorique, ce procédé était le
signe de l’insertion, voulue par le souverain, du studium léridan dans
un système de nations, à l’instar de celui qui existait dans les grandes
universités européennes. Pour ce faire, les statuts prévoyaient des pri-
vilèges et des exemptions scales accordés aux étudiants « étrangers »
à la ville de Lérida11.
Il me semble que pour toutes ces raisons il convient de distinguer
cette première fondation universitaire de la couronne d’Aragon de
toutes celles qui allaient suivre, beaucoup plus axées sur des relations
politiques concrètes entre chaque souverain concerné et chaque ville
ou sur une conjoncture historique particulière : c’est le cas de Huesca
(préférée à Saragosse, candidate depuis 1346, par Pierre IV en 135412)

9
Cf. Delgado (1982), p. 30.
10
Le roulement devait se faire de la façon suivante : d’abord un étudiant du diocèse
de Barcelone, Tarragone, Majorque, Tortosa ou Lérida ; l’an d’après, de Saragosse ou
Segorbe ; ensuite d’Urgel de Vic ou de Gérone ; puis de Huesca ou Téruel ; Valence,
Murcie ou Carthagène, pour la 5e année ; quelqu’un des autres royaumes hispaniques,
la 6e année ; l’an d’après, un étudiant de la Narbonnaise ; au bout de la 8e année,
c’était le tour de Basques, Gaulois ou Bourguignons ; puis quelqu’un d’Italie ; à la 10e
année on retrouve les Gaulois et Bourguignons et toutes les nations comprises entre
les Pyrénées et l’Allemagne ; 11e année : un Allemand et, enn, pour la 12e année on
prévoyait un Anglais ou un Écossais. Cf. Villanueva (1851), XVI, p. 214 et les remar-
ques de Llorens i Fàbrega J., La universitat de Lleyda (Lérida : Imprempta i Llibreria de
Sol i Benet, 1901), p. 26 et Delgado (1982), p. 32.
11
Cf. Delgado (1982), p. 22 sqq.
12
Comme l’indiquent Falcón et alii (1988), p. 88, Pierre IV voulut « punir » le Concejo
de Saragosse à cause de ses prises de position sur la question de l’« Union Aragonaise »,
138 carlos heusch

ou de Perpignan (dont l’université fut créée en 1350 pour pallier la


perte de Montpellier). Manifestement, l’idéal d’universalité des studia
allait être, dans les terres aragonaises, de peu de durée et probablement
le fonctionnement réel de Lérida allait y être pour beaucoup dans cet
échec.
Manifestement, les paers ne se sentaient pas concernés par l’idéal
universitaire. Pour eux, l’université était avant tout une institution qui
devait rapporter à la ville des bénéces et à la classe dirigeante une
formation dans des domaines tout à fait spéciques ; et, surtout, il devait
s’agir d’une institution entièrement placée sous contrôle municipal.
Dès lors que l’on privilégiait la formation des élites on comprend
aisément l’hypertrophie des disciplines juridiques au sein du studium, les
autres occupant une place tout à fait subalterne13. En effet, les études
d’Arts et, notamment la Philosophie, étaient les laissées pour compte de
l’institution, tant du point de vue des salaires des enseignants que du nom-
bre d’étudiants (ce qui signierait que la Faculté des Arts n’était même
pas à Lérida un tronc commun obligatoire avant de se lancer dans les seve-
riores disciplinae, comme à Paris)14. Quant à la médecine, une école léridane
nit par se mettre en place, grâce notamment aux échanges avec Montpel-
lier et, surtout, à la demande expresse des souverains (comme, par exemple,
Jean Ier, à la n du XIVe siècle) et non des dirigeants locaux15.
En somme, seules les études juridiques connurent un certain succès,
favorisé par l’appui inconditionnel des paers qui développèrent les in-
égalités entre les disciplines au bénéce du Droit, jusqu’à provoquer, à
plusieurs reprises, la colère des souverains, comme celle de Jean Ier, en
139216. Quelques exemples sufront : très rapidement, seuls les juristes –

cette ligue de nobles et de villes d’Aragon, créée à Tarazona en 1283, pour défendre,
entre autres, leurs intérêts face au pouvoir royal. L’« Union » fut dissoute après la prise
d’Épila par Pierre IV, en 1348, qui, une fois à Saragosse, châtia les responsables de l’in-
surrection et mit un terme aux privilèges concédés précédemment par le monarque.
13
Cf. Serra Ràfols E., Una universidad medieval. El Estudio general de Lérida (Madrid :
Librería General de Victoriano Suárez, 1931), p. 44.
14
Cf. Heusch C., « Aristotelianism in Catalan Studia at the Close of the Middle
Ages », dans Learning and Society in Spain from Humanism to the Enlightenment : the Expansion
of University Culture, 1300-1800, éd. B. Taylor and N. Grifn (Manchester : Cañada
Blanch Centre for Advanced Hispanic Studies, sous presse) et « De Lérida à Barcelone.
Universités et État en Catalogne à la n du Moyen Âge » dans Languedoc, Roussillon,
Catalogne : État, nation, identité culturelle régionale, éd. C. Camps et C. Heusch (Montpellier :
Université, 1998).
15
Au sujet de l’école léridane de médecine, voir Lladonosa J., La facultat de medicina
de l’antiga universitat de Lleida (Barcelona : Rafael Dalmau, 1969) et Claramunt S. (1988),
p. 105-6.
16
Cf. Serra Ràfols (1931), p. 44.
villes et universités dans la couronne d’aragon 139

présents, d’ailleurs à tous les conseils, y compris ceux des autres discipli-
nes – pouvaient élire le recteur17, contrairement aux bonnes dispositions
théoriques de Jacques II. Enn, seuls les juristes peuvent recevoir le
traitement honorique de « Micer » (Messire) et accéder au doctorat.
Enn, l’on constate des différences très importantes en matière d’émo-
luments. Les enseignants de Médecine et de Philosophie (Logique et
Philosophie naturelle) touchaient le tiers du salaire de la plupart des
juristes et bien moins encore que le docteur le mieux payé de l’université,
le décrétaliste. Mais, que dire de la situation nancière des malheureux
grammairiens et professeurs de poésie qui avaient une seule paye par an
(au lieu des 3 payes des autres enseignants) correspondant à la moitié
du premier salaire des juristes18!
Le résultat de cette hypertrophie du Droit souhaitée par la munici-
palité est une osmose qui se constitue très rapidement entre les juristes
de l’université et les fonctions politiques de la ville, signe manifeste que
l’université était en train de remplir la seule véritable mission pédago-
gique pour laquelle elle avait été créée aux yeux des classes dirigean-
tes. On trouve dans les archives de la couronne d’Aragon et dans les
archives municipales de Lérida, surtout à partir du XVe siècle, maints
personnages issus de l’estudi qui ont occupé des charges politiques dans
la ville, notamment dans le groupe des paers. Bon nombre d’entre eux
ont même été nommés « premier paer », espèce de conseiller en chef ou
premier conseiller. Ainsi, le docteur en Droit Ramon d’Ossó, dans les
années 1430, est nommé paer de la ville en 1447. De même, Bernabeu
Assam, est déjà docteur en droit canon en 1456 quand il est nommé
premier conseiller. On sait qu’un sien probable condisciple, Gabriel
Beralda, professeur en Droit, était paer en 1456. Le léridan célèbre Joan
Rossell, sur lequel une bonne biographie est, apparemment, toujours à
faire19, initie sa fertile carrière politique au sein de l’université : docteur et
professeur dans les années 1466-1467, il sera nommé premier conseiller
en 1470, puis avocat du Conseil, et même, plus tard représentant de
la municipalité auprès du parlement de Catalogne et de la cour. Un
autre « paer en cap » issu de l’université, en 1482 : Francesc Pastor,
professeur et avocat de la ville. Parcours semblable que celui de Gispert
de Remolins, premier paer en 1472 et 1482. Bartomeu Mahull, issu,

17
Cf. Delgado (1982), p. 20n.
18
Cf. Llorens i Fàbrega (1901), p. 28 sqq. et Delgado (1982), p. 35.
19
« Gran polític i home de madur consell i amb temperament de governant, l’estudi
de les seves gestions i activitats donaria per a una biograa interessantíssima per a
conéixer la ciutat de Lleida a la darreria del segle XV ». Lladonosa (1970), p. 112.
140 carlos heusch

lui, du milieu des marchands assurera, grâce à l’estudi, une promotion


sociale et politique qui le mettra non seulement à la tête de charges
importantes à Lérida et auprès du roi, mais également d’une lignée
de juristes omniprésente à l’université dans la deuxième partie du XVe
siècle et le début du XVIe siècle20.
Les paers voulurent donc d’une université à leur mesure et pour la
satisfaction de leurs intérêts, une université qu’ils étaient décidés à
contrôler dans ses moindres détails. On peut, en effet, être surpris par
l’étendue des pouvoirs de la ville dans le fonctionnement universitaire.
Tous les aspects de la vie universitaire et son fonctionnement, depuis
la nomination, la révocation et le contrôle des activités d’un corps
enseignant qui, d’ailleurs, devait jurer qu’il n’irait pas contre les intérêts
de la ville21, jusqu’à la moindre dépense sont examinés et traités par
le conseil municipal de Lérida qui est la seule instance avec un vérita-
ble pouvoir décisionnel, le personnel « administratif » de l’université,
les clavaris ou ofciers des clés – mis en place à partir de 1364 – ne
disposant que d’un pouvoir d’exécution sous le contrôle des paers qui,
d’ailleurs, avaient capacité à nommer et à révoquer ledit personnel22.
De même, le recteur et le chancelier23, chacun dans son domaine (plus
administratif pour le recteur, plus pédagogique pour le chancelier) sont
là pour informer et conseiller les paers qui, ensuite décident, seuls, sur
tout. Quand on consulte la documentation ancienne on est frappé par
le fait que toutes les requêtes ou doléances, y compris dans les plus
petits détails – comme la demande de prêt d’un ouvrage de logique
aperçu chez les Franciscains par un malheureux maître ès Arts, Ramon
Cubells, qui n’avait pas de manuel pour son cours24 –, sont adressées
aux paers, soit directement soit à travers les clavaris.
Ce contrôle absolu de la ville sur son université avait, cependant,
un prix que les léridans avaient bien voulu payer dès le départ en

20
Je renvoie à l’étude prosopographique de Lladonosa (1970), p. 94-117.
21
Un serment était exigé aux nouveaux enseignants dans lequel ils promettaient de ne
pas se quereller contre la ville ni contre ses privilèges. Cf. Lladonosa (1970), p. 122.
22
Plus précisément, si l’on suit Delgado (1982), p. 37, parmi les quatre clavaris de
l’université, théoriquement, deux étaient nommés par l’évêque et les deux autres par le
Conseil municipal, mais on peut supposer que celui-ci disposait de moyens de pression
sufsants pour contrôler toutes les nominations. Les tâches des clavaris concernaient,
outre la mise en application des décisions du Conseil, l’entretien des bâtiments, la
gestion des salaires et la recherche et embauche du corps enseignant.
23
Le chancelier était, cependant, nommé à vie par le roi, parmi les membres du
chapitre de Lérida.
24
Cf. Lérida, A. P. 408, fol. 70 et Serra Ràfols (1931), p. 73.
villes et universités dans la couronne d’aragon 141

échange de leur absolue autonomie décisionnelle : Jacques II créait en


1300 le studium avec toute sorte de prérogatives et privilèges mais sans
le doter sur le plan économique. Toutes les dépenses afférentes à son
fonctionnement, restaient à la charge de la ville. On peut supposer que
les léridans n’avaient pas évalué l’immensité de la charge nancière
qu’ils acceptaient d’assumer. Le fait est que, comme on l’a souvent
dit25, cette institution fut sans cesse un fardeau trop lourd à porter pour
la ville, créant une situation d’« asphyxie économique » que les diffé-
rentes mesures exceptionnelles, notamment scales et la contribution
économique exigée par le roi à l’évêché26, ne permirent aucunement de
surmonter : aussi bien l’impôt sur le vin (la « lliura del vi »), instauré en
1319 (correspondant au 20e des taxes sur le vin consommé à Lérida),
que le bancatge (l’installation de bancs payants pour suivre les cours, la
paille sur le sol restant gratuite)27, ne furent que des pis-aller qui ne
purent pallier le véritable problème économique de l’université, à savoir
l’absence de rentes xes gagées sur des propriétés foncières. Municipale,
cette université le restait y compris dans son nancement avec tout ce
que cela supposait et, notamment, une totale irrégularité dans son fonc-
tionnement : apparemment ses portes restèrent closes entre les années
1305 et 1310, faute de moyens économiques, les léridans rechignant à
payer de plus en plus d’impôts pour l’université. Mais cette interruption
initiale des cours ne fut que le préambule funeste à une longue série.
Ne percevant plus leur salaire, les enseignants suspendirent leurs cours
en 1399, puis de 1468 à 1471 et en 1473.
L’autre aspect négatif de la mainmise de la ville sur l’université fut
une espèce d’enfermement idéologique autour de la ville de Lérida. À
l’opposé des valeurs d’ouverture sur l’ensemble du royaume et de la
chrétienté défendues dans les statuts de Jacques II, régna vite au sein
de l’université de Lérida ce qu’on pourrait appeler un esprit de clocher
qui se traduisait par des mesures protectionnistes. Entièrement nancée
par les léridans, l’on se mit vite à penser qu’il s’agissait essentiellement
de l’université des Léridans et que, de ce fait, il existait une sorte de
priorité de ceux-ci sur toute autre nation ou peuple. Les paers s’étaient

25
Cf. Claramunt (1988), p. 102 et Gaya Massot R., « Las rentas del Estudio General
de Lérida », Analecta Sacra Tarraconensia XXV (1952), 293-338.
26
À la demande de Jacques II, l’évêché et le chapitre devaient contribuer nancière-
ment aux dépenses du studium. Cf. Delgado (1982), p. 38.
27
Pour l’anecdote, les étudiants en Droit payaient 12 deniers pour leur banc alors
que les « artiens » ne payaient que 2 deniers. Cf. Gaya Massot (1952), p. 293.
142 carlos heusch

ainsi arrogé le droit de monopoliser les chaires dans chaque faculté et


a fortiori dans la faculté de Droit, comme l’indique un document de 1436 :
« la ville a le privilège de nommer un homme de science, naturel de
cette ville, pour qu’il fasse la lecture, dans chaque faculté, à l’heure doc-
torale »28. Ce fonctionnement n’allait pas sans heurts, comme lors de la
polémique entre deux enseignants qui se disputaient une chaire en Droit,
l’un étant de la ville et l’autre pas29. Enn, si l’on en croit Lladonosa,
un tel esprit protectionniste alimenté par les autorités municipales fut
préjudiciable aux nouvelles formes de diffusion des savoirs, à la n du
moyen âge. Alors que l’imprimerie léridane de l’Allemand Henri Botel
connaît un franc succès pour ce qui est des ouvrages de philosophie,
généralement commandés par les Ordres mendiants, soucieux de la plus
grande diffusion de leurs doctrines, force est de constater l’échec de la
nouvelle invention dans le domaine des études juridiques, pourtant les
plus importantes à Lérida. Outre le misonéisme que l’on peut soupçon-
ner chez les paers, ce probable refus de l’imprimerie semble s’expliquer
par les craintes suscitées par la diffusion à grande échelle – et donc
moins contrôlable – de textes écrits dont la diffusion et le commerce
étaient également supervisés par ces mêmes oligarchies30.
Si on ajoute à tout cela les difcultés de fonctionnement que nous
avons évoquées plus haut, aussi bien côté enseignants que côté étudiants,
on comprendra aisément que la bassin démographique de l’université
ait été assez limité. D’après Denie, et contrairement aux vœux pieux
de Jacques II qui allait jusqu’à imaginer des recteurs bourguignons ou
écossais, il n’y eut jamais à Lérida le moindre étudiant étranger à la
péninsule Ibérique, mais cette information, vieille de plus de cent ans,
devrait être vériée à la lumière des nouvelles sources documentaires.
De même, les étudiants venus d’autres villes de la couronne ne furent
pas aussi nombreux que ce que les paers avaient imaginé en obtenant
l’exclusivité de l’enseignement universitaire en Aragon.
L’absence de mobilité estudiantine s’explique, certes, en grande
partie, par cet esprit si ancré dans les particularismes de la ville, dont
nous avons parlé mais également par l’attitude des autres villes de

28
« La ciutat té privilegi de nomenar un hom de sciència ll de la ciutat a legir
en cada facultat, a legir l’hora doctoral » (Lérida, A. P. 412, f. 44). Apud Serra Ràfols
(1931), p. 39.
29
Il s’agit de la querelle entre Bertràn Pinós et Micer Sblada, « ciutadà de la present
ciutat ». Cf. Serra Ràfols (1931), p. 39.
30
Cf. Lladonosa (1970), p. 73.
villes et universités dans la couronne d’aragon 143

Catalogne et d’Aragon face à l’Université de Lérida. De fait, Lérida ne


fut jamais considérée par les autres villes comme un lieu de formation
« national » du royaume. Notons que la question des centres de for-
mation devient alors comme la caisse de résonance des rivalités entre
les villes. Barcelone, par exemple, n’acceptait nullement la création
d’une véritable université dans une ville comme Lérida et les autorités
locales poussèrent ce refus jusqu’à interdire la criée publique (crida) à
ce sujet31. Mais, en même temps, les pouvoirs locaux, le Consell de Cent,
refusaient la création d’un centre équivalent dans leur ville, proposition
souvent renouvelée par les souverains et, en particulier, par le roi Martin
l’Humain qui, en 1398, souhaitait créer une université regroupant les
diverses écoles éparses de la ville. Il est vrai que Barcelone était dotée
d’un réseau d’écoles municipales (les escoles majors) qui était considéré
par les conseillers comme sufsant. Et pour ce qui est des études supé-
rieures, la riche bourgeoisie barcelonaise faisait le choix de la qualité et
de l’investissement sûr en envoyant sa jeunesse soit à Montpellier, soit
à Bologne où les Barcelonais disposaient, apparemment, de collèges
spéciques.
Il est alors surprenant que l’idée de fonder une université à Barcelone
soit venue, également, du pouvoir municipal et, ironie du sort, dans
des conditions semblables à celles qui, à la n du xiiie siècle, avaient
poussé les paers à solliciter la création de leur studium. Comme on sait,
les années 1445-1450, après l’installation à Naples du roi d’Aragon,
Alphonse V le Magnanime, marquent le point de départ d’une déca-
dence économique qui allait frapper de plein fouet la ville de Barce-
lone. Après des séances agitées, le conseil municipal se met à croire à
la panacée économique de l’université, comme l’avaient fait jadis les
Léridans. Mais les Barcelonais étaient encore plus exigeants ou méants
que leurs prédécesseurs car ils voulaient contrôler non seulement l’ins-
titution mais également les personnes en proposant la création d’un
nouveau statut de l’étudiant universitaire, bien moins permissif sur le
plan juridique. Les contradictions niront par être surmontées tant et
si bien que l’on a conservé des documents relatifs à la fondation de
l’université de Barcelone datant du 20 septembre 1450, date qui apparaît
souvent dans les livres d’histoire comme celle de la fondation de cette
université. De fait, nous savons maintenant que cette fondation, au sein
du Conseil, qui concédait à Barcelone les mêmes privilèges universitaires

31
Cf. Claramunt (1988), p. 107-108.
144 carlos heusch

que Toulouse, fut totalement abstraite. Les divisions persistaient et les


événements historiques de la n du siècle ne furent guère favorables à
ce type de projets. Aussi, la pose de la première pierre n’aura pas lieu
avant 1536 et les cours de l’université, proprement dits, ne débuteront
qu’en 1559. Ils se poursuivront avec la splendeur que l’on sait jusqu’à ce
qu’en 1718, Philippe d’Anjou, le roi Philippe V, décidera – encore une
ironie du sort – d’enterrer l’université de Barcelone et celle de Lérida
en même temps et dans le même « tombeau » : la ville de Cervera où
une université d’« exil » sera fondée. Là encore les destinées des villes
et celles des universités seront indissolublement liées.
UNIVERSITÄT, STÄDTISCHE POLITIK UND STÄDTISCHE
FÜHRUNGSGRUPPEN IN ERFURT 1379/92-1509

Robert Gramsch

Das thüringische Erfurt, im 15. Jahrhundert mit fast 20.000 Einwoh-


nern eine der größten Städte des deutschen Reiches, kann – zusammen
mit Köln – für sich beanspruchen, zuerst in Deutschland eine „Stadt-
universität“ gegründet zu haben; eine Universität, welcher bis zu den
Stürmen der Reformationszeit in jeder Hinsicht erstrangige Bedeutung
innerhalb der deutschen Universitätslandschaft zukam. Im Gegensatz zu
den landesfürstlichen Gründungen Prag, Wien, Heidelberg und Leipzig
gingen in Köln und Erfurt die Gründungsinitiativen von den Stadträten
quasi unabhängiger „Stadtstaaten“ aus, welche auch in der Folgezeit
als Patrone die Oberaufsicht über diese Universitäten behaupteten.1
Jedes Universitätsmitglied war gegenüber der beherbergenden Stadt
zur Loyalität verpichtet,2 bei der Besetzung verschiedener Lehrstühle
hatte der Stadtrat ein wesentliches Mitspracherecht.3 Die Vorteile, die

1
Zu Erfurt als Stadtuniversität vgl. insbes. Kleineidam E., Universitas Studii Erffordensis.
Überblick über die Geschichte der Universität Erfurt im Mittelalter, 2 Bde., (Erfurter theologische
Studien, 14 u. 22), 2. erw. Au., Leipzig 1985/92, hier: Bd. 1, S. 220-224 sowie Weiss
U., Die frommen Bürger von Erfurt. Die Stadt und ihre Kirche im Spätmittelalter und in der Refor-
mationszeit, Weimar 1988, S. 54-58. Zum Vergleichsfall Köln vgl. insbes. Meuthen E.,
Kölner Universitätsgeschichte, Bd. 1: Die alte Universität, Köln / Wien 1988. Die frühesten
deutschen Universitätsgründungen behandelt im Zusammenhang Rexroth F., Deutsche
Universitätsstiftungen von Prag bis Köln. Die Intentionen des Stifters und die Wege und Chancen
ihrer Verwirklichung im spätmittelalterlichen deutschen Territorialstaat, (Beiheft zum Archiv für
Kulturgeschichte, 34), Köln / Weimar / Wien 1992. Zur Universitätsgründung in Erfurt
siehe unten S. 147f. Über Leipzig fehlen neuere Untersuchungen, vgl. Ullrich P.W.,
Die Anfänge der Universität Leipzig (1409-1419), Werdau 1894; Hoyer S., „Die Gründung
der Leipziger Universität und Probleme ihrer Frühgeschichte“, in: Karl-Marx-Universität
Leipzig 1409-1959, Leipzig 1959, S. 1-33.
2
Vgl. die Erfurter Universitätsstatuten von 1447, Rubr. IX, §16, ed. in: Weissenborn
J. C. H., Acten der Erfurter Universität (1392-1636), 3 Bde., (Geschichtsquellen der Provinz
Sachsen, 8/1-3), Halle 1881-1899, hier: Bd. 1, S. 22/11ff.: „Item quodlibet membrum
universitatis debet procurare et conservare honorem et utilitatem communitatis consulum et incolarum
opidi Erffordensis, donec privilegiis et libertatibus universitatis gaudere voluerit et pro membro univer-
sitatis haberi.“ Im Immatrikulationseid hatten sich die neuaufgenommenen Studenten
zu verpichten, die Statuten der Universität zu beachten, was obige Vorschrift also mit
einschließt, vgl. das Iuramentum intitulandorum (ebda., S. 34/1-34/19, hier: Z. 3f.).
3
Dieses Mitspracherecht bestand insbesondere bei der Berufung der Artistenmagister
146 robert gramsch

die Stadt Erfurt von der Universität hatte – auf sie wird weiter unten
ausführlicher einzugehen sein –, überwogen die geringen Kosten, die
ihr bei der Finanzierung des „laufenden Betriebes“ der Universität
erwuchsen, bei weitem: Die jährlichen Zahlungen an die Universität
beliefen sich auf nur einige hundert Gulden, weniger als ein Prozent
des gesamten städtischen Etats.4
Ziel des folgenden Aufsatzes ist es, die Beziehungen zwischen Stadt
und Universität Erfurt im 15. Jahrhundert näher zu beleuchten und
dabei zuweilen auch den Vergleich mit anderen deutschen Hochschulen,
insbesondere mit der anderen großen Stadtuniversität Köln zu suchen.
Quellenlage und Forschungsstand diktieren freilich gewisse Beschrän-
kungen. So muß die Geschichte der thüringischen Metropole im 14.
und 15. Jahrhundert in vielen Punkten noch immer als recht dunkel
bezeichnet werden.5 Über die Universität sind wir vergleichsweise sehr
gut unterrichtet, doch zeigt sich, daß bestimmte Aspekte wie die Frage
nach der Vernetzung zwischen der Universität und ihrer Umwelt bisher
nicht ausreichend erforscht beziehungsweise in den Quellen nur unzu-
reichend dokumentiert worden sind.6 Wenn uns aber Ratsprotokolle,
städtische Chronistik und Urkundenüberlieferung im Stich lassen, so
sehe ich doch einen Ansatz, um unsere Kenntnisse zu erweitern, in der
Prosopographie. Da die Universität im Wesen ein Personenverband ist,
ist ihre Geschichte zuerst einmal die Geschichte ihrer Mitglieder, der

im wichtigsten Universitätskolleg, dem Collegium maius, weiterhin bei den (städtisch sala-
rierten) Ordinarien der juristischen und medizinischen Fakultät sowie bei den Inhabern
der Lektoralpräbenden, vgl. hierzu Kleineidam, Univ. Studii Erffordensis (Anm. 1), Bd. 1,
S. 221f., Weiss, Die frommen Bürger (Anm. 1), S. 55.
4
Kleineidam, Univ. Studii Erffordensis (Anm. 1), Bd. 1, S. 223f.
5
Vgl. insbes. Beyer C. / Biereye J., Geschichte der Stadt Erfurt von der ältesten bis auf die
neueste Zeit, Bd. 1: bis 1664, Erfurt 1935; Weiss U. (Hg.), Erfurt 742-1992. Stadtgeschichte-
Universitätsgeschichte, Weimar 1992 sowie Weiss U. (Hg.), Erfurt. Geschichte und Gegenwart,
(Schriften des Vereins für die Geschichte und Altertumskunde von Erfurt, Bd. 2), Weimar
1995. Verschiedenen älteren Einzelstudien kommt angesichts der Forschungslage nach
wie vor ein Wert zu, so etwa: Neubauer Th., „Die sozialen und wirtschaftlichen Ver-
hältnisse der Stadt Erfurt vor Beginn der Reformation“, in: Mitteilungen des Vereins für
Geschichte und Altertumskunde von Erfurt 34 (1913), S. 11-78; Benary F., Die Vorgeschichte der
Erfurter Revolution von 1509, Erfurt 1911 sowie ders., Zur Geschichte der Stadt und Universität
Erfurt am Ausgang des Mittelalters (hg. von A. Overmann), Gotha 1919; Schmidt A., „Die
Kanzlei der Stadt Erfurt bis zum Jahre 1500“, in: Mitteilungen des Vereins für Geschichte
und Altertumskunde von Erfurt 40/41 (1921), S. 1-88.
6
Eine wohl noch auf lange Sicht gültige Gesamtdarstellung zur Erfurter Universitäts-
geschichte liefert die oben zitierte Monographie „Universitas Studii Erffordensis“ von Erich
Kleineidam (Anm. 1), deren erste zwei Bände von der Universitätsgründung (1379/92)
bis zur Reformation (1521) reichen.
universität, städtische politik 147

Dozenten und Studenten. Dies können wir uns auch für die gegebene
Fragestellung zunutze machen.7
Besonders schwer wiegt das Fehlen direkter Quellenaussagen über das
Verhältnis des Erfurter Rates zur Universität für die Zeit der Universi-
tätsgründung. Diese muß ganz zwangsläug vom Rat getragen worden
sein, doch vermitteln die zwei päpstlichen Privilegien von 1379 und
1389 wie auch eine viel jüngere Stadtchronik nur ein sehr schemenhaftes
Bild.8 Hier ergibt sich nunmehr ein Befund, der Erwähnung verdient –
daß nämlich der Personenkreis von Klerikern, die das Universitäts-
gründungsprojekt aktiv betrieben, wie auch der Kreis der ersten Univer-
sitätslehrergeneration praktisch zur Gänze aus Nicht-Erfurtern besteht.
Die erste Gründungsinitiative, die auf das Jahr nach dem Ausbruch
des Großen Schismas datiert, scheint vielmehr maßgeblich von einem
Netzwerk hessischer Kleriker um den damaligen Erfurter Protonotar
Hartung Gernodi, der selbst aus Hessen stammte, ausgegangen zu sein.
Den Erfolg der Universitätseröffnung 1392 sicherten dann zahlreiche
ehemalige Prager Magister überwiegend westfälisch-niedersächsisch-
thüringischer Provenienz. „Eingeborene“ Erfurter fehlen demgegenüber
in ganz auffälliger Weise. Es ist hier nicht der Ort, diese neuen proso-
pographischen Befunde zur Gründungsgeschichte näher vorzustellen,
doch festzuhalten ist, daß die Universität mit Billigung des Rates
gewisser maßen „von außen“, von interessierten gebildeten Klerikern
in die Stadt eingepanzt wurde. Trotzdem kann man natürlich nicht –

7
Die Dissertationsschrift des Verfassers ist diesem konsequenten prosopographischen
Ansatz verpichtet: Gramsch R., Erfurter Juristen im Spätmittelalter. Die Karrieremuster und
Tätigkeitsfelder einer gelehrten Elite des 14. und 15. Jahrhunderts, (Education and society in
the middle ages and Renaissance, 17), Leiden / Boston 2003. Die Themenstellung
dieses Aufsatzes entwickelt sich aus Beobachtungen, die der Verfasser im Laufe dieser
Arbeit gemacht hat.
8
Privileg Clemens VII. vom 16.9.1379 in Weissenborn, Acten (Anm. 2), Bd. 1,
S. 1ff. sowie erneute Privilegierung durch Urban VI. am 4.5.1389 in Weissenborn,
ebda., S. 3ff. Für die Gründungsgeschichte ohne großen Wert sind die Notizen der
Hogelschen Stadtchronik von ca. 1670, abgedruckt in: Benl R. / Blaha W., Erfurt – ein
spätmittelalterliches Wissenschaftszentrum. Katalog zur Ausstellung des Stadtarchivs Erfurt, Köthen
2001, S. 20f. Den Forschungsstand repräsentieren Kleineidam, Univ. Studii Erffordensis
(Anm. 1), Bd. 1, S. 7-20; Lorenz S., „Erfurt – die älteste Hochschule Mitteleuropas?“,
in: Gockel M. (Hg.), Aspekte thüringisch-hessischer Geschichte, Marburg a. d. Lahn 1992,
S. 139-146; Schmidt R., „Erfurt, eine städtische Universitätsgründung und die päpst-
lichen Urkunden von 1379 und 1389“, in: ders., Fundatio et conrmatio universitatis. Von den
Anfängen deutscher Universitäten, (Bibliotheca eruditorum, 13), Goldbach 1998, S. 47*-59*.
Über die Gründungsvorgänge in Erfurt (1379-92) beabsichtige ich, an anderer Stelle
eine Neuinterpretation vorzulegen, vgl. einstweilen die maschinenschriftliche Fassung
der Dissertation, Kapitel 2.
148 robert gramsch

wie etwa bei den italienischen Universitäten des Hochmittelalters – von


autonomen Schöpfungen sprechen, von Korporationen, die sich mit
der beherbergenden Stadt einfach ins Benehmen setzten. Ohne die
Stadt im Rücken lief zunächst einmal gar nichts. So ist es interessant
zu sehen, daß die hessische Klerikergruppe, die offenbar hinter dem
ersten Gründungsversuch von 1379 steht, in einem Rotulus an Clemens
VII. verzeichnet ist, welcher als Absender nicht die (formal noch nicht
existente) Universität sondern die „consules et opidani Erfordensis“ hat.9
Dazu gesellt sich eine zweite Beobachtung zur personellen Zusam-
mensetzung des Lehrkörpers und der Rektoren der Universität. Die
völlige Absenz der Erfurter Bürgersöhne in den Führungsetagen der
Hochschule wurde erst langsam überwunden – der erste aus Erfurt selbst
stammende Rektor amtierte 1405, in den zwei Dezennien nach 1410
war jeder achte Rektor ein Erfurter, ab 1430 dann im Schnitt jeder
Sechste.10 Das heißt, es gab eine relativ lange „Anlaufphase“ von ca. 40
Jahren, bis die Einheimischen, gestützt auf die „unwiderstehliche soziale
Kraft der Nähe“ (Peter Moraw)11 gegenüber anderen zumeist ebenfalls
durch landsmannschaftliche Nähe gekennzeichneten inneruniversitären
Netzwerken ein relatives Übergewicht bei der Besetzung des höchsten
Universitätsamtes erlangt hatten. Dabei ist auch auffällig, daß während
des größten „Frequenzbooms“ der Hochschule zwischen 1450 und 1470
die Zahl der aus Erfurt stammenden Rektoren wieder zurückging und
ihre Gruppe von anderen Gruppen zeitweilig überholt wurde.12

9
Archivio Segreto Vaticano, Registra Supplicationum, Bd. 57, fol. 96r/v. Dieser Rotulus
fand in den bisherigen Untersuchungen zu Erfurt und seiner Universitätsgeschichte
keine Beachtung, was sich ganz offensichtlich aus dem ungenügenden Erschließungs-
stand der vatikanischen Quellen jener Zeit begründet, vgl. hierzu künftig den in Anm.
8 angekündigten Aufsatz sowie Gramsch R., „Der Bestand Repertorium Germanicum
im Archiv des Deutschen Historischen Instituts in Rom. Archivalien zu einem über
hundertjährigen Editionswerk“, in: Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und
Bibliotheken 81 (2001), S. 562-569, hier: S. 565f.
10
Gramsch, Erfurter Juristen (Anm. 7), S. 169 (Tabelle 6/a). Die Zahl der Erfurter
Rektorate ist dort etwas zu niedrig angegeben: auf den Zeitraum 1410-29 entfallen
5 statt 3 Rektorate, auf die 1430er und 1440er Jahre insgesamt 7. Insgesamt haben
zwischen 1392 und 1509 Erfurter Bürger 29 mal das Rektorat innegehabt (bei insge-
samt 233 Amtszeiten).
11
Moraw P., „Die Universität Prag im Mittelalter. Grundzüge ihrer Geschichte“, in:
Die Universität zu Prag, (Schriften der Sudetendeutschen Akademie der Wissenschaften
und Künste, 7), München 1986, S. 9-134, hier S. 111.
12
Gramsch, Erfurter Juristen (Anm. 7), S. 171. Zur von sozialen Kriterien und Klien-
telbeziehungen deter minierten Besetzung des Rektoramts vgl. auch die Untersuchung
von Schwinges R.C., Rektorwahlen. Ein Beitrag zur Verfassungs-, Sozial- und Universitätsgeschichte
des alten Reichs im 15. Jahrhunderts, mit Rektoren- und Wahlmännerverzeichnissen der Universitäten
universität, städtische politik 149

Hinsichtlich des Lehrkörpers ist als erstes zu betonen, daß die Artisten-,
die Theologen- und wohl auch die kleine medizinische Fakultät immer
Domänen der „Auswärtigen“ blieben.13 Anders hingegen die elitäre
Juristenfakultät. Hier ist das anwachsende Engagement einheimischer
städtischer Führungsgruppen überdeutlich zu erkennen:14 Nachdem
aus Erfurt stammende Rechtslehrer lange Zeit völlig fehlen, promoviert
der erste Erfurter Patriziersohn im Jahre 1424. Es folgen bis 1447 fünf
weitere. Dann klafft zunächst wieder jene auch für die Rektorate zu
konstatierende Lücke, bis Ende der 1460er zwei weitere Angehörige
von Erfurter Patrizierfamilien in das Doktorenkollegium aufsteigen. Der
große Durchbruch erfolgt ungefähr um 1480: In den 45 Jahren von 1478
bis 1513 treten insgesamt 10 „Einheimische“ in den Lehrkörper der
Fakultät ein, denen 13 „Auswärtige“ gegenüberstehen. Das heißt, daß in
der Spätphase der mittelalterlichen Universität Angehörige der Erfurter
städtischen Elite fast 45% des Lehrkörpers bei den Juristen stellten,
nachdem es in der Zeit bis 1480 nur etwa 16% (8 von 51) gewesen waren.
Das Verhältnis der Bürger von Erfurt, speziell der Angehörigen
der städtischen Führungsschicht, gegenüber dem neuen Bildungs-
und Karriereangebot in der Stadt erlebte mithin im Verlauf des 15.
Jahrhunderts einen tiefgreifenden Wandel. Erst standen sie ihm etwa
vierzig Jahre lang ziemlich indifferent gegenüber. Dann aber erfolgte
um 1430 und noch stärker um 1470 ein deutlicher Umschwung zu
einer starken Beteiligung vor allem bei der Besetzung des Rektoramtes
wie der Lehrstühle der juristischen Fakultät. Es fand in dieser Phase
eine Konzentration von inneruniversitärer Macht in der Hand einhei-
mischer Eliten statt, während die bisher überwiegenden „polyglotten“
Elemente zurückgedrängt wurden. Mir erscheint es dabei evident, daß
die Verengung des (bis dahin sehr weitgespannten) Einzugsbereiches der
Studentenschaft in den Jahrzehnten nach 1470 und der Frequenzrück-
gang während dieser Jahrzehnte in einem kausalen Zusammenhang mit
dieser relativen Monopolisierung universitärer Führungspositionen in
der Hand der Einheimischen steht.15

Köln und Erfurt aus der 2. Hälfte des 15. Jahrhunderts, (Vorträge und Forschungen, Sonder-
band 38), Sigmaringen 1992.
13
Siehe unten Anm. 27.
14
Vgl. das Doktorenverzeichnis der Juristenfakultät bei Kleineidam, Univ. Studii Erffor-
densis (Anm. 1), Bd. 1, S. 395f. sowie die chronologische Übersicht über den Lehrkörper
der Fakultät in Gramsch, Erfurter Juristen (Anm. 7), S. 177ff. (Tabelle 7/a).
15
Dieser Zusammenhang ergibt sich aus der bekannten Tatsache, daß freundschaft-
lich/verwandtschaftliche oder landsmannschaftliche Bindungen für den Anschluß an
150 robert gramsch

Köln, das naheliegende Vergleichsbeispiel, erlebte im 15. Jahrhundert


eine tendenziell gleichgerichtete Entwicklung, jedoch mit deutlichen
graduellen Unterschieden. Auch hier waren Stadtkölner vor allem
in der Juristenfakultät präsent. Während aber die Einheimischen in
Erfurt im 15. und frühen 16. Jahrhundert insgesamt etwa 26% der
Rechtsdozenten stellten, waren es in Köln nur knapp 15%.16 Auch in
der zeitlichen Entwicklung verhielten sich Köln und Erfurt zwar prin-
zipiell gleichsinnig, doch setzte der Aufschwung der Stadtkölner unter
den Professoren erst später ein und erreicht auch bei weitem nicht
die Erfurter Ausmaße.17 Es sieht also so aus, als ob die Lehre an der
„eigenen“ Stadtuniversität unter den Abkömmlingen der städtischen
Führungsschichten dort nicht die gleiche Bedeutung gewann wie in
Erfurt oder, vorsichtiger formuliert, es gelang ihnen nicht im gleichen
Maße die Majorisierung der Fakultät. Auch andere „Cliquen“ blieben
hier einußreich – so wie ja auch der Kölner Einzugsbereich im späten
15. Jahrhundert noch nicht jene Verengung erlebte wie der Erfurter.
Auch mit Blick auf andere deutsche Universitäten scheint Erfurt mit
seiner Dominanz der städtischen Eliten auf der Führungsebene der
Hochschule eine Sonderstellung einzunehmen. Das benachbarte Leipzig
erreichte im Untersuchungszeitraum immerhin noch einen Anteil ein-
heimischer Rechtsdozenten von 15%, mit einer Ende des Jahrhunderts
ebenfalls deutlich nach oben weisenden Tendenz (1480-1510: 25%).18

einen bestimmten Magister und damit für die Wahl der Hochschule in der Regel
wichtiger waren als etwa das wissenschaftliche Ansehen einer Universität (Schwinges,
Rektorwahlen, Anm. 12, S. 14). Das Verschwinden auswärtiger Universitätslehrer mußte
demnach über kurz oder lang auch das Verschwinden der mit ihnen verbundenen
Studentenklientel zur Folge haben. Ein weiteres Argument ergibt sich aus der schon
erwähnten Beobachtung, daß während des (überwiegend von auswärtigen Studenten
getragenen) Frequenzbooms der 1450er und 1460er Jahre der Einuß der aus Erfurt
selbst stammenden Dozenten an der Universität zeitweise wieder zurückgegangen war.
Zur Frequenzentwicklung der Erfurter Universität im Mittelalter vgl. insbes. Schwinges
R.C., Deutsche Universitätsbesucher im 14. und 15. Jahrhundert, (Beiträge zur Sozial- und
Verfassungsgeschichte des Alten Reiches, 6), Stuttgart 1986, S. 93-105 sowie ders.,
„Erfurts Universitätsbesucher im 15. Jahrhundert“, in: Weiss (Hg.), Erfurt (Anm. 5),
S. 207-222 und Gramsch, Erfurter Juristen (Anm. 7), S. 71-100.
16
Meuthen, Universität Köln (Anm. 1), S. 80.
17
Das Verzeichnis der Kölner Rechtsdozenten bei Keussen H., Die alte Universität Köln,
Köln 1934, S. 449-460 (192 Dozenten bis 1517) nennt Kölner vermehrt erst für die
Zeit nach 1460/70, ohne daß sie jedoch auch nur annähernd jene Dominanz erreicht
hätten wie in Erfurt. Selbst als ihr Anteil nach 1500 noch weiter anstieg, blieb man hier
doch von „Erfurter Verhältnissen“ meilenweit entfernt. Zu berücksichtigen ist freilich
auch, daß es in Köln eine sehr viel größere Zahl von Dozenten gab.
18
Auszählung nach dem Doktorenverzeichnis der Juristenfakultät bei Friedberg E.,
Die Leipziger Juristenfakultät, ihre Doktoren und ihr Heim 1409-1909, (Festschrift zur Feier
universität, städtische politik 151

Das Jahr 1480 markiert also auch hier einen Umschwung im Verhältnis
führender Stadtbürgerschichten zur Universität. Eine Vorherrschaft an
derselben erlangten sie jedoch nicht, was sicher auch damit zusammen-
hängt, daß dort, wo die Universität an einen fürstlichen Gründer und
„Erhalter“ angelehnt war, der städtische Einuß sich in der Regel in
Grenzen halten mußte.19 In kleineren Universitätsstädten, etwa Heidel-
berg, war dieser um so mehr eingeschränkt, als es hier auch gar keine
ausreichend (nanz-)kräftige bürgerliche Elite gab.20
Unter den nach der Jahrhundertmitte gegründeten Universitäten,
die freilich nicht mehr dieselbe numerische Bedeutung erlangten wie
etwa Erfurt und Köln, nden sich weitere Stadtuniversitäten, bei denen
der Einuß des einheimischen Ratsbürgertums auf die Geschicke der
Hochschulen zuweilen deutlich erkennbar ist. Als Paradefall sei die
Universität Greifswald (nur nominell eine landesfürstliche Gründung
der Herzöge von Pommern) genannt. Deren faktischer Gründer und
großzügiger Förderer, der in Erfurt studierte Jurist Heinrich Rubenow,
entstammte einem einußreichen Greifswalder Patriziergeschlecht, ja als
Bürgermeister seiner Heimatstadt verkörperte er geradezu den auch in
Deutschland zuweilen vorkommenden Typus eines spätmittelalterlichen
„Stadttyrannen“.21 Die Juristenfakultät war auch hier von Einheimischen

des 500 jährigen Bestehens der Universität Leipzig, Bd. 2), Leipzig 1909, S. 122-127
(bis 1505). Siehe auch ebda., S. 37f. zur Herkunft der Doktoren.
19
Der Einuß der wettinischen Landesherren manifestierte sich in Leipzig insbeson-
dere in den Universitätsreformen des beginnenden 16. Jahrhunderts. – Noch deutlich
geringer als in Leipzig el in Wien der Anteil der Bürger am Geistesleben der Universität
aus, so Koller H., „Stadt und Universität im Spätmittelalter“, in: Maschke E. / Sydow J.
(Hg.), Stadt und Universität im Mittelalter und in der frühen Neuzeit, (Stadt in der Geschichte, 3),
Sigmaringen 1977, S. 9-26, hier: S. 22. Zur im allgemeinen größeren Distanz zwischen
landesfürstlichen Universitäten und den sie beherbergenden Städten siehe unten Anm. 25.
20
Vgl. hierzu Moraw P., „Heidelberg: Universität, Hof und Stadt im ausgehenden
Mittelalter“, in: Moeller B. / Patze H. / Stackmann K. (Hg.), Studien zum städtischen
Bildungswesen des späten Mittelalters und der frühen Neuzeit, (Abhandlungen der Akademie der
Wissenschaften in Göttingen, phil.-hist. Kl., 3. Folge, 137), Göttingen 1983, S. 524-552.
Er konstatiert, daß es in Heidelberg de facto keinen Aufstieg von Heidelbergern in
universitäre Führungspositionen gegeben hat (S. 550f.), sondern daß hier fürstennahe
Personen das Feld dominierten (S. 527). Beide Faktoren – das Fehlen einer potenten
Bürgerschicht und der Status der Universität als landesherrlich – wirkten hier mithin
städtischer Einußnahme entgegen.
21
So die Formulierung von Boockmann H., „Spätmittelalterliche deutsche Stadt-
Tyrannen“, in: Blätter für deutsche Landesgeschichte 119 (1983), S. 73-91. Zu Rubenow
und seiner Gründung vgl. insbes. Schmidt R., „Heinrich Rubenow und die Gründung
der Universität Greifswald 1456“, in: Lorenz S. (Hg.), Attempto – oder wie stiftet man eine
Universität. Die Universitätsgründungen der sogenannten zweiten Gründungswelle im Vergleich, (Con-
tubernium, 50), Stuttgart 1999, S. 19-34 mit unfangreichen Literaturangaben.
152 robert gramsch

dominiert, die etwa 40% der Dozenten stellten.22 Greifswald ist übri-
gens auch ein Beispiel – und nicht der einzige Fall –, daß Städte, die
eine Universität gründeten, sich zu jener Zeit gerade an Erfurt als dem
erfolgreichen Prototyp einer Stadtuniversität orientierten.23
Nach diesen Blick auf die Universitätsspitze wenden wir uns nunmehr
der Studentenschaft zu. Es sei jetzt die Gesamtheit der Immatrikulier-
ten betrachtet, welche aus Erfurt selbst, genauer: aus den führenden
Familien der Stadt stammten. Welche weitergehenden Erkenntnisse
lassen sich mit Blick auf diese Untersuchungsgruppe gewinnen? Ich
berücksichtige im folgenden insgesamt 33 patrizische Familien (in Erfurt
Gefrunden genannt) sowie 35 Familien, die ratsfähig waren und im einen
oder anderen Fall wohl auch noch zu den Gefrunden gerechnet werden
könnten. Somit dürften wohl die bedeutendsten Familien erfaßt und
eine halbwegs repräsentative Auswahl von Vertretern der Erfurter Ober-
schicht sowie der oberen Mittelschicht getroffen worden sein.24

22
11 von 28 der bei Kosegarten genannten Professoren der Rechtsfakultät für die
Zeit von der Universitätsgründung 1456 bis ins frühe 16. Jahrhundert waren gebürtige
Greifswalder. Greifswald kam ohnehin aus der regionalen Enge nie heraus, denn auch
die übrigen Dozenten stammten zumeist aus benachbarten Städten, etwa aus Stralsund,
Stettin und Kolberg. Vgl. Kosegarten J. G. L., Geschichte der Universität Greifswald mit
urkundlichen Beilagen, Bd. 1, Greifswald 1856, S. 92-99 und S. 147-150. Die regionale
Herkunft der Greifswalder Studenten behandelt ausführlich Link A., Auf dem Weg zur
Landesuniversität. Studien zur Herkunft spätmittelalterlicher Studenten am Beispiel Greifswald (1456-
1524), (Beiträge zur Geschichte der Universität Greifswald, 1), Stuttgart 2000.
23
Diese Anlehnung wird auch im Falle Basels sehr deutlich. In beiden Fällen hatten
zahlreiche Dozenten der ersten Generation in Erfurt studiert und war die Universität „ad
instar studii Erfordensis“ eingerichtet worden. Zur Gründung der Universitäten Greifswald
und Basel und deren Bezug zu Erfurt siehe Kleineidam, Univ. studii Erffordensis (Anm. 1),
Bd. 1, S. 162-176. Die ebenfalls vom Erfurter Vorbild beeinußte Gründung der Trie-
rer Hochschule (unter maßgeblicher Beteiligung des in Erfurt studierten Theologen
Johannes Leyendecker, der einer Trierer Ratsfamilie entstammte) stellt ausführlich vor
Matheus M., „Zum Verhältnis der Stadt Trier zur Universität in der zweiten Hälfte
des 15. Jahrhunderts“, in: Kurtrierisches Jahrbuch 20 (1980), S. 60-139, insbes. S. 80ff.,
wobei er gleichfalls die Bedeutung dieser – allerdings ganz unbedeutend gebliebenen –
Universität für die Angehörigen der städtischen Oberschicht betont (S. 101).
24
Eine zusammenfassende Untersuchung über die Erfurter Oberschichten des 15.
Jahrhunderts, wie sie für den hier verfolgten Zweck sehr nützlich wäre, existiert nicht,
sondern nur Einzelstudien zu verschiedenen Patrizierfamilien. Vgl. aber auch Kramm H.,
Studien über die Oberschichten der mitteldeutschen Städte im 16. Jahrhundert, 2 Bde., (Mittel-
deutsche Forschungen, 87/1 und 2), Köln / Wien 1981. Das Stadtarchiv bzw. die
Stadtbücherei Erfurt besitzen mehrere Materialsammlungen über die führenden Erfurter
Familien. Meine Zusammenstellung basiert insbes. auf den Belegen bei Benary, Vorge-
schichte (Anm. 5); Frank B., Das Erfurter Peterskloster im 15. Jahrhundert. Studien zur Geschichte
der Klosterreform und der Bursfelder Union, (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für
Geschichte, 34 = Studien zur Germania Sacra, 11), Göttingen 1973; Overmann A.
(Bearb.), Urkundenbuch der Erfurter Stifter und Klöster, Teil 2, (Geschichtsquellen der Provinz
Sachsen, 7), Magdeburg 1929 und Beyer C. (Bearb.), Urkundenbuch der Stadt Erfurt, Teil 2,
universität, städtische politik 153

In der seit 1392 lückenlos geführten Erfurter Universitätsmatrikel


lassen sich bis 1509 insgesamt 320 Vertreter dieser Familien mit einiger
Sicherheit identizieren. Damit stellten die Abkömmlinge der Erfurter
Oberschicht, welche ich der Kürze halber als „Patriziersöhne“ bezei-
chnen möchte, ziemlich genau ein Prozent der Gesamtstudentenschaft
der Universität.25 Interessant ist eine chronologische Betrachtung, wie
sie im folgenden Diagramm gegeben wird:

(Geschichtsquellen der Provinz Sachsen, 24), Halle 1897. Berücksichtigt sind folgende
Familien: Allenblumen, von Apolda, von Benstete, Bock, Bodewitz, Brambach, Brun,
Dangstorff, von Eckersberg, Emchen, Emeleben, Färber, von Frankenhausen, Friederun,
Funke, Gräfe (Grefe), Gromann, Gunderam, von Gutenshausen, von Halle, Hartmann
(von Oberingen), ( Junker von) Hirschbach, Hottermann, von Hundolf, Huttener,
Immenrod, Kellner, Kesselborn, von Kölleda (Collede), König, Kranichfeld, von
Kreuzburg, Läufer, Lange (Hugonen), Legate(n), Lengefeld, von der Marthen (Mar-
garethen), von Milwitz, von Molschleben, von Mücheln, von Mühlhausen, von Nord-
hausen, Oler, Ottera, Paradies, von Plauwe, Rabe, von Reinbothe, Rosenzweig, von
Saalfeld, von der Sachsen, von Sangerhausen, Schuller (Scholler), von Schwanring, von
Seen, von Soyken, Starke, von Stotternheim, Tennstedt (Denstedt), von Tottelstedt,
von Treffurt, Utzberg, Vitzthum (von Eckelstedt), Voilsberg (alias Vogelsburg), von
Weissensee, von Wunne(n), Ziegler und von Zimmern.
25
Gemäß einer auf Stichproben basierenden Auszählung in Schwinges, Deutsche
Universitätsbesucher (Anm. 15), S. 277 betrug im 15. Jahrhundert der Anteil aller aus Erfurt
gebürtigen Studenten an der Gesamtstudentenschaft gut 4%. Damit ist Erfurt recht gut
mit Köln vergleichbar, wo der entsprechende Anteil bei 5% lag. Einige andere Universitä-
ten (Rostock, Basel, Greifswald) kommen zwar noch auf etwas höhere Werte, hatten aber
auch eine sehr viel kleinere Besucherzahl. Auffällig ist jedenfalls, daß der Anteil der Ein-
heimischen gerade an den Stadtuniversitäten hoch war, während er in den landesfürstli-
chen Gründungen wie Wien, Heidelberg, Leipzig und Freiburg unter 3% lag. Schwinges,
ebda., S. 278, spricht denn auch von einer „unerhört wirksame(n) Distanz zwischen
Hochschule und Stadtgemeinde“, die in den letzteren Fällen zum Ausdruck kommt.
154 robert gramsch

Deutlich erkennbar wird hier der relativ bescheidene Besuch in der


Anfangsphase, dann der Aufschwung nach 1430, welcher aber zeitwei-
lig mit dem Frequenzboom nicht mithalten konnte, und zuletzt die
überdurchschnittlichen Frequenzwerte nach 1470. Die Tendenz stimmt
also mit den Ergebnissen hinsichtlich der universitären Führungs-
positionen überein. 26 Freilich ist das Maß der Variation bei den
Immatrikulationszahlen sehr viel geringer – man bedenke etwa, daß die
Patriziersöhne, die in den vier Jahrzehnten nach 1470 durchschnittlich
1,2% aller Studenten stellten, zur selben Zeit 45% aller juristischen
Lehrstühle behaupteten! Der Selektionsvorteil, den die Patriziersöhne
bei der akademischen Karriere in „ihrer“ Universität genossen, war
also gerade in dieser Spätphase ganz enorm. Bezeichnenderweise inte-
ressierten sich die Angehörigen der städtischen Oberschicht aber nur
für eine Karriere in der Juristenfakultät. Kein einziger wurde Doktor
der Theologie oder der Medizin und auch den Grad eines magister in
artibus erwarben nicht allzu viele.27
Die Gründe für diesen Selektionsvorteil sind so offensichtlich, daß
hierüber nicht viele Worte zu verlieren sind. Sobald Angehörige der
Erfurter Oberschicht überhaupt ein Interesse an einer akademischen
Laufbahn bekundeten, wurden ihnen von der Korporation, die auf die
Interessen des Rates eingeschworen war und die in vielerlei Hinsicht

26
Unter Berücksichtigung von 60 nur unsicher als Erfurter zu identizierenden Per-
sonen ergibt sich ein etwas anderes Bild, da dann die Unterrepräsentanz der Erfurter
Patriziersöhne in den ersten Jahrzehnten nach Universitätsgründung weniger deutlich
hervortritt. Die meisten unsicheren Belege fallen nämlich in diese frühe Zeit, da die in
der Matrikel verwendeten Namensformen zu diesem Zeitpunkt weniger Eindeutigkeit
aufweisen als später. Allerdings sind viele dieser Belege wirklich als sehr unsicher ein-
zustufen, etwa wenn wir es mit häugen cognomina zu tun haben (Bock, Färber, Grefe)
ohne daß eine Herkunftsbezeichnung eine Identizierung ermöglicht, oder wenn
Erfurter Patrizierfamilien als cognomen einen Herkunftsnamen führen (von Kreuzburg,
von Nordhausen) und bei entsprechend benannten Personen eher zu vermuten steht,
daß sie wirklich aus dem genannten Ort kamen.
27
Vgl. hierzu die Doktoren- und Magisterverzeichnisse der Universität, ediert in
Kleineidam, Univ. Studii Erffordensis (Anm. 1), Bd. 1, S. 389-449 und Bd. 2, S. 351-374.
23 Personen (= 7,2%) erwarben den Magistertitel, womit die Erfurter Patriziersöhne
reichlich das Doppelte der durchschnittlichen Magisterquote (3,4%) erreichten. Sogar
unterdurchschnittlich fällt ihre Bakkalarenquote aus – siehe unten. Bei den Medizinern
sind unter insgesamt 35 Professoren vier Erfurter, doch stammen diese alle aus zweit-
rangigen Familien. Unter den 106 Professoren im Doktorenverzeichnis der Theologen
bis 1510 benden sich, soweit feststellbar, zwei Erfurter, unter denen sich ebenfalls
kein Patriziersohn bendet (allerdings steigt die Zahl der aus Erfurt stammenden
Theologen im Jahrzehnt nach 1510 bedeutend an). Dasselbe Phänomen begegnet uns
auch in Köln, wo die Universitätsstädter nur 5% der Lehrer der Artisten- und der
Theologenfakultät stellten, 10% der Mediziner, aber 15% der Juristen, vgl. Meuthen,
Universität Köln (Anm. 1), S. 80.
universität, städtische politik 155

von seinem Wohlwollen abhing, die Wege geebnet. Der Anteil von
Gratisimmatrikulationen bei den Patriziersöhnen beispielsweise beträgt
ein gutes Sechstel – ein Vielfaches des Üblichen.28 Zur Begründung
heißt es etwa bei der Immatrikulation des Heinrich Brambach 1434 mit
entwaffnender Offenheit: „gratis, quia lius cuiusdam potentis de consulatu
Erffordensis“.29 Und nachdem erst einmal Erfurter in die universitären
Führungspositionen aufgestiegen waren, konnten sie bequem ihnen
Nahestehende nachziehen. In den Rektoratsjahren von Erfurtern
häufen sich mithin die Einschreibungen von Patriziersöhnen und zwar
oftmals gleich in ganzen Gruppen.30 Auch ging der Wandel in der
Zusammensetzung des Lehrkörpers der Juristenfakultät mit einer bemer-
kenswerten Veränderung des Promotionsverhaltens seiner Doktoren
einher: Während bis 1470 die Mehrheit der Professoren an auswär-
tigen Universitäten und insbesondere in Italien promoviert wurden,
überwogen nach 1470 die „Hauspromotionen“ ganz entschieden.31
Dies war zwar eine (in Deutschland) ubiquitäre Erscheinung (welche
in Erfurt sogar erst verzögert einsetzte), sie trug aber gerade hier zur
Majorisierung der Rechtsfakultät durch Angehörige der einheimischen
Oligarchie bei.32 „Vetternwirtschaft“ von der Immatrikulation bis zur
Promotion – nicht das Phänomen an sich war das Neue, sondern die
Ausschließlichkeit, mit der sie in Erfurt zugunsten der Einheimischen
wirkte.33 Dies kann der Attraktivität der Hochschule auf auswärtige
Besucher auf Dauer schwerlich zuträglich gewesen sein und war somit

28
Vergleichbares begegnet an anderen Universitäten, etwa in Köln, siehe Schwinges,
Deutsche Universitätsbesucher (Anm. 15), S. 423.
29
Weissenborn, Acten (Anm. 2), Bd. 1, S. 162/21.
30
Vgl. hierzu etwa den ersten Matrikeleintrag zum Wintersemester 1496 unter dem
Rektor Martin von der Marthen, vgl. Weissenborn, Acten (Anm. 2), Bd. 2, S. 194/
13-20: „Herbordus, Gerlacus, Wolfgangus, Leo – fratres Margrithensis familie; agnati dni. rectoris
tm., Bertoldus, Johannes – Molhusensis familie, lii sororis dni. rectoris tm., Henricus, Hermannus –
Dangstorffensis familie; lii sororis dni. rectoris tm.“. Unter Johannes Reinboth immatrikulierten
sich im Wintersemester 1506 gemeinsam zwei Reinbothes, drei Ziegler, zwei Starcks
und noch zehn weitere Erfurter (Weissenborn, ebda., S. 247/25-248/16).
31
Gramsch, Erfurter Juristen (Anm. 7), S. 173-186, insbes. S. 185f.
32
Zum Vergleichsfall Köln siehe Schwinges, Deutsche Universitätsbesucher (Anm. 15),
S. 387. Schwinges betont völlig zu Recht, daß eine derartige „Einigelung“ der Qualität
der Lehre auf die Dauer eher abträglich gewesen sein muß.
33
Auffällig ist im übrigen, daß die Erfurter Patriziersöhne sich zwar zu einer Kar-
riere als Rechtslehrer in Erfurt herbeiließen, daß sie aber ein auswärtiges Engagement
in der Regel scheuten – also weder als Rechtslehrer an andere Universitäten gingen,
noch andere Juristenberufe, etwa im kirchlichen Bereich (Kurientätigkeit, geistliche
Gerichtsbarkeit) oder als Gelehrte Räte weltlicher Fürsten, anstrebten. Ihre beruiche
Fixierung auf Erfurt unterstreicht ebenfalls die Sonderstellung, die diese Gruppe
innerhalb der Erfurter (Rechts-)Studenten einnimmt.
156 robert gramsch

vielleicht mit ursächlich für die (etwa im Vergleich zu Köln oder Leip-
zig) verfrüht – nämlich schon lange vor 1500 – einsetzende Krise (Sta-
gnationsphase) der Erfurter alma mater.
Doch diente die Hochschule den Patriziersöhnen mitnichten nur
als ein Ort, wo sie, wie es Peter Moraw ausdrückt, auf recht bequeme
Weise „ökonomisch unterbaute in akademisch unterbaute Positionen“
umwandeln konnten.34 Es ist im Gegenteil eher auffällig, wie viele
Studenten aus der Untersuchungsgruppe akademisch völlig konturlos
bleiben. Der Anteil derer, die den niedrigsten Grad eines Bakkalaren der
Artes erwarben, ist gegenüber der Gesamtstudentenschaft sogar deutlich
unterdurchschnittlich und die, die diesen Grad erwarben, brauchten bis
dahin zudem auch im Schnitt mindestens 1 bis 1½ Jahre länger als
üblich.35 Die Ursache für dieses Phänomen wird darin zu suchen sein,
daß viele Patriziersöhne die Universität nur aufgrund der sich bietenden
günstigen Gelegenheit und ohne weitergehende Ambitionen aufsuchten,
praktisch nur als eine Art Schulersatz bis zur Rückkehr ins bürgerliche
Leben. Die höhere Studierdauer der Bakkalaren wird sich in diesem
Sinne dahingehend deuten lassen, daß sich Angehörige der Erfurter
Oberschicht häug deutlich früher als im üblichen Studieneintrittsalter
von 16 bis 17 Jahren immatrikulieren ließen.36
In welch starkem Maße sich das Universitätsstudium des männlichen
Nachwuchses in einigen Familien einbürgerte, zeigt sich bei einigen

34
Moraw, Heidelberg (Anm. 20), S. 551.
35
Die Bakkalarenquote innerhalb der Untersuchungsgruppe beträgt knapp 25%
gegenüber 30% innerhalb der Gesamtstudentenschaft. Die durchschnittliche Studien-
dauer bis zum Bakkalariat beträgt für die 79 Erfurter Patriziersöhne 4,4 Jahre gegenüber
normalerweise 2-3 Jahren. Die Vergleichswerte für die Gesamtstudentenschaft ergeben
sich aus Schwinges R.C. / Wriedt K. (Hg.), Das Bakkalarenregister der Artistenfakultät der
Universität Erfurt 1392-1521, (Veröffentlichungen der Historischen Kommission für
Thüringen, Große Reihe, 3), Jena / Stuttgart 1995, S. XXXII und S. XV.
36
Zum durchschnittlichen Studieneintrittsalter vgl. Gramsch, Erfurter Juristen (Anm.
7), S. 188ff. mit weiterer Literatur. Besonders extreme Fälle unter den Erfurter Patrizier-
söhnen sind Johannes Brambach, immatrikuliert 1444, der 1455 das Bakkalariatsexamen
ablegte und 1461 auch Magister wurde sowie Heinrich Brun, immatrikuliert 1460 und
zum Bakkalaren promoviert 1477, vgl. (zu Brambach) Weissenborn, Acten (Anm. 2),
Bd. 1, S. 199/1; Schwinges / Wriedt, Bakkalarenregister (Anm. 35), S. 97/121.47 und
Kleineidam, Univ. Studii Erffordensis (Anm. 1), Bd. 1, S. 449 und (zu Brun) Weissenborn,
ebda., S. 280/24 und Schwinges / Wriedt, ebda., S. 186/186.25. Auffällig ist auch der
große Unterschied in der Quote der Gratisimmatrikulationen: Während die innerhalb
von maximal 4 Jahren zum Bakkalar promovierten Patriziersöhne eine nur leicht über-
durchschnittliche Quote der Gratisimmatrikulationen von 4% aufweisen, liegt diese
Quote bei den langzeitstudierten Bakkalaren bei 21%! Kinder konnten offenbar eher
auf einen Gebührennachlaß hoffen.
universität, städtische politik 157

Familien, die besonders zahlreiche Studenten stellten. Kontingente


von mehr als 15 Studenten entsandten vier Geschlechter – darunter
die Ziegler als einsame Spitzenreiter gleich 40 –,37 weitere vier stellten
mehr als 10 Studenten.38 Sofern bei diesen Familien Näheres zur
Genealogie bekannt ist, zeigt sich, daß hier spätestens im letzten Drittel
des 15. Jahrhunderts fast der gesamte männliche Nachwuchs studierte,
wenn auch oft ohne größere Ambitionen.39 Auf der anderen Seite
gibt es insbesondere unter den älteren Ratsfamilien einige, die im 15.
Jahrhundert gar nicht oder fast nicht an der Universität „zum Zuge
kamen“.40 Letzteres mag zuweilen in den generativen Verhältnissen
seine Begründung nden, es steht aber auch zu vermuten, daß sich
in diesen starken Differenzen unterschiedliche Bildungsgewohnheiten
der Familien manifestierten, schwankend zwischen den Polen großer
Universitätsnähe und -ferne. Wer von der Universität protierte, war
dabei durchaus auch bereit, etwas zu geben, wie es sich bei der Ver-
gabe von Altarbenezien, die sich unter dem Patronat einheimischer
Ratsgeschlechter befanden, zeigt.41 Es läßt sich nämlich feststellen, daß
in vielen Fällen die Pfründen an Universitätslehrer, darunter häug
Nicht-Erfurter, vergeben wurden.42

37
Dies sind die Familien Milwitz (16), von der Sachsen (19), von Tennstedt (20)
und Ziegler (40).
38
Dies trifft für die Familien Kellner (13), von Paradies (10), Reinboth (12) und
Starcke (10) zu. In allen diesen Fällen, mit der Ausnahme der Familie von Paradies,
entfallen mindestens die Hälfte der Immatrikulationen auf das letzte Drittel des hier
betrachteten Zeitraums, also auf die Zeit nach 1470.
39
So haben beispielsweise in der Vatergeneration des Doktor Günther Milwitz (der
sein Studium 1454 begann) zwei von drei Brüdern studiert, in seiner eigenen Gene-
ration waren es von vier Brüdern (ihn selbst mitgerechnet) drei und von seinen fünf
Söhnen studierten vier. Aus der Familie der Huttener studierten 9 von 15 männlichen
Nachkommen (bis 1500) und auch bei der Familie Kellner beträgt der Anteil der stu-
dierten Söhne etwa zwei Drittel. Vgl. hierzu Scholle J., Das Erfurter Patriziergeschlecht von
Milwitz, (Erfurter Genealogischer Abend), Erfurt 1931; Billig W., „Adolarius Huttener
(1481-1560), berühmter Verfechter der Reformation in Erfurt und fünf Generationen
seiner Vorfahren“, in: Familienforschung in Mitteldeutschland, Bd. 44, Heft 3, Berlin 2003,
S. 141-152 sowie Biereye W., „Die Familie Kellner in Erfurt“, in: Mitteilungen des Vereins
für Geschichte und Altertumskunde von Erfurt 26 (1905), S. 83-103.
40
So etwa die von Legaten, die von Seen oder die Friederun.
41
Vgl. hierzu die Aufstellung bei Feldkamm J., „Das Benecial- oder Vicarienbuch
von Erfurt“, in: Mitteilungen des Vereins für Geschichte und Altertumskunde von Erfurt 30/31
(1909/10), S. 45-226, passim.
42
So präsentierten die von der Sachsen, die man zu den universitätsnahen Familien
zählen kann – sie stellten neben ihren 19 Studenten auch zwei Rechtslehrer und zweimal
den Rektor der Universität –, auf eine Vikarie in der Pfarrkirche St. Matthias zwischen
158 robert gramsch

Versuchen wir, nach dieser statistischen Übersicht, uns nunmehr dem


letzteren, intentionalen Aspekt zu nähern, der anhand der bisherigen
Forschungs- und wohl auch der Quellenlage schwerer zu erhellen ist.
Was versprachen sich die einzelnen Patrizierfamilien, was erwartete der
Rat insgesamt von der Universität?43
Eine erste wichtige Aussage läßt sich mit Blick auf das Gründungs-
geschehen und die erste Phase der Universitätsgeschichte bis 1430
formulieren, daß nämlich ein akuter Bedarf nach akademischen
Bildungsangeboten für den eigenen Nachwuchs offensichtlich zunächst
nicht bestand. Als das Angebot da war, wurde es lange Zeit nur begrenzt
genutzt, was sich erst um 1430 in signikanter Weise änderte. Auch
eine Hebung des Bildungsniveaus seines Verwaltungspersonals, etwa
in der Kanzlei, wird der Rat schwerlich im Blick gehabt haben, denn
die Erfurter Protonotare blieben bis zum Jahre 1437 ungraduiert.44
Von irgendwelchen Aktivitäten etwa von Erfurter Rechtslehrern im
Dienste der Stadt ist bis zu dieser Zeit nichts von Belang bekannt.
Der bildungspolitische Nutzen war also ein rein sekundärer Effekt – er
kann mithin auch bei der Gründung der Universität nicht so sehr im
Zentrum der Überlegungen des Rates gestanden haben.
Von sicherlich nicht zu unterschätzender Bedeutung war der wirt-
schaftliche Aspekt. 45 Die Erfurter mögen hierfür ein besonderes

1460 und 1500 zwei Universitätslehrer, die einem einußreichen Netzwerk westfälischer
Kleriker angehörten, dann den Dortmunder Patriziersohn, Juristen und Dekan von St.
Kunibert zu Köln Dietmar Berswort und zuletzt einen weiteren aus Halle stammenden
Rechtslehrer. Nur einmal wurde diese Pfründe an einen sonst Unbekannten vergeben.
Feldkamm, ebda., S. 110f. Siehe auch Gramsch, Erfurter Juristen (Anm. 7), S. 301.
43
Zu den Intentionen der Universitätsgründer und -träger vgl. neben der in Anm. 1
genannten Literatur auch etwa die Überblicksdarstellung von Schubert E., „Motive und
Probleme deutscher Universitätsgründungen des 15. Jahrhunderts“, in: Baumgart P. /
Hammerstein N. (Hg.), Beiträge zu Problemen deutscher Universitätsgründungen der frühen Neu-
zeit, (Wolfenbütteler Forschungen, 4), Nendeln / Liechtenstein 1978, S. 13-74; ferner
die Beiträge in den Sammelbänden von Schmidt, Fundatio (Anm. 8) und Lorenz (Hg.),
Attempto (Anm. 21).
44
Vgl. hierzu Schmidt, Kanzlei Erfurt (Anm. 5).
45
Auch wenn es hierzu an Quellenaussagen gänzlich fehlt, muß ein solcher Aspekt –
die Hoffnung, hunderte zahlungskräftige Studenten nach Erfurt zu ziehen – doch wohl
die Beachtung des Rates gefunden haben. Im Vorfeld der Gründung der Universität
Basel (1459) ist neben anderen Motiven der zu erwartende wirtschaftliche Nutzen
durch den Stadtschreiber Konrad Kienlin deutlich herausgestrichen worden, vgl.
Walther H.G., „Gelehrtes Recht, Stadt und Reich in der politischen Theorie des Basler
Kanonisten Peter von Andlau“, in: Boockmann H. / Moeller B. / Stackmann K. (Hg.),
Lebenslehren und Weltentwürfe im Übergang vom Mittelalter zur Neuzeit, (Abhandlungen der
AdW in Göttingen, Phil-hist. Klasse, 3. Folge, Nr. 179), Göttingen 1989, S. 77-111, hier
universität, städtische politik 159

Gespür besessen haben, denn ihre Stadt hatte schon seit dem späten
13. Jahrhundert bis circa 1360 ein studium generale von überregionaler
Anziehungskraft (wenn auch ohne den Status einer privilegierten Uni-
versität) besessen, dessen Magister dann aber nach Prag abgewandert
waren.46
Hieran mochte man sich 1379/92 erinnern, doch hat man bezeich-
nenderweise an die Organisationsformen des alten Studiums nicht
wieder angeknüpft, welches institutionell an die Schulen der größten
geistlichen Institutionen der Stadt, insbesondere der Stifter St. Marien
und St. Severi angebunden gewesen war. Gerade deswegen verbietet es
sich, in der Erfurter Gründung die bloße Fortschreibung des alten studium
generale zu sehen –47 sie war nunmehr eine primär städtische Angelegen-
heit, auch wenn in der Folgezeit viele Stiftskanoniker auch Universi-
tätsmitglieder waren.48 Die Mittlerstellung der Universität zwischen der
Stadt und den kirchlichen Institutionen ist meines Erachtens bisher zu
wenig beachtet worden. Es scheint mir angesichts der Umstände der
Universitätsgründung, welche im Zeichen einer Auseinandersetzung um
den Mainzer Erzbischofsstuhl erfolgte,49 sogar sehr wahrscheinlich zu
sein, daß den Rat ursprünglich vor allem kirchenpolitische Erwägun-
gen dazu veranlaßten, eine Universität zu gründen. Damit wurde ein
Gegengewicht gegen die lange Zeit strukturell eher gegen die Ratspolitik
ausgerichteten Stifter geschaffen und letztlich ein Einfallstor, um über
Personalpolitik den Domberg besser kontrollieren zu können.50

S. 92. Vgl. auch etwa Schubert E., „Zusammenfassung“, in: Lorenz (Hg.), Attempto
(Anm. 21), S. 237-256, hier: S. 248f.
46
Lorenz S., Studium Generale Erfordense. Zum Erfurter Schulleben im 13. und 14. Jahrhundert,
(Monographien zur Geschichte des Mittelalters, 34), Stuttgart 1989.
47
So sah es Rexroth, Universitätsstiftungen (Anm. 1), S. 183.
48
Vgl. hierzu Gramsch, Erfurter Juristen (Anm. 7), S. 353-359.
49
Zu den Ereignissen des Mainzer Bistumsstreits (1373-81) vgl. insbes. die eingehen-
den Darstellungen von Vigener F., Kaiser Karl IV. und der Mainzer Bistumsstreit 1373-1378,
Trier 1908 und Gerlich A., „Die Anfänge des Großen abendländischen Schismas und
der Mainzer Bistumsstreit“, in: Hessisches Jahrbuch für Landesgeschichte 6 (1956), S. 25-76;
ferner Jürgensmeier F. (Hg.), Handbuch der Mainzer Kirchengeschichte, Bd. 1/1: Christliche
Antike und Mittelalter, (Beiträge zur Mainzer Kirchengeschichte, 6/1), Würzburg 2000,
S. 482-487; bzgl. der Stellung Erfurts auch Beyer / Biereye, Erfurt (Anm. 5), S. 118 u.
ff.; Kleineidam, Univ. Studii Erffordensis (Anm. 1), Bd. 1, S. 8-11 sowie Patze H. / Schle-
singer W., Geschichte Thüringens, Bd. 2: Hohes und spätes Mittelalter, Teil 1, (Mitteldeutsche
Forschungen, 48/II.2), Köln / Wien 1974, S. 107 u. ff.
50
Diesen Punkt näher zu erweisen muß der in Anm. 8 angekündigten Publikation
zur Erfurter Universitätsgründung überlassen bleiben.
160 robert gramsch

Erinnert sei in diesem Zusammenhang auch an die Schulstreite,


die im 14. und 15. Jahrhundert in verschiedenen deutschen Städten
stattfanden.51 Wenn die dortigen Stadträte, die mit der Errichtung städ-
tischer Schulen den vehementen Widerstand ortsansässiger geistlicher
Institutionen als den bisherigen Schulträgern provozierten, exorbitante
Geldsummen zur Durchsetzung ihrer Projekte verpulverten,52 so drängt
sich der Verdacht auf, es sei den Stadtvätern eben nicht bloß um einen
Ausbau des Schulwesens gegangen. Vielmehr scheint die Brechung
des kirchlichen Schulmonopols und damit der Zugewinn an gewisser-
maßen „staatlicher“ Regelungskompetenz im Zentrum ihrer Interessen
gestanden zu haben. In Erfurt konnte man auf eine solche Konfronta-
tion verzichten – vielmehr kam es zu einer Aufgabenteilung zwischen
den stiftischen „Grundschulen“ und der städtischen Universität.
Quasi-reichsstädtisches Prestigedenken wie auch kirchenreforme-
rischer und frommer Impetus als weitere Motive, die in den Quellen
wie in der Literatur für Universitätsgründungen namhaft gemacht
werden,53 wird man auch in Erfurt in Anschlag bringen können. Daß
man sich mit der Universität als einem „erlichts cleinod“ schmückte, ist
ein gängiger Topos, dessen Verwendung für Erfurt ausdrücklich bezeugt
ist.54 Freilich stellt sich auch hier die Frage, ob die Ratsbürgerschicht

51
Eine Gesamtübersicht über spätmittelalterliche Schulstreite fehlt, soweit ich sehe.
Hier seien nur einige Beispiele genannt: Kintzinger M., Das Bildungswesen in der Stadt
Braunschweig im hohen und späten Mittelalter, (Beiheft zum Archiv für Kulturgeschichte,
32), Köln / Wien 1990, S. 230-338 behandelt detailliert den bis vor das Konzils- bzw.
Kuriengericht getragenen Braunschweiger Schulstreit (1415-1420). Zum Schulstreit in
Nordhausen (1319-1326), bei dem sich der Streit um die Schule mit der Auseinanderset-
zung um die geistliche Gerichtsbarkeit und innerpolitischen Umwälzungen verband, vgl.
Silberborth H., Geschichte der Freien Reichsstadt Nordhausen, (Das tausendjährige Nordhausen,
1), Nordhausen 1927, S. 112-117. Ein Hinweis auf einen Schulkonikt in Rothenburg
ob der Tauber (14. Jahrhundert) ndet sich bei Endres R., „Das Schulwesen in Franken
im ausgehenden Mittelalter“, in: Moeller B. / Patze H. / Stackmann K. (Hg.), Studien
zum städtischen Bildungswesen des späten Mittelalters und der frühen Neuzeit, (Abhandlungen der
Akademie der Wissenschaften in Göttingen, phil.-hist. Klasse, 3. Folge, 137), Göttingen
1983, S. 173-213, hier: S. 175 (mit weiterer Literatur).
52
Die auf beiden Seiten hohen Aufwendungen für den Konzils- bzw. Kurienprozeß
dokumentiert im Falle Braunschweig Kintzinger, Bildungswesen (Anm. 51), S. 277 und
312ff. Die Ausgaben summierten sich demnach insgesamt (unter Einschluß weiterer
causae, die sich mit der Schulangelegenheit verbanden) auf mehrere tausend Gulden –
ganz außerordentlich hohe Beträge, wenn wir sie etwa ins Verhältnis setzen mit dem
zu erwartenden jährlichen „Umsatz“ einer solchen Institution (Schulgebühren und
dergleichen).
53
Vgl. etwa Rexroth, Universitätsstiftungen (Anm. 1), passim sowie Schubert, in: Lorenz
(Hg.), Attempto (Anm. 21), S. 251-256.
54
Weiss, Die frommen Bürger (Anm. 1), S. 54.
universität, städtische politik 161

sich dieses Juwels in der Gründungszeit schon in dem Maße bewußt


war – das Studierverhalten des städtischen Patriziats zeigt, wie gesagt,
eine eher langsame Annäherung an die Universität. Bis dahin waren
es eher „fremde Federn“, mit denen man sich schmückte.
Der Zuspruch, den die Universität seitens der führenden städtischen
Bürgerschichten im 15. Jahrhundert gewann, bildet ein deutliches Indiz
für das im ganzen gute und immer besser ( ja irgendwann geradezu „zu
gut“) aufeinander eingespielte Verhältnis von Stadt und Universität
Erfurt im Spätmittelalter. Haben die Stadtväter die Universität zunächst
vor allem unter kirchenpolitischen und wohl auch wirtschaftlichen und
Image-Gesichtspunkten zu schätzen gewußt, so kam im 15. Jahrhundert
die Erkenntnis dazu, daß die Universität auch bildungspolitisch für die
eigene Bürgerschaft ein Segen war und den Abkömmlingen der städt-
ischen Führungsschicht ein standesgemäßes neues Betätigungsfeld öffnete.
Von großen Krisen im Verhältnis zwischen Universität und Stadt verlau-
tet denn auch über das 15. Jahrhundert hinweg relativ wenig.55 Freilich
blieb am Ende des hier gewählten Untersuchungszeitraums ein herber
und dauerhafter Rückschlag nicht aus: Als die Stadt zu Beginn des 16.
Jahrhunderts in eine schwere politische und Finanzkrise geriet, nahm
auch die Universität Schaden.56 Und als Erfurt nach der Reformation
zwischen die Mühlsteine des konfessionellen Gegensatzes geriet, stürzte
die Universität endgültig in die Bedeutungslosigkeit. Mag diese Dauer-
krise auch primär der Insellage der katholisch gebliebenen Universität
in einem protestantischen Umfeld geschuldet gewesen sein, so läßt sich
als Ergebnis unserer Untersuchung auch die Vermutung äußern, daß
die Zeichen für Stadtuniversitäten in der anbrechenden Neuzeit generell
schlecht standen:57 Eine Universität, die in die Hände einer städtischen
Oligarchie el, ohne daß die Möglichkeit wirkungsvoller reformerischer

55
Vgl. hierzu die Studie von Abe H.R., „Die mittelalterliche Universität Erfurt
im Spiegel der zeitgenössischen Chroniken des Hartung Cammermeister (gest. 1467)
und des Conrad Stolle (1505)“, in: Beiträge zur Geschichte der Universität Erfurt 3, 2. Au.,
Erfurt 1962, S. 7-18.
56
Zu den städtischen Unruhen von 1509/10, die von einer Plünderung des Großen
Universitätskollegs durch Landsknechte und Bürger begleitet waren, vgl. Neubauer
Th., Das tolle Jahr von Erfurt (hg. v. M. Waehler), Weimar 1948; Kleineidam, Univ. Studii
Erffordensis (Anm. 1), Bd. 2, S. 184-188. Eine ähnliche gewalttätige Auseinandersetzung
zwischen Studenten und Stadtbewohnern ist für 1513/14 auch in Wien bezeugt, vgl.
Maisel Th., „Der ‘Lateinische Krieg’. Eine studentische Revolte des frühen 16. Jahr-
hunderts in Wien“, in: Historische Anthropologie 3 (1995), S. 389-411.
57
Zu den strukturellen Gründen für den Bedeutungsverlust Erfurts vgl. auch Klein-
eidam, Univ. Studii Erffordensis (Anm. 1), Bd. 2, S. 4ff. und S. 21.
162 robert gramsch

Anstöße „von außen“, also seitens eines Fürsten bestand, zudem in


ihrem Einzugsbereich im Zeitalter der Territorialisierung reduziert auf
das eigene städtische Hinterland, besaß eben nicht mehr die Perspek-
tiven, die eine Stadtuniversität im noch relativ „entwicklungsoffenen“
15. Jahrhundert gehabt hatte.
ÉVÊQUE ET CHANOINES DANS UNE
UNIVERSITÉ D’ÉTAT : LE CAS DE PADOUE DANS
LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVE SIÈCLE

E. Martellozzo Forin

Maintenir une université à Padoue fut un des trois engagements essen-


tiels que les Padouans demandèrent à la seigneurie vénitienne pour
négocier la reddition de la ville le 18 novembre 1405. La réponse fut
prompte : il fut promis que l’on prendrait toutes les mesures nécessaires
« pro amplicatione Studii ». Ce n’étaient pas des mots vides, mais un
pacte : dès cet instant l’histoire de l’université de Padoue devait rester
liée à l’État vénitien et la culture universitaire padouane, aussi bien
dans le champ juridique que dans le champ scientique, allait devenir
une espèce de marque de fabrique caractérisant une bonne partie de
la culture vénitienne du Rinascimento.
La construction d’un rapport, qui devait devenir identication, ne fut
cependant pas immédiate ni facile : elle fut le résultat d’un long chemin,
parcouru par des étapes tantôt lentes tantôt rapides, avec quelques arrêts
et, parfois, quelques tentatives de retour en arrière.
A la n de l’époque des Carrare, l’université avait atteint une maturité
qui la mettait au même niveau que l’Alma mater bolonaise ; il fallait au
moins maintenir les niveaux atteints. Le problème était complètement
nouveau pour le gouvernement vénitien : la ville lagunaire était en
effet riche d’une foule de maîtres privés de grammaire, de rhétorique
et d’abaque, mais il n’existait pas d’école publique1.
Dès le début, deux états d’esprit dans le patriciat vénitien s’opposèrent
sur les mesures à prendre. Le premier groupe commençait à entrevoir
dans le développement de l’université principalement une occasion
de gain. Les nobles vénitiens qui siégeaient au gouvernement avaient
conquis, depuis de nombreuses décennies, richesses et pouvoir et avaient

1
Bertanza E.-Dalla Santa G., Documenti per la storia della cultura in Venezia, I (Venezia :
1907 = Vicenza : 1993) ; Nardi B., “Letteratura e cultura veneziana del Quattrocento”
e “La scuola di Rialto”, in Nardi B., Saggi sulla cultura veneta del Quattro e Cinquecento, a
cura di Mazzantini P. (Padova : 1971), 3-98 ; Grendler P. F., La scuola nel Rinascimento
italiano (Roma-Bari : 1991), 71 ; Ortalli G., Scuole e maestri tra Medioevo e Rinascimento. Il
caso veneziano (Bologna : 1996).
164 e. martellozzo forin

continué à développer les premières pour afrmer le second ; ils rele-


vaient de ce trait du banquier Priuli, qui avait annoté dans ses Diarii :
« Le premier habitant de cette ville est l’argent » ; ils savaient lire avec la
même perspicacité les relations de voyage, les dépêches diplomatiques
et les comptes rendus économiques et les interpréter, en saisissant les
tendances des tracs et en les pliant à leurs propres intérêts : le monde
était pour eux écrit en nombres, en ducats d’or de préférence. Le second
groupe était formé de ceux dont la personnalité s’était enrichie et afnée
dans les pages des manuscrits de la littérature médiévale et classique et
qui avaient reçu une éducation universitaire à Padoue, à Bologne ou
à Paris : ils n’étaient pas très nombreux mais, déterminés et habiles, ils
manifestèrent dès le debut une vigilante attention aux problèmes d’une
université dans une ville qui avait terriblement souffert de la guerre
et de la pestilence qui avaient divisé par deux la population et qui se
trouvait à faire le bilan d’un tissu culturel, économique et social déchiré
en biens des points.
Quelques patriciens appartenant à ce second groupe, dont Zaccaria
Trevisan en tout premier lieu, surent lier et conjuguer les nécessités réel-
les de la societé padouane et les intérêts concrets du patriciat vénitien
pour prendre en main la situation et la canaliser habilement vers le but
espéré de renouvellement et d’« amplication2 ». Le Trevisan suggéra
d’appeler de nouveaux professeurs, bien formés et appréciés d’une masse
estudiantine habituée à exiger le meilleur, dans la certitude que les ferti-
les greffes auraient entraîné les fraîches pousses estudiantines, s’assurant
ainsi que « introitus nostri augebuntur3 ». De cette façon, il avait joué
sur le juste registre : l’intérêt culturel de ce groupe allait parfaitement
s’ajuster à l’intérêt économique de l’autre. Et la politique en faveur de
université décolla, même si la conduite du gouvernement vénitien fut
certainement inspirée de critères d’opportunité économique qui porta
à une gestion prudente, parfois trop prudente, au point de susciter des
protestations réitérées de la part des étudiants : en 1413, un recteur des
étudiants de droit, qui avait compris comment convaincre ces nobles
vénitiens – que le vieux maître Giovanni Conversini avait fustigés d’une
phrase : « vous traitez la culture de la même façon que vous le faites avec

2
Priuli G., I diarii, in Rerum Italicarum Scriptores, a cura di Cessi, XXIV (Città di
Castello-Bologna : 1912-41) p. III.
3
De Sandre G., “Dottori, Università, Comune a Padova nel Quattrocento”, Quaderni
per la storia dell’Università di Padova I (1968), 17.
évêque et chanoines dans une université d’état 165

le poivre et le safran4 » – proposa d’utiliser la recette du datium meretricum


publicarum pour augmenter le salaire du professeur Raffaele Fulgosio
et pour engager un célèbre enseignant de droit canon ; et il les avertit
que la coutume des étudiants était de suivre les professeurs célèbres et
que, s’il n’était pas répondu à leur appel, « tout l’argent dépensé pour
l’université aurait été jeté aux orties5 ».
Par la poussée économique d’un côté, par la motivation culturelle de
l’autre, les nancements à l’université arrivèrent : ils ne furent jamais
aussi élevés que les étudiants l’auraient désiré, toutefois ils furent tou-
jours ponctuels, même en cas de guerres, garantis comme ils l’étaient
par la recette des Chambres scales non seulement de Padoue et de
la campagne, mais encore de trois des villes les plus importantes de la
Terre ferme, avec un système de nancement « entièrement original
dans une Italie où les universités maintinrent toujours un fort caractère
municipal6 ».
Autant d’écoliers signiaient autant d’entrées. Augmenter le nombre
d’étudiants fut une préoccupation qui s’imposa vite à l’attention du
gouvernement vénitien; on chercha, pragmatiquement, à trouver la voie
la plus rapide, en défendant aux sujets de la République de fréquenter
d’autres universités que celle de Padoue. Cette règlementation bureau-
cratique était une arme à double tranchant : si elle assurait un nombre
élevé d’usagers, elle empêchait cependant le libre choix de suivre les
leçons des professeurs les plus aguerris, dans quelque université qu’ils
ssent cours. Proposée à l’automne 1406, la loi fut repoussée par quatre
votes en Sénat. Mais l’année suivante, elle fut approuvée : elle répon-
dait à la ligne politique vénitienne générale tendant à l’administration
unitaire du nouvel état territorial, mais plus encore à la nécessité de
défendre avec des mesures protectionnistes l’institution universitaire de
la concurrence, alors très vive, des autres universités italiennes7. Même
si pendant longtemps cette règle ne fut pas appliquée rigidement, étant

4
Sabbadini R., Giovanni da Ravenna insigne gura d’umanista (1343-1408) (Como :
1924), 194 ; De Sandre (1968), 19 ; Gallo D., Università e Signoria a Padova dal XIV
al XV secolo (Trieste : 1998), 60.
5
Dupuigrenet Desroussilles F., “L’Università di Padova dal 1405 al Concilio di
Trento”, in Storia della cultura veneta, vol. III. Dal primo Quattrocento al Concilio di Trento, II
(Vicenza : 1980), 612.
6
Dupuigrenet Desroussilles (1980), 618.
7
G. Sandre (1968), 18-19 ; Dupuigrenet Desroussilles (1980), 611 ; Girgensohn D.,
“Studenti e tradizione delle opere di Francesco Zabarella nell’Europa centrale”, in
Studenti, Università, città nella storia padovana, a cura di Piovan F.-Sitran Rea L. (Trieste :
2001), 146-148.
166 e. martellozzo forin

donné que l’on trouvait des étudiants vénitiens et de Vénétie dans


autres universités italiennes, toutefois il est clair que, en règle générale,
il s’était instauré un régime de substantiel monopole de l’instruction
universitaire dans le domaine de la République vénitienne8.
Le moyen le plus sûr pour attirer beaucoup d’étudiants était l’em-
bauche de professeurs célèbres. Ce fut cette politique des chaires qui
expliqua une action attentive de gouvernement. Les nouveaux maîtres
vénitiens maintinrent apparemment un système tripolaire de recrute-
ment du corps enseignant, en intéressant en cette perspective universi-
tates, recteurs vénitiens et gouvernement. Les premières continuèrent à
recommander des appels de professeurs célèbres et à préparer le rôle
des professeurs; mais elles avaient maintenant seulement une fonction
de proposition, qui devait passer au crible très vigilant des représen-
tants vénitiens : parfois les intérêts des unes et des autres entrèrent en
collision et donnèrent naissance à un inéquitable duel. Les associations
estudiantines traînèrent en quelques occasions des pieds et menacèrent
des redoutables sécessions, mais ce fut toujours un feu de paille ; à la
n tout rentrait dans les rangs.
Les recteurs de la ville n’étaient pas ofciellement investis du pouvoir
de choisir les professeurs, alors que l’étaient les tractatores Studii, une
ancienne magistrature rétablie en 1415 et formés de quatre boni cives
auxquels revenaient le devoir de « inquirere que ad eis utilia videbun-
tur » et d’en référer au podestat et au capitaine ; désormais n’étant plus
élus de la Commune, ces hommes étaient en réalité des créatures du
pouvoir administratif de la ville, presque uniquement des hommes de
paille des véritables exécuteurs des directives vénitiennes, même en ce
qui concernait l’université9.
Chaque proposition devait ensuite être approuvée par le Sénat
vénitien, lequel alors prit quelques décisions de manière absolument
indépendante ; et, en tout cas, il avait en main le pouvoir décisionnel.
L’enseignement académique atteint grâce à la ponctuelle gestion
vénitienne ordre et stabilité ; en même temps, en s’imposant par une
extraordinaire vivacité d’intérêt pour les problèmes de la philosophie
de la nature et par les discussions animées qui constituèrent un fort
stimulant au prodigieux renouvellement du savoir qui caractérise le

8
Gallo (1998), 50 ; Gallo D., “L’età medioevale”, in L’Università di Padova. Otto secoli
di storia, a cura di Del Negro P. (Padova : 2001), 26.
9
De Sandre (1968), 20-21 ; Depuigrenet Desroussilles (1980), 612 ; Gallo (1998),
51-53 ; Gallo (2001), 27.
évêque et chanoines dans une université d’état 167

seizième siècle, il acquit une dignité manifeste. La volonté de conquérir


les chaires universitaires de la part des citadins de Padoue installés dans
les fonctions les plus hautes de la vie sociale devint encore plus forte.
Mais l’aspiration des Padouans au rôle d’enseignant trouva toujours une
nette opposition de la part du gouvernement vénitien qui leur réserva
une rétribution à peine plus que symbolique, presque humiliante, dans la
tentative de les tenir éloignés. Venise tendit toujours plus à une gestion
directe de l’université, sans laisser d’espace à l’intervention d’éléments
padouans. On arriva ainsi au choc de 1509. Des cendres de ce grand
incendie, le milieu intellectuel padouan sortit mortié ; dès cet instant,
Venise, maîtresse de son université, sut en faire un centre de culture
sans égale dans l’Europe du XVIe siècle, avec son identité et une force
de proposition très vive10.
L’histoire de l’université de Padoue au XVe siècle a été lue, jusqu’à
maintenant, comme l’histoire de la prise de pouvoir de la part d’un état
centralisateur qui réussit à la n à en régler toute la vie. Entre temps,
de l’attitude initiale d’attention dictée, en sous main, par un intérêt
économique, le patriciat vénitien, à travers ses différentes expériences,
était parvenu à une prise de conscience de l’importance de l’université
comme école de formation de cadres pour la haute administration et
comme centre de promotion de la culture et de la science. Mais, alors
comme aujourd’hui, il y avait chez certains la même conscience que
« la grande responsabilité de toute université est de préparer la future
classe dirigeante, c’est-à-dire non seulement développer et transmettre
des compétences et des connaissances, mais encore un système de
valeurs » : tels sont les mots par lesquels Carlo Secchi, président de
l’université Bocconi de Milan, a conclu le Symposium sur « Université
et l’Église en Europe » (Rome, 17-20 Juillet 2003).
En cette même occasion Jean-Paul II, après avoir déni l’université
comme « lieu de recherche de la vérité, par excellence, d’analyse aiguë
des phénomènes dans une constante tension vers des synthèses toujours
plus accomplies et fécondes », rappellait que « comme l’Europe ne peut
se réduire à un marché, de même l’université, quoique devant bien s’in-
sérer dans le tissu social et économique, ne peut pas être asservie à ses
exigences, au risque de perdre sa nature, qui reste principalement cultu-
relle ». Les évêques padouans de la première époque vénitienne eurent
conscience de cette tension fondatrice et, entre une mission diplomatique et

10
De Sandre (1968), 46-47.
168 e. martellozzo forin

une autre, au milieu des pressantes préoccupations pastorales, surent dédier


une attention particulière à l’éducation universitaire.
À Padoue, l’évêque était chef de l’église diocésaine, mais il n’oubliait
pas d’incarner la fonction de chancelier de l’université qu’il considérait
comme essentielle à la dignité épiscopale de son siège11. Mais que ce
soit dans la tentative de réforme de l’église, ou dans le projet de récu-
pération de prérogatives du gouvernement universitaire, il dut toujours
faire les comptes avec le gouvernement central. À Venise comme dans
la Terraferma, aucun mouvement religieux, aucun projet de reprise et
d’encadrement ecclésiastique n’aurait pu exister hors des structures
politiques : pour peser de quelque manière, le prélat devait suivre les
routes indiquées et suggérées par le régime12.
La République vénitienne réalisa sa vocation d’aiguillon et de guide
à l’intérieur de l’église padouane par un choix vigilant des évêques :
durant tout le XVe siècle, ils furent choisis parmi la noblesse et le patri-
ciat vénitien et engagés pour entreprendre une étroite intégration des
structures politiques et des structures ecclésiastiques. Dans la première
époque vénitienne à Padoue se détachent les personnalités éminentes
de Pietro Marcello (1409-1428) et Pietro Donato (1428-1447), tous les
deux provenant des mêmes illustres familles qui dominaient la scène
politique vénitienne et représentants qualiés de l’humanisme de la
lagune, modelés par la culture patricienne, attentifs aux besoins de la
république et de l’église, en parfaite symbiose entre culture laïque et
culture chrétienne13.
L’évêque Marcello agit dans une ville marquée par des problèmes
anciens et menacée par de nouveaux qui explosaient alors. La conquête
avait provoqué la dépression de la production, qui avait entraîné une
persistante faiblesse démographique et un incessant mouvement de
décomposition sociale. L’offre de travail s’était écroulée, les contrats
des ouvriers, mal payés et sous-employés, dépendaient du mouvement
capricieux du marché, la disponibilité monétaire était presque inexis-
tante, la circulation de l’argent insufsante et le recours aux banques
de prêts diffus. Les marchands, naguère entreprenants à l’époque des
Carrare, se retiraient l’un après l’autre, découragés14. Il en résulta une

11
Poppi A., “Chiesa e Università”, in Diocesi di Padova (Storia religiosa del Veneto, 6)
(Padova : 1996), 546-548 ; Gallo (1998), 54.
12
Gios P., “Disciplinamento ecclesiastico durante il dominio della Repubblica
veneta”, in Diocesi di Padova (1996), 165.
13
Gios (1996), 178-179.
14
Collodo S., “Per lo studio della popolazione e della società” e “Artigiani e salariati :
évêque et chanoines dans une université d’état 169

atmosphère de ressentiments et de rancunes, qui déboucha sur une


lancinante envie de rébellion. Les professeurs padouans de l’université,
héritiers d’une forte tradition civique, cherchèrent dans l’enseignement
une occasion pour éprouver leur volonté d’afrmation et ils vinrent se
heurter à la soupçonneuse hiérarchie vénitienne. Pietro Marcello qui,
comme évêque et chancelier de l’université, avait des contacts fréquents
avec les professeurs, assistait souvent aux cérémonies de licence et avait
voulu obtenir précisément à Padoue en octobre 1413 le doctorat in utro-
que iure, n’eut pas de scrupule à dénoncer au Conseil des Dix Giovanni
Francesco Capodilista, représentant de pointe de l’élite aristocratique
citadine et de cette exclusive classe des juristes, en l’accusant de verbis
inhonestis ; un épisode sur lequel demeurent beaucoup d’ombres, mais
qui est clairement interprétable au moins d’un point de vue : la pré-
occupation politique restait dominante même chez un évêque attentif
aux personnes et ouvert à la culture comme l’était Marcello15.
Ce fut l’ultime évêque qui, en en appelant aux anciens privilèges,
prit solidement en main des situations inextricables qui s’étaient créées
à l’intérieur du Studium : il imposa au Collège des docteurs des artistes
et des médecins l’entrée de trois docteurs non Padouans et intervint
pour résoudre une difcile élection du recteur de l’universitas16. Ce fut
une tentative presque vélléitaire : dans les années suivantes, il assista
impuissant à la progressive érosion des prérogatives attribuées au chan-
celier et au passage de beaucoup d’activités de contrôle et médiation
dans les mains du podestat et du capitaine.
Son successeur Pietro Donato, même s’il résida seulement par inter-
mittence en son siège épiscopal, ne négliga pas toutefois ses devoirs :
dans le cadre de la récupération de la dignité traditionnelle de l’évê-
que-chancelier, il obtint du pape la bulle solennelle de conrmation
des privilèges de l’université de Padoue17, un document qui en faisait
l’égale des meilleures universités d’Europe.
Ce fut pendant son épiscopat que se développa la tentative, habile-
ment dirigée par le juriste padouan, Paolo Dotti, de destiner quelques

il maestro cartaro Nicolò di Antonio da Fabriano”, in Collodo S., Una società in trasfor-
mazione. Padova tra XI e XV secolo (Padova : 1990), 407-443 e 445-472.
15
Segarizzi A., “Francesco Capodilista rimatore padovano del secolo XV”, Atti
dell’Accademia scientica veneto-trentino-istriana I (1904), 53-55 ; Cessi R., “La biblioteca di
Prosdocimo de’ Conti”, in Cessi R., Padova medioevale. Studi e documenti, a cura di Gallo
D. (Padova : 1985), 731 ; Belloni A., Professori giuristi a Padova nel secolo XV. Proli bio-
bibliograci e cattedre (Frankfurt A. M. : 1986), 254-258 ; Gallo (1996), 55.
16
Gallo (1996), 55-56.
17
Gallo (1996), 57.
170 e. martellozzo forin

bénéces cléricaux comme prébendes-salaires à six lecteurs publics, à


choisir parmi de nombreux jeunes docteurs, rigoureusement Padouans,
sur l’avis de l’évêque, des recteurs vénitiens et des représentants du
conseil citadin. La proposition tendait à réouvrir aux Padouans l’accès
à ces chaires universitaires désirées, et était motivée par la convic-
tion plusieurs fois afchée que « l’enseignement est le gymnase de la
croissance culturelle » ; le gouvernement vénitien attentif ne se laissa
pas duper par les belles apparences : il opposa un intransigeant refus,
rejetant ces jeunes licencés padouans qui par leur ambition « cuncta
perturbant18 ».
D’une certaine manière, mais les documents ne disent pas pour
combien de temps, l’évêque Donato réussit toutefois à nancer une
lecture extraordinaire, conée au jeune Bartolomeo Cipolla, destiné
à une longue et prestigieuse carrière : il était de Vérone19 et non pas
de Padoue. L’exercice des anciennes prérogatives du chancelier était
passé à travers le crible vénitien : on pouvait instituter une chaire qui
contentait les étudiants, mais on la conait à un étranger et non pas
à un de ces trépignants citadins que Venise voulait tenir éloignés de
tout pouvoir.
Les évêques qui suivirent ont montré qu’ils avaient compris : leur
action se déroula sur des sujets exclusivement religieux, comme l’inter-
vention décisive de l’évêque Pietro Barozzi qui, par le décret du 4 mai
1489, réafrmait la supériorité de la foi sur la raison, ou s’impliqua sur
l’organisation de l’universitas theologorum, dont l’évêque était à la tête20.
Dans son action pastorale, l’évêque aurait dû trouver un fort soutien
dans le chapitre cathédral : en réalité ce ne fut qu’une alliance de brè-
ves périodes espacées par de longues années où évêque et chanoines
semblaient parcourir deux routes parallèles.
Si nous regardons le chapitre comme groupe organisé, on en tire un
paysage désolant. À travers une habile et infatigable activité diplomati-
que auprès de la curie ponticale et un dur contrôle sur les nominations

18
De Sandre (1968), 25 ; Poppi (1996), 548 ; Gallo (1996), 57. Per la gura di Paolo
Dotti, membro di un’antica famiglia padovana e docente emergente nello Studio,
Sambin P., “Giuristi padovani del Quattrocento tra attività universitaria e attività
pubblica. I. Paolo d’Arezzo (+1443) e i suoi libri”, in Università e società nei secoli XII-XVI
(Pistoia : 1982), 372-374 ; Belloni (1986), 292-294 ; Di Renzo Villata G., “Dotti Paolo”,
in Dizionario biograco degli Italiani 41 (Roma : 1992), 543-548.
19
Gallo (1998), 58.
20
Gios P., L’attività pastorale del vescovo Pietro Barozzi a Padova (1487-1507) (Padova :
1977), 291-310 ; Poppi (1996), 547-548.
évêque et chanoines dans une université d’état 171

épiscopales, les Carrare avaient réussi à réaliser une politique d’acca-


parement des bénéces ecclésiastiques dont les revenus étaient canalisés
pour stipendier un réseau de familiers et remplir des caisses seigneuriales
épuisées. L’intrusion d’hommes de paille, de clients et de serviteurs, de
personnages dépourvus de toute épaisseur culturelle causa une chute
de prestige du chapitre de la cathédrale dont la vie était passée, sans
même se préoccuper de sauver les apparences, entre les mains du sei-
gneur21. Le temps était ni où depuis les stalles du choeur on pouvait
décider du sort de l’église citadine, les membres se limitait à voir passer
le temps, en attendant quelque charge administrative qui interrompait
la monotonie des journées22.
Le passage de la ville à la domination vénitienne changea beaucoup
de noms de membres de chapitre, mais il n’en modia pas la physiono-
mie. Dès la chute de Padoue, s’ouvrit une chasse aux prébendes dont
quelques hommes de stricte délité aux Carrare furent promptement
exclus. Un des premiers à se présenter fut, en février 1406, le procureur
de Leonardo Salutati, le ls de Coluccio : il avait été nommé chanoine
par le pape presque vingt ans auparavant, mais n’avait jamais été
accepté par le chapitre et n’avait pas pu jouir du bénéce occupé par
un intrus ; maintenant nalement, il sortait de la poussière les vieilles
lettres apostoliques et demandait sa juste intégration dans la chapitre.
L’entrée de Salutati était, au fond, un acte attendu et se produisit
sans coup férir23 ; en revanche, la course aux prebendes qui s’ouvrit
au mois de mars 1406 eut un caractère véritablement frénétique, où
tous les coups étaient permis. Des membres de familles patriciennes de
Venise s’étaient précipitées à Rome au début de novembre 1405 et le
15, encore avant la reddition de Padoue, avaient obtenu les bulles qui
leur ouvraient la porte à la possession du titre canonial et des rentes
afférentes : il s’agissait de Giacomo de Lezze, Andrea Surian, Daniele

21
Archivio di Stato di Padova, Notarile, 39, f. 296r ; 40, f. 107r–v, 112r–v, 201r–v,
304r–v : ces documents rapportent la composition du chapitre entre 1388 et 1403 et
démontrent sans l’ombre d’un doute que tous les canonicats avaient été assignés à des
hommes appartenant à l’entourage le plus rapproché du seigneur, ce qui conrme ce
qu’a écrit Collodo S., “Lo sfruttamento dei beneci canonicali”, in Collodo S., Una
società in trasformazione (1990), 277-296 ; Gios (1996), 184.
22
Battioni G., “Il capitolo cattedrale di Parma (1450-1500)”, in I canonici al servizio
dello stato in Europa. Secoli XIII-XVI. Les chanoines au service de l’Etat en Europe du XIII e au
XVI e siècle, a cura di Millet H. (Modena : 1998), 70.
23
Martellozzo Forin E., “Leonardo di Coluccio Salutati, canonico padovano (+1437) :
notizie biograche e un inventarietto di codici paterni”, Atti e memorie dell’Accademia
Galileiana di scienze, lettere ed arti in Padova CXV (2003), 245.
172 e. martellozzo forin

Pasqualigo, Domenico da Ponte24. A grand peine les chanoines résidents


réussirent-ils à sauvegarder une place pour un de leurs hommes, Gio-
vanni Ludovico Bassano, ls d’un marchand de laine, à qui fut assigné
le bénéce devenu vacant per privationem d’Antonio de Panico, très dèle
aux Carrare : mais bien que l’élection se fût passée sans objection, le
nouveau chanoine ne peina pas peu pour se voir attribuer une stalle
dans le choeur et une place dans le chapitre25.
La guerre sur les bénéces se poursuivit par vagues. Une nouvelle
bataille se déchaîna en 1409 et s’aiguisa en 1410 et 1411, en concomit-
tance avec l’abandon de la ville de la part de Francesco Zabarella, élu
évêque de Florence : cette fois entrèrent en conit des hommes experts
et aguerris, Michele Condulmer, Andrea Dandolo, Vito Lion, Francesco
Donato, Giovanni Michiel, Albano Morosini, Giovanni Giustinian26.
Face à l’impressionnant déploiement vénitien, en janvier 1411, le faible
groupe de chanoines résidents tenta d’endiguer la crue de personnages
clairement décidés à consquer les gains sans respecter l’obligation de
résidence, et nomma de sa propre initiative trois nouveaux chanoines
qui certainement auraient participé aux réunions et exprimé leurs opi-
nion bien sentie pro bono statu dicte ecclesie et ipsius regiminis : il s’agissait de
trois prêtres qui déjà vivaient prés de la cathédrale, puisque deux en
étaient gardiens et le troisième magister cantus 27. La mesure, ainsi sage
qu’apparemment innocente, déchaîna la violente réaction de Giovanni
Giustinian, qui, soutenu par les chanoines de ca’Surian, ca’Morosini,
ca’Baseggio, ca’Corner et ca’Michiel, de Francesco De Sega et Marco
Dandolo, tous rigoureusement vénitiens et nobles, déclara ne pas les
considérer comme chanoines et exigea leur déposition28. Ce n’est que
deux ans, une fois la tempête calmée, que les trois prêtres parvinrent à
faire reconnaître leur bon droit29 en protant d’un instant où l’attention
vénitienne se portait ailleurs, au point que ce même automne 1413, les

24
Notarile, 43, f. 312r-v, 315r, 316r-v, 331r.
25
Notarile, 43, f. 312r-v, 312v, 316v, 317r. Sur les Panico, membres de l’ancienne
noblesse bolonaise transférés à Padoue dans la deuxième moitié du XIVe siècle,
Martellozzo Forin E., “Su una camposampierese del secolo XV : Dorotea Chiericati
contessa di Panico fondatrice del monastero di S. Bernardino in Padova, in Studi storici
su Camposampiero in onore di mons. Guido Santalucia, a cura di Tolomio I. (Abbazia Pisani :
1998), 242-245.
26
Notarile, 44, f. 7r, 44v, 57r-v, 65v-66r, 67r-v, 79v-80v, 82r, 93v, 95r-96v ; Archivio della
Curia Vescovile di Padova, Acta capituli, 1, f. 35r-36r
27
Notarile, 44, f. 70v-71v.
28
Notarile, 44, f. 85r-v, 86r.
29
Notarile, 44, f. 138v-140r.
évêque et chanoines dans une université d’état 173

chanoines résidents réussirent à faire accepter une réserve sur la primam


vacaturam30 pour les Padouans Dotto Dotti, frère de Paolo, et les docteurs
en arts Nicolò Savonarola et Sigismondo Polcastro31.
Le chapitre de la cathédrale revivait ainsi dans son sein une difculté
ancienne et habituelle : la division parmi une minorité de chanoines
engagés dans la juste administration des biens comme dans la parteci-
pation résolue à la prière commune, et une majorité de chanoines rési-
dents, qui contrôlaient de loin les rentes, prêts à envoyer un procureur
dès qu’une de leurs prérogatives risquait d’être attaquée : citons, par
exemple, les continuelles et fastidieuses réclamations sans cesse réitérées
des parents des chanoines Luca Zeno, Adoardo Morosini et Andrea
Dandolo destinées à obtenir pour leurs rejetons et donc pour le casato
la participation aux distributions des excédents de moissons32.

30
L’admission provisoire comme concanonicus n’était pas une garantie de succes-
sion future et effective, parce qu’il fallait la force nécessaire pour prévaloir contre les
nombreux antagonistes qui régulièrement se présentaient [Pellegrini M., “Il capitolo
della cattedrale di Pavia in età sforzesca (1450-1535)”, in I canonici al servizio dello stato
(1998), 90].
31
Le canonicat de Dotto Dotti fut une histoire de famille : le père, le chevalier
Francesco, remit les lettres apostoliques le 23 octobre 1413 ; le jour suivant, ce fut le
frère Paolo, le futur juriste, qui se présenta avec une autre bulle et t un discours, avec
succès, en faveur de Dotto qui le 30 novembre obtenait le bénéce qui avait été celui
d’Andrea Dandolo, et le même jour cona ses affaires à son frère en le nommant pro-
cureur (Notarile, 44, f. 123r, 123v-124r, 124v-125r, 389v, 390r-391r). Nicolò Savonarola,
docteur en arts et étudiant en droit civil fut accepté sub aspectativa le 27 octobre 1413 ; le
19 novembre, il demanda l’assignation de la prébende à laquelle avait renoncé Andrea
Surian et provoqua un esclandre ; en janvier de l’année suivante, il obtint un bénéce
(Notarile, 44, f. 126v-127r, 135v-136r, 137r-v, 157r). La concomittance des nominations
de Dotti et de Savonarola ne fut pas le fruit du hasard. Nicolò, ls du lanarius Giovanni
et frère du docteur en arts et médecine Michele, aurait été proche de Paolo Dotti en
1439 : une vieille amitié les liait et ainsi qu’une hostilté partagée contre le gouvernement
vénitien [Pesenti Marangon T., “Michele Savonarola a Padova : l’ambiente, le opere, la
cultura medica”, Quaderni per la storia dell’Università di Padova 9-10 (1976-1977), 65-70].
Sigismondo Polcastri, qui aurait disputé à Michel Savonarola la réputation d’être un
des plus fameux médecins padouans [Pesenti T., Professori e promotori di medicina nello
Studio di Padova dal 1405 al 1509 (Trieste : 1984), 167-170 ; Marconato R., La famiglia
Polcastro (sec. XV-XIX). Personaggi, vicende e luoghi di storia padovana, (Camposampiero :
1999), 25-36 ; Bottaro F., “Un glio d’arte e una cattedra d’arti ; due documenti per
Girolamo Polcastro (1470-1477)”, Quaderni per la storia dell’Università di Padova 36 (2003),
179-185], présenta les lettres apostoliques le 2 novembre 1413 à l’abbé S. Giustina qui
le déclara idoine au canonicat et le jour suivant, au chapitre cathédral qui l’accepta ;
six mois après, le 18 avril, il obtint un bénéce. Dans ces trois occasions, Polcastro a
été accompagné soit de Nicolò, soit de Michele, soit de Ludovico (Notarile, 44, f. 128r,
129r-v, 157v) : conrmation de la forte amitié qui liait depuis leurs jeunes années les
deux grands médecins et que Tiziana Pesenti avait mise en lumière sur la base d’autres
sources archivistiques [Pesenti (1976-1977), 63-64, 79-81].
32
Les demandes de participation aux distributions ont été avancées entre 1414 et
174 e. martellozzo forin

Convoqués presque quotidiennement à des réunions, à des parta-


ges de blé, de vin, de légumes et de céréales de moindre qualité, à la
partecipation aux processions et à la récitation chorale de l’ofce, les
membres du chapitre cathédral, composite au point de ressembler à
une armée de mercenaires, semblent ne pas avoir eu de rapports avec
l’Université.
Si nous considérons le chapitre comme organisme, cette impression
est sans doute correcte. Mais si nous regardons les personnalités indi-
viduelles, les surprises ne manquent pas.
Lors du passage de l’époque des Carrare à la domination vénitienne,
la gure dominante du chapitre cathédral fut Francesco Zabarella,
archiprêtre de la cathédrale, docteur dans l’un et l’autre droits et
professeur célèbre au point de mériter l’appellation de monarcha qui
distinguait le meilleur de chaque génération. Il fut un homme de très
vaste culture et un orateur réputé ; un étudiant allemand, pension-
naire dans la maison du maître, le dénit comme “vir magne sciencie
tam in iure canonico, civili, theologia ac poetria, ac vite continentis
mirabilis33». Pendant les trois lustres où il dirigea le chapitre padouan,
il ne réussit pas à en modier l’attitude d’asservissement au pouvoir
seigneurial, mais lui donna certainement une forte empreinte culturelle
qui s’est perpétuée au travers de quelques-uns de ses élèves qui jouirent
pendant des années d’un canonicat, comme l’avisé Pietro Alvarotti,
habile politicien et artisan de l’engagement de sa famille dans les études
juridiques, le granitique Prosdocimo Conti, futur célèbre professeur de
droit canonique34, et le modeste Bartolomeo Astorelli, qui lui succé-

1415, naturellement au mois de juillet, peu de temps après avoir rentré les récoltes. Les
trois chanoines vénitiens n’avaient pas dix-huit ans ni pris leur résidence à Padoue : les
résidents eurent beau jeu en 1414 à en appeler au statut (Notarile, 44, f. 189r). Mais une
année plus tard, les patriciens Carlo Zeno au nom de son ls Luca, Roberto Morosini
pour son ls Adoardo et Andrea Dandolo pour son ls Andrea se sont présentés,
décidés et remontés, et commencèrent à se lamenter des revenus qui faisaient défaut et
nirent par en exiger le recouvrement. Les chanoines se référèrent aux ordonnements
en vigueur, mais ne réussirent pas à s’y opposer. Pour sauver la face, ils se retirèrent
en réafrmant de s’en être seulement tenus à la loi et indiquèrent une échappatoire :
l’évêque pouvait concéder une dérogation. Marcello intervint, y condescendant mais ne
capitulant pas. Les trois chanoines auraient reçu 60 livres par an jusqu’à leur dix-huit
ans accomplis ; par la suite, ils auraient participé aux distributions mais à condition
d’être résidents à Padoue, d’y étudier et de participer aux convocations du chapitre.
Pour garantir la légalité de l’opération de l’évêque et des chanoines, trois juristes experts
étaient présents : le vénitien Nicolò Contarini et les Padouans Prosdocimo Conti et
Enrico da Alano (Notarile, 40, f. 380v-381r ; 44, f. 285r-v).
33
Girgensohn (2001), 14.
34
J’ai retracé un prol précis des deux savants, substantiellement mis à jour d’un
point de vue bibliographique, Belloni (1986), 296-298, 303-306.
évêque et chanoines dans une université d’état 175

derait comme archiprêtre de la cathédrale35, tous trois possesseurs de


bibliothèques dans lesquelles parmi les textes juridiques prédominants,
véritables instruments du métier, commençaient à se faire une place les
manuscrits aimés de la littérature classique et, et les écrits du maître,
marque affectueuses des disciples36.
A côté de l’oeuvre accomplie par Zabarella dans les salles de cours
et dans la salle du chapitre, il faut souligner ses liens avec des étudiants
qui furent accueillis dans sa maison : comme tant de professeurs de son
temps, Francesco Zabarella reçut des étudiants d’extractions sociales
différentes et de différentes provenances géographiques, et leur ouvrit
grand les portes de sa maison et celles plus cachées et plus précieuses
de sa bibliothèque ; mais il leur ouvrit aussi son esprit et son coeur37.
Ils apprirent directement chez lui non seulement à connaître et inter-
préter le droit canonique, mais encore à vivre : et ce n’était pas une
mince leçon. Il y avait des écoliers provenant de Piove di Sacco, d’où
venait la famille du maître, comme de la Toscane et de l’Allemagne :
au terme des études, ils auraient rapporté dans leur patrie non seule-
ment une maîtrise éprouvée dans l’art de démêler l’écheveau confus
de la législation, mais encore le goût pour la poésie et la philosophie,
un amour pour Cicéron et une habileté oratoire forgée sur les modèles
offerts par les nombreux discours du maître38.
Le groupe d’écoliers qui se réunissaient autour de Zabarella était
seulement le plus connu des phénomènes de convivialité promus par des
chanoines que lentement révèlent les archives capitulaires. La seconde
fut initiée dans sa maison canoniale par un élève de Zabarella, Nicolò
de Portogruaro qui, lorsque il passa la licence en droit canonique en
1399, faisait fonction déjà de vicaire épiscopal, charge qu’il continua
d’occuper jusqu’en 140539. Sur l’exemple du maître, il accueillit dans

35
Sambin P., “I libri di Bartolomeo e Bono Astorelli dottori giuristi (1421)”, in Libri
e stampatori in Padova. Miscellanea di studi storici in onore di mons. G. Bellini, tipografo editore
libraio (Padova : 1959), 335-343.
36
Girgensohn (2001), 135
37
Zonta F., Francesco Zabarella (Padova : 1915), 127-134 ; Girgensohn (2001), 146-152 ;
Martellozzo Forin (2003), 254-255.
38
Girgensohn (2001), 160-176.
39
Il prenait part aux réunions du chapitre des chanoines (Notarile, 40, f. 226r-v ; 41,
f. 92r ; 43, f. 309v-310r, 312r-v, 315r, 316r-v, 316v) même s’il n’avait pas l’assiduité de son
concitoyen Paolo da Portogruaro (Notarile, 39, f. 242r-243r ; 40, f. 226r-v, 357r-358r, 360r,
362r, 380v-381r, 384r-v, 407v-408v, 475v-476v ; 41, f. 92r, 309v-310r, 312r-v, 315r, 316v ;
43, f. 331r, 357v ; 44, f. 5r-6r, 7r, 8r-v, 93v), qui partage avec Nicolò la vie de chanoine
et la charge de vicaire de l’évêque [Acta graduum academicorum Gymnasii Patavini ab anno
176 e. martellozzo forin

sa maison quelques étudiants; contrairement à Zabarella qui n’avait pas


regardé à la nationalité, Nicolò choisit exclusivement des écoliers prove-
nant de son Frioul : Antonio d’Agostino de San Daniele dans le diocèse
d’Aquilée40 et son compatriote Stefano de Ludovico de Portogruaro41.
Il s’agit d’un petit noyau de personnes liées par la commune originelle,
au point de recréer presque à Padoue une oasis de culture locale.
Le groupe le plus profondément intéressant est le troisième, qui
résida dans la maison padouane du chanoine Leonardo de Coluccio
Salutati. Lorsque nalement ce dernier arriva à Padoue, à l’abri sûr de
la maison canoniale – qu’il ne se préoccupa jamais de payer –, avec
« nourriture et vêtement » assurés par la généreuse ressource d’une riche
prébende, Leonardo, catapulté dans une ville méconnue, se lia vite à
Zabarella auquel son père Coluccio avait envoyé des années auparavant
son traité du De tyranno, en sollicitant son jugement, l’appelant « frater
et amice karissime » et vantant son style et son éloquence. Le Padouan
avait répondu à Salutati, que « colo ut sapientissimum, amo ut amicum,
veneror ut parentem », en le remerciant pour l’éloge, qui l’honorait
d’autant plus que reçu « a summo vate et oratore42 ». Leonardo se lova
dans la niche protectrice du respect réciproque des deux inuentes
personnalités, s’y appliqua conant et se voua au droit canonique aussi

1406 ad annum 1450, a cura di Zonta G.-Brotto G. (Padova : 19702), sub voce Nicolaus
de Portugruario], mais aussi l’intérêt pour l’étude de droit canon [Acta graduum (19702),
sub voce Paulus de Portugruario]. Nicolò, chanoine et docteur en droit canon, ne doit
pas être confondu avec l’homonyme Nicolò da Portogruaro di Cristoforo qui le 18
novembre 1410 a été nommé représentant du chapitre (Notarile, 44, f. 40v ).
40
La présence d’Antonio di Agostino da San Daniele remonte à septembre (Notarile,
44, f. 121r-v) et à novembre 1413 : ce second témoignage est particulièrement intéres-
sant, parce le Fiulan nous présente en même temps un de ses maîtres, le chanoine
Domenico Da Ponte, vénitien, “actu legente in iure canonico in Studio Paduano”
(Notarile, 40, f. 207r-v). Antonio se trouvait à Padoue depuis au moins deux ans : le
13 décembre 1411, il allait devenir témoin du diplôme de Federico Bugni d’Udine,
en même temps qu’un petit groupe d’amis du Friul presque étouffés par la présence
encombrante d’un ensemble d’évêques et d’abbés ; ensuite, le néo-lauréat était élève
de Da Ponte, qui lui avait conféré les insignes doctoraux [Acta graduum (19702), 217].
Cet Antonio est quelqu’un de différent d’Antonio da San Daniele, docteur dans les
deux droits et qui avait étudié à Bologne et mourut avant le 22 juin 1445, en laissant
une bonne bibliothèque et pas seulement juridique [Scalon C., Produzione e fruizione del
libro nel basso Medioevo. Il caso Friuli (Padova : 1995), 92-93].
41
Il fut témoin d’une ratication de Nicolò da Portogruaro, en même temps que
les Frioulans Guecello Da Prata et le représentant du chapitre Nicolò (Notarile, 44, f.
83v ).
42
Epistolario di Coluccio Salutati, a cura di Novati F. III (Roma : 1891), 408-412, 422,
456, 459, 479 ; IV (Roma : 1911), 350-351 ; Zonta (1915), 8-9 ; Girgensohn (2001),
164-165.
évêque et chanoines dans une université d’état 177

longtemps que Zabarella resta à Padoue ; mais lorsque le professeur


partit pour Florence, il laissa tomber tout intérêt direct pour le Decretum
et les Décrétales et les abandonna, probablement sans regrets.
Leonardo n’avait pas le tempérament d’un savant; mais élevé dans
un milieu culturellement choisi, il chercha à recréer dans sa maison
padouane un cercle réservé en premier lieu à ces toscans qui arrivaient
à Padoue pour fréquenter l’université. Ainsi passèrent des années près
de lui une douzaine de parents de la branche des Salutati de Pescia,
mais aussi quelques étudiants de Lucques et, surtout, ce Paolo d’Arezzo,
remarquable enseignant de droit, qui entra dans la maison de Salutati
après la licence et y habita en permanence jusqu’à la mort du chanoine.
Il s’agissait d’un groupe d’amis qui poursuivaient les études juridiques
que lui-même avait à moitié délaissées mais pour lesquelles Leonardo
garda toujours une certaine curiosité puisque à sa mort parmi ses rares
livres, les seuls qui lui avaient appartenu exclusivement et n’avaient pas
fait partie de la bibliothèque paternelle étaient un très vieux Code et
Digeste tout aussi vénérable, outre un bréviaire et un livre de prières.
Les longues soirées à la maison de Leonardo devaient être plus
plutôt vives : on y discourait d’épisodes de la vie padouane, de ceux
caractérisés par l’immuable routine des chanoines, de ceux piquants
et imprévisibles de la vie universitaire ; de contrats de location et des
revenus des terres, jamais sufsants, malgré la montagne annuelle de
céréales et le euve de vin, pour l’ordinaire d’une maison dans laquelle
étaient toujours présents de nombreux hôtes plus ou moins xes ; de vie
militaire, vu que des habitués pendant des années de la maison Salutati
furent un commandant et un soldat toscans ; et de la patrie lointaine,
qu’aucun d’eux ne réussissait à oublier et qui dominait les esprits et
les coeurs des jeunes temporairement éloignés pour raisons d’étude,
du chanoine Salutati lié à l’obligation de la résidence et surtout, dou-
loureusement, des fuorusciti, comme les puissants banquiers Alberti. La
première décennie de la vie de Salutati à Padoue fut marquée par la
nostalgie et l’inquiétude : s’adaptant mal à la vie canoniale, il retournait
fréquemment à Florence, où il avait formé une famille illégitime ; il était
donc un typique représentant de ces hommes qui dans le canonicat
avaient cherché à « trouver à manger par l’Eglise ».
Mais après 1420 quelque chose le t changer profondement : il
renonça aux voyages, participa activement aux réunions du chapitre,
collabora avec l’archiprêtre Benedetto Galli, fut un des rares chanoines
résidents en ville qui, en 1430, fut auprès de l’évêque Pietro Donato
dans l’oeuvre de renouvellement des vieux statuts du chapitre. Sa
178 e. martellozzo forin

transformation d’instable et curieux voyageur en chanoine tranquille


et assagi n’avait cependant pas changé les rythmes de sa maison
accueillante : il continuait à recevoir des amis anciens et nouveaux et
probablement leur procurait-il quelques-uns des précieux manuscrits
de la riche bibliothèque paternelle, dont une partie fut retrouvée dans
sa chambre lorsque, à la n du 1437, on t l’inventaire des biens du
défunt Leonardo43.
Il n’est pas donné de connaître le motif de la métamorphose du
chanoine Salutati. Toutefois on peut avancer une réexion. La décen-
nie 1421-1430 fut caractérisée à Padoue par une nouvelle phase dans
le rapport entre la ville et les courants religieux érémitiques et ceux
de l’observance : le choix du désert étant abandonné et la phase anti-
intellectuelle dépassée, les représentants des différents ordres mendiants
se mirent au service d’une cura animarum de masse. Leur prédication,
régulière et pressante, entama un processus d’alphabétisation culturelle
et chrétienne adressée à ces dèles – professeurs, étudiants, notaires,
marchands, artisans – qui constituaient la partie propulsive de la societé
padouane.
Leurs propos constituaient un fort appel au renouvellement des
coutumes, à la reconstitution de l’ordre familial et communautaire
à travers la sereine cohabitation, l’équilibre de la vie quotidienne, la
paix politique44. Ils constituaient un message qui ne pouvait pas ne
pas plaire au chanoine Salutati et à son groupe d’amis, d’étudiants
et de docteurs, qui se réunissaient autour de lui et auxquels peut-être
le vieux chanoine répéta quelquefois l’exhortation que Bernardino
adressaient précisément ces années-là aux étudiants : l’ignorance, cause
de tous les maux, s’élimine par l’étude, par la conversation avec les
savants : « Et cependant nous . . . à cette bête ignorance . . . chasue jour
nous lui donnerons une rossée ». Parce que « l’argent le plus utile que
vous dépensiez est celui de l’étude. » « L’étude est utile pour toi, pour
ta famille, pour ta ville et pour tes amis. Et tu pourras paraître dans
toutes les terres du monde et même devant quelque seigneur, et tu
deviendras un homme, là où tu serais un zéro, sans étude. » Bernardino
connaissait bien les tentations de la jeunesse, comme le vieux chanoine

43
Je me permets de renvoyer à Martellozzo Forin (2003), 242-297.
44
Elm K., “L’osservanza francescana come riforma culturale”, in Predicazione fran-
cescana e società veneta nel Quattrocento : committenza, ascolto, ricezione (Padova : 1995), 15-16 ;
Gallo D., “Predicatori francescani nella cattedrale di Padova durante il Quattrocento”,
in Predicazione francescana (1995), 160-161.
évêque et chanoines dans une université d’état 179

Salutati qui les avait vécues et faisait donc siennes les exhortations du
franciscain aux jeunes arrivés en ville pour entendre les professeurs
et s’appliquer sur les manuscrits, mais aussi pour savourer la libertas :
« Fuge il vaghegiare et l’andare drieto a le ribalde et le meççane, che ti
pelano et fannoti perdare l’anima e “l corpo . . . Non istare alla loggia di
messer Zero, che non vi sono altro che tavolieri, dadi e naibi, che sono
i libri del diavolo.” Ma “Istudia, adunque, e viverai lieto e giocondo” »
Mais « Istudia, adunque, et viverai lieto et giocondo ». Et après toutes
ces sévères mises en garde probablement aura-t-il ajouté : « Ne te laisse
pas trop aller à la mélancolie, qui te gâcherait les études. Sois heureux
autant que tu peux45 ».
Ainsi, dans la première moitié du XVe siècle, pendant que le pouvoir
politique rappelait directement à lui le fonctionnement de l’université et
que le pouvoir ecclésiastique était forcé à limiter son action à la sphère
religieuse et à une fonction de représentation, un rapport fort s’instaurait
entre chanoines, enseignants et des écoliers. L’étude de ces relations,
encore en phase de recherche et d’élaboration, se révèle extrêmement
intéressante : parce qu’ici, dans la vie quotidienne et au-delà du caractère
ofciel, on découvre des liens entre des personnes, liens nés d’un libre
choix et donc pour cela encore plus vivants et plus vrais.

45
Les citations se réfèrent à des passages des trois prédications tenues par san
Bernardino aux étudiants de Padoue en 1423, de Florence et de Sienne en 1425
[Bernardino da Siena, Le prediche volgari inedite, a cura di Pacetti D. (Siena ; 1935), 190,
192, 195 ; Pacetti D., “La necessità dello studio. Predica inedita di san Bernardino”,
Bullettino di Studi bernardiniani II (1936), 302, 317].
COMUNAUTÉ ESTUDIANTINE, SOCIETÉ CITADINE ET
POUVOIR POLITIQUE À PADOUE AUX XIII-XIVE SIÈCLES

Sante Bortolami

« C’est une réexion globale sur la place des universités dans l’ensemble
des systèmes des pouvoirs qui organisaient les sociétés médiévales qu’il
faut entreprendre1 ». Cette exhortation par laquelle Jacques Verger
introduisit en novembre 1987 à Bologne son intervention sur les uni-
versités européennes est en même temps une suggestion de méthode
particulièrement utile dans le cas de l’université de Padoue, ancien et
prestigieux studium generale qui, par son origine en 1222, est comme sorti
de la côte de l’organisme universitaire bolonais alors bien structuré2.
Pour ce qui concerne l’Italie et la phase des origines des universités,
les deux paradigmes habituels de référence dans la littérature générale,
même en ce qui concerne le rapport entre les pouvoirs politiques et de
la structure universitaire, sont notoirement Bologne, d’un coté, système
précoce d’écoles spontanées où un climat de tensions aiguës est repé-
rable depuis les origines aussi bien entre corps estudiantin et autorités
communales qu’entre celles-ci et l’empereur Frédéric II lui-même3 ; et
d’autre Naples, créée et développée par délibération souveraine comme
université d’état en 12244. Deux modèles, dont on a peut-être exagéré

1
J. Verger, Les universités entre pouvoirs universels et pouvoirs locaux au Moyen Age, dans
« Universitates » et université, Atti del Convegno (Bologna, 16-21 novembre 1987), Bolo-
gne, 1995, p. 29-38.
2
Sur cette question, articles fondamentaux de G. Arnaldi, Scuole della Marca Trevigiana
e a Venezia nel secolo XIII, in Storia della cultura veneta, I, Dalle origini al Trecento, Vicenza
1976, p. 350-386 ; ID., Il primo secolo dello studio di Padova, ibid., II, Il Trecento, Vicenza
1976, p. 4-12 ; ID., Le origini dello studio di Padova. Dalla migrazione universitaria del 1222
alla ne del periodo ezzeliniano, “La cultura”, 15 (1977), p. 388-431.
3
Parmi les synthèses les plus récentes, avec bibliographie essentielle, voir le volume
L’università di Bologna. Personaggi, momenti e luoghi dalle origini al XVI secolo, a cura di
O. Capitani, Milan, 1987 et l’article de G. Arnaldi, L’università di Bologna, in Le uni-
versità dell’Europa. La nascita delle università, a c. di G.P. Brizzi e J. Verger, Milan, 1990,
p. 85-115.
4
Voir G. Arnaldi, Fondazione e rifondazione dello Studio di napoli in età sveva, in Uni-
versità e società nei secoli XII-XVI, Pistoia 1982, p. 81-109, et maintenant également,
L. Capo, Federico II e lo studio di Napoli, in Studi sul medioevo per Girolamo Araldi, a cura di
G. Barone, L. Capo, S. Gasparri, Roma 2000, p. 25-54 (également pour les soi-disant
“refondations” de 1235 et 1239).
182 sante bortolami

les caractéristiques particulières, comme représentatives de deux Italies


différentes : au nord, l’Italie des fortes autonomies citadines, capables de
se développer en véritables cités souveraines, encore que formellement
sujettes à l’Empire ; au sud, un royaume où les Staufen, héritiers de
la dynastie normande, réalisaient un énergique programme de cen-
tralisation politique qui prévoyait même l’implantation d’un appareil
organique de ressources culturelles qualiées5.
Ce schéma est sans doute fondé en ce sens que dans aucune autre
région de l’Europe comme dans l’Italie communale, les gouvernants
urbains ne semblent avoir eu un rôle d’interlocuteurs actifs et efcaces
dans le procès d’organisation et de prise de conscience des autonomies
estudiantines. De ce point de vue, le cas bolonais peut constituer une
sorte d’archétype pour tout un vaste espace géopolitique correspondant
plus ou moins à la Lombardie et à la Toscane, où surgirent très vite
ces « plantations bolonaises6 » caractérisées par une forte initiative des
associations estudiantines : des universités comme Padoue, bien sûr,
mais encore Arezzo, Vicence, Verceil, Sienne, Pérouse, pour ne rien
dire d’autres studia de moindre l’importance7 ou à l’existence ephémère,
comme Trévise par exemple8. Rien de semblable dans ces cas à ce

5
G. Tabacco, Egemonie sociali e strutture di potere nel medioevo italiano, Turin, 1979,
p. 226-396.
6
L’expression est de H. Wieruszowski, The medieval Universities, Toronto-New York-
London 1966, p. 86.
7
A côté du classique répertoire de Rashdall, il faut tenir présente la plus récente
synthèse, avec bibliographie mise à jour, de J. K. Hyde, Universities and the cities in
medieval Italy, in The University and the city. From medioeval origins to the present, a cura di T.
Bender, New York-Oxford 1988, p. 13-21 et la réexion de P. Denley, Communities within
communities: student identity and student groups in late medieval italian Universities, in Studenti,
università, città nella storia padovana, Atti del Convegno (Padova 6-8 febbraio 1998), a cura di
F. Piovan e L. Sitran Rea,Trieste 2001, p. 723-744. Plus génériques sont les réexions
de G. Fasoli, Rapporti fra le città e gli “Studia”, in Università e società, p. 1-2. Parmi les
différents travaux spéciques parus ces dernières années, dont il serait trop long de faire
le compte, je rappelle uniquement pour Sienne et Pérouse, les deux seules universités qui
parvinrent à s’installer durablement comme sièges universitaires de prestige, G. Prunai,
Lo Studio senese dalla “migratio” bolognese alla fondazione della “Domus sapientiae” (1321-1408),
“Bollettino senese di storia patria”, 62(1950), p. 3-54 ; G. Ermini, Storia dell’università di
Perugina, Firenze 1971. Un réexamen attentif de la question de l’université médiévale
de Verceil se trouve désormais dans L’università di Vercelli nel medioevo, Atti del Convegno
(Vercelli, 3-25 ottobre 1992), a cura di R. Ordano, Vercelli 1994.
8
Sur les vicissitudes de cette université, voir désormais le volume L’università medievale
di Treviso, Treviso 2000, dans lequel, à côté de la réédition des vieilles contributions de
Denie et d’Angelo Marchesan (ce dernier enrichi des sources qui subsistent), tout le
processus génétique est rediscuté de manière renouvelée par G. M. Varanini, Come si
progetta uno Studium generale. Università, società comune cittadino a Treviso (1314-1318), ibid.,
p. 12-46, qui très opportunément rappelle l’afrmation de Rashdall selon lequel “. . . it
comunauté estudiantine 183

qui arrive au-delà des Alpes. En France ou en Espagne, par exemple


« c’est le roi qui s’est imposé comme le partenaire le plus pressant, sinon
unique9 » des maîtres et des étudiants. Dans toutes les autres régions
d’Europe, d’Oxford à Prague, de Vienne à Heidelberg, ce furent tou-
jours les princes ou leurs ofciers ou, plus souvent, les évêques et leurs
chanceliers qui jouèrent un rôle semblable10.
Il est donc compréhensible que dans la littérature courante, toute
l’histoire de la première organisation de l’université padouane continue
à être lue comme le processus de consciente imitation, même de calque
passif du précédent modèle bolonais. Si toutefois elle est incontestable,
la forte inuence en termes de personnel enseignant et d’orientations
normatives exercée par le studium bolonais sur celui de Padoue depuis
les origines (ce que, par exemple, les statuts de l’université padouane des
juristes de 1331 déclarent noir sur blanc11), cela n’implique pas tout à
fait une homogénéité de comportements de la part des deux universités
dans les relations soit avec les pouvoirs citadins soit avec les pouvoirs
universels. Et justement une analyse du cas de Padoue peut constituer
un excellent test pour corriger des schématismes encore présents dans
la littérature comparée sur les universités.
Pour ce qui concerne l’attitude des autorités communales par rapport
à l’association estudiantine, une première différence entre Bologne et
Padoue peut être déterminée depuis les origines de la seconde de ces
universités. On sait, en effet, que les privilèges et le pouvoir des étudiants
de Bologne avaient pu s’afrmer entre la n du XIIe et le début du XIIIe
siècle comme produit d’une dure bataille pour la survie dans un milieu
hostile, déterminé à brider les professeurs universitaires et leur possibilité
de mouvement12. La diaspora même vers Padoue aurait été seulement

is especially in northern Italy that the tendency of a great archetypal university to


reproduce himself is exemplied” (p. 12).
9
J. Verger, Les universités françaises et le pouvoir politique du Moyen Âge à la Revolution, in
I poteri politici e il mondo universitario (XIII-XX secolo), Atti del Convegno internazionale di
Madrid (28-30 agosto 1990), a cura di A. Romano e J. Verger, Messina 1994, p. 18.
10
P. Nardi, Relations with Authority, in A history of the University in Europe, I, Universi-
ties in the Middle Ages, H. De Ridder Simoens ed., Cambridge Universitiy Press 1992,
p. 75-107.
11
“Hec sunt statuta secundum novam compilacionem facta et elicita de veteribus
statutis studii Padani et ex statutis Bononiensibus” (H. Denie, Die Statuten Juristen-
Universität Padua vom Jahre 1331, 6, 1898, p. 309-562, p. 71 du tiré-à-part avec pagina-
tion propre, p. 1-254.
12
Pour une reconstruction avisée de cet épisode complexe et débattu, l’article de
G. Rossi demeure fondamental : G. Rossi, “Universitas scolarium” e comune (sec. II-XIV), in
Studi e memorie per la storia dell’Università di Biologna, n.s., I, Bologna 1956, p. 173-266. De
184 sante bortolami

un épisode de réaction aux prévarications du podestat et des conseils de


la commune de Bologne, notamment après l’infructueuse intervention
ponticale de 1220 pour supprimer la législation communale restrictive
de la libertas académique. Maintenant, grâce à quelques récentes études
fondées sur une documentation inédite de base, on sait que le choix
des universitaires sécessionnistes de s’établir dans la ville de Vénétie
fut facilité par un ensemble de circonstances favorables, mais surtout
par deux facteurs : 1) le rare, je dirais même l’exceptionnel, climat de
tranquillité sociale et de stabilité politique qui s’est créé en ville depuis
1205 après l’arrivée du gouvernement des populares 2) le fait que, dans
cette période, la commune de Padoue fut appelée à devenir un axe
décisif de la politique ponticale dans le Nord-Est de l’Italie, aussi bien
sur le terrain de la défense de la libertas ecclesiae, que sur celui, non moins
délicat, de la bataille contre l’héresie13, situation que la cité elle-même a
décidé d’appliquer de manière cohérente à son propre prot. De plus,
par toute une série de circonstances que je ne peux pas illustrer ici,
on a pu constater que le studium padouan nouvellement né recueillit
de manière substantielle l’héritage de l’expérience universitaire de la
voisine Vicence des années 1204-1209, elle-même issue des transfuges
de Bologne et ouvertement soutenue par la hiérarchie ecclésiastique
locale ; une expérience qui avorta rapidement non seulement pour des
raisons d’ordre public, mais très probablement aussi à cause des risques
effectifs d’un glissement vers l’héresie de quelques étudiants (là où Bon-
compagno de Signa, prince des dictatores de son temps qui enseigna à
Bologne, puis à Vicence et enn à Padoue, observait avec lucidité que –
je cite – « la seule Padoue se défendait publiquement » parmi tant de
villes voisines maintenant infectées par l’héresie, cette même ville dont,
en 1224, deux ans après la translatio studii à Padoue, Honorius III faisait
ouvertement l’éloge des habitants comme champions de l’orthodoxie
« pre ceteris civibus Lombardie14 »).

nouveaux éléments d’évalution, mais non décisifs, se trouvent chez J. K. Hyde, Com-
mune, University and Society in early medieval Bologna, in Universities in politics. Case studies from
the late Middle Ages and Early Modern period, a cura di J. W. Baldwin e R. A. Goldtwaite,
The John Hopkins Press, Baltimore-London 1972, p. 17-46 ; G. Fasoli, Università, città,
principe e poteri ecclesiastici nei secoli XI-XV, in ‘Universitates’ e università, p. 39-46 ; C. Dolcini,
Lo ‘studio’ nei rapporti colle realtà cittadine e il mondo esterno nei secoli XII-XIV, in L’università
a Bologna, p. 29-59.
13
S. Bortolami, Da Bologna a Padova, da Padova, Vercelli, in L’università di Vercelli,
p. 35-75.
14
G. Arnaldi, Scuole della Marca Trevigiana e a Venezia nel secolo XIII, in Storia della cultura
veneta, I, Dalle origini al Trecento, Vicenza 1976, p. 382-383. Sur l’orthodoxie des
Padouans de l’époque, reconnue publiquement même par les papes, voir aussi
comunauté estudiantine 185

Dès l’instant donc où elle accueillait les étudiants sécessionnistes


de Bologne, la commune de Padoue consolidait son look de modèle
exemplaire de concorde sociale et d’autonomie normative et politique,
mais surtout de tête de le fondamentale de la pars Ecclesiae dans toute
l’Italie nord-orientale15. Padoue n’était pas Toulouse, naturellement.
Mais on peut convenir avec Delaruelle qu’outre ce studium generale
qui fut institutionnellement conçu comme moyen de bataille contre
l’héresie, « d’autres universités ont pu se sentir un jour responsables de
l’orthodoxie sans avoir été fondées essentiellement dans ce but16 ». Sans
vouloir diminuer les pulsions autonomes de la libre Wanderung d’hommes
de culture dans la vallée du Pô des premières décennies du Duecento,
on peut en somme admettre que le mot d’ordre studium et des eut un
poids non négligeable dans la recherche alors à Padoue d’un compro-
mis concret et d’une balance calculée des avantages réciproques entre
des protagonistes divergents, laïques et religieux, locaux et universels,
politiques et culturels. L’université de Padoue, en conclusion, décolla
grâce à un consistant groupe cosmopolite d’étudiants et de professeurs
à la recherche de liberté d’action et de protection, mais avec le plein
appui d’un puissant establishment politico-religieux citadin d’inspiration
« guelfe » et avec la bénédiction du pape Honorius III et de son « edu-
cational policy17 ».
Cela explique pourquoi le pouvoir estudiantin à Padoue adopta
paciquement le modèle bolonais, mais en acceptant immédiatement,
contrairement à Bologne, une sorte d’inconditionnelle collaboration avec
les autorités communales comme contrepartie d’une pleine garantie de
respect de ses droits. L’organisme universitaire, sans jamais démentir sa
nature de corps extraterritorial et cosmopolite par excellence, put ainsi
pendant un bon siècle déterminer dans l’ensemble ses choix par une
forte implication dans les décisions politiques et religieuses cruciales de
la république citadine de Padoue, malgré des moments d’inévitables
tensions qui se sont produits entre les deux institutions.

A. Rigon, Chiesa e vita religiosa a Padova nel Duecento, in S. Antonio, 1231-1991. Il suo tempo.
Il suo culto e la sua città, Padova 1981, p. 293.
15
S. Bortolami, “Fra ‘alte domus’ e ‘populares homines’. Il comune di Padova e il suo sviluppo
prima di Ezzelino, in Storia e cultura a Padova nell’età di sant’Antonio, Atti del Convegno
internazionale di studi (Padova-Monselice, 1-4 ottobre 1981), Padova 1985, p. 3-74.
16
E. Delaruelle, De la croisade à l’université : sociétés et mentalités à Toulouse au début du XIII e
siècle, in Les universités de Languedoc au XIII e siècle, Toulouse 1970, (Cahiers de Fanjeaux,
5) p. 19-34.
17
La formule est de J. K. Hyde.
186 sante bortolami

De ce long agreement entre université et commune, nous pourrons


apporter beaucoup de preuves. Limitons-nous à trois épisodes signi-
catifs. Un premier : en 1231, la « magistrorum atque scolarium universitas
tota », présente en ville « non mediocri copia », soutint chaleureusement la
demande que l’évêque et la commune de Padoue rent au pape pour
obtenir la canonisation de saint Antoine, alors infatiguable prédicateur
contre l’héresie, devenu pour la ville une sorte de pater patriae18. Et il est
signicatif que dans la bulle d’annonce aux Padouans de l’acceptation
de leur demande, le pape Grégoire IX déclarait vouloir faire de Padoue
un modèle, en employant des expressions typiques du bagage rhéto-
rique universitaire : « volentes igitur ut civitas Paduana, quasi lucerna
super candelabrum posita, lumen praebeat aliis per exemplum19 ». Un
second évènement éloquent se produisit en 1262. Cette année-là, on t
à Padoue une lecture solennelle de la Chronique du notaire Rolandino,
une sorte d’évocation historique que la commune avait peut-être com-
mandée et sûrement assumée comme moyen idéologique de pacication
citadine et de condamnation de la seigneurie d’Ezzelino da Romano,
qui pendant vingt ans avait gouverné despotiquement Padoue et des
villes de Vénétie pour le compte et avec la collaboration de Frédéric
II. De fait, pour la publica lectura de ce manifeste politique explicite, la
commune a demandé et facilement obtenu l’approbation ofcielle ( pro-
batio) non seulement des docteurs et des maîtres, mais encore de toute
la « societas laudabilis bazallariorum et scollarium liberalium arcium
de Studio Paduano20 ».
En 1315, enn, toute l’université se mobilisa de nouveau pour les
célébrations solennelles prévues en faveur d’Albertino Mussato, qui fut

18
Voir à ce sujet les articles de P. Marangon, Gli ‘Studia’ degli ordini mendicanti e Il
rapporto culturale tra Università e ordini mendicanti nella Padova del Duecento, in ID, “Ad cogni-
tionem scientie festinare”. Gli studi nell’Università e nei conventi di Padova nei secoli XIII-XIV,
a cura di T. Pesenti, Trieste 1997, p. 65-69 ; e 81-82. Sur ce sujet sont revenus
A. Tilatti, L’“Assidua” ispirazione francescana e funzionalità patavina, “Il Santo. Rivista di storia,
dottrina, arte”, 36(1996), p. 62-69 ; R. Paciocco, “Nondum post mortem beati Antonimi annus
efuxerat”. La santità romano-apostolica di Antonio e l’esemplarità di Padova nel contesto dei coevi
processi di canonizzazione, ibid. p. 124-129.
19
L’expression est rapportée en dernier lieu par A. Rigon, Dal pulpito alla folla. Antonio
di Padova e il francescanesimo medioevale, Roma 2002, p. 37, 45.
20
G. Arnaldi, Il primo secolo della studio di Padova, in Storia della cultura veneta, II, Il Trecento,
Vicenza 1976, p. 14-16; ID., Studi sui cronisti della Marca Trevigiana nell’età di Ezzelino da
Romano, Roma 1963, p. 98-105. La citation de Rolandini Patavini Cronica in factis et circa
facta Marchie Trivixane (aa. 1200 cc.-1262), a cura di A. Bonardi, RIS2, VIII, I, Città di
Castello 1905, p. 173-174 (maintenant disponible également en édition italienne : Vita
e morte di Ezzelino da Romano (Cronaca), a cura di F. Fiorese, Milano 2004).
comunauté estudiantine 187

un ferme soutien de la « démocratie communale » padouane tant dans


sa production littéraire que dans son action politique, lorsque la ville dut
résister à l’expansionnisme de celui qui dans la propagande politique
citadine était une autre tyran « liberticide », à savoir Cangrande della
Scala, seigneur de Vérone21. Avec le couronnement solennel que la ville
décréta, forte de l’aval de l’université, en faveur du poète-historiographe,
auteur, entre autres, de l’Ecerinis (une tragédie clairement inspirée des
modèles de Sénèque redécouvert alors justement en vue d’exécrer les
ennemis de la liberté républicaine), l’accord entre pouvoir universitaire
et pouvoir communal à Padoue nacquit et se consolida dans le temps
sur une solide base d’abord idéale avant d’être empirique. Il me semble
que ceci est un trait typique de la situation padouane, plus encore et
avant même d’être génériquement italienne : association estudiantine
et communauté urbaine se rencontrèrent, en se reconnaissant récipro-
quement comme créatures nées du même accouchement de liberté
et comme telles consciemment engagées chacune dans son ordre à se
faire propagatrices du mot d’ordre « diligere libertatem » et « attendere
communi utilitati22 ».
C’est à partir de cette préliminaire syntonie de sentiments libertaires
et de recherche d’une forme de cohabitation réciproquement respec-
tueuse des deux sphères d’autonomie qui se xèrent une série d’accords,
y compris sur le plan juridique. Un statut antérieur à 1236 semble
indiquer qu’on avait déjà afrmé la pratique d’extraire des caisses
communales de l’argent pour prêter aux étudiants et pour payer les
domini legum et les magistri decretorum et decretalium23. Après la parenthèse
de la seigneurie d’Ezzelino da Romano sur la ville (1237-1259 : pen-
dant laquelle, toutefois, contrairement à que l’on continue à soutenir24,

21
Voir G. Billanovich, Il preumanesimo padovano, in Storia della cultura veneta, II, Il Trecento,
p. 83, et la plus récent Albertini Muxati De obsidione domini Canis de Verona ante civitatem
Paduanam, a cura di G. M. Gianola, Padova 1999, avec une ample introduction qui
rappelle la riche bibliographie sur le sujet.
22
S. Bortolami, Da Rolandino al Mussato. Tensioni ideali e senso della storia nella storio-
graa padovana di tradizione repubblicana, in Il senso della storia nella cultura medioevale italiana
(1100-1350), Atti del Convegno (Pistoia, 14-17 maggio 1993), Pistoia 1995, p. 64-85 ;
P. Marangon, Principi di teoria politica nella Marca Trevigiana. Clero e comune a Padova ai tempi
di Marsilio, in ID., “Ad cognitionem scientiae festinare”, p. 391-406.
23
Statuti del comune di Padova dal secolo XII all’anno 1285, a cura di G. Gloria, Padova
1973, p. 350. Pour un éclaircissement historique de ces provisions, voir Arnaldi, Le
origini dello studio, p. 414-415. M. Bellomo, Saggio sull’università nell’età del diritto comune,
Catania 1978, p. 105, 153, 157 ; Id., Studenti e “populus”, p. 75-76.
24
Voir par exemples les entrées Padua, Universität, in Lexicon des Mittelalters Padua, par
J. Verger, in Lexicon des Mittelalters, VI, München-Zürich 1993, col. 1621-1623.
188 sante bortolami

l’université ne cessa pas tout à fait d’exister), après 1260 il y eut de


toute façon une grande relance de l’institution universitaire et la com-
mune accorda par des engagements appropriés un vaste ensemble de
garanties aux représentants des étudiants. Ces pacta ou statuta vetera,
signés entre 1260 et 1271, rappelés sommairement dans le prologue
de la nouvelle compilation des statuts de l’université des juristes de
1331, reètent une phase fondamentale de consolidation interne de
la corporation universitaire, ainsi que celle d’une plus rigoureuse dé-
nition des rapports bilatéraux avec l’autorité communale25. Ils tracent
en quelque manière un parcours de relation serrée et d’accords entre
les deux institutions avec cette formule : « predecessorum nostrorum
rectorum gesta sunt hec pariter et statuta ». De ces recteurs des deux
grands regroupements, citramontain et ultramontain (c’est-à-dire ita-
lien et étranger), dans lequel on réunissait le nationes estudiantines, on
rappellera par exemple le cas de l’Espagnol Gosaldo, archidiacre de
Cuenca, lequel pour la première fois en 1260 « statutis et regulacionibus
fundavit studium Paduanum laudabiliter, licet imperfecte » ; une expres-
sion dans laquelle « fundare » a de toute évidence la signication de
“renforcer », « consolider », « donner stabilité » en matière principalement
de réglementation « interne » à l’université (modalité de déroulement des
disputes des docteurs, calendrier des fêtes, modalité de lecture des livres
des cours ordinaires, de l’éventuel remplacement des maîtres, et caetera).
Nous savons même que les différentes mesures prises ont été recueillies
dans un ouvrage écrit, spécique et complet (volumen proprium). Les rec-
teurs de l’année suivante, le souabe Henricus de Sancta Petronilla et
l’italien Francesco de Novare, chanoine de la cathédrale de Padoue, en
auraient continué l’oeuvre, en réalisant eux aussi un volumen contenant
un ensemble de règlements relatifs aux modalités d’examen et d’élection
des recteurs, au serment et aux enterrements des étudiants, aux collectae
avec lesquelles ils allaient rétribuer les professeurs, à la quantité et à
la qualité des logements disponibles pour les étudiants. Il apparaissait
clair dès alors qu’on dilatait la sphère d’action des recteurs vers des
secteurs qui interféraient ouvertement avec la societé et les pouvoirs
citadins. C’est si vrai que les années suivantes surtout, les questions des

25
Sur les plus anciens statuts padouans et sur les pacta vetera qui réglaient les relations
avec la commune, voir Arnaldi, Le origini dello Studio, p. 393-398. Sur ce sujet est revenu
G. Mantovani, In margine all’edizione degli statuti del’università giurista padovana, in La storia
delle università italiane. Archivi, fonti, indirizzi di ricerca, Atti del Convegno (Padova 27-29
ottobre 1994), a cura di L. Sitran Rea, Trieste 1996, p. 237-250.
comunauté estudiantine 189

logements, des prêts, du paiement des professeurs devinrent centrales


dans les négociations entre les étudiants et la ville. En nous en tenant à la
même source, le theutonicus Giovanni, déni comme « maximus aquisitor
privilegiorum universitatis et fortissimus conservator », arracha en 1267
de nouvelles concessions en matière de loyers des maisons et du droit
d’élection des professeurs. Le genevois Aimone en 1268 demanda et
obtint de la commune des prêts d’argent, avec la faculté de les répartir
parmi les étudiants ; en outre il réclama un organisme de service public
de copistes et de stationarii, également payés par la commune ; tout cela
sans négliger d’autres questions de poids telles que le choix des profes-
seurs, la gure et l’activité de l’administrateur (massarius) des nances
universitaires, les conits entre étudiants et scriptores. En 1271, le polonais
Nicolò, archidiacre de Cracovie, et l’archidiacre friulan Giovanni de
Montelongo s’engagèrent à leur tour à perfectionner l’organisation des
études et la discipline d’un monde estudiantin encore trop anarchique et
mal structuré (ils intervinrent entre autres en matière de « contumacia
scolarium iurare nolencium ») mais persévérèrent avec ténacité pour
arracher au podestat et aux conseils citadins des conditions toujours
favorables y compris sur le front de la logistique (par exemple sur l’an-
cienne et controversée querelle des hospicia mises à disposition et des
tarifs qui s’y pratiquaient26).
Durant ces mêmes années, la nécessité de résoudre les problèmes
concrets qui se posaient obligea recteurs et étudiants à élaborer une
frénétique activité normative. En 1279, un recteur véronais, Filippo
Spiciani da Mondragone, semble avoir refondu en une rédaction mieux
ordonnée l’hétérogène suite de règles et accords qui s’étaient accumulés
entretemps (« ex omnibus compilacionibus volumen composuit et ordi-
navit27 »). L’année suivante, ce fut un autre recteur des Citramontani,
cette fois de Parme, « à recueillir, ajouter, corriger, diminuer » certains
statuts précédents, même si ce ne fut pas une entreprise facile que
d’imposer la nouvelle rédaction statutaire à toutes les composantes
estudiantines (« licet per ambas universitates non fuerint recepta nec
approbata », commente laconiquement la source28).

26
Denie, Die Statuten, p. 72-75. Pour une analyse de ces provisions dans une
perspective plus générale cfr. M. Bellomo, Saggio sull’università nell’età del diritto comune,
Catania 1978, p. 105, 153, 157.
27
Denie, Die Statuten, p. 74.
28
Denie, Die Statuten, p. 74.
190 sante bortolami

Quoique l’université ait déjà presque un demi-siècle de vie plus ou


moins ininterrompue derrière elle, ce fut donc entre les années soixante
et les années quatre-vingt du Duecento que le procès de concentration et
de solidication des universitates estudiantines se poursuivit en parallèle
d’une tendance, dans l’ensemble victorieuse, de batailles tendues vers le
respect des privilèges de la corporation et la satisfaction de ses besoins
immédiats. Ce fut d’autre part dans ce même laps de temps que la
commune consentit à élaborer un ensemble de lois qui furent bien
vite rangées dans un livre spécique des statuts intitulé De conditionibus
scolarium et de facto studii Padue 29. Sur la base de ces accords formalisés
dans des rédactions appropriées, la nomination annuelle des professeurs
devait être faite avec l’accord des recteurs des étudiants, d’une com-
mission de citoyens dits tractatores studii, qui devaient aussi pourvoir au
paiement des enseignants : ce qui représente une considérable diversité
d’évolution avec Bologne, où, comme on sait, on s’attarda beaucoup
plus longuement dans la conservation de l’ancien système des collectae
assumées par les étudiants. La commune mettait en outre à disposition
des auberges adaptées « ad opus studii30 » à des prix contrôlés dans tout
l’espace citadin, à l’exception des maisons annexes aux portes d’entrée
de ville et de trois autres maisons par quartier à choisir par le podes-
tat. Les modalités d’évacuation des logements y étaient réglées par
une commission mixte de deux citoyens et deux étudiants, en laissant
à l’évêque la faculté d’arbitrage pour des éventuels désaccords31. En
échange d’un versement adapté de garanties et de gages, on prévoyait
en outre de régler un système de prêts à un intérêt maximal de six
deniers par livre pour les prêteurs professionnels (en somme, 2,5%, taux
bien inférieur aux taux courants) et à quatre deniers (1.6%) pour les
prêteurs occasionnels : les étudiants pouvaient en proter en proportion
de leur nombre et de façon limitée à leurs exigences personnelles32.
Entre 1262 et 1268 se mit même à fonctionner « ad voluntatem rec-
torum scolarium » un bureau de deux ou quatre mutuatores étrangers :
ceux-ci également exemptés des taxes par disposition de la commune
jouissaient de tous les avantages de la scolarium libertas, à l’exception du
privilège de for.

29
Statuti del comune di Padova, p. 375-379.
30
Bellomo, Saggio sull’università, p. 157.
31
Statuti del comune di Padova, 1221 p. 375.
32
Statuti del comune di Padova, 1222-1230, p. 375-376.
comunauté estudiantine 191

En 1261, le conseil citadin restreint des Quarante avait délibéré


que pour des éventuelles dettes aucun étudiant ne pouvait être pris ou
molesté en dehors du territoire padouan33. L’année suivante revenait une
délibération qui exemptait les étudiants du paiement du teloneum grevant
le transport des marchandises34. Dans le cours de ces mêmes années
soixante, il y eut en somme un authentique ux de lois approuvées ex
novo ou réformées en faveur et pour la tutelle des étudiants sur quantité
de questions : les modalités à suivre dans la citation à un jugement35 ; la
disponibilité de notaires à tarif réduit36 ; le respect intégral des privilèges
acquis dans le droit civil et le droit canon37 ; les garanties juridiques
concédées en cas de condamnation pour vols et autres délits38 ; le droit
de port d’armes pour la défense personnelle et de libre mouvement dans
la ville même durant les heures nocturnes39 ; la possibilité pour deux
recteurs d’obtenir audience chaque lundi et vendredi auprès des Anciens
de la commune, en faisant inscrire à l’ordre du jour des conseils leurs
doléances et propositions40 ; la reconnaissance aux étudiants du droit de
composer rixes et discordes réciproques sans intervention du podestat
et de ses juges41 ; la liberté de choisir annuellement les docteurs avant
les deux semaines précédant la fête de Saint-Pierre et la dénition de
leurs tâches didactiques42.
Une étude fondamentale de Domenico Maffei a supposé à juste
titre qu’autour de 1262 était présent à Padoue comme professeur de
droit le Florentin Bonaccorso Elisei, bien plus connu pour sa parenté
avec Dante Alighieri, et qui s’était formé à l’école bolonaise du grand
Odofredo. Il s’agit d’une circonstance qui ne doit pas être négligée dans
l’économie de notre discours, au moins pour deux raisons. D’abord,
c’est précisément Elisei qui a défendu dans la ville eugénéenne la cause
d’un étudiant accusé d’adultère, en alléguant le statut de clericus et qui
nous t savoir à ce propos que « admissus fui cum difcultate magna,

33
Statuti del comune di Padova, 1233 p. 376.
34
Statuti del comune di Padova, 1231, 1232 p. 376.
35
Statuti del comune di Padova, 1234, 1235 p. 376.
36
Statuti del comune di Padova, 1234, 1235 p. 376.
37
Statuti del comune di Padova, 1236 p. 376.
38
Statuti del comune di Padova, 1240 p. 377.
39
Statuti del comune di Padova, 1244, 1245 p. 377.
40
Statuti del comune di Padova, 1248 p. 377.
41
Statuti del comune di Padova, 1242 p. 377.
42
Statuti del comune di Padova, 1249, 1250 p. 377-378.
192 sante bortolami

quia hoc poterat non cadere in aures assessoris43 ». Les résistances des
autorités politiques et des tribunaux communaux aux revendications
d’immunités invoquées par les étudiants et partagées par les professeurs
devaient en somme être encore fortes à l’époque, malgré le fort enga-
gement à les faire valoir de la part des intéressés. On ne peut passer
sous silence que ce même Elisei est auteur d’un petit traité, conservé
dans un manuscrit peut-être autographe, contenant en appendice aussi
« les plus anciennes règles statutaires de l’Universitas scholarium bolo-
naise jusqu’à présent parvenue, autant dire que c’est l’exemple le plus
insigne, pour l’époque et en raison de l’importance de cette université,
de la législation universitaire de tout le monde médiéval44 ». Sans vou-
loir établir des rapports automatiques de cause à effet, on peut assez
spontanément penser que le modèle statutaire bolonais, remontant à
1252, a pu être divulgué dans le cadre universitaire padouan de 1260
et au delà, dans une ville où reeurissait la liberté et qui était revenue
depuis peu dans la grâce de la curie ponticale, précisément grâce à la
mobilité des professeurs comme Elisei, ou d’étudiants qui n’ignoraient
pas les récentes expériences bolonaises45.

43
D. Maffei, Un trattato di Bonaccorso degli Elisei e I più antichi statuiti dello studio di Bologna
nel manoscritto 22 della Robbins Collection, “Bulletin of medieval canon law”, n.s., 5 (1975),
p. 75-76. Maffei lui-même n’exclut pas un séjour padouan postérieur à l’exil gibelin
de 1267, “même après 1273”, quand il se trouvait à Bologne. De fait, à la lumière de
quelques documents inédits sur lesquels j’ai l’intention de revenir, je crois que l’on peut
avancer l’hypothèse non pas d’une, mais de plusieurs expériences d’enseignement à
Padoue. En septembre 1290 “Bonacursio de Liseo” o “de Eliseo”, Bovetino Bovetini et
Nicolò Mattarello sont qualiés de “legum doctores regentes in Padua” et formulent un
consilium sapientum devant le tribunal épiscopal en présence de l’évêque français Bernard
d’Agde, depuis peu préposé à la direction du diocèse padouan (ce qui pourrait constituer
une piste d’enquête pour comprendre l’inexplicable appartenance d’Elisei à la nation
catalono-provençale quand il était titulaire d’un cours extraordinaire (lectio extraordinaria)
à Bologne : ibid., p. 77-78) ; le 28 novembre de cette même année, Elisei était encore
présent dans le palais épiscopal de Padoue comme “iuris utriusque doctore” : Archivio
della Curia vescovile, Miscellanea Feudorum, fasc. perg., f. 84v, 91v.
44
Maffei, Un trattato, p. 74.
45
Il est intéressant de rapporter ce qu’observe Maffei, Un trattato, p. 87 note 78, en
référence au recteur des ultramontains à l’époque de la rédaction du statut universitaire
de Bologne, l’archidiacre de Salamanque, plus tard évêque d’Urgel, Aprile : “Il n’est
pas inutile de relever que si Aprile a joué un rôle de premier plan dans la formation
des plus anciens statuts de Bologne, le poids dans les événements de l’autre grande
université d’un certain ‘quidam Hyspanus nomine Gosaldus, archidyaconus Concensis,
rector universitatis utriusque’, n’en fut pas moindre, lui qui en 1260 ‘tamquam diligens
et discretus statutis et regulacionibus fundavit studium Paduanum, laudabiliter, licet
imperfecte’. C’est assurément une singulière coïncidence que de voir deux archidiacres
espagnols, l’un de Salamanque, l’autre de Cuenca, respectivement actifs dans l’élabo-
ration des premiers statuts universitaires de Bologne et de Padoue”.
comunauté estudiantine 193

En considérant dans son ensemble la dynamique des accords stipulés


entre commune et université à partir des années soixante du Duecento,
il ne faut pas d’autre part oublier que si d’un coté ce fut l’universitas qui
se chargea de représenter institutionnellement les singulières instances
estudiantines, à Padoue comme à Bologne, la physionomie des classes
dirigeantes citadines par rapport à celle du début du siècle changeait
à vue d’oeil. Ce fut donc la commune « du peuple » toujours plus
lourdement conditionnée par les intérêts et la mentalité du monde
productif qui affronta et résolut les questions soulevées par la présence
permanente en ville d’un corps au fond étranger à elle, autant que
porteur d’indubitables bénéces sur le plan culturel et économique,
au-delà du prestige politique.
Quoique dans les sources padouanes il n’y ait pas trace, comme à
Bologne, d’une explicite équiparation de l’universitas scolarium aux cor-
porations populaires46, on peut tranquillement partager l’afrmation
de Bellomo selon qui, dans cette phase fondatrice du XIIIe siècle, les
universitates acquirent et conservèrent cette empreinte caractéristique
du « peuple » qui sera seulement effacée entre les XIVe et XVIe siècles,
par un procès d’aristocratisation des structures et de la vie univer-
sitaire47 ». À cette syntonie entre des universités estudiantines et des
groupes émergents de la commune, avec cette sensibilité attentive aux
problèmes concrets, exible, empirique, désireuse de s’accréditer comme
classe dirigeante, le même spécialiste tend à attribuer aussi d’autres
mesures législatives particulières prises à Padoue (par exemple, une qui
concourait à augmenter la disponibilité de ressources alimentaires sur
le marché citadin48).
Il est certain qu’à Padoue, comme à Bologne, comme à Modène
(où ce n’est qu’après le milieu du siècle que s’imposa et se stabilisa
l’institution des Anciens du peuple et où on a relevé alors une forte et
semblable convergence entre l’évolution du mouvement populaire, piloté

46
M. Bellomo, Studenti e “populus” nelle università italiane dal secolo XII al XIV, in Uni-
versità e società, p. 74.
47
Bellomo, Studenti e “populus”, p. 77, qui par ailleurs se démarque des interprétations
plus radicales et unilatérales comme celle de Steffen, d’après qui après 1259, année
critique et de grands compromis entre universités et commune de Bologne, la grande
force des étudiants dans les universités italiennes dériverait du chantage économique
qu’ils étaient en mesure d’exercer grâce au paiement des collectae : cfr. W. Steffen, Il potere
studentesco a Bologna nei secoli XIII e XIV, in Università e società, p. 177-187, et la réponse
de Bellomo aux p. 190 –193.
48
Bellomo, Studenti e “populus”, p. 73, l’hypothèse de Bellomo se fonde en l’occurrence
sur l’analyse des pacta vetera de 1262 sur les victuailles.
194 sante bortolami

dans ce cas par la classe des juristes, et l’organisation de l’université49),


ce n’est qu’avec la commune du peuple que les règlements internes que
l’université se donnait devinrent des engagements contraignants, au
moins théoriquement, pour les autorités communales à condition qu’« ils
ne port[ent] pas préjudice à l’honneur du podestat, de la commune et
des citoyens de Padoue ». En somme, les étudiants devaient être traités
comme « cives quantum ad comoda et non ad incomoda50 ».
La trajectoire de forte intégration et d’aide mutuelle entre commune
et université que l’on a tracée jusqu’ici ne fut d’autre part pas entière-
ment linéaire, même à Padoue. Un équilibre entre les parties fut atteint
concrètement avec un parcours peut-être plus mouvementé que ce que
peut laisser apparaître le texte statutaire citadin. Le démontre, entre
autres, la notice qu’en 1267 la commune tenta sans succès de rompre
le privilège des étudiants à propos du libre choix des professeurs (« cum
commune vellet rumpere privilegia scolarium in eleccionibus docto-
rum »), le recteur en fonction, le prévôt allemand Giovanni, s’opposa
de toutes ses forces à cet attentat (fuit precipus et maximus contradictor
atque defensor51 »).
On ne doit pas oublier d’ailleurs que, tout comme durant tout le
XIIIe siècle, la commune élaborait progressivement une capacité de
représentation de groupes sociaux en mouvement continu, en imposant
seulement par étape le concept d’intérêt public dans lequel se trouvaient
synthétisées les pressions particularistes des parentelles magnatices et
populaires, des societés de quartiers, des groupes professionnels, des
composantes ecclésiastiques, des organismes communautaires et de
seigneurs du territoire, le corps universitaire à son tour en vint à se
construire son identité institutionnelle à travers un chemin non dépourvu
de tensions intestines qui inévitablement se répercutaient dans le rapport
avec la commune en tant que telle. En somme, il serait trompeur de

49
G. Santini, Università e società a Modena tra il XII e il XIII secolo, in Università e
società, p. 327-362 ; sur le développement des ordonnances “populaires” de Bologne,
voir maintenant R. Dondarini, Bologna medievale nella storia delle città, Bologna, 2000,
p. 193-224, avec renvoi à la bibliographie antérieure.
50
Statuti del comune di Padova, 1237 p. 376 e 1241 p. 377: “Intuicione et iusticie
exibicione ubicumque in Padua et Paduano districtu de utilitate scolarium tractabitur,
pro civibus habeantur, salvis eorum privilleiis scolasticis”. Sur l’évolution sociale et
constitutionnelle de la commune du “peuple” de Padoue, voir M. A. Zorzi, L’ordinamento
comunale padovano nella seconda metà del secolo XIII, tiré-à-part avec pagination autonome
des Miscellanea di storia edita per cura della Deputazione di patria per le Venezie, ser. IV, V,
Venezia 1931 ; J. K. Hyde, Padova nell’età di Dante. Storia sociale di una città-stato italiana,
Trieste 1985.
51
Denie, Die Statuten, p. 73.
comunauté estudiantine 195

penser à “université et commune” comme à des interlocuteurs avec une


voix unique. D’autant plus que dans la recherche d’un modus vivendi de
réciproque satisfaction restaient des vastes espaces pour l’intervention
de forces extérieures, en particulier des institutions et des hommes
d’église : si en effet, la papauté avait été garante, pour ne pas dire pro-
motrice, du développement de l’université, à un niveau local encore,
l’église continuait à exercer un poids considérable dans sa vie, soit par
la fonction de chancelier réservée à l’évêque, soit par l’implication
directe de beaucoup d’hommes de religion dans les activités d’étude
et d’enseignement.
Malgré la pauvreté des informations, il nous est arrivé l’écho d’épiso-
des particulièrement éloquents de ce point de vue. Entre 1287 et 1288,
par exemple, on sait qu’il y eut une grave crise qui risqua de provoquer
une dissolutio studii. L’association des étudiants, en effet, s’était brisée en
deux à propos de la venue du célèbre juriste Giacomo dell’Arena. Les
étudiant ultramontains, presque compacts, exigèrent de la commune
l’éloignement de l’enseignant pour une décennie au moins, en menaçant
un exode en masse de Padoue. La commune, incapable de résoudre
le différend d’ici l’échéance prévue de la fête du Noël, fut forcée de
recourir au pape. A la n, tout se calma grâce à une énergique censure
des étudiants de Nicolas IV et à la médiation d’un homme de conance
du pape, Bovetino de Mantoue, qui était au même temps professeur à
l’université et chanoine de la cathédrale de Padoue52. Dans ces mêmes
années, entre 1287 et 1290, les sévères mesures juridictionnelles que
la commune de Padoue avait adoptées à l’égard du clergé diocésain
provoquèrent aussi l’excommunication de la ville de la part du pape.
Mais même dans cette affaire on trouva à la n une solution grâce à
la médiation d’un groupe de haut niveau de professeurs « amis » de
l’université, parmi lesquels le très puissant cardinal Pietro Colonna,
naguère étudiant à Padoue avec son frère Matteo, qui avait obtenu
une prébende dans le chapitre cathédral53.
Dans l’attitude concrète des gouvernants de la commune, la consi-
dération que la présence de l’université en ville comportait de

52
E. langlois, Bulle relative à une élection de Jacques de Arena à l’université de Padoue, “Mélan-
ges d’archéologie et d’histoire”, 4 (1884), p. 653-656 ; S. Bortolami, Studenti e città nel
primo secolo dello studio padovano, in Studenti, università, città, p. 13-14.
53
Bortolami, Studenti e città, p. 14-15. Sur la politique ecclésiastique des régimes
communaux du “peuple” cfr. A. Rigon, Il ruolo delle chiese locali nelle lotte fra magnati e
popolani, in Magnati e popolani nell’Italia comunale, Atti del Convegno ((Pistoia, 15-18 maggio
1995), Pistoia, 1997, p. 117-136.
196 sante bortolami

considérables avantages économiques, au-delà de ceux de l’image, fut


toujours décisive. Et pour s’assurer de ceux-ci il fallait aussi escompter
le règlement de problèmes d’ordre public non négligeables et qui
provenaient de la présence, souvent difcile à gérer, d’une forte com-
posante humaine clairement privilégiée dans le tissu social citadin et,
d’une certaine manière, affranchie du contrôle des autorités ; compo-
sante, de plus, sujette à un incessant renouvellement humain. Même
à Padoue, on sait en effet que des étudiants de Milan, de Bologne, de
Sienne, à la n du Duecento et au début du Trecento, demandaient et
obtenaient de l’évêque l’autorisation « portandi arma per civitatem
et diocesim Paduanam » parce qu’ils étaient inquiets de leur propre
impunité et que beaucoup d’étudiants-clercs italiens et étrangers, dans
les premières décennies du Trecento, étaient impliqués dans les jeux de
hasard, rixes et même dans l’invasion violente d’un monastère féminin54.
Même de ce point de vue, toutefois, il doit être remarqué qu’on n’arriva
jamais à Padoue à certaines formes de répression violente ou encore à
des exécutions capitales à l’égard des étudiants, qui se produisirent, en
revanche, à Bologne et furent cause, en même temps que des batailles
de faction, d’ultérieures hémorragies d’étudiants avantageuses pour
l’université padouane en 1274 et encore en132155.
Au delà des rapports institutionnels, du reste, entre université et ville
se réalisait progressivement un dialogue profond et fécond, même s’il n’était
pas toujours facile, au niveau économique, culturel, et religieux56.
Au cours d’un siècle de vie de l’université, le podestat et les conseils
citadins avaient appris à développer une vraie « politique universitaire »,
habile et productive, en jouant une partie complexe qui, étant donnée la
nature particulière de l’institution universitaire, caractérisée par une forte
autonomie et un spectaculaire internationalisme57, dépassait maintenant
largement l’horizon citadin58. La symbiose entre milieu universitaire
et organisme communal, dans ce contexte, était arrivée à des niveaux

54
Bortolami, Studenti e città, p. 22.
55
Cfr. F. Filippini, L’esodo degli studenti da Bologna neò 1321 e il “Polifemo” dantesco, “Studi
e memorie per la storia dell’Università di Bologna”, 6(1921), p. 105-185, à qui l’on doit
une reconstitution avisée des événements. Sur certains aspects de ce dialogue, je me
suis arrêté plusieurs fois dans l’article plusieurs fois cité ci-dessus Studenti e città.
56
Pour Padoue, je me permets de renvouer à S. Bortolami, Le ‘nationes’ universitarie
medioevali di Padova: comunità forestiere o realtà sovranazionali ?, in Comunità forestiere e ‘nationes’
nell’Europa dei secoli XIII-VI, a cura dui G. Petti Balbi, Napoli 2001, p. 41-66.
57
Bortolami, Studenti e città, p. 22-23.
58
Bortolami, Studenti e città, p. 16.
comunauté estudiantine 197

tels autour de 1310 que l’on prévoyait l’usage de la formule « amore


comunis et studii Padue59 » dans les registres épistolaires utilisés pour
engager les professeurs60.
Le rapport entre les pouvoirs locaux et l’université, qui s’est consolidé
grâce à un parcours presque séculaire d’accords et sufsamment bien
déni désormais même à un niveau normatif, put de la sorte se pour-
suivre sans traumatisme même après qu’en 1311 le système communal
padouan emprunta la route d’une crise irréversible61, laquelle aboutit en
1318 (formellement, mais dans les faits en 1338), à un régime de type
seigneurial62. Sous le gouvernement des Carrare (1318-1405), Padoue
devint en effet capitale d’un petit état aux ambitions régionales dans
lesquelles la politique de la dynastie dominante et de l’oligarchie cita-
dine que la soutenait s’inspira clairement du principe « quod Studium
Paduanum augmentetur », comme on le lit dans le texte du serment
que Giacomo da Carrara t à la ville en assumant le pouvoir.
De cette phase du XIVe siècle pendant laquelle les rapports entre
pouvoirs citadins et université évoluèrent dans un sillon maintenant
bien tracé, il sufra donc de mettre en évidence quelques particularités.
L’objectif tenacement poursuivi avec un engagement plus ou moins
grand par tous les princes Carrare fut surtout celui de renforcer le
rôle de Padoue comme siège universitaire de prestige, en appelant des
enseignants célèbres de façon à donner de la qualité au niveau d’ensei-
gnement offert et à attirer des étudiants étrangers en grand nombre63.
Continuité, donc, avec les précédentes orientations de la commune, mais
même ferme volonté de développement, en quelque manière dûe à des
choix précis de propagande de la seigneurie (une représentation ofcielle
des docteurs était normalement présente lors des événements tels que
l’investiture du nouveau seigneur, les ambassades, les enterrements et
les mariages de cour), et à un nouveau concept humaniste de « prince »
aimant les lettres, élaboré et défendu auprès de la cour des Carrare par
des humanistes et des hommes de lettres comme François Pétrarque

59
Ibid.
60
Ibid.
61
Hyde, Padova nell’età di Dante, p. 223-246 ; S. Collodo, Padova e gli Scaligeri, in Gli
Scaligeri, 1277-1387, a cura di G. M. Varanini, Verona 1988, p. 41-50.
62
La bibliographie la plus à jour sur ce sujet est celle de B. J. Kohl, Padua under the
Carrara, 1318-1405, Baltimore-London 1998, en particulier p. 35-99.
63
D. Gallo, Università e signoria a Padova dal XIV al XV secolo, Trieste 1998, synthèse récente
sur le sujet de laquelle je tire ce point et d’autres données fondamentales ci-après.
198 sante bortolami

ou Pierpaolo Vergerio64. Une volonté de développement, d’ailleurs,


qui frappe d’autant plus, par exemple, face à l’évolution de l’université
de Bologne au cours du XIVe siècle qui, au-delà des clichés abusifs, se
révéla indubitablement comme une phase de sensible recul autant par
la qualité des enseignements que par les ux d’admissions65.
Bien entendu, Padoue n’échappa pas à la tendance générale perceptible
pour le Moyen Âge tardif dans la majorité des universités européennes,
en particulier celles de nouvelle fondation : à savoir la compression de
leur espace d’autonomie (due surtout au fait que les autorités politiques,
en prenant à charge les salaires des professeurs, disposèrent d’un moyen
de pression très efcace). A la vérité, la commune comme organisme
administratif conserva encore un engagement direct dans le champ
universitaire par la magistrature des tractatores studii, dont la principale
tâche, réglée par une loi de 1339, était de faire en sorte, de concert
avec les recteurs des étudiants, qu’avant le mois de décembre on ait
effectué les élections des doctores legentes66. De leur activité concrète, on
ne sait pas cependant grand-chose, même s’il y a motif à croire qu’ils
fonctionnaient plus comme organe de médiation mutuelle que de
contrôle, contrairement aux Réformateurs de l’université de Bologne,
pourvus de substantiels pouvoirs dans la gestion universitaire, comme
la surveillance des leçons ou la rédaction des rotuli67. Toutefois, avec
le passage progressif du choix des professeurs directement au prince-
payeur, leur gure s’étiola (même si encore le 15 octobre, ils agissaient

64
Les travaux classiques de référence sont R. Sabbadini, Giovanni da Ravenna, insigne gura
d’umanista (1343-1408), Como 1924 (rist. anast. Torino 1961) ; Gius. Billanovich, Petrarca
letterato, I. Lo scrittoio del Petrarca, Roma 1947 (rist. Roma 1995) ; G. M. McManamon,
Per Paolo Vergerio the Elder: the humanist as orator, Tempe (Arizona) 1996 ; mais voir aussi
Kohl, Padua under the Carrara, p. 259, 308.
65
Sur la stagnation de l’université de Bologne au XIVe siècle, unanimement admise
dans l’historiographie, voir les travaux cités supra n. 3, en particulier A. Vasina, Lo
Studio nei rapporti colle realtà cittadine e il mondo esterno nei secoli XIII-XIV, in L’università di
Bologna, p. 29-59, duquel on peut rapprocher le volume Cultura universitaria e pubblici
poteri a Bologna dal XII al XV secolo, Atti del Convegno (Bologna, 20 –21 maggio 1988),
a cura di O. Capitani, Bologna 1990. Pour les rapports avec Padoue, il faut conserver
présents également les articles de A. Favaro, Di un tentativo di procurare una nuova emigrazione
dallo Studio di Bologna a quello di Padova intorno alla metà del secolo XIV, “Nuovo archivio
veneto”, n.s., 36 (1919-1920), p. 254-259 ; ID., Ancora del tentativo di procurare una nuova
emigrazione di scolari dallo Studio di Bologna a quello di Padova intorno alla metà del secolo XIV,
“Atti e memorie della r. Deputazione di storia patria per le province di Romagna, ser.
IV, 7(1917), p. 195-205.
66
Gallo, Università e signoria, p. 26-28.
67
G. Cencetti, Lo Studio di Bologna, Aspetti, momenti e problemi, a cura di G. Orlandelli,
R. Ferrara, A. Vasina, Bologna 1989, p. 331-334.
comunauté estudiantine 199

« in omnibus ad studium pertinentibus et precipue en conducionibus


doctorum ad lecturas68 »).
De fait, cependant, l’interférence du seigneur dans le choix des
professeurs se t toujours plus forte et effective, grâce à une véritable
« politique des chaires » pratiquée par le seigneur, ou plus souvent par
son appareil de gouvernement (vicarii, consiliarii, cancellarii, referendarii ),
choisis dans une grande mesure parmi les licenciés et les professeurs du
Studium ; politique qui se manifesta déjà avec Ubertino de Carrara, dans
les années 40 du siècle et devint plus marquée avec Francesco l’Ancien,
dans la seconde moitié du siècle et assura à Padoue la présence de
luminaires du droit tels Rainieri Arsendi, Baldo degli Ubaldi, Pietro
d’Ancarano, Biagio Pelacani, Riccardo de Saliceto69. Dans la course à
l’accaparement des “crânes d’oeuf ” disponibles sur le marché et rému-
nérés avec des salaires ad personam souvent très élevés, les Carrare de
leur côté arrivèrent dans quelques cas à des véritables actes de piraterie
académique qui suscitèrent des querelles auprès d’autres universités ou
d’autres cours seigneuriales (en 1379, le chaleureux accueil du seigneur
de Padoue à Lapo de Castiglionco, provoqua, par exemple, une lettre
ofcielle de protestation du chancelier de la république orentine70).
En deuxième lieu, l’activité du pouvoir seigneurial s’exprima par des
interventions de médiation et d’arbitrage au sein de l’université, soit
indirects soit directs. Dans le jeu complexe et encore ouvert de rap-
ports internes au studium existant entre les corporations des étudiants,
le collège des docteurs juristes (un « ordo » restreint qui incluait soit
des professeurs indigènes soit des étrangers et comprenait même de
docteurs non enseignants souvent actifs comme juges de la commune
et des membres du staff des ofciers de cour71) et enn le chancelier-
évêque, auquel revenait la présidence, personnelle ou déléguée, des
opérations d’examens de licence et de doctorat, le pressing des Carrare

68
Gallo, Università e signoria, p. 34.
69
Dans ces nominations de professeurs de prestige, une vraie opposition entre enti-
tés politiques s’était déchaînée comme le démontre le fait qu’un personnage comme
Riccardo da Saliceto, ainsi que son ls Roberto, a reçu une amende du podestat de
Bologne, précisément pour avoir accepté de venir à Padoue pour un cours de droit
civil. Ce n’est qu’en 1360 que l’intervention du cardinal Egidio di Albornoz le libéra
de cette peine : G. Pace, Riccardo da Saliceto, un giurista bolognese del Trecento, Roma 1995,
p. 15-16.
70
Gallo, Università e signoria, p. 29-35.
71
Parmi ces derniers, par exemple, des personnages comme Giacomo da Santa
Croce, Bartolomeo Capodivacca, Francesco da Conselve, Ottonello Descalzi: Kohl,
Padua under the Carrara, p. 32-33.
200 sante bortolami

eut comme objectif surtout ce dernier. Dans le respect formel des pré-
rogatives des évêques, la seigneurie réalisa de fait une action de lourd
contrôle de l’église diocésaine, en l’attirant avec succès dans l’orbite
de la cour et des clientèles seigneuriales72. Les effets d’une semblable
politique apparaissent bien évidents, par exemple, en 1346, lorsque les
corporations estudiantines revendiquèrent la participation avec droit de
vote aux examens de licence et de doctorat, en trouvant l’opposition
de l’évêque, Ildebrandino Conti : le seigneur de la ville, Giacomo II
de Carrare, exprima alors une sentence à la Salomon entre les parties
comme « arbiter et arbitrator et denitor amicabilisque compositor ».
Encore plus éloquente fut la sentence arbitrale que, sur demande des
parties, Francesco Novello de Carrare prononça en 1399 dans un sens
favorable aux artiens pour débloquer dénitivement la vieille querelle
ouverte entre ceux-ci et les juristes73. En somme, à la longue, la sei-
gneurie arriva à se substituer, sans aucune charge organique mais avec
un poids réel très concret, à la fonction que recouvrait dans l’ancienne
coutume l’évêque-chancelier.
En troisième lieu, on ne peut pas oublier l’activité de soutien à l’uni-
versité déployée par la fondation des collèges universitaires. Francesco
l’Ancien déjà en 1362 en avait fondé un pour les étudiants pauvres
de droit. Mais non moins actifs furent les autres représentants de la
classe dirigeante citadine ou de l’église. L’évêque Pileo de Prata, par
exemple, prélat de réputation européenne et parent du seigneur, qui
depuis 1360 s’était révélé un inuent médiateur dans les controverses
internes au monde universitaire et qui favorisa peut-être la création à
Padoue d’une faculté de théologie en 1363, fut à coup sûr celui qui
donna les premières constitutions au collège universitaire Tornacense et,
en 1394, créa avec un seigneur de la ville le collège universitaire pour
les étudiants friulans, appelé en son honneur collège Pratense74.
Au-delà de cette action publique visible de patronage et de contrôle,
il faudrait enn garder en tête le niveau d’utilisation du personnel du
Studium que la seigneurie des Carrare a exprimé par des voies ofcieuses
et privées. Il suft, pour en donner un seul témoignage concernant le

72
Voir en dernier lieu, L. Gaffuri, D. Gallo, Signoria ed episcopato a Padova nel Trecento:
spunti per una ricerca, in Vescovi e diocesi in talia dal XIV al-la metà del XVI secolo, Atti del Convegno
di storia della Chiesa in Italia (21-25 settembre 1987), a cura di G. De Sandre Gasparini,
A. Rigon, F. G. B. Trolese, G. M. Varanini, Roma 1990, II, p. 923-956.
73
Gallo, Università e signoria, p. 38-41.
74
P. Stacul, Il cardinale Pileo da Prata, Roma 1957.
comunauté estudiantine 201

corps des professeurs de médecine toujours plus réputé, de se rappeler


l’intimité des Carrare avec la dynastie des Santasoa, en particulier avec
Marsilio qui, grâce au système d’alliances politiques de la seigneurie, a
tourné aussi comme médecin de cour dans le royaume de Hongrie75.
On se tromperait toutefois en croyant que le pouvoir du dominus
citadin ait été celui d’un rouleau compresseur face à l’université. Une
comparaison même supercielle avec les différentes réalités locales
montre comment, en dépit de la substantielle homogénéité des sys-
tèmes d’organisation, soit des étudiants, soit des docteurs, et en dépit
de l’appartenance à une sorte de système de vases communiquant des
hommes et des disciplines absolument communes à toutes les universités,
Padoue a continué à maintenir au cours du XIVe siècle son originalité
par rapport à d’autres universités nées plus récemment de la volonté
expresse des seigneurs urbains. L’expérience de l’université citadine et
communale distingue par exemple nettement Padoue de Pavie et de
Ferrare, créées seulement et respectivement en 1361 et en 1391 par la
volonté des Visconti et des marquis d’Este76. Ce qui faisait la différence,
c’était vraisemblablement l’histoire même de l’université et donc le
rapport divergent avec la tradition précédente. La continuité n’était pas
évidemment le fait uniquement du fonctionnement ininterrompu, mais
de rapports très anciens et étroits avec la societé urbaine et devenait
elle-même un élément de force et d’autorité pour marquer le niveau
d’autonomie face aux tentatives d’ingérence du pouvoir politique.
Bologne mise à part, aucune autre université italienne, en effet, ne
tirait sa légitimation « ex consuetudine longissima », comme continuent
à le répéter les juristes padouans depuis 1260 –61 ; comme tant de
professeurs illustres plus tardifs qui tels Francesco Zabarella ou Raf-
faele Fulgosio ont montré qu’ils le savaient, le Studium n’était pas né
« ex privilegio speciali» ou « a privilegiis principis », mais trouvait en
lui-même son droit à exister. Né avec l’appui de l’église, locale et uni-
verselle, sans autorisation préalable d’une autre puissance politique, il
assuma de fait depuis les origines des prérogatives de studium generale et
ce n’est que successivement, grâce à l’intérêt des évêques qu’auraient

75
Une reconstruction originale et pénétrante de cette gure peut se lire désormais
chez T. Pesenti, Marsilio Santasoa tra corti e università. La carriera di un “monarcha medicinae”
del Trecento, Treviso 2003, en particulier aux p. 126-130.
Voir au moins P. Vaccari, Storia dell’università di Pavia, Pavia 19833; B. Pagnin, L’isti-
tuzione dello “Studium generale” di Pavia, in Discipline e maestri dell’Ateneo pavese, Pavia 1961;
A. Visconti, La storia dell’università di Ferrara, Bologna 1950.
76
Gallo, Università e signoria, p. 36.
202 sante bortolami

été demandées des conrmations ponticales, lesquelles toutefois se


présentent comme simples ratications de privilèges déjà acquis par
les étudiants, les professeurs et le chancelier et non pas comme des
actes constitutifs77.
Ce fut certainement cette ancienne tradition qui t en sorte que le
seigneur, face au Studium, agissait au fond davantage comme médiateur
entre les parties que comme despote.
De leur côté, le collège des juristes et, dans une moindre mesure
celui des médecins, fournirent indubitablement une robuste béquille
au régime, mais ils maintinrent pourtant jalousement une physionomie
d’ouverture européenne grâce à la circulation des étudiants et au rôle
de véhicule de transmission et de diffusion des savoirs codiés, sans
s’avilir à un rôle docile d’instrumentum regni 78 local.
Cela explique que, comme on l’a également remarqué, au cours du
bas Moyen Âge, l’université de Padoue souffrit beaucoup moins que les
autres sièges de cette fermeture de type régional qui affecta presque tous
studia generalia européens. Depuis les origines, le Studium fut caractérisé
par un spectaculaire internationalisme, et en 1331 ce n’étaient pas moins
de huit nations d’Ultramontains qui étaient attestées : Teutonici, Boemi,
Poloni et Ungari, Provinciales, Burgundiones, Anglici cum Scotis, Cathalani cum
Hispanis, Ultramarini et dix autres nations d’Italici ; et durant tout le reste
du siècle, on estime que le pourcentage des étudiants non nés à Padoue
ou dans sa campagne n’a jamais été inférieur à 87%79. Entre 1540 et
1609, on a compté 6493 inscrits à la natio Germanica de Padoue face aux
3090 contemporains de Bologne, et encore en 1608, l’Anglais Thomas
Coryat pouvait observer que « il y a à Padoue plus d’étudiants d’origine
étrangère et de nations reculées que dans n’importe quelle autre uni-
versité du monde chrétien80 ». La capacité d’autonomie de l’université,
en somme, fut indubitablement proportionnée à la consistance et à la
qualité fortement cosmopolite de sa ressource humaine81.

77
Gallo, Università e signoria, p. 36.
78
Gallo, Università e signoria, p. 44.
79
Kohl, Padua under the Carrara, p. 34.
80
Bortolami, Le ‘nationes’ universitarie, p. 54-56.
81
Contrairement à ce qui a été soutenu même par des auteurs de premier plan : voir
par exemple J. Le Goff, Spese universitarie a Padova nel secolo XV, in ID., Tempo della Chiesa,
tempo del mercante, Torino 1977, p. 126, pour qui l’université de Padoue “tend à se replier
sur une base locale et devient l’université de Venise” : l’afrmation est incontestable,
mais il faut préciser que cela ne signie en aucune façon une restriction du bassin
de recrutement de la population étudiante ; et cela ne doit surtout pas faire penser à
une “nationalisation, c’est-à-dire à une tendance à se limiter, et au moins pour ce qui
concerne les maîtres, à un recrutement local” (ibid., p. 122).
comunauté estudiantine 203

Si vraiment un discours comparatif devait conduire à saisir la spéci-


cité de la genèse et du parcours historique de chaque université, alors
il faudrait dire que l’université padouane était comme peu d’autres,
encore aux seuils de l’âge moderne, dèle à une vocation historique qui
la voulait université européenne bien plus et bien avant qu’université
de la commune de Padoue d’abord, de la seigneurie carrare ensuite,
et de l’état vénitien enn82. Elle ne put pas évidemment échapper aux
pressantes tendances du temps qui la portaient à devenir « Studium
de San Marco83 », mais – et cela doit être réafrmé avec un sensus
sui d’autant plus surprenant-, ce ne fut pas seulement une question
d’hommes. Ce fut même un fait d’idées, de conceptions profondement
assimilées et devenues par une longue pratique des valeurs partagées
et pas seulement à l’intérieur du monde universitaire. La considéra-
tion de la libertas universitaire s’était afrmée souveraine durant les
deux premiers siècles de vie de l’université de Padoue par- delà toute
évaluation politique contingente. « Eundem Deum colimus, et eundem
papam vicarium Christi in spiritualibus, et eundem imperatorem eciam
vicarium Christi in temporalibus, eisdem litteris utimur et easdem
adiscimus et docemus » : ainsi s’exprimaient, depuis 1262, d’une seule
voix les étudiants de Padoue, en dépassant des barrières de nationalité
et des conditionnements contingents des pouvoirs politiques locaux.
Insérés tous dans des ordres universels homogènes par la foi, la direction
religieuse et politique, la culture, les étudiants n’ignoraient pas qu’ils
étaient, quoique dans une Europe des sentiments nationaux naissants
et des particularismes politiques monarchiques et régionaux toujours
plus solides, des candélabres porteurs de la lumière qui éclaircissait la
commune identité chrétienne contre les schismes, le primat commun
du droit sur la force des armes, la commune sagesse des lettres face
aux barbaries84.
Même le pouvoir ne put l’ignorer.

82
Sur les mécanismes et les moments de cette structuration de l’université du XVe
siècle en terme de prestige international de la part du pouvoir vénitien, voir D. Gallo,
L’età medioevale, in L’università di Padova. Otto secoli di storia, a cura di P. Del Negro, Padova
2001, en particulier p. 25-33.
83
L’expression est de P. Del Negro, L’età moderna, in L’università di Padova, p. 35.
84
Bortolami, Le ‘nationes’ universitarie, p. 65.
UNIVERSITÉ ET POUVOIRS URBAINS DANS
UNE VILLE COMMUNALE : PÉROUSE

Carla Frova

Le cas de l’université de Pérouse, qui obtint le statut de Studium generale


en 1308, montre de façon exemplaire la richesse et la force des liens
qu’une ville communale d’Italie pouvait entretenir avec son université.
Dans une perspective comparatiste, à laquelle nous invite ce colloque, et
donc si l’on veut évaluer ce qui est commun à toutes les universités de
l’Europe e ce qui est propre du milieu italien, l’hypothèse de laquelle on
peut partir et la suivante. Puisqu’il est question des villes communales,
la spécicité, sur la base de laquelle on pourra éventuellement parler
d’un “modèle italien”, sera liée à cet attribut, “communal”, qui marque
l’originalité du modèle d’autonomie politique qu’ont élaboré certaines
villes d’Italie (et qui fut propre ici de toutes les villes où se développa une
université aux XIIIe et XIVe siècles, sauf Naples). Il s’agit d’ailleurs
d’une hypothèse presque obligatoire, suggérée ou imposée comme elle
l’est par toute la littérature classique sur le développement urbain au
moyen âge, dans laquelle la tradition italienne, au-delà des différences
des écoles, ne renonce pas à insister sur l’autonomie politique comme
marque de distinction des villes italiennes1. Comme preuve e contrario, je
rappelle les pages que Marino Berengo consacre aux rapports entre villes
et universités dans son grand livre sur les villes européennes, un livre
en quelque sorte à contre-courant (du moins par rapport à la tradition
des études en Italie), puisqu’il ne souligne que très peu cette prérogative
des villes italiennes qui résiderait dans l’autonomie politique : dans ce
contexte, mêmes le rapport entre la ville et son université se présente
d’une façon assez uniforme en Italie comme au-delà des Alpes2. Je pars
d’une hypothèse tout à fait contraire, beaucoup plus traditionnelle.

1
Une synthèse très claire de la discussion, avec la bibliographie essentielle, dans
Renato Bordone, “Nascita e sviluppo delle autonomie cittadine”, dans La storia. I
grandi problemi dal Medioevo all’Età contemporanea, éd. Nicola Tranfaglia – Massimo Firpo,
II.2. Il Medioevo. Popoli e strutture politiche (Torino, 1986), p. 427-460, spécialement aux
p. 449-460 : “La particolarità del caso italiano”.
2
Marino Berengo, L ‘Europa delle città. Il volto della società urbana europea tra Medioevo
ed Età moderna (Torino, 1999), p. 574-586 et passim.
206 carla frova

J’ai parlé de Pérouse comme d’un cas exemplaire. Il suft tout d’abord
de constater que la bulle de Clément V, qui l’érigeait en Studium generale,
ne survint que deux ans après que le conseil municipal avait pourvu le
nouvel établissement d’un long et minutieux statut, c’est à dire de tout
ce qui lui était juridiquement nécessaire au niveau du droit local3. La
volonté et la diligence de l’administration publique ne sufsaient pas, la
bulle – comme chacun le sait – était indispensable et fut recherchée à
tout prix. Et jusqu’ici rien de nouveau : le processus par lequel la ville
parvient à se douer d’un Studium universitaire est semblable à d’autres
qui ont déjà été évoqués au cours de ce colloque, sauf peut-être en ce
qui concerne les difcultés que les hommes de Pérouse ont dû facer
avant de conduire l’entreprise à bon n : les démarches échouées, les
ambassadeurs revenant plusieurs fois sans rien n’avoir obtenu, l’emploi
d’une quantité extraordinaire d’argent – au moins 2000 orins –, et
enn la bulle arrachée, pour ainsi dire, à la chancellerie du pape, qu’on
a dû réjoindre a Saintes : et c’est un document d’une qualité modeste,
en ce qui concerne la forme littéraire ainsi que l’écriture.
Mais voyons le contexte dans lequel s’est développée l’initiative de
la ville, en remontant un peu en arrière dans le temps. L’idée d’em-
planter un Studium generale à Pérouse (qui serait le cinquième en Italie,
après Bologne, Padoue, Naples et Rome, si l’on exclut ces quelques
fondations qui ont eu une vie éphémère) arrivait à la n d’une période
qu’on peut faire commencer au moins de 1275/1276, et dans lequel un
intérêt croissant à l’égard du problème de l’éducation supérieure avait
été déployé par les autorités publiques. 1276 est justement la date qui
apparaît sur l’étendard du Studium generale Perusiae, qui faussement se dit
constitutum anno millesimo ducentesimo sexto. Ce dernier quart du XIIIe siècle
avait été marqué par plusieurs initiatives dans le secteur des ‘politiques
pour l’université’.
La municipalité avait mis en place un effort remarquable, nancier et
d’organisation, visant à assurer à la ville des lecturae de niveau supérieur,
en chargeant des cours telle année un maître de grammaire, de logique,

3
Heinrich Denie, Die Entstehung der Universitäten des Mittelalters bis 1400 (Berlin, 1885,
réimpr. Graz, 1956), p. 538 ; Giuseppe Ermini, Storia dell’università di Perugia (Firenze,
1971), 2 voll., I p. 25-26 ; le texte de la bulle, dont l’original se trouve dans l’ASPg,
ASCPg , Bolle, Brevi e Diplomi, B. 1, a été imprimé plusieurs fois : v. Adamo Rossi, Documenti
per la storia dell’università di Perugia, con l’albo dei professori a ogni quarto di secolo (Perugia,
1876-1878), doc. 4.
université et pouvours urbains dans une ville communale 207

des arts libéraux, telle autre un docteur de droit, telle autre encore un
médecin. Il s’agit là d’initiatives isolées, semblables à celles qu’on a et
qu’on aura un peu partout, même dans les villes qui n’auront jamais
d’université4. À l’époque on ne pense pas encore à un organisme com-
plet, à un Studium in qualibet facultate. En même temps on prévoit des
initiatives de propagande adressées à ceux qui pourraient être intéres-
sés à venir suivre des cours à Pérouse. Elles sont d’abord limitées aux
environs de la ville (terrae circumstantes), ensuite ouvertes à des objectifs
plus ambitieux : des nuntii et des litterae sont envoyés même plus loin5.
On retrouve aussi, dans les décisions que prend la municipalité (ce sont
toujours les procès verbaux des séances des conseils qui nous renseignent
sur ces évènements), le souci pour la condition juridique des étudiants
qui viendraient de l’extérieur, auquels on assure en avant la protection
de la ville contre toute represalia, dans l’esprit de la constitution Habita
de Frédéric I6. La rhétorique simple mais efcace des documents arrive
même à exprimer d’une façon assez claire la conscience de la valeur que
cette activité a pour la ville : ces sont évidemment des lieux communs,
qu’il vaut pourtant la peine de retenir. En 1285 on s’organise pour avoir
un juriste qui enseigne dans la ville, on prévoit pour lui un salaire de
300 lires, naturellement aux frais de la municipalité : on fait ça ut civitas
Perusii sapientia valeat elucere et in ea studium habeatur 7 (studium ou Studium ?
l’interprétation du mot n’est pas facile : “an que l’on y puisse étudier”,
ou bien cette lectura est censée être la première pierre d’un édice plus
complexe dont le projet, à ce moment là, est déjà en quelque sorte
ébauché?). Et il ne faut pas passer sous silence le fait qu’en 1287 on eut
même l’idée d’inviter à Pérouse, en allant le chercher à Bologna, où il
était en train de tenir ses cours, le fameux médecin Taddeo Alderotti,
pour le charger d’une expertise : il doit décider si civitas Perusii apta sit
studio et utilitati studentium8. L’épisode est très curieux : on y retrouve l’un

4
Au cours de ce colloque, Jacques Verger a rappelé qu’il est important de ne pas
négliger ces formes d’enseignement qui ne sont pas encadrées dans une institution
universitaire, pour comprendre d’un façon globale l’attitude des villes à l’égard de
l’éducation supérieure ; il s’agit bien entendu d’un phénomène qu’il n’est pas facile de
saisir, car il est morcelé dans une quantité d’épisodes, dont les documents se retrouvent
parfois avec difculté.
5
Rossi, Documenti, doc. 2, 3, 4 (années 1276 et 1277).
6
Ibidem, doc. 1 bis, 3 (années 1275 et 1276).
7
Ibidem, doc. 4 bis ; v. aussi Oscar Scalvanti, “Il seminario giuridico secondo le tra-
dizioni delle università medievali”, dans L ’opera di Baldo, per cura dell’Università di Perugia
nel V centenario della morte del grande giureconsulto (Perugia, 1901), p. 471-472.
8
Rossi, Documenti, doc. 4 ter ; Ugolino Nicolini, “Documenti su Pietro Ispano (poi
208 carla frova

des tópoi les plus fréquemment employés par les documents de fondation
pour souligner les liens nécessaires entre une université et la ville qui
l’accueille, celui de l’aptitudo loci (on en a parlé au cours de ce colloque) ; ici
le tópos, bien qu’on reste à mon avis dans le domaine de la rhétorique –
les autorités de Pérouse visent évidemment à la propagande, n’ont pas
besoin d’un consilium technique –, s’incarne de quelque façon dans un
épisode réel, ou du moins souhaité comme tel9.
Pourtant il n’y a pas là, encore une fois, rien de nouveau. Sauf peut-être
que pour ce dernier détail, le climat est le même qu’on retrouve dans
plusieurs villes communales d’Italie, au moment où la société urbaine
prend conscience de la valeur des études universitaires pour le dévelop-
pement de la ville. Ce qui est plus intéressant, dans le cas de Pérouse,
c’est le statut de 1306, précédant- on l’a anticipé au début – la bulle de
Clément V10. C’est la précocité et l’autonomie de l’effort par lequel la
ville s’applique à dénir dans les moindres détails le mécanisme qui doit
régler son université, bien avant que l’autorité du pape n’intervienne
à rendre parfaite l’institution par son autorité ‘universelle’. Car, à ce
moment là, et pour ce qui est des pouvoirs de la ville, il s’agit vraiment
d’un Studium universitaire. Toutes les disciplines y sont prévues (il est
constitué in qualibet facultate) ; on parle d’une universitas qui doit repré-
senter les étudiants ; une procédure est xée pour le choix des maîtres
et la détermination de leur salaires, qui devront être concertées entre
l’universitas et la commune (mais nous reviendrons sur ce point) ; l’on
précise la façon par laquelle devra être constitué le budget nécessaire
au Studium ; des privilèges sont assurés aux maîtres et aux écoliers. Il
ne vaut pas la peine d’en dire davantage. Il s’agit là d’un schéma bien

Giovanni XXI?) e Taddeo degli Alderotti nei loro rapporti con Perugia”, dans Filosoa
e cultura in Umbria tra Medioevo e Rinascimento. Atti del IV Convegno di Studi umbri (Gubbio,
22-25 maaggio 1966) (Perugia, 1967), p. 271-284, réimpr. dans Nicolini, Scritti di storia,
(Napoli, 1993), p. 199-210.
9
Pour l’aptitudo loci il est utile de renvoyer encore à Girolamo Amaldi, “Fondazione e
rifondazioni dello Studio di Napoli in età sveva”, dans Università e società nei secoli XII-XVI.
Atti del nono Convegno Internazionale di studio tenuto a Pistoia nei giorni 20 –25 settembre 1979
(Pistoia, 1983), p. 81-105.
10
Rossi, Documenti, doc. 3 ; Ermini, Storia, I, p. 23-25 ; Severino Caprioli, “Una città
nello specchio delle sue norme”, dans Società e istituzioni dell’Italia comunale : l’esempio di
Perugia (secoli XII-XIV). Congresso storico internzionale (Perugia, 6-9 novembre 1985) (Perugia,
1988) 2 voll., I, p. 381 ; Statuto del Comune di Perugia del 1279, éd. Severino Caprioli
(Perugia, 1996), p. 451 ; Doctores excellentissimi. Giuristi, medici, loso e teologi dell’Università di
Perugia (secoli XIV-XIX). Mostra documentaria Perugia 20 maggio –15 giugno 2003, éd. Carla
Frova, Giovanna Giubbini, Maria Alessandra Panzanelli Fratoni (Città di Castello,
2003), p. 72-73 (avec facs.)
université et pouvours urbains dans une ville communale 209

connu et déjà appliqué, et d’ailleurs le modèle bolonais est évoqué


de façon explicite dans le texte de notre statut : modèle qui contribue
puissamment, par son autorité, à l’uniformité du dessin institutionnel
des universités italiennes, sinon de leur fonctionnement effectif.
Plus que le contenu de ce document, qu’Ermini a appelé la magna
charta de l’université de Pérouse, il vaut la peine de souligner ici l’auto-
rité qu’il a exercé tout au long de la période qui nous intéresse, celle
de la liberté ‘républicaine’ de la ville. Le statut de 1306, qui, il faut
bien le préciser, nous est parvenu sous la forme d’un fragment, a été
inséré, avec peu de variations, dans toutes le compilations successives
des statuts de la ville, y compris le statut en langue vulgaire de 134211.
Ce sont les dispositions contenues dans ce statut que tout ofcier de
la commune s’oblige dorénavant d’observer, au moment où, une fois
élu à sa charge, il jure de manutenere, conservare et augmentare le Studium
de la ville12. Les pouvoirs universaux (après Clément V, Jean XXII, et
encore l’empereur Charles IV) vont intervenir ensuite pour compléter
le mécanisme réglementaire mis en place par la commune, sans rien
ne soustraire à l’autorité du pouvoir local. Cela est vrai en particulier
pour la collation des grades, que les deux bulles de Jean XXII vont
attribuer à l’évêque : par là Jean XXII ne faisait que de se prononcer
sur un point qui était de la compétence exclusive du pape, ou au cas
de l’empereur ; et sur lequel le silence de la bulle ‘hâtivement’ obtenue
de la chancellerie de Clément V était embarassant13.
Pour conclure sur ce point, si l’on se tient aux statuts de la période
communale, tout au long de leur évolution, pas d’ambiguïté ou de
dialectique en ce qui concerne les pouvoirs qui ont à faire avec l’uni-
versité, du moment que le pouvoir est un seul, celui de la commune.
Bien sûr, la source même nous offre un point d’observation tout à fait
partiel. Et donc il faut essayer d’élargir l’horizon.
Comme on le voit, c’est du point de vue de l’histoire des institutions
que je suis en train de chercher à montrer quelle a été la qualité des
rapports qui s’établirent (en évoluant bien sûr dans le temps) entre
Pérouse et son université pendant les siècles de l’autonomie communale.
J’ai voulu donner quelques détails sur le moment de la fondation, qui est
crucial si l’on veut comprendre la genèse de ce rapport, et je m’excuse

11
Giustiniano Degli Azzi, Statuti di Perugia dell’anno MCCCXLII (Milano 1913-1916), 2
voll., I 1. I, r. 7 ; pour l’ensemble des status cfr. Erika Bellini, L’univesità a Perugia negli statuti
cittadini (secoli XIII-XVI) (Perugia 2007) (Fonti per la storia dello Studium Perusinum, 1).
12
Ermini, Storia, I p. 24.
13
Ibidem, p. 27-29 ; cfr. Rossi, Documenti, doc. 28 et 33.
210 carla frova

pur n’avoir fait que de rappeler des données déjà connues. Les quel-
ques réexions que je vais présenter maintenant ne dépasseront pas les
limites que je me suis xées. Des limites de temps : toujours la période
communale ; et des limites d’approche historiographique, toujours l’his-
toire des institutions, ce qui veut dire aussi des limites dans le choix et
l’emploi des sources. Je me rends bien compte que cela entraîne des
risques, car le rapports dont il est question dans cette section de notre
colloque, même si l’on y parle de “pouvoirs urbains” et non, encore
plus en général, de “ville”, ne concernent pas seulement l’histoire des
institutions, mais également l’histoire de la société, de la politique, de
l’économie, toutes impliquées par ce réseau de ‘pouvoirs’ dont l’un ne
peut vraiment se comprendre sans l’autre.
La première évidence est celle de la documentation. Il suft de par-
courir rapidement les traces qui nous restent des deux premiers siècles
du Studium de Pérouse pour se rendre compte du souci que la ville avait
pour son université. La richesse des matériaux que les archives commu-
nales (maintenant aux Archives de l’État) nous offrent pour la période
des origines est en elle même une donnée éloquente. En effet, même
avant d’aller extraire des documents les renseignements qu’ils peuvent
nous donner, il est intéressant de constater que des renseignements on
les trouve presque seul dans les écritures qui sortent de l’administration
publique de la ville. Trois séries en particulier méritent d’être exploitées :
celle des statuts, dont on vient de parler ; celle des actes des conseils
de la ville, notamment le conseil des dix priores artium et populi ; et celle
des magistratures chargées des nances, notamment les Conservatori
della moneta. Jusqu’à présent, seule la première a été sufsamment uti-
lisée, mais les progrès qu’ensuite a fait la recherche sur l’histoire des
compilations statutaires à Pérouse, en géneral, oblige même en ce cas
à revenir sur certaines conclusions14. Les Consilia et Reformantiae, qui
gardent des témoignages précieux sur les conductae des maîtres, ainsi
que, plus en général, sur l’attitude de la ville à l’égard des problèmes
de l’organisation des études universitaires, n’ont été édités que pour
le XIVe siècle, et pas complètement : la littérature n’ajoute que peu
aux témoignages déjà connus par l’édition de Rossi15. Le documents

14
Une mise à jour de la question a été présentée par Erika Bellini au Colloque sur
les Statuts universitaires organisé à Messina (14-16 avril 2004) par Gian Paolo Brizzi
et Andrea Romano, dont les comptes-rendus sont sous presse.
15
La littérature ancienne, jusqu’à Ermini, cite cette série sous le nom d’Annales
decemvirales ; maintenant on s’y réfère sous le nom de Consilia et Reformantiae. Cette
université et pouvours urbains dans une ville communale 211

nanciers n’ont été nullement exploités : ils pourront nous renseigner


davantage sur les carrières des professeurs, puisqu’ils gardent des noms
qu’on ne trouve pas dans les procès verbaux des conseils, et, en plus,
ils nous permettent de vérier les données de ceux derniers, car seul
le fait qu’un maître ait été payé prouve qu’après avoir été contacté il
ait effectivement enseigné16.
Deuxièmement, il faut parler d’un lieu institutionnel tout à fait
spécial, la magistrature des Sapientes Studii. Ainsi que dans toute ville
universitaire italienne, si l’on veut étudier le rapport que le pouvoir
public entretient avec l’université, il vaut la peine d’étudier de près ces
ofciers, qui ailleurs peuvent avoir des noms différents (Studii tractatores,
reformatores, etc.). À Pérouse, cette magistrature est déjà en fonction en
1322, une quinzaine d’années après la fondation, et voit ses prérogatives
se préciser dans le statut de la ville de 1366, surtout en ce qui concerne
le choix des professeurs et la détermination de leur salaire17. Soit son
évolution du point de vue institutionnel, soit sa composition reètent
de façon ponctuelle les vicissitudes de l’histoire politique et sociale
de la ville ; en général, comme il faut bien s’y attendre, l’autorité des
Sapientes sur l’université suit un parcours qui est parallèle à celui de la
libertas politique communale. Après avoir atteint son sommet au XIVe
et dans la première moitié du XVe siècle, elle décline ensuite rapide-
ment ; les Sapientes Studii n’ont plus depuis longtemps aucun pouvoir
réel, lorsque la magistrature est abolie par la réforme voulue en 1625
par Urbain VIII.

série, avec celle des Statuts, a fourni la plupart des documents pour l’édition de Rossi,
Documenti, qui n’arrive pourtant qu’aux années ’80 du XIVe siècle ; une édition complète
des documents qui intéressent l’université dans les Consilia et Reformantiae est en train
d’être préparée par les soins de Andrea Maiarelli et Sonia Merli et de Erika Bellini.
16
Une analyse de cette série dans une perspective d’histoire de l’université fait l’objet
d’une thèse préparée par Stefania Zucchini pour le doctorat en histoire de l’Université
de Pérouse. Quelques notices extraites des documents nanciers sont utilsées par Ugolino
Nicolini, “Dottori, scolari, programmi e salari alla Università di Perugia verso la metà
del sec. XV”, Bollettino della Deputazione di storia patria per l’Umbria, 58 (1961), p. 139-159,
réimpr. dans Nicolini, Scritti, p. 161-179. L’emploi systématique de ces sources pour
l’histoire de l’université est assez récent. Parmi les exemples on peut citer : Katleen Park,
“The Readers at the Florentine Studio According to the Communal Fiscal Records
(1357-1380, 1413-1446)”, Rinascimento, 20 (1980), p. 249-310 ; Paolo Rosso, “Forme di
reclutamento del corpo docente. I “rotuli” dei professori e dei salari”, dans Alma felix
Universitas Studii Taurinensis. Lo Studio generale dalle origini al primo Cinquecento, éd. Irma
Naso, Torino, 2004, p. 235-268.
17
En 1389 l’ofce des Sapientes Studii fut attribué à la magistrature nancière des
Conservatori della moneta pour en être séparé peu après : cfr. Ermini, Storia, 1, p. 42, et
ad indicem pour les vicissitudes de cet ofce.
212 carla frova

Il faudrait maintenant faire entrer en scène les autres ‘pouvoirs’ qui


dans les villes universitaires italiennes animent une dialectique parfois
très vivace avec les pouvoirs urbains. Parmi les partenaires qui devraient
partager avec l’autorité communale la responsabilité des décisions
concernant le Studium, les universitates scholarium, quoique, comme on l’a
vu, prévues par les statuts, ne semblent pas avoir joué à Pérouse un très
grand rôle, sauf peut-être que tout au début. Certes, il n’est pas facile
de dire si cette impression correspond à une réalité historique ou bien
s’il s’agit là, encore une fois, du fait que pour cette période les témoins
dont la voix nous est arrivée sont en grande majorité les notaires qui
rédigent les documents de la commune. Au XIVe siècle on a eu, paraît-
il, des statuts universitaires, mais seul des statuts de la deuxième moitié
du XVe siècle nous sont parvenus18. En ce qui concerne les collèges des
docteurs, d’autre part, ils n’établissent leur pouvoir sur l’université qu’au
moment où celle-ci a dénitivement perdu son caractère d’institution
communale. La réforme par laquelle Urbain VIII leur conera le gou-
vernement du Studium (en collaboration avec l’évêque) est en effet une
mesure qui vise à en assurer mieux le contrôle de la part du pape.
Il faut toutefois souligner que, bien qu’ils soient les protagonistes de la
rupture la plus nette avec la tradition du Studium communal (certes le tour-
nant le plus décisif dans l’histoire de l’université de Pérouse avant la
période républicaine et Napoléon), les collèges des docteurs parviennent
d’autre part à assurer au lien entre la ville et son université une continuité
admirable. Ce sera en effet à eux d’interpréter, face aux représentants du
pouvoir central, l’esprit d’une université qui, bien au delà de l’époque
de la libertas républicaine, se veut toujours, et même davantage, comme
l’une des expression les plus nobles de la tradition municipale19.

18
Ibidem, I p. 321-322. Les statuts de 1457 ont été publiés par Guido Padelletti,
Contributo alla storia dello Studio di Perugia nei secoli XIV e XV (Bologna, 1872) ; toute la
question de ces statuts doit être reprise à partir des hypothèses, qui restent le point
de départ obligé, de Heinrich Denie, “Die Statuten der Juristen-Universität Bologna
vom J. 1317-1347, und deren Verhältniss zu jenen Paduas, Perugias, Florenz”, Archiv
für Litteratur und Kirchengeschicte, 3 (1887), p. 196-408.
19
Sur les collèges des docteurs à Pérouse, v. Ermini, Storia, I ad indicem. À ce sujet a
été consacré toute la récente exposition dont le catalogue a paru sous le titre Doctores
excellentissimi (v. n. 10) : on y trouvera entre autre les renseignements sur les statuts,
dont le premiers parurent pour les juristes en 1407-1420, pour les médecins et artistes
ante 1507, pour les théologiens en 1416, ainsi que l’indication de la riche littérature
qu’a été produite pour les autres universités italiennes sur ce thème. Pour les rapports
entre ville et université on peut consulter dans le même catalogue : Erika Bellini, “Il
Collegio dei giuristi”, p. 25-29 ; Erminia Irace, “Il Collegio dei teologi (1416-1841) :
primi appunti per future ricerche”, p. 30-36 ; Regina Lupi, “Il Collegio dei medici di
Perugia e il governo autonomo della professione”, p. 37-41.
université et pouvours urbains dans une ville communale 213

Le lien de l’université avec les institutions politiques de la ville se


manifeste enn par l’engagement des intellectuels universitaires dans
des fonctions, ou dans des véritables ofces politiques et administra-
tifs. Dans le contexte d’un phénomène si largement répandu, le cas
de Pérouse mérite d’être étudié pour des particularités intéressantes.
On pourrait par exemple rappeler la collaboration que de nombreux
juristes d’école offrent à la ville tout au long du XIVe siècle, là où elle
est engagée à affermir son autorité sur la région : soit par le moyen plus
traditionnel des consilia soutenat le point de vue de la ville dominante –
ce qui sauvegarde leur dimension de ‘docteurs’ tout en les obligeant à
sortir de l’école –, soit en acceptant de remplir des charges politiques
ou administratives dans les villes soumises, ce qui en fait des véritables
professionnels de la politique.
À ce propos la question se pose – il n’est pas possible de consacrer ici
à ce grand thème plus qu’une allusion rapide – si c’est la politique qui
se sert de la doctrine ou ce sont les intellectuels d’école qui se servent
de la politique ; plus précisément : quelle est la qualité de l’échange
intellectuel entre les deux milieux?. Notre point d’observation nous offre
des cas exemplaires de circulation parfaite, ce qui est probablement le
caractère le plus évident du rapport entre politique et culture dans le
milieu communal en Italie20. Il est presque banal d’évoquer Bartolo de
Sassoferrato, à propos duquel on peut rappeler qu’il est devenu citoyen
grâce à ses mérites extraordinaires d’intellectuel et de maître, mais
aussi en vue des services qu’il aurait pu rendre à l’administration de
la ville. Bartolo s’était trouvé à remplir des fonctions publiques dans la
ville de Todi, et c’est ici qu’il eut l’occasion de rééchir, en observant
la dialectique des partis à l’intérieur de la ville, sur les problèmes qu’il
développerait dans son traité De guelphis et gebellinis21. Donc un parcours
qui va du livre à la politique, mais aussi de la politique au livre. Cela
est vrai pour les juristes et, d’une façon différente, pour les médecins. Le

20
Sur ce point restent à mon avis très utiles plusieurs remarques de Francesco
Gaeta, “Dal comune alla corte rinascimentale”, dans Letteratura italiana, I. Il letterato e le
istituzioni (Torino, 1982), p. 149-255. Je me permets de renvoyer aussi à CarIa Frova,
“Ecoles et universités en Italie (XIe-XIVe siècle)”, dans Cultures italiennes (XII e XV e siècle),
éd. Isabelle Heullant-Donat (Paris 2000), p. 53-85 et en général à plusieurs travaux
contenus dans le même volume. Pour la période qui précède l’essor universitaire, cfr.
Sara Menzinger, Giuristi e politica nei comuni di popolo. Siena, Perugia e Bologna: tre governi a
confronto. (Roma 2006).
21
Diego Quaglioni, Politica e diritto nel Trecento italiano. Il “De tyranno” di Bartolo da
Sassoferrato (1314-1357). Con l’edizione critica dei trattati “De Guelphis et Gebellinis”,
“De regimine civitatis” e “De tyranno” (Firenze, 1983), p. 129-146.
214 carla frova

succès dont jouissait à Pérouse, déjà de son vivant, Gentile da Foligno,


medicorum princeps, était lié a son immense doctrine et en même temps
aux services qu’il rendait comme médecin publique, dans une situation
très difcile à cause de l’épidémie de peste. L’épisode qui allait en cau-
ser la mort en 1348 le montre de façon exemplaire engagé dans son
double rôle : comme le témoigne son ls et élève Francesco, la mort
survint après un courte maladie, qu’il avait contractée en s’approchant
trop des malades, soit pour accomplir à son devoir professionnel, soit
poussé par sa curiosité de savant (lui, qui avait consacré plusieurs écrits
au problème de la peste)22.
Ces dernières remarques nous obligent évidemment à nous demander
en quelle mesure des liens si étroits entre l’université et le gouvernement
de la ville peuvent s’expliquer par une présence très forte de citoyens
dans le corps des docteurs. Pour les étudiants, il est bien connu qu’à
l’époque qui nous occupe un problème de telle sorte ne peut même pas
se poser : les universitates étant fermées au citoyens, on n’a d’eux aucune
trace dans les documents, bien qu’ils eussent probablement la majorité
dans le Studium de Pérouse, si ce n’est que pour les déclarations –
d’ailleurs à retenir dans la perspective de notre discours – dans lesquelles
les responsables de la ‘politique universitaire’ de la ville insistent sur
la nécessité qu’elle ait un centre d’études supérieures orissant en vue
de la formation de sa propre classe dirigeante. Pour en revenir aux
docteurs, l’écart entre les statuts, qui continuent longtemps de vouloir
les chaires du Studium occupées par des docteurs étrangers, et la vie
réelle de l’école, dans laquelle de telles règles sont de moins en moins
appliquées, ne peut pas étonner. Il faut de toute façon en chercher les
causes. Qui probablement ne sont pas toujours les mêmes. Dans les
premières décennies, seule l’impossibilité d’avoir un budget proportionné
aux ambitions semble pouvoir convaincre la municipalité à renoncer à
des fameux professeurs étrangers, sur lesquels on compte pour assurer
un succès immédiat à la nouvelle fondation. Ensuite, si l’on déroge aux
statuts, au point que la plupart des docteurs publice salariati à Pérouse sont
des citoyens, c’est probablement qu’on a de plus en plus conscience des
services que ces intellectuels peuvent rendre à l’état. Mais il faut dire
que sur ce point toute conclusion dénitive serait imprudente, jusqu’au

22
Ermini, Storia, I p. 172-176, avec bibliographie. Les données biographiques sur
Gentile sont réunies dans Fausto Bonora – George Kern, “Does anyone really know
the life of Gentile da Foligno?”, Medicina nei secoli, 9 (1972), p. 29-53.
université et pouvours urbains dans une ville communale 215

moment où l’on pourra disposer d’une prosopographie plus complète


des maîtres de Pérouse au moins jusqu’à 1540.
D’après une convention assez généralement acceptée, 1540 est la date
où l’expérience du gouvernement communal se terminerait dénitive-
ment à Pérouse, même du point de vue formel23. À la n de cet exposé,
qui porte tout sur la phase communale de l’histoire de l’université de
Pérouse, il serait utile de jeter un coup d’oeil au delà de ce tournant, en
remontant bien sûr à la période qui précède immédiatement, quand les
institutions de l’autonomie communale étaient déjà mortes de fait, bien
qu’apparemment encore en vie. Il n’est pas possible de bien comprendre
la qualité des rapports qui lient l’université aux pouvoirs urbains avant
ce tournant, si on n’a pas l’idée de comment les choses vont changer
par la suite. La situation des études concernant Pérouse n’est pas tout à
fait satisfaisante de ce point de vue. En effet, faute d’analyses détaillées,
toute l’histoire de l’université de Pérouse à partir du moment où elle se
trouve insérée dans un système plus centralisé et à dimension régionale
semble se résumer par l’idée de décadence. Vrai ou faux qu’il soit, ce
jugement se reète su la période qui précède, ce qui en quelque sorte
maintient en vie, dans la littérature sur l’université de Pérouse, le mythe
cher aux hommes du Risorgimento, pour qui la splendeur de l’université
des origines aurait été liée à l’épanouissement de l’autonomie commu-
nale, tandis que la n de la liberté des villes – républiques n’aurait pu
qu’entraîner la décadence de leur créature, le Studium universitaire.24
Pour démentir nalement cette fausse explication, et pour évaluer d’une
façon plus objective ce qu’a signié l’université pour la ville de Pérouse
à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle, il faudrait pousser la
recherche dans un autre territoire que celui auquel je me suis tenue, et
analyser quel fut le rapport entre la ville et son université en l’absence
de toute liberté communale.

23
En recevant la complète soumission de la ville en 1540, le pape Paul III assura
comme d’habitude de maintenir et de faire progresser l’université, qui depuis long-
temps était en effet gouvernée par le souverain pontife ou par ses représentants au
niveau local, les collège doctoraux s’assumant le rôle de la médiation entre les attentes
municipales et les lignes directives de l’autorité centrale. V. aussi Giuseppe Ermini, “Lo
Studio perugino nel Cinquecento”, Bollettino della Deputazione di storia patria per l’Umbria,
43 (1946), p. 80-94.
24
Comme on l’a plusieurs fois remarqué, un manifeste de ce courant d’interprétation
se trouve dans le discours que Giosue Carducci lut lors de l’ouverture du huitième cen-
tenaire de l’université de Bologne (1888) : édition récente Giosue Carducci, Discorso per
l’Ottavo Centenario, éd. Giuseppe Caputo (Bologna, 1988) (Memorie documenti dello Studio
bolognese, 4). Bien qu’évidemment inspiré à une méthode critique tout à fait différente,
même l’ouvrage d’Ermini n’est pas complètement libre de ce jugement de valeur.
VILLES CAPITALES, ÉTATS TERRITORIAUX ET
UNIVERSITÉS (XIVE–XVE SIÈCLE) :
PAVIE-MILAN, PADOUE-VENISE, PISE-FLORENCE

Patrick Gilli

L’intérêt de l’observatoire italien tient au caractère urbanocentrique


de l’histoire médiévale de la péninsule, si bien que les contacts et les
frictions entre l’universitas civium et l’universitas scholarium revêtent une
valeur nettement plus singulière que dans les espaces monarchiques
contemporains où les universités relèvent de l’autorité ecclésiastique
ou royale plus que des autorités communales. Les points sur lesquels je
m’arrêterai concernent essentiellement la place politique des universités
et des universitaires dans la ville, à l’exclusion donc d’innombrables
autres questions épineuses : les relations entre étudiants et bourgeois, le
rapport entre coût et prot d’une université pour la ville, l’impact des
migrations universitaires sur la gestion urbaine, les compétitions inter-
urbaines pour la captation des étudiants et des enseignants, ce dernier
point étant peut-être celui de la plus brûlante actualité, si l’on admet
que le processus de Bologne actuellement en cours a pour visée ultime
non seulement la création d’un espace européen universitaire, mais la
mise en concurrence des universités entre elles.
En Italie, les organismes urbains sont le moteur de l’histoire pénin-
sulaire, isolés dans une géopolitique où leurs interlocuteurs demeurent
les empereurs et les papes avec lesquels les cités entretiennent des
relations complexes. De fait, la naissance des universités au XIIIe siècle
procède d’abord de la volonté ponticale ou impériale. Nul studium
ne peut se développer sans avoir la licentia ubique docendi et le statut de
studium generale conférés par une autorité universelle1, et les grandes
universités italiennes cherchent à se procurer ce document même
longtemps après les débuts réels de l’institution : Bologne l’obtient en
1291, à l’initiative du pape Nicolas IV, Benoît XII fait de même pour

1
Parmi une large littérature, voir Paolo Nardi, « Licentia ubique docendi e studium generale
nel pensiero giuridico del sec. XIII », dans A Ennio Cortese. Scritti promossi da D. Maffei,
I. Birocchi, M. Caravale, E. Conte, U. Petronio éd. (Rome : 2001), 471-478.
218 patrick gilli

Vérone en 1339 ; quant à l’empereur Charles IV, il monnaie l’élévation


au statut de studium generale des centres de Cividale in Friuli (1353),
Arezzo (1355), Pérouse (1355), Sienne (1357), Pavie (1361), Florence
(1364)2. Le passage d’écoles locales à un studium generale était une des
récompenses possibles lors des négociations politiques : quand la cité
guelfe de Camerino reçoit la bulle de Grégoire XI en 1377 créant un
studium, c’est en remerciement des services rendus par le seigneur local
Gentile III da Varano, solide partisan du guelsme des Marches. Même
lorsque une université fonctionnait sans l’obtention d’un tel label, elle
n’hésitait pas à recourir à une ction juridique et historiographique
à même de produire la légitimité nécessaire : c’est ainsi que Bologne
se forgea en 1225 la légende de la création du studium par l’empereur
Théodose II (celui du code théodosien)3 et que l’exécutif de Florence,
créant en 1321 l’université sans autorisation particulière, se prévalait
de son statut de civitas regia4 pour la justier : la ville ayant été refondée
par Charlemagne, elle pouvait se dispenser d’un accord pontical5.
Une telle ction ne procède pas seulement d’un goût antiquaire pour
le passé et les mythologies de glorication ; elle traduit la force univer-
selle attachée à la titulature académique. Les juristes expliquent à l’envi
l’importance de la licentia et du doctoratus. Ce dernier titre en particulier
emporte avec lui des prérogatives de nature juridictionnelle (doctoratus
est dignitas), telles que la possibilité d’intervenir dans l’interprétation
des statuts des villes, mais aussi dans la procédure judiciaire grâce aux
consilia judicialia sapientum6, dans la hiérarchie des droits (ius statutorum
face au ius commune par exemple). Le système politique polycentrique

2
Sur toutes ces données, Jacques Verger, « Patterns », dans W. Ruëgg general ed.,
History of the university in Europe. I, Universities the Middle Ages, H. de Ridder Simoens éd.
(Cambridge : 1992) 54-57.
3
Antonio Ivan Pini, “Federico II, lo Studio di Bologna e il « Falso Teodosiano », dans
Federico II e Bologna (Bologne: 1996) 29-60 (réédité dans R. Greci, Il pragmatismo degli
intellettuali. Origini e primi sviluppi delle istituzioni universitarie (Turin : 1996) 67-89).
4
Les documents sont édités par E. Spagnesi, « I documenti costitutivi dalla provi-
sione del 1321 allo statuto del 1388 », dans Storia del ateneo orentino, I (Florence : 1986)
118-122 ; voir Gian Carlo Garfagnini, « Città e studio a Firenze nel XIV secolo : una
difcile convivenza », dans Luciano Gargan, Oronzo Limone éd., Luoghi e metodi di
insegnamento nell’Italia medievale (Galatina : 1989) 103-120.
5
Rappelons toutefois que la cité obtint un privilège de studium generale de Clément
VI le 31 mai 1349, puis le 2 juin 1364 de l’empereur Charles IV, signes d’un besoin
indéniable d’une autorité supra-urbaine (C. Piana, La facoltà teologica dell’università di
Firenze nel Quattro e Cinquecento (Grottaferrata : 1977) 20-22).
6
Mario Ascheri, « I Consilia dei giuristi: una fonte per il tardo medio evo », Bulletino
dell’Istituto storico italiano per il Medio Evo 105 (2003).
villes capitales, états territoriaux et universités 219

des cités italiennes où l’organigramme des pouvoirs est très déconcentré


et où se sont imposées des formules de gouvernement dominées par
la multiplicité des sources d’autorité publique7 permettait aux juristes
munis des sacrements académiques de hiérarchiser cette pluralité des
sources et des lieux du pouvoir. De là, leur importance politique et leur
rôle institutionnel considérable. Le doctor, surtout lorsqu’il est intégré
dans un collège doctoral8 – qu’il soit académique ou professionnel – est
doté de la potestas publica que lui confère la facultas glosandi ac interpretandi9.
Ces prérogatives donnent à l’université italienne, en premier lieu aux
facultés de droit, une coloration particulière : elles ne fournissent pas
uniquement des lettrés pourvus de grades que les monarchies utilisent
comme fonctionnaires et ofciers de l’administration royale, mais créent
les acteurs indispensables de la vie politique locale, seuls capables d’in-
tervenir ex certa scientia dans la tortueuse organisation politico-institu-
tionnelle de la commune. Cette prérogative d’action ex certa scientia qui
relève ailleurs des regalia monarchiques se trouve de facto déconcentrée
dans les mains des juristes dans l’Italie communale. Les doctores legum
tendirent à transformer cette situation issue de la crise des pouvoirs
universels dans la péninsule en rente perpétuelle ; le point nodal où se
cristallisent reproduction dynastique des juristes et contrôle politique
sur la cité, c’est le collège des docteurs ou les collèges de juges.
L’un des points les plus intéressants concerne les relations entre les
collèges et les pouvoirs urbains. Très signicativement, si l’on prend le
cas de Bologne on entrevoit une espèce de bourgeonnement collégial
à partir du XIIIe siècle. Un collège des docteurs chargés des examens
devait fonctionner dès la deuxième moitié du XIIIe siècle, même si les
preuves directes ne sont guère nombreuses. Les luttes politiques inter-
minables entre guelfes et gibelins dans les années 1270 et le contrôle
progressif de la commune sur l’université rendaient inévitables le
contrôle de l’organe habilité à distribuer les grades universitaires10. Les

7
Sur ce thème, qu’il soit permis de renvoyer à Patrick Gilli, Villes et sociétés urbaines
en Italie (milieu XII e-milieu XIV e s.) (Paris : 2005).
8
Sur cette importance encore trop peu connue et appréciée, voir P. Gilli, « Les
collèges de juristes en Italie centro-septentrionale au XV e siècle : autorité doctorale et
contrôle social », dans F. Attal, T. Kouamé et alii éd., Les universités en Europe du XIII e
siècle à nos jours. Espaces, modèles, fonctions (Paris : 2005) 235-251.
9
S. Di Noto Marrella, ‘Doctores’. Contributo alla storia degli intellettuali nella dottrina del
diritto comune, (Padoue : 1994) t.2.
10
A. Sorbelli, Il « Liber secretus iuris caesarei » dell’Università di Bologna, I (1378-1420)
(Bologne : 1938) XLII-XLIII.
220 patrick gilli

premiers témoignages conservés datent précisément de cette décennie.


Bien plus, la nécessité politique de maîtriser la fonction judiciaire dans
cette période d’intense lutte et de bannissements amenait les élites
locales à modier le fonctionnement des corporations. C’est ainsi que
le Liber notariorum, autrement dit la matricule des notaires, enregistre
à partir de 1265 une diminution du nombre de notaires élus comme
consuls de trois à deux par quartiers. Une telle diminution est expliquée
par G. Tamba comme le signe d’une exclusion des juges de la societas
notariorum, exclusion entérinée en 1274 au moment des grandes ordon-
nances anti-gibelines. C’est probablement le moment où se constitue à
Bologne le deuxième collège impliquant les docteurs en droit, à savoir
le collège des docteurs, juges et avocats de Bologne11, pendant que
s’appesantit le pouvoir de la corporation notariale sur la ville12. Les
deux collèges – celui des docteurs examinateurs, et celui des docteurs,
juges et avocats-, sans se substituer l’un à l’autre, continuent une vie
parallèle, mais voisine. Les interférences sont toutefois troublantes.
D’une manière générale, le collège professionnel des docteurs, juges
et avocats a pour fonction de pourvoir le personnel administratif local
affecté aux charges judiciaires. Composé de praticiens de la justice, sa
mission consistait à superviser l’action des juges de la commune. Bien
avant que les statuts propres ne précisent ses attributions (la première
mouture de ces statuts ne date que de 1393), les statuts de la commune
de Bologne de 1357 et ceux de 1387 consacraient quelques rubriques
à ce collège13, signe de son intégration dans l’organigramme des pou-
voirs de la commune14. A la lecture de ces statuts tant urbains que

11
G. Tamba, La società dei notai di Bologna. Saggio storico e inventario (Rome : 1988), et
A. L. Trombetti Budriesi, Gli statuti del collegio dei dottori, giudici e avvocati di Bologna (1393-
1467) (Bologne : 1990) 9.
12
G. Tamba, Una corporazione per il potere. Il notariato a Bologna in età comunale (Bologne :
1998).
13
A. L. Trombetti Budriesi (Bologne : 1990) 16-17. Je n’ai pu consulter à temps la
récente édition partielle de ces statuts : V. Braidi éd., Gli statuti di Bologna degli anni 1357,
1376, 1389 (Bologne : 2002).
14
Les statuts urbains de 1357 précisent même qu’ils légifèrent sur le collège des
juges et avocats en l’absence d’une législation propre émanée dudit du collège : « Quia
in multis nostris et aliis statutis comunis Bononie et maxime in precedenti statuto t
mentio de iudicibus civitatis Bonoie et eorum collegio et non reperiatur provisum
aliquid de auctoritate dicti collegii aut de hiis qui possint esse vel non esse de dicto
collegio, idcirco ac nostra lege statuimus . . . » ; il est piquant de constater que les
nouveaux statuts urbains de 1389 réitèrent dans les mêmes termes les raisons de leur
intervention dans la législation du collège ! (édition donnée en annexe à l’ouvrage de
A. L. Trombetti Budriesi (1990) 277 et 282).
villes capitales, états territoriaux et universités 221

strictement collégiaux, on demeure surpris par l’imbrication entre ce


qui relève de la fonction judiciaire et ce qui relève plutôt de la fonc-
tion « doctorale ». Le meilleur témoignage de cette proximité entre les
deux collèges tient à la procession unitaire à laquelle les membres des
deux collèges (qui devaient être pour partie les mêmes comme nous le
verrons) étaient tenus de participer lors de la fête de la Sainte Croix
en mai15. Mais plus encore, il se trouvait des chevauchements d’activi-
tés, et non des moindres. Ainsi, une des fonctions les plus importantes
de l’activité de juriste, en dehors de l’enseignement, consistait dans le
conseil judiciaire16 ; or, la possibilité de produire des consilia est attribuée
à l’un et l’autre collèges17. Mais on relèvera cependant que les statuts
de la ville de Bologne de 1454 (toujours inédits) semblent réserver cette
fonction au seul collège des docteurs, juges et avocats18. L’idée d’une
qualité institutionnelle spécique apparaît dans l’exigence de rendre
des consilia collectifs ou du moins approuvés par l’ensemble du collège :
le consultor choisi par un client devait se ranger à l’avis du collège an
de rendre son consilium, rédigé d’ailleurs par le prieur en témoignage
de la collégialité de la décision; même la rétribution était collective :

15
Ibid., 280 : « Et quod omnes de dicto collegio iudicum teneantur singulis annis in
die festivitatis sancte Crucis de mense maii ire una cum doctoribus iuris civilis civitatis
Bononie ad ecclesiam sancte Crucis . . . ».
16
La bibliographie sur les consilia s’est considérablement enrichie ces dernières
années : en dernier lieu, voir M. Ascheri, « I consilia dei giuristi: una fonte per il tardo
Medioevo », 105, B.I.S.I.M.E. (2003) 304-334.
17
Ainsi les statuts du collège des docteurs en droit civil de 1397 précisent-ils même
le caractère collégial de la réponse et imposent-ils la conservation dans les archives
du collège de la réponse apportée à un client par la communauté doctorale : « facta
autem predicta conclusione, predictus prior committat duobus vel tribus doctoribus
dicti collegii quod consilium et decisionem predictam in formam consilii reducant
(. . .) De predicto autem consilio per notarium collegii incontinenti ant et scribantur
duo consilia et decisiones eiusdem modi et continente, et quod unum ex predictis (. . .)
debeat dari et tradi petenti dictum consilium (. . .). Aliud vero consilium debeat poni
in libro consiliorum dicti collegii », dans C. Malagola, Statuti delle università e dei collegii
dello studio bolognese (Bologne : 1888) 389-90 ; les statuts de 1393 du collège des juges et
docteurs évoque aussi les consilia des membres dudit collège, demandant aux consiliatores
de défendre leur client sans se salir réciproquement pour ne pas déshonorer le collège
(A. M. Trombetti Budriesi (1990) 151-152).
18
A. M. Trombetti Budriesi (1990) 90 : « Cum civitas Bononie sit tanquam principale
nutrimentum iuris civilis et canonici et in ea doctorum et advocatorum et aliorum
iurisperitorum continue copia habeatur, providemus et mandamus quod nullus iudex
seu ofcialis communis Bononie, vel aliquis iurisdictionem exercens, possit, audeat vel
presumat comittere aliquam questionem consulendam ac referendam vel ad colloquium
habendum alicui forensi, vel qui non sit in collegio vel matricola descriptus in collegio
et matricola advocatorum seu iudicum civitatis Bononie ».
222 patrick gilli

la moitié pour le consultor, l’autre pour le collège19. Dans tous les cas,
le fondement de la démarche collégiale consiste dans la fermeture de
l’institution aux non-Bolonais. Que les docteurs aient été membres de
deux collèges, à titre d’enseignants ou à titre de praticiens de la justice
selon les cas, l’essentiel de leur qualication provenait de leur citoyenneté
bolonaise et surtout de leur appartenance au groupe social et politique
dominant. Il est aisé de repérer dans les statuts des deux collèges, dont
on remarquera la proximité chronologique de leur première rédaction
(1393 et 1397)20, tous les points de discrimination interdisant l’intégra-
tion dans le collège doctoral des non-Bolonais. En outre, la liation
biologique entre le père déjà collegiatus (ou le grand-père ou l’oncle
avunculaire) et le candidat au collège permet à ce dernier de réduire
par moitié les droits d’agrégation21 ; mieux encore, à partir du XIV e
siècle, des actes attestent de cérémonies quasi-familiales de conventus,
c’est-à-dire de cérémonies doctorales, tenues dans des salles privées
au cours desquelles les membres du collège « intronisaient » un ls, un
petit-ls, un neveu, comme docteurs et ce, au mépris de l’obligation de
publicité du conventus22. Une telle disposition d’auto-reproduction sociale
s’afche clairement dans les statuts de 1397 du collège des civilistes où
il est dit que les ls et frères des docteurs collegiati ont priorité en cas de
vacance de siège23. Au XIV e siècle, certains maîtres, pour parer à toute
éventualité, n’acceptent de faire passer le conventus qu’à des étudiants

19
Ibid., 153-154.
20
Il est difcile de dire si ce furent les dates des premières rédactions réelles des statuts
ou celles des premiers statuts conservés ; les statuts du collège des civilistes s’ouvrent par
un prologue qui évoque les antiqu(a) volumin(a) ipsarum constitutionum (Malagola (1888)
369), mais rien ne prouve que ces antiques ouvrages aient constitué à proprement parler
une rédaction statutaire plutôt qu’une compilation successive d’usages.
21
A. M. Trombetti Budriesi (1990) 121.
22
C. Piana, Nuove ricerche su le università di Bologna e di Parma (Florence : 1966) 260 sq.
Les statuts de 1397 interdisent de conventare secrete. Voir E. Brambilla « Genealogie del
sapere. Per una storia delle professioni giuridiche nell’Italia padana, secoli XIV-XVI »,
Schifanoia, 8, 129.
23
Malagola (Bologne : 1888) 395. Sur cette clôture familiale et l’exclusion des docteurs
tiers du collège des civilistes au cours du XIV e siècle insiste fortement A. Sorbelli (1938)
LVII-LVIII, en rappelant toutefois que le contrôle de l’archevêque Giovanni Visconti
en 1350 sur la ville autorisa provisoirement la réouverture des chaires d’enseignement à
des forestieri. Mais pour autant, le collège manifesta une ferme opposition à l’intégration
de ces étrangers en son sein, au point que l’assemblée des Anciens, organe législatif de
la commune, intervienne auprès de l’archevêque pour qu’il donnât acte à la résistance
du collège et n’imposât pas l’agrégation des étrangers. Il faut ajouter que les statuts de
la ville de Bologne de 1357 prévoyaient déjà le principe de la citoyenneté (dénie par
trois générations nées dans la cité) pour l’admission au collège.
villes capitales, états territoriaux et universités 223

qui se sont engagés par serment à ne pas demander leur admission au


collège doctoral24.
Si cet auto-recrutement professionnel doublé d’une « préférence
nationale » rapproche les deux collèges, les imbrications d’activités ne
se limitent toutefois pas à ces analogies sociologiques. Un des aspects
frappants du fonctionnement des collèges est la porosité de leurs acti-
vités, quand même la raison d’être de chacun d’eux serait nettement
différenciée. En effet, alors que le collège des juges a pour attribution
politique essentielle le recrutement des juges communaux (distincts
d’ailleurs des juges du podestat dont il n’est pas fait mention), il apparaît
que ses statuts comme ceux de la ville lui attribuent également un rôle
dans le contrôle de l’université. En particulier, ce collège professionnel
est chargé de verser les salaires de tous les docteurs legentes du Studium25,
y compris d’ailleurs aux professeurs de médecine et de lettres. Par ce
biais, apparaît clairement l’ambivalence de cette institution : structure
professionnelle destinée à garantir une protection corporatiste des prati-
ciens du droit, le collège des docteurs, juges et avocats manifeste aussi ses
liens avec le Studium, alors même qu’existent des collèges d’examinateurs
en droit civil et en droit canon26. Plus que des liens, on pourrait parler
de supervision puisque c’est ce collège professionnel qui vérie le juste
versement des salaires en relation avec l’accomplissement des charges
statutaires qui pesaient sur le travail d’enseignant : la commission de sept
membres émanée du collège des juges (et de la faculté de médecine et
des arts) vériait que les doctores legentes avaient dûment enregistré auprès
des notaires du trésor de la ville les lectures qu’ils s’engageaient à faire27,

24
R. Greci, « L’associazionismo degli studenti dalle origini alla ne del XIV secolo »,
dans G. P. Brizzi et A. I. Pini éd., Studenti e università degli studenti dal XII al XIX secolo
(Bologne : 1988) 14-44, ici 44.
25
La rubrique 17 précise que l’attribution de cette responsabilité nancière au collège
est récente, car antérieurement, le paiement des professeurs se faisait directement par
les caisses communes de la cité, alors que désormais il y a un ‘depositorium speciale’
géré par le collège : A. M. Trombetti Budriesi (1990) 143.
26
Pour ce dernier, on a longtemps pensé que les premiers statuts conservés ne
dataient que de 1460 (C. Malagola, (Bologne : 1888) 327-sq) ; récemment a été
découvert un manuscrit du début du XV e siècle qui permet de rétrodater à 1402
une mouture de ces statuts de 1460 : S. Bernardinello, « Un nuovo statuto (1402) del
Collegio canonista bolognese e i primi statuti del Collegio dei giuristi padovani », dans
Studi di storia dell’università e della cultura (sec. XV-XX) in onore di Lucia Rossetti, I, a cura di
G. Mantovani E. Veronese Ceseracciu, [= Quaderni per la storia dell’Università di Padova,
24, 1991 (mais 1994), 1-29].
27
A. M. Trombetti Budriesi (1990) 140 : “Item etiam teneantur et cum effectu operari
debeant, quod omnes et singuli ad quascunquas lecturas quomodolibet deputati seu
deputandi, scribantur et scribi debeant anno quolibet per notarium thesaurarie civitatis
224 patrick gilli

en échange d’un salaire xé. La commission devait également s’assurer


que les enseignants s’étaient bien enregistrés sur les rotuli prévus à cet
effet (liste des professeurs enseignants rédigée au début de chaque année
académique)28. Tout aussi surprenant, le rôle du collège des docteurs
et juges en matière de prévoyance sociale des universitaires : c’est ce
collège qui payait aux docteurs legentes, ayant au moins dix années
d’ancienneté dans la fonction, la « pension civile », justiée car la ville
a toujours honoré la vieillesse en général, et la sagesse particulière du
Studium29, selon la formule même des statuts. Par conséquent, loin de
n’être qu’une structure corporative parallèle au Studium et aux institu-
tions urbaines30, le collège des docteurs, juges et avocats (dans le fond,
trois termes interchangeables puisque les mêmes personnes pouvaient
à tour de rôle et concurremment exercer ces activités liées à la scientia
legalis) jouait le rôle d’une courroie de liaison entre l’université et la
ville. De manière exemplaire, le cas bolonais illustrait le caractère très
particulier des collèges de docteurs en Italie, dans une ville universitaire.
Point de raccordement entre la doctrine et la pratique, ce collège profes-
sionnel était en même temps le champ clos de domination de quelques
familles locales qui constituaient les véritables élites socio-culturelles de
la cité31. On comprend la « circularité » des prescriptions entre statuts
urbains et statuts collégiaux, comme l’illustrent les clauses relatives aux
consilia contenues dans le statut de 1393 et ceux de la ville de 1454.
Rédigés par des personnes au prol intellectuel et social identique,
ces statuts se confortaient mutuellement. Par leur fonction d’expertise
juridique, les familles « collégiales » ou leurs représentants les plus émi-
nents récupéraient le pouvoir et l’autorité que le podestat extérieur à
la ville et sa familia pouvaient leur contester32. Ce n’est d’ailleurs pas

Bononie ad predicta deputatum (. . .) in quantatibus que eisdem ad legendum deputatis


taxate seu assignate erunt prout eri est hactenus consuetum ».
28
Ibid., 141.
29
Ibid., 155 : « Quoniam iuxta legislatoris sententiam semper in civitate nostra fuit
veneranda senectus, et maxime illorum qui in sui virili et orida etate insigniti iuxta
prudentia aut aliarum scientiarum cingulo doctorali, potissimum nostre urbis membrum
Studium, videlicet in suis lecturis aliisque magistralibus actibus, honoraverunt et cum
summis vigiliis et laboribus substentarunt ».
30
La nature d’institution quasi-publique du collège des docteurs et juges est attestée
par la rubrique XXI qui impose aux membres de tirer au sort tous les six mois quatre
docteurs destinés à vérier la régularité des contrats relatifs aux mineurs et le respect
de leurs droits (Trombetti Budriesi (1990) 153-154) : à cet égard, le collège joue le rôle
d’un organe de contrôle judiciaire.
31
P. Colliva, « Bologna dal XIV al XVII secolo : governo misto o signoria senato-
ria ? », dans Storia dell’Emilia-Romagna, II (Bologne : 1977) 1-34.
32
Sur l’importance et les fonctions des podestats italiens, voir J.-C. Maire Vigueur,
villes capitales, états territoriaux et universités 225

un hasard si les statuts s’appesantissent sur cette question des consilia,


autrement dit sur cette procédure qui manifeste au plus haut point
l’intervention des spécialistes de la doctrine dans la pratique judiciaire
et par là même la créativité des juristes dans le cadre des cités ou des
premières seigneuries italiennes33, leur aptitude à orienter le ius commune.
On comprend que les villes universitaires, et singulièrement Bologne,
aient cherché à réglementer l’activité de consilium : les statuts de la ville
de 1288 interdisent aux docteurs de délivrer des consilia s’ils ne sont pas
enregistrés dans le collège des juges34. Le consilium constitue un point
essentiel de cette activité protéiforme du juriste italien, à la fois et tour
à tour, professeur d’université, juge ou avocat, sans qu’il y ait eu une
spécialisation exclusive, une professionnalisation unique35. C’est proba-
blement la raison pour laquelle existaient ces solutions institutionnelles
de collèges à la charnière de la corporation privée et de l’institution
publique, solutions apparemment surprenantes au regard contemporain,
mais qui témoignaient d’une souple articulation avec la pratique et
d’un aménagement pragmatique entre la reconnaissance de la qualité
doctorale théoriquement universelle et la défense des intérêts de classe.
Il faut, en effet, rappeler que le doctorat en droit n’était pas seulement
une attribution intellectuelle ou pédagogique, mais qu’il offrait à son
détenteur une iurisdictio, une autorité d’interprétation et de juridiction
de nature publique, potentiellement très vaste, contenue dans la notion
de facultas glossandi, et interpretandi leges, ac etiam de iure respondendi36.
La place des gradués de l’université dans les pouvoirs urbains prend
une allure différente précisément quand les villes italiennes cessent d’être

I podestà dell’Italia comunale. Parte I, Reclutamento e circolazione degli ufciali forestieri ( ne XII
sec. – metà XIV sec.). (Rome : 2000) vol. 1, Introduction.
33
Qu’il soit permis de renvoyer, à titre d’exemple, à P. Gilli, « Les consilia de Baldo
degli Ubaldi et l’élévation ducale de Gian Galeazzo Visconti », dans P. Gilli éd., Les
élites lettrées au Moyen Âge, à paraître en 2007 aux presses universitaires de Montpellier-
III. La question de la créativité des juristes et de leur place dans la culture urbaine est
au centre de mon livre La noblesse du droit. Débats et controverses sur la culture juridique et le
rôle des juristes dans l’Italie médiévale (XII e-XV e siècles) (Paris : 2003). Rappelons que l’appel
au consultor pouvait être requis dans la procédure judiciaire elle-même par le juge et
que celui-ci était alors sommé, dans certaines circonstances, de rendre une sentence
conforme à l’opinion doctorale.
34
Statuti di Bologna dell’anno 1288, G. Fasoli et P. Sella éd., II (Rome : 1939) 15-16 :
« nullus possit assumere consiliarius alicuius questionis nisi fuerit de collegio iudicum
civitatis Bononie et scriptus in eorum matricula ».
35
E. Brambilla (1989) 143.
36
S. Di Noto Marrella, (Padoue : 1994) 87-165. Ouvrage très riche par ses sources
et ses analyses, dont on regrettera toutefois l’approche an-historique puisque les sources
s’échelonnent du XIII au XVIIIe siècle sans que les analyses ne leur restituent cette
profondeur chronologique.
226 patrick gilli

le moteur d’une histoire urbanocentrique et que se mettent en place


des états régionaux dans lesquels les intellectuels n’occupent plus une
fonction ès qualité aussi statutaire. Le rôle des universités s’en trouve
modié. Elles acquièrent le statut d’université d’état, à l’instar de ce
qu’avait tenté Frédéric II en 1223 avec la création de l’université de
Naples. En effet, au cours des XIV-XVe siècles, quand se mettent en
place de vastes ensembles régionaux qui intègrent et dépassent les
espaces urbains disséminés, les universités existantes se voient doter de
privilèges à l’initiative du seigneur. Le cas de Pavie est intéressant : le
studium est réouvert en 1361, grâce à un diplôme impérial de Charles
IV qui reprend les termes classiques d’une fondation de studium, dans
lequel l’empereur évoque la sollicitation des autorités urbaines à ce
sujet. Mais, à peine l’université est-elle rouverte que l’on voit claire-
ment qu’elle n’est plus contrôlée par la ville, mais par le prince, en
l’occurrence Galéas Visconti, lequel s’empresse, à la façon de Frédéric
II, d’interdire à tous ses sujets lombards de se rendre ailleurs qu’à Pavie
pour y faire des études. Le passage d’une université municipalisée à
une université d’état se traduit par un contrôle étroit des diverses acti-
vités académiques et du salaire des enseignants locaux, y compris par
d’éventuelles réductions salariales en cas de difcultés de trésorerie37 :
en réalité, il faut tout de suite ajouter que la matérialité des salaires
revenait à la charge de la commune38. C’est du reste une très épineuse
question que celle du nancement du studium, qui engage des négocia-
tions tripartites (collège doctoral, ville, duc) : en 1406, la ville demande
au duc l’autorisation d’embaucher un professeur de philosophie, à quoi
le duc répond en substance qu’il n’a pas d’objection de principe, mais
qu’il revient au studium de trouver le nancement, parce qu’actuellement
les rentrées prévues ne couvriraient pas son salaire39. Le duc proclame
également l’interdiction de sortir en ville la nuit ou quitter la ville sans
son autorisation spéciale40, et lorsque un maître désire quitter Pavie, il

37
R. Maiocchi, Codice diplomatico dell’Università di Pavia (Pavia : 1905) II, 1, 104 (année
1408).
38
Ibid., 97.
39
Ibid., II, 86: “nec videntes unde huic expense debeat introitus respondere, cum
in reliquis proventus sumptibus ullo modo non suppetant, volumus quod deliberetis
de convenienti salario dando predicto magistro Johanni, et unde, et quomodo eidem
premissis attentis, debita solutio eri possit, ne, solo salariati nomine, frustratur labo-
ribus et expensis”.
40
R. Maiocchi (1905) I, 98-99 (1389).
villes capitales, états territoriaux et universités 227

doit lui en demander la permission, comme le t par exemple Gasparino


Barzizza en 1407 au moment de se rendre à Venise41. Il semble, du
reste, que l’ouverture du studium en 1361 et l’interdiction consécutive
faite aux Lombards d’étudier ailleurs qu’à Pavie n’aient pas toujours
suf à attirer les étudiants de la région, au point qu’en 1392, le duc
est contraint de rappeler l’interdiction et de faire afcher une copie de
la bulle ponticale de Boniface IX de novembre 1389 sur les portes
de la cathédrale de Milan42. Etait-ce à dire que le diplôme impérial de
Charles IV en 1361 n’apparaissait pas comme une garantie sufsante
de validité des grades ou de respectabilité de l’université ? Quant à la
prérogative ducale d’organisation des études à l’échelle des territoires
lombards, elle est clairement mise en œuvre le 1er janvier 1399, lorsque
il crée Studium du Plaisance en remplacement de celui de Pavie. Les
raisons ni les attendus de ce transfert ne sont clairs. S’agissait-il d’une
épidémie de peste menaçant Pavie, d’un problème non résolu de taxation
des maisons pour les universitaires (question épineuse dont on trouve
de nombreuses traces dans les registres de l’université) ou d’un autre
motif 43 ? En toute hypothèse, l’attitude du duc est assez ondoyante. La
lettre qui crée l’université de Plaisance imite en tous points les privilèges
ponticaux ou impériaux, avec un long exorde qui justie la nécessité
pour son état (Res publica) d’avoir plusieurs lieux d’enseignement44, et
entoure l’événement de toute la solennité requise45. Toutefois, on peut
douter de la volonté ducale de créer durablement une concurrence à
Pavie ; outre que le duc n’empêche pas le studium pavesan de distribuer

41
Id., II/1, 88.
42
Id., I, 212: “Preterea ut omnibus et singulis ipsius nostri felicis studii scolas advent-
antibus favorum et gratiarum, nostra nedum, sed potius apostolica, indulta pateant, per
que melioris conditionis et dispositionis effectus concrescat ad ipsum nostrum studium
libentius accedendi, volumus quod exemplaria privilegiorum papalium, quorum copias
mittimus tibi presentibus inclusas, foribus ecclesie cathedralis nostre civitatis Mediolani
afgi facias et apponi”.
43
Hypohèses rapidement évoquées par P. Grendler, The Universities of the Italian
Renaissance, (Baltimore-Londres : 2002) 82-83.
44
R. Maiocchi (1905) 1, 409 : « quod hoc maxime non eri posse comprehendimus,
si pluribus in locis non fuerint generalia studia constituta, ad quae pro virtutibus et
scientiis acquirendis utiliter homines transferre se habeant ».
45
Voir e.g. la formule suivante : « Nos, qui ducalem hanc nostram monarchiam
desideramus scientiis et virtutibus foecundare et huiusmodi veris ornamentis extollere,
non immerito, motu proprio, de nostrae plenitudine potestatis, a caesarea nobis digni-
tate nobis et nostris successoribus attributa, Deo auctore, ex certa scientia, et omni
modo quo melius possumus, duximus in civitate nostra Placentiae generale studium
instaurandum ».
228 patrick gilli

des grades pendant toute l’année 1399 et encore en 140046, le soutien


ducal à la nouvelle université est quasi-absent, au point que quelques
mois après, le retour à Pavie est assuré. Au demeurant, les Pavesans
font mine de considérer que ce transfert n’a jamais été qu’une trans-
lation provisoire et non une substitution : lorsqu’ils évoquent, dans les
documents ofciels, l’université placentine, ils parlent du studium papien-
sis, licet civitatis Placentie habitante47. Même les universitaires transférés à
Plaisance utilisent une formule identique (Rectores et universitas doctorum et
scolarium studii papiensis nunc placentie residentis, lettre du 23 mai 1402). Le
duc lui-même parle en août 1402, dans une lettre au podestat de Pavie,
du Studium nostrum quod solebat esse Papie, et modo est Placentie48. Bref, Pavie
était bien la seule université lombarde d’en deçà du Pô. En revanche, il
est signicatif de cet effort de coordination territoriale des études que,
Jean Galéas Visconti s’étant emparé de Bologne en 1402, une des ses
premières mesures qu’il prit fut de révoquer l’interdiction faite à ses
(nouveaux) sujets d’au-delà du Pô d’étudier ailleurs qu’à Pavie et de
les autoriser à se rendre à Bologne49. Sa mort quelques semaines plus
tard et l’écroulement de ses conquêtes interdisent de savoir comment
il aurait ménagé les deux studia sous sa domination50. Ses successeurs
maintinrent et accrurent le contrôle sur l’université, quelquefois tem-
péré par des considérations diplomatiques, comme lors de l’autorisa-
tion donnée en octobre 1437 aux sujets lombards de se rendre, s’ils le
voulaient, à l’université de Turin, en raison de l’amitié qui unissait les
deux seigneurs51. Mais un mouvement très net s’amorce de restriction
des privilèges estudiantins : entre mai et septembre 1428, Filippo Maria
Visconti émane une série de décrets faisant passer sous la juridiction
podestatale les étudiants, d’abord en attribuant au podestat les causes
criminelles impliquant les étudiants, puis en retirant au recteur la juri-
diction sur les crimes commis de nuit, enn, en attribuant au même
podestat les affaires extra-universitaires impliquant les étudiants (ce

46
On pourrait certes expliquer ce délai de grâce par le temps nécessaire à l’instau-
ration réelle du studium placentin dont l’ouverture est ofciellement proclamée par un
héraut communal après le 28 avril 1401 (Id., II.1, p. 8).
47
Id., 10-11.
48
Id., 17.
49
Ibid. 17.
50
A l’époque du ducat de Giovanni Maria Visconti, la création de l’université de
Parme en 1409, lorsque la ville sortit du dominium ducal créa une compétition plus
sérieuse, seulement réduite quand la ville revint dans le giron viscontéen (en 1420) et
que l’université fut fermée.
51
Maiocchi (1905) II/1, 367.
villes capitales, états territoriaux et universités 229

qui ne peut manquer de laisser une large marge d’interprétation au


podestat)52.
Le cas pavesan nous renvoie à une situation assez répandue dans
l’Italie seigneuriale dans laquelle les états territoriaux se constituent,
modiant de fait la politique universitaire et culturelle des dirigeants.
Il n’est pas anachronique d’utiliser ce terme. A Pavie, la supervision
par le duc est très prégnante, non seulement nancièrement, mais aussi
dans la fréquence des cours ou l’assiduité des professeurs53. Il est frap-
pant que Milan devenue une sorte de capitale régionale n’ait pas eu
de studium. Se met en place une sorte de répartition des tâches dans le
champ culturel : à Pavie, la culture académique ; à Milan, la culture de
cour et ses dérivés modernes : les studia humanitatis, extra-académiques.
A contrario, quand disparaît la dynastie des Visconti et que renaît le
rêve d’une indépendance communale avec la République ambrosienne,
réapparaît alors l’idée de créer un studium municipal pourvu de toutes
les chaires, à en juger par le rotulus des professeurs en date du 27 avril
144854. L’échec de la République ambrosienne retarde le projet et il
faut attendre la n du XVe siècle pour voir apparaître des cours de
studia humanitatis dans la capitale.
Il est frappant qu’à l’échelle de la péninsule, une telle dualité ait été
largement répandue dans les grands états régionaux : au binôme Milan-
Pavie font écho ceux de Venise et Padoue et de Florence-Pise. Dans tous
les cas, il s’agit d’une sorte de duplication de la politique culturelle de
la capitale. Le studium de Padoue, vieille université issue de dissidents
bolonais au début du XIIIe siècle, passe sous contrôle de Venise en 1405
quand la ville toute entière intègre la domination vénitienne. A l’instar
de ce que rent les Visconti pour Pavie, les Vénitiens rent de Padoue
une université d’Etat, sur laquelle ils veillèrent avec une grande vigi-
lance ; le budget est voté par le Sénat, et à la différence de la plupart des
studia municipalisés, le nancement passe directement par les votes du
Sénat vénitien, ce qui n’empêche pas une contribution de la commune,
sous forme de taxes payées par les détenteurs de chars et une taxe par

52
Id., 242-244. Il est vrai que la vie universitaire pavesane semble particulièrement
agitée et que les conits sont nombreux : quelques cas sont rapportés à propos des
étudiants allemands par A. Sottili dans son recueil Università e cultura. Studi sui rapporti
italo-tedeschi nelletà dell’Umanesimo (Goldbach : 1993).
53
C’est une constance que l’on retrouve jusque sous Francesco Sforza, qui n’hésite pas
par exemple à licencier deux professeurs pavesans en janvier 1450, au motif qu’ils ne
sont d’aucune utilité pour le studium, faute d’étudiants en nombre sufsant (II/2, 548).
54
Id., II/2, 527-528.
230 patrick gilli

tête (boccadego) prélevée en ville et sur le contado55. En 1413, le Sénat


accepte une proposition du recteur des étudiants en droit demandant
d’affecter la scalité des prostituées publiques padouanes pour payer
l’embauche de deux professeurs célèbres56. Mais en règle générale, ce
ne sont pas les seules nances padouanes qui paient pour l’université,
mais des rentrées scales d’autres cités de Terre ferme. Mieux encore,
les enseignants formellement choisis par une commission de sages locaux
(tractatores studii ) étaient en réalité approuvés par le Sénat vénitien qui
empêchait une padouanisation du recrutement en limitant drastique-
ment le montant des rétributions accordées aux professeurs padouans.
En 1479, une loi vénitienne interdit aux Padouans d’être concurrents,
c’est-à-dire d’enseigner comme professeurs ordinaires simultanément en
première et deuxième position (il y avait deux professeurs par discipline
qui devaient enseigner au même moment, les étudiants se répartissant à
leur gré chez l’un ou l’autre maître). La crainte de la dissidence politique
fut la principale inquiétude des autorités vénitiennes qui n’hésitèrent
pas à exiler certains professeurs soupçonnés de vouloir le retour de la
dynastie des Carrare. La méance à l’égard du personnel enseignant
padouan ne s’est pas traduite par une pénétration des Vénitiens, car
le Sénat avait interdit aux familles patriciennes et à celles des citoyens
ordinaires de Venise d’accéder aux fonctions professorales à Padoue57.
Quant au studium, s’il conserva son statut de grande université régionale,
il faut remarquer que le Sénat vénitien accorda en matière judiciaire sa
préférence institutionnelle au collège des docteurs et juges de Padoue
plutôt qu’au studium: c’est ce collège professionnel qui se voit coner la
fonction de tribunal d’appel des cités dalmates soumises à la Sérénis-
sime58. Le fait est que la « démunicipalisation » de l’université a affaibli
la position des universitaires, non pas des juristes au sens large, mais des
professores legum. Le mouvement est général, qui aboutit à une sorte de
fonctionnarisation des juristes enrôlés dans les tribunaux, un phénomène
qui rend non pas les universités moins utiles ou prestigieuses, mais les
doctores legum moins autonomes dans l’interprétation de la norme59.

55
P. Grendler (2002) 27.
56
E. Martellozzo Forin, « Vescovo e canonici in una università di stato: il caso di
Padova nella prima metà del secolo XV », dans le présent volume.
57
P. Grendler (2002) 28, et surtout F. Dupuigrenet Desroussilles, « L’università di
Padova dal 1405 al Concilio di Trento », dans G. Arnaldi et alii éd., Storia della cultura
veneta, III, 2 (Vicence : 1980) 607-647.
58
P. Gilli, « Les collèges de juristes en Italie . . . », art. cit.
59
Sur ce thème, voir P. Gilli (2003).
villes capitales, états territoriaux et universités 231

Le dernier cas exemplaire en matière de relation ville-université est


celui de Florence-Pise. A la différence des cas précédents, où les cités
capitales n’avaient pas de studia generalia, Florence en possède un depuis
1321, et Pise depuis le XIVe siècle aussi. L’intégration forcée de Pise
dans le domaine orentin en 1406 allait modier la donne universitaire
et offrir un cas de gure singulier dans les relations entre villes capitales,
villes sujettes et universités. Si le studium pisan a longtemps fonctionné
de manière chaotique, après l’annexion, le prélèvement scal opéré sur
la ville de Pise a obéré le bon déroulement des activités du studium au
point que celui-ci ne fonctionna jusqu’en 1473 que par intermittence60.
Au demeurant, ce n’est pas pour autant que Florence en a proté,
d’abord parce que le studium orentin continue à fonctionner lui aussi
par intermittence, sans relief particulier avec un budget qui n’excède
pas les 3000 orins annuels (à peine 0,5% du budget annuel en temps
de paix de la ville), que les projets d’agrandissement ou d’amélioration
de l’accueil des étudiants échouent, comme le projet imité de celui de
Sienne d’une Sapienza, véritable petite cité universitaire nancée par la
ville61. En revanche, un document rarissime nous éclaire sur l’opinion
des élites locales à l’égard de l’université : il s’agit d’une discussion orga-
nisée au palais de la Seigneurie et dont la teneur a été transcrite par le
chancelier. L’objet n’est rien moins que la nécessité ou pas de garder
une université en ville ou de la délocaliser dans une cité dépendante
(depuis les années 1450, Pise comme Arezzo faisaient pression pour
accueillir l’université orentine62). Les arguments sont d’une grande
lucidité, des deux côtés, mettant en évidence les enjeux culturels autant
que politiques et économiques : les opposants au transfert soulignent
le risque de favoriser la dissidence pisane à Florence, ce à quoi leurs
contradicteurs répondent que Milan et Pavie ont des studia délocalisés et
que la domination politique n’en est pas affaiblie pour autant ; plus sin-
gulier encore, l’argument des citoyens favorables au transfert : Florence

60
Jonathan Davies, « The Studio Pisano under Florentine Domination, 1406-1472 »
dans History of Universities 16 (2000) et Rodolfo del Gratta, « L’età della dominazione
orentina (1406-1543) », dans Storia dell’università di Pisa, I* 1343-1737 (Pise : 1993)
32-38.
61
Jonathan Davies, Florence and Its University During the Early Renaissance (Leyde: 1998);
sur la Sapienza orentine, voir P. Denley, “Academic Rivalry and Interchange: The
Universities of Siena and Florence”, dans C. Elam et P. Denley éd., Florence and Italy:
Renaissance Studies in Honour of Nicolai Rubinstein (Londres : 1988) 193-208.
62
R. Black, “Higher Education in Florentine Tuscany: New Documents from the
Second Half of the Fifteenth Century”, dans C. Elam et P. Denley éd. (Londres:
1988) 209-222.
232 patrick gilli

est une cité marchande qui a toujours négligé les choses de l’esprit. Il
est donc nécessaire d’en tenir compte et de transférer les études à Pise
parce que Florence ne rivalisera jamais avec Bologne ou Pérouse63. Ce
transfert, alors retardé, prend place en 1473 à l’initiative de Laurent
de Médicis, qui en devient le protecteur dans une claire volonté d’or-
ganisation territoriale de la domination orentine et médicéenne. La
dimension politique est nettement afrmée à travers la promotion des
ofciers du studium chargés de recruter les professeurs qui deviennent à
partir de 1475 ofciers des grâces, c’est-à-dire chargés de prélever les
taxes sur le clergé accordées le pape et destinées à nancer le studium ;
plus encore, les ofciers doivent élire en leur sein le capitaine du peu-
ple de Pise : c’est dire l’importance politique de l’institution à laquelle
d’ailleurs Laurent lui-même appartient sans discontinuer de 1473 à
148364. Dans l’esprit de ses promoteurs, et donc du Magnique, la
création ou le transfert vers Pise65 avait une visée multiple : revitaliser
une économie urbaine affaiblie par une décroissance dramatique de la
ville, conforter la mainmise des Florentins sur la région en montrant
la bienveillance de leurs gouvernants à l’endroit d’une cité sujette (les
Ufciali dello studio qui géraient l’institution à distance étaient Florentins : à
eux de choisir les enseignants, de les rétribuer selon des modalités xées
par les conseils orentins66), faire du Studium une création princière, ce
que ne pouvait être l’université de Florence.
Encore faut-il noter les limites de cet aménagement territorial : à
Pise, le droit et la médecine et les arts, à Florence les studia humanitatis
qui, de fait, n’aboutissaient pas à des grades et concernaient un public
plus adulte. Plus que d’un transfert, il conviendrait de parler d’une
université multi-sites, comme l’atteste la provision des 18-22 décembre
1472 qui parle explicitement d’un studio de la cité de Florence, délo-
calisé pour des raisons conjoncturelles (rareté des maisons disponibles)
et cone aux Ufciali dello Studio la double mission de pourvoir aux
enseignements de Pise et à ceux destinés aux citoyens orentins67. De

63
Texte édité par Gene Brucker, « A Civic Debate on Florentine Higher Education
(1460) », Renaissance Quarterly, 34 (1981) 517-533.
64
J. Davies (1998) 126.
65
C’est une question encore ouverte que de savoir si la décision de décembre 1472
et l’ouverture du Studium en 1473 constituent un transfert de Florence à Pise ou la
revitalisation du Studium pisan (voir R. del Gratta, art. cit., 34).
66
Peter Denley, “Signore e Studio: Lorenzo in a Comparative Context”, dans Michael
Mallett et Nicolas Mann éd., Lorenzo the Magnicent. Culture and Politics (Londres : 1996)
202-216.
67
Alessandro Gherardi, Statuti dell’università e studio orentino dell’anno MCCCLXXXVII
villes capitales, états territoriaux et universités 233

même, l’accès des Pisans aux fonctions professorales demeure restreint,


par une exclusion tacite68.
Le cas orentin, grâce à cet étonnant éclairage permis par les sour-
ces, témoigne de la transformation très volontariste de l’université en
instrument de domination politique et territoriale au service d’une
famille, alors même que l’institution n’avait alors que modérément
intéressé l’élite urbaine précédemment, même si les études récentes
tendent à relativiser le désamour entre la ville et son studium, en insis-
tant notamment sur le nombre conséquent de membres des grandes
familles orentines qui intégrèrent les collèges doctoraux orentins dans
la première moitié du XVes. et y enseignèrent69. En tout état de cause,
le succès de l’opération pisane demeura modeste puisque l’université
n’accueillit guère plus de deux à trois cents étudiants par an pendant
les dernières décennies du siècle70.

Pour conclure, je reviens à mon interrogation de départ : quel statut


et quelle fonction politique pour les gradués dans les cités italiennes ?
L’évolution est nette et suit clairement le cours de l’histoire urbaine
elle-même. Aussi longtemps que la dynamique politique est communale
et urbanocentrique, les lettrés (les juristes) jouent un rôle es qualité de
premier plan dans la vie locale : reconnus par leur expertise, ils agis-
sent à la fois en dehors et en dedans des pouvoirs urbains. A partir du
moment où se mettent en place des seigneuries territoriales, le statut
de l’université est subalterné à la question de l’autorité politique. Il est
dès lors facile pour le prince (ou le seigneur collectif ) de délocaliser sur
le territoire (ou de maintenir les studia délocalisés) ; l’université devenue
institution d’Etat a perdu de son autonomie et de sa capacité à produire
un savoir plus autonome; les juristes cèdent la place à des fonctionnaires
et à des juges enrôlés dans les tribunaux. Quant au contrôle sur les
institutions universitaires dans les cas évoqués d’universités décentrées
par rapport à la capitale, il faut signaler qu’il tend à devenir de plus en
plus serré, même si des nuances non négligeables se font jour ici ou là
selon la tradition universitaire préexistante. Assurément, lorsque Venise

(Florence : 1881) 274 : « Che per gli Ufciali dello studio [. . .] s’abbia non solamente a
provedere di quegli che legghino nello studio a Pisa nelle facultà necessarie negli studi
generali e degni, ma anchora di quegli che nella città di Firenze s’addoctrinano nel
modo detto e cittadini orentini e chi nella città di Firenze habitasse ».
68
P. Grendler (2002) 73.
69
J. Davies (1998) 54-58.
70
Ibid.
234 patrick gilli

récupère le studium padouan, elle doit composer avec une institution


hautement symbolique, à l’histoire déjà ancienne ; c’est la raison pour
laquelle la politique de surveillance ménage tout de même les sensibilités
locales. Le Studium de Pavie fondé par la dynastie des Visconti est dès
l’origine sous surveillance princière et n’en sort pas. Enn, le cas pisan
est le plus délicat, puisque perdurent deux studia, d’inégale importance,
même si celui de Florence ne délivre plus de grades après 1473. Pour
ajouter à la formation des rejetons des élites sociales italiennes, les
cités capitales nancent, hors des structures académiques, des écoles
de studia humanitatis, achevant de déprécier encore plus le prestige social
de l’université médiévale, ouvrant ainsi la voie à l’université d’époque
moderne, qui fut très loin, comme on sait, d’être le lieu unique d’éla-
boration des savoirs nouveaux.
III. UNIVERSITÉS ET SOCIÉTÉS URBAINES
LES CONFLITS « TOWN AND GOWN » AU MOYEN ÂGE :
ESSAI DE TYPOLOGIE

Jacques Verger

D’origine incertaine, l’expression anglaise « town and gown » est en tout


cas bien attestée dans le classique ouvrage d’Hastings Rashdall, The
Universities of Europe in the Middle Ages, où ce type récurrent de violence
est présenté comme un des aspects les plus typiques de ce qu’il nommait,
dans un chapitre au demeurant très neuf pour son temps, « the wilder
side of university life »1. Et le paisible ecclésiastique victorien qu’était
Rashdall d’y opposer avec quelque effroi ces déchaînements incontrôlés
d’affrontements souvent sanglants qui auraient, selon lui, caractérisé
les universités au Moyen Age, à l’atmosphère coite et studieuse qui
y régnait de son temps. Instruits par bien des exemples récents, nous
sommes aujourd’hui nettement moins optimistes et pensons plutôt que
la violence est une marque permanente de la vie universitaire, comme
de la vie sociale en général, spécialement de la vie urbaine, mais nous
ne devons pas moins, en tant qu’historiens, nous attacher à dégager les
traits spéciques qu’elle a revêtus à chaque période de l’histoire.
Dans cette perspective, la présente communication se limitera à
certaines formes particulières de la violence universitaire médiévale,
avec le souci d’en mesurer avec précision la réalité historique par-
delà le lieu commun complaisant de la bohême goliardesque, buveuse
et bagarreuse2, tout aussi trompeur que celui du locus amœnus, séjour
quasi paradisiaque – Parisius-Paradisus, disait le vieil adage parisien – du
savoir et des études que font parfois miroiter les chartes de fondation
des universités nouvelles3.

1
Hastings Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, a new ed. by Fre-
derick M. Powicke and Alfred B. Emden, Londres, 1936 [1ère éd. 1895 ], vol. III,
p. 427-435.
2
Encore présent dans des ouvrages de vulgarisation tels que ceux de Chantal Del-
pille, Les enragés du XV e siècle. Les étudiants au Moyen-Age, Paris, 1969, ou de Léo Moulin,
La vie des étudiants au Moyen Age, Paris, 1991, p. 95-118.
3
Sur ce thème, voir la communication de Lyse Roy, « Le jardin du savoir. Repré-
sentation de l’espace universitaire du XIIIe au XXIe siècle », à paraître dans les Actes
du colloque Transformation et mutation des universités en Europe et en Amérique, XIII e-XXI e
siècle, Montréal, 18-20 septembre 2003.
238 jacques verger

Ni les dimensions imposées à cette communication, ni les connaissan-


ces de l’auteur, ni l’état de la documentation conservée ne permettent
de dresser un tableau exhaustif de ces violences. Il s’agira tout au plus,
dans les pages qui viennent, à partir d’exemples principalement français
et anglais, d’esquisser une typologie et de proposer un cadre pour de
futures enquêtes plus approfondies.
Nous avons retenu trois critères principaux pour dégager ci-dessous,
d’une réalité multiforme, les conits que nous placerons sous l’étiquette
de « town and gown » et auxquels se limitera cette étude.
1. Il s’agira de violences ayant mis aux prises des universitaires
(étudiants et parfois maîtres) et des éléments extérieurs à l’université
mais appartenant à la population de la ville universitaire considérée.
Ceci exclut donc de notre propos, d’une part, les agressions contre
les universitaires menées à l’extérieur de la ville, par exemple sur les
routes4, d’autre part et surtout, les violences ayant opposé entre eux
des membres de l’université ; de telles violences – entre individus, entre
nations, entre facultés, entre collèges, entre séculiers et réguliers, etc. –
étaient pourtant monnaie courante5, mais leur portée et leur signication
nous semblent assez différentes de celles des conits entre « town and
gown » proprement dits.
2. Il s’agira de violences ayant atteint une certaine ampleur, ce qui
exclut les bagarres opposant seulement deux individus (ou deux tout
petits groupes) et n’ayant pas fait tâche d’huile dans le reste de la
population universitaire ou urbaine ; ces incidents ponctuels, nombreux
mais isolés, le plus souvent anodins quoique parfois sanglants jusqu’au
meurtre, devaient être très courants6 ; à certains égards, ils relèvent bien
de l’affrontement entre « town and gown », je ne les ai cependant pas
retenus car, outre que la plupart n’ont dû laisser aucune trace dans la
documentation, ils ne me semblent pas avoir la dimension collective et,
partant, le retentissement social, psychologique et politique des véritables
conits entre « town and gown ».

4
Voir les exemples donnés dans Elisabeth Mornet et Jacques Verger, « Heurs et
maheurs de l’étudiant étranger », dans L’étranger au Moyen Age. XXXe Congrès de la
SHMES (Göttingen, juin 1999), Paris, 2000, p. 217-232.
5
Pensons par ex. aux bagarres récurrentes à Oxford entre Boreales et Australes (réfé-
rences dans The History of the University of Oxford, vol. I, The Early Oxford Schools, ed. by
Jeremy I. Catto, Oxford, 1984, p. 186).
6
Pour ne citer qu’un exemple littéraire célèbre, rappelons, en 1455, la rixe mortelle
dans laquelle maître François Villon tua le prêtre Sermoise ( Jean Favier, François Villon,
Paris, 1982, p. 195-198).
les conflits « town and gown » au moyen âge 239

3. Il s’agira enn de violences physiques, ou au moins verbales,


effectives, ce qui exclut les simples litiges juridiques ou économiques qui
trouvaient leur solution dans des procédures judiciaires ou arbitrales,
quand ce n’était pas par le départ pur et simple, la « sécession », des
maîtres et étudiants mécontents7.
Ces trois critères permettent de mieux délimiter le champ de cet
exposé, ils n’en sont pas moins, j’en conviens, discutables, ne serait-ce
que parce que les aspects théoriquement exclus – affrontements internes
à l’université, conits individuels, recours au juge ou à l’arbitre – sont
en réalité souvent présents dans les épisodes dont nous allons parler,
en général au début ou à la n de l’affaire.
Précisons enn, pour terminer, que nous avons également écarté, de
manière plus contestable encore, deux types de conits pourtant bien
attestés dans la documentation : d’une part, les conits entre « town and
gown » dans les villes non universitaires8, d’autre part, les mouvements
« populaires » auxquels des gens de l’université ont pu participer –
comme acteurs ou comme victimes – mais de manière minoritaire,
sans y jouer un rôle moteur, ce qui ne veut pas dire que de tels mou-
vements aient été sans conséquence pour eux ou que leur présence y
soit passée inaperçue9.

7
Si certaines « sécessions » se produisirent en fait à la suite de véritables affrontements
entre « town and gown », comme celles qui virent le départ d’étudiants d’Oxford pour
Cambridge en 1209 ou de Paris pour Orléans en 1229 (cf. Rashdall, The Universities of
Europe, cité supra n. 1, vol. I, p. 334-336 et vol. III, p. 33-34), d’autres paraissent n’avoir
été précédées que de tensions avec les autorités urbaines (sécession de Bologne vers
Padoue en 1222, ibid., vol. I, p. 171) ou à l’intérieur même de l’université (départ des
étudiants et maîtres allemands de Prague vers Leipzig en 1409, ibid., vol. II, p. 228).
8
Pour citer une affaire tout à fait comparable aux conits entre « town and gown »
des villes universitaires, le 30 novembre 1312, les bourgeois de Soissons s’en prirent
violemment à un groupe d’élèves de l’école cathédrale, ce qui leur valut d’être condam-
nés par le Parlement à de lourdes amendes d’un montant total de 2200 livres tournois
(Les Olim ou registres des arrêts rendus par la cour du roi . . ., par le comte Auguste-Arthur
Beugnot, t. III/2, Paris, 1848, n° LXXXII, p. 797-799).
9
C’est ainsi par ex. qu’en 1251, à Paris et Orléans, les « Pastoureaux » s’en prirent
aux étudiants en même temps qu’à l’ensemble du clergé urbain (voir la lettre du gardien
des Franciscains de Paris publ. dans Chartularium Universitatis Parisiensis, éd. par Heinrich
Denie et Émile Châtelain [désormais cité CUP ], t. I, Paris, 1889, n° 198 ; à Mont-
pellier, au moment de la grande révolte scale du 25 octobre 1379, les universitaires
ne semblent guère avoir participé aux violences ; certains étudiants, effrayés, prirent
la fuite et l’université elle-même t partie de la délégation qui alla ensuite implorer
pour la ville la clémence du duc d’Anjou, lieutenant du roi en Languedoc, lequel t
connaître sa sentence par la bouche d’un de ses conseillers, Raymond-Bernard Fla-
menc, professeur ès-lois de Montpellier (Alexandre Germain, Histoire de la Commune
de Montpellier, Montpellier, 1851, t. II, p. 177-199) ; à Cambridge, au moment de la
240 jacques verger

Sur les conits entre « town and gown » qui retiendront prioritai-
rement notre attention, il y a deux grandes catégories de sources : les
chroniques, au moins pour les événements les plus importants, et les
sources judiciaires (plaintes, enquêtes, mémoires, plaidoieries, sentences,
rémissions, etc.) ; les registres universitaires ou urbains, là où il en existe,
peuvent aussi porter quelques traces de ce genre d’affaires. De toute
façon, dans la plupart des cas, il est clair que les sources reètent de
manière privilégiée le point de vue d’un des deux camps, elles doivent
donc être maniées avec toutes les précautions nécessaires. D’autre
part, ces sources sont certainement lacunaires, beaucoup d’épisodes
– surtout en l’absence de suites judiciaires – n’ont pas laissé de traces
écrites ; les silences chronologiques ou géographiques de la documen-
tation doivent donc être interprêtés avec beaucoup de prudence et il
serait dangereux d’inférer du manque d’informations conservées que
certaines périodes ou certaines universités ont nécessairement été plus
paisibles que d’autres.

1. Les scénarios de la violence

La comparaison des principaux épisodes documentés de conits entre


« town and gown » permet, avec toute la prudence qu’impose la partialité
de beaucoup de sources, d’esquisser un scénario en trois temps presque
immuable, sorte de « jeu de rôles » auquel chacun semble se conformer
de manière presque complaisante, comme si certains comportements
étaient dictés d’avance par la position sociale des intéressés.
1. L’incident initial : il éclate le plus souvent pour un prétexte mineur,
voire futile, et ne met aux prises qu’un petit nombre d’individus ; distin-
guons la querelle fortuite – déclenchée par un litige entre commerçant
et consommateur sur le prix ou la marchandise, une affaire de femme,
des danses ou des chansons trop bruyantes ou irrévérencieuses, une plai-
santerie douteuse, un geste déplacé, une bousculade10 – et le guet-apens

« révolte des travailleurs » de 1381, l’université et les collèges furent parmi les princi-
pales cibles des paysans soulevés (A History of the University of Cambridge, vol. I, Damian
R. Leader, The University to 1546, Cambridge, 1988, p. 215-218) ; à Toulouse enn,
des gens de l’université participèrent à la bagarre meutrière qui opposa en pleine
cathédrale, le 13 novembre 1406, les partisans des deux prétendants à l’archevêché,
Vital de Castel-Moron et Pierre Ravat, plutôt dans le camp de ce dernier qui était
le candidat de Benoît XIII (Noël Valois, La France et le Grand Schisme d’Occident, t. III,
Paris, 1901, p. 453-455).
10
Querelle de taverne à Paris en 1200 (Chronica magistri Rogeri de Houedene, éd. William
les conflits « town and gown » au moyen âge 241

plus ou moins organisé, expédition punitive ou agression délibérée d’un


groupe contre un autre11. Dans tous les cas, ce genre d’affaires éclatait
d’autant plus facilement que régnait en ville un climat préalable de
méance ou d’hostilité entre citadins et gens des écoles. On en venait
donc aisément aux injures et aux coups, même s’il ne s’agissait souvent,
dans ce premier temps, que d’une empoignade relativement bénigne.
On imagine ordinairement que beaucoup de ces bagarres se pro-
duisaient à la taverne12, mais d’autres avaient lieu dans la rue, parfois
devant la maison d’une des parties concernées, ou encore hors les
murs, dans les faubourgs où l’on allait s’ébattre, boire du vin ou jouer
au Pré-aux-clercs13.
C’est dire que ces incidents étaient aussi bien nocturnes que diurnes14 ;
en fait, il faut surtout noter qu’ils éclataient presque toujours aux heures

Stubbs, vol. IV, Londres, 1871, p. 120) et en 1231 (d’après la chronique de Matthieu
Paris, citée dans Charles Vulliez, « Un texte fondateur de l’université de Paris au
Moyen Age : la bulle Parens scientiarum du pape Grégoire IX (13 avril 1231) », Les cahiers
de l’ISP, 20, 1992, p. 50-72, spéc. p. 51-53) comme à Oxford en 1355 (Rashdall, The
Universities of Europe, cité supra n. 1, vol. III, p. 96-97), affaire de femme à Orléans en
1236 (Marcel Fournier, Les statuts et privilèges des universités françaises depuis leur fondation
jusqu’en 1789 [désormais cité Fournier, Statuts et privilèges ], t. I, Paris, 1890, n° 4, n. 1)
ou vers 1387 (cf. Charles Vulliez, « Pouvoir royal, université et pouvoir municipal à
Orléans dans les « années 80 » du XIVe siècle », Actes du 105 ème Congrès nat. des Soc. savantes,
Section de philologie, Paris, 1984, p. 187-200, spéc. p. 194) ou à Toulouse en 1427
(Fournier, Statuts et privilèges, t. III, Paris, 1892., n° 1195, p. 611), cris, danses et tapage
dans les rues à Paris en 1275 (CUP, I, n° 461) et 1367 (CUP, III, Paris, 1894, n° 1340,
p. 166-167) et à Toulouse en 1332 (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 563, n. 1) ; une
farce ou « moralité honneste », mais sans doute quelque peu irrévérencieuse, que les
étudiants voulaient jouer au collège Saint-Germain à Montpellier en 1494 (Fournier,
Statuts et privilèges, II, n° 1199).
11
Guet-apens caractérisé à Paris en 1365 (CUP, III, n° 1311) ; de même, des expé-
ditions nocturnes d’étudiants armés sont dénoncées aussi bien à Paris au début du
XIIIe siècle (extraits d’un sermon de Philippe le Chancelier et de la Vita de Guillaume
de Seignelay cités dans Jacques Verger, « Des écoles à l’université : la mutation insti-
tutionnelle », dans La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations, dir. par Robert-
H. Bautier, Paris, 1982, p. 817-846, spéc. p. 824-825) qu’à Montpellier en 1423 et 1442
(Arch. com. de Montpellier, BB 46, f ° 20-22 et BB 51, f ° 56-57v°) et à Toulouse en
1447 (Arch. dép. Hte-Garonne, B 1979, f ° 186, 188v°–192v°).
12
Cf. supra note 10.
13
Pour prendre les incidents parisiens, celui de 1231 a lieu au faubourg Saint-Mar-
cel (cf. supra note 10), celui de 1278 vers le Pré-aux Clercs, à Saint-Germain des Prés
(CUP, I n° 480), celui de 1365 près de la place Maubert (CUP, III, n° 1311), celui de
1367 rue de la Bûcherie (CUP, III, 1340), ceux de 1380 au faubourg Saint-Antoine
(CUP, III, n° 1454) etc.
14
Le caractère nocturne, circonstance aggravante manifeste, est noté à Paris en
1275 (CUP, I, n° 470) comme en 1376 (CUP, III, n° 1340), à Orléans en 1307 et
1319 (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 23, 53) comme en 1382 (Vulliez, « Pouvoir
royal, université et pouvoir municipal », cité supra note 10, p. 193), à Montpellier et à
Toulouse au XVe siècle (cf. supra note 11).
242 jacques verger

et jours où les leçons vaquaient pour les écoliers, ce qui leur donnait
le loisir de se promener ou de faire la fête, créant ainsi une impression
d’oisiveté qui pouvait exaspérer les travailleurs urbains15.
2. L’affrontement : parfois immédiat, il a plus souvent lieu dans les
heures ou les jours qui suivent l’incident initial16. Ceux qui s’estimaient
offensés ou menacés allaient en effet chercher des renforts, plus ou
moins nombreux et organisés ; de part et d’autre, on s’armait, tout en
continuant à s’injurier : au minimum des pierres et des bâtons, plus
souvent des épées et des dagues, voire quelques lances, arcs ou arbalètes,
sans parler des armes défensives, casques et cottes de maille, parfois
signalées dans les sources17.
L’affrontement, c’était d’abord la bagarre, avec son lot prévisible de
coups, blessures sérieuses ou légères, morts d’homme dans les cas les
plus graves18 ; un des deux camps – le plus souvent, il faut bien le dire,
les étudiants – nissait par prendre la fuite et, poursuivi par l’adversaire,

15
À Paris, l’affaire de 1229 éclate lors du Mardi Gras (Vulliez, « Un texte fondateur »,
cité supra note 10, p. 51), celle de 1367 pour la Saint-Nicolas (CUP, III, n° 1340, p. 166) ;
`à Toulouse, l’« affaire Ayméry Bérenger » commence le jour de Pâques 1332 (Fournier,
Statuts et privilèges, I, n° 563; n. 1), etc.
16
À Paris, l’affaire de 1231 dure deux jours (Vulliez, « Un texte fondateur », cité
supra note 10, p. 51-53), tout comme les désordres liés aux funérailles du roi Charles
V (CUP, III, n° 1454) ; à Oxford, en 1355, le « massacre de la Ste-Scolastique » se
prolonge au moins trois jours (Rashdall, The Universities of Europe, cité supra n. 1, vol.
III, p. 96-99)
17
Même si les étudiants se disent parfois sine armaturis quibuscumque (CUP, III, n° 1340,
p. 166), d’autres, comme ceux qui, en 1365, assaillirent des sergents place Maubert ou
ceux qui, en 1367, furent assiégés dans la maison de Pierre de Zippa par le chevalier
du guet et ses hommes, disposaient d’un arsenal impressionnant (CUP, III, n° 1311 et
1340, p. 170) ; à Oxford, en 1355, les sources évoquent « deux centz et plus de escolers
armez, a fuer de guerre » (Munimenta civitatis Oxonie, H. E. Salter ed., Oxford, 1920, p. 126)
et, au total, la présence d’armes de part et d’autre est universellement signalée dans
les sources relatives aux incidents entre « town and gown » ; l’interdiction constamment
faite aux étudiants de porter (sinon de posséder) des armes (voir par ex., pour Orléans,
Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 23, § 20 ou n° 30, ou, pour Montpellier, Fournier,
Statuts et privilèges, t. II, Paris, 1891, n° 923), restait lettre morte.
18
Si les citadins attaquaient généralement les étudiants au cri de « Tuez ! » ou « À
mort les clercs ! », les sources, lorsqu’elles ne restent pas dans le vague, n’évoquent
qu’un nombre restreint de morts : à Paris cinq en 1200 (Chronica magistri Rogeri de
Houedene, citée supra note 10, p. 120-121), deux au moins en 1231 (Vulliez, « Un texte
fondateur », cité supra note 10, p. 53) comme en 1278 (CUP, I, n° 480), un en 1365
(CUP, III, n° 1311) et un en 1380 (CUP, III, n° 1454) ; en 1367, on signale un disparu,
mais qui avait peut-être simplement fui Paris (CUP, III, n° 1340) ; il en va de même
en province : quatre morts au moins à Orléans en 1236 ((Fournier, Statuts et privilèges, I,
n° 4, n. 1), un disparu à Toulouse en 1427 (Fournier, Statuts et privilèges, III, n° 1915) ;
seul le « massacre de la Ste-Scolastique » à Oxford fut peut-être réellement sanglant,
mais les sources ne donnent pas de chiffres précis.
les conflits « town and gown » au moyen âge 243

cherchait le salut à l’intérieur de la ville (si les portes n’en avaient pas
été fermées)19 ou des maisons et collèges (dont les poursuivants allaient
parfois jusqu’à enfoncer les portes, voire les murs)20 même les églises
n’étaient pas toujours un refuge inviolable21; à Paris, à plusieurs reprises,
bloqués par la fermeture des portes ou des ponts, certains étudiants
essayèrent de s’enfuir par la Seine et s’y noyèrent22.
À la bagarre succédait le pillage. Les maisons des étudiants ou des
maîtres et surtout les collèges pouvaient être mis à sac par la foule :
archives et livres jetés ou brûlés, argent dérobé, tonneaux de vin mis
en perce sont des scènes parfois rapportées par les chroniques23.

19
À Paris, en 1278, les hommes de Saint-Germain des Prés devancent les étudiants
en fuite et leur coupent l’accès aux portes qui leur aurait permis de trouver refuge dans
Paris intra muros (CUP, I, n° 480) ; à Oxford, en 1355, les étudiants essaient de fermer
les portes de la ville, mais trop tard pour empêcher un contingent de quelques 2000
(?) paysans des environs, appelés en renfort par les bourgeois, d’y pénétrer (Rashdall,
The Universities of Europe, cité supra n. 1, vol. III, p. 97).
20
À Paris, en 1367, les sergents du guet pénètrent dans la maison de maître Pierre
de Zippa en enfonçant le mur de la maison voisine (CUP, III, n° 1340, p. 168 et 172) ;
à Toulouse, en 1427, les portes du collège de Narbonne sont enfoncées (Fournier,
Statuts et privilèges, III, n° 1915, p. 608) ; à Montpellier, c’est le collège Saint-Germain
Saint-Benoît qui subit le même sort en 1494 (Fournier, Statuts et privilèges, II, n° 1199) ;
à Nevers, où une partie des maîtres et étudiants orléanais avaient fait sécession, ce
furent des écoles et des logements d’étudiants qui, en 1319, furent envahis et saccagés
par la foule (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 53 et 71).
21
À Orléans, en 1311, la foule envahit et saccage le couvent des Prêcheurs où se
tenait l’assemblée de l’université (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 29) ; à Oxford, en
1355, des étudiants auraient été massacrés dans les églises des Mendiants (Rashdall, The
Universities of Europe, cité supra n. 1, vol. III, p. 98) ; à Paris, lors de l’« affaire Savoisy »,
on se bat en plein ofce dans Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers (Laurent Tournier,
« L’université de Paris et Charles de Savoisy ; une affaire d’honneur et d’État », Bulletin de
la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, 122-124, 1995-97, p. 71-88, spéc. p. 74) ;
à Toulouse, en 1427, des étudiants réfugiés à Saint-Sernin en sont arrachés de force
et blessés (Fournier, Statuts et privilèges, III, n° 1915, p. 600) et à Montpellier, en 1494,
les émeutiers « jectèrent [cinq ou six maîtres régents] hors des esglises où ilz s’estoient
retirés » (Fournier, Statuts et privilèges, II, n° 1199).
22
Des étudiants noyés ou en tout cas obligés de fuir à la nage sont mentionnés à
Paris en 1278 (CUP, I, n° 480), 1367 (CUP, III, n° 1340, p. 168) et 1380 (CUP, III, n°
1454, p. 294), à Orléans en 1236 (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 4, n. 1) ; à Nevers,
en 1319, ce furent simplement les chaires et bancs des écoles qui furent symbolique-
ment jetés dans la Loire au cri de « De par le diable, retournez à Orléans d’où vous
venez ! » (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 71).
23
Maisons ou collèges pillés sont signalés à Paris en 1367 (CUP, III, n° 1340, p. 168),
à Oxford en 1355 (Rashdall, The Universities of Europe, cité supra n. 1, vol. III, p. 98),
à Cambridge en 1378 (A History of the University of Cambridge, I, cité supra note 9,
p. 216-217), à Toulouse en 1427 (Fournier, Statuts et privilèges, III, n° 1915, p. 602), à
Montpellier en 1494 (Fournier, Statuts et privilèges, II, n° 1199, p. 273) ; étudiants et
maîtres dépouillés de leur argent et de leurs effets personnels sont mentionnés à Paris
en 1278 (CUP, I, n° 480) et 1380 (CUP, III, n° 1454, p. 294), à Oxford en 1355 (voir
244 jacques verger

Enn, rattrapés par leurs poursuivants, parfois jusque dans les églises,
maîtres et étudiants pouvaient être plus ou moins brutalement arrêtés
et jetés en prison24 ; dans le pire des cas, comme à Toulouse en 1332,
cette arrestation pouvait être suivie du procès expéditif et de l’exécution
sommaire des supposés fauteurs de troubles25. Cette dernière phase
de l’affrontement avait évidemment lieu lorsque les forces de l’ordre,
d’elles-mêmes ou appelées en renfort par les citadins, se mêlaient de
l’affaire ; du moins à en croire les universitaires, leur attitude était rien
moins qu’impartiale26 et les sergents, complices des rancœurs populaires,
passaient pour avoir le verbe haut et la main lourde lorsqu’il s’agissait
de saisir, humilier, maltraiter et dépouiller de dignes professeurs, vêtus
pourtant de leur cape magistrale, ou de jeunes étudiants que leur ton-
sure ostensible et leur comportement – selon eux – inoffensif auraient
pourtant dû mettre à l’abri de ces violences séculières27.

dans Munimenta civitatis Oxonie, cité supra note 17, p. 130-132, la liste des bona et catalla
in conictu de hospitiis clericorum capta et asportata, surtout des livres, des vêtements et des
pièces d’étoffe).
24
Des étudiants ou des maîtres brutalisés « sans raison » et jetés plus ou moins
arbitrairement en prison sont régulièrement cités dans les plaintes des universitaires, à
Paris en 1278 (CUP, I, n° 480 ; en l’occurrence, c’est le prévôt de Saint-Germain des
Prés qui jette quelques maîtres et étudiants dans la prison de l’abbaye), 1367 (CUP, III,
n° 1340, p. 168-169) et 1380 où le prévôt Hugues Aubriot se montra particulièrement
vindicatif (« . . . il me deplaist quant il n’en a plus en prison, et que le recteur n’est
avecques eulx » – CUP, III, n° 1454, p. 295) ou encore à Oxford en 1355 (Rashdall,
The Universities of Europe, cité supra n. 1, vol. III, p. 98) ou à Montpellier en 1494
(« . . . prindrent et emprisonnèrent très inhumainement tous ceulx que trouvèrent » –
Fournier, Statuts et privilèges, II, n° 1199, p. 272).
25
Pour avoir insulté et gravement blessé un capitoul le 19 avril 1332, Aymery
Bérenger, écuyer au service des étudiants nobles de la famille de Penne, fut immé-
diatement arrêté, jugé et exécuté dès le 22 avril, nonobstant son appel à la justice du
roi (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 565 ; l’« affaire Aymery Bérenger » a été étudiée
assez sommairement dans Juliette Puget, « L’Université de Toulouse au XIVe et au XVe
siècle », Annales du Midi, 42, 1930, p. 345-381).
26
Les plaintes des universitaires dénoncent à l’envi à la fois la « cruauté » des sergents
(Paris, 1229 – Vulliez, « Un texte fondateur », cité supra note 10, p. 52), « la haine et
la rancœur » qui les animent (Paris, 1367 – CUP, III, n° 1340, p. 169), leur violence
gratuite (Paris, 1380 – CUP, III, n° 1454) et la partialité et la mauvaise foi des ofciers
royaux, tels le prévôt Hugues Aubriot (« . . . qui de long temps a en indignation vostre
dicte lle [l’université] » – CUP, III, n° 1454, p. 293) à Paris en 1380 ou le maître du
guet à Orléans en 1389 (Vulliez, « Pouvoir royal, université et pouvoir municipal »,
cité supra note 10, p. 193) ou des magistrats communaux, le maire à Oxford en 1355
(Munimenta civitatis Oxonie, cité supra note 17, p. 133), plusieurs capitouls à Toulouse en
1427 (Fournier, Statuts et privilèges, III, n° 1915, p. 601-602), deux consuls à Montpellier
en 1494 (Fournier, Statuts et privilèges, II, n° 1199).
27
À Paris, en 1229, les sergents s’en prennent à « des clercs occupés à jouer, . . . ,
des innocents désarmés » (Vulliez, « Un texte fondateur », cité supra note 10, p. 52-53),
en 1367 à des étudiants sine armaturis quibuscumque et absque voluntate injuriam, malum vel
les conflits « town and gown » au moyen âge 245

3. L’apaisement : dans un premier temps, on vient de le voir, un des


deux camps pouvait rester maître du terrain, les autres, généralement les
universitaires, se terraient et pansaient leurs plaies, à moins qu’ils n’aient
pris la fuite ou fait collectivement sécession. Mais presque toujours une
procédure judiciaire s’enclenchait, d’elle-même ou à l’initative d’une
des parties en cause. C’est d’ailleurs à ces procédures que nous devons
une bonne part de notre documentation. Comme dans la plupart des
« émotions » urbaines, l’issue était double ; au temps de la répression
et des condamnations exemplaires (amendes honorables, révocation et
bannissement, amendes pécuniaires, fondations expiatoires)28 succédait
celui de la rémission et de l’apaisement. Les universitaires se targuaient
volontiers d’obtenir ainsi pleine réparation des torts matériels et moraux
subis mais, à y regarder de plus près, surtout quand on avance vers

gravamen faciendi (CUP, III, n° 1340, p. 166), en 1278, ceux de Saint-Germain des
Prés en blessent un qui redibat de campis in pace (CUP, I, n° 480) ; même à Oxford, en
1355 contre toute évidence, les étudiants se font qualier par l’évêque de Lincoln de
pacicos lios [nostros ] Magistros et Scholares Universitatis Oxoniensis (Munimenta Academica or
Documents Illustrative of Academical Life and Studies at Oxford, I, Henry Anstey ed., Londres,
1868, p. 190).
28
En 1200, Philippe Auguste condamne le prévôt de Paris à la prison perpétuelle
ou au bannissement (CUP, I, n° 1), en 1278, l’abbaye de Saint-Germain des Prés est
condamnée par le roi à doter deux chapelles expiatoires, à verser 1000 livres tournois
de dommages et intérêts et à raser les tourelles de son portail, tandis que dix de ses
hommes étaient provisoirement bannis de Paris ou du domaine royal (CUP, I, n°
482), en 1367, 7 sergents du guet sont condamnés à l’amende honorable et révoqués,
trois d’entre eux faisant de plus un ou deux mois de prison (CUP, III, n° 1340,
p. 173-174), en 1404, le Parlement décida que Charles de Savoisy verrait son hôtel
rasé et serait condamné à l’amende protable, la dotation d’une chapelle expiatoire et
2000 livres d’indemnités et frais de procès, trois de ses valets étant condamnés, quant
à eux, à l’amende honorable (Tournier, « L’université de Paris et Charles de Savoisy »,
cité supra note 21, p. 86).
À Orléans, en 1311, 23 bourgeois furent collectivement condamnés à 1000 livres
tournois d’amende (et amende honorable pour deux d’entre eux), à Nevers en 1319,
ce furent 59 habitants qui furent mis à l’amende pour un montant total de 7800 livres
(Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 29 et 71), en 1389, le Parlement imposa l’amende
honorable et des dommages et intérêts au maître du guet et aux autres responsables
des incidents de 1382 (Vulliez, « Pouvoir royal, université et pouvoir municipal », cité
supra note 10, p. 197).
Mais c’est à Toulouse en 1335, suite à l’« affaire Aymery Bérenger », et à Oxford en
1355 que s’abattit sur les responsables des troubles anti-étudiants le châtiment le plus
sévère : à Toulouse, l’abolition du capitoulat et la conscation des biens communaux
(rapportées dès l’année suivante, il est vrai) et une amende de 50000 livres tournois,
ramenée ultérieurement à 36000 (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 576 à 585), à Oxford,
le sheriff fut révoqué, divers revenus et droits furent transférés de la ville à l’université,
les bourgeois se virent imposer de lourdes pénalités (250 £) et la fondation d’une messe
anniversaire pour le jour de la Ste-Scolastique (Rashdall, The Universities of Europe, cité
supra n. 1, vol. III, p. 99-101).
246 jacques verger

la n du Moyen Age, on constate que les autorités adoptaient souvent


une attitude plus équilibrée29. On cherchait aussi à tirer la leçon des
événements et il n’était pas rare que, du côté de la ville comme de
l’université, la crise fut suivie d’une réforme plus ou moins complète,
réforme parfois souhaitée depuis longtemps et dont les événements
avaient montré l’urgence et la nécessité30.

2. Les acteurs de la violence

Le plus souvent, trois types d’acteurs étaient en cause, même si deux


pouvaient parfois sufre.
1. Les gens de l’université : vouloir mesurer exactement leur partici-
pation amène à poser trois séries de questions.
Tout d’abord, qui ? On pense avant tout aux étudiants, mais les maî-
tres, notamment les maîtres ès-arts, les plus jeunes, les moins engagés
dans une carrière ecclésiastique ou professionelle, pouvaient être aussi
impliqués, même si les sources universitaires préfèrent mettre en avant
leur rôle modérateur, que dénient naturellement leurs adversaires31.
Insistons aussi sur le rôle souvent important des suppôts en tout genre

29
Contraint à abdiquer après l’affaire du Pré-aux-Clercs de 1278, l’abbé de Saint-
Germain des Prés conserva cependant la faveur ponticale et obtint diverses compen-
sations personnelles (CUP, I, n° 509). Des lettres de rémission furent octroyées à divers
habitants de Toulouse en 1336 (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 586) et aux sergents
parisiens coupables du meurtre d’un étudiant en 1365 (CUP, III, n° 1311). Même à
Oxford, aucun des bourgeois mis en cause dans le « massacre de la Ste-Scolastique » ne
semble avoir été, en n de compte, exécuté ni même banni (Rashdall, The Universities
of Europe, cité supra n. 1, vol. III, p. 102).
Rendre justice à l’université n’empêchait d’ailleurs pas le roi de l’avertir que de
nouveaux excès ne seraient pas tolérés (ainsi en 1367 : . . . caveantque sibi dicti magister
Petrus et scolares ac quicumque alii ne decetero nobis . . . rebelles vel inobedientes existant – CUP,
III, n° 1340, p. 175) ou de proter des circonstances pour lui imposer une réforme
(cf. note suivante).
30
C’est ainsi qu’à Orléans la sentence de 1389 fut rapidement suivie par la réforma-
tion générale du 5 juillet de la même année, préparée sur commission royale par deux
conseillers au Parlement (Vulliez, « Pouvoir royal, université et pouvoir municipal », cité
supra note 10, p. 197) ; à Toulouse, l’« affaire Aymery Bérenger » servit de prétexte au
roi, en 1335-36, pour abolir le capitoulat puis le rétablir tout en le réformant (Fournier,
Statuts et privilèges, I, n° 576 à 584).
31
Dans l’affaire de 1367, l’ancien recteur Pierre de Zippa se présente comme dictos
militem [gueti], servientes et alios invadentes seu obsidentes compescere et pacem fovere cupiens, alors
que, pour ses adversaires, il était tout aussi rebellis et inobediens que ses étudiants (CUP,
III, n° 1340, p. 168 et 171).
les conflits « town and gown » au moyen âge 247

de l’université32 : serviteurs des maîtres ou des étudiants aisés, bedeaux,


nuntii ; réputés plus grossiers que les scolares proprement dits, laïcs mais
bénéciant des avantages scaux et judiciaires du statut universitaire,
leur arrogance et leurs privilèges pouvaient les rendre particulièrement
odieux aux milieux populaires dont ils étaient par ailleurs assez proches
tant par l’origine que le mode de vie.
Seconde question, combien ? Même si ce genre de querelles faisait
aisément tache d’huile, il était sans doute assez rare que toute l’uni-
versité en corps, unanime, se lance dans la bagarre ; si donc une partie
seulement des étudiants ou des maîtres en venait aux mains avec les
citadins, en vertu de quels critères se décidaient-ils ? Dans certains
cas, il semble qu’on ait surtout affaire aux plus jeunes, c’est-à-dire aux
artiens33. Ailleurs, on est manifestement en présence de groupes soudés
par des liens d’alliance ou d’amitié, des parents ou des compatriotes ;
les étrangers, qui ne parlaient pas ou peu la langue vernaculaire, qui
restaient volontiers à l’écart des autres et s’intègraient particulièrement
mal dans la société urbaine locale, semblent avoir été assez souvent les
acteurs – ou les victimes – des affrontements entre « town and gown » ;
en tout cas, les autorités rendaient volontiers le système des « nations »
étudiantes responsable des troubles surgis autour des universités34.
Relevons pour nir plusieurs cas où les nobles – étudiants nobles eux-
mêmes ou écuyers et valets de leur suite – semblent avoir été les fauteurs
directs de certains conits35 : le séjour aux études ne leur faisait sans
doute pas perdre ces traits caractéristiques de leur ordre : arrogance,
violence, goût et pratique des armes.

32
C’est, par ex., typiquement le cas de l’« affaire Aymery Bérenger » à Toulouse,
provoquée par des serviteurs et écuyers d’étudiants nobles (Fournier, Statuts et privilèges,
I, n° 563 ; voir aussi supra note 25).
33
En 1367 à Paris, par ex., est essentiellement en cause la bande formée par Petrus
de Zippa, magister in artibus, . . . et nonnulli scolares sui (CUP, III, n° 1340, p. 166).
34
À Paris, en 1229, ce sont des Picards qui sont mis en cause (Vulliez, « Un texte
fondateur », cité supra note 10, p. 52), en 1365 un Hollandais (CUP, III, n° 1311), en
1367 des Flamands qui de partibus alienis oriundi linguam gallicam nequaquam intelligebant ple-
narie (CUP, III, n° 1340, p. 171) ; en 1312, Philippe le Bel interdit à Orléans le système
des nations propter pericula discordiarum, cedium, vulnerum, que facile contingere solent in studiis
nationum divisionis casum [prestantibus] (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 36).
35
C’est par ex. le cas à Paris en 1200 (cf. supra note 10), à Orléans en 1236 (scholares
juvenes illustrissimi et genere praeclari – Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 4, n. 1), à Tou-
louse en 1332 (cf. supra note 25) et 1427 (où le principal étudiant en cause, le prieur
de Saint-Circq, était un cousin du comte de Foix – Fournier, Statuts et privilèges, III, n°
1915, p. 617).
248 jacques verger

Il faut enn se demander quel était le rôle tenu par les gens de
l’université dans les conits entre « town and gown » : provocateurs ou
victimes ? Il est difcile de trancher, les documents donnant souvent
sur ce point, selon leur nature et leur origine, des versions diamétra-
lement opposées des faits, entre lesquelles l’historien a de la peine à
choisir, sauf à dire prudemment que les deux cas de gure ont pu se
produire et que, de surcroît, les torts devaient être parfois partagés.
Deux éléments vont d’ailleurs en ce sens : d’abord, on est frappé de la
facilité qu’avaient les uns et les autres à s’armer ; même chez les scola-
res, en dépit des interdictions ofcielles il était apparemment aisé de se
procurer des engins tant offensifs que défensifs. Ensuite, on rappellera
que la relative fréquence de ces conits ne peut elle-même s’expliquer
que par l’existence préalable d’un « mauvais climat » entre gens des
écoles et populations urbaines, favorable, d’un côté comme de l’autre,
à l’explosion de ce genre de violences.
2. La population urbaine : les documents parlent ici du « peuple »,
des « bourgeois », des « laïcs »36. L’analyse de leur rôle amène à se poser
les mêmes questions que pour les gens des écoles.
Combien étaient-ils ? Certaines sources donnent des chiffres suspects –
« cinq à six mille personnes » à Montpellier en 149437 ; en réalité,
généralement, une fraction seulement de la population urbaine devait
en venir aux mains. Quelle fraction ? Les jeunes ou les homes d’âge
mûr ? Les populares ou les « gras » ? Les habitants du quartier des éco-
les, seuls directement affectés par la cohabitation quotidienne avec les
étudiants ? Telle ou telle faction politique, tel ou tel corps de métier ?
Certains épisodes font apparaître le comportement aggressif des valets
et serviteurs de la suite de grands personnages38 : jeunes, célibataires,
armés, habitués à vivre en bande, forts de la protection de leur maître,
ces individus se trouvaient tout naturellement en concurrence avec les
étudiants, version populaire et juvénile en somme de la vieille « dispute

36
Les documents parisiens (par ex. CUP, I, n° 482) et oxfordiens (par ex. Munimenta
Academica, I, cité supra note 27, p. 190 et 201) parlent souvent simplement de laici par
opposition aux étudiants qualiés de clerici. À Orléans, on préfère opposer scholares et
cives (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 4, n. 1 et n° 29).
37
Fournier, Statuts et privilèges, II, n° 1199 ; à Toulouse, le chiffre de 200 hommes
rameutés par les capitouls pour arrêter Aymery Bérenger que donne la chronique de
Guillaume Bardin, paraît plus vraisemblable (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 575). À
Nevers, en 1319, on parle seulement d’une magna multitudo (ibid., n° 71).
38
Ce sont par ex. les valets du chambellan du roi Charles de Savoisy qui, en 1404,
perturbent une procession de l’université qui passait devant l’hôtel de leur maître
(Tournier, « L’université de Paris et Charles de Savoisy », cité supra note 21, p. 73).
les conflits « town and gown » au moyen âge 249

du clerc et du chevalier ». Et rappelons pour terminer que les citadins


pouvaient parfois faire appel à des renforts extérieurs, des tenanciers
et ouvriers agricoles des faubourgs par exemple39.
Les adversaires des étudiants étaient-ils simplement des foules voci-
férantes, agissant sans ordre et sans chef dans la chaleur de l’émotion
collective ?40 En fait, les sources mettent souvent en cause des meneurs41
et nous en donnent parfois les noms ; on découvre alors aussi bien de
simples artisans que des bourgeois rassis, voire des notables ou même
des magistrats urbains en exercice, ce qui pouvait donner à l’action
violente une apparence de légalité42.
Quant à la question déjà posée : provocateurs ou victimes ?, elle reste
ici aussi sans réponse, même si l’impopularité des scolares auprès de larges
sections de la population urbaine semble un fait avéré – mais dont il
serait excessif de conclure qu’il suscitait, de manière quasi automatique,
la violence ani-étudiante.
3. Les agents du pouvoir : leur mise en cause dans les conits entre
« town and gown » peut être directe ou indirecte.

39
En 1278, l’abbé de Saint-Germain des Près rameute ses tenanciers à son de
cloche pour donner la chasse aux étudiants (CUP, I, n° 480) ; en 1312, à Orléans,
les cives Aurelianenses ont étendu leur « conspiration » anti-universitaire aux villis civitati
Aurelianensi vicinis (Fournier, Statuts et privilèges, I, n° 31) ; en 1355, les bourgeois d’Oxford
font appel à des paysans des environs (Rashdall, The Universities of Europe, cité supra n. 1,
vol. III, p. 97).
40
C’est ainsi que le mandement royal relatif à l’émeute anti-étudiante montpellié-
raine de 1494 parle d’individus « ainssi assemblés, armez et embastonnés, tous esmeux
et comme furieux, sans toutes foys savoir pourquoy » ; mais il faut noter que le même
texte désigne comme les instigateurs du mouvement le bayle et deux consuls de la ville
(Fournier, Statuts et privilèges, II, n° 1199, p. 272).
41
On constate que, bien souvent, quelques individus sont désignés comme les
responsables directs des violences anti-étudiantes et plus sévèrement punis que les
autres : à Saint-Germain des Prés en 1278, les hommes de l’abbaye qui ont attaqué
les étudiants l’ont fait non absque consensu Gerardi abbatis et quorumdam in dicto monasterio
administrationem habentium (CUP, I, n° 482) ; à Orléans en 1311 deux bourgeois sur les
23 condamnés sont désignés comme les principaux responsables (Fournier, Statuts et
privilèges, I, n° 29) et à Nevers en 1319 ce sont quatre élus de la ville qui, sur les 59
coupables, sont spécialement visés quia dictos excessus non curaverunt impedire, sed potius
affectare videbantur dictos excessus eri et malefactores ipsos excessus predictos faciendo fovere (ibid.,
n° 71) ; à Oxford, une lettre royale du 20 mai 1355 distingue bien, dans l’ensemble des
émeutiers, les miseros et pauperes et bone fame qui pourront être libérés de prison et ceux
qu’il faut y maintenir, les de feloniis et transgressionibus predictis principales ductores, aucores et
fautores ad ipsas felonis faciendas seu principales perpetratores earundem feloniarum et transgressionum
(Munimenta civitatis Oxonie, cité supra note 17, p. 139). Bien souvent, en fait, ces meneurs
étaient des ofciers locaux du roi ou des magistrats municipaux (cf. les exemples cités
supra notes 26 et 40).
42
Cf. les exemples cités supra note 26.
250 jacques verger

Directe lorsqu’ils interviennent pour lever une taxe ou faire cesser


un chahut trop bruyant ou, à l’inverse, se voient brusquement aggres-
sés en pleine rue par des étudiants – « sans raison », du moins à les en
croire43. Indirecte lorsque, appelés pour rétablir l’ordre, ils sont obligés
de recourir à la force, d’une façon que les universitaires jugent pres-
que toujours partiale et inutilement brutale. Ce sont évidemment les
autorités urbaines ou royales qui envoient ainsi leurs agents ramener
la tranquillité publique ; lorsque les désordres se produisent hors les
murs, sur quelque censive ecclésiastique, des agents seigneuriaux peu-
vent aussi intervenir44. En revanche, il faut rappeler que ni les autorités
ecclésiastiques, ni les universités elles-mêmes ne disposaient de forces de
police pouvant exercer à l’égard des étudiants ou de leurs adversaires
une action coercitive.
Il faut évidemment distinguer, parmi les représentants du pouvoir, les
agents subalternes (sergents) et leurs supérieurs immédiats (prévôt, che-
valier du guet) des détenteurs de hautes fonctions judiciaires (conseillers
au Parlement, ofciaux) ou administratives (conseillers du roi, légats,
évêques, chanceliers). Les premiers souvent proches, voire solidaires,
de la population urbaine, en partageant les préjugés et les rancunes, se
montrent volontiers complaisants, pour ne pas dire complices, vis-à-vis
de ses excès ; c’est en tout cas ce dont les soupçonnent systématiquement
les universitaires. Les seconds en revanche, plus éloignés du petit peuple
urbain, souvent gradués eux-mêmes, plus soucieux de l’intérêt général,
seront normalement plus impartiaux ; faut-il pour autant, comme le
faisaient volontiers les bourgeois, les accuser d’indulgence excessive,
encourageant un sentiment d’impunité chez les scolares ; c’est peut-être
excessif et, en tout cas, de moins en moins vrai au fur et à mesure
qu’on approche de la n du Moyen Age.
En réalité, on a surtout l’impression que les agents du pouvoir étaient
souvent mal à l’aise dans ces affaires, pris à titre personnel entre des
solidarités contradictoires, écartelés en tant qu’ofciers entre le respect
de la sauvegarde royale et des légitimes privilèges des universitaires
et la non moins légitime nécessité de préserver l’ordre publique et la
cohésion de la société urbaine.

43
Les trois sergents du Châtelet attaqués le 25 juillet 1365 par une douzaine d’étu-
diants armés, protestent qu’ils « s’en retournaient tout courtoisement et en paix sans
meffaire ne mesdire a autruy » (CUP, III, n° 1311).
44
Ainsi, en 1278, ce sont le prévôt et les sergents de Saint-Germain des Prés qui
s’en prennent aux étudiants sous prétexte de défendre les droits de l’abbaye sur le
Pré-aux-Clercs (CUP, I, n° 480).
les conflits « town and gown » au moyen âge 251

3. « Town and gown » : pourquoi ?

On se bornera à réunir ici quelques éléments possibles d’interprétation,


la diversité des cas concrets interdisant d’ailleurs peut-être un schéma
explicatif unique et global.
1. Une violence spécique ? Dans les villes médiévales, on le sait,
les « émotions populaires » en tout genre – contre les riches, contre les
étrangers, contre les collecteurs d’impôts, contre les clercs, etc. – ont
été monnaie courante. Maîtres et étudiants ont d’ailleurs pu s’y trou-
ver engagés, aux côtés d’autres éléments de la populaton urbaine, soit
comme acteurs, soit comme victimes45. Il y avait certainement, entre
les conits entre « town and gown » et ceux résultant de cette violence
urbaine endémique, bien des traits communs. Une étude plus précise du
vocabulaire employé par les sources montrerait d’ailleurs sans doute que
les mêmes mots pouvaient servir pour décrire les uns et les autres.
Il y avait cependant quelques spécicités à la violence entre « town
and gown ». La première – c’est une lapalissade que de le rappeler – est
que de tels conits ne se produisaient que dans les villes universitaires –
peu nombreuses au total –, voire dans certains quartiers seulement de
ces villes. On peut même se demander si toutes les villes universitaires
ont été également affectées par ce genre d’incidents. Une impression
sommaire, que tend à étayer la liste des exemples utilisés dans cette
communication, serait qu’il y avait un seuil numérique et que c’étaient
les universités les plus importantes et les villes les plus populeuses qui
étaient les plus sujettes aux affrontements entre « town and gown » ; mais
une enquête minutieuse, étendue à l’ensemble des villes universitaires
européennes, pourrait seule conrmer ou inrmer cette impression.
On peut aussi se demander si les conits « town and gown » attei-
gnaient le même degré de violence que d’autres types de « commotions »
urbaines. La majorité des cas invoqués dans ce travail me semble suggé-
rer – faut-il l’attribuer au mode de vie, à la culture, à la sensibilité des
universitaires, y compris des étudiants ? – qu’ils se montraient souvent
dans ces affaires sinon moins violents, en tout cas moins brutaux et
moins sanguinaires, moins bien armés aussi sans doute et moins experts
au maniement des armes, que d’autres catégories de la population
urbaine. Malgré les exagérations ou l’incertitude fréquente, plus ou
moins volontaire, des sources, il semble bien qu’au total ces bagarres
entre universitaires et citadins aient été peu meurtrières, faisant moins

45
Cf. supra note 9.
252 jacques verger

de morts que de blessés et d’amour-propre froissé46. Moins violents


que d’autres, les scolares étaient en revanche tout aussi procéduriers
et savaient faire preuve d’obstination et d’entregent lorsqu’il s’agissait
d’abord de faire libérer leurs camarades ou élèves emprisonnés puis
d’obtenir devant les tribunaux réparation de la déconture subie sur
le terrain47.
Reste à nous demander si, à défaut d’être très spécique dans ses
manifestations concrètes, la violence entre « town and gown » l’était au
moins dans ses origines et ses motivations ?
2. Des « gens estranges » ? Même si on les a parfois assimilés à des
travailleurs comme les autres sur le « chantier urbain », il est clair qu’en
réalité, dans les villes qui les hébergeaient, les universitaires médié-
vaux étaient largement un corps étranger, difcilement assimilable.
Les éléments constitutifs de cette « extranéité » sont évidents : l’origine
géographique, parfois lointaine, souvent rurale, l’âge juvénile, le céli-
bat obligatoire, le mode de vie associant études intellectuelles et loisirs
bruyants, le vêtement, le langage enn, qu’il s’agisse du latin parlé dans
les écoles ou du vernaculaire souvent incompréhensible, etc. On voit
bien combien ces étrangers, privilégiés, nombreux, remuants, pouvaient
surprendre et agaçer les citadins, suscitant méance et rancœur qui
pouvaient aller jusqu’à la haine et à la xénophobie. Bien signicatif est
ce préambule d’un mandement du roi Charles V du 6 octobre 1378
qui, reprenant certainement à son compte les doléances des bourgeois
d’Orléans, déplorait qu’ :
« En nostre dicte ville sont et afuent chascun jour plusieurs escoliers de
estranges pars et diverses langues et autres qui sont garnis d’armeüres et
qui chascune nuit, ou moult souvent, vont armez par nostre dicte ville,
rompent huis, ravissent femmes, batent le guet et les bonnes gens de
ladicte ville, se rebellent contre nos sergents et ofciers et font pluseurs
autres meffaiz et deliz enormes, dont punition aucune ne s’est peü ne
puet ensuir »48.

46
Cf. supra note 18.
47
Ainsi en 1380, au lendemain des graves incidents qui avaient marqué le début des
funérailles de Charles V, une délégation de l’université vint réclamer la libération des
maîtres et étudiants emprisonnés au Châtelet (et la restitution des biens consqués) au
prévôt Hugues Aubriot, « mais il ne tint compte d’eulx », les couvrit d’injures et attendit
deux jours pour élargir les prisonniers entre les mains non d’ailleurs du recteur, mais de
l’évêque de Paris ; ce que voyant, l’université porta plainte devant le roi en lui demandant
de faire ouvrir une enquête par deux conseillers au Parlement (CUP, III, n° 1454).
48
Cité dans Vulliez, « Pouvoir royal, université et pouvoir municipal », cité supra
note 10, p. 191.
les conflits « town and gown » au moyen âge 253

Situation d’autant plus malsaine que, de leur côté, les étudiants ne se


sentaient guère chez eux dans la ville universitaire, ce qui les poussait
parfois à adopter des attitudes provocatrices ou moqueuses, mais pou-
vait aussi les remplir de crainte face à la grossièreté, la brutalité ou la
rapacité supposées des citadins.
N’abusons cependant pas de ces explications anthropologiques un
peu faciles. L’étrangeté n’engendre pas nécessairement la violence et,
de toute façon, les signes d’intégration des scolares à la ville et de bonne
entente avec ses habitant ne manquent pas non plus49 et se multiplient
même à la n du Moyen Age avec la régionalisation incontestable du
recrutement étudiant et l’insertion de plus en plus poussée des « régents
ordinaires » dans les rangs étroits de la notabilité urbaine.
3. Un phénomène politique. L’explication politique et, pourrait-on
ajouter, économique (surtout en période de crise) me semble, en der-
nière analyse, la meilleure que l’on puisse proposer du déchainement
recurrent des conits entre « town and gown ». Elle découle de la
contradiction de plus en plus vive entre les revendications toujours fortes
d’autonomie et d’identité des universitaires50 et les nécessités de plus en
plus contraignantes de l’« ordre commun » du royaume ou de la cité51 :
d’un côté, les privilèges scaux et judiciaires – papaux ou royaux –
qui dénissaient cette identité, de l’autre, les contraintes (scales, judi-
ciaires, militaires) de l’État moderne naissant52. Cette contradiction

49
Comme l’a bien monté Simone Roux, La rive gauche des escholiers (XV e siècle), Paris,
1992.
50
L’importance de cette notion a été bien mise en valeur dans Serge Lusignan,
« Vérité garde le roy ». La construction d’une identité universitaire en France (XIII e-XV e siècle),
Paris, 1999.
51
Très signicatifs sont à cet égard les termes par lesquels le roi condamne l’émeute
anti-étudiante suscitée à Montpellier par quelques magistrats municipaux en 1494 :
alors que les étudiants avaient « demandé au gouverneur de la ville . . . et obteneue
licence » pour organiser une représentation théâtrale au collège Saint-Germain, leurs
adversaires n’ont pas hésité, « en très grand esclandre et irrévérance de nous et de
justice » à « sonner la cloche de la maison commune » pour faire « congrégation illicite
et commotion », bien que « toutes voyes de faict, force publicque, assemblée illicite,
congrégation, sédicion, tumulte, pilleries, batteries, larrecins et autres crimes et délitz
soyent prohibés et deffendues en nostre royaulme » ; et le roi n’hésite pas, de manière
bien excessive, à comparer cette affaire « de très maulvaiz et très pernicieux exemple »
à la « male nuit » de la grande émeute anti-scale du 25 octobre 1379 (Fournier, Statuts
et privilèges, II, n° 1199).
52
Cf. Jacques Verger, « The University of Paris at the End of the Hundred Years’
War », dans Universities in Politics. Case Studies from the Late Middle Ages and Early Modern
Period, John W. Baldwin and Richard A. Goldthwaite eds., Baltimore-Londres, 1972,
p. 313-358 (réimpr. dans Jacques Verger, Les Universités françaises au Moyen Age, Leiden,
1995, p. 199-227).
254 jacques verger

créait inévitablement de fortes et réelles tensions, aggravées encore, de


manière plus fantasmatique, par les reproches croisés de « persécution »
et d’« impunité » qu’on se lançait volontiers à la tête53. Le lit était dès
lors fait de la tentation du recours à la violence, à la voie de fait, à la
justice sommaire.
Ceci dit, pour bien mesurer la portée de ces facteurs politiques, il
faudrait pouvoir établir un inventaire quasi exhaustif et une courbe
chronologique précise des affrontements entre « town and gown » au
long des derniers siècles du Moyen Age. Vont-ils en se raréant parce
que l’Église garantit de moins en moins l’autonomie universitaire, que
le prince ne désavoue plus ses agents locaux, qu’à l’intérieur même des
universités se renforcent les structures hiérarchiques et autoritaires (rôle
croissant des collèges de docteurs ordinaires, de l’internat en collège ou
pédagogie pour les étudiants), en sorte que les universités rentrent peu
à peu dans le rang après d’ultimes soubresauts ? Ou bien, au contraire,
contrastant avec la relative liberté des temps anciens, l’avènement d’un
âge plus répressif exaspère-t-il les conits et les violences ?
Il faut reconnaître qu’au moins en l’état actuel de nos connaissances
on ne voit guère une telle courbe se dessiner de manière claire. Est-
ce simplement l’effet des insufsances de la documentation ou doit-on
penser que la succession de motivations diverses entraîne, à travers des
contextes différents, une sorte de permanence de la conictualité et de
la violence, dont les siècles postérieurs témoigneraient à leur tour ?54
Une conclusion moins pessimiste – et, au demeurant, de bon sens –
est quand même que la violence n’a jamais été l’ultima ratio de l’identité

53
Le sentiment que les étudiants jouissaient d’une impunité insupportable s’exprime
souvent dans les plaintes urbaines : ainsi à Orléans en 1311 ([dixerunt] quod dicti scolares
pacem cum ipsis civibus imperpetuum non haberent nisi renunciarent eorum privilegiis – Fournier,
Statuts et privilèges, II, n° 29) et en 1388 (« Malgré Dieu ! quant nous batons aucuns esco-
liers, il le nous convient amender en chemise. Par le Sanc-Dieu ! il nous convient jouer
au désespéré. Par le Sanc-Dieu ! nous serons maistres, ou les escoliers le seront . . . », cité
dans Vulliez, « Pouvoir royal, université et pouvoir municipal », cité supra note 10, p. 194)
ou à Montpellier en 1442 (sunt clerici et studentes et quando sunt capti, ofcialis Magalonensis
requirit eos . . . et dimittit abire – Arch. com. de Montpellier, BB 51, f ° 56-57v°).
Il faut dire que les universitaires eux-mêmes entretenaient cette suspicion, par ex.
lorsqu’ils proclamaient, comme à Paris en 1364-66 : « . . . quar pour ceulz qui sont fos
et desordenez font mestier [= sont nécessaires ] les privileges, et pour cause de ceulz
furent octroys, . . . ; quar ceulz qui sont sages et se gardent de faillir n’ont mestier [=
n’ont pas besoin] desdiz privileges » (CUP, III, n° 1324).
54
À ma connaissance, la violence universitaire a été beaucoup moins étudiée pour
l’époque moderne ; citons quand même Sophie Cassagnes-Brouquet, « La violence des
étudiants à Toulouse à la n du XV e et au XVIe siècle (1460-1610) », Annales du Midi,
94, 1982, p. 245-262.
les conflits « town and gown » au moyen âge 255

universitaire ni de l’insertion des universitaires dans la ville et la société.


La violence entre « town and gown » a toujours été, me semble-t-il, limi-
tée, sinon marginalisée, et peut-être même, dans une certaine mesure,
contrôlée. Les luttes et les violences dans lesquelles se laissent entraîner
les hommes et les institutions méritent certes d’être étudiées car elles sont
signicatives de structures profondes ; mais la manière dont ils savent
les limiter, les résoudre ou les prévenir, ne l’est pas moins.
L’UNIVERSITÉ RECRUTE-T-ELLE DANS LA VILLE ?
LE CAS DE PARIS AU XIIIE SIÈCLE

Nathalie Gorochov

Cette question trouve son origine dans la confrontation de deux lieux


communs presque contradictoires de l’historiographie des universi-
tés médiévales : l’Université est une institution urbaine mais elle est
composée d’étrangers au milieu urbain qui l’accueille. Assurément,
l’Université médiévale naît et se développe dans la ville et ses membres,
les intellectuels, « des citadins, sont des hommes de métier » comme l’a
démontré Jacques Le Goff dans son ouvrage pionnier sur les intellectuels
au Moyen Age1. C’est dans les villes en essor à partir du XIIe siècle
que se multiplient les écoles puis que naissent les universités au XIIIe
siècle, c’est dans un cadre urbain que maîtres et/ou étudiants s’associent
en métiers et travaillent2. Des cadres urbains certes différents par leurs

1
J. Le Goff, Les intellectuels au Moyen Age, Paris, 1ère édition, 1960.
2
Parmi les principaux ouvrages de synthèse sur les écoles urbaines du XIIe siècle,
citons G. Paré, A. Brunet, P. Tremblay, La Renaissance du XII e siècle. Les écoles et l’ensei-
gnement, Paris-Ottawa, 1933 ; E. Lesne, Les Ecoles de la n du VIII e siècle à la n du XII e
siècle, dans Histoire de la propriété ecclésiastique en France, vol. V, Lille, 1940 ; Ph. Delhaye,
« L’organisation scolaire au XIIe siècle », Traditio, 5 (1947), p. 211-268 ; J. Ehlers, Die
höhen Schulen, Weimar, 1981 ; D. E. Luscombe, « Trivium, Quadrivium and the Orga-
nisation of Schools », dans L’Europa nei secoli XI e XII. Fra novità e tradizione : sviluppi di
una cultura, Milan, 1989, p. 81-100 ; J. Verger, La Renaissance du XII e siècle, Paris, 1996.
Sur la naissance des premières universités, on peut notamment consulter H. Rashdall,
The Universities of Europe in the Middle Ages, nouvelle édition par F. M. Powicke et A. B.
Emden, 3 vol., Oxford, 1936 ; H. Grundmann, Vom Ursprung der Universitaten im Mittelal-
ters, Darmstadt, 1964 ; G. Arnaldi éd., Le origini dell’Università, Bologne, 1974 ; Università
e Società nei secoli XII-XIV, Pistoia, 1982, en particulier, dans cet ouvrage, l’article de
G. Fasoli, « Rapporti tra le Città e gli Studia », p. 1-21 ; H. de Ridder-Symoens éd.,
Universities in the Middle Ages, Cambridge, 1992 ; J. Verger, L’essor des universités au XIII e
siècle, Paris, 1997. Sur la naissance de l’Université de Paris, voir : S. C. Ferruolo, The
origins of the University: the Schools of Paris and their Critics 1100-1215, Stanford, 1985,
ainsi que deux articles de synthèse de Jacques Verger sur la naissance de l’Université
de Paris, « Des écoles à l’Université : la mutation institutionnelle » dans La France de
Philippe Auguste. Le temps des mutations, R.-H. Bautier éd., Paris, 1982, p. 817-846 et
« A propos de la naissance de l’Université de Paris : contexte social, enjeu politique,
portée intellectuelle », initialement paru dans Schulen und Studium im sozialen Wandel des
hohen und späten Mittelalters, J. Fried éd., Sigmaringen, 1986, p. 69-96, réédité dans Les
Universités françaises au Moyen Age, Leyde, 1995, p. 1-35. Pour la France, la bibliographie
complète antérieure à 1980 a été rassemblée par S. Guenée dans Bibliographie de l’histoire
258 nathalie gorochov

proportions, si l’on compare les chiffres de population approximatifs des


premières villes universitaires : Paris vient en tête avec 200 000 habitants
environ3, Bologne, et Naples comptent près de 100 000 habitants, mais
Toulouse, Montpellier, Padoue, Verceil, Salamanque, Lisbonne ne sont
que des petites villes4. L’urbanité des institutions universitaires, quelle
que soit la modestie de la cité, est un fait bien établi, mais qui n’implique
pas l’origine citadine des scolares. Au contraire un autre fait, « un des
clichés les plus répandus concernant les universités médiévales » selon
Jacques Verger est la mobilité généralisée des maîtres et des étudiants
dans l’Europe médiévale et l’assimilation quasi systématique de la
population universitaire à un groupe d’étrangers à la cité5. Jacques
Verger remarque que les premiers textes ofciels, statuts, ordonnances
concernant les universités visent le plus souvent à protéger les étudiants
étrangers et établissent un équivalent entre étudiant et étranger. Par
exemple le plus ancien de ces textes ofciels, la constitution Habita pro-
mulguée par Frédéric Barberousse en 1158 – antérieure à l’Université
même – place sous la protection impériale les scolares qui voyagent et
s’exilent pour étudier notamment à Bologne. De même la charte que
le roi de France Philippe Auguste accorde aux scolares parisiens en 1200
les place sous la protection royale spéciale qui les distingue des autres
habitants de la ville, qu’il s’agisse des bourgeois ou des clercs. Le déve-
loppement des nations universitaires, du système de la taxatio des loyers
ou encore les fondations de collèges, le jus non trahi récemment étudié
par Serge Lusignan6, enn les conits town and gown, tous ces éléments
communs aux premières universités européennes laissent à penser que

des universités françaises des origines à la Révolution, t. 1, Paris, 1981. Sur la naissance des
universités d’Oxford et Cambridge, on peut notamment se reporter à T. H. Aston éd.,
The History of the University of Oxford. Vol. 1 : The Early Oxford Schools, Oxford, 1984 ; A. B.
Cobban, The Medieval English Universities : Oxford and Cambridge to c. 1500, Berkeley-Los
Angeles, 1988 ; D. Leader, A History of the University of Cambridge. Vol. 1 : to 1546, Cam-
bridge, 1988. Sur la naissance de l’Université de Bologne, voir, outre les travaux cités
plus haut, G. Arnaldi, « Alle origini dello Studio di Bologna », O. Capitani éd., Le sedi
della cultura nell’Emilia Romagna : l’Età Comunale, Milan, 1984, p. 99-115.
3
Selon Raymond Cazelles dans Nouvelle histoire de Paris, de la n du règne de Philippe
Auguste à la mort de Charles V 1223-1380, Paris, 1972, p. 131 et s.
4
Pour les villes d’Italie, voir Maria Ginatempo et Lucia Sandri, L’Italia delle Città. Il
popolamento urbano tra il Medioevo e Rinascimento (secoli XIII-XVI), Florence, 1990 ; Jacques
Le Goff, dans l’Histoire de la France urbaine, tome 2 : la ville médiévale, Paris, 1980, aux pages
190 et s, donne un certain nombre de chiffres de population urbaine parmi lesquels
40 000 habitants pour Montpellier et 35 000 pour Toulouse.
5
J. Verger, « La mobilité étudiante au Moyen Age », dans Educations médiévales. N°
spécial de la revue Histoire de l’Education, 1991, p. 65-90.
6
S. Lusignan, « Vérité garde le Roy ». La construction d’une identité universitaire en France
(XIII e-XV e siècle), Paris, 1999.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 259

la population universitaire forme au XIIIe siècle un groupe majoritai-


rement étranger à la ville, confronté à des problèmes de logement, à
des problèmes juridiques, à un isolement que les corporations tentent
de résoudre tant bien que mal.
Faut-il donc s’en tenir strictement à cet équivalent universitaire-étran-
ger et renoncer d’emblée à répondre à la question proposée ? Maîtres et
étudiants des universités du XIIIe siècle viennent-ils tous nécessairement
d’ailleurs ? Si le succès des premières universités n’est pas proportionnel
à l’importance démographique de la ville qui les accueille, par exemple
Oxford, observons cependant que les deux universités les plus attractives,
qui semblent avoir au XIIIe siècle les effectifs les plus importants, se
trouvent dans deux très grandes villes, Paris et Bologne. Dans l’article
déjà cité, Jacques Verger7 distingue plusieurs types de mobilité : mobilité
interne, nationale ou interrégionale, et il remarque que les universités
de Paris et Bologne, en rayonnant sur tout l’Occident, semblent tirer
leurs gros bataillons pour l’une de la moitié nord du royaume de France,
pour l’autre de l’Emilie et de la Romagne, ceci à la n du Moyen Age
quand le recrutement géographique des universités est un peu mieux
connu. Au XIIIe siècle, peut-on discerner un recrutement non seulement
régional – à l’échelle des campagnes environnantes, du contado – mais
aussi purement local, urbain qui serait venu grossir les effectifs d’un
centre prestigieux tel que Paris ou Bologne ?
De la douzaine de villes qui en Europe accueillent une université au
XIIIe siècle, la capitale capétienne est la plus peuplée et elle voit afuer
vers ses écoles des maîtres et étudiants venus de tout l’Occident. Parmi
les quelques dizaines de milliers de scolares venus étudier, enseigner à
Paris entre 1200 et 1300 se détachent les prestigieuses gures de l’anglais
Etienne Langton, de l’allemand Albert le Grand, de l’italien Thomas
d’Aquin, mais ceux-ci ont probablement côtoyé dans les écoles des
Parisiens, plus ou moins célèbres, dont il s’agit de mesurer ici la place
dans la communauté universitaire.
Cette étude s’insère dans un programme de recherches plus vaste sur
le recrutement de l’Université de Paris au XIIIe siècle et s’appuie sur les
données récemment réunies dans un chier prosopographique en cours
de réalisation8, chier grâce auquel la population universitaire parisienne

7
J. Verger, « La mobilité étudiante . . . »
8
Dans le cadre de la préparation d’une habilitation à diriger des recherches, sur
l’Université de Paris et ses collèges au XIIIe siècle, menée sous la direction de M. le
Professeur J. Verger (Paris IV).
260 nathalie gorochov

commence un peu à sortir de l’ombre. S’intéresser à la présence des


Parisiens à l’Université implique aussi une bonne connaissance de la
société parisienne du XIIIe siècle, qui fait encore défaut malgré d’excel-
lentes études récentes sur tel ou tel groupe9. Par ailleurs l’intérêt ou le
non-intérêt des Parisiens pour les écoles pose une autre question qui ne
peut être résolue en un simple exposé : les voies d’accès à l’Université.
Comment et pourquoi vient-on étudier à l’Université au Moyen Age ?
Par curiosité, par avidité intellectuelle, par soif de savoir, par ambition,
par un espoir d’ascension sociale, par l’inuence de parents gradués, par
les conseils d’un maître d’école ? La proximité géographique, l’attraction
d’écoles prestigieuses proches jouent-elles un rôle, qui pourrait en l’occur-
rence expliquer les effectifs exceptionnels de l’Université parisienne . . .
La population universitaire médiévale de l’Occident reste trop mal
connue pour autoriser aujourd’hui des réponses à toutes ces questions.
Voici quelques éléments de réponse pour Paris.

1. Le faible nombre des Parisiens dans le chier


prosopographique de l’Université de Paris au XIII e siècle

Ce chier comporte actuellement environ 1200 noms de maîtres et


d’étudiants ayant été présents dans les écoles de Paris entre 1200 et
1300. En l’absence de matricules ou de rôles universitaires pour cette
époque, un dépouillement systématique des sources a été mené. Recueils
de sources éditées tels le Chartularium Universitatis Parisiensis de Denie et
Châtelain10, les principaux répertoires de maîtres11, les lettres pontica-

9
Par exemple l’étude du milieu échevinal par B. Bove, Dominer la ville. Prévôts des
marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350, Paris, CTHS, 2004. Voir aussi la synthése
récente de J. W. Balduin, Paris 1200, Paris, 2006.
10
H. Denie et E. Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. 1 (des origines à
1286), Paris, 1899 et t. 2 (1286-1342), Paris, 1891 ; P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne,
t. 1 : L’homme, l’œuvre, t. 2 : le Cartulaire, Paris, 2 vol., 1965-1966.
11
P. Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie de Paris au XIII e siècle, Paris, 2 vol.,
1933 et La faculté des arts et ses maîtres au XIII e siècle, Paris, 1971 ; E. Wickersheimer,
Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Age, 2 vol., Genève, 1936 et son
supplément par D. Jacquart, paru en 1979 ; Fr. Stegmüller, Repertorium biblicum medii
aevi, 7 vol., 1940-1960 ; A. B. Emden, A biographical Register of the University of Oxford to
1500, Londres, 3 vol., 1957 ; Fr. Stegmüller, Repertorium Commentatorium in Sententias Petri
Lombardi, Würzburg, 2 vol., 1947 ; Ch. Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries
authors », Traditio, 23 (1967), p. 313-413, 24 (1968), p. 149-245, 26 (1970), p. 135-216, 27
(1971), p. 251-351, 28 (1972), p. 281-396, 29 (1973), p. 93-197, 30 (1974), p. 119-144 ;
J. B. Schneyer, Repertorium der Lateinischen Sermones des Mittelalters für die Zeit von 1150-1350,
Münster, 11 vol., 1969-1980 ; O. Weijers, Le travail intellectuel à la faculté des arts de Paris :
textes et maîtres (ca 1200-1500), 6 vol. parus, Turnhout, 1994-2003.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 261

les12. Le prosopographe devant faire feu de tout bois, toutes les mentions
d’individus ayant à un moment fréquenté les écoles parisiennes doivent
être relevées dans les obituaires13, les cartulaires de cathédrales et de
chapitres de chanoines14, les textes historiographiques, les manuscrits
universitaires dont le dépouillement est loin d’être achevé . . . Le chier
prosopographique contient à ce jour, pour la faculté de théologie, les
noms de la plupart des maîtres et des bacheliers, plus visibles dans la
documentation ecclésiastique notamment, ainsi qu’un certain nombre
de noms de maîtres et d’étudiants pour la faculté de décret et la faculté
de médecine. La faculté des arts, la plus nombreuse (peut-être 2500 à
3000 étudiants au milieu du XIIIe siècle),15 est la moins bien connue,

12
Ont été dépouillées les éditions suivantes, par ordre chronologique des ponticats :
O. Hageneder et alii, Die Register Innocenz, I, II, V, VI, VII, Rome-Vienne, 1964-1997 ;
P. Pressutti éd., Regesta Honorii Papae, 2 vol., Rome, 1888-1895 ; L. Auvray éd., Les registres
de Grégoire IX, Paris, 1896-1955 ; E. Berger éd., Les registres d’Innocent IV, Paris, 1884-
1921 ; C. Bourel de la Roncière, J. Loye et A. Coulon éd., Les registres d’Alexandre IV,
Paris, 1902-1959 ; J. Guiraud éd., Les registres d’Urbain IV, Paris, 1899-1958 ; E. Jordan
et S. Clémencet éd., Les registres de Clément IV, Paris, 1893-1945 ; J. Guiraud éd., Les
registres de Grégoire X, Paris, 1892-1960 ; M.-H. Laurent, Le bienheureux Innocent V et son
temps, Vatican, 1947 (nombreuses lettres ponticales éditées) ; E. Cadier éd., Le registre
de Jean XXI, Paris, 1898-1960 ; J. Gay et S. Vitte éd., Les registres de Nicolas III, Paris,
1898-1938 ; O. Martin éd., Les registres de Martin IV, Paris, 1901-1935 ; M. Prou éd.,
Les registres de Honorius IV, Paris, 1886-1888 ; E. Langlois éd., Les registres de Nicolas IV,
Paris, 1887-1905 ; G. Digard, M. Faucon, A. Thomas, R. Fawtier éd., Les registres de
Boniface VIII, Paris, 1883-1904.
13
Les obituaires français de cathédrales, chapitres cathédraux et collégiaux et de
couvents mendiants antérieurs à 1350 ont été dépouillés, les références des manuscrits
et éditions ayant été recueillies dans l’ouvrage de J.-L. Lemaître, Répertoire des documents
nécrologiques français, 4 vol., Paris, 1987-1992. Les résultats de ce dépouillement sont pré-
sentés dans un article : N. Gorochov, « Les obituaires, sources de l’histoire des universités
médiévales. Les fondations de messes-anniversaires par les universitaires parisiens au
XIIIe siècle », Revue d’histoire de l’Eglise de France, Rome 92 ( janvier-juin 2006), p. 5-23.
14
Parmi les principaux, B. Guérard, Cartulaire de Notre-Dame de Paris, 4 vol., Paris,
1850 ou encore E. De Lépinois et L. Merlet, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, 3 vol.,
Chartres, 1862. Les études prosopographiques menées sur des chapitres de chanoines
ont aussi été dépouillées, parmi lesquelles H. Millet, Les chanoines du chapitre cathédral de
Laon 1272-1412, Rome-Paris, 1982, J. Pycke, Le chapitre cathédral Notre-Dame de Tournai de
la n du XI e siècle à la n du XIII e siècle. Son organisation, sa vie, ses membres, Louvain, 1986,
et du même auteur, Répertoire biographique des chanoines de Tournai 1080-1300, Louvain,
1988. Les neuf volumes parus dans la collection des Fasti Ecclesiae Gallicanae publiés
sous la direction d’H. Millet fournissent aussi quelques mentions : P. Desportes, 1-Diocèse
d’Amiens, Turnhout, 1996 ; V. Tabbagh, 2-Diocèse de Rouen, Turnhout, 1998 ; P. Desportes,
3-Diocèse de Reims, Turnhout, 1998 ; H. Hours, 4-Diocèse de Besançon, Turnhout, 1999 ;
P. Ryckebush, 5-Diocèse d’Agen, Turnhout, 2001 ; M. Desachy, 6-Diocèse de Rodez, Turnhout,
2002 ; J.M. Matz et F. Comte, 7-Diocèse d’Angers, Turnhout, 2003 ; Ph. Maurice, 8-Diocèse
de Mende, Turnhout, 2004 ; P. Desportes et alii, 9-Diocèse de Sées, Turnhout, 2005.
15
Selon l’évaluation de J. Verger dans « Le chancelier et l’Université de Paris à la
n du XIIIe siècle », Les universités françaises au Moyen Age, Leyde, 1995, p. 68-102, en
particulier aux p. 101-102.
262 nathalie gorochov

les simples étudiants, non encore pourvus de bénéces ecclésiastiques,


étant difciles à repérer dans la documentation.

Le chier actuel, ainsi composé d’une majorité de gradués, présente


très peu de personnages dont l’origine parisienne est avérée : seize pour
le XIIIe siècle, un chiffre ridicule au regard du nombre d’Anglais, de
Flamands ou d’Italiens qui peuplent le même chier. Parmi ces Parisiens,
dix portent le nom de Paris, dont on peut supposer avec les spécialistes
d’anthroponymie qu’ils sont probablement originaires du diocèse ou de
la ville de Paris. Il s’agit de16 :
– Adam de Paris, un maître qui prêche devant l’Université en 1273.
– Guillaume de Paris, chancelier de Chartres dans la première moitié
du XIIIe siècle.
– Jean dit de Paris, maître et chanoine, qui meurt en 1270.
– Jean de Paris, de l’Ordre des Mineurs, présent dans les écoles vers
1300.
– Jean Quidort de Paris, maître en théologie de l’ordre des Prêcheurs,
le moins mal connu, auteur du De potestate regia et papali, un traité
contemporain de la querelle qui a opposé Philippe le Bel à Boniface
VIII.
– Jean Pointlasne de Paris, un maître en théologie entré chez les Domi-
nicains du couvent Saint-Jacques vers 1235, dont on repère assez bien
le cursus comme bachelier sententiaire puis comme maître dans les
années 1240-1250.
– Nicolas de Paris, maître en décret vers 1250.
– son homonyme Nicolas de Paris, un maître ès arts parisien qui a
laissé des commentaires de l’œuvre d’Aristote.
– Robert de Paris, un maître ès arts parisien du milieu du XIIIe siècle.
– Simon de Paris, civiliste et décretiste devenu chancelier du roi de
Sicile dans les années 1270.
A ces maîtres s’ajoutent six autres natifs de Paris :
– le maître en théologie Etienne Bérout qui se charge dans les années
1220 d’organiser le collège Saint-Honoré fondé par son père, Etienne
Bérout, bourgeois de Paris, au prot de treize écoliers.

16
On se reportera aux notices biographiques accompagnées de références à la n
du présent travail, en annexe 1.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 263

– le maître ès arts Gérard Bourdon dont la censive est citée dans un


acte relatif au collège de Sorbonne en 1270.
– maître Gui de Grève qui possède comme sa mère plusieurs maisons
rive gauche en 1283.
– son homonyme Philippe de Grève, maître et chanoine de Paris, puis
doyen de Sens jusqu’à sa mort vers 1220.
– Philippe le Chancelier, autrefois confondu avec le précédent. Maître
en théologie et chancelier de l’Eglise de Paris entre 1218 et 1236,
parisien puisque ls illégitime de l’archidiacre de Paris Philippe.
– enn un étudiant qu’on peut qualier de parisien puisqu’il se rattache
à la famille royale : le ls bâtard de Philippe Auguste, Pierre Charlot,
qui selon plusieurs lettres ponticales fréquente les écoles parisiennes
entre 1232 et 1240.
– trois autres maîtres portent des noms bien connus de la bourgeoisie
parisienne dont Pisdoie et Bruxelles mais leurs liens avec ces familles
ne sont pas certains.
Seize maîtres parisiens, 1,5% des maîtres recensés, c’est donc très peu.
Ce groupe de Parisiens se répartit à peu près régulièrement tout au
long du XIIIe siècle, avant comme après 1250, il présente des étudiants
des facultés des arts, de droit canon, et de théologie, des maîtres en
théologie, mendiants ou séculiers, un maître en décret, six maîtres ès
arts, des chiffres sans doute dèles aux proportions des effectifs des
différentes facultés.

Ajoutons à ces seize universitaires originaires de Paris intra muros la


quarantaine de maîtres et étudiants originaires de la banlieue et plus
largement de la zone englobée dans ce que l’on appelle les bornes de
Paris. Etymologiquement la banlieue est une zone large d’une à deux
lieues qui se trouve sous le ban de Paris, entre Saint-Denis au nord et
Sceaux au sud. Au-delà on ne peut plus parler de banlieue mais d’une
zone où s’exercent très fortement l’inuence et le pouvoir d’attraction
de Paris, jusqu’à Montlhéry au sud (une trentaine de kilomètres), Lagny
à l’est, Pontoise et Poissy à l’ouest : là, les campagnes entretiennent de
multiples liens économiques avec la ville, les biens et les dépendances des
grands établissements ecclésiastiques parisiens y sont nombreux. Ainsi le
chier prosopographique provisoire livre une quarantaine de noms qui
évoquent des villages ou des bourgs de la banlieue et de sa périphérie :
Adam de Corbeil, Adam d’Etampes, Bertaud de Saint-Denis, Chris-
tian de Montrouge, Clément de Saint-Germain, Eudes de Villeparisis,
264 nathalie gorochov

Eudes de Rosny, Eudes de Saint-Denis, Garin prêtre de Corbeil, Gilles


de Corbeil, Gui d’Argenteuil, Guillaume d’Argenteuil, Guillaume de
Bondoue, Guillaume d’Etampes, Guillaume de Vaugrigneuse, Jean
de Saint-Denis, Jean de Clamart, Jean Clarembaud de Gonesse, Jean
de Corbeil, Jean d’Essonne, Jean de Montlhéry, Luc de Gif, Michel de
Corbeil, Michel de Saint-Denis, Milon de Corbeil, Nicolas d’Essonne,
Pierre de Corbeil, Pierre de Roissy, Pierre de Saint-Denis, Pierre de
Saint-Cloud, Pierre de Villepreux, Philippe de Brétigny, Philippe de
Thoiry, Renaud de Corbeil, Simon de Montlhéry, Etienne prêtre du
Vieux-Corbeil, Etienne prêtre de la Celle, Thomas d’Argenteuil17. De
même que les Parisiens stricto sensu, les maîtres et étudiants originaires
d’Ile de France sont minoritairement présents tout au long du XIIIe
siècle. La soixantaine de personnages ainsi recensés ne représentent
qu’un faible pourcentage : 4% de l’ensemble des universitaires qui
forment le chier prosopographique actuel.
Ce maigre pourcentage ne dissimule-t-il pas une évolution qui pour-
rait être signicative entre 1200 et 1300 ? On peut, pour s’en assurer,
examiner la communauté universitaire parisienne en deux dates don-
nées par exemple 1210 et 1280, dates pour lesquelles on dispose d’une
documentation particulièrement abondante.
En 1210, alors que l’institution universitaire se constitue en univer-
sitas, l’archevêque de Sens et l’évêque de Paris condamnent lors d’un
concile quatorze disciples d’Amaury de Bène, un maître parisien mort
peu avant 1210 et dont la doctrine a été rapprochée du joachimisme18.
L’acte de condamnation portant les noms de ces disciples – dont huit
sont des étudiants ou des maîtres – a été conservé19, tandis que l’on
connaît par ailleurs une cinquantaine de scolares assurément présents à

17
Voir leurs notices biographiques à la n du présent travail, en annexe 1.
18
Voir notamment sur Amaury de Bène : G. C. Capelle, Autour du décret de 1210.
III : Amaury de Bène. Etude sur son panthéisme formel, Paris, 1932 ; K. Albert, « Amalrich
von Bena und der Mittelalterliche Pantheismus », dans Die Auseinandersetzungen an der
Pariser Universität im XIII Jahrundert, éd. A. Zimmermann, Berlin, 1976, p. 193-212 ;
G. Dickson, « The Burning of Amalricians », Journal of Ecclesiastical History, 40 (1989),
p. 347-369 ; J. M. M. H. Thijssen, « Master Amalric and the Amalricians. Inquisitorial
Procedure and the Suppression of Heresy at the University of Paris », Speculum, 71
(1996), p. 43-65.
19
Edité par H. Denie et E. Châtelain dans le Chartularium, op. cit., t. 1, p. 70-71. Le
cistercien Césaire de Heisterbach donne des précisions sur ces clercs et la présence de
certains d’entre eux dans les écoles parisiennes dans son ouvrage Dialogus Miraculorum,
cap. 22, éd. J. Strange, Cologne, 1851, I, p. 304-307.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 265

Paris en 121020. Bien sûr, ne sont condamnés que des clercs des dio-
cèses des évêques concernés, Sens et Paris, mais le document n’est pas
sans intérêt ; il livre les noms de huit clercs ayant fréquenté l’école du
maître en théologie Amaury de Bène, un peu avant 1210, huit dont
quatre nous intéressent ici pour les noms qu’ils portent et qui indiquent
leur origine géographique: Etienne prêtre du Vieux-Corbeil, Etienne
prêtre de la Celle, Pierre de Saint-Cloud, moine de Saint-Denis, et
Garin prêtre de Corbeil. Par contraste, les maîtres-régents actifs à
Paris cette année-là sont presque tous Anglais, Italiens ou Flamands à
l’exception de Philippe le Chancelier, maître en théologie, ls bâtard de
l’archidiacre de Paris Philippe, Gilles de Corbeil, maître en médecine
et Etienne Bérout maître ès arts. Sur 53 universitaires présents à Paris
en 1210, maîtres et étudiants et toutes facultés confondus, 7 viennent
de Paris ou de l’Ile de France, dont 4 sont les disciples d’Amaury de
Bène21. La présence des Amauriciens des diocèses de Sens et Paris
accroît le pourcentage de Parisiens au sens large pour l’année 1210 :
ceux-ci représentent plus de 13% des maîtres et étudiants se trouvant
assurément à l’Université cette année-là22.
Soixante-dix ans plus tard, pour l’année 1280, parmi les 82 univer-
sitaires repérés dans des sources très diverses23, on ne compte plus que
6 personnes venant de l’actuelle Ile de France24 soit 7,5%, pourcentage
un peu inférieur à celui de 1210 ; mais subsiste une marge d’incertitude,
du fait de l’origine géographique inconnue de quelques maîtres.

Ainsi, du début à la n du XIIIe siècle, les clercs de Paris et des envi-


rons restent peu attirés par les études et constituent une minorité des
universitaires. Le succès croissant de l’institution n’aurait donc guère
d’effet sur la société parisienne et sur une zone pourtant soumise à l’in-
uence au moins économique de la grande cité. Ces chiffres donnent
incontestablement tort à Gilles de Paris. Dans son Carolinus, un poème

20
Voir la liste accompagnée de leurs notices à la n de ce travail, en annexe 2.
21
Il s’agit de : Etienne Bérout, Etienne prêtre de Corbeil, Etienne prêtre de la
Celle, Garin, prêtre de Corbeil, Gilles de Corbeil, Philippe le Chancelier, Pierre de
Saint-Cloud.
22
Sans les huit Amauriciens, le groupe des universitaires de 1210, réduit à 45 per-
sonnages, ne comporte plus que trois maîtres originaires de Paris et de ses environs
soient 6% du total.
23
Voir la liste accompagnée de leurs notices à la n de ce travail, en annexe 3.
24
Anselme de Boissy, Berthaud de Saint-Denis, Jean Quidort de Paris, Eudes de
Saint-Denis, Philippe de Thoiry, Simon de Montlhéry.
266 nathalie gorochov

rédigé avant 1198 et dédié au roi de France Philippe Auguste25, le


précepteur du futur Louis VIII s’élève contre les détracteurs de sa ville
natale qui prétendent que Paris n’a pas de savants et qu’elle ne reçoit
que de l’étranger la science qu’on vient chercher chez elle. Pour les
réfuter, Gilles de Paris dresse la liste de tous les maîtres qu’il a connus
et qu’il tient pour parisiens : « de tant d’hommes inspirés Lutèce est la
mère féconde »26. Il énumère des maîtres obscurs de la deuxième moitié
du XIIe siècle connus par cette unique mention tels l’artien Thibaut, le
juriste Philippe, le théologien Léon et d’autres encore. Seul le médecin
Gilles de Corbeil apparaît parmi tous ces noms comme une gure de
premier plan avec « maître Pierre » dont Gilles de Paris fait grand cas
et qu’il faut peut-être identier avec Pierre le Chantre (mort en 1197)
bien que celui-ci ne soit pas originaire de Paris, mais [du Beauvaisis].
Gilles aurait pu enrichir sa démonstration en citant au moins un autre
maître éminent des écoles parisiennes de son temps, Pierre de Corbeil,
maître en théologie d’environ 1180 à 1199, élu évêque de Cambrai en
1199 puis archevêque de Sens en 1201, maître du futur Innocent III.
Dans la liste de savants parisiens dressée par Gilles de Paris, hormis
Gilles de Corbeil, on ne trouve aucun de ces maîtres qui attirent vers
1200 les étudiants venus de tout l’Occident : les Anglais Robert de
Courçon et Etienne Langton, les italiens Prévotin de Crémone (absent
de Paris entre 1194 et 1206) et Jean de Matha qu’il a formé ou le Poi-
tevin Pierre de Poitiers, élève de Pierre Lombard mais dont la longue
carrière d’enseignant s’achève avec sa vie en 120527.
C’est à toute une palette de superlatifs que les chroniqueurs ont
recours pour qualier le centre scolaire parisien vers 1200 : « quae
caput est regni et doctrix existis totius orbis » afrme dans sa Philippide
Guillaume le Breton dressant l’éloge de la capitale du prince dont il
écrit les Gesta28. Philippe de Harvengt écrit à son correspondant parisien
« Habes quam incolis Cariath Sepher, civitatem, ut legitur, litterarum »29.
La réputation des écoles de Paris est si grande, au tournant des XIIe

25
Edité par M. L. Colker, « The Karolinus of Egidius Parisiensis », Traditio, 29
(1973), p. 199-325.
26
Ibidem : « Tantorum mater fecunda Lutetia vatum ».
27
A. Molinier, Obituaires de la province de Sens. Tome 1 : diocèse de Paris, Paris, 1902, p. 455,
dans l’obituaire de Saint-Martin des Champs, sa notice nécrologique est un éloge de
ce maître : « omnis civitas et omnes magistri de ejus sapientia mirarentur ».
28
Guillaume le Breton, Philippide, H. F. Delaborde éd., Paris, 1882, vol. 1, vers
100-101.
29
Denie et Châtelain, Chartularium, op. cit., tome 1, p. 51.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 267

et XIIIe siècles, qu’elle fait afuer vers la cité des étudiants de toute
l’Europe qui sont à la recherche non plus d’un maître particulièrement
renommé comme ce fut le cas jusqu’aux années 1160, mais d’un maître
de qualité qu’ils sont sûrs de pouvoir choisir parmi bien d’autres30. A
Paris, dès les dernières années du XIIe siècle et tout au long du XIIIe
siècle, maîtres comme étudiants viennent de loin.

2. Qui sont les universitaires nés à Paris au XIII e siècle ?

Les ls de bourgeois de Paris font gure d’exceptions dans la commu-


nauté universitaire mais leur présence parmi les scolares, dès la première
moitié du siècle, montre que la bourgeoisie n’ignore pas complètement
l’Université nouvellement constituée.
Le premier attesté, Etienne Bérout, vit de près les débuts de l’ins-
titution universitaire dans la première décennie du XIIIe siècle. Alors
qu’il n’existe à Paris que deux ou trois petits collèges, son père Etienne
Bérout, bourgeois de Paris, mort avant février 1209, lègue une part de
ses biens pour la fondation d’une prébende canoniale attachée à l’église
Saint-Honoré, dépendant du chapitre de Saint-Germain l’Auxerrois,
ainsi que pour la fondation d’une maison garnie de treize lits pour de
pauvres étudiants31. Ce nouveau collège, installé rive droite, doit être
placé sous la garde d’un chanoine de Saint-Honoré y résidant ou d’une
autre personne désignée par la veuve d’Etienne Bérout, Ade, et par
son ls maître Etienne puis, après leur mort, par l’évêque de Paris. La
famille d’Etienne Bérout est voisine de l’église Saint-Honoré à laquelle
elle donne un arpent de terre qui la jouxte, au cœur de la paroisse de
Saint-Germain l’Auxerrois où résident la plupart des bourgeois pari-
siens32. Maître Etienne Bérout, déjà maître ès arts lors de l’exécution
testamentaire de son père début 1209, est donc probablement étudiant
depuis 1200 environ. Plus tard, ayant acquis une maison située rue
Fimier, dans la censive de Notre-Dame de Paris, installé au plus près
du cloître, il est en 1223 contraint de s’engager, auprès de l’évêque de

30
E. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, tome V : Les écoles de la n du
VIII e siècle à la n du XII e siècle, Lille, 1940, p. 259 et s.
31
L’acte de fondation est édité par Denie et Châtelain dans le Chartularium, t. 1,
p. 68-69.
32
B. Bove, Dominer la ville. Prévôts des marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350,
Paris, CTHS, p. 470.
268 nathalie gorochov

Paris, à ne pas élever le mur de sa maison de plus de six pieds sauf


avec l’autorisation du chapitre de Notre-Dame et à ne pas ouvrir de
fenêtre qui donnerait sur le cloître33. A cette date, Etienne Bérout achève
de longues études en théologie probablement menées auprès d’un
chanoine enseignant dans le cloître Notre-Dame, peut-être Guillaume
d’Auvergne. Devenu maître en théologie et élu non sans difcultés
doyen du chapitre de Saint-Germain l’Auxerrois en 1228, près de sa
maison natale34, c’est sous le nom d’Etienne doyen de Saint-Germain
l’Auxerrois qu’il apparaît désormais dans la documentation. Il est
sollicité à deux reprises au moins par le pouvoir pontical pour procé-
der à des arbitrages, en 1238 par Grégoire IX, n 1243 par Innocent
IV qui le qualie de « docteur en théologie »35. On conserve quatre
sermons prononcés par lui dont deux à Paris en 123136. A la n du
XIIIe siècle, la mémoire de la famille Bérout est célébrée dans trois
lieux parisiens qui symbolisent le parcours de maître Etienne et de ses
parents37: né dans une famille de la bourgeoisie parisienne, il est resté
dèle à sa paroisse natale de Saint-Germain l’Auxerrois au point de
devenir le doyen de la collégiale où il achète un obit, mais son père
avait par le don de trois arpents de terre situés à Montmartre fondé
une messe-anniversaire au prieuré Saint-Martin des Champs très en
faveur auprès de la bourgeoisie parisienne38 – pour lui-même et son
ls Jean. Un autre Etienne Bérout, doyen du chapitre de Laon, le ls
de Jean et le neveu du maître en théologie, a quant à lui, vers 1270,
acheté un obit à Sainte-Geneviève où il était chanoine et il a donné à
l’abbaye un Psautier glosé et quatre évangiles glosés en deux volumes,
des manuscrits peut-être hérités de son oncle.
Jean Pointlasne de Paris, qui porte le nom d’une ancienne famille
de la bourgeoisie parisienne, a dû commencer des études à la faculté
des arts vers 1225, une quinzaine d’années après Etienne Bérout, au
moment où les frères Prêcheurs viennent de s’installer à Paris. Comme
beaucoup d’étudiants séduits par le nouvel ordre, il prend l’habit, à
une date qu’on ignore, peut-être vers 1230, et il entreprend des études
en théologie, qui le mènent vraisemblablement au statut de bachelier

33
B. Guérard, Cartulaire de Notre-Dame de Paris, op. cit., t. 1, p. 348.
34
B. Guérard, op. cit., t. 2, p. 474-475.
35
Denie et Châtelain, Chartularium, t. 1, p. 165 et E. Berger, Registres d’Innocent IV,
année I, lettre n°330.
36
M. M. Davy, Les sermons de l’année universitaire 1230-1231, Paris, 1931.
37
Molinier, Obituaires de la province de Sens, t. I : diocèse de Paris, p. 446, 502, 794.
38
B. Bove, op. cit., p 470 et s.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 269

vers 1240 puis de maître avant 1248. Malheureusement le parcours


de Jean Pointlasne ne sort de l’ombre qu’en 1248, précisément quand
il gure parmi les maîtres régents en théologie qui légifèrent contre le
Talmud39. On a conservé trois sermons qu’il a prononcés40. De même
que les Bérout, les Pointlasne restés laïques ne restent pas indifférents
au milieu universitaire qui accueille l’un des leurs, bien au contraire.
Leur intérêt pour le monde des écoles se matérialise de façon identique
par des échanges avec les collèges. Si l’un des parents du théologien
Jean Pointlasne, Guillaume Pointlasne (peut-être son frère ?), se contente
d’acheter vers 1226 une messe-anniversaire à Notre-Dame de Paris41,
un autre membre de la famille, Pierre Pointlasne « civis Parisiensis »,
frère, neveu ou cousin du théologien, apparaît à maintes reprises dans
le cartulaire du collège de Sorbonne et semble avoir été mêlé de très
près à la célèbre fondation de Robert de Sorbon42. Possédant dès 1245
une maison au cœur du quartier latin, rue Saint-Benoît, il est amené
en 1254 à vendre à Robert de Sorbon et Guillaume de Chartres
« pour l’un de leurs amis »43 et pour quarante livres, précise l’acte, un
lieu d’hébergement ( porta) et ses dépendances de la rue Saint-Benoît
jusqu’à la rue Coupe-Gueule. Trois ans plus tard, en février 1257, le
roi Louis IX donne à Robert de Sorbon les étables de la rue Coupe-
Gueule qui avaient été achetées en 1254 à Pierre Pointlasne pour le
collège ouvert au même emplacement. Deux ans plus tard, le même
Pierre Pointlasne et son ls Eustache vendent à Robert de Sorbon une
maison sise grand’rue Saint-Jacques, près Saint-Benoît. C’est tout cet
ensemble – en premier lieu la « porta » et, par la suite, les maisons qui
l’environnent – qui semble bien avoir accueilli la première communauté
de boursiers dès 1257. En 1260, Robert de Sorbon obtient du prévôt
et des échevins de Paris un droit de mainmorte pour les deux maisons
de la grand’rue Saint-Jacques achetées par lui à Pierre Pointlasne et
son parent Jean Convers.
Autre enfant de la bourgeoisie parisienne, Guillaume de Paris, juriste
et théologien ayant étudié et enseigné à Paris entre 1200 et 1220
environ, né dans la « cité royale » comme le précise un obit des plus

39
Denie et Châtelain, Chartularium, t. 1, p. 209-211.
40
J. B. Schneyer, Repertorium, t. 3, p. 673-674.
41
P. Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, t. 1, p. 82.
42
P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, op. cit., t. 2 : Le cartulaire, actes n°47, 62, 115,
147, 151, 153, 161, 163, 186, 191, 197, 264.
43
Beaucoup d’achats semblent avoir été réalisés par le Roi.
270 nathalie gorochov

élogieux conservé à Chartres44, devient chancelier de Chartres puis


termine sa carrière comme archidiacre de Poissy où il meurt en 1250.
Un acte de donation de Saint-Lazare de Paris aux Prêcheurs nous
apprend incidemment que maître Guillaume chancelier de Chartres
possède une vigne, près de la muraille rive gauche, un bien peut-être
patrimonial hérité d’une famille parisienne dont on ne sait rien, sauf
qu’elle n’était pas noble45.
Maître Jean de Paris, dit « Barberius » chanoine, ofcial puis archidiacre
de Soissons, partage pendant plus de vingt ans sa vie entre le chapitre
de Soissons – dont il est ofcial dès 1245 – et l’Université de Paris
où il est successivement maître ès arts puis maître en décret jusqu’en
1271-127246, ainsi que chanoine de Paris. Mort entre 1272 et 1274,
son obit acheté au prix de 40 livres tournois est célébré à l’abbaye de
Saint-Victor le 6 août pour son salut, celui de ses parents, Geoffroy et
Marie et des trois évêques qu’il a servis, Nivelon de Soissons, Guillaume
de Beauvais47 et Renaud de Paris.
Citons plus rapidement d’autres ls de la bourgeoisie parisienne
venus aux écoles. Dès la n du XIIe siècle, Philippe de Grève, maître
et chanoine de Paris, longtemps confondu avec Philippe le Chancelier,
est le ls de Philippe et Agnès de Grève, bourgeois parisiens sous le
règne de Philippe Auguste, sufsamment aisés pour acheter une messe-
anniversaire célébrée le 14 mai au prieuré Saint-Martin des Champs
d’une part, à Notre-Dame de Paris d’autre part, messe pour laquelle
a été donné un terrain situé à côté du cloître, avec ses dépendances48.
L’enseignement de maître Philippe de Grève, chanoine de Paris, est
attesté jusqu’en 1194, mais s’est peut-être prolongé lors de son décanat
à Sens qui s’achève avec sa mort en septembre 1220 ou 122249. Portant
de même le nom de l’un des quatre quartiers de Paris, maître Gui de
Grève possède vers 1280 deux maisons rive gauche50. En 1270 maître

44
De Lépinois et Merlet, op. cit., t. 3, p. 4-5.
45
Denie et Châtelain, Chartularium, t. 1, p. 108.
46
Denie et Châtelain, Chartularium, t. 1, p. 503.
47
Molinier, Obituaires de la province de Sens, t. 1 : diocèse de Paris, p. 575. Il est en effet
chanoine de Beauvais en 1267 selon W. N. Newman, Les seigneurs de Nesle en Picardie
(XII e-XIII e siècles), Philadelphie, 1971, p. 235. Newman émet l’hypothèse – sans la
justier – de son appartenance à la célèbre famille bourgeoise parisienne des Le Riche,
à la page 122.
48
Molinier, Obituaires de la province de Sens, t. 1 : diocèse de Paris, p. 129 et 438.
49
F. Arnaldi et P. Smiraglia, « Filippo de Grève o Filippo il Cancelliere », Estudis
romanics, 8 (1961), p. 25-34.
50
Denie et Châtelain, Chartularium, t. 1, p. 599.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 271

Gérard Bourdon, frère de l’échevin Guillaume Bourdon et dont on sait


par ailleurs qu’il fut chanoine de Reims51, possède une censive près de
l’église Saint-Cosme, paroisse érigée au début du XIIIe siècle sous les
murs et le patronage de Saint-Germain des Prés52. En ce cas la censive
de Gérard Bourdon est établie au cœur des écoles, alors que l’hôtel
familial de la famille Bourdon se trouve rive droite.
L’intérêt des milieux bourgeois à l’égard des études peut aussi, sans
aller jusqu’à la fréquentation des écoles, s’exprimer par la seule bien-
faisance à l’égard des collèges déjà évoquée dans les cas des Pointlasne
et des Bérout. Ainsi des membres des deux plus puissantes familles
échevinales de Paris au XIIIe siècle ont transféré une part de leurs
biens à des collèges universitaires parisiens dans la deuxième moitié du
XIIIe siècle. Le cartulaire du collège de Sorbonne conserve la trace du
don d’une rente que Jean Barbette dit le jeune53 t « en pure aumône »
à la célèbre fondation en 127554, rente de 114 sous parisis perçue sur
diverses maisons de la rue Saint-Cosme, de la rue des Maçons et de la
rue de la Sorbonne. Ces maisons sont situées dans la censive de Phi-
lippe Barbette, père du donateur telle qu’elle se présente entre 1250 et
125455, et sont voisines du nouveau collège. Par ailleurs dans la deuxième
moitié du XIIIe siècle a été fondé à Paris un collège « Jean Sarrazin »
attesté sous le règne de Philippe VI de Valois56. Qu’il ait été créé par
le plus célèbre des Sarrazin, chambellan de Louis IX et proche témoin
de l’organisation du collège de Sorbonne dans les années 1250, ou par
un autre membre de cette illustre famille parisienne par ailleurs alliée
aux Barbette57, ce collège sur lequel on ne sait quasiment rien maté-
rialise bien l’intérêt porté par ces bourgeois parisiens prêts à consacrer
une part non négligeable de leur fortune aux pauvres étudiants. Dans
un milieu échevinal parisien très peu cultivé, Boris Bove ne relève que
quelques exceptions des rares bourgeois parisiens lettrés titulaires d’un

51
P. Desportes, Fasti Ecclesie Gallicanae : diocèse de Reims, Turnhout, 1998, p. 277 ;
sur cette famille échevinale voir B. Bove, op. cit., qui la mentionne dans son livre à
maintes reprises.
52
R. Cazelles, op. cit., p. 48.
53
Ce nom est porté par plusieurs homonymes de la même famille et il est difcile de
savoir auquel on a ici affaire : il ne peut s’agir du frère du prévôt des marchands Etienne
Barbette, puisque leur père s’appelait Etienne, d’après B. Bove, op. cit., p. 474.
54
Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, t. 2 : le cartulaire, n°329, p. 391-392.
55
Ibidem, p. 650.
56
Le Roi fait des dons aux collèges parisiens, dont les comptes gardent la trace : Arch.
nat., KK 5, fol. 368 (1341), ce collège est encore attesté en 1409 (KK 17, fol. 85).
57
B. Bove, op. cit., en particulier p. 474-475.
272 nathalie gorochov

grade universitaire ou capables d’écrire des textes assez longs, par


exemple Jean Sarrazin, le chambellan de Louis IX, auteur d’une lettre
« dans une belle langue vernaculaire » adressée de Damiette à son ami
Nicolas Arrode, ou encore un des ses parents, Guy Sarrasin, avocat au
Parlement, licencié en lois, au début du XIVe siècle58.

Hormis la bourgeoisie, d’autres catégories sociales de la capitale ont-


elles des chances d’accéder aux écoles ? Les ls illégitimes du clergé
parisien sont sans doute les mieux placés comme le montre l’itinéraire
de Philippe le Chancelier. Maître en théologie de Paris, chancelier de
Notre-Dame de 1218 à 1236, rendu célèbre par l’éloge qu’en t son
élève Henri d’Andelys ainsi que par ses prises de position en faveur
de la pluralité des bénéces, auteur de nombreux sermons, il est le ls
d’un prêtre, Philippe, archidiacre de Paris et il obtient d’Honorius III
une dispense pour cette naissance illégitime le 15 février 121759. L’autre
exemple n’est quant à lui guère représentatif car c’est celui d’un ls de
roi et non de prêtre : Pierre Charlot, ls bâtard de Philippe Auguste,
qui selon deux lettres ponticales lui étant adressées par Grégoire IX,
fréquente les écoles parisiennes entre 1232 et 1240. Pendant ces années,
dispensé de résidence pour études, il est trésorier de Tours, puis il
devient évêque de Noyon en 124060.

Ainsi, la minorité de maîtres et étudiants nés à Paris au XIIIe siècle est


issue de quelques familles bourgeoises dont l’intérêt porté à la corpora-
tion universitaire est tout à fait exceptionnel, les Bérout, les Pointlasne,
les Barbette, les Sarrazin et les Bourdon. La présence de ces clercs reste
anecdotique et la bourgeoisie marchande parisienne qui conduit certains
de ses enfants vers une carrière ecclésiastique ne juge pas encore utile
sauf exceptions de les mener aux études, de même qu’au XIIIe siècle

58
B. Bove, op. cit., p. 447 et suivantes.
59
P. Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 282-283 ; Ph. Meyer, dans son
article « Henri d’Andeli et le chancelier Philippe », Romania, 1872, p. 190-215, réunit
un certain nombre d’informations sur Henri d’Andelys, auteur du Dit du chancelier
Philippe dont il présente l’édition, mais il confond Philippe le Chancelier et Philippe
de Grève. Voir sur Philippe le Chancelier la mise au point de Nicole Bériou dans le
Dictionnaire des Lettres françaises, réédité sous la direction de G. Hasenohr et M. Zink,
Paris, 1992, p. 1142-1143, ainsi que, du même auteur, L’Avènement des maîtres de la parole,
2 vol., Paris, 1998 et les nombreux passages où Philippe le Chancelier y est évoqué
comme prédicateur.
60
Auvray, Registres de Grégoire IX, lettres n° 965 et 982 (1232). Devenu évêque de
Noyon, Pierre Charlot accompagne Louis IX en Orient et il y meurt en 1249.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 273

elle fournit encore trop peu de serviteurs du pouvoir royal. A ce titre,


le parcours d’un Jean Sarrazin chambellan n’est pas du tout représen-
tatif. Mais on peut supposer que certains de ces bourgeois parisiens qui
accèdent au pouvoir municipal offrent des exemples susceptibles d’être
imités une ou deux générations plus tard, sous les règnes de Philippe
le Bel et de ses successeurs.

3. Le relais des écoles ecclésiastiques périphériques

Le nombre des clercs originaires des campagnes environnant Paris est


moins négligeable. On a vu plus haut qu’une quarantaine d’universitai-
res portent les noms de toponymes du diocèse de Paris et de ses marges,
soit 3,5% de l’ensemble de la population universitaire recensée pour
le XIIIe siècle. C’est de vingt-deux bourgs du diocèse de Paris – sauf
Etampes, placé en marge du diocèse de Sens –, que ces quarante clercs
sont venus étudier et/ou enseigner à Paris, et la récurrence de certains
toponymes révèle quelques « pépinières » de scolares : Corbeil et le proche
village d’Essonne fournissent 12 maîtres ou étudiants, 5 viennent de
Saint-Denis, 3 d’Argenteuil, 2 de Montlhéry et 2 d’Etampes. Parmi ces
vingt-deux toponymes, dix-sept sont ceux d’établissements ecclésiastiques
importants, monastères, puissantes collégiales ou simples prieurés pour
la plupart Bénédictins61. A Argenteuil et à Essonne, les Bénédictins de
Saint-Denis ont un prieuré62. Le bourg de Corbeil abrite au XIIIe siècle
plusieurs établissements ecclésiastiques, Saint-Guénault, prieuré des
chanoines de Saint-Victor de Paris, Notre-Dame des Champs, prieuré
Bénédictin, enn la collégiale Saint-Spire63. De même à Etampes où
l’on recense au XIIIe siècle le prieuré Saint-Martin des Bénédictines de
Morigny et le prieuré Saint-Pierre des Bénédictins de Fleury64. A Gif
prospère l’importante abbaye Bénédictine Notre-Dame65 ; à Gonesse
le prieuré Bénédictin dépendant de l’abbaye voisine de Deuil66. Les
Clunistes de Longpont ont deux prieurés à Montlhéry, Notre-Dame et

61
Repérés dans l’ouvrage de Dom L. H. Cottineau, Répertoire topo-bibliographique des
abbayes et prieurés, 4 vol., réimprimé à Turnhout par Brépols en 1995.
62
Cottineau, vol. I, col. 145 et 1075.
63
Cottineau, vol. I, col. 867-868.
64
Cottineau, vol. I, col. 1078.
65
Cottineau, vol. I, col. 1282.
66
Cottineau, vol. I, col. 1300.
274 nathalie gorochov

Saint-Pierre67. Le toponyme assez répandu de La Celle peut renvoyer


à plusieurs villages dont deux du diocèse de Paris, la Celle les-Bordes
qui a un prieuré et la Celle-sur-Seine, prieuré de Saint-Germain-des-
Prés68. A Montmorency, l’ancien monastère Saint-Martin est devenu
collégiale à la n du XIIe siècle69. Subsiste une incertitude pour Roissy,
nom de deux villages distincts : Roissy, village dont le prieuré Saint-
Eloi dépend de Saint-Geneviève de Paris ou bien Roissy-en-Brie qui
possède un prieuré dépendant des Clunistes de Gournay70. Cottineau
ne mentionne guère que Rosny-sur-Seine, près de Poissy, où l’on trouve
un prieuré Bénédictin Saint-Antoine de Saint-Cyr, ainsi qu’un prieuré
Saint-Etienne dépendant de Jumièges71. A Thoiry, situé aux limites
du diocèse de Chartres, les Augustins ont un prieuré Saint-Martin72.
Villepreux abrite un prieuré Bénédictin Saint-Nicolas (dépendant de
Marmoutier) de même que Saint-Germain-en-Laye73. Enn, doit-on
préciser que les bourgs de Saint-Cloud et de Saint-Denis sont nés à
proximité d’un célèbre monastère de fondation mérovingienne74 ? L’as-
sociation de ces toponymes d’établissements ecclésiastiques réguliers
et de noms d’universitaires parisiens n’est-elle que pure coïncidence ?
Formulons plutôt l’hypothèse selon laquelle tous ces prieurés, monastères
et collégiales conservaient au XIIIe siècle une école élémentaire, animée
par des maîtres soucieux d’orienter leurs jeunes élèves vers les écoles
de la capitale et sufsamment efcaces pour former de futurs étudiants
de l’Université de Paris. E. Lesne, qui a autrefois mené l’étude la plus
exhaustive sur les écoles du royaume de France entre le VIIIe et le XIIe
siècle75, fournit bien quelques références pour le XIIIe siècle mais il
ignore tout des écoles de ces établissements-là, faute de bibliographie,
probablement aussi faute d’archives. Il est vraisemblable que les écoles
attestées à Corbeil ou Saint-Denis au temps d’Abélard76 existent tou-
jours à l’ombre des communautés régulières et que les clercs qu’elles

67
Cottineau, vol. II, col. 1961.
68
Cottineau, vol. I, 644-647.
69
Cottineau, vol. II, col. 1967.
70
Cottineau, vol. II, col. 2496.
71
Cottineau, vol. II, col. 2538.
72
Cottineau, vol. II, col. 3150.
73
Cottineau, vol. II, col. 3395 et 2708.
74
Cottineau, vol. II, col. 2637, 2650-2657.
75
E. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, tome V : Les écoles de la n du
VIII e siècle à la n du XII e siècle, Lille 1940.
76
Sur ce sujet voir l’ouvrage récent de J. Verger, L’amour castré, Paris, 1996.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 275

initient à la grammaire latine entre 1200 et 1300 rejoignent la faculté


des arts de Paris. Mais les cartulaires de ces monastères ne contiennent
pas de trace de cet enseignement primaire, peut-être irrégulier et assez
informel77.
Sans doute la relative concentration des lieux d’origine des univer-
sitaires tient aussi au mode de recrutement qui, au XIIIe siècle, repose
sur les réseaux de relation, notamment familiaux. Ainsi n’est-il pas
rare de voir oncle, frères et neveux fréquenter tour à tour les écoles
parisiennes après avoir quitté le même village natal, tels Milon et Adam
de Corbeil.

Conclusion

Lorsqu’elle naît et se développe au cours du XIIIe siècle, l’Université de


Paris n’attire pas beaucoup les Parisiens, tel est le résultat d’une enquête
certes imparfaite par la méconnaissance des étudiants en arts. Parmi
les maîtres que les maigres sources nous révèlent, on ne repère pas plus
de 5 à 10% de natifs du diocèse de Paris et de ses marges. Les origines
sociales des populations universitaires médiévales demeurent largement
dans l’ombre mais on peut néanmoins constater que l’Université de Paris
ne puise pas ses membres dans les groupes sociaux les plus présents
dans la ville de Paris : ouvriers, petits artisans, salariés, marchands ni
même dans la bourgeoisie. La bourgeoisie parisienne n’ignore pas le
monde des écoles : les dons aux collèges, la présence d’étudiants voire
de maîtres issus de ces familles prouvent que leur intérêt n’est pas nul
pour l’Université mais il reste isolé au XIIIe siècle, seulement attesté
dans quelques familles de ce point de vue exceptionnelles. L’Université
semble avoir surtout attiré des clercs venus de milieux non urbains, de
la petite noblesse, éventuellement de la paysannerie aisée, ou bien des
clercs nés dans de petites villes ou bourgs aux écoles particulièrement
actives sous l’autorité d’un puissant établissement ecclésiastique.

77
Ont été dépouillés les cartulaires de quelques établissements, sans le moindre
résultat : Cartulaire de Notre-Dame d’Etampes (1046-1572), 1888 ; E. Couard-Luys, Cartulaire
de Saint-Spire de Corbeil (XIII e siècle), Rambouillet, 1882 ; G. Lebel, Catalogue des actes de
l’abbaye de Saint-Denis relatifs à la province ecclésiastique de Sens 1151-1346, Paris, 1935. Un
dépouillement systématique des sources manuscrites s’imposerait . . .
276 nathalie gorochov

Jusqu’au début du XVe siècle, la communauté universitaire parisienne


reste donc presque essentiellement un groupe humain d’origine étran-
gère à la ville78, contrastant fortement avec les milieux urbains qu’elle
côtoie quotidiennement. La part des étudiants natifs de Paris augmente
peu à peu lorsque la société parisienne évolue à son tour avec la présence
accrue de serviteurs du Roi dans la capitale et le prestige nouveau des
« gens de savoir » dans les milieux proches du pouvoir79.

Annexe 1
Brèves notices biographiques des maîtres et étudiants de l’Université de Paris au
XIII e siècle originaires du diocèse de Paris80

Adam de Corbeil : maître Adam de Corbeil, chanoine de Saint-Marcel


en 1273, est le frère cadet de Milon de Corbeil, chanoine de Paris
ainsi que son exécuteur testamentaire (B. Guérard, Cartulaire de Notre-
Dame de Paris, t. 2, p. 441 et t. 4, p. 84-85). Ils sont les ls de Bertrand
de Corbeil et possèdent un cens « de droit héréditaire » à Paris in
Gallandia sur deux maisons dans la censive du chapitre de Paris.
Maître Adam est avec son frère Ferri et sa sœur Aveline héritier de
leur frère Milon mort en 1271. Devenu chantre de Chartres, Adam
de Corbeil meurt en 1296, s’étant fait inscrire dans l’obituaire de la
collégiale de Notre-Dame de Melun (Obituaires de la province de Sens,
t. 1, p. 32 et 140).
Adam d’Etampes : maître Adam d’Etampes, qui a étudié les deux droits,
probablement à Paris, est chanoine de Chartres et inscrit dans l’obi-
tuaire de la cathédrale de Chartres entre 1200 et 1300 (De Lépinois
et Merlet, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, t. 3, p. 145).

78
Les maîtres originaires du diocèse de Paris ne représentent que 5,5% en 1403
d’après J. Verger, « Le recrutement géographique des universités françaises au début
du XVe siècle d’après les suppliques de 1403 », Mélanges de l’Ecole française de Rome, 82
(1970), p. 855-902. Au collège de Navarre, la part de boursiers originaires du diocèse
de Paris s’accroît entre le début du XIVe siècle et le début du XVe siècle, passant de
11% à 15%, tandis que les ls, neveux et cousins de serviteurs du Roi y obtiennent de
plus en plus de bourses, d’après N. Gorochov, Le collège de Navarre de sa fondation (1305)
au début du XV e siècle (1418) : histoire de l’institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement,
Paris, 1997.
79
J. Verger, Les gens de savoir en Europe à la n du Moyen Age, Paris, 1997.
80
Ces notices ne contiennent pas la totalité des mentions rassemblées dans le chier
prosopographique mais présentent seulement quelques indications sur l’origine géo-
graphique, le cursus et la carrière de ces clercs.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 277

Adam de Paris : prêche devant l’Université de Paris en septembre 1273


(Schneyer, t. 1, p. 46).
Berthaud de Saint-Denis : maître en théologie de Paris sans doute dès
1278-1279, chanoine de Paris, de Cambrai, chancelier de l’Eglise de
Paris de 1288 à 1295, évêque d’Orléans de 1299 jusqu’à sa mort en
1307 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 392-393).
Christian de Montrouge : boursier du collège de Sorbonne dans le
dernier quart du XIIIe siècle (Glorieux, Aux origines, t. 1, p. 298).
Clément de Saint-Germain : maître en théologie dès 1263, archidiacre
puis ofcial de Laon dans les années suivantes, chanoine de Paris dès
1263 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 361). Inscrit dans les
obituaires du chapitre de Notre-Dame de Paris, du chapitre Saint-
Honoré et de Saint-Germain des Prés (Molinier, Obituaires, t. 1, p. 107,
281, 289 ; Lemaître, Obituaire du chapitre collégial Saint-Honoré, p. 161).
Etienne Bérout : Etienne Bérout est déjà maître ès arts de l’Université
de Paris en 1209 quand son père Etienne Bérout, bourgeois de Paris,
époux d’Ade, fonde le collège de Saint-Honoré (Chartularium, t. 1, p. 68-
69). Plus tard, devenu maître en théologie (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, p. 295), il est élu doyen de Saint-Germain l’Auxer-
rois en 1228 (Guérard, Cartulaire de Notre-Dame de Paris, t. 2, p. 474). Il
meurt en 1243, ayant fondé des messes-anniversaires pour lui-même
et ses parents à Saint-Martin des Champs, Sainte-Geneviève, Saint-
Germain l’Auxerrois (Molinier, Obituaires, t. 1, p. 446, 502, 794).
Etienne prêtre du vieux Corbeil : disciple d’Amaury de Bène
condamné en 1210 (Chartularium, t. 1, p. 70-71 ; Césaire de Heister-
bach, Dialogus Miraculorum, cap. 22, éd. J. Strange, Cologne, 1851,
I, p. 304-307).
Etienne prêtre de la Celle : disciple d’Amaury condamné en 1210
(Chartularium, t. 1, p. 70-71 ; Césaire de Heisterbach, Dialogus Miracu-
lorum, cap. 22, éd. J. Strange, Cologne, 1851, I, p. 304-307).
Eudes d’Essonne : maître, chanoine de Saint-Benoît, possède des mai-
sons à Paris, cité en 1269 (Glorieux, Aux origines . . . t. 2 : Le cartulaire,
acte n°271).
Eudes Jacques de Villeparisis : maître ès arts et étudiant en théolo-
gie, boursier et procureur du collège de Sorbonne de 1288 à 1295
(Glorieux, Aux origines . . . t. 1, p. 321).
Eudes de Rosny : franciscain, présent à l’Université de Paris dès 1248,
maître en théologie de 1255 à 1272 au moins. Confesseur d’Isabelle,
fondatrice de Longchamp et auteur de nombreux sermons (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 53).
278 nathalie gorochov

Eudes de Saint-Denis : dès 1239, il est maître ès arts de l’Université de


Paris, étudiant en théologie, chanoine de Saint-Omer mais résidant
à Paris à cette date (Les registres de Grégoire IX, t. 2, n°4708, p. 1206).
En 1245 il est chanoine de Rouen (Les registres d’Innocent IV, n°1187)
et il apparaît dans le registre des visites d’Eudes Rigaud entre 1258
et 1266, notamment comme prieur de Lyons (Visites d’Eudes Rigaud,
p. 381). Il est maître en théologie à partir de 1248 jusqu’en 1282, date
à la laquelle il est doyen de la faculté de théologie. Il est aussi attesté
comme chanoine de Paris dès 1249 (Guérard, Cartulaire de Notre-Dame
de Paris, t. 2, p. 413) et le reste jusqu’à sa mort le 22 février 1284
(Guérard, t. 2, p. 494-495 : son exécution testamentaire).
Garin prêtre de Corbeil : disciple d’Amaury de Bène condamné en
1210 (Chartularium, t. 1, p. 70-71). Etudie alors la théologie à Paris
(Césaire de Heisterbach, Dialogus Miraculorum, p. 304-307).
Gérard Bourdon : frère de Guillaume Bourdon qui fut bourgeois
de Paris et échevin de 1280 à 1298 (P. Desportes, Fasti de l’Eglise de
Reims, p. 277), Gérard Bourdon apparaît en 1270 dans le cartulaire
de la Sorbonne comme un maître propriétaire à Paris (Glorieux,
Aux origines . . . t. 2 : le cartulaire, acte n°277, p. 323 : « . . . in censiva
magistri Gerardi dicti Bourdon clerici»). Il est également attesté
comme chanoine de Reims de 1264 à sa mort en 1286, ainsi que
familier et conseiller du roi Charles 1er de Sicile (P. Desportes, Fasti
de l’Eglise de Reims, p. 277).
Gilles de Corbeil : maître en médecine sous le règne de Philippe
Auguste (C. Vieillard, Essai sur la société médicale et religieuse au XII e
siècle. Gilles de Corbeil, Paris, 1909 ; E. Wickersheimer, Dictionnaire des
médecins, p. 196-197; J. Baldwin, « Masters at Paris 1179-1215 », dans
R. L. Benson et G. Constable éd., Renaissance and Renewal in the Twelfth
Century, Cambridge, 1982).
Gui d’Argenteuil : maître qui possède une maison voisine du collège de
Sorbonne de 1241 à 1254 (Glorieux, Aux origines . . . t. 2 : le cartulaire,
actes n°25, 120, 128, 177, 184).
Gui de Grève : maître inscrit dans l’obituaire de Sainte-Geneviève au
18 avril (Molinier, Obituaires, tome 1, p. 497). Il possède deux maisons
à Paris qui sont soumises à la taxatio en 1283 (Chartularium, t. 1,
p. 599 : « domum magistri Guidonis de Gravia, ante domum domini
Roberti de Torota, in cono : novem libras cum dimidia » « . . . domum
magistri Guidonis de Gravia supra Sanctum Hilarium, ab opposito
vici ad Cacabos, cum quinque cameris, cum coquina per terram,
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 279

celario, stabulis, duodecim libras) de même que la maison d’une


certaine Agnès de Grève (ibidem).
Guillaume d’Argenteuil : maître dont la maison parisienne est men-
tionnée dans le cartulaire de la Sorbonne en 1298 (Glorieux, Aux
origines . . . t. 2 : le cartulaire, acte n°397, p. 491 : « a parte posteriori
domui magistri Guillermi de Argentolio cantoris Verdunensis ». Il
est aussi inscrit dans l’obituaire de Verdun (Ch. Aimond, Nécrologe de
la cathédrale de Verdun, Strasbourg, 1910, p. 48).
Guillaume de Bondoufle : maître, procureur du collège de Sorbonne en
1284 (Glorieux, Aux origines . . . t. 1, p. 305). Aussi inscrit dans l’obi-
tuaire du collège de Sorbonne (Molinier, Obituaires, t. 2, p. 752).
Guillaume d’Etampes : maître en théologie de Paris, dominicain, il
enseigne au couvent Saint-Jacques entre 1242 et 1247 (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, t. 1, p. 81), auteur de plusieurs sermons
(Schneyer, t. 2, p. 455). Est-ce le même clerc qui a été inscrit au 8
décembre dans l’obituaire de Sainte-Geneviève ? (Molinier, Obituaires,
t. 1, p. 517).
Guillaume de Paris ou de Chartres : chancelier de l’Eglise de
Chartres jusqu’en 1235 puis archidiacre de Poissy, il meurt en 1250
(E. Clerval, Les écoles de Chartres, p. 329). En 1226, il possède une
vigne à Paris dont il est originaire (Chartularium, t. 1, p. 108) ce qui
est conrmé par la notice très élogieuse le concernant dans l’obi-
tuaire de la cathédrale de Chartres : « Venu de Paris il fut surnommé
Guillaume de Chartres. C’était un homme d’une science éminente,
d’une éloquence hors ligne, très versé dans le droit canonique, rempli
des sources théologiques, prédicateur abondant de la parole divine
et de la doctrine sacrée. Tout ce qu’il disait, soit en latin, soit en
français, était si poli, si orné, et sortait si suavement de sa bouche
qu’on aurait pu l’appeler vraiment un Chrysostome ». (De Lepinois
et Merlet, t. 3, p. 4 ; traduction par E. Clerval, p. 329).
Guillaume de Montmorency : archiprêtre de Saint-Séverin, proviseur
du collège de Sorbonne en 1284, a succédé dans cette charge à
Robert de Sorbon en 1274. On ignore s’il appartient à la famille de
Montmorency qui a fourni un connétable sous Louis VII (Glorieux,
Aux origines . . ., t. 1, p. 118-124).
Guillaume de Vaugrigneuse : ce maître de l’Université de Paris est le
ls de Pierre de Vaugrigneuse, miles, et d’Alice sa femme (Guérard,
Cartulaire de Notre-Dame de Paris, t. 4 p 192). Son père, seigneur du
village de Vaugrigneuse au sud de Gif, possède des terres à Herblay
280 nathalie gorochov

et une part de la dîme de Longjumeau (Guérard, Cartulaire de Notre-


Dame de Paris, t. 2, p. 138-139). Guillaume de Vaugrigneuse est entré
au chapitre de Paris comme chanoine dès 1255 (Les registres d’Alexandre
IV, n°1036), était chanoine et archidiacre de Paris en 1257 (Guérard,
t. 1, p. 165); toujours chanoine de Paris en 1266 (Glorieux, Aux origi-
nes, t. 2 : le cartulaire, acte n°255a), date à laquelle il est aussi désigné
comme archidiacre de Dreux dans l’église de Chartres.
Jean de Clamart : maître cité en 1272 qui possède une maison rue des
maçons à côté de la maison de Jean Arrode (Glorieux, Aux origines,
t. 2 : le cartulaire de la Sorbonne, acte n°304, p. 362).
Jean Clarembaut de Gonesse : ce maître vend une maison à l’Hôtel-
Dieu de Gonesse en 1254 (Delisle, Cabinet des manuscrits, II, 157 s).
Dix ans plus tard il apparaît en 1264 comme chanoine de la col-
légiale Sainte-Marie de Cassel dans le diocèse de Thérouanne (Les
registres d’Urbain IV, n°990-991). En décembre 1286, une dizaine de
manuscrits sont légués par lui au collège de Sorbonne dont il a été
socius (Glorieux, Aux origines, t. 1, p. 313).
Jean de Corbeil : boursier et procureur du collège de Sorbonne en
1290 (Glorieux, Aux origines, t. 1, p. 314).
Jean d’Essomes : son nom est cité dans les archives du collège de Sor-
bonne en 1278. Il lègue à la bibliothèque du collège 17 volumes
(Glorieux, Aux origines, t. 1, p. 314).
Jean de Montlhéry : maître et chanoine de Paris dès 1262, il perçoit
alors sa prébende à Larchant (Guérard, Cartulaire de Notre-Dame de
Paris, t. 2, p. 515 et t. 4, p. 131). Est inscrit dans trois obituaires : à
Notre-Dame de Paris, à Saint-Martin des Champs et à la cathédrale
de Senlis où il était probablement chanoine. Il est mort vers 1275
(Molinier, Obituaires, t. 1, p. 167, 220, 452 et obituaire de la cathédrale
de Senlis : Bibl. nat., latin 9975, fol. 100).
Jean de Paris dit Barbier : maître, chanoine et ofcial de Soissons
(1245-1258), peut-être membre de la famille de la bourgeoisie
parisienne les Le Riche (W. Newman, Les seigneurs de Nesle en Picar
die (XII e-XIII e s), Phildelphie, 1971, p. 122 et 280), archidiacre de
Soissons et chanoine de Paris dès 1271 (Chartularium, t. 1, p. 503). Il
meurt le 6 août 1274 ayant été inscrit dans plusieurs obituaires : celui
de Notre-Dame de Paris et celui de Saint-Victor de Paris. Dans ce
dernier, sa notice nécrologique nous apprend qu’il achète aussi une
messe-anniversaire pour ses parents Geoffroy et Marie, pour Nivelon
évêque de Soissons mort en 1262, pour Guillaume évêque de Beau-
vais mort en 1267, pour Renaud évêque de Paris mort en 1268, pour
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 281

ses amis maître Thomas Niger archidiacre de Bayeux et Jacques de


Basoches trésorier de Beauvais (Molinier, Obituaires, p. 575).
Jean de Paris OM : franciscain présent dans les écoles de Paris vers
1300.
Jean Pointlasne OP : dominicain, maître en théologie de Paris, au
couvent Saint-Jacques entre 1245 et 1248 (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, p. 82-83). Auteur de plusieurs sermons (Schneyer,
t. 3, p. 673-674). Il appartient sans doute à la famille de Gérard
Pointlasne, bourgeois de Paris, garant d’un acte de 1228 du cartu-
laire de la Sorbonne (Glorieux, Aux origines, t. 2 : le cartulaire, p. 47).
Dans les années 1240-1250, un bourgeois de Paris du nom de Pierre
Pointlasne vend de nombreux biens à Robert de Sorbon lorsqu’il
rassemble terres et maisons pour son collège (Glorieux, Aux origines,
t. 2 : le cartulaire, actes n°47, 62, 115, 147, 151, 153, 161, 163, 186,
191, 197, 264).
Jean Quidort de Paris OP : originaire de Paris, il étudie les arts à Paris
dans l’école de Pierre de Tarentaise entre 1259 et 1269, selon son
propre témoignage. Plus tard, en 1284, alors qu’il est dominicain et
bachelier en théologie, il doit justier seize propositions extraites de
son enseignement et dénoncées au Général des Prêcheurs comme
erronées. Puis il intervient dans le débat suscité par le Corruptorium
de Guillaume de la Mare qui critique saint Thomas. Il n’obtient
la licence en théologie qu’en 1304 et meurt à la Curie romaine, à
Bordeaux, en 1306 selon Bernard Gui. Auteur de plusieurs ouvrages
parmi lesquels le De potestate regia et papali ainsi que de nombreux
sermons (P. Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 189-193 ;
J. Leclercq, Jean de Paris et l’ecclésiologie au XIII e siècle, Paris, 1942, p. 6
à 9 ; Schneyer, t. 3, p. 674-676 ; voir également l’article récent de K.
Ubl sur Jean de Paris dans Francia, 30/1, 2003, p. 43-72).
Jean de Saint-Denis : maître de la faculté de médecine de Paris en 1272
(Chartularium, t. 1, p. 502 et Wickersheimer, Dictionnaire biographique
des médecins, p. 314).
Luc de Gif : maître régent en théologie vers 1253, il prend le parti des
Mendiants lors du conit séculiers-mendiants (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, p. 346-347). Il a aussi été ofcial de Reims, chanoine
puis doyen du chapitre cathédral de Paris. Il meurt le 14 janvier 1268,
inscrit dans l’obituaire de Notre-Dame de Paris (Guérard, Cartulaire de
Notre-Dame de Paris, t. 1, p. 165, 168, 406, 410, 438, 442, 443, t. 2,
p. 16, 21, 22, 23, 117, 121, 199, 271, 275, 297, 337, 341, 412, 424,
448, 541, t. 4, p. 10, 23, 57, 66).
282 nathalie gorochov

Michel de Corbeil : maître à Paris, à la n du XIIe siècle, archevêque


de Sens (1194-1199), inscrit dans l’obituaire de Notre-Dame de Paris
(Guérard, Cartulaire de Notre-Dame de Paris, t. 4, p. 191-192). Il était
peut-être apparenté aux seigneurs de Courtlandon puisqu’il était l’on-
cle d’Adam de Courtlandon, doyen de Laon (W. Newman, Les seigneurs
de Nesle en Picardie (XII e -XIII e s), Phildelphie, 1971, p. 140-144).
Michel de Saint-Denis : maître en décret à l’Université de Paris en 1237
(Chartularium, t. 1, p. 164), chanoine (1243-1256) et ofcial (1243-1245)
de Reims (P. Desportes, Fasti de l’Eglise de Reims, p. 434). Il meurt en
1256, inscrit dans les obituaires de Reims, Notre-Dame de Paris et
Saint-Victor de Paris (Molinier, Obituaires, t. 1, p. 145 et 582).
Milon de Corbeil : maître, frère aîné d’Adam de Corbeil (voir plus
haut), chanoine de Paris. Ils sont les ls de Bertrand de Corbeil et
possèdent un cens « de droit héréditaire » à Paris in Gallandia sur deux
maisons dans la censive du chapitre de Paris. (B. Guérard, Cartulaire
de Notre-Dame de Paris, t. 2, p. 441 et t. 4, p. 84-85). Milon de
Corbeil meurt en 1271, inscrit dans les obituaires de Notre-Dame
de Paris, Saint-Magloire, Saint-Victor, l’abbaye d’Yerres, du collège
de Sorbonne dont il est un bienfaiteur (Molinier, Obituaires, t. 1, p. 139,
202, 390, 566, 617, 745). Robert de Sorbon et Geoffroy de Bar sont
ses exécuteurs testamentaires (Guérard, Cartulaire de Notre-Dame de
Paris, t. 2, p. 431).
Nicolas d’Essonne : maître ès arts de l’Université de Paris en 1281
(Chartularium, t. 1, p. 589).
Nicolas de Paris : maître en décret de l’Université de Paris attesté en
1254 et 1263 ; il possède des écoles au clos Bruneau (Chartularium, t. 1,
p. 267 et 429).
Nicolas de Paris : maître ès arts de Paris au XIIIe siècle, auteur de
commentaires de Boèce, Priscien, Aristote (Ch. Lohr, « Medieval
Latin Aristotle Commentaries authors », Traditio, 28 (1972), p. 298-299
et O. Weijers, Le travail intellectuel à la faculté des arts. Textes et maîtres,
n°6).
Nicolas chanoine de Paris : n’est pas dit maître. L’obit de ses parents
Engebert et Engeburge est célébré à Notre-Dame de Paris le 17
novembre, son obit est célébré à Saint-Victor avec la messe-anni-
versaire de ses parents le 18 juin (Molinier, Obituaires, t. 1, p 201 et
565).
Philippe de Brétigny : maître, chanoine de Paris de 1267 à 1276,
meurt après 1276, son obit est célébré le 13 janvier à Notre-Dame
de Paris (Molinier, Obituaires, t. 1, p. 97).
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 283

Philippe le Chancelier : parisien puisque ls illégitime de l’archidia-


cre de Paris Philippe (il obtient du pape une dispense le 15 février
1217). Reçu à la licence en théologie vers 1206-1207, il est maître
en théologie à l’Université de Paris, archidiacre de Noyon, chancelier
de l’Eglise de Paris entre 1218 et 1236. Son obit est célébré le 23
décembre à Notre-Dame de Paris (Glorieux, Répertoire des maîtres en
théologie, p. 282-284).
Philippe de Grève : ls de Philippe de Grève bourgeois de Paris dont
l’obit est célébré à Saint-Martin des Champs et à Notre-Dame de
Paris le 14 mai (Molinier, Obituaires, t. 1, p. 129). Le maître parisien
Philippe de Grève est chanoine de Paris à partir des années 1180,
puis doyen de Sens jusqu’à sa mort vers 1220.
Philippe de Thoiry : maître en théologie de Paris de 1281 à 1286, cha-
noine puis chancelier de l’Eglise de Paris de 1280 à 1284 (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 392).
Pierre Charlot : ls bâtard de Philippe Auguste, fréquente l’Université
de Paris entre 1232 et 1240 ; il est alors trésorier de Tours et devient
évêque de Noyon en 1240 (Les registres de Grégoire IX, n°965, 982).
Pierre de Corbeil : parent de Michel de Corbeil, son prédécesseur à
l’archevêché de Sens car ils ont les mêmes armoiries (W. Newman, Les
seigneurs de Nesle, p. 144). Présent dans les écoles de Paris dès les années
1180, maître en théologie entre 1198 et 1210 au moins, archevêque
de Sens à partir de 1210, meurt le 1er juin 1222 (Chartularium, t. 1,
p. 12 et 70). Il est inscrit dans cinq obituaires : à Notre-Dame de
Sens, à l’abbaye de Sainte-Colombe, à l’abbaye Saint-Pierre le Vif,
à l’abbaye du Jard, à Notre-Dame de Paris (Molinier, Obituaires, t. 1,
p. 8, 17, 25, 43, 133, 976).
Pierre de Roissy : maître en théologie, chancelier de Chartres, mort
en 1205 (De Lépinois et Merlet, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres,
t. 3, p. 171-172).
Pierre de Saint-Cloud : disciple d’Amaury de Bène condamné en 1210
(Chartularium, t. 1, p. 70-71). Présenté comme moine de Saint-Denis,
prêtre et étudiant en théologie (Césaire de Heisterbach, Dialogus Mira-
culorum, cap. 22, éd. J. Strange, Cologne, 1851, I, p. 304-307).
Pierre de Saint-Denis : maître en théologie vers 1300, encore à Paris
en 1317, auteur de sermons (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 448 ; Schneyer, t. 4, p. 802).
Pierre de Villepreux : maître de l’Université de Paris, chapelain de
l’évêque de Paris Etienne Tempier en 1270, doyen de Saint-Marcel
de 1270 à 1285 (Guérard, Cartulaire de Notre-Dame de Paris, t. I, p. 179
284 nathalie gorochov

et 198 ; t. III, p. 323). Proviseur de la Sorbonne cité de 1289 à 1302


(Glorieux, Aux origines, t. 1, p. 324).
Renaud Mignon de Corbeil : maître, archidiacre de Reims, évêque de
Paris de 1250 à 1268. Inscrit dans quinze obituaires dont celui de
Notre-Dame de Paris qui le présente comme « oriundus de Corbolio ».
A la collégiale Saint-Spire de Corbeil est aussi célébré l’obit de sa
mère Alice morte en 1261 ; il a un frère, Philippe, chanoine de Paris,
ainsi qu’un neveu Eudes aussi chanoine de Paris (Molinier, Obituaires,
t. 1, p. 134, 158, 336, 347, 369, 390, 408, 415, 441, 502, 548, 563,
617, 644, 701, 825).
Robert de Paris : maître ès arts parisien au milieu du XIIIe siècle (Ch.
Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries authors », Traditio,
29 (1973), p. 114).
Simon de Montlhéry : licencié en décret en 1280 (C.-V. Langlois,
« Promotion de licenciés en décret à l’Université de Paris en avril-
mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e série, an. 4
(1925), p. 295-296). Il est plus tard chanoine de Chartres et prévôt
d’Auvers et achète des messes-anniversaires à Saint-Victor de Paris
et à Chartres (Molinier, Obituaires, p. 588 et De Lépinois et Merlet,
t. 3, p. 183-185). Il meurt en 1292.
Simon dit de Paris : maître ès arts et décretiste parisien attesté de 1264
à 1276 : en 1264 il est curé d’Escremeville dans le diocèse de Bayeux
(Registres d’Urbain IV, n°2741). Entre 1272 et 1276 maître Simon de
Paris, archidiacre de Vendôme dans l’église de Chartres, est chancelier
du roi de Sicile (Registres de Grégoire X, n°853).
Thomas d’Argenteuil : maître parisien en 1235 (Glorieux, Aux origines,
t. 2 : le cartulaire, p. 59).

Annexe 281
Liste et origine géographique des maîtres et étudiants présents
à l’Université de Paris en 1210

Maître A : maître en décret entre 1205 et 1211 (A. Lefebvre-Teillard,


«Magister A. Sur l’école de droit canonique parisienne au début

81
De même que dans l’annexe 1 et l’annexe 3, les notices non exhaustives précisent
seulement l’origine géographique du clerc lorsqu’elle est connue ainsi que quelques
éléments de son cursus.
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 285

du XIIIe siècle », Revue d’histoire du droit, 80 (4), oct.-déc. 2002,


p. 401-417).
Adam de Courlandon : chanoine de Paris, doyen de Laon, auteur de
commentaires bibliques, qui a probablement enseigné la théologie à
Paris comme maître ou comme bachelier dans le premier quart du
XIIIe siècle. (Stegmuller, Repertorium biblicum, t. 1, p. 9-10).
Adam de Pulchre Mulieris : d’origine géographique inconnue, maître
en théologie vers 1209-1210 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 288).
Alain de Beecles : anglais, maître dès 1201, enseigne probablement
à Paris jusqu’en 1229, date à laquelle il repart pour l’Angleterre
(Emden, p. 161).
Alexandre de Halès : anglais, maître ès arts à Paris à partir de 1209-
1210. (Emden, p. 2180).
Aubry Cornut : originaire du Chartrain, étudie successivement les arts,
les deux droits puis la théologie à Paris selon sa notice nécrologique
dans l’obituaire de Chartres. Devient plus tard évêque de Chartres
(1236-1243). Il fut donc étudiant à Paris dans le premier quart du
XIIIe siècle (De Lépinois et Merlet, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres,
Chartres, tome 3, p. 197).
Barthélémy, chancelier ou chanoine de Chartres : enseigne le droit à
Paris (A. Lefebvre-Teillard, « Magister A. Sur l’école de droit cano-
nique parisienne au début du XIIIe siècle », Revue d’histoire du droit,
80 (4), oct.-déc. 2002, p. 401-417).
Boniface Clutinc de Bruxelles : né vers 1182/83 sans doute à
Bruxelles, étudie et enseigne à Paris entre 1200 et 1215. En 1216, il
est doyen de Sainte-Gudule de Bruxelles, puis écolâtre de Cologne,
enn évêque de Lausanne en 1231 (Helvetia Sacra, vol. 4, p. 119).
Edmond d’Abingdon : anglais, il étudie la théologie à Paris, est peut-être
déjà bachelier (Emden, p. 6-7).
Emo le Prémontré : anglais, encore présent à Paris en 1210 pour étu-
dier les arts et le décret, il repart en Angleterre vers 1210 et devient
chanoine prémontré (Emden p. 641).
Etienne prêtre de Corbeil : étudiant d’Amaury de Bène condamné
en 1210. Voir sa notice en annexe 1
Etienne prêtre de la Celle : étudiant d’Amaury de Bène, condamné
en 1210. Voir sa notice en annexe 1.
Etienne Bérout : parisien, est déjà maître ès arts en 1209 quand son
père Etienne Bérout, bourgeois de Paris, fonde par testament le
collège de Saint-Honoré. Voir sa notice en annexe 1.
286 nathalie gorochov

Etienne Langton : maître anglais, à Paris pendant l’Interdit (R. Cheney,


« King John and the Papal Interdict », The Papacy and England 12th-
14th, Londres, 1982, p. 295-317, en part. p. 310 et s).
Etienne de Lexington : anglais, étudie à Paris entre 1200 et 1220
environ où il est notamment l’élève d’Edmond d’Abingdon. Il devient
moine cistercien en 1221 en Angleterre (Emden, p. 1140-1141).
Eudes de Chateauroux : originaire du Berry, il est probablement
étudiant en arts à Paris vers 1210, y commence ses études en théo-
logie vers 1215 et accède au titre de maître en théologie dès 1229,
date à laquelle il prononce un sermon bien connu (A. Callebaut,
« Le sermon historique d’Eudes de Châteauroux à Paris, le 18 mars
1229 », Archivum Franciscanum Historicum, 28 (1935), p. 81-114. Sur sa
carrière surtout à partir de 1229, voir notamment A. Charansonnet,
« Du Berry an Curie : la carrière du cardinal Eudes de Châteauroux
(1190 ?-1273) et son reet dans sa prédication », Revue d’histoire de
l’Eglise de France, 2000, p. 5-37).
Eudes de Cheriton : anglais, étudiant en arts puis en théologie à Paris
entre 1200 et 1220 au moins (Albert C. Friend, « Master Odo of
Cheriton », Speculum, 1948, p. 641-658).
Garin : prêtre de Corbeil, condamné en 1210 (Chartularium, t. 1,
p. 70-71).
Gautier Cornut : frère d’Aubry Cornut, aussi originaire du Chartrain,
a enseigné à Paris dans le premier quart du XIIIe siècle, d’après
Jean de Garlande qui le cite parmi les professeurs fameux de Paris
(E. Clerval, Les écoles de Chartres du V e au XVI e siècle, Chartres, 1895,
p. 325).
Gautier de Marvis : originaire de Tournai, maître ès arts avant 1205
mais encore à Paris en 1210 ( J. Pycke, Répertoire biographique des chanoines
de Tournai 1080-1300, Louvain, 1988, p. 138-139).
Geoffroy de Poitiers : élève d’Etienne Langton à Paris avant 1206,
il est encore attesté comme maître en théologie en 1231 (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 298).
Gilles de Corbeil, maître en médecine à Paris dans le premier quart
du XIIIe siècle Voir sa notice en annexe 1.
Maître Girard : maître en décret entre 1205 et 1211 (A. Lefebvre-
Teillard, « Magister A. Sur l’école de droit canonique parisienne au
début du XIIIe siècle », Revue d’histoire du droit, 80 (4), oct .-déc. 2002,
p. 401-417).
Gui d’Orchelles : picard, il est en 1210 un jeune maître ès arts qui
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 287

commence des études en théologie, puisque il accède au titre de


maître en théologie entre 1220 et 1223 (Glorieux, Répertoire des maîtres
en théologie, p. 285).
Guiard de Laon : picard, étudiant en théologie à Paris, licencié vers
1210 (P. Boeren, Les œuvres et la vie de Guiard de Laon 1170 env.-1248,
La Haye, 1956, à la p. 16).
Guillaume de Poitiers : cité parmi les partisans d’Amaury de Bène
dans le décret de 1210, il est maître ès arts et étudiant en théologie
en 1210 (Chartularium, t. 1, p. 70-71).
Henri de Reresby : anglais étudiant à Paris entre 1210 et 1229, il prend
l’habit franciscain et repart en 1229. (Emden, p. 1567).
Jean ( John) Blund : anglais, il a étudié les arts à Paris et il est peut-
être reparti à Oxford après sa maîtrise ès arts. Plus tard, il étudie la
théologie à Paris, entre 1208 et 1220, enseigne la théologie à Paris
jusqu’en 1229 (Emden, p. 206).
Jean de Barastre : anglais, maître en théologie entre 1200 et 1220 au
moins. (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 274).
Jean de Candelis devient chancelier de Paris début 1210 alors qu’il est
déjà maître et chanoine de Noyon en 1206, reste chancelier jusqu’en
1214 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 270).
Jean Halgrin d’Abbeville : originaire de Picardie, étudiant puis maître
en théologie entre 1200 et 1216 au moins. (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, p. 272-273).
Jean de Saint-Gilles : anglais, étudie la théologie à Paris à partir de
1209 après avoir enseigné la médecine à Montpellier, il devient
maître en théologie avant 1228 puis entre chez les Frères Prêcheurs
(Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, t. 2, p. 52-53).
Nicolas de Farnham : anglais. Il a pendant plusieurs années enseigné à
la faculté des arts de Paris (dès 1202 il rencontre Simon de Tournai
à Paris) puis il a étudié la théologie. Il quitte Paris en 1229 (selon
Emden, p. 669, il aurait fait deux séjours parisiens entre 1202 et
1229 car il aurait aussi enseigné la médecine à Bologne).
Nicolas de Flavigny : en 1210, il est probablement étudiant à Paris
puisqu’il est maître en théologie avant 1227 (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, p. 287).
Nicolaus Haudri de Chartres : né à Chartres, il se trouve à Paris vers
1210 et peut-être même avant pour étudier et enseigner les arts, puis
il étudie la médecine plusieurs années à Montpellier, enseigne le droit
canon à Bologne, puis revient à Paris pour y étudier la théologie. Il
288 nathalie gorochov

meurt en 1247. Tout ceci est rapporté dans sa notice nécrologique


(De Lépinois et Merlet, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, tome 3,
p. 179).
Maître P : enseigne le décret entre 1205 et 1210 (A. Lefebvre-Teillard,
« Petrus Brito legit . . . Sur quelques aspects de l’enseignement du droit
canonique à Paris au début du XIIIe siècle », Revue d’histoire du droit,
79 (2), avr.-juin 2001, p. 153-177).
Maître Petrus Brito : enseigne le décret entre 1205 et 1218 (A.
Lefebvre-Teillard, « Petrus Brito legit . . . Sur quelques aspects de
l’enseignement du droit canonique à Paris au début du XIIIe siècle »,
Revue d’histoire du droit, 79 (2), avr.-juin 2001, p. 153-177).
Philippe le Chancelier : parisien puisque ls illégitime de l’archidiacre
de Paris Philippe. Obtient la licence en théologie vers 1206-1207
et il est chancelier de l’Eglise de Paris entre 1218 et 1236. Voir sa
notice en annexe 1.
Pierre de Capoue : italien, maître en théologie entre 1201 et 1219,
date à laquelle il est promu cardinal (Glorieux, Répertoire des maîtres
en théologie, p. 265-266).
Pierre Petit : maître en théologie dès 1209, chanoine de Bourges,
devient chancelier de Paris en 1244; il meurt en 1246 (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 312).
Pierre Peverel : d’origine géographique inconnue, maître en décret
entre 1209 et 1214 (Ch. Coppens, « The Teaching of Law in the
University of Paris in the First Quarter of the XIIIth Century »,
Rivista internazionale del diritto comune, 10, 1999, p. 139-173).
Pierre de Saint-Cloud : originaire du diocèse de Paris, étudiant amau-
ricien en 1210. Voir sa notice en annexe 1.
Prévotin, originaire de Crémone, est maître en théologie et chancelier
de l’Eglise de Paris entre 1206 et 1210 (G. Lacombe, Prepositini can-
cellarii Parisiensis (1206-1210). Opera Omnia. Tome 1 : La vie et les œuvres,
Paris, 1927, p. 46).
Raoul Ardent : né près de Bressuire, enseigne la théologie (Baldwin,
« Masters at Paris 1179-1215 »).
Richard le Grant : anglais, maître en théologie entre 1200 et 1218
(Emden, p. 2188).
Richard Poore : anglais, à Paris pendant l’Interdit de 1208 à 1214
(R. Cheney, « King John and the Papal Interdict », The Papacy and England
12th-14th, Londres, 1982, p. 295-317, en part. p. 310 et s).
Robert d’Abingdon : anglais, frère d’Edmond, selon toute probabilité
l’accompagne à Paris comme étudiant dans le premier quart du
XIIIe siècle (Emden, p. 8).
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 289

Robert Bacon : anglais, il étudie la théologie auprès de maître Jean


d’Abbeville à partir de 1208-1209 environ (Emden, p. 87).
Robert de Courson : son origine géographique est controversée. Maî-
tre en théologie alors chanoine de Paris, devient cardinal en 1212
(Emden, p. 498-499).
Roger (Parvus) de Salisbury : anglais, étudiant en théologie à Paris
entre 1200 (il entend Simon de Tournai) et 1223, date à laquelle il
enseigne la théologie à Salisbury (Emden, p. 1632).
Simon Langton : anglais, frère d’Etienne, maître ès arts, théologien,
chanoine de Paris à partir de 1206. Se trouve à Paris pendant l’In-
terdit comme son frère Etienne ( J. C. Russell, Dictionary of Writers of
Thirteenth Century England, p. 152-154).
Thomas : étudiant d’Amaury de Bène, condamné en 1210 (Chartularium,
t. 1, p. 70-71).
Ulricus prêtre de Lauriaco : condamné en 1210 (Chartularium, t. 1,
p. 70-71).

Annexe 3
Liste et origine géographique des maîtres et étudiants présents
à l’Université de Paris en 128082

Adénulfe d’Anagni : italien, maître en théologie de 1272 environ à


1285 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 376).
Albert : peut-être picard (prieur de Montdidier), clunisien, maître en
théologie entre 1270 et 1282 au moins (Glorieux, Répertoire des maîtres
en théologie, tome 2, p. 269).
Alexandre de Reims : champenois, licencié en décret à Paris en 1280
(C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Université de
Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e
série, année 4, 1925, p. 295-296).
Amand de Saint-Quentin : sans doute originaire de Saint-Quentin, il
est étudiant au couvent Saint-Jacques entre 1273 et 1282 (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 175).
Anselme de Boissy : peut-être originaire du diocèse de Paris, maître en
théologie, chanoine de Paris, meurt vers 1280 (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, p. 369).

82
Voir note précédente.
290 nathalie gorochov

Arnulphe le Bescochier : picard, maître en théologie à partir de


1273, il l’est encore en 1283 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 384-385).
Bernard de Trilia : originaire de Nîmes, dominicain, étudiant puis
bachelier en théologie à Paris à partir de 1280 environ (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 155-157).
Berthaud de Saint-Denis : né à Saint-Denis, chanoine puis chancelier
de Paris, maître régent en théologie de 1278 à 1295. Voir sa notice
en annexe 1.
Dreux de Provins : champenois, franciscain, bachelier (1272-1276) puis
maître en théologie de 1276 à 1282 (Glorieux, Répertoire des maîtres en
théologie, tome 2, p. 110-111).
Etienne de Fermont du Mont-Saint-Eloi : d’origine géographique
inconnue, laisse peut-être sa chaire à son élève Gervais en 1279
(Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, tome 2, p. 285).
Etienne de Lorris : peut-être originaire de Lorris-en-Gâtinais, licen-
cié en décret en 1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en
décrets à l’Université de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du
droit français et étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Eudes de Saint-Denis : originaire de Saint-Denis, maître en théologie
de 1250 à 1284 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 339).
Voir sa notice en annexe 1.
Eudes Theutonique : peut-être d’origine allemande, licencié en décret
en 1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Uni-
versité de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et
étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Eustache de Grandcourt : normand du diocèse de Rouen, étudiant
en théologie, maître après 1290 (Glorieux, Répertoire des maîtres en
théologie, p. 406).
Geoffroy de Bar : champenois, chanoine de Paris (1267), maître en
théologie à partir de 1274, promu cardinal en 1281 (Glorieux, Réper-
toire des maîtres en théologie, p. 375).
Gerard de Bruine : originaire de Reims, maître en théologie à partir
de 1271, chanoine de Paris jusqu’à la n XIIIe siècle (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 373-374).
Gervais de Clinchamp : originaire du diocèse du Mans, licencié en
décret en 1280, chanoine puis archidiacre du Mans, promu cardinal en
1285 (G. Busson et A. Ledru, Nécrologe-obituaire de la cathédrale du Mans,
Le Mans, 1906, p. 246-247 ; C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés
en décrets à l’Université de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire
du droit français et étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 291

Gervais de Mont-Saint-Eloi : vient de l’abbaye du Mont, près d’Arras,


étudie à Paris auprès d’Etienne de Fermont et lui succède comme
maître en théologie vers 1280 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théo-
logie, tome 2, p. 286).
Gilbert Van Eyen (de Ovis) : d’origine amande, il est étudiant en
théologie puis maître au couvent Saint-Jacques (1269-1282) (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, p. 118).
Gilles de Lessines : dominicain, né à Lessines dans le Hainaut,
bachelier à Paris en 1280 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 127-128).
Gilles de Montmirail ou du Val : sans doute originaire de Montmi-
rail, maître en théologie du Val des Ecoliers de 1270 à 1282 environ
(Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, tome 2, p. 279 ; C. Guyon,
Les écoliers du Christ. L’ordre canonial du Val des Ecoliers 1201-1539, Saint-
Etienne, 1998, p. 230).
Grégoire de Bourgogne : bourguignon, maître en théologie du Val-des-
Ecoliers de 1260 à 1282 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
tome 2, p. 278).
Gui de Ravenel : d’origine inconnue, licencié en décret en 1280 (C.-V.
Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Université de Paris
en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e série,
année 4, 1925, p. 295-296).
Guillaume de Falegar : franciscain originaire de Toulouse, maître en
théologie à Paris de 1280 à 1282 (Glorieux, Répertoire des maîtres en
théologie, tome 2, p. 112-114).
Guillaume (William) de Grenefield : anglais, étudie le décret à Paris
entre 1271 et 1280 au moins (Emden, p. 820-821).
Guillaume de Hothun : dominicain anglais, bachelier sententiaire à
Paris (1278-1280) puis maître de 1280 à 1282 (Glorieux, Répertoire
des maîtres en théologie, p. 144-145).
Guillaume de la Mare : franciscain anglais, maître en théologie de
1269 jusqu’à 1280 et même au-delà, à Paris puis à Oxford (Glorieux,
Répertoire des maîtres en théologie, tome 2, p. 99-101).
Guillaume de Moussy-le-Neuf : maître en théologie attesté de 1266 à
1282 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 370).
Guillaume de Rouen : probablement normand, licencié en décret en
1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Université
de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger,
4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Guillaume Seignerii : d’origine géographique inconnue, licencié en
décret en 1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à
292 nathalie gorochov

l’Université de Paris en avril–mai 1280 », Revue d’histoire du droit français


et étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Henri de Gand : amand, maître en théologie de Paris de 1275 à 1292
(Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 387-391).
Hugues de Arnolio : d’origine géographique inconnue, licencié en
décret en 1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à
l’Université de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français
et étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Hugues Aycelin de Billom : dominicain auvergnat, bachelier senten-
tiaire en 1280-1282, régent au couvent Saint-Jacques en 1282-1284
(Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 152-154).
Hugues de Bapaume : picard, maître en décret attesté en 1272, chanoine
d’Arras de 1282 à 1303 ; mais enseigne-t-il encore à Paris en 1280 ?
(Chartularium, t. 1, p. 500 ; R. Berger, « Archidiacres, ofciaux et digni-
taires du chapitre d’Arras 1093-1300 », Bulletin de la Commission des
Monuments historiques du Pas de Calais, t. VIII, 1970, p. 505-541).
Hugues, maître des écoles de Bourges : licencié en décret en 1280
(C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Université de
Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e
série, année 4, 1925, p. 295-296).
Hugues de Parme : italien, maître régent en médecine à Paris de 1274 à
1284 (Chartularium, t. 1, p. 502 et 615 et E. Wickersheimer, Dictionnaire
des médecins, t. 1, p. 307).
Jacques de Liège : maître ès arts vers 1280 à Paris (Glorieux, La faculté
des arts et ses maîtres, p. 194-195).
Jacques de Viterbe : ermite de saint Augustin, italien, il est étudiant à
la faculté des arts entre 1275 et 1282 ; plus tard il devient maître en
théologie et succède à Gilles de Rome en 1293 (Glorieux, Répertoire
des maîtres en théologie, tome 2, p. 309-312).
Jean des Alleux : originaire du diocèse d’Orléans, maître en théo-
logie de 1264 à 1280, chancelier de Paris de 1271 à 1280, prend
l’habit dominicain en 1280 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 141-143).
Jean de Beveren-Waas : dominicain amand qui étudie à Paris en 1279
et 1280 et devient plus tard évêque de Potenza (E. Warlop, The Flemish
Nobility before 1300, Courtrai, 1975, vol. 3, p. 677 à 683).
Jean de Blanot : peut-être originaire du Mâconnais, docteur en décret
parisien attesté en 1272, chanoine de Mâcon de 1278 à 1307. A-t-il
enseigné à Paris après 1272 ? (Chartularium, t. 1, p. 500-501; J. Laurent
et alii, Obituaires de la province de Lyon, vol. II : Mâcon, p. 419-421).
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 293

Jean de Dacie : originaire de Dacie, maître ès arts parisien et chanoine


de Sainte-Geneviève de 1270 à 1297 (Molinier, Obituaires de la province
de Sens, t. 1, p. 511.)
Jean d’Estouteville : peut-être normand, licencié en décret en 1280
(C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Université de
Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e
série, année 4, 1925, p. 295-296).
Jean de Galles (Wales) : franciscain gallois, licencié en théologie vers
1280, prédicateur à Paris entre 1270 et 1283 (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, tome 2, p. 114-119).
Jean le Romeyn : anglais, simple étudiant puis bachelier en théologie
de Paris de 1276 à 1286 (Emden, p. 1134-1135).
Jean des Monts : d’origine géographique inconnue, licencié en décret
en 1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Uni-
versité de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et
étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Jean Quidort de Paris : dominicain du diocèse de Paris, bachelier en
théologie de 1280 à 1284. Voir sa notice en annexe 1.
Jean de Roseto : d’origine géographique inconnue, chanoine de Paris,
maître en médecine de 1272 à 1320 (E. Wickersheimer, Dictionnaire
des médecins, t. 2, p. 474).
Jean de Saint-Amand dit de Pont : amand, maître en médecine de
1261 à 1280. A partir de 1281 il est chanoine de Tournai et quitte
sans doute Paris (E. Wickersheimer, Dictionnaire des médecins, t. 2, p.
476-477 ; J. Pycke, Répertoire biographique des chanoines de Tournai, 1080-
1300, Louvain, 1988, p. 359-361).
Jean du Tour : peut-être d’origine normande, dominicain, maître en
théologie de 1277 à 1282, prieur de Saint-Jacques (Glorieux, Répertoire
des maîtres en théologie, p. 140).
Jean de Vienne : originaire du diocèse de Vienne (comme son oncle
Hugues de Saint-Cher), maître en médecine et chanoine de Paris en
1280 (E. Wickersheimer, Dictionnaire des médecins, t. 2, p. 499 ; Molinier,
Obituaires de la province de Sens, tome 1, p. 113).
Jean de Weerde : cistercien amand, de l’abbaye des Dunes, maître
en théologie à Paris de 1275 à 1292 (Glorieux, Répertoire des maîtres
en théologie, tome 2, p. 255-257).
Jean de Saint-Benoît : d’origine géographique inconnue (peut-être de
Saint-Benoît sur Loire ?), dominicain, bachelier sententiaire en 1280,
il devient maître en 1281 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 146).
294 nathalie gorochov

Laurent de Dreux ou Poulengy : entre 1280 et 1290 étudiant de l’ordre


du Val (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, tome 2, p. 280).
Laurent de Poteria : d’origine géographique inconnue, licencié en
décret en 1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à
l’Université de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français
et étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Nicolas de Dacie : originaire de Dacie, prédicateur à Paris entre 1270
et 1285, chanoine et ofcial de Paris (Molinier, Obituaires de la province
de Sens, t. 1, p. 494 et 500 ; Schneyer, Repertorium der Lateinischen Ser-
mones, t. IV, p. 253).
Nicolas de Gorran : originaire du Mans, théologien dominicain, prêche
à Paris des années 1270 aux années 1290 (Schneyer, Repertorium der
Lateinischen Sermones, t. IV, p. 255-322).
Nicolas de Nonancourt : originaire de Nonancourt, près de Dreux,
il étudie et prêche à Paris en 1280, devient maître en théologie en
1284, puis chancelier de l’Eglise de Paris (Glorieux, Répertoire des
maîtres en théologie, p. 401-402).
Nicolas du Pressoir : peut-être originaire du village du Pressoir, maître
en théologie de 1273 à 1293 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 382-384).
Paul Lombard : peut-être un italien, licencié en décret en 1280 (C.-V.
Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à l’Université de Paris
en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e série,
année 4, 1925, p. 295-296).
Philippe de Milly : sans doute originaire du diocèse de Chartres (Milly-
la-Forêt), il devient sous-doyen de Chartres. Sa notice nécrologique
le présente comme expert en droit, maître en théologie de Paris,
conseiller au Parlement en 1280 (E. Clerval, Les écoles de Chartres du
V e au XVI e siècle, Chartres, 1895, p. 341).
Philippe Souart : peut-être originaire du Maine, licencié en décret à
Paris en 1280, chanoine du Mans (C.-V. Langlois, « Promotion de
licenciés en décrets à l’Université de Paris en avril-mai 1280 », Revue
d’histoire du droit français et étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296 ;
G. Busson et A. Ledru, Nécrologe-obituaire de la cathédrale du Mans, Le
Mans, 1906, p. 126-127).
Philippe de Thoiry : originaire de Thoiry, maître en théologie et chan-
celier de Paris 1280-1284. Voir sa notice en annexe 1.
Pierre d’Aspelt : sans doute originaire d’Aspelt dans le Luxem-
bourg, il est maître en médecine à Paris vers 1280, prévôt de Liège
(E. Wickersheimer, Dictionnaire des médecins, t. 2, p. 613).
l’université recrute-t-elle dans la ville ? 295

Pierre du Cros d’Auvergne : maître ès arts de 1275 à 1295 environ


puis maître en théologie de Paris (Glorieux, Répertoire des maîtres en
théologie, p. 412-417).
Pierre de Falco : franciscain, maître régent en théologie à Paris entre
1279 et 1281.
Pierre de Joigny : du diocèse d’Auxerre, maître en théologie et cha-
noine de Paris de 1270 à 1282 (Glorieux, Répertoire des maîtres en
théologie, p. 371).
Pierre de Limoges : maître ès arts dès 1262, puis doyen de la faculté
de médecine de 1267 à 1280, puis maître en théologie en 1280
(Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 364-366).
Raimond Guilha : dominicain originaire de Provence, est à Paris pour
préparer et obtenir sa licence en théologie, entre 1276 et 1286 (Glo-
rieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 160).
Raimond Rigault : franciscain, probablement originaire d’Aquitaine,
il est bachelier à partir de 1280 environ puis maître vers 1287 (Glo-
rieux, Répertoire des maîtres en théologie, tome 2, p. 124).
Ranulphe de la Houblonnière : originaire d’un petit village normand
près de Lisieux, il est chanoine de Paris et maître régent en théologie
de 1272 à 1280, date à laquelle il est promu évêque de Paris (Glo-
rieux, Répertoire des maîtres en théologie, p. 379 ; N. Bériou, La prédication
de Ranulphe de la Houblonnière, Paris, 1987).
Raoul Aoustin Barbitonsor : d’origine géographique inconnue, étu-
diant à Paris entre 1275 et 1285 (Chartularium, t. 1, p. 530 et 628).
Richard de Mediavilla : franciscain, peut-être anglais, se trouve pro-
bablement à Paris en 1280 comme bachelier sententiaire, car il est
reçu à la licence en théologie en 1284 (Glorieux, Répertoire des maîtres
en théologie, p. 120-121).
Robert de Winchelsey : anglais, maître ès arts à Paris vers 1280
(Emden, p. 2058-2059).
Roger Marston : franciscain anglais qui étudie à Paris entre 1270 et
1282 (Emden, p. 1230-1231).
Simon de Lens : probablement originaire de Lens, ce franciscain est
bachelier en 1280, maître en théologie en 1281 jusqu’en 1294 (Glo-
rieux, Répertoire des maîtres en théologie, tome 2, p. 141).
Simon de Montlhéry : licencié en décret en 1280 (C.-V. Langlois,
« Promotion de licenciés en décrets à l’Université de Paris en avril-
mai 1280 », Revue d’histoire du droit français et étranger, 4e série, année 4,
1925, p. 295-296). Voir sa notice en annexe 1.
296 nathalie gorochov

Thomas de Cobham : anglais, maître ès arts de Paris en 1280, se


retrouve plus tard, en 1291, maître en décret d’Oxford (Emden,
p. 450-455).
Thierry de Freiberg : sans doute originaire de Fribourg, dominicain,
il est étudiant en théologie à Paris à partir de 1276, maître régent en
théologie à partir de 1296 (Glorieux, Répertoire des maîtres en théologie,
p. 162-165).
Thomas de Corbrigge : anglais, chanoine d’York, docteur en théo-
logie, probablement étudiant à Paris dans les années 1270-1280 et
boursier du collège de Sorbonne, devient archevêque d’York en 1300
(Emden, p. 485).
Thomas de Fulcheriis : d’origine géographique inconnue, licencié en
décret en 1280 (C.-V. Langlois, « Promotion de licenciés en décrets à
l’Université de Paris en avril-mai 1280 », Revue d’histoire du droit français
et étranger, 4e série, année 4, 1925, p. 295-296).
Thomas de Jorz (York) : dominicain anglais à Paris en 1280 (Emden,
p. 1023).
DIE STELLUNG DER STADT WIEN ZUR
UNIVERSITÄT IM 14. JAHRHUNDERT

Karl Ubl

Die Gründung der Universität Wien durch Rudolf IV. im Jahr 1365 ist
zum großen Teil gescheitert.1 Da der Herzog wenige Monate nach der
Ausstellung des Gründungsprivilegs starb, wurden die meisten Bestim-
mungen der Urkunde nicht verwirklicht. Das übertrieben anspruchsvolle
Projekt, der Universität ein eigenes Stadtviertel zu widmen, ist nicht
in Angriff genommen worden. Es kam weder zu einer ausreichenden
nanziellen Dotation, noch wurden der Universität eigene Gebäude zur
Verfügung gestellt. In den folgenden Jahren verschmolz die Universität
folglich mit der Vorgängerinstitution, der Wiener Stephansschule. Das
von Rudolf vorgesehene Studium der Theologie wurde von Papst Urban
V. nicht genehmigt, da in Wien keine Theologieprofessoren verfügbar
waren, die die erforderliche Doktorpromotion an einer anerkannten
Universität absolviert hatten. Der Unterricht in römischem Recht und
Medizin ist wegen Mangel an Angebot und Nachfrage nicht aufgenom-
men worden. Lediglich das Studium des Kirchenrechts wurde über das
artistische Lehrangebot der Stephansschule hinaus seit 1366 durch einen
Dozenten angeboten. Finanziert wurde dieser Dozent vorübergehend
durch die niederösterreichische Pfarre von Laa an der Thaya. Die
Widmung dieser Pfarre wurde als einzige nachweisbare Dotation der
Universität noch von Rudolf IV. in die Wege geleitet.2 Akademische
Grade konnten jedoch in der kirchenrechtlichen Fakultät nicht erworben
werden, da ein prüfungsberechtigtes Doktorenkollegium fehlte. Selbst in

1
Zur Geschichte der Universität Wien: Kink R., Geschichte der kaiserlichen Universität zu
Wien (Wien: 1854); Aschbach J., Geschichte der Wiener Universität im ersten Jahrhunderte ihres
Bestehens (Wien: 1865); Schrauf K., Studien zur Geschichte der Wiener Universität im Mittelalter
(Wien: 1904); Schrauf K., „Die Universität“, Geschichte der Stadt Wien (Wien: 1905) II/2
961-1017; Rexroth F., Deutsche Universitätsstiftungen von Prag bis Köln. Die Intentionen des Stifters
und die Wege und Chancen ihrer Verwirklichung im spätmittelalterlichen deutschen Territorialstaat
(Beihefte zum Archiv für Kulturgeschichte 34, Köln/Weimar/Wien: 1992) 108-146;
Uiblein P., Die Universität Wien im Mittelalter. Beiträge und Forschungen (Schriftenreihe des
Universitätsarchivs 11, Wien: 1999).
2
Uiblein P., „Zur ersten Dotation der Universität Wien“, Jahrbuch des Stiftes Kloster-
neuburg NF 16 (1997) 353-367, jetzt in Uiblein (1999) 101-120.
298 karl ubl

der Fakultät der Artisten scheint es nur ausnahmsweise zur Verleihung


des Magistergrades gekommen zu sein. Das Baccalaureat in den Artes
wurde dagegen nachweislich mehrfach erworben.3
Die primäre Ursache für das Scheitern der Universitätsgründung war
der Tod Rudolfs IV. Rudolf hatte gegen den ausdrücklichen Willen sei-
nes Vaters eine Senioratsherrschaft über seine jüngeren Brüder Albrecht
III. und Leopold III. durchgesetzt.4 Nach seinem Tod wandten sie sich
von der Politik Rudolfs ab. Am deutlichsten wurde diese Wende in der
Außenpolitik vollzogen. Albrecht III. ließ sich von Kaiser Karl IV. auf
seine Seite ziehen und heiratete im März 1366 seine Tochter Elisabeth
von Böhmen. Ebenso fühlten sich Albrecht und Leopold nicht mehr an
das Projekt der Errichtung der Wiener Universität gebunden, obwohl sie
das Gründungsprivileg nolens volens unterzeichnet hatten. Dieses Projekt
war nämlich Ausdruck von Rudolfs Rivalität zu seinem Schwiegervater
Karl IV., der wenige Jahre zuvor in Prag die erste Universität auf dem
Boden des Reichs nördlich der Alpen errichtet hatte.5 Angesichts der
außenpolitischen Wende hielt man es in Wien möglicherweise nicht
für opportun, die Konkurrenz zwischen den Universitäten von Wien
und Prag in den Vordergrund zu stellen. Bis zur Reform im Jahr 1384
ist keine Unterstützung der Universität von Seiten der Landesfürsten
nachweisbar. Auch die geistlichen und weltlichen Räte, die noch aus
der Ära Rudolfs stammten und die Kontinuität der Herrschaft sicher-
stellten, haben offensichtlich nicht in diese Richtung gewirkt. Weder der
Kanzler und Bischof von Brixen Johann Ribi noch die weltlichen Räte
Leutold von Stadeck, Ulrich von Schaunberg und Albero von Puchheim
machten sich für eine Förderung der Universität stark. Zunächst war
es vordringlich, das nanzpolitische Chaos, das Rudolf IV. hinterlassen
hatte, zu bewältigen und die Erwerbung Tirols abzusichern. Als die

3
Schrauf (1904) 51.
4
Lackner Ch., Hof und Herrschaft. Rat, Kanzlei und Regierung der österreichischen Herzoge
(1365-1406) (Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, Erg.-
Bd. 41, Wien/München: 2002) 17.
5
Zur Konkurrenz mit Prag: Feuchtmüller R., „Die ‚Imitatio’ Karls IV. in den Stif-
tungen der Habsburger“, Kaiser Karl IV. Staatsmann und Mäzen, ed. F. Seibt (München
1978) 378-386; Berger H., „Albertus de Saxonia († 1390), Conradus de Waldhausen
(† 1369) und Ganderus recte Sanderus de Meppen († 1401/06). Eine Begegnung in
Prag im Jahr 1364“, Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung 106 (1998)
31-50; Sauter A., Fürstliche Herrschaftsrepräsentation. Die Habsburger im 14. Jahrhundert
(Mittelalter-Forschungen 12, Stuttgart: 2003) 232-237. Zur außenpolitischen Wende:
Niederstätter A., Die Herrschaft Österreich. Fürst und Land im Spätmittelalter (Österreichische
Geschichte 1278-1411, Wien: 2001) 172-3; Lackner (2002) 26.
die stellung der stadt wien zur universität 299

nanzielle Notlage Anfang der siebziger Jahre beseitigt war, gönnten


sich die Brüder eine kostspielige Fahrt nach Preußen, um bei dieser
gesamteuropäischen „Attraktion“ ihre Ritterlichkeit unter Beweis zu
stellen.6 Die folgenden Jahre waren von Konikten zwischen Albrecht
und Leopold geprägt. Albrecht reklamierte zunächst eine Seniorats-
herrschaft für sich und drängte den jüngeren Bruder in die Verwaltung
der „Oberen Lande“ ab.7 1379 musste Albrecht in den Verträgen von
Neuberg nachgeben und willigte in eine endgültige Länderteilung ein.
Albrecht III. erhielt Österreich, Leopold III. den Rest, inklusive einer
einmaligen Entschädigung von 100.000 Gulden. Aber auch nach dieser
innerdynastischen Klärung wandte sich Albrecht noch nicht der Uni-
versität zu, sondern bemühte sich, die reichsfreie Herrschaft der Grafen
von Schaunberg in Oberösterreich niederzuringen. Nachdem ihm dies
gelungen war, begann er auf Drängen seines Kanzlers Berthold von
Wehingen, Propst von St. Stephan und Kanzler der Universität, mit
der Reform der Hohen Schule. Zu Beginn des Jahres 1384 beantragte
er erfolgreich die päpstliche Genehmigung einer theologischen Fakultät
und im September desselben Jahres erließ er ein neues Privileg, das die
Gründungsurkunde Rudolfs IV. ersetzte.8
In den knapp zwanzig Jahren zwischen Gründung und Reform lässt
sich also keine Mitwirkung der Landesfürsten am Aufbau der Universität
nachweisen. Der Stadt Wien wird von den Historikern eine ähnlich
passive Haltung bescheinigt. Bereits Rudolf Kink deutete in seiner Dar-
stellung der Universitätsgeschichte aus dem Jahr 1854 darauf hin, dass
die Stadt mit dem Inhalt der Gründungsurkunde von 1365 keineswegs
einverstanden war.9 Neben der Widmung eines ganzen Stadtviertels im
Nordwesten der Stadt begünstigten nämlich auch weitere Bestimmungen

6
Paravicini W., Die Preußenreisen des europäischen Adels (Beihefte der Francia 17, Sig-
maringen: 1989-1995) I 148, II 32.
7
Lackner (2002) 17-26.
8
Zur albertinischen Reform: Strnad A. A., „Kanzler und Kirchenfürst. Streiichter
zu einem Lebensbilde Bertholds von Wehingen“, Jahrbuch des Stiftes Klosterneuburg NF 3
(1963) 79-107; Uiblein (1997); Lackner Ch., „Diplomatische Bemerkungen zum Privileg
Herzog Albrechts III. für die Universität Wien vom Jahre 1384“, Mitteilungen des Instituts
für Österreichische Geschichtsforschung 105 (1997) 114-129; Wagner W. E., Universitätsstift
und Kollegium in Prag, Wien und Heidelberg. Eine vergleichende Untersuchung spätmittelalterlicher
Stiftungen im Spannungsfeld von Herrschaft und Genossenschaft (Europa im Mittelalter 2, Berlin:
1999) 106-124.
9
Kink (1854) 12; Aschbach (1865) 21; Schrauf (1905) 969 ; Lhotsky A., Die Wiener
Artistenfakultät, 1365-1497 (Österreichische Akademie der Wissenschaften, phil.-hist.
Klasse 247/2, Wien: 1965) 36.
300 karl ubl

des Privilegs die Mitglieder der Universität gegenüber den Bürgern.10


Meldete beispielsweise ein Magister oder ein Student Bedarf an,
konnten Mieter innerhalb des ‚Universitätscampus‘ zur Räumung der
Wohnung gezwungen werden. Wie in Paris und Oxford üblich11 wurde
die Höhe der Miete innerhalb des ‚Campus‘ durch ein Gremium von
zwei Bürgern und zwei Studenten festgesetzt, wobei jedoch in Wien
bei Uneinigkeit der Rektor zu einer Entscheidung befugt war. Die
Mitglieder der Universität wurden wie andernorts auch von Steuern
und von der städtischen Gerichtsbarkeit befreit. Darüber hinaus sah das
Gründungsprivileg schwere Strafen für Totschlag und für verschiedene
Arten von Körperverletzungen vor. Selbst die unterlassene Hilfeleistung
bei einem tätlichen Angriff auf einen Scholar musste mit 10 Mark Sil-
ber oder zwei Tagen Kerkerhaft gebüßt werden. Im Vergleich zu den
Stadtrechten waren die Geldbußen unverhältnismäßig hoch und wurden
deshalb trotz ihrer Bestätigung durch Albrecht III. nicht in die Tat
umgesetzt.12 Im Fall einer Verzögerung von Anklagen der Universität
durch die städtische Gerichtsbarkeit konnte die Beihilfe des Herzogs
oder des Landmarschalls eingefordert werden. Des Weiteren wurden
Asyl und Immunität bei einem Verbrechen an Studenten aufgehoben,
um eine reibungslose polizeiliche Verfolgung zu ermöglichen.
Angesichts dieser weitreichenden Privilegien verwundert es nicht, dass
noch im Jahr 1365 das Gründungsprivileg für zwei Jahre eingezogen
wurde. Am 19. November stellte der Landmarschall Leutold von Sta-
deck eine Urkunde aus, welche die Übereinkunft zwischen ihm, den
Landherren, der Stadt und der Universität über die Suspendierung des
Gründungsprivilegs besiegelte.13 Gemeinsam mit dem Gründungsprivi-
leg sollte auch die Unterstützungserklärung14 für die Universität vom

10
Edition in: Die Rechtsquellen der Stadt Wien, ed. P. Csendes (Fontes rerum Austriacarum
III/9, Wien/Köln/Graz: 1986) 141-173; zur Interpretation: Rexroth (1992) 116-127.
Anklänge an das Gründungsprivileg von Krakau notiert Schrauf (1905) 966.
11
Schrauf (1905) 966 Anm. 2; Kibre P., Scholarly Privileges in the Middle Ages. The
Rights, Privileges, and Immunities, of Scholars and Universities at Bologna, Padua, Paris, and Oxford
(London: 1961) 90 und 270.
12
Kink (1854) I/1 25 Anm. 31 mit dem Hinweis auf Rechtsquellen (1986) 66-7.
Zur unterlassenen Hilfeleistung: Planitz H., „Studien zur Geschichte des deutschen
Arrestprozesses. Der Fremdenarrest“, Zeitschrift für Rechtsgeschichte, Germanistische Abteilung
39 (1918) 223-308, hier 295. Zur Körperverletzung: His R., Das Strafrecht des deutschen
Mittelalters, 2: Die einzelnen Verbrechen (Weimar: 1935) 95-103; Frenz B., Frieden, Rechtsbruch
und Sanktion in deutschen Städten vor 1300. Mit einer tabellarischen Quellenübersicht nach Delikten
und Deliktgruppen (Köln/Weimar/Wien: 2003) 373-435.
13
Edition: Kink (1854) I/2 4-5.
14
Edition: Rechtsquellen (1986) 173-5.
die stellung der stadt wien zur universität 301

12. April aufgehoben werden, die von der Stadt auf Drängen Rudolfs
IV. ausgefertigt worden war. Der Bürgermeister von Wien bestätigte
diese Übereinkunft mit Leutold von Stadeck am 20. Dezember 1365
in einer eigenen Urkunde.15 Leutold von Stadeck war schon unter
Rudolf Landmarschall von Österreich und bekleidete dieses Amt bis
zu seinem Tod 1367.16 Von 1365 bis 1367 zählte er zu den wichtigsten
Räten am Hof Albrechts III. Er wird sich daher nicht dem Druck der
Stadt gebeugt, sondern mit der Suspendierung auch das Anliegen des
herzoglichen Hofs vertreten haben. Wie erwähnt war man dort nämlich
ebenso wenig am Aufbau der Universität interessiert.
Die Suspendierung des Gründungsprivilegs nimmt Frank Rexroth
zum Anlass, der Wiener Bürgerschaft eine „grundsätzliche Gegner-
schaft“ gegen die Universität zu unterstellen. Sie habe befürchten
müssen, „durch die Universität die Oberaufsicht über das städtische
Bildungswesen zu verlieren“. Der Tod Rudolfs „erlaubte der civitas, ihre
Ansprüche geltend zu machen und die Stiftung auf das ihr genehme
Maß zu reduzieren.“17 Rexroth stützt seine Argumentation auf die
Tatsache, dass der Herzog der Universität ein eigenes Stadtviertel
widmete und den Studenten und Magistern weitreichende Privilegien
im Bereich der Jurisdiktion erteilte. Die in der Obhut der Bürgerschaft
stehende Schule bei St. Stephan sei somit ins Abseits gedrängt worden.
Die Stadt habe deshalb nur widerwillig eine Unterstützungserklärung
für die Universität abgegeben, da auf diese Weise „eine Stadt in der
Stadt eingepanzt werden sollte“. Noch im selben Jahr, nach dem
Tod Rudolfs, habe die Stadt die Aussetzung des Privilegs für die näch-
sten zwei Jahre durchgesetzt und die Zustimmung der Landesfürsten
Albrecht und Leopold erwirkt. Als weiteren Beleg für seine These, die
Stadt habe „sich ein Mitspracherecht in Hochschulangelegenheiten
angemaßt“, zieht Rexroth die Urkunde über die Verteilung der Ein-
künfte aus der Pfarrei von Laa heran. Die Hälfte dieser Einkünfte sollte
laut einer herzöglichen Verfügung vom 17. Juli 1366 den Professoren
der Universität zustehen und durch die Entscheidung des Rektors, der
Prokuratoren, des Kanzlers, des Landmarschalls und des Bürgermeisters
verteilt werden. Die Mitsprache des Bürgermeisters unterstreiche, dass

15
Edition: Kink (1854) 5-6.
16
Lackner (2002) 125-6.
17
Rexroth (1992) 136-8; Rexroth F., „Städtisches Bürgertum und landesherrliche
Universitätsstiftung in Wien und Freiburg“, Stadt und Universität, ed. H. Duchhardt
(Städteforschung, Reihe A: Darstellungen 33, Köln: 1993) 13-31, hier 31.
302 karl ubl

„die Bürgerschaft organisatorisch Kontrolle über die Universität erlangt“


habe.18 Der Stadt sei es gelungen, die für sie ungünstige Privilegierung
wieder rückgängig zu machen und den Status quo wiederherzustellen.
Die Bürgerschaft habe die Aufsicht über das städtische Schulwesen
zurückerobert.
Das Verhältnis von Stadt und Universität in den folgenden Jahren ist
jedoch nicht geeignet, die These einer „grundsätzlichen Gegnerschaft“
der Stadt zu bestätigen. Denn als die Landesfürsten kein Interesse an
der Förderung der höheren Bildung an den Tag legten, war es die
Stadt, die 1376 mit der Berufung von Gelehrten aus Paris und Prag
den ersten Schritt zur Konsolidierung der Universität machte.
Nachdem 1366 der Gründungsrektor Albert von Sachsen zum Bischof
von Halberstadt berufen worden war, haben zwei namentlich bekannte
Professoren den Unterricht bestritten. Beide, Johann von Pergau und
Luderus de Palude, kehrten spätestens 1371 der Universität ebenfalls den
Rücken.19 Über die folgenden Jahre geben die Quellen keine Auskunft.
Alphons Lhotsky kommentiert nüchtern: „Fast möchte man es als ein
Wunder betrachten, dass eine solche fast nur auf Artisten beschränkte,
ein Jahrzehnt lang des Rektors entbehrende, die Lehrkräfte mangelhaft
oder gar nicht besoldende Universität überhaupt noch dahinvegetierte,
wie es denn auch an trüben Erwartungen ihres Unterganges nicht
gefehlt hat.“20 Genau in dieser Epoche der „kümmerlichen Existenz“21
geben uns die Wiener Stadtrechnungen wertvolle Informationen über
die von der Bürgerschaft getätigten Ausgaben für das Schulwesen. Zahlte
die Stadt im Jahr 1368 für den einzigen Lehrer an der Stephansschule
25 Pfund Pfennige,22 wurden 1376 bereits vier Lehrer der Universität
von der Bürgerschaft besoldet: Thomas von Kleve erhielt 72 Pfund
Pfennige, Gerhard Vischbeck 45½, der Kanonist Johannes 10 und ein
nicht näher bekannter Magister Pilgrim 5.23 Otto Brunner beurteilt
die Beträge als „ziemlich hoch“.24 Diese Aussage ist zutreffend, ver-

18
Rexroth (1992) 137.
19
Uiblein P., „Beiträge zur Frühgeschichte der Universität Wien“, Mitteilungen des
Instituts für Österreichische Geschichtsforschung 71 (1963) 284-310, hier 306-7, jetzt in Uiblein
(1999) 15-44.
20
Lhotsky (1965) 36.
21
Schrauf (1905) 974.
22
Chmel J., „Zur Geschichte der Stadt Wien. Wiener Stadtrechnungen u.s.w. von
1368 bis 1403“, Notizenblatt. Beilage zum Archiv für Kunde österreichischer Geschichtsquellen 5
(1855) 325-328; 350-2; 365-76; 391-400, hier 326.
23
Chmel (1855) 370.
24
Brunner O., Die Finanzen der Stadt Wien von den Anfängen bis ins 16. Jahrhundert (Studien
aus dem Archiv der Stadt Wien 1/2, Wien: 1929) 219.
die stellung der stadt wien zur universität 303

gleicht man das Verdienst des Thomas von Kleve mit den Einkünften
anderer Gelehrter dieser Zeit. So zahlte die Stadt im 15. Jahrhundert
nur weniger als die Hälfte an den Rektor der Stephansschule (32 tl.).
Heinrich von Langenstein hingegen, der nicht als Artist, sondern als
Doktor der Theologie und Organisator der Universitätsreform nach
Wien gekommen war, erhielt bei seiner ersten Auszahlung im Jahr 1384
die doppelte Summe (150 tl.). Der weit gereiste Heinrich Totting von
Oyta, lange Zeit die berühmte Koryphäe der Prager Universität und
ebenfalls Doktor der Theologie, bezog bei seinem Umzug nach Wien
80 Pfund Pfennige von Albrecht III.25 Die hohe Besoldung für Thomas
von Kleve war insofern gerechtfertigt, als er kein Unbekannter war.26
Er graduierte im Jahr 1364 in Paris zum Magister artium, lehrte dort
bis 1375 und verfasste mehrere Abhandlungen zur Logik. Sein Kollege
Gerhard Vischbeck aus Osnabrück absolvierte seine Ausbildung in
Prag.27 1370 erreichte er das Magisterium in den Artes und bekleidete
das Amt des Dekans. 1372 wechselte er an die Juristenuniversität in Prag,
wo er das Vizerektorat innehatte. Die Differenz in der Besoldung der
beiden Professoren spiegelt die unterschiedliche Wertschätzung der
Universitäten von Paris und Prag wider.
Der Stadt Wien gebührt also das Verdienst, mit der Berufung zweier
renommierter Lehrer im Jahr 1376 die Universität vor der Bedeu-
tungslosigkeit gerettet zu haben. Ein Jahr danach ist erstmals wieder
der Name eines Rektors überliefert: Johann von Randegg. Er war
es, der eine Matrikel anlegen ließ und so den erfolgreichen Start der
Universität dokumentierte.28 Am Beginn der Matrikel treffen wir die
Namen der von der Stadt nanzierten Professoren wieder. Ab 1377
sind durchgehend Rektoren gewählt und Jahreseinträge über die neu
immatrikulierten Studenten erstellt worden. Die Universität konnte sich
auf niedrigem Niveau konsolidieren.
Diese Tatsache wirft ein anderes Licht auf die Rolle der Stadt unmit-
telbar nach dem Tod Rudolfs IV. Die Mitsprache der Bürgerschaft
sowohl bei der Suspendierung des Gründungsprivilegs als auch bei

25
Vgl. Kreuzer G., Heinrich von Langenstein. Studien zur Biographie und zu den Schismatrak-
taten unter besonderer Berücksichtigung der Epistola pacis und der Epistola concilii pacis (Quellen
und Forschungen aus dem Gebiet der Geschichte NF 6, Paderborn: 1987) 79-93.
26
Uiblein (1963) 309; Concepts: the treatises of Thomas of Cleves and Paul of Gelria: An
edition of the texts with a systematic introduction, ed. E. Bos/St. Read (Philosophes médiévaux
42, Louvain-la-Neuve: 2001).
27
Uiblein (1963) 310.
28
Die Matrikel der Universität Wien, 1: 1377-1450, ed. F. Gall et al. (Publikationen des
Instituts für Österreichische Geschichtsforschung VI/1, Graz/Köln: 1956).
304 karl ubl

der Vergabe der Einkünfte aus der Laaer Pfarre muss jetzt nicht mehr
als Teil einer Strategie gesehen werden, die Universität als autonome
Bildungseinrichtung in jeder Hinsicht zu verhindern. Es scheint vor
allem fraglich, der Bürgerschaft eine so starke Position gegenüber der
Dynastie zuzuschreiben, dass es ihr möglich gewesen wäre, die Verhin-
derung der Universität durchzusetzen. Nach Otto Brunner war man in
Wien „für die Handelsstellung, aber nicht nur für diese, auf die engste
Zusammenarbeit mit dem Stadtherrn angewiesen und konnte sich auf
die Dauer unmöglich selbständig behaupten.“ Brunner folgert daraus,
man könne „von einer eigenständigen Politik Wiens kaum sprechen“.29
Auch Rexroths These eines Kampfes um das ‚Bildungsmonopol’ in Wien
mutet anachronistisch an. Die Stephansschule30 war jedenfalls nicht
ausschließliches Reservat der Bürgerschaft. Zwar erteilte Albrecht I.
1296 der Stadt das Privileg der Ernennung des Schulmeisters, doch in
der Praxis behielt sich der Landesfürst ein Mitspracherecht vor. Bereits
die Berufung Johann Ebernants aus Konstanz (1337) an die Wiener
Stephansschule steht vermutlich in Verbindung mit einer Reise Albrechts
II. in die Vorlande.31 Ebernants Nachfolger, Konrad von Megenberg,
ließ sich 1340 von der englisch-deutschen Nation der Universität Paris
ein Empfehlungsschreiben an den Herzog Albrecht II. und an die Stadt
Wien ausstellen.32 Der Landesfürst als Patronatsherr33 von St. Stephan
griff also durchaus in den Schulbetrieb ein.
Das Verhältnis zwischen dem Landesfürsten und der Stadt manife-
stiert sich deutlich im Stiftsbrief von 1384, der die Reform der Uni-
versität einleitete. Albrecht III. verkündete am Anfang der Urkunde,

29
Brunner O., „Hamburg und Wien. Versuch einer sozialgeschichtlichen Gegen-
überstellung“, Untersuchungen zur gesellschaftlichen Struktur der mittelalterlichen Stadt in Europa
(Vorträge und Forschungen 11, Konstanz: 1966) 277-289, hier 279. Dieser Aufsatz
beruht auf früheren Studien Brunners: „Die Politik der Stadt Wien im späteren Mit-
telalter, 1396-1526“, Historische Studien. Alfred Francis Pribram zum 70. Geburtstag dargebracht
(Wien: 1929) 5-39; Brunner (1929).
30
“Bürgerschule” wurde sie in Quellen des 14. Jahrhunderts niemals genannt. So
durchgehend Rexroth (1992) nach Mayer A., Die Bürgerschule zu St. Stephan in Wien. Eine
historisch-pädagogische Studie (Wien: 1880).
31
Lhotsky A., Geschichte Österreichs seit der Mitte des 13. Jahrhunderts (1281-1358) (Veröf-
fentlichungen der Kommission für Geschichte Österreichs 1, Wien: 1967) 332. Ebernant
diente später als Gesandter Albrechts II. an der Kurie: Uiblein (1963) 295.
32
Auctuarium chartularii universitatis Parisiensis, ed. H. Denie/E. Chatelain (Paris:
1893) 43.
33
Flieder V., Stephansdom und Wiener Bistumsgründung. Eine diözesan- und rechtsgeschichtliche
Untersuchung (Veröffentlichungen des kirchenhistorischen Instituts der katholisch-theolo-
gischen Fakultät der Universität Wien 6, Wien: 1968) 58-70.
die stellung der stadt wien zur universität 305

er wolle nur die vernünftigen Bestimmungen des Gründungsprivilegs


bestätigen.34 Als undurchführbar betrachtete er die Widmung eines
eigenen Stadtviertels und die Bestimmungen zur Festlegung der Miet-
preise sowie zur Räumung von Wohnungen innerhalb des Viertels.
Dieses anspruchsvolle Projekt überstieg deutlich die Möglichkeiten
des Landesfürsten. Im Übrigen bestätigte er jedoch die gerichtlichen
Privilegien und erweiterte sie sogar.35 Zukünftig sollte eine polizeiliche
Verfolgung in Häusern, in denen Universitätsangehörige wohnten,
verboten sein und nur durch den dafür zuständigen Richter stattnden.
Die Studenten hatten außerdem das Recht, Schulden von Bürgern nur
in Bargeld anzunehmen. Auf die Einhaltung sämtlicher Privilegien der
Universität mussten der Bürgermeister, der Richter und die Geschwo-
renen der Stadt Wien bei Amtsantritt einen Eid leisten. Zudem sollte
sich die Universität unter den landesfürstlichen Anwälten im Stadtrat
einen Beschützer ihrer Privilegien erwählen. Auch über die neue
Organisation der Stephansschule bestimmte Albrecht III. aus eigener
Machtvollkommenheit. Bei der Auswahl der Lehrkräfte an dieser von
der Stadt nanzierten Institution räumte er dem Rektor eine bedeu-
tende Mitsprache ein. Überdies wurde dem Rektor der Universität das
gesamte Schulwesen in Wien unterstellt: Ohne seine Erlaubnis durfte
keine neue Schule errichtet werden.36
Insgesamt gewährte Albrecht der Universität beträchtliche Privilegien
im Bereich der Jurisdiktion und des Schulwesens. Der Inhalt der Urkunde
geht im Wesentlichen auf die Gründungsurkunde Rudolfs zurück. Die
Änderungen entsprechen den Wünschen Albrechts. Heinrich von
Langenstein, der für Teile des Diktats verantwortlich zeichnete, übte
bestimmenden Einuss auf die Neuorganisation der Universität aus.37
Die Zustimmung der Bürgerschaft wurde nicht eingeholt. Während die
Landherren ausdrücklich ihren Konsens zum Privileg erteilten, war es der
Stadt nur anheim gestellt, die Einhaltung der Bestimmungen zu geloben.
Das Siegel der Stadt wurde erst nachträglich angebracht. Im Gegen-
satz zu den Bischöfen von Salzburg und Passau, die sich weigerten,

34
Edition in: Kink (1854) II 49-71, hier 50.
35
Kink (1854) II 65-7.
36
Kink (1854) II 64; zur Anwendung vgl. Kink (1854) I/1 21.
37
Hier ist besonders die geänderte rechtliche Stellung von Rektor und Kanzler zu
erwähnen sowie Bestimmungen zur Rektorwahl und zur Einteilung der Nationen: Kink
(1854) I/1 21; Lackner (1997).
306 karl ubl

mit ihrem Siegel die Zustimmung zum Privileg zu geben, konnte sich
die Stadt einen solchen Affront nicht leisten.38
Die Missachtung der Anliegen der Bürgerschaft machte sich in den
Jahren nach 1384 bemerkbar. 1386 reichten die Bürger bei Albrecht
III. eine Klage gegen bewaffnete und streitsüchtige Studenten ein. Auch
der Herzog war mit der Universität nicht zufrieden, weil sie diesen
Misstand nicht beseitigen würde.39 Die Universität musste sich ihrerseits
gegen Übergriffe der städtischen Verwaltung wehren. 1387 und 1390
drohte sie mit der Suspendierung des Unterrichts, da Mitglieder der
Universität verfolgt, verwundet und vor den städtischen Richter gebracht
worden waren.40 In einer Denkschrift für Albrecht III. vom Jahr 1388
zeigt Heinrich von Langenstein Verständnis für die Bürgerschaft: „Es
ist nicht verwunderlich, wenn einige Konikte ausbrechen, besonders zu
Beginn [der Einrichtung der Universität], da die Bevölkerung an den
Stand und an die Sitten der Studenten noch nicht gewöhnt ist und da
die einfachen Menschen den weltlichen und geistlichen Nutzen einer
wissenschaftlichen Schule so schnell nicht einsehen können.“41 Dennoch
sieht Heinrich die Schuld für die Konikte in erster Linie bei der Bür-
gerschaft: Über die Stadtverwaltung müsse er sich sehr wundern, da
sie den Handel und die Gerichtsbarkeit nicht vernünftig organisieren
könne. Die Wiener Bürger dürften ohne Unterschied Waffen tragen
und ungestraft Fremde mit gotteslästerlichen und schändlichen Worten
belästigen. Es grenze daher an ein Wunder, dass überhaupt noch ein
Student in Wien bleiben wolle. Zur Beseitigung dieser Missstände sei
Albrecht aufgefordert, die Privilegien mit starker Hand durchzusetzen
und der Universität die Mittel in die Hand zu geben, um mit strei-
tsüchtigen Studenten fertig zu werden. Hierzu sei die Besiegelung des
albertinischen Stiftsbriefs durch den Erzbischof von Salzburg und den
Bischof von Passau vonnöten, damit die Gerichtsgewalt des Rektors
voll anerkannt werde. Könne dies nicht erreicht werden, müsse er den

38
Lackner (1997) 118-125. Das an der Urkunde hängende Wiener Stadtsiegel ist
beschrieben in Die Zeit der frühen Habsburger. Dome und Klöster 1279-1379 (Katalog des
Niederösterreichischen Landesmuseums 85, Wien 1979) 375.
39
Nach den Rektoratsakten zitiert bei Uiblein P., „Die österreichischen Landesfür-
sten und die Wiener Universität im Mittelalter“, Mitteilungen des Instituts für Österreichische
Geschichtsforschung 72 (1964) 382-408, hier 390, jetzt in Uiblein (1999) 45-73.
40
Uiblein (1964) 391.
41
Informacio serenissimi principis ducis Alberti de stabiliendo studio Wiennensi, ed. Gustav
Sommerfeldt, „Aus der Zeit der Begründung der Universität Wien“, Mitteilungen des
Instituts für Österreichische Geschichtsforschung 29 (1908) 291-322, hier 307.
die stellung der stadt wien zur universität 307

Passauer Ofzial in Wien dazu bringen, gemeinsam mit dem Rektor


die Strafgewalt im Interesse der Universität auszuüben.
Diese Konikte führen deutlich vor Augen, dass Albrecht die Wün-
sche der Stadt und der geistlichen Prälaten in seinem Stiftsbrief nicht
berücksichtigt hatte. Die meisten Bestimmungen zur Gerichtsbarkeit
stammten noch aus der Gründungsurkunde Rudolfs IV. und reektierten
einseitig die Interessen der Universität. Die Stadt erkannte dies schon
im Jahr 1365 und setzte sich für die Suspendierung der rudolnischen
Gründungsurkunde ein. Eine „grundsätzliche Gegnerschaft“ sehe ich
darin nicht. Vielmehr wollten in den Jahren 1365-1366 weder die
Landesfürsten noch die Stadt die „phantastischen“42 und „großspre-
cherischen“43 Pläne Rudolfs in die Tat umsetzen. Nicht nur in diesem
Punkt verließen Albrecht III. und Leopold III. die unkonventionelle
Politik ihres älteren Bruders und kehrten in das erprobte Fahrwasser
ihres Vaters Albrechts II. zurück.44 Wegen der nanziellen Notlage, der
innerdynastischen Spannungen und vielleicht auch aus außenpolitischer
Rücksichtnahme war der herzogliche Hof nicht am Aufbau der Uni-
versität interessiert. In den Jahren zwischen 1365 und 1384 war nur die
Stadt Wien dazu bereit, mit der Besoldung von Professoren aus Paris
und Prag der Universität nanziell unter die Arme zu greifen. Die
Mitbestimmung der Stadt in universitären Angelegenheiten wird man
daher mit ihrem nanziellen Engagement in Zusammenhang bringen
müssen. Die Stadt stellte mit der Stephansschule den Grundstock der
Universität nach 1365 und beteiligte sich maßgeblich an der Besoldung
der Lehrkräfte. Diese nanziellen Zuwendungen der Stadt zogen unwei-
gerlich ein Recht zur Mitbestimmung nach sich. Stadt und Universität
standen also nicht in einem unversöhnlichen Gegensatz zueinander.

42
Schrauf (1905) 966.
43
Kink (1854) I/1 25 Anm. 31.
44
Krieger K.-F., Die Habsburger im Mittelalter. Von Rudolf I. bis Friedrich III. (Stuttgart:
1994) 138; Lackner (2002) 339.
COIMBRA ET L’UNIVERSITÉ : COMPLÉMENTARITÉS
ET OPPOSITIONS

Maria Helena da Cruz Coelho

Le Portugal connaît son premier Studium Generale, autrement dit sa pre-


mière université, en 1288-12901. Régnait alors le roi Denis, Don Dinis,
monarque puissant et prestigieux dans toute la péninsule ibérique, mais
qui se trouvait pris dans une vieille querelle l’opposant aux prélats du
royaume, querelle héritée de son père et qui avait été déjà portée devant
les plus hautes instances de la Curie Ponticale2. C’est en partie pour
cette raison que l’initiative de solliciter la création d’un Studium Generale
dans le royaume a été due aux supérieurs de quelques institutions du
clergé régulier et séculier, sans qu’aucun évêque n’y ait pris part. On
compte, parmi les premiers, les trois supérieurs des principaux monastè-
res (Alcobaça, Santa Cruz, S. Vicente), deux prieurs de collégiales (Santa
Maria de Guimarães et de Santarém) et les curés de plus de vingt-deux
églises. Dans la charte qu’ils adressaient au Pape, le 12 novembre 1288,
ils déclarent que Don Dinis avait donné son assentiment à la fondation
de cet établissement, en la ville de Lisbonne, sous l’invocation de Saint
Vincent, patron de la cité, et qu’eux-mêmes s’engageaient à pourvoir
aux salaires des docteurs et maîtres du Studium3. Ce sont essentiellement

1
Pour une synthèse sur l’histoire de l’Université à l’époque médiévale, on lira
l’ouvrage classique de Brandão M. et Almeida M. L., A Universidade de Coimbra. Esboço
da sua História (Coimbra : 1937) la plus récente História da Universidade em Portugal, vol. I,
t. I (1290-1536) (Coimbra : 1997).
2
On trouvera une analyse de l’époque et du gouvernement de D. Dinis dans l’étude
de Coelho M. H. C., “O reino de Portugal ao tempo de D. Dinis, in Imagen de la Reina
Santa. Santa Isabel. Infanta de Aragón y Reyna de Portugal, II, Estudios (Zaragoza : 1999)
50-83.
3
Chartularium Universitatis Portugalensis (1288-1537), documents rassemblés et publiés
par Moreira A. de S., vol. I, (1288-1377) (Lisboa : 1966), doc. 2 (nous citerons désor-
mais ce cartulaire sous le sigle CUP ). Sur le mérite de la publication de ce cartulaire,
on consultera Caeiro F. da G., “Para uma história das instituições universitárias. Uma
contribuição portuguesa fundamental”, in Dispersos, vol. III (Lisboa : 2000), 81-88. Pour
la contextualisation de la charte de D. Dinis, lire Vasconcelos A. de, “Um documento
precioso”, Revista da Universidade de Coimbra (1912) 363-373 et A. Moreira A. de S.,
“Dúvidas e problemas sobre a Universidade Medieval Portuguesa [1]”, Revista da
Faculdade de Letras, III série, nº8 (1964) 5-38.
310 maria helena da cruz coelho

les institutions situées dans les villes et bourgades du centre et du sud,


plus urbanisées et plus dynamiques sous les aspects économique, social
et religieux, qui, manquant de cadres pour conduire les hommes et
gérer les affaires, promouvaient ce centre du savoir4. Les plus éclairés
donc, l’Eglise et le roi5, avaient lancé le mouvement. De fait, Don
Dinis, dans une charte datée de Leiria, 1er mars 1290, déclare déjà
établi à Lisbonne, de par la volonté du roi, le Studium Generale6. Nicolas
IV, par la bulle De Statu Regni Portugallie, datée d’Orvietto, 9 août 1290,
approuve la création du Studium Generale de Lisbonne et lui accorde des
privilèges7. On y trouvait les Facultés des Arts, de Droit Canon et Civil,
et de Médecine, jouissant du privilège du jus ubique docendi, reconnu par
le Souverain Pontife8.
L’université va rester à Lisbonne jusqu’en 1308, année où elle se
transporte à Coimbra, jusqu’en 1338. Elle retourne alors à Lisbonne,
revient à Coimbra en 1354, y demeure jusqu’en 1372, retourne une
dernière fois à Lisbonne pour s’installer dénitivement, avec Don João
III, en 1537, à Coimbra9.
A Lisbonne, elle occupait deux maisons, propriété du roi (et ancien-
nement du chapitre), sises au Campo da Pedreira, à l’emplacement de
l’actuel Chiado10. Mais peut-être dès avant 1299 le Studium s’était-il

4
Pour la localisation de ces maisons religieuses, voir la carte présentée par Coelho
M. H. da C., dans son étude “As Finanças”, in História da Universidade em Portugal, vol. I,
t. I, 52 et ici reproduite.
5
Caractérisant les universités d’Espagne et de Portugal, Hastings Rashdall souligne
leurs liens avec la Couronne, l’adoption du modèle de Boulogne dans leur organisa-
tion, leur interrelation avec les cathédrales et autres églises, le rôle, dans certains cas,
des villes dans leur surgissement et, enn, leur nancement fait essentiellement sur
des fonds ecclésiastiques (Rashdall H., The Universities of Europe in the Middle Ages, new
edition edited by F. M. Powicke and A. B. Emden, vol. II, Italy, Spain, France, Germany,
Scotland (New York, Oxford University Press : 1997) 64-65).
6
CUP, I, docs 4 et 5. Cette fondation royale fait l’objet de l’étude déjà classique,
publiée en 1912, de Vasconcelos A. R. de, O Diploma dionisiano da fundação primitiva da
Universidade Portuguesa (1 de Março de 1290), reed. (Coimbra : 1990) et reprise, dans cette
décennie, par Costa A. D. de S., “Considerações à volta da fundação da Universidade
Portuguesa no dia 1 de Março de 1290, in Universidade(s), História, Perspectivas. Actas do
Congresso “História da Universidade (No 7º Centenário da sua Fundação)”, vol. 1 (Coimbra :
1991) 71-82.
7
CUP, I, docs 6 et 7.
8
Sur ce thème, consulter Pacheco M. C. M., “Trivium e Quadrivium”, in História
da Universidade em Portugal, vol. I, t. I, 155-177.
9
Hastings Rashdall (1997), vol. II, 109, écrit que l’université portugaise fut celle,
parmi toutes les universités européennes, qui déménagea le plus souvent. Pour la
contextualisation européenne de l’Université portugaise, consulter aussi Serrão J. V.,
História das Universidades (Porto : 1983) 56-64.
10
Dias P., “Espaços escolares”, in História da Universidade em Portugal, 33.
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 311

transporté dans un autre endroit, l’ancien espace de l’Hôtel de la


Monnaie, dans la paroisse de S. Estêvão da Lapa. Dans l’un et l’autre
cas, ce n’était là que de petites et modestes installations.
Et voici que le Studium déménage à Coimbra en 1308, faisant d’em-
blée preuve de sa mobilité, caractéristique d’une institution petite et peu
structurée, tout à fait en accord avec l’esprit de la peregrinatio academica,
si répandu à l’époque11.
A l’aube du XIVe siècle, la cité du Mondego était déjà pleinement
formée au point de vue urbanistique comme sur le plan administratif
et religieux12. A l’époque romaine, elle s’était appelée Aeminium. Sous
les Suèves et les Wisigoths, elle était devenue ville épiscopale. De la n
du IXe s. à la première moitié du XIe s., elle oscilla entre les domina-
tions musulmane et chrétienne. Dénitivement conquise par Fernando
Magno, en 1064, elle s’impose comme centre religieux, urbain, com-
mercial et même comme capitale politique.
La geographie dessinait une opposition entre le bas et le haut de la
ville, contraste se retrouvant non seulement dans la topographie urbaine,
entre l’Almedina, entourée de remparts et surmontée d’un château, et
la zone extra-muros du faubourg ou Arrabalde, mais aussi dans le tissu
social, entre la cité aristocratique, politique et militaire, d’une part, et
la cité marchande, artisanale et laborieuse, de l’autre.
Sur la haute colline de l’Alta se faisaient face le palais (l’alcáçova),
résidence des rois et de la cour, et le château, construction défensive,
commandé par un gouverneur, l’alcaide. Sur un plan légèrement infé-
rieur se trouvait le palais épiscopal, où vivait l’évêque, chef spirituel de
l’évêché dont Coimbra était le siège. Tout près se dressait la cathédrale,
centre de toute cette partie élevée de la ville qui abritait encore les
églises collégiales de S. Pedro, S. João de Almedina, S. Salvador et S.
Cristovão. S’associaient ainsi, sur la hauteur, et très signicativement,
le pouvoir politico-militaire et le pouvoir ecclésiastico-religieux.

11
A cette passion des écoliers européens pour la mobilité à travers les diverses uni-
versités se réfère Ridder-Symoens H. de, “A Mobilidade”, in Uma História da Universidade
na Europa, coord. geral de Walter Ruegg, vol. I, As Universidades na Idade Média, coord.
de Hilde de Ridder-Symoens (Lisboa : 1996) 279-281.
12
Pour une mise en contexte de Coimbra durant ces siècles du Moyen Age, on
lira Coelho M. H. da C., “Coimbra Trecentista. A Cidade e o Estudo”, Biblos, LXVIII
(Coimbra : 1982) 335-356 et “Coimbra em Tempos Medievais. (Séculos XIV-XV)”, in
A História tal qual se faz (Lisboa : 2003) 65-78. Nous nous dispenserons désormais de citer
dans cette étude la bibliographie mentionnée plus haut sur le développement de la vie
urbaine de Coimbra. Voire la charte “Coimbra au XIV e siècle” ici reproduite.
312 maria helena da cruz coelho

Toute cette acropole bénéciait de la sécurité d’une forte muraille,


existant dès les époques romaine et musulmane et que l’on ne cessa
d’étendre et de fortier. Elle était percée de cinq portes, permettant ou
empêchant le passage à l’extérieur, certaines pourvues de tours fortement
consolidées sous les guerres fernandines.
Cet espace muraillé avait été particulièrement dynamique, de l’ins-
tallation d’Afonso Henriques à Coimbra, vers 1131, jusqu’à l’accession
au trône d’Afonso III, en 1248, période pendant laquelle la cité du
Mondego a été la capitale du royaume. Il accumulait diverses fonctions :
résidence, administration, services. C’est là que vivait la Cour lorsque
le roi séjournait dans la ville. C’est là qu’habitaient les ofciers royaux,
là que se tenait l’assemblée des habitants (vizinhos) de la municipalité
et que s’installa ensuite le palais du conseil. C’est là que se dressait la
cathédrale, vers laquelle convergeaient les deux principales rues com-
merciales intra-muros – celle des Tendas et celle des Fangas. C’est là
encore que se trouvait, depuis 1269, le marché hebdomadaire, pour la
vente des produits les plus variés13. Là que, en cinq églises, on célébrait
le culte. Là que demeuraient les chanoines de la cathédrale et des col-
légiales. Et c’est là enn que devaient nécessairement s’établir, avec le
Studium, maîtres et écoliers.
Par contraste, la ville basse était surtout un espace de travail, de
circulation et de commerce. Sur la rive droite du Mondego, euve
traversé par un pont solide, au long des principales rues des Francos et
de Coruche tout s’achetait et se vendait, des produits de la région ou
du Royaume aux biens importés, et par ces rues passaient tous ceux
qui, venant du sud, pénétraient dans la ville. Chose signicative, le
quartier juif se trouvait sur une pente débouchant dans la noble rue de
Coruche. Par le euve arrivaient les marchandises venant de la mer par
l’estuaire du Mondego et c’est là que, dans une grande animation, se
marchandait le poisson frais. L’artisanat occupait les diverses échoppes
qui se pressaient, aspect caractéristique du temps, le long des multiples
artères, étroites et sinueuses de cette partie basse de la ville,
Mais au coeur de la ville profane du monde du travail et du com-
merce, agité et fébrile, pénétrait l’espace du sacré, appelant à la dévotion

13
Coelho M. H. da C., “A feira de Coimbra no contexto das feiras medievais por-
tuguesas”, in Ócio e Negócio (Coimbra : 1998) 13-14. Mais déjà en 1273, les autorités de
Coimbra demandaient que le marché ait lieu à l’endroit qu’elles jugeaient le plus com-
mode et dont nous ignorons s’il se trouvait à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Almedina.
Voir “art. cit.”, docs 2, de Coimbra, du 25 janvier 1269 et doc. 3, du 7 mai 1273.
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 313

et au rassemblement convivial. Un couvent de chanoines réguliers de


Saint-Augustin, le monastère de Santa Cruz, s’installa, à partir de la
troisième décennie du XIIe siècle, sur l’axe principal de la ville, qui,
partant de la place du péage et traversant les rues des Francos et de
Coruche gagnait l’Arnado, permettant la circulation entre le sud et
le nord du Pays. Le pouvoir spirituel et temporel de cette institution
monastique allait supplanter, non sans conits, le pouvoir de l’évêque
lui-même. Rivalisaient ainsi, exerçant chacun sa tutelle sur un espace
propre, deux seigneurs et deux institutions de culture et de religion.
Le monastère de Santa Cruz, centre de vocations religieuses, comme
celle de Saint Antoine, et centre d’attraction de clientèles, devient
rapidement un pôle dynamisateur de la ville, et son parvis, le lieu d’un
commerce animé. Dans le dédale des ruelles parcourant le faubourg
se situent deux collégiales, celle de Santiago et celle de S. Bartolomeu,
avec leurs parvis et leurs places, où se concentraient gens et produits.
Au delà du monastère de Santa Cruz se dressait encore une autre
église collégiale, Santa Justa, siège d’une paroisse. Ces quartiers du
faubourg, avec leur clientèle de commerçants et de bourgeois, sont
plus riches que ceux de l’Almedina. Ici, au coeur économique de la
ville, le monde religieux devait vivre en intimité et en interaction avec
les secteurs productifs. Aussi est-ce dans ce noyau commercial qu’au
XIIIe siècle vont s’implanter les ordres mendiants – le monastère de
S. Domingos auprès de l’Arnado et le couvent de S. Francisco sur la
rive gauche du euve. Dans une île au milieu du Mondego se dressait
le monastère des chanoinesses de Santa Ana ou de Celas da Ponte. Sur
la rive gauche allait surgir, à la n du XIIIe s., un premier monastère de
Santa Clara, qui n’aura de succès que dans les premières décennies du
siècle suivant, avec l’appui et la protection de la Reine Sainte Isabelle,
qui y ajoutera plus tard un palais, sa résidence, et un hôpital destiné
à secourir femmes et hommes socialement déchus. Le développement
polynucléaire de Coimbra entraîne ainsi la création d’un autre faubourg,
celui de Santa Clara : après la mort de la sainte, ce quartier fera une
vive concurrence, en nombre de pèlerins et d’aumônes, au monastère
de Santa Cruz.
La Coimbra ecclésiastique comprenait encore, par delà cet espace
interrelationnel de l’intra et de l’extra-muros, deux autres maisons
monastiques – le monastère cistercien et féminin de Celas au nord et
le monastère de S. Jorge, de chanoines réguliers, au sud.
Coimbra était donc incontestablement une ville de religion et de
culture. Siège d’un évêché et lieu de résidence du prélat, le culte y
314 maria helena da cruz coelho

était célébré en de nombreuses églises, certaines tellement importantes


qu’elles étaient collégiales. Les vocations religieuses trouvaient à s’ex-
primer en diverses maisons de chanoines réguliers, de cisterciens et de
moines mendiants.
La cathédrale possédait une école depuis l’époque de son premier
évêque, D. Paterno, autrement dit dès la restauration du diocèse en
108014. La bibliothèque de cette église était notable, recevant des
donations en livres depuis la n du XIe siècle et comptant, en 1393,
plus d’une centaine d’exemplaires, livres liturgiques, Saintes-Ecritures,
Pères de l’Eglise, Droit canon et civil, martyrologes, hagiographies, en
plus d’ouvrages traitant de diverses sciences, comme l’arithmétique,
l’astronomie, la physique, la médecine, la musique, la philosophie et
la théologie15. Son scriptorium, actif et érudit, appuyait la chancellerie
royale à ses débuts. De son côté, le monastère de Santa Cruz possédait
un non moins notable scriptorium ainsi qu’un armarium16. Ses chanoines
avaient eux aussi servi de scriptores à la chancellerie royale, et dans sa
bibliothèque existaient, aux XII et XIIIe siècles, au moins six dizaines
de codex. Rappelons que c’est dans cette maison que Saint Antoine
acquit le savoir qu’il t passer dans ses sermons et répandit en prédi-
cations à travers la France et l’Italie17. La ville était riche également
des connaissances des Dominicains et des Franciscains, surtout dans le
domaine de la théologie : érudits dans leur enseignement, ces frères,
quand ils prêchaient, savaient transmettre au peuple, en termes plus
accessibles, leurs valeurs d’humilité et de dépouillement ainsi que leur
piété chrétienne et humanisée.
Ajoutons encore que Coimbra était, depuis le XIIe s., une municipalité
reconnue par les autorités politiques. Le comte D. Henrique lui avait
concédé une charte de franchise, dès 1111, et D. Afonso Henriques avait

14
Sur l’enseignement avant la fondation de l’université et sur les écoles capitulaires,
lire Caeiro F. da G., “A organização do ensino em Portugal dans la période antérieure
à la fondation de l’Université” et “As escolas capitulares no primeiro século da naciona-
lidade portuguesa”, in Dispersos, vol. II (Lisboa : 2000), respectivement, 9-23, 25-65.
15
Consulter Costa Pe. A. de J. da, A Biblioteca e o Tesouro da Sé de Coimbra nos séculos XI
a XVI (Coimbra : 1983) 3-31. Et, plus généralement, Pereira I. da R., “Escolas e livros
na Idade Média em Portugal”, in Universidade(s). História, Memória, Perspectivas, vol. 1
(Coimbra : 1991) 55-69.
16
Gomes S. A., In limine Conscriptionis, Documentos, chancelaria e cultura no Mosteiro de
Santa Cruz de Coimbra (séc. XII a XIV), vol. I (Coimbra : 2000) (policopié) 243-330.
17
Sur cette thématique, lire Coelho M. H. da C., “Santo António em Santa Cruz
de Coimbra”, in Actas do Congresso Internacional “Pensamentos e Testemunho”. 8º Centenário
do Nascimento de Santo António (Braga : 1996), vol. I, 179-205.
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 315

accru ses privilèges dans une autre charte, égale à celles de Lisbonne
et de Santarém, en 117918. La ville avait deux juges élus et un ofcier
qui veillait sur les affaires économiques, l’almotacé ; le pouvoir central s’y
faisait représenter par l’alcaide, chef militaire, et le mordomo, magistrat
chargé de collecter les impôts royaux.
Avec l’évolution sociale, économique et politique du XIVe s., les
monarques contrôleront désormais le pouvoir municipal par le truche-
ment de corregidors, qui inspectaient les communes de leur domaine de
juridiction (comarca), et de juges nommés par le roi pour les communes.
Sur le plan interne, la complexité de la vie municipale, exigea de plus en
plus d’ofciers spécialisés, tels les vereadores, administrateurs municipaux,
et un nouvel organe, la câmara, conseil municipal, qui se réunissait à
huis clos, et où délibéraient les ofciers du conseil et quelques détenteurs
de pouvoir économique et social. Le gouvernement de la ville devint,
ainsi, au long du XIVe s. et du suivant, un gouvernement aristocratique,
pour ne pas dire oligarchique19.
C’est donc dans cette ville citadelle, dans cette ville commerçante,
religieuse, culturelle et municipale que vint s’installer le Studium entre
1308-1338 et 1354-1377.
Comme l’indique la bulle de Clément V, du 26 février, autorisant
le transfert du Studium à Coimbra avec tous ses privilèges antérieurs,
D. Dinis avait décidé de le déplacer à la suite de “graviam dissentio-
nes et scandala”, survenus à Lisbonne, et parce Coimbra était “locus
magis accomudus et conveniens”20. Coimbra était, assurément, une
ville moyenne et moins peuplée que Lisbonne. Plus intérieure, moins
agitée par les nouveautés ou les inuences extérieures. Elle offrait,
cependant, de bonnes conditions pour accueillir une université. Elle
était naturellement bien située au centre du royaume et bien placée à
un carrefour de voies de communication qui la traversaient longitudi-
nalement comme horizontalement. Sur plan urbanistique, elle disposait
de vastes espaces inoccupés, surtout sur la hauteur. Economiquement,
elle avait les ressources lui permettant de pourvoir aux besoins jour-
naliers des maîtres et des écoliers. Sur le plan religieux et culturel, elle

18
On trouvera l’analyse détaillée de ces chartes de franchise dans l’étude de Coelho
M. H. da C., “A propósito do foral de Coimbra de 1179”, in Homens, Espaços e Poderes.
Séculos XI-XVI, vol. I, Notas do Viver Social (Lisboa : 1990) 105-120.
19
Pour un meilleur encadrement du tableau municipal aux XIV et XVe s., lire Coelho
M. H. da C., et Magalhães J. R., O Poder Concelhio das Origens às Cortes Constituintes. Notas
de História Social (Coimbra : 1986) 9-28.
20
CUP, I, doc. 23.
316 maria helena da cruz coelho

était le siège d’un évêché, l’évêque de la ville étant donc en possession


de conférer les grades comme l’avait fait celui de Lisbonne. Elle avait
aussi des couvents de moines mendiants qui pouvaient enseigner la
théologie. Mais ici aussi, parce que le problème tenait à la structure
légale et juridique de l’institution, et non aux villes qui l’accueillaient,
les difcultés n’allaient pas tarder à survenir.
Comme nous l’avons dit, l’Université va s’établir intra-muros, sur
la hauteur, à proximité du palais21. Tout cet espace de l’Almedina se
trouvait alors inoccupé, voire abandonné. La cour s’était transportée à
Lisbonne, au milieu du XIIIe siècle. Et avec elle étaient partis les ofciers
et les services, abandonnant les maisons. Sans elle aussi tout un réseau
de ravitaillement et de commerce restait sans emploi. Les habitants de
la ville haute possédaient souvent une maison dans la ville basse où ils
résidaient effectivement. Dans le paysage urbain on apercevait un grand
nombre de maisons en ruine et de terrains vagues. Les rois, d’Afonso
III à D. Fernando, allaient s’efforcer de peupler cette zone fortiée, et
donc protégée en temps de guerre, concédant de nombreux privilèges
aux habitants : tâche qui ne fut ni facile, ni rapide, ni du reste réussie22.
L’insertion du Studium dans cette partie de la ville faisait partie de ce
plan. Et tout suggérait un tel emplacement – là où se tenait la cour
lors de ses séjours à Coimbra, où se dressait la cathédrale, où résidaient
l’évêque et les chanoines, et où, enn, siégeait le pouvoir urbain.
Aussi D. Dinis, qui dès 1309 privilégie le Studium de Coimbra et le
prend sous sa protection23, veille-t-il à l’installation des écoles et des
écoliers à cet endroit précis. Il est vraisemblable qu’il ait créé, mesure
pionnière dans le contexte européen24, des installations spécialement
destinées à loger le Studium, sur les lieux où, au XVIe s., se dressera le
Collège de S. Paulo et où, de nos jours, se situe la Bibliothèque générale
de l’Université25. Il est probable que la construction ait eu une certaine

21
Dias (1997) 34-35.
22
Coelho (1982) 346-347.
23
CUP, I, docs 25, 26 et 27 février 1309.
24
Comme le montre Gieysztor A., “Gestão e Recursos”, in Uma História da Univer-
sidade na Europa, vol. I, As Universidades na Idade Média, 135-138, la plupart des édices
universitaires conçus comme tels datent du XVe s., le Studium et les écoliers étant
jusqu’alors logés dans des maisons dispersées, bien que parfois concentrées dans des
quartiers, comme le Quartier latin à Paris.
25
Sur cet aspect on lira Vasconcelos A. de, Estabelecimento primitivo da Universidade
em Coimbra (Coimbra : 1914) ; Dias (1997) 34-35 ; Rossa W., Diversedade. Urbanograa do
espaço de Coimbra até ao estabelecimento denitivo da Universidade (Coimbra ; 2001) (polycopié)
498-512.
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 317

dignité, à en juger par les chapiteaux des colonnes de ce qui a dû être


son cloître et par une statue représentant la Sapientia. Toutefois, un
cadastre de 1395 rappelle que les écoles de Grammaire et de Décré-
tales, se trouvaient dans la rue qui, partant de la cathédrale, montait
au palais, les écoles de Lois et de Logique se situant dans le quartier
de S. Pedro26. Ces références renvoient au même lieu à ceci près que
les écoles ne sont pas concentrées mais au contraire dispersées, ce qui
s’explique par la dégradation ou l’exiguïté de la construction primitive,
ou bien parce que ces écoles dispensaient un enseignement préparatoire
et non pas universitaire.
De la même façon, depuis la grande charte de 1309, qui crée une
université royale à Coimbra27, D. Dinis prend le plus grand soin des
écoliers, veillant à ce qu’il y ait des contrôleurs (taxadores), deux de la
municipalité et deux des universitaires, pour inspecter les maisons et
décider du juste montant des loyers, de même qu’il exempte d’impôts les
habitations des universitaires28. Il ordonne ensuite que les propriétaires
des masures et des maisons en ruines dans l’enceinte de l’Almedina les
réparent pour loger les universitaires qui, selon le roi, ne venaient pas au
Studium faute d’endroit où habiter29. Et tout aussitôt il oblige les proprié-
taires, qui ne voulaient pas louer aux écoliers, à les accueillir30, autorisant
aussi les universitaires à acheter les maisons pour y résider31.
On voit que les résistances face à l’installation des écoliers se rent
d’emblée sentir avec force. C’est justement sous le prétexte que le roi,

26
Coelho (1997) 42, note 9. Et déjà en 1327, aux limites des maisons se trouvaient
les écoles de Grammaire (CUP. I, doc. 73, du 10 janvier 1327).
27
Université qui voit ses privilèges conrmés encore par D. Dinis (CUP, I, doc. 41, du
25 mai 1312 ; doc. 48, du 27 janvier 1317, conrmant la constitution entre les écoliers
et l’université) puis par les monarques ultérieurs Afonso IV, D. Pedro et D. Fernando
(CUP, I, docs 64, du 22 mai 1325 ; 197, du 6 décembre 1354 ; 207, du 7 septembre
1357 ; 246, du 20 mai 1367 ; doc. 273, du 14 octobre 1370). Et sur les fondations
princières des universités, lireVerger J., Les Universités au Moyen Age (Paris : 1973) 142-147
et “Université et pouvoir politique du Moyen Age à la Renaissance”, in Universidade(s),
História, Memórias, Perspectivas, vol. 5, 11-23.
28
Cette exemption est conrmée par D. Fernando, dans la charte du 13 juillet 1367
(CUP, I, doc. 247).
29
CUP, I, doc. 39, du 25 mai 1312.
30
CUP, I, doc. 40, du 25 mai 1312.
31
CUP, I, doc, 42, du 1er décembre 1312. Curieusement, dès le 10 octobre 1314,
nous trouvons un achat de maison, non par un écolier mais par un professeur de
physique du Studium (CUP, doc. 43). Mais déjà le 15 juillet 1326, un certain D. Pedro
Anes, archidiacre de Cerveira, très probablement un étudiant, achetait des maisons
appartenant à la cathédrale, vendues par le juge de Coimbra (CUP, I, doc. 70).
318 maria helena da cruz coelho

sous Afonso IV, passait de longues périodes de temps à Coimbra avec


sa cour, et qu’il n’y avait pas de place pour ses ofciers et ses vassaux à
l’intérieur des remparts, des querelles s’élevant sans cesse avec les étu-
diants, que le monarque transfère l’Université de nouveau à Lisbonne
en 133832. Mais c’est le même monarque qui, passées les mauvaises
années de faim et d’épidémies des décennies 30 et 40, réinstallera le
Studium à Coimbra, en 135433.
Le quartier universitaire de l’Almedina aura même l’immunité
octroye par les monarques, mais on le disait déjà petit en 1361, parce
que de nombreuses maisons étaient tombées en ruines, à la suite de
la peste, et d’autres sont passées aux mains des infants, des nobles et
ofciers royaux, au mépris de leur immunité, privilège réafrmé par D.
Pedro34. C’est ainsi que quelques années plus tard le roi décrétait que
les propriétaires seraient obligés à les louer aux écoliers et ce à des prix
raisonnables, personne ne devant faire obstacle à leur installation dans
le quartier qui leur avait été destiné35. Précisément, devant les conits
survenant entre les habitants de l’Almedina et les écoliers, D. Fernando,
qui, à cause des guerres, voulait voir vivre la population à l’intérieur
des remparts, chercha à supprimer ce foyer de tensions et à transporter
le Studium dans le faubourg, ordonnant qu’on y préparât des maisons
pour recevoir les universitaires36. Mesure qui ne semble pas avoir eu
de suites concrètes puisque le roi, dès 1377, transférait l’Université à
Lisbonne. Il expliquait dans la charte, en ordonnant le déplacement,
que sa résolution était due au fait que de nombreux professeurs d’autres
royaumes ne viendraient enseigner au Studium qu’à la condition que ce
dernier se trouvât à Lisbonne37.
Mais ce n’est pas seulement, ni peut-être essentiellement, à cause de
l’installation et de la résidence que le Studium et les universitaires met-
taient la ville en question. De nombreux autres privilèges, inscrits dans
un pouvoir spécique, fort et agissant, toujours sanctionné par la

32
CUP, I, doc. 109, du 17 août 1338.
33
CUP, I, doc. 197, du 6 décembre 1354. Ainsi, le 16 avril 1357 (CUP, I, doc. 207)
nous trouvons déjà un bail de maisons consenti à Pero Vasques, maître de logique.
34
CUP, I, doc. 217, du 11 avril 1361.
35
CUP, I, doc. 211, du 19 octobre 1358 ; doc. 233, du 22 février 1365.
36
CUP, I, doc. 272, du 14 octobre 1370.
37
CUP, II, doc. 1, de Coimbra, 3 juillet 1377. De fait, les députés, aux Cortes de Lis-
bonne de 1371, regrettaient déjà que l’Étude manquât de professeurs, ce qui expliquait
que les écoliers se rendissent à l’étranger pour approfondir leurs connaissances, état de
choses auquel D. Fernando s’engage à remédier. (CUP, I, doc. 276, du 8 août 1371).
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 319

protection royale, contredisaient et menaçaient les libertés municipales


et le pouvoir des responsables locaux38.
Le Studium avait des ofciers – recteurs, conseillers, conservateurs,
huissiers (bedéis), procureurs, contrôleurs (taxadores), contrôleurs éco-
nomiques (almotacés), et d’autres – et des statuts propres39. Il avait son
coffre et ses sceaux. Ses ofciers, ses écoliers et ses serviteurs béné-
ciaient de nombreuses prérogatives et, surtout, de la protection royale.
En matière de privilèges personnels, on rappellera que les universitaires
et leurs domestiques rencontrés, à n’importe quelle heure de la nuit
mais munis d’une lanterne, ne pouvaient être arrêtés40. Mais déjà en
1312, à cause des larcins et des torts qu’on imputait aux écoliers, il fut
décidé que, s’ils étaient rencontrés après le troisième coup de cloche
de la cathédrale, les écoliers et leurs domestiques seraient arrêtés pour
être présentés au juge, le lendemain, sans toutefois être assujetttis aux
frais d’emprisonnement41. Cependant, ils ne pouvaient être poursuivis
par personne, durant tout le temps de leur séjour à Coimbra, celui-ci
commençant quinze jours après qu’ils étaient sortis de chez eux42.
Particulièrement enviés et disputés étaient les privilèges de ravitaille-
ment et de justice académique43.
An que la nourriture ne fasse pas défaut sur la table des écoliers, D.
Dinis avait ordonné qu’ils eussent leurs propres boucheries et fournis-
seurs, parmi les bouchers, marchands de vin et boulangers, qui étaient
surveillés par les contrôleurs “almotacés”44. En outre, les écoliers et leurs
serviteurs pouvaient apporter des provisions de l’extérieur sans avoir à
payer tribut45. Ils avaient encore la liberté de les acheter n’importe où
dans le royaume46. Ces prérogatives garantissaient que les écoliers, même
en époque de crise, trouveraient facilement des denrées alimentaires et

38
Une analyse des relations entre les universités et les autorités séculières au Moyen
Age est présentée par Nardi P., “Relações com as Autoridades”, in Uma História da
Universidade na Europa, vol. I, 89-97.
39
Sur ce thème, lire Marques J., “Os corpos académicos e os servidores”, in História
da Universidade . . ., 114-127.
40
CUP, I, doc. 28, du 15 février 1309.
41
CUP, I, doc. 38, du 25 mai 1312.
42
CUP, I, doc. 49, du 29 décembre 1317.
43
Pour une ample mise en contexte des privilèges universitaires et des résistances
bourgeoises qu’ils suscitaient, on consultera, Verger (1973) 53-56.
44
CUP, I, doc. 24, du 27 novembre 1308 ; doc. 29, du 1er juillet 1309 (où il est
résolu que les quatre bouchers pourvoyeurs des écoliers seraient choisis parmi les plus
riches an que le ravitaillement en viande soit le meilleur) ; doc. 36, du 1er décembre
1311, D. Dinis autorise les écoliers à avoir leurs propres contrôleurs (almotacés).
45
CUP, I, doc. 34, du 16 décembre 1310 ; doc. 37, du 1er décembre 1311.
46
CUP, I, doc. 37, du 1er décembre 1311.
320 maria helena da cruz coelho

les obtiendraient à des coûts moins élevés, étant exemptés de taxes. Ils
obtinrent par surcroît que D. Pedro obligeât les vendeurs de denrées
alimentaires à les commercialiser dans l’Almedina, pour la commodité
des étudiants. De la même façon, il leur fallait être pourvus de serviteurs
les libérant des inévitables tâches domestiques47.
Les autorités municipales voyaient d’un mauvais oeil ces prérogatives
et cherchaient à y faire obstacle. Elles leur retiraient leurs fournisseurs
propres48 et leur prenaient les bêtes que les écoliers et leurs hommes uti-
lisaient pour se déplacer ou transporter leurs biens49. Mais D. Fernando
donnait raison aux ofciers municipaux lorsque ceux-ci se plaignaient
que, même en période de vacances, les quelques écoliers qui restaient
à Coimbra avec leurs contrôleurs (almotacés) voulussent continuer à
se tailler la part du lion dans le ravitaillement, faisant tort à tous les
habitants de la ville50.
Encore plus dommageable à la cité que ces privilèges économiques
était la situation d’exception dont jouissaient le Studium et les universi-
taires dans le domaine de la justice.
Depuis sa fondation, le Studium ne relevait pas de la justice séculière
mais se trouvait placé sous la juridiction de l’évêque de Lisbonne. Et de
cette justice ecclésiastique il passa à une juridiction propre exercée par
le conservateur du Studium51. Si cet ofcier à l’origine devait se limiter à
faire respecter les privilèges de l’institution, dès avant 1315 il jugeait les
causes civiles impliquant les écoliers, ofciers et serviteurs de l’Etude,
ou ces derniers et des tiers, suivant les appels, mais seulement en ce qui
relevait des principales questions, jusqu’au roi52. Et des causes civiles on
était passé aux affaires criminelles qu’il jugeait dès 135553.

47
CUP, I, doc. 211, du 19 décembre 1358.
48
CUP, I, doc. 214, du 26 décembre 1360.
49
CUP, I, doc. 248, du 24 juillet 1367 ; doc. 275, du 6 novembre 1370.
50
CUP, I, doc. 283, du 19 décembre 1374. Il était également résolu dans cette charte
que le conservateur ne ferait usage de ses pouvoirs que lorsque les écoliers séjourneraient
à l’université, et non par conséquent en période de vacances.
51
Ainsi, le 3 décembre 1310, D. Dinis nomme deux conservateurs pour le Studium
de Coimbra (CUP, I, doc. 33). Sur cette problématique du tribunal académique, voir
Vasconcelos A. de, Origem e evolução do foro académico privativo da antiga Universidade Portuguesa
(Coimbra : 1917) ; Brandão et Almeida (1937) 71-73 et 92-99.
52
CUP, I, doc. 44, du 18 juillet 1315. Par charte du 6 juin 1327, D. Afonso IV
ordonne que toutes les autorités du royaume exécutent les sentences émises par les
conservateurs de l’Université (CUP, I, doc. 78). Le 13 avril 1365, D. Pedro conrme
le droit des conservateurs à arbitrer les litiges entre les écoliers et d’autres personnes
(CUP, I, doc. 218) et le 12 septembre 1368 (CUP, I, doc. 262), D. Fernando précise
les modalités d’appel.
53
CUP, doc. 199, du 5 janvier 1355, mais ici il y avait déjà seulement un conser-
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 321

La municipalité s’indignait des abus que permettait le statut acadé-


mique. Coimbra expliquait aux Cortes de 1361 que les universitaires
commettaient des fautes qui restaient impunies parce que le conser-
vateur n’exerçait pas la justice de peur des puissants que comptait le
Studium54. De son côté, l’université se plaignait de l’arbitraire des autorités
citadines et même de quelques ofciers royaux exerçant une autorité
locale, comme les corregidors, qui jugeaient des procès relevant du
seul conservateur ou allaient jusqu’à emprisonner des écoliers et des
ofciers55. Dans le choc des pouvoirs, se heurtaient intérêts et réclama-
tions. Ce à quoi le monarque voulait mettre bon ordre56.
Prenons l’exemple de João Esteves da Moreira. Ce personnage pos-
sédait des biens ruraux et urbains, des engins de transformation, tels
que moulins et pressoirs à huile. Il fut procureur de la municipalité et
ensuite conservateur du Studium. Il se querella avec l’institution, se voyant
reprocher de ne pas accomplir correctement ses fonctions, et il devint
procureur des habitants de l’Almedina, toujours hostiles aux univer-
sitaires. Assoiffé de pouvoir, il jouait des forces politiques en présence.
Il nit même par s’opposer au monarque et D. Fernando en vint à lui
consquer ses biens. Non moins parlant est le cas de Estêvão Domingues
de Vouzela. Il s’agissait d’un riche marchand qui fut plusieurs fois juge
de Coimbra et également conservateur du Studium57.
Aux grands était réservé le gouvernement de la ville et du Studium.
Mais quelques-uns de condition sociale plus moyenne ou plus modeste
désiraient également accéder à des places, certes de moindre prestige,
parmi les ofciers de l’Université. De fait, comme nous avons pu le prou-
ver, de nombreux habitants de Coimbra furent contrôleurs (almotacés),

vateur. La juridiction lui en fut ensuite retirée par D. Fernando, ce même monarque
qui la lui rendit, le conservateur l’exerçant à nouveau en 1368.
54
CUP, I, doc. 219, du 30 mai 1361.
55
CUP, I, doc. 255, du 14 avril 1358 ; doc. 268, du 12 avril 1369 ; doc. 273, du 14
octobre 1370 ; doc. 274, du 6 novembre 1370.
56
Ainsi, D. Fernando, par charte du 24 juillet 1367 (CUP, I, doc. 249) ordonnait
que le conservateur procédât aux audiences dans le palais du roi, et nulle part ailleurs,
et qu’il ne fît pas payer plus de droits que la commune pour l’administration de la
justice. Cependant, dans un autre document, du 14 avril 1368 (CUP, I, doc. 255), il
décrétait que le juge de Coimbra devait respectait les privilèges de l’université et les
décisions de justice prises par le conservateur, l’alcaide ne devant pas élargir les pri-
sonniers arrêtés par ce dernier.
57
Pour plus de détails sur la biographie de ce personnage, voir Coelho (1982) 348,
351-352.
322 maria helena da cruz coelho

procureurs, huissiers, portiers ou grefers de l’université58. Grâce à cette


relation, ils aspiraient à jouir des nombreux privilèges universitaires,
principalement de celui du tribunal académique, demandant que les
différends qu’ils avaient avec d’autres citoyens fussent jugés par le
conservateur du Studium.
Il ne fait aucun doute que le lien entre Coimbra et l’université a été
très étroit. Fait de mouvements opposés, mais non moins identitaires,
d’intégration et de rejet. Synthétisons maintenant nos observations sur
cette mise en valeur de la ville par son université.
La présence de l’université à Coimbra représenta un capital de pres-
tige intellectuel pour la ville, lui apportant une plus grande renommée
dans le pays, et même, dans la suite, à l’étranger.
Elle a fait conuer vers la ville des étudiants venus des diverses
villes et agglomérations du royaume. On en connaît de Guimarães,
de Prado, Torre de Moncorvo, Porto, Sousa, Lamego, Torres Novas,
Alcobaça59, Dornelas, Évora, Silves, Tavira60. Cette migration allait
creuser sans doute de nouveaux canaux de connaissance et d’interrela-
tion, permettant l’ouverture croissante de la ville aux autres provinces
du royaume.
L’université a permis encore la formation de nombreux hommes
provenant de la commune et des alentours de Coimbra (Pampilhosa,
Lorvão, Soure) et les a mis en position d’occuper de nouvelles fonctions
et de jouir de meilleures conditions de vie. On comptait parmi eux
des ecclésiastiques, comme un chanoine de Santa Cruz, un ration-
naire (raçoeiro) de Santiago ou les bacheliers de la cathédrale61. Il y
avait aussi des écoliers laïcs. Nombre d’entre eux surent s’intégrer à
la dynamique socio-économique de la ville et accéder à des charges
publiques et savantes. Ils épousaient des femmes de la bourgeoisie et
avaient leur demeure dans les rues les plus commerçantes de Coimbra.
Ils obtenaient des emplois seigneuriaux ou municipaux. Un étudiant

58
Coelho (1982) 352.
59
Chose curieuse, on connaît une bulle, du 25 mars 1375, de Grégoire XI, dans
laquelle le Pape, à la demande du roi D. Fernando, permet que l’abbé d’Alcobaça
envoie quatre de ses moines à l’université an qu’ils apprennent le Droit canon et le
Droit civil (CUP, I, doc. 285).
60
Coelho (1982) 353-354 ; CUP, I, docs. 220, 236, 244 . . .
61
Sur ces écoliers religieux, en particulier les bacheliers de la cathédrale, regroupés
en confrérie, lire Gomes S. A., “A solidariedade ecclesial na promoção de escolares
pobres a estudos universitários. O exemplo coimbrão nos séculos XIV e XV”, in
Universidade(s). História. Memória. Perspectivas, vol. 4, 195-234.
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 323

fut procureur du monastère de Santa Cruz. Un autre devint avocat


du conseil, un autre accéda même à la prestigieuse charge de juge.
Et ce sont deux écoliers, déjà très intégrés dans le milieu urbain de
Coimbra, qui furent les procureurs de la ville aux importantes Cortes
de 1385, où l’on élut roi D. João I62. Le savoir conduisait au pouvoir
économique, social et politique.
L’installation de l’université à Coimbra a entraîné, nécessairement,
une plus grande dynamique économique dans la ville, sur le marché
de location de maisons comme sur celui du ravitaillement et de la
commercialisation de denrées et de biens essentiels, même s’il est vrai
que de nombreuses tensions aient parcouru ces circuits de l’immobilier
et de l’intendance.
Le séjour du Studium et des écoliers à Coimbra, au XIVe s., ajouta
aux pouvoirs déjà existants dans la ville, le seigneurial, l’ecclésiastique
et le municipal, un quatrième pouvoir : le pouvoir universitaire. Certains
s’en servirent pour étendre, de plus haut, leur domination. D’autres
eurent à en supporter les conséquences. Mais au total cette présence de
l’université a contribué à la prise de conscience, au moins parmi les plus
cultivés et les plus éclairés, de l’importance du jeu entre les pouvoirs et
des effets résultant du conit des pouvoirs et des contre-pouvoirs.
Mais Coimbra, après cinquante-trois ans d’union avec l’université, au
long du XIVe siècle, la vit repartir pour Lisbonne. L’Infant D. Pedro,
certes, vers le milieu du XVe s., chercha à crér une nouvelle institution
universitaire dans la ville du Mondego, mais sans résultat63.
Le mariage annoncé au XIVe siècle se consomma deux siècles après.
L’Université s’établit à Coimbra en 1536. Cette fois pour toujours. Et
dans les marques du passé s’inscrivent des identités qui sont restées
jusqu’à aujourd’hui. Dans le dialogue entre la ville et son université il y
eut des accords et des conits, des mouvements d’assimilation ou d’ex-
clusion, des afnités ou des luttes de pouvoir, des politiques semblables
ou différentes. Mais le lien entre Coimbra et son université fut, et est,
indissoluble. Personne au Portugal n’évoque l’Université sans songer à
Coimbra. Personne ne dit Coimbra sans invoquer son Université.
Hier, comme aujourd’hui et, j’en suis certaine, demain, Coimbra a
été, est, sera une ville universitaire. Dans cette alliance réside le dé où la
ville et son université puiseront la dynamique de leur avenir commun.

62
La conrmation de ces données se trouve chez Coelho (1982) 354-356.
63
Coelho (1997) 54-55.
324 maria helena da cruz coelho

Annexe

Chronologie des rois et régents du Portugal


D.Afonso Henriques (1128-1185)
D.Sancho I (1185-1211)
D.Afonso II (1211-1223)
D.Sancho II (1223-1248), (déposé 1245)
D.Afonso III (1248-1279) ; (régent 1245-1248)
D. Dinis (1279-1325)
D. AfonsoIV (1325-1357)
D. Pedro (1357-1367)
D. Fernando (1367-1383)
D. João, Mestre de Avis, régent (1383-1385), puis roi
D. João I (1385-1433)
coimbra et l’université : complémentarités et oppositions 325

Carte 1: Institutions du clergé régulier et séculier qui ont sollicité auprès


du pape, le 12 novembre 1288, le Studium Generale
326 maria helena da cruz coelho

Carte 2
DISCIPLINES ACADÉMIQUES ET MODERNITÉ DES
SAVOIRS : LE CHOIX D’UNE POLITIQUE CULTURELLE
À FLORENCE (FIN XIVE-MILIEU XVE SIÈCLE)

Patrick Gilli

Sous un titre quelque peu abscons, je voudrai présenter un aspect par-


ticulier de l’histoire culturelle orentine, de la n du XIVe s. jusqu’au
milieu du XVe s. : c’est une idée admise de longue date que l’humanisme
a trouvé dans la cité de l’Arno son premier développement institutionnel ;
entendons par là qu’après les audaces de Pétrarque, l’héritage, un temps
en déshérence, du Lauréat, a pris une tournure délibérément politique
autour de la gure du chancelier Salutati, véritable auctoritas citadine. C’est
dans son entourage que se sont formés nombre d’humanistes orentins
appelés à jouer un rôle capital dans l’histoire culturelle européenne du
premier XVe siècle. Or l’institutionnalisation des studia humanitatis n’a pas
été un long euve tranquille1 parce que, au cœur même de ce premier
humanisme, se trouvaient des postulats qui risquaient de heurter les
traditions culturelles les mieux assises. Je voudrai examiner ici quelques
aspects de cette intégration chaotique des studia humanitatis dans la poli-
tique culturelle de Florence, à une époque qui fut celle – et ce n’est pas
un hasard – de la transformation de la cité communale en une capitale
territoriale2 et surtout celle de la mutation d’une cité fondée sur les tra-
ditions corporatistes en une cité dirigée par une classe de gouvernement
(le Reggimento) qui n’a plus qu’un rapport lointain avec la tradition, certes
élitiste, mais partiellement ouverte du XIVe siècle.
Le mot utilisé de « politique culturelle » peut également surprendre et
appeler à une clarication. N’est-ce pas une donnée anachronique que
d’imaginer une politique culturelle de la ville médiévale ? Appliquée à Flo-
rence, le concept n’est en rien anachronique. D’abord parce que Florence
est une ville universitaire depuis 1348 (même si la fondation ofcielle est
entérinée en 1349), qu’elle est aussi dotée d’un réseau d’écoles publiques
et privées très diffus. Il y a donc un investissement réel de la ville dans
les institutions culturelles, quoiqu’il s’agisse d’un investissement a minima,
car le rythme du studium orentin fut, à l’instar de celui de bien d’autres
universités italiennes, chaotique : à titre d’exemple, rappelons qu’entre
1371-1375, le Studium n’a qu’un seul professeur, qu’entre 1376-1385,

1
Voir Benjamin G. Kohl, « The changing concept of the Studia humanitatis in the
early Renaissance », Renaissance Studies, 6 (1992) 185-209.
2
Voir à ce sujet, l’ouvrage récent de Jean Boutier, Sandro Landi, Olivier Rouchon éd.,
Florence et la Toscane (XIV e-XIX e siècles). Les dynamiques d’un Etat italien (Rennes : 2004).
328 patrick gilli

l’université est fermée et qu’elle subit de nouvelles fermetures entre 1407


et 1413, puis entre 1449 et 1451. Les enseignants étaient salariés par la
commune et rétribués par les ufciali dello studio, il est vrai à un niveau
d’investissement relativement faible pour la cité : au début du XVe siècle,
le montant alloué à l’université par la ville représentait 3000 orins
annuels pour un budget en temps de paix d’environ 600000 orins, soit
à peine 0,5% des ressources scales3. De nouveau, en 1429-1430, les
Florentins nissent par accepter la proposition de Niccolo da Uzzano
de création d’une Sapienza, c’est-à-dire d’un collège pour étudiants, sous
un strict contrôle communal. Même si le projet n’aboutit pas, il révélait
bien le soutien de l’élite locale pour cette sorte de patronage séculier et
politique sur les institutions universitaires4.
Mais on peut également parler de politique culturelle parce que les
traces d’une implication de la ville dans la formation intellectuelle (sans
parler de la politique artistique de Florence5) sont nombreuses, sans être
univoques. La cité ne s’est pas contentée de son université puisque l’exé-
cutif orentin pouvait stipendier des lettrés appelés à enseigner in civitate et
non in studio : c’est ainsi que les lectures de Dante ont été commanditées,
pour l’édication morale des citoyens, mais hors du studium ; de même,
à partir de 1396, les leçons de grec de Manuel Chysoloras ont été ainsi
données in civitate, et cette même année deux lecteurs assurent la lecture
de Dante et celle du De civitate Dei d’Augustin hors du Studium, tout en
étant rétribués par la commune6.
Le point sur lequel je voudrai m’appesantir concerne la question appa-
remment élémentaire de l’humanisme et de ses relations avec la culture
universitaire, la scolastique. Plus précisément, je voudrai voir quelle fut
l’attitude des intellectuels les plus proches des milieux dirigeants à l’égard
de ces nouvelles formes culturelles portées par le courant humaniste.
Avec Pétrarque s’afrme une conception de la culture qui met en
question la tradition scolastique, en particulier dans l’enseignement de
la philosophie, mais aussi de la médecine et du droit. Dans un dialogue
intitulé De vera sapientia, le Lauréat (chez Pétrarque, les lauriers de la gloire

3
Jonathan Davies, Florence and its University during the Early Renaissance (Leyde:
1998).
4
Peter Denley, “The Collegiate Movement in Italian Universities in the Late Mid-
dle Ages”, History of Universities, 10 (1991) 29-91, en particulier 45. Pour un examen
général de l’investissement politique des villes italiennes dans les institutions scolaires,
voir P. Denley, “Governments and Schools in Late Medieval Italy”, in Trevor Dean
and Chris Wichkam ed., City and Countryside in Late medieval and Renaissance Italy. Essays
in honor of Philip Jones (Londres: 1990) 93-107.
5
A l’intérieur de Santa Maria del Fiore, coeur de la religion civique orentine, un
authentique patronage public se dégage des monuments équestres in affresco dédiés aux
condottieri, comme John Hawkwood par Paolo Uccello en 1436, Niccolo de Tolentino
par Andrea del Castagno en 1456, ou des portraits des grands hommes de Florence
comme celui de Dante par Domenico di Michelino en 1465 ou ceux de Giotto, Bru-
nelleschi ou Marsile Ficin.
6
Jonathan Davies (1998) 25-40.
disciplines académiques et modernité des savoirs 329

poétique n’ont rien à voir avec les emblèmes corporatistes du docteur)


s’attaque au cœur de la cérémonie de remise des insignes doctoraux.
Examinons de plus près le texte (au demeurant fort peu étudié par les
critiques actuels) car il est d’une grande subtilité. Il s’agit d’un dialogue
ironique opposant un orator et un idiota. Comme on peut l’imaginer, l’orator
est la gure ridicule de l’universitaire, goné de lui-même et de son savoir
académique ; l’Idiot n’est autre qu’un double de Pétrarque, à la sagesse
prudente et éloignée de toute autosatisfaction, toute en introspection.
Voici comment l’Idiot évoque la cérémonie doctorale :
« Un jeune imbécile s’approche du temple pour y recevoir les insignes
de docteur. Ses précepteurs lui rendent hommage soit par amour, soit par
erreur. Celui-ci rougit, le vulgaire est ébahi, les amis et la famille applau-
dissent. Sur ordre, il monte sur la cathèdre, regardant désormais tout de
haut et murmurant je ne sais quoi d’inintelligible. Alors les plus éminents
docteurs le portent aux nues à qui mieux mieux. Les cloches sonnent,
les trompettes résonnent, on échange des baisers, des anneaux vont et
viennent, on lui impose sur la tête un bonnet rond et magistral. Une fois
ceci accompli, lui qui était idiot redescend, sage. Admirable métamorphose
inconnue même d’Ovide. Ainsi fait-on aujourd’hui les savants7 ».
A ce texte ravageur, l’orateur ne peut que répondre : « Et pourtant je
suis un savant8 ». Texte à la fois délicieux et magistral, car Pétrarque a saisi
l’essentiel du processus rituel (anneaux, baisers, bonnets) pour le tourner
en dérision et présenter cette eucharistie doctorale qui transforme l’idiot
en savant de la façon la plus pertinente qui soit : les paroles deviennent
magiques (nescio quid confusum murmurans), à la manière des paroles du
prêtre qui agissent ex opere operato pour sublimer les saintes espèces. Ici
la fonction sacramentelle est jouée par les éminents docteurs (maiores)
et c’est l’ignorant qui est transmué en savant. L’atmosphère religieuse
qu’a rendue le polémiste exprime au mieux l’effet de sacralisation de la
discipline que recherchent les juristes (mais la critique pourrait tout aussi
bien caractériser les théologiens ou les médecins). Pour Pétrarque, si peu
sensible à ces célébrations corporatistes, le moment du doctorat devait
contenir tout ce qu’il abhorrait : le formalisme qui prime la recherche,
l’auto-recrutement fondé sur des critères obscurs et surtout répétitifs,
l’absence de substance de l’impétrant et de ses maîtres, enn la promotion

7
Pétrarque, De vera sapientia, dans Id., Opera quae extant omnia (Bâle : 1581) I, 324:
« Venit iuvenis stultus ad templum doctoris insignia recepturus. Praeceptores illum sui
celebrant seu amore seu errore. Tumet ille, vulgus stupet, applaudunt afnes et amici.
Ipse iussus cathedram scandit iam ex alto despiciens et nescio quid confusus murmu-
rans. Tunc maiores certatim ceu divina locutum laudibus ad coelum tollunt. Tinniunt
interim campanae, strepunt tubae, volant anuli, guntur oscula, vertici rotundus ac
magistralis bonnetus apponitur. His percatis descendit sapiens qui stultus ascenderat.
Mira prorsus transformatio nec Ovidio cognita. Sic unt hodie sapientes ». Traduction
in P. Gilli, La noblesse du droit. Débats et controverses sur la culture juridique et le rôle des juristes
dans l’Italie médiévale (Paris : 2003) 175-178.
8
Ibid. : « Sapiens attamen sum ».
330 patrick gilli

liée à des rituels inaccessibles et incompréhensibles (vulgus stupet). Dans ce


processus, même le récipiendaire est abusé, mais se coule insensiblement
dans le code comportemental constitutif du groupe : monté sur la cathèdre,
le voilà qui regarde le monde de haut !
Il serait aisé de trouver dans l’œuvre de Pétrarque de nombreux
exemples de prises à parti des disciplines scolastiques, accusées d’être
ignorantes des fondements épistémologiques et historiques de leurs
savoirs, accusées aussi d’être ignorantes des vraies questions, celles qui
concernent le statut de l’homme9. Pourtant, en dépit de cette perspec-
tive réitérée dans la production pétrarquienne, ce n’est pas la mise en
question de la tradition académique qui a retenu les premiers épigones
du Lauréat ; Pétrarque a été loué comme philosophe moral – c’est ainsi
que la République de Venise le désigne dans un document ofciel où elle
lui accorde une maison en échange de sa bibliothèque qu’il devra à sa
mort-, comme défenseur de la poésie, sans que ses successeurs mesurent
la portée novatrice de sa démarche.
A la n du XIVe siècle, avec l’autorité de Salutati, chancelier de la
seigneurie de Florence, on a un témoignage des ambiguïtés du pro-
gramme humaniste dans sa réception par les élites lettrées et politiques
de la cité.
Il est important de rappeler ces considérations élémentaires sur le statut de
la culture universitaire dans la tradition humaniste naissante : l’humanisme
naît hors des enceintes universitaires, en partie contre la culture universi-
taire, singulièrement la philosophie naturelle, la médecine et le droit.
Or, lorsque Salutati devient chancelier de Florence en 1375, et que
sa situation l’amène à prendre position sur les sujets les plus variés, la
position très anti-scolastique de Pétrarque est loin d’être assumée sans
hésitation. On constate d’abord que le chancelier, en accord avec les
dirigeants de la cité, s’engage dans une conception qui est moins celle
d’une recomposition des savoirs comme l’a tentée Pétrarque, avec une
nouvelle hiérarchie, qui placerait d’autres disciplines – rhétorique, histoire,
poésie – au cœur de la connaissance, que dans un certain conformisme
culturel, doublé d’un patriotisme traditionnel10.
Quelques exemples permettent de mesurer cette situation. Là où Pétrar-
que s’était lancé à plusieurs reprises dans la critique du droit, adressant à
la scientia legalis de nombreux reproches (la déchéance du droit passé d’un

9
Francesco Bottin, « La polemica umanistica contro la scolastica : l’origine di un
topos storiograco », in Id., La scienza degli occamisti (Rimini : 1982) 277-31.
10
Sur ce point, voir Ronald G. Witt, In the footsteps of the ancients : the origins of human-
ism from Lovato to Bruni (Leyde : 2000), C. Mésoniat, Poetica theologia. La « Lucula noctis » di
Giovanni Dominici e le dispute letterarie tra ’300 e ’400 (Rome : 1984), Anne Reltgen-Tallon
« L’observance dominicaine et son opposition à l’humanisme : l’exemple de Jean Domi-
nici » dans P. Gilli éd., Humanisme et Eglise en France méridionale et en Italie (XV e siècle-milieu
XVI e siècle) (Rome : 2004) 43-62, et R. Quinto, « Scholastica. Contributo alla storia del
concetto, II, Secoli XIII-XVI », Medioevo. Rivista di storia della losoa medievale, XIX
(1993) 67-165.
disciplines académiques et modernité des savoirs 331

savoir universel à une discipline civile ; l’inadaptation de la méthode d’ap-


proche du droit qui complique tout à souhait, le caractère an-historique
du droit des Ecoles, la réduction du droit à une technique sophistique
de mobilisation d’arguments en vue du consentement, la monétisation
d’une pratique11), Salutati ne va pas hésiter, en revanche, à valoriser le
droit et les disciplines classiques.
En effet, avec Salutati, héritier auto-proclamé de Pétrarque, le point
de vue est tout à fait différent. Ni l’université ni les savoirs universitaires
ne sont rejetés, et ce pour plusieurs raisons : d’abord, l’université peut
être une source d’illustration de la cité, un témoin de sa gloire autant
qu’un élément de sa propagande. C’est un aspect que l’on voit se dessiner
dans les dernières décennies du XIVe s. à Florence. J’en citerai deux
exemples : il y a chez Salutati, dans plusieurs de ses lettres publiques (et
le chancelier de Florence a pris soin de faire diffuser ses lettres publiques
autant que privées) un rappel de la nécessité de travailler pour l’université
de Florence. En 1385, le chancelier écrivit une lettre aux Pérugins pour
déplorer que les Florentins partent faire leurs études hors de la Toscane,
alors que leurs ancêtres étrusques avaient enseigné la science et la religion
aux Romains ; c’est une situation inacceptable12.
Ensuite, en 1389, dans une lettre au célèbre médecin Antonio da
Scarperia qui avait refusé de venir enseigner dans le Studium orentin, le
chancelier explique combien il est ignominieux pour un citoyen de ne pas
répondre à l’appel de sa patrie. Il rappelle à son interlocuteur récalcitrant
que s’il acceptait de venir enseigner à Florence, cela serait un moyen de
payer sa dette envers la cité où il avait fait ses études13.
Il s’agit d’un rappel à l’ordre surprenant puisqu’à Florence, la situa-
tion est particulière : depuis 1361, il existe une législation qui interdit
aux citoyens orentins d’exercer dans le Studium, du moins d’y tenir une
lectio ordinaria ; en 1391, une provision interdit d’embaucher un Florentin
plus d’un an. Les statuts urbains de 1408 et ceux de 1415 conrment
précisément l’interdiction d’embauche d’un Florentin ou d’un districtua-
lis dans le Studium. Mais il semble que la législation soit vite tombée en

11
Sur toutes ces critiques, voir Patrick Gilli (2003).
12
Cité par Daniela De Rosa, Coluccio Salutati. Il cancelliere e il pensatore politico (Flo-
rence : 1980).
13
Archivio di Stato di Firenze, A. S. F., Missive, reg. 21, f.108-109 : « Non debet tua
dilectio, non debet etiam quicunque civis, voluntati patrie contraire. Quid enim magis
incongruum ? Quid deformius magisque moribus inhonestum quam, cum omnia patrie
debeamus, eius ordinationi resistere ? Nichil enim humanitus contingere solet quod a
patrie reverentia ac reipublice cultu possunt hominem excusare, cum nullus tantus
cogitari valeat labor tantumque periculum quod non sit pro salute patrie subeundum,
cum etiam non licet mortem, que quidem ultimum terribilium est, pro exaltatione
patria, que nos genuit evitare. [. . .] Tecumque recogites quot et quanti tue artis tuique
exercitii professores loco maximi muneris ducerent, si ad legendum in tam celebri
civitate, ne dicamus in patria, vocarentur ». Il faut ajouter qu’Antonio, né à Scarperia,
a obtenu la citoyenneté orentine en 1382 seulement (voir Epistolario di Coluccio Salutati,
F. Novati éd., t. 3 (Rome : 1896) 239).
332 patrick gilli

désuétude, ou plus exactement qu’elle a été contournée par des provisions


dérogatoires14. La crainte de la Seigneurie s’explique par la peur de la
brigue, et le désir d’empêcher les universitaires orentins d’obtenir des
postes grâce à l’amitié des ufciali.
Mais il y a plus encore. A la même période, la cité de Florence s’engage
résolument dans une sorte d’exaltation de ses propres gloires intellectuelles
locales, de quelque nature qu’elles soient, aboutissant à une sorte d’una-
nimisme qui va à rebours du programme pétrarquien de réorganisation
des disciplines et de création d’une nouvelle hiérarchie intellectuelle.
En effet, la commune de Florence a voté en 1397 une provision visant
à l’érection de tombeaux des grands hommes de la cité dans la cathé-
drale, mêlant tout à la fois humanistes, poètes et juristes : en l’occurrence
Accurse (à qui on avait opportunément retrouvé des origines toscanes15),
Dante, Pétrarque, Zanobi da Strada (le dernier des poètes couronnés
de lauriers) et Boccace devaient ainsi recevoir une sépulture publique16.
L’idée de tombeaux des hommes illustres, version architecturale des De
viris illustribus, trouve sa source à Bologne avec les mausolées des juristes17 ;
ici, ce n’est pas une discipline, mais l’ensemble des savoirs dans lesquels
s’est illustrée la capitale de l’Arno qui sont mis à l’honneur. Presque
au même moment, le juriste Filippo Villani, ami de Salutati, mettait
un point nal à la révision (sous contrôle du chancelier lui même) de
son De famosis civibus Florentie18, travail complexe dans lequel le juriste et

14
Voir par exemple, Antonio Gherardi, Statuti della Università e Studio orentino dell’anno
MCCCLXXXVII (Florence : 1881) 389 sq., où sont édités les contrats d’embauche de
deux Florentins en 1415. Le devetum (interdiction d’engager des citoyens) n’et pas une
singularité orentine, mais se retrouve dans d’autres cités, comme à Padoue (H. Denie,
« Die Statuten der Juristen-Universität Padua vom Jahr 1331 », Archiv für Literatur und
Kirchengeschichte des Mittelalters, 6 (1892) 112-113).
15
Accurse se désignait en son temps comme Florentinus.
16
La provision évoque l’honneur dû à ceux qui illustrèrent la patrie orentine :
« Quantum honoris et fame perpetuo durature elegantia ac nobilissima opera illorum
qui erunt inferius nominati peperint eorum Patrie Florentine cum debita diligentia
cogitantes » : texte dans Riccardo Fubini, « All’uscita dalla scolastica medievale : Salu-
tati, Bruni e i ‘Dialogi ad Petrum Histrum’ », Archivio Storico Italiano, CL (1992) 1101
(désormais dans Id., L’umanesimo italiano e i suoi storici. Origini rinascimentali-critica moderna
(Milan : 2001) 75-103).
17
Roberto Grandi, I monumenti dei dottori e la scultura a Bologna (1267-1348) (Bologna :
1982).
18
Voir Filippo Villani, De origine civitatis orentie et de eiusdem famosis civibus, Giuliano
Tanturli éd. (Padoue : 1997). L’ouvrage a bénécié d’une double rédaction, l’une vers
1381, l’autre dénitive vers 1396. Il faut évidemment retenir cette deuxième date,
contemporaine de la provision publique et voisine du De nobilitate legum du chancelier,
signe d’une véritable réexion commune engageant l’élite politique des Albizzi qui
contrôlait la cité et l’élite intellectuelle ; à l’articulation des deux, se tenait la gure
centrale du chancelier Salutati. Pour une présentation raisonnée de l’œuvre, Lorenzo
Tanzini, « Le due redazioni del ‘Liber de origine civitatis Florentie et eiusdem famosis
civibus’. Osservazioni sulla recente edizione », Archivio storico italiano, 48 (2000) 141-161.
disciplines académiques et modernité des savoirs 333

lecteur de Dante (il a tenu une lecture sur Dante en 1373, puis en 1404)
faisait un sort particulier à côté des cinq grands poètes orentins (Dante,
Boccace, Pétrarque, Zanobi et Salutati lui-même) aux juristes locaux,
premières gloires à être citées dans l’ouvrage : étaient ainsi étudiés un
certain Cyprianus, les Accurse, père et ls, Dino da Mugello et Giovanni
Andrea. Après les juristes venaient les médecins, puis les musiciens, et
enn, les semipoetae. Il s’agit clairement d’un projet cohérent d’exaltation
patriotique à un moment où la politique extérieure du régime des Albizzi
est menacée par la pression lombarde, et où surtout la politique intérieure
se caractérise par un effort particulièrement sensible de propagande et
de défense du régime19. Dans ce contexte local, la mise en commun des
juristes et des poètes dans un ensemble unique tendu tout entier à montrer
la puissance intellectuelle de la capitale toscane illustre une tentative de
conciliation des disciplines, qui allait à rebours des débats sur les arts et
de l’héritage pétrarquien.
Aussi Salutati écrit-il vers 1400 un ouvrage intitulé De nobilitate legum
et medicinae : première mouture d’une dispute des arts selon la taxinomie
médiévale, le De nobilitate s’écarte de la tradition pétrarquienne en faisant
du droit le maître-étalon de la philosophie morale. On peut véritable-
ment parler d’un coup de force, puisque Pétrarque avait au contraire
dénoncé l’inconséquence philosophique des juristes. Pour Salutati, le
droit repose sur la nature et sur ses principes fondamentaux qui ont été
insérés ab origine dans l’esprit des hommes : c’est ce que l’on appelle une
scientia propter quid, qui part de la cause pour arriver à l’effet ; à l’inverse,
la médecine procède de l’effet vers la cause supposée : c’est une scientia
quia. L’une repose sur des certitudes, l’autre sur des conjectures et des
hypothèses20. C’est un aspect très important de la démonstration qui tend
à réduire la médecine à un empirisme approximatif : qui peut connaître,
par exemple, les propriétés précises des simples sur le malade, quand on
voit bien que, certaines fois, ils sont efcaces, d’autres fois non21. Tout

19
Voir Richard Trexler, Public Life in Renaissance Florence (New York : 1980).
20
Coluccio Salutati, De nobilitate legum et medicinae, Eugenio Garin éd. (Florence : 1946)
84 : « quod medicus ab effectu progrediens in ipsam pervenit rationem, que quidem
sciendi ratio dici solet a logicis scientia quia. Legalis autem scientia, principium habens a
natura et summis illis primis equitatibus, que humanis mentibus inserte sunt, scientia que
dicitur propter quid, de ratione cause graditur in effectum. [. . .] Vestra vero medicina
ex certitudine « quia sic est » coniecturam sumit eius quod dici valeat « propter quid ».
Coniecturam dixi, nam de veritate rationis, licet videatur esse probabilis, difcile potest
per aliquam afrmari (Le médecin parvient à la raison en partant de l’effet, selon un
type de science que les logiciens appellent scientia quia ; la science juridique, au contraire,
se fonde sur la nature et à partir de ces premières règles qui sont inscrites dans l’esprit
des hommes procède des effets vers les causes : c’est une science qui est dite propter quid
[. . .] Ta médecine, inversement, tire de la constatation qu’une chose est l’hypothèse de
la cause du phénomène. Et je dis bien conjecture, car on pourrait difcilement parler
de raison, nonobstant le caractère probable). Les traductions sont miennes.
21
Id., 92 : « Quis novit cur ferrum trahitur a magnete ? Quis vestrum innitas
simplicium virtutes, quibus vestras concitis medicinas, ratione poterit assignare ? ». Il
334 patrick gilli

aussi grave, aux yeux de Salutati, l’absence réelle de valeur scientique


de la démarche médicale puisque il y a une multiplicité de médecines,
signe de leur scienticité incomplète22.
Cependant, ce qui apparaît comme le point le plus important dans cet
argumentaire en faveur de la scientia legalis tient à sa valeur sociale : les lois
assurent la régulation sociale des actes humains lesquels procèdent de la
volonté. Autrement dit, la loi ne s’arrête pas à un homme en particulier
mais à l’homme en général ; à l’inverse, la médecine n’a qu’une portée
individuelle et singulière, en ne traitant que des individus isolément23. Les
lois s’identient totalement à la vie politique, non comme quelque chose
de subalterne, mais comme un principe conditionnant24. La démarche
du chancelier est donc très singulière : défenseur de l’orthodoxie discipli-
naire (ce qu’il écrit sur le droit est proche des traités d’auto-célébration
de la scientia legalis, tel celui de Bartole) en même temps que défenseur
des studia humanitatis, de la poésie et de la rhétorique, il venait apparem-
ment heurter ce qui était pourtant un des aspects les plus novateurs de

est intéressant de constater que plus loin dans le traité, analysant « la certitude » de
chacune des disciplines, Salutati évoque des problèmes très bien sentis sur les lacunes
de la connaissance médicale : que connaissez-vous, demande-t-il aux médecins, de
l’innité des nerfs qui parcourt le corps humain et qui comme on aide un vicaire ne
peuvent manquer d’avoir un effet sur lui ? Pouvez-vous sans craindre d’être contredits
assigner une fonction à chacun d’eux ? (Id., 120-122).
22
Id. : « Ego temet et alios medicos obtestor et rogo, respondete michi, precor,
quid sibi vult permixta medicaminum multitudo, nisi quia nescitis quod magis pro-
prie prodesse possit, et quoniam vobis occurrat multa quandoque percere quod in
unius virtute nequeas reperire ? [. . .] Nonne satis patet vos non uti scientia, sed potius
coniectura».
23
Id., 98 : « Scientia vero legalis quoniam humanorum actuum, qui de voluntate et
libertatis arbitrio proscuntur, regulatrix est, et animam que vult, et eius partes, habitus
atque potentias speculatur ; qua quidem speculatio nescio que maior, que iucundior
queve divinior valeat assignari, cum etiam non hec ut huius vel illius hominis, sed
simpliciter ut hominis pertractentur, non respectu cuiusquam singularis hominis, sed
ut cum omnibus hominibus regno, civitate, familia, vel amicis, omnium et denique
mortalium societate, quam adispici possumus, convivere debeamus (La science juridi-
que, en tant que régulatrice des actes humains qui dérivent de la volonté et du libre
arbitre, considère l’âme en tant qu’elle possède la volonté, ses différentes parties, son
fonctionnement, et ses forces. Investigation qui me paraît n’avoir rien de supérieur, ni
rien de plus grand ou de plus divin, elle qui regarde non pas les questions de propriétés
ou de tel individu particulier, mais ce qui nous fait vivre ensemble dans un royaume,
une cité, une famille, entre amis, et nalement dans toute la société des mortels à
laquelle nous devons nous rattacher) ».
24
Id., 50 : « Leges autem ad politicam pertinere, sicut tu ipse fateris, sic nemo
negaverit. Non tamen, sicut tu vis, tamquam inmum aliquid quod politice subiciatur,
sed velut imperans imperato. Politica quidem, hoc est activa vita, regulatur, ut supra
tetegimus, institutione legali, legibusque subicitur veluti regulatum supponitur regulanti
(Les lois relèvent de la politique comme tu l’as reconnu, et je ne le nierai pas. Mais non
pas de la politique comme tu l’entends, comme quelque chose d’inme soumis à la politique ;
tout au contraire comme le rapport de celui qui commande à celui qui est commandé.
La politique, c’est-à-dire la vie active, est régulée, comme je l’ai dit précédemment, par
les lois et est soumise aux lois comme la règle l’est à celui qui dénit la règle) ».
disciplines académiques et modernité des savoirs 335

Pétrarque. Le travail de conciliation de Salutati ne pouvait se faire qu’au


prix d’une dénition de l’œuvre de Pétrarque quelque peu aseptisée et
rendue culturellement acceptable : Pétrarque devient une sorte d’idole
dans laquelle communient d’ailleurs les lettrés issus de la scolastique
et les lettrés engagés dans la renovatio studiorum : Filippo Villani, dans sa
biographie de Pétrarque, n’invente-t-il la légende de l’assomption de
l’âme de Pétrarque, symbole du caractère plus qu’humain du poète25.
Assurément, il s’agit là du Pétrarque philosophe moral ou poète, source
d’imitation rhétorique dans le cadre de l’Ecole et, en aucune façon, de
l’intellectuel qui aimait à se différencier des autres et à s’afrmer au dessus
des programmes scolastiques. C’est somme toute une version édulcorée
et « politiquement correcte » du Lauréat que propose Villani.
En tout état de cause, l’effort orentin de conciliation disciplinaire et
d’exaltation unanime des lettrés locaux apparaît comme très marqué par
la conjoncture. Reste que cette tentative prenait à revers les mouvements
de fond de l’histoire culturelle italienne.
Il faut ajouter aussi que les décennies 1400-1420 furent marquées à
Florence par la réfection, à deux reprises (1409 et 1415), des statuts de la
ville et que les résultats de cette réécriture méritent que l’on sy’ arrête.
Dans la première élaboration, on t appel, au sein de la commission
des Dix chargée de la rédaction, à des juristes orentins, en particulier
Giovanni di Montegranaro. Or ce personnage est présenté dans la pre-
mière rubrique du statut de 1409 (intitulée de façon très « justinienne »
De origine juris) comme un personnage non seulement de réputation
irréprochable, mais surtout comme un spécialiste des lois orentines,
et un ami du régime26. L’exaltation intellectuelle du droit et des juristes

25
Filippo Villani (1997) 370 : « Referente siquidem eodem Lombardo, de quo supra
habui mentionem, veritatis amico, presens audivi ex ore Petrarce, dum totum efaret
spiritum, aerem tenuissimum exalasse in candidissime nubecule speciem, qui, more
fumi exhusti thuris in altum surgens, usque ad laquearia testudinis morose saliendo se
extulit ibique paululum requievit, tandem paulatim resolutus in aerem limpidissimum
desiit comparere (D’après un certain Lombard, dont j’ai parlé ci-dessus, homme enclin
à la vérité, de la bouche de Pétrarque, alors que son soufe vital le quittait, s’exhalait
quelque chose de très n, une sorte de nuage très blanc, qui à la façon d’une fumée
s’élevant d’une tour, se déplaça en montant minutieusement jusqu’au plafond à caissons,
et là s’arrêta un peu ; ensuite, insensiblement, dissout dans un air très pur, il cessa de
se manifester) ».
26
Archivio di Stato di Firenze, Statuti del comune di Firenze, 23, c.1rb : « Vir prudentissimus
et in iuris civilis scientia peritissimus dominus Johannes de Montegranaro, doctor egre-
gius, quive in omnibus pene Italie civitatibus illustribus non semel tantum, sed pluribus
in diversis temporibus vicibus iuridicendo prefuerat. Eius erant mores virtus et scientia
et bonitas civibus cunctis nota. Sex enim vicibus intra annos triginta cum potestatibus
huius urbis iuridicendo prefuerat atque primum locum tenuerat. Noverat vir hic acris
ingeni mores et leges omnes orentinas, formam etiam qua gubernatur civitas hec et
omnes nostras consuetudines civiumque ingenia egregie tenebat. Et ad orentinam rem
publicam singularem benevolentiam tenebat ». Les statuts de 1409 sont encore inédits,
mais ils ont fait l’objet d’une étude de Lorenzo Tanzini qui a livré quelques unes de
ses conclusions dans une communication au séminaire tenu à Rome le 23 novembre
336 patrick gilli

prend ainsi racine dans une ambiance locale particulière où le régime


des Albizzi tente de mettre à son service la compétence des universitaires
locaux pour la plus grande gloire de la cité (et la plus grande stabilité du
régime !). De fait, la valorisation du droit par Salutati ou Villani s’inscrit
peut-être dans une perspective plus locale que proprement « discipli-
naire ». En effet, la réexion du chancelier autour de 1400 sur le droit
et sa valeur fondatrice, réexion qui anticipait d’une dizaine d’années
les travaux effectifs de rénovation des statuts, s’adaptait aux efforts de
la classe dirigeante orentine pour élaborer à nouveaux frais les bases
du fonctionnement institutionnel de la cité-capitale. La nécessité de tout
remettre à plat que le chancelier Salutati devait parfaitement connaître
ne pouvait que l’inciter à reconnaître à la scientia legalis un rôle cardinal
dans la stabilité des états : c’est d’ailleurs un des motifs principaux de la
primauté qu’il accorde à cette discipline27.
Un tel projet conservateur fut mis à mal par la jeune garde humaniste
orentine, notamment Leonardo Bruni et Le Pogge qui, non sans difculté,
mirent un terme au long magistère du chancelier. Il est signicatif que
l’un et l’autre aient rédigé, vers 1410 pour le premier, vers 1430 pour
le second, des ouvrages de dénigrement du droit ; surtout tous deux ont
ouvert la voie à une interprétation nettement plus singulière des traditions
culturelles : Bruni n’est rien d’autre que le traducteur de textes aristotéli-
ciens utilisés dans l’université ; il polémiqua avec Alfonso de Burgos et les
défenseurs de la traduction scolastique d’Aristote entreprise au XIIIe siècle
par Guillaume de Moerbeke et de Robert Grosseteste28, considérant que
ces traductions étaient grandement fautives, ce qui remettait en question
la nature même de l’enseignement et de l’héritage scolastiques29.

2000 sur le thème « Culture juridique et culture politique du Quattrocento italien, à


paraître à l’Ecole française de Rome ; la communication de Lorenzo Tanzini, « Gli
statuti orentini del 1409-1415 : problemi di politica e diritto » est déjà disponible sur
le Net (http://www.dssg.uni.it/_RM/rivista/saggi/Tanzini.htm) d’où nous tirons la
citation sur Giovanni di Montegranaro (ici p.2 de l’article).
27
C. Salutati (1946) 170 : « Quicquid huius humanis mentibus insertum est, naturalis
lex et politica ratio dici debet. Quicquid inventio humana constituit, quod ab hac non
discrepat ratione, res est eadem humane legis promulgatione societatis ; hoc quidem
intendit et lex. Vult politica civem bonum, et quid aliud latores legum suis institutioni-
bus moliuntur ? Nam si virtutes queris, legalis justicia cunctas amplexa est. Nec aliud
est legalis scientia quam ipsa iusticia, vera, divina, naturalis et eterna » (tout ce qui,
de l’esprit divin, est instillé dans l’esprit humain doit être dit loi naturelle et raison
politique ; tout ce qui constitue l’initiative humaine et ne s’éloigne pas d’un principe
rationnel, est la même chose imposée par la promulgation de la loi humaine. La politique
vise à la conservation de la société humaine ; la loi ne vise à rien d’autre. La politique
veut le bon citoyen. A quoi d’autre aspirent les juristes avec leurs institutions ? Si tu
recherches la vertu, la justice légale a embrassé toutes les vertus et la science légale
n’est rien d’autre que la justice, vraie, divine, naturelle et éternelle) ».
28
Paul Botley, Latin Translation in the Renaissance. The Theory and Practice of Leonardo
Bruni, Giannozzo Manetti and Erasmus (Cambridge : 2004).
29
P. Gilli (2003).
disciplines académiques et modernité des savoirs 337

La gerbe de critiques adressées au droit se concentre dans une chrono-


logie nalement assez serrée, disons la première moitié du XVe siècle,
et après le magistère de Salutati. La situation n’est pourtant en rien
gée, et les audaces provocantes à l’encontre de la culture contempo-
raine n’ont pas toujours eu l’assentiment de tous les humanistes oren-
tins de l’époque des Albizzi, ni de celle des Médicis. En ce domaine,
comme en tant d’autres, l’ére médicéenne a correspondu à un effort
de normalisation, voire de mise au pas des intellectuels. Il n’est pas
surprenant qu’un des lettrés proches de Cosme de Médicis, Benedetto
Accolti, ait rédigé à son tour un Dialogue sur l’éminence des hommes de son
temps (Dialogus de praestancia virorum sua aetate), qui est symptomatiquement
une entreprise d’éloge de ses contemporains, qu’ils fussent hommes de
pouvoir, comme Cosme de Médicis ou Francesco Sforza, ou des lettrés.
A cet égard, Accolti accueille, dans un œcuménisme culturel propre
à désarmer les polémiques antérieures, toutes les gures célèbres de
son époque (entendons l’âge nouveau initié par Dante et Pétrarque) :
Bruni, le Pogge, Carlo Marsuppini. Ce qui mérite précisément de
retenir l’attention dans cet opuscule rédigé vers 146030, c’est qu’il s’agit
de l’effort singulier d’un intellectuel issu d’une famille de juristes, mais
formé également aux studia humanitatis, pour en nir avec les attaques
frontales contre la méthodologie scolastique ; l’enjeu n’est rien moins
que d’exalter les Modernes, c’est-à-dire ici tout à la fois les humanistes
et les scolastiques, en montrant que les uns et les autres ont permis
de dépasser les modèles antiques31 ; nie par conséquent l’irréductible
différence que Bruni posait dans les Dialogues à Pietro d’Istria entre la
période antique, modèle indépassable, et la situation présente, irré-
parablement dégradée : « Ce n’est pas que les hommes d’aujourd’hui
soient dépourvus d’esprit et de volonté d’apprendre, mais, à mon avis,
dans cette ruine de toutes les sciences et dans cette absence de livres,
toutes les voies pour apprendre sont fermées, en sorte que même s’il
existait un homme de génie et d’une volonté de savoir il ne pourrait

30
Sur le Dialogue et son auteur, voir Robert Black, « Ancients and Moderns in the
Renaissance : Rhetoric and History in Accolti’Dialogue on the preeminence of men of
his own Time », Journal of the History of Ideas, 43 (1982) 3-32. Mais l’auteur n’accorde
guère de crédit à cet ouvrage, considérant qu’il ne s’agit que d’un morceau de rhétorique
sans enjeu; R. Black réafrme ces idées dans sa biographie d’Accolti : Robert Black,
Benedetto Accolti and the Florentine Renaissance (Cambridge : 1985) 184-223.
31
Voir les remarques de Hans Baron, « The Querelle of the Ancients and the Mod-
erns as a problem for Present Renaissance Scolarship », dans Id., In Search of Florentine
Civic Humanism (Princeton : 1988) II, 94, qui dénit le traité d’Accolti comme « the
most comprehensive glorication of the moderns to appear in Italy before the seven-
teenth-Century ».
338 patrick gilli

sûrement pas parvenir à l’objectif désiré 32 ». Il est aussi à noter que


Bruni, sollicité en 1408 par le régime d’écrire une Vie des hommes illustres
de Florence nit par refuser la proposition33 ; les motifs de son refus sont
très intéressants, car ils prennent à rebours l’unanimisme local. Loin
d’accepter le sentiment de gloire citadine qui s’empare des défenseurs
de la ville, Bruni se sent plutôt irrité par l’époque : « comme je le vois,
et comme tu me l’as si souvent dit, nous sommes, dans notre époque,
des petits hommes à qui, quoique nous ne manquions pas de grandeur
d’âme, fait défaut la matière pour donner de la résonance au nom et
de l’ampleur à la gloire34 ». Les temps, dit Bruni, ne portent guère à
l’exaltation patriotique et à l’éloge des Modernes.
Accolti préfère occulter cette tradition critique et s’en tenir à un una-
nimisme culturel qui lui fait comparer avec le même bonheur les doc-
teurs universitaires et les orateurs orentins de son temps ; plus encore
que les hommes, il faut remarquer qu’Accolti valorise la méthodologie
scolastique, paradigme pourtant honni de l’avant-garde lettrée orentine
depuis Bruni35. C’est dans le même esprit que notre auteur rédige un
chapitre sur les jurisconsultes contemporains qu’il compare aux anciens.

32
Leonardo Bruni, Dialogi ad Petrum Paulum Histrum, dans Id., Opera letterarie e politiche,
Paolo Viti éd. (Turin : 1996) 254 : “Neque enim hominibus ingenia desunt, neque
discendi voluntas ; sed sunt, ut opinor, hac perturbatione scientiarum desideratione
librorum omnes viae addiscendi praeclusae, ut etiam si quis existat maxime ingenio
validus maximeque discendi cupidus, tamen, rerum difficultate impeditus, eo quo cupiat
pervenire non possit ».
33
R. Fubini (2001) 122-127.
34
Leonardo Bruni, Epistolae, éd. Luigi Mehus (Florence : 1748) 28 : « atque ut ego
nunc video, et tu clamare plerumque soles, nos et plane hoc tempore homunculi
sumus, quibus etsi magnitudo animi non deesset, materiam certe deest ad nominis
atque gloriae amplicationem [. . .] Neque enim hominibus ingenia desunt, neque
discendi voluntas ; sed sunt, ut opinor, hac perturbatione scientiarum desideratione
librorum omnes viae addiscendi praeclusae, ut etiam si quis existat maxime ingenio
validus maximeque discendi cupidus, tamen, rerum difcultate impeditus, eo quo cupiat
pervenire non possit »
35
A titre d’exemple, citons le passage suivant : Benedetto Accolti, Dialogus de praes-
tancia virorum sua aetate, Benedetto Bacchini éd. (Parme : 1689) réédition anastatique
dans La storiograa umanistica, II (Messine : 1992) 102-128, ici 123 : « Si ergo vera fateri
volumus, non minor hoc tempore, aut satis ante Philosophorum numerus fuit, quam
in veteribus fuit seculis ; et quantum ad Medicinam attinet, longe illa uberius a nostris,
quam ab antiquis demonstrata est, pluresque de hac ipsa re a nostris libri, quam a
veteribus illis scripti reperiuntur. Nec in sacra Theologiae sapientia primis Ecclesiae
doctoribus moderniores, quorum aliquos supra reindigent, protinus cedunt. Siquidem
in his disserendis quaestionibus, quae demonstratione indigent, perfectius et acutius hi
postremi, quam illi veteres veritatem ipsam aperuere, Augustino excepto, qui divino
quodam ingenio superavit omnes. Morales vero seu mysticos scripturarum sensus, et
admirabilem earum qualibet in re copiam longe illi melius tradiderunt. Neque haec
disciplines académiques et modernité des savoirs 339

Comme de juste, les premiers l’emportent sur les seconds, malgré la


qualité de ces derniers. Prenant à rebours les thèmes de la polémique
anti-juridique d’esprit humaniste, Accolti afrme que les modernes
juristes révèlent une intelligence qui se déploie dans la résolution des
obscurités du texte ; la glose est nécessaire, elle qui apporte la clarté dans
l’interprétation. Et tant pis pour les humanistes, pris directement à partie
pour mépriser ces doctes juristes36 ! Même le droit canon trouve grâce
aux yeux d’Accolti, lui qui a permis d’éradiquer les vaines croyances et
les superstitions de l’Antiquité37. On demeure surpris par cette réaction
qui vise à invalider la stratégie culturelle des humanistes tendue vers la
dénonciation de l’approche scolastique des auteurs et des auctoritates. Ici
au contraire, sous la plume d’un humaniste « ofciel » (il est chancelier
de Florence, poste auquel il succéda au Pogge), tout est mis en œuvre
pour dissoudre le potentiel de conits que recélait la confrontation des
deux paradigmes culturels, dans une exaltation de la « modernité » qui
fait l’impasse sur les divergences radicales qui affectaient le monde lettré
orentin38. Dans le fond, le culte des studia humanitatis, l’exaltation de

ego auderem dicere, nisi idem esse doctissimorum in his artibus iudicium comperissem,
quibus pro summa, quae illis inest, eruditione dem adhibendam censeo ». Faire l’éloge
des quaestiones, technique typique de l’argumentation universitaire, n’était-ce pas revenir
sur toutes les polémiques depuis Pétrarque contre la scolastique, dans un esprit certes
de conciliation, mais qui revenait à faire litière des efforts pour fonder un nouveau
paradigme culturel tel que l’espéraient les défenseurs des studia humanitatis ?
36
Ibid. : « neque etiam si iurisconsultos veteres cum novissimis compares, illis videli-
cet, qui super Digestis et Codicis commentarios scripserunt, scientia, ingenii acumine,
diligenti casuum discussione, nulla ex parte hi primis inferiores cuiquam videbuntur,
qui, dici vix potest, quam miro ordine, quibus argumentis, quam subtili investigatione,
ut Poetae verbis utar, legum nodos et aenigmata dissolverunt, casusque a legibus ipsis
indecisos demonstratione optima deciserunt. Quo magis admirari soleo, quosdam
iuris ignaros iuris arrogantia, quadam inani litterarum peritiae seu rhetoricae artis,
cuius eruditi videri volunt, illorum scriptis detrahere, velut si non insignes fuissent
viri, sed indocti penitus et rudes. Quibus ego assentirer, si dumtaxat eiusmodi libros
absque ornatu eloquentiae scriptos arguerent, nec propterea consequens est, ut in iure
interpretando declarandoque non summi et peritissimi fuerunt, cuius cum ignari ipsi
sint, modestius agerent, si doctorum in ea re, non suum iudicium sequerentur. Igitur
fateri aequum est, priores quidem iurisconsultos elegantia, eloquio, literarum peritia
nostros anteisse : scientia vero et ingenii acumine recentiorum libros magis refertos
esse, magisque ubique terrarum facultatem hanc aetate nostra, quam vigente Romano
imperio oruisse ».
37
Ibid., 124 : « Itaque feliciora haec secula putanda sunt, in quibus remotis prorsus
vanis Deorum sacris, Christi sancta et vere beata religio supervenit, qua cum honeste
praesens agitur vita, et ea exacta innocentes viri divinitatis participes efciuntur, et in
qua nil unquam reprehensione dignum repertum est ».
38
Voir, à ce propos, les lumineuses analyses de Riccardo Fubini, « Leonardo Bruni
e la discussa recezione dell’opera : Giannozzo Manetti e il Dialogus di Benedetto
340 patrick gilli

la poésie, comme propédeutique à la vérité, pouvaient s’accommoder


d’une reconnaissance de la valeur d’autres intellectuels, en l’occurrence
des universitaires. Mais rappelons-le, un tel œcuménisme n’est en rien
« naturel » ; il est une reconstruction presque programmatique qui tend
à redimensionner la rupture voulue et assumée par le premier huma-
nisme orentin, celui de Bruni ou du Pogge, qui a succédé au modèle
classicisant mais largement conformiste de Salutati. Faire l’éloge des
Moderni face aux Antiqui, telle est la stratégie littéralement réactionnaire
qui permet de gommer les audaces des initiateurs d’un mouvement de
rupture culturelle. Ce n’est pas par hasard non plus si Accolti continue
son Dialogue en valorisant le clergé contemporain, là où les humanistes
orentins avaient décoché des èches acérées contre la dégradation du
milieu clérical39.
Ce qui frappe dans le mouvement ainsi décrit, c’est l’extrême ducti-
lité de la notion de studia humanitatis : d’un côté un mouvement culturel
alternatif, un autre paradigme, un autre rapport aux textes et aux ins-
titutions culturelles et capable de les subvertir (l’université, aussi bien
sa méthodologie que son épistémologie, sont dépassées : la disputatio,
afrme polémiquement Pétrarque, ne porte pas sur le quid sit in re, mais
seulement sur les aspects formels de la connaissance) ; mais en même
temps, à partir de principes identiques, certains lettrés, tel Salutati,
des professionnels de la culture, hors des enceintes universitaires, ont
perçu la nécessité d’un contrôle de ce potentiel subversif. A côté d’un
combat inutile et d’arrière-garde contre les studia humanitatis, il en est
un autre, autrement plus efcace, qui tente de normaliser le recours
aux auteurs classiques, d’en montrer la convergence possible avec les
traditions. Qu’à Florence, longtemps épicentre de l’innovation, les
deux courants de l’humanisme, le plus radical comme le plus conser-
vateur, aient existé, c’est ce que nous avons voulu montrer. En terme
de politique culturelle, cet effort signie que les élites locales avaient
compris qu’il fallait soutenir l’ensemble de la production savante, dans
et hors de l’enceinte académique. N’est-ce pas le sens de l’action du
Magnique, lorsqu’il entretient à la fois un cercle humaniste et favorise
l’établissement d’une université à Pise ?

Accolti », dans Id., L’umanesimo italiano e i suoi storici. Origini rinascimentali-critica moderna,
Milan, 2001, 104-130, spécialement 122-127.
39
Riccardo Fubini, (2001) 128 sq., et Patrick Gilli, « Les formes de l’anticléricalisme
humaniste : anti-monachisme, anti-ponticalisme ou anti-christianisme ? », dans Patrick
Gilli éd. (2004) 63-95.
NICHTJURISTISCHE KARRIEREN
VON UNIVERSITÄTSBESUCHERN

Jürgen Miethke

Der Streit der Fakultäten ist alt. Bereits vor der endgültigen Entstehung
der Universitäten, schon im 12. Jahrhundert wurden darauf Verse
geschmiedet, wie Stephan Kuttner eindrücklich gezeigt hat:1
Dat Galienus opes et sanctio Iustiniana
Ex aliis paleas, ex istis collige grana
[ Was sich etwa verdeutschen läßt mit:
Reichtum bringt dir Galen und die Justinianische Weisung,
von anderen nimm nur Stroh, von diesen Korn dir zur Speisung].
Futterneid also ist ein starkes Motiv gewesen, das zeigt allein die
benutzte Metaphorik. Die Unterscheidung zwischen den Wissenschaf-
ten geschieht allein nach dem Gesichtspunkt, was sie ihrem Träger am
Ende wirtschaftlich einbringen. Und das geschieht nicht etwa nur in
der Frühzeit der europäischen Universität. Als scientia lucrativa blieb –
zumindest in der Sicht der anderen, der ihrer Meinung nach zu kurz
Gekommenen – die Jurisprudenz auch noch am Ende des Mittelalters
beneidet, wie es Pierre d’Ailly noch im 15. Jahrhundert auf dem Kon-
stanzer Konzil erklärt hat, wenn er über den “Mißbrauch der Römischen
Kurie” klagt, “die die Theologen verachtet und bei jedem kirchlichen Rang die
Studenten der lukrativen Wissenschaften vorgezogen hat.”2 Und, seien wir uns

1
Stephan Kuttner, “Dat Galienus opes et sanctio Iustiniana”, in: Literary and Linguistic
Studies in Honor of Helmut A. Hatzfeld, ed. A. S. Chrysafulli, Washington, DC 1964,
S. 237-246, jetzt in: Kuttner, The History of Ideas and Doctrines of Canon Law in
the Middle Ages (Collected Studies Series, CS 113), London 21992, nr. x.
2
[. . . cum . . .] ipsa quoque theologia in statu secularium paucos habeat sectatores propter abusum
Romane curie, que theologos contempsit et in omni ecclesiastico gradu lucrativarum scienciarum studiosos
preposuit . . .: De reformacione ecclesie, cap. 4, hier zitiert nach: Quellen zur Kirchenre-
form im Zeitalter der großen Konzilien des 15. Jahrhunderts, Band I.: Die Konzilien
von Pisa (1409) und Konstanz (1414-1418), edd. Jürgen Miethke, Lorenz Weinrich
(Freiherr vom Stein-Gedächtnisausgabe, A. 38a), Darmstadt 1995, S. 338-377, hier S. 364;
zu den Einleitungsfragen vgl. ebendort, S. 35-39; zum biographischen Rahmen vor
allem Bernard Guenée, Entre l’Église et l’État. Quatre vies de prélats français à la n
du moyen âge, XIIIe-XVe siècle (Bibliothèque des histoires), Paris 1987, 270ff.
342 jürgen miethke

darüber klar, eigentlich sind diese Wissenschaften bis heute Ziel der
Kritik durch die ärmeren Konkurrenten aus der Philosophischen Fakul-
tät geblieben, auch wenn wir heute unsere Metaphern vielleicht nicht
mehr ganz so eng an Bauernhof und Scheune gebunden haben. Das
Einklagen gerechter, d.h. gleicher Chancen ist ein unendliches Spiel, an
dem sich jedermann gerne aus seiner spezischen Sicht beteiligt!
Aber was hat dieser Streit zwischen den verschiedenen Disziplinen
und Fakultäten mit den Städten zu tun? Was hat eine Überlegung zu
den nichtjuristischen Karrieren von Universitätsbesuchern auf unserem
Colloquium zu suchen, das sich mit “Universitäten und den städtischen
Institutionen in Mittelalter und Renaissance” beschäftigen soll.3 Ich
möchte mit meinem kurzen Beitrag daran erinnern, daß die Städte
als bedeutsames Auffangbecken und bevorzugter Aufnahmeplatz für
Universitätsbesucher nach ihrem Studium waren und daß sie in dieser
Rolle zunehmend in den Quellen hervortreten, auch wo die Univer-
sitätsbesucher nicht den Königsweg der “lukrativen Wissenschaften”
gewählt hatten.
Der Blick auf die Rezeption universitärer Bildung in der Gesellschaft
des späteren Mittelalters hat sich erst in der zweiten Hälfte des ver-
gangenen Jahrhunderts wirklich allgemein durchgesetzt. Zuvor stand
die Geschichte der universitären Institutionen und der Lehrinhalte der
scholastischen Wissenschaften ganz im Vordergrund des Forschungs-
interesses. Heute aber fragen die Historiker in breiter Front eher nach
den Bedingungen eines Universitätsstudiums, den Kosten und Förde-
rungsmöglichkeiten, dem Nutzen und Nachteil eines Abschlusses oder
gar einer Graduierung, den Motiven wie den Erfolgen von Universi-
tätsbesuchern. Damit wurde die mittelalterliche Universität gewisser-
maßen wieder vom Kopf auf die Füße gestellt. Hatte noch Herbert
Grundmann in den 50er Jahren das Hauptmotiv für die Entstehung
der europäischen Universität im amor sciendi gesucht und gefunden,4 so

3
Eine Bibliographie zum Thema Stadt und Universität würde leicht ausufern. Ich
erlaube mir, auf einen eigenen Beitrag hinzuweisen, der wohl erst 2008 im Heidel-
berger Parallell-Unternehmen im Rahmen des EUxIN-Programms erscheinen wird:
Stadt und Universität im Spätmittelalter, in: Die Stadt in der europäischen Geschichte,
hrsg. von Heinz-Dieter Löwe.
4
Grundmann, Herbert: Vom Ursprung der Universität im Mittelalter, SB Akad.
Leipzig 103,2, Berlin 1957 [ Neudruck Darmstadt 19602 mit Nachtrag], jetzt in Grund-
mann: Ausgewählte Aufsätze, Bd. III: Bildung und Sprache (MGH Schriften, 25/3),
Stuttgart 1978, 292-342.
nichtjuristische karrieren von universitätsbesuchern 343

machte ein Jahrzehnt später etwa Peter Classen klar,5 daß es der gesell-
schaftliche Bedarf war, der Erwartungsdruck und die Leistungsbeweise
der Universitätsabgänger, die die Erfolgsgeschichte der Hohen Schulen
im Spätmittelalter begründet haben. Heute versucht die Forschung,
die Universität nicht von ihrer gesellschaftlichen Umwelt zu isolieren,
vielmehr soll immer wieder die Paßgenauigkeit ihres Angebots an die
Gesellschaft ermittelt werden und aus den Reibungen sollen sich auch
Motive und Richtung von Wandlungsprozessen erklären lassen.
Die mittelalterliche Universität als Teil der sie umgebenden und
sie durchdringenden Gesellschaft! Sie spiegelt, wie Peter Moraw und
seine Schüler in Deutschland unermüdlich unterstrichen haben,6 auch
in ihrem Leben, in den Beziehungen ihrer Mitglieder untereinan-
der, in ihrem Auftreten nach außen die Prinzipien der allgemeinen
gesellschaftlichen Gliederung. So entspricht der Umgang miteinander
auch in der Universität exakt dem, was damals üblich war. Man darf
dabei freilich nicht vergessen, daß dieses Bild nicht vollständig ist. Die
Universität war gewiß auch als Personengruppe Teil und somit auch
Abbild der sie umgebenden Gesellschaftsstrukturen. Sie konnte das
jedoch nicht als rein passiver Spiegel sein, sie mußte sich nach diesen
Mustern aktiv richten und dieses ihr Verhalten auch in ein Verhältnis
zu ihren eigentlichen Aufgaben setzen. Ihre Aufgabe, um deretwillen
sie überhaupt existierte, war es aber nicht, die Gesellschaftsordnung
einer hocharistokratischen Verfassung zu spiegeln, ihre Aufgabe bestand
vielmehr darin, wissenschaftliches Denken zu lehren, die autoritativen
Texte ihrer Disziplinen durch Auslegung und Anwendung auf die zeit-
lich von den Texten doch weit entfernten Umstände ihrer Gegenwart
anwendbar zu machen. Sie sollte lehren, Probleme unter der Anleitung
der in diesen autoritativen Texten entwickelten Gesichtspunkte und
unter Berücksichtigung der Interessen, die sich in ihrer Lebenswelt
vorfanden, in zunächst leichter überschaubaren Teilschritten anzugehen

5
Peter Classen, Die hohen Schulen und die Gesellschaft im 12. Jahrhundert, in:
Archiv für Kulturgeschichte 48 (1966) S. 155-180; jetzt in: Classen, Studium und
Gesellschaft im Mittelalter, hrsg. v. Johannes Fried (Monumenta Germaniae Historica
[MGH ] Schriften, 29), Stuttgart 1983, S. 1-26.
6
Vgl. besonders Peter Moraw, Zur Sozialgeschichte der deutschen Universität im
späten Mittelalter, in: Gießener Universitätsblätter 8/2 (1975) S. 44-60; vgl. unter
vielen anederen auch den Sammelband: Gelehrte im Reich, Zur Sozial- und Wirkungs-
geschichte akademischer Eliten des 14. bis 16. Jahrhunderts, hg. Rainer Christoph
Schwinges [gewidmet Peter Moraw und Klaus Wriedt zum 60. Geburtstag 1995]
(Zeitschrift für Historische Forschung, Beiheft 18), Berlin 1996.
344 jürgen miethke

und einer Lösung zuzuführen, das Für und Wider sorgfältig einander
gegenüber zu stellen, um erst dann am Ende ein Fazit zu ziehen. Wenn
diese Beschreibung der Aufgabenstellung scholastischer Wissenschaft
einigermaßen richtig ist, dann läßt sich der gewaltige Erfolg der Uni-
versitäten leichter verstehen. Und zugleich werden auch die großen
Hoffnungen verständlich, die die mittelalterlichen Universitätsgründer
in aller Regel mit ihrer Initiative verbunden sahen: wir können uns
das klar machen, wenn wir die Gründungsprivilegien auf die Erwar-
tungen hin lesen, die hier optimistisch mit der zukünftigen Hochschule
verbunden werden.
Um ein mir naheliegendes Beispiel zu gebrauchen: Als 1385 der
römische Schismapapst Urban VI. dem Pfalzgrafen bei Rhein Rup-
recht I. ein Universitätsgründungsprivileg erteilte, sollte nicht nur die
kleine Region der Pfalz durch die neue Einrichtung einer Hochschule
lebendiges Wasser schöpfen können, sondern auch alle Nachbarregio-
nen sollten an diesem Vorteil partizipieren, die Menschen allgemein,
nicht nur die wenigen Heidelberger Bürger und der pfälzische Hof
sollten den Gewinn davon haben, daß die damals noch sehr beschei-
dene Stadt Heidelberg, ein Ort von vielleicht 4000 Einwohnern, “mit
den Gaben der Wissenschaft derart geziert werde, daß sie Menschen hervorbringe,
die von reiichem Rat ansehnlich, mit allem Tugendschmuck bekränzt und in den
Lehren der verschiedenen Disziplinen erzogen sind, so daß dort ein lebendiger Quell
der Wissenschaften sprudele, von dessen Fülle alle schöpfen können, die sich von
den Texten der Bildung durchtränken lassen wollen.”7 Das alles wird nicht etwa
in einer Gefühlsaufwallung überschwenglich formuliert, sondern trifft
so deutlich die allgemeinen Erwartungen, daß diese Formulierungen
bald in das Formular päpstlicher Gründungsprivilegien übergehen und

7
Cum . . . ipse dux non solum ad utilitatem et prosperitatem huiusmodi rei publice ac incolarum
terrarum sibi subiectarum, sed etiam aliarum partium vicinarum laudabiliter intendens in villa sua
Heydelberg . . . desideret plurimum eri et ordinari per sedem apostolicam studium generale in qualibet
licita facultate . . ., ut ibidem des ipsa dilatetur, erudiantur simplices, equitas servetur iudicii, vigeat
ratio, illuminentur mentes et intellectus hominum illustrentur, nos premissa . . . attente considerantes ferventi
desiderio ducimur, quod villa predicta scientiarum ornetur muneribus, ita ut viros producat consilii
maturitate conspicuos, virtutum redimitos ornatibus ac diversarum facultatum dogmatibus eruditos,
sitque ibi scientiarum fons iriguus, de cuius plenitudine hauriant universi litterarum cupientes imbui
documentis. (Gründungsprivileg Papst Urbans VI., hier zitiert nach Miethke, Heidelberg
1385/86, in: Charters of Foundation and Early Documents of the Universities of the
COIMBRA-Group, edd. Jos. M. M. Hermans, Marc Nelissen, Groningen 1994, S. 100a).
Zu den Erwartungen, die sich aus den Gründungsprivilegien ablesen lassen etwa
J. Miethke, Die mittelalterliche Universität und die Gesellschaft, in: Erfurt, Geschichte
und Gegenwart, hrsg. von Ulman Weiss (Schriften des Vereins für die Geschichte und
Altertumskunde von Erfurt, 2), Weimar 1995, S. 169-188.
nichtjuristische karrieren von universitätsbesuchern 345

noch zahlreiche weitere Gründungen mit diesen oder ganz ähnlichen


Worten von verschiedensten Päpsten begrüßt worden sind. Wenn hier
zunächst gewiß auch die Ausbildungsaufgabe der neu ins Leben geru-
fenen Universität etwas vollmundig in den Blick genommen wird,, ihre
Picht, auf das Berufsleben vorzubereiten, so ist damit doch zugleich
die Bildungsaufgabe benannt, die die Einrichtung zu erfüllen hatte,
nämlich die intellektuelle und kulturelle Formung ihrer Mitglieder.
Das unklare Verhältnis zwischen der intellektuellen Bildungsaufgabe
einerseits und der beruichen Ausbildungsaufgabe andererseits hat die
Universitätsgeschichte des Mittelalters begleitet von ihren Uranfängen
an. Der Theologe und spätere Bischof von Poitiers Gilbert de la Porrée
hat schon kurz vor der Mitte des 12. Jahrhunderts jene Studenten, die
nur nach einem schnell verwertbaren Wissen und materiellem Gewinn
strebten, ohne sich auf die schwierige Suche nach der Wahrheit in den
Traditionen der Väter einzulassen, auf die Vorzüge des Bäckerhand-
werks verwiesen: “Denn dies Handwerk kann (. . .) alle Leute aufnehmen, die
anderwärts mit ihrer Arbeit und den technischen Anforderungen ihres Berufs nicht
fertig werden, denn es läßt sich überaus leicht ausüben und ist auch Grundlage für
andere Gewerbe und besonders eignet es sich für jene Menschen, die mehr nach Brot
als nach Kunstfertigkeit streben.”8
Es ist nicht erstaunlich, daß die moderne Forschung dementsprechend
die Universität als Stätte der kulturellen Formung deutlicher konturiert
hat als als Ausbildungsplatz für bestimmte Berufe. Universiätsbesucher
konnten sich kürzer oder länger an der Hochschule aufhalten, je nachdem
wie lange ihre nanziellen und/oder intellektuellen Resourcen reichten.
Bis zum Ende des Mittelalters aber konnte niemand an den Uni-
versitäten ein Abschlußzertikat erwerben, das ihm eine bestimmte
Berufsqualikation bestätigt hätte und einen unmittelbearen Eintritt
in einen bestimmten Beruf ermöglichte. Zwar haben alle, die an einer
Universität graduiert wurden, auf Dauer diesen ihren Grad mit Stolz
geradezu als Teil des Namens geführt. Aber es gab keine exklusiven

8
Johannes von Salisbury, Metalogicon, I.5, ed. J. B. Hall, auxiliata K. S. B. Keats-
Rohan (CCCM 98), Turnhout 1991, S. 20: Solebat magister Gillebertus, tunc quidem can-
cellarius Carnotensis et postmodum venerabilis episcopus Pictavorum, temporis eius nescio ridens aut
dolens insaniam, cum eos videbat ad studia quae praedicta sunt evolare, eis artem pistoriam polliceri,
quoniam illa est ut aiebat in gente sua quae sola excipere consuevit omnes aliis opibus aut articio
destitutos. Ars enim haec facillime exercetur et subsidiaria est aliarum, praesertim apud eos qui panem
potius quam articium quaerunt. Darauf hat bereits Peter Classen hingewiesen, Studium
und Gesellschaft (1983), S. 7.
346 jürgen miethke

Berufschancen, die ein Universitätszertikat eröffnet hätte, vielleicht mit


einer einzigen Ausnahme: die Tätigkeit als Hochschullehrer setzte eine
Graduierung in der betreffenden Fakultät voraus und war hier durch
nichts zu ersetzen. Sonst aber gab es nirgendwo eine unerläßliche Ver-
pichtung, für ein bestimmtes Amt eine bestimmte Graduierung nach-
zuweisen. Noch ein bischöicher Ofzial, Stellvertreter seines Bischofs
im bischöichen Gerichts, ist nach den damaligen Rechtsnormen zwar
an “gute Rechtskenntnisse” gebunden, nicht aber an eine bestimmte
juristische Qualikation, er mußte also nicht das Bakkalriat oder eine
Promotion zum doctor iuris nachweisen. Dem einzelnen Inhaber dieses
Amtes wird zwar in schwierigen Fällen die Konsultation von Rechts-
kennern vorgeschrieben, aber dies geschieht wiederum, ohne daß diese
rechtskundigen Konsulenten als Graduierte identiziert würden. Es
durften also auch Rechtspraktiker sein!9
Diese Beobachtung läßt sich verallgemeinern: Mit Ausnahme des
internen Universitätsbetriebes, der sich über die Graduierungen selber
ergänzte, gab es keine einzige Position, die unabdingbar an ein univer-
sitäres Abschlußzeugnis gebunden gewesen wäre. Jederzeit mußten sich
Unversitätsabgänger der Konkurrenz von Mitbewerbern stellen, die
andere Qualikationen aufzuweisen zu hatten. Diese anders qualizier-
ten Konkurrenten konnten jedem Universitätsbesucher die Anstellung
streitig machen. Daraus erklärt sich wohl auch die für uns merkwürdige
Forderung der kirchlichen Kollegiatstifte nach einem akademischen bien-
nium ihrer Mitglieder, die seit etwa 1400 in deutschen Kanonikerstiften
galt. Jeder Kanoniker des Stifts sollte sich zwei Jahre lang (ein biennium)
an einer Universität aufgehalten haben. Die relativ kurze Frist von

9
In Frankreich forderte bereits im Jahre 1236 eine Synode in Tours von einem
Ofzial ein fünfjähriges juristisches Studium (demnach noch keine juristische Graduie-
rung!), setzt aber damals schon realistisch als Mindestqualikation fest: vel per causarum
exercitium iudicandi ofcio sint merito approbati, vgl. Jean Hardouin, Acta conciliorum et
epistolae decretales ac constitutiones summorum ponticum, Bd. 7 (1714), col. 263E.
Noch 1422 (also fast zwei Jahrhunderte später) verpichteten dann in Deutschland
Würzburger Statuten die Ofziale zumindest, in bedeutenden und schwierigen Fällen
qualiziertere Fachleute (iurisperiti ) herbeizuziehen und um Rat zu fragen: Johann von
Brunn, Ecclesiastica statuta (1422), gedruckt in: Josef Maria Schneidt, Thesaurus iuris
Franconici, Bd. 2 (Würzburg 1787) S. 287: Kirchliche Richter sollten in iure peritos et
expertos, noticiam causarum habentes, sein, vel saltem duo vel plures ex iudicibus ipsis talem peritum
habeant in iure ofcialem, si commode possint; si autem bono modo tales ofciales ut premittitur in iure
peritos habere non possint [!], tunc habeant ofciales idoneos saltem aliqualiter intelligentes et expertos,
qui de consilio iuris peritorum sententias tam difnitivas quam interlocutorias ferant, praesertim in
causis matrimonialibus, in quibus aliquod dubium fuerit et aliis gravibus et arduis causis ac negotiis
in ipsorum iudiciis pro tempore agitandis.
nichtjuristische karrieren von universitätsbesuchern 347

zwei Jahren reichte jedoch in keinem Falle für ein ernsthaftes Studium
in irgend einer Disziplin, so kann diese Frist nur als Versuch gewertet
werden, den Stiftskanonikern eine üchtige Kenntnis und Achtung
für die Wissenschaften zu vermitteln. Deshalb konnten die Kanoni-
ker mit dieser Zeit auch beides tun, entweder mochte das biennium
nur den Anfang eines längeren Studiums, bisweilen sogar mit einem
Promotionsabschluß, bilden, oder aber diese Zeit verschwamm bis zur
Ununterscheidbarkeit mit Badereisen oder einer bloßen Teilnahme am
studentischen Leben in der Universitätsstadt. So ließ sich, um nur ein
besonders krasses Beispiel zu nennen, Antonius Zachariae, Kanonikus
des Domkapitels in Tournai, von 1330 bis 1338 nicht weniger als
zwanzigmal die Erlaubnis zu einer Pilgerreise geben, zehnmal davon
in Verbindung mit einer licentia eundi ad scolas, dreimal darüberhinaus
mit der Maßgabe, sich causa sanitatis recuperandae an einen Kurort seiner
Wahl begeben zu dürfen.10
Die sozialgeschichtlichen Forschungen der letzten Jahrzehnte haben
es immer wieder deutlich gemacht, daß die Universität keineswegs
automatisch als alleinige Qualikationsinstanz karrierefördernd wirken
konnte. Die alten Mechanismen sozialen Aufstiegs galten noch bis tief
in die Neuzeit hinein in voller Stärke weiter. Das Ansehen, das vor-
nehme Herkunft, hochadlige Verwandtschaft, überhaupt die ständische
Zugehörigkeit verleihen konnten, war ebenso ungebrochen wirksam
wie Protektion durch hochgestellte Gönner, Verbindungen zu reichen
Patronen, Konnexionen mit wichtigen Zentren oder langjährig gut
gepegten Netzwerken von Freunden und Helfern. Eine universitäre
Qualikation konnte das alles nicht ersetzen, wenn vielleicht auch ein
Netz von persönlichen Beziehungen auf der Schulbank geknüpft werden
mochte, das einer späteren Karriere förderlich war. Wissenschaftliche
Qualikation trat aber, und das wird heute zu Unrecht weniger betont,
durchaus als zunächst neuartige Zusatzqualikation auf. Daß sich im
Spätmittelalter die Zahl der Graduierungen nicht nur nach den abso-
luten Zahlen steigerte, sondern daß sich auch der prozentuale Anteil
von formell Qualizierten an bestimmten Stellen des sozialen Systems
beständig erhöhte, ist bezeichnend genug: bei den Graduierungen der
Artistenfakultät, dem untersten Rang eines Bakkalarius der Artes, steigert

10
Jacques Pycke, Les chanoines de Tournai aux études, 1330-1338, in: The Uni-
versities in the Late Middle Ages, edd. Jacques Paquet et Jozef Ijsewijn (Mediaevalia
Lovaniensia, I.6), Löwen 1978, S. 598-613, hier S. 613.
348 jürgen miethke

sich etwa der Anteil derer, die sie überhaupt erreichten, an der Gesamt-
zahl der Studierenden von anfänglich ca. 20% auf über 50%.11
So wird auch verständlich, daß sich jetzt zunehmend die Besitzer der
“alten” Qualikationen auch noch zusätzlich um den Erwerb dieser
neuen Qualikation bemühen. Gewiß taten das keineswegs alle, aber
doch ausreichend viele, die dann an und in der Universität vielleicht
auch noch mit Selbstverständlichkeit ein “Adelsrektorat” übernahmen
(d.h. ohne eigene wissenschaftliche Graduierung die repräsentative
Leitung der die Universität tragenden Personengemeinschaft). Die
aus dem Adel stammenden Studenten beanspruchten aber jedenfalls
überall die vorderen Bankreihen in den Hörsälen, die besseren Positio-
nen bei demonstrativen Prozessionen durch die Universitätsstadt, die
aussichtsreicheren Plätze auch auf den Rotuli, jenen langen Listen von
Pfründbewerbern, die an der Kurie um eine päpstliche Provision mit
einer ausreichenden Pfründe supplizierten.12 Gleichwohl beweist all dies,
so meine ich, die Attraktion, die gelehrte Qualikation zusätzlich für
den Lebenserfolg der Universitätsabgänger erbringen konnte.
Die Rolle des Studiums als Zusatzqualikation bedeutete jedoch
zugleich, daß die mitgebrachte soziale Umwelt häug eine bleibende
Rolle für den künftigen Lebensweg der Universitätsbesucher spielte. Ein
radikaler Wechsel des Milieus durch sozialen Aufstieg ist zwar nicht ausge-
schlossen, wie berühmte Beispiele zeigen. Solcher Aufstieg ist aber stets –
auch und gerade im Mittelalter – eher die Ausnahme als die Regel.
Sozialer Aufstieg ndet höchst selten und nur in Aufsehen erregenden
Ausnahmefällen dramatisch und von ganz unten nach ganz oben statt,
viel häuger und für den Zustand der Gesellschaft viel bezeichnender
bleibt die Möglichkeit einer allmählichen, manchmal über mehrere
Generationen hinweg vollzogenen Verbesserung des sozialen Status.
Solch langsamen Aufstieg müssen wir auch bei den mittelalterlichen
Universitätsbesuchern in Rechnung stellen. Er läßt sich im allgemeinen

11
Vgl. etwa Klaus Wriedt, University Scholars in German Cities during the Late
Middle Ages, Employment, Recruitment, and Support, in: Universities and Schooling
in Medieval Society, hrsg. von William J. Courtenay, Jürgen Miethke (Education and
Society in the Middle Ages and Renaissance, 10), Leiden-Köln 2000, S. 49-64.
12
Zu den Rotuli vgl. zuletzt knapp und präzise die Einleitung zu William J. Courtenay,
“Rotuli Parisienses”, Supplications to the Pope from the University of Paris, vol. I:
1316-1349 (Education and Society in the Middle Ages and the Renaissance, 14),
Leiden-Boston 2002. [ Vol. II (edd. by W. J. Courtenay and Eric D. Goddard): 1352-1378
(Education and Society . . ., 15), Leiden-Boston 2004, kann sich auf diese Ausführungen
im I. Band beziehen].
nichtjuristische karrieren von universitätsbesuchern 349

in unseren Quellen nicht direkt nachweisen, denn die Mehrzahl der


Universitätsbesucher kennen wir selbst bei den deutschen Universitä-
ten, deren Matrikeln erhalten geblieben sind, nur als Namen, vielleicht
mit einer Herkunftsdiözese näher qualiziert, vielleicht sogar als pauper
scolaris ausgewiesen. Eine genauere Herkunftsbestimmung ist uns trotz
dieser dürren Listen aber nur in jenen Fällen möglich, in denen der
Betreffende sich entweder einer ohnedies bekannten Familie zuordnen
läßt oder selber später so viele Aufmerksamkeit in quellengesättigten
Bereichen auf sich zu ziehen vermochte, daß er in seiner unmittelbaren
Umgebung identizierbar bleibt. Und beides ist allen Anstrengungen
zum Trotz bei weitem zu selten der Fall, so rafniert die sozialgeschicht-
liche Analyse auch aus den trockensten Matrikellisten sozialstatistisch
verwertbare Funken zu schlagen verstanden hat.13 Die Herkunft von
erheblichen Teilen der Studentenschaft aus städtischer Umwelt ist
darum leider nicht durch eine schlichte Auszählung bereitliegender
Daten zu erfassen. Hier und da ergeben sich aber Hinweise aus der
Analyse bestimmter durch andere Merkmale abgegrenzter Gruppen,
so bei englischen College-Studenten, bei Kölner Studierenden, bei
Erfurter Juristen.
Etwas besser, wenn auch bei weitem nicht befriedigend sind die
Ergebnisse, wenn wir danach fragen, wie groß der Anteil der identi-
zierbaren Universitätsabgänger war, die sich im Verlauf ihres weiteren
Lebens etwa in Städten wiedernden. Da ist allein schon zu nennen die
große Menge jener Studenten der Artesfakultäten, die es nicht einmal
bis zu der schlichtesten Graduierung zum baccalarius artium brachten. Sie
hatten in den Hörsälen vorwiegend die Schriftsprache des Lateinischen
gelernt (die sie keineswegs etwa schon vor dem Bezug der Universität
kennen mußten!). Das war zwar naturgemäß in unterschiedlicher Inten-
sität geschehen, von der Lesefertigkeit und Schreibfähigkeit, über das
Hörverständnis bis hin zur aktiven Beherrschung der internationalen
Gelehrtensprache, den Abgängern gab das aber auch ohne Zertikat
eine Beschäftigungschance in Schreibstuben und bei Notariaten (wobei

13
Eine zusammenfassende generelle statistische Auswertung deutscher Matrikelli-
sten liegt vor bei Rainer C. Schwinges, Deutsche Universitätsbesucher im 14. und 15.
Jahrhundert, Studien zur Sozialgeschichte des Alten Reiches (Veröff. des Instituts für
Europäische Geschichte Mainz, 123), Stuttgart 1986. Ein jüngstes Beispiel an einem
Ausschnitt liefert Robert Gramsch, Erfurter Juristen im Spätmittelalter, Die Karrieremu-
ster und Tätigkeitsfelder einer gelehrten Elite des 14. und 15. Jahrhunderts (Education
and Society in the Middle Ages and the Renaissance, 17), Leiden-Boston 2003.
350 jürgen miethke

wir bedenken sollten, daß notarius ursprünglich ja auch nichts anderes


bedeutet als “Schreiber”) und als Hilfspersonal in den verschiedenen
Bereichen des Schulwesens. In all diesen Fällen gab es in den Städten
einen aufnahmefähigen Markt für derartige Kompetenz, einen Markt,
wir erinnern uns, der stets auch Leuten offen stand, die niemals eine
Universität besucht hatten, sondern ihre Kenntnisse durch praktische
Übung gewissermaßen als Lehrlinge bei anderen Praktikern erhalten
hatten, ein Markt jedoch, der sich zunehmend für Universitätsabgänger
auch bescheidener Qualikation öffnete.
In den Städten war ein derartiger Bedarf unübersehbar vorhanden
und ist nachweislich in vielen Fällen von Universitäten her bedient wor-
den. Wir wissen heute detailliertere Auskünfte zu geben über den Anteil
von Universitätsbesuchern in den Schreibstuben norddeutscher14 und
deutschschweizer Städte,15 weil die Arbeiten von Klaus Wriedt und von
Rainer C. Schwinges und seinen Schülern diesen Fragen in mehreren
Anläufen nachgegangen sind. Ohne ihre Ergebnisse hier im einzelnen
auszubreiten zu wollen, klar ist zweierlei, daß jene allgemeine Regel
auch hier ihre Geltung behält, nach der durch einen Universitätsbesuch
keine exklusive Bevorzugung gegenüber anderen Qualikationswegen
zu gewinnen war. Die Lehre bei Praktikern war als Alternative oder
als zusätzliche Einstiegsschleuse zu all den genannten Tätigkeiten
immer noch wirksam, und sie blieb das auch über den Zeitraum des
Mittelalters hinaus. Zum anderen müssen wir festhalten, daß auch im
städtischen Bereich höhere unmittelbar mit den Rat der Stadt und ihrer
oligarchischen Oberschicht verbundene Funktionen, eine Stellung als
Ratskonsulent oder dgl., durchwegs Juristen, in Deutschland vor allem
den Kanonisten vorbehalten blieben.16 Aber das unterschied die Städte

14
Zusammenfassend vor allem Klaus Wriedt, Studium und Tätigkeitsfelder der
Artisten im späten Mittelalter, in: Artisten und Philosophen, Wissenschafts- und Wir-
kungsgeschichte einer Fakultät vom 13. bis zum 19. Jahrhundert, hrsg. von Rainer
Christoph Schwinges, Redaktion Barbara Studer (Veröffentlichungen der Gesellschaft für
Universitäts- und Wissenschaftsgeschichte, 1), Basel 2000, S. 9-24; vgl. auch K. Wriedt,
Gelehrte in Gesellschaft, Kirche und Verwaltung norddeutscher Städte, in: Gelehrte
im Reich (1996) S. 437-452.
15
Dazu etwa Christian Hesse, Artisten im Stift, Die Chancen, in schweizerischen
Stiften des Spätmittelalters eine Pfründe zu erhalten, in: Gelehrte im Reich (1996),
S. 85-112; Urs Martin Zahnd, Studium und Kanzlei, Der Bildungsweg von Stadt- und
Ratsschreibern in eidgenössischen Städten des ausgehenden Mittelalters, in: Gelehrte
im Reich (1996) S. 453-476.
16
Dazu etwa Helmut G. Walther, Italienisches gelehrtes Recht im Nürnberg des
15. Jahrhunderts, in: Recht und Verfassung im Übergang vom Mittelalter zur Neu-
nichtjuristische karrieren von universitätsbesuchern 351

nicht von dem anderen großen und bedeutenden Aufnahmemarkt für


gelehrte Qualikation, den Fürstenhöfen und Prälatenkurien. Auch dort
stellten unter den “Gelehrten Räten” die Juristen den weitaus überwie-
genden Teil. Sogar die im Patronat der städtischen Obrigkeit vergebenen
Pfarrstellen an den Hauptkirchen der Städte werden meist von Juristen
besetzt. Daß die Artisten hier in aller Regel das Nachsehen behielten,
ist freilich so erstaunlich nicht, wurde die Artes-Fakultät doch als die
“Niedere Fakultät”, und damit als die Fakultät des Propädeutikums für
die “Höheren Fakultäten” angesehen.
Wenn wir die Mediziner einmal beiseite lassen, die als Ärzte eine ganz
eigene beruiche Laufbahn hatten, so bleiben bei unserer Tour d’horizon
noch die Theologen übrig, die sich, so haben wir bereits gesehen, oft
und lautstark gegen die konkurrierenden Juristen über deren erfolgrei-
che Jagd nach Kirchenpfründen ereifern mochten. Im 14. Jahrhundert
bereits singt z. B. ein Marsilius von Padua für die Bischofsstühle17 und
aus eigener leidvoller Erfahrung der Zurücksetzung ein Konrad von
Megenberg für die Pfarrpfründen18 dasselbe Klagelied, daß meistens

zeit, I. Teil: Bericht über Kolloquien der Kommission zur Erforschung der Kultur des
Spätmittelalters, 1994 bis 1995, hrsg. von Hartmut Boockmann, Ludger Grenzmann,
Bernd Moeller, Martin Staehelin (Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften zu
Göttingen, Philologisch-historische Klasse, III.228), Göttingen 2001, S. 215-229 [ jetzt
in: Walther, Von der Veränderbarkeit der Welt, Ausgewählte Aufsätze, Ferstgabe zu
seinem 60. Geburtstag; hrsg. von Stephan Freund, Klaus Krüger, Matthias Werner,
Frankfurt/Main, Berlin (usw.) 2004, S. 221-238]; Eberhard Isenmann, Recht, Verfas-
sung und Politik in Rechtsgutachten spätmittelalterlicher deutscher und italienischer
Juristen, vornehmlich des 15. Jahrhunderts, in: Recht und Verfassung im Übergang
vom Mittelalter zur Neuzeit, II. Teil: Bericht über Kolloquien der Kommission zur
Erforschung der Kultur des Spätmittelalters, 1996 bis 1997, hrsg. von Hartmut Boock-
mann (†), Ludger Grenzmann, Bernd Moeller, Martin Staehelin (Abhandlungen der
Akademie der Wissenschaften zu Göttingen, Philologisch-historische Klasse, III.239),
Göttingen 2001, S. 47-245.
17
Marsilius von Padua, Defensor pacis, II.24.5-7, ed. Richard Scholz (MGH Fontes
iuris germ. ant., 7) Hannover 1932/1933, S. 454f: Quis enim non admirabitur aut stupebit,
divinarum scripturarum ignaros iuniores, morum convenienti gravitate carentes, inexpertos, indiscipli-
natos et quandoque notorie criminosos ad maiores ecclesie thronos esse perfectos simoniaca pravitate
vel prece potentum, non dico quandoque terrore, obsequio vel sanguinis afnitate, repulsis aut neglectis
scripture sacre doctoribus, viris honestate probatis? Fictane loquor aut falsa? Ab numeranti quippe
provinciarum episcopos aut archiepiscopos, patriarchas et reliquos inferiores prelatos, sacre theologie
doctor aut in ipsa sufcienter instructus non reperietur unus ex decem. Et quod referre pudet, quamvis
non pigeat, quia verum, episcopi modernorum neque predicare populo verbum Dei, nec hereticorum, si
qui apparuerint, noverunt erroris adversari doctrinis, sed in predictis eventibus imprudenter mendicant
aliorum doctrinas. . . .
18
In Yconomica III.1 cap. 12, ed. Sabine Krüger (MGH Staatsschriften des späteren
Mittelalters, III, 5/3), Stuttgart 1984, S. 46f., beschwert sich Konrad, daß Schulmei-
ster nicht gebührend mit Pfarrpfründen belohnt würden: Sed huic nostris temporibus in
352 jürgen miethke

nicht Theologen, sondern Juristen das Rennen für sich entschieden. Die
großen Konzilien des 15. Jahrhunderts versuchten dann, durch ihre
Reformdekrete sicherzustellen, daß Universitätsqualikationen wenig-
stens anteilig bei der Vergabe von Pfründen Berücksichtigung fänden.
Die Kasuistik, mit der das Basler Konzil die verschiedenen Graduie-
rungen bzw. die Verweildauer in den einzelnen Fakultäten mit den zu
vergebenden Pfründen in Bezug gesetzt hat, ist höchst differenziert.
Sie zeigt das Bemühen, den Streit der Fakultäten generell durch Äqui-
valenzregelungen still zu stellen. So heißt es in dem Dekret (vom 22.
Dez. 1437) etwa: “In jeder Kathedral-oder Kollegiatskirche soll über die genannte
Pfründe hinaus, die einem Theologen zuzuweisen ist, ein Drittel der Pfründen
Graduierten (. . .) zugewendet werden, . . . so daß die erste freiwerdende Pfründe solch
einem geeigneten Graduierten, sodann nach weiteren zwei die folgende ebenso vergeben
wird, usf., d.h. an Magister, Lizentiaten oder in Theologie examinierte Bakkalare,
die zehn Jahre lang an einer anerkannten Universität studiert haben, an Doktoren
und Lizentiaten in einem der beiden Rechte bzw. in Medizin, die sieben Jahre lang
an ihrer Fakultät an einer Universität (wie oben), an Magister oder Lizentiaten
der Artes, im Rigorosum geprüft, die fünf Jahre an einer Universität von der Logik
angefangen und darüber hinaus bei den Artes oder in einer der Höheren Fakultäten
studiert haben, sowie den Studenten der Theologie, die sechs Jahre lang studiert haben,
oder Bakkalaren der beiden Rechte, die, wenn sie von beiden Eltern her adlig sind und
aus altem Geschlecht, mindestens drei Jahre, sonst zumindest fünf Jahre ebenfalls
an einer anerkannten Universität ihr Studium verbracht haben, die hinsichtlich der
genannten akademischen Grade der Studienzeit und ihres Adels durch beglaubigte
schriftliche Zeugnisse dem Pfründverleiher Sicherheit bieten müssen . . .”19

plerisque locis Teutonie cura minima subministrat<ur>, quoniam scolarium rectoribus, ut deceret [!],
minime providetur nec eorum promocionibus ab episcopis intenditur, ut oporteret. Quapropter ab hac
sollicitudine illuminati viri apostatare coguntur et aliis statibus immorari, surguntque miseri quidam,
qui se numquam dignos noverunt discipulos, et quod penitus nesciunt docere presumunt atque, quod
condolendo refero, tales nobilibus ingeniis pocius seductores quam doctores preciuntur.
19
Dekret der 31. Sitzung vom 24. Januar 1438, hier zitiert nach Quellen zur
Kirchenreform im Zeitalter der großen Konzilien des 15. Jahrhunderts, Band II:
Die Konzilien von Pavia-Siena (1423/1424), Basel (1431/1449) und Ferrara-Florenz
(1438/1445), edd. Jürgen Miethke, Lorenz Weinrich (Freiherr vom Stein-Gedächtnis-
ausgabe, A.38b), Darmstadt: 2002, S. 390-395 [nr. 22c]: . . . Insuper quod in qualibet ecclesia
cathedrali vel collegiata ultra predictam prebendam theologo . . . assignandam tercia pars prebendarum
conferatur graduatis alias ydoneis modo et forma infrascriptis, sic quod prima vacatura huiusmodi
graduato, et deinde post alias duas sequens eo modo conferatur, et sic deinceps, videlicet magistris aut
licentiatis seu baccalariis formatis in theologia, qui per decennium in aliqua universitäte privilegiata,
doctoribus seu licentiatis in altero iurium vel medicina, qui per septem annos in sua facultate studuerint
in universitate ut supra, magistris seu licentiatis in artibus cum rigore examinis, qui per quinquennium in
aliqua universitate a logicalibus inclusive ut supra in artibus, vel in aliqua facultate studuerint, necnon
in theologia, qui per sex annos, vel in utroque aut in altero iurium baccalariis, qui per triennium, si
nichtjuristische karrieren von universitätsbesuchern 353

In der Pragmatischen Sanktion von Bourges (1438) hat der französi-


sche König für die französischen Universitätsbesucher das noch zuge-
spitzt. In Frankreich sollten die Universitäten ihre für Pfarrpfründen
geeigneten Absolventen an dieVergabeberechtigten regelmäßig melden,
damit sie gebührend – und das sollte hier für zwei Drittel des gemäß
dem Basler Dekret für Graduierte vorgesehenen Pfründenbestandes
gelten! – berücksichtigt werden könnten.20 In Deutschland gab es dage-
gen keine entsprechende Regelung. Die Mainzer Akzeptation (1439)21
hatte die Bestimmungen der Basler Dekrete schlicht übergangen, im
Wiener Konkordat (1448)22 ist ebenfalls keine Regelung zugunsten
von Graduierten zunden, vielleicht weil die genaue Kasuistik, wenn
überhaupt, dann nur sehr schwer zu handhaben und noch schwerer zu
kontrollieren war, vielleicht auch, weil man in Deutschland noch nicht
einer solchen nachdrücklichen Norm bedurfte. Erst Kaiser Karl V. wird
das ändern: In der sogenannten “Formula reformationis”, die er 1548 im
Augsburger Reichstagsabschied dem altgläubigen Teil der Reichskirche
auferlegte, parallell zum “Augsburger Interim”, das für die Evangelischen
Stände erlassen wurde, hat er sich darum bemüht, die Bestimmungen
der Pragmatischen Sanktion von Bourges(die die “Formula” irrtümlich
als vom Basler Konzil erlassene Richtlinien verstand) künftig auch in
Deutschland anzuwenden: “Durch nichts, so heißt es da, kann man dem
Wohl der Kirche und dem allgemeinen Nutzen besser aufhelfen, als wenn Papst und
ordentliche Pfründverleiher nach den Beschlüssen des Basler Konzils den reinen und
unverdorbenen (d.h. den altgläubigen!) Hochschulen das Vorrecht zuerkennten,

nobiles ex utroque parente et ex antiquo genere, alias autem per quinquennium consimiliter in aliqua
universitate privilegiata ad minus suum studium fecerint, qui de predictis gradibus, tempore, nobilitate
supradictis dem facere teneantur collatori per legitima documenta.
20
Quellen zur Kirchenreform II (2002), S. 412-441 [nr. 26], bes. S. 424 [§5-6 der
modizierenden Ergänzungen zu dem in dem vorigen Anmerkung zitierten Basler
Dekret]: Item placuit ipsi congregacioni, ut tanto magis studia et universitates studiorum regni et
Delphinatus cum scienciarum augmento foveantur, quod suppositis universitarum predictarum conferantur
due partes prebendarum illius tercie, que secundum decretum sacri Basiliensis concilii de collacionibus
benecuiorum est conferenda solis graduatis, et idem ordo in parochialibus ecclesiis et cappellanis
observetur, ita quod parochialis ecclesia respectu parochialis ecclesie faciat turnum (. . .). Item quod
ad dictas duas partes secundum ordinem predictum poterunt universitates cuilibet ecclesastico patrono
seu ecclesiastico collatori nominare certrum numerum suorum graduatorum, qui tunc in ipsis univer-
sitatibus actu residebunt et qui pro presentibus iuxta morem universitatum et studiorum censebuntur
habendi per easdem (. . .).
21
Quellen zur Kirchenreform II (2002), S. 442-449 [nr. 27].
22
Vgl. den Text in: Quellen zur Verfassungsgeschichte des Römisch-Deutschen Reiches
im Spätmittelalter (1250-1500), ausgewählt und übersetzt von Lorenz Weinrich (Freiherr
vom Stein-Gedächtnisausgabe, A.33), Darmstadt 1983, S. 498-507 [nr. 127].
354 jürgen miethke

ihnen jene gelehrten Männer zu melden, die für die Leitung von Kirchen Eignung
besitzen, welchen sie dann unter Übergehung der weniger Geeigneten (d. h. der
Nichtuniversitätsbesucher) bei der Vergabe von Pfründen, insbesondere von
Pfarrpfründen den Vorzug geben könnten.”23 Eine praktische Wirkung haben
diese Vorstellungen freilich nicht üben können.
Bekanntlich ist es im gesamten Mittelalter zuvor ebenfalls niemals
gelungen, die Pfründen der Kirche, sei es in den Städten oder auf
dem Lande, durch die Durchsetzung entsprechender Normen denitiv
an eine universitäre Qualikation zu binden. Auch die Kirchen der
Reformation haben das zunächst nicht geändert, wenn auch das neue
Verständnis des Pfarramtes als Amt der Wortverkündigung ein theologi-
sches Studium allmählich immer stärker und schließlich unausweichlich
nötig machte. Auch die Katholische Reform hat auf dem Konzil von
Trient in dieser Hinsicht mit der Einführung derSeminarien dann wei-
tere Schritte zur Akademisierung ihrer Priesterschaft gemacht.
Im Mittelalter tat sich an den Kirchen vorwiegend der städtischen
Gemeinden im Spätmittelalter noch ein weiteres Feld auf, das den
Universiätsabgängern zwar nicht ausschließlich und konkurrenzlos, aber
doch faktisch bevorzugt eine Versorgung und eine gewisse Karriere
öffnete: die Predigerstellen an den großen Kirchen, die in breiter Front
gestiftet wurden. Jan Hus predigte in Prag an der Bethlehem-Kapelle,
Gailer von Kaisersberg am Straßburger Münster, Gabriel Biel am Dom
zu Mainz. Diese Möglichkeit, von einer Praedikatur aus, die natürlich
entsprechend durch Pfründen abgesichert war, durch eine intensive
Predigtverpichtung auf eine Gemeinde einzuwirken, war vielfältig und
sehr unterschiedlich organisiert,24 es zeigt sich aber auch hier zumindest
die zunehmende Bedeutung akademischer Bildung und der Bedarf an
nichtjuristischer Qualikation in der Gesellschaft.

23
Acta reformationis catholicae ecclesiam Germaniae concernentia saeculi XVI,
Bd. VI, hrsg. von Georg Pfeilschifter, Regensburg 1974, S. 348-380, Zitat S. 359: Nulla
re magis ecclesiae publicaeque utilitati consuleretur, quam si summus pontifex et collatores ordinarii
secundum concilii Basiliensis placita academiis purioribus et incorruptis [!] potestatem facerent signi-
candi eis subinde viros litteratos ad regendum ecclesias idoneos, quos ipsi quibuscumque aliis minus
idoneis in collatione beneciorum et praesertim parochialium ecclesiarum praeferrent . . .
24
Dazu etwa Jürgen Miethke, Karrierechancen eines Theologiestudiums im Spät-
mittelalter, in: Gelehrte im Reich, Zur Sozial- und Wirkungsgeschichte akademischer
Eliten des 14. bis 16. Jahrhunderts, hrsg. von Rainer Christoph Schwinges (Zeitschrift
für historische Forschung, Beiheft 18), Berlin 1996, S. 181-209, bes. S. 203-209 [ jetzt
in: Miethke, Studieren an mittelalterlichen Universitäten, Chancen und Risiken,
Gesammelte Aufsätze (Education and Society in the Middle Ages and Renaissance,
19), Leiden-Boston 2004, S. 97-131, bes. 123ff.].
nichtjuristische karrieren von universitätsbesuchern 355

Insgesamt hatte der Aufschwung der Universitäten im späteren Mit-


telalter eine gewisse Überproduktion an universitärer Qualikation zur
Folge. Dies führte schon im 14. Jahrhundert zu einer gewissen Enge bei
der Versorgung der Universiätsabgänger auf den verschiedenen Ver-
sorgungsmärkten, auch auf dem Pfründenmarkt und in gewisser Weise
auch im städtischen Bereich. Die bekannte Äußerung des avignone-
sischen Papstes Urban V. ist ein nicht zu übersehender Hinweis. Der
Papst verteidigt die Gründung von Kollegien für Studenten gegen den
Vorwurf, man dürfe die Zahl von Klerikern nicht über den sichtbaren
Bedarf hinaus in die Höhe treiben: “es sei sehr wünschenswert, daß gute
Leute in der Kirche Gottes im Überuß zur Verfügung stünden; auch wenn nicht
alle (Stipendiaten) künftig eine Pfründe erhalten könnten, so würden sie doch dann
viele zu Ordensleute, viele zu Weltleute und viele zu verheirateten Laien, und selbst
wenn sie zu Handwerkern würden, so würde ihnen ihr Studium doch nützen,
denn sie wären eher durch Argumente zu überzeugen und exibler zu verschiedener
Tätigkeit geeignet ”.25
Für die Städte fehlt uns eine entsprechend optimistische Äußerung.
Doch hat man im 16. Jahrhundert keineswegs aufgehört, Universitäten
neu zu gründen und damit die Frequenzen von Universitätsabgängern
zu erhöhen. Schon damals also ist die Überproduktion von universitä-
rer Qualikation ein zumindest mögliches Problem geworden. Unser
Rundblick hat kein rauschendes Erfolgsbild vor unseren Augen entrollt.
Gleichwohl, so meine ich, zeigte sich ein gesteigertes Niveaus von
Bildung und zugleich eine deutliche Vermehrung der Chancen, die
durch ein Studium zu erringen waren. Das scheint mir insgesamt für
die mittelalterliche Universitätsgeschichte symptomatisch. Daß ich daran
hier erinnern durfte, war mir eine Freude.

25
Informationsprozeß zur Heiligsprechung Papst Urbans V. (†1370) von 1390 (ed. J. H.
Albanès und U. Chevalier, in: Actes anciens et documents concernant le bienheureux
Urbain V, pape, sa famille, sa personne, son ponticat, ses miracles et son culte,
Paris/Marseilles 1897, Bd. 1, S. 414 (Nr. 131): Item quod dictus dominus Urbanus tqantum
intendit et intendebat procere proximis ut dum aliquando sibi diceretur: ‚Quare facitis vos tot clericos
et studentes et cotidie eorum numerum ampliatis?‘ idem dominus Urbanus dulcissime respondens dixit
etr dicebatr, quod multum erat appetibile et ipse appetebat quod bone persone in dei ecclesia habun-
darent, et licet non et licet non omnes illi quos tenebat in studio essent futuri ecclesiastici beneciati,
tamen essent multum [lies multi?] religiosi et multi seculares et uxorati, ita quod ad quemcumque
statum devenerint, etiamsio venirent ad opera mechanica, semper prfuerit eis studium et essent melius
docibiles et magis apti.
CONCLUSION

Jacques Verger

Organisé conjointement par le European Union cross Identity Center (EUXIN)


dans le cadre du programme Culture 2000 de l’Union européenne et par
l’université Paul-Valéry – Montpellier III, ce colloque sur l’université et
la ville au Moyen Age et au XVIe siècle s’est avéré d’une grande richesse
et si les seize communications entendues n’ont pu couvrir l’ensemble du
champ chronologique et géographique indiqué1, elles ont en revanche,
me semble-t-il, bien posé les grandes lignes d’une problématique dont
la permanence ne serait pas difcile à démontrer.
À dire vrai, la fécondité du thème retenu ne faisait guère de doute.
Les médiévistes en particulier, lecteurs de Jacques Le Goff, savent depuis
longtemps que l’université a eu, dès sa naissance, partie liée avec la
ville2. Est-ce à dire pour autant qu’il s’agit d’un rapport simple et univo-
que ? Certainement pas, car il est non moins évident que l’université –
jadis comme aujourd’hui – n’a pas la ville – et encore moins la ville
où elle est établie – pour unique horizon. Trois remarques de bon sens
sufront à le montrer.
D’abord, l’université se veut porteuse d’une culture par essence uni-
verselle ou au moins européenne, même si les déterminations nationales,
voire locales, y pèsent d’un poids incontestable depuis les débuts des
temps modernes, voire depuis les origines médiévales de l’institution.
Ensuite, l’université possède une aire de recrutement, tant de ses
maîtres que de ses étudiants, qui peut être plus ou moins large mais qui,
en théorie au moins, dépasse voire ignore, surtout pour les périodes les
plus anciennes, les frontières nationales, ne se limitant en tout cas pas
à la seule population urbaine locale ; dans les universités médiévales
comme dans celles d’aujourd’hui, le recrutement purement autochtone
a pratiquement toujours été minoritaire : ruraux d’un côté, « forains » en

1
C’est pourquoi, dans cette conclusion, je me suis permis d’utiliser certains exemples
qui n’apparaissaient pas dans les communications ; les références en sont données en
notes ; pour les autres, on se reportera aux communications correspondantes.
2
Ce lien est, on le sait, un des leit-motive de Jacques Le Goff, Les intellectuels au
Moyen Age, Paris, 19852.
358 jacques verger

tout genre de l’autre ont toujours afué à l’université, ce qui explique


au demeurant bien des caractéristiques des populations universitaires
et des difcultés qu’elles rencontrent souvent dans leurs contacts avec
les citadins au milieu de qui elles vivent.
Au niveau institutionnel enn, il faut rappeler que les universités
ont été – et restent – fondées, garanties, nancées, contrôlées pour
l’essentiel non par la ville – encore que celle-ci ait son mot à dire –
mais par le prince ou l’Église, aujourd’hui la bureaucratie d’État,
même si, naturellement, c’était d’abord aux agents locaux du pouvoir,
tant laïcs (sheriffs, baillis et prévôts, juges et sergents) qu’ecclésiastiques
(évêques et chanoines), souvent proches sinon solidaires des populations
citadines, que les universités avaient concrètement affaire, au moins en
première instance.
Ces remarques élémentaires interdisent donc, d’entrée de jeu, de
traiter de l’université comme d’une institution urbaine comme une autre,
tels les métiers organisés en corporations par exemple. Le rapport de
l’université à la ville doit toujours être envisagé comme un élément dans
un ensemble plus vaste, celui de rapports sociaux et de jeux de pouvoir
où interviennent, à des échelles variables, des partenaires multiples.
Le problème est d’autant plus complexe que, par ailleurs, « univer-
sité » et « ville » ne sauraient être prises comme des réalités allant de
soi, répondant à des dénitions simples.
Sans vouloir tirer argument de l’extrême diversité des cas singuliers
pour refuser toute tentative de problématisation globale, il convient
d’abord de rappeler que l’université est elle-même, le plus souvent, une
fédération composite d’écoles, de nations, de facultés, de collèges, etc.
aux intérêts souvent divergents, y compris dans leurs rapports à la ville ;
il est clair par exemple que les facultés « professionnelles », qui formaient
juristes et médecins, s’intégraient plus aisément aux élites urbaines – ce
qui ne doit d’ailleurs pas faire croire a contrario qu’artiens et théologiens
aient été étrangers à tout espoir ou perspective de carrière également
professionnelle, localement ou non.
Quant aux villes universitaires, elles étaient de tout type et de toute
taille, ce qui permettait de multiples combinaisons : grande université
dans une grande ville (Paris), grande université dans une petite ville
(Oxford), petite université dans une grande ville (Florence), petite
université dans une petite ville (Cahors). On soulignera aussi que les
villes qui, au Moyen Age ou à la Renaissance, se sont principalement
distinguées par leur rôle industriel, commercial ou nancier (Gand et
Bruges, Londres, Rouen et Lyon, Barcelone et Séville, Gênes et Venise),
conclusion 359

ont été beaucoup moins propices aux implantations universitaires que


les capitales religieuses ou politiques.
Les institutions urbaines elles-mêmes ont-elles pesé ? Certes, on
trouve des universités importantes aussi bien dans des villes peu ou
pas autonomes (Paris, Orléans, Naples) que dans les cités-États quasi-
indépendantes de l’Italie communale. Mais, globalement, il a semblé
ressortir de certaines communications de ce colloque que c’était dans
les villes des pays méridionaux (Italie, Provence, Languedoc, pays de la
Couronne d’Aragon) qu’en vertu sans doute de l’ancienneté du dyna-
misme urbain et des traditions culturelles qui en découlaient, que les
universités se sont le plus précocement multipliées et ont trouvé l’accueil
le plus favorable, fondé sur une véritable communauté d’esprit : ainsi,
par exemple, à Padoue ou Pérouse.
L’université et la ville ne se sont pas forcément choisies l’une l’autre
et elles ont alors dû apprendre à vivre ensemble.
Bien sûr, certaines universités, surtout parmi les plus anciennes, ont
émergé « spontanément » dans telle ou telle ville, encore que les raisons
de cette émergence soient parfois bien difciles à deviner (à Oxford
par exemple). Mais bien souvent les universités ont été « plantées »
autoritairement par le prince dans la ville de son choix, choix qu’il ne
justiait généralement qu’en invoquant les lieux communs de l’amœnitas
ou accommoditas loci, ainsi que les supposées bonnes dispositions naturelles
des habitants (cf. les actes de fondation de Naples, Coimbra, Prague,
Vienne)3, mais, en réalité, ces implantations avaient dû être négociées,
souvent âprement, d’autant que la ville, volontiers méante, était de
surcroît conviée à participer au nancement de l’opération (ainsi à
Vienne, Heidelberg, Louvain, Poitiers, etc.)4.
On peut certes invoquer des cas où la ville elle-même a fortement sou-
tenu, voire précédé ou amplié l’initiative princière (Lerida, Erfurt), mais

3
La célèbre lettre de l’empereur Frédéric II annonçant la fondation du studium de
Naples est sans doute un des premiers documents à user ouvertement de ce topos : quibus
[scolaribus] ad inhabitandum eum locum concedimus ubi rerum copia, ubi ample domus et spatiose
satis et ubi mores cuiuscumque sunt benigni et ubi necessaria vite hominum per terras et maritimas
facile transvehuntur (Storia della università di Napoli, Naples, 1924, réimpr. Bologne, 1993,
p. 214).
4
L’importance du nancement urbain est par ex. bien mis en valeur pour le cas
de Louvain dans Jacques Paquet, Salaires et prébendes des professeurs de l’université de Lou-
vain au quinzième siècle, Léopoldville, 1958, pour celui de Poitiers dans Robert Favreau,
« L’université de Poitiers et la société poitevine à la n du Moyen Age », dans Les
universités à la n du Moyen Age, éd. par Jacques Paquet et Jozef Ijsewijn, Louvain, 1978,
p. 549-583.
360 jacques verger

on peut leur opposer d’autres cas où les efforts des magistrats urbains,
non relayés par le prince, se sont avérés insufsants pour aboutir (Lyon)5,
et même des cas où les groupes dominants de la société urbaine ont
efcacement et durablement freiné, voire empêché, l’implantation
universitaire (Barcelone)6. Bref, ce qu’on pourrait appeler le « désir
d’université », qui fait qu’aujourd’hui il n’est guère de ville de quelque
importance qui ne cherche à avoir « son » université, parfois au mépris
de toute rationalité politique ou géographique, n’existait pas encore vrai-
ment dans les sociétés européennes du Moyen Age et de la Renaissance,
même si on en approchait déjà en Italie du Nord et en Toscane. En
revanche, l’idée que tout souverain ou même tout prince territorial de
quelque ambition se devait de posséder dans sa capitale ou à proximité
une université, au même titre qu’une cour de justice souveraine, une
Chambre des comptes ou une armée permanente, est clairement expri-
mée dans certains actes de fondation et trouve son illustration concrète
sur la carte des nouvelles implantations universitaires d’Allemagne, de
France, de Scandinavie, d’Europe centrale au XVe siècle7.
De cette université souhaitée ou imposée, qu’attendait la ville qui
l’accueillait ? Il faut distinguer, me semble-t-il, les bénéces indirects et
parfois difcilement mesurables et les implications politiques et sociales
immédiates. Au titre des premiers, elle pouvait escompter une certaine
relance de la vie économique avec l’afux de nouveaux consommateurs
(médiocrement solvables, il est vrai, et bénéciaires de privilèges et
exemptions scales diverses) et de nouveaux métiers (ceux du livre) et
ofces (bedeaux, messagers)8, afux particulièrement apprécié dans les
villes aux prises avec le déclin de leur économie traditionnelle fondée

5
Cf. René Fédou, « Imprimerie et culture : la vie intellectuelle à Lyon avant l’appa-
rition du livre », dans Cinq études lyonnaises, Paris-Genève, 1966, p. 9-25.
6
Cf. Claude Carrère, « Refus d’une création universitaire et niveaux de culture à
Barcelone : hypothèses d’explication », Le Moyen Age, 85 (1979), p. 245-273.
7
Cf. la formule du Dauphin Louis dans la charte de fondation de l’université de
Valence du 24 juillet 1452 : « Nous jugeons nécessaire et convenable d’instituer en notre
pays, sur les terres à nous soumises, une université où l’on enseignera la théologie, le
droit canonique, le droit civil, la médecine et les arts libéraux ; il n’est guère en effet
de prince sur les domaines de qui n’ait été fondée une université ; or il n’y en a pas
dans les nôtres . . . » (cité et trad. dans Jacques Verger, « Les universités européennes
à la n du XVe siècle », dans Les échanges entre les universités européennes à la Renaissance,
éd. par Michel Bideaux et Marie-Madeleine Fragonard (Travaux d’Humanisme et
Renaissance, CCCLXXXIV), Genève, 2003, p. 20).
8
Sur le succès de ce type d’emplois dans les populations urbaines, voir par ex. Lyse
Roy, « University Ofcers and the Universities’ Institutional Crisis : Caen (1450-1549) »,
History of Universities, 15 (1997-99), p. 103-122.
conclusion 361

sur le textile ou les foires (Oxford, Louvain)9. Surcroît de richesse, donc,


et peut-être plus encore surcroît de prestige au niveau « interrégional »,
voire national sur le plan culturel et politique ; la vocation de capitale
de ces villes s’en trouvait durablement renforcée. Mais la présence de
l’université pouvait avoir aussi des conséquences plus directes en don-
nant aux élites locales – ou au moins à certaines groupes au sein de
ces élites – les moyens de recevoir sur place la formation, notamment
juridique, et les diplômes lui permettant de jouer un rôle croissant dans
le gouvernement urbain ; en fait, avec l’essor de l’université, c’était
l’« idéologie communale » elle-même qui pouvait prendre une coloration
nouvelle, phénomène au demeurant complexe comme on le voit bien
en Italie où juristes et humanistes ont pu étayer aussi bien les courants
« démocratiques » du guelsme padouan que l’évolution autoritaire des
seigneuries urbaines viscontéennes ou médicéennes10.
De toute façon, la ville ne se contentait pas d’attendre passivement
les prots que pourrait lui valoir la présence universitaire ; elle s’effor-
çait d’obtenir de l’université elle-même ou du prince (l’Église est ici, de
plus en plus, hors jeu) un certain nombre de garanties en matière tant
d’ordre public (sans cesse menacé, pensaient volontiers les bourgeois,
par la turbulence étudiante) que de régulation de la vie économique
(faussée elle aussi, toujours selon les autorités municipales, par les pri-
vilèges scaux et autres des universitaires). Toutes les catégories de la
population n’avaient d’ailleurs pas le même regard sur les effets de la
présence universitaire et l’équilibre était donc souvent délicat à trouver,
faute d’unanimité chez les parties en présence elles-mêmes et surtout
si le prince, de son côté, essayait de proter de la situation pour régler
quelques vieux comptes avec l’autonomie municipale, comme on le voit
par exemple à Toulouse en 1332-36 (« affaire Ayméry Bérenger »).
Plaçons-nous maintenant du point de vue des universitaires, d’ori-
gine proche ou lointaine ; qu’attendaient-ils de la ville où ils étudiaient
ou enseignaient plus ou moins durablement ? Et d’abord, l’avaient-ils
choisie librement ? Il est presque impossible, surtout, pour les époques
anciennes, de saisir les raisons des choix personnels : la réputation de la

9
Pour Louvain, voir E. J. M. van Eijl, « The Foundation of the University of
Louvain », dans Les universités à la n du Moyen Age, cité supra n. 4, p. 29-41, et Edward
De Maesschalck, « The Relationship Between the University and the City of Louvain
in the Fifteenth Century », History of Universities, 9 (1990), p. 45-71.
10
Cf. Patrick Gilli, « Dictature, monarchie et absolutisme en Italie aux XIVe-XVe
siècles », Revue française d’histoire des idées politiques, 6 (1997) [Actes du colloque international
Dictature, absolutisme, totalitarisme, Paris, mai 1996], p. 275-290.
362 jacques verger

ville et de ses commodités jouait certainement un rôle et plus encore, et


de plus en plus à partir de la n du Moyen Age, le sage parti d’aller au
plus proche, au plus sûr et au moins coûteux, ce que rendait désormais
possible la multiplication des nouvelles universités, fussent-elles de renom
et d’importance assez minces. Mais d’autres facteurs pouvaient inter-
venir, qui nous échappent largement : sans même parler des religieux,
autoritairement envoyés ici ou là par leur ordre, il faudrait pouvoir
faire la part des traditions familiales, des sollicitations des camarades,
de l’attrait de tel maître fameux, de telle école, de tel collège ; nous
ne savons guère, malheureusement, de quelle information disposait le
jeune étudiant – et sa famille – pour xer son choix11.
De toute façon, la carte des universités européennes du Moyen Age
et de la Renaisance a surtout été dessinée, nous l’avons dit, par le
hasard et par la volonté des princes. On pourrait évidemment arguer
d’une exception, celle des « sécessions » universitaires par lesquelles, à
la suite d’un conit, tel ou tel groupe de maîtres et d’étudiants déci-
dait de partir et d’aller s’installer ailleurs, dans une autre ville où ils
comptaient, à tort ou à raison, trouver meilleur accueil. Mais, outre
que ces migrations volontaires sont rares, surtout après le XIIIe siècle,
elles ont abouti à autant d’échecs (Vicence, Verceil)12 que de réussites
durables (Cambridge, Padoue, Leipzig).
Une fois arrivés sur place, qu’attendaient en tout cas de la ville
maîtres et étudiants ? Surtout pour ceux d’origine proche ou locale, des
perspectives de carrières, la possibilité de rester dans la ville même une
fois les études achevées et de s’intégrer aux élites urbaines en trouvant
place dans l’administration municiplae, les tribunaux, les chapitres
cathédraux ou collégiaux, etc. On sait que, dans certains cas au moins,
ces espoirs n’étaient pas vains, même si des résistances pouvaient se
manifester13.
Mais de façon plus immédiate, les universitaires attendaient d’abord

11
Cf. Jacques Verger, « Géographie universitaire et mobilité étudiante au Moyen
Age : quelques remarques », dans Ecoles et vie intellectuelle à Lausanne au Moyen Age, textes
réunis par Agostino Paravicini Bagliani (Études et documents pour servir à l’histoire
de l’Université de Lausanne, XII), Lausanne, 1987, p. 9-23.
12
Pour Verceil par ex., voir L’università di Vercelli nel Medioevo. Atti del secondo Congresso
Storico Vercellese, Verceil, 1994, spéc. Irma Naso, « La ne dell’esperienza universitaria
vercellese », p. 335-357.
13
Voir par ex. le cas de Poitiers, bien évoqué dans Robert Favreau, « L’univer-
sité de Poitiers et la société poitevine à la n du Moyen Age », cité supra n. 4, spéc.
p. 568-571.
conclusion 363

de la ville qu’elle leur concède des bâtiments pour installer les écoles,
voire, de manière plus large et plus diffuse, un espace, un « quartier
latin » qu’ils puissent investir plus ou moins complètement, malgré les
contraintes du marché immobilier, an d’y vivre à leur aise selon les
modes de sociabilité jugés propices aux études et au travail intellectuel ;
ce processus avait démarré à Paris, on le sait, dès le XIIe siècle, on le
voit se reproduire à Prague, de manière spectaculaire, dans les dernières
décennies du XIVe. Il serait trop long de vouloir décrire ici, dans ses
aspects à la fois matériels et psychologiques, les caractères spéciques de
cette sociabilité universitaire qui n’était pas forcément la même que celle
des autres composantes de la population urbaine, ce qui était la source
d’innombrables malentendus et conits. Mais on peut facilement deviner
qu’aux exigences classiques de la vie quotidienne (se loger, se nourrir,
se distraire) venaient s’ajouter celles qui étaient propres à l’étude : trou-
ver des livres, accéder sans peine aux salles de cours, pouvoir prier et
assister aux ofces et aux sermons dans des oratoires et des chapelles
plus ou moins réservés, bénécier d’une certaine tranquillité enn, ce
qui exigeait notamment le départ des métiers bruyants et polluants ;
on connaît les plaintes des universitaires parisiens contre les bouchers
de Sainte-Geneviève14.
Enn et surtout, l’université attendait de la ville et de ses habitants
qu’ils respectassent ses statuts et privilèges, d’origine essentiellement
ponticale et princière. Ces privilèges, surtout judiciaires et scaux,
manifestement dérogatoires au droit commun des villes, posaient tou-
jours problème, mais les choses se passaient peut-être mieux lorsque les
universités avaient affaire à des interlocuteurs compétents et spécialisés
dans les affaires universitaires comme ces taxatores, reformatores, tractatores
studii et autres Savi allo studio que la plupart des villes universitaires
italiennes ont institués entre le XIVe et le XVIe siècle.
Ailleurs, notamment en France et en Angleterre, les universités
n’avaient en face d’elles que les représentants ordinaires du pouvoir
royal (sheriffs, baillis, sénéchaux, prévôts, etc.) et leurs agents d’exé-
cution (sergents et notaires) qui, écartelés entre leur triple qualité de
« conservateurs des privilèges universitaires » mais aussi de défenseurs des
prérogatives royales et de l’ordre public et enn, au moins de facto, de

14
Voir par ex. l’arrêt du Parlement du 7 septembre 1366 donnant raison à l’université
et aux collèges publié dans Chartularium Universitatis Parisiensis, éd. par Henri Denie et
Émile Châtelain, t. III, Paris, 1894, n° 1326, p. 153-155.
364 jacques verger

membres solidaires des élites urbaines locales, alternaient bien souvent,


de manière incohérente, indulgence résignée et sévérité excessive.
Rien, dans les rapports de l’université et de la ville, n’est donc
simple et ce colloque a certainement rempli son rôle en n’en cachant
pas la complexité. Mais cette constatation n’a rien de désolant. Une
trop parfaite intégration à l’échelon urbain local eut sans doute été
pour l’université facteur de sclérose et d’endormissement. N’est-ce pas
en afrmant sa spécicité, en veillant à préserver son rayonnement
propre, en essayant de garder les larges horizons qui sont ceux d’une
vraie culture savante, que l’université européenne – dût-elle en payer
le prix en termes de conits et d’inconvénients immédiats divers – est
vraiment elle-même ?
INDEX NOMINUM

Abbé Samson of Bury St Edmunds 56 Berruguete, Pedro 45


Acevedo 121 Bohatý (Nicolas) 86
Admont (Engelbert d’) 68 Bohuta (chanoine) 71
Afonso IV du Portugal (Afonso IV) 317 Bonet, Bernat 135
n. 27, 318, 320 n. 52 Boniface VIII 135, 262
Agas, Ralph 61 Botel, Henri 142
d’Ailly, Pierre 341 Brod (André de) 83
Albert le Grand 259
Albrecht II d’Autriche (Albrecht II) Camargo, Juan Ruiz 51, 109, 113
304, 304 n. 31, 307 Capodilista, Francesco 169, 169 n. 15
Albrecht III d’Autriche (Albrecht III) Capoue (Raymond de) 73
298-300, 303-307 Carpintero, Alfonso Rodríguez 42
Alexander IV 56 Carrare 163, 168, 171-172, 174, 197,
Alfonso III du Portugal (Alfonso III) 199-201, 203, 230
312, 316, 324 Cervera, Martín 31
Alfonso, Fernando 38 Chacón 11 n. 9, 19 n. 39, 20 n. 45, 21-
Alphonse IX 11, 11 n. 9, 12-13, 14 22, 46 n. 110, 53, 53 n. 125
n. 22, 17, 36, 97 Charles IV, empereur (Karl IV) 63-
Alphonse X le Sage 11-12, 17 65, 67, 69-73, 80, 209, 218, 218 n. 5,
Alvarotti, Pietro 174 226-227
d’Amaury de Bène 264, 264 n. 18, 265, Charles V 242 n. 16, 252, 252 n. 47
277-278, 283, 285, 287, 289 Charlot, Pierre 263, 272, 272 n. 60,
Anaya 10 n. 6, 31, 38, 41, 41 n. 94, 42, 283
121 Châtelain 239 n. 9, 260, 260 n. 10, 264
d’Aquin, Thomas 50, 259 n. 19, 266 n. 29, 267 n. 31, 268 n. 35,
d’Aragon, Jacques II ( Jacques II) 135 269 n. 39, 270 nn. 45-46, 50, 304
Archevêque Chichele 60 n. 32, 363 n. 14
d’Arezzo, Paolo 170 n. 18, 177, 182, Chiffoleau (Bernard) 90, 90 n. 79
218, 231 Cipolla, Bartolomeo 170
Assam, Bernabeu 139 Classen, Peter 343, 343 n. 5, 345 n. 8
Astorelli, Bartolomeo 174, 175 n. 35 Clément de VI 19
Auguste, Philippe 245 n. 28, 258, 263, Clément V 19, 26-27, 100, 100 n. 7,
266, 270, 272, 278, 283 206, 209, 315
Clément VII 19, 35, 35 n. 75
Balliol, John 59-60 Condulmer, Michele 172
Barberousse, Frédéric 258 Conti, Prosdocimo 169 n. 15, 174, 174
Barozzi, Pietro 170 n. 32
Bassano, Ludovico 172 Conversini, Giovanni 164
Benoît XIII (de Luna, Pedro) 19-20, 22, Cubells, Ramon 140
24 n. 50, 35, 37, 42, 42 n. 98, 50, 101,
113 n. 32, 115, 240 n. 9 da Ponte, Domenico 172, 176 n. 40,
Beralda, Gabriel 139 313
Bérenger, Ayméry 242 n. 15, 244 n. 25, Dandolo, Andrea 172-173, 173 n. 31,
245 n. 28, 246 n. 30, 247 n. 32, 248 174 n. 32
n. 37, 361 Dávila, Gil González 9, 9 n. 1
Bérout, Etienne 262, 265, 265 n. 21, de Anaya, Diego 10 n. 6, 41
267-269, 271-272, 277, 285 de Aranda, Pascual Ruiz 45
366 index locorum

de Arévalo, Garçia Ferrández 47, 47 de Villaescusa, Diego Ramírez 48


n. 112 de Villegas, Alfonso 118
de Brome, Adam 59 de Wessex, Alfred 55
de Camargo, Ruiz 39 n. 91, 113 de Wessex, Ethelred (Ethelred) 55
de Castilla, Sancho 16 n. 29, 113 Denie 135, 135 n. 4, 142, 182 n. 8,
de Clèves, Thomas (von Kleve, 183 n. 11, 189 nn. 26-28, 194 n. 51,
Thomas) 302-303 206 n. 3, 212 n. 18, 239 n. 9, 260, 260
de Corbeil, Gilles 264-265, 265 n. 21, n. 10, 264 n. 19, 266 n. 29, 267 n. 31,
266, 278, 286 268 n. 35, 269 n. 39, 270 nn. 45-46,
de Cuenca, Pedro Fernández 31 270 n. 50, 304 n. 32, 332 n. 14, 363
de Egleseld, Rob 60 n. 14
de Frías, Gonzalo 45 Denis du Portugal (Dinis) 309, 309
de Galos, Martín 118 nn. 2-3, 310, 315-317, 317 n. 27, 319,
de Grève, Philippe 263, 270, 272 319 n. 44, 320 n. 51, 324
n. 59, 283 Don João III 310
de Harvengt, Philippe 266 don Martín 29, 29 n. 61, 33
de Heredia, Beltrán 10, 10 n. 4, 12 Donato, Francesco 172
n. 12, 13 n. 15, 14, 14 n. 19, 15 n. 24, Donato, Pietro 168-169, 177
16, 16 n. 27, 17, 19 n. 36, 19 n. 40, Dotti, Dotto 173, 173 n. 31
22 nn. 47-48, 24 n. 50, 26 n. 55, 28 n. Dotti, Paolo 169, 170 n. 18, 173 n. 31
57, 34, 34 n. 73, 37 nn. 83-84, 42 n. Drahice ( Jean IV de) 69
99, 47 n. 111, 50 n. 118, 97 n. 2, 98 Durham, William 59
n. 3, 100 n. 7, 101 n. 8, 107 n. 25, 108
n. 26, 112 n. 27, 113 n. 31, 114 n. 33, Edmund, comte de Cornouailles 59
115 nn. 38, 40, 117 nn. 46-47, Edward II 56, 59
118 nn. 48-49, 122 nn. 53-56, 123 d’Espagne, Philippe V (Philippe V ) 144
n. 58, 124 nn. 63-64, 125 n. 65, 67, Eugène IV 20, 114
126 nn. 68-69, 127 nn. 73-74, 128
n. 75, 129 n. 77 Ferdinand IV 26
de la Porrée, Gilbert 345 Fernand II 105
de Lezze, Giacomo 171 Fernández, Alfonso 30, 33, 46, 114
de Logroño, Fernando Martínez 33 Fernando du Portugal (D. Fernando)
de Madrigal, d’Alfonso Fernández 42 316, 317 nn. 27-28, 318, 318 n. 37,
n. 99, 114, 114 n. 35 320, 320 n. 52, 321, 321 nn. 53, 56,
de Merton, Walter 59 322 n. 59, 324
de Molina, María 27 fray Berengario 28
de Palude, Luderus 302 Frédéric II 3, 135, 181, 186, 226, 359
de Panico, Antonio 172 n. 3
de Paris, Gilles 265-266-269, 281 Fulgosio, Raffaele 165, 201
de Portes, Simón 51
de Portogruaro, Nicolò 175 Gallego, Fernando 45
de Remolins, Gispert 139 Galli, Benedetto 177
de Sahagún 127 García et García 17 n. 30, 113 n. 29,
de Salamanque, Álvarez 121 115 n. 39
de San Daniele, Antonio García, Martín 31 n. 65, 33
d’Agostino 176, 176 n. 40 Giustinian, Giovanni 172
de Ségovie, Antonio Ruiz 42 Gómez, Pedro 31
de Stapleton, Walter 59 Görlitz (Vincen Nýdek de) 78-79
de Tolède, Gutierre Álvarez 10 n. 6, Granzogue ( Jean de) 71
109, 113 Grégoire IX 186, 241 n. 10, 261 n. 12,
de Toro, Pedro Fernández 110-111 268, 272, 272 n. 60, 278, 283
de Trastámara, Henri 122 Grundmann, Herbert 257, 342, 342
de Tuy, Lucas 11, 11 n. 8 n. 4
de Valence, Alfonso Rodríguez 37 Gubín (Nicolas de) 78 n. 45
index locorum 367

Házmburk (Zbynek Zajíc de) 88 Magno, Fernando 311


Henri III de Castille (Henri III) 18 Mahull, Bartomeu 139
n. 33, 36, 101 Maldonado, Rodrigo 120-121
Henri IV de Castille (Henri IV) Mann (Lazare) 71
122-123 Marcello, Pietro 168-169
Henriques, Afonso 312, 314, 324 Marsile de Padoue (von Padua,
Henri I 56 Marsilius) 351, 351 n. 17
Honorius III 184-185, 272 Martin V 22, 24 n. 49, 46, 50, 112
Horborch (Guillaume) 71 n. 27, 124
Hus ( Jean) 67, 81-82, 82 n. 53, 83, Martín, Andrés 20, 22 n. 46
83 n. 57 Martín, Martín 13, 13 nn. 16-17, 14,
Hus, Jan 82 n. 55, 354 14 n. 21, 17, 17 n. 31, 127 n. 72
Martínez, Alfonso 33, 33 n. 70, 46
Innocent III 266 Martínez, Bartolomé 51
Innocent IV 113, 268, 268 n. 35, 278 Michiel, Giovanni 172
Isner ( Jean) 81 Milío de Kromeríh 79
Moraw, Peter 148, 148 n. 11, 151 n. 20,
Jacques II 135-137, 139, 141, 156, 156 n. 34, 343, 343 n. 6
141 n. 26, 142 Moro, Ybo 34, 46
Janovice (Paul de) 74 Morosini, Adoardo 173
Jean Ier de Castille ( Jean I) 35-36, 101, Morosini, Albano 172
138 Mühlheim ( Jean de) 78
Jean Ier de Trastamare 29, 35 Münsterberg ( Jean de) 81
Jean Ier du Portugal (D. João I) Münzer, Hieronymus 16, 45, 45
323-324 n. 107
Jean II de Castille ( Jean II) 41, 42
n. 96, 49-50, 122-123 Nequam, Alexander 56
Jean XXII 3, 12, 209 Nicoloci, Micer Léonardo 51
Jean-Paul II 167
Ossó, Ramon 139
King Edward II 59
King John 56, 286, 288 Páleo (Etienne) 88
Kluoov (Hýnek Kluk de) 73 Pardubice (Ernest de) 69-70
Kríh (marchand) 77-79, 85 Pasqualigo, Daniele 172
Kuttner, Stephan 341, 341 n. 1 Pedro du Portugal (D. Pedro) 172, 318,
320, 320 n. 52, 323-324
Langton, Etienne 259, 266, 286 Pereyra 121
le Breton, Guillaume 266, 266 n. 28 Pérez, Alvar 109, 111
le Chancelier, Philippe 241 n. 11, 263, Pérez, Pedro 27, 106 n. 23
265, 265 n. 21, 270, 272, 272 n. 59, Pešlín (intendant) 71
283, 288 Philippe le Bel 247 n. 34, 262, 273
Le Goff, Jacques 202 n. 81, 257, 257 Pierre I 122
n. 1, 258 n. 4, 357, 357 n. 2 Pierre III 136
Leopold III d’Autriche (Leopold III) Pierre d’Aragon (Pierre IV) 137,
298-299, 307 137–138 n. 12
Lhotsky, Alphons 299 n. 9, 302, 304 Podivín (Nicolas de) 83, 83 n. 58
n. 31 Polcastro, Sigismundo 173
Libšice (Henri de) 69 n. 18 Ponticale, Curie 170, 192, 309
Lion, Vito 172 Prachatice (Christian de) 85
Loggan, David 61 Prague (François de) 69 n. 13
Lombard, Pierre 266 Prague (Grégoire de) 83
Louis IX 269, 271-272, 272 n. 60 Prague ( Jenek Vaclavu v de) 78
Louis VIII 266 Prague ( Jérôme de) 82-83
Luna, pape 37, 42, 50 Prague ( Jérôme de, camaldule) 82
368 index locorum

Priuli 164 Streda ( Jean de) 76


Protiva ( Jean) 84 n. 62, 85 n. 63, 88 Surian, Andrea 171, 173 n. 31

Randulfo 104-105 Terrero, Riesco 14, 14 n. 20


Ribi, Johann 298 Tomek (Václav Vladivoj) 66-67, 69
Ricardo 45 n. 108, 104 n. 15, 72 nn. 26, 28, 78 n. 45, 81 n. 51,
Richard I 56 87 n. 71
Rodríguez, Juan 38 Trevisan, Zaccaria 164
Rois Catholiques 16, 24 n. 51, 36, 113,
122, 127-129 Urbain VI 35
Romero, Alonso 14, 14 n. 22, 115 n. 37 Urban VI 147 n. 8, 344
Rossell, Joan 139
Rotlev (Martin) 76 Valdštejn (Voksa de) 86
Roudnice (Etienne de) 69 Venceslas IV 72, 80, 88
Rudolf IV 297-299, 301, 303, 307 Verger, Jacques 1, 181, 181 nn. 1, 3,
Ruiz, Antonio 37-38, 42, 42 n. 98 183 n. 9, 187 n. 24, 207 n. 4, 218
Rupert Ier conte palatin (Ruprecht I) n. 2, 237, 238 n. 4, 241 n. 11, 253
344 n. 52, 257 n. 2, 258, 258 n. 5, 259
nn. 7-8, 261 n. 15, 274 n. 76, 276
Salter, H.E. 58, 242 n. 17 nn. 78-79, 319 n. 43, 357, 360 n. 7,
Salutati, Leonardo de Coluccio 171, 362 n. 11
171 n. 23, 176-179 von Langenstein, Heinrich 303, 303
Sánchez, D. 13, 13 n. 18, 106 n. 23 n. 25, 305-306
Savonarola, Nicolò 173, 173 n. 31 von Pergau, Johann 302
Schweidnitz ( Jean Hoffmann de) 81 von Randegg, Johann 303
Secchi, Carlo 167
Sículo, Lucio Marineo 16, 20, 45, 45 Walter (médecin de Charles IV) 69
n. 107 Waynete Bishop of Winchester 60
Slepekov ( Jean) 72 Weitmile (Beneš de) 70 n. 20
Šmahel (František) 65, 69 n. 17, 75 Wel (Matthias) 70
n. 36, 82 n. 55, 83 n. 59, 86 n. 69, 88 Wyclif ( Jean) 88
n. 76, 89 n. 78
Sophie de Wittelsbach (reine de Zabarella, Francesco 165 n. 7, 172,
Bohême) 87 174-175, 175 n. 37, 176-177, 201
Štítné (Agnès de) 86 Zeno, Luca 173
INDEX LOCORUM

Alba de Tormes 28, 28 n. 60 n. 18, 316, 316 n. 25, 317 n. 31, 318,
Alcalá 16 318 n. 37, 319-320, 320 n. 51, 321,
Alcobaça 309, 322, 322 n. 59 321 n. 56, 322, 322 n. 61, 323, 344
Allemagne 16 n. 7, 359
Andalousie 12 n. 11, 112 Cologne (Kölner) 145 n. 1, 150, 150
Angleterre 104, 285-286 n. 17, 285, 349
Aragon (Aragonais) 35 n. 75, 108, 136, Constance (Konstanzer) 81, 83 n. 58,
142 84 nn. 61-62, 85 n. 63, 89, 229 n. 53,
d’Armuña, Baños y Peña del Rey 36, 341
99, 101 Coria 118
Astorga 99, 108 Cracovie 70, 189
Asturies (asturiennes) 12 n. 11, 112 Cuenca 31, 49, 49 n. 116, 188, 192 n. 45
Àvila 117, 124 n. 62
Dornelas 322
Badajoz 12 n. 11, 117-118, 118 n. 49
Bâle (Basler) 158 n. 45, 352-353, 353 El Puerto 102
n. 20 Emilie 259
Baños 36, 99, 101, 101 n. 8 Erfurt (Erfurter) 145, 145 nn. 1-2, 146,
Barcelone 2, 135, 137 n. 10, 138 n. 14, 146 nn. 5-6, 147, 147 nn. 7-8, 148,
143-144, 358, 360, 360 n. 6 148 nn. 9-10, 12, 149, 149 nn. 12, 14,
Bohême 63, 67, 80, 82-83, 87, 237 150, 150 nn. 15, 17, 151-152, 152 nn.
Bologne 3, 10 n. 6, 12, 16, 18, 41, 131, 23-24, 153, 153 n. 25, 154, 154 nn.
134, 137, 143, 164, 176 n. 40, 181, 26-27, 155, 155 nn. 30-31, 33, 156,
183-185, 190, 192 nn. 43, 45, 193, 193 156 nn. 35-36, 157, 157 nn. 39, 41,
n. 47, 194 n. 49, 196, 198, 198 158, 158 nn. 42, 44-45, 159, 159 nn.
n. 65, 199 n. 69, 201-202, 206, 215 46, 48-50, 160-161, 161 nn. 55-57,
n. 24, 217-221, 222 n. 23, 225, 228, 232, 344 n. 7, 349, 349 n. 13, 359
239 n. 7, 258, 258 n. 2, 259, 287, 332 Estrémadure 12 n. 11, 112
Bourges 288, 292, 353 Évora 322
Bruges 358
Florence 5, 172, 177, 179 n. 45,
Cahors 358 217-218, 229, 231, 231 n. 61, 232, 232
Cambridge 2, 56, 61-62, 239 nn. 7, 9, n. 65, 234, 327, 327 n. 2, 328, 328 nn.
240 n. 9, 243 n. 23, 258 n. 2, 362 3, 5, 330-332, 333 n. 19, 335, 338-340,
Cantalapiedra 110, 124 358
Carthagène 118, 137 n. 10
Castille 11 n. 9, 12 n. 11, 16, 25, 30, 35 Galice (galiciennes/Galiciens) 12 n. 11,
n. 75, 98, 108, 112, 117, 124, 133, 133 108, 112
n. 1, 136 Gênes 358
Castronuño 126 Guimarães 309, 322
Catalogne 138 n. 14, 139, 143
Cervera 144 Heidelberg 145, 151, 151 n. 20, 156
Chartres 261 n. 14, 262, 269-270, 274, n. 34, 183, 299 n. 8, 344, 344 n. 7,
276, 279-280, 283-288, 294 359
Coimbra 136 n. 7, 309, 309 nn. 1, 3, Hongrie 65
310, 311, 311 n. 12, 312, 312 n. 13, Huesca 134 n. 2, 137, 137 n. 10
313-314, 314 nn. 15-17, 315, 315 Husinec 67, 82
370 index locorum

Italie 5, 165, 205-206, 213 n. 20, 217, Orvietto 310


219 nn. 7-8, 224, 230 n. 58, 330 n. 10, Oviedo 10 n. 6, 49
335 n. 26, 359-361, 361 n. 10 Oxford 18, 361

Jaén 117 Padoue 163-165, 167-171, 172 n. 25,


174 n. 32, 176, 176 n. 40, 177-178,
Kaisersberg 354 179 n. 45, 181-188, 191, 192 nn. 43,
Kutná Hora 81, 83 45, 193-194, 194 n. 50, 195, 195
n. 52, 196, 196 n. 56, 197-198, 198
Lamego 322 n. 65, 199, 199 n. 69, 200-202, 202
Languedoc 138 n. 14, 185 n. 16, 239 n. 81, 203, 206, 229-230, 239 n. 7,
n. 9, 359 258, 332 n. 14, 359, 362
Leipzig 81 n. 52, 145, 145 n. 1, 150, Palencia 136, 136 n. 6
151 nn. 18-19, 153 n. 25, 156, 239 Paris (Parisius) 4, 12, 18, 62, 63 n. *, 64,
n. 7, 342 n. 4, 362 73, 89, 97, 124, 131, 136, 138, 164,
Leiria 310 237, 239 nn. 7-9, 240-241 n. 10, 241
Léon 11, 11 n. 9, 12, 12 nn. 10-11, 31, nn. 11, 14, 242 nn. 15-18, 243, 243
97, 106 n. 23, 108, 112, 123 n. 59, 126 nn. 19-23, 244 nn. 24, 26-27, 245
n. 68 n. 28, 247 nn. 33-35, 248 n. 38, 252
Lerida/Lérida 134, 134 n. 2, 135, 135 n. 47, 253 n. 52, 254 n. 53, 257, 257
n. 4, 136-137, 137 n. 10, 138, 138 nn. nn. 1-2, 258, 258 n. 3, 259, 259
13-14, 139-140, 140 nn. 23-24, 141, n. 8, 260, 260 n. 11, 261 nn. 14-15,
141 n. 25, 142, 142 n. 28, 143-144, 359 262-264, 264 n. 18, 265, 265 nn. 22,
Lincoln 57, 59-60, 245 n. 27 24; 266, 266 n. 27, 267-268, 268 nn.
Lisbonne 136, 258, 309-310, 315-316, 33-37, 269-270, 270 nn. 47-48,
318, 318 n. 37, 320, 323 271-272, 273-276, 276 n. 78, 277-296,
Litomyšl 64 300, 300 n. 11, 302-304, 307, 316
Londres 2, 237 n. 1, 358 n. 24, 348 n. 12, 358-359, 360 n. 5, 363
Louvain 4, 359, 359 n. 4, 361, 361 n. 9 Passau 305-306
Lusace 78 Peña del Rey 25 n. 52, 36, 99, 101
Lyon 56, 278, 292, 358, 360, 360 n. 5 Pérouse 182, 182 n. 7, 205-211, 211
n. 16, 212, 212 n. 19, 213-215, 218,
Matilla 126 232, 359
Mayence (Mainz/Mainzer) 159, 159 Perpignan 118 n. 49, 138
n. 49, 349 n. 13, 353, 354 Piove di Sacco 175
Medina del Campo 126 Plasencia 118
Monleón 27, 102, 126 Poitiers 266, 286-287, 345, 359, 359
Montpellier 134, 136, 138, 143, 225 n. 4, 362 n. 13
n. 33, 239 n. 9, 241 nn. 10-11, 14, 242 Pologne 65, 77
n. 17, 243 nn. 20-21, 23, 244 nn. 24, Porto 310 n. 9, 322
26, 248, 253 n. 51, 254 n. 53, 258, 258 Portugal (Portugais) 12 n. 11, 35 n. 75,
n. 4, 287, 357 108-109, 111, 136, 309, 309 n. 2, 310
n. 5, 314 nn. 14-15, 323-324
Naples 12, 135, 143, 181, 205-206, Prado 322
226, 258, 359, 359 n. 3 Prague 63, 63 n. 1, 64-65, 66, 67,
Navarre (Navarrais) 35 n. 75, 108, 276 68-69, 69 nn. 13, 17, 70, 70 n. 18, 70
n. 78 n. 19, 71, 73, 74 nn. 31, 33, 75, 75
n. 36, 77, 77 nn. 41-42, 78, 78 nn.
Olomouc 64 43-44, 80, 81 nn. 50, 52, 82, 83, 85,
Orléans 239 nn. 7, 9, 241 nn. 10, 14, 86 nn. 68, 70, 87, 88, 88 n. 74, 90,
242 nn. 17-18, 243 nn. 21-22, 244 145, 148 n. 11, 159, 183, 239 n. 7,
n. 26, 245 n. 28, 246 n. 30, 247 nn. 298, 298 n. 5, 302-303, 307, 354,
34-35, 248 n. 36, 249 nn. 39, 41, 252, 359, 363
254 n. 53, 277, 292, 359 Provence 295, 359
index locorum 371

Reading 56 Torres Novas 322


Romagne 259 Toscane 175, 182, 331-333, 360
Rouen 278, 290, 358 Toulouse 3, 144, 185, 240 n. 9, 241 nn.
10-11, 14, 242 nn. 15, 18, 243 nn.
Salamanque 9-10, 10 n. 1, 11, 11 n. 9, 20-21, 23, 244, 244 nn. 25-26, 245
12-13, 13 n. 15, 14, 14 nn. 21-23, 15, n. 28, 246 nn. 29-30, 247 nn. 32, 35, 248
15 n. 25, 16-18, 18 n. 35, 19-20, 24-28, n. 37, 254 n. 54, 258, 258 n. 4, 291, 361
28 n. 60, 34-36, 39 n. 92, 41, 42 nn. Tournai 286-287, 289, 293, 347, 347
97, 99, 43 n. 100, 45, 45 nn. 107-108, n. 10
46, 49, 50 n. 121, 53, 97, 97 n. 1, 98,
100 n. 7, 103-104, 104 n. 15, 105-106, Valdobla 102
108, 112, 114, 116-118, 118 n. 49, Valladolid 16, 18
119, 119 n. 50, 120-122, 124, 126-127, n. 33, 25 n. 51, 113, 114 n. 35, 129
129-130, 136, 192 n. 45, 258 Vénétie 166, 184, 186
Salzburg 305-306 Venise 167-168, 170-171, 227,
Saragosse 135, 137, 137 nn. 10, 12, 229-230, 233, 330, 358
138 n. 12 Verceil 182, 182 n. 7, 258, 362, 362 n. 12
Scandinavie 65, 360 Vicence 182, 184, 362
Sens 263-266, 270, 273, 282-283 Vienne (Autriche/Wiener) 18, 67 n. 8,
Séville 12 n. 11, 16, 358 70, 183, 293, 359
Sigüenza 16 Vltava 64, 68, 74, 76, 82, 89
Silves 322
Sousa 322 Wallingford 55
Strasbourg (Straßburger) 279, 354 Winchester 55, 60
Windsor 56
Tavira 322 Woodstock 56
Tolède 10 n. 6, 17, 107, 109, 113, 123, Wychwood 56
127
Torre de Moncorvo 322 Zamora 28 n. 59, 123-124
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